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N059 | AUTOMNE 2022 | SCÉNARIOS : DONJONS & DRAGONS, ALIEN, CTHULHU HACK, STAR WARS...
JEUDERÔLE MAGAZINE DOSSIER Woke n’ Rôle
SCÉNARIOS
FALLOUT LE JDR SORT ENFIN N° 59 | CH : 19 FS | BEL/LUX : 12,90 € - Septembre-octobre-novembre 2022
L 17843 - 59 - F: 12,00 € - RD
DE SON ABRI
EN CE MOMENT SUR ULULE ET KICKSTARTER
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AUTOMNE 2022 | 12 €
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JEUDERÔLE MAGAZINE
JEUDERÔLE N 59 MAGAZINE
' sur les romans de Michael Moorcock base
RETOUR SUR :
FALLOUT / MUTANT YEAR ZERO / L’ESSENTIEL DONJONS & DRAGONS / DONJON & CIE / ICRPG ...
Donjons & Dragons Alien Cthulhu Hack Star Wars
INSPI Exposition Armes & Armures Sandman
E G N I R I ASP YTELLonINter
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JEUDE RÔLE MAGAZINE
HIVER 2022 DANS LE PROCHAIN NUMÉRO : ENTRETIEN AVEC : DONJON PAPIER DRAGON... ON Y A JOUÉ : TORG, L’OEIL NOIR... DES SCÉNARIOS : D&D 5, WARPLAND... INSPI : VAMPIRE THE MASQUERADE : SWANSONG, THE GODDAMNED...
ET DES TAS D’AUTRES ARTICLES DONT ON NE PEUT PAS ENCORE VOUS PARLER.
EDITO
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JEUDE RÔLE
out augmente ! Votre magazine ne peut échapper plus longtemps à la tourmente de l’augmentation des prix des matières premières et de l’énergie En bon rôlistes que nous sommes, avec toujours un plan dans notre manche, nous avons pris les choses en mains. Cependant, en dépit des tests en négo’ réussis par notre cheffe de fab’, Céline, des connections ahurissantes de notre fixer, Sébastien, et de la remarquable bonne volonté de toute l’équipe (dont les points de karma sont au beau fixe), rien n’y a fait. Notre imprimeur a dû augmenter ses prix : 25 % de hausse depuis deux numéros ! Aussi, afin que la Rédac’ puisse continuer à faire paisiblement du jet-ski l’été, du côté du fort de Brégançon, nous devons répercuter une fraction de cette hausse sur l’édition imprimée de votre revue préférée. L’édition numérique reste, quant à elle, à 4,50 euros ! Pour la première fois de son histoire, JdR Mag est donc un poil plus cher qu’un paquet de clopes... Maigre consolation. Si elle reste inoffensive pour vos poumons, la revue ne promet rien pour votre santé mentale. Elle a déjà bien assez à faire avec ses rédacteurs, ses fans et ses moins fans.
Bien ludiquement, Jawad Boukhari http://titam-france.fr/jeux-de-role/ categorie-produit/jdrmag/
MAGAZINE
Jeu de Rôle Magazine est publié par Titam, 95 rue Sedaine, 75011 Paris. N0 59, automne 2022. Direction de la publication : Jean-Luc Boukhari Président d’honneur : Guillaume Besançon Direction artistique : Sébastien Lhotel Rédacteur en chef : Sébastien Célerin Rédacteur en chef adjoint : Yannick Leclerc Secrétaire de rédaction : Ludovic Chevalier et Nicolas Dausse Relecture : Ludovic Chevalier et Nicolas Dausse Chef de fabrication : Céline Antoine Couverture : ©2022 Bethesda Sofworks LLC, ©Arkhane Asylum Publishing pour la version française. Ont collaboré à ce numéro : Nicolas Bernard, Vincent Blanchard, David Camus, Pierre-Olivier Cervesi, David Chapoulet, Isabelle Collet, Coralie David, Arnaud Cuidet, Éric Dedalus, Fabien Fernandez, Patrick Janniaud, Jérôme Larré, Hervé Lesueur, Rémy Lucot, Florent Martin, Nicolas Tauzin et Frédric Toutain. Contact : http://titam-france.fr/contact/ ou sur notre page Facebook : www.facebook.com/JDR.magazine Imprimerie : Imprimé chez Dupliprint Mayenne (France) Diffusion Presse : MLP, 55 Boulevard de la Noirée, 38070 Saint-QuentinFallavier Diffusion Boutique de jeux : Novalis, 91 rue Tabuteau, BP 245, 78532 Buc Cedex. Il faut demander Lionel au 01 84 73 09 21 ou via [email protected]. Toutes les illustrations sont ® leurs auteurs et éditeurs. Les manuscrits et illustrations non-sollicités ne sont pas renvoyés. Toutes les illustrations originales et les noms des produits mentionnés sont la propriété pleine et entière de leurs auteurs et éditeurs respectifs. Toute reproduction ou diffusion, même partielle, est interdite sans accord écrit de leur éditeur. Certificat d’inscription CPPAP : 0223K89640 Dépôt légal : à parution ERRATA 56 Vous aurez peut-être noté un oubli dans ma critique de Kult – Divinité Perdue, parue dans le N°56. Au fil des relectures, un mot a disparu. La note 4 renvoie à la phrase « Or la VF retenue est l’édition caviardée destinées aux boutiques ».
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NOTULES LUDIQUES 5 NOTULES LUDIQUES
ENTRETIEN
16 ENTRETIEN 16 Rencontre avec Lapin Mateau
20 DOSSIER
DOSSIER
21 Dialogue (pas si) imaginaire 23 Wokisme, JdR et panique morale 28 49,6 % de femmes sur Terre 32 Michtims ou meschne ?
33 ON Y A JOUÉ, ON A AIMÉ !
ON Y A JOUÉ, ON A AIMÉ !
33 L’Essentiel D & D 36 Fallout 39 Mutant Year Zero 44 Donjon & Cie 48 ICRPG
SCÉNARIOS & AIDES DE JEU
4| Jeu de rôle magazine n°59 - Automne 2022
14 Billets d’humeur
51 SCÉNARIOS & AIDES DE JEU 51 Scénario D & D : Une bonne leçon 62 Scénario Alien : Elysium X-17 79 Scénario Cthulhu Hack : Terreur sur Périgueux
INSPIRATIONS
90 Aide de jeu L5R : Hyakumonogatari 92 Scénario Star Wars : Entrailles
102 INSPIRATIONS 102 Armes & armures 106 Sandman
ASPIRINE
108 ASPIRINE 108 Le storytelling 114 Vous entrez dans une auberge - ep. 10 115 Prochain numéro
LES ARCANES DES ÉLÉMENTS C
ette année, Mnemos fêtera les trente ans du jeu de rôle de l’occulte contemporain : Nephilim. Oui, les trente ans ! Que se prépare-t-il afin de célébrer dignement cette longévité rôlistique ? Une nouvelle saison pour Nephilim Légende, bien sûr, nommée Les Arcanes des Éléments. Que nous promettent Frédéric Weil et Fabrice Lamidey ? Mnemos a réuni autour d’eux une équipe de talentueux auteurs de Nephilim, vétérans, compagnons et nouveaux arrivants. Tous travaillent depuis des mois sous la férule bienveillante de Yannick Leclerc (quand il ne travaille pas à JdR Mag).
companion. Fabrice Lamidey et Frédéric Weil rêvent de ces livrets thématiques depuis la création de leur JdR !
DES ARCANES PAS SI MINEURS
5 CODEX POUR LES LIER DANS LES ÉTHERS
Cette nouvelle saison est en outre l’occasion de faire mieux connaissance avec les adversaires de Nephilim Légende que cette édition n’a pas encore détaillés : soient les Mystères, les Rose-Croix et la Synarchie. Au lancement de l’opération participative, ils seront proposés en un livre qui pourrait se transformer en trois ouvrages, sur le modèle de celui dédié aux Templiers : background, règles spécifiques, campagnes et/ou scénarios plus leurs aides de jeu.
Imaginez cinq codex, tout en couleur, un par Élément (le Feu, l’Air, l’Eau, la Lune et la Terre), dédiés principalement aux joueurs, c’est-à-dire contenant du matériel concret pour développer son rôle, ainsi que des inspirations (textuelles et graphiques) qui enrichiront le roleplay. D’une manière plus « méta », les codex élémentaires offrent aux Nephilim des moyens de réagir aux menaces de la 5e édition de cet univers. Ils renforceront leur sapience élémentaire. Chacun de ces ouvrages est une sorte de players’
D’autres ouvrages sont d’ores et déjà envisagés pour l’énorme troisième boîte dédiée. C’est le directeur artistique historique de Nephilim qui travaillera sur cette collection : Franck Achard. Nicolas Camiade sera en outre de la partie, ainsi que d’autres artistes que la campagne permettra à l’éditeur d’inviter sur ce projet. Cette aventure est prévue autour d’octobre-novembre 2022. Elle pourrait même avoir déjà commencé au moment où vous nous lisez.
NOTULES LUDIQUES
NEPHILIM, SAISON III
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NOTULES LUDIQUES
NOC
Ce JdR sombre et oppressant rappelle le film Dark City et le JdR Retrofutur. Des siècles après l’arrivée d’un énorme artefact cosmique qui a littéralement encerclé la Terre, les hommes vivent dans des cités gigantesques régies par une administration totalitaire. Le livre de base est une réussite, dégageant une ambiance alambiquée et inspirante et dévoilant aux futurs MJ tous les secrets se cachant au cœur de l’Objet-Dieu. Lecture agréable et illustrations immersives. Que du bon ! Cet ouvrage n’est pas arrivé seul : un écran, des goodies, un recueil de scénarios, un guide de Prague (le cadre de jeu), et surtout, le début d’une campagne : Les Lueurs obsidionales. Tout ça est disponible en boutique, et le boulot continue. La suite de la campagne qui en effet en cours de rédaction, ainsi que les scénarios du Recueil de Configurations qui sera imprimé au premier semestre 2023.
QUE CONFIEZ-VOUS À LA VOIX ? Après Pour la Reine, Rituel, Donjons & Siphons et le Casse de Trop, la gamme de parlour games « For the Story » s’étoffe et surprend avec Audimat. Cette fois, vous êtes les candidats d’une télé-réalité. Élimination et star d’un soir sont au rendez-vous de ce jeu drôle, immersif et décalé.
6| Jeu de rôle magazine n°59 - Automne 2022
WARMACHINEHORDES RPG
La traduction d’Iron Kingdom Requiem devrait avoir (connaissant les succès et la fanbase du Studio Agate) été également financée il y a à peine quelques jours. Les Royaumes d’acier sont l’univers des jeux de figurines Warmachine et Hordes qui marquent de son empreinte ce secteur dominé par Games Workshop. En effet, depuis le début du siècle, cet univers violet et inventif est réputé pour ses miniatures magnifiques, son gameplay malin et ses illustrations de toute beauté. Cette nouvelle édition ne se concentrera pas que sur les humains. Les espèces emblématiques dans ce monde magico-steampunk sont enfin là : nains rhufolk, ogruns, trollkins et elfes iosiens ou nyss. Le livre de base présente l’histoire récente de leur monde, décrivant les nations qui après un conflit cataclysmique se reconstruisent et… s’affrontent déjà. Outre les règles spécifiques, vous pourrez incarner une de sept nouvelles espèces proposées qui se développeront dans cinq nouvelles classes. Il y aura en outre seize nouveaux archétypes et plus de vingt nouveaux historiques, plus de soixante-dix nouveaux sorts, des équipements mékamagiques et bien sûr les terribles scaraciers, ces automates animés par la puissance de la technologie et de la magie combinées. Bref, voilà un univers qui nous propose bien plus de nouveautés que quelques armes à feu. Ce premier livre sera accompagné d’une campagne de niveau 1 à 4 idéale pour faire ses premiers pas dans cet univers impitoyable et haut en couleur : la Légende de la Sorceflamme. Pour les amateurs de JdR tactique, les figurines sont exportées en France par Victoria Games.
RUMEURS DE TAVERNES Brancalonia Ce donjon « spaghetti » sera en boutique en novembre. Les petites frappes de l’État-Lie pourront alors y grappiller des tonnes d’or.
Le jeu des animaux sur deux pattes Hystoria est enfin disponible. Ce monde de dark fantasy qui nous propose d’interpréter des animaux anthropomorphes est magnifiquement illustré et bien écrit. Les espèces jouables sont très marquées et intéressantes à jouer. Ce jeu motorisé par la 5e édition propose en outre une réflexion et des règles intéressantes pour ce système de résolution qui manque de moyens dès qu’il s’agit de jouer des intrigues ou des relations sociales. Un ouvrage à lire et à posséder pour tout amateur de cette nouvelle édition du plus vieux système au monde.
Warpland Le nouvel OVNI ludique de Pattern Recog Edition, Warpland, est en boutique. Ce jeu OSR nous fait voyager dans un monde sauvage et distordu teinté d’une ambiance science-fantasy psychédélique au graphisme marqué. On a déjà une idée de scénario à vous proposer.
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NOTULES LUDIQUES
DANS LES PROFONDEURS Dans ce JdR à missions, nous jouons des éclaireurs aux pouvoirs zoomorphes. Les capacités animales de nos PJ nous sont d’un grand secours pour affronter les périls de Tyzalek, ce monde sauvage. Le système simple et flexible de ce jeu (carac’ + 2d8 contre une difficulté) laisse une part d’interprétation à tous les participants ; • Héros d’Argile a une promesse intrigante. Le duo créatif Angeldust (du très bon Damnés) nous propose cette fois d’explorer le quotidien des superhéros. Que fait Bruce Wayne entre deux missions ? Comment jongler entre les préparatifs du mariage avec Mary Jane et les responsabilités de Spiderman ? Qu’est-ce qui rend Superman si humain ? À l’aide d’un système dédié et narratif, ces questions existentielles trouvent des réponses. Le jeu est en boutique accompagné de livrets de setting et d’un jeu de cartes.
Posidonia continue son développement. Outre la publication en kiosque de notre confrère le magazine Architeutys, plusieurs jeux ont été publiés : • Terres de Matnak est écrit et illustré par Mysko alias Mathieu Myskowski et ses comparses. Le travail de Mysko est reconnaissable au premier coup d’œil et souvent très inspirant.
SETHMES SE PLIE EN 4 Sethmes arpente salons et conventions. Vous pourrez le retrouver à Octogone cette année. Son actu est brûlante : son premier jeu original a été livré aux souscripteurs et est désormais en boutique. Sethmes travaille sur plusieurs autres jeux en parallèle de son développement du fameux NOC.
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• L’Almanach Arcadien 4 pour Aventures dans le Monde Intérieur est en écriture. Il contiendra une description de la civilisation Agartha, ainsi qu’une campagne. • De nouveaux scénarios sont prévus pour Kémi, annonçant de profondes évolutions dans la gamme à l’horizon 2023-2024.
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RUMEURS DE TAVERNES Les petits animaux débarquent
Les arpenteurs de la 7e Mer pourront bientôt se procurer deux suppléments. • L’Héritage des Drachens reprend des scénarios de la première édition écrits par Benoît Attinost. Il met les PJ en situation de sauver la future impératrice d’Eisen, à moins… qu’ils n’en décident autrement. • Vers des Terres plus ignorées est un autre recueil de scénarios avec du contenu inédit pour la nouvelle édition qui nous permettra d’embarquer pour les côtes étranges de l’Ifri.
Root, le JdR a été une véritable réussite avec 74 000 € pour les peuples de la forêt. Ce jeu « Propulsé par l’Apocalypse » permet de vivre les histoires des animaux de la forêt aux prises avec l’empire des chats du célèbre J2S Expert du même nom. Pléthore de bonus et de goodies (cartes, plans….) vont donc voir le jour pour ce med-fan atypique.
LES OMBRES D’ESTEREN
10 ANS ET TOUTES… SES DENTS ?
L’artbook anniversaire des Ombres d’Esteren, intitulé Romantisme Noir, paraît en octobre. Il compile dix ans d’illustrations, ainsi que quelques inédits, qui retracent l’histoire de ce magnifique univers.
DU SAMOURAÏ 5 ÉDITION e
La direction d’Edge Studio change de mains (Michael Croitoriu remplace Gilles Garnier). L’Appel de Cthulhu, Midnight, Légende des 5 anneaux… se poursuivent. Prochain projet alléchant : Adventures in Rokugan. Prenez quelques samouraïs aventureux des sept clans majeurs, des ruines dangereuses et inexplorées, le système de la 5e édition de D & D et vous obtiendrez un L5A sous stéroïdes qui s’appelle Adventures in Rokugan. Sont également au programme du Studio d’autres projets accusant un peu de retard comme Genesys, le JdR générique avec les dés étranges à la Edge (comme StarWars ou la 5e édition de L5A), ou des projets tout frais comme l’écran Midnight mais aussi la nouvelle version de l’Anneau unique.
Réimpression des Encagés Des enquêtes fleuves, dans un monde contemporain (d’autant plus en France) motorisées par un système simple et efficace, ne sont pas légion. La qualité des Encagés, écrite par Tristan Lhomme et édité chez les XII Singes, a ravi les premiers souscripteurs. Mais rapidement la grosse boîte n’était plus disponible en boutique. C’est pourquoi l’éditeur a proposé cet été une réimpression de la bête sur Game on tabletop. Réussite totale qui a permis de débloquer de nouveaux paliers, notamment un index qui promet d’être bien pratique.
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NOTULES LUDIQUES
VAESEN
La nouvelle traduction de Fria Leagan chez Arkhane Asylum Publishing sera Vaesen ! Nouveau financement réussi pour l’éditeur des grosses licences anglophones pour ce JdR plus que prometteur. Motorisé par le Mutant Year Zero Engine, qui a fait ses preuves (Tales From the Loop, Alien… en attendant Blade runner), ce jeu vous propose d’incarner un chasseur de monstres mythiques invisibles dans l’Europe du Nord du XIXe siècle. Les vaesen ne sont pas des monstres. Ce sont des émanations de la nature qui perd du terrain face à l’industrialisation. Durant des siècles, humains et vaesen vivaient côte à côte voire alliés, mais l’homme fuit la campagne pour la ville, et les champs pour l’usine. Le lien est brisé, les vaesen deviennent dangereux. AAP a cette fois encore l’autorisation de proposer un contenu inédit pour le public francophone. Cette fois, ce sera l’Alsace mythique où les vaesen contre-attaqueront.
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RUMEURS DE TAVERNES L’Administration nous signale… Un jeu de plateau dans l’univers de NOC est en préparation. Nom de code : Diktat.
Une extension pour Oltréé Est arrivée en boutique, la première extension pour le jeu de plateau Oltréé, tiré du jeu de rôle éponyme. Pour plus d’info lire notre dossier du numéro 57 sur ces deux très bons jeux. Dans cette extension intitulée Morts & Vivants trois nouvelles Chroniques face aux forces obscures de la non-vie, six nouveaux ordres de mission, avec son terrifiant deck de péripéties thématiques, mais aussi une nouvelle mécanique de Langueur offrant un nouveau dé aux patrouilleurs.
RÉUSSITE CRITIQUE ?
Gigamic, l’éditeur de jeux familiaux propose un JdR des plus intéressant : Critical. À la manière d’une série TV, ce jeu propose une campagne prête à jouer, à la manière d’un Clé en main, s’appuyant sur de formidables illustrations couleurs. Le jeu commence par une première scène de roleplay au cours de laquelle les joueurs peaufinent leur pré-tiré. Il s’ensuit un enchaînement de scènes haletantes jouables en 30-45 minutes (voire davantage pour qui roleplay rime avec comédie). Grâce à ses épisodes didactiques et à ses illustrations immersives, ce jeu-campagne nous promet un récit inoubliable sans une once de préparation autre que quelques minutes de lecture avant chaque épisode. À jouer en épisode au bureau le midi ou le temps d’un long dimanche de JdR. Après un premier univers cyberpunk, le système de résolution de Critical sera utilisé pour d’autres univers, comme du med-fan. Et qui sait ? Ces jeux connaîtront peut-être une saison 2, voire 3.
Hawkmoon bulle L’autre grande saga de Mickael Moorcock arrive au format BD, chez l’éditeur Glénat. Hawkmoon suis donc les pas d’Elric dans cette nouvelle adaption. En parlant du porteur du joyau noir, les Sombres Maîtres nous susurent que le JDR éponymes devrait être envoyé aux souscripteurs dans le courant septembre.
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NOTULES LUDIQUES
LES XII SINGES N’OUBLIENT PAS LEURS GAMMES
Tout d’abord, pour Les Oubliés, un supplément sera en financement participatif fin septembre, début octobre. Intitulé Félons, il proposera deux scénarios plutôt sombres pour le JdR des petites fées, ainsi que de nouveaux sorts, et des règles de bottes de combat. Il y aura aussi des decks de cartes pouvoirs pour les sorts, pour que les joueurs puissent avoir leurs pouvoirs facilement sous la main. Ensuite, fin novembre, début décembre, nos bonobos préférés présenteront un financement participatif sur Libri Mundorum. Après Libri Monstrorum dédiés aux monstruosités indicibles, ces trois ouvrages pour Cthulhu Hack seront consacrés aux mondes de l’univers de Lovecraft. Chaque livre décrira en détail trois mondes pour une richesse de jeu inégalable.
NOUVEAU MASSACRE Open Sesame Games prépare la réédition du jeu Te Deum pour un massacre. Ce JdR écrit par nul autre que Jean-Philippe Jaworski, prend place lors d’une période sombre de l’histoire de France : les guerres de Religions du XVIe siècle. Le titre du jeu se réfère au massacre de la Saint-Barthélémy et au Te Deum que fit célébrer le pape en apprenant les faits. Ce massacre fut précédé et suivi de longues guerres civiles dont l’atrocité hante encore la conscience du pays. Le jeu est réputé très complet tant au niveau du contexte historique que des règles qui le motorisent. La version « amateur » est disponible sur la toile, et le jeu a déjà connu deux versions papier dont une très belle dans un coffret simili-cuir. On a quand même glané quelques infos sur la nouvelle version : elle sera en plus grand format que la précédente, inclura de très nombreuses nouvelles illustrations intérieures, un écran de jeu dédié. Les Chroniques des Guerres de Religions, qui contaient l’histoire des guerres civiles françaises jusqu’à la Saint-Barthélemy, feront l’objet d’un tome à part entière. Elles doublent de longueur et couvrent désormais également les trois décennies qui suivent, jusqu’à l’Edit de Nantes en 1598 (écrites par Romain Delplancq, sous la supervision de Jean-Philippe Jaworski). La campagne de financement devrait avoir lieu à l’automne 2022.
12| Jeu de rôle magazine n°59 - Automne 2022
VOYAGES EN ORIENT En novembre, les XII Singes lanceront le financement de la suite de la gamme Medium Aevum, le JdR médiéval po-fantastique. Celui-ci sera consacré à la Terre sainte. Plusieurs ouvrages sont prévus : un livre ressources sur le Proche-Orient moyenâgeux, un livre boîte à outils pour lancer des péripéties et/ou des scénarios dans le bassin méditerranéen ainsi qu’un troisième livre présentant en détail (illustrations, plan, PNJ, intrigues, etc.) une série de lieux à placer sur la route de personnages qui iraient d’Occident en Orient. Et après le plébiscite de son premier écran, Agathe Pitié (voir notre précédent numéro) sera de retour avec un nouvel écran pour mieux se plonger dans cette ambiance si particulière.
DRAGON EN BOUTIQUE
RUMEURS DE TAVERNES L’IA de Spark vous veut du bien Érune d’Arkada Studio est désormais en boutique. Ce dungeon crawler inspiré par Herosquest surclasse largement l’original tant au niveau du matos que des règles, sans compter que son App dédiée est une plus-value indéniable. Si vous cherchez un bon jeu pour casser du rat et du gobelin, monter de niveau et pouvoir enfin tâter de la liche, Érune est fait pour vous. Arkada Studio revient en septembre 2022 avec Spark Riders 3000. Cette fois, c’est dans l’espace que vous entendrez crier l’IA, puisque Spark est le vaisseau spatial équipé de l’IA la plus évoluée de l’univers. Votre mission sera de livrer de précieuses cargaisons aux quatre coins de la galaxie pour assurer la survie de l’humanité. Des pirates aliens et des environnements hostiles vous attendent. Seuls les meilleurs atteindront leur objectif en un seul morceau. Ce jeu hybride de tower defense et de survie propose à 1 à 4 joueurs de coordonner leurs actions afin d’assurer le succès de leur mission. Du très bon co’op !
Cette tétralogie est enfin en boutique. Quatre livres (Aventuriers, Grimoire, Créatures, Encyclopédie), quatre scénarios (Fort Ardracco, Le Chronolithe, Bienvenue à Griseflore, la Complainte du Papillon), ainsi que l’écran, le Guide du joueur et les deux cartes d’Eana et de la Cité Franche dans un coffret à… 200 €.
FRÈRES DES ÉTHERS L’univers de Nephilim : Fraternité se dote d’un magnifique jeu de plateau illustré par Franck Achard (à qui nous devons les premières couvertures du JdR et les cartes rares du JCC Kabbale) coopératif au terme d’une nouvelle précommande participative. Dans ce J2S, un à cinq Nephilim se confronte à des sociétés secrètes au cours de huit scénarios tirés des périodes historiques du JdR. Premier jeu du nouveau label Mnémos Modül qui invitera les joueurs à explorer les univers de cet éditeur de livres dans des jeux de plateau.
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NOTULES LUDIQUES
BILLETS D’HUMEUR
« La définition du “billet d’humeur” que l’on a communément est celle d’un article d’opinion, souvent court et généralement en première page dans la presse, qui présente de façon sarcastique ou humoristique un événement ou un sujet d’intérêt général susceptible d’attirer l’attention du lecteur, d’apporter une piste de réflexion. Il est par définition le lieu de l’indignation, du coup de colère. L’auteur du billet prend parti. Le ton peut être volontairement excessif, voire violent, afin d’en renforcer l’impact, puisque la quantité d’informations est telle que l’outrance semble nécessaire pour qu’un message soit remarqué. C’est une prise de parole individuelle – ou collective encore que sous un même pseudonyme – qui porte la marque d’un auteur. Le billet d’humeur est parfois proche en longueur de la chronique mais l’auteur y est plus présent. L’un comme l’autre peuvent appeler une réaction. Le lien fort avec le lecteur relève de la complicité. Celui-ci suit un chroniqueur et vient là pour rechercher sa marque, mélange de vision et ton. » – Les Cahiers de narratologie Humour et modernité dans les littératures de langues romanes du XIXe au XXIe siècle (2013), par Christine Di Benedetto, Maître de Conférence à l’Université Nice-Sophia Antipolis
ÉCOUTER DU JDR
YANNICK LECLERC
Je suis tombé un peu par hasard sur une chaîne Youtube nommée les Royaumes sans Lune qui s’est avérée contenir deux livres audios de thriller fantasy. Écrites et narrées par Tom Dervin, rôliste par ailleurs, ces histoires m’ont aspiré sans que je puisse m’y soustraire. Le premier, Le Porterune, a trouvé sa conclusion. Quant au second, La Rançon de la vertu, il est disponible jusqu’au chapitre XVIII au moment de mettre sous presse. Comme tout feuilleton, les chapitres sont mis en ligne au fur et à mesure que l’auteur les écrits. Je vous invite à vous plonger à votre tour dans les sombres méandres de ces aventures épiques inspirées de l’univers d’un jeu de rôle créé par l’auteur !
www.youtube.com + Les royaumes sans lune
MILITANTISME Je sirote un mauvais café à une terrasse trop fréquentée. Un couple genre « hipster » s’extasie, une table derrière moi. « J’adoooore cette série. — Carrément, j’ai envie de dire ! Les scénaristes sont fantastiques… » Ah ouais ? Sérieux ? Mais alors faites du JdR ! Combien de mondes explorés, combien d’années passées par les PJ et MJ à créer des millions d’histoires extraordinaires qui ne sortiront RÉMY STORYTELLER LUCOT jamais du cadre de nos souvenirs ? Vous ne savez rien de nous, car personne ne nous demande rien et que nous ne demandons rien à personne, mais sachez une chose : nous sommes… Le 10e art.
14 | Jeu de rôle magazine n°59 - Automne 2022
LE FIX
Le quoi ? Le fix di6dent de son patronyme complet a été créé en 2011 sous la forme d’une newsletter avant de prendre celle PIERRE-OLIVIER CERVESI d’un magazine papier, le très regretté Di6dent, dont le ton et les thématiques abordées, il faut bien le dire, manquent un peu dans le panorama actuel du JdR. Redevenu simple newsletter en 2017 après l’arrêt du magazine, le fix a conservé ce savoir-faire qui en fait une source d’infos des plus intéressantes : régularité, réactivité, des critiques fouillées, bien écrites et, ce qui ne gâche rien et fait la différence, toujours cette petite pointe d’humour rafraîchissante. À quand un retour dans les boîtes… aux lettres ?
RENCONTRE NOSTALGIQUE EN JIDÉRIE Il y a quelques dizaines d’années de cela, le jeu de rôle le plus populaire se jouait avec la THAC0 ou Toucher Classe Armure Zéro. Cette mécanique imposait à chaque lancé de dés de se plonger dans un tableau à double entrée pour savoir si le coup porté atteignait sa cible. Je vous laisse imaginer à quoi ressemblait une partie avec une telle mécanique à travers le prisme de notre regard moderne… Quelle ne fut pas ma surprise de retrouver ce vieux THAC0 dans un cirque de la rafraîchissante campagne The Witch beyond the Witchlight ! Il y survit comme un vieux clown cachant difficilement sa tristesse derrière un sourire maquillé. À la retraite, il ne réalise plus de performance comme en écho à la disparition de la mécanique. Vous le croiserez peut-être occupé à faire des bulles avec sa pipe, saluez-le de ma part ! ERIC DEDALUS
LA FICHE DE PERSO POUR JDR ASSISTÉ Il est désormais souvent incontournable d’utiliser les ressources de Roll20, Let’s role ou Foundry VTT (entre autres) pour jouer avec une équipe dispersée, ou en confinement… Amis éditeurs, proposez donc la fiche de perso en téléchargement pour ces supports. Cela incitera probablement les communautés à tester le jeu et à solliciter le développement des « rule sets », l’achat des divers modules et autres ressources numériques.
HERVÉ LESUEUR
L’IMPORTANCE DU RECUL DANS LA COMMUNICATION Chez JdR Mag, je collabore avec des passionnés impliqués dans toute la diversité de notre loisir. Ce qui nous anime ? La convivialité, le respect et la volonté de partager avec vous des sujets intéressants et d’actualité. Nous ne sommes pas à l’abri d’une interprétation malheureuse. Discutons-en alors en marge du Mag. Élevons le débat à travers une discussion bienveillante mais évitons les débats sourds et toxiques qui sont bien loin de la passion qui nous anime. Nous sommes convaincus de pouvoir compter sur des lecteurs motivés d’enrichir les pages du magazine ! Et vous êtes NICOLAS « YODAMISTER » toutes et tous bienvenus ! TAUZIN
LOZ THE EYE WIZARD* Avec mon pote Loz The Eye Wizard, on n’est pas d’accord. Pour lui, le JdR, c’est pas comme le cinéma ou la littérature. Il faut avoir peur pour son perso. La liberté d’action et la cohérence de l’univers sont les règles centrales. Pour Loz, les dés ne servent vraiment pas à faire du bruit derrière le paravent, mais à permettre une prise de décision arbitraire et juste. Ses JdR, c’est de l’OSR : tables aléatoires, Dé de vie… D’après lui, les scénars, c’est la mort du JdR. Bon, moi, je suis scénariste. Alors, forcément, je lui dis qu’un combat, c’est une adversité mais, que l’on sait que NICOLAS BERNARD les gentils vont gagner. Je lui parle d’héroïsme, que la mort d’un PJ doit être un moment inoubliable et intense. Qu’elle doit avoir du sens. Je lui parle de PBTA, de MJ qui triche pour que l’histoire soit belle. Il me répond : faux choix, dirigisme, faux enjeux, perte de plaisir. Bref. On n’est pas d’accord. Et pourtant, on discute, on argumente. Ça paraît fou, mais on continue, encore et toujours, de discuter. Que vous pensiez comme Loz ou comme moi, allez faire un tour sur son Facebook ou son Insta. Vous y découvrirez des super goodies de JdR signés de sa main. Des pochoirs qui claquent, des slogans de oufs, une créativité et un humour détonnant. En tout cas, moi, j’adore. The Eye Wizard, c’est la classe assurée sur une table de JdR !
* Mise en garde : dans ce billet d’humeur, l’auteur blanc cisgenre quadra se sert de son immense pouvoir et influence de rédacteur de cette revue pour faire la promo du travail d’un de ses potes. C’est un scandale honteux ! JdR Mag, c’est vraiment de la merde ?
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NOTULES LUDIQUES
“LAPIN MARTEAU RENCONTRE AVEC
ENTRETIEN
QUAND DEUX AUTEURS INDÉS DE LA PREMIÈRE HEURE ET INFLUENCEURS DES COMMUNAUTÉS EN LIGNE HISTORIQUES CRÉENT UNE MAISON D’ÉDITION, CELA DONNE UN LAPIN PAS SI MARTEAU QUE ÇA.
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onjour Coralie et Jérôme. Est-ce qu’en premier lieu, vous pouvez nous rappeler qui est le Lapin Marteau et quels ont été vos précédents forfaits ludiques ? Coralie David et Jérôme Larré (LM) : Lapin Marteau est une petite maison d’édition toulousaine dont nous nous occupons tous les deux. On publie à la fois des jeux de rôle, comme Ryuutama ou Château Falkenstein, et des recueils de conseils, comme ceux de la collection Sortir de l’auberge. Pour le reste, au fil des ans, on a collaboré de près ou de loin avec une quarantaine d’autres éditeurs et contribué à environ 150 livres de jeu de rôle ou à son sujet. Il nous arrive aussi d’accompagner des auteurs, de donner des cours de game design, d’animer des ateliers, ou de faire un peu de recherche (la thèse de Coralie et nos autres articles sont disponibles sur notre site). Bref, on aime le jeu de rôle. Alors vous faites dans le vintage et ressortez Château Falkenstein, un jeu ayant fait son buzz en 1995 puis presque aussitôt disparu. Pourquoi ce choix ? LM : en fait, c’est presque l’inverse. Le jeu est sorti à une période extrêmement difficile pour notre loisir et n’a alors connu qu’un succès d’estime dans notre pays (mais a été CORALIE DAVID primé et traduit dans de
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nombreuses autres langues). C’est après que s’est fait le bouche-à-oreille et qu’il obtint ce statut assez mythique, notamment grâce à ses nombreuses innovations et parce qu’un noyau dur de fans ne l’a jamais lâché. Mais pour revenir à ta question : pourquoi ce choix ? Parce que, justement, on est fans ! Malgré son âge, on y joue encore très régulièrement et nous savons qu’il n’a rien perdu de son intérêt ni de son charme. En fait, nous sommes persuadés que bien au-delà d’une éventuelle fibre nostalgique, Château Falkenstein mérite d’être redécouvert aujourd’hui, et même qu’il est devenu encore plus intéressant qu’il ne l’était déjà à l’époque. Nous comprenons que cela paraisse étrange, mais les rôlistes sont désormais bien plus habitués à l’imagerie et aux thèmes steampunk, il est beaucoup plus facile de trouver l’information ou les références qui nous manquaient alors grâce à l’arrivée du net et, surtout, le propos du jeu prend un sens nouveau et encore plus frappant maintenant que nous vivons à l’ère du numérique.
JÉRÔME LARRÉ
La quatrième de couverture annonce « C’est un jeu. C’est un roman ». Pouvez-vous nous expliquer ? LM : Une des spécificités de Château Falkenstein est que tout (règles et scénarios compris) y est décrit
par un narrateur très particulier, Tom Olam. Celui-ci vient de notre monde et a été aspiré par magie dans celui de Château Falkenstein. Il commence par son arrivée dans cette version alternative de nos années 1870, puis on découvre en même temps que lui que Jules Verne est le ministre de la Science du Second Empire, que la sorcellerie existe et est pratiquée par des ordres de thaumaturges, que les Faës, Nains et autres Dragons vivent parmi les humains. C’est aussi le cas de personnages de fiction comme Dracula ou Sherlock Holmes.
Les aventures de Tom sont ainsi faites qu’elles rendent la lecture du jeu très agréable et qu’elles permettent d’en découvrir les spécificités de façon progressive. On a vraiment l’impression de lire un carnet de notes tout droit venu de cette réalité alternative et on le dévore, effectivement, comme un roman. Mais rassurez-vous, cela ne se fait pas au détriment de l’ergonomie : le livre comporte ce qu’il faut de travail graphique et de découpage pour retrouver les informations aussi rapidement que dans n’importe quel manuel de jeu de rôle.
EN FAIT, NOUS SOMMES PERSUADÉS QUE BIEN AU-DELÀ D’UNE ÉVENTUELLE FIBRE NOSTALGIQUE, CHÂTEAU FALKENSTEIN MÉRITE D’ÊTRE REDÉCOUVERT AUJOURD’HUI, ET MÊME QU’IL EST DEVENU ENCORE PLUS INTÉRESSANT QU’IL NE L’ÉTAIT DÉJÀ À L’ÉPOQUE. Cette approche à un autre avantage qui devrait parler à de nombreux rôlistes, notamment ceux qui ont déjà fini la lecture d’un jeu en se disant « c’est génial, mais je ne sais pas par quel bout le prendre ». Ici, les aventures de Tom montrent une sorte d’angle de campagne par défaut, mais en ayant l’intelligence de ne contraindre personne. Celui-ci est un peu au croisement d’un James Bond victorien et d’un héros romantique échappé d’un récit de cape et d’épée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela déborde de style et de personnalité : démesure des grands empires européens, duels dans des salles de bal ou sur le toit d’un train, complots machiavéliques, créatures faëriques millénaires, passions exacerbées, abordages d’aérocroiseurs au-dessus du vide, inventions infernales, etc. Bref, c’est foisonnant, baroque et, de notre point de vue de fans au moins, assez grandiose !
Château Falkenstein Éditions Descartes 1995
Château Falkenstein Lapin Marteau 2021
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NOTULES LUDIQUES Ryuutama Première édition révisée 2018
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C’est la première fois que vous allez éditer une gamme entière (et conséquente). C’est un choix délibéré ou une obligation de l’éditeur original ? LM : en fait, on a déjà deux autres gammes en cours distribuées en boutiques, Ryuutama et Sortir de l’auberge, mais celle de Château Falkenstein est effectivement plus fournie. Un de nos objectifs clairement annoncés avec cette nouvelle édition française du jeu est de rendre la gamme dont on a été privés à l’époque disponible en français. Concrètement, cela signifie qu’on va essayer de publier le plus possible d’anciens suppléments. Mais on va également traduire quelques suppléments plus modernes qui nous semblent particulièrement pertinents. On a d’ailleurs déjà commencé à le faire. À l’heure où nous écrivons ces lignes, la gamme comprend déjà : • un livre de base, dans une version revue et améliorée, tant au niveau du texte que des illustrations ; • un écran exclusif à l’édition française, accompagné de L’Encore Moins Inconcevable Aventure du docteur Podélius, une version (très) enrichie du scénario écrit par Fabrice Colin en 1996 ; • Carabines & Margarine, un long scénario qui se passe également à Paris, sur fond de mouvement social faërique cette fois. Il est accompagné d’une aide de jeu sur la capitale et permet de jouer une nouvelle sous-espèce locale de Lutins : les Teuz ; • Variations sur le Grand Jeu, un supplément qui permet à la fois d’obtenir les principales variantes parues depuis la création du
jeu (sur les Talents notamment) et qui en propose de nouvelles, comme la possibilité de jouer des Automates. Enfin, on discute également avec l’éditeur original du jeu de la possibilité de faire de la création française. Nous avons déjà obtenu leur accord pour proposer des accessoires qui n’existaient pas jusqu’à présent (carte de Nouvelle-Europe, écran, scénario, etc.), mais pour ce qui est du développement de suppléments de contexte à part entière ou de nouveaux scénarios, cela dépendra du succès de la gamme.
Revenons un peu sur Sortir de l’auberge. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de théorie du jeu de rôle ? Les livres contiennent des conseils concrets ou faut-il avoir Bac + 5 pour comprendre ? LM : l’idée derrière la collection est simple et, de mémoire, assez proche de celle de votre rubrique Aspirine : notre loisir existe depuis cinquante ans, est extrêmement riche et nous sommes des millions à le pratiquer. On a donc beaucoup à gagner à s’intéresser aux pratiques des autres rôlistes et à se les approprier pour les intégrer à nos parties. Nos recueils ont pour seule ambition de permettre aux lecteurs d’y avoir accès de façon très concrète et de leur
UN DE NOS OBJECTIFS CLAIREMENT ANNONCÉS AVEC CETTE NOUVELLE ÉDITION FRANÇAISE DU JEU EST DE RENDRE LA GAMME DONT ON A ÉTÉ PRIVÉS À L’ÉPOQUE DISPONIBLE EN FRANÇAIS. CONCRÈTEMENT, CELA SIGNIFIE QU’ON VA ESSAYER DE PUBLIER LE PLUS POSSIBLE D’ANCIENS SUPPLÉMENTS. MAIS ON VA ÉGALEMENT TRADUIRE QUELQUES SUPPLÉMENTS PLUS MODERNES QUI NOUS SEMBLENT PARTICULIÈREMENT PERTINENTS.
ON A DONC BEAUCOUP À GAGNER À S’INTÉRESSER AUX PRATIQUES DES AUTRES RÔLISTES ET À SE LES APPROPRIER POUR LES INTÉGRER À NOS PARTIES. NOS RECUEILS ONT POUR SEULE AMBITION DE PERMETTRE AUX LECTEURS D’Y AVOIR ACCÈS DE FAÇON TRÈS CONCRÈTE ET DE LEUR DONNER ENVIE DE LES ESSAYER. donner envie de les essayer. Certaines techniques intéresseront plutôt les vétérans, mais on a fait très attention à ce qu’elles restent toutes très accessibles. C’est la raison d’être de ces recueils et on est très heureux de voir qu’ils servent aujourd’hui tout type de rôlistes, et que ceux-ci continuent à les utiliser dans la durée.
Bon, parlons maintenant de vous. Pouvezvous nous donner votre JdR emblématique ? Puis un jeu original qui vous a donné une grande claque ludique ? Coralie : pour ma part, si je ne devais en choisir qu’un, ce serait C.O.P.S. J’adorais l’ambiance si particulière de ce Los Angeles-là et avoir l’impression et d’y avoir toujours des milliers de choses à faire et à découvrir. Et puis, il y avait sa campagne à la longueur rarement égalée en français, certes avec ses défauts, mais où chaque saison amenait son lot d’émotions, d’action, de romance, de politique, d’amitié, d’enquêtes… En termes d’univers pur, je dirais Agone. Comme claque récente, ce serait plutôt Alice is Missing, pour son design et sa redoutable efficacité. Jérôme : mon style de cœur est le médiéval japonais, si possible historique, avec une
triple dose de drama. J’ai découvert ce genre avec Bushido, mais j’ai fini par me créer un jeu sur mesure et correspondant plus à mes goûts, Tenga. Sinon, on peut parler de l’horreur sociale façon Monsterhearts. Plus récemment, j’ai aimé la façon dont Long Haul 1983 donne corps à des notions que l’on peinait à expliquer, comme de proposer des mécaniques apparemment inutiles, mais riches en émotions ou de ritualiser les phases de jeu.
À quoi jouez-vous actuellement ? LM : Cela fait quelques années que l’on joue intensément à Château Falkenstein. Notre campagne actuelle doit avoir deux ans et est assez difficile à résumer, mais, pour les curieux, les carnets de nos joueuses sont disponibles sur notre site. On en a également une autre sur un jeu sur lequel on travaille, et Jérôme joue régulièrement sur la chaîne Captain JDR. On fait aussi plusieurs fois par mois des one shot pour tester ce qui sort. Dans nos coups de cœur de 2021, on peut citer Alice is Missing justement, ou ARC. Et pour finir, pourriez-vous nous révéler des choses sur l’un des plans secrets du Lapin Marteau ? Les rôlistes sont insatiables, alors c’est quoi le prochain projet ? LM : au moment où on écrit ces lignes, on est en train de finaliser Comme il faut, un supplément pour Château Falkenstein. On prévoit de sortir un autre supplément assez rapidement après. Enfin, on a mis en chantier un autre jeu pour la fin de l’année. On vous en reparlera avec plaisir si cela se concrétise.
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Propos recueillis par Nicolas Bernard
LAPIN MARTEAU SUR LE NET
www.lapinmarteau.com
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DOSSIER
WOKE N’ RÔLE
LE DERNIER NUMÉRO A SUSCITÉ L’ÉMOI D’INTERNAUTES, CHOQUÉS PAR UN BILLET D’HUMEUR. RAPIDEMENT, LES COMMENTAIRES SE SONT MULTIPLIÉS. LES UNS NOUS INSULTAIENT OU NOUS DICTAIENT LES EXCUSES QUE NOUS DEVRIONS PRÉSENTER. LES AUTRES APPLAUDISSAIENT UN PRÉTENDU COURAGE, COMME SI NOUS AVIONS ENFIN CREVÉ UN ABCÈS DONT NOUS IGNORIONS L’EXISTENCE. DE PART ET D’AUTRE, DE RARES TROLLS MOBILISÈRENT ÉVIDEMMENT « LEUR » RÉSEAU. ILS POLLUÈRENT SURTOUT NOS APP DE BIEN TROP DE NOTIFICATIONS.
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otre intention n’était pas de heurter tel ou tel. Il s’agissait de faire réagir sur un sujet qui revient de temps à autre. Ici ou là. Faut-il réécrire les JdR d’antan dont le sexisme ou les à priori xénophobes ont conduit à des stéréotypes invisibles aux yeux des adolescents des années 80 ? En effet, ces visions du monde, témoignage d’une époque, ne furent pas dénuées d’influence sur la vision du monde de ces futurs adultes ? Pour tout dire, les opinions de notre équipe sont très diverses sur de tels sujets de société. Autrement dit, lors de nos échanges, le pluralisme s’exprime. Non pas car nous souhaitons être modérés ou mous (selon les perceptions). C’est simplement la magie du JdR. Nous nous sommes rencontrés grâce à lui. Nous sommes divers, différents et avec des parcours socio-économiques, éducatifs et culturels qui ne présageaient pas de notre camaraderie sans la magie d’une table de jeux. Cela étant, un sentiment s’est exprimé, à tort selon nous : nous donnerions la parole plus souvent qu’à leur tour à l’expression d’une crainte imaginaire, d’un mirage en somme. Ce n’est ni notre intention ni notre sensation. Cependant, comme nous ne souhaitions heurter personne et
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encore moins donner le sentiment à quelques conservateurs haineux que nous sommes leur fer de lance, nous avons proposé à des rôlistes de venir s’exprimer. Curieusement, ceux qui s’exprimaient le plus sur les réseaux « sociaux » n’ont pas souhaité s’exprimer dans nos pages (ou exiger un droit de réponse quand il s’agissait d’associations). Nous donnons donc la parole à une autrice et un auteur de JdR qui ont accepté de publier l’une son regard sur le billet d’humeur en question, l’autre de témoigner de sa démarche quand il crée des personnages. Ces articles ne feront pas le tour des questions soulevées lors des échanges de juin dernier, mais nous espérons qu’ils sont un début constructif pour une prise de conscience chez nos détracteurs comme ceux qui ont pris au pied de la lettre l’interprétation fallacieuse de ces derniers. Le tout est précédé d’une intro imaginaire, car on ne se refait pas. Ni excuse ni démenti dans ces pages donc. Seulement la volonté de pouvoir mieux se comprendre grâce à un formidable loisir qui, j’en suis sûr, à cultiver la tolérance et l’ouverture d’esprit chez la plupart d’entre nous. Notre équipe sait que vous êtes de ceux-là, car vous nous lisez.
Sébastien Célerin
CE QUE NOUS PENSONS
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DIALOGUE (PAS SI) IMAGINAIRE
Moi Candide et Bourgeois : tu te rends compte comme les gens sur les réseaux sociaux s’emballent avec cette histoire de billet d’humeur. Moi Révolutionnaire Sympathisant avec Militants Radicaux : oui enfin vous l’avez bien cherché avec ce vocabulaire (woke et cancel culture)
MCB : certes c’était maladroit mais bon, c’est pas si grave. MRSMR : mais t’es con ou tu le fais exprès. On parle de minorités et de communautés dominées, exploitées et agressées depuis des siècles. Femmes, homos, noirs, arabes, trans… qui enfin ouvrent leurs gueules et se défendent. Et ça, ça t’emmerde.
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DOSSIER
DOSSIER : WOKE N’ RÔLE
MAIS PRENDRE UN COURT BILLET D’HUMEUR POUR PRÉTENDRE QUE L’ENSEMBLE DU MAG EST OPPRESSIF, C’EST FORT DE CAFÉ. CERTAINS SONT ALLÉS JUSQU’À DIRE QU’ON ÉTAIT TOUS MILITANTS D’UNE DROITE ULTRA ET QU’ON AVAIT UN AGENDA POLITIQUE.
MCB : non ça m’emmerde pas du tout. Mais je crois en la pédagogie. Ils ne pourraient pas défendre leurs droits et l’égalité plus calmement, dans le dialogue. Ça ne sert à rien de s’emballer, de devenir violent. MRSMR : comprend bien que la pédagogie ça ne marche pas tout le temps. Toi et ton petit cerveau fainéant, assis dans votre canapé, les pieds dans vos chaussons, tu crois que vous écouteriez leurs revendications s’ils ne criaient pas ? Sérieusement ? Dans les luttes, si les Martin Luther King c’est bien, c’est beau, il faut aussi des Malcom X. Faut secouer, choquer, revendiquer, exiger pour faire bouger les lignes. C’est inconfortable mais c’est essentiel. MCB : ok c’est vrai que cette radicalité oblige à réfléchir. Mais elle peut braquer également. Et c’est dommage. Les progressistes de tous poils se créent des ennemis à être trop radicaux. Et puis la question posée par le billet, elle s’entend. Il y a eu des dérives dans d’autres domaines, pourquoi le JdR en serait exempt ? Les histoires de traduction des poèmes d’Amanda Gordon ou l’affaire Xavier Gorce. Le mec pendant près de 20 ans il bosse pour Le Monde, il écrit une blague par jour et y’en a une qui ne fait pas rire, big, viré. MRSMR : ah non, tu ne vas pas te retrancher derrière l’argument de la minorité des cas où ça dérive. Oui il y a des cas discutables, voire des dérives dues aux milieux progressistes mais dans l’immense majorité des cas, les gens conscients des questions sur le sujet de la domination d’un genre, d’une culture, d’une époque… font avancer la société. MCB : certes. Black lives Mathers, Me too, c’est sûr que ça fait évoluer la société dans le bon sens. Mais prendre un court billet d’humeur pour prétendre que l’ensemble du Mag est oppressif, c’est fort de café. Certains sont allés jusqu’à dire qu’on était tous militants d’une droite ultra et qu’on avait un agenda politique. Que tout ça était calculé. Qu’on avançait lentement nos idées pour ressembler de plus en plus
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à un magazine comme Valeurs Actuelles et convaincre les rôlistes de devenir d’extrême-droite. MRSMR : ouais là j’avoue qu’ils vont trop loin. Déjà c’est nous donner beaucoup trop d’importance. Ensuite c’est mal connaître le fonctionnement d’une petite rédac bénévole (on a pas d’agenda, on sait déjà pas ce que contiendra le numéro d’hiver). Ensuite, la revue, elle est libre et ouverte. On fait et refait des appels à textes. SI VOUS VOULEZ PARTICIPER À JDR MAG, N’HÉSITEZ PAS et envoyez-nous vos scénars et vos articles. Pour tout dire, certains qui nous ont attaqués sur les réseaux, ont été invités, il y a plusieurs mois, à écrire dans nos lignes. On le redit « envoyez-nous vos textes ! ». Et puis, ces accusations, c’est oublier la tonne d’articles engagés qui ont été publiés par le Mag. Une semaine avant la tempête sur le billet d’humeur, le facebook du Mag relayait des articles sur l’écriture inclusive sur le compte nadg.itch.io, et une vidéo des Hauts et Débats sur l’inclusivité et les outils de sécurité émotionnelle en JdR. Certains commentaires étaient déjà très violents sur le fait qu’on politisait le JdR… Pfff… MCB : le plus triste ce sont les gens et les groupes qui nous ont bannis. Comment faire société si on est exclus dès le premier désaccord. C’est clivant et, pour le coup, à l’opposé de ce que devrait être un réseau social. Je crois vraiment à la pluralité et à l’échange. Y’a que comme ça qu’on avance. MRSMR : encore une fois je suis d’accord. J’aime lire les posts de comptes radicaux et revendicatifs. Ça fait réfléchir. Ça bouscule. Tant pis, on ne lira plus certains d’entre eux. Ça me peine mais on en trouvera d’autres. MCB : Newton aurait dit « l’homme construit trop de murs et pas assez de ponts ». Tu crois qu’avec le Mag on construit des ponts ?
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MRSMR : j’en suis sûr.
NICOLAS BERNARD
WOKISME, JDR ET PANIQUE MORALE UN BREF BILLET D’HUMEUR DU N° 58 DE JDR MAG A PROVOQUÉ PAS MAL DE VAGUES : DES RÉACTIONS CLIVÉES, DES INSULTES, DES LEÇONS DE MORALE ET DES INDIGNATIONS DÉTAILLÉES ET COMPÉTENTES CONTRE UN TEXTE DÉCRIT COMME RÉACTIONNAIRE, PROVOCANT DE MANIÈRE GRATUITE OU AU MINIMUM DE MAUVAISE FOI. QUAND ON RELIT CES 10 LIGNES POLÉMIQUES, ON PEUT SE DEMANDER POURQUOI ELLES ONT EU UN TEL ÉCHO. N’EST-CE PAS UNE ÉNIÈME ITÉRATION DU « ON NE PEUT PLUS RIEN DIRE » HABILLÉE DE MANIÈRE HUMORISTIQUE POUR NE PAS AVOIR L’AIR RÉAC ?
B
QUE DIT CE TEXTE ?
minations et aux préjugés raciaux et par extension, aux questions de genre et les sexualités. Il est maintenant devenu un élément de langage insultant et fourre-tout à cause duquel, selon ce billet, nous n’aurions plus le droit d’incarner un personnage relevant d’une catégorie sociale minoritaire (lesbienne) ou minorisée (noir, femme). Ce passage peut par exemple faire référence aux protestations qui s’élèvent dans le monde du spectacle quand on fait appel à des personnes du groupe social dominant pour incarner ces groupes minorisés.
À cause d’un courant de pensée qualifié de « Wokisme », nous risquerions de ne plus pouvoir jouer comme nous le voulons. Le wokisme était à l’origine aux États-Unis le fait d’être « en éveil » face aux discri-
Prenons l’exemple du film : La famille Bélier d’E. Lartigau en 2014. Il s’est vu reprocher d’avoir engagé des comédiens et comédiennes valides pour incarner des personnes
ref, le genre « relou » pour citer l’auteur, mais qu’on aurait envie laisser mourir dans le bruit de fond. Sébastien Célerin m’a invitée à répondre, d’une part parce que je connais le jeu de rôle (certes, plutôt celui d’avant les années 2000) et parce que je dirige à Genève une équipe de recherche travaillant sur les questions de genre en sociologie de l’éducation.
[LE WOKISME] C’EST UN LABEL QUI NOUS A ÉTÉ IMPOSÉ DE L’EXTÉRIEUR, UN MOT ÉTRANGER, RAREMENT DÉCRIT PAR CEUX ET CELLES QUI L’EMPLOIENT ET SUR LEQUEL LE PUBLIC PEUT PROJETER SES FANTASMES.
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DOSSIER
DOSSIER : WOKE N’ RÔLE
pas d’accord avec une pratique, ce n’est pas de la censure, c’est la base du débat. Paradoxalement, le « on ne peut plus rien dire / faire » a justement pour but de faire taire des critiques néoréactionnaires au nom du droit à la libre parole. Ce qui est vrai, c’est qu’on ne peut plus tenir impunément certains propos dévalorisant des personnes minorisées, car suffisamment de personnes sont maintenant « éveillées », c’est-à-dire en mesure de reconnaitre les propos discriminants et de le dire avec colère. D’ailleurs, si « on ne pouvait plus le dire », je ne serais pas en train d’y répondre.
EST-CE QU’ON AURA ENCORE LE DROIT DE JOUER DANS UN UNIVERS MEDFAN, « GENRE HÉGÉMONIQUE DU JDR » COMME LE DIT LE BILLET D’HUMEUR, ET INTRINSÈQUEMENT PÉTRI DE NORMES VIRILES (ET ACCESSOIREMENT VOLONTIERS RACISTES ET HOMOPHOBES) ?
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sourdes. En soi, rien de choquant : le propre de la comédie est d’incarner un personnage qui n’est pas soi. Mais ce choix a deux conséquences : d’une part, il laisse de côté des acteurs et actrices en situation de handicap pour lesquels les rôles ne se bousculent pas, alors que le film voudrait précisément sensibiliser le public aux multiples difficultés que les personnes sourdes rencontrent. D’autre part, il présente un langage des signes de théâtre, totalement incompréhensibles pour les personnes sourdes qui ont autant besoin que les personnes entendantes de lire les sous-titres. Quoi qu’il en soit, même si des voix se sont élevées, et même des voix véhémentes, contre le film, personne n’a interdit quoique ce soit. Dire qu’on n’est
Revenons au JdR, je vois mal comment quiconque dans l’intimité de votre salon pourrait bien vous interdire quoique ce soit autour de votre propre table de jeu. Et si une personne souhaite le faire et que ça vous gêne, eh bien, vous ne la conviez plus à proximité de votre paravent. Est-ce qu’on aura encore le droit de jouer dans un univers medfan, « genre hégémonique du JdR » comme le dit le billet d’humeur, et intrinsèquement pétri de normes viriles (et accessoirement volontiers racistes et homophobes) ? À vrai dire, le problème n’est pas de jouer dans un univers medfan. Des centaines de films se déroulent pendant la Deuxième Guerre mondiale sans jamais faire l’apologie du nazisme. La vraie question à
poser, c’est : peut-on faire, dans un univers medfan (ou autre), des parties décrivant avec complaisance des scènes de viol ou d’esclavage sexuel sous prétexte que l’univers est sexiste ? Certes je peux entendre qu’on se sente déstabilisé face à des personnes militantes qui expriment leur désaccord par des insultes, de l’exagération, ou des leçons de morale. Monter en épingle des propos incisifs, voire outranciers, pour décrédibiliser un mouvement est une forme de malhonnêteté intellectuelle. En outre, le monde du jeu en général n’est pas non plus un univers d’individus extrêmement civils qui ne dérapent jamais et il est plus confortable et moins risqué de dénoncer la manière dont les personnes minorisées veulent faire entendre leur voix : trop véhémentes, trop agressives, pas assez pédagogues… que de balayer devant la porte de sa communauté les insultes que crachent les membres les moins fréquentables. Il m’est arrivé en convention que les joueurs se plaignent auprès de l’organisation d’avoir été affectés à une table menée par une MJ. Est-ce que j’étais supposée expliquer poliment que malgré les apparences, j’étais compétente ? Eh bien à l’époque, c’est ce que j’ai fait et la Convention s’est très bien passée. Aujourd’hui, quand on m’insulte de manière aussi directe, je ne me montre plus compréhensive. Alors, c’est vrai, je gâche un peu la fête.
COMMENT EST REÇU CE TEXTE ? Le problème principal de ce billet d’humeur est l’utilisation du terme « wokiste ». De quoi parle-t-on vraiment ? Soyons claire, parce que je travaille sur les questions genre et intersectionnelles, la droite réactionnaire me considère comme une « wokiste professionnelle »… Pourtant, à aucun moment, mes collègues ou moi-même n’avons jamais utilisé ce terme pour nous définir. Il n’est pas non
plus utilisé dans les mouvements militants ou dans les milieux universitaires francophones pour décrire les études genre, décoloniales, intersectionnelles et autres approches critiques. C’est un label qui nous a été imposé de l’extérieur, un mot étranger, rarement décrit par ceux et celles qui l’emploient et sur lequel le public peut projeter ses fantasmes. Cet élément de langage, manufacturé dans les think tanks réactionnaires, est arrivé très récemment dans le langage politique ; c’est le troisième avatar d’une succession de termes ayant pour but de décrédibiliser la pensée critique. Il y a un an seulement, le terme utilisé était l’islamogauchisme1, qualifié de « projet politique » par des ministres de l’ancien gouvernement et qu’il fallait impérativement éradiquer. Mais le terme a fait long feu… d’une part parce que la stratégie était indigne : alors que les médias montraient des universités qui ne savaient plus comment gérer la détresse et la misère étudiantes pendant le COVID, Catherine Vidal, alors ministre de l’Enseignement supérieur, fustigeait un insaisissable projet islamogauchiste gangrenant l’université. D’autre part, la formule « projet islamogauchiste » sonnait un peu trop comme « complot judéo-bolchévique », épouvantail fasciste des années 30 et suivantes. Décidément la ficelle était grosse.
Le Chant de la Terre Isabelle & David Collet Ed. Mnémos
L’école apprend-elle l’égalité des sexes ? Isabelle Collet Ed. Belin
Former à l’égalité : Défi pour une mixité véritable Annie Lechenet, Mireille Baurens, Isabelle Collet Ed. L’Harmattan
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DOSSIER
DOSSIER : WOKE N’ RÔLE De manière transitoire, il est peu à peu remplacé par « Intersectionnalité » dans les propos du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Or, « intersectionnalité » n’est pas un vague élément de langage, mais un concept sociologique très précis auquel se réfèrent les sociologues francophones. Il est facile de montrer, en décryptant la charge que mène M. Blanquer contre les « thèses intersectionnelles », qu’il n’a rien compris au concept qu’il attaque2. Alors apparait le terme « Woke », fin 2020. C’est un terme aisément programmable, puisqu’il n’existe pas dans les milieux qu’il désigne. On peut donc indéfiniment inventer la manière dont il est supposé
PARADOXALEMENT, LE JEU DE RÔLE A TOUJOURS ÉTÉ TRÈS « WOKE » EN PERMETTANT À DES PERSONNES D’INCARNER DES PERSONNAGES DE L’AUTRE SEXE, VOIRE, DES PERSONNAGES DONT ON POUVAIT REDÉFINIR LE SEXE (AUTREMENT QUE DE MANIÈRE BINAIRE) ET LA SEXUALITÉ.
mettre la république en danger. La stratégie a pour but de déclencher ce que le sociologue Stanley Cohen nomme une « panique morale » : une réaction disproportionnée envers une pratique minoritaire, accusée de déstabiliser la société. La précédente panique morale impulsée par des mouvements néoréactionnaires nous a secoués en 2014. À l’époque, nous devions nous méfier de la « théorie du gender », formule franglaise permettant de susciter un antiaméricanisme primaire, et qui avait pour but de bloquer la loi ouvrant le mariage entre personnes de même sexe. Qui trouvet-on aujourd’hui contre le wokisme ? Ceux et celles qui étaient déjà là en 2014 contre le « gender », comme Valérie Pécresse, défilant avec la « manif pour tous » et qui dénonce le wokisme3 dans sa campagne avant de proposer de bâtir des murs contre l’immigration. C’est Jean-Michel Blanquer qui zappe du « gender » à l’islamogauchisme pour basculer finalement sur une croisade anti-woke4. Souvenez-vous, « la théorie du gender » nous rendrait tous homosexuels,
L’ÉCRITURE INCLUSIVE Appelée également écriture ou langage épicène, elle est une manière de s’exprimer qui n’utilise pas le masculin (singulier ou pluriel) dans un sens générique. L’enjeu à l’origine est de visibiliser les femmes dans les textes et ensuite, plus largement, toute personne se référant à elle-même avec des pronoms féminins. Si on fait l’effort d’un langage épicène, c’est parce que le cerveau est incapable d’inclure spontanément le féminin dans un masculin dit générique. Cette incapacité du cerveau à ne pas visualiser les femmes dans des collectifs pluriels au masculin ne fait plus débat au sein de la communauté scientifique. En clair, si je dis « les musiciens », votre cerveau doit faire un effort conscient pour imaginer que des femmes peuvent en faire partie. Si je dis : les musiciens et les musiciennes, c’est évident. Les conséquences de cet effort supplémentaire sont très bien expliquées par les psycholinguistes, en particulier Pascal Gygax (oui, ce n’est pas une plaisanterie, il s’appelle Gygax et est chercheur à l’Université de Fribourg, en Suisse). Si la question vous intéresse, lisez son livre écrit avec Sandrine Zufferey et Ute Gabriel : « Le cerveau pense-t-il au masculin ? » aux éditions Le Robert ou regardez sa vidéo : « Langage inclusif : utile ou futile ». Pour pratiquer l’écriture épicène, il y a en gros 4 solutions :
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1/ Le symbole typographique : tiret, point, parenthèses, point médian ou autre. Historiquement (et paradoxalement) c’est la méthode la plus ancienne utilisée par la République française. Sur les papiers d’identité, « né(e) le : » par exemple, c’est de l’écriture inclusive officielle et en usage depuis longtemps. Le symbole typo, c’est la solution la plus simple et celle qui sert de bouc émissaire pour ses détracteurices parce que c’est la plus invasive et déstabilisante en termes d’écriture. Après, c’est une question d’habitude et de motivation. 2/ le doublet. Je l’emploie dans mon texte : « les comédiens et les comédiennes ». Si j’avais été ultra-rigoureuse, j’aurais dû écrire « les comédiennes et les comédiens » (ordre alphabétique), comme on écrit : « les femmes et les hommes », « tous et toutes », etc. 3/ les formules génériques. C’est essentiellement ce que j’ai fait dans mon texte. Exemple : « la détresse et la misère étudiantes » plutôt que la détresse et la misère des étudiant·es. Ça demande évidemment de penser ses phrases en amont, de sorte qu’on puisse utiliser la formule.
signerait la fin de la famille et l’effondrement des valeurs morales de la société. Quand on relit les articles 8 ans plus tard, ça fait un peu rire… quoique nerveusement. Certes, on peut légitimement douter que l’auteur de l’article ou JDR Mag connaissaient la généalogie de la polémique et avaient conscience des références nauséabondes qui étaient embusquées derrière les mots « wokisme » et « cancel culture », termes également adorés par la blogosphère d’extrême droite5. Mais, du côté du lectorat, c’est-à-dire dans la manière dont le texte est reçu, que la référence ait été faite ou non en conscience, peu importe. Selon le sociologue Howard Becker, une panique morale a besoin d’entrepreneur de moral, c’est-à-dire d’institutions en mesure de la diffuser dans l’espace public pour défendre les normes qu’elles incarnent et dont elles tirent parti. En reprenant à son compte de tels éléments de langage, a fortiori dans un média, on devient, éventuellement à son insu, un entrepreneur de moral. Le fait que
l’appel du pied ait été involontaire renvoie chacun à sa responsabilité éditoriale individuelle ou collective. Paradoxalement, le jeu de rôle a toujours été très « woke » en permettant à des personnes d’incarner des personnages de l’autre sexe, voire, des personnages dont on pouvait redéfinir le sexe (autrement que de manière binaire) et la sexualité. C’est même l’activité rêvée pour déconstruire et reconstruire de manière ludique sexe, genre, sexualité, ethnicité et rapport sociaux… Et ISABELLE COLLET aussi s’amuser en tapant Professeure à des monstres dans un l’université de Genève Donjon sans nécessaire- et joueuse de JdR ment se demander s’ils intensive en son jeune sont opprimés par le Sor- temps. (Au cas où cier de la montagne de vous en douteriez, et même s’il n’y a pas de feu. Mais ce serait dompoint médian, ce texte mage que ce ne soit que est bien en écriture cela. inclusive).
4/ les formes « inventées » en vue d’une écriture épicène, comme « iels » « détracteurices », etc. Le « iels » ainsi que l’écriture de type « les étudiant-e-x-s » permettent d’inclure également les personnes qui ne souhaitent pas se définir de manière binaire. Dans mon texte, la stratégie était de rendre ma manière de faire la plus indétectable possible, j’ai donc surtout utilisé le procédé 3. Quand j’écris d’ordinaire, je mixe les 4 solutions, comme je fais maintenant, dans cette note. Il n’y a aucune règle officielle, aucune méthode imposée, mais des préconisations et des guides, dont un très officiel et très gouvernemental guide écrit par le Haut conseil à l’égalité. L’écriture au masculin générique est discriminante au niveau des offres d’emploi, des énoncés (en particulier scolaires) et toute annonce publique ou article d’information générale, etc. Évidemment, on ne parle pas des textes littéraires, des romans, des
poèmes. Réécrire une Fable de la Fontaine en écriture inclusive était absurde et n’avait pour but que de ridiculiser le procédé en l’appliquant hors sujet. Si un·e auteur·trice veut écrire un roman tout au féminin, au neutre, masculin, avec des pronoms inventés ou sans la lettre « e », c’est sa liberté d’artiste… Et les lecteurs et lectrices lisent ou non, c’est leur liberté aussi. Utiliser l’écriture inclusive est un choix politique. Est-ce qu’on pense que l’égalité prime et que le texte doit être également adressé à tout le monde ? Dans ce cas, ça vaut le coup de bousculer nos pratiques d’écriture. Est-ce qu’on préfère que le texte soit joli et comme on a l’habitude de le lire ? Alors ne touchez à rien.
1. www.leparisien.fr/societe/ enquete-sur-lislamo-gauchismea-luniversite-la-ministre-vidal-enzone-de-turbulences-17-02-2021M547E3MGU5FV3C3BICHYL6VJIU. php 2. www.nouvelobs.com/ idees/20201026.OBS35242/ theses-intersectionnelles-blanquer-vous-explique-tout-mais-n-arien-compris.html 3. www.madmoizelle.com/ podcasts/en-campagne-valeriepecresse-est-devenue-feministemais-allons-nous-etre-dupes 4. www.courrierinternational.com/article/ vu-de-letranger-la-mission-antiwoke-de-jean-michel-blanquer 5. www.lemonde.fr/economie/ article/2022/07/08/ sur-youtube-instagram-gettr-ou-twitter-la-radicalisation-des-influenceurs-d-extreme-droite_6134039_3234.html
LANGAGE INCLUSIF : UTILE OU FUTILE www.youtube.com/ watch?v=9EUNAsAC-aQ
LE GUIDE ÉCRIT PAR LE HAUT CONSEIL À L’ÉGALITÉ www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/ stereotypes-et-roles-sociaux/zoom-sur/ article/pour-une-communication-sansstereotype-de-sexe-le-guide-pratiquedu-haut
Tous les textes n’ont pas le même statut, la même importance et la même réception. À titre individuel, ce choix appartient à chacun et chacune d’entre nous. Sur le plan collectif ou institutionnel, il est important de clarifier ce choix, parce qu’il est politique.
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DOSSIER
DOSSIER : WOKE N’ RÔLE
49,6
% DE FEMMES SUR TERRE
OÙ SONT LES JOUEUSES ET LES MENEUSES QUI MANQUENT POUR ATTEINDRE CE RATIO DANS LE JDR ?
Nicolas ‘Solakine’ Guéguen
S
DE NOMBREUSES ÉTUDES ONT DÉMONTRÉ LA SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES DANS LA LITTÉRATURE JEUNESSE, ET LEUR CANTONNEMENT À DES RÔLES SECONDAIRES ET DOMESTIQUES. UNE ÉTUDE [...] EN 2021 CONCLUT À UN TAUX DE MASCULINITÉ ALLANT DE 73 % EN 1960 À 54 % EN 2020.
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elon les démographes, il naîtrait légèrement plus d’hommes que de femmes sur Terre. La proportion dans la population mondiale serait de 49,6 %. Et pourtant, pourtant, ce ratio est loin de se retrouver dans notre loisir préféré. Alors qu’à priori, les conditions d’accès ne sont pas genrées… Pour s’asseoir autour d’une table et interpréter un personnage imaginaire, peu importe votre appareil génital ou votre façon de vous habiller. Pourtant, les femmes restent minoritaires dans les clubs et les conventions avec lesquelles je suis en contact. Étrange, non ?
99 % D’HOMMES PARMI MES HÉROS Je suis né dans les années 80, cerné de héros masculins. Je ne les citerai pas tous, seulement les premières idées qui me viennent : Luke Skywalker, Frodon, Spiderman, Astérix et Obélix, Blueberry, Barbe Rouge, le sergent Chesterfield et le caporal Blutch. Seule Yoko Tsuno pourrait me servir de contre-exemple. Le taux de 99 % d’hommes de l’intertitre ci-dessus n’est pas basé sur une étude, mais sur les Schtroumpfs : cent Schtroumpfs masculins pour un seul féminin. Et encore, cette dernière est créée par Gargamel pour
piéger ses cibles favorites, et la recette condense à elle seule toute la misogynie crasse de Peyot : « Un brin de coquetterie, une solide couche de parti pris, trois larmes de crocodile, une cervelle de linotte, de la poudre de langue de vipère, un carat de rouerie, une poignée de colère, un doigt de tissu de mensonges, cousu de fil blanc, bien sûr, un boisseau de gourmandise, un quarteron de mauvaise foi, un dé d’inconscience, un trait d’orgueil, une pointe d’envie, un zeste de sensiblerie, une part de sottise et une part de ruse, beaucoup d’esprit volatil et beaucoup d’obstination, une chandelle brûlée par les deux bouts. » Ces clichés répétés finissent toujours par laisser des traces, surtout dans des imaginations d’enfants. Pour en apprendre davantage sur les Schtroumpfs, je vous recommande la lecture du « Petit livre bleu » d’Antoine Bueno. Au-delà de ces exemples, la tendance demeure lourde et mesurable. De nombreuses études ont démontré la sous-représentation des femmes dans la littérature jeunesse, et leur cantonnement à des rôles secondaires et domestiques. Une étude de Casey, Novick et Lourenco en 2021 conclut à un taux de masculinité allant de 73 % en 1960 à 54 % en 2020. La tendance est bonne, mais l’influence sur l’imaginaire de générations entières demeure.
16 % DE FEMMES DANS MON CLUB DE JDR Au début des années 2000, j’appartenais au club de jeu de rôle Démons & Merveilles à Montivilliers, près du Havre. Les joueuses se comptaient sur les doigts de la main. Et à ma connaissance, quasiment toutes étaient venues au jeu de rôle par le biais de leur petit copain. Les raisons à cette faible proportion de femmes dans notre club, et probablement dans tous les autres à cette époque, sont multiples. Le fait que l’imaginaire héroïque soit centré sur des personnages masculins jouait certainement un rôle important. Et j’ai déjà vu des meneurs de jeu se comporter comme des porcs envers les joueuses de leur table. Ils se cachaient derrière le « réalisme » pour justifier qu’un personnage féminin capturé soit violé par ses ravisseurs. Au mieux la joueuse serrait les dents, au pire elle ne remettait plus les pieds au club, voire autour d’une
table de JdR. Donc la masculinité du secteur s’auto-entretenait.
50 % DE FEMMES PARMI MES ENFANTS J’avais ces chiffres en tête lors de la naissance de ma fille en 2010. Je me suis demandé comment améliorer le monde où elle devrait grandir. Il m’était intolérable d’imaginer qu’elle grandirait en tant que sous-citoyenne. Ce qui aboutit à plusieurs actions en lien avec mon hobby préféré. Notamment lorsque les 12 Singes m’ont proposé d’écrire mon premier JdR en 2011. J’ai réalisé lors de l’écriture d’Immortalis : le Crépuscule des Celtes que par défaut, j’attribuais à mes PNJ un genre masculin. J’ai donc consciemment repris mes textes et féminisé autant de rôles que possible. Mais cela s’est avéré compliqué. Dans le contexte historique de l’Empire romain naissant, les historiens ont centré
Illustrations : Vianney Carvalho
GALERIE MIXTE D’ABSTRACT AVENTURE STEAMPUNK
ANITA AUGSPURG
MARIUS JACOB
DAVID UNAIPON
MAX
HÀM NGHI
MAY LOWTHER
HARVEY LITTLEJOHN
NAWI
LOZEN
NELLIE BLY
OSWALDO CRUZ
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DOSSIER
DOSSIER : WOKE N’ RÔLE leurs récits sur les hommes. Les empereurs, les généraux, les sénateurs, tandis que les femmes étaient mentionnées pour leur rôle dans la partie reproductive de l’histoire. Cela dit, qu’attendre d’autre d’une civilisation qui considérait les femmes comme des mineures à vie, et ne leur accordait comme nom qu’une version féminisée de celui de leur père ?
30 % DE FEMMES PARMI LES PRÉTIRÉS D’IMMORTALIS : LE CRÉPUSCULE DES CELTES Immortalis fut le sixième livre de la gamme « Clés en Main », qui propose systématiquement des personnages prétirés. J’ai donc tenté d’aboutir à un équilibre. Sur dix personnages proposés et illustrés, trois sont des femmes : une amazone, une gladiatrice et une forgerone-architecte. J’ai essayé de sortir des clichés. Les trois sont des combattantes compétentes. Elles portent des tenues appropriées à leur statut social, et pas des strings métalliques en guise d’armure. Pour autant, cette démarche m’a laissé un goût d’inachevé. Ainsi, à moins que deux PJ féminins n’interagissent, il est possible qu’Immortalis ne passe pas le test de Bechdel-Wallace. Je cite Wikipedia : « ce test repose sur trois critères : il doit y avoir au moins deux femmes nommées (nom/prénom) dans l’œuvre ; qui parlent ensemble ; et qui parlent de quelque chose qui est sans rapport avec un homme. » Le test de Bechdel-Wallace ne vise pas la parité, ni même la mixité. Il constitue plutôt un strict minimum en dessous duquel une œuvre est quasi intégralement masculine, à un point qui confine au ridicule. Et pourtant, nombre de piliers de notre culture populaire, geek ou non, n’atteignent pas ce seuil.
Comme Star Wars IV : Un Nouvel Espoir. De tout le film, ni Leia ni tante Beru ne parleront à une autre femme nommée. Plus récemment, vous pouvez trouver en ligne un montage qui rassemble tous les échanges entre deux personnages féminins de la trilogie du Seigneur des Anneaux, de Peter Jackson. Spoiler : il dure trois secondes, on y voit une petite fille demander à Eowen « Où est Maman ? ». Voilà. C’est tout. Onze heures de film, mais pas fichu de passer un test aussi simple. À la décharge de Peter Jackson, c’est une scène absente du livre. Donc… On va appeler ça un progrès ?
100 % D’AUTEURS MASCULINS POUR UN OUVRAGE COLLECTIF ? J’écrivis ensuite pour l‘ouvrage collectif Lieux d’Aventures, qui rassemblait des descriptions de lieux insérés dans l’univers du JdR Maze Rats, et compatibles avec la plupart des univers med-fan, le tout sur la base d’illustrations de Maxime Plasse. Lorsque l’éditeur me contacta, la liste des auteurs envisagés comportait une dizaine de noms masculins, et aucun nom féminin. J’en fis la remarque et la réponse fut que peu de femmes écrivaient du JdR, et que toutes celles sollicitées avaient décliné. J’en contactais alors quatre, et deux acceptèrent. Au final, Lieux d’Aventures fut l’œuvre de seize co-auteurices, dont six femmes. 37,5 %, un résultat honorable si l’on considère la répartition envisagée à l’origine, ainsi que la réalité du milieu. Parce que la question de la proportion de femmes doit être considérée par rapport au milieu d’origine. Par exemple, il est compliqué de demander à la SNCF un recrutement mixte de ses mécaniciens, quand les écoles de mécanique ont davantage d’hommes parmi leurs diplômés.
Nicolas ‘Solakine’ Guéguen
[...] PEU DE FEMMES ÉCRIVAIENT DU JDR, ET QUE TOUTES CELLES SOLLICITÉES AVAIENT DÉCLINÉ. J’EN CONTACTAIS ALORS QUATRE, ET DEUX ACCEPTÈRENT. AU FINAL, LIEUX D’AVENTURES FUT L’ŒUVRE DE SEIZE CO-AUTEURICES, DONT SIX FEMMES. 37,5 %, UN RÉSULTAT HONORABLE SI L’ON CONSIDÈRE LA RÉPARTITION ENVISAGÉE À L’ORIGINE, AINSI QUE LA RÉALITÉ DU MILIEU.
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JEUX CITÉS
LA PARITÉ DANS LES PRÉTIRÉS D’ABSTRACT AVENTURES STEAMPUNK Pour mon dernier projet, j’ai enfin pris la question de la diversité au sérieux. Le cahier des charges était le suivant : dix prétirés pour une campagne en cinq scénarios. J’ai repris une idée d’Immortalis qui avait bien fonctionné, à savoir proposer des personnages historiques réels. Des centaines de biographies Wikipedia plus tard, ma sélection comprenait dix prétirés, à parité, et représentant tous les continents. Les BD Culottées de Pénélope Bagieu m’ont aidé à trouver les premiers noms, notamment la guerrière indienne Lozen et la journaliste Nellie Bly, détentrice d’un record du tour du monde en soixantedouze jours et qui a rencontré Jules Vernes sur son trajet. Mais mon éditeur et co-auteur bloquait sur un point : je voulais un onzième convive, un prétiré bonus. Monsieur Max, un artiste, célèbre au début du XXe siècle pour sa relation avec Colette. Et qui était né femme dans une famille noble. Je trouvais important qu’un personnage trans soit proposé, puisque trop souvent ils sont invisibilisés. Et surtout, j’y voyais l’occasion de bonnes scènes de jeu ! Un personnage en butte à des règles sociales surannées, telles que l’interdiction pour les femmes de porter un pantalon, constitue une source de roleplay inépuisable. Devant mon insistance, Max a rejoint le casting. Je ne me suis pas arrêté là. L’action se déroule en 1899, mais dans un monde uchronique où la technologie de la vapeur a plusieurs décennies d’avance. Les problématiques de l’époque me semblaient importantes à considérer. Je souhaitais que notre jeu permette à ses joueurs de passer un bon moment, pas qu’ils y retrouvent les difficultés de leur quotidien. C’est pourquoi nous avons ajouté à l’introduction un avertissement concernant les sujets sensibles évoqués, à savoir le colonialisme, la condition féminine et les orientations sexuelles. Et notre conseil était simple : « Nous vous invitons à discuter de ces points avec vos joueurs avant le début du jeu, afin de vérifier si tout le monde est à
l’aise avec ces sujets. À la moindre expression de malaise, verbale ou non, nous vous invitons à survoler ces sujets lors des scénarios. Ce qui peut vous sembler inoffensif peut être douloureux pour autrui. Le jeu de rôle doit rester une activité de loisir et pas l’occasion d’infliger des souffrances supplémentaires à des personnes dont les familles ont déjà subi la colonisation et de la discrimination. »
100 % DE FEMMES DANS MES SENSITIVITY READERS En tant que mec blanc, je ne suis pas le mieux placé pour parler des problèmes de sexisme et de racisme. J’ai donc demandé à une amie d’origine taïwanaise de relire ces chapitres d’introduction pour vérifier qu’ils correspondaient à mon objectif d’inclusion. Grâce à ses remarques, j’ai pu améliorer le texte. J’entends déjà les critiques des anti-wokes sur le fait qu’avant on ne se donnait pas tant de mal, que tout cela n’est qu’un jeu, et que tous ces efforts ne servent qu’à satisfaire les désirs excessifs d’une poignée de râleuses et de râleurs. Sauf que… On connaît rarement les autres joueurs d’une table de JdR. Peut-être que l’un souffre d’une maladie grave. Qu’une autre a été battue par ses parents. Qu’un troisième a un handicap invisible. Est-ce vraiment beaucoup demander que, lorsqu’un de ces problèmes est évoqué en jeu, cette personne puisse exprimer son malaise et qu’on passe à autre chose ? Et j’ai choisi des exemples qui ne relèvent ni du sexisme, ni du racisme, et qui peuvent toucher n’importe qui. En conclusion, je me fiche de savoir à quoi vous jouez autour de votre table. Notre loisir est majoritairement privé, vous faites bien ce que vous voulez. En revanche, réfléchir à ces problématiques d’oppression, autour d’une table comme en dehors, c’est l’occasion d’améliorer notre monde, qu’il soit réel ou imaginaire. Et s’il y a bien une chose que les rôlistes savent faire, c’est construire un monde meilleur ! FRÉDRIC TOUTAIN
IMMORTALIS : LE CRÉPUSCULE DES CELTES Les XII Singes, 2014
ABSTRACT AVENTURES STEAMPUNK Les XII Singes, 2020
LIEUX D’AVENTURES, Les XII Singes, 2020
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DOSSIER
DOSSIER : WOKE N’ RÔLE
MICHTIMS OU MESCHNE ? E
n 2012, Georg Mir a créé Michtim: Fluffy Adventures. Ce jeu devait être un endroit sûr pour tous, car quoi d’autre que le JdR pour se sentir à l’abri des facéties des complexes rapports humains. Ce jeu est, de l’aveu de son auteur, une utopie. Il propose de constituer une communauté inclusive, les Michtim, en faisant fi des querelles du dehors, le décorum du monde dans lequel évolue leur alter ego. En effet, ils ne discriminent pas les autres sur la base de leur sexualité, de leur identité, de leur croyance ou de la couleur de leur fourrure. C’est un JdR où l’on joue des sortes d’Ewoks qui se préoccupent de la conservation de la nature et du développement des pratiques culturelles Les intrigues ne sont pas absentes de son univers, mais c’est davantage le quotidien des PNJ.
L’auteur souhaitait défendre l’inclusivité dans son JdR car de trop nombreux jeux se focalisent sur une société hétéronormative sous prétexte de se référer à l’histoire pour la fantasy ou à l’organisation militaire quand il s’agit de SF. Bref, des jeux au sein desquels « les hommes ont + 1 en Force et les femmes + 1 en Constitution » aurait dit Isabelle Périer, sans oublier de faire en sorte que les premiers gagnent plus de PO que les secondes.
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Georg Mir voulait un jeu qui ne se soucie pas de la sexualité. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de champ de « genre » sur la feuille de personnage. Certains ont cru que c’était un oubli. Il n’en était rien. L’auteur a dû l’expliquer : c’est absent car sans importance pour les aventures proposées. Dans ce jeu, comme dans la vraie vie, les personnages féminins peuvent avoir des traits typiquement masculins. Et inversement. Et il y a aussi Meschne Michtim qui sont entre les deux ou complétement différents des stéréotypes masculin ou féminin ou des fonctions corporelles attribuées à l’un ou à l’autre. Ils ne sont d’ailleurs pas rares. De nombreux Michtim sont des Meschne. Le PJ de l’auteur pourrait être décrit comme un homme capable d’allaiter si cela avait un intérêt dans la fiction. Il est donc Meschne mais n’en fait pas mention quand Georg le joue. En 2013, à notre connaissance, seul Radio Rôliste parla de ce JdR en France. En 2016, Georg Mir constate des commentaires négatifs sur les JdR qui ne sont pas inclusifs. Il ne dialogua pas avec celles et ceux qui ressentirent le besoin de faire ce constat. Il pensa : « Pourquoi personne ne parle pas des jeux qui le gèrent bien ? Et si vous répandiez de bonnes vibrations ? Des recommandations ? »
Le moment était venu. Le monde du jeu allait s’intéressé à Michtim: Fluffy Adventures. Et, en fait… Non. Georg Mir posa alors une question sur son blog : « Est-ce que mon jeu n’est pas assez queer ? » Les réactions indiquèrent que celles et ceux qui ne pratiquaient pas Michtim: Fluffy Adventures ne savaient rien de sa démarche. C’est pourquoi il proposa un logo pour l’indiquer. Il nous invite désormais à l’utiliser quand nous partageons sa démarche, surtout si c’est implicite. Il faut désormais revendiquer pour être compris, voire au-dessus de tout soupçon de discrimination.
Désormais, Michtim: Fluffy Adventures existe également en jeu narratif.
MICHTIM http://www.michtim.com
L’essentiel
DONJONS & DRAGONS
OUVRIR LA BOÎTE DE PANDORE, C’EST NE PLUS JAMAIS LA REFERMER ! IL FAUT OUVRIR LE COUVERCLE DE CETTE BOÎTE ÉPAISSE ET UN DRAGON BLANC SURGIRA ! OU PRESQUE, CAR LE LIVRET AVENTURE A UNE COUVERTURE SIMILAIRE. L’IMAGE SUR LE COUVERCLE NE MENT PAS : LES PERSONNAGES SE LANCERONT DANS UNE QUÊTE QUI S’ACHÈVERA SUR UN PIC ENNEIGÉ CONTRE UN DRAGON ! DONC OUI, ILS VONT FRISSONNER, MAIS EST-CE LE CŒUR DE L’HISTOIRE ? EST-CE LE CŒUR DE CETTE BOÎTE DE DÉCOUVERTE DU JDR ? Kit de survie Parlons un peu de matériel. Tout est de qualité, que cela soit au niveau de l’impression, du papier et du moindre détail dont on a besoin, comme la petite boîte à monter soi-même pour y glisser les cartes à
jouer qu’on a découpées. Ces cartes à jouer, ce sont autant des éléments pour aider à appréhender la mécanique de jeu (carte d’initiative, carte d’état, carte de quête), que des éléments plus pratiques comme les objets magiques, qu’on peut ainsi direc-
Type : Boite d’initiation Auteurs et illustrateurs : Jeremy Crawford et Christopher Perkins pour le scénario et les règles, et toute une équipe d’illustrateurs et relecteurs pour le reste. Éditeur : Wizard of the Coast Prix : 19,99 euros Genre : fantasy TRAITS Background :
• Focus sur un lieu des Royaumes Oubliés : Phandaline • Des scénarios présentés comme dans un jeu vidéo • Un point de départ pour une des grandes campagnes officielles Gameplay : • Débuter à D&D • Débuter au JDR • Pas besoin des livres de règles DD5 Produit : • Boîte en carton rigide • 2 livrets de 68 pages couleurs • paquet de fiches vierges • Cartes à jouer (papier cartonné) à découper • boîte à monter pour y mettre les cartes à jouer • écran de jeu • set de 11 dés polygonaux • grande carte à déplier de Phandaline et de la région au verso de fiches vierges
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ON Y A JOUÉ DU COUP, IL FAUT LE LIVRE DU JOUEUR ET AUTRES ? Non ! Car comme la boîte Appel de Cthulhu sortie un peu plus tôt, vous avez toutes les règles intégrées. Vous avez également les monstres et profils de PNJ nécessaires pour jouer tous les scénarios et plus sans aucun problème. C’est-à-dire que vous pourriez-menez des parties de DD5 juste avec le matériel fourni et probablement un peu de matière supplémentaire piochée sur un site comme Aidedd. Cependant, pour les joueurs et joueuses plus expérimentés, peut-être faudra-t-il le Player’s guide et le Dungeon Master’s guide afin d’enrichir l’aventure et, par exemple, de vous en servir comme point de départ pour d’autres campagnes. Mais nous y reviendrons plus loin dans cet article.
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tement donner au joueur quand il le trouve. L’écran de jeu a une assez belle frise illustrée pour les joueurs (avec un logo D&D dans le coin quand même), quelque chose de narratif qui va du voyage dans les bois, à une attaque d’orques jusqu’au dragon blanc. Donc une image pensée pour ces aventures à Phandaline. Côté MJ, on reprend principalement les éléments de l’écran de jeu classique avec quelques tables en plus comme déterminer le DD d’un jet, ou des tarifs de la vie courante des aventuriers. Simple et efficace ! Ah, et vous avez aussi un flyer au fond de la boîte pour aller acheter plein de livres DD5… Mais cette pub est le prix à payer pour autant de matériel pour moins de 20 euros. Des rumeurs disent d’ailleurs que cette boîte de découverte pourrait descendre dans quelques mois en dessous des 15 euros. Rumeurs de taverne ?
C’est pour qui ta boîte de jeu de plateau ? Cette boîte, en effet, épaisse comme un jeu de plateau est pour 2 à 6 joueurs et joueuses de 12 ans et plus. Si elle se présente en rayon comme des jeux plus grand public, ce n’est pas pour rien : c’est plus facile à offrir pour Noël ou un anniversaire que d’épais livres intimidant les débutants. Le contenu permet d’initier au jeu de rôle grâce à des personnages niveau 1. Il pose en outre les bases d’une campagne plus longue. Nous avons là des livres tout publics, bien construits et qui définissent autant les rôles de MJ, de PJ que l’essentiel à connaître sur les Royaumes oubliés et le village de Phandaline afin de ne pas être perdu. Tout commence donc dans un petit village aux pieds des Montagnes de l’Épée et non
loin de la forêt de Padhiver. Les PJ vont se retrouver à fréquenter une petite auberge (on notera la présence de scénarios complémentaires sur D&D Beyonds, la plateforme numérique de Wizard of the Coast) puis à se retrouver devant le tableau des quêtes. Ce tableau laisse le choix des missions à accomplir dans les environs, et il évoluera en fonction des prouesses accomplies par les PJ pour en proposer de nouvelles, plus difficiles. On se retrouve là dans un principe de jeu vidéo, c’est très linéaire, mais il est en revanche facile de faire vivre ce tableau où le bourgmestre affiche les annonces pour payer ensuite les PJ en conséquence avec son or. Plus qu’un « point de sauvegarde » où commencer de nouvelles aventures, cet endroit doit vivre grâce aux PNJ de Phandaline et aux boutiques qui y sont implantées. Il est également recommandé au MJ de choisir les quêtes qu’il va y épingler, pour éviter trop de systématisme et pour coller au profil des héros. Ces quêtes son très variées et font voyager aux alentours de Phandaline. Au MJ de voir également s’il veut donner de l’élasticité aux distances pour faire vivre les voyages jusqu’aux objectifs et pourquoi pas, teinter le paysage d’une saison particulière.
Une grande campagne avec un dragon ? Au final, un groupe moyen devra affronter le dragon blanc qui s’est installé dans la région. Pour cela, ils vont devoir monter de niveau ou se faire dévorer tout cru. Toutefois, les PJ peuvent gagner des XP au travers de 14 scénarios ou lieux à « visiter ». Cela va de la récolte d’objet magique à la place forte à « nettoyer » pour que la population s’y réfugie, en passant par l’accompagnement d’un PNJ à un endroit, ou encore sauver un couple de nains partis en mission sans savoir qu’un dragon se trouvait dans le coin. Et pour que la menace plane en permanence, une petite table permet de savoir où le dragon se trouve à chaque début de scénario. De quoi donner des frissons à vos PJ
s’ils le croisent alors qu’ils n’ont pas l’expérience pour l’affronter. Au final, les héros sortent de cette petite suite de scénarios avec un niveau 5 ou 6. Et c’est là, en plus du plaisir de jeu, que cela peut devenir doublement intéressant.
Un coup de pied au c… Les aventures de Phandaline peuvent largement se compléter par d’autres trouvées en lignes ou des créations personnelles. Toutefois, c’est aussi un bon tremplin pour des campagnes plus officielles de DD5. En effet, vous aurez noté que la plupart des campagnes officielles débutent réellement quand les PJ ont atteint les niveaux 3 ou 5. Et souvent, pour arriver à ces niveaux, on se retrouve avec des scénarios d’introductions très pauvres. Or, ici vous avez une base fertile d’aventure, voire un cadre de jeu dans lequel les héros pourraient revenir régulièrement… ou s’y construire une demeure plus pérenne pour leurs vieux jours. Ce qui nous a intéressés, pour les tests, est la localisation, dans la partie nord de la Côte des Épées. Et un peu plus à l’est, en suivant la piste des Troisangliers, la ville de Troisangliers où peut se dérouler un événement majeur de la campagne Storm King’s Thunders (uniquement en anglais à ce jour). Ainsi, vous pourriez poser les jalons de cette campagne officielle ou une autre plus au nord comme Icewind Dale, Rime of the Frostmaiden (aussi en anglais à ce jour) tout en faisant
évoluer les PJ à Phandaline. Vous les récupérez après leur combat face au dragon, et vous avez des personnages assez expérimentés avec un bon passé en commun pour avancer contre des géants belliqueux ou un voyage dans le grand nord… ou les deux. En résumé, cette boîte a pour seul défaut d’être sortie bien après de nombreux livres. Elle aurait eu tout à fait sa place avant ou juste après les trois premiers ouvrages de DD5 tellement elle apporte pour commencer le jeu. Si vous n’avez pas débuté DD5 et que vous hésitez, achetez-la, vous ne le regretterez pas et vous pourrez ensuite acquérir les livres de règles si ça vous plaît. Si vous êtes plus aguerri et que vous envisagez une petite campagne avec de jeunes PJ, foncez ! Et si vous aviez envie d’un point de départ pour lancer une campagne au long cours… aussi !
ANECDOTE DE MJ Le tableau des quêtes proposait trois choix aux PJ. Ils ont choisi leur objectif, croisant à l’auberge un combattant qui n’aimait pas spécialement les orc et demi-orcs. Un PNJ inventé sur le pouce pour peut-être les aider dans le futur s’ils avaient du mal à en découdre avec une adversité trop importante. Au final, quand ils ont accompli leur quête, ils ont retrouvé le panneau des quêtes avec une mission laissée de côté barrée en rouge. Elle avait été prise par le combattant qu’ils n’ont jamais revu car il avait échoué. Au final, ça a permis à Phandaline de vivre en dehors des actions des PJ, de montrer que le monde ne s’animait pas uniquement quand les PJ arrivaient, tel un jeu vidéo.
FABIEN FERNANDEZ
ANECDOTE DE MJ Si vous jouez sur une plateforme de JdR en ligne comme Roll20 ou Let’s Role, vous pouvez acheter le scénario Le Dragon de la Flèche de Gyvre en ligne (en anglais) pour avoir accès à des cartes des différents lieux. Vous pouvez aussi chercher ces cartes redessinées sur Pinterest, car des fans ont fait un beau travail, souvent un peu plus vivant, d’ailleurs.
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FALLOUT
LES TERRES DÉSOLÉES COMME VOUS NE LES Fallout Auteurs : Nathan Dowdell, Sam Webb, Virginia Page, Alison Cybe, Jason Brick, Donathin Frye, Oz Mills. Illustrateurs : Michael E. Cross, Michael Kochis, Laura Martson, Emil Pagliarulo, Spencer Weisser, Jessica Willimas et Calvin Yang. Éditeur : Modiphiüs et Arkhane Asylum Publishing Disponibilité : disponible Genre : post-apocalyptique TRAITS Background :
• Le Commonwealth de Fallout 4 • La possibilité de jouer autre chose qu’un habitant d’abri • Tout l’équipement des jeux Fallout Gameplay : • Le système 2d20 de Modiphiüs • Toutes les aptitudes des Fallout • Du craft ! Produit : • La maquette met dans l’ambiance • Un livre de base bien organisé • Il manque la carte !
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AVEZ JAMAIS VUES ! FALLOUT EST UNE SAGA DE JDR VIDÉO QUI S’ÉTEND DÉSORMAIS SUR VINGT-CINQ ANS ET COMPTE PLUS D’UNE DIZAINE D’INCARNATIONS. EN VOICI UNE NOUVELLE, CETTE FOIS-CI SUR TABLE. UNE FAÇON ORIGINALE D’EXPLORER LES TERRES DÉSOLÉES DE L’APOCALYPSE NUCLÉAIRE… La guerre ne meurt jamais Fallout vous propose de jouer dans un monde post-apocalyptique uchronique. Ce qui est rigolo, c’est que l’uchronie débute bien avant l’apocalypse : dès les années 50, le monde de Fallout diverge du nôtre : d’incroyables découvertes dans les sciences atomiques permettent de fabriquer des générateurs atomiques miniatures, des robots et des ordinateurs portables. Le monde connaît une période de rapide évolution technologique qui propulse toute la planète dans la science-fiction. Paradoxalement, c’est une période de stagnation culturelle, pendant laquelle les États-Unis d’Amérique, notamment, restent coincés dans les années 50 ou 60, avec de grandes voitures aux couleurs vives, des diners aux banquettes de cuir rouge et des publicités ou des émissions télévisées dignes de Happy Days. Puis vient l’apocalypse : la raréfaction des matières premières attise les tensions internationales, et finalement, les bombes atomiques pleuvent sur le monde, le 23 octobre 2077.
Ce JdR Fallout se concentre sur une région particulière des terres désolées : le Commonwealth, c’est-à-dire la région autour de Boston. En fait, il est avant tout une adaptation de Fallout 4 plutôt que de la franchise en général. Vous jouez donc en 2287, peu de temps avant qu’un unique survivant surgisse de l’abri 111. Les Miliciens ne sont pas encore reconstitués, et les diverses menaces du Commonwealth pas encore bien identifiées… Le problème, c’est que pour savoir tout ça, vous devez avoir joué à Fallout 4. Le JdR lui, ne vous parle que du présent, jamais
du passé. Pire : le livre de base ne contient aucune carte du Commonwealth ! Vous aurez donc des pages et des pages de descriptions de lieux, sans jamais pouvoir savoir où est quoi. Le pire, c’est que la carte existe… dans un pack à acheter à part.
Fallout façon 2d20 Le JdR utilise le système 2d20, cher à Modiphiüs : vous faites la somme Caractéristique + Compétence (l’association varie selon l’action) et vous lancez 2d20. Chaque d20 qui indique un chiffre inférieur ou égal à votre somme est un succès. À partir de cette base commune, Fallout JdR développe plusieurs éléments de gameplay pour restituer ceux des jeux vidéo : • les points d’action reprennent le système de réserve commune à l’ensemble des PJ : à chaque fois qu’un joueur obtient des succès excédentaires, il accumule des points d’action qui peuvent ensuite améliorer le résultat des actions de son alter ego ; • la chance est l’une des sept caractéristiques des PJ (vous êtes S.P.E.C.I.A.L. !), ainsi qu’une réserve de points qui peut modifier légèrement le cours des événements ou les actions ;
• les aptitudes des jeux vidéo sont fidèlement restituées dans le JdR. Elles ont chacune des pré-requis, comme dans le jeu vidéo, et un effet qui évoque bien celui d’origine ; • le chapitre équipement comporte la liste de nombreux mods à installer sur les armes, ainsi qu’une section sur l’artisanat afin de reproduire toutes les possibilités offertes par les derniers jeux vidéo en la matière ; • il y a également une foule de détails, comme le fait que les armes n’aient pas une portée maximale, mais optimale (nuance !), ou le système de troc. Globalement, un très grand soin a été apporté à la restitution du jeu vidéo. Les fans y reconnaîtront ce qui leur a plu dans ceux-ci, et les nouveaux venus seront sûrement excités par les possibilités offertes. On regrettera que le pip-boy n’ait pas plus d’importance dans le JdR, mais c’est cohérent avec le fait qu’on n’y joue pas que des habitants d’abri.
Mutant à deux têtes ? Malheureusement, ce JdR pèche par son manque de cohérence. Parfois, ce sont juste
D’OÙ ON PARLE ? Sachez-le : cette critique est rédigée par un joueur qui n’a jamais joué aux « vieux » Fallout, seulement à Fallout 3, Fallout 4 et Fallout 76, et qui totalise un peu plus de 500 heures sur ces trois jeux.
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des petits soucis de rigueur. Par exemple, le système de combat permet de neutraliser des membres, mais il n’y a pas d’endroit pour le noter sur la fiche de personnage. Parfois, ce sont carrément des chapitres qui se contredisent entre eux. Quelques exemples : • Le livre de base fournit un scénario, ce qui est une bonne chose en soi, mais celui-ci ignore une partie des règles de combat (ce sera à vous de préparer les zones) et n’offre aucune étape pour récupérer les points de Chance dépensés ; • La fatigue, la faim, la soif et le sommeil n’apparaissent pas sur les fiches de personnage. En outre, les échelles de temps qui les mettent en œuvre sont très détaillées, mais ni les règles ni le scénario ne tiennent compte du temps qui passe ; • Le chapitre sur la survie présente un système très intéressant pour fouiller les lieux à la recherche de butin, mais celui-ci fait référence à un ensemble de mots-clefs qui n’apparaît jamais dans la description du Commonwealth ! Surtout, il y a la création de personnages. Déjà, il vaut mieux ne pas appliquer l’ordre officiel des étapes (c’était déjà le cas dans Conan 2d20, chez le même éditeur) car la dernière étape, celle de l’équipement, impose ou presque les armes des PJ. Or, pas besoin de mettre des points dans Armes à énergie pour se retrouver avec un pistolet de fortune au terme de la création. En outre, la phase d’équipement permet de préciser le concept du personnage (« Marchand » ou « Mercenaire » plutôt que simplement « Survivant »), il est donc doublement utile
PAROLE DE JOUEUR « Malgré quelques petits rééquilibrages à effectuer, ça donne envie d’y revenir. » – Seb
« C’est (trop) facile de jouer un personnage social : il suffit de monter deux compétences ! » – Gaëlle
« Pour ne pas perdre votre tête, pensez à prendre votre pip-boy. » – Loly
« Un jeu post-apo pulp où on bousille à tout va grâce aux armes énergétiques. » – Véro
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de la remonter le plus tôt possible dans la création du PJ.
Des balles et des capsules Le chapitre sur l’équipement sauve tout ! Il le sauvera d’autant plus si vous êtes fans des jeux vidéo, car il contient tout (ou presque) ce qu’on peut trouver dans Fallout 4, notamment les armes emblématiques. Dans la presque centaine de pages consacrée à l’équipement, vous trouverez d’incroyables listes allant du Fatman aux bouteilles de Nuka-Cola en passant par le pip-boy et les magazines ! C’est un vrai plaisir à la lecture, et aussi dans le jeu, car vous aurez un véritable choix de tactiques et de styles pour votre personnage, non seulement pour les armes, mais aussi pour tout le reste (y compris les vêtements !). Toutes les nourritures et les boissons du jeu vidéo sont détaillées. Avis aux gourmets ! Ce chapitre d’équipement est vraiment le meilleur du livre, et ça tombe bien, car c’est aussi le plus gros !
Partir dans les terres désolées ? Fallout JdR donne plus envie d’être PJ que MJ. L’atmosphère du jeu (et la direction artistique du livre !), la profusion d’options à disposition des joueurs et la minutie de la description du Commonwealth donnent envie de s’y mettre. En outre, c’est une occasion inespérée d’explorer les terres désolées sous un autre angle et avec d’autres outils que ceux proposés par le jeu vidéo. Malheureusement, certains défauts d’exécution empêchent d’être totalement emballé. Pour que Fallout soit à la hauteur de toutes ses promesses, il faut que le MJ consente à plusieurs achats (notamment le Gamemaster Toolkit actuellement disponible uniquement en VO) et/ ou à beaucoup d’efforts. Cela dit, s’il accepte de les faire, nul doute que les aventures proposées seront à la hauteur, sinon mieux, des quêtes parfois surprenantes des jeux vidéo ! ARNAUD CUIDET
MUTANT YEAR ZERO
BIENVENUE DANS LA ZONE MUTANT YEAR ZERO N’EST PAS UN JEU POST-APOCALYPTIQUE COMME LES AUTRES. DÉJÀ, VOUS Y INCARNEREZ DES MUTANTS. ENSUITE, VOUS Y EXPLOREREZ UN AUTHENTIQUE BAC À SABLE. SURTOUT, CE JEU MET EN SCÈNE DE FAÇON ORIGINALE NOTRE FUTUR. L’année des mutants Mutant Year Zero propose d’incarner un mutant après l’apocalypse. Vous jouez donc un personnage étrange, lui-même dans un monde étrange. Mutant Year Zero met en scène une véritable rupture entre notre présent et le futur apocalyptique qu’il décrit, au point que si votre PJ découvre un grillepain dans une ruine, il aura besoin d’un test de compétence pour comprendre ce que c’est. Même en tant que joueur, vous ne saurez pas grand-chose de l’apocalypse, de ses causes et de ses conséquences exactes. Ce qui compte, c’est la Zone, et l’Arche.
• L’Arche est le refuge dans lequel vivent les PJ, sous la tutelle déliquescente de l’Aîné, figure paternelle vieillissante. • La Zone, c’est tout le reste, une région (d’environ trente kilomètres sur trente) qui sert de cadre à la campagne que vous jouerez. En effet, d’un point de vue background, Mutant Year Zero fait dans le concret et le local. Certes, le MJ dispose de toutes les informations nécessaires sur l’apocalypse et le metaplot du jeu (oui, il y en a un), mais pour l’essentiel, ce qui compte, c’est la vie quotidienne des PJ : ce qui se trouve à portée de vue de l’Arche, votre voisin de dortoir, le Caïd qui vous
Mutant Year Zero Auteurs : Torsten Alm, Petter Bengtsson, Chris Birch, Anders Blixt, Jonas Ferry, Tomas Härenstam, Thomas Johansson, Nils Karlén, Kosta Kostulas, Mattias Lilja, Chris Lites Illustrateurs : Ola Larsson, Reine Rosenberg Éditeur : Fria Ligan et Arkhane Asylum Publishing Disponibilité : disponible Genre : post-apocalyptique TRAITS Background :
• Un univers original • Des secrets mis en scène de façon concrète • Un metaplot lié à l’histoire personnelle des PJ
Gameplay :
• Un système qui pousse les PJ dans leurs limites • Une sensation de danger et de tension permanents • Du base-building !
Produit :
• Des illustrations qui mettent dans l’ambiance • Une organisation parfois un peu étrange • Une gamme déjà bien fournie en VF
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mène la vie dure, etc. Et tout cela s’inscrit dans le jeu dès la création de personnage, puisque chaque joueur doit choisir un habitant de l’Arche que son personnage déteste et un autre à protéger. Les PJ explorent donc la Zone. Mutant Year Zero fournit de nombreuses raisons possibles : reconstituer les réserves de l’Arche, enquêter sur une nouvelle menace ou, pourquoi pas, partir à la recherche d’Eden, ce lieu mythique dont les récits font un refuge miraculeux.
Le secret des gènes Pour mettre en scène ces aventures, Mutant Year Zero utilise un système de dés spéciaux, qui peuvent être remplacés par des d6 de couleurs différentes. Lorsque vous accomplissez une action, vous jetez trois groupes de dés différents : • les dés d’attribut ; • les dés de compétence ; • les dés d’équipement. Si au moins l’un d’eux donne un « 6 », l’action est réussie. S’il y en a plusieurs, le personnage accomplit des prouesses, qui améliorent le résultat. S’il n’y a pas assez de « 6 », il est possible de forcer le jet. Dans ce cas, tous les dés sont relancés, sauf ceux qui indiquent déjà un « 6 » et les dés d’attribut et d’équipement qui indiquent un « 1 ». S’il y a à nouveau des « 6 », ils s’ajoutent au total. Mais… Il y a un « mais » : au terme de la relance, les « 1 » sur les dés d’attributs font perdre temporairement un point d’attribut au personnage et ceux d’équipement endommagent ce dernier. Bonne nouvelle cependant : pour chaque point de caractéristique perdu, vous gagnez un point de Mutation. Le système de Mutant Year Zero joue donc sur des prises de
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risque et l’attrition. Il met en scène le fait de repousser ses limites. Ce système de résolution est complété par des règles de santé assez originales : chacun des quatre attributs constitue aussi une jauge de « points de vie » qui peut subir des traumatismes et être soigné. Vous serez peut-être mis K.O. par des dégâts en Vigueur, mais aussi par l’épuisement qui menace l’Agilité du personnage, etc.
Boucler les boucles Mutant Year Zero ne se limite pas à la superposition d’un contexte de jeu et d’un système de résolution. Il fusionne les deux pour proposer un ensemble aussi cohérent que possible, où background et règles se répondent. L’intention est louable et couronnée de succès dans la plupart des cas : • des projets permettent aux PJ d’améliorer leur Arche ; • au contraire, des Menaces mettent celle-ci en danger ; • des Événements permettent de pimenter les aventures des PJ ; • des secteurs spéciaux servent de cadre à des aventures particulières et abritent des communautés décrites en détail. Chacun de ces éléments est décrit abondamment, que ce soit d’un point de vue du background ou des règles. Malheureusement, les liens entre ces éléments sont parfois difficiles à comprendre : les Menaces sont censées structurer les séances (il n’y a pas de scénario à Mutant Year Zero). Cependant, certaines Menaces envoient sur la piste d’un secteur spécial, mais pas toutes. Pourquoi ? (et pourquoi ne pas avoir fait de celles-là de simples Événements ?). De même, aucune des situations décrites dans les secteurs spéciaux ne requiert de mettre en œuvre les attributs et les projets de l’Arche. Du coup, est-ce que le base building sert vraiment à quelque chose ? Enfin, certaines de ces situations se concluent par des pactes, mais qui ne sont jamais matérialisés par un projet, et qui donc ne modifient pas durablement la situation de l’Arche. Étrange… D’autres boucles ne sont pas très bien bouclées, comme le fait que
les PNJ de l’Arche sont décrits dans divers secteurs spéciaux différents, plutôt que tous rassemblés dans un unique chapitre. Il y a donc du travail à faire pour remettre de la cohérence et du lien entre tous ces éléments. Cela dit, il faut reconnaître que ce travail, c’est aussi ça qui fera l’implication du MJ dans son histoire. Car, effectivement, le scénario étant à construire, c’est bien l’histoire du MJ (et des PJ !) qui sera racontée, pas celle décidée par les auteurs. C’est donc une autre implication, également émotionnelle, que de simplement faire jouer le scénario écrit par un autre. En outre, il y a plusieurs boucles qui sont bien bouclées dans Mutant Year Zero : • le système de résolution, couplée aux mutations, créé un cercle à la fois vicieux et vertueux. Les PJ sont incités à forcer les jets, non seulement pour réussir, mais aussi pour accumuler des points de Mutation. Mais ils courent alors le risque de subir des traumatismes. Ils sont toujours sur la corde raide ; • sans spoiler, le métaplot du jeu entretient d’intéressants liens avec l’histoire personnelle des PJ. Leur histoire ne sera pas qu’une enquête rationnelle et désincarnée, mais aussi une aventure intérieure et émotionnelle. C’est bien mené ! ; • pour guérir les traumatismes en Vigueur et en Agilité, il faut manger et boire.
Ajoutés aux expéditions dans la zone, ces mécanismes créent une tension sur les provisions qui restitue bien une ambiance post-apocalyptique où la moindre boîte de conserve est un trésor. En outre, ça donne envie d’éviter les combats, ce qui est également cohérent avec cette ambiance ; • c’est un détail, mais pas tant que ça : la compétence Connaissance de la Zone permet d’obtenir des informations sur les monstres et les menaces. Tout ça est formalisé avec un modificateur associé à chaque monstre. On aurait aimé avoir la même chose à D & D ! Ainsi, il y a plein de belles choses dans Mutant Year Zero, même si ça laisse parfois un arrière-goût d’inachevé.
Crash-test Dès la préparation de la partie test, des difficultés surgissent : • Il n’y a pas de chapitre équipement, seulement deux tableaux récapitulatifs en fin d’ouvrage. Ils suffisent pour se débrouiller, mais dans un jeu de survie, un vrai chapitre avec des objets décrits en détail aurait été souhaitable. • La façon dont les chapitres sont conçus et la maquette ne sont pas toujours très claires. Il est parfois difficile de retrouver
MUTANT YEAR ZERO ET D & D En fait, pour narrativiste qu’il soit, Mutant Year Zero ressemble beaucoup à D & D : • Les rôles et le fonctionnement de la compétence de spécialiste ressemblent beaucoup à la façon dont les classes de personnages fonctionnaient à D & D… Première édition ! Tout comme seuls les voleurs d’alors savaient se cacher, seuls les Fracasseurs de Mutant Year Zero savent faire peur, et seuls les Rafistoleurs savent bricoler. • Le talent « Touche à tout », qui permet justement de cumuler plusieurs compétences de spécialiste, ressemble vraiment à la façon dont le biclassage (différent du multi classage) fonctionnait à D & D première édition. • Les secteurs spéciaux qui servent de décors aux expéditions sont décrits quasiment comme des donjons, et sont sûrement pensés comme tel. Coïncidence ? Je ne crois pas…
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l’information, surtout ce que savent les PJ, éclatée dans des encarts disséminés. • Mutant Year Zero est évidemment un jeu bac à sable, mais on sent que parfois, le rédacteur n’a pas su se décider entre décrire un secteur spécial et écrire un scénario. C’est simple : il a donné au site un nom de scénario, et pas un nom de lieu. Là aussi, ça n’aide pas pour s’y retrouver. • Les fiches de PNJ à remplir ne sont pas pertinentes car les jauges n’ont pas assez de cases et les fiches de PNJ sont souvent fausses. Surtout, dans le travail du MJ, il faut commencer par déterminer la Zone dans laquelle se tiendra la campagne. Deux exemples sont donnés, avec des indications de secteurs spéciaux pour amorcer des aventures. Très bien, mais d’une part, les secteurs mentionnés sur les cartes ne sont pas décrits dans le livre, et ceux décrits dans le livre ne sont pas mentionnés sur les cartes… Quand bien même il peut être intéressant de laisser les MJ s’approprier les cartes, quitte à décrire des secteurs spéciaux dans le livre, qu’est ce qui empêchait les concepteurs d’en inclure la représentation dans ces cartes, ne serait-ce que pour aider les MJ qui voudraient s’en servir ? D’une façon générale la prise en mains de Mutant Year Zero n’est pas forcément évidente. Du coup, quelques conseils : • Le Livret d’introduction de Mutant Year Zero n’est pas très bien conçu : il manque des règles élémentaires, et les secteurs spéciaux décrits demandent une mise en place qui peut s’avérer trop longue pour une première séance. • Le scénario d’introduction du livre de base, en revanche, est très pertinent pour une première partie : les PJ débutent directement dans le secteur spécial, in media res, et la situation permet d’expliquer tranquillement les diverses règles. En fait, et d’ailleurs les rédacteurs le disent eux-mêmes,
le Livret d’introduction est un meilleur supplément qu’un kit de découverte : une fois le scénario du livre de base joué, les trois secteurs spéciaux du livret seront bien utiles au MJ, notamment parce que c’est là qu’est décrite… l’Arche des PJ ! Le MJ y retrouvera une bonne partie des PNJ mentionnés dans la création de personnage (ouf !). Pendant la partie, il y a également quelques soucis : • Finalement, du fait qu’il n’y a pas un chapitre de background formel à destination des PJ, ça n’est pas évident de leur décrire le contexte de jeu sans vendre la mèche sur tel ou tel secret. Ça vaut le coup de bien y réfléchir avant le début de la première séance. • Ça paraissait vraiment trop injuste de créer les personnages en suivant les règles : en principe, la mutation est déterminée aléatoirement, et en plus en dernier ou presque (c’est-à-dire après le choix du rôle, et après la répartition des points d’attributs et des points de compétence). Un compromis a été trouvé : la mutation est toujours aléatoire, mais c’est la première étape de la création, ce qui permet à chaque joueur de faire ces choix de création en connaissance de cause. En outre, pour jouer des mutants, ça avait du sens que la mutation détermine tout le reste. Globalement, le ressenti sur la création de personnages est mitigé : les PJ semblent très faibles, même dans ce qui concerne leur rôle. Cela dit, ce sentiment sera tempéré par les premiers tests, car forcer le jet permet d’augmenter nettement ses chances de réussite. Par ailleurs, tous les PJ choisissent d’avoir deux mutations plutôt qu’une : il faut sacrifier un point d’attribut, mais c’est bien peu cher payé ! • Le système de résolution n’est finalement pas si intuitif que ça : ça n’est pas la valeur de base, mais la valeur actuelle d’un attribut qui est utilisée pour les tests, et le fait qu’il soit simple aboutit parfois à des illogismes (c’est aussi facile de tirer sur une souris que sur un éléphant). En outre, comme le système va au plus simple, il est
fréquent de passer du temps à chercher un point de règle… qui n’existe pas en fait. • Plein de détails, jamais graves individuellement, mais qui tous ensemble aboutissent à une prise en main difficile : le fait que seuls les Rafistoleurs puissent bricoler (y compris pour juste fabriquer une torche !) et que seuls les Fracasseurs puissent intimider paraît un peu artificiel. Les soins fonctionnent bizarrement : il faut attendre le dernier moment pour les faire, mais ils ont des effets très puissants. Surtout, la plupart des monstres ne disposent pas des quatre attributs, ce qui a parfois des conséquences bizarres : la plupart des prédateurs ne peuvent pas repérer les proies cachées… car ils ne peuvent pas faire de tests d’Observation ! Pour autant, les joueurs ont apprécié Mutant Year Zero : Ils ont trouvé l’univers original. En outre, à l’usage, le système tourne bien et les personnages créés répondent aux attentes et aux intentions exprimées (contrairement au sentiment initial). Forcer le jet est surprenant, et il faut une petite gymnastique pour bien s’en servir, mais ce système s’avère très prenant. Le consensus autour de la table, c’est que Mutant Year Zero donne envie de jouer en campagne : les secrets du jeu (et le fait qu’ils sont cependant à portée de main) et la possibilité de développer son Arche sont de solides motivations pour cela.
L’âge des mutants ? En conclusion, Mutant Year Zero est un bon jeu, voire un très bon jeu, mais qui demande du travail de la part du MJ, voire beaucoup de travail. Pour certains, ce sera justement l’occasion de se l’approprier, pour d’autres ce sera un repoussoir. En tout cas, il mérite d’être joué, ne serait-ce qu’une fois, ne serait-ce qu’en tant que PJ, pour tester la façon dont ce jeu tisse des liens entre les PJ, l’Arche et la Zone. Plusieurs concepts mis en œuvre dans ce jeu sont très intéressants, et rien que pour ça, Mutant Year Zero vaut le coup ARNAUD CUIDET d’œil.
PAROLE DE JOUEUR « J’ai trouvé le système de jeu original et intéressant : le système de résolution et le fonctionnement des mutations. » – Linda
« C’est un système qui rend tout difficile : même en jetant beaucoup de dés, on peut rater quand même ! » – Gaëlle
« Pour sauver le monde, il faut forcer (les dés). » – Loly
« Ne vous attachez pas à votre personnage : vous pouvez vous tuer en ratant n’importe quel jet de dé ! » – Loïc
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DONJON ET CIE
UNE GRANDE CARRIÈRE VOUS ATTEND ! MARRE DE JOUER LES HÉROS OU DE TRAÎNER UNE RÉPUTATION DE RENCONTRE ALÉATOIRE ? BESOIN D’UN EMPLOI STABLE ? D’UNE MISSION SIMPLE ET BIEN ORGANISÉE ? REJOIGNEZ SANS TARDER LES ÉQUIPES DE DONJON ET CIE ET PROFITEZ D’UNE CHANCE INESPÉRÉE DE RECONVERSION ! Donjon et Cie Auteur : Benoît Felten Illustrateurs : Thierry Segur, Floriane Ballestra, Laetitia “NydenLafée” Combe Éditeurs : Black Book éditions & John Doe éditions Disponibilité : en boutiques Genre : médiéval-fantastique TRAITS Background :
• Univers digne de D & D • Un ton humoristique et léger qui n’empêche pas un roleplay sérieux • Gobelin, sorcier fou, vampire ou héros déchu, aujourd’hui vous allez jouer les antagonistes Gameplay : • Un enjeu simple, dégommer les aventuriers et récupérer leur matériel • Le jeu en campagne et autres one shot sont possibles sans trop de préparation pour le MJ • Le jeu propose essentiellement des missions de type dungeon crawling Produit : • Jeu très abordable • Pratique • De belle qualité
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La fiche de poste Première interrogation : comment un bouquin de format 2P (pas très courant en librairie) et de 160 pages peut-il proposer un jeu de rôle complet ? L’illustration de couverture et la note de présentation nous livrent quelques indices : des PNJ, une entreprise, un donjon… Ne tardons pas plus et voyons ce qu’il se trame derrière tout ça ! Le livre de base est solide et d’une bonne prise en main, le feuilletage est agréable. La police de texte est bien adaptée et le phrasé limpide. Les illustrations extérieures et intérieures sont sympas et parlantes. Bref, le produit présente bien. Le concept est novateur. Donjon et Cie a pour objectif de vous dévoiler l’envers du décor.
Jusqu’alors, vous aviez l’habitude d’explorer des lieux antiques et obscurs. Vous deviez jouer de votre lame et/ou de vos sortilèges pour venir à bout des créatures et des PNJ peu recommandables peuplant les donjons. Eh bien désormais, vous vous retrouvez à leur place ! Le contexte est le suivant : vos joueurs incarnent des employés de l’entreprise Donjon et Cie commençant en bas de l’échelle en tant qu’hôte(sse) d’accueil. Leur mission est simple : trucider les aventuriers qui visitent le Donjon, un lieu particulier et cyclopéen qui existe quelque part dans le multivers médiéval-fantastique. Le cas échéant, ils peuvent récupérer le matériel de
leurs victimes, afin de faire grimper le chiffre d’affaires de la société à laquelle ils se vouent corps et âme (surtout si vous jouez un revenant). L’enjeu est également très clair, car il s’agit de se hisser au rang de « meilleur employé du mois » et de gravir peu à peu les échelons sous l’œil critique de la hiérarchie et du mystérieux « Monsieur Noir », grand patron de cette florissante société. Vous l’aurez compris, le ton du jeu est humoristique et fait un peu penser à l’ambiance du Disque-Monde de feu Sir Terry Pratchett. L’auteur, Benoît Felten, assume le fait de proposer à vos joueurs un bon moment, convivial, sans prise de tête, une sorte de parenthèse dans leur vie compliquée de héros exceptionnels, mais ne nous leurrons pas, cette parenthèse pourrait bien durer quelque temps si vos joueurs accrochent bien au contexte et à la mécanique du jeu. Donjon et Cie est également un jeu qui s’inscrit dans la mouvance Old School Renaissance, ce qui implique une approche minimaliste et plutôt narrative des règles, ainsi qu’une connaissance minimale des univers tels que celui de D & D. L’auteur évoque ses influences et entre autres le sympathique Macchiato Monsters d’Eric Nieudan qui a d’ailleurs participé à la validation du jeu.
Entretien d’embûches ? « Je vous en prie, installez-vous et détaillons ensemble votre potentiel » aurait pu dire un cadre de la Direction des Ressources Vivantes. Prenons donc sa place un instant et examinons les aspects techniques les plus généraux de Donjon et Cie. La création de personnage est rapide (6 étapes) et les sorts des PJ maîtrisant la magie sont « librement décrits » par leurs soins (Ndr : attention aux abus quand même). En revanche, certaines créatures ne peuvent pas être jouées, ce qui peut se comprendre (un dragon vénérable par exemple). Ensuite, il est également nécessaire de créer une équipe d’entreprise qui jouera en quelque sorte les superviseurs de
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ON Y A JOUÉ 46| Jeu de rôle magazine n°59 - Automne 2022
vos PJ en cours de partie. Il s’agit de personnages secondaires, plus importants que les autres et qui assistent les héros notamment au départ de leur mission (fourniture de la carte d’aire de jeu, équipement…). Les relations des PJ avec cette équipe orientent la narration de manière favorable ou non, dans le cadre de la mission à remplir. Un système de faveurs, à l’instar du monde de l’entreprise, permet aux PJ de solliciter des membres de l’entreprise en cours de mission. À ce titre, le jeu décrit de manière précise chaque Direction de Donjon et Cie, chaque Département, de façon à vous plonger au plus près des attentes de votre employeur et de vous faire quelques collègues haut-placés. La progression des personnages est conditionnée par leur ancienneté, leur expérience et… leur suspicion. Dans ce dernier cas, imaginez votre boss qui vous soupçonne de détourner les commandes de stylos-billes pour vos enfants… Le D20 est au cœur du système de jeu basé sur la licence OGL. Les tests sont effectués sur la base des caractéristiques plus ou moins récurrentes des jeux de rôle médiévaux-fantastiques (FOR, DEX…). Ils sont variables en fonction d’un système d’avantages/désavantages, qu’il faut d’ailleurs se garder d’assimiler à des bonus ou malus classiques. La notion de dés d’usage permet de valoriser le jeu en y incluant la gestion des ressources et des risques. Le système de combat qui se réfère à Macchiato Monsters est aussi très épuré : une attaque porte et inflige des dommages quand le test est réussi. Inversement, en cas d’échec, c’est le joueur qui perd l’assaut et subit les dommages. Notons également que le rôle des « aires de jeux » (cartes) est primordial pour entamer une partie de Donjon et Cie.
En clair, pas de carte, pas de mission. Vous avez plusieurs solutions pour dessiner vos aires de donjon : le crayon, les cartes du commerce ou encore les générateurs aléatoires que l’on peut trouver sur Internet. Enfin pour ceux qui souffrent de claustrophobie, il est possible de jouer dans le « grand dehors », comprenez en extérieur. Côté MJ, Donjon et Cie met à disposition des outils permettant au meneur de concevoir, gérer et organiser ses propres scénarios. Si c’est un jeu « à mission » qui se prête parfaitement à des séances en one shot, il préconise aussi de jouer en format Campagne pour développer et explorer toutes les possibilités créatives du jeu. Pour conclure cette courte analyse technique, il n’y a aucune embûche dans le système de règles que propose Donjon et Cie. Un système qui reste simple et pratique. En revanche, le MJ est tributaire de son interprétation extensive et doit se sentir à l’aise dans sa pratique décisionnelle et narrative. Donjon et Cie affirme d’ailleurs en page 10 : « les règles sont là pour soutenir la narration, pas pour arbitrer toutes les situations possibles », un des porte-étendards de la mouvance OSR.
On vous prend à l’essai et on fera un Retex… Il ne restait plus qu’à tester Donjon et Cie in vivo à l’occasion d’une soirée en compagnie de notre équipe préférée. Très logiquement, le choix s’est porté sur la première des trois missions proposées par le bouquin à savoir « Congé maternité ». Le MJ se retrouve avec
quatre feuilles de scénario et doit donc se préparer, au moins mentalement, à expliciter ses choix et décrire un bon nombre de situations possibles (et oui, nous sommes en mode OSR). Point positif, l’aire de jeu est simple. L’intrigue aussi, mais, encore une fois, tout l’enjeu pour le MJ consiste à intéresser des novices au concept pendant au moins trois heures (sans compter la création de personnage). Tout le monde est autour de la table, on y va !
Donjon et Cie est un très bon JdR, notamment lorsqu’il s’agit de faire découvrir l’envers du décor d’un donjon et adopter d’autres comportements de jeu tout aussi récréatifs et ludiques que nos archétypes habituels. Ce « rétro-verso-clone » donne envie de pousser l’expérience sur la route des suppléments de la gamme (en particulier l’écran du MJ illustré par Thierry Ségur). Nous pouvons dès lors retenir les points suivants : • le bouquin est aisément transportable (si, si, ça à son importance pour un MJ sur les routes) ; • le concept d’aire de jeu et les éléments de contexte sont totalement débridés et le MJ n’a pas à potasser ses sources pendant des jours avec la crainte de pourfendre les canons de l’univers de jeu ; • la mécanique, une fois bien huilée, coule de source pendant les parties ; • les enjeux ne sont pas insurmontables et une saine « coopétition » s’installe à la table dans une atmosphère conviviale. En revanche : • certains joueurs pourraient profiter du jeu pour se transformer en « suuuuper blagouneeeette ! » Le MJ doit gérer cette situation avec tact, mais un peu comme dans n’importe quel JdR finalement non ? ; • d’autres joueurs pourraient également brider leur jeu (et celui des autres) en faisant trop de biais cognitifs avec leur vie professionnelle. Là aussi, comme dans d’autres JdR, le MJ et les joueurs devront s’astreindre à lâcher prise et à s’entendre pour que leur quotidien ne vienne pas interférer dans le jeu ; • le MJ pourrait vite tourner en rond en termes d’intrigues, mais encore une fois,
le livre donne des pistes de conception de missions. Il est donc possible de durer longtemps avec Donjon et Cie, sans parler des suppléments qui sont sortis depuis et que nous n’avons pas encore examinés ; • le dernier point qui paraît un peu plus sensible est l’accès de Donjon et Cie aux débutants en jeu de rôle. L’auteur en parle d’ailleurs de manière décomplexée, mais il faut exclure l’initiation du petit-neveu de douze ans avec ce jeu. Donjon et Cie reprend les codes et les références de D & D, ce qui est nécessaire à un rétro-clone, mais en conséquence, seuls les initiés peuvent s’y amuser pleinement.
Alors CDI ou CDD ? L’avenir, et surtout vos joueurs, vous le diront. En ce qui nous concerne, nous optons pour un CDI, car nous avons bien compris les bienfaits « thérapeutiques » d’une bonne partie de Donjon et Cie. Tout est là : simplicité, ambiance, jouabilité, rupture du quotidien, franches rigolades… Donc, pas d’hésitation ami(e)s rôlistes ! Que ce soit pour une partie de temps à autre, ou en version campagne, D & C créera, à n’en pas douter, de magnifiques souvenirs de jeu RÉMY « THE STORYTELLER » à partager. LUCOT
PAROLES DE JOUEUR « J’ai bien aimé le concept et je ne dis pas non de temps en temps, histoire d’alterner avec Donj’. Ça fait prendre l’air…ou plutôt le souffre dans notre cas. Un bon moment donc, décomplexé. » – Philippe « Sympa, c’est vrai, mais sérieux, ça m’a trop fait penser au boulot, surtout le perso de Philou. On aurait dit l’autre conna** dont je t’ai parlé la dernière fois, le mec de la compta, tu sais ? Celui qui [et patati, et patata]. » –Céline
« Ah c’est certain, ça change des intrigues maux-de-tête que tu nous fais subir depuis l’adolescence. ;) » – Laurent « Un OSR avec une bonne idée et une ambiance bon enfant. Le jeu permet de voir d’autres facettes de nos roleplay respectifs. Très intéressant. Après, je me demande si le concept ne risque pas de tourner en rond… » – Jean-Pierre « Druide »
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ON Y A JOUÉ
INDEX CARD RPG
UN JEU À LA CARTE IL Y A LES JEUX DE RÔLE UN PEU CONVENUS QUI RÉPÈTENT DES IMAGES ÉCULÉES SUR LE MED-FAN OU LA SF, ET PUIS IL Y A LES OVNIS FORCÉMENT UN PEU INCLASSABLES. ICRPG FAIT PARTIE DE CETTE DERNIÈRE CATÉGORIE. BIENVENUE DANS CE JDR QUI REBAT LES CARTES ! Rebattre les cartes
Index Card RPG Auteur et illustrateur : Hankerin Ferinale Éditeur : Les XII Singes Disponibilité : en boutiques Genre : préhistoire, med-fan, weird west et space-op TRAITS Background :
• Un style graphique… à part • Des mondes simples et percutants • Des détails qui marquent Gameplay : • D20 • Système unifié • Plein d’astuces à retenir ! Produit : • 2 livres de 240 pages à couverture rigide • 1 de 40 pages à couverture souple • 1 écran rigide
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Malgré un nom étrange qui fait tout de même figure d’ovni dans le milieu, Index Card Role Playing Game (ou ICRPG pour les intimes) est avant tout un état d’esprit, une manière de penser le jeu de rôle. C’est bien sûr un jeu complet avec règles, classes de personnages, antagonistes, aventures et mondes foisonnants de détails, mais c’est surtout une vision du jeu de rôle qui gagne à s’intégrer à votre jeu, et même à tous les jeux. Il représente en effet l’aboutissement d’une évolution qui tend vers toujours davantage de simplicité et de praticité au cours des parties. ICRPG ne cherche pas la complexité, mais avant tout la dimension jouable et l’émerveillement.
Rubrique bric-à-brac ICRPG foisonne de bonnes idées dont bon nombre sont intégrables telles quelles ou facilement adaptables à n’importe quel autre jeu de rôle. Un bon exemple est l’idée du dé de suspense, consistant à poser 1D4 sur la table lors d’une scène importante puis à le faire passer au D3, puis au D2, etc. en précisant ou non aux joueurs ce qui se passera après avoir atteint « 1 ». Il suffit de tester cette idée pour sentir la tension monter rapidement à la table de jeu, et en ressortir avec une expérience mémorable. Imaginez cette technique lorsque vos joueurs arrivent dans l’antre de cultistes en train de réaliser un rituel ou si vous leur annoncez que dans 4 tours la lave va emplir la pièce ! S’il n’est pas possible de lister toutes les bonnes idées contenues dans le livre ici, mentionnons tout de même l’excellente idée du dé dynamique, capable de redonner le sourire même aux joueurs à qui la poisse colle à la peau. Elle consiste tout simplement à permettre au joueur qui accumule les jets
MONTREZ-LEUR UN MONDE PLUS VIEUX QUE LE TEMPS ET PLUS PROFOND QU’UN AMOUR PERDU. CACHEZ UN DIEU DANS UNE FLEUR OU PROJETEZ-LES À TRAVERS LES SIÈCLES D’UN BAISER. IL N’Y A PAS DE LIMITES À CE QUE VOUS POUVEZ INVENTER, ALORS VOYEZ GRAND !
de dés catastrophiques de placer 1D6 sur sa feuille de personnage. Chaque fois qu’il rate un test, il ajoute 1 au dé et additionne ce total à son prochain lancé de D20 jusqu’à ce qu’il réussisse enfin une action. L’idée est simple et efficace, essayez-là ! Une mécanique universifiée La principale avancée du système d’ICRPG tient dans le concept d’effort qui correspond grosso modo à la mécanique des points de vie dans la grande majorité des jeux. Dans ce jeu, cette logique d’une quantité diminuant au fil des coups portés sort de son habituel domaine étroit pour être appliquée à tout ce qui implique un effort ; aussi bien escalader une paroi que mémoriser un sortilège ou forcer un vieux coffre, etc. Chaque effort à réaliser est représenté par un certain nombre de cœurs valant une dizaine. Pour réussir la tâche, il faut résoudre assez de tests d’effort pour dépasser le nombre cible à atteindre. En étendant cette logique à l’ensemble des tâches à réaliser lors d’une aventure, on obtient un système basé sur un seul principe, simple à comprendre et à mettre en œuvre. Le reste de la mécanique propose d’astucieuses simplifications comme la fin des pertes de temps sur les calculs d’apothicaire à coup de + 1 et de - 1 qui se combinent. Tout est ici simplifié en un unique système rendant le jet d’effort plus dur (+ 3) ou plus facile (- 3). Idem pour les points de vie, arguant qu’il n’y a pas tellement de différence entre 11 et 13, ils sont tous représentés avec des cœurs valant autant de paquets de 10. Cette mécanique simplifiée qui vise à proposer une expérience de jeu plus unifiée et plus fluide, peut être reprise comme plug-in dans un autre jeu n’utili-
sant pas le système ICRPG afin de rendre l’ouverture d’une porte ou d’un coffre plus intéressante.
Des mondes à l’image de la mécanique Les mondes développés dans ICRPG ne s’étalent pas sur des kilomètres linéaires de suppléments, détaillant tout… jusqu’à l’insignifiant. Ils sont ici réduits à l’essentiel, au percutant. Un monde ? Ce sont quelques pages pour les décors, autant pour les enjeux, des localités et quelques personnages clés. Rien de superflu, mais rien de sobre non plus. Les descriptions des mondes deviennent rapidement des aventures à part entière dont les descriptions fourmillent de détails propres à titiller l’imaginaire et à devenir l’occasion d’une aventure dans l’Aventure. Le livre de base en propose trois : • Alfheim nous plonge dans un univers méd-fan ; • Warp Shell offre un cadre de jeu dans la veine du space opera ; • Ghost Mountain est une terre plate où le far-west fleurte bon avec l’horreur. Le livret qui accompagne l’écran développe Sang et neige, un quatrième monde qui nous plonge dans la préhistoire. Ce dernier monde m’a fait rêver. Le cadre fait oublier les hommes des cavernes en proposant un peuple des neiges à la conscience spirituelle développée. Loin des clichés, ce corpus est plein de bonnes trouvailles (et oui, encore !), comme une page dédiée aux pouvoirs des femmes préhistoriques, ce qui n’est tout de même pas banal ! Contrairement aux autres mondes, il n’offre qu’un seul scénario emmenant les personnages à la recherche d’une relique capable d’arrêter la tempête qui menace leur tribu.
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ON Y A JOUÉ
« LE CŒUR ET L’ÂME D’ICRPG, C’EST LA LIBERTÉ ET L’AUDACE D’ALLER AU-DELÀ DE CE QUI EST ÉCRIT. C’EST UNE COMPÉTENCE QUE BEAUCOUP D’ENTRE VOUS MAÎTRISENT, ET C’EST POURQUOI NOUS JOUONS ! » – MONDES ET MAGIE, PAGE 4 Des paquets de cartes thématiques pour des univers Weird West, SF et Med-Fan. Chacun comportant 50 cartes et 100 illustrations pour créer des scénarios, présenter des situations aux joueurs ou disposer sur la table de jeu.
Ces quatre mondes sont reliés les uns aux autres grâce à une sorte de portail permettant de passer de l’un à l’autre. Qui imagine déjà quelques Hommes des neiges projetés dans Ghost Mountain ? Ou vice-versa ! Des scénarios à l’image du monde Les scénarios qui prennent place dans ces mondes proposent une expérience ludique, rapide et souvent fun sans trop s’embarrasser de réalisme et de complexité. La conséquence de cette vision implique qu’il ne faut pas s’attendre à des scénarios complexes et fouillés aux intrigues taillées dans la dentelle avec des dizaines de PNJ à interpréter. La menace est ici généralement massive, à la mesure de l’émerveillement que le monde suscite et l’affrontement plutôt brutal. Le livre comporte de nombreuses aventures et trames de scénario invitant souvent à de l’exploration mêlée d’émerveillement et d’affrontements. De nombreux scénarios sont développés sur huit pages. Et il y a aussi de nombreuses idées de scénarios réduites à l’essentiel, tenant parfois sur une demi-page,
à développer en les faisant vivre. L’ensemble se prête d’ailleurs plutôt bien à la partie improvisée sur le pouce puisque la plupart des scénarios ne mettent pas en scène de PNJ ou d’intrigue complexe nécessitant une lourde préparation de la partie en amont. Des images pour l’imaginaire Les illustrations sont à l’image de l’ensemble d’ICRPG, simples et avec un trait décidé qui ne s’embarrasse pas de détails mais va à l’essentiel. Le texte et les illustrations forment un ensemble cohérent, puisqu’ils partagent cette même vision du monde. Une partie des illustrations sont aussi disponibles sous forme de carte permettant d’inventer un scénario ou de rendre hommage au nom du jeu, l’improbable Index Card Role Playing Game !
PAROLES DE JOUEUR (Nous avons joué le scénario Dernier vol.) « Le système est intéressant pour découvrir le jeu de rôle ou sortir des sentiers battus en incarnant un rôle atypique (un mécha moine !). Je suis curieux de découvrir comment un système aussi simple s’articule dans une campagne. » – Geoffrey « Les fiches de personnages sont bien faites et abordables pour un début de prise en main de jeu de rôle. » – Paprika
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« Le système est facile à jouer et à prendre en main. C’est dommage que deux classes de l’univers Warp shell (étranger et titan) prennent le pas esthétiquement sur toutes les races. » – Nathanaël « Le système est moins prise de tête que les systèmes classiques. L’univers (Warp shell) est super intéressant. Je suis curieux de découvrir le développement des personnages sur plusieurs aventures. À l’inverse de Nathanaël, je trouve cool qu’une certaine classe transforme la race. » – Adrian
Au final ? ICRPG est un jeu à part, qui a gagné ses lettres de noblesse grâce à la réputation qu’il s’est faite dans le milieu rôliste. Cette production d’abord amateur et publiée sous format électronique connaît maintenant deux éditions papier chez des éditeurs reconnus en anglais et en français. N’hésitez pas à découvrir ce jeu qui ne laisse pas indifférent dans une ÉRIC DEDALUS édition digne de ce nom.
DUNGEONS & DRAGONS
UNE BONNE LEÇON
AUTEUR : Rémy « The Storyteller » Lucot ILLUSTRATEUR : Laurent Miny ÉDITEUR : Wizards of the Coast
Bienvenue dans les Royaumes Oubliés, terres de légendes et d’aventures. Ce scénario, conçu pour les novices, vous propose de jouer durant 3 ou 4 heures et d’accomplir la mission discrète qu’un seigneur nain vous a confiée. Mais ne vous méprenez pas, les apparences sont parfois trompeuses…
L’histoire Pour les joueurs De passage dans les Marches d’argent, les PJ sont recrutés par Travok Tranchefer, le chef d’un puissant clan nain de la citadelle de Felbarr.
En effet, ce dernier a envoyé son fils Delg dans les terres sauvages afin qu’il s’endurcisse et soit prêt à lui succéder. Delg est quant à lui un jeune nain arrogant qui n’a jamais connu la réalité brutale des terres sauvages. Son père estime qu’il manque encore de sagesse et d’endurance. Travok a
SYNOPSIS Dans les Marches d’argent, le chef d’un clan nain envoie son fils dans les terres sauvages pour y récupérer un objet précieux appartenant à la famille. Le jeune nain organise donc son expédition et se rend sur les lieux indiqués par son père. Mais très vite l’ambiance se dégrade sur le camp. L’objet reste introuvable et une créature dangereuse semble rôder dans les parages. Quelques jours plus tard, les PJ sont envoyés par le chef de clan pour rendre compte de la progression de celui qui sera bientôt son successeur.
PUBLIC Niveau de maîtrise du meneur : débutant Niveau des personnages / prérequis : à partir du niveau 4 Nombre de joueurs : 2 à 4
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SCENARIO
DUNGEONS & DRAGONS
10 km
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donc inventé un prétexte pour inciter son fils à partir : un soi-disant objet sacré appartenant au clan aurait été perdu à un endroit précis et doit être retrouvé pour l’honneur de la famille. Delg s’en est donc allé, accompagné de quatre de ses jeunes amis, d’un vieux conseiller de Travok ainsi que de Glabar, son cousin du clan de l’Ouest, venu passer quelques semaines à la citadelle. Quelques jours après le départ, Travok recrute les PJ pour qu’ils se rendent sur le camp de Delg et observent la progression de son fils sans révéler la véritable raison de leur présence au sein du campement. Ils peuvent, par exemple, se faire passer pour de simples voyageurs de passage à la recherche d’un abri pour la nuit. Au moment
200 m
où débute l’aventure, les héros ont progressé jusqu’au Rauvin et ne sont qu’à une ou deux journées du campement.
Pour le MD Tous ignorent qu’une Guénaude verte (cf. plus bas) est installée depuis quelques années à proximité du campement de Delg. Après avoir observé les jeunes nains, elle décide de manipuler Glabar en jouant sur les anciennes rivalités entre les clans de l’est et de l’ouest et dont il lui a fait part. Le cousin Glabar est un représentant de la famille Tranchefer qui vit dans le clan de l’ouest considéré comme de moindre importance par rapport à la famille centrale de Felbarr.
Mettant en œuvre ses pouvoirs d’illusionniste, elle parvient à monter Glabar contre son cousin et lui fait commettre l’irréparable : l’assassinat du vieux conseiller qui accompagnait la troupe, Darak Sageplume. Glabar est sous l’emprise de la créature qui se régale de la débâcle se formant jour après jour sur le camp. Les PJ doivent donc non seulement rétablir une certaine sérénité sur le camp, mais également s’occuper de la Guénaude qui menace l’héritier de la maison Tranchefer.
Scène I – Vers le campement de Delg Tranchefer An 1373 du Calendrier des Vaux (Année des Dragons renégats). Fin du mois de Marpenoth (Automne). Les PJ se dirigent vers l’endroit où Delg est censé rechercher l’objet sacré des Tranchefer avec ses compagnons. Ils ont déjà traversé les collines bordant les Montagnes Rauvin et ont rejoint une halte fluviale qui se dresse à l’embouchure de la Coulée Rouge et du fleuve Rauvin. Ils ont dormi ici et s’apprêtent à reprendre la route. Ils ont le choix entre deux façons de voyager : par les collines ou par le fleuve. Il reste au plus un jour ou deux de marche jusqu’au campement. Note au MD : avant d’entamer cette scène, servez-vous de la partie « histoire pour les joueurs » afin d’expliquer le contexte et la mission qui a été confiée aux héros. Si c’est la première partie de vos joueurs, donnez-leur le temps de se présenter. Ensuite, laissez-les choisir entre les deux options ci-dessous et suivez les instructions.
Voyage à pied Il y a tout au plus une ou deux journées de marche avant d’atteindre le campement de Delg. Note au MD : demandez à vos joueurs de choisir une fonction parmi les trois suivantes : guide, éclaireur, économat. Si vos joueurs sont plus de quatre, les autres font fonction de simples voyageurs sans responsabilité pour la suite du périple. Idéalement, le guide (navigateur) doit disposer d’une bonne valeur
de Dextérité et/ou de Perception. L’éclaireur (vigie) doit disposer d’une bonne valeur en Intelligence et/ou Intuition et Perception. L’économat doit disposer d’une bonne valeur en Sagesse et/ou en Survie. Chaque personnage assumant une fonction doit lancer un test correspondant aux caractéristiques ou compétences évoquées ci-dessus avec un DD de 13. Si ce test est raté, reportez-vous au tableau correspondant après avoir lancé 1D4. 1d4
Guide
1
L’orientation du guide est mauvaise, le groupe perd une demi-journée de voyage. Test d’INTELLIGENCE (Nature) DD 12 . Si raté, perte de 1 PV.
2
Le guide a mal évalué la topographie, les héros doivent traverser un terrain caillouteux et difficile. Test de FORCE (Athlétisme) DD 12, Si raté, perte de 1 PV.
3
Rien ne se passe.
4
Le sentier que le guide a choisi est difficile et grimpe à flanc de colline. Chaque PJ doit passer un test de DEXTÉRITÉ (Acrobaties) DD 12 pour ne pas chuter. En cas de chute, le PJ perd 1D6 PV
1d4
Éclaireur
1
L’éclaireur fait passer les héros entre deux plateaux rocheux. Un couple de Faucons de sang les attaquent.
2
L’éclaireur n’a pas su évaluer les conditions météorologiques. Un violent orage s’abat sur la région. Un test de FORCE (Athlétisme) DD 10 est nécessaire pour résister aux intempéries. Si le test est raté, le héros perd 1 PV.
3
L’éclaireur a découvert trop tard la présence d’un nid de vautours. Le couple attaque.
4
Rien ne se passe.
1d4
Économat
1
Le héros qui assume cette charge s’est trompé dans ses calculs. Il ne reste plus que l’équivalent d’un repas pour tous.
2
En cherchant une source d’eau pour remplir leurs gourdes, les héros tombent sur un couple de Faucons de sang.
3
Un champignon a fait pourrir tous les repas des héros.
4
Rien ne se passe.
Voyage en embarcation Les héros peuvent louer une embarcation de fortune à la halte fluviale. Au mieux, le gérant des lieux peut leur vendre une barque (55 PO) bien que les radeaux soient beaucoup moins chers (10 PO). Note : le gérant ne pratique pas la location.
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SCENARIO 1d4
DUNGEONS & DRAGONS Note au MD : demandez à vos joueurs de choisir une fonction parmi les trois suivantes : navigateur, vigie, économat et suivez les instructions du paragraphe précédent.
Navigateur
1
L’embarcation aborde des rapides que le navigateur a sous-évalués. Un test de DEXTÉRITÉ DD 14 doit être réalisé. Si ce test est raté, l’embarcation est détruite. Les héros doivent continuer à pied selon la configuration détaillée plus haut.
2
Du fait des manœuvres des navigateurs, l’embarcation est coincée dans des rochers. Un test de FORCE DD 14 doit être réalisé. S’il est raté, les héros sont obligés d’abandonner l’embarcation et doivent continuer à pied selon la configuration détaillée plus haut.
3
Rien ne se passe.
4
Le navigateur a choisi de passer par un affluent qui disparaît dans un bourbier. L’embarcation est perdue et les héros doivent repasser un test d’INTELLIGENCE DD 14 pour retrouver leur chemin. Si ce test est raté, relancez un D4 en vous reportant au tableau Éclaireur ci-dessus.
1d4
Vigie
1
La vigie n’a pas remarqué la présence d’un Vautour sur le bord de la rivière. L’oiseau surpris attaque.
2
La vigie n’a pas pu anticiper le changement de temps. Une averse soutenue fait grossir les eaux du fleuve. Un test de FORCE DD 15 doit être réalisé. S’il est raté, les héros tombent à l’eau et doivent réussir un test de DEXTÉRITÉ pour nager vers le bord. Le test doit être passé autant de fois qu’il est raté. Pour chaque échec, le héros perd 1 PV.
3
Rien ne se passe.
4
La vigie n’a pas remarqué la présence de rapides et l’embarcation est entraînée par les flots. Un test de DEXTÉRITÉ DD 14 doit être réalisé. Si le test est raté, l’embarcation est détruite et les héros doivent continuer à pied selon la configuration détaillée plus haut.
1d4
Économat
1
Le héros qui assume cette charge s’est trompé dans ses calculs. Il ne reste plus que l’équivalent d’un repas pour tous.
2
En cherchant une source d’eau pour remplir leurs gourdes, les héros tombent sur un Faucon de sang. L’oiseau surpris les attaque.
3
Un champignon a fait pourrir tous les repas des héros.
4
Rien ne se passe.
Scène II – Arrivée sur le camp
C’est la fin de journée lorsque les Héros arrivent en vue du campement, un violent orage s’abat sur la région. Le campement apparaît au loin, noyé dans une brume épaisse. Il se trouve à une vingtaine de
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mètres des bords du fleuve Rauvin. Les PJ peuvent distinguer une barrière artisanale qui entoure le campement. Les quelques tentes installées n’ont pas l’air très solides et se balancent au gré des rafales de vent. Les PJ sont également surpris par une odeur de cendre froide. Quand ils s’approchent du campement, ils peuvent distinguer un bûcher mortuaire gardé par un nain armé d’une hache. Note au MD : la première vision du campement n’est pas très flatteuse pour les PJ. Tout ici à l’air d’être monté de bric et de broc. À l’évidence, le camp est très mal organisé. Les pseudos barrières faites de bûches et de cordes sont censées protéger les nains de la créature qui rôde dans les parages. Le bûcher mortuaire s’est éteint depuis la matinée et constitue la dernière demeure de Darak Sageplume, le vieux conseiller qui accompagnait l’expédition et qui a été assassiné par Glabar. Le garde du bûcher n’est autre que Glabar (le rituel veut que ce soit la dernière personne vue par le défunt qui garde sa demeure mortuaire). Il interpelle les PJ quand il les repère. Alertés, les autres nains sortent de leurs tentes respectives. Ils sont très nerveux et très méfiants. Vos joueurs doivent donc faire preuve de tact (Roleplay + tests de CHARISME (Persuasion) DD 13) s’ils veulent intégrer le camp tout en cachant la véritable raison de leur présence ici. Dès les premières minutes en compagnie des nains, les héros ressentent une forte tension entre eux. Par ailleurs, ils ont l’air épuisé. Delg souhaite toutefois négocier leur présence. Il leur demande de s’atteler à des travaux d’amélioration du camp dès le lendemain matin s’ils veulent profiter du gîte et du couvert. Si les héros acceptent, ils sont reçus par Vistra Tranchefer, la sœur de Delg et peuvent manger le seul plat que les nains ont réussi à préparer depuis deux jours : une soupe de légumes sauvages. Vistra peut leur expliquer ce qu’il s’est produit sur le camp (cf. « L’assassinat »). Passez ensuite à la scène III. Si les héros préfèrent dormir en dehors du
L’ASSASSINAT
LES CINQ NAINS
Glabar, le cousin de Delg et membre éminent du clan de l’ouest a été manipulé par les illusions de la Guénaude verte qui vit non loin du camp dans le bois bourbeux. Celle-ci lui promet un avenir de gloire en tant que nouveau chef du clan des Tranchefer à condition d’éliminer ou, en tout cas, de ne plus faire prospérer la lignée de l’ouest. Venant sur le camp à plusieurs reprises au cours des nuits qui ont précédé, la Guénaude verte utilise ses pouvoirs d’illusions et se fait passer pour une fée prophétique auprès de Glabar. Ce dernier, peu intelligent, croit en cette nouvelle destinée et accomplit les moindres de ses désirs. La Guénaude verte lui a donc conseillé de discréditer Delg aux yeux de son père et, par conséquent, de couper la source des précieux conseils qui pourraient lui être prodigués : le vieux Darak Sageplume. C’est ainsi que Glabar s’est arrangé pour se retrouver seul un soir avec Darak et lui faire boire un poison issu d’une plante ramenée de ses terres natales (à proximité des Landes Eternelles). Une fois sa mort constatée, Glabar a lacéré son corps avec un bâton garni de longs clous, faisant croire ainsi à une attaque de bête sauvage. Les autres nains ont cru à cette version et c’est celle que Vistra raconte aux héros s’ils posent la question.
La compagnie des jeunes nains est composée de : • Delg Tranchefer : fils de Travok, arrogant, colérique et feignant. Roux, barbe courte, il doit devenir chef de clan bientôt ; • Glabar Tranchefer : clan de l’ouest, cousin de Delg, peu intelligent, bon combattant. Roux, barbe longue. • Vistra Tranchefer : sœur de Delg, clan de l’est, joviale, bonne combattante. Blonde. • Eberk Cognebois, ami de Delg : effacé, craintif, aucune expérience. Blond, barbe courte. • Diesa Cognebois : soeur d’Eberk et amie de Delg. Douce, débrouillarde. Blonde.
camp à la belle étoile, ils n’auront aucune difficulté à s’abriter dans une des multiples cavernes des collines environnantes. Vous pouvez évidemment y placer une rencontre aléatoire telle qu’un ours noir ou un loup rôdant la nuit ou en vous aidant du bestiaire (attention toutefois à ce que votre créature soit d’un niveau égal ou inférieur à 25 PX). Le lendemain matin, Vistra vient leur demander de l’aide et leur explique ce qu’il s’est passé en scène III.
Scène III – Une nuit mouvementée
Après cette soirée sous tension, l’orage s’arrête et un froid piquant s’installe sur les collines. Les conditions de repos sont loin d’être réunies. Les tentes s’ouvrent au moindre coup de vent et les bruits de la nature réveillent fréquemment les esprits non habitués aux terres sauvages. C’est alors qu’une grande lumière blanche envahit le campement. C’est le fantôme de Darak qui se manifeste. Il apparaît, consumé par les flammes et tendant un doigt vers… l’ouest. Les nains ne comprennent pas, mais bien vite une dispute éclate entre Delg et Glabar. En effet, le premier reproche au second de ne pas avoir gardé correctement le bûcher funéraire. L’esprit du défunt est donc en colère. Les deux nains sont sur le point d’en venir aux mains. Par ailleurs, après l’évaporation du fantôme, des bruits étranges se font entendre dans de hauts buissons en bordure du camp.
Note au MD : le fantôme de Darak apparaît pour donner une indication quant à son meurtre. L’ouest représente tout simplement le clan de Glabar. Les héros devront tout faire pour que le combat entre les nains n’ait pas lieu. Glabar est bien plus versé dans les arts militaires que son cousin embourgeoisé de l’est. Les bruits entendus dans les hauts buissons sont ceux d’un grand cerf qui fuit à l’approche des héros. Ils peuvent le traquer un moment et l’abattre pour s’en servir de nourriture providentielle. S’ils le chassent, ils remarquent que la bête a déjà été touchée par une flèche… Les bandits que l’on retrouve en scène IV en sont à l’origine.
CRÉATURES – VAUTOURS ET FAUCONS DE SANG VAUTOURS bête de taille Moyenne, non-alignée Classe d’armure : 10 Points de vie : 5 Vitesse 3 m, vol 15 m FOR 7 (-2) DEX 10 (0) CON 13 (+ 1) INT 2 (-4) SAG 12 (+ 1) CHA 4 (-3) Compétence : perception + 3 Sens : perception passive 13 Facteur de puissance : 0 (10 PX) Actions : Bec. Attaque d’arme au corps à corps : + 2 pour toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 2 (1D4) dégâts perforants.
FAUCONS DE SANG bête de petite taille, non-alignée Classe d’armure : 12 Points de vie : 7 Vitesse 3 m, vol 18 m FOR 6 (-2) DEX 14 (+ 2) CON 10 (0) INT 3 (-4) SAG 14 (+ 2) CHA 5 (-3) Compétence : perception + 4 Sens : perception passive 14 Facteur de puissance : 1/8 (25 PX) Actions : Bec. Attaque d’arme au corps à corps : + 4 pour toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 4 (1D4 + 2) dégâts perforants.
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SCENARIO
DUNGEONS & DRAGONS Scène IV – Puisque vous êtes des héros… Un matin froid et brumeux se lève sur le camp. Les nains sont sur les nerfs. Si les héros n’ont pas dormi là, Vistra, sur les ordres de Delg va leur demander de les rejoindre et elle leur explique les événements de la nuit. Malgré la fatigue de ses compagnons, Delg organise une nouvelle recherche de l’objet sacré dans les collines environnantes. Il explique aux héros que s’ils veulent se rendre utiles et rester quelque temps avec eux, ce sera à condition d’enquêter sur tous ces événements qu’il trouve de plus en plus étranges. Delg veut un rapport à leur retour
20 m
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en fin de soirée. Il est précisé aux héros qu’ils ne doivent en aucun cas fouiller dans les affaires des nains et qu’il ne doit rien manquer sur le camp. Dans le cas contraire, la sanction serait « exemplaire ». Note au MD : les héros peuvent mener leur enquête. Servez-vous du plan n° 3 et décrivez les endroits qu’ils auront choisi de fouiller. Le but de cette scène est de les orienter sur la piste de Glabar. Attention, pendant la scène d’enquête (à vous d’en déterminer le moment opportun), deux bandits en vadrouille dans les collines se rapprochent du camp. Ils sont sur la piste du grand cerf que les héros ont surpris lors
de la scène III. Ils n’ont rien à voir avec l’assassinat, mais le combat est inévitable, car ils sont déterminés à voler ce qu’ils peuvent.
La barrière artisanale Faite de bûches et de cordes mal ajustées, cette enceinte de fortune n’est évidemment d’aucune utilité. Elle est montée à 1,5 m de hauteur. Pour autant, les héros peuvent remarquer qu’elle n’a subi aucune détérioration et qu’aucune empreinte d’animaux ou de créatures n’est visible sur tout le long de son périmètre.
Feu de camp Il n’y a rien à trouver ici. Le feu est inutilisable et a été très mal structuré pour un tel campement.
GRAND CERF DES COLLINES
Les arbres et rochers qui traversent le Rauvin
Bête de taille Moyenne, non-alignée Classe d’armure : 13 Points de vie : 3 (à cause de la flèche) Vitesse 15 m FOR 11 (0) DEX 16 (+ 3) CON 11 (0) INT 2 (-4) SAG 14 (+ 2) CHA 5 (-3)
Note au MD : aucune créature n’est donc entrée dans le camp en outrepassant cette barrière.
La Guénaude verte a traversé les rochers du fleuve et elle s’est plusieurs fois positionnée dans ces arbres la nuit pour manipuler Glabar en prenant la voix et la silhouette illusoire d’une fée. Pour découvrir d’éventuelles traces, il est nécessaire d’utiliser la magie (détection de la magie). Si ces traces sont mises à jour, les héros s’aperçoivent qu’elles conduisent à travers le campement, sur les rochers affleurants du Rauvin et s’orientent vers le bois boueux.
Le tas de bois
La plage de galets
Il sert à l’alimentation du feu nocturne bien qu’il ait été très mal choisi et par ailleurs trempé. Il n’y a rien de particulier à découvrir ici.
C’est ici que Darak a été empoisonné avant d’être emmené jusqu’à l’arbre. La traînée est à peine visible (test de SAGESSE (Perception) DD 15). Il est toutefois possible de remarquer deux, trois cailloux gris sur le plateau herbeux du campement prouvant que le cadavre a été tiré de la plage vers le campement.
Les tentes naines Les héros n’y trouvent presque aucune affaire personnelle ou de grande valeur. En effet, les nains se débrouillent toujours pour tout emporter avec eux quand ils partent en expédition dans les collines. Malgré tout, s’ils fouillent avec précision (test d’INTELLIGENCE DD 12) les héros peuvent trouver sur les objets suivants : • boussole (tente d’Eberk Cognebois) ; • livre de légendes naines intitulé « Grandeurs et exploits immémoriaux des clans de l’ouest » (tente de Glabar Tranchefer) ; • loupe (tente de Vistra Tranchefer) ; • outre d’alcool à moitié pleine (Delg Tranchefer) ; • feuilles de tabac noir (tente de Diesa Cognebois). Note au MD : le livre trouvé chez Glabar peut faire comprendre aux héros que le clan des Tranchefer de l’ouest a toujours cherché à briller et semble assez frustré de la domination du clan de l’est.
Le bûcher Au milieu des cendres éparpillées de Darak, les héros peuvent trouver, à condition de réussir un test d’INTELLIGENCE (Investigation) DD 14, l’instrument qui a servi à écorcher le cadavre. Le manche a entièrement brûlé, mais sur le morceau prêt à se dissoudre, sont encore plantés trois longs clous alignés.
Sens : perception passive 12 Facteur de puissance : 0 (10 PX) Actions : Cors. Attaque d’arme au corps à corps : + 2 pour toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 2 (1D4) dégâts perforants.
BANDITS EN VADROUILLE (2) Humanoïde de taille Moyenne, Loyal Mauvais Classe d’armure : 12 (armure de cuir) Points de vie : 11 Vitesse 9 m FOR 11 (0) DEX 12 (+ 1) CON 12 (+ 1) INT 10 (0) SAG 10 (0) CHA 10 (0) Sens : perception passive 10 Facteur de puissance : 1/8 (25 PX) Actions : Cimeterre. Attaque d’arme au corps à corps : + 3 pour toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 4 (1D6 + 1) dégâts tranchants.
Scène V – Retour de la compagnie de Glabar Les nains reviennent en début d’après-midi de leur nouvelle expédition qui évidemment n’a rien donné. Les héros remarquent aussitôt que Glabar n’est pas avec eux. Ce dernier a prétexté avoir quelque chose d’important à faire durant quelques heures pour
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SCENARIO
DUNGEONS & DRAGONS la recherche de l’objet sacré. Delg n’a pas insisté et l’a laissé partir.
Scène VI – À la recherche de Glabar Tranchefer
Note au MD : les héros doivent rendre compte au chef nain de leurs trouvailles et conclusions. Ils peuvent porter leurs soupçons sur Glabar, mais les nains, y compris Delg, n’admettent pas cette possibilité qui touche à leur honneur filial. Pour autant, les heures passent et les nains commencent à se faire du souci pour Glabar. Ils vont une fois de plus solliciter les héros pour le retrouver tout en admettant à peine la possibilité qu’il soit impliqué et qu’il se soit finalement enfui. Si les héros tentent de savoir quels endroits ont été visités depuis par les nains, Delg leur avoue à demi-mot qu’ils ont préféré éviter les coins dangereux pour chercher l’objet sacré. Le but de cette scène est de démontrer la pugnacité des nains sur des sujets comme la famille, mais également de démontrer aux héros que Delg et ses compères sont peu courageux face aux terres sauvages et aux dangers que l’on peut y rencontrer. Si les héros acceptent cette nouvelle mission, rendez-vous à la scène VI. S’ils refusent, augmentez les éventuelles récompenses promises par Delg. Il sera toujours temps pour les PJ d’en parler au chef de clan lorsqu’il viendra en personne sur le campement (cf. Scène VII).
Les héros peuvent rechercher Glabar aux endroits indiqués sur le plan n°2. En fonction de leur choix, reportez-vous au paragraphe correspondant.
Les collines nord Les nains les ont beaucoup parcourues, impossible pour eux que Glabar soit dans les parages. Ces collines ne présentent rien de particulier, mais les nains ont toutefois soigneusement évité le petit bois encaissé et la caverne abandonnée. Le petit bois encaissé Il s’agit d’un groupe d’arbres compact, blotti entre deux collines où Glabar n’a jamais mis les pieds. Aucun sentier ne traverse la zone. Un ruisseau y coule et forme une grande mare au milieu. C’est ici qu’une pixie a fixé son territoire. Quand les héros entrent dans le bois, elle tente de leur faire quelques blagues. Les PJ passent un test de SAGESSE (Intuition) DD 15. Si ce test est raté, lancez 1D6 et reportez-vous au tableau des blagues. La caverne abandonnée À flanc de collines, un petit chemin sinueux conduit dans cette grotte qui fut autrefois le repaire d’un ogre. Il n’y a aucune trace de la présence de Glabar par ici. La caverne n’est pas très profonde et cache encore, sous quelques centimètres de terre, des objets à trouver par les héros. Chaque PJ doit passer un test d’INTELLIGENCE (Investigation) DD 13. Si ce test réussit, reportez-vous au tableau des trouvailles suivant en lançant 1D8.
Les collines sud Elles présentent la même topographie que celles du nord. Les héros doivent faire un test de SAGESSE (Perception) DD 13 en les parcourant. Si ce test est raté, lancez 1D4 et reportez-vous aux rencontres suivantes :
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1 – Ours noir 2 – Couple de faucons de sang 3 – Couple de sangliers 4 – aucune rencontre
Le Rauvin Cette section du fleuve, bien qu’assez tumultueuse, peut être traversée à certains endroits grâce à une série de rochers émer-
geant entre les deux rives. C’est d’ailleurs par là qu’est passé Glabar pour rejoindre la Guénaude verte dans le bois boueux. Pour traverser sans encombre le fleuve, les PJ devront réaliser un test de DEXTÉRITÉ (Acrobaties) DD 12. Si un héros tombe à l’eau, il doit faire un test de FORCE (Athlétisme) DD 13 pour éviter la noyade. À chaque nouveau test raté, le héros perd 1 PV.
TABLEAU DES BLAGUES PIXIES 1d6
Résultat
TABLEAU DES TROUVAILLES DANS LA CAVERNE ABANDONNÉE 1d8
Résultat
1
une potion de guérison (2D4 + 2 de PV récupérés)
2
un sac de billes (une trentaine)
3
une vieille boîte à amadou
4
une dague
La pixie attache les lacets de chaque héros pendant leur progression dans le bois. L’un d’entre eux (au choix du MD) casse un objet de son matériel en tombant.
5
un bâton (focaliseur arcanique)
1
6
un sifflet
2
La pixie fait pleuvoir une pluie de glands sur les héros.
7
une fronde
3
La pixie secoue une fleur au pollen allergisant sur les héros. Ils toussent et éternuent pendant dix bonnes minutes.
8
5 m de corde en chanvre
4
La pixie demande à quelques oiseaux du bois d’arroser les héros de leurs excréments en deux passages.
5
La pixie pousse un héros dans la mare qui en ressort crotté.
6
La pixie fouette les fesses des héros avec des branches d’arbres.
Tout ceci la fait bien rigoler et d’ailleurs cela s’entend dans le bois. Si les héros gardent leur calme, elle peut les récompenser en leur disant de se méfier de la « vieille du marécage ». Selon la petite fée, la « vieille » est dangereuse et cela fait longtemps qu’elle ne s’est pas amusée avec des voyageurs. En revanche, si les héros désapprouvent les plaisanteries de la pixie, elle se fera un devoir de ne plus faire aucun bruit et surtout, de ne pas les conseiller.
ANIMAUX DES COLLINES OURS NOIR Bête de taille Moyenne, non-alignée Classe d’armure : 11 Points de vie : 19 Vitesse 12 m, escalade 9 m FOR 15 (+ 2) DEX 10 (0) CON 14 (+ 2) INT 2 (-4) SAG 12 (+ 1) CHA 7 (-2) Compétence : perception + 3 Sens : perception passive 13 Facteur de puissance : 1/2 (100 PX) Actions : Griffes. Attaque d’arme au corps à corps : + 4 pour toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 7 (2D4 + 2) dégâts tranchants. Morsure. Attaque d’arme au corps à corps : + 4 pour
toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 5 (1D6 + 2) dégâts tranchants. SANGLIERS (2) Bête de petite taille, non-alignée Classe d’armure : 11 Points de vie : 11 Vitesse 12 m FOR 13 (+ 1) DEX 14 (0) CON 12 (+ 1) INT 2 (-4) SAG 9 (-1) CHA 5 (-3) Sens : perception passive 9 Facteur de puissance : 1/4 (50 PX) Actions : Défense. Attaque d’arme au corps à corps : + 3 pour toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 4 (1D6 + 1) dégâts tranchants.
FAUCONS DE SANG (2) Bête de petite taille, non-alignée Classe d’armure : 12 Points de vie : 7 Vitesse 3 m, vol 18 m FOR 6 (-2) DEX 14 (+ 2) CON 10 (0) INT 3 (-4) SAG 14 (+ 2) CHA 5 (-3) Compétence : perception + 4 Sens : perception passive 14 Facteur de puissance : 1/8 (25 PX) Actions : Bec. Attaque d’arme au corps à corps : + 4 pour toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 4 (1D4 + 2) dégâts perforants.
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SCENARIO
DUNGEONS & DRAGONS Le bois boueux Ce bois de quelques hectares est imprégné par les eaux du Rauvin. C’est une zone marécageuse corrompue par la Guénaude verte qui en a fait son lieu de vie. De prime abord, il n’y a aucune piste permettant de pénétrer le bourbier sans risque. Une brume épaisse stagne sur la zone et empêche toute vision à plus de 5 m devant soi. Au centre de ce bois se trouve la butte où la Guénaude a bâti sa cabane. Il faut marcher deux bons kilomètres dans le bourbier avant d’atteindre cette butte. Note au MD : la Guénaude verte est dans sa cabane au moment où les héros entrent dans le bois boueux. Glabar l’a rejoint. Il existe un sentier de pierres au nord qui permet d’accéder au centre du bois sans avoir à subir ses dangers. C’est d’ailleurs celui qu’emprunte Glabar et sur lequel on peut repérer ses traces. Si les héros la trouvent grâce à un test d’INTELLIGENCE (Investigation) DD 14, ils accèdent à la butte. Si les héros entrent dans le bois sans réfléchir, ils doivent passer chacun un test de SAGESSE (Intuition) DD 12. La Guénaude verte a posé quelques pièges sur la zone. Si le test est raté, lancez 1D6 et reportez-vous au tableau d’événements page suivante : Quand les PJ arrivent en vue de la butte, la Guénaude verte et Glabar les attendent. Glabar est dans un état second. Il brandit sa hache vers les héros en hurlant qu’ils ont commis un sacrilège en empêchant la lignée
LES DANGERS DU BOIS BOUEUX 1d6
Résultat
1
Le héros s’enfonce dans un trou d’eau boueuse profond dont il doit se sortir en réalisant un test de FORCE (Athlétisme) DD 14. Si le test est raté, le héros perd 1PV. La difficulté augmente de + 2 et ainsi de suite
2
Le héros glisse sur une pente boueuse et atterrit dans des buissons épineux. Il perd 2 PV.
3
Le héros marche sur un tas de feuilles en décomposition et chute dans une fosse de 3 m de haut.
4
Sur son passage, le héros casse une branche qui déclenche la chute d’un panier rempli de plantes urticantes (-1D4 PV)
5
Le héros se retrouve au milieu d’un secteur envahi de champignons qui, une fois écrasés, diffusent des spores provoquant des suffocations. Le PJ doit faire un test de DEXTERITE (Acrobaties) DD13 pour éviter de marcher dessus. Si le test est raté, il perd 1D4 PV avant de sortir de la zone.
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Chance. Rien ne se passe
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de l’ouest de récupérer ce qui lui revenait de droit, à savoir la direction du clan des Tranchefer. Glabar affirme par ailleurs que la « bonne fée » (la Guénaude telle qu’il la voit) lui a donné les clefs de son exceptionnelle destinée. La Guénaude verte reste quant à elle impassible et sourit de voir la tournure des événements. C’est alors que débarquent les autres nains qui ont finalement trouvé le courage de traverser le bois boueux. Le combat qui s’annonce devient plus équilibré. Glabar dévale la butte en hurlant des slogans de sa famille. Note au MD : les héros peuvent essayer de le ramener à la raison, mais ils n’y parviennent pas malgré tous leurs efforts. Ils doivent combattre soit Glabar, soit la Guénaude verte qui cherchera toutefois à s’enfuir si cela venait à mal tourner pour elle. Elle convoque
les corbeaux qui sont à sa solde (1D4) pour la protéger.
Scène VII – Épilogue
Deux jours après le combat qu’ont livré les héros et les nains à leurs adversaires, Travok, le chef du clan de l’est débarque avec deux de ses guerriers sur le campement. Il veut savoir de quelle façon s’est déroulée l’expédition de son fils et entendre les héros sur ce qu’ils ont pu observer. Note au MD : les héros peuvent rapporter s’ils le veulent toute l’histoire, tout comme ils peuvent n’en raconter qu’une partie, à eux d’en décider. En fonction, ils obtiennent la récompense promise par Travok. N’oubliez pas la distribution des PX !
POUR ALLER PLUS LOIN, QUELQUES IDÉES DE SCÉNARIOS • Le chef de clan décide de leur confier d’autres missions pour le compte des Tranchefer ; • Le chef de clan décide que Delg devra les accompagner dans le cadre de leurs futures aventures afin qu’il soit prêt à assumer ses futures fonctions ; • Une assemblée de Guénaudes vertes constate la disparition d’une de leurs sœurs et préparent leur vengeance ; • Le chef du clan des Tranchefer de l’est demande des comptes quant à la mort de son fils… Mais ceci est une autre histoire, qui sera contée une autre fois…
GLABAR, LA GUÉNAUDE VERTE ET LES CORBEAUX GLABAR Nain, humanoïde, taille 1m40 Classe d’armure : 14 Points de vie : 23 FOR 16 (+ 3) DEX 14 (+ 2) CON 15 (+ 2) INT 9 (-1) SAG 11 (0) CHA 10 (0) Compétence : Armes à deux mains : + 2 Facteur de puissance : 1 (200 PX) Actions : Hache. Attaque d’arme au corps à corps : + 3 pour toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 1D8 dégâts tranchants. GUÉNAUDE VERTE Fée de taille Moyenne. Neutre Mauvaise Classe d’armure : 17 Points de vie : 65 Vitesse 9 m FOR 18 (+ 4) DEX 12 (+ 1) CON 16 (+ 3) INT 13 (+ 1) SAG 14 (+ 2) CHA 14 (+ 2) Compétence : arcanes + 3, Discrétion + 3, Perception + 4, Tromperie + 4 Sens : vision dans le noir 18 m, perception passive 14 Langues : commun, draconique, sylvestre Facteur de puissance : 3 (700 PX) Incantation innée : la Guénaude peut lancer à volonté : Illusion mineure, Lumières dansantes, Moquerie cruelle.
Amphibie : la Guénaude peut respirer à l’air libre et sous l’eau. Actions : Griffes. Attaque d’arme au corps à corps : + 6 pour toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 13 (2D8 + 4) dégâts tranchants. Apparence illusoire : la Guenaude cache son apparence, ainsi que celle de tous ses objets par le biais d’une illusion qui la fait ressembler à une fée. L’illusion disparaît si elle meurt. Les modifications apportées par cet effet ne résistent pas à une inspection physique. Passage dans l’invisible : la Guénaude reste invisible jusqu’à ce qu’elle attaque ou lance un sort ou jusqu’à interruption de sa concentration. CORBEAUX (1D4) Bête de très petite taille, non alignée Classe d’armure : 12 Points de vie : 2 FOR 2 (-4) DEX 14 (+ 2) CON 8 (-1) INT 2 (-4) SAG 12 (+ 1) CHA 6 (-2) Compétence : perception + 3 Facteur de puissance : 0 (10 PX) Actions : Bec. Attaque d’arme au corps à corps : + 4 pour toucher, allonge 1m50, une cible. Touché : 1 dégât perforant.
L’AUTEUR Rémy Lucot pratique le jeu de rôle depuis l’âge de 13 ans (Œil Noir, Stormbringer, Mournblade, Star Wars, l’Anneau Unique, l’Appel de Cthulhu, Défis Fantastiques, Dungeons and Dragons, Chroniques Oubliées Fantasy et Contemporain, Labyrinth, Adventure party). Il n’a jamais cessé d’occuper sa place de MJ. Scénariste, passionné d’écriture et d’imaginaire, Rémy porte avec fierté le surnom que ses joueurs lui ont donné : The Storyteller.
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SCENARIO
ALIEN SYNOPSIS
Un commando de Marines Coloniaux de retour vers sa base est contraint d’atterrir sur une planète non répertoriée : Elysium X-17. Son cadre paradisiaque, composé d’océans et d’archipels, abrite une espèce indigène humanoïde conçue par les Ingénieurs. Les autochtones vénèrent leurs créateurs comme des dieux et craignent comme la peste les démons qu’ils ont laissés sur place : des Néomorphes potentiellement hébergés par les organismes biologiques locaux. L’arrivée des PJ est pour eux l’occasion d’offrir des sacrifices de choix à leur culte déviant.
PUBLIC
Niveau de maîtrise du meneur : moyennement expérimenté. Ce scénario s’inscrit dans l’esprit du film Alien Covenant. Il prend le contre-pied de l’atmosphère claustrophobique de la saga pour s’orienter vers l’exploration d’une planète inconnue, et la découverte de ses occupants. L’ambiance générale repose sur un basculement de l’émerveillement vers le cauchemar, entre fascination et répulsion. Le visionnage de ce film, d’Avatar, et la lecture de la BD Aquablue sont recommandés (pour le contexte). Le format choisi est un one-shot en mode cinéma. Des PJ pré-tirés personnalisables sont fournis en annexes, étant donné leur faible espérance de vie. Niveau des personnages : moyennement expérimentés Nombre de joueurs : 2 à 5 joueurs
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ELYSIUM X-17
AUTEUR : Florent Martin ILLUSTRATIONS : Free League Publishing. Tout droit réservé. ÉDITEUR : Arkhane Asylum Publishing. Alien est ©™ 2022 20th Century Studio Inc. Tous droits réservés. Ce scénario n’est pas un contenu approuvé par les ayants droits. Il s’agit d’une publication fan-made de la rédaction de JdR Mag. Genèse
Elysium X-17 figure au nombre des planètes utilisées par les Ingénieurs (cf. Alien, p. 284) comme laboratoire géant à ciel ouvert, il y a de cela des millions d’années. Après l’avoir terraformée, ils y créèrent une forme de vie humanoïde semblable à la nôtre et posèrent les bases d’une civilisation, avant d’oublier son existence. Une sorte d’« état des lieux » de leurs expérimentations les amena à revisiter Elysium X-17 mille ans avant cette histoire, et les avancées scientifiques de leur création provoquèrent leur courroux. Les « Élysiens » avaient en effet conçu des êtres organiques artificiels, utilisés comme esclaves. Cet affront envers leur propre biotechnologie fut considéré par les Ingénieurs comme une provocation, un blasphème à effacer. Ils recoururent pour cela à l’agent A0-3959X.91-15 (cf. Alien, p. 287), une substance diffusée dans l’atmosphère pour corrompre le métabolisme de tout organisme vivant. Leur action entraîna un cataclysme. La plupart des autochtones périrent d’une mort atroce, leurs corps dissous sur place, mais une poignée d’entre eux purent fuir en catimini vers des îles isolées.
Les survivants composèrent des communautés tribales, oubliant leur science et subsistant grâce à la chasse et la pêche. Les Ingénieurs partis, ils développèrent un culte envers leurs créateurs, terrifiés à l’idée de subir encore le même sort. Toutes les conditions étaient réunies pour « repartir de zéro » dans une société primitive. Ils ignoraient toutefois que les Ingénieurs avaient anticipé leur exode, et planifié leur extermination dans ses moindres détails
La faune locale, a priori inoffensive, subit alors des effets collatéraux inattendus. Des animaux infectés engendrèrent des Néomorphes (cf. Alien, p. 293). Tapis dans les profondeurs de la jungle, les créatures formèrent des meutes qui, la nuit, pistaient des imprudents égarés pour les massacrer. Terrifiés, les Élysiens livrèrent des bêtes sauvages à ces impitoyables anges de la mort, espérant ainsi apaiser la colère des « dieux » qui les avaient envoyés. L’hécatombe se poursuivit pourtant, contraignant les villageois à tenter des sacrifices « humains » plus conséquents. Aujourd’hui, l’arrivée impromptue des PJ sur leur monde représente l’opportunité tant attendue de fournir un mets de qualité aux croque-mitaines qui terrifient leur communauté.
Un réveil agité
2183. Les PJ forment un commando de Marines Coloniaux, de retour vers leur QG à bord d’un vaisseau (le « War Bull »), après une mission de « pacification » dans les Amériques-Unies. Une révolte menée dans un centre carcéral de classe C appartenant à Weyland-Yutani, Misery 99, a nécessité leur intervention afin de libérer le directeur et le personnel pris en otages. Le voyage ne dure qu’un mois, mais l’équipage (excepté l’androïde Eury-10, cf. fiche PNJ) est plongé en hypersommeil (cf. Alien, p. 151), selon la procédure militaire standard. Les PJ reprennent brutalement conscience dans leur capsule, réveillés par une alarme. L’éclairage artificiel neutre des néons a basculé vers une teinte rouge infernale. La voix féminine synthétique du vaisseau répète en boucle : « ALERTE. COLLISION ENREGISTRÉE. COQUE ENDOMMAGÉE. DÉGÂTS À ÉVALUER. » Il revient au pilote de rejoindre l’ordinateur de bord, dans le cockpit, pour s’informer sur l’avarie. Le sol tangue, l’équi-
libre est pour le moins instable, mais l’appareil finit par reprendre sa routine de vol. L’écran de contrôle affiche un message d’urgence, qui s’efface dès qu’un utilisateur prend son contrôle. Eury-10 apparaît, en retard, le visage impassible (suspicion !). • Le War Bull se trouve à mi-parcours de sa destination (une planète des AmériquesUnies), dans une zone inexplorée. • Un astéroïde vient de le percuter sur son flanc droit. • Le réacteur a été atteint, et il se vide actuellement de son contenu (de l’hydrure de lithium). Le vaisseau se retrouve donc dans un secteur inconnu, placé sous le contrôle des AmériquesUnies, et bientôt en panne sèche. De façon bêtement évidente, l’ordinateur préconise de chercher un endroit où se poser. Une planète, « Elysium X-17 », se trouve justement à portée. Sa dénomination est due à un choix aléatoire parmi un algorithme de termes mythologiques, et il s’agit de la dix-septième nouvelle planète recensée par l’ordinateur depuis sa mise en fonction (les Marines assurent égale-
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SCENARIO
ALIEN
« L’ENFER EST VIDE, TOUS LES DÉMONS SONT ICI. » – WILLIAM SHAKESPEARE
ment un rôle d’éclaireurs chargés de rapporter leurs découvertes). Note : il est possible de faire jouer l’introduction, malgré sa linéarité, afin d’impliquer les joueurs en les jetant au cœur de l’action. Le pari est risqué, car les PJ peuvent tenter une réparation en vol (cf. « Avaries », pp. 197-200) ou de s’éjecter à bord de capsules (cf. « L’ABC des VEU », p. 173), auquel cas ils perdront le War Bull et leur équipement.
ACTE I : Alien Theory
Ce premier Acte consiste à se poser sur Elysium X-17, à faire un diagnostic du vaisseau, à explorer la zone d’atterrissage, à survivre et à chercher un moyen de repartir. C’est aussi l’occasion de découvrir la présence d’une vie intelligente sur la planète.
Crash test Il est temps pour le pilote de prendre les commandes. Pour l’heure, l’ordinateur n’a pas le temps d’analyser la surface de la planète, ses capacités sont mobilisées sur le calcul de la meilleure trajectoire d’approche (en réalité, il est surtout occupé à rejoindre la zone d’atterrissage programmée, près du
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village des Élysiens). Une fois traversée une couche de nuages, les PJ voient à travers le cockpit une surface recouverte d’eau, parsemée d’archipels. La qualité de l’atterrissage dépend du test de pilotage (Agilité) du pilote. L’équipage gagne un niveau de stress, pour l’ensemble de l’introduction depuis son réveil. • En cas de réussite, le vaisseau se pose en douceur sur une plage, pendant que l’ordinateur émet des bips pour faire état du niveau trop bas du carburant. • En cas d’échec, il percute la mer (test de crash inutile). Les Marines n’ont plus de points de repère et l’eau monte après s’être infiltrée dans une brèche (gain d’un niveau de stress). Suggérez des tests d’Observation (Astuce) et de Mobilité (Agilité) pour les faire sortir de ce piège. Par chance, la côte n’est pas très éloignée, et ils peuvent la gagner à la nage. • Si les PJ veulent à tout prix emporter leur équipement, imposez-leur un test d’Endurance (Force) avec un modificateur de -2. • Il est possible de récupérer le matériel à l’aide d’une petite astuce. Eury-10 peut en effet effectuer des allers-retours à la nage sans se fatiguer, pour peu qu’on lui demande. Il n’est pas nécessaire de procéder à des tests d’Endurance.
On a marché sur Elysium Une fois sains et saufs, si les PJ ont pu poser le vaisseau, ils se montreront peut-être prudents avant d’en sortir. L’ordinateur ayant scanné la planète en pénétrant dans son atmosphère, il peut déjà fournir des indices grâce à des tests de Comtech (Astuce). • Elle est essentiellement recouverte d’eau et d’archipels, comme les Marines ont pu le constater. • Les traces d’une civilisation, notamment une grande ville, sont présentes sur l’unique continent de la planète. Ce dernier se trouve hors de portée, à des milliers de kilomètres. • L’ordinateur a relevé la présence de vie, mais s’avère incompétent pour déterminer s’il s’agit d’espèces animales ou d’êtres intelligents. • L’atmosphère est semblable à celle de la Terre, et donc respirable.
• La balise de détresse est toujours fonctionnelle, et peut être activée. Il faudra, au minimum, vingt jours pour voir arriver une équipe de secours. Le War Bull est à quinze jours de la Terre, mais le signal se déplace plus vite qu’un vaisseau dans l’espace (soit cinq jours). S’ils ne l’ont pas encore pris, les PJ peuvent récupérer leur équipement (notez-le quelque part pour la suite). Celui-ci est constitué du matériel standard des Marines (cf. fiches PJ). Leur second réflexe consistera peut-être à examiner les dégâts, et à trouver un moyen de décoller (si le vaisseau n’a pas été englouti par la mer). Cela implique de sortir du War Bull, mais la présence d’une atmosphère respirable devrait rassurer les Marines. C’est l’occasion de distiller des indices sur le sabotage qu’il a subi via un test d’Observation (Astuce).
MAGOUILLES & COMPAGNIE Le prétexte de l’arrivée des PJ sur Elysium X-17 est, vous l’aurez remarqué, un peu gros
Il paraît surprenant qu’ils se retrouvent, dans l’infinité de l’espace, à proximité d’une planète inconnue abritant des Néomorphes. En réalité, l’astre aquatique a déjà été repéré par une équipe d’explorateurs de Weyland-Yutani en quête de ressources. Elysium X-17 se trouve sur le territoire des Amériques-Unies où la corporation est uniquement habilitée à voyager, commercer et exploiter des gisements, sous autorisation. Ainsi, rien ne l’empêchait d’y prospecter afin d’établir ensuite un contrat d’exploitation à bénéfice partagé. Les scientifiques n’y ont trouvé aucune denrée intéressante, mais ils y ont fait la rencontre des Élysiens. Leur dernière transmission, alarmante, indiquait la découverte de Néomorphes. L’équipage est aujourd’hui porté disparu. La compagnie veut à tout prix récupérer un spécimen, sous sa forme définitive ou dans un sujet incubé, mais l’affaire est délicate. Elle ne peut en effet investiguer sans éveiller les soupçons. Des allers-retours dans cette zone sans raison valable, ou non autorisés, voire l’interception d’une transmission attirerait par trop l’attention. Une opération clandestine a donc été mise en place pour limiter les risques, en récoltant un maximum d’informations avant l’intervention rapide d’un commando. Le temps est compté. Dès qu’elle sera découverte par les Amériques-Unies Elysium X-17 sera investie, et il sera impossible de s’y poser. Le pire scénario envisageable consisterait en un scandale intergalactique, où serait impliquée Weyland-Yutani. La compagnie a donc provoqué une mutinerie dans une prison dont elle est propriétaire, pour demander l’intervention d’un commando de Marines Coloniaux dans un système administré par les Amériques-Unies. Son objectif consiste à orienter les soldats vers Elysium X-17, sur le chemin du retour. Là, ils serviront d’appât à un Néomorphe, et/ou utilisés comme incubateurs humains. Ils sont accompagnés pour cela d’Eury-10, une androïde de Weyland-Yutani censée négocier sur Misery 99, dont la mission réelle consiste à les conduire vers Elysium X-17 en sabotant le vaisseau. Un commando d’extraction composé de « Fourrières » (cf. Alien, p. 237) se trouve prêt à intervenir, posté sur la face cachée d’une lune. L’émission d’un message par l’androïde entraînera leur arrivée, afin de s’emparer du spécimen ou du sujet, et d’éliminer les témoins en cas de non-coopération.
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SCENARIO
ALIEN
POURQUOI DES MARINES ? Ce parti pris marque un contraste entre les PJ et les indigènes, a priori pacifiques, qu’ils rencontreront. En outre, ils doivent être en mesure de se défendre contre les nuées de Néomorphes qui les attendent. Les Marines Coloniaux sont au service des Amériques-Unies, dont ils protègent les colonies, et Weyland-Yutani est implantée dans l’Empire des Trois Mondes. Il est donc peu probable que des soldats servent les intérêts d’un État concurrent en coopérant avec la compagnie. Cependant, les Amériques-Unies doivent assurer l’ordre sur leur domaine, y compris dans les établissements privés tel que Misery 99, détenu par Weyland-Yutani. La compagnie exploite cette faille pour agir dans un cadre légal (du moins en apparence), tout en manipulant les hommes de main d’un adversaire. Les PJ sont des militaires, mais pas nécessairement des soldats. Les joueurs peuvent aussi incarner un pilote, un médecin (cf. fiches PJ)… Au besoin, ajoutez aux choix proposés un Mécano, ou un Scientifique (cf. « PNJ », Alien pp. 355-357). Vous pouvez aussi utiliser les archétypes proposés dans Le Destructeur des Mondes. Cette diversité permet une complémentarité, mais aussi d’entretenir des rapports plus ou moins tendus entre soldats et hommes (ou femmes) de science. Un chef, un pilote et un androïde sont indispensables, en tant que PJ ou PNJ. Les Marines ont les nerfs solides, les gains de niveaux de stress sont donc plus fréquents que les tests de panique, réservés aux situations extrêmes.
• Le réacteur est bien perforé, mais curieusement on n’y trouve pas de trace d’impact (les Marines peuvent approcher, il n’est pas radioactif). Il semble avoir implosé à un point précis, et laissé échapper de l’hydrure de lithium par la faille ouverte (suspicion !). Maigre consolation : s’il avait été encore présent, par réaction chimique, le carburant aurait explosé au contact de l’eau. • Un colmatage est possible avec les moyens du bord [test de Machines Lourdes (Force), cf. « Réparations », Alien p. 115] si le mécano reste quelques heures sur place, mais où trouver de l’hydrure de lithium ? • Le pilote peut chercher à en savoir plus, si un joueur fait part de ses doutes. Un test de Comtech (Astuce) réussi lui rappelle que la probabilité pour un vaisseau en vitesse supraluminique d’être frappé par un astéroïde est quasi-nulle (suspicion !). • Interrogée, Eury-10 prétend ne pas être qualifiée en la matière (suspicion !).
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Paradis perdu Les PJ se trouvent sur une plage de sable blanc, dans un environnement paradisiaque si le contexte n’était pas aussi dramatique. Celle-ci est bordée d’une jungle de palmiers à la flore dense. Malheureusement, le vaisseau ne transportait pas de véhicule terrestre et ils ne pourront pas aller bien loin. C’est le moment d’effectuer des tests d’Observation et de Survie (Astuce). Les Marines seraient inspirés d’utiliser leur matériel, s’il n’a pas coulé. Un détecteur de mouvement leur épargnera des efforts (test de Réserve d’Énergie, cf. Alien p. 34), et des armes seraient bienvenues.
Dans la jungle, terrible jungle… Les premiers pas sont aisés, mais en progressant la végétation se fait plus épaisse. En l’absence de matériel de déblayage les PJ se trouvent freinés, voire perdus (à moins de raser la jungle à coups de fusil à impulsion, et de le vider bêtement
).
• On peut y trouver des formes de vie primaires : des espèces de gros rongeurs poilus aux grands yeux curieux accrochés aux branches des arbres, ou des oiseaux au plumage bigarré évoquant des perroquets. • Du bois mort sec et des sortes de baies comestibles peuvent être récoltés, en prévision d’un campement, afin d’éviter d’être affamés ou déshydratés (cf. « États », Alien p. 106). • D’étranges grappes bulbeuses composées de nodules de la taille d’un œuf parsèment une clairière (cf. « Spores » Néomorphiques, Alien p. 294). Les « œufs » semblent appétissants, et curieusement Eury-10 conseille de les cueillir (suspicion !). Mieux vaut ne pas les toucher, car un Marine risque d’être infecté par l’agent A0-3959X.91-15 en sommeil dans les fruits. Dans ce cas, Eury-10 se mettra alors à l’écart du groupe pour envoyer un signal aux Fourrières postés sur la lune (suspicion !). Il s’agit là d’une contamination de niveau 9 (cf. Alien, p. 109). En cas d’échec de l’unique test d’infection, le sujet entrera en stade III au bout d’un Quart. À terme, un Bloodbuster Néomorphique s’extraira de son dos (cf. Alien, p. 294). • Un bon pisteur, par exemple le soldat utilisé comme éclaireur (soit le plus compétent en « Observation »), remarquera des traces (pas, branches cassées...) laissées par un humanoïde. Celui-ci semble beaucoup plus grand qu’un être humain. • Si vous souhaitez accentuer le sentiment de paranoïa, un Néomorphe est réveillé par la ballade des PJ. Jouez la scène en vision subjective, façon Predator. Décrivez l’apparence des Marines, vus par une créature postée en hauteur (gain d’un niveau de stress). Sa vision est plus large, plus nette, et le moindre mouvement est perçu avec intensité (cf. Alien 3). S’agit-il d’un primate ? Il est encore tôt pour une attaque, mais la menace plane...
de pierre, taillés à la manière des statues de l’île de Pâques, sont alignés sur la plage, le regard pointé vers le ciel. Leur faciès, d’aspect humanoïde, est androgyne et glabre. On peut estimer leur taille à cinq mètres. Des poissons et des coquillages sont soigneusement disposés au pied des statues, comme des offrandes. • Les Marines peuvent trouver des barques arrimées, signe évident d’une vie intelligente. • Des traces de pas humides marquent le sable, sans destination cohérente. S’agirait-il du « fidèle » ? En les suivant, ou en utilisant des jumelles (Observation + 2), voire un détecteur de mouvement, les PJ aperçoivent une silhouette au loin. Il est difficile de la rejoindre discrètement, étant donné l’absence d’abris sur la plage. Peut-être en se réfugiant dans la jungle ? Toute approche directe entraîne sa fuite (cf. « Mode discret », Alien p. 85).
L’AGENT A0-3959X.91-15 La substance n’est plus active dans l’atmosphère, mais les PJ peuvent être infectés en manipulant les œufs qui en sont encore imprégnés. En outre, des Néomorphes adultes (cf. Alien, p. 296) nés des animaux contaminés rôdent dans la jungle. Ils se cachent et dorment le jour, mais errent sur la plage pendant la nuit.
La jeune fille et la mer L’indigène est une femme d’une vingtaine d’années. Elle est totalement nue, excepté quelques colifichets et autres décorations à base de coquillages, et tient un panier tressé. Son aspect est humanoïde et son
Sur la plage abandonnée…
• Sur le sable, d’énormes crabes comestibles peuvent être ramassés. • Passés cinq kilomètres, les PJ font une étrange découverte... D’immenses visages
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SCENARIO
ALIEN
SHANA, L’ENFANT DES EAUX CLAIRES La mystérieuse jeune femme vit dans un village côtier, et aime parfois errer sur la plage pour ramasser des coquillages et prier les icônes dédiées aux Ingénieurs. Shana a déjà rencontré des humains, en l’occurrence les explorateurs de Weyland-Yutani portés disparus. Elle n’approuve pas leur sacrifice mais obéit à la chamane du village, qui préconise aux fidèles de guider vers elle les étrangers.
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corps entièrement glabre. Sa peau affiche une pâleur ivoirine, malgré le soleil éclatant. Au premier abord, elle évoque étrangement une naïade sortie d’un tableau de la Renaissance, les cheveux en moins. Les grands iris noirs qui occupent presque toute la surface visible de son globe oculaire lui confèrent un regard étrange. La prise de contact peut être subtile ou brutale, et la réaction de la jeune femme, naturellement farouche, s’en trouvera influencée. • Les PJ approchent discrètement, ou doucement, laissent en retrait les soldats au profit de l’androïde ou du médecin, s’arrêtent à bonne distance... Méfiante, la fille reste sur le qui-vive et croise les bras sur sa poitrine. • Un test d’Empathie réussi permet de comprendre qu’elle n’est aucunement gênée par le fait d’être nue. Son réflexe, dénué de pudeur, est un geste instinctif de protection. Elle n’a en effet pas l’habitude de rencontrer des étrangers, encore moins armés. • Si les Marines tentent de communiquer, elle ne comprend pas leur langage. Eury-10 se met alors à parler dans une langue inconnue, que la fille paraît saisir. L’androïde dispose d’une grande base de données linguistique pour faire office d’interprète. Toutefois, Elysium X-17 étant censée être une planète inconnue, comment peut-elle connaître son dialecte local ? (suspicion !) Toujours est-il que l’indigène semble rassurée. Elle déclare s’appeler « Shana ». Elle s’assoit alors en tailleur et, à l’aide de fils et des coquillages issus de son panier, tresse des colliers qu’elle pose sur le cou des visiteurs (ils n’ont aucune fonction particulière, mais laissez planer le doute). • Les PJ lui courent après. La fille s’enfuit, et elle est rapide. Un test d’Endurance (Force) permet de la rattraper, et un test d’Agilité de l’attraper. Elle est terrorisée, et les paroles rassurantes d’Eury-10 n’y feront rien. Les Marines la libèreront-ils, ou la garderont-ils captive ? Dans tous les cas, Shana semble anxieuse, et pas forcément à cause des Marines. La nuit
approche, et selon elle, « Il ne faut pas rester là trop longtemps. » Elle les invite à rejoindre son village. Si les PJ refusent, et décident de camper sur la plage, ils seront confrontés la nuit venue aux Néomorphes. Ils peuvent toutefois s’abriter dans le vaisseau, s’il n’a pas coulé.
ACTE II : Aqua Blues
Ce second Acte permet aux PJ de faire connaissance avec les Élysiens, et leur culte secret. Ils s’apprêtent à découvrir également la présence de Néomorphes sur la planète, et devront échapper à leurs griffes. Les indigènes pourront ensuite les aider, si besoin, à récupérer leur vaisseau et leur matériel.
Home sweet home Shana parcourt facilement les dix kilomètres qui la séparent de son foyer, sans dire un mot. Les PJ lestés de leur équipement devraient, en revanche, être épuisés par cette marche forcée sur le sable. • Le village est un étrange amalgame de pièces récupérées sur des vaisseaux et de « produits de la mer ». Des taules de carcasses forment ainsi des cabanes surmontées de filets de pêches, des réacteurs sont recyclés en citernes... Les indigènes expliquent que les reliques proviennent d’antiques vaisseaux, utilisés lors de la fuite du grand cataclysme qui a détruit leur civilisation. Les villes sont maintenant désertes, les survivants se sont réfugiés sur des îles. Voilà qui explique la présence de la métropole scannée par l’ordinateur de bord. Mais quelle fut la cause du drame ? • Les villageois sont tous nus. La rencontre est d’autant plus dérangeante que la communauté compte beaucoup d’hommes dans la force de l’âge. L’accueil est froid, mais la présence de Shana avec les Marines leur évite d’être refoulés. La vue de l’armement des soldats ne joue sûrement pas en leur faveur. • Des enfants se précipitent vers les PJ, curieux et beaucoup moins méfiants. Ils les touchent, parlent entre eux… Curieuse-
ment, Eury-10 ne traduit par leurs propos (suspicion !). Note : ils font en fait référence aux précédents visiteurs, les explorateurs de Weyland-Yutani, en raison de leur ressemblance avec les Marines. Or l’androïde ne souhaite pas les informer de leur venue. • La chamane. Après les avoir laissés découvrir le village, Shana guide les PJ vers une hutte à l’écart, recouverte de coquillages et de symboles géométriques étranges. À l’entrée, une espèce de totem est surmonté d’un crâne humanoïde, qui présente la particularité d’être « allongé ». La chamane écoute l’histoire des Marines, le visage fermé, sans leur révéler qu’ils ne sont pas les premiers étrangers à lui parler. Elle jette alors des arêtes de poissons, et observe attentivement leur disposition. Puis elle s’exclame, dans son dialecte traduit par Eury-10 : « Les dieux ont parlé. Les étrangers doivent rester parmi nous, et nous devons les aider. » • Le cataclysme. À sa seule évocation, la chamane ou les villageois se touchent le front et balayent l’air de leur main, comme pour repousser le mauvais œil. Le sujet semble tabou. Shana commence à faire confiance à Eury-10, et lui avoue que « c’est à cause des géants, les grands rois blancs tombés du ciel ». Les statues de la plage sont censées les représenter. Elle n’en dira pas plus, car « les rejetons des dieux mangent ceux qui ne savent pas tenir leur langue ». L’androïde se permet d’ajouter qu’il s’agit là de légendes courantes chez les « sauvages », et qu’elles ne correspondent sans doute à aucune réalité (suspicion !). • Le vaisseau. Qu’il soit encore sur la plage ou au fond des eaux, les indigènes peuvent aider les PJ à le récupérer, malgré le faible niveau de leur technologie. D’abord, en le tractant hors de l’eau (s’il a coulé). Ensuite, en cherchant du matériel de récupération et de l’hydrure de lithium. Par quel prodige ? Lors du cataclysme, les vaisseaux élysiens ont atterri sur une île rocheuse dotée de plateaux, idéale pour se poser. Elle est maintenant devenue une sorte de casse, où les indigènes se ravitaillent en matériel métallique et mécanique. Eury-10
peine à traduire son nom, « quelque chose comme l’Île de l’Oubli, des Oubliés... ou bien aux Oubliés ». Il est peu probable que ses épaves possèdent le même type de propulsion que l’engin militaire, mais les Marines n’ont guère d’autre choix. Il est maintenant tard mais en attendant, ils peuvent passer la nuit sur place, dans une cabane (perte des points de stress). On les prévient une nouvelle fois qu’il ne vaut mieux pas rester dehors…
Une nuit en enfer Dans le ciel, une masse nuageuse sombre engloutit la lune (où sont postés les Fourrières, rappelons-le). Les PJ sont hébergés dans une grande hutte commune tapissée de paillasses, étonnamment confortables. La nuit est l’occasion de revenir sur les doutes que les Marines ressentent sûrement à l’encontre d’Eury-10. L’androïde, qui ne dort pas, est partie en repérage (elle souhaite en fait examiner les œufs de la jungle de plus près). Elle a laissé son paquetage sur place, afin de ne pas s’encombrer. Celui-ci contient un émetteur-récepteur longue fréquence, des outils d’auto-réparation, mais surtout un étrange
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SCENARIO
ALIEN
ON NE FAIT PAS D’OMELETTE… Selon une logique irrationnelle propre aux cultes, les Élysiens préservent les œufs de la jungle, considérés comme sacrés. En outre, chaque soir, ils invoquent les Néomorphes, tout autant vénérés. Quand bien même voudraient-ils les exterminer, et malgré la durée de vie réduite des créatures (24 heures), le nombre d’animaux sauvages régulièrement infectés rend impossible leur annihilation.
carnet (cf. Alien Covenant – David’s Drawings pour l’inspiration). Il regroupe des croquis où des membres du groupe et Shana semblent soumis à des expériences ignobles, écorchés, disséqués, accouplés de force à d’étranges créatures
(Suspicion ! + gain d’un niveau de stress). Plus tard dans la nuit, les PJ se réveillent au son de tam-tams frappés sur un rythme obsédant et hypnotique. Des flammes font naître des ombres mouvantes dans les huttes. Dehors, une drôle de cérémonie a lieu. La chamane s’est couvert la tête avec le crâne du totem, et les Élysiens effectuent des danses langoureuses qui finissent en accouplements. C’est le moment de s’équiper avec des lampes d’épaule et des lampes torches. Une fois allumés, les détecteurs de mouvement s’affolent. Les Néomorphes de la jungle attaquent alors le village, car leur nature belliqueuse est attirée par toute manifestation de vie, qui attise leur soif de destruction. Les indigènes semblent les avoir provoqués volontairement, peut-être pour s’emparer de leurs crânes, ou bien pour leur offrir les Marines… Laissez-les tergiverser un instant sur le sujet, mais le temps presse. Paradoxalement, les villageois se défendent contre les adversaires qu’ils ont appelés, déterminés à assurer la survie de leur commu-
nauté. Ils courent, tels des appâts, devant d’inquiétantes créatures humanoïdes translucides au crâne allongé. Curieusement, elles évoquent les primates et les oiseaux de la jungle, et même les crabes de la plage... Des villageois postés sur les toits leur jettent des bombes incendiaires, et les transpercent avec des lances. Si les PJ ont conservé leurs armes, ils peuvent les aider (cf. encadré « les combats »). La dangerosité des Néomorphes est surtout due à leur rapidité et à la robustesse de leur peau, mais les Élysiens n’ont rien à leur envier en termes d’agilité et de vitesse. Cette nuit sera l’occasion de tous les cauchemars (test de panique). Indépendamment de l’attaque, un PJ précédemment infecté peut libérer de son dos un Néomorphe (le temps d’incubation de 5-10 heures devrait être passé). Un médecin ne pourra pas y faire grand-chose, si ce n’est déstresser tout le monde à coup de Naproleve. À la vue du Bloodbuster Néomorphique, les Élysiens se prosternent, puis se dépêchent de le tuer avant son évolution accélérée. Après concertation privée avec Maman (le MJ), le joueur concerné peut ensuite endosser le rôle d’Eury-10 ou de Shana. Interrogés, les indigènes prétendent qu’il s’agit d’une espèce de fauve vivant dans la jungle. Ils auront plus de mal à expliquer la mutation du Marine
LES COMBATS (MODE D’EMPLOI) Les règles de combat d’Alien sont assez simples, si l’on met de côté les modificateurs. • Pour rappel, MJ et joueurs commencent par tirer au sort une carte d’initiative par personnage et créature adverse. Le « 1 » commence. • Il peut accomplir une action lente ou deux actions rapides (cf. Alien, p. 88) par round. Les actions lentes impliquent un test de compétence, les rapides sont automatiques. • N’oublions pas que les PJ sont pris par surprise et qu’ils doivent dégainer (action rapide), sauf s’ils ont été méfiants et se sont déjà préparés au combat. • Par exemple, un Marine tire avec un test de Combat à distance (Agilité) (une action lente) sans attendre les ordres, peut-être un futur motif de dispute entre lui et son chef (s’ils survivent). Un autre cherche un abri (imaginez les caches typiques d’un village côtier : gros panier, barque…) et court s’y réfugier (deux actions rapides). Le chef donne ses ordres trop tard avec un test de Commandement (Empathie), une action lente, alors que tout le monde a déjà réagi
Pendant ce temps le médecin soigne un blessé (action lente) avec un test de Premiers secours (Empathie).
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• Les Néomorphes sont au nombre de trois. Ils attaquent en priorité les PJ qui leur tirent dessus, ou qui ne se sont pas cachés. Ils doivent d’abord courir, et accomplir une attaque de saisie (deux actions rapides). Notons qu’ils sont très vifs, en un round ils peuvent atteindre les Marines. • Ils pourront ensuite tenter une attaque en combat rapproché (Force) au prochain tour (action lente), sauf si les PJ ont le temps de réussir à leur tirer dessus (action lente, et réussite automatique puisqu’ils sont devant eux, mais attention au jet d’acide, DG = 1) ou à fuir (s’ils n’ont pas été saisis) avec un test de Mobilité (Agilité) réussi. • Les Néomorphes disposent de six types d’attaques (cf. Alien, p. 296). Si vous ne voulez pas trop vous embêter, lancez 8d d’attaque, et infligez des DG = 1 en cas de réussite. Les Marines peuvent mourir en deux à cinq coups suivant leur robustesse, et même avec un fusil à impulsion (DG = 2) il leur faudra trois tirs réussis (santé Néomorphe = 6) pour tuer leur ennemi. La partie est donc loin d’être gagnée. N’oubliez toutefois pas que, pendant ce temps, les Élysiens font diversion.
(suspicion !). Là encore, à la découverte des Néomorphes, Eury-10 trouvera le moyen de se mettre à l’écart pour envoyer un signal aux Fourrières (suspicion !).
Au fil de l’eau Le lendemain, l’expédition de récupération du vaisseau prend des allures d’événement. Tout le village est de la partie. Des indigènes transportent des grosses cordes roulées autour de leur taille, et les PJ peuvent légitimement se demander comment les villageois vont extraire l’engin de l’eau. Si le pilote ou le mécano tente de les conseiller, ils semblent se moquer de lui. Arrivés sur la plage, ils jettent leurs cordes sur le sable. Des plongeurs enroulent une extrémité à leur taille, et disparaissent dans l’eau avec une aisance impressionnante. Shana fait alors apparaître une sorte de flûte de pan (cf. « Flûte d’ingénieur », p. 289). Un enchaînement de notes aiguës provoque des jaillissements de geysers dans l’eau. Des ailerons émergent alors, et derrière eux le sommet du vaisseau, tracté par d’énormes cétacés qu’elle désigne sous le nom de « léviathans ». Ces derniers s’approchent autant que possible de la côte, et effectuent un demi-tour en laissant le vaisseau échouer près de la plage. Les Marines peuvent main-
tenant récupérer leur matériel. Celui-ci n’a pas apprécié l’eau salée, mais il est fonctionnel. Il est temps de faire une estimation des dégâts et d’activer la balise (cf. l’Acte I). Un ravitaillement en hydrure de lithium est toujours nécessaire. Les Élysiens conseillent aux PJ de se rendre sur l’île où sont stockés les vestiges de leurs vaisseaux.
ACTE III : Piège en Haute Mer
Le moment est venu pour les PJ de rejoindre cette fameuse île, qui s’avère être un traquenard. S’ils y survivent, les Marines ont une chance de quitter cette planète maudite. Reste à savoir comment. Auront-ils activé la balise du vaisseau, démasqué la traîtresse, et tenu vingt jours en déjouant le piège des Élysiens ? C’est peu probable, ce d’autant plus que les autochtones n’ont aucune raison de les aider. Toutefois, si tel est le cas, l’état-major aura dépêché une navette de secours pour un joyeux happy end. Sinon, plus envisageable, les PJ échapperont de justesse à l’embuscade pour être sauvés in extremis par l’arrivée des Fourrières du commando Weyland-Yutani. Mais à quel prix ? Un représentant de la compagnie essayera alors de convaincre les Marines de ramener un Néomorphe, ou éventuelle-
ANTICIPEZ TOUTES LES RÉACTIONS Et si les PJ ont l’idée saugrenue de capturer un Néomorphe ? C’est possible si les Marines ont encore leur équipement, ceux-ci étant moins redoutables que leurs cousins xénomorphes. Et ensuite ? Où l’enfermer ? Les Élysiens seront terrifiés par sa présence. Eury-10, quant à elle, sera excitée (autant qu’un androïde peut l’être) à l’idée de posséder un spécimen. Restez cohérent avec la saga, où la capture d’un alien ne mène généralement à rien de bon (cf. Alien, la Résurrection).
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SCENARIO
ALIEN ment le sujet infecté (ou bien de contaminer un Élysien). S’ils refusent, les choses risquent de s’envenimer.
L’Île de l’Oubli
Après une estimation des dégâts du vaisseau, puis une éventuelle exploration de la plage et de la jungle, si cela n’a pas été fait, les PJ peuvent retourner au village. La nuit, la cérémonie et les attaques des Néomorphes recommencent. C’est de nouveau l’occasion de fouiller les affaires d’Eury-10. À l’aube, une autre expédition prend des allures d’événement, mais cette fois plus solennel. La chamane mène un groupe d’hommes, et Shana reste au village. Ils embarquent sur un grand navire plat, une espèce de gabare où l’on peut charger des denrées. L’Île de l’Oubli est visible à l’horizon, son pic central fièrement dressé vers le ciel. L’utilisation de jumelles permet de distinguer un plateau rocheux à son sommet. Le navire avance vite, sous les coups de rame volontaires des navigateurs et grâce à sa voile déployée. Le navire finit par accoster sur une plage rocheuse. De nouveau, la chamane prend la tête du convoi. L’île est essentiellement rocheuse. Les Marines doivent grimper jusqu’à son sommet via des sentiers tortueux. Leur guide conseille alors aux PJ de boire une boisson contenue dans une gourde, pour augmenter leur force
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et maintenir leur esprit alerte. Son goût est âpre, mais les Marines ressentent en effet une montée d’adrénaline (gain d’un niveau de stress) et une meilleure perception de leur environnement (+ 1 en Endurance et en Observation). Cela leur permet de remarquer des vestiges archéologiques gravés dans la roche. Ils représentent, à la manière sumérienne ou égyptienne, des êtres humains de profil se prosternant devant d’autres personnages, plus grands et chauves, visiblement venus du ciel. La fresque relate en fait la création et l’extermination des Élysiens par les Ingénieurs, ainsi que leur fuite. La chamane interrompt brutalement l’étude des gravures pour alerter les PJ. D’après elle, les démons blancs rôdent aussi sur l’île la nuit, et mieux vaut ne pas s’attarder.
Le cimetière mécanique Une fois en haut de l’île, les imprudents ayant bu la potion de la chamane commencent à sentir leur tête tourner
Sur un plateau rocheux aux airs de décharge à ciel ouvert, les PJ découvrent les vestiges de la technologie élysienne. Les vaisseaux, ou ce qu’il en reste, témoignent d’une étrange biotechnologie désormais reléguée à l’oubli
Globalement, le tableau évoque un amalgame de crustacés et de coquillages géants. Deux tests de Machines Lourdes (Force) permettent de reconnaître des réservoirs de carburant, et leur contenu. Ils sont encore remplis d’une sorte de kérosène local, en aucun cas adapté aux voyages spatiaux supraluminiques. Si un Marine souhaite interroger un Élysien, c’est le moment de remarquer qu’ils ont disparu. Un détecteur de mouvements constatera l’absence de déplacements aux alentours. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que l’île est déserte, car les Élysiens se sont cachés en attendant leur heure, et une menace plus terrible encore se tient en embuscade, parfaitement immobile. • Si les PJ fouillent la casse à l’aide d’un test d’Observation (Astuce), parmi le fatras mécanique, l’un des vaisseaux se distingue des autres par son apparence. Il est en effet frappé du logo de Weyland-Yutani. • Un test de Machines Lourdes (Force)
identifiera une navette utilisée par les explorateurs et les scientifiques (suspicion !). • Un autre test spécifiera que les appareils civils sont propulsés avec des isotopes d’hydrogène, incompatibles avec le réacteur du vaisseau militaire des Marines. Ils sont donc coincés sur Elysium X-17
(gain d’un niveau de stress). L’ordinateur de bord est toujours opérationnel. Il émet un signal de détresse. Le message crypté (test de Comtech / Astuce pour le décoder) qu’il diffuse en boucle indique à la compagnie que l’équipage d’exploration est tombé dans un piège. Les autochtones, a priori pacifiques, vénèrent les extraterrestres (les Ingénieurs) qui les ont créés, et ont tenté d’offrir leurs visiteurs en sacrifice à des créatures agressives (les Néomorphes). Les survivants réclament un rapatriement d’urgence. Le vaisseau étant dénué d’occupants, Dieu sait ce qu’il est advenu d’eux... Les PJ ne sont pas censés comprendre tout ce qu’implique ce message, si ce n’est que le même sort les attend. C’est alors qu’une violente migraine s’empare des Marines qui ont bu la concoction de la chamane. Ils s’écroulent, inconscients.
Martyre(s) Les PJ sont réveillés par l’orage, juchés sur un autre plateau du sommet de l’île. La pluie commence à tomber, comme si les dieux élysiens manifestaient leur colère. Les Marines sont attachés à des pitons rocheux avec des cordes, debout et légèrement penchés vers le sol. Ils ont des raisons de s’inquiéter, car la nuit tombe. Plus perturbant : ils sont maintenus au-dessus du même genre d’œufs qu’ils ont peut-être vus dans la jungle (test de panique). Autour d’eux, le plateau est jonché de squelettes vêtus des uniformes Weyland-Yutani. Des chants et des tam-tams retentissent. La chamane et les Élysiens sont réapparus, et entament de nouveau leur danse rituelle conclue par des accouplements. Un Élysien approche prudemment pour frapper les œufs à l’aide d’un bâton, afin de libérer leur pollen. Puis ils disparaissent tous, comme s’ils n’étaient pas autorisés à être témoins de la
cérémonie sacrée à venir. Les œufs grouillent de façon angoissante. Les PJ peuvent essayer d’y échapper, ou de se libérer à l’aide d’un test de Mobilité (Agilité). Le fait d’échouer successivement à éviter le crachat des spores et à se délivrer revient à se faire infecter. La scène suivante est décrite à titre indicatif, si les Marines restent captifs. Eury-10 se libère sans difficultés, grâce à sa Force et son Agilité surhumaines. Elle observe les PJ d’un air absent, malgré leurs éventuelles suppliques et protestations. L’androïde fait apparaître un petit émetteur et envoie un message. « Canari Blanc à Bulldog. Me recevez-vous ? – Affirmatif Canari Blanc. – Le colis est prêt. Récupération sur le secteur 1 d’Olympia. – Bien reçu. Délai d’intervention estimé entre quinze et vingt minutes. » Eury-10 est alors disposée à raconter aux joueurs tout ce qu’ils n’ont pas appris, sans se soucier des œufs en train de s’agiter. Pendant ce temps, les Marines peuvent voir une silhouette se glisser derrière elle. Il s’agit de Shana, surgie de façon providentielle pour secourir les PJ, après avoir rejoint l’île à bord d’une barque. Sa furtivité est telle que les sens d’androïde d’Eury-10 ne la perçoivent pas, surtout si les Marines la distraient. Shana tient une clé à molette (récupérée dans le vaisseau Weyland-Yutani), et assène un coup monumental sur le crâne d’Eury-10, qui s’enfonce à moitié. Si des œufs sont ouverts, Shana paraît horrifiée. Elle libère les captifs avec un coutelas et leur demande de se dépêcher. Le sifflement caractéristique des Néomorphes retentit en écho, comme pour l’approuver. • Si l’un des PJ est infecté, Eury-10 poursuit sa mission vaille que vaille. Elle demande aux Marines de rester sur place, car une navette armée est en approche pour les récupérer. Lui feront-ils malgré tout confiance ? Et tiendront-ils assez longtemps ? • Si personne n’est infecté, ou s’ils ne croient pas Eury-10, les PJ peuvent courir derrière Shana sur un sentier, vers sa barque accostée à la plage rocheuse. La pente est abrupte et la course périlleuse (test de Mobilité / Agilité). Derrière eux, la voix synthétique d’Eury-10 retentit : « Vous ne sortirez jamais d’ici vivants ! »
L’AUTEUR Dans le domaine du JdR, Florent a surtout œuvré sur la première édition de Crimes. Il est aussi l’auteur d’un scénario officiel de Trinités. On le retrouve aux crédits du supplément Trois Fois Paris pour Wasteland, en tant que co-auteur. Plusieurs de ses nouvelles ont été publiées par des revues et Florent est actuellement à la recherche d’un éditeur pour ses deux romans, Hadès et Chamane, tous deux disponibles sur KDP Amazon. Il a également été critique pour le site nooSFere et anime un blog consacré à l’actualité de la culture populaire, Balades Cosmiques.
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SCENARIO
ALIEN Les gabares des Élysiens sont visibles à l’horizon, pressées de fuir l’île. Subitement, une nuée de Néomorphes apparaît derrière des rochers et poursuit les Marines (test de panique). Ils doivent tenter un test d’Endurance (Force) afin de savoir s’ils les sèment. Les retardataires se font irrémédiablement attraper et déchiqueter en lambeaux. Quand bien même les plus rapides atteindraient-ils la barque, se croyant hors d’atteinte... Les Néomorphes plongent dans l’eau et nagent ! (cf. Alien, la Résurrection) Tout semble perdu… C’est le moment de faire intervenir le commando de Fourrières.
Weyland-Yutani ex machina Un vaisseau crève les nuages et mitraille les Néomorphes. Il ralentit ensuite et se stabilise au-dessus de la barque avant d’ouvrir une trappe, pour récupérer les PJ (test de Mobilité / Agilité, en cas d’échec les Marines tombent à l’eau et sont réduits en charpie). Dans la soute, l’accueil n’a rien d’amical. Des soldats masqués en combinaisons blanches aux airs de maîtres-chiens braquent les PJ désarmés avec des fusils. Un homme en blouse s’adresse directement à Eury-10, si elle est encore là (sinon, il analyse les Marines avec un scanner). « Ils sont trop nombreux pour en capturer un. Avez-vous un spécimen ? » • Si un (ou plusieurs) PJ est infecté, Eury-10 (ou le scan) le désigne. Une phase de roleplay commence. L’androïde (ou le docteur) lui explique, s’il ne l’a pas encore compris, qu’il est porteur d’un agent en action conçu pour développer un Néomorphe dans son corps. Bientôt, d’ici six heures, un Bloodbuster s’extraira de son épine dorsale en entraînant son martyr. Le vaisseau dispose d’un labo, et le docteur est un androïde chirurgien qualifié pour extraire l’embryon tant qu’il est encore temps. Les chances de survie sont de cinquante pour cent. Comment réagira-t-il ? Que feront les Marines ? Eury-10 use de tous ses talents de diplomate pour les convaincre de l’importance de ramener un Néomorphe en vie. Si elle n’est plus présente, Michael Bishop en personne apparaît sur un moniteur (cf. Alien, p. 238) pour tenter de convaincre les PJ. Ils
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peuvent alors négocier une contrepartie (par exemple, canarder les gabares des Élysiens pour se venger de leur fourberie, ou un poste intéressant au sein de Weyland-Yutani). • En cas de rébellion, les Fourrières n’hésitent pas à séquestrer l’infecté en attendant l’apparition du Néomorphe, et à massacrer les Marines pour supprimer les témoins. Shana, plus rapide et plus forte qu’eux, tente de les désarmer. • Si aucun PJ n’est infecté, les Fourrières peuvent former une alliance avec les Marines, pour partir à la chasse au Néomorphe sur l’île. Cela peut faire l’objet d’une conclusion, ou même d’un prochain scénario. • Et Shana, dans tout ça ? Imaginons un final tordu dans l’esprit Alien. Personne n’est infecté, et personne ne veut prendre le risque de traquer le Néomorphe sur l’île. Quoi de mieux qu’une indigène innocente pour obtenir un Bloodbuster Néomorphique ? Les expériences les plus atroces seront alors envisagées (cf. Alien Covenant - David’s Drawings).
ÉVASION ALTERNATIVE Il existe un moyen alternatif d’échapper aux Néomorphes et aux Fourrières, et de fuir l’île sans risques. Un PJ s’est-il intéressé aux vaisseaux des Élysiens ? A-t-il essayé de les réactiver ? S’il manifeste de nouveau ses intentions, après avoir été sauvé par Shana, celle-ci a une idée. Elle fait apparaître la flûte utilisée pour appeler les crustacés. Sous l’effet des notes, les vaisseaux réagissent. Des réacteurs vrombissent, des ailerons se déploient. À l’intérieur, avec l’aide « technique » d’un pilote qui appuiera sur des boutons au hasard histoire de voir les conséquences (test de Machines Lourdes / Force), un enchaînement de notes fera apparaître un siège de pilotage et une carte spatiale holographique. Autre option : en fouillant un vaisseau, les Marines tombent sur un homme inanimé assis dans le cockpit. Son aspect est très curieux car il ressemble à un Élysien miniature, de la taille d’un enfant. Si on l’approche, il se réveille, ou plutôt s’active (gain d’un niveau de stress), à la façon de Bishop dans Alien 3. L’homme se comporte étrangement, comme s’il venait de faire une sieste, alors qu’il se trouve peut-être là depuis mille ans. Il s’agit en fait d’un être artificiel (souvenez-vous, les esclaves créés par les Élysiens). La routine de son programme reprend son cours, et il déclame sur un ton monocorde : « Détection visiteur. Rapport de mission. Dernière navette arrivée à destination. Évacuation complète. Taux de perte de la population totale estimé à quatre-vingt-dix-sept pour cent. Passagers indemnes, taux de préservation cent pour cent. Mission accomplie. » Il est disposé à aider les Marines, s’ils parviennent à lui faire croire que les Ingénieurs sont revenus et qu’il faut évacuer l’île (test de Manipulation / Empathie). Reste à lui faire trouver la planète de destination des Marines, ou au pire la lune proche (test de Comtech / Astuce) pour quitter cet enfer.
OBJECTIFS PERSONNELS Ces buts à atteindre sont une composante essentielle du jeu. Les Marines ont un objectif collectif, car ils doivent agir de concert pour échapper au pire. Les personnages d’Eury-10 et Shana ont en revanche des objectifs individuels, opposés à celui des Marines.
Les PJ
LT DANIKEN, LIEUTENANT ÂGE : 37 ANS
3 1
AGILITÉ COMBAT À DISTANCE
5
EMPATHIE
3 COMMANDEMENT 3 MANIPULATION
3
ESPRIT
3 1
SANTÉ
FORCE COMBAT RAPPROCHÉ
PERSONNALITÉ : MÉTHODIQUE Davantage habitué aux amphithéâtres de l’académie des Marines qu’au terrain, vous êtes un pur produit de la bureaucratie militaire, expert en stratégie tant qu’elle reste théorique. Vous savez organiser une opération et mener des hommes, mais en retrait. Que l’on ne vous demande pas de vous battre ou de survivre en milieu hostile. Censé rester dans le vaisseau pour coordonner l’opération, vous ne disposez d’aucun équipement en dehors de votre arme. En compensation, vous pouvez donner des ordres à vos hommes. Ils obéiront, mais cela ne signifie pas qu’ils vous apprécient. OBJECTIF PERSONNEL : récolter un maximum d’informations sur le terrain afin d’améliorer ses connaissances tactiques.
ÉQUIPEMENT : Pistolet M4A3 (bonus + 2, DG 1)
TALENT : stoïque
75
SCENARIO
ALIEN
DR TSOUKALOS, MÉDECIN ÂGE : 35 ANS
3 1
AGILITÉ MOBILITÉ
5
PERSONNALITÉ : EMPATHIQUE Dévoué aux autres, les salles d’urgence vous ont toujours fait ressentir un sentiment d’oppression. Vous allez chercher les blessés là où ils se trouvent, sur le front, et n’attendez pas qu’ils viennent à vous.
EMPATHIE
2 MANIPULATION 3 SOINS MÉDICAUX
4
ESPRIT
2
FORCE
2 COMTECH
ÉQUIPEMENT : Médikit personnel (soins + 2) / nécessaire chirurgical (soins + 1 pour éviter mort) / lampe torche / 4 doses de Naproleve (réduit stress à 0) / mallette de seringues hypodermiques
2 OBSERVATION
SANTÉ
TALENT : chirurgie de terrain
EURY-10, ANDROÏDE ÂGE APPARENT : 20 ANS
6 1
5
OBJECTIF PERSONNEL : ramener tout le monde sain et sauf à la base.
AGILITÉ MOBILITÉ
ESPRIT
3 COMTECH
4
EMPATHIE
2 SOINS MÉDICAUX
5
FORCE
2 ENDURANCE
2 OBSERVATION
SANTÉ
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OBJECTIF PERSONNEL : ramener un spécimen de Néomorphe à la Weyland-Yutani.
PERSONNALITÉ : DIPLOMATE
Eury-10 est un modèle d’androïde de type féminin à l’aspect juvénile. Son visage androgyne à la peau très pâle, ses cheveux blonds courts et ses yeux bleu azur lui confèrent un aspect angélique. Ambassadrice de Weyland-Yutani programmée pour les missions diplomatiques, vous présentez une apparence irréprochable et maîtrisez des centaines de langages. Vous êtes capable de retranscrire « en live » le dialecte d’un interlocuteur étranger, comme si votre groupe conversait directement avec lui. Vous étiez censée mener les négociations sur Misery 99, mais celles-ci ont mal tourné et les Marines ont dû abattre les preneurs d’otages pour sauver ces derniers. Weyland-Yutani ne vous en tient pas rigueur, car Misery 99 ne présente aucun intérêt à ses yeux. Votre véritable mission consiste à convaincre les soldats de lui ramener un spécimen de Néomorphe d’Elysium X-17, de les utiliser comme appât, ou d’incuber l’un d’entre eux. Note : Maman devra préalablement s’entretenir en privé avec le joueur incarnant Eury-10, afin de lui dévoiler son rôle et le plan de Weyland-Yutani pour piéger ses compagnons. Lors des phases de discussion, pour des raisons pratiques, Maman transmettra aux joueurs les propos des Élysiens comme si elle les traduisait simultanément. Concernant son rôle dans le groupe, curieusement, l’androïde ne trouvera rien de pertinent si les Marines lui demandent d’examiner le vaisseau, l’ordinateur de bord, ou de les aider à quitter la planète. Les indices concernant ses manigances sont indiqués par la mention SUSPICION !
CAP. RIGGS, SOLDAT
4
AGILITÉ
2
EMPATHIE
1
COMMANDEMENT
3 COMBAT À DISTANCE
PERSONNALITÉ : MOTIVÉ Pur patriote des Amériques-Unies issu des classes populaires, vous êtes engagé depuis la majorité dans le prestigieux corps des Marines Coloniaux. Il n’est pas question pour vous de laisser tomber des compatriotes perdus seuls au fin fond de l’espace, où personne ne les entendra crier.
2 MOBILITÉ
3
ESPRIT
5
FORCE
3 COMBAT RAPPROCHÉ 2 ENDURANCE 1
SANTÉ
MACHINES LOURDES
1
AGILITÉ
3
EMPATHIE
COMBAT À DISTANCE
3 PILOTAGE
4
ESPRIT
3
FORCE
3 COMTECH
1
3 OBSERVATION
3 MACHINES LOURDES
SANTÉ
ÉQUIPEMENT : Casque-viseur M10 / armure M3 (prot. 6) / harnais de combat M56 / lampe d’épaule TNR / détecteur de mouvement M314 / chalumeau découpeur ME3 (DG 3) / fusil à impulsion Armat M41A (bonus + 1, DG 2)
TALENT : téméraire
CLOUD, PILOTE
4
OBJECTIF PERSONNEL : quitter ce trou à rat et se soûler pour oublier tout ça. Note : le commando peut, bien sûr, comporter plusieurs soldats.
COMBAT RAPPROCHÉ
PERSONNALITÉ : CONCENTRÉ As de la voltige, vous avez passé un cap supérieur en délaissant les avions pour rejoindre l’Armée, avec l’ambition de piloter des vaisseaux spatiaux. Votre sang-froid légendaire a permis de sauver tout un escadron de Marines, et les soldats se sentent en confiance quand vous êtes aux commandes. Malheureusement, vos talents de pilote seront ici peu utiles. Votre inaptitude au combat direct est compensée par votre connaissance des ordinateurs de bord (Comtech) et des différents types de vaisseaux (Machines Lourdes).
OBJECTIF PERSONNEL : réparer son bébé (le War Bull) et remplir le réacteur.
ÉQUIPEMENT : Pistolet M4A3 (bonus + 2, DG 1) / jumelles / lampe-torche / carnet de bord / cartes de navigation
TALENT : sur le bout des doigts
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SCENARIO
ALIEN
NÉOMORPHE ADULTE
SHANA, ÉLYSIENNE
VITESSE : 2 SANTÉ : 6 COMPETENCES : Mobilité 9, Observation 8 PROTECTION : 6 (3 contre les dégâts de feu) SPRINT : 2 actions de course au prix d’une action lente ATTAQUES : cf. Alien, p. 296
ÂGE : 18 ans PERSONNALITÉ : scrupuleuse Shana possède des capacités physiques plus élevées que la moyenne humaine, car son espèce s’est habituée à survivre dans les milieux naturels. Naturellement douée dans la perception de son environnement, pour se mouvoir ou résister à la fatigue, elle n’excelle pas dans les techniques de combat mais s’avère une excellente chasseuse. AGILITE 5 (Combat à distance 1, Mobilité 3) EMPATHIE 3 ESPRIT 3 (Observation 3, Survie 3) FORCE 3 (Combat rapproché 1, Endurance 3) SANTE : 3 TALENT : vigilante
Note : les PJ à la santé la plus faible et sans protection feraient mieux de rester en retrait, car le Néomorphe est redoutable au corps à corps.
FOURRIÈRE
© THEJAB.
ÂGE : 30 ans PERSONNALITÉ : sans pitié Les « Fourrières », ainsi surnommés en raison de leur combinaison anti-xénomorphes qui leur donne des airs d’employés de fourrière, forment des commandos aux ordres de la Weyland-Yutani. Ils sont entraînés à la capture de xénormorphes vivants, et sont protégés contre leurs attaques et leur sang acide. AGILITE 4 (Combat à distance 3) EMPATHIE 3 ESPRIT 3 (Observation 2) FORCE 4 (Combat rapproché 3, Endurance 2) SANTE : 4 TALENT : nerfs d’acier ÉQUIPEMENT : APEsuit Weyland-Yutani (prot. 5 / Survie + 3) / fusil à impulsion Armat M41A (bonus + 1, DG 2) / grenades à électrochoc X2 (DG étourdissants) / couteau (DG 2)
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SYNOPSIS
CTHULHU HACK
TERREUR SUR PÉRIGUEUX AUTEUR : Patrick Janniaud PLAN ET ILLUSTRATIONS : Patrick Janniaud ÉDITEUR : Les XII Singes
Les créatures du Mythe sommeillent aussi dans les régions reculées de la France. Dans les années 20, au cours d’un voyage d’agrément dans le Périgord, les investigateurs sont confrontés à un meurtre impossible qui les met sur la piste d’un apprenti sorcier. Ce dernier a invoqué une créature dont il ne comprend pas la nature. Informations pour le MJ
De retour de la première croisade, en 1101, des chevaliers périgourdins menés par Joseph d’Auberoche ont ramené une chose étrange. En Terre sainte, ils ont abattu une créature dont la vue suscitait la folie. L’homme qui la contrôlait était un sarrasin aux origines incertaines. Il possédait un grand nombre
d’objets étranges et de livres impies que les croisés ont détruit. Une tablette de pierre d’un vert profond, plus dure que le métal, ne put être détruite. Rien ne pouvait l’affecter. Les croisés savaient qu’elle pourrait être utilisée pour faire le mal. Ils la rapportèrent afin de la cacher dans la crypte de l’abbaye de Brantôme.
Les PJ en vacances dans le Périgord se retrouvent dans un hôtel de Périgueux où une mort violente survient. Des choses bizarres poussent les PJ à enquêter. Rapidement ils comprennent que Louis, le fils de la gérante de l’hôtel pratique la sorcellerie et qu’il ne doit pas être étranger à la mort suspecte. Les PJ se déplacent aux archives de la mairie de Périgueux pour retrouver la trace de Louis qui y travaille. Mais cela fait un jour qu’il n’est pas venu au travail. En enquêtant au musée, le conservateur indique plusieurs pistes aux PJ. La première est celle d’un médecin bien connu en ville qui a une sorte de cabinet de curiosité. La seconde est la cathédrale de la ville. La troisième est l’abbaye de Brantôme. Là-bas, ils trouvent une salle secrète dans la crypte où devait être gardée une chose très précieuse ou dangereuse. La dernière piste est le manoir de Azhenac qui est la demeure d’un médium dont les visions sont perturbées, mais qui connaît bien le passé de la bâtisse. Louis, en déclenchant le meurtre de sa mère, a attiré les forces du mal. Manipulé par l’esprit d’un sorcier hantant Azhenac, grâce aux archives de la ville de Périgueux et à des indices à la cathédrale de Périgueux, Louis a compris qu’une tablette antique était à Brantôme. Il espère la ramener, ainsi que le cadavre du sorcier, dans les grottes sous le manoir de Azhenac. L’archiviste a tous les éléments pour ramener à la vie Arthur de Azhenac. Les PJ le comprennent-ils ? Réussiront-ils à le stopper à temps ?
PUBLIC
Niveau de maîtrise du meneur : moyen Niveau des personnages / prérequis : débutant Nombre de joueurs : 3 à 4
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SCENARIO
CTHULHU HACK
LA VICTIME Le mort est Ernest Letondran, un voyageur de commerce qui venait ici pour la première fois. La tenancière, qui n’avait plus de chambre, lui a donné celle de son fils, située à côté de la sienne. Louis y a dessiné, derrière le tableau de sa chambre accroché sur le mur contigu à celle de sa mère, une suite de symboles cabalistiques afin de convoquer un Echo-Bliksenn. La créature devait traverser le mur et surgir dans la chambre de sa mère. Elle l’aurait alors tuée sans que nul ne puisse comprendre ce qu’il s’était passé. Mais Louis ne maîtrise pas les pouvoirs auxquels il a accès depuis peu. La créature n’est pas apparue de l’autre côté du mur comme il l’espérait, et le malheureux client fut la victime de l’Echo-Bliksenn. Un habitué de l’hôtel peut facilement dire aux PJ que la chambre était celle du fils de la tenancière et qu’il travaille principalement au musée de la ville et à la mairie. Louis n’a pas été vu à la pension depuis avanthier. Ce qui est inhabituel.
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En 1925, l’archiviste de la municipalité de Périgueux et de son musée travaillait sur des documents du XVIIIe siècle lorsqu’il découvrit un récit, qualifié de fantaisiste, d’hommes de loi ayant affronté un sorcier qui commandait à des créatures plus terribles que des démons. Le terrible Arthur de Azhenac se serait installé dans la région en quête d’une tablette de pierre. Louis se passionna pour cette histoire. Il retrouva au musée communal certaines des affaires du sorcier qui sommeillaient dans la réserve depuis plus d’un siècle. En les étudiant, l’archiviste comprit qu’il contenait des sortilèges. Après de longs essais dans la cave de la maison familiale, Louis commença à pouvoir invoquer des créatures sur lesquelles il avait une certaine emprise : les Echo-Bliksenn. Ces créatures uniquement composées d’une multitude de bras et de jambes humains se déplacent et ne peuvent vivre que sur des surfaces verticales. Voir de pareilles horreurs anéanties la raison de Louis. Il envoya ces créatures tuer sa mère qui avait été bien trop sévère avec lui tout au long de son enfance. Les affaires du sorcier que Louis étudia étaient imprégnées par l’essence du sorcier. La volonté et
Symbole dessiné à la craie derrière le tableau
les objectifs d’Arthur de Azhenac se transmirent à Louis. L’archiviste doit désormais retrouver la tablette de pierre et déterrer la dépouille du sorcier dans le cimetière de la ville. Ensuite, il se rendra dans un temple souterrain de l’ancienne demeure d’Arthur pour s’y livrer à des actes irrationnels et dangereux, ramener à la vie le sorcier.
Des vacances…
Les investigateurs se connaissent. Ils ont déjà eu affaire au surnaturel. En vacances dans le Périgord, ils sont descendus dans le petit hôtel familial d’Hélène Levernyac, « Le Bristol ». La propriétaire est une veuve acariâtre. Elle devient rapidement agressive, même sur les sujets les plus insignifiants. Périgueux est une ville très agréable. Les investigateurs y mangent des produits du terroir pour le ravissement de leur palais.
qui commencent mal Durant la nuit, des hurlements horribles réveillent toute la maison. Les PJ sont sollicitées par Hélène pour enfoncer la porte d’une chambre d’où les cris s’échappent (test de sauvegarde de force).
Ils y découvrent un homme avec une expression de terreur sur le visage, désarticulé dans une position contre nature. Le spectacle fait vraiment froid dans le dos et affecte les témoins les plus impressionnables (test de santé mentale). Ceux qui tendent l’oreille perçoivent un murmure, des paroles comme prononcées depuis une autre pièce : « C’est la tablette qu’il faut chercher ».
Première constatation La porte de la chambre était fermée de l’intérieur, ainsi que la fenêtre. Hélène Levernyac demande à l’un de ses clients d’aller chercher la gendarmerie. Celle-ci arrive trois quarts d’heure plus tard en la personne du brigadier Shomer et deux autres gendarmes. Les clients sont interrogés, mais le mystère reste complet. Les gendarmes prennent l’identité de toutes les personnes présentes. Ils ne semblent pas très motivés à résoudre le meurtre d’un homme de passage. Le corps est enlevé alors que le brigadier n’a aucune idée de ce qui a bien pu lui arriver et qu’aucun relevé d’indice n’est effectué. Tout le monde retourne dormir tard dans la nuit. La vue d’un homme tué de manière étrange à un impact certain sur les personnes qui logent dans l’hôtel. Les pensionnaires font tous un cauchemar similaire : dans la chambre du meurtre, des empreintes de mains et de pieds nus apparaissent en surimpression sur tous les murs. Une lumière brille derrière un tableau. En s’approchant pour voir ce qu’il y a derrière, le cadre s’écarte et révèle une bouche ronde pleine de crocs qui les engloutit. Tous se réveillent en sueur (test de santé mentale, il faut noter ceux qui le ratent).
Au petit matin Bien que gendarmerie ait demandé aux clients de rester dans la région, la plupart partent, terrifiés par leur cauchemar. La chambre du défunt a été laissée sans surveillance. Sa serrure est cassée. Derrière un tableau qui représente un paysage de la région se trouve un tracé à la craie de
symboles inconnus. En inspectant les murs (test de Torche), des empreintes de mains et de pieds, à peine perceptibles contrairement au cauchemar, sont découvertes.
Musée de Périgueux
Visite au musée
Le musée de Périgueux est le premier créé en Dordogne au XIXe siècle. Il contient des pièces datant de la préhistoire à nos jours de toute la région. Il y a aussi beaucoup de pièces venant d’Afrique et d’Océanie qui ont été offertes au musée dès 1860. Reliquaires kota, masques n’guéré, sculptures baoulé et anyi représentent une partie des fonds de collections provenant d’Afrique. Des sculptures, parures et objets rituels de Nouvelle-Calédonie, des îles Vanuatu, Salomon, Nouvelle-Guinée et des îles Marquises forment la collection Océanie. Le conservateur, Charles de Verignac, est un vieux monsieur affable. Il porte un costume et est un peu rondouillard. Il lui reste un peu de cheveux sur le sommet du crâne qu’il gomine avec une raie au milieu et il porte une petite moustache bien lissée. Il reçoit facilement les PJ s’ils en font la demande. Il n’a rien à cacher et le musée ne croule pas sous l’affluence. Louis n’est pas venu travailler hier (ni aujourd’hui) et cela tracasse
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SCENARIO
CTHULHU HACK
La cathédale Saint-Front Plan Vue extérieure
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un peu le conservateur. Le jeune homme est plus un homme à tout faire qu’un archiviste. Il travaille sur les documents et met en place les pièces dans les musées quand on renouvelle les objets exposés. Charles de Verignac laisse les PJ inspecter le bureau de Louis dans les archives (après un test de Bagou). Celui-ci est couvert de documents disparates. • Une chronique relatant que le juge Vanvrouivrerac (du XVIIIe siècle), accompagné de plusieurs notables de région, avait combattu des manifestations surnaturelles de toutes sortes : ce récit est qualifié par le conservateur de plus que fantaisiste. Il met en scène un sorcier du nom d’Arthur de Azhenac qui possédait un manoir que l’on dit à présent maudit près de Sarlat-LaCanéda (à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Périgueux). Ce sorcier aurait été à la recherche d’une pierre magique dans toute la région, et aurait menacé et tué des habitants avec d’horribles sortilèges. Le juge accompagné d’autres érudits auraientt éliminé cette menace et auraient suspecté l’existence d’un lieu magie dans le manoir du sorcier ; • Une note donnant l’emplacement de la tombe de Arthur de Azhenac dans le cimetière de Périgueux. Il y est griffonné que sa dépouille doit rejoindre son manoir. Sans plus de précision ; • Un certain nombre de feuilles récentes sur lesquelles ont été dessinés les mêmes schémas mystérieux tracés derrière le tableau dans la chambre de Louis à la pension de sa mère. Plusieurs ne sont pas achevés comme s’il s’agissait d’un entraînement ; • Plusieurs livres traitant de la noblesse de la région. Louis s’intéresse, d’après des notes manuscrites, à Joseph d’Auberoche, un chevalier local qui s’est particulièrement illustré pendant la première croisade en 1101 et qui a fait beaucoup pour le clergé de la région. Des vitraux dans la cathédrale SaintFront de la cité rendent hommage à ses œuvres. Une reproduction de ces vitraux au fusain est sur le bureau avec un commentaire dessus, « Mais bien sûr ».
Le conservateur peut expliquer que cela fait plusieurs semaines que le comportement de Louis a changé. Le jeune homme inspectait souvent le contenu d’une valise datant du XVIIIe siècle provenant du juge Vanvrouivrerac qui a vécu à Périgueux à cette époque. Le contenu était des plus hétéroclites (armes anciennes, outils dont l’usage n’est pas clair, bible, petits tiroirs avec des produits chimiques divers) et sans réelle valeur. Si les PJ demandent à la voir, le conservateur s’aperçoit qu’elle a disparu. Il sait qu’il y a une valise jumelle qui existe et qu’elle est en la possession du Docteur Durandrenne, un homme qui aime l’étrange et qui a un cabinet de curiosité très fourni. Celui-ci est toujours content de le faire visiter.
La cathédrale Saint-Front La bâtisse dont les fondations remontent au IVe siècle a été érigée sur les restes d’un cimetière qui contient encore des sarcophages qui remontent à l’époque romaine. Agrandie à de multiples reprises passant du statut d’église à celui d’abbaye, elle a obtenu son titre de cathédrale au XVIe siècle. Le père Don Sallio, qui y officie, y passe tout son temps. Il a une grande connaissance de son histoire. Si les PJ l’interrogent sur les vitraux, il peut en parler pendant des heures. Si on lui précise que l’on s’intéresse particulièrement au chevalier Joseph d’Auberoche. L’homme d’Église désigne dans le transept l’ouvrage qui lui est consacré. Il se rappelle avoir discuté à son propos avec Louis Levernyac. Le prêtre dit qu’après réflexion, il a identifié sur le vitrail un symbole en arrière-plan qui est une reproduction d’une sculpture qui orne une chapelle troglodyte derrière l’abbaye Saint-Pierre de Brantôme, un village à vingt kilomètres au-dessus de Périgueux. Le chevalier a donné beaucoup à l’abbaye de la petite cité encore très médiévale. Le prêtre qui ne sait pas que Louis a disparu, déclare aux PJ qu’il a prévu de lui rendre visite au musée pour lui faire part de cette information.
Le docteur Henry Durandrenne
Brantôme
Ce vieux médecin pratique encore à Périgueux. Grand sec avec des cheveux blancs, une barbichette et un monocle, il est accueillant et emphatique dans sa manière de parler. Il s’intéresse à toute sorte de sujets qui couvrent l’histoire, la science et le surnaturel. Il est connu pour avoir un petit cabinet de curiosité qui est rempli d’objets venant des quatre coins du monde, dont la fameuse valise jumelle de celle du juge Vanvrouivrerac. L’arrière-arrière-grand-père du docteur était un des compagnons de lutte du juge. Sa valise contient des armes de chasseur de vampire : une bible, un crucifix, des pieux et un maillet, différentes fioles (eau bénite, acide), quatre gros sacs de poudre de métaux (un de zinc, un de cuivre, un de plomb et un de fer), deux pistolets à étincelles du XVIIIe siècle à doubles canons avec des fioles de poudre à canon bleutée particulière. Dans la bible, il y a une vieille lettre qui sert de marque-page. Elle est adressée à Hector de Durandrenne, l’aïeul du docteur. Elle est signée de juge Vanvrouivrerac qui parle d’une créature étrange source du pouvoir du sorcier. Le feu additionné à de la poudre de métal serait mortel pour elle. Mais que certains autres métaux la renforceraient. L’aïeul du médecin n’a pas laissé d’écrits sur ses aventures. Henry se souvient d’histoires que son grand-père lui racontait sur la chasse aux monstres. Son arrière-arrière-
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SCENARIO
CTHULHU HACK
LE TOMBEAU CACHÉ 1 – Chapelle troglodyte Cette salle creusée dans la falaise est pratiquement à l’air libre. Au fond de la cavité, un ensemble de sculptures religieuses a été réalisé à même la roche de la falaise. L’endroit est rarement utilisé. Si l’on inspecte la grotte (test de Torche), on peut trouver qu’un faux pan de mur a été mis en place à gauche des sculptures pour cacher une fissure creusée depuis peu. 2 – Salle des alcôves Après un couloir flanqué de divers saints du Moyen Âge, on arrive dans une salle avec quatre piliers. Trois alcôves au fond de la salle sont ornées de gravures de chevalier en croisade. Sur le côté droit se trouve un petit couloir. L’alcôve de droite cache un passage secret (test de Torche). 3 – Tombeau des moines Cette salle très simple porte sur son mur gauche trois plaques qui obstruent des tombes taillées dans la roche. Sur les plaques sont gravés les trois noms suivants : frère Thilius, frère Mordron et frère Alban. Ils sont tous les trois morts en creusant secrètement ce complexe. 4 – Salle de la vierge noire Cette salle contient une grande statue de la vierge noire dans l’alcôve à droite en entrant. Un texte très lisible en latin est gravé sur le mur en face : « Quilibet fidelis in Deum hic ingrediens retrocedere debet
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et abscondere locum hunc exsistentiam pro bono omnium humanitatis. » Ce qui signifie : « Tout croyant en Dieu, entrant ici doit rebrousser et cacher l’existence de ce lieu pour le bien de l’humanité tout entière. » Le texte avertit toute personne qui entre ici qu’elle doit rebrousser chemin. 5 – Grande caverne Cette vaste salle a été réalisée à partir d’une grotte naturelle. Un pont suspendu très ancien qui n’est pas en très bon état traverse une faille au fond de laquelle coule une rivière souterraine. Il n’est pas évident de remarquer que des symboles identiques à ceux vus derrière le tableau dans la chambre de Louis à la pension ont été tracés à plusieurs endroits sur la roche (test de Torche). 6 – Faux tombeaux Cette salle contient un tombeau avec un gisant d’un croisé. La dalle qui couvre le sarcophage a été poussée sur le côté et à l’intérieur se trouvent les restes d’un chevalier avec son armure et ses armes. Il tient entre ses mains une pierre couverte d’arabesques. En l’inspectant, on voit que la pierre est friable et qu’il y a des traces de doigts récentes dessus. Sur le mur gauche de la salle se trouve une alcôve qui cache un passage secret (test de Torche). 7 – Piège de la fosse Un couloir mène à une grande salle. Une fosse
profonde de dix mètres bouche le passage. La trappe qui devait la cacher est ouverte et une corde accrochée sur le mur permet de la franchir. Jet de sauvegarde de Force pour la passer en toute sécurité. 8 – Tombeau des chevaliers Cette grande salle contient une structure en hauteur sur laquelle se trouvent trois blocs contenant des urnes renfermant les cendres de Joseph d’Auberoche et de deux de ses compagnons d’armes qui sont revenus de Terre sainte. L’urne du centre a été retirée de son logement. En dessous, il y a la place pour un objet carré de trente centimètres de côté. Sur un mur des coursives sur le côté de la salle, une plaque grave d’un texte en latin y est accrochée. Joseph d’Auberoche y raconte la chose cauchemardesque qu’il a combattue en Terre sainte. Il décrit un sorcier qui, grâce à une tablette de pierre plus dure que le métal, invoquait des monstres qui rendent fou et massacrent ceux qui ne le deviennent pas. Avec l’aide de Dieu, il a pu prendre le sorcier par surprise et le terrasser. Joseph et ses compagnons survivants ont brûlé toutes les choses impies qu’ils ont pu trouver, mais la tablette du sorcier semblait indestructible. Il l’a donc ramené en France et espère l’avoir cachée pour l’éternité dans cette crypte secrète. Il supplie toute personne trouvant l’endroit de le refermer afin de garder emprisonnée la tablette de pierre maudite.
grand-père était considéré comme un grand mythomane, mais ses histoires comme très distrayantes. Elles ont été transmises de bouche-à-oreille. La lutte contre le sorcier Arthur de Azhenac en est la plus emblématique (car probablement la seule vraie). Seules les armes chargées avec la poudre bleutée pouvaient tuer les démons que le sorcier invoquait. Dans la valise se trouve une statuette d’un style très ancien, probablement sumérien. Le médecin pense que c’est une représentation de Baphomet, une divinité imaginaire qui était soi-disant vénérée par les Templiers. En réalité, cela n’a rien à voir les croisés, c’est une représentation de Cthulhu prise au sorcier.
Le cimetière de Périgueux L’emplacement que la note trouvée sur le bureau de Louis désignait existe bien. La tombe est simple et massive. Elle ne porte que l’inscription « Arthur » sans nom de famille. Si l’on se renseigne sur qui a acheté cette concession, on retrouve le nom du juge Vanvrouivrerac. Si l’on inspecte la pierre tombale, il est évident qu’elle a été bougée récemment. En l’ouvrant, on ne peut que constater que le cercueil a été ouvert et qu’il est vide. Les restes d’Arthur de Azhenac ne sont plus là.
L’Abbaye Saint-Pierre de Brantôme Ce village très ancien a la particularité d’être sur une grande île sur la rivière de la Dronne. L’abbaye de Saint-Pierre y est une des constructions principales qui n’est pas sur l’île. Fondée sous Pépin le bref, Charlemagne y déposa des reliques de saint Sicaire. Le chevalier Joseph d’Auberoche a donné presque toute sa fortune à l’abbaye au XIIe siècle. Il a fait construire en secret un tombeau dans la falaise derrière l’abbaye pour qu’il y soit inhumé avec la pierre maudite. Les ecclésiastiques qui occupent l’abbaye aujourd’hui n’ont aucune connaissance de ce fait. Louis est arrivé à Brantôme le jour de la mort du voyageur de commerce à la
pension de sa mère. Il a mis toute la nuit pour creuser et ouvrir un passage derrière la sculpture de la chapelle troglodyte et accéder au tombeau du chevalier. Il a fait tout ce qu’il pouvait pour masquer ses travaux.
Le tombeau caché Joseph d’Auberoche n’a pas fait les choses à moitié pour essayer de cacher la pierre maudite qu’il a ramenée de croisade.
Second événement
Quand Louis Levernyac a découvert le journal d’Azhenac, il a pu commencer à maîtriser une magie aberrante. Cela le fit sombrer dans la folie, le conduisant à vouloir la mort de sa mère. Mais avant que cela se réalise, il fut submergé par l’esprit du sorcier Arthur de Azhenac. Louis reprit les recherches du sorcier sur la tablette de pierre là où il les avait arrêtées. Il finit par comprendre que le chevalier Joseph d’Auberoche avait caché l’objet à Brântome. Louis, abandonnant la magie dans sa chambre, alla exhumer les restes du sorcier dans le cimetière. Il vola une camionnette pour les transporter et se rendre à Brantôme, durant la nuit de la mort du voyageur de commerce. Il accéda au tombeau du croisé et récupéra la tablette maudite.
ECHO-BLIKSENN Dés de Vie : 3 Point de Vie : 10 Points d’Amure : 3 Malus au toucher : - 2 Attaque : Coup (2 dégâts) Capacités spéciales : • Déplacement non euclidien : les Echo-Bliksenns peuvent uniquement se déplacer sur une surface verticale et ne peuvent mettre le pied sur une surface horizontale sous peine de ne plus exister. • Attaques multiples : si un Echo-Bliksenn effectue deux attaques Coup sur la même cible au cours de deux rounds successifs, il en effectue une troisième gratuitement.
LOUIS LEVERNYAC Dés de Vie : 2 Point de Vie : 12 Points d’Amure : 0 Malus au toucher : - 1 Attaque : Coup (2 dégâts) Capacités spéciales : • Louis Levernvac est un sorcier novice qui maîtrise mal le sort invocation d’Echo-Bliksenns.
Louis n’a pas d’arme, mais de la magie. Il a gravé dans la grande caverne (5) des symboles pour invoquer des Echo-Bliksenns. Si les PJ arrivent au tombeau, Louis est encore là et s’est emparé de la tablette. Il va s’en servir pour ramer Arthur à la vie. Quelle que soit la manière dont cela se passe (Louis est attrapé par les PJ ou il leur fausse compagnie) en revenant dans la grande caverne (5), Louis déclenche l’invocation des Echo-Bliksenns d’un simple mot. Accentuées par la présence de la tablette, une masse (une centaine) de ces créatures envahit la salle, mais elles n’existent que sur les surfaces verticales. Si elles tombent sur une surface plane, elles se désintègrent. On
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SCENARIO
CTHULHU HACK peut donc traverser la salle en surmontant la vue de ces horreurs qui essayent d’agripper les PJ (test de Santé Mentale, ceux qui ont raté leur jet pendant le rêve à la pension ont un Désavantage). Les créatures sont difficiles à tuer sauf si les PJ ont des armes qui utilisent la poudre à canon bleutée, que le Docteur Durandrenne possède une petite
LE MANOIR D’AZHENAC 1 – Tour du gardien Gaston Eldran est le jardinier de la propriété. Il occupe le premier étage du garage. Dans la journée, il est souvent dans cette tour quand il ne travaille pas. 2 – Le garage Cette ancienne écurie a été transformée en garage et logement pour le jardinier et sa femme. Il n’y a rien de particulier dans ce bâtiment à part peut-être une cuve d’essence et cinq bonbonnes de gaz. On y trouve aussi des lampes à pétrole et une dizaine de jerricans vides de dix litres de contenance. 3 – Le grand bassin Dans la cour où l’on peut admirer une Bugatti rouge flambant neuve à côté d’un bassin. À l’extrémité de celui-ci se trouve une petite halle qui permet de profiter de l’extérieur et du bassin à l’abri du soleil.
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4 – Le manoir Cette grande demeure dans le pur style de la région est un petit château qui a été rénové au XVIIIe. Seuls le rez-de-chaussée et le premier étage sont habitables avec un certain luxe que peut s’offrir Auguste Edernac. Il gagne très bien sa vie à Paris en tant que médium. Il y a une entrée, un grand salon, une salle à manger d’apparat, une cuisine, un bureau et une salle de jeux. À l’étage, il y a sept chambres avec des salles de bains attenantes. Au deuxième étage se trouve un grand grenier. 5 – Ancienne cave Creusée dans une petite falaise, cette cave garde sa fraîcheur durant l’été qui peut être vraiment chaud dans la région. On y trouve la réserve de vin.
quantité. Dans ce cas, elles meurent, quel que soit le nombre de points de dégâts qu’elles reçoivent. Cependant, il n’y a de la poudre que pour douze tirs dans la valise du docteur Durandrenne. Ce n’est donc pas vraiment utile contre une centaine de ces monstres. Il est préférable de rester hors de portée. Les créatures n’auront dans ce cas que deux ou trois occasions d’attaquer chaque PJ (deux jets de sauvegarde de dextérité pour ne pas être à portée des monstres quand on monte les escaliers où que l’on passe des ouvertures). Louis, qui est déjà fou, n’a pas peur des Echo-Bliksenns, et peut même les aider. Les créatures vont donc permettre à Louis de s’échapper avec la tablette et rejoindre sa camionnette où se trouvent les restes d’Arthur. À partir de ce moment, il part pour le manoir d’Azhenac pour y pratiquer le rituel de résurrection sur Arthur qui va revenir sous la forme d’un terrible monstre.
Le manoir d’Azhenac Le manoir se trouve à plus de deux heures de route de Brantôme quand on connaît bien. Situé dans la banlieue nord de SarlatLa-Canéda, il a été longtemps la propriété du sorcier avant que le juge ne le neutralise. Il est ensuite tombé dans le domaine public et vendu à plusieurs reprises à des personnes aisées. Il y a cependant toujours eu d’étranges événements, quelques morts suspectes et il a fini par avoir la réputation d’être maudit. Ce qui n’est pas usurpé, car une créature ignoble hante ses sous-sols. Le propriétaire actuel est Auguste Edernac, un médium original qui n’a pas connaissance des souterrains qu’il y a sous le manoir. Il a une petite connaissance de l’histoire du sorcier qui a vécu ici au XVIIIe qu’il ne pense pas véridique. L’arrivée des PJ est une agréable surprise pour lui, le sortant de son ennui. Auguste n’a aucun pouvoir de médium, il est mentaliste et sait manipuler les personnes qu’il rencontre pour tout apprendre d’eux. Face aux PJ, il va rapidement comprendre que le surnaturel est une réalité pour eux. Le scepticisme d’Au-
guste l’a toujours protégé des influences mauvaises de ce qui est caché sous son manoir.
Troisième événement
Louis arrive au manoir d’Azhenac par des moyens détournés. Il s’arrête sur une route qui donne sur l’arrière de la propriété et coupe à travers les bois pour atteindre, avec la dépouille d’Arthur, l’entrée de l’ancienne cave pour emprunter un passage secret. Il est discret et personne ne le repère. Pour les PJ, c’est plus difficile. Ont-ils l’idée de venir ici après avoir perdu Louis à la crypte de Brantôme. Le juge et ses compagnons ont toujours suspecté le sorcier d’avoir un laboratoire caché dans son manoir, mais n’ont rien trouvé.
Les grottes de Shogsenerak Quand Arthur d’Azhenac s’est installé dans le Périgord pour rechercher la tablette maudite, il est resté discret pendant plusieurs années. Cela lui a permis de restaurer un manoir, mais aussi d’aménager des salles souterraines profitant d’un réseau de grottes comme il en existe beaucoup dans la région. Il y a invoqué une créature du mythe du nom de Shogsenerak, la masse amorphe qui lui donne certains pouvoirs en échange de sacrifices.
Dernier événement
Après avoir trouvé la tablette de pierre maudite à Brantôme, Louis Levernyac se rend au manoir d’Azhenac pour rendre vie à Arthur dans son temple de Shub-Niggurath. Cela va créer une entité abjecte loin de ce qu’était le sorcier, il y a cent cinquante ans. Si les PJ ne vont pas au manoir du sorcier, une créature horrible et puissante va naître. Même si Louis est discret pour pénétrer dans les souterrains, il laisse quand même des traces. Le passage secret qu’il emprunte dans la cave extérieure n’a pas été ouvert depuis cent cinquante ans. Et même s’il a été refermé, les fentes dans le mur sont bien visibles maintenant. Trouver son mécanisme
d’ouverture est un peu plus ardu (test de Torche). Cela se passe comme cela dans tout le reste du souterrain. Des traces de pas dans un lieu où personne n’est rentré depuis plus d’un siècle sont faciles à suivre. Elles mènent jusqu’au bassin de la salle (4), au passage secret de la salle des colonnes (6) et au temple (11) où Louis pratique le rituel de résurrection en suivant les indications sur un livre ancien, le Liber damnatus (cf. Libri Arcanorum, p. 38). Avant de lancer le sortilège, il a tracé plusieurs triangles d’invocation d’Echo-Bliksenns sur les murs de la salle. Quand les PJ arrivent en haut de la grotte aux cascades, vous pouvez lire ou paraphraser le texte suivant aux joueurs. « Alors que vous franchissez la rivière souterraine en marchant sur des pierres d’étranges, des sons vous parviennent. D’un couloir devant vous, des phrases sans sens sont audibles. En progressant, vous débouchez au bord d’un large puits dans une salle éclairée par des lampes à pétrole. Dans une partie en contrebas, un homme habillé d’une toge de cérémonie brandit une tablette devant un monolithe de pierre. Une lueur malsaine luit de la masse de pierre au pied de laquelle gisent des ossements humains qui sont secoués par des spasmes anormaux. Des tissus, des vaisseaux, des tendons et des muscles se recomposent lentement sur les os. » La vue d’une sorcellerie impie choque n’importe quelle personne saine d’esprit (test de santé mentale). Louis peut se rendre compte de l’arrivée des PJ même s’il est totalement absorbé par son rituel. Les PJ font tous un jet de sauvegarde de Sagesse pour voir s’ils ont été assez discrets. Si tous ont réussi, ils ont un moment pour réaliser une action avant que Louis ne les voit. Dès qu’il remarque la présence des PJ, d’un mot, il invoque les Echo-Bliksenns. Contrairement au gouffre de Brantôme, beaucoup
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SCENARIO
CTHULHU HACK
LES GROTTES DE SHOGSENERAK 4 – Salle du bassin Dans cette salle où les lumières qu’on y apporte semblent moins fortes qu’ailleurs se trouve un bassin peu profond. Il y a un large passage, donnant sur une autre salle, mais il est totalement invisible. Seule une personne qui met les deux pieds dans le bassin le voit et peut passer à travers le mur.
documents du XVIIIe a été détruit par l’humidité (cartes, lettres et livres). Ils sont illisibles. Plusieurs objets ésotériques très hétéroclites ont résisté à l’usure du temps. On distingue parmi tout ce bric-à-brac un signe des anciens. Un passage secret se trouve dans l’alcôve centrale du mur de gauche (test de Torche pour le trouver).
2 – Cave extérieure Probablement créée à partir d’une ancienne champignonnière, la salle souterraine sert aujourd’hui de remise pour le jardinier. Il y a de nombreux outils de jardinage et trois brouettes. Sur le mur droit en entrant se trouve un passage secret qui, avant le passage de Louis, n’a pas été utilisé depuis cent cinquante ans (test de Torche avec Avantage, car il vient d’être utilisé).
5 – Salle maudite Il y a un grand nombre d’alcôves dans cette salle. Elles sont toutes remplies par des corps humains momifiés en position fœtale. Une malédiction frappe toute personne qui entre dans la salle. Elle croit voir des êtres humains desséchés tout autour d’elle. Cette illusion transforme tous les compagnons d’aventures d’un PJ en monstre desséché, telle une momie (test de santé mentale). Dès que l’on quitte la salle, on n’est plus sujet aux hallucinations.
7 – Gouffre de l’escalier Un très large gouffre naturel s’enfonce dans les ténèbres. On entend l’eau couler au fond. Il fait près de vingt-cinq mètres de profondeur et un escalier en pierre a été construit pour en atteindre le fond.
3 – Grand couloir Un simple long couloir humide où l’on croit entendre des chants inquiétants psalmodiés.
6 – Salle des colonnes Cette grande salle est presque vide. Au fond à gauche, se trouve une table. Posé dessus, un ensemble de
1 – Les caves du manoir Il y a cinq grandes salles dans les caves du manoir. On y accède par une porte qui se trouve sous l’escalier, dans l’entrée principale du manoir, et par une autre dans la cuisine. Il y a la réserve pour la cuisine, un grand atelier et deux salles vides. Dans l’atelier on peut trouver quatre lampes à pétrole en état de fonctionner. Il y a un passage secret dans le couloir, qui dessert toutes les pièces (test de Torche avec Désavantage, car il n’a pas été utilisé depuis longtemps).
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8 – Rivière souterraine Une rivière souterraine s’écoule dans des tunnels depuis le gouffre vers un lac souterrain qui fait près de cinquante mètres de diamètre. Une autre rivière souterraine s’écoule dans la première par une lente cascade qui glisse sur la roche naturelle du complexe souterrain. Un escalier permet de monter vers des salles plus en hauteur.
moins de ces créatures aberrantes apparaissent, une demi-douzaine et se mettent à courir sur les murs (même s’ils sont moins nombreux qu’à Brantôme, test de santé mentale). Cela vient du fait que l’invocation n’est pas soutenue par le pouvoir de la tablette totalement concentrée sur la résurrection d’Arthur. Si les PJ ont le dessus face aux créatures, Louis finit par paniquer et part dans un couloir qui mène à la cheminée (12) de Shogsenerak. La folie de Louis le fait sauter dans la gueule grande ouverte de la créature aberrante. À ce moment-là plusieurs tentacules poussent du corps de la créature et se tendent vers les PJ qui poursuivaient Louis (test de santé mentale).
Conclusion
Si les PJ échouent à interrompre le rituel de résurrection d’Arthur, qui est fini au bout de quatre Moments, une menace émerge de ces grottes et les PJ ont peu de chance d’échapper à la mort dans ces grottes, face
Dans une salle plus loin, une large cheminée s’élève dans les ténèbres. Des choses indicibles semblent pendre dans l’obscur (test de santé mentale). 9 – Les cascades Plusieurs cascades se succèdent et des escaliers ont été taillés dans la roche pour atteindre les salles plus hautes. Un ponton au raz de l’eau permet d’atteindre une arche vers une salle (10). Plus haut, des pierres permettent de traverser la rivière souterraine pour rejoindre une autre salle (11). 10 – Salle du sacrifice Cette salle est étrangement décorée avec des tentacules taillés entre deux escaliers qui mènent à un sarcophage. Un puits part à quarante-cinq degrés du bas de la salle. Si l’on glisse par ce tunnel on prend de la vitesse rapidement et l’on arrive brutalement sur une plateforme hérissée de pics. 11 – Temple de Shub-Niggurath Cette salle est un temple dédié à une créature de cauchemar. Dans la partie basse est érigé un monolithe de pierre couverte de taches brunes sur lequel persistent
au sorcier revenu d’entre le mort sous la forme d’une aberration. S’ils réussissent, rien ne sort des grottes, mais une terrible créature y vit encore et on ne peut l’approcher sous peine de devenir fou. Plusieurs indices (une lettre et le message gravé en latin dans le temple de Shub-Niggurath) proposent une manière d’éliminer la créature : le feu avec de la poudre de cuivre. Mais les PJ n’ont peut-être pas la capacité de lire le latin et de définir la bonne poudre de métal à utiliser. En utilisant les brouettes de la cave extérieure, on peut transporter des jerricans d’essence que l’on remplit à la cuve du garage. On peut y ajouter des bouteilles de gaz et lancer une brouette en feu du promontoire au-dessus de la créature. Seul le fait d’adjoindre une bourse de cuivre fera fuir la créature dans une autre dimension. Si l’on met n’importe quelle autre poudre de métal dans le feu (voire les quatre), la créature se met à enfler tellement qu’elle fait craquer la voûte de la grotte. Elle émerge à la surface avec une taille titanesque et peut ravager toute la région, voire davantage...
les restes de cordages très anciens. Sur un mur en partie haute de la salle, devant un puits sans fond, est gravée la représentation d’une créature grotesque et aberrante, un amas de tentacules se dressant vers le haut sur un massif tronc parsemé de gueules pleines de dent, le tout soutenu par trois massives pattes avec des sabots. Dans l’ambiance de la grotte, la vision d’une aberration pareille est dérangeante (test de santé mentale avec Avantage). Il est gravé sous la fresque en latin que le cuivre est à bannir du lieu en l’honneur de Shogsenerak, celui qui attend. 12 – Shogsenerak Un couloir arche venant du temple (11) permet d’accéder à un promontoire donnant sur le haut d’une cheminée naturelle. Quand on chasse le noir avec n’importe quel type d’éclairage, on peut voir une créature abjecte sur la paroi d’en face. Cette masse amorphe aberrante de trente mètres de haut peut faire sombrer dans la folie rien qu’en la regardant (test de santé mentale avec Désavantage). Une bouche béante attend que des choses tombent dedans. D’autres gueules remplies de crocs débordent de son corps difforme parsemé d’yeux fous.
L’AUTEUR Patrick Janniaud est auteur de scénarios (Héros & Dragons) et crée de nombreux plans et cartes surtout pour le médiéval fantastique. Il a une réelle passion pour l’architecture.
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AIDE DE JEU
LÉGENDE DES CINQ ANNEAUX
HYAKUMONOGATARI Sous ce mot difficile pour un Occidental, se dissimule une pratique séculaire de Rokugan : raconter des histoires surnaturelles, autrement nommés kaidanka. Mais pas seulement. Ces récits doivent éprouver le courage des samouraïs. Ainsi, en plus d’une prestation sociale, cela peut également devenir un outil de cour. De quoi pousser un peu plus loin le scénario « L’Étreinte de l’hiver », par exemple. Origines
Il est impossible de dater précisément l’apparition des hyakumonogatari. Certains historiens du clan du Phénix prétendent que ce serait né il y a déjà plusieurs siècles dans un petit village de paysans, par une nuit d’orage. Au sein du Crabe, une rumeur veut que cela soit une des premières soirées de la sélection de l’académie d’inquisiteurs kunis, pour les plus jeunes du clan. Des archivistes du Lion aiment souligner que ce n’est qu’un jeu pour enfant au sein de leurs familles. Si chaque clan a sa version de cette histoire, il est toutefois certain que les samouraïs ont emprunté cette tradition aux eta afin de pimenter leurs soirées. L’art des hyakumonogatari est donc pratiqué un peu partout dans l’empire, sauf dans l’enceinte du palais impérial, de crainte de faire apparaître un spectre.
L’instant frisson
À la nuit tombée, des personnes se rassemblent à l’intérieur autour de cent lampions, nommés andon, et en présence
Aubaines
Effets
*
Le conteur se débarrasse de 1 point de Conflit.
**+
Le conteur ajoute 1 point de Conflit à un membre de l’auditoire.
**+
Le conteur débarrasse un membre de l’auditoire de 1 point de Conflit.
***+
Le conteur met en valeur un de ses ancêtres. Il gagne 1 point d’Honneur.
***+ ***+ ***+
Le conteur met en valeur un de ses proches qui gagne 1 point de Gloire. Le conteur suscite une vive émotion à son auditoire. Il gagne 1 point de Gloire.
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Le récit attire un esprit local.
d’un miroir. Tour à tour, elles racontent une histoire surnaturelle qu’elles ou un proche aurait vécue. Les sujets sont divers : yokai, étrangeté ou même gaki, mais jamais les horreurs de l’Outremonde. Au terme de chaque récit, le conteur souffle une flamme, puis il regarde dans le miroir espérant n’y voir ni esprit ni spectre. Des samouraïs pratiquent cette tradition afin de mettre en valeur, d’effrayer ou de mettre mal à l’aise un tiers. Il n’est pas rare qu’un conteur de talent soit employé pour parvenir à leur fin.
Règles
Voici comment interpréter un test de Représentation au cours d’une telle soirée, outre les règles de base et les possibilités d’atteindre un objectif de cour.
Prendre la parole
Voici deux propositions d’histoire à lire ou à paraphraser en cours de partie.
Hachishakusama « C’est un récit que je tiens d’un allié d’un clan mineur, qui lui-même le tenait d’un proche. Tout commença en été. Une jeune fille rendit visite à ses grands-parents. Après un accueil chaleureux, la jeune fille qui n’avait pas encore passé son gempukku errait dans les jardins. Le soleil était haut dans le ciel, il faisait chaud et quelques insectes butinaient. Le lieu était parfait, découpé de manière épurée et cerné de haies d’un vert éclatant. Pow pow !
Soudain, attiré par une voix grave, la future samourai-ko aperçue le haut d’un chapeau dépasser des haies. Étrange, pointu et sans personne apparemment en dessous. Puis, alors qu’un papillon se débattait dans une toile d’araignée, la personne qui portait le chapeau se dévoila en partie entre deux haies avec un simple son : « pow pow ». Elle était grande, avec de longs cheveux emmêlés et un regard vide. Mais surtout, oui surtout, elle était immense. Elle mesurait facilement huit pieds de haut ! Apeurée, la jeune fille rejoignit ses aïeuls à l’intérieur. Elle parla vite, trop vite. Alors ils lui demandèrent en souriant de se calmer et de prendre une gorgée de thé avant d’expliquer ce qui la perturbait. Elle s’exécuta et leur décrivit cette immense femme. Sa grand-mère se figea, main devant la bouche et son grandpère pris un air très grave. Ce dernier donna pour consigne de ne pas quitter la demeure et partit sur le champ avec ses armes. La jeune fille demanda alors ce qui se passait, et la vieille femme lui répondit : « Je crois que tu as vu Hachishakusama. Une maudite femme qui porte malheur quand son regard se pose sur toi… ». Terrifiée, l’enfant patienta, immobile. Son grand-père revint alors avec une nonne, qui accomplit une première bénédiction puis d’autres rites sacrés. Elle y passa le reste de la journée et termina en disant : « Il faut sortir cette enfant d’ici ou elle va périr. Hachishakusama n’avait pas été aperçue depuis au moins quinze ans ! » Les adultes dissimulèrent la petite sous un drap et la conduisirent jusqu’à un chariot. Entourée de nonnes, elle démarra. Mais boum ! Boum ! Boum ! Cela tapa le long du chariot qui roulait. Hachishakusama n’eut aucun mal à suivre le rythme du véhicule. Les nonnes chantèrent des prières. Boum ! Boum ! Elles tinrent bon et protégèrent la future samourai-ko. Boum ! Enfin, elles furent loin et sauvées. Malheureusement, la jeune fille ne put jamais retourner chez ses grands-parents par peur d’y mourir, car la dernière personne qui croisa Hachishakusama avait disparu. Pendant longtemps, elle leur écrivit. Pendant longtemps jusqu’à la mort de son grand-père. Mort de maladie. Mais la samourai-ko se doutait que le vieil homme avait surtout risqué sa vie pour la protéger et en avait payé le coût… »
La femme qui rit « Omaru, un heimin, dirigeant de commerce de légumes, croisa un jour le chemin d’une étrange femme. Elle se promenait dans son échoppe et ne cessait de rire par moments. « Hi ! Hi ! Hi ! » Elle riait la tête penchée. Un filet de bave coulait d’entre ses lèvres. Personne ne savait d’où elle venait. Elle faisait ses emplettes, comme les autres et riait hi hi hi. Au début il trouva cela étrange, mais ne voulant pas juger la femme il s’en désintéressa. Puis elle revint, de plus en plus souvent. « Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! » Omaru trouva cela de plus en plus étrange. Il se sentait de plus en plus mal à l’aise quand elle venait. « Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! » Cela devenait entêtant. Cela devenait dérangeant. Au point qu’un jour, Omaru ne vint pas à sa boutique. Sa vendeuse vint le trouver chez lui pour savoir ce qui se passait. Mais il ne répondit pas à la porte. Elle entra et le trouva mains sur les oreilles avec des cernes marqués. « Je ne cesse de l’entendre », dit-il. « Tout le temps ». Sa vendeuse tenta de le rassurer mais sans succès. Elle retourna à la boutique et vit la femme. « Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! » Elle ne pouvait pas croire qu’elle fut un gaki, elle était bien là, devant elle, solide ! Alors elle revint auprès d’Omaru et le persuada de la suivre à l’échoppe : il devait voir qu’elle était bien réelle. Il finit par s’y résigner et la vendeuse, certaine de le confronter à une réalité, chercha la femme qui rit sur place. Elle n’était plus là. Elle regarda partout, mais non. Et personne ne l’avait vu. Tout à coup, Omaru se couvrit les oreilles. « Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! » La femme qui rit était derrière lui, le coup penché dans un angle improbable et un filet de bave à la commissure des lèvres : « Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! » Omaru partit en courant. La vendeuse recula et la femme qui rit s’en alla. De retour chez elle, la vendeuse songeait à ce qu’elle avait entendu dans les rires de cette étrange femme. C’était plus qu’un rire. C’étaient des paroles… Des paroles qui faisaient maintenant écho à ses oreilles : « Je suis là, je suis là… ». Et à partir de cet instant, la vendeuse comme Omaru, ne cessa d’entendre dans sa tête le rire étrange de cette femme.
AUTOUR DE LA TABLE Installez une bougie devant chaque joueur, plus une par PNJ qui racontera un hyakumonogatari. Regardez dans le miroir après le récit d’un PNJ, puis tendez-le au PJ dont c’est le tour.
FABIEN FERNANDEZ
NdlR : nous ignorons ce que Fabien vit dans le miroir le soir où nous testâmes cet aide de jeu, mais nous avons préféré ne pas lui demander.
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SCENARIO
STAR WARS – AUX CONFINS DE L’EMPIRE
ENTRAILLES SYNOPSIS Ce scénario invite les héros à partir en quête du trésor d’un pirate disparu depuis longtemps en tombant par hasard sur une carte dont il manque une partie. Ils ont cependant assez de pistes pour imaginer devenir riche au point d’acheter un nouveau vaisseau. Toutefois, comme ils ne sont engagés par personne, ils devront se motiver quand des mercenaires leur tomberont dessus ou quand ils apprendront que l’héritière du butin compte bien le récupérer. Et quand ils sauront qui se cache derrière les forces en présence, ils se questionneront sans doute sur leurs choix… Vous aurez essentiellement besoin du livre Aux confins de l’Empire. Toutefois, des suppléments de la gamme permettent d’enrichir l’histoire pour un meneur voulant développer ce scénario.
PUBLIC Niveau de maîtrise du meneur : Débutant Niveau des personnages : facile, ajustable à tout niveau Nombre de joueurs : 3 à 5
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AUTEUR : Fabien Fernandez ILLUSTRATIONS : Tous droits réservés. FFG / LucasFilm Ltd / Disney ÉDITEUR : FFG France
Parfois, on ne trouve pas ce que l’on cherche. Et c’est tant mieux, car on déniche quelque chose de mieux ! En quête d’informations, les héros sont mis sur la piste d’un trésor. Évidemment, ce butin intéresse plus d’une personne. Pirates et mercenaires ne tarderont pas à croiser la route des PJ.
Introduction
Tera 4 est une petite planète minière de la Bordure Extérieure. Les PJ y sont pour rencontrer un infomarchand qui doit leur vendre la localisation d’une personne qu’ils recherchent et donc leur fournir ce dont ils ont le plus besoin en ce moment : de l’argent !
QUELLE INFO ? L’information que recherchent les PJ au début du scénario n’a que peu d’importance. Cela peut-être la localisation d’un de leurs ennemis, ou simplement une mission payée afin de retrouver un individu. Cela peut donc servir une campagne en cours ou simplement être un moyen d’attirer les PJ sur Tera 4 (où vous souhaitez sur la carte de la galaxie). Ce qui compte au final, c’est que les PJ aient besoin d’argent pour payer des dettes ou de l’équipement.
Atera, la ville principale de la planète, est voilée de nuages gris engendrés par l’exploitation des mines des environs. Dans la cantina, des chefs d’équipe de mineurs (les ouvriers n’ont pas les moyens de venir ici), des agents de sécurité et sans doute des criminels (si vous en avez besoin) bavardent et boivent. L’humain qui intéresse les PJ, Hazra (cf. Infomarchand, Aux Confins de l’Empire, p. 393) est accoudé au comptoir. Il a déjà bu plus que de raison. Il s’apitoie sur son sort (abandonné par sa bien-aimée). « Marlina, une Togruta si belle… On aurait pu avoir de magnifiques enfants et voilà que pour rien elle me jette ! » Tout le monde se désintéresse de lui. Il est donc facile de l’amener dans une alcôve, par exemple, pour négocier (2 dés de Fortune). Hazra recherche l’info dans son datapad.
Alors qu’il donne enfin l’info attendue, un plan qui a tous les traits d’une carte au trésor s’affiche sur l’objet. Une maladresse de l’amant éconduit. Hazra s’en moque. La tristesse le domine. Il fond en larmes. Un test de Coercition, Charme ou Tromperie permet d’obtenir des compléments d’information sur la carte. • Échec : Hazra reprend une gorgée en sanglotant. • 1 Réussite : Marlina est une Togruta en quête du trésor de son grand-père, un pirate. • 2+ Réussite : le trésor serait l’entassement de plusieurs années de piraterie galactique et tellement important qu’on pourrait acheter un vaisseau neuf. • 3+ Réussite : le trésor serait caché dans un temple d’une divinité de la générosité dont le pirate était fidèle. • Catastrophe : Hazra fait un coma éthylique. • Triomphe : les éléments dans le datapad forment une carte partielle pour localiser le trésor, mais Marlina aurait une autre partie. Il en manquerait une troisième pour encaisser le butin. Et accessoirement, une corpo ou une guilde serait aussi sur les traces du trésor pour une raison inconnue.
ATERA, VIE DE MINEUR Atera est sous l’emprise de la guilde des mineurs et les ouvriers sont plus des esclaves que des travailleurs vu comment ils triment et le peu qu’ils sont rémunérés. Les chefs d’équipe et agents de sécurité sont mieux considérés afin de garder le contrôle des neuf mines alentour desquelles sont extraits des minerais servant à la construction d’énormes vaisseaux de type croiseur. La vie y est donc difficile, les logements petits et entassés, les ruelles sales, les cantinas et bars nombreux et pouilleux. Le poids de la guilde est immense et quelques administrateurs habitant un groupe de bâtiments plus solides et sécurisés donnent le rythme quotidien pour un meilleur rendement. Le crime est évidemment partout, que cela soit du pickpocket ou des dessous-de-table… Les PJ doivent ressentir cette atmosphère sale et asphyxiante écrasant la condition des travailleurs presque à l’état de droïde.
Dans tous les cas, Hazra lâche que c’est à cause de cette carte (partielle) que Marlina l’a abandonné. Soudain…
Casseurs d’ambiance ! Des hommes en armes entrent dans la cantina. Des mercenaires, sans doute. Les discussions cessent immédiatement. « Nous recherchons un dénommé Hazra ! » Ils sont aussi nombreux que les PJ. Leurs caractéristiques sont celles des Brutes Aquales (cf. Aux Confins de l’Empire, p. 391). Celles de leur chef sont celles d’une Brute Barabel (cf. Aux Confins de l’Empire, p. 392). Les PJ ont chacun le droit à une action avant
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SCENARIO
STAR WARS – AUX CONFINS DE L’EMPIRE que toutes les têtes convergent vers leur table et que les mercenaires les mettent en joue. Les PJ sont donc libres de fuir ou de les affronter… Ces mercenaires (payés par la guilde des mineurs) sont venus pour récupérer Hazra afin qu’il révèle ce qu’il sait sur une carte. S’ils usent de menace dans un premier temps, ils n’ont aucun scrupule à tirer dans le tas en cas de problème. S’il y a des mercenaires survivants, la guilde en engage d’autres dans un futur proche. Sinon, d’autres n’interviendront qu’à la fin du scénario.
En quête du trésor
Après cette rencontre, si les PJ se sont fait voler la carte (Hazra est difficilement transportable ou mort d’un tir de blasters si vous ne voulez pas vous encombrer d’un PNJ désormais inutile), ils peuvent intercepter les mercenaires avant qu’ils atteignent l’administration de la ville avec le résultat de leur mission. Ou au pire, cambrioler les lieux une fois la carte du datapad transmise à un administrateur. Sans carte, pas de trésor ! Si les PJ ont la carte en leur possession, ils doivent comprendre (par l’intervention successive d’agents de sécurité) que leur
vie est en danger s’ils restent sur Tera 4. Ils doivent alors fuir avec leur vaisseau ou en en volant un à l’astroport local. (Dans ce dernier cas, c’est un vaisseau de transport léger lent et avec un faible armement.) Le datapad contient une carte clairement incomplète mais un test d’Informatique Moyen permet d’obtenir plus d’éléments : • Échec : Chik Namod, un vieux pilote bothan aurait des informations, mais impossible d’en obtenir plus du datapad. • 1+ Réussite : Chik Namod, un vieux pilote bothan pirate et ami du grand-père de Marlina est encore en vie et posséderait une pièce du puzzle. Il vivrait dans l’espace bothan. • 2+ Réussite : Chik Namod tient une cantina sur la petite lune de Batorin. • 3+ Réussite : Chik Namod tient une cantina nommée Le Cargo éraflé, sur la petite lune de Batorin. • Catastrophe : Chik Namod était également l’allié d’un des ennemis morts des PJ, il cherchera forcément à se venger d’eux dès qu’il les verra. • Triomphe : Chik Namod a déjà été nommé par un des contacts des PJ et ils peuvent le considérer comme un allié.
Des infos bothan Chik Namod est un très vieux Bothan (cf. caractéristiques du Pilote Mercenaire Sullustéen, Aux Confins de l’Empire, p. 396) qui tient une petite cantina miteuse après avoir été un grand pilote pirate… Il y a longtemps. Après une dispute, il a pris sa retraite mais son commerce ne lui a pas offert ce qu’il rêvait après une vie d’aventure. Cette cantina est petite et fréquentée par quelques contrebandiers de bas étage, tout juste assez bonne pour avoir une clientèle, mais pas assez pour attirer des gros bonnets. Aujourd’hui, le Bothan est endetté et trop vieux pour partir en quête d’un trésor qui, pour lui, a déjà eu le temps d’être trouvé mille fois. Pour autant, il sait que son bout de carte a de la valeur et surtout que lui est en manque urgent de cash. Il est donc intéressé pour la vendre. Retrouver le Bothan n’est pas très compliqué.
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Arriver avant Marlina est une autre affaire. Il faut réussir un test d’Astrogation Moyen. Si les PJ échouent, ils n’auront plus qu’à partir sur les traces de Marlina, qui vient juste de quitter l’établissement vers le petit astroport local. Elle a cependant eu le temps de détruire la carte et de la mémoriser, il faudra donc compter avec elle pour atteindre le butin. (si les PJ la tuent, mettez une clé de mémoire sur sa dépouille avec les infos nécessaires). Si les héros sont les premiers, ils doivent déjà inciter Chik Namod à vendre son morceau de carte avec de bons arguments, éventuellement avec un test de Charme ou Coercition Difficile. Ils tombent alors dans une embuscade tendue par Marlina (voir plus loin) et autant d’hommes de main que de PJ (cf. caractéristiques des Brutes Aquales, Aux Confins de l’Empire, p. 393). Ce n’est toutefois pas une tueuse. Toute son équipe a réglé les blasters pour assommer les PJ. Par ailleurs, si elle perd ses hommes, elle entame les négociations : elle connaît une partie de la carte et pourrait travailler avec les PJ moyennant une part du trésor. Enfin, si la Togruta s’empare du dernier morceau de carte, elle se fera intercepter à son vaisseau par 6 mercenaires de la guilde minière, juste assez de temps pour un combat et que le PJ l’aident en échange d’une part du butin. En définitive, Marlina et les PJ devraient faire cause commune au moins le temps de trouver le magot. Même si elle espère surtout qu’ils servent de chair à canon pour déclencher les pièges sur place. En rassemblant leurs informations, ils n’ont donc plus qu’à se rendre dans le système de Yavin pour dénicher le trésor.
L’air de Yavin 3
Après un test d’Astrogation Moyen avec 1 dé d’Infortune, les PJ arrivent à destination. En cas d’échec, ils doivent affronter une navette de mercenaires de la guilde minière (ou criminels concurrents suivant vos besoins scénaristiques) et en cas de Catastrophe, ils arrivent à Yavin 4, où se trouve un blocus impérial avec un destroyer. Bien que ce
QUI CHERCHE LE TRÉSOR ? Le trésor se compose réellement de butin du pirate Kalaz Log, mais le plus intéressant est le stock de carburant sur lequel il repose. En effet, le trésor est caché dans un ancien temple abandonné, construit sur une ancienne mine de coaxium, un super carburant instable mais très prisé pour les hyperdrives. • La guilde minière est très intéressée par ce filon, tant pour ses capacités de carburant que d’explosif afin d’acquérir d’autres minerais plus rares encore. C’est pourquoi ils ont embauché des hommes pour trouver la cachette de l’ancien pirate, dès qu’ils en ont entendu parler. • Marlina Lishos est en quête du trésor de son grand-père, un pirate qui œuvrait pour une communauté togruta isolée. Elle possède les plans des souterrains pour y accéder et, depuis peu, la planète où se trouve son héritage, mais pas encore le lieu exact. Elle est en route pour Batorin, une petite lune du secteur bothan afin d’obtenir l’élément manquant. • N’importe quelle organisation criminelle étant déjà apparue dans les aventures des héros peut refaire surface en quête de ce même trésor suivant vos besoins. Sinon, il suffit d’en créer une petite qui cherche à se faire une place dans le milieu interlope : pas forcément très dangereuse, mais très motivée. Quelle que soit l’issue de cette histoire, il faut en effet que différents groupuscules créent de l’adversité afin que les PJ ne se sentent pas sur un long fleuve tranquille.
dernier n’attaque pas, il faut négocier subtilement pour trouver une réponse crédible à leur fournir quant à leur présence. Les héros et la Togruta se rendent sur une des vingt-trois lunes de Yavin Prime : Yavin 3. Cette petite lune recouverte de montagnes et de jungle paraît similaire à Yavin 4. Par suite d’une surexploitation minière, il y a plus de cinq siècles, l’air n’y est pas totalement respirable. Il faut par conséquent des respirateurs pour la foulée du pied. Une fois sur place, il faut réussir un test de Pilotage (Planétaire) Moyen afin de se poser sans dommage dans la jungle, à un minimum d’une heure de marche de la destination. Une fois dehors, le climat est chaud et étouffant, engendrant 1 dé d’Infortune par heure à tous les tests physiques à venir si les PJ ne sont pas équipés ou ne réussissent pas un test de Résistance Facile par heure. Ensuite, le PJ guidant les autres doit réussir un test de Survie Difficile afin de trouver le meilleur chemin. Chaque adversité sur les dés est une heure de perdue à cause de détours, un échec leur fait perdre deux heures à cause d’une impasse et une Catastrophe, les mène droit dans sur le territoire d’une meute de Miacolsh (cf. ci-après).
RESPIRE ! Yavin 3 possède un air très pauvre en oxygène pour la plupart des espèces humanoïdes. C’est pour cela qu’il faut des respirateurs. Sans le matériel idoine, référez-vous aux règles d’asphyxie d’Aux Confins de l’Empire (cf. p. 214). Toutefois, il existe une plante riche en oxygène qui pousse sur Yavin 3 et dont certains animaux se nourrissent pour simplement survivre. Ce végétal qui ne dépasse pas les deux mètres de haut possède de larges feuilles vertes et grasses, qui une fois ingurgitées, permettent à un organisme de ne plus avoir besoin d’air durant quelques minutes. Suivant la quantité mangée, il est ainsi possible de survivre plusieurs heures. Néanmoins, une surdose (une quantité permettant de respirer pendant plus de cinq heures d’affilée) est toxique pour qui ne réussit pas un test de Résistance Difficile. En cas d’échec, une créature s’étouffe et a besoin de soins d’urgence et de régulateur d’air.
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SCENARIO
STAR WARS – AUX CONFINS DE L’EMPIRE
MIACOLSH (RIVAL) VIG AGI INT RUS VOL PRE 3 4 1 3 2 1 Encaissement : 3 Seuil de blessure : 14 Seuil de stress : 12 Compétences : Athlétisme 4, Corps à corps 3, Perception 4, Résistance 2. Équipement : griffes ; dégâts 2 ; critique 4 ; portée contact), crocs ; dégâts 6 ; critique 3 ; portée contact, Perforant 2, fourrure de camouflage (dans la jungle, ils bénéficient de 2 dés de Fortune pour se dissimuler). Les Miacolsh ressemblent à des gorilles à la fourrure épaisse et verte et de longues griffes leur permettant de grimper aisément aux arbres. En plus de leur gueule en permanence ouverte dévoilant des crocs pointus, deux énormes narines qui semblent dilatées, ils possèdent deux orifices à la base de la nuque leur permettant de mieux respirer, voire de frôler la surface de l’eau quand ils nagent. Ils se déplacent en meute de 4-6 individus et attaquent toute proie satisfaisant leur faim de carnivore.
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Le temple perdu
Après un test de Survie Moyen, afin de progresser dans la montagne couverte de végétation, les héros arrivent devant un accès au temple recherché : • Réussite : devant une porte en pierre, représentant un faciès stylisé d’humanoïde, bouche bée et crocs en évidence. Un test de Perception Moyen, permet de trouver le mécanisme ouvrant l’accès. Un échec, permet simplement de déduire que c’est une entrée, et il faut alors l’ouvrir grâce à un test d’Athlétisme Intimidant, ou en lui occasionnant 20 dégâts avec des explosifs ou des blasters. En définitive, ils pénétreront par l’accès A du plan. • Échec : devant un tas de pierre légèrement éventré, laissant voir un début de tunnel. Il faut réussir un test d’Athlétisme Moyen, afin de dégager un accès assez grand pour un humain, ce qui prend une demi-heure. En définitive, ils pénétreront par l’accès B du plan.
Entrée A Bien que le tunnel soit encombré de pierres et de végétation, Terrain dangereux (cf. Aux Confins de l’Empire, p. 241), les héros peuvent déceler les vestiges de bas-reliefs de part et d’autre du couloir. Les représentations stylisées d’humanoïdes, permettent de déduire (test de Connaissance (Culture) Facile) que c’est l’entrée d’un temple qui n’a étrangement pas de divinité représentée. En progressant plus avant, il faut réussir un test de Survie Facile ou Vigilance Moyen, afin d’éviter de déclencher le piège du passage 1.
• Passage 1 : si le piège est déclenché, le sol s’ouvre brusquement sur une zone (3x3 m) sous les pieds des héros. Le mécanisme demande dix minutes pour remettre la trappe en position initiale. Ceux qui tombent peuvent encore réussir un test d’Athlétisme Intimidant (avec 2 dés d’infortune à cause du terrain Dangereux) pour se rattraper in extremis. En cas de chute, chacun subit 4 Blessures et 8 points de Stress, en heurtant les roches tout au long de la pente et en percutant le mur (passage 2) qui renvoie dans un autre trou. Les PJ qui réussissent un test d’Athlétisme Difficile (avec 2 dés d’infortune à cause du terrain Dangereux) grimpent de l’autre côté de la trappe, tandis que les autres continuent à tomber, jusqu’au passage 3.
Entrée B
• Passage 2 : dès que la trappe (Passage 1) est déclenchée, une plaque métallique s’abaisse pour bloquer l’accès du tunnel menant à l’entrée B. Ainsi, ceux qui tombent continuent leur chute vers le Passage 3. Si les héros viennent de l’entrée B, le panneau métallique est en position et il faut réussir un test de Perception Moyen pour le déceler. En cas d’échec, il changera de position dès que les PJ franchiront le Passage 3. Afin de bouger ce panneau dans une position ou une autre, il faut réussir un test de Mécanique Facile en court-circuitant le tableau électrique à sa base. Si les héros poursuivent vers le Passage 3, ils doivent réussir un
LES POINTS DE DESTIN Il y a de nombreuses possibilités d’utilisation des points de Destin au cours du scénario. Outre les méthodes habituelles, vous pourrez ici en faire usage dans la partie « archéologique » du temple. En effet, lorsqu’un héro tombe dans un trou, lorsqu’un éboulement ou une explosion à lieu, c’est peut-être le moment pour qu’un point Lumineux soit dépensé pour faire apparaître une racine pour ne pas finir dix mètres plus bas, ou que le tas de roches qui s’effondre s’entasse en créant une poche juste au-dessus du PJ. En revanche, les points Obscurs peuvent bloquer des accès, faire exploser une poche de minerais ou de gaz pour ajouter du stress ou des dégâts aux personnages. Soyez inventif avec l’environnement, mais surtout, soyez cinématographique. Le but est de créer de l’émotion et de l’histoire, pas de tuer les PJ.
test d’Athlétisme Facile (terrain Dangereux 2 dés d’Infortune), ou subir 4 points de Stress à cause des petites écorchures occasionnées par l’environnement. • Passage 3 : des restes d’ossements humanoïdes de différentes espèces jonchent le sol autour d’un trou d’un mètre de large donnant sur une pièce en contrebas (Passage 4). Un test de Médecine Facile, permet de compter les corps (dix au total) et de deviner que la plupart des décès remontent à plusieurs années, à cause de chutes. Si les héros prolongent leur descente, ils arrivent dans une salle occupée par un lac souterrain de vingt mètres de diamètres avec une sorte d’îlot de deux mètres d’envergure flottant en son centre. Dès que l’un d’eux touche l’eau cela attire le Fongitrope qui attaque immédiatement avec un de ses tentacules (caractéristiques du Dianoga, cf. Aux Confins de l’Empire, p. 415).
Chambre C
MARLINA LISHOS
On ne peut pas approcher à moins de dix mètres (portée courte) du mur fermant l’accès à la chambre C sans déclencher des rafales de tirs de blasters sortis du mur. Toutefois, un test de Vigilance Moyen, réussi permet de se jeter à terre pour éviter les premiers tirs. Le tour suivant, six blasters tirent de nouveau, orientés sur les cibles grâce à un vieux détecteur de mouvement. Pour les éviter, il faut se mettre à couvert ou réussir un test d’Athlétisme Moyen avec 1 dé d’Infortune ou subir 8 dégâts, et ça tant que les héros ne sont pas hors de portée ou qu’ils n’ont pas détruit ou désactivé les armes. Il y a plusieurs options pour se débarrasser des armes et arriver au petit tableau de contrôle qui verrouille l’accès à la chambre C (ce panneau peut être piraté par un test de Mécanique Facile) : • Détruire les blasters : avec un explosif comme une grenade bien lancée (Athlétisme Moyen) ou en tirant sur les six blasters avec une difficulté Facile et 2 dés d’Infortune pour le cibler correctement. Il faut 7 dégâts pour détruire chaque arme.
Marlina est une belle trentenaire togruta consciente de son charme mais qui ne l’utilise que pour marchander. Solitaire dans l’âme, elle a survécu à une vie de criminelle grâce à sa volonté de fer et sa capacité à improviser rapidement. Si elle peut aisément faire croire qu’on l’a bernée, c’est pour mieux prendre l’avantage ensuite. En revanche, cette existence dans le milieu interlope l’a dotée d’un langage peu propre à la diplomatie et la politesse : les insultes peuvent sortir très vite, si on la cherche. Marlina est la dernière de sa lignée. Quand ses parents sont morts, elle a découvert l’existence de ce trésor qu’elle a considéré comme un héritage. Elle a tout plaqué, dont un job pour la guilde minière et est partie en quête. Libre comme l’air, elle ne s’attache à personne très longtemps et aspire à s’acheter un vaisseau neuf avec le pactole. Après quoi, elle n’a d’autre ambition que de rejoindre les « terroristes » de la rébellion pour combattre l’Empire qui a tué sa famille. Un plan des plus simples si on excepte l’existence des PJ et de son ancien employeur, chacun en
voulant au butin. Bien qu’elle fasse tout pour réussir et qu’elle soit une criminelle avec peu de scrupules, il lui en reste assez pour ne pas tuer de sang-froid. Ainsi, même si elle part avec en tête de sacrifier des héros sur les pièges, une fois sur place, il n’est pas dit qu’elle change d’avis si ces derniers sont sympathiques.
MARLINA (NÉMÉSIS) VIG AGI INT RUS VOL PRE 3 3 3 3 4 3 Encaissement : 3 Seuil de stress : 14 Seuil de blessure : 13 Compétences : Coordination 2, Corps à corps 2, Distance (Légère) 2, Perception 3, Sang-froid 1, Survie 1, Tromperie 2, Vigilance 3 Capacité : lorsqu’elle accomplit la manœuvre « assister », elle ajoute 2 dés de Fortune au lieu de 1. Équipement : pistolet blaster (Distance [armes légères] ; dégâts 6 ; critique 4 ; portée courte), Armure légère (+ 1 en Défense).
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SCENARIO
STAR WARS – AUX CONFINS DE L’EMPIRE
FONGITROPE Cette créature vit dans le seul lieu d’eau potable des environs, se nourrissant des curieux ou de ceux venant y boire. Avec une tête flottante aux apparences de champignon géant, le réel visage de ce monstre est pourtant sous l’eau : une gueule immense, des tentacules et une centaine d’yeux répartis autour de la tête.
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• Désaxer les blasters : pour bloquer les blasters et les obliger à tirer sur le sol, plafond ou un mur, il faut s’en approcher suffisamment de côté, et le bloquer mécaniquement (test de Mécanique Moyen avec 1 dé d’Infortune). S’approcher et frapper dessus avec une arme de corps à corps demande les mêmes tests que pour les détruire. • Pirater le piège : le tableau de contrôle latéral permet d’ouvrir la porte, mais y brancher un datapad permet de pirater le système pour l’éteindre. Pour cela, il faut s’approcher suffisamment, ouvrir la trappe et réussir un test d’Informatique Facile. Une fois l’accès ouvert, les PJ arrivent dans une grotte où le sol est couvert de stalagmite et le plafond de stalactite rendant le terrain très difficile d’accès (3 dés d’Infortune pour s’y déplacer). Plusieurs « sentiers » se dessinent entre les stalagmites, tous avec des petits câbles
métalliques plus ou moins fins, voire très fins, qu’il faut éviter pour pouvoir traverser la salle sans dommage. Il faut réussir trois tests successifs d’Athlétisme Moyen pour traverser la pièce sans encombre. Chaque échec déclenche une salve de fléchettes empoisonnées dans toute la grotte : 2 dégâts par salve et un test de Résistance Difficile pour ne pas subir 4 points de Stress à cause de la drogue.
Puits D Un puits est à la verticale du tunnel. Il faut réussir un test d’Athlétisme Moyen pour grimper jusqu’en haut et retourner dans des couloirs horizontaux vers la chambre E ou le couloir F. Quelques fines veines de coaxium cristallisé courent sur les parois du puits, mais tout juste de quoi engendrer une petite explosion si on tire dessus avec un blaster (Souffle 2, dégâts 3).
Chambre E Cette grotte est sans issue et le sol est couvert de gravats, résultat d’une des dernières explosions du plafond, il y a des années de cela. En l’étudiant de plus près, on peut déduire (test de Connaissance (Culture) Moyen) des formes géométriques dessinées sur le sol entre les gravats et celles apparaissant encore sur les murs, que c’était une salle de méditation ou de prière. Passer une lumière sur les murs (test de Perception Facile) dévoile des veines de petits cristaux : en réalité, du coaxium cristallisé. Toute explosion ou tir d’énergie comme un blaster, déclenche un nouvel éboulement. Une Catastrophe ou 1 point de Destin du côté obscur provoquent une réaction en chaîne faisant écrouler toute une partie du réseau souterrain.
Couloir F
Moyen, on en déduit que c’est une chambre des rites et que le socle du trône était un autel (libre à vous de faire des liens avec un culte à la Force). En voyant l’amoncellement de pierres précieuses, les héros pensent probablement qu’ils vont être très riches, toutefois ça ne sera peut-être plus forcément le cas quand débarquera un groupe de mercenaire… Suivi de peu par une escouade impériale.
Trône
Passer devant le trône sans réussir un test de Perception Difficile provoque la chute de la personne qui y passe dans une trappe occasionnant 6 dégâts et envoyant vers le puits G. Il est toutefois possible de se retenir au bord de cette derrière in extremis en réussissant un test de Vigilance Moyen ou Athlétisme Difficile.
PULP GAMES ! Dans les histoires d’aventures et de chasses au trésor, comme Indiana Jones ou Uncharted, il y a souvent des énigmes ou des « puzzles », par exemple des leviers pour activer un mécanisme d’ouverture, un système de contrepoids pour ne pas déclencher un piège ou même un faciès à reconstituer sur une porte en pierre pour l’ouvrir. Bien qu’ici il n’en soit rien afin de ne pas bloquer la progression des héros vers la scène finale, libre à vous d’en ajouter, si vous voulez vous ancrer plus dans du pulp ou si vous voulez prolonger l’exploration.
Le sol du couloir est couvert de cristaux de coaxium poli, aussi explosif (comme dans les autres salles) que glissant (1 dé d’Infortune pour s’y déplacer). Au bout de celui-ci, se trouve une salle au trésor.
Puits G Si on ne franchit pas ce puits de 6 mètres de large, on tombe douze mètres plus bas sur des stalagmites, subissant 16 dégâts.
Salle au trésor
Cette salle au trésor mesure quinze mètres de diamètre et est un immense entassement de bijoux et pierres précieuses (pour une valeur totale de 300 000 crédits) au pied d’un trône surélevé sur lequel se trouve un squelette (un test de Médecine Facile permet de savoir que c’est un Togruta) avec une pierre précieuse (cristal kyber) grosse comme un poing sur ses genoux. Les murs de la salle sont couverts de coaxium cristallisé et le plafond, 4 mètres plus haut, percé d’un puits vers la surface (test d’Athlétisme Facile pour grimper jusqu’en haut). En étudiant les symboles et l’architecture avec un test de Connaissance (Culture)
99
SCENARIO
STAR WARS – AUX CONFINS DE L’EMPIRE La pierre kyber sur les genoux du défunt vaut à elle seule environ 20 000 crédits, mais peut également être taillée par quelqu’un de sensible à la Force afin d’alimenter un sabre laser. Il est toutefois important de rappeler que posséder cet élément d’une arme de Jedi est illégal aux yeux de l’Empire.
Le coaxium
FORCE & DESTINÉE Si vous avez modifié ce scénario pour jouer avec Force & Destinée ou qu’un personnage sensible à la Force s’empare du cristal, il doit réussir un test de Mécanique Moyen pour tailler correctement la pierre et la glisser dans le manche d’un sabre, s’il en possède un. Sinon, cela peut-être la première étape pour constituer un sabre laser. Par ailleurs, quelqu’un de sensible à la Force perçoit une forte vibration de celle-ci dans la salle de prière et celle des rites.
1d10
Le véritable trésor ici est le filon de coaxium cristallisé. Exploiter cette mine rapporterait plusieurs millions de crédits ou permettrait d’en économiser autant pour toute institution raffinant le coaxium pour son propre usage spatial. C’est pour cela que l’Empire et la guilde des mines sont sur la trace des PJ depuis le début. Ils ont d’abord tenté de les intercepter puis se sont résolus à les suivre pour qu’ils déclenchent les défenses de l’ancien pirate pour finalement, prendre le contrôle du site. Utiliser des blaster, autres armes à énergies ou explosif ici est très dangereux. En effet, un tir perdu (localisé à votre discrétion) ou une explosion peuvent provoquer des éboulements et/ou des blessures. Lorsqu’un explosif est utilisé ou lors d’un échec de tir, lancer 1d10 sur la table ci-dessous :
Les mercenaires Un groupe de mercenaires (autant que de PJ) arrive dans la salle au trésor quelques minutes seulement après les PJ. Laissez le temps aux joueurs de découvrir le butin mais pas d’en profiter : ils doivent penser réussir, jusqu’à l’arrivée des mercenaires. Leur mission est de prendre possession des lieux pour le compte de la guilde minière, mais ils sont prêts à laisser les PJ piocher partiellement dans le trésor (environ 40 000 crédits par personne), respectant le travail qu’ils ont accompli pour venir jusqu’ici et afin qu’ils partent rapidement. Si les PJ refusent le marché, ils n’hésitent pas à employer les armes pour les éliminer.
L’Empire Un groupe de stormtroopers (autant que de PJ) (cf. Aux confins de l’Empire, p. 404) mené par un sergent (cf. Aux confins de l’Empire, p. 405) arrive quelques minutes après les mercenaires. Laissez les PJ prendre le dessus mais sans forcément vaincre les mercenaires, et ajoutez alors une couche supplémentaire de danger. La mission des impériaux est de prendre possession de la mine de coaxium. Contrairement aux merce-
Effet du coaxium explosant
1
Aucun effet.
2
Explosion : 4 dégâts et 2 points de Stress à toute personne dans les 3 mètres de la paroi touchée.
3
Éboulement : 3 dégâts et 3 points de Stress à toute personne dans les 6 mètres de la paroi touchée.
4
Explosion : 8 dégâts et 2 points de Stress à toute personne dans les 3 mètres de la paroi touchée.
5
Aucun effet.
6
Explosion : 12 dégâts et 2 points de Stress à toute personne dans les 3 mètres de la paroi touchée.
7
Éboulement : 7 points de Stress à toute personne dans les 6 mètres de la paroi touchée.
8
Explosion : 16 dégâts et 2 points de Stress à toute personne dans les 3 mètres de la paroi touchée.
9
Éboulement : 9 dégâts et 9 points de Stress à toute personne dans les 6 mètres de la paroi touchée.
10*
Explosion et éboulement : 20 dégâts et 4 points de Stress à toute personne dans les 3 mètres de la paroi touchée. La salle commence à s’écrouler sur elle-même. Dans 2 tours, la trappe donnant sur le puits G est bloquée par la roche. 3 Tours après le tour suivant, le puits vers le couloir F est bouché et 5 tours encore après, le puits en hauteur s’écroule.
* Si les PJ utilisent 1 point de Destin, ils peuvent se retrouver bloqués dans une poche d’air sous les décombres ou encore blessés mais emportés vers l’extérieur.
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naires, ils ne marchandent pas. Ils mettent tout le monde en joue pour les arrêter. Les mercenaires se rendent en donnant le nom de leur employeur, travaillant lui-même pour l’Empire. • Si les PJ refusent le marché, ils n’hésitent pas à employer les armes pour les éliminer. • Si un combat éclate entre les impériaux et les PJ, les mercenaires restent neutres, mais à la première explosion de coaxium, ils prennent chacun une poignée de pierres du trésor (1d10 x 1000 crédits volés par mercenaire) et fuient par l’entrée A.
L’héritière Marlina ne s’attendait pas à autant de trésors. Elle reste fidèle à ce qu’elle a négocié si les PJ font de même. Quand les mercenaires débarquent, elle est prête à accepter leur marché, résignée. Cependant, quand l’Empire arrive, elle tente de s’enfuir avec une part du butin. Si elle ne le peut pas, elle essaye de passer par le puits supérieur et fait tout écrouler sur les impériaux.
leurs en lien avec une histoire de mine fructueuse de coaxium, ils seront recherchés dans toute la galaxie. • Les PJ ont fait écrouler la mine : l’Empire lance un avis de recherche contre eux, au même titre que les « terroristes » de la Rébellion auquels ils sont maintenant assimilés. • Si Marlina s’en tire saine et sauve : elle part rencontrer un contact sur Ord Mantell afin de rejoindre la Rébellion. Si les PJ sont en bons termes avec elle et veulent eux aussi rejoindre ces « terroristes », elle accepte leur compagnie. Restera ensuite à savoir quel est ce contact rebelle dans votre campagne. Mais c’est une autre histoire…
RÉPARTITION DES XP
POINTS D’EXPÉRIENCE
Négocier avec les mercenaires 5 XP Arriver jusqu’au trésor et comprendre que le coaxium est le véritable butin les trois générateurs 10 XP Récupérer tout le trésor (sans le coaxium) + 5 XP Mettre en place une gestion de la mine de coaxium pour leur compte +10 XP Éliminer les envoyés de l’Empire 5 XP
Dénouement
Selon l’issue de la situation dans la salle au trésor, les PJ sont plus ou moins riches. En outre, ils ont pu se faire de nouveaux ennemis. • Les PJ ont négocié avec les mercenaires et sont partis avant l’arrivée de l’Empire : tout va pour le mieux. Personne ne leur en veut. • Les PJ s’en sont pris aux mercenaires : la guilde des mines profite de son appui impérial pour lancer des chasseurs de primes à leurs trousses afin de leur faire payer l’affront subi. Les PJ sont recherchés dans toute la galaxie. • Les PJ ont trahi Marlina : cette dernière prend sa revanche dès qu’elle a réuni un équipage. À l’avenir, les PJ feront face à une Togruta qui sabotera leurs opérations enrichissantes. • Les PJ s’en sont pris à l’Empire et que l’un d’eux en a réchappé : si l’Empire est informé que les PJ ont éliminé certains des
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INSPIRATIONS
EXPOSITION
ARMES ET ARMURES ROYALES À LA FORTERESSE DE CHINON ARMES ET ARMURES ROYALES, QUAND LE RÉEL RENCONTRE LA FICTION, VOILÀ UN TITRE D’EXPOSITION PROMETTEUR ! L’EXPOSITION PRÉSENTÉE À LA FORTERESSE ROYALE DE CHINON DU 21 MAI AU 6 NOVEMBRE NOUS PLONGE DANS L’UNIVERS FANTASTIQUE DES ROIS ET DES REINES DU MOYEN-ÂGE ET DE NOS UNIVERS DE FANTASY PRÉFÉRÉS ! CHARLES VII, ELISABETH D’ANGLETERRE OU CHARLES QUINT Y CÔTOIENT LE ROI ARTHUR, ARAGORN OU CERSEI LANNISTER… Une forteresse royale pour une exposition royale Avec ses logis royaux, dont celui qui a hébergé Charles VII (1422-1461) lors de la guerre de Cent Ans, ses huit tours et ses remparts bâtis entre le Ve et le XVe siècle, la forteresse de Chinon est le cadre idéal pour une telle exposition. Occupé dès l’époque romaine, le site fortifié voit l’édification de sa première tour en pierre par le comte de Blois Thibaud le Tricheur en 954. Au XIe siècle la forteresse est conquise par les comtes
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d’Anjous et en 1160 elle est la capitale continentale d’Henri II Plantagenêt (1154-1189), duc de Normandie et roi d’Angleterre, dont le domaine s’étend de l’Écosse aux Pyrénées. Prise par le roi de France Philippe Auguste en 1205 elle sert un siècle plus tard à Philippe Le Bel pour emprisonner les quatre hauts dignitaires templiers dont Jacques de Morlay. Enfin, le moment historique le plus célèbre a lieu en 1429, année où Jeanne d’Arc se rend à Chinon pour se mettre au service de Charles VII et le mener au sacre.
À la rencontre de l’histoire et de la fiction C’est donc dans ce lieu éminent que Soline Anthore Baptiste, spécialiste de l’histoire culturelle du vêtement et de la mode et Nicolas P. Baptiste, expert en armes et armures du Moyen Âge et de la Renaissance ont monté leur exposition. Celle-ci aborde la question du corps royal et de la guerre dans l’histoire et dans l’imaginaire par le par le prisme du cinéma et des séries médiévales fantastiques. L’exposition fait ainsi dialoguer œuvres de musées et objets de tournages. Les deux commissaires de l’exposition ont notamment à cœur de chercher les sources historiques qui ont inspiré les directeurs artistiques et les artisans pour la fabrication des accessoires des films et des séries. En effet, la démarche est de montrer que les œuvres de fiction, notamment médiévales fantastiques, utilisent l’imagerie et la culture matérielle des civilisations du passé pour créer un imaginaire riche et solide. L’exposition confronte et fait se rencontrer objets de collections muséales comme celles du musée de l’Armée à Paris, du musée du Cinquantenaire à Bruxelles ou du musée d’Art et d’Histoire de Nice avec les objets de tournages, réels ou sous forme de répliques, officielles ou non, de Game of Thrones, d’Excalibur de John Boorman
(1981), du Seigneur des Anneaux ou encore du Monde de Narnia. Les commissaires de l’exposition ont utilisé leur important réseau pour avoir accès à ces objets. En effet, ils ont participé à la formation des figurants écossais de Game of Thrones sur le maniement d’armes d’inspiration médiévale et sur la façon de se mouvoir en portant une armure. Ils connaissent également quelques artisans émérites comme Peter Lyon, forgeron qui a réalisé les épées du Seigneur des Anneaux et du Hobbit et Leo Todeschini qui a travaillé sur les épées de The Witcher. Nous sommes donc en de très bonnes mains, tant du point de vue historique que du point de vue geek.
L’exposition L’exposition est composée de neuf ensembles thématiques répartis dans les
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INSPIRATIONS
quatre salles des logis royaux du XIVe siècle, ceux-là mêmes qui ont servi d’appartements à Charles VII. La première salle est une introduction en forme de fin : le roi est mort ! Les visiteurs sont accueillis par deux gisants, une reproduction de celui d’Isabeau de Bavière, reine de France (1385-1422) et… Le gisant d’Aragorn ! La fin d’un règne
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est aussi le début d’un autre… Le roi est mort, vive le roi ! comme le dit la formule prononcée pour la première fois en 1422 à la mort de Charles VI (1380-1422) pour que la royauté soit instantanément transférée à son successeur alors qu’il n’est pas encore sacré roi. La deuxième partie de l’exposition évoque donc le couronnement, moment officiel s’il en est, où le souverain en représentation porte souvent une armure de prestige et des armes d’une grande valeur symbolique, faisant de lui un chevalier idéal, évident protecteur du royaume. Louis XIV est le dernier roi de France à porter une armure le jour de son sacre et il tient les regalia, les symboles du pouvoir dont fait partie Joyeuse, l’épée dite de Charlemagne. Une reproduction très fidèle en est présentée dans la salle à côté de la réplique de l’Excalibur du film de Boorman. La pièce contient également l’armure de sacre de Charles VII dorée à la feuille du film Jeanne d’Arc de Luc besson. Cette armure, fabriquée en aluminium pour des questions de légèreté pour le tournage, s’inspire de plusieurs armures historiques légèrement plus tardives que la date de l’événement. Quand les armes et les armures ne sont pas portées elles font partie de collections royales et servent de lien avec la lignée et les ancêtres parfois légendaires. La section La mémoire des armes s’inspire du cabinet d’Amboise où Charles VIII (1483-1498) et Louis XII (1498-1515) conservaient leur collection d’armes qui constitue donc le premier musée d’armes anciennes. On racontait que l’épée de Lancelot figurait dans la collection. Entre une hache mérovingienne, une épée pontificale de cérémonie ou une copie officielle de Narsil, le cabinet est d’une grande variété. En face dans la même salle se trouve la section consacrée aux gardes du roi, ces hommes prêts à tout pour protéger le souverain. On y trouve notamment une belle collection d’armes d’hast, hallebardes et pertuisanes, une reconstitution de l’uniforme d’un garde écossais de Charles VII et un casque de cosplay d’un garde royal de Game of Thrones. S’il y a des gardes du roi, c’est que des opposants à son règne n’hésitent pas à s’en prendre à lui, ce que montre
la section suivante : S’en prendre au roi : les attentats régicides. Les armes utilisées sont souvent des armes facilement dissimulables, comme les dagues de défense que beaucoup de courtisans portaient à la ceinture. Une dague du XVIe présentée dans cette section est du même type que celle dont s’est servi Ravaillac pour assassiner Henri IV. À côté d’elle se trouve une réplique officielle de la dague en acier valyrien offerte à Arya Stark par son frère Bran. La section suivante, Armures au féminin, s’intéresse aux reines vêtues d’armures, dans l’imaginaire et dans l’histoire. Elisabeth Ière d’Angleterre portait une armure sur les champs de bataille et Agnès Sorel, la favorite de Charles VII portait une armure de fantaisie quand elle assistait aux tournois de chevalerie. C’est cette armure de parade qui est reconstituée dans l’exposition à côté du costume royal de Maléfique et du corset-armure de Cersei. L’exposition se poursuit avec Attaquer le royaume, où l’on raconte comment le roi doit porter une armure à la guerre pour jouer son rôle de commandant suprême des armées, ce dont témoignent entre autres la copie du XIXe siècle de l’armure de Charles V, l’armure noire d’Arthur du film Excalibur ou l’impressionnant casque de Sauron pour le Seigneur des Anneaux. Les derniers objets sont présentés dans la section consacrée aux armuriers et artisans royaux, évoquant un atelier de forgerons du XIVe siècle. Dans la tour de l’Horloge du château la dernière section de l’exposition rend hommage aux cosplayers avec des photos de fans en costumes. Le cosplay est une forme d’expression artistique très peu exposée dans des musées. Ces photos permettent de présenter au public cette culture qui n’est souvent visible que sur les réseaux sociaux.
Inspirante Cette exposition, tant par son cadre, ses thématiques et les collections présentées,
est une source d’inspiration idéale pour tout jeu médiéval fantastique ou médiéval historique. L’exposition revient surtout sur la puissance symbolique des armures et des armes portées par les rois et les reines. Le vol de ces objets est donc un déclencheur idéal d’aventure, qu’il s’agisse de retrouver l’objet volé avant un sacre ou une cérémonie, ou au contraire de dérober l’objet en question pour que l’investiture d’un usurpateur n’ait pas lieu ou qu’elle soit retardée le temps que l’héritier, ou l’héritière, légitime n’arrive à temps. Les deux sections consacrées aux gardes du roi et aux régicides peuvent également servir d’inspiration pour un scénario visant à protéger un souverain ou à se débarrasser de lui : quelle arme utiliser ? Quel moment propice ? Comment sont équipés les gardes qui ne le quittent pas d’une semelle ? Tout est dans l’exposition. VINCENT BLANCHARD
ARMES ET ARMURES ROYALES
Forteresse Royale de Chinon Du 21 mai au 6 novembre 2022
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INSPIRATIONS
SÉRIE
I HAVE A DREAM
ENFIN ! L’AVANCÉE DES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES AIDANT, ET PEUT-ÊTRE AUSSI LA MATURITÉ D’UN PUBLIC EN DEMANDE DE PROGRAMMES PLUS SOMBRES ET ADULTES, VOICI VENUE L’ADAPTATION EN LIVE DE CETTE PETITE PERLE POÉTICO-GOTHIQUE QU’EST SANDMAN. BONNE NOUVELLE : LA SÉRIE EST UN VIVIER D’IDÉES INÉPUISABLE POUR LES JDR « OCCULTES ». Mister Sandman, bring me a dream…
THE SANDMAN
Créateurs : Allan Heinberg & David Goyer, d’après Neil Gaiman Diffuseur : Netflix Disponibilité : 05/08/2022 Genre : fantasy TRAITS Background : • Onirisme • Occultisme • Fantasy urbaine Gameplay : • Sociétés secrètes • Divinité des rêves • Monde onirique et enfer • Trips inter-dimensionnels Produit : • Série Netflix • Graphic Novel DC Vertigo
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Créé en 1989 par le légendaire Neil Gaiman, le comic-book (pardon : graphic novel, c’est plus chic) Sandman s’est fait un peu attendre avant de débarquer en France. Il fallut ainsi attendre 1997 pour le découvrir grâce aux éditions Le Téméraire, aux côtés de Preacher et d’autres pépites de la collection adulte Vertigo. Malheureusement, l’éditeur (qui portait bien son nom) connut un dépôt de bilan précipité. Le bon côté des choses, c’est que les grandes enseignes de distribution proposèrent régulièrement ses albums dans des bacs à soldes les années suivantes. L’occasion de découvrir à moindres frais tout un pan underground des comics (et accessoirement des auteurs comme Garth Ennis ou Grant Morrison).
Dream team
The Sandman, la série, est diffusée depuis le début du mois d’août sur Netflix (en association avec la Warner), dotée de moyens conséquents et d’un casting solide1. Validée par Neil Gaiman himself, très protecteur vis-à-vis de ses créations (on se souvient de sa brouille avec Todd McFarlane concernant Angela sur Spawn), l’intrigue reprend assez fidèlement la trame du graphic novel, non sans quelques aménagements indispensables.
The Sandman n’étant pas forcément facile d’accès, un peu brouillon dans sa narration riche en références, le premier épisode (écrit par Gaiman) prend quelques libertés avec le matériau d’origine. Dream, et son royaume, nous sont présentés dès l’introduction, et l’Éternel fait office de narrateur. On y perd donc un peu au niveau du mystère, le graphic novel s’ouvrant directement sur un rituel d’invocation, sans que l’on ne sache rien de la divinité « invitée », qui n’apparaît démasquée (ou plutôt décasquée) qu’à la vingt-deuxième page. Cependant, sa captivité est traitée avec soin, développée sur la longueur (soit toute la durée du premier épisode), et la série évite ainsi le piège consistant à évacuer rapidement l’introduction pour embrayer sur l’intrigue principale : la recherche de ses trois outils oniriques par Dream.
Dream on Les neuf autres épisodes retranscrivent scrupuleusement la trame des deux premiers volumes, Préludes & Nocturnes et La Maison de poupée, jusqu’à reprendre le titre respectif des chapitres. L’intrigue, malgré une exposition un peu didactique, refuse la facilité et assume toute la bizarrerie du graphic novel. Qui s’attendait à voir en chair et en os les personnages d’Abel et Caïn, la gargouille, ou
encore un certain détective du paranormal ? Certainement pas les familiers du graphic novel qui, pourtant, seront quand même surpris par certains choix d’adaptation. Mais surtout, elle excelle dans les scènes sentimentales, en apportant une sensibilité et une douceur en contraste avec la noirceur et la cruauté des mondes où doit évoluer Dream. Autrement dit : The Sandman s’impose comme une série humaniste, où un dieu froid et fermé aux autres apprend à apprécier l’humanité. Cependant, le traitement du personnage nous rappelle qu’il reste un immortel et un monarque, avec son lot de responsabilités, susceptibles de lui faire perdre la fidélité de ses proches.
Dreams are my reality Reconnaissons toutefois qu’après la récupération des outils, la série perd ses enjeux, baisse en tension, et connaît un moment de flottement. Pour ne pas dire des longueurs. Logiquement, elle s’avère fascinante en s’aventurant sur des terres surréalistes (mention spéciale à la séquence infernale), et ronronne un peu quand elle bascule vers la réalité (les storylines des tueurs en série sont interminables). Ces défauts étant déjà présents dans le graphic novel, nous retiendrons que le ton si particulier de Sandman est au rendez-vous. Une atmosphère éthérée, cette inquiétante étrangeté si spécifique bercée par une mélodie planante conférant à l’ensemble un cachet bien particulier. L’adaptation est intelligente, effectue des ajustements indispensables, le meilleur exemple demeurant
l’épisode A Hope in Hell, plus clair et dynamique que le chapitre sur papier. Sans doute était-il nécessaire d’attendre l’alignement des astres, à commencer par un casting de choix et des effets spéciaux léchés, pour obtenir ce résultat. Notons au passage la prestation de Tom Sturridge, qui parvient à imposer la présence de son personnage (une divinité, rien que ça) en étant nu comme un ver, et sans dire un mot.
« LE RÊVE EST UNE SECONDE VIE. JE N’AI PU PERCER SANS FRÉMIR CES PORTES D’IVOIRE OU DE CORNE QUI NOUS SÉPARENT DU MONDE INVISIBLE. » – GÉRARD DE NERVAL
Requiem for a dream
L’exploitation de The Sandman est relativement large. L’Appel de Cthulhu, bien sûr, pour sa description précise d’une société occulte, et de son rituel visant à invoquer une entité. Pour les détails techniques, Cultes effroyables complétera idéalement ce background. Étant donné la nature du royaume de Dream, Les Contrées du rêve apparaissent comme l’extension parfaite de la série. Pas réputée pour sa facilité d’accès, la mastérisation de cet univers onirique lovecraftien se verra grandement appuyée par les superbes tableaux fantasmagoriques exposés dans certains épisodes. Mage – l’Ascension, pour l’influence de la magie sur la réalité. Ou bien des jeux plus « barrés » jouant sur la distorsion de la réalité, comme l’ancêtre Hystoire de fou. Ou encore Kult – Divinité perdue, pourquoi pas ? Le quatrième épisode, complétement démentiel, offre un cadre dantesque idéal pour un mauvais trip dans FLORENT MARTIN l’Inferno.
1. Qui suscita quelques controverses, sur lesquelles on ne s’étendra pas.
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ASPIRINE
LE STORYTELLING
(OU COMMENT RACONTER UNE HISTOIRE ?)
DEPUIS LA NUIT DES TEMPS, LES HOMMES AIMENT SE RACONTER DES HISTOIRES. QUEL MEILLEUR MOYEN DE VOYAGER SANS BOUGER, DE FRÉMIR SANS PRENDRE DE RISQUES ? L’IMAGINAIRE EST UN OUTIL FORMIDABLE POUR QUI SAIT LE STIMULER. MAIS COMME TOUT ART, LA NARRATION S’APPREND, DE FAÇON AUTODIDACTE OU SOUS LA TUTELLE D’UN MENTOR.
Il était une fois… Grâce aux progrès de la technologie, les contes jadis narrés à la tribu autour d’un feu, ou par les grands-mères à leurs petits enfants, ont laissé place à des mondes toujours plus riches et sophistiqués. Néanmoins, le principe reste le même, et l’enjeu identique : comment capter l’attention de son auditoire ? L’art de la narration impose une méthodologie. L’improvisation a ses limites, et il ne viendrait à l’esprit de personne d’entamer la construction d’une maison sans établir un plan, poser des fondations stables, et connaître les techniques de construction les plus fiables. Dans cette optique, la première phase préparatoire consiste à distinguer le FOND et la FORME. • Le FOND : qu’est-ce que je vais raconter ? • La FORME : comment vais-je le raconter ?
Le fond Il s’agit de la partie immergée de l’iceberg. L’histoire que vous souhaitez raconter, les
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thèmes que vous allez aborder, le message à transmettre… Le fond ne doit pas être trop évident, et se dévoiler avec la progression de votre intrigue. Souvent très personnel, notamment dans les premières œuvres, il fait appel aux plus intimes motivations de l’auteur. Mais par où commencer ? Il n’existe pas vraiment de règle. Considérons qu’un bouillonnement d’idées vous permettra de discerner un thème, un personnage principal, puis un cadre où le faire évoluer.
Où trouver l’inspiration ? La construction de l’histoire peut naître d’une image, d’un décor, d’une situation vécue, ou bien être issue d’une œuvre ayant marqué l’auteur. Cette pierre angulaire sert de point de départ à une association d’idées qui, « brique par brique », va permettre de construire l’architecture du récit. Pour prendre une autre image, imaginez un squelette sur lequel on va greffer des organes, des muscles, la peau… Ou bien encore une pelote de laine d’où l’on tire un fil qui dépasse.
Puiser dans son vécu Alimenter le « terreau du fond » implique un certain vécu, une expérience de vie aussi bien positive que négative. Notons qu’il n’est pas forcément lié à l’âge. Une personne de vingt ans peut avoir connu plus de choses intenses qu’une personne de soixante-dix. L’idée consiste à exploiter une gamme de bons ou mauvais souvenirs, d’émotions, de « fragments de vie », et de répondre du même coup au besoin que l’on ressent parfois de les exprimer. Utiliser l’écriture comme un exutoire. Creuser dans un territoire familier mais parfois refoulé, cette zone sombre que Freud qualifiait d’heimlich et d’unheimlich (cf. L’Inquiétante Étrangeté). Cette démarche présente deux avantages. • Les idées viennent spontanément, « en cascade », sans avoir à forcer l’inspiration. • Elle permet de raconter une histoire personnelle, et de se démarquer ainsi d’une énième redite du Seigneur des Anneaux, d’Harry Potter ou de Cinquante Nuances de Grey. Comme nous le verrons, l’inspiration n’est pas interdite, elle est même nécessaire, mais elle ne doit pas « vampiriser » l’œuvre créée. Se nourrir de sa culture L’inspiration ne provient pas uniquement du vécu. Une vie casanière peut-être compensée par un vaste imaginaire, enrichi par une culture large entretenue par une grande mémoire. Autrement dit : « travelling without moving », pour citer Jamiroquai. Les idées ne viennent pas de nulle part, et il n’y a aucune honte à s’inspirer d’œuvres qui nous ont marqués. Les plus grands auteurs se sont basés sur des productions préexistantes pour bâtir leur carrière (cf. Anatomie de l’Horreur de Stephen King). L’auteur doit donc disposer d’une solide culture, dans tous les domaines. Il doit toutefois la « digérer », en quelque sorte l’oublier, afin de la laisser ressurgir spontanément au moment de l’écriture. Laisser flâner son esprit Chaque auteur possède ses petits « trucs » pour laisser venir l’inspiration. Marcher dans la nature, faire du vélo, ne penser à rien de
particulier… Notons que les idées viennent plus facilement lorsque l’esprit est détendu, et que le meilleur moyen d’obtenir une page blanche consiste à « forcer » l’inspiration.
Développez un thème Votre bloc-notes est maintenant rempli d’idées pêle-mêle ? Et pourtant, vous ne savez toujours pas quoi raconter… Un thème doit pourtant émerger de ce maelström, un concept qui vous tient à cœur et que votre inconscient vous incite à développer. Ce fil rouge vous sera utile au moment de mettre en forme votre histoire, afin de ne pas vous perdre en route. Nous en revenons à la question-clé : « Qu’est-ce que je veux raconter ? » Le but du jeu consiste à cerner ce thème, à le tourner et le retourner pour explorer ses moindres recoins. Prenons pour exemple Carbone Modifié, de Richard Morgan. Dans un futur lointain, les hommes sont en mesure de sauvegarder leur esprit pour changer de corps. Plutôt que de jouer la facilité en survolant ce concept génial, l’auteur l’exploite dans toutes ses possibilités dramatiques, humoristiques, et même érotiques : enfant réincarné dans un corps de vieillard car dépourvu de mutuelle, femme plusieurs fois centenaire hébergée dans un corps d’adolescente… Une méthode exigeante en discipline, mais qui permet de ne pas frustrer votre public et d’éviter les réflexions du type « dommage qu’il n’ait pas pensé à cette piste… ».
PREMIÈRE ÉTAPE : TROUVER UN TITRE ! Ce qui vaut pour une histoire vaut pour un article, et il faut bien commencer quelque part. L’espace d’un instant, l’idée m’a traversé l’esprit de l’intituler ironiquement « le storytelling pour les nuls », avant de me raviser. Comme nous le verrons plus loin, en écriture, l’humour est en effet un outil à manier avec des pincettes, pour éviter d’être mal interprété. En préambule, précisons simplement que ce modeste manuel est avant tout un recueil de conseils structurés, et non une bible à l’usage des professionnels. Il se destine à la rédaction de scénarios dans un cadre général et amateur, et pas spécifiquement aux jeux de rôle, bien que ce domaine nous intéresse particulièrement (ce qui n’étonnera personne). Il s’agit donc, avant tout, de poser les bases d’une méthode universelle, déclinable à toute forme de médias.
Trouvez votre champion Et soignez sa personnalité. L’identification au héros permet de s’immerger dans l’aventure. Elle doit s’effectuer rapidement, dès l’apparition du héros. Exposer un personnage exécrable pour ensuite le rendre attachant est un pari risqué, réservé aux vieux briscards de l’écriture. Toutefois, le public aime se projeter dans les antihéros, les « outlaws » à la Snake Plissken, capables d’accomplir ce que l’on n’oserait pas dans la vie réelle. La frontière est ténue car personne ne veut s’identifier à un personnage moralement répréhensible, à moins d’avoir un sérieux problème (cf. Orange Mécanique). À l’opposé, le public apprécie les personnages maladroits, gaffeurs, un peu gauches,
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ASPIRINE
proches de leur quotidien. Autrement dit : imparfaits. Pensez à Gaston Lagaffe, ou à Ugly Betty… Là encore, le traitement doit être subtil, car le personnage peut facilement passer pour idiot. Ne « chargez » pas sa personnalité de tares au point de le rendre agaçant, ne créez pas un Ja-Jar Binks ! Vous pouvez aussi travailler la perception initiale de votre personnage, jouer sur l’ambiguïté. Le meilleur exemple du procédé reste Terminator où Kyle Reese, futur sauveur de l’humanité, ne peut à première vue qu’évoquer un psychopathe errant dans les rues de Los Angeles.
Sachez vous adapter
Faites vivre un monde
La Forme
Une fois lancée la « machine à inspiration », il ne suffit pas d’aligner les scènes sans réfléchir au cadre, à l’environnement et aux protagonistes actifs ou passifs de l’aventure. Ceux-ci doivent s’inscrire dans un univers global cohérent, crédible, vivant. S’agit-il d’une ville ? d’une jungle ? Quelle est la météo ? Quelles sont les teintes dominantes ? « Peignez » le tableau de votre monde en présentant son atmosphère, sans tomber dans la description académique (un défaut assez courant de l’héroic fantasy). Lisez ou relisez Dracula, où Bram Stoker prend le temps de décrire le voyage de Jonathan Harker s’engouffrant dans des Carpates inquiétantes, tout en détaillant leur culture, leur mœurs… Pensez au film Se7en, situé dans une ville où la nuit et la pluie sont omniprésentes, avant de s’achever en un parfait contraste dans un désert en pleine lumière. L’exercice est aisé dans une histoire contemporaine ancrée dans un milieu familier, mais si elle se déroule en Amazonie ? Cela implique un travail de documentation ou bien, dans les genres relevant de la science-fiction, du fantastique et de la fantasy – longtemps traités avec condescendance et pourtant les plus difficiles à maîtriser – une énorme imagination. Dans ce monde fantasmé, comment s’ouvrent les portes ? Comment fonctionnent les voitures ? Il vous faut penser à chaque détail du quotidien pour vous assurer d’embarquer le public dans votre univers, sans possibilité de remise en question.
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Le scénariste est un mercenaire. Il doit s’adapter au cahier des charges souhaité par son client. À moins de faire « cavalier seul » et d’autoéditer ses œuvres, un exercice relevant du parcours du combattant. C’est particulièrement vrai dans les jeux de rôle, où chaque jeu possède son « background » et ses règles, et où les scénaristes doivent être en mesure d’écrire pour plusieurs jeux. Ne restez pas figé sur votre façon de voir les choses et gardez en tête qu’une histoire est organique, vivante, et non figée dans le marbre.
Structurez vos idées
Établir un plan Les méthodes diffèrent selon les auteurs. Certains établissent un plan précis avant d’écrire le moindre mot, d’autres le composent ensuite, ou rédigent leur script à la manière d’un journal. J’ai moi-même tendance à écrire suivant l’inspiration, pour ensuite déplacer des morceaux de texte et former une histoire cohérente. L’usage consiste à découper son récit en trois actes. Une phase d’exposition, du décor, des personnages, des enjeux. Une phase consacrée à l’action, ou à un voyage, et enfin une dernière phrase spectaculaire (ou intimiste). Les trois parties doivent être équilibrées, car inconsciemment le public ressentira le déséquilibre d’une exposition trop longue, ou d’un final rapidement expédié. Placer ses pions Il va maintenant s’agir de « classer » toutes vos idées, qui n’ont pas toujours de rapport évident entre elles, et qui ne sont pas forcément apparues dans un ordre chronologique. Autrement dit « reconstituer le puzzle », « caser » chaque élément dans votre plan afin d’obtenir un début, un milieu et une fin aboutissant à un ensemble homogène. Ce travail de forme va contribuer à alimenter la cohérence de fond de votre histoire. L’image globale doit être claire, et ne pas ressembler au jeu des sept erreurs où un objet qui n’est pas à sa place paraît incongru.
La moindre inadvertance ne pardonne pas dans le genre des thrillers et des polars, généralement basés sur des enquêtes. Selon la sacro-sainte « règle Agatha Christie », chaque indice doit en entraîner un autre, et le public n’est pas censé avoir une longueur d’avance sur les investigateurs. Ce décalage peut sérieusement nuire à une bonne histoire, comme dans The Batman. Excellent film au demeurant, mais où le meilleur détective du monde peine à comprendre ce que le spectateur a déjà assimilé. Dans cette logique, placez en début d’intrigue des éléments discrets qui trouveront un écho à la fin de votre histoire. Pensez à Retour vers le Futur, parangon du genre, où chaque détail posé est ensuite utilisé par la suite. Poser un cadre Une fois le plan établi, les grandes lignes tracées et les idées organisées, entamez la rédaction en plantant le décor. Présentez les lieux, vos personnages, et exposez les enjeux prédéfinis lors du travail de fond. Où et quand se déroule la scène ? Quels acteurs sont impliqués ? Quelle est leur personnalité ? Quel but doivent-ils atteindre ? D’où partent-ils et où vont-ils ? Le public doit instantanément comprendre ce dont il est question, exception faite d’une volonté du scénariste de « brouiller les repères », courante dans les films d’horreur où les unités de temps et de lieu sont souvent bousculées, et où tout doit rester flou (cf. les films de Roman Polanski ou le jeu vidéo Silent Hill). Autre cas particulier : les auteurs comme Robert E. Howard, qui n’aimait rien tant que de projeter le lecteur dans une scène d’action dès la première page, pour ensuite dérouler son exposition au cours du récit. Dans tous les cas, le scénariste doit rester conscient que son public reçoit les informations via la narration, et qu’il n’a pas besoin d’explication lourde. Au cinéma, un plan large sur Jérusalem et un autre sur un chevalier suffit à faire assimiler le contexte. Faire vivre les dialogues Au risque d’enfoncer une porte ouverte, le langage parlé diffère du langage écrit. N’hésitez pas à prononcer les dialogues à haute voix. Ils doivent « sonner juste », sembler
avoir été pris sur le vif, et ne pas être trop « travaillés », au sens littéraire. L’une des références en la matière reste Neuromancien (critique dans le N°55), avec son langage à base d’un argot typique des années quatrevingt, censé être futuriste. Les répliques y claquent et s’enchaînent comme dans une partie de ping-pong, en donnant l’impression au lecteur de capter une conversation réelle tenue dans la rue. « Huiler » les articulations Ordonner ses idées au sein d’un plan peut parfois conférer à l’ensemble un aspect artificiel, un côté « créature de Frankenstein ». Tout comme un corps possède des coudes et des genoux, une histoire doit posséder des articulations entre ses différentes parties, pour éviter un effet « bancal », « saccadé ». Autrement dit, pour la rendre dynamique et vivante. Il nous est tous arrivé d’être choqués par une ellipse brutale, qui nous fait « décrocher » d’une histoire. Comment les personnages sont-ils arrivés là ? Pourquoi passe-t-on subitement du jour à la nuit ? Apprenez à manier l’art de la transition. Une bonne histoire doit être aussi fluide qu’un cours d’eau ou une symphonie.
Florent Martin Dans le domaine du JdR, Florent a surtout œuvré sur la première édition de Crimes. Il est aussi l’auteur d’un scénario officiel de Trinités. On le retrouve aux crédits du supplément Trois Fois Paris pour Wasteland, en tant que co-auteur. Plusieurs de ses nouvelles ont été publiées par des revues et Florent est actuellement à la recherche d’un éditeur pour ses deux romans, Hadès et Chamane, disponibles sur KDP Amazon. Il a également été critique pour le site nooSFere et anime un blog consacré à l’actualité de la culture populaire, Balades Cosmiques.
Apporter les dernières touches Une histoire n’est jamais terminée. Il vous arrivera forcément, assis dans un bus, de vous dire « J’aurais pu ajouter ça ! ». Souvenezvous de Pierre Bonnard, ce peintre qui entrait discrètement dans le Palais du Luxembourg pour retoucher ses propres œuvres. Ces petits détails ajoutant à la crédibilité d’une histoire font partie du travail de finition. Néanmoins, à un moment ou à un autre, un texte doit être considéré comme fini, et donc livré, parfois dans un déchirement. D’où l’importance de connaître une « deadline », et de savoir gérer son temps pour ne pas être pris au dépourvu.
Sachez vous adapter (again) Eh oui, il ne faut pas seulement s’adapter au niveau du fond, mais aussi de la forme ! Dans les scripts cinématographiques, l’usage exige certaines conventions en début de scène (INTÉRIEUR NUIT, LIEU, etc). Une page équi-
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ASPIRINE LA THÉORIE DU MAGICIEN D’OZ Pour résumer le travail sur le fond et la forme, un principe peut s’appliquer. Théorie toute personnelle, mais qui résume selon moi ce que doit contenir une bonne histoire. Souvenez-vous : dans Le Magicien d’Oz, l’épouvantail est à la recherche d’un cerveau, le lion de courage, et le bonhomme de fer d’un cœur. Ainsi, l’auteur doit également faire preuve d’intelligence pour organiser, structurer, agencer ses idées. De courage, d’audace, pour ne pas dire de « tripes », pour s’aventurer sur des terrains où il prend le risque d’être jugé et critiqué. Et enfin de cœur, en s’ouvrant, en « se mettant à nu », en livrant des sentiments très personnels relevant de l’intime.
vaut à une minute de film. En matière de jeu de rôle, un scénario tient sur 40-50 000 signes. En outre, si vous souhaitez être publié, mieux vaut choisir un jeu récent pratiqué, plutôt qu’un obscur JdR vieux de vingt ans. Chaque media, chaque support possède ses codes, qu’il vous faudra connaître. Écrire une série Les séries connaissent actuellement un « boom » grâce aux chaînes de streaming. Leur regain de popularité a connu plusieurs vagues, de Star Trek à Squid Games en passant par X-Files. Elles offrent, avec les jeux vidéo, le débouché le plus intéressant pour un scénariste. Les séries offrent le luxe de développer les personnages, et de se faire plaisir en terminant chaque épisode par un cliffhanger (une scène inachevée au suspense insoutenable). Notez que la forme feuilletonesque est une grande tradition française, bien avant les séries TV, utilisée par de grands auteurs comme Alexandre Dumas et Victor Hugo. Les scénarios non-linéraires L’aboutissement ultime de l’art du conteur est incarné par les histoires où le public n’est plus passif mais actif, dans le sens où il construit lui-même son histoire. Du moins, lui laisset-on croire… Cette approche fut initiée par les jeux de rôle, puis par les « livres dont vous êtes le héros », et trouva son apogée avec les jeux vidéo, plus précisément avec les mondes
ouverts (« open worlds ») où le joueur, via son avatar, est libre d’évoluer où et comme il le souhaite. Cette approche, plus difficile à maîtriser, mais plus intéressante en termes de débouchés professionnels (les narrative designers sont très recherchés sur le marché du travail ludique), implique d’imaginer tout ce que va faire le joueur. Cela nécessite une capacité à « penser à sa place », autrement dit de l’empathie, et une pensée en arborescence. L’intrigue ressemble ainsi à un arbre muni de nombreuses branches, où il est possible de « sauter d’une branche à une autre » comme un petit singe (cf. chapitre sur la pensée en arborescence du livre Trop Intelligent pour être Heureux de Jeanne Siaud-Facchin).
Comment progresser ? Effacez votre ego Facile à dire ! Il est toujours vexant de voir décortiquée une œuvre dans laquelle on a mis toute son âme. Le jugement devient personnel. Or il ne l’est pas. Le critique ne vous attaque pas, il soulève des points qui posent problème. Et il bénéficie d’un avantage que vous n’avez pas : le recul. Écoutez-le ! L’exercice est désagréable, et les commentateurs manquent souvent de tact, mais tous les auteurs sont passés par là. Ne demandez pas conseil à des proches qui ne partagent pas forcément vos goûts et préférences culturels, ou qui ne voudront pas vous vexer. Le premier et meilleur critique est souvent éditeur, rédacteur en chef, relecteur… Autant dire qu’il connaît son métier, et il est dans son intérêt de vous voir progresser. Sachez toutefois faire preuve de discernement, et ignorer les attaques faciles sans autre but que de vous vexer, le fameux « trollage ». Internet n’est pas forcément le meilleur endroit où chercher des avis pertinents.
Sachez varier les genres L’auteur ne doit pas se limiter au genre qu’il affectionne. Il se fermerait ainsi des portes, à une époque où la polyvalence permet de (sur)vivre. Toutefois, le novice sera naturellement tenté, surtout pour une première
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œuvre, d’évoluer dans sa zone de confort, l’univers qu’il maîtrise le mieux. Il s’agit d’un réflexe naturel, conseillé pour se « faire la main » avant d’expérimenter d’autres terrains de jeu. Considérez votre premier travail comme un tremplin vers d’autres horizons.
Lancez-vous sur le marché Vous avez « testé » vos histoires, et elles rencontrent un certain succès ? Jetez-vous à l’eau et proposez-les à des magazines, qui vous livreront leurs règles respectives de mise en forme. Vos scénarios ont trouvé preneur ? Vous commencez à vous faire un nom ? Soyez ambitieux ! Faites-vous un CV, n’hésitez pas à demander à vos contacts si telle ou telle gamme de JdR éditée par leurs soins ne nécessiterait pas une nouvelle plume, en renfort. Vous n’avez rien à perdre, et c’est souvent ainsi que les auteurs parviennent à percer. Vous êtes maintenant une star dans votre milieu ? Ne vous arrêtez pas là ! Apprenez l’anglais, ou perfectionnez-le via des séries en VO, et proposez vos services outre-Atlantique. Culturellement, les Anglo-Saxons sont plus ouverts aux jeunes talents, et moins adeptes de l’« esprit de clan ». Le réseau LinkedIn peut être utile pour se faire connaître, mais il ne suffit pas. Prospectez les éditeurs directement sur leur site, sans vous laisser décourager par les absences de réponse ou les « je garde ton CV sous le coude » qui resteront sans suite. Et pour finir, les deux conseils les plus importants, une fois que vous aurez atteint le statut de dieu du storytelling. Veillez, à votre tour, à tendre la main aux padawans, et ne prenez pas la grosse tête !
Faites-vous plaisir ! Pour conclure de façon ludique : amusezvous ! Le besoin de créer, d’imaginer d’autres mondes, des histoires… correspond souvent à une insatisfaction, une frustration ressentie dans une vie n’atteignant jamais le niveau espéré. N’hésitez pas à raconter ce que vous auriez aimé vivre, ou bien lire. Injectez un grain de folie dans votre création, pour vous démarquer d’un climat général bien trop sage !
QUELQUES CONSEILS PRATIQUES • Un scénario n’est pas un roman. Si vous optez pour ce format, allez à l’essentiel, droit au but. • Ne sous-estimez pas l’intelligence du public. Il est inutile de lui répéter plusieurs fois la même chose, au risque de lui donner l’impression d’être pris pour un idiot. Vous-même avez sûrement ressenti ce sentiment désagréable, devant un récit trop « scolaire ». • N’essayez pas de réinventer la roue. N’ambitionnez pas de faire votre Citizen Kane, ne perdez pas en route votre public avec un fil inutilement complexe à base de narration éclatée et de flash-back. Cela peut paraître contradictoire avec le conseil précédent, mais les intrigues linéaires se déroulant sur une unité de temps sont souvent les plus efficaces (cf. films New York 1997, Se7en ou The Warriors). • Une fiction n’est pas une tribune ! Une histoire peut, bien sûr, véhiculer une réflexion politique, sociale, un message, être engagée etc. Mais il ne s’agit pas d’un outil de propagande pour véhiculer vos convictions. Cette démarche risque de vous aliéner une partie du public. Autrement dit, inviter à la réflexion diffère d’imposer un point de vue péremptoire et militant sans nuances. • Sexe & violence. Ai-je le droit de pimenter mes histoires avec du sexe et de la violence ? Tout dépend de votre client. A priori, il vous a engagé parce qu’il connaît votre univers. Certains éditeurs de jeux vidéo et de jeux de rôle apprécient les univers « dark », extrêmes. D’autres ciblent un public jeune. Tout est affaire de bon sens. Si vous n’êtes pas à l’aise avec ces thèmes, spécialisez-vous dans les médias grand public. Si vous appréciez les univers plus matures, sachez doser les éléments perturbants. Les scènes-choc doivent être amenées, et ne pas être gratuites. Voyez-les comme le sel et le
poivre en cuisine : ils relèvent le goût, mais un mauvais dosage entraîne l’écœurement. • L’humour. Un terrain risqué, surtout en matière d’écriture. Hors de propos, il fera sortir de l’histoire votre lecteur. L’humour est subjectif, et susceptible de provoquer un malaise quand il est inapproprié. Tout le monde n’est pas Terry Pratchett, et il est extrêmement difficile de conter un récit cohérent sur fond humoristique. Comme le sexe et la violence, l’humour est donc à utiliser avec parcimonie, excepté dans le genre très spécifique du pastiche. Même satyrique, et ironique, il doit conserver un ton bienveillant et ne pas ressembler à un règlement de compte envers telle ou telle institution (par exemple religieuse), ou groupe d’individus. La provocation peut être perçue comme puérile, quand elle s’attaque à des cibles faciles et où la « prise de risque » est minime. • L’art du twist. C’est un peu devenu une mode, depuis le film Sixième Sens. Le procédé est connu dans les nouvelles de SF, dont la série Twilight Zone fut la prolongation télévisuelle. Certains auteurs aiment ainsi remettre en question toute leur intrigue à l’aide d’une révélation finale. Pourquoi pas ? Mais évitez l’exercice de style, ne bâclez pas votre histoire en vous focalisant sur ce retournement de situation. Cette technique ne souffre pas la moindre erreur au niveau de la cohérence, et demande une grande rigueur. Rien, dans votre narration, ne doit laisser soupçonner votre twist.
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ÉPISODE 10
VOUS ENTREZ DANS UNE AUBERGE « Qui êtes-vous ? qu’il ne lui rapporte. Meneur d’opidemandez-vous. nions. — On est les chevaliers — Mais laquelle ? demandez-vous. du Cliquetout, cliquète — On s’en clique ! réplique Cliquefou. le premier chevalier. Moi Celle qui rapporte le plus de suivants. c’est Cliquefou. Derrière — Et donc le plus de ronds ! » ajoute c’est Cliquemou, ensuite Cliquemou, juste derrière. c’est Cliquemoi, après Dans ses yeux brille la même lueur c’est… étrange que dans ceux de Cliquefou. — Très bien, l’inter- Ses doigts tripotent nerveusement la rompez-vous. Mais poignée de son épée, comme impapourquoi nous suivez- tients de s’en servir. vous ? « Alors, on se suit ? », demandent d’une — Pour que vous seule et même voix les chevaliers du nous suiviez, réplique Cliquetout, dont les armures mal ajusCliquefou, une drôle de tées peinent à dissimuler bourrelets de lueur dans les yeux. graisse et odeurs rances. Mais les seuls — Comment pouvons- clics que vous inspirent ces chevaliers, nous vous suivre si vous c’est ceux qu’on prend avec ses clacs nous suivez ? demande votre mage quand on met les voiles. d’un air sagace. « On est obligés de répondre main— En se suivant les uns les autres, tenant ? demande votre prêtre, continue Cliquefou. Comme ça après diplomate. on s’entreclique. Tu me cliques, je te — On a la vie devant nous », rétorquent clique. On se clique. Vous cliquez ? les chevaliers sur un ton à glacer le — Autrement dit, on tourne en rond, sang. fait votre roublard. De toute façon, on Vous vous demandez comment leur n’a pas besoin de suivants. échapper. Malheureusement, vous — En plus on n’a pas un sou, ajoute êtes trop engagés dans l’escalier pour votre prêtre. redescendre. Des dizaines d’yeux — Mais ce n’est pas une question brillent au bas des marches, tous d’argent, poursuit Cliquefou. D’abord braqués dans votre direction. Vous on se suit, et puis quand on a beau- continuez votre ascension, toujours coup de suivants, on devient Meneur. suivis par les cliquètements. « On dort dans la même chambre que Et là on gagne des sous ! — Meneur de quoi ? Meneur de jeu ? vous, vous apprend Cliquefou. C’est la meilleure de l’hôtel. Notre reine l’interrogez-vous en vous nous y attend. Elle obtient tournant vers l’autre bout de toujours ce qu’elle veut. la table, où trône votre MJ – — On la connaît ? Comment que votre prêtre caresse des s’appelle-t-elle ? yeux. — Le monde entier la connaît. — Mais non, répond votre Elle s’appelle Karen. » MJ, bien placé pour savoir Choupette Que faites-vous ? que son hobby lui coûte plus
Illustration : David Chapoulet.
LES CHEVALIERS DU CLIQUETOUT
A
lors que vous montez l’escalier de l’auberge où vous entrâtes (comme dirait votre barbare) à la recherche de l’aventure, vous entendez de drôles de bruits derrière vous. Un jet de perception (DD10) réussi vous permet d’identifier des cliquètements d’armures. Ne sachant si cela doit vous rassurer ou vous inquiéter, vous risquez un regard par-dessus votre épaule – sauf votre prêtre, qui garde les yeux tournés vers les cieux, demeure de son Dieu. Grimpant les marches en file indienne, et vous collant aux fesses, vous apercevez 2d20 chevaliers dont les cuirasses, aussi rutilantes que parées de réclames pour du matériel d’aventuriers, cliquettent à tout va. Tout nus, dans leur armure, ils ont le rouge au front et l’épée à la main. « Bonsoir », leur lancez-vous, mal à l’aise. Ils ne vous répondent pas. Tout juste émettent-ils de nouveaux cliquètements, plus inquiétants que les précédents.
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JEUDE RÔLE MAGAZINE
HIVER 2022 DANS LE PROCHAIN NUMÉRO : ENTRETIEN AVEC : DONJON PAPIER DRAGON... ON Y A JOUÉ : TORG, L’OEIL NOIR... DES SCÉNARIOS : D&D 5, WARPLAND... INSPI : VAMPIRE THE MASQUERADE : SWANSONG, THE GODDAMNED...
ET DES TAS D’AUTRES ARTICLES DONT ON NE PEUT PAS ENCORE VOUS PARLER.
N059 | AUTOMNE 2022 | SCÉNARIOS : DONJONS & DRAGONS, ALIEN, CTHULHU HACK, STAR WARS...
JEUDERÔLE MAGAZINE DOSSIER Woke n’ Rôle
SCÉNARIOS
FALLOUT LE JDR SORT ENFIN N° 59 | CH : 19 FS | BEL/LUX : 12,90 € - Septembre-octobre-novembre 2022
L 17843 - 59 - F: 12,00 € - RD
DE SON ABRI
EN CE MOMENT SUR ULULE ET KICKSTARTER
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JEUDERÔLE N 59 MAGAZINE
' sur les romans de Michael Moorcock base
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