Guide de Rééducation Vestibulaire [PDF]

Chez le même éditeur Dans la même collection : L’otoscopie en pratique clinique, par F. Legent, O. Malard. À paraître e

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Chez le même éditeur

Dans la même collection : L’otoscopie en pratique clinique, par F. Legent, O. Malard. À paraître en octobre 2015. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition, par J.-P. Sauvage. 2014, 264 pages. Cancers des voies aéro-digestives supérieures - Données actuelles, par P. Marandas. 2004, 240 pages. Chirurgie cutanée réparatrice de la face et du cou, par J.-P. Bessède. 2003, 206 pages. Autres ouvrages Audiologie pratique – audiométrie, 3e édition, par F. Legent, P.  Bordure, C.  Calais, et al. 2011, 308 pages. Guide pratique d’ORL, collection « Médiguides », par C. Dubreuil, P. Céruse. 2004, 224 pages. Les vertiges - Diagnostic, thérapeutique, conseils, examens complémentaires, 2e édition, collection « Abrégés », par A. Chays, A. Florant, E. Ulmer. 2009, 200 pages. L’audition dans le chaos, par L. Vergnon. 2008, 440 pages. Chirurgie du nez, des fosses nasales et des sinus, collection «  Techniques chirurgicales ORL  », par J.-M. Klossek, C. Beauvillain de Montreuil. 2007, 192 pages. Chirurgie otologique et otoneurologique, collection « Techniques chirurgicales ORL » par P. Bordure, A. Robier, O. Malard. 2005, 264 pages. Rapports de la Société française d’ORL Complications et séquelles des traitements en cancérologie ORL - Rapport SFORL 2013, par F. Chabolle, 2013, 208 pages. Audiométrie de l’enfant et de l’adulte - Rapport 2014 de la Société française d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, par F. Sterkers-Artières, C. Vincent, 2014, 176 pages.

Collection ORL Sous la direction du Pr François Legent

Guide de rééducation vestibulaire Jean-Pierre Sauvage Professeur émérite des universités, consultant, ancien chef du service ORL au CHU de Limoges

Hélène Grenier Kinésithérapeute, service ORL, CHU de Limoges Illustrations : Carole Fumat

Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). © 2015, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. ISBN : 978-2-294-74469-3 e-book ISBN : 978-2-294-74899-8 Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex www.elsevier-masson.fr

Ce que l’on trouvera dans ce guide Depuis quelques années, les médecins adressent leurs patients vertigineux aux kinésithérapeutes pour «  rééducation vestibulaire  ». Le vertige est en effet une pathologie du mouvement dans un espace en trois dimensions dont la meilleure thérapie repose sur la mobilisation de la tête dans le champ gravitationnel terrestre. Le kinésithérapeute est donc le mieux placé par son aptitude à manipuler les corps. Nous avons rédigé cet ouvrage pour les kinésithérapeutes mais aussi pour les ergothérapeutes et les médecins rééducateurs qui s’intéressent à cette pathologie, particulièrement chez la personne âgée. Les médecins généralistes devraient aussi trouver un intérêt aux résultats de cette prise en charge car le vertige est une plainte fréquente venant en deuxième ou troisième position derrière les céphalées.

Trois objectifs D’abord, faire découvrir l’oreille interne et ses capteurs : six gyroscopes (les canaux semi-circulaires) et quatre fils à plomb (les macules otolithiques) constituant les labyrinthes vestibulaires ou « vestibule(s) ». Ensuite, faire connaître les trois pathologies où la kinésithérapie obtient des résultats remarquables. Enfin, détailler l’intervention spécifique adaptée à chaque situation avec des vidéos en ligne concernant les manipulations, la rééducation et l’habituation. Pour chacune de ces trois pathologies, les chapitres se suivent en concordance dans l’ordre suivant.

Chapitres 1 à 7 La mission est de faire sortir un calcul piégé dans un ou plusieurs canaux semi-circulaires par des manœuvres thérapeutiques spécifiques (VPPB  =  Vertiges positionnels paroxystiques bénins).

Chapitres 8 à 14 La seconde mission est d’apprendre à l’organisme à se passer d’une oreille détruite (névrite vestibulaire, obstruction vasculaire, traumatisme). Que se passe-t-il lorsque, dans le couple formé par les deux oreilles, l’une vient à mourir  ? Comment l’autre réagit-elle et comment la vision et la somesthésie générale viennent-elles à son secours  ? La rééducation vestibulaire facilite la compensation centrale. Cette rééducation doit commencer dès la 48e heure. Il existe une période privilégiée de quelques jours qui ne doit pas être dépassée sans agir. L’importance des séquelles dépend de la précocité de la rééducation. Cette prise en charge doit donc être possible partout en France. Elle ne nécessite ni apprentissage laborieux, ni matériel particulièrement coûteux. Elle n’est pas l’exclusivité de quelques centres spécialisés.

Chapitres 15 et 16 La troisième mission est d’apprendre au vestibule à ne pas répondre. C’est le travail d’habituation. Par son bilan fonctionnel particulier, le kinésithérapeute détecte les situations conflictuelles. Il établit ensuite un programme d’exercices personnalisés à faire à domicile. Il surveille l’évolution de son

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Ce que l’on trouvera dans ce guide

patient chaque semaine. La maladie de Menière peut également bénéficier de ce type d’action. Comment faire passer notre expérience acquise en vingt-cinq ans de collaboration, Hélène Grenier et moi-même  ? Les derniers chapitres sont consacrés au choix, à la conduite et à la surveillance d’une rééducation vestibulaire. Car s’il y a la pathologie, il y a aussi la réaction du patient à la maladie. Des blocages mentaux peuvent prolonger le handicap. Pour les prévoir et les prévenir, il faut en comprendre les causes. Pour finir, le chapitre 22 propose une autoévaluation en six cas cliniques exemplaires. Le thérapeute déjà expérimenté pourra d’abord vérifier par ce test s’il reconnaît ses patients et sa pratique quotidienne, avant de lire l’ouvrage. Le terme de rééducation vestibulaire était-il le bon terme ? La première mission donnée plus haut était de la médecine opératoire  : guérir le

patient par une manœuvre spécifique. La seconde mission était vraiment de la rééducation. La troisième mission relevait du diagnostic  : quel bilan pour quel patient  ? Peut-être aurait-il fallu choisir l’expression réhabilitation vestibulaire, terme à consonance anglo-saxonne emprunté au vocabulaire juridique et immobilier. Au-delà des mots, il y a les patients «  aux cent visages  ». Observer méthodiquement, comparer et réfléchir pour redécouvrir les définitions, les règles et les pratiques de nos anciens. C’est prendre conscience qu’il y a derrière nous une histoire de la pathologie et de la thérapie du mouvement. Un autre titre possible pour cet ouvrage serait  : Kinésithérapie du vertige. Pr Jean-Pierre Sauvage, Limoges, janvier 2015

  Remerciements à Caroline Mai pour son aide précieuse.

Chapitre 1 Définitions Mettons-nous d’accord Vertige

Labyrinthe (oreille interne)

En médecine, c’est une illusion de mouvement, le plus souvent rotatoire. En pathologie, le vertige traduit un dysfonctionnement en un point quelconque du système vestibulaire.

Il est composé de deux parties : l’une antérieure qui est le labyrinthe cochléaire voué à l’audition ; l’autre postérieure, le labyrinthe vestibulaire voué à l’équilibration (fig. 1-1). Le labyrinthe vestibulaire est centré par une cavité osseuse cubique : le vestibule qui a donné son nom à l’appareil vestibulaire. Trois canaux semi-circulaires aboutissent au vestibule par leurs deux extrémités. La cavité vestibulaire contient en outre les deux formations otolithiques (cf. chapitre 2). Ces structures vestibulaires sont capables de transcrire, en un signal biologique, toutes les forces induites par les mouvements de la tête et les forces gravitaires.

Vertige spontané Le vertige est présent en l’absence de mouvement de la tête et quelle que soit la position du sujet.

Vertige positionnel Le vertige est en rapport avec : • la position de la tête dans l’espace et persistant tant que dure la position : par exemple, le vertige de position d’origine alcoolique lorsque le sujet est couché sur le côté ; • le positionnement, c’est-à-dire survenant quelques secondes après le mouvement et cédant au bout de quelque temps (par exemple, se coucher sur le côté droit ou gauche dans les vertiges positionnels paroxystiques bénins (VPPB) (cf. chapitres 5 et 6).

Vertige cinétique Le vertige est remplacé par une instabilité visuelle lors des mouvements rapides de la tête. Par exemple, oscillopsies lorsque le sujet présente une destruction complète du système vestibulaire après un traitement par antibiotique du type aminoside (gentamicine). Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Appareil vestibulaire Il est double : un pour le côté droit et un pour le côté gauche. Il comprend le labyrinthe vestibulaire et ses connexions directes avec les centres, c’est-à-dire (fig. 1-2) : • le nerf vestibulaire acheminant les signaux vestibulaires jusqu’au tronc cérébral ; • les noyaux vestibulaires dans le tronc cérébral et leurs connexions avec les noyaux oculomoteurs (III, IV et VI) et les cornes antérieures de la moelle spinale. Il comprend également d’autres connexions indirectes à tous les étages du névraxe  : centres neurovégétatifs du tronc cérébral (noyaux du nerf pneumogastrique), cervelet et cortex cérébral.

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Guide de rééducation vestibulaire Fig. 1-1. Labyrinthe. Les canaux sont dans des plans orthogonaux. Vus de profil, ils ont l’aspect d’un livre ouvert posé sur le canal horizontal. Le plan du canal horizontal (CH) est relevé de 30° sur l’horizon. Les canaux verticaux font un angle de 45° avec le plan sagittal. D’après : Baldenweck L. Leçons sur l’exploration de l’appareil vestibulaire. Paris : Vigot frères ; 1928.

Fig. 1-2. Appareil vestibulaire (côté droit).

D’après Sauvage JP. Révisions accélérées en ORL. Maloine ; 1987.

Les capteurs gravito-inertiels de l’oreille interne (labyrinthe postérieur) sont reliés aux noyaux ­vestibulaires par le nerf vestibulaire (VIIIe paire crânienne). Les noyaux vestibulaires sont ­connectés aux 6 noyaux oculomoteurs par le faisceau longitudinal médian (FLM) pour produire des mouvements oculaires. Les noyaux ­vestibulaires sont connectés aux cornes ­antérieures de la moelle spinale par les faisceaux vestibulospinaux pour p ­ roduire des mouvements du cou, du tronc et des membres. Les noyaux vestibulaires sont connectés aux noyaux du pneumogastrique (nerf vague) pour agir sur les structures neurovégétatives commandant le rythme cardiaque et la motricité digestive.

Chapitre 2 Oreilles internes Faire connaissance Situer l’oreille interne

Compartiments hydrauliques

Chez le fœtus, deux mois avant la naissance, les oreilles internes sont matures et ossifiées. C’est le seul moment où l’on peut les voir entièrement (fig.  2-1). Chez l’adulte, ce ne sont plus que des labyrinthes de cavités osseuses indissociables de l’os temporal visibles au scanner et à l’IRM qui montrent cet enroulement tubulaire contenant du liquide.

Ils sont deux (fig. 2-4) : 1) le compartiment endolymphatique constitué d’endolymphe remplissant le labyrinthe membraneux ; 2) le compartiment périlymphatique constitué de périlymphe remplissant l’espace compris entre le labyrinthe membraneux et le labyrinthe osseux.

Labyrinthe osseux C’est une coquille d’os dur et compact formant un tube enroulé divisé en deux parties  : le labyrinthe antérieur et le labyrinthe postérieur (fig. 2-2).

Labyrinthe membraneux C’est une structure tubulaire enroulée sur ellemême s’emboîtant exactement dans les cavités osseuses précédentes (fig.  2-3). On retrouve la cochlée avec le canal cochléaire et son organe de Corti contenant les cellules sensorielles de l’audition. On trouve aussi trois conduits semicirculaires membraneux : horizontal, antérieur et postérieur situés dans des plans perpendiculaires entre eux. Chaque canal possède une dilatation à l’une de ses extrémités : l’ampoule d’où part un nerf dit ampullaire rejoignant le nerf vestibulaire. Dans le vestibule osseux se trouvent deux sacs membraneux  : l’utricule et le saccule contenant les organes otolithiques. Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Vascularisation La vascularisation de l’oreille interne est de type terminal, c’est-à-dire sans possibilité de suppléance. Elle dépend de l’artère labyrinthique branche de l’artère cérébelleuse antéro-inférieure. Une thrombose dans son territoire donnera à la fois une surdité et des vertiges. Mais la vascularisation des capteurs labyrinthiques cochléaires et vestibulaires est constituée de microcapillaires sanguins. Leurs lésions peuvent donc produire des mini-trous dans les capteurs auditifs et vestibulaires. Un patient présentant des vertiges doit donc aussi subir un audiogramme. En ce qui concerne les mini-trous dans les capteurs vestibulaires, seul le bilan du kinésithérapeute peut en faire l’inventaire (cf. chapitre 15).

Trois oreilles et un raccordement L’oreille peut se diviser en trois parties (fig. 2-5) : 1) l’oreille externe comprenant le pavillon de l’oreille et le conduit auditif externe fermé par le tympan ;

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Fig. 2-1. Dissection de l’oreille interne chez un fœtus de 7 mois. Après ablation du cartilage crânien à la curette, apparition de l’oreille interne ossifiée. En blanc : canal semi-circulaire antérieur. En rouge : canal semi-circulaire postérieur. En bleu : canal semi-circulaire horizontal. Ces trois canaux sont branchés sur le vestibule qui est lui-même accolé à la cochlée sous-jacente restée soudée au crâne. À la jonction du vestibule et de la cochlée, on distingue la fenêtre ronde.

Fig. 2-2. Labyrinthe cochléovestibulaire. Le labyrinthe antérieur est représenté par la cochlée ou limaçon parce qu’elle a la forme d’un escargot. La cochlée est destinée à l’audition. Le labyrinthe postérieur est destiné à l’équilibration. Au centre se trouve un cube creux (V) appelé vestibule osseux s’ouvrant par deux fenêtres dans la caisse du tympan. Les trois canaux semi-­ circulaires s’abouchent à trois coins du vestibule. D’après : Sauvage JP, Puyraud S, Roche O, Rahman A. Anatomie de l’oreille interne. EMC - Oto-rhino-laryngologie 1999 :1-16 [Article 20-020-A-10].

Fig. 2-3. Labyrinthe osseux et membraneux droits. a. Scanner de profil pris en demandant au sujet de tourner la tête de 45° vers la droite de sorte que le conduit semi-circulaire antérieur (CA) est vu par sa tranche et le canal postérieur (CP) est complètement déroulé. Le canal horizontal (CH) est aussi vu par sa tranche. On peut voir aussi les fenêtres ovale (FO) et ronde (FR) qui s’ouvrent sur la caisse du tympan. b. Labyrinthe membraneux vu de profil. Les deux extrémités non ampullaires des conduits semi-circulaires antérieur et postérieur s’abouchent par le même orifice dans l’utricule : la crus commune (CC). C’est par cet orifice que sortiront les lithiases du canal postérieur pour être délitées et réabsorbées dans l’utricule. Les nerfs ampullaires issus des trois ampoules (A) et les nerfs utriculaire et sacculaire se rejoignent pour former les nerfs vestibulaires supérieur (VS) et inférieur (VI) formant eux-mêmes le nerf vestibulaire parallèle au nerf facial (VII) dans le conduit auditif interne (CAI). La cochlée communique avec le saccule par le canal réuniens (CR).



Chapitre 2. Oreilles internes 5

Fig. 2-4. Compartiments liquidiens de l’oreille interne. L’endolymphe (6) joue un rôle important dans le fonctionnement des canaux semi-circulaires (1). Elle est surtout sécrétée dans le canal cochléaire (5) avec un flux permanent s’écoulant par deux canalicules branchés sur l’utricule (3) et le saccule (4) qui se réunissent pour former le canal endolymphatique se terminant par le sac endolymphatique situé dans l’épaisseur de l’arachnoïde où elle est réabsorbée. Un défaut de réabsorption provoque l’hydrops endolymphatique caractérisant la maladie de Menière. La périlymphe (7) joue le rôle d’amortisseur pour les capteurs vestibulaires en les protégeant des chocs et des vibrations. Pour l’audition, son rôle physiologique est essentiel en conduisant les vibrations jusqu’au canal cochléaire.

Fig. 2-5. Anatomie de l’oreille et de ses connexions avec les centres.

D’après Schuller DE, Schleuning AJ. Otolaryngology - Head and Neck Surgery. 8e édition. St Louis : Mosby ; 1994.

L’oreille interne communique avec l’oreille moyenne par deux fenêtres. 1) La fenêtre ovale qui est fermée par l’étrier qui s’articule avec la cochlée. 2) La fenêtre ronde qui n’est fermée que par une mince membrane. L’oreille interne est donc exposée à tous les dangers. D’abord, aux traumatismes tympano-ossiculaires comme un simple accident de coton-tige. Ensuite, à cause de la communication de la trompe d’Eustache avec le rhinopharynx, elle est exposée aux rhinopharyngites bactériennes et aussi virales d’où des labyrinthites et des névrites vestibulaires et leurs complications cérébrales.

2) l’oreille moyenne constituée par la caisse du tympan contenant la chaîne des osselets et qui est aérée par la trompe d’Eustache ; 3) l’oreille interne contenant les capteurs cochléaires et vestibulaires. Le raccordement avec les centres se fait par la zone rétrocochléaire formée

des structures nerveuses de la huitième paire crânienne (nerf vestibulaire et nerf cochléaire). Ceux-ci traversent le conduit auditif interne et la fosse cérébrale postérieure pour rejoindre le tronc cérébral. Dans ce trajet, ils sont accompagnés par le nerf facial formant le paquet acousticofacial.

Chapitre 3 Capteurs vestibulaires : comment ça fonctionne ? La fonction de l’appareil vestibulaire est de capter les mouvements de la tête dans les trois plans de l’espace. Mais pas n’importe lesquels. Il y a le plan horizontal : celui de la piste terrestre, celui du chasseur chassant ses proies. Il y a les plans verticaux, hérités des êtres marins, utiles à l’humain pour se baisser, se redresser, se coucher et se retourner dans son lit. Ces plans verticaux seront, en pathologie, ceux des vertiges positionnels qui ne devraient pas exister dans l’espace, en impesanteur.

Vestibule, le 6e sens ? Les canaux semi-circulaires ne détectent pas les mouvements de la tête. Ils détectent les accélérations auxquelles la tête est soumise, dont la pesanteur (la pesanteur est une accélération). Aristote n’avait pas classé la fonction de l’appareil vestibulaire avec les cinq sens  : olfaction, vision, audition, goût et toucher. Mais nul doute qu’il en aurait tenu compte s’il avait connu son existence. Car le domaine sensoriel du vestibule est celui de la perception de l’espace dans toutes ses dimensions (fig. 3-1).

Fonctionnement des canaux semi-circulaires horizontaux Le plus facile est de commencer par les canaux semicirculaires horizontaux. En réalité, ils ne sont pas vraiment horizontaux. Lorsque la tête est droite, ils sont dans un plan rétrofléchi de 30° (fig. 3-2). Mais, en marchant, pour repérer les obstacles sur le chemin, il faut regarder à quelques mètres devant Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Fig. 3-1. Forces d’accélération agissant sur la tête. Il en existe deux types : les forces angulaires et les forces linéaires. Les forces angulaires déterminent des rotations autour de trois axes : 1°) dans le plan horizontal autour de l’axe vertical passant par le centre de la tête (zigzag ou yaw en termes nautiques) ; 2°) le plan sagittal autour de l’axe horizontal interauriculaire (tangage ou pitch) ; 3°) le plan frontal autour de l’axe horizontal médian antéropostérieur (roulis ou roll). Les forces linéaires déterminent des accélérations et des décélérations le long de ces trois mêmes axes : vers le haut (ascension) et vers le bas (descente), vers l’avant et vers l’arrière enfin vers la droite et vers la gauche.

soi. Donc, on fléchit la tête de 30°. Le plan des canaux horizontaux devient alors vraiment horizontal. Il faudra se souvenir de cette inclinaison du plan des canaux horizontaux quand on traitera des VPPB du canal horizontal (cf. chapitre 6). Comme tous les canaux semi-circulaires, les canaux horizontaux codent les accélérations giratoires dites angulaires. Leur fonctionnement est basé sur l’inertie de l’anneau d’endolymphe qu’ils contiennent (fig. 3-3). Le capteur est un diaphragme (cupule) fermant le canal et situé dans l’ampoule jouxtant son abouchement à l’utricule. Sous l’effet

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Fig. 3-2. Plan des canaux horizontaux. CSCH : canal semi-circulaire horizontal ; CSCP : canal semi-circulaire postérieur ; CSCA : canal semi-circulaire antérieur. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Fig. 3-3. Capteur de rotation de la tête. Le canal semi-circulaire complété par l’utricule forme un anneau d’endolymphe. L’ampoule jouxte l’abouchement du canal dans l’utricule. Au repos, le liquide endolymphatique est immobile et la cupule ne bouge pas. Pour le canal horizontal droit : dans une rotation de la tête vers la droite, l’inertie du liquide endolymphatique exerce une force sur la cupule dirigée vers la gauche. Ce mouvement d’endolymphe est appelé ampullipète puisqu’il se dirige vers l’ampoule. Inversement, une rotation de la tête vers la gauche provoque un courant endolymphatique inertiel vers la droite et une force sur la cupule en direction opposée à l’ampoule dite ampullifuge.

de la mise en rotation de la tête dans le plan de ce canal, l’anneau endolymphatique exerce une force d’inertie sur la cupule. En fonction du sens de rotation, cette force se dirige soit vers l’utricule (ampullipète), soit en sens inverse (ampullifuge).

Cupule et crête ampullaire Le diaphragme qui obture l’ampoule du canal semi-circulaire est constitué de la cupule surmontant la crête ampullaire (fig. 3-4). La crête ampullaire est tapissée d’un épithélium qui possède des cellules sensorielles ciliées. Ces cellules ciliées font toute l’originalité des capteurs ­vestibulaires. Leur pôle apical possède une touffe de stéréocils dont

les cils s’engagent dans la base de la cupule. Parmi eux se trouve un cil plus long  : le kinocil. Une caractéristique essentielle est que tous les stéréocils se trouvent du même côté du kinocil. Sous l’effet des courants inertiels endolymphatiques agissant sur la cupule, on obtient deux résultats différents opposés, quel que soit le canal semicirculaire : 1. lorsque les stéréocils se couchent en direction du kinocil, la cellule est excitée ; 2. lorsque les stéréocils se couchent en direction opposée du kinocil, la cellule est inhibée. Dans le cas du canal horizontal, le kinocil étant placé du côté de l’utricule, ce sont les c­ ourants ampullipètes qui sont excitateurs et les courants ampullifuges qui sont inhibiteurs (fig. 3-5).



Chapitre 3. Capteurs vestibulaires : comment ça fonctionne ? 9

Fig. 3-4. Structure et propriétés du capteur ampullaire. a. La cupule (1) est une membrane anhiste de même densité que l’endolymphe qui s’enfonce dans un sens ou dans un autre selon les mouvements d’endolymphe. La crête ampullaire (5) est un repli épaissi supportant l’épithélium neurosensoriel cilié (4). Les cellules ciliées possèdent une touffe de stéréocils à leur pôle apical (3). Parmi eux se trouve le kinocil (2). Au pôle basal se trouvent les synapses avec le premier neurone afférent vestibulaire (6) formant le nerf ampullaire du canal considéré rejoignant le nerf vestibulaire. b. Cellule sensorielle vestibulaire. Pôle apical : kinocil et stéréocils. Pôle basal : premier neurone afférent.

Fig. 3-5. Fonctionnement du capteur ampullaire (canal horizontal). Au repos, lorsque la cupule est en position médiane (fig. 3-5a) et que les stéréocils ne subissent aucune déformation, les cellules ciliées déchargent une activité tonique spontanée qu’on peut enregistrer dans le nerf ampullaire. Si les stéréocils s’inclinent en direction du kinocil, la fréquence de décharge dans le nerf ampullaire augmente et la cellule est excitée. Au contraire, si les stéréocils s’inclinent en direction inverse du kinocil, la fréquence des décharges diminue dans le nerf ampullaire et la cellule est inhibée. Pour le canal horizontal : Les kinocils sont placés du côté de l’utricule. Les courants inertiels endolymphatiques ampullipètes sont donc excitateurs (fig. 3-5b) et les courants ampullifuges sont inhibiteurs (fig. 3-5c). Pour les canaux verticaux, nous verrons que c’est l’inverse. U = utricule. À la partie inférieure des schémas : crépitement des potentiels d’action dans le nerf ampullaire horizontal au repos, lors de l’excitation et lors de l’inhibition. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

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Travail des canaux horizontaux en couple Tous les canaux semi-circulaires travaillent en couple. Dans le cas des canaux horizontaux, le canal horizontal droit travaille avec le canal horizontal gauche car ils sont dans le même plan. Comme l’ampoule de chaque canal est placée en avant, dans une rotation de la tête dans le plan des canaux horizontaux, l’un est excité et l’autre est inhibé (fig. 3-6). Celui qui excité est celui vers lequel tourne la tête car c’est lui qui produit un courant ampullipète. L’autre produit un courant ampullifuge, il est donc inhibé. Ce jeu d’excitation-inhibition est appelé push pull ou interaction réciproque.

0,5  mm2. Ce sont deux zones différenciées des parois de l’utricule et du saccule possédant des cellules sensorielles ciliées  : l’une est placée sur le plancher de l’utricule (macule utriculaire) et l’autre est placée sur la paroi médiale du saccule (macule sacculaire) (fig. 3-7). La macule ­utriculaire est placée dans un plan à peu près identique à celui du canal semi-circulaire horizontal. La macule sacculaire est placée dans un plan sagittal à peu près parallèle au canal postérieur. Leur fonctionnement est basé sur l’inertie de la membrane otolithique chargée de cristaux de calcite (CaCO3) de densité 2,6.

Macules otolithiques Elles codent les accélérations linéaires. Leurs surfaces sont grossièrement planes, mesurant chacune

Fig. 3-6. Push pull ou interaction réciproque. Dans le cas d’une rotation vers la droite, le canal semi-­circulaire horizontal droit est excité car c’est celui qui produit un courant ampullipète. Au contraire, le canal ­semi-circulaire horizontal gauche est inhibé. C’est ce mécanisme qui explique l’extraordinaire sensibilité du système capable de capter des rotations d’accélérations inférieures à 0,1 deg/S2. Le schéma est une vue de dessus : OG = Oreille gauche ; OD = oreille droite ; Ut = utricule ; z = axe vertical perpendiculaire au plan des canaux et passant par le centre de la tête.

Fig. 3-7. Macule utriculaire. Elle comporte une couche cellulaire faite de cellules de soutien et de cellules sensorielles ciliées (CS) de même type que celles situées dans les crêtes ampullaires c’est-à-dire comportant des stéréocils et un kinocil. Sur cette couche de cellules sensorielles, il y a une membrane gélatineuse : membrane otolithique (MO) engluant l’extrémité des plus grands stéréocils et du kinocil. Cette membrane est alourdie par une couche d’otolithes (pierres d’oreille constituées de cristaux de carbonate de calcium (O). La macule otolithique est divisée en deux par un sillon, la striola (S). Concernant la macule utriculaire, de part et d’autre de la striola, les kinocils se font face. Pour la macule sacculaire, les kinocils se tournent le dos. D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.



Chapitre 3. Capteurs vestibulaires : comment ça fonctionne ? 11

Fonctionnement des macules otolithiques Toute accélération linéaire ayant une composante dans le plan de la macule provoque un cisaillement des cils sensoriels suscité par le glissement inertiel de la membrane otolithique sur la macule (fig.  3-8). Ce glissement active ou inhibe les cellules ciliées de la même façon que pour les canaux. C’est-à-dire que ces cellules ciliées émettent en permanence une activité tonique qui est augmentée lorsque les stéréocils se couchent en ­direction du kinocil (excitation) et qui est diminuée lorsqu’ils se couchent en sens inverse ­(inhibition). Si les macules sont divisées en deux par la striola avec des kinocils orientés en sens inverse de part et d’autre c’est que toute  force de cisaillement produit l­’excitation

d’une ­demi-macule et une ­inhibition de la demimacule opposée. On retrouve le même processus de push pull que pour les canaux. La raison en est que chaque macule commande un hémicorps indépendamment de l’autre.

Cas de la pesanteur La macule otolithique utriculaire est mise en jeu par la pesanteur de façon statique (fig. 3-9) C’est l’inclinaison de la tête par rapport à l’axe gravitaire qui provoque le cisaillement des stéréocils et des kinocils. La membrane est alors tirée vers le bas d’un côté ou de l’autre ou en avant ou en arrière. Ce capteur peut être comparé à un fil à plomb où le plomb est remplacé par du calcium.

Fig. 3-8. Accélération linéaire dans le plan horizontal. La voiture est à l’arrêt. Le feu passe au vert (a). Le chauffeur accélère. Par inertie, sa couche d’otolithes utriculaires entraîne la membrane otolithique en arrière. Il y a excitation et accélération des décharges dans le nerf utriculaire (partie inférieure des schémas). Puis la vitesse reste uniforme à 50 km/heure (b). L’excitation disparaît car les cellules sensorielles reviennent à leur position de repos et à l’activité tonique de base. Mais le feu suivant passe au rouge et oblige le chauffeur à freiner pour stopper (c). La membrane otolithique est déportée vers l’avant avec inhibition et diminution des décharges dans le nerf utriculaire. Les centres sont informés par les nerfs utriculaires.

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Guide de rééducation vestibulaire Fig. 3-9. Axe fonctionnel de chaque cellule ciliée. Il est décalé par rapport à celui de sa voisine. Ainsi, avec deux paires de macules otolithiques perpendiculaires entre elles, toutes les directions de l’espace sont représentées. Quelle que soit la position de la tête, il y a toujours des cellules pour coder le mouvement de la membrane otolithique. Signalons toutefois l’ambiguïté de la réponse entre une inclinaison de la tête et une poussée linéaire. Par exemple, la macule utriculaire donne la même réponse que l’on soit poussé latéralement vers la droite ou que l’on incline la tête vers la gauche. Ce sont les centres qui doivent lever cette ambiguïté.

D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Conclusion Les canaux semi-circulaires verticaux fonctionnent sur les mêmes principes que les canaux semi-circulaires horizontaux. Seuls leurs plans de stimulation changent. En définitive, il y a trois couples de canaux possédant chacun un plan de stimulation. On verra

dans le chapitre 4 que chaque canal produit son mouvement oculaire spécifique. Ces mouvements oculaires doivent être appris avant d’aborder le chapitre des VPPB. Car dans cette pathologie, le canal semi-circulaire en cause ne peut être reconnu que sur ce mouvement oculaire spécifique appelé nystagmus.

Chapitre 4 Nystagmus vestibulaires Clés du vertige Ce sont des mouvements rythmiques de l’œil associés aux mouvements de la tête. Les nystagmus vestibulaires physiologiques ne surviennent qu’au cours d’un mouvement et lui sont spécifiques. Pour les produire, deux systèmes coopèrent : le labyrinthe vestibulaire générant le réflexe vestibulo-oculaire (RVO) et la rétine générant le réflexe optocinétique (ROC) (cf. annexe chapitre 10). Contrairement aux nystagmus optocinétiques, les nystagmus d’origine vestibulaire existent dans l’obscurité et sont même amplifiés. Les nystagmus vestibulaires pathologiques seront exactement les mêmes nystagmus mais survenant en l’absence de mouvement de tête ou ne correspondant pas à ce mouvement.

Rôle stabilisateur du réflexe vestibulo-oculaire La rétine analyse l’image par une cascade de réactions chimiques de cinétique relativement lente. L’image devient trouble dès que la cible bouge trop rapidement. Pour devenir nette, l’image doit rester stable sur la rétine pendant au moins 300 millisecondes. Lors des rotations de la tête, les canaux semi-circulaires agissent directement sur la musculature oculaire pour créer des mouvements de l’œil en sens inverse du mouvement de la tête. C’est ainsi que le regard est stabilisé en toutes circonstances1. 1. Le regard est la somme du mouvement oculaire et du mouvement de la tête. Le mouvement de l’œil produit par le réflexe vestibulo-oculaire annule le mouvement de tête pour que l’image reste stable sur la fovéa de la rétine. Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Les performances du réflexe vestibulo-oculaire sont supérieures à celles de la rétine car le stade précoce de la transduction du mouvement de la tête par les cellules ciliées du vestibule est de type mécanique. Le labyrinthe vestibulaire est indispensable pour éliminer le glissement rétinien dans les mouvements rapides de la tête. Pour les basses vitesses, l’œil se débrouille tout seul.

Démonstration (vidéo 4-1 ) Pour vérifier la réalité du réflexe vestibulo-oculaire, prenons un papier sur lequel est écrit un texte en gros caractères et comparons les performances de la rétine et celles du vestibule sur la qualité de la lecture au cours du mouvement (fig. 4-1). Agitons d’abord ce papier tenu à la main par des mouvements horizontaux de fréquence 1 Hertz, c’est-à-dire, un aller et retour par seconde. Tentons alors de lire le texte : c’est impossible. Reprenons l’expérience, mais cette fois, la main qui tient le papier reste immobile. En revanche, on effectue des rotations de la tête dans un sens et dans l’autre à la même fréquence de 1 Hertz que précédemment. Cette fois, on peut lire le texte.

Réflexe vestibulo-oculaire (RVO) dans le plan du canal horizontal Dans une rotation horizontale de la tête, les canaux semi-circulaires horizontaux provoquent un mouvement compensateur de l’œil en sens opposé.

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Fig. 4-1. Expérience montrant l’utilité de l’oreille interne. a. Le texte est d’abord agité horizontalement à une fréquence de 1 Hz et la tête reste fixe. La rétine est incapable de suivre le mouvement du papier et il est impossible de lire le texte. b. Le texte est maintenant tenu fixement et c’est la tête qui fait des rotations alternées à la fréquence de 1 Hz. Alors que la fréquence et le mouvement relatif sont les mêmes que précédemment, la lecture du texte est devenue possible. Il faut voir là l’effet stabilisateur du réflexe vestibulo-oculaire dont l’entrée est, dans ce cas, le canal semi-circulaire horizontal. D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Cas d’une rotation de tête inférieure à 30° Par exemple, dans une rotation horizontale de la tête de 20°, les connexions bilatérales à trois neurones des canaux horizontaux avec les muscles oculaires induisent une rotation oculaire horizontale de 20° (ou presque) en sens opposé sur les deux yeux. Ce mouvement est dit conjugué parce qu’il est identique sur les deux yeux. C’est le résultat de l’excitation du canal placé du côté de la rotation et de l’inhibition du canal opposé (fig. 4-2). Ce mécanisme dit de push pull explique la grande sensibilité du système.

Cas des rotations supérieures à 30° : genèse d’un nystagmus physiologique horizontal (vidéo 4-2 ) Bien entendu, la cavité orbitaire ne permet pas de rotation de l’œil supérieure à 30°. Pour les rotations de tête supérieures à 30°, des secousses rapides (saccades) se produisent pour ramener

l’œil au bord opposé de l’orbite. Ainsi sont réinitialisées de nouvelles rotations lentes de l’œil de 20 à 30°. La succession de phases lentes et de phases rapides constitue le nystagmus vestibulaire ou nystagmus à ressort. Ainsi, une rotation de tête vers la gauche de 90° donnera lieu à une dizaine de nystagmus dont la somme des phases lentes vers la droite atteindra 90° (fig. 4-3). Ces phases rapides dépassent 400°/seconde pendant laquelle toute vision est interrompue. Elles ne prennent pas leur origine dans le système vestibulaire mais dans le tronc cérébral (système saccadique).

En résumé Les phases rapides battent dans le sens de la rotation et les phases lentes dans le sens inverse. Par convention, les nystagmus sont désignés par le sens de leur secousse rapide. Dans une rotation de la tête vers la droite, les nystagmus physiologiques battent donc vers la droite. Et dans une rotation vers la gauche, les nystagmus battent vers la gauche.



Chapitre 4. Nystagmus vestibulaires 15 Fig. 4-2. Rotation droite de la tête produisant une rotation oculaire gauche. Dans une rotation droite, c’est le canal droit qui est excité (cf. chapitre 3). Son excitation est transmise 1°) au muscle droit externe de l’œil gauche (abducteur) par l’intermédiaire du noyau oculomoteur externe gauche (VI) ; 2°) au muscle droit interne de l’œil droit (adducteur) par l’intermédiaire du VI gauche et du noyau oculomoteur commun droit (III). Par des voies symétriques, les muscles oculaires antagonistes sont inhibés par le canal horizontal gauche. Il s’ensuit une rotation conjuguée des yeux vers la gauche.

D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Fig. 4-3. Enregistrement d’un nystagmus horizontal chez un sujet assis sur un fauteuil pendulaire (vidéo 4-3 ). L’enregistrement est effectué dans l’obscurité en vidéonystagmographie infrarouge. La rotation du fauteuil est représentée par une sinusoïde d’une période de 20 secondes (0,05 Hz), c’est-à-dire d’abord en sens antihoraire pendant 10 secondes (vers la gauche du sujet) puis en sens horaire pendant les 10 secondes suivantes (vers la droite du sujet). Le nystagmus est représenté par la ligne brisée. Le mouvement de l’œil est horizontal vers la droite du sujet quand la ligne monte et horizontal vers la gauche quand la ligne descend. Quand le fauteuil tourne vers la gauche du patient (rotation antihoraire), la ligne brisée monte lentement vers la droite (phase lente du nystagmus correspondant au réflexe vestibulo-oculaire). Puis la ligne descend brusquement ramenant l’œil au point de départ (phase rapide du nystagmus vers la gauche). Lors du changement de sens de la rotation du fauteuil, tout s’inverse. D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

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Fig. 4-4. Canaux verticaux. a : Vus de profil, ils forment comme un livre ouvert dont la crus commune serait la reliure. CA = canal semi-circulaire antérieur ; CP = canal semi-circulaire postérieur ; CH = canal semi-circulaire horizontal. b : Vus de dessus, ils forment encore comme un livre ouvert, mais cette fois posé par la tranche sur le canal horizontal. Le plan de chaque canal fait un angle de 45° avec le plan sagittal.

RVO dans les plans verticaux Plans de la verticalité Dans la vie quotidienne, les déplacements de tête dans le plan vertical sont moins fréquents que les mouvements dans le plan horizontal. Ce sont des déplacements pour regarder en l’air, se pencher en avant, se coucher sur le dos ou sur le côté et se lever. Il existe deux plans de référence (cf. chapitre 3) : • le plan du tangage (plan sagittal ou plan du pitch autour de l’axe interauriculaire) ; • et le plan du roulis (plan frontal ou plan du roll autour d’un axe médian antéropostérieur). Toutefois, les canaux semi-circulaires verticaux ne sont pas dans les plans sagittal et frontal. Leurs plans font un angle de 45° avec le plan sagittal (fig. 4-4).

Couples de canaux verticaux Comme les canaux horizontaux, les canaux verticaux fonctionnent en couple. À la différence des canaux horizontaux, le canal n’est pas le même de chaque côté. Les couples coplanaires de canaux verticaux sont constitués par un canal antérieur d’un côté et le canal postérieur du côté opposé (fig. 4-5).

Fig. 4-5. Couples verticaux coplanaires. Le canal postérieur d’un côté et le canal antérieur du côté opposé sont dans des plans parallèles. Le canal antérieur gauche est donc parallèle au canal postérieur droit. Leur plan de stimulation commun est le LARP (Left AnteriorRight Posterior). Le canal antérieur droit et le canal postérieur gauche sont également parallèles. Leur plan de stimulation commun est le RALP (Right Anterior-Left posterior). Les plans LARP et RALP sont perpendiculaires entre eux.

Push pull pour canaux verticaux Comme pour les canaux horizontaux, il existe un mécanisme de push pull (interaction r­éciproque). C’est-à-dire que le canal dans la direction du

mouvement est excité et le canal du côté opposé est inhibé. Mais par rapport aux canaux ­horizontaux, ce sont les courants endolymphatiques ampullifuges qui sont stimulants et les courants ­ampullipètes qui sont inhibants. La raison en est que la place du kinocil dans les cellules ciliées est du côté du canal et non pas du côté de l’utricule.

Principe des manœuvres de Dix et Hallpike Elles consistent à basculer et à relever les patients en plaçant le plan de chaque couple coplanaire dans le plan de bascule. Le patient est assis au bout du lit d’examen. On lui demande de garder la tête tournée de 45° vers la droite (fig.  4-6).

Chapitre 4. Nystagmus vestibulaires 17

On l’allonge ainsi sur le dos puis on le relève, la tête toujours tournée de 45° vers la droite (manœuvre de Dix et Hallpike droite). La même manœuvre est ensuite réalisée la tête tournée de 45° vers la gauche (manœuvre de Dix et Hallpike gauche). Pendant ces mouvements, le patient doit rester passif, c’est l’examinateur qui le manipule.

Actions sur les canaux verticaux dans les manœuvres de Dix et Hallpike Il faut tenir compte de la disposition inverse des ampoules des canaux semi-circulaires antérieur et postérieur et du fait que ce sont les courants ampullifuges qui sont excitateurs pour ces canaux verticaux (fig. 4-7).

Nystagmus physiologiques dans les manœuvres de Dix et Hallpike (fig. 4-8) Pour observer les nystagmus physiologiques au cours du mouvement, l’enregistrement en infrarouge avec des lunettes de vidéonystagmoscopie est indispensable (vidéos 4-4 et 4-5). Le sujet doit garder les yeux grands ouverts.

Synthèse

Fig. 4-6. Manœuvre de Dix et Hallpike droite avec mise du plan LARP dans le plan de Bascule. a. Le patient est assis au bout du lit d’examen, la tête droite regardant devant. On s’apprête à l’allonger passivement sur le dos. Dans cette position, l’axe du rocher fait un angle de 45° avec le plan sagittal. Les plans du canal antérieur gauche et du canal postérieur droit sont parallèles à l’axe du rocher. b. On a demandé au patient de tourner la tête de 45° vers la droite et on lui maintiendra ainsi pendant la mise à plat-dos. L’axe du rocher et les plans des canaux antérieurs gauche et postérieur droits sont devenus parallèles au lit d’examen et au plan de bascule. Ils sont donc dans leurs positions optimales d’excitation ou d’inhibition. CAG = canal antérieur gauche ; CPD = canal postérieur droit.

Chaque canal semi-circulaire a son nystagmus du fait de ses connexions avec la musculature extra-oculaire (fig. 4-9). Inversement, chaque nystagmus constaté témoigne de l’excitation de  son canal que l’on soit en physiologie ou en pathologie. La règle est vraie dans la plupart des cas, en particulier pour les vertiges positionnels paroxystiques bénins. • Si l’on observe des nystagmus horizontaux, c’est une excitation des canaux horizontaux. • Si l’on observe une composante verticale supérieure, c’est une excitation d’un canal postérieur. • Si l’on observe une composante verticale inférieure, c’est une excitation d’un canal antérieur.

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Fig. 4-7. Manœuvres de Dix et Hallpike : courants endolymphatiques. Du côté droit : lorsque l’on allonge le patient, on provoque un courant ampullifuge excitateur dans le canal postérieur droit et un courant ampullipète inhibiteur dans le canal antérieur gauche (fig. 4-7a). Lorsque l’on redresse le patient, on provoque un courant ampullifuge excitateur dans le canal antérieur gauche et un courant ampullipète inhibiteur dans le canal postérieur droit (fig. 4-7b). Du côté gauche: lorsque l’on allonge le patient, on provoque un courant ampullifuge excitateur dans le canal postérieur gauche et un courant ampullipète inhibiteur dans le canal antérieur droit (fig. 4-7c). Lorsque l’on redresse le patient, on provoque un courant ampullifuge excitateur dans le canal antérieur droit et un courant ampullipète inhibiteur dans le canal postérieur gauche (fig. 4-7d). Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

• Si l’on observe une composante antihoraire*, c’est une excitation d’un canal vertical du côté droit. • Si l’on observe une de composante horaire*, c’est une excitation d’un canal vertical du côté gauche. Quel que soit le mouvement de tête effectué, il y a toujours une combinaison d’activité des canaux semi-circulaires capables de générer un mouvement oculaire stabilisateur en sens inverse (fig. 4-10).

Rétroflexion (vidéo 4-6 ) Se coucher sur le dos ou relever la tête en rectitude après avoir lacé ses souliers. Dans ces cas, on * Pour l’observateur.

stimule symétriquement les canaux postérieurs droit et gauche. Les composantes verticales s’ajoutent et les composantes torsionnelles s’annulent, on observe un nystagmus vertical supérieur.

Antéflexion Se lever du lit, ou se pencher en avant pour lacer ses souliers en gardant la tête droite : dans ces cas, on stimule symétriquement les canaux antérieurs droit et gauche. Les composantes verticales s’ajoutent et les composantes torsionnelles s’annulent, on observe un nystagmus vertical inférieur.



Chapitre 4. Nystagmus vestibulaires 19 Fig. 4-8. Nystagmus des canaux antérieurs et postérieurs. Dans une manœuvre de Dix et Hallpike droite, en allongeant le patient, on ne stimule que le canal postérieur droit. Le canal antérieur gauche est inhibé. Les autres canaux ne sont pas concernés car ils sont perpendiculaires sur le plan du mouvement (cf. fig. 4-6). On obtient ainsi un nystagmus spécifique du canal postérieur droit : vertical supérieur et torsionnel antihoraire*. En relevant le patient, avec un raisonnement identique, on obtient le nystagmus spécifique de la stimulation du canal antérieur gauche. C’est-à-dire le nystagmus inverse du précédent : vertical inférieur et horaire*. De la même façon, dans une manœuvre de Dix et Hallpike gauche, lors de l’allongement, on obtient le nystagmus spécifique du canal semi-circulaire postérieur gauche et lors du redressement, le nystagmus spécifique du canal antérieur droit.

D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014. *Pour l’observateur.

Fig. 4-9. Nystagmus résultant de l’excitation des canaux semi-circulaires. Nystagmus horizontal droit pour le canal horizontal droit ; horizontal gauche pour le canal horizontal gauche ; vertical supérieur et antihoraire* pour le canal postérieur droit ; vertical supérieur et horaire* pour le canal postérieur gauche ; vertical inférieur et antihoraire* pour le canal antérieur droit ; vertical inférieur et horaire* pour le canal antérieur gauche.

D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Fig. 4.10. Nystagmus produits par la stimulation d’un canal vertical isolé et en combinaison deux à deux. CA = canal antérieur ; CP = canal postérieur ; Droit + gauche  =  nystagmus produit par les canaux homologues des deux côtés dans un mouvement dans le plan du tangage (pitch) : redressement et allongement ; CA + CP  =  nystagmus produit par les deux canaux verticaux d’un même côté dans un mouvement dans le plan du roulis (roll) : latéroflexion droite et gauche. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

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Latéroflexion (vidéo 4-7 )

Video 4-3. Nystagmus de l’épreuve pendulaire.

En s’inclinant sur l’oreille droite (roulis), on stimule les deux canaux verticaux du côté droit. Les composantes verticales s’annulent et les composantes torsionnelles s’ajoutent pour produire un nystagmus antihoraire*. En s’inclinant sur l’oreille gauche, on stimule les deux canaux verticaux du côté gauche. Les composantes verticales s’annulent et les composantes torsionnelles s’ajoutent pour produire un nystagmus horaire*.

Video 4-4. Manœuvre de Dix et Hallpike droite.

Video 4-5. Manœuvre de Dix et Hallpike gauche.

`` Compléments en ligne Video 4-1. Rôle du vestibule : démonstration.

Video 4-2. Nystagmus physiologique horizontal.

* Pour l’observateur.

Video 4-6. Nystagmus dans le tangage (pitch).

Video 4-7. Nystagmus dans le roulis (roll).

Chapitre 5 Vertige positionnel paroxystique bénin du canal semi-circulaire postérieur (VPPBpo) Les VPPB sont des vertiges positionnels provoqués par des calculs piégés dans les canaux semi-circulaires. Ces calculs ou canalolithiases sont constitués de débris d’otolithes dégénérés plus ou moins agglomérés et gluants de densité supérieure à celle l’endolymphe (fig.  5-1). Sous l’effet de la pesanteur, ils se mobilisent dans le canal en fonction des positions de la tête en créant des courants endolymphatiques ampullipètes ou ampullifuges générant des nystagmus spécifiques du canal atteint.

Clinique Le début est souvent brutal, un matin au réveil. • Les patients se plaignent de violents vertiges brefs durant moins d’une minute, déclenchés par un mouvement, souvent toujours le même : – au lit se tourner d’un côté, – se lever de son lit, – se coucher dans son lit. • Ils sont moins gênés au cours de la journée car les mouvements provocateurs sont des mouvements dans le plan vertical : – lever la tête pour chercher un livre dans la bibliothèque, – la baisser pour ramasser un objet. • Un tiers des patients ont une sensation d’ébriété en position érigée. Les symptômes peuvent régresser spontanément en 2 à 3 semaines. D’autres fois, ils persistent plusieurs mois ou récidivent sans cesse. Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Les formes idiopathiques sont les plus fréquentes (90  % des cas). Dans 10  % des cas, ils sont en rapport avec un trauma craniocervical ou en rapport avec une pathologie d’oreille  : otite chronique, maladie de Menière, suite de névrite vestibulaire. C’est pourquoi le bilan doit comporter un examen ORL  : une otoscopie au microscope et un audiogramme. Il existe aussi des facteurs favorisants : alitement prolongé et hyper-extension cervicale comme lors d’une intubation pour n’importe quel type de chirurgie. Leur fréquence augmente aussi avec ­ l’âge et sur certains terrains  : migraine et ostéoporose.

Forme du canal postérieur Elle est le plus fréquente (90  %) parce qu’en position érigée l’ampoule du canal postérieur est au point déclive de l’oreille interne. Il existe aussi des formes intéressant plusieurs canaux, surtout en cas de traumatisme et chez les personnes âgées (cf. chapitres 6, 7 et 18).

Diagnostic d’une forme du canal postérieur Il repose sur la mise en évidence du nystagmus de positionnement typique par les manœuvres de Dix et Hallpike (cf. chapitre 4). Le patient est assis, les jambes étendues sur un divan d’examen (fig. 5-2) :

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Fig. 5-1. Un consensus mondial. Les VPPB sous-tendent une théorie impliquant les canaux et les otolithes. Elle s’est construite au cours du xxe siècle. Toutefois, l’imagerie n’est pas encore en mesure de les montrer. a. Ampoules des canaux semi-circulaires avec leurs crêtes ampullaires. b. Otolithes supposés être à l’origine des canalolithiases.

Fig. 5-2. Courants endolymphatiques créés par la manœuvre de Dix et Hallpike droite dans une canalolithiase du canal postérieur droit. a. Départ : la lithiase « a » est bloquée contre la cupule. b. Allongement : sous l’effet de la pesanteur, la lithiase arrivée en « a’ », coule en « b » en créant un courant ampullifuge excitateur. c. Retour en position assise, la lithiase repart en sens inverse vers la cupule en créant un courant ampullipète inhibiteur. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

C hapitre 5. Vertige positionnel paroxystique bénin du canal semi-circulaire postérieur (VPPBpo) 23

Fig. 5-3. Nystagmus obtenu par la manœuvre de Dix et Hallpike. a. VPPB du canal postérieur droit (nystagmus vertical supérieur et antihoraire*). b. VPPB du canal postérieur gauche (nystagmus vertical supérieur et horaire*). En bas, enregistrement avec une technique de « lentille magnétique sclérale » des trois composantes du nystagmus d’un VPPB du canal postérieur gauche : horizontale (H), verticale supérieure (V) et torsionnelle horaire (T). La composante horizontale est inconstante et sa direction aléatoire. D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014. *Pour l’observateur.

• tourner d’abord la tête du patient de 45° vers la droite pour étudier le côté droit ou de 45° vers la gauche pour étudier le côté gauche ; • allonger le patient sur le dos pour arriver à une position de la tête légèrement pendante au bord de la table d’examen. Observer le nystagmus provoqué caractéristique en écartant doucement une paupière avec l’index, • relever le patient en position assise, la tête toujours tournée de 45° et observer à nouveau le nystagmus provoqué.

Caractéristiques du nystagmus provoqué par la manœuvre de Dix et Hallpike dans un VPPB du canal postérieur Le diagnostic de VPPB du canal postérieur ne peut être fait que si on a vu le nystagmus caractéristique apparaissant après l’allongement du patient. Ses caractéristiques découlent du courant ampullifuge excitant le canal postérieur. Les critères suivants doivent être présents. • Apparition au moins, après une seconde de latence après que la position pendante de la tête

ait été atteinte. Cette latence peut aller jusqu’à 10 secondes et plus, justifiant d’attendre au moins 30 secondes. • Présence d’une composante torsionnelle et d’une composante verticale supérieure caractéristique d’une stimulation du canal postérieur. La composante torsionnelle est antihoraire* pour une canalolithiase postérieure droite et horaire* pour une canalolithiase postérieure gauche (fig. 5-3). • Durée de moins de 30  secondes, maximum une minute, le temps que les débris arrivent au point déclive. • Présence d’une phase crescendo suivie d’une phase decrescendo correspondant à l’accélération puis au freinage des débris dans l’endolymphe donnant cette dynamique très particulière au nystagmus. • Inversion du nystagmus lors du retour en position assise montrant que les débris repartent vers la cupule en déclenchant un courant ampullipète inhibiteur (en fait, plus souvent seulement vertical inférieur). Cette inversion

* Pour l’observateur

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Fig. 5-4. Premier temps de la manœuvre de Sémont (canalolithiase postérieure droite). a. Vue de face avec une rotation de la tête de 45° vers la gauche. b. Vue de dessus correspondante. La rotation de la tête de 45° vers la gauche met le canal postérieur droit dans le plan de bascule biscapulaire. CP : canal postérieur ; CH : canal horizontal ; CA : canal antérieur. L’étoile indique le côté atteint. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

est un bon témoin de la nature lithiasique du processus. • Parce que trop pénible pour le patient, il n’est pas nécessaire de rechercher la fatigabilité du nystagmus quand on répète les manœuvres (diminution d’intensité par un phénomène d’habituation).

Principe de la manœuvre de Sémont simplifiée Le diagnostic fait, on dispose d’une manœuvre curative permettant de soulager le patient en une ou deux séances. Elle consiste à renverser le patient de 180°. Le but est de vider le canal semicirculaire postérieur dans l’utricule où la lithiase sera fragmentée puis éliminée par le canal et le sac endolymphatique. L’astuce d’Alain Sémont est de manipuler les patients de face au lieu de les manipuler de profil. Mais il faut comprendre que dans ce cas, pour étudier le côté droit, il faut tourner la tête du patient de 45° vers la gauche (fig. 5-4). Il y a deux différences par rapport à la manœuvre de Dix et Hallpike. D’abord, le plan de bascule est dans le plan biscapulaire (plan frontal). Ensuite, la tête, lorsqu’elle est posée sur la table n’est pendante que de la hauteur de la clavicule.

Manœuvre de Sémont (vidéos 5-1 et 5-2 ) La manœuvre de Sémont présentée ici est une manœuvre simplifiée (fig. 5-5). On verra ensuite les nuances supplémentaires telles que fournies dans le rapport à la Société française d’ORL en 2007 (cf. infra). Commentaires La manœuvre de Sémont doit être réalisée vivement (mais sans brutalité) car l’arrêt brusque aide probablement à « catapulter » les otolithes dans l’utricule empêchant ainsi leur retour vers l’ampoule du canal postérieur. Toutefois, dans le rapport à la Société française d’ORL de 2007 [1], Alain Sémont craint que par inertie, les débris ne repartent vers l’ampoule. Il préconise donc d’effectuer les bascules en laissant la tête en position indifférente dans l’espoir que les débris restent plaqués sur la paroi du canal. Ce n’est que lorsque les nystagmus typiques commencent qu’il tourne la tête de 45°, le nez en l’air pour la manœuvre diagnostique et le nez dans le matelas pour la manœuvre thérapeutique. L’objectif est d’accélérer la chute des débris. Alain Sémont préconise aussi de préparer sa manœuvre en couchant le sujet sur son épaule du côté sain puis de le tourner la tête de 45° vers le bas. Cette répétition de la manœuvre de Sémont du côté sain aurait le mérite de rassembler les débris de lithiase dans l’ampoule du côté atteint.

C hapitre 5. Vertige positionnel paroxystique bénin du canal semi-circulaire postérieur (VPPBpo) 25

Fig. 5-5. Manœuvre de Sémont simplifiée pour une canalolithiase du canal postérieur droit. Dans chaque colonne, le patient (en bas) et l’oreille (en haut) sont vus sous le même angle. Manœuvre diagnostique (déclenchante ou provocatrice) : a. Le patient est assis au bord du lit face à soi ; faire tourner la tête de 45° du côté gauche pour mettre son canal postérieur droit parallèle au plan biscapulaire. La lithiase est bloquée en « a » contre la cupule de l’ampoule. b. Basculer le patient vers sa droite dans le plan biscapulaire. La tête arrive dans une position, nez en l’air avec une légère déclivité par rapport au thorax du fait de la hauteur de l’épaule. Sous l’effet de la pesanteur, la lithiase tombe de « a9 en b » provoquant un courant ampullifuge excitateur. Observer le nystagmus caractéristique qui a été déclenché. Attendre quelques minutes pour que les particules se rassemblent à mi-canal. Manœuvre libératrice : c. Basculer l’ensemble tête et corps de 180° dans le plan biscapulaire pour coucher le patient sur son épaule gauche en maintenant la rotation de la tête jusqu’à ce que la pommette du patient touche le matelas, le nez étant cette fois dirigé vers le bas. Après un temps de latence de quelques secondes, la lithiase tombe de « b9 en c » à l’entrée de la crus commune. Elle déclenche encore un courant ampullifuge provoquant un vertige libératoire et un nystagmus libératoire identique à celui déclenché par la manœuvre diagnostique. d. Le patient est relevé doucement, le cou fléchi de 20° pour verticaliser la crus commune. Lors du retour en position assise : la lithiase tombe dans l’utricule où elle sera éliminée. Le patient a l’impression d’être projeté en avant et réagit par une violente rétropulsion nécessitant de le tenir fermement. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

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Fig. 5-6. Manœuvre d’Epley pour un VPPB du canal postérieur gauche. (1) On commence par une manœuvre de Dix et Hallpike gauche. La lithiase tombe de a en b. Le nystagmus typique se déclenche. Un coussin a été mis sous les épaules pour obtenir la position tête pendante. (2) Vue par le vertex, la lithiase est située en b. (3) On tourne la tête de 90° vers le côté droit. À ce stade, aucun nystagmus ne doit survenir car la lithiase est remontée en b’. (4) On demande au patient de se coucher sur son côté droit. Il est alors possible de continuer la rotation de la tête de 90° vers le côté droit de telle façon que le visage soit tourné vers le sol dans une position située à 180° par rapport à la position initiale de Dix et Hallpike gauche. Après quelques secondes, le vertige et le nystagmus libératoire se déclenchent. La lithiase tombe de b” en c dans la crus commune cc. (5) Enfin, on relève le patient en terminant la tête fléchie. Une pulsion postérieure brutale peut alors survenir signifiant que la lithiase finit sa course en d dans la crus commune. D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Manœuvre d’Epley (vidéo 5-3 ) Le principe est le même que celui de la manœuvre de Sémont. La différence est qu’au lieu de retourner le patient dans un plan frontal, on le retourne dans le plan axial chez un patient allongé sur le dos (fig. 5-6).

Commentaires Dans la manœuvre d’Epley, c’est la force gravitaire qui entraîne la migration des débris. Chaque positionnement doit être effectué rapidement mais chaque position doit être maintenue pendant 60 secondes. L’avantage de la manœuvre d’Epley est que la lithiase est bloquée et peut moins souvent revenir vers l’ampoule que dans la manœuvre de Sémont.

C hapitre 5. Vertige positionnel paroxystique bénin du canal semi-circulaire postérieur (VPPBpo) 27 Les Anglo-saxons se placent en bout de la table et manipulent la tête pendante dans le vide. Mais cette position est inconfortable. L’idéal est de disposer d’une table suffisamment large avec une têtière que l’on peut abaisser et sur laquelle s’appuie la tête du patient. Dans une manœuvre d’Epley, il est encore plus important de bien expliquer au patient ce que l’on attend de lui car son aide est indispensable. Ainsi, pour se retourner sur le côté avant la dernière rotation de 90° vers le côté sain, il doit plier la jambe du côté atteint et pousser sur son talon pour basculer vers le côté sain. La remise en position assise est aussi délicate : « Basculez vos jambes pendantes en dehors de la table et surtout fléchissez le cou ».

Résultats et tactique L’efficacité de la manœuvre de Sémont et de la manœuvre d’Epley est comparable  : succès immédiat dans 80 à 90  % des cas. Si une manœuvre ne marche pas, ne pas hésiter à utiliser l’autre manœuvre car leur principe n’est pas le même. Dans le Sémont, on fait une manœuvre rapide pour catapulter les otolithes à l’arrêt. Dans la manœuvre d’Epley, c’est un mouvement perpendiculaire sur le plan du canal postérieur et on essaye de déplacer lentement les otolithes par la gravité. L’inconvénient est que l’on a plus de rétropulsions brutales que dans le Sémont, voire des chutes brutales cinq minutes après la sortie du cabinet. D’où la nécessité dans tous les cas de lui demander à se reposer une demi-heure avant de repartir. Le choix entre Sémont et Epley dépend de la manœuvre diagnostique qui a été pratiquée. Après une manœuvre de Dix et Hallpike, on est en position d’enchaîner avec une manœuvre d’Epley puisque le patient est allongé. Sinon, le patient sera manipulé de face de bout en bout. D’autres éléments sont aussi à prendre en compte : les sujets âgés ou handicapés sont parfois plus faciles à manipuler en position d’Epley. D’autres patients au cou très raides sont plus faciles à manipuler en Sémont. Au besoin, il faut se faire aider. Une personne soulève les jambes pour soulager le dos. Les personnes pesant plus de 100 kg se manipulent à plusieurs.

La réussite est acquise si la manœuvre libératrice a déclenché un nystagmus identique à celui de la manœuvre diagnostique. C’est la preuve que la lithiase a poursuivi sa route à travers la crus commune jusqu’à l’utricule. En pareil cas, mieux vaut ne pas tenter de contrôler immédiatement le succès par une nouvelle manœuvre diagnostique car on risque d’envoyer la lithiase dans le canal horizontal (conversion). L’idéal est de revoir le patient une semaine après et cette fois refaire une manœuvre de Dix et Hallpike de contrôle. Même si cela n’est pas prouvé, il est logique que le patient évite les extensions cervicales favorisant le retour des otolithes dans le canal postérieur. Il lui sera conseillé de dormir redressé sur quelques oreillers et d’éviter d’aller chez le coiffeur ou chez le dentiste. Ces mesures ne doivent pas dépasser quelques jours. Parfois, le lendemain suivant une manœuvre efficace, certains patients se plaignent d’une sorte de pseudo-ébriété permanente et désagréable alors que les vertiges positionnels ont disparu. Si l’on réexamine les patients à ce moment-là, la manœuvre de Dix et Hallpike est normale. L’explication est probablement d’avoir déplacé les débris otolithiques en vrac sur la macule utriculaire. Il faut les rassurer car tout disparaît en quelques jours. Le mieux est de les prévenir qu’il pourra y avoir une impression de flottement et de tangage transitoire dans les suites. Parfois, cette pseudo-ébriété dure (cf. chapitre  21). On peut alors recourir à une rééducation vestibulaire par adaptation plus que par habituation souvent mal tolérée. L’absence d’obtention du nystagmus typique après la manœuvre de Sémont signe le plus souvent un échec. En revanche, dans une manœuvre d’Epley, cela ne signifie pas forcément qu’elle n’a pas marché car elle a moins de valeur pronostique immédiate. Certains utilisent des vibrations mastoïdiennes dans l’espoir de décrocher la lithiase. Epley lui-même multiplie les manœuvres diagnostiques et thérapeutiques au cours de la même séance jusqu’à disparition des nystagmus. Mais cette disparition n’est que le résultat du processus de fatigabilité et d’habituation classique dans les VPPB du canal postérieur. En cas d’échec, il paraît préférable de chercher à savoir pourquoi ça n’a pas marché :

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• La tête était-elle suffisamment pendante au départ de la manœuvre diagnostique  ? Cela permet de gagner le millimètre qui fait tomber la lithiase du bon côté vers la crus commune et non de retourner vers la cupule. • A-t-on bien vu le nystagmus diagnostique ? • S’était-il inversé au retour en position assise ? • N’y avait-il pas des composantes horizontales antigéotropiques en décubitus latéral évoquant un œdème de la cupule ? • Mieux vaut ne refaire aucune manœuvre diagnostique et revoir le patient une semaine après pour reconsidérer la situation en changeant de méthode. On ne devrait pas dépasser trois tentatives espacées d’une semaine. En cas d’œdème de la cupule, l’acharnement pourrait conduire à la déchirer. Le diagnostic doit être reconsidéré et le patient renvoyé au médecin. Un traitement corticoïde ou antimigraineux peut être nécessaire. Au pire, tenter quelques auto-exercices du type Brandt et Daroff, seulement si on n’a pas pu faire une manœuvre correcte du fait du poids ou du manque de coopération du patient (cf. chapitre 21).

`` Compléments en ligne Vidéo 5-1. Manœuvres de Sémont (théorie).

Vidéo 5-2. Sémont pour VPPNpo droit.

Vidéo 5-3. Epley pour VPPBpo droit.

Référence bibliographique [1] Sauvage J-P, Chays A, Gentine A. Manœuvre de Sémont par Alain Sémont. Vertiges positionnels. Rapport à la société française d’ORL. Paris: SFORL éditeur; 2007. p. 285–91.

Chapitre 6 VPPB du canal semi-circulaire horizontal (VPPBho) Ils sont déroutants et de prise en charge difficile. Les VPPB du canal horizontal représentent 9  % des VPPB. Ils se présentent sous deux formes : la première dite géotropique est la plus fréquente et la deuxième dite antigéotropique dont une partie est un vrai VPPB et l’autre pouvant être le témoin d’une maladie neurologique. Là plus qu’ailleurs, une prescription médicale est nécessaire avant toute manipulation.

Forme géotropique du VPPB du canal horizontal C’est une canalolithiase piégée dans le canal semicirculaire horizontal. Elle est constituée, comme le VPPB du canal postérieur, de débris d’otolithes dégénérés de densité supérieure à celle de l’endolymphe. Les vertiges positionnels sont typiquement provoqués en se retournant dans le lit. Ici encore, des débris otolithiques se mobilisent sous l’effet de la pesanteur. Ils créent ainsi des courants endolymphatiques ampullipètes ou ampullifuges générant des nystagmus horizontaux. La rareté des canalolithiases serait liée au fait qu’elles guérissent souvent spontanément. En dormant, on pratique inconsciemment des mouvements et des positions qui vidangent ce canal. Ainsi, dans la plupart des cas, la durée de l’évolution spontanée ne serait que de 15 jours. Si les délais de rendez-vous sont éloignés, on ne voit donc pas de VPPB du canal horizontal.

Interrogatoire Par l’interrogatoire, il est difficile de savoir si on a affaire à un VPPB du canal horizontal ou à un Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

VPPB du canal postérieur. Toutefois, dans le cas du canal horizontal, les vertiges sont souvent plus violents avec vomissements. Surtout, ils surviennent la nuit obligeant à dormir en position demi-assise.

Manœuvre diagnostic C’est la manœuvre de roulis en décubitus. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’un nystagmus horizontal géotropique en décubitus latéral. Le patient est allongé sur un divan d’examen, la tête fléchie de 30° reposant sur un coussin pour verticaliser le plan du canal horizontal (fig.  6-1). Puis, on roule le patient d’un côté et de l’autre. Le câblage des canaux semi-circulaires avec les muscles oculaires droits externes et internes explique le caractère horizontal des nystagmus provoqués. Ils apparaissent après une latence brève et ils sont plus violents que ceux du canal postérieur. Comme dans toute canalolithiase, ces nystagmus ont la propriété de s’arrêter spontanément lorsque la position est maintenue. Mais ils sont plus longs (60 à 90  secondes) que ceux des VPPB du canal postérieur (15 à 30 secondes). Dans une canalolithiase du canal horizontal, la manœuvre de Dix et Hallpike peut aussi déclencher un nystagmus horizontal. En cela, c’est une bonne manœuvre de dépistage. Toutefois, si on réalise seulement une manœuvre de Dix et Hallpike, on risque de manquer un VPPB du canal horizontal. Il ne faut pas se dispenser de la manœuvre de roulis en décubitus qui peut être la seule positive.

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Fig. 6-1. Manœuvre de roulis en décubitus. a. Lorsqu’on tourne le patient vers le côté droit, on obtient un nystagmus horizontal droit battant vers le bas donc géotropique. b. Lorsqu’on tourne le patient vers le côté gauche, on obtient un nystagmus horizontal gauche battant encore vers le bas donc encore géotropique. D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014. Avec l’autorisation de P. Bertholon.

Physiopathologie de la canalolithiase D’abord, il faut se rappeler que pour les canaux horizontaux, ce sont les courants ampullipètes qui sont excitateurs et les courants ampullifuges qui sont inhibiteurs. Dans cette forme, la lithiase est toujours placée dans la partie postérieure du canal horizontal (fig. 6-2a). Pour une canalolithiase située dans le canal horizontal droit, une rotation de la tête de 45° vers la droite fait migrer la canalolithiase vers l’ampoule sous l’effet de la pesanteur en créant un courant endolymphatique ampullipète excitateur (fig.  6-2b). Le nystagmus provoqué est donc horizontal battant vers l’oreille atteinte, c’està-dire vers le côté droit, donc vers l’oreille sur laquelle est couché le malade. Ensuite, une rotation de la tête de 90° vers la gauche, fait migrer la canalolithiase vers l’extrémité non ampullaire sous

l’effet de la pesanteur en créant un courant endolymphatique ampullifuge inhibiteur (fig. 6-2c). Le nystagmus provoqué est donc horizontal battant vers l’oreille saine c’est-à-dire vers le côté gauche, donc encore vers l’oreille sur laquelle est couché le malade. Par conséquent, quel que soit le côté vers lequel le patient tourne la tête, il apparaît un nystagmus géotropique, c’est-à-dire battant vers le sol.

Caractéristiques du nystagmus provoqué C’est un nystagmus horizontal géotropique pur apparaissant après un temps de latence inférieur à 5 secondes. Lorsque la position est maintenue, il dure plus longtemps que celui du VPPB du canal postérieur mais il s’arrête en moins de 90 secondes. Point important : il est moins fatigable.



Chapitre 6. VPPB du canal semi-circulaire horizontal (VPPBho) 31

Fig. 6-2. Canalolithiase droite. Rangée du haut : patient vu par le vertex et sens du nystagmus ; rangée du bas, canal horizontal droit vu par le vertex et direction des courants endolymphatiques induits. a, b, c = manœuvre provocatrice ; d = manœuvre thérapeutique de Baloh. La lithiase est d’abord en « a » dans la partie postérieure du canal (schématiquement dans le prolongement de la cupule). Puis, sous l’effet de la rotation de la tête et de la pesanteur, la lithiase tombe en « b », puis en « c » puis en « d ». U = utricule. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Quel est le côté atteint ? Quel que soit le côté atteint, que l’on roule le patient vers la droite ou la gauche, les nystagmus sont semblables. Pourtant, il faut reconnaître le côté atteint avant d’aborder la manœuvre libératrice. Deux éléments permettent le diagnostic de côté : • le premier élément est que le vertige et le nystagmus sont les plus importants du côté atteint. D’ailleurs, souvent les patients signalent le côté sur lequel ils sont les plus gênés. La  raison en est que les courants excitateurs prédominent sur les courants inhibiteurs (2e loi d’Ewald) ; • l’autre élément (fig.  6-3) est qu’en alternant rétro et antéflexion de la tête du patient, on déclenche un mouvement de yoyo de la canalolithiase. Quand on allonge le patient sur le dos, on déclenche un nystagmus horizontal battant vers le côté sain. Quand on le penche en avant, on déclenche un nystagmus battant vers le côté atteint. Soulignons l’inconvénient de trop le pencher en avant à ce stade, ce qui

risque d’envoyer les débris dans l’ampoule du canal d’où ils seront plus difficiles à déloger (cf. infra).

Manœuvre thérapeutique de Baloh Lempert (vidéo 6-1 ) Encore appelée manœuvre «  barbecue  », son ­principe est d’adapter la manœuvre d’Epley au canal horizontal. La première différence est que la tête est fléchie de 30° au lieu d’être en rétroflexion. La deuxième est que l’on effectue une rotation de 270° vers le côté sain. On commence par une manœuvre déclenchante pour le canal horizontal atteint. Ensuite, on utilise la pesanteur par des rotations successives de 90° vers le côté sain pour conduire les débris jusque dans l’utricule (fig.  6-4). Chaque nouvelle rotation provoque un nystagmus horizontal battant vers le côté sain dont il faut attendre l’extinction avant d’entamer la rotation suivante. C’est une manœuvre longue qui nécessite d’être à deux si le patient n’est pas coopérant.

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Fig. 6-3. Canalolithiase droite : alternances de rétroflexion et d’antéflexion. Rangée supérieure : patient vu de l’arrière. Rangée inférieure : patient vu de profil. En rétroflexion, les débris tombent en créant un courant ampullifuge inhibiteur. Le nystagmus bat vers la gauche (côté sain). En antéflexion, les débris tombent en créant un courant ampullipète excitateur et le nystagmus bat vers la droite (côté atteint). Le risque dans ce cas est d’envoyer les débris vers l’ampoule. D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Position prolongée du côté sain de Vannuchi Certains auteurs ne pratiquent plus les manœuvres barbecue, arguant de leur difficulté. À la place ou en complément, ils sont satisfaits des résultats du protocole proposant de forcer le patient à dormir du côté sain par un montage d’oreillers. C’est-à-dire que si le patient a son VPPBho du côté droit, on lui demande de dormir sur le côté gauche. Les débris doivent alors aller naturellement vers l’utricule. «  Si vous vous réveillez sur le côté droit, remettez-vous sur le côté gauche. Si vous faites la sieste, mettez-vous sur le côté gauche » et cela pendant une semaine.

Forme antigéotropique du VPPB d’une canalolithiase du canal horizontal Ce sont encore des vertiges positionnels brefs survenant notamment dans le lit. La première différence avec la forme géotropique, c’est que dans la manœuvre de roulis en décubitus, en couchant le patient sur une oreille, on déclenche un nystagmus horizontal battant vers l’oreille située en haut donc antigéotropique (fig.  6-5). La deuxième différence est que le vertige et le nystagmus sont moins importants quand on le



Chapitre 6. VPPB du canal semi-circulaire horizontal (VPPBho) 33

Fig. 6-4. Manœuvre de Baloh Lempert pour une canalolithiase du canal horizontal gauche. La flèche indique le sens du déroulement des séquences. Rangée du haut : patient vu par le vertex et sens du nystagmus. Rangée du bas : canal horizontal droit vu par le vertex et direction des courants endolymphatiques induits. I : Au départ, la lithiase est dans la partie postérieure du canal horizontal en « a », ce que suggérait le caractère géotropique du nystagmus. II : Une première rotation de la tête vers la droite (côté sain) fait tomber les débris en « b » en déclenchant un courant ampullifuge inhibiteur créant un nystagmus géotropique battant vers le côté sain. III : Une nouvelle rotation de 90° vers le côté sain fait tomber les débris dans l’utricule en « c ». IV : Mise à plat ventre enfonçant les débris dans l’utricule en « d ». La remise à plat dos par une dernière rotation de 180° vers le côté sain n’est pas figurée. U = utricule. Noter en I que les débris étaient situés dans l’ampoule deux jours auparavant, ce qui se traduisait par un nystagmus antigéotropique à J-2. La transformation en forme géotropique s’est produite spontanément (cf. infra). D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Fig. 6-5. Nystagmus horizontal antigéotropique provoqué par la manœuvre de roulis en décubitus. Quand on tourne le patient du côté droit, il est horizontal gauche et quand on le tourne du côté gauche, il est horizontal droit. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

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couche sur le côté atteint. La troisième est qu’en couchant le patient sur le dos, tête en rectitude, il apparaît un nystagmus battant du côté atteint et inversement si on le rassoit la tête penchée en avant il bat du côté sain. En réalité, cette forme regroupe trois possibilités de pronostics différents : 1. c’est une canalolithiase dont les débris se sont logés dans l’ampoule du canal horizontal ; 2. c’est une lithiase collée à la cupule (cupulolithiase ; 3. c’est un nystagmus de position d’origine centrale dans le cadre d’une affection neurologique. Envisageons successivement ces trois possibilités.

C’est une canalolithiase dont les débris sont rassemblés dans l’ampoule Lorsque les débris sont piégés dans l’ampoule, la pesanteur agit sur la cupule en sens inverse d’une lithiase placée dans la partie postérieure du canal. Le résultat est un nystagmus horizontal antigéotropique (fig.  6-6). À l’inverse de la forme géotropique, c’est quand le patient se couche sur l’oreille saine que le vertige et le nystagmus sont les plus intenses. Ceci parce que les courants ampullipètes sont produits lorsque le patient se couche sur l’oreille saine (2e  loi d’Ewald).

Fig. 6-6. Canalolithiase du canal horizontal droit se présentant avec un nystagmus horizontal antigéotropique. Manœuvre provocatrice. Rangée du haut : patient vu par le vertex et sens du nystagmus. Rangée du bas : canal horizontal droit vu par le vertex et direction des courants endolymphatiques induits. U = utricule. a. La lithiase est au bord de l’ampoule. b. Dans une rotation de la tête vers la gauche, la lithiase tombe vers la cupule en créant un courant ampullipète excitateur avec un nystagmus horizontal battant vers l’oreille droite située en haut. c. Dans une rotation de la tête vers la droite, la lithiase tombe du côté opposé à la cupule en créant un courant ampullifuge inhibiteur avec un nystagmus battant vers l’oreille gauche située en haut. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Traitement (vidéo 6-2

Chapitre 6. VPPB du canal semi-circulaire horizontal (VPPBho) 35

)

Il est évidemment plus difficile de déloger la canalolithiase lorsqu’elle est dans l’ampoule que lorsqu’elle est dans le bras postérieur du canal. C’est la raison pour laquelle une mode qui faisait commencer l’enchaînement des manœuvres positionnelles diagnostiques par la position penchée en avant a été critiquée. L’argument des promoteurs de cette mode était qu’en cas de canalolithiase du canal horizontal, on savait d’emblée quel côté était atteint. Mais il y a aussi un risque de transformer une forme géotropique en une forme antigéotropique en envoyant les débris dans l’ampoule. • Un point essentiel est qu’une forme antigéotropique de canalolithiase peut se transformer en forme géotropique et vice versa. Cette transformation peut être spontanée (cf.  fig.  6-4). Par exemple, on examine un patient et on lui trouve un nystagmus antigéotropique à la manœuvre de roulis en décubitus. On le revoit deux jours après et le nystagmus est devenu géotropique. L’inverse peut se voir. On est alors certain d’avoir affaire à une canalolithiase. Il est logique que le paquet de débris puisse passer d’une extrémité à l’autre du canal. Il

peut même arriver que le nystagmus change plusieurs fois de forme au cours d’une période d’observation de quelques jours. • Si cette transformation n’est pas spontanée, on peut l’aider. Une manœuvre de Baloh Lempert pourra ensuite être pratiquée. Un argument pour tenter cette transformation est que le nystagmus antigéotropique s’arrête spontanément en moins de 90  secondes. Plusieurs méthodes ont été proposées : – retournement très rapide de 180° d’un côté et de l’autre à la manière d’un Norré simplifié (cf. fig. 18-6) ; – position prolongée sur le côté atteint : dormir trois nuits sur le côté atteint (transformation en nystagmus géotropique) et trois nuits sur le côté sain (position libératrice) ; – secouage de la tête en antéflexion ; – vibrations osseuses ; – manœuvre de Gufoni (fig.  6-7). Pour réaliser cette manœuvre, il faut connaître le côté atteint. Il est désigné par le sens du nystagmus en décubitus dorsal strict à la manière d’une cupulolithiase (cf.  infra). Il est désigné aussi par le côté où nystagmus et vertige sont les plus faibles. Compte tenu de la faible fatigabilité

Fig. 6-7. Manœuvre de Gufoni pour une forme antigéotropique de canalolithiase gauche. Labyrinthe vestibulaire et patient vus de face. Le canal horizontal a été trépané pour visualiser la lithiase. a. La lithiase est dans l’ampoule séparée de l’utricule par la cupule. b. On plaque le patient en position indifférente sur l’oreille atteinte avec décélération brutale ; on attend que le nystagmus horizontal antigéotropique s’arrête indiquant que les débris sont arrivés à la partie moyenne du canal. c. On donne une brusque rotation de la tête vers la droite de 45°, nez en l’air, ce qui déclenche encore un nystagmus antigéotropique signifiant que les débris arrivent dans la partie postérieure du canal. Il faut encore finir par une manœuvre de Baloh Lempert classique vers la droite (non figurée ici). Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

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des VPPB du canal horizontal, on peut répéter les manœuvres de roulis en décubitus et faire une moyenne pour repérer ce côté.

C’est une lithiase collée à la cupule (cupulolithiase) [vidéo 6-3 ] Le nystagmus reste de type antigéotropique, mais c’est un nystagmus de position. C’est-à-dire en rapport avec la position dans l’espace et surtout avec l’orientation de la tête par rapport à la gravité. Les nystagmus de position durent tant que cette position est maintenue, soit bien au-delà de 2 minutes. Physiopathologie La théorie est celle d’une cupule alourdie par des otolithes dégénérés fixés sur elle. Par exemple, lorsque l’on couche la tête sur le côté droit (fig.  6-8), il se produit une force ampullifuge à cause de la gravité avec un nystagmus qui bat vers le côté gauche, c’est-à-dire vers le haut (antigéotropique). Et inversement, lorsque l’on couche la tête sur le côté gauche, la gravité produit une force ampullipète avec un nystagmus qui bat vers la droite, donc encore vers le haut (toujours antigéotropique). Ici, vertige et nystagmus sont plus importants sur le côté sain. Mais cette asymétrie est moins nette que dans une forme géotropique où le vertige et le nystagmus sont plus importants, couché sur le côté atteint. Arguments en faveur d’une cupulolithiase du canal horizontal Il y en a deux : le premier, déjà vu, est celui de la durée indéfinie des nystagmus en faveur d’un nystagmus de position. Le deuxième est la présence d’un nystagmus sur le dos, la tête en rectitude. En effet, la cupule est située dans l’axe du rocher. En position couchée, elle est donc oblique en haut et en dedans (fig. 6-9). Si elle est alourdie, il se produit une force ampullipète générant un nystagmus battant vers le côté atteint. Et ce nystagmus s’annule lorsque l’on tourne la tête de 20 à 30° vers le côté atteint. Dans cette position, la cupule devient sagittale et plus aucune force ne s’applique sur elle.

Traitement Le principe reste de transformer la cupulolithiase en canalolithiase. Les techniques décrites précédemment peuvent être tentées mais avec la plus grande prudence car la cupule est fragile et un acharnement intempestif risque de la déchirer. Certains praticiens demandent seulement au patient de dormir trois nuits de suite sur le côté atteint puis trois nuits de suite sur le côté sain (cf. supra). Aucune étude ne vient corroborer ces pratiques. D’autre part, l’idée de cupulolithiase fixée à la cupule devrait peut-être souvent laisser la place à l’idée d’un œdème alourdissant la cupule. Une corticothérapie en pareil cas serait plus justifiée.

C’est un nystagmus de position d’origine centrale dans le cadre d’une affection neurologique Historiquement, le nystagmus horizontal positionnel antigéotropique était classé parmi les nystagmus de position centraux. C’était un défaut de contrôle cérébelleux des canaux semi-circulaires que l’on retrouvait surtout dans les tumeurs de la fosse postérieure. Aujourd’hui, ces patients ne nous parviennent qu’exceptionnellement car ils présentent d’autres signes neurologiques pour lesquels il est rapidement demandé une IRM. Il faut toutefois rester vigilant chez les patients très déséquilibrés et en cas de nystagmus spontané associé ou survenant lors du redressement. Il convient alors de vérifier avec diplomatie qu’a été faite une IRM visualisant les deux labyrinthes, les conduits auditifs internes et la fosse postérieure au niveau du pont et du plancher du IVe ventricule. Ces cas sont rares. Dans la plupart des cas, ce sont des nystagmus de position souvent trouvés dans les vertiges positionnels migraineux. Mais attention à la coïncidence.

Conclusion La prise en charge d’un VPPB du canal horizontal n’est jamais simple. Rien à voir avec un VPPB du canal postérieur typique qui n’est jamais central.



Chapitre 6. VPPB du canal semi-circulaire horizontal (VPPBho) 37

Fig. 6-8. Cupulolithiase du canal latéral droit. a, b, c. Manœuvre provocatrice et genèse du nystagmus antigéotropique. Rangée du haut : patient vu par le vertex et sens du nystagmus. Rangée du bas : canal horizontal droit vu par le vertex et direction des courants endolymphatiques induits ; les courants ampullipètes sont produits lorsque le patient se couche sur le côté sain (c). U = utricule. D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Fig. 6-9. Cupulolithiase du canal horizontal droit. I : nystagmus positionnel sur le dos tête en rectitude battant vers le côté atteint. II : disparition du nystagmus lorsque la tête est tournée de 30° vers le côté droit. III et IV : nystagmus antigéotropique dans le roulis en décubitus. G = force gravitaire ; AP = vecteur ampullipète excitateur ; Cu = plan de la cupule ; G = Cu : cupule alignée sur la gravité.

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Les VPPB horizontaux géotropiques sont très rarement centraux. Mais les manœuvres barbecue sont souvent difficiles et beaucoup renoncent au bénéfice des positions forcées du côté sain. Enfin, dans les VPPB antigéotropiques, il y a toujours un risque que ce soit une pathologie centrale. L’IRM y est plus souvent indiquée.

`` Compléments en ligne Vidéo 6-1. Barbecue pour VPPBho gauche.

Vidéo 6-2. Gufoni pour VPPBho droit.

Vidéo 6-3. Cupulolithiase canal horizontal droit.

Chapitre 7 VPPB rares ou difficiles Dans ce chapitre seront envisagés les VPPB du canal antérieur, les VPPB intéressant plusieurs canaux (VPPB multicanalaires) et quelques formes cliniques inhabituelles.

VPPB du canal antérieur (VPPBa) Ils ne représentent que 1 % de tous les VPPB. À l’interrogatoire, cette localisation est soupçonnée lorsqu’il existe une instabilité en orthostatisme et un meilleur confort en décubitus. Ceci conforte l’idée que la lithiase est posée sur la cupule du canal (fig. 7-1) et s’enfonce lors de la marche en donnant de violentes embardées.

Manœuvre déclenchante (vidéo 7-1 ) C’est encore une manœuvre de Dix et Hallpike (ou un premier temps de la manœuvre de Sémont) faite comme si on testait le canal postérieur du côté opposé. En effet, le plan du canal antérieur d’un côté est parallèle au plan du canal postérieur du côté opposé. Par exemple, dans le cas d’un VPPB du canal antérieur gauche (fig.  7-2), avant de basculer le patient, il faudra faire une rotation de la tête de 45° vers la droite pour faire une manœuvre de Dix et Hallpike droite. En revanche, pour le premier temps diagnostique d’une manœuvre de Sémont, il faudra faire une rotation de la tête de 45° vers la gauche avant de basculer le patient sur l’épaule droite.

Nystagmus provoqué On reconnaît le VPPB du canal antérieur à son nystagmus possédant une composante verticale Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

inférieure associée à une composante torsionnelle : horaire pour un canal antérieur gauche et antihoraire pour un canal antérieur droit (fig. 7-3). L’entité VPPB du canal antérieur ne fait pas l’unanimité des auteurs. En effet, est-ce une cupulolithiase quand les débris s’accumulent dans l’ampoule ou est-ce une canalolithiase qui se promène uniquement lorsque l’on se penche en avant ou lorsque l’on se couche avec une rétroflexion de la tête dépassant 90° ? L’accord se fait pour dire que les manœuvres de Dix et Hallpike droite et gauche provoquent l’une et l’autre le nystagmus vertical inférieur par verticalisation de l’anse de seau que représente l’arche du canal antérieur. Mais, seule la présence d’une composante torsionnelle au moins d’un côté permet d’affirmer qu’il s’agit d’un VPPBa. Le diagnostic différentiel est représenté par les nystagmus verticaux inférieurs positionnels rencontrés dans les malformations d’Arnold Chiari ou les pathologies cérébelleuses par désinhibition flocculaire des deux canaux antérieurs.

Traitement Le principe est d’utiliser une manœuvre de Sémont en faisant comme si c’était l’autre côté qui était atteint. Si vous avez un canal antérieur gauche, cela consiste à faire une manœuvre de Sémont comme si c’était un VPPB du canal postérieur droit. Toutefois, le canal antérieur ne peut être vidé que par des rétroflexions de la tête, tête pendante dépassant 100° peu compatibles avec les capacités habituelles des patients. Un autre principe est de mettre le patient en position de Trendelenburg (position dans laquelle le patient, reposant sur le dos, a le bassin plus élevé que les épaules) et de le rasseoir en espérant

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Fig. 7-1. Canalolithiase du canal antérieur droit.

que le paquet d’otolithes tombe du côté de la crus commune. Il faut reconnaître que l’on est davantage dans la théorie que devant des faits cliniques avérés. Il faut aussi souligner que les VPPB du canal antérieur pourraient être plus fréquents dans la mesure où même si les composantes caractéristiques n’ont pas été reconnues, les manœuvres libératrices sont tout de même parfois efficaces. Mais la démarche logique est de pratiquer une manœuvre de Sémont inversée (fig. 7-4). Pour un VPPBa gauche, faire d’abord prendre une position libératrice, nez dans le matelas comme pour un VPPB du canal postérieur droit. Puis rebasculer le

patient dans la position déclenchante, nez en l’air, comme celle que l’on aurait dû faire en premier pour diagnostiquer un VPPB droit. Enfin, finir en redressant le patient. Pour les canaux antérieurs, les séries sont trop faibles pour que l’on puisse faire des études convaincantes. De plus, il existe de grandes disparités entre les auteurs qui allèguent des pourcentages de VPPB du canal antérieur variant de 1 à 20 %. Il faudrait donc d’abord s’entendre sur les critères diagnostiques. S’il arrive que l’on ne soit pas sûr de soi, contentons-nous de prescrire de petites rotations droites et gauches dans le lit sur le dos et à plat ventre et de revoir le patient une semaine après. On a parfois de bonnes surprises.

VPPB intéressant plusieurs canaux Ces cas déroutants surviennent surtout après traumatisme crânien. Le concept est qu’il y a des paquets de débris d’otolithes dans plusieurs canaux  : les deux canaux semi-circulaires postérieurs  : dans un canal postérieur et dans le canal horizontal du même côté : parfois dans les 6  canaux semi-circulaires comme chez les sujets âgés (canalith jam).

Fig. 7-2. Orientation du plan de bascule pour un canal antérieur gauche (I). Ce plan est atteint par une rotation de tête de 45° vers la droite pour une manœuvre de Dix et Hallpike (II → I). Ce plan est aussi atteint par une rotation de la tête de 45° vers la gauche pour un patient manipulé de face à la manière de Sémont (III → I). D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.



Chapitre 7. VPPB rares ou difficiles 41

Fig. 7-3. Nystagmus du VPPB du canal antérieur. a. Obtenu à la manœuvre de Dix et Hallpike gauche pour un VPPBa droit. b. Obtenu à la manœuvre de Dix et Hallpike droite pour un VPPBa gauche.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Fig. 7-4. Sémont inversé pour un VPPBa gauche. Ligne du haut = labyrinthe gauche vu par sa face droite. a. Le malade assis face à soi, on lui fait tourner la tête de 45° vers la gauche. La lithiase est bloquée dans l’ampoule en a. b. Bascule de 90° sur son côté gauche. La lithiase tombe en b. c. Retournement rapide de 180° sur son côté droit : la lithiase tombe en c. d. Redressement du patient : la lithiase tombe en d dans l’utricule. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Exemples Après un traumatisme crânien, un patient présente un VPPB du canal postérieur gauche avec à la manœuvre de Dix et Hallpike gauche  : un nystagmus vertical supérieur et torsionnel horaire typique. Dans la manœuvre de Dix et Hallpike droite, on obtient encore un nystagmus typique vertical supérieur, mais cette fois, il est antihoraire. C’est donc un VPPB du canal postérieur bilatéral. Ensuite, si on fait les manœuvres

de roulis en décubitus pour le canal horizontal, on déclenche les nystagmus d’un VPPB du canal horizontal. Dans d’autres cas, lors des manœuvres de Dix et Hallpike, en plus des composantes torsionnelles et verticales supérieures, on déclenche des composantes horizontales obliques supérieures prolongées par rapport aux autres composantes. Il est alors légitime d’évoquer une canalolithiase mixte du canal postérieur et du canal horizontal du même côté.

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Thérapeutique Chez ces traumatisés crâniens, il y a aussi des lésions orthopédiques associées qui rendent les manipulations délicates. Chez eux, les manœuvres diagnostiques sont déjà mal tolérées. Pour les manœuvres thérapeutiques, il faut donc être aussi peu agressif que possible  : commencer par des positions prolongées forcées de Vannuchi pendant deux à trois nuits et n’envisager les manœuvres de Sémont ou d’Epley que plus tard en cas d’échec, lorsque les lésions associées se seront améliorées.

Formes étiologiques et symptomatiques des VPPB Forme de Lindsay et Hemenway L’affection débute comme une névrite vestibulaire (cf. chapitre  9) avec grand vertige initial de plusieurs jours et déficit vestibulaire majeur. Secondairement apparaît un VPPB du canal postérieur du même côté que la névrite. L’étiologie peut être vasculaire (thrombose de l’artère vestibulaire antérieure) ou virale (atteinte localisée au nerf vestibulaire supérieur). En tout cas, ce sont des lésions localisées au canal semi-circulaire horizontal et à l’utricule respectant le canal postérieur. On suppose qu’il existe un décrochage d’otolithes utriculaires tombant dans le canal postérieur resté fonctionnel et induisant un VPPB classique.

Le nystagmus prend alors secondairement une composante verticale inférieure. L’explication repose sur une sortie brutale du potassium endolymphatique dépassant son but (undershooting) et inversant les polarités. Les manœuvres thérapeutiques sont autant efficaces que dans les autres formes.

Conversions (vidéo 7-3 ) On désigne sous ce nom la survenue, lors d’une manœuvre thérapeutique pour VPPB du canal postérieur, du passage de la lithiase du canal postérieur au canal horizontal (fig. 7-5). Au cours d’une manœuvre thérapeutique, cette conversion d’un VPPB du canal postérieur en VPPB du canal horizontal surviendrait dans 4 à 6  % des cas. Ce phénomène adviendrait plus souvent après une manœuvre d’Epley que de Sémont. Cette conversion se manifeste par la présence d’un nystagmus horizontal géotropique dans la manœuvre de roulis en décubitus témoignant du passage de la lithiase dans le canal horizontal. Le traitement est facilité par le fait que l’on connaît le côté atteint avec certitude. On est souvent surpris du bon

Nystagmus secondaires (vidéo 7-2 ) Dans les VPPB, la violence des nystagmus provoqués par les manœuvres déclenchantes est souvent surprenante. L’amplitude et la vitesse des nystagmus sont telles que le nystagmus peut changer de sens et s’inverser sans que le patient ait changé la position de sa tête. Dans le cas du canal horizontal, le renversement secondaire du nystagmus horizontal géotropique en nystagmus horizontal antigéotropique désigne le côté atteint car il ne survient jamais du côté sain. Dans le cas du canal postérieur, seule la composante verticale s’inverse.

Fig. 7-5. Conversion d’une canalolithiase du canal postérieur droit en canalolithiase du canal horizontal. Trajet de la lithiase au cours de la manœuvre d’Epley ou de Sémont et chute dans le canal horizontal en a.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

résultat obtenu même en cas d’échec apparent de la manœuvre de Baloh Lempert effectuée immédiatement après. Tout se passe comme si le canal horizontal rejetait la lithiase pendant le sommeil, la nuit suivante.

Chapitre 7. VPPB rares ou difficiles 43

Vidéo 7-2. VPPBho nystagmus secondaire.

Vidéo 7-3. VPPBpo conversion.

`` Compléments en ligne Vidéo 7-1. VPPBa gauche.

Chapitre 8 Rôle du vestibule dans l’équilibration L’équilibration concerne la station érigée, la marche, le redressement et le maintien de l’équilibre dans toutes sortes de positions. Elle est sous le contrôle de trois processus sensoriels et sensitifs  : la vision, la proprioception et le vestibule. Dans cette concurrence, l’appareil vestibulaire peut être considéré comme un appareil proprioceptif spécialisé dans la détection de la position et des mouvements de la tête. Il y a deux manières d’approcher le sujet. Une approche par les réflexes et une approche par les stratégies.

Approche par les réflexes C’est la plus ancienne (Magnus 1924). L’équilibration serait le résultat d’une chaîne de réflexes réafférents. C’est-à-dire que chaque réflexe est initié par le précédent. La preuve de ce phénomène était apportée par le fait que ces réflexes persistent chez l’animal décérébré (section au milieu du mésencéphale). Ces réflexes sont dits stabilisateurs car ils ont en commun de générer des mouvements inverses des mouvements qui les ont déclenchés. Ils sont de deux types : • le réflexe myotatique qui est déclenché par l’étirement musculaire ; • le réflexe vestibulospinal qui est généré par l’oreille interne.

Réflexe myotatique C’est une contraction musculaire déclenchée par l’étirement du muscle. Il ajuste ainsi son tonus Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

pour maintenir une posture. C’est un réflexe local dont l’entrée proprioceptive est dans le fuseau neuromusculaire, passe par les racines sensitives postérieures de la moelle spinale et retourne aux unités motrices musculaires. Le fuseau neuromusculaire est un organe sensoriel microscopique des muscles squelettiques. Il est constitué de fibres musculaires modifiées qui captent l’état de tension musculaire transmise par les fibres (Ia) à la moelle spinale par la racine postérieure qui s’articulent ensuite avec les neurones moteurs de gros diamètre a (fig. 8-1). Le fuseau neuromusculaire possède aussi une innervation fusimotrice gamma. Ce sont des fibres nerveuses très fines qui ne déclenchent aucune contraction musculaire quand on les stimule mais qui modifient la sensibilité du fuseau. La boucle gamma module la réponse du fuseau sous l’influence des centres nerveux supraspinaux (situés au-dessus de la moelle épinière) et de l’appareil vestibulaire (fig. 8-2). Schématiquement, ce contrôle par la boucle gamma, concerne le réglage du tonus des muscles antigravitaires par deux actions contraires  : facilitatrice et inhibitrice. • Les centres facilitateurs sont le noyau vestibulaire et la substance réticulée du tronc cérébral rostral. Ces deux structures agissent de concert puisqu’il y a des entrées vestibulaires au niveau de la réticulée. Si l’on détruit un noyau vestibulaire, on prive le contrôle myotatique des entrées labyrinthiques vestibulaires d’un côté. La conséquence est une hypotonie de la musculature antigravitaire du même côté (ipsilatérale). Cette hypotonie explique la plupart des signes cliniques rencontrés dans le syndrome

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Fig. 8-1. Réflexe myotatique du quadriceps du chat décérébré. Dispositif expérimental. On exerce une traction τ sur le muscle ayant conservé son innervation (fibres Ia) sensitive (s) issue du fuseau et motrice (m). La tension résultante (T) est mesurée par jauge A.

D’après Buser P., Imbert M., Neurophysiologie fonctionnelle. Paris : Hermann, 1975.

de déafférentation vestibulaire unilatérale aiguë, dont la névrite vestibulaire (cf. chapitre 9). • Les centres inhibiteurs sont : le cortex frontal, les noyaux gris centraux, la réticulée caudale et surtout le cervelet. Inhibition-facilitation est le jeu complexe par lequel se règle l’équilibration. L’ablation du cervelet chez l’animal (décérébellation) entraîne une rigidité de tous les muscles extenseurs appelée opisthotonos par perte de cette inhibition. Contrôle cérébelleux des noyaux vestibulaires La rigidité de décérébellation cède si on coupe les deux nerfs vestibulaires ou si on pratique une labyrinthectomie bilatérale. C’est la preuve que le système vestibulaire produit une activité tonique permanente inhibée par le cervelet. Mais cette inhibition est sélective. Le cervelet pianote sur le noyau vestibulaire pour autoriser ou non tel ou tel capteur labyrinthique à se manifester en fonction des informations qui lui parviennent : informations de verticalité fournies par les macules otolithiques, informations articulaires et plantaires fournies par les capteurs de la sensibilité profonde et informations optocinétiques fournies

Fig. 8-2. Schéma de principe de la « boucle gamma ». L’axone du neurone fusimoteur gamma innerve la striation intrafusale du fuseau f. Son excitation n’entraîne aucune contraction musculaire. En revanche, sous l’effet d’actions supraspinales (SS), il module les terminaisons primaires (Ia) lesquelles excitent ou inhibent les neurones (a) de l’innervation extrafusales provoquant ainsi une contraction musculaire tonique adaptée. D’après Buser P., Imbert M., Neurophysiologie fonctionnelle. Paris : Hermann, 1975.

par la vision. Le cervelet ou petit cerveau est une sorte de « tour de contrôle ».

Réflexes vestibulospinaux Il y a deux modalités de connexion du vestibule aux cornes antérieures de la moelle (fig. 8-3). • Le faisceau vestibulospinal médian provient du noyau vestibulaire médian. Il est destiné à la moelle spinale cervicale. Il est à l’origine du réflexe vestibulocolique. • Le faisceau vestibulospinal latéral est destiné à la moelle spinale du tronc et des membres. Il



Chapitre 8. Rôle du vestibule dans l’équilibration

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torsion du cou vers la droite génère une rotation de la tête vers la droite avec en même temps une phase lente oculomotrice vers la gauche et un réflexe vestibulocolique vers la gauche.

Fig. 8-3. Schéma des arcs réflexes vestibulospinaux passant par les noyaux vestibulaires. S : noyau vestibulaire supérieur ; M : noyau vestibulaire médian ; L : noyau vestibulaire latéral ; D : noyau vestibulaire descendant. FVSL : faisceau vestibulospinal latéral ; FVSM : faisceau vestibulospinal médian ; CSC : canaux semi-circulaires ; MO : macule otolithique ; a : innervation musculaire extrafusale ; g : innervation fusomotrice gamma. D’après Dix MR, Hood JD. Vertigo. New Jersey : Wiley ; 1984.

est à l’origine des réflexes vestibulo-somatiques. Les neurones vestibulaires secondaires du faisceau vestibulospinal latéral proviennent ­ du noyau vestibulaire latéral organisé en trois régions  : sa partie supérieure pour la moelle cervicale et les membres supérieurs  ; sa partie inférieure pour la région lombosacrée et les membres inférieurs  ; ses neurones intermédiaires se connectent la moelle thoracique. Réflexe vestibulocolique C’est un réflexe vestibulospinal qui produit un mouvement stabilisateur du cou en sens inverse du mouvement de la tête. La rotation de la tête est captée par les canaux semi-circulaires et ceuxci déclenchent une contraction musculaire en sens inverse. Ce réflexe est du même ordre que le réflexe stabilisateur vestibulo-oculaire qui produit un mouvement de l’œil inverse du mouvement de la tête. D’ailleurs l’un ne va pas sans l’autre. Une

Réflexe vestibulo-oculo-cervical Ce n’est pas un hasard si le faisceau vestibulospinal médian destiné à la moelle spinale cervicale n’est autre que la continuation du faisceau longitudinal médian reliant le noyau vestibulaire aux noyaux oculomoteurs (FLM). Les entrées de leurs réflexes sont les canaux semi-­circulaires. Leurs faisceaux gèrent en même temps les réflexes  stabilisateurs des yeux et ceux du cou. Leurs connexions avec leurs effecteurs sont bilatérales et conjuguées. C’est la conséquence du développement phylogénétique cervical qui permet l’exploration visuelle panoramique terrestre indépendamment du corps. Coordination avec le réflexe vestibulocolique Ces deux réflexes ont pour fonction de stabiliser la tête pour éviter des oscillations parasites nuisibles à la stabilisation visuelle. Tantôt cette coordination est une synergie œil-tête-cou, tantôt c’est une dissociation. Ce sera la base des exercices de Tusa que nous verrons au chapitre  11. Dans les pathologies vestibulaires, les déséquilibres entre ces réflexes font aussi comprendre pourquoi ces patients se présentent avec des contractures musculaires cervicales et une telle rigidité de la tige cervicocéphalique jusqu’aux épaules. Mais ces douleurs apparaissent progressivement, contrairement aux douleurs cervicales des dissections de l’artère vertébrale qui surviennent d’emblée (cf. chapitre 19). Réflexes vestibulo-somatiques Différents des précédents, ils ont leur propre voie : le faisceau vestibulospinal latéral. Cette fois, les entrées sont surtout les macules otolithiques. Elles gèrent le tonus vestibulaire de chaque hémicorps séparément. Par exemple, en cas de chute vers la droite, le réflexe est d’augmenter le tonus des extenseurs des membres du côté droit et de réduire celui de ceux du côté gauche. Car les quatre macules otolithiques sont très perfectionnées. À la différence des canaux semi-circulaires,

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leur mécanisme de push pull ne se fait pas avec les macules otolithiques du côté opposé mais au sein d’une même macule. Les réflexes vestibulospinaux-somatiques fonctionnent exactement comme les muscles extraoculaires selon un mécanisme d’innervation réciproque formant quatre voies de push pulll entre les muscles extenseurs et fléchisseurs des membres (fig. 8-4). Réaction d’alerte précoce En cas de chute, le rôle de l’oreille interne serait d’initier la chaîne des réflexes réafférents squelettiques qui permettent de retrouver l’équilibre. Brandt donne l’exemple d’un patient qui présentait une fracture de l’étrier de l’oreille gauche (fig.  8-5). Il existait un phénomène de Tullio, c’est-à-dire qu’un son brutal dans l’oreille gauche déclenchait un déséquilibre brutal, une Fig. 8-5. Phénomène de Tullio. Son émis dans l’oreille gauche pathologique. Le patient est debout sur une plate-forme de posturographie. Le son a une fréquence de 480 HZ et une intensité de 95 dB. Après une latence de 22 ms apparaît : 1) une OTR (Ocular tilt reaction) comportant un strabisme vertical avec un œil ipsilatéral positionné au-dessus de l’œil controlatéral (hypertropie) et une inclinaison de la tête vers la droite ; 2) une déviation du corps en arrière et à droite mesurable en posturographie avec une latence de 80 ms (contraction du muscle gastrocnémien enregistré en électromyographie avec une latence de 52 ms et du muscle tibial antérieur avec une latence de 47 ms). D’après Brandt T. Vertigo, its multisensory syndromes. London : Springer-Verlag, 2000. p. 108.

Fig. 8-4. Innervation réciproque des muscles fléchisseurs et extenseurs des membres par le faisceau vestibulospinal latéral (FVSL) ipsi et controlatéral. Excitation mono- et polysynaptique = a MN (cellules claires = excitation ; cellules foncées = inhibition) ; Ia innervation fusomotrice : Ia IN = interneurone inhibiteur pour une inhibition réciproque.

D’après Shinoda et al. Long descending motor tract axons and their control of neck and and axial muscles. Prog Brain Res. 151 : 527-563 ; 2006. Modifié par Grillner et Hongo, 1972 avec la permission d’Elsevier.

inclinaison de la tête et du corps ainsi qu’une contre-rotation oculaire. Toutes ces réactions étaient dirigées vers la droite. L’enregistrement en posturographie montrait une latéralisation droite. Ces réflexes sont classiquement d’origine otolithique. Ils correspondent à des latences courtes du type connexion à trois neurones. Les otolithes sont donc les premiers réflexes à détecter le début d’une chute.

Approche par les stratégies Plus récente, la deuxième approche repose sur la notion de programmes internes stockés dans le cerveau. Ces programmes se sont développés



Chapitre 8. Rôle du vestibule dans l’équilibration

depuis l’enfance à partir d’afférences sensorielles redondantes : visuelles, proprioceptives et vestibulaires. Ces programmes aboutissent à des patrons d’activité musculaire qui sont utilisés dans deux circonstances : • dans des stratégies d’anticipation préparant le sujet à exécuter toutes sortes de comportements moteurs volontaires ; • dans des stratégies de stabilisation posturale, prêtes à toute modification inattendue de la surface d’appui.

Stratégies d’anticipation Si, par exemple, le patient écarte la jambe, la stratégie d’anticipation consiste à commencer par reporter son poids sur l’autre jambe, et ce n’est qu’ensuite que la jambe sera levée (fig. 8-6). Dans ce cas, on est sûr que c’est de la stratégie et pas un réflexe puisque ce report se produit avant le mouvement. En pathologie vestibulaire, on fait bien la différence entre réflexe et stratégie. Sur un trottoir, un patient ayant présenté une névrite vestibulaire unilatérale a tourné facilement la tête pour regarder

Fig. 8-6. Lever d’une jambe. Le sujet repose d’abord sur les deux pieds. On lui donne l’ordre de lever la jambe droite. Il fait d’abord glisser son centre de gravité sur la jambe gauche quelques millisecondes avant de lever la jambe droite.

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une vitrine. En revanche, quelqu’un l’a appelé dans son dos et, en se retournant vivement, il a présenté un brusque vertige avec déséquilibre. Dans le premier cas, il adoptait une stratégie qui le protégeait d’un conflit sensoriel. Dans le second cas, c’était un réflexe mal paramétré et le conflit sensoriel est survenu parce qu’il s’est retourné subitement sans réfléchir : c’était un réflexe.

Stratégies de stabilisation Si l’on place un sujet sur une plate-forme mobile qui effectue un glissement brutal vers l’arrière, on se trouve devant trois types de réactions : une stratégie de cheville, une stratégie de hanche et une stratégie de pas en avant (fig. 8-7). En posturographie, les résultats peuvent être transcrits en surfaces correspondant aux trois

Fig. 8-7. Stratégies en réponse à des mouvements inattendus sur une plate-forme. Impulsions en arrière : a. Stratégie de cheville. Le sujet incline son corps en avant mais le centre de gravité reste dans le polygone de sustentation. Ceci est utilisé pour un déséquilibre postural mineur. b. Stratégie de hanche. Cette fois, le déséquilibre est majeur. Le centre de gravité risque de sortir du polygone de sustentation. La réaction consiste reporter le centre de gravité vers l’arrière par une extension des chevilles et un fléchissement des hanches. c. Stratégie du pas en avant. C’est l’ultime réaction en cas  de chute imminente.

D’après Horak Effects of neurological disorders on postural movement strategies in the elderly. In Vellas B, Toupet M, Rubenstein L, Albarede JL, Christen Y, Eds Falls, balance and gait disorders in the elderly. Paris : Elsevier. 1992 ; 137-51.

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stratégies. Le patient atteint de pathologie vestibulaire privilégie la stratégie de cheville là où il devrait utiliser une stratégie de hanche (fig. 8-8).

Réflexes versus stratégies Air righting reflex Quand on met un chat sur le dos et qu’on le lâche en chute libre, il effectue un mouvement de retournement pour retomber sur ses pattes. Si on le filme au ralenti (fig. 8-9) : 1. il tourne d’abord sa tête de 90° pour aligner sa tête sur la verticale ; 2. il déclenche une rotation pour aligner son corps sur la tête, d’abord par une diminution de son « moment d’inertie » en repliant les pattes et en pliant sa colonne vertébrale et ensuite par une détente brutale en extension pour se mettre en position d’atterrissage. Les réflexes ne sont pas seuls en cause car le chat continue d’avoir ce comportement après labyrinthectomie bilatérale. Il faut en plus le priver de la vision pour qu’il tombe comme une pierre.

Fig. 8-9. Enchaînement de réflexes réafférents dans l’air righting reflex. Magnus en 1924 avait fait de l’air righting reflex l’illustration clé de cette théorie. D’abord un réflexe d’origine otolithique pour aligner la tête sur la verticale ; puis un réflexe cervicocolique pour tourner le corps, et enfin une réaction d’extension des pattes encore d’origine otolithique pour l’atterrissage (drop reflex). Il s’appuyait aussi sur la persistance chez l’animal de réflexes déclenchés par la position de la tête dans l’espace après décérébration mais préservation de la fonction labyrinthique. Par exemple, la rétroflexion de la tête augmente le tonus statique dans les membres antérieurs. À l’inverse, en inclinant la tête en avant, on augmente le tonus dans les membres inférieurs.

Contrôle postural Il repose sur des stratégies et se sert de réflexes pour restaurer un équilibre stable ou produire un déséquilibre intentionnel contrôlé. Car la stratégie c’est pouvoir anticiper l’acte moteur. Elle doit aussi être capable de flexibilité pour s’adapter à de nombreuses variations de situation. Séquences de la marche Fig. 8-8. Mouvements inattendus sur une plate-forme. Surfaces comparées chez le sujet normal et chez le patient vestibulaire de la stratégie de cheville (ankle strategy), de hanche (hip strategy) et du pas en avant (stepping strategy). CG : centre de gravité.

D’après Horak Effects of neurological disorders on postural movement strategies in the elderly. In Vellas B, Toupet M, Rubenstein L, Albarede JL, Christen Y, Eds Falls, balance and gait disorders in the elderly. Paris : Elsevier. 1992 ; 137-51.

Le sujet part de la position debout. Il lève un pied en fléchissant la jambe (swing leg), imposant à l’autre jambe (stance leg) de supporter tout le poids du corps. La swing leg est alors lancée en avant faisant passer le centre de gravité devant la stance leg. Le résultat est que le corps se penche en avant jusqu’à ce que la swing leg touche le sol et devienne la stance leg tandis que la stance leg



Chapitre 8. Rôle du vestibule dans l’équilibration

précédente devient la swing leg. Le fait de marcher fait agir les deux jambes de façon rythmique en alternant leur fonction. En réalité, ce moyen de locomotion n’est qu’un déséquilibre contrôlé qui propulse le corps en avant. Certes, chez l’animal décérébré, il peut y avoir une marche spinale avec une alternance rythmique de l’activité des fléchisseurs et des extenseurs. Mais chez le sujet normal, les performances dépendent de l’expérience de chaque individu et quand il est exposé itérativement au même défi postural, ses performances s’améliorent. Ces stratégies se déclenchent automatiquement avec une latence de 100 ms, ce qui est bien plus long qu’une latence réflexe (10 à 50 ms) mais plus court que les latences volontaires (200 ms ou plus). Poids des entrées sensorielles La fiabilité des stratégies repose sur la redondance des entrées sensorielles. Le poids de chacune d’entre elles dépend du type de défi postural. Les mécanismes doivent être hautement adaptables et efficaces en toutes circonstances : station debout tranquille, marche, course, montée des escaliers, saut, chute libre. Dans certains cas, l’entrée vestibulaire est inhibée. Par exemple, lors de la course. Ceci explique que certains sujets vestibulaires sont gênés pour dans la marche normale mais retrouvent leurs capacités dans le jogging. L’inhibition cérébelleuse en inhibant les labyrinthes symétrise l’appareil vestibulaire défaillant.

Évaluation des entrées sensorielles Notion de conflit sensoriel (exemple) « Un sujet tombe en descendant d’un trottoir ». Normalement, descendre d’un trottoir donne lieu à une information visuelle de profondeur du caniveau. Le vestibule contrôle la trajectoire oblique. La proprioception plantaire, des orteils et de la cheville ressentent la force d’amortissement du pied qui reçoit tout le poids du corps. Ces trois entrées doivent donner une représentation conforme à celle prévue par le programme

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interne en même temps que se déroule le patron d’activités musculaires parfaitement paramétrées. Le sujet était myope et portait de nouvelles lunettes plus fortes. La hauteur du trottoir a donc été sous-estimée. La trajectoire du corps s’est prolongée de façon inattendue et le pied était mal placé pour se recevoir, d’où la chute. C’est un conflit sensoriel classique. Le vestibule et la proprioception n’y étaient pour rien.

Évaluation par posturographie computérisée (Nashner) Le sujet se tient debout sur une plate-forme comportant des capteurs de pression et pilotée par ordinateur. La stabilité posturale dépend des entrées visuelles, des entrées de surface du support (entrées proprioceptives plantaire et de la cheville) et de l’entrée vestibulaire. Pour déterminer l’influence de chacune de ces entrées sensorielles, l’information fournie par chacun de ces canaux doit être neutralisée (fig. 8-10). L’entrée de cheville peut être éliminée par une procédure appelée sway referencing qui consiste à produire des inclinaisons de la plate-forme correspondant exactement aux oscillations posturales. L’entrée visuelle peut être éliminée en bandant les yeux du patient ou encore par une procédure du type sway referencing maintenant fixe l’environnement visuel par rapport à la tête malgré ses oscillations posturales. En revanche, il n’y a pas de moyen facile pour éliminer l’entrée vestibulaire, sauf si on teste des sujets présentant un déficit vestibulaire bilatéral connu. On constate, au fur et à mesure que les entrées sont supprimées, que la stabilité posturale se dégrade. Toutefois, les sujets normaux la conservent, y compris lorsque les informations proprioceptive et visuelle sont réduites au minimum. Aussi longtemps que les informations de surface du support sont maintenues, on ne peut distinguer les sujets normaux des sujets présentant un déficit vestibulaire bilatéral. Quand l’entrée de cheville est éliminée, les sujets avec déficit vestibulaire bilatéral commencent à perdre leur équilibre. Enfin, en perturbant aussi les entrées visuelles, le déséquilibre est augmenté et ce d’autant plus que le déficit vestibulaire est plus grand.

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Fig. 8-10. Évaluation des entrées sensorielles. Conditions a, b et c : l’entrée proprioceptive est conservée. Conditions d, e et f : l’entrée proprioceptive est supprimée. Dans les conditions c et f, l’entrée visuelle est supprimée sans bander les yeux. Dans les conditions e et f, le sujet ne tient que sur son entrée vestibulaire. Adapté d’après : Nashner LM, Jacobson GP, Newman CW, Kartush JM. Computerized dynamic posturography. In : Handbook of Balance Function Testing. St. Louis : eds. Mosby, 1996. Avec la permission d’Elsevier.

Application à la rééducation vestibulaire • Après une lésion vestibulaire, on ne sait pas si elle récupèrera. L’urgence est donc d’entreprendre la rééducation dès que les nausées ont disparu, c’est-à-dire après le deuxième ou troisième jour. • Le vestibule resté sain servira à reparamétrer les réflexes vestibulospinaux. Mais il faut prendre conscience qu’en faisant travailler le côté sain, on va remplacer les stimulations du côté atteint pas des inhibitions du côté sain (cf. chapitre  3). Or les inhibitions sont limitées par le niveau du tonus vestibulaire de repos tandis que les stimulations sont illimitées. En cas de non-récupération d’une fonction normale, le sujet gardera définitivement

un déficit des réflexes dans les mouvements rapides de la tête et donc des vertiges cinétiques. • La clé du reparamétrage des réflexes vestibulooculaires et des réflexes vestibulospinaux est le glissement rétinien. C’est un message d’erreur plus précis et plus efficace que le vertige. Ce reparamétrage est obtenu en effectuant un mouvement de tête, les yeux ouverts, dans un environnement visuel connu. Le principe est de fournir un feedback pour les entrées proprioceptives (réflexes cervicocolique) et une boucle ouverte pour les entrées vestibulaires (feedforward). • Mais le reparamétrage des réflexes n’est pas suffisant. Il faut travailler les anticipations. C’est la base de toutes les stratégies par substitution se reconstruisant à partir de la vision et de la proprioception.

Chapitre 9 Névrite vestibulaire La névrite vestibulaire se caractérise par l’apparition soudaine d’une asymétrie permanente entre les deux labyrinthes par déafférentation vestibulaire unilatérale aiguë. Le témoin de cette asymétrie est l’existence d’un syndrome vestibulaire comportant un nystagmus spontané. La prise en charge du patient par le thérapeute consiste à lui apprendre à se passer d’un labyrinthe vestibulaire. C’est le modèle de la rééducation vestibulaire basé sur le principe de la compensation centrale : utiliser les structures vestibulaires restantes (adaptation) et les structures sensorielles visuelles et proprioceptives (substitution) pour restaurer une fonction vestibulaire presque normale.

Rôle des virus La cause de la névrite vestibulaire est une atteinte virale. Dans 30 % des cas, elle est précédée d’une infection des voies aériennes supérieures. Ces névrites apparaissent d’ailleurs par petites épidémies saisonnières. Mais bien que l’on ait toutes les raisons de penser que c’est une atteinte virale, les sérodiagnostics pour les virus ne font que témoigner d’infections virales anciennes. Pour expliquer ce paradoxe, il y a la théorie des virus dormants (fig. 9-1).

Stade aigu d’une névrite vestibulaire La maladie atteint des adultes entre 30 et 60 ans et rarement des enfants. La perte soudaine d’un labyrinthe vestibulaire périphérique se traduit par un syndrome vestibulaire comportant quatre signes cardinaux : Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. un vertige rotatoire sévère et prolongé amenant souvent à l’hospitalisation ; 2. des nausées et des vomissements inquiétants ; 3. un déséquilibre postural majeur ; 4. un nystagmus horizontal-rotatoire spontané battant vers le côté sain caractéristique de la maladie. En principe, il n’y a ni surdité ni céphalées associées aux vertiges. Ces signes sont liés à la perte du tonus vestibulaire de repos du côté atteint et à sa persistance du côté sain. Assis dans son lit, les bras tendus avec les index pointés en avant, le dos décollé de l’oreiller, les yeux fermés, le patient s’incline lentement vers le côté lésé (déviation segmentaire). Couché sur le dos, en l’absence de fixation oculaire, regardant le plafond, les yeux dévient lentement de façon conjuguée vers le côté lésé (phase lente du nystagmus). Ces déviations lentes vont toutes dans le même sens et ce syndrome est dit harmonieux. Il est typiquement d’origine périphérique (fig. 9-2).

Nystagmus spontané (vidéos 9-1 et 9-2 ) Dans la névrite vestibulaire, il se produit un nystagmus spontané alors que la tête du patient est immobile. Sa phase lente n’est que l’équivalent du signe de Romberg pour l’œil, témoin de l’asymétrie du tonus vestibulaire. C’est un nystagmus horizontal-rotatoire. Il est mieux observé lorsque l’on fait chausser au patient des lunettes éclairantes de Frenzel comportant des lentilles de 20  dioptries empêchant toute fixation (fig.  9-3). En effet, ce nystagmus est supprimé par la fixation et diminué dans la lumière tandis qu’il est très augmenté dans l’obscurité. Il sera donc encore mieux observé en vidéonystagmoscopie infrarouge. De

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Fig. 9-1. Étiologie de la névrite vestibulaire. Le nerf vestibulaire relie le labyrinthe vestibulaire périphérique aux noyaux vestibulaires situés dans le tronc cérébral (NV). À la suite d’une infection à virus herpès (Herpès simplex, virus varicelle-zona, cytomégalovirus, etc.), le virus reste dormant dans le ganglion du nerf vestibulaire ou ganglion de Scarpa (GS). À l’occasion d’un stress, d’une baisse ­d’immunité ou d’une autre infection virale des voies aériennes supérieures, il se réactive et occasionne une névrite. Le processus est analogue à celui des paralysies faciales à frigore (paralysie de Charles Bell) et de certaines surdités neurosensorielles brusques.

Fig. 9-2. Syndrome vestibulaire harmonieux droit. L’étoile indique le côté atteint (côté droit). a. Signe de Romberg vestibulaire (déviations posturales axiales) après un temps de latence, le sujet debout s’incline lentement vers le côté lésé. b. Nystagmus horizontal-rotatoire battant vers le côté sain. On désigne les nystagmus par leur phase rapide et pas par leur phase lente. Un syndrome vestibulaire harmonieux se caractérise donc par un nystagmus battant en sens inverse des déviations posturales lentes. c. Mécanisme du nystagmus horizontal-rotatoire ; tous les canaux semi-circulaires du côté droit sont détruits et il n’y a donc plus de tonus vestibulaire de ce côté. En revanche, du côté gauche resté sain, le tonus vestibulaire persistant génère des phases lentes vers le côté lésé, donc des phases rapides battant vers le côté sain. Les phases rapides caractéristiques des canaux semi-circulaires gauches s’additionnent (cf. fig. 4-9). C’est-à-dire pour le canal postérieur gauche : « un nystagmus horaire et vertical supérieur » + pour le canal antérieur gauche : « un nystagmus horaire et vertical inférieur » + pour le canal horizontal : « un nystagmus horizontal battant à gauche ». Les composantes verticales s’annulent et on obtient un nystagmus horizontal-rotatoire gauche horaire. À noter que patient voit tourner la pièce dans le sens de la phase rapide du nystagmus.



Chapitre 9. Névrite vestibulaire 55

Épreuves caloriques

Fig. 9-3. Lunettes de Frenzel.

plus, le nystagmus s’accélère si le patient tourne les yeux dans la direction de la phase rapide du nystagmus et décélère dans l’autre sens. C’est un nystagmus unidirectionnel qui ne change jamais de sens, quelle que soit la direction du regard ou la position du malade. Il est souvent augmenté lorsque le patient est couché sur l’oreille atteinte et diminué lorsque le patient est couché sur l’oreille saine (position de confort). C’est le nystagmus périphérique par excellence. L’enregistrement en vidéonystagmographie (VNG) n’est possible que pour les composantes linéaires du nystagmus. Dans la névrite vestibulaire, elle ne montre que les composantes horizontales (fig. 9-4).

Fig. 9-4. Enregistrement en vidéonystagmographie (VNG) du nystagmus spontané gauche d’une névrite vestibulaire droite. Le tracé en dents de scie a pour abscisses le temps en secondes et pour ordonnées l’amplitude en degrés d’arc. Les déplacements vers le haut correspondent à des mouvements de l’œil vers la droite et les déplacements vers le bas correspondent à des mouvements de l’œil vers la gauche. Ici, les phases lentes d’origine vestibulaire (PLH) se déplacent vers la droite à une vitesse de 17,8 par seconde (= tangente a). Mais le nystagmus est horizontal gauche car ses phases rapides (PRG) correspondent à des mouvements de l’œil vers la gauche. La VNG n’est pas capable d’enregistrer les composantes rotatoires (ou dites encore torsionnelles) du nystagmus horizontal-rotatoire.

Le marqueur diagnostique principal de la névrite vestibulaire est un déficit calorique du canal semicirculaire horizontal du côté atteint. La suspicion diagnostique est confirmée par la mise en évidence d’une hyporéflexie ou d’une une absence unilatérale de réponse à l’épreuve calorique bithermique. Le déficit calorique est situé du côté opposé à la phase rapide du nystagmus. Même si on ne pratique pas soi-même ces épreuves, elles sont intéressantes à connaître car elles permettent non seulement d’établir le diagnostic, mais aussi de suivre une éventuelle évolution vers la récupération de la fonction vestibulaire.

Épreuves caloriques normales Chez un patient assis, la tête rétrofléchie de 60° (pour verticaliser le canal horizontal), on irrigue successivement les conduits auditifs externes avec une eau à 44° (épreuve chaude) puis avec une eau à 30° (épreuve froide), soit quatre épreuves (fig. 9-5). Pour ce faire, on utilise un distributeur d’eau thermorégulé. Chaque épreuve déclenche un vertige et un nystagmus horizontal  : soit par inhibition (épreuve froide), soit par excitation (épreuve chaude). Dans l’excitation, le réchauffement diminue la densité de l’endolymphe et crée un courant de convection ascendant ampullipète excitateur. Dans l’inhibition, le refroidissement augmente la densité de l’endolymphe et crée un courant de convection descendant ampullifuge inhibiteur (cf. chapitre 4).

Épreuves caloriques au 3e jour d’une névrite vestibulaire droite Le patient présente un nystagmus spontané qui bat vers la gauche. Ce nystagmus spontané représente l’activité du côté gauche qui est resté sain. Aréflexie calorique droite Les canaux semi-circulaires horizontaux ne fonctionnent plus du côté droit. Les irrigations chaude et froide du côté droit sont donc incapables de modifier

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Fig. 9-5. Épreuve calorique normale. A. On obtient quatre nystagmus horizontaux qui durent chacun environ une minute. 1) OD chaud : nystagmus droit pour l’épreuve chaude dans l’oreille droite (excitation) ; 2) OD froid : nystagmus gauche pour l’épreuve froide dans l’oreille droite (inhibition) ; 3) OG froid : nystagmus droit pour l’épreuve froide dans l’oreille gauche (inhibition) ; 4) OG chaud : nystagmus gauche pour l’épreuve chaude dans l’oreille gauche (excitation). B. Le logiciel supprime les phases rapides et fait une cumulée des phases lentes pour chaque épreuve. Ainsi sont délimitées des surfaces correspondant à la réponse des épreuves chaude et froide pour chaque oreille. C. Les résultats à l’acmé de la réponse sont reportés sur le diagramme « dit papillon de Freyss ». La réflectivité pour chaque oreille est le résultat de la somme en valeur absolue des vitesses de phase lente de l’épreuve chaude et de l’épreuve froide exprimées en °/seconde. ND  =  ­nystagmus droits. NG  =  nystagmus gauches. Normalement, les ailes du papillon sont symétriques et les lignes joignant les résultats des épreuves chaudes et froides se croisent sur le milieu de la ligne « zéro nystagmus ».

le nystagmus spontané (fig. 9-6 et 9-7). En revanche, les irrigations du côté gauche sont efficaces mais les réponses sont décalées car le nystagmus spontané s’ajoute au nystagmus de l’épreuve chaude et se retranche du nystagmus de l’épreuve froide. Prépondérance directionnelle gauche Le nystagmus spontané gauche peut être si violent que l’épreuve calorique du côté sain est incapable de le renverser. Le cervelet tente par ailleurs

de diminuer l’asymétrie entre les deux côtés en diminuant la réflectivité du côté sain.

Évolution naturelle L’affection débute brutalement, par un grand vertige rotatoire, des oscillopsies (sensations que la scène visuelle bouge), des troubles de la fixation, un déséquilibre postural et des nausées. Les patients se sentent très mal, s’alitent et n’osent



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Fig. 9-6. Papillon de Freyss. Névrite vestibulaire droite au 2e jour. A. Tous les nystagmus battent vers la gauche. B. Les cumulées du côté droit sont réduites à deux lignes superposées correspondant au nystagmus spontané. Du côté gauche, la surface de réflectivité est diminuée et toute la surface représentant la réponse est du côté des nystagmus battant vers la gauche. C. Du côté droit, les épreuves chaude et froide sont incapables de modifier significativement le nystagmus spontané dont la vitesse de la phase lente reste inchangée à 15,4 et 18,9°/seconde. Du côté gauche, l’épreuve calorique chaude provoque un nystagmus gauche de 26,4°/seconde et l’épreuve calorique froide est incapable de renverser le nystagmus spontané qui reste gauche avec une vitesse de 6,3°/seconde vers la gauche. Le déficit calorique atteint 100 % et la prépondérance directionnelle absolue atteint 17,8°/seconde.

plus bouger. Ils évitent les mouvements de tête qui exagèrent les symptômes. Puis les symptômes régressent progressivement en 1 à 6 semaines, moins chez les enfants et plus chez les sujets âgés (fig.  9-8). Cette régression résulte soit d’une récupération de la fonction vestibulaire périphérique, attestée par le retour d’épreuves caloriques normales, soit d’une compensation centrale

associée à une substitution vestibulaire controlatérale, visuelle et somatosensorielle, car un mois après le début de la névrite vestibulaire, 70 à 90 % des patients n’ont toujours aucune réponse à l’irrigation calorique du côté atteint. Après 6 mois, ce chiffre est encore de 80  %. Deux ans après, seulement 40 à 70 % ont des réactions normales). Régression ne signifie donc pas guérison.

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Fig. 9-7. Névrite vestibulaire droite. Épreuves caloriques au 5e jour. Le nystagmus horizontal spontané enregistré bat vers la gauche. Les irrigations chaude et froide du côté droit ne le modifient pas. En revanche, du côté gauche, l’irrigation chaude l’augmente et l’irrigation froide l’inverse en nystagmus droit.

Évaluation du stade de la névrite vestibulaire Pour la faire, on peut se fonder sur la présence d’un nystagmus spontané, d’un nystagmus au head shaking et éventuellement du test de Halmagyi ou HIT (Head Impulse test). La possibilité d’utiliser des évaluations postgiratoires avec arrêts brusques au fauteuil de Sémont sera envisagée au chapitre 20).

Nystagmus spontané En principe, dans la névrite vestibulaire, il y a une corrélation entre le vertige et le nystagmus spontané. À partir du 4e ou 5e jour, le nystagmus spontané en fixation disparaît. Le nystagmus spontané persiste encore pendant 2 à 3 semaines sous lunettes de Frenzel et dans le regard latéral vers le côté sain. Schématiquement, la graduation du nystagmus spontané peut s’effectuer de la manière suivante (fig. 9-9), selon l’effet de la direction du regard :

• degré  I    =    nystagmus présent uniquement dans le regard dirigé dans le sens de la secousse rapide ; • degré II  =  nystagmus présent dans le regard dirigé dans le sens de la secousse rapide et dans le regard médian ; • degré III  =  nystagmus présent dans le regard dirigé dans le sens de la secousse rapide, dans le regard médian et dans le regard dirigé dans le sens opposé à la secousse rapide.

Head shaking (vidéo 9-3 ) Chez un patient assis, la manœuvre consiste à imprimer des rotations de la tête d’environ 15° dans le plan horizontal, d’un côté et de l’autre, à une fréquence de 1  Hz. Le test est positif quand, à l’arrêt, du secouage, on obtient un nystagmus durant quelques secondes battant du côté sain. Dans l’évolution d’une névrite vestibulaire, après disparition du nystagmus spontané, on peut



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encore constater ce nystagmus au head shaking. Sa disparition ultérieure témoigne de la récupération de la fonction vestibulaire. Parfois, en fin d’évolution, le nystagmus spontané et le nystagmus au head shaking s’inversent. Ce recovery nystagmus est le résultat d’une surcompensation centrale quand la lésion périphérique récupère.

Test d’Halmagyi ou HIT (Head Impulse Test) (vidéo 9-4 ) Le test impulsionnel céphalique consiste à révéler un déficit de la phase lente compensatrice lorsque l’on tourne passivement la tête à haute vitesse. Technique On empoigne la tête du patient assis en lui demandant de fixer et de ne pas perdre de vue une cible : soit son propre nez, soit en vidéonystagmoscopie une cible éloignée de 2  m. Puis on effectue des impulsions rotatives de la tête passive de petite amplitude à très haute vitesse (fig. 9-10).

Stades cliniques (avec rééducation vestibulaire)

Fig. 9-8. Névrite vestibulaire. Évolution des symptômes. Le début est brutal. Vertiges, déséquilibre postural et nausées restent sévères avec alitement pendant 2 à 4 jours. Puis le patient commence à se lever mais reste très déséquilibré pendant une semaine. Petit à petit, il reprend une marche normale mais avec des embardées et des vertiges positionnels. Plusieurs mois après, il reste souvent des sensations inopinées de déséquilibre provoquées par les rotations rapides de la tête (vertiges cinétiques). À long terme, seulement 50 % des patients voient disparaître complètement leurs symptômes subjectifs.

• Stade J1 à J3 : nausées, nystagmus spontané en fixation. • Stade J3 à J5 : plus de nausées spontanées, disparition du nystagmus spontané dans la fixation. Persistance d’un nystagmus de degré 2 dans la lumière sans fixation. Toujours nystagmus sous lunettes de Frenzel de degré III. • Stade J5 à J7 : la fixation supprime complètement le nystagmus. Dans la lumière, il persiste un nystagmus dans le regard latéral vers le côté sain (degré I) et un nystagmus spontané de degré II sous lunette de Frenzel. • Stade J7 à J21  : plus de vertiges. Faible nystagmus spontané de degré  I sous lunettes de Frenzel. Nystagmus au head shaking. • Stade J21 et plus  : plus de symptômes subjectifs sauf vertiges cinétiques uniquement aux mouvements rapides de la tête.

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Guide de rééducation vestibulaire Fig. 9-9. Degré des nystagmus. Ligne du haut : classification en degrés. Ligne du bas : exemple d’un patient au 7e jour d’une névrite vestibulaire droite. Le degré varie en fonction de la fixation oculaire, de la lumière sans fixation et de l’obscurité. Par exemple, un nystagmus présent à la fixation de degré I sera de degré II dans la lumière sans fixation et de degré III dans l’obscurité.

Fig. 9-10. Test impulsionnel céphalique. Résultat. C’est l’oreille vers laquelle se fait la rotation passive qui est étudiée car c’est elle qui génère la phase lente recentrant l’œil dans l’orbite. Chez le sujet normal (a), l’œil se recentre harmonieusement sur la cible. En cas de déficit du réflexe vestibulo-oculaire (b), il ne se recentre que par de petites saccades de rattrapage très reconnaissables en sens inverse du mouvement de tête. Elles traduisent la persistance d’un déficit du canal horizontal à haute vitesse. Il est constamment positif même en cas de bonne compensation, expliquant la persistance de vertiges cinétiques. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.



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Fig. 9-11. Névrite vestibulaire droite au 3e mois. Absence de récupération fonctionnelle vestibulaire. Persistance d’une prépondérance directionnelle. Les irrigations du côté droit ne provoquent aucun nystagmus. Du côté gauche, il est noté une amplitude anormale de la réponse à l’épreuve calorique chaude. Ce patient restait gêné dans les mouvements rapides de la tête et notamment dans certaines situations en conduisant sa voiture. La surface du côté gauche témoigne par son décalage vers les nystagmus gauches d’une mauvaise compensation centrale.

Statut calorique au 3e mois Au 3e  mois, il faut faire le point et savoir si la fonction vestibulaire a récupéré ou non. Les patients ne sont vraiment guéris que s’ils l’ont récupérée. Dans tous les autres cas, même si dans la vie courante, les conséquences sont minimes, il y a toujours un risque de décompensation à l’occasion d’une fatigue, d’une maladie intercurrente, du grand âge ou simplement de la prise de médicaments sédatifs (fig. 9-11).

Autres déafférentations vestibulaires unilatérales aiguës Le diagnostic de névrite vestibulaire est basé sur un syndrome vestibulaire purement clinique et une épreuve calorique démontrant un déficit de la fonction du canal semi-circulaire horizontal. Ainsi, le terme de névrite vestibulaire ne décrit pas une entité vraiment bien définie, mais plutôt un syndrome qui pourrait aussi bien comprendre

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toutes les causes de déficits vestibulaires aigus périphériques : au niveau labyrinthique, au niveau du nerf vestibulaire, ou encore au niveau de la racine d’entrée du nerf vestibulaire dans le tronc cérébral ponto-médullaire. Par conséquent, devant un tel syndrome, il est indispensable qu’un bilan ORL recherche toutes les autres causes de déafférentations vestibulaires aiguës avant de rester sur le diagnostic de névrite vestibulaire lorsque l’on n’a rien trouvé d’autre. Trois situations cliniques particulières sont à mettre en exergue.

Syndrome de Lindsay et Hemenway Le tableau clinique débute comme une névrite vestibulaire, mais l’évolution se fait vers un VPPB du canal postérieur du même côté (cf. chapitre 7).

Atteinte brutale globale unilatérale de l’oreille interne Une surdité neurosensorielle s’ajoute au tableau clinique de la névrite vestibulaire. C’est donc une destruction complète de l’oreille interne. La cause peut être vasculaire par thrombose de l’artère labyrinthique vascularisant tout le labyrinthe dans le cadre d’un infarctus du territoire de l’artère cérébelleuse antéro-inférieure. Ce peut aussi être aussi une multinévrite, par exemple dans le cadre du zona auriculaire avec éruption dans le conduit auditif externe et paralysie faciale associée. Quel que soit le type de surdité associée, il faut aussi vérifier qu’une otoscopie sous microscope a bien été faite à la recherche d’une otite chronique. En cas de surdité unilatérale progressive, vérifier aussi qu’un bilan audiométrique a bien été réalisé avec éventuellement une étude des potentiels évoqués auditifs à la recherche d’un neurinome de l’acoustique (cf. chapitre 19).

Hyporéflexie calorique minime et nystagmus horizontal pur s’inversant dans le regard latéral Ce nystagmus n’est pas unidirectionnel et peut traduire une lésion centrale. Par exemple, un petit infarctus bulbaire latéral ou une plaque de sclérose en plaques situés juste au niveau de la zone d’entrée du nerf vestibulaire dans le tronc cérébral peuvent mimer une névrite vestibulaire. Il faut donc vérifier qu’un examen oculomoteur et neurologique a bien été réalisé avant de prendre en charge ces patients. Tout signe neurologique découvert remettrait le diagnostic en cause (cf. chapitre 19).

Prise en charge Le propos n’est pas ici de discuter du traitement médical  : antivertigineux, antiémétiques, corticoïdes et antiviraux. Il faut quand même savoir que l’on manque d’études cliniques en double aveugle contre placebo pour juger de leur efficacité. La seule certitude est que l’on ne peut plus traiter comme jadis  : laisser le patient alité dans le noir et gavé de sédatifs. Il persistait alors d’importantes séquelles. En France, c’est Michel Lacour qui a démontré qu’immédiatement après un tel évènement existait une période privilégiée pendant laquelle, si on forçait le patient à se lever, à bouger dans un environnement visuel normal, non seulement la compensation centrale se faisait plus vite, mais elle se faisait avec beaucoup moins de séquelles. Au contraire, la restriction d’activité et la prescription de sédatifs au-delà de la 48e heure retardent la compensation et augmentent le risque de séquelles (fig. 9-12). Une étude chez l’homme, parmi beaucoup d’autres, confirme le bénéfice apporté par les exercices vestibulaires dans les névrites vestibulaires (fig.  9-13). Cette étude avec mesure des oscillations posturales en posturographie donne des résultats équivalents à ceux de l’étude de M. Lacour chez le singe.



Chapitre 9. Névrite vestibulaire 63

Fig. 9-12. Influence de la restriction d’activité sur la compensation vestibulaire centrale. Deux lots de singes ont subi une section d’un nerf vestibulaire (neurotomie vestibulaire unilatérale). Le premier lot de singes (en pointillé : animaux libres) est laissé libre de se déplacer dans sa cage. Le deuxième lot est laissé dans l’obscurité et est plâtré des pieds à la tête pendant 7 jours après l’intervention (en traits pleins : animaux bloqués). En ordonnées, les stades d’amélioration sont reportés sur une échelle à 4 échelons. En abscisses, on trouve la durée postopératoire en jours. La différence d’évolution entre les deux groupes est frappante. Lorsque les singes sont laissés libres de leurs mouvements, ils compensent complètement en 21 jours sans séquelles. L’autre groupe n’atteint le stade 2 qu’au 14e jour et au 30e jour ils n’en sont toujours qu’au stade 3. Source : Lacour M, Roll JR, Apaix M. Modifications and spinal reflexes in the alert baboon (Papio papio) following unilareral vestibular neurotoly. Brain Research. 1976 ;113 :255-269.

Fig. 9-13. Efficacité des exercices vestibulaires sur les oscillations posturales des patients atteints de névrite vestibulaire aiguë. Les patients sont debout, les yeux fermés sur une plate-forme de posturographie recouverte de mousse. La longueur totale du statokinésigramme (LTS) représente le chemin parcouru par le centre de pression pendant 20 secondes. Elle est mesurée en mètre/minute : moyenne ± déviation standard. Le temps est mesuré en jours après le début des symptômes : 19 patients ont pratiqué des exercices vestibulaires et 20 constituaient le groupe contrôle. Les exercices vestibulaires améliorent la compensation centrale vestibulospinale. Au 30e jour, il y avait une différence significative entre les deux groupes. La ligne pointillée indique le résultat chez les sujets normaux. D’après Strupp M, Arbusow V, Maag KP, Gall C, Brandt T. Vestibular exercises improve central vestibulospinal compensation after vestibular neuritis. Neurology. 1998 ;51 :838-844.

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Guide de rééducation vestibulaire

`` Compléments en ligne

Vidéo 9-3. Névrite gauche 10e jour.

Vidéo 9-1. Nystagmus spontané périphérique.

Vidéo 9-4. HIT normal et pathologique.

Vidéo 9-2. Névrite vestibulaire gauche.

Chapitre 10 Rééducation par « adaptation-substitution » pour déafférentation vestibulaire aiguë stable Ce sont habituellement les kinésithérapeutes hospitaliers qui prennent en charge ces patients adressés aux services d’urgence pour vertige aigu avec nausées et déséquilibre. Un examen ORL et un examen cochléovestibulaire sont pratiqués. Dans la plupart des cas, ce sont des névrites vestibulaires (cf. chapitre  9). La rééducation vestibulaire peut commencer. Après une hospitalisation de 4 à 7 jours, le patient est adressé au kinésithérapeute libéral pour la suite de la rééducation. La rééducation par «  adaptation-substitution  » ne s’adresse pas qu’à la névrite vestibulaire. Elle s’adresse aussi aux autres «  déafférentations vestibulaires unilatérales aiguës stables » : fractures du rocher ayant détruit l’oreille interne, thromboses de l’artère labyrinthique ou encore chirurgies détruisant la fonction vestibulaire comme la neurotomie vestibulaire (indiquée dans la maladie de Menière) ou toute autre chirurgie ayant abouti à la destruction du labyrinthe vestibulaire volontairement ou accidentellement. Quand la lésion vestibulaire est irréversible, le syndrome vestibulaire régresse grâce à un processus nommé «  compensation vestibulaire  ». C’est un processus palliatif différent du processus de récupération. En ce qui concerne la névrite vestibulaire, on ne peut pas savoir à l’avance si l’amélioration obtenue sera le résultat d’une bonne compensation ou d’une récupération de la fonction vestibulaire. Les névrites vestibulaires sont comme les paralysies faciales à frigore de Charles Bell  : beaucoup Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

r­égressent complètement et spontanément mais de nombreux patients gardent aussi des séquelles. Pour la névrite vestibulaire, c’est la même chose. Comme les résultats de la rééducation vestibulaire sont d’autant meilleurs qu’elle a été plus précoce, on n’attend pas le stade des séquelles pour la commencer. Dès le début, on se bat sur les deux tableaux.

Principe de la rééducation par « adaptation-substitution » Après une lésion vestibulaire unilatérale, il existe une compensation vestibulaire centrale spontanée comportant un remodelage fonctionnel et un remodelage ultrastuctural (régénérescence nerveuse) constituant la neuroplasticité. La rééducation vestibulaire par adaptation-substitution vise l’optimisation de cette compensation vestibulaire spontanée. Cette rééducation consiste à créer de nouveaux processus fonctionnels par la pratique d’exercices vestibulaires actifs. C’est un apprentissage positif qui requiert la participation motivée du patient. Le système nerveux central apprend en agissant. Les structures mises en jeu sont les structures vestibulaires restantes du côté lésé et le vestibule controlatéral resté sain. Des réafférences synaptiques associées aux mouvements se connectent aux structures centrales grâce aux signaux d’erreurs émis par la rétine et la somesthésie générale y compris la proprioception.

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Cette définition diffère de celle des physiologistes pour lesquels l’adaptation vestibulaire est seulement un ajustement sensoriel physiologique à un changement d’environnement. Par exemple, elle se traduit par une modification du gain du réflexe vestibulo-oculaire lorsque pour la première fois, on fait chausser au patient des lunettes avec des verres divergents ou convergents. Le patient doit s’adapter à son nouvel environnement visuel. Cela peut mettre une semaine, voire plus. Lorsqu’il est adapté et qu’il chausse à nouveau ses lunettes le matin, l’adaptation est instantanée. Plus surprenant, si ces lunettes sont des prismes inversant la droite et la gauche, le gain peut même devenir négatif et le patient s’adapter complètement inversant son réflexe vestibulooculaire en un mois. Le contraire de l’adaptation vestibulaire, c’est l’habituation vestibulaire qui a pour résultat le déclin puis la disparition de la réponse vestibulaire physiologique ou pathologique (cf. chapitre 15). Cette disparition résulte de la répétition d’une stimulation identique toujours la même. Les danseurs classiques et les patineurs artistiques ont une diminution de la réflectivité labyrinthique. C’est plus compliqué pour les pilotes de chasse chez lesquels on trouve un mélange d’habituation et d’adaptation car il s’agit d’accélérations non physiologiques [1].

Compensation centrale après neurotomie vestibulaire pour maladie de Menière Dans la maladie de Menière, la neurotomie vestibulaire consiste à sectionner le nerf vestibulaire dans la fosse postérieure cérébrale par un mini abord rétromastoïdien. Toutes les précautions sont prises pour que les deux extrémités du nerf ne puissent pas se rabouter. La suppression définitive de la fonction vestibulaire est donc certaine. C’est un excellent modèle pour étudier la compensation centrale chez l’homme. Après la neurotomie vestibulaire, il apparaît un triple syndrome déficitaire : un syndrome percep-

tif, un syndrome oculomoteur et un syndrome ­postural. Chacun de ces syndromes peut être divisé en deux parties : • signes cliniques en rapport avec le déficit statique  : c’est-à-dire que ce sont des signes apparaissant en l’absence de tout mouvement ou déplacement de la tête et du corps ; • signes cliniques en rapport avec le déficit dynamique : c’est-à-dire des signes observés lors des mouvements et des déplacements de la tête et du corps.

Syndrome perceptif La neurotomie vestibulaire unilatérale entraîne des troubles de la perception corticale de la position et des déplacements du corps. Déficit statique Il se traduit par une déviation de la verticale subjective et une illusion de rotation (vertige). Couché, lorsque le patient a les yeux fermés, il a l’impression de tourner autour de son axe longitudinal vers le côté opéré. Lorsqu’il a les yeux ouverts, il voit l’environnement visuel tourner vers le côté sain. Debout, il a une sensation d’inclinaison latérale du corps dans le plan frontal vers l’oreille opérée. Cette sensation correspond à une inclinaison de la verticale subjective (cf. chapitre 20). Déficit dynamique Il se traduit par une désorientation spatiale, un défaut de perception des accélérations giratoires avec des illusions d’inclinaison. Le patient sousestime les rotations du corps vers le côté opéré. Si on le place dans une centrifugeuse (sorte de manège tournant rapidement pour tester les astronautes) à vitesse uniforme, il perd la sensation d’inclinaison lorsque la force centrifuge est dirigée vers le côté opéré (illusion oculogravique en rapport avec le déficit otolithique). Compensation du syndrome perceptif Les symptômes du déficit statique ont leur intensité maximale dans les premières heures suivant



Chapitre 10. Rééducation par « adaptation-substitution » 67

Fig. 10-1. Évolution du test de la verticale subjective au fur et à mesure de la compensation.

Source : Lacour M, de Waele C. La compensation vestibulaire ou plasticité des fonctions vestibulaires in Troubles de l’équilibre et vertiges. Rapport de la Société française d’ORL. Paris : SFORL éditeur ; 2007. p. 123.

l­ ’intervention. Les vertiges disparaissent en 3  jours. En revanche, la verticale subjective met plus de temps à s’améliorer et ne revient jamais complètement à la normale, même après un an (fig.  10-1). Quant aux signes du déficit dynamique, ils mettent des mois à disparaître.

Syndrome oculomoteur La neurotomie vestibulaire unilatérale entraîne des déviations oculaires, des mouvements anormaux des yeux (nystagmus à ressort) et des troubles des réflexes vestibulo-oculaires. Déficit statique Il se traduit par un nystagmus spontané essentiellement horizontal dont la phase lente se dirige vers le côté opéré et la phase rapide bat vers le côté sain (cf. chapitre  4). La déviation de l’œil est en rapport avec le déficit otolithique et se fait dans le plan vertical sous la forme d’un strabisme vertical (skew deviation) et d’une cyclotorsion sur les deux yeux. Associés à l’inclinaison de la tête, ils forment la triade de l’ocular tilt reaction.

Déficit dynamique Il se traduit par une altération des réflexes vestibulo-oculaires avec instabilité visuelle lors ­ des mouvements de la tête (oscillopsies). Ces déficits sont mesurables en vidéonystagmographie sur un fauteuil giratoire motorisé. Dans les rotations vers le côté opéré, il existe une baisse du gain de la vitesse de la phase lente du nystagmus provoqué (le gain est le rapport entre la vitesse du déplacement de l’œil et la vitesse du déplacement du fauteuil). Compensation du syndrome oculomoteur Le nystagmus spontané disparaît en 3 jours quand on observe le patient dans la lumière sous lunette de Frenzel en l’absence de fixation. En vidéonystagmoscopie infrarouge dans l’obscurité, il peut persister entre 10 à 30 jours. À la fin, il n’est plus perçu que dans le regard tourné du côté sain (côté de la phase rapide). Quant à la diminution du gain aux épreuves dynamiques, il revient à la normale lentement mais complètement si la tête tourne vers le côté opéré à moins de 100°/seconde.

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En revanche, il ne se normalise jamais pour les mouvements de la tête à haute vitesse entre 100 et 400°/seconde.

Syndrome postural La neurotomie vestibulaire unilatérale entraîne des troubles de la position de la tête et du corps dans l’espace, des troubles de la locomotion et des troubles de l’orientation. Toutefois, le vestibule est en minorité dans le contrôle de la posture. Il entre en compétition avec la vision et surtout avec la somesthésie générale. La conséquence est que pour évaluer les déficits posturaux, il faudrait des outils sophistiqués malheureusement peu adaptés à une exploration fonctionnelle de routine (coût et temps). Déficit statique Il se traduit par une inclinaison de la tête et du corps vers le côté opéré en l’absence de vision. Avec la vision, l’inclinaison peut se faire vers le côté non opéré car le patient adopte une stratégie comportementale. En posturographie statique, ce déficit se traduit par une altération des paramètres du stabilogramme  : longueur, surface et spectre de fréquences (cf. chapitre 20). Déficit dynamique Il se traduit par des modifications de la vitesse, de la fréquence et de la longueur des pas comparable à celles observées chez la personne âgée et accentuées en l’absence de vision. Une semaine après la neurotomie, les patients présentent une démarche mal assurée avec des instabilités pouvant conduire à des pertes d’équilibre. Compensation du syndrome postural Les déficits statiques sont maximums dans la semaine suivant l’intervention. Ils s’atténuent ensuite pour donner une compensation subtotale. Toutefois, sur une plate-forme de posturographie recouverte de mousse atténuant l’entrée podale et les yeux fermés, les oscillations du corps restent supérieures à la normale 3  mois après la chirurgie.

Les signes de déficit dynamique culminent au cours de la première semaine et sont compensés un mois plus tard. La vitesse de déplacement revient à la normale en 1 à 3 mois postopératoires. Cette amélioration résulte d’un accroissement de la longueur du pas. On comprend comment ces modifications du comportement locomoteur ont des répercussions sur la représentation interne de l’espace exploré car le système vestibulaire contribue à l’estimation correcte des déplacements et donc à l’orientation spatiale.

En résumé Les déficits statiques sont compensés rapidement et complètement. En revanche, les déficits dynamiques sont plus longs à compenser et souvent incomplètement. La mesure de la verticale subjective est une bonne méthode pour suivre l’évolution de la compensation mais il existe des difficultés d’exécution (cf. chapitre  20). Les déficits statiques et dynamiques oculomoteurs sont les plus faciles à surveiller par des tests simples et objectifs. L’exploration du syndrome postural statique et dynamique ne peut se résoudre aux tests cliniques classiques tels que l’épreuve de Romberg et celle de Fukuda peu informatifs et sujets à de grandes variations individuelles.

Stades évolutifs d’une déafférentation vestibulaire unilatérale aiguë On peut les schématiser en considérant que le syndrome vestibulaire résulte d’une asymétrie de tonus vestibulaire entre les deux noyaux vestibulaires et que le retour de la symétrie atténue voire fait disparaître les symptômes. À l’état normal, une inclinaison de la tête provoque dans chaque oreille une modulation du tonus vestibulaire égale de chaque côté mais de signe opposé. Le vertige apparaît lorsque ces deux modulations sont inégales. Au stade aigu d’une lésion vestibulaire unilatérale, l’asymétrie du tonus est permanente et le vertige est présent, même en position érigée et en l’absence de tout mouvement de tête (fig. 10-2).



Chapitre 10. Rééducation par « adaptation-substitution » 69

Fig. 10-2. Après la lésion initiale du côté droit, le cervelet inhibe rapidement le côté gauche pour rétablir la symétrie et le confort du patient. Mais seul le système nerveux central est capable de compenser cette inégalité en réactivant le noyau vestibulaire du côté atteint grâce au vestibule sain ou grâce à des informations non vestibulaires. Ensuite, l’asymétrie vestibulaire ne se révèle que dans certaines circonstances physiologiques (certains mouvements ou certaines positions) ou certaines stimulations extraphysiologiques (vibrations osseuses, épreuves caloriques). Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

En résumé : dans l’aréflexie vestibulaire aiguë • Le noyau vestibulaire du côté atteint s’éteint brusquement. Au cours des 48  premières heures, le cervelet éteint le noyau vestibulaire controlatéral pour diminuer le contraste entre les deux noyaux vestibulaires. C’est la solution immédiate pour améliorer le confort du patient. • Les jours suivants, le noyau vestibulaire sain reprend son activité. Les vomissements disparaissent. Le vertige continue avec l’environnement visuel semblant tourner dans le sens de la phase rapide du nystagmus spontané. Cette perception

se produit en raison d’un glissement de l’image sur la rétine alors que la tête ne bouge pas. Or ce glissement dit rétinien est le déclencheur de la compensation vestibulaire. C’est un signal d’erreur pris en charge par le système optique accessoire qui parvient au flocculus cérébelleux réglant le gain du réflexe vestibulo-oculaire. Toute entrave à ce glissement sera une cause de retard à la compensation. • La vision assume sa propre stabilisation par trois mécanismes (cf.  annexe infra)  : les saccades oculaires remplacent les rotations de la tête  ; la poursuite oculaire stabilise l’image sur la rétine dans les rotations uniformes du corps, cou bloqué  ; le réflexe optocinétique devient prépondérant. Il faut toutefois concevoir que la vision seule ne peut stabiliser l’image que jusqu’à 1  Hz. Dans la vie quotidienne, les mouvements de tête atteignent 4  Hz et leur stabilisation ne peut être que du ressort des réflexes vestibulo-oculaires (dans la course à pied, les mouvements atteignent 10  Hz et dépassent les capacités du vestibule déclenchant une inhibition vestibulaire globale par le cervelet). • En cas d’évolution favorable, le nystagmus disparaît en quelques semaines. L’épreuve calorique montre une bonne compensation avec disparition de la prépondérance directionnelle vers le côté sain. Si l’aréflexie calorique ne régresse pas, il persiste des saccades oculaires correctrices détectées au HIT et pouvant éventuellement s’accompagner d’une gêne aux mouvements rapides de la tête.

Qu’attendre de la rééducation vestibulaire Dans les déficits vestibulaires unilatéraux périphériques, les exercices vestibulaires et la physiothérapie facilitent la compensation vestibulaire centrale et l’adaptation des réflexes vestibulooculaires et vestibulospinaux. Cette efficacité a été démontrée chez l’animal (cf. fig. 9-12) et chez l’homme (cf. fig. 9-13). Dans ces exercices, le rôle de l’entrée visuelle est fondamental. D’autre part, il y a une période privilégiée juste après l’accident

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responsable du déficit vestibulaire qui est cruciale pour obtenir une compensation optimale avec le minimum de séquelles. Passée cette période, il y a un risque important que la compensation soit retardée et incomplète. La compensation vestibulaire n’est pas le résultat d’un processus standard. Au contraire, c’est un processus multiple intéressant la perception des mouvements et le reparamétrage des réflexes vestibulo-oculaires et vestibulospinaux. Chacun de ces processus a un parcours encéphalique particulier et une chronologie différente. La rééducation vestibulaire est donc une thérapie par le mouvement (kinésithérapie) impliquant l’œil, la tête et le corps. Chaque fonction s’améliore à son rythme. L’une pouvant rester en retard par rapport à l’autre. La stabilisation posturale peut être en retard sur la stabilisation oculaire. La perception de la verticale peut être en retard sur la perception de rotation. C’est par son implication personnelle que le rééducateur conduit le monitorage de ces réapprentissages. Dans les déficits vestibulaires périphériques bilatéraux (cf. chapitre  17), la compensation reste possible par substitution visuelle et proprioceptive. Mais l’amélioration est lente et incomplète, laissant une instabilité permanente exagérée dans l’obscurité et des troubles visuels lors des mouvements rapides de la tête (oscillopsies). Dans les pathologies vestibulaires centrales du type infarctus latérobulbaire (syndrome de Wallenberg), les exercices physiques accélèrent la disparition des latéropulsions dès que le patient est capable de se mobiliser. Le manque d’exercices sensorimoteurs provoque une dégradation de l’équilibre y compris chez le sujet sain. Après un alitement prolongé, il apparaît une ataxie qui n’est pas d’origine musculaire puisqu’elle ne peut pas être prévenue par des exercices de mobilisation dans le lit. D’autre part, la pratique préopératoire d’exercices vestibulaires en vue d’une neurotomie vestibulaire pour Menière atténue le syndrome vestibulaire postopératoire. Ces faits prouvent qu’il y a un entraînement postural permanent durable au sens sportif du terme. Cet entraînement peut être utilisé pour mobiliser les circuits de l’adaptation et de la substitution sensorimotrice même si on ne connaît pas

tous les détails neurobiochimiques de la compensation centrale. Le résultat est un réarrangement sensorimoteur proportionnel au signal d’erreur qu’est l’instabilité. Plus cette instabilité est patente et plus «  l’entraînement vestibulaire  » est efficace. La stratégie de la rééducation de l’ataxie vestibulaire repose donc sur l’exposition du patient à des situations de déséquilibre du corps de plus en plus difficiles. Chaque degré de difficulté est franchi après une durée variable d’entraînement qui varie d’un individu à l’autre  : de quelques jours à quelques mois. On est souvent surpris de l’amélioration qui contraste avec la persistance de nystagmus dans l’obscurité ou au head shaking. Ceci démontre combien ces processus suivent des chemins différents.

Planification d’une rééducation vestibulaire Objectifs Ils sont : • d’améliorer la fonction d’équilibration du patient, sa mobilité, sa condition physique, et son niveau d’activité ; • de diminuer le risque de chute ; • de diminuer la désorientation spatiale.

Évaluation fonctionnelle et planification Il faut : • identifier les difficultés qu’éprouve le patient (cf. chapitre 20) ; • planifier les objectifs à atteindre ; • suivre et quantifier les progrès.

Exercices Ce sont des exercices consistant à provoquer un conflit sensoriel inconfortable entre le vestibule d’une part et la vision et la somesthésie générale d’autre part. Ces exercices reposent sur des mouvements combinés de l’œil, de la tête et du corps.



Chapitre 10. Rééducation par « adaptation-substitution » 71

Le désagrément entraîné par le conflit sensoriel est indispensable mais mesuré par étapes progressives en deçà du seuil d’intolérance du patient. Pour contrôler son équilibre, le patient doit réapprendre à détecter une menace de chute de deux façons : en stratégie d’anticipation et en stratégie de contrôle a posteriori. L’anticipation (feedforward) consiste en un ajustement du corps en fonction de la position à atteindre (cf. chapitre 8). Le contrôle a posteriori (feedback) consiste en un maintien inconscient d’une position au cours d’une tache nécessitant des mouvements déséquilibrant des membres. Des plates-formes du commerce peuvent être utilisées pour obtenir un feedback artificiel. Elles permettent au patient de visualiser et de maintenir son équilibre comme dans un jeu vidéo.

Tactique La rééducation commence généralement dans un lit d’hôpital. Le patient est en proie à une crise de vertige avec nausées et même vomissements qui dure depuis plus de 24 heures. Il est perfusé pour le réhydrater et injecter des sédatifs et des antiémétiques. Il est incapable de se lever et doit garder la tête immobile sous peine d’aggraver ses vertiges. Les deux premiers jours sont le moment privilégié d’un premier contact entre le patient et son rééducateur et des premières explications. Tout au plus fera-t-on quelques mouvements oculaires visant à lui faire retrouver la proprioception du globe oculaire en dépit de son nystagmus (cf. chapitre 21). Les jours suivants sont consacrés à la mise en position assise, puis en position érigée, puis à la marche et aux exercices. Comme dans une commode, ces exercices vestibulaires sont «  rangés » dans quatre tiroirs dans lesquels on va piocher au fur et à mesure de l’évolution du patient, adoptant une vitesse adaptée pour chaque tiroir. Ces tiroirs sont : • Des exercices de coordination œil-tête (chapitre 11) ; • Des exercices de maintien postural et d’équilibre (chapitre 12) ; • Des exercices giratoires (chapitre 13) ; • Des exercices de sensibilisation (chapitre 14).

Règles à respecter Il ne faut pas laisser le patient dans une situation confortable. On proposera des exercices toujours un peu plus difficiles que ceux réussis précédemment. Cela n’a aucun intérêt de lui faire travailler des choses qu’il parvient à faire seul. Il faut le mettre devant des exercices un peu trop durs pour lui. C’est le moyen de le faire progresser. Plus on travaille des choses difficiles, mieux on « reparamètre » et plus le quotidien sera facile. Dès la sortie du patient de l’hôpital ou de la clinique, on donnera des exercices à faire à la maison. Il faut lui expliquer que, dès qu’un exercice est acquis, il ne nous intéresse plus. En revanche, il doit continuer à le faire chez lui pour que le progrès obtenu devienne pérenne. Évitez toutefois de lui faire faire des exercices les yeux fermés, car si on souhaite qu’il travaille seul, il doit le faire sans risque. Le principe du travail de l’équilibre consiste à s’appuyer, dans un premier temps, sur les apports visuels et proprioceptifs, puis à les supprimer progressivement pour que le patient ne tienne plus que sur son vestibule. La dernière étape sera de les fausser, de perturber la vue et la proprioception pour que la priorité soit donnée au vestibule (chapitre 14).

Annexe : mouvements oculaires Schématiquement, ils sont de trois types.

Saccades d’attraction visuelle Elles sont déclenchées de façon réflexe lorsqu’une cible visuelle apparaît à la périphérie de la rétine. Cette saccade est un mouvement balistique de 200 à 400°/s préprogrammé. Le contrôle volontaire est minime. Au cours de la saccade, toute vision est supprimée. On peut étudier ces saccades avec un vidéoprojecteur qui projette sur un écran l’image d’un gros point lumineux apparaissant brutalement d’un côté et de l’autre. La phase rapide des nystagmus n’est rien d’autre qu’une saccade prenant son origine dans le tronc cérébral. La saccade n’est pas d’origine vestibulaire.

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Fig. 10-3. Stimulations optocinétiques. Elles induisent un nystagmus optocinétique analogue à celui qui serait produit si le patient tournait la tête à la même vitesse mais dans le sens opposé au défilement des bandes. Par exemple, si les bandes défilent vers la droite du malade, celui-ci présente un nystagmus qui bat à gauche (phases rapides). Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Poursuite oculaire lente C’est un mouvement de l’œil provoqué par la poursuite d’une cible visuelle animée d’un mouvement lent et se déplaçant de manière continue. C’est un mouvement automatique et impossible à reproduire volontairement en l’absence de cible. L’œil se colle à la cible et le mouvement se poursuit dans le cadre d’une boucle de rétroaction à point de départ visuel perpétuellement entretenu à moins que la cible ne soit perdue de vue. La poursuite est étudiée à l’aide d’une barre de diodes produisant le déplacement horizontal d’un point lumineux alternativement vers la gauche et la droite selon une vitesse variant de façon sinusoïdale. On étudie le gain, c’est-à-dire le rapport entre la vitesse de déplacement de l’œil et la vitesse de déplacement de la cible. Ce gain est contrôlé par le cervelet.

Nystagmus optocinétique Le réflexe optocinétique naît de la rétine et passe par les voies optiques accessoires. Il déclenche un nystagmus dit optocinétique. On peut observer ce nystagmus dans un train qui roule, en regardant l’œil d’un voyageur immobile assis au bord de la fenêtre dont le regard dans le vague voit défiler le paysage. L’œil fait automatiquement

un mouvement lent qui suit le défilement du paysage d’un bord de la fenêtre à l’autre, suivi d’un mouvement de rappel rapide qui le ramène au bord de la fenêtre opposée pour une nouvelle phase lente. Le nystagmus optocinétique est donc un nystagmus à ressort ressemblant au nystagmus d’origine vestibulaire. On le dit son «  complice  » car toute rotation de la tête les yeux ouverts dans la lumière  s’accompagne d’un nystagmus optocinétique par défilement de la scène visuelle. Ces deux nystagmus sont complémentaires, l’optocinétique prenant aussi le relais du vestibulaire lorsque l’accélération a disparu et que le mouvement est devenu uniforme. Des stimulations optocinétiques sont utilisées en rééducation pour faciliter la compensation et pour désensibiliser les patients souffrant du mal de mer. Pour explorer le réflexe optocinétique, on place le sujet avec le regard dans le vague et on le soumet à un défilement horizontal de stries d’un côté et de l’autre (fig. 10-3). Le patient suit ces mouvements avec un œil tandis que la caméra enregistre les mouvements de l’autre œil. Référence bibliographique [1] Lee MY, Kim MS, Park BR. Adaptation of the horizontal vestibuloocular reflex in pilots. Laryngoscope 2004;114:897–902.

Chapitre 11 1er tiroir : exercices de coordination œil-tête Le contenu de ce tiroir sert à reparamétrer les réflexes vestibulo-oculaire, vestibulocolique et cervicocolique dans une coordination œiltête-cou (cf. chapitre  8). Le feedback (contrôle a posteriori en boucle fermée) est obtenu par la fixation visuelle de cibles fixes en tournant la tête de droite à gauche et de haut en bas (cibles exocentrées tenues par le rééducateur et cibles égocentrées tenues par le patient). Le feedforward (anticipation en boucle ouverte) est obtenu par des cibles d’attraction visuelle apparaissant à la périphérie de la rétine (cf. annexe chapitre 10). L’intérêt de ces exercices de coordination œiltête-cou est qu’ils peuvent être faits assis au bord du lit puis en position érigée avec gestion du centre de gravité par des anticipations adéquates. En général, c’est par eux que l’on commence dès que le patient peut se mettre en position assise au bord du lit. Puis le travail est continué en position érigée. Au début, le patient est « monobloc ». Si son cou est raide, c’est parce que chaque mouvement de la tête provoque une augmentation des vertiges et parce qu’il existe une hypertonie musculaire cervicale inhérente à la pathologie vestibulaire. Le premier rôle du rééducateur est donc de le faire sortir de ce schéma et de le forcer à bouger la tête par rapport aux épaules.

Exercices de Tusa avec cibles exocentrées (vidéo 11-1 ) Tusa [1] a décrit deux exercices (fig. 11-1). Dans le premier, le kinésithérapeute tient une cible Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

stable et le patient doit la fixer tout en tournant la tête d’un côté et de l’autre. Ceci constitue une « synergie œil-tête-cou ». Dans le deuxième exercice, le kinésithérapeute déplace la cible alternativement de droite à gauche et le patient fixe la cible tout en tournant la tête dans la direction opposée au déplacement de la cible. Ceci constitue une «  dissociation œil-tête-cou  ». La base de cet exercice est de reparamétrer les réflexes vestibulocoliques mais aussi de les faire travailler avec le réflexe proprioceptif cervicocolique soit en synergie, soit en opposition. Les exercices de Tusa sont également utiles chez les personnes âgées (souvent enfermées dans un schéma corporel figé) ou pour un premier lever chez un patient alité depuis longtemps, chez qui les vestibules ont été au repos du fait de son immobilisation.

Exercices de fixation de cibles égocentrées (vidéo 11-2 ) Ce sont des exercices que le patient peut faire seul au lit et dès les premiers levers. Ici, le reparamétrage est en relation directe avec le schéma corporel. Le patient tient lui-même la cible qu’il fixe. On peut faire ces exercices d’abord en position allongée (fig. 11-2). Ensuite, il faut continuer les exercices en position assise et en position érigée (fig.  11-3). D’abord en tenant un stylo à deux mains. Puis en tenant deux stylos à bout de bras (fig. 11-4) et en associant de grands mouvements du corps en rotation et en flexion extension. Les postures alors prises avec la rotation du corps font

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Fig. 11-1. Exercices de Tusa. Exercice A : Demander au patient de fixer la cible stable tenue par le rééducateur et de tourner la tête d’un côté et de l’autre sans perdre la cible de vue. L’exercice B est plus difficile et ne sera sans doute demandé que plus tard. Après avoir fait une démonstration sur un accompagnant présent dans le cabinet : la cible est mobilisée à droite et à gauche et le patient doit continuer à la fixer tout en tournant la tête en direction du côté opposé. C’est un travail de dissociation œil-tête. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Fig. 11-2. Premiers exercices à faire en position couchée. 1) Bouger les yeux à gauche et à droite, en haut et en bas en restant 20 secondes dans chacune de ces positions excentrées. 2) Puis, bras tendu, fixer l’index dans son mouvement latéral et sagittal ; d’abord sans tourner la tête, puis en amplifiant les mouvements du bras et en tournant la tête. 3) Enfin, rapprocher le doigt des yeux en continuant à le fixer. 4) Répéter les mêmes exercices, mais cette fois, le bras plié à moitié. 5) Tourner la tête à droite, à gauche le plus loin possible, puis fléchir le cou et se mettre en hyper-extension le plus loin possible sans plus rien fixer. Fig. 11-3. Fixation en rotation d’une cible tenue à bout de bras. A = rotation dans le yaw. B = rotation dans le pitch. Tenir un stylo à deux mains et ne pas le perdre de vue. Puis tourner dans le plan horizontal (yaw) et ensuite dans le plan sagittal (pitch) en levant le stylo en l’air puis en l’abaissant le plus possible tout en continuant à le fixer. Exercices à faire cinq fois. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

travailler les anticipations par rapport au centre de gravité. En dehors des pathologies vestibulaires, ce sont encore des exercices utiles chez les patients déséquilibrés après un alitement prolongé.

Exercices : oui-non-peut-être (vidéo 11-3 ) Ces rotations de le la tête se font dans les trois plans de l’espace (fig. 11-5). Elles sont effectuées en regardant des cibles éloignées d’un mètre  : fenêtre, affiche collée au mur, etc. Les patients doivent se familiariser avec ces exercices qu’ils devront

effectuer d’abord assis au bord du lit, puis debout, puis en marchant et enfin, dès qu’ils le peuvent, à la maison. Ce sont des exercices complets faisant coopérer les réflexes vestibulo-oculaires et vestibulocoliques avec des anticipations rythmées de la mobilisation du centre de gravité de la tête.

Lecture tête mobile (vidéos 11-4 et 11-5 ) Faire lire au patient un texte imprimé en faisant passivement puis activement tourner la tête alternativement dans le sens horaire, puis le sens antihoraire en



Chapitre 11. 1er tiroir : exercices de coordination œil-tête

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Fig. 11-4. Fixation en alternance d’une cible tenue à bout de bras. Le patient tourne alternativement la tête pour fixer les stylos maintenus immobiles. Ces exercices sont encore à effectuer cinq fois. A = rotation dans le pitch. B = rotation dans le yaw.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Fig. 11-5. Le oui, le non et le peut-être sont effectués les yeux ouverts. D’abord au bord du lit puis progressivement debout et enfin à la marche. Dès le début, on encourage le patient à faire ces exercices même lorsqu’il est seul.

D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

lui laissant ses lunettes s’il en porte (fig. 11-6). Dans la rotation de haut en bas, il faut se méfier des verres progressifs ou à doubles foyers qui donnent une correction perturbée selon la position de la tête. Mieux vaut ne pas les faire s’ils sont trop gênants.

Fig. 11-6. Lecture tête mobile. Le texte est tenu à bout de bras. Il doit être imprimé en gros caractères. L’idéal est que les patients le connaissent déjà (les fables La Fontaine, par exemple) afin de soulager son effort de concentration. Ces exercices peuvent être trop difficiles pour certains sujets, il ne sert alors à rien d’insister.

Exercices d’attraction visuelle

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

L’intérêt de ces exercices est que le patient fait un effort de recherche inconscient en mobilisant les yeux, la tête, voire le corps (fig. 11-7). L’objectif est de capter l’image du texte sur la rétine ­périphérique puis de le centrer à la bonne ligne sur la fovéa pour continuer à lire.

C’est le modèle de feedforward qui correspond à un jet de regard dans l’espace en boucle ouverte. Ce sont des automatismes dont on ne se rend plus compte chez le sujet normal et qui doivent être reconstruits chez le sujet vestibulaire déficitaire.

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Fig. 11-7. Attractions visuelles. A. De face. B. De dos. On affiche le même texte à hauteur des yeux sur deux murs à angle droit. Le patient doit lire une ligne sur deux ­alternativement l’une sur le mur droit et l’autre sur le mur gauche. On peut encore compliquer l’exercice en le mettant de dos et en le faisant alternativement se retourner vers chaque texte. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

`` Compléments en ligne Vidéo 11-1. Exercices de Tusa.

Vidéo 11-2. Cibles exocentrées.

Vidéo 11-3. Oui ; non ; peut-être. Fig. 11-8. Parcours laser. Cet exercice n’est pas simple même chez un sujet normal. Mais il est bénéfique, même si le sujet ne réussit pas. Ce que l’on attend c’est le renforcement de sa motivation grâce à l’aspect ludique de cet effort. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Vidéo 11-4. Lecture tête mobile.

Vidéo 11-5. Lecture tête mobile anormale.

Suivre un parcours mural avec une flèche laser fixée sur un casque On fixe une flèche laser sur un casque. Le patient projette le point laser sur le mur et doit suivre un parcours en zigzags affiché face à lui (fig. 11-8).

Référence bibliographique [1] Tusa RJ, Herdman SJ. Vertigo and disequilibrium. In: Johnson R, Griffin J, editors. Current therapy in neurological disease. 4th ed St-Louis: Mosby; 1993. Year Book 12.

Chapitre 12 2e tiroir : exercices de maintien postural et d’équilibre Dans le cas d’une atteinte vestibulaire unilatérale, l’un des deux vestibules donne une information fausse ou parfois pas d’information. Il va donc falloir reparamétrer le système de façon à ce qu’il accepte cette lacune sensorielle comme étant la donne normale. Ce reparamétrage repose sur les restes vestibulaires et les deux autres piliers de l’équilibration que sont la vue et la proprioception.

Tactique du thérapeute • Le thérapeute doit être ferme mais compréhensif. • Il propose des difficultés croissantes mais n’exige pas la réussite de l’exercice. • Rappelons qu’il n’y a pas d’intérêt à faire travailler au patient des choses qu’il parvient à faire seul. Dès qu’un exercice est acquis, il doit seulement continuer à le faire chez lui, sauf les exercices les yeux fermés pour ne pas prendre de risque. • Il faut mettre le patient devant des exercices trop durs pour lui. C’est un bon moyen de le faire progresser. • Certains patients se plaignent encore d’instabilité alors qu’ils accomplissent des choses que peu de personnes «  non pathologiques  » arrivent à faire. Peu importe, ces exercices sont des moyens et non des buts. À l’inverse, si le patient n’y arrive jamais, c’est sans importance.

Prévenir l’asthénie vestibulaire Une caractéristique de la pathologie vestibulaire est la présence d’une grande fatigue. Ces patients Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

présentent une asthénie très importante qu’ils doivent surmonter pour progresser. Il faut leur expliquer que cette fatigue est normale. L’équilibre est un système automatique nous permettant de bouger sans réfléchir. Brutalement, une afférence est faussée. Le système automatique se bloque. Inconsciemment, le patient n’a plus d’autre solution que de faire appel à son cortex cérébral pour remplacer le système automatique. Il en découle une énorme dépense d’énergie qui explique l’importance de l’asthénie que présente le sujet atteint de névrite vestibulaire. Elle durera autant que durent les vertiges et même après que le système automatique se soit remis en route. Les troubles de l’équilibre se règlent en trois semaines et l’asthénie en trois mois. Le travail de l’équilibre doit donc être progressif. Ainsi, la conduite de la rééducation oscille entre deux attitudes contradictoires  : exiger simultanément des mouvements et du repos. Il faut donc recommander de faire une sieste dans la journée, voire de prendre des moments de repos après chaque exercice. Il ne faut pas être trop fatigué en fin de journée. C’est contre-productif pour la rééducation et mauvais pour le moral. Le dosage entre exercice et repos est difficile à obtenir car s’il faut pousser certains patients, d’autres en font trop et doivent être retenus.

Travail de la station debout-tête immobile Au début, en milieu hospitalier, les premiers exercices en position érigée doivent être simples. D’abord réussir à se tenir debout. Commencer

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avec un appui large en fixant un point puis les yeux fermés. Allonger la durée en position érigée de 5, 10, puis 30  secondes  ; réduire progressivement le polygone de sustentation (fig. 12-1) ; enfin, ajouter du mouvement.

Travail de la station debout-tête, oscillante On travaille ensuite les oscillations de la tête  : «  oui-non-peut-être  » pour déplacer le centre d’équilibre et redonner confiance au patient (fig.  12-2). Osciller la tête d’abord doucement, les yeux ouverts, puis fermés, puis plus amplement (voir chapitre 11).

Préparation à la marche par l’appui unipodal En préparation à la marche, commencer par l’appui unipodal. Prendre appui sur un pied puis sur l’autre, les yeux ouverts puis fermés pendant quelques secondes puis en chronométrant (fig. 12-3). Pieds nus dans un premier temps pour augmenter l’apport proprioceptif, puis avec des chaussures pour se rapprocher le plus possible des conditions de vie habituelles.

Fig. 12-1. Travail de la station debout immobile. D’abord pieds écartés puis progressivement, arriver aux pieds joints.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Travail de la marche (vidéos 12-1 et 12-2 ) D’abord seulement quelques pas dans le couloir pour se sécuriser et permettre l’appui des mains sur le mur en cas de perte d’équilibre soudaine. Le travail de la marche vient ensuite en fixant une mire au bout du couloir pour élargir le champ Fig. 12-2. « Oui-non-peut-être » et pointes. Augmenter progressivement le nombre des séries de mouvements et terminer par le passage de la position talon à la position pointe des pieds.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.



Chapitre 12. 2 e  tiroir : exercices de maintien postural et d’équilibre 79

Fig. 12-4. Marche simple.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Fig. 12-3. Appui unipodal.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

visuel et mieux s’appuyer dessus. On incite le patient à décontracter les épaules pour lutter contre son attitude figée. Dans une névrite droite, le patient va dévier à droite. Il faut l’accompagner et être vigilant à cause du risque de chute. Quand la marche commence à se normaliser, on ajoute des mouvements de tête : « oui-non-peut-être ». On fait faire successivement une marche avant et une marche arrière. Plus tard, on fait lever les genoux le plus longtemps possible. En fin de rééducation, on fait faire les pas de souris qui consistent à marcher un pied devant l’autre, les orteils du deuxième pied touchant le talon du premier. Finir, avec autorité (fig. 12-4), le pas décidé, tête haute, bras ballants, yeux ouverts puis fermés. Allonger progressivement la distance (4 à 10 mètres).

Fig. 12-5. Marche en vison latérale.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Travail de la marche avec cible visuelle dissociée

Exercices extrêmes en fin de rééducation (vidéo 12-3 )

Ensuite vient la marche en dissociation œil-soma (fig.  12-5) consistant à garder le cap tout en maintenant la tête tournée à gauche ou à droite. C’est un exercice difficile à garder pour la fin car il nécessite de construire une orientation virtuelle du corps indépendamment de la tête.

• Plateau basculant. Celui à utiliser en rééducation vestibulaire doit être en demi-cylindre et non pas en demi-sphère. L’idéal est d’ajouter du mouvement de tête : dans la bascule d’avant en arrière, faire le «  oui  ». Dans la bascule latérale, faire le « non » et le « peut-être ».

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• Si les exercices précédents sont impossibles à faire faire, on se contentera de jeux de ballon avec calcul mental. L’échange de balle en récitant sa table de multiplication est sensé faire repasser l’équilibre en mode automatique, ce qui signifie qu’il ne requiert pas toute la vigilance.

Parlez-en autour de vous et vous serez surpris de la fréquence de cette pathologie.

`` Compléments en ligne Vidéo 12-1. Les marches.

Conclusion Rappelons qu’il faut être très progressif. Que les exercices sont des moyens et non des buts. À chaque fois qu’un exercice est acquis, il faut passer à quelque chose de plus difficile. Le but n’est pas de réussir les exercices mais de ­progresser. Et plus le patient travaillera ses exercices chez lui et plus on réussira à lui faire faire de choses. Rassurer sans cesse car le vertige est très anxiogène. Les patients sont surpris au début car ils ne se rappelaient pas en avoir entendu parler. Mais nous, les kinés, nous en voyons beaucoup.

Vidéo 12-2. Marche et oui ; non ; peut-être.

Vidéo 12-3. Plateau basculant.

Chapitre 13 3e tiroir : exercices giratoires Ils sont spécifiques de la rééducation vestibulaire car ils stimulent directement les oreilles internes, principalement les canaux horizontaux. Mais ces exercices giratoires sont ceux que l’on commence tardivement car il y a un risque de vomissement. Ces vomissements ne sont pas seulement désagréables : ils auront aussi pour conséquence une connotation négative de la rééducation et des rééducateurs préjudiciables à la suite de la prise en charge. Si le patient vomit, c’est que l’on a commencé trop tôt. On peut faire auparavant de petits mouvements pendulaires au fauteuil pour tester la tolérance. Il y a deux manières d’utiliser des stimulations giratoires : 1. avec des stimulations passives. On fait tourner le patient dans son fauteuil dans un sens et dans un autre ; 2. la deuxième méthode comporte des rotations actives. C’est le patient lui-même qui, les yeux ouverts dans la lumière, fait tourner le tabouret sur lequel il est assis.

Matériel Pour les épreuves giratoires, l’idéal est le fauteuil de Sémont stable et facile à tourner. Le patient peut se cramponner à 2  poignées (fig.  13-1). Il existe un frein à pied bloquant le fauteuil pour faire des arrêts brusques.

Arrêts brusques au fauteuil de Sémont À la fin d’une valse de Vienne, lors de l’arrêt de la musique, les danseurs se cramponnent l’un à l’autre car ils ressentent un vertige et une Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

instabilité posturale. Si l’on place les doigts sur les paupières fermées du partenaire, on sent le battement du nystagmus. L’explication est qu’après une rotation à vitesse constante, du fait de l’absence d’accélération, la cupule revient à sa position neutre (cf. chapitre  3). L’arrêt brusque entraîne alors une violente déflexion inertielle de la cupule dans le sens de la rotation des danseurs avec vertige et nystagmus.

Principe des épreuves giratoires (vidéo 13-1 et 13-2 ) Pour étudier les canaux horizontaux, il faut d’abord faire fléchir la tête de 30° pour horizontaliser leurs plans (cf.  fig.  3-2). On fait ensuite tourner le patient au fauteuil dans le sens horaire  : 5  tours à raison d’un tour par seconde avec arrêt brusque provoquant un vertige et un nystagmus. Puis on fait la même chose dans le sens antihoraire. Chez le sujet normal, on déclenche un vertige et un nystagmus durant entre 20 et 30  secondes. Chaque opérateur a ses propres normes acquises au fil de l’expérience dépendant du matériel utilisé et de sa force physique.

Normalement, la durée de la sensation de vection après l’arrêt brusque et la durée du nystagmus sont symétriques. Dans la rotation horaire du fauteuil, on déclenche un nystagmus horizontal gauche. Dans la rotation antihoraire du fauteuil, on déclenche un nystagmus droit (fig. 13-2). • En faisant un arrêt brusque après une rotation horaire, on étudie le côté gauche. • En faisant un arrêt brusque après une rotation antihoraire, on étudie le côté droit.

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Utilisation pour un bilan fonctionnel

Fig. 13-1. Fauteuil tournant de Sémont.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Lors du bilan, ces tests sont utiles pour rechercher l’existence d’une asymétrie entre les deux côtés  : hyporéflexie d’un côté et prépondérance directionnelle de l’autre. Certes, ce test étudie les deux oreilles en même temps et n’a pas la valeur diagnostique de l’épreuve calorique. Toutefois, elle reflète assez bien la symétrie ou l’asymétrie fonctionnelle et par conséquent, l’état de compensation vestibulaire au cours de l’évolution chez un patient atteint de névrite vestibulaire. • Les yeux fermés, on chronomètre la durée de la sensation vertigineuse postgiratoire (vection) qui doit être symétrique dans le sens horaire et dans le sens antihoraire : – un raccourcissement relatif de la sensation vertigineuse dans le sens horaire est l’indice d’une hyporéflexie gauche,

Fig. 13-2. Épreuves giratoires avec arrêts brusques. Au repos et lors des rotations uniformes, les cupules sont en position indifférente. Lors d’une accélération horaire initiale, un courant ampullipète se produit dans le canal horizontal droit qui est donc excité (+). Lors de l’arrêt brusque, c’est dans le canal gauche que se produit le courant ampullipète qui est donc excité, ce qui provoque un nystagmus horizontal battant vers la gauche (NHG). C’est l’inverse dans une rotation antihoraire, on obtient donc un nystagmus horizontal droit lors de l’arrêt brusque.



Chapitre 13. 3 e  tiroir : exercices giratoires 83

– un raccourcissement relatif de la sensation vertigineuse dans le sens antihoraire est l’indice d’une hyporéflexie droite. • Puis les yeux ouverts avec lunettes de Frenzel, dans les mêmes conditions, on compte le nombre de nystagmus postgiratoires : – normalement dix à vingt nystagmus horizontaux battant à gauche dans l’arrêt brusque en sens horaire, et battant à droite dans l’arrêt brusque en sens antihoraire, – une diminution du nombre de nystagmus signifie : dans le sens horaire une hyporéflexie gauche, et dans le sens antihoraire, une hyporéflexie droite. • Ce qui est intéressant, en bilan, c’est la différence entre les deux sens de rotation qui révèle l’asymétrie de réponse des deux oreilles. En fin de rééducation, ces réponses doivent devenir symétriques. Cette symétrie est l’indice soit d’une récupération de la fonction vestibulaire, soit d’une excellente compensation.

avec brusque remontée des réponses. Il s’agit alors d’un phénomène de surcompensation en rapport avec un début de récupération de la fonction vestibulaire. • Ce travail en fauteuil ne doit pas théoriquement être associé dans la même séance à des stimulations optocinétiques. En effet, le premier vise l’habituation et les secondes visent la sensibilisation, c’est-à-dire l’inverse.

Symétrisation des labyrinthes

Rotations passives sans arrêt brusque

• En répétant les stimulations, on diminue la réponse postgiratoire. On obtient une diminution des nystagmus gauches en répétant les arrêts brusques en rotation horaire. On obtient une diminution des nystagmus droits en répétant les arrêts brusques en rotation antihoraire. • En répétant les stimulations, on apprend au canal semi-circulaire à ne plus répondre. C’est un processus dit d’habituation que l’on retrouve chez les danseurs de ballet. C’est aussi par ce processus que les patineurs artistiques arrivent à des vitesses de rotation surprenantes sans conséquence à l’arrêt brusque. • Le principe de l’école de Sémont est de symétriser les deux côtés, donc de diminuer le seuil d’excitabilité de l’oreille saine. L’équilibre entre les deux côtés étant rétabli, les vertiges diminuent. Cet effet symptomatique faciliterait la rééducation sous réserve de ne pas déclencher de vomissements. L’inconvénient est d’atténuer le glissement rétinien, signal d’erreur essentiel pour la compensation vestibulaire (cf. chapitre 21). Enfin, à partir du dixième jour peut apparaître un phénomène de rebond

Arrêts brusques et fixation (vidéo 13-3 ) L’arrêt brusque avec fixation fait travailler l’interaction entre fixation oculaire et vestibule qui sont antagonistes. Normalement, par l’intermédiaire du cervelet, il y a blocage de la stimulation vestibulaire. La persistance du nystagmus est probablement l’indice d’un mauvais fonctionnement cérébelleux. Ce travail en fixation fait travailler les centres inhibiteurs.

Il est important de vérifier que le patient éprouve la sensation de vection. Chez les sujets âgés, on est souvent surpris de constater que les yeux fermés, ils ne savent pas de quel côté tourne le fauteuil ni de combien de degrés : 90, 180 ou 360. Ils ne sont pas stables sur le fauteuil et tombent d’un côté puis de l’autre. Inversement, les patients migraineux, même en l’absence de crise, sont particulièrement intolérants à toutes sortes de rotations. Dans tous les cas, la sensation mérite d’être testée.

Rotations actives au tabouret dans la lumière (vidéo 13-4 ) Dans cette deuxième manière de procéder (fig. 13-3), la démarche est l’inverse des arrêts brusques passifs. Ici, on apprend au canal semi-circulaire horizontal à mieux répondre en coopération avec la vision et la proprioception dans un processus actif qui s’apparente bien à l’adaptation. Son but est de stimuler l’oreille atteinte et non pas de diminuer

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de ballet (cf. chapitre 21). C’est un exercice qu’il faudra montrer au patient car il est difficile à expliquer, il faut donc pouvoir le faire.

`` Compléments en ligne Vidéo 13-1. Nystagmus et arrêts brusques.

Vidéo 13-2. Nystagmus postgiratoires (lumière).

Fig. 13-3. Rotations actives. Au tabouret, le sujet imprime lui-même la rotation avec les jambes.

Vidéo 13-3. Nystagmus postgiratoires (fixation).

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Vidéo 13-4. Tabouret tournant.

le seuil d’excitabilité de l’oreille saine. C’est un exercice que la personne peut faire à domicile avec un fauteuil ou une chaise de bureau dont on enlève les roulettes pour éviter les dérapages.

Technique du point fixe (vidéo 13-5 ) La technique du point fixe est aussi utilisée dans l’exercice de la « pirouette fouettée » des danseurs

Vidéo 13-5. Point fixe.

Chapitre 14 4e tiroir : exercices de sensibilisation Les exercices de sensibilisation sont des exercices où l’on diminue progressivement les apports visuels et proprioceptifs pour réveiller et stimuler la fonction vestibulaire.

Suppression des informations proprioceptives (vidéo 14-1 ) Pour atténuer l’entrée proprioceptive, on met le patient debout progressivement sur un matelas de gymnastique, puis sur un coussin en mousse de cinq centimètres d’épaisseur minimum et finalement sur un plateau basculant. Le but est encore de lui faire travailler le «  oui-non-peutêtre  » déjà envisagé au chapitre  11, mais cette fois avec une proprioception affaiblie (fig. 14-1). Pour une sensibilisation vestibulaire maximum, faire fermer les yeux.

Fausser l’entrée visuelle par les stimulations optocinétiques (vidéo 14-2 ) L’utilisation de stimulations optocinétiques est différente du travail les yeux fermés, car elles faussent l’apport visuel. Le but des stimulations optocinétiques en champ total est de provoquer un conflit sensoriel entre la vision qui procure une impression de mouvement et la proprioception et le vestibule qui affirment le contraire. C’est un de ces signaux d’erreur tant recherchés tout au long de la rééducation. Ces stimulations optocinétiques favorisent la compensation vestibulaire et diminuent la dépendance visuelle. Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pratique L’idée est de reproduire l’impression que l’on a, dans une gare, lorsque l’on est assis à la fenêtre dans un train à l’arrêt et que le train d’à côté démarre. On a pendant quelques secondes l’impression de reculer. Cela signifie que les yeux nous ont donné une information alors que les oreilles internes et la proprioception (par les points d’appui sur le siège) nous en donnaient une autre. Il y a incohérence entre les trois afférences de l’équilibre et impression de mouvement. La boule optocinétique de type planétaire est constituée de mini miroirs tournants projetant des points lumineux donnant l’illusion de mouvement dans le plan horizontal et dans le plan vertical (fig.  14-2). La projection se fait à 360°, dans l’obscurité complète sur des parois sans repères visuels situées à environ 2  mètres. Les points lumineux peuvent défiler dans les trois plans de l’espace à des vitesses variables. L’impression de mouvement est en contradiction avec le vestibule et la proprioception. Ce qui oblige à privilégier ces entrées et en l’occurrence, la fonction vestibulaire. Chez le sujet sain, elle donne une impression désagréable, mais qui dure peu car, le système nerveux central se réorganise. Les patients ayant une névrite vestibulaire paniquent car pendant quelques instants ils ont la sensation de ne pas dominer la situation. Dans les nystagmus spontanés, si les stimulations optocinétiques vont en sens opposé de la phase lente, certains auteurs ont pu considérer un effet bénéfique sur la stabilisation de l’œil et une aggravation en sens contraire. Pour ne pas faire d’erreur, mieux vaut utiliser ces stimulations

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Fig. 14-1. « Oui-non-peut-être » sensibilisé sur tapis de mousse. Insister sur le fait que la tête doit bouger par rapport aux épaules.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Fig. 14-2. Exercices avec stimulations optocinétiques. Utilisées seules ou associées à une déstabilisation sur tapis en mousse. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

optocinétiques qu’en l’absence de nystagmus patent. L’objectif des stimulations optocinétiques est que, progressivement, les restes vestibulaires et le système central permettent au patient de rester en équilibre en toutes circonstances. Toutes les

rotations de la boule sont testées et les déséquilibres sont répertoriés pour répéter les stimulations qui les ont induits. On commence par des stimulations dans le plan horizontal. Le patient ne doit pas chercher à suivre les points lumineux. Le regard doit rester dans le vague. Le sujet dont la proprioception et le vestibule sont normaux peut se sentir entraîné dans le sens de la stimulation et fait un bref petit mouvement de correction. Il ne tombe pas car il fait confiance à son entrée podale et vestibulaire. Dans une névrite vestibulaire, les patients soumis à des stimulations optocinétiques présentent une déviation posturale vers le côté atteint jusqu’à menacer de tomber. Cette déviation s’effectue après un temps de latence plus ou moins long quand les rotations des lumières se font vers le côté atteint. Dans le défilement vers la gauche, le patient s’incline vers la gauche. Dans le défilement vers la droite, il s’incline vers la droite. Dans le défilement vers le bas, il s’incline en avant et dans le défilement vers le haut, il s’incline en arrière. On commence avec des vitesses de 20°/secondes pour atteindre 40° et même 60°. C’est l’entrée podale qui fournit le signal d’erreur permettant la recalibration vestibulaire progressive du système par un processus d’adaptation-substitution. En répétant ces stimulations optocinétiques avec des inclinaisons de l’axe de rotation de 45° à 90° dans le plan sagittal puis



Chapitre 14. 4 e  tiroir : exercices de sensibilisation 87

frontal, peu à peu, le patient s’affranchit complètement de son entrée visuelle. Les séances ne doivent pas dépasser 10 minutes. Lorsque ces premiers exercices sont réussis, les difficultés sont augmentées en mettant le patient debout sur un coussin en mousse pour supprimer l’entrée podale. Le risque de chute devient alors majeur et toutes les précautions doivent être prises. On peut aller jusqu’à essayer de le mettre sur un plateau basculant cylindrique avec le mouvement des lumières dans le même sens que le plan de bascule du plateau. La difficulté maximum sera atteinte en demandant de faire des mouvements de tête (« oui-non-peut-être ») dans le même plan que celui des lumières et du plateau. Sans entraînement, ce sont des exercices très difficiles, mais à la fin des séances, la plupart des patients y arrivent.

Les stimulations optocinétiques ont de multiples indications  : potentialisation d’une rééducation du type adaptation-substitution, protocole de sensibilisation chez un sujet âgé pour réveiller son vestibule, mais aussi désensibilisation dans la dépendance visuelle, les vertiges visuels ou le mal de mer.

`` Compléments en ligne Vidéo 14-1. Oui ; non ; peut-être sensibilisé.

Vidéo 14-2. Stimulations optocinétiques.

Chapitre 15 Vertige positionnel des déficits partiels Rééducation par habituation Un grand nombre de patients consultent pour des vertiges positionnels ou des vertiges cinétiques qui ne sont pas des VPPB. • Parfois, on retrouve une crise initiale de quelques heures. • Ailleurs, ces patients ont présenté une névrite vestibulaire typique qui a laissé des séquelles en raison d’une récupération incomplète ou d’une compensation insuffisante  : vertiges en levant la tête, en la baissant. Il peut aussi s’agir d’embardées en marchant survenant sans raison ou déclenchées par le fait de se retourner dans la rue ou de changer de direction. Ce ne sont pas des VPPB parce que les manœuvres de Dix et Hallpike sont négatives ou ne montrent que des nystagmus atypiques. D’autre part, le bilan cochléovestibulaire ORL ne trouve aucun signe en faveur d’une pathologie périphérique ou centrale. L’hypothèse est que ce sont des lésions minuscules ayant détruit quelques centaines de cellules des crêtes ampullaires ou des macules otolithiques formant un patchwork dispersé (fig. 15-1). Mais nos bilans sont encore trop grossiers pour mettre en évidence ces microlésions. Les causes sont : • soit des microthromboses car ces capteurs ont une vascularisation de type terminal ; • soit des lésions virales n’atteignant qu’un petit pourcentage de neurones des nerfs ampullaires ou maculaires. Le résultat est le même  : un conflit sensoriel apparaît pour certains mouvements de la tête, dans certaines directions, à certaines vitesses ou à Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

partir de certains points de départ jusqu’à certains points d’arrivée.

Rééducation par habituation La mission du rééducateur est de faire un inventaire fonctionnel des vertiges positionnels et cinétiques afin de construire un protocole personnalisé d’exercices à faire à domicile. Le principe est de repérer les mouvements et les positions qui déclenchent les symptômes et de les faire répéter au patient jusqu’au moment où ils disparaîtront par habituation. Ce type de rééducation est basé sur le fait que l’habituation n’est pas transférable d’une stimulation à l’autre. Notons qu’il ne s’agit pas là d’exercices passifs comme les girations avec arrêts brusques. Au contraire, ces exercices sont pratiqués activement, les yeux ouverts dans un environnement naturel. Il n’est donc pas exclu qu’il n’y ait pas dans cette démarche une part d’adaptation, ce qui expliquerait leur efficacité.

Bilan des 19 positions de Norré [1] (vidéo 15-1 ) Le kinésithérapeute réalise un enchaînement de prises de position et de mouvements dans un protocole créé par Norré. Au départ, il y avait 36  positions. Lui-même les a réduites à 19. Ce protocole a été modifié et mis au point par Hélène Grenier pour améliorer sa faisabilité.

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Fig. 15-1. Patchwork de microlésions. (A) Crêtes ampullaires des canaux semi-circulaires. (B) Macules otolithiques. Ces lacunes sont en rapport avec des microthromboses dans des territoires où la vascularisation est de type terminal (C) ou en rapport avec des atteintes virales neuronales incomplètes (D). D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Cet inventaire se pratique selon une cotation simple : vertige typique, atypique ou autre ; son intensité, l’existence de signes neurovégétatifs (nausées, malaise) et durée des symptômes (fig. 15-2). Il faudra ensuite établir un protocole personnalisé de rééducation que le patient répétera à la maison chaque jour pendant 10 minutes. Un contrôle des 19 positions sera refait chaque semaine jusqu’à normalisation.

Protocole de Norré modifié par Hélène Grenier En cas de vertiges positionnels résiduels, faire prendre au patient, matin et soir, 5 fois les positions suivantes qui génèrent le vertige : 1. De la position couchée, tête en rectitude = s’asseoir. 2. De la position assise, tête en rectitude = se coucher. 3. Couché sur le dos, tête en rectitude, genou gauche fléchi = se tourner sur le côté droit. 4. Couché sur le dos, tête en rectitude, genou droit fléchi = se tourner sur le côté gauche. 5. Couché sur le dos, tête en hyper-extension = s’asseoir, tête en hyper-extension. 6. Assis, tête en hyper-extension  =  se coucher, tête en hyper-extension. 7. Couché, tête en hyper-extension tournée vers la droite = s’asseoir, tête dans la même position.

8. Assis, tête en hyper-extension tournée vers la droite  =  se coucher, tête dans la même position. 9. Couché, tête en hyper-extension tournée vers la gauche  =  s’asseoir, tête dans la même position. 10. Assis, tête en hyper-extension tournée vers la gauche  =  se coucher, tête dans la même position. 11. Assis au bord de la table = flexion-extension de la tête. 12. Assis au bord de la table = circumduction de la tête dans le sens horaire. 13. Assis au bord de la table = circumduction de la tête dans le sens antihoraire. 14. Assis au bord de la table = incliner le tronc le plus possible en avant. 15. Assis au bord de la table, tronc incliné  =  se redresser. 16. Assis au bord de la table, tronc incliné, tête tournée à droite = se redresser, en regardant derrière, en haut et à droite. 17. Assis au bord de la table, tronc incliné, tête tournée à gauche = se redresser, en regardant derrière, en haut et à gauche. 18. Debout = tourner sur soi-même dans le sens horaire (3 tours minimum). 19. Debout = tourner sur soi-même dans le sens antihoraire.

Fig. 15-2. Positions de Norré : notation des résultats. T = typique : AT = atypique NV = sueurs, nausées et vomissement.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

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Conclusion L’étude des positions de Norré peut paraître contraignante et difficile à supporter physiquement notamment la circumduction de la tête. Pourtant, c’est le bilan fonctionnel le plus complet qui soit. • Entre le 14e et le 30e  jour de l’évolution d’une névrite vestibulaire, elle nous explique pourquoi le patient se plaint toujours alors que le HIT, les épreuves caloriques et les épreuves giratoires sont en faveur d’une bonne compensation. Pourtant, le patient n’était pas capable de reconnaître le caractère positionnel de ces petits symptômes résiduels. • Dans les VPPB, cette étude peut nous tirer d’affaire quand les manœuvres thérapeutiques ne réussissent pas. Car leur physiopathologie reste mystérieuse dans de nombreux cas et non encore complètement connue. • Devant un tableau bâtard, elle peut donner des indications là où le bilan classique vestibulaire reste sans réponse : – si les positions de Norré sont significatives dans un nombre limité de prises de position rapides, c’est probablement ORL. En pareil cas, les programmes d’exercices à domicile sont efficaces, – si toutes les positions de Norré déclenchent des symptômes sans nystagmus, c’est

p­robablement migraineux ou hormonal. C’est l’analogue pour le mouvement de la photophobie. Cet abaissement du seuil de tolérance est d’ailleurs souvent associé au mal des transports. Le patient doit être renvoyé au prescripteur, – dans la plupart des cas, c’est un test fonctionnel qui indique les objectifs à atteindre. Le protocole personnalisé consiste à prescrire au patient 5 à 6 prises de position à répéter chacune 5 fois, 2 fois par jour. Chaque semaine, une répétition doit être effectuée en cabinet. Le but est de vérifier que les mouvements demandés ont bien été compris et exécutés et s’ils sont encore la cause de désagréments.

`` Complément en ligne Vidéo 15-1. Les 19 positions de Norré.

Référence bibliographique [1] Norré ME, Beckers AM. Vestibular habituation training. Specify of adequate exercise. Arch Otolaryngol Head Neck Surg. 1988;114:883–886.

Chapitre 16 Maladie de Menière et autres vertiges récurrents Les vertiges récurrents se caractérisent par des crises de vertige rotatoire durant de ¼ d’heure à plusieurs heures, en principe moins de 24 heures. Elles se répètent à une fréquence variable. Deux causes sont prépondérantes  : la maladie de Menière qui se reconnaît à ses symptômes auditifs et la migraine chez le sujet jeune. Mais il y en d’autres. Ces vertiges relèvent du traitement médical et pas de la rééducation vestibulaire. En revanche, la maladie de Menière peut en bénéficier dans certains cas.

Maladie de Menière C’est une maladie chronique de cause inconnue pouvant atteindre les sujets jeunes comme les sujets âgés, les femmes comme les hommes. Les crises sont invalidantes avec vomissements et instabilité majeure. Elles durent de ¼ d’heure à 24 heures mais sont souvent suivies d’une période de malaise pouvant durer plusieurs jours.

Diagnostic Il ne faut pas appeler «  Menière  » des crises de vertige chez un patient qui n’a pas de signes auditifs associés. Classiquement, la crise comporte une triade  : acouphène, surdité et vertige. Elle débute par une sensation de plénitude dans une oreille avec un acouphène de tonalité grave. En quelques minutes, l’hypoacousie devient majeure. Soudainement se déclenche le vertige rotatoire avec son cortège de signes associés. Au début de l’évolution, l’audition revient à la normale entre les crises. Puis la surdité persiste, Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

prédominant sur les fréquences graves. Elle fluctue d’un jour à l’autre (fig. 16-1).

Physiopathologie Le processus pathologique de la maladie de Menière est typiquement périphérique. Le nerf vestibulaire et les centres sont intacts. C’est une augmentation de pression de l’endolymphe du labyrinthe antérieur (cochlée avec signes auditifs), puis du labyrinthe postérieur (vestibule et canaux semi-circulaires avec vertige). Cette augmentation de pression entraîne une dilatation du labyrinthe membraneux appelé hydrops endolymphatique. La cause de l’hydrops réside dans un blocage des voies endolymphatiques perturbant l’évacuation de l’endolymphe vers le sac endolymphatique (cf. fig.  2-4). On pense actuellement, mais sans certitude, qu’il s’agit d’atteintes virales anciennes avec un virus resté dormant dans le ganglion de Scarpa et se réveillant 10, 15 à 20 ans après. Le côté opposé est également touché dans 10 à 20 % des cas avec un décalage de plusieurs années.

Évolution spontanée Une maladie de Menière évolue spontanément en cinq à dix ans. Au début, les crises typiques se succèdent à un rythme variable d’un individu à l’autre et de façon périodique pour un même individu. Au stade de Menière dit «  vieilli  », les crises disparaissent pour laisser la place à des périodes d’instabilité souvent associées à des VPPB à répétition. La surdité s’aggrave plus ou moins brutalement et reste définitive à un niveau

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La flunarizine (Sibélium ® ) est utile car il existe souvent un contexte migraineux. La bétahistine (Serc ® ) agit sur les récepteurs histaminergiques H3. Physiothérapie symptomatique

Fig. 16-1. Maladie de Menière. Trois crises en octobre 2014. L’audiogramme montre une surdité fluctuante sur les fréquences graves. En abscisses : fréquences graves de 250 à 1 000 Hz et fréquences aiguës de 2 000 à 8 000 Hz. En ordonnées inversées : perte auditive moyenne de 30 à 70 décibels selon les fréquences.

de perte auditive atteignant 60 dB et plus. Cette surdité est difficilement appareillable.

Traitement Il est essentiellement médical. Le traitement symptomatique des crises repose sur les antiémétiques comme l’odansetron (Zophren ® ), les anticholinergiques comme la méclozine (Agyrax ® ) et d’autres traitements d’action inconnue comme l’acétylleucine (Tanganil ® ). Au plan étiopathogénique, on utilise les diurétiques comme l’acétazolamide (Diamox ® ) et une restriction hydrosodée pour diminuer la pression dans l’oreille interne.

Elle est difficile à mettre en œuvre car souvent mal supportée. En cas de déficit du côté atteint dans l’intercrise, le principe repose sur des stimulations passives et répétées des capteurs vestibulaires du côté sain pour diminuer leur réponse (en amplitude, en fréquence et en durée). Cette habituation est obtenue sur un fauteuil tournant par des arrêts brusques après des girations à vitesse constante, les yeux fermés (pour éviter la stimulation optocinétique). Il est vrai qu’il existe parfois un syndrome irritatif du côté atteint proche d’une crise et pouvant même la remplacer. En pareil cas, il est illusoire et nocif de tenter une habituation du côté atteint. Par prudence, on ne stimulera le côté sain que si sa réponse est supérieure au côté atteint. Pour un Menière droit, ce seront des rotations en sens horaire. Pour un Menière gauche, ce seront des rotations en sens antihoraire. (cf. chapitre 13). L’objectif est de parier sur la persistance de l’habituation lors de la crise suivante. On augmente le nombre de tours progressivement jusqu’à 7, 3  fois de suite, 2 à 3  fois par semaine pendant trois semaines. La fixation oculaire à l’arrêt de la rotation améliore la tolérance. Classiquement, on ne traite pas les crises subintrantes. Il faut qu’elles soient séparées de 4 semaines au moins. Personnellement, nous n’utilisons ce type de séances que dans les formes bilatéralisées. Cette prise en charge a de plus le mérite de soutenir le patient et de lui montrer « qu’on ne le laisse pas tomber ». Les formes vieillies de la maladie de Menière se présentent parfois avec un syndrome déficitaire mal toléré. Dans ces cas, on peut proposer cette fois une vraie rééducation vestibulaire de type adaptation-substitution. Chirurgie avec rééducation postopératoire (vidéo 16-1 >) Le handicap des patients atteints de maladie de Menière est très important et souvent sousestimé. Ce n’est pas tant la durée totale des crises



Chapitre 16. Maladie de Menière et autres vertiges récurrents 95

par an qui est handicapante que la peur d’avoir une crise. Les patients n’osent plus sortir ni partir en voyage. Au travail, l’employeur ne comprend pas cet employé que l’on doit renvoyer régulièrement chez lui titubant et vomissant. Ainsi, le patient déclenche une anxiété maladive et réduit son activité même en l’absence du symptôme de vertige. C’est la raison pour laquelle, chez un patient jeune, chargé de famille et en pleine carrière professionnelle, nous proposons une neurotomie vestibulaire. Cette intervention doit se faire avec toutes les précautions de la neurochirurgie. Elle ne nécessite qu’une mini-ouverture rétroauriculaire permettant d’atteindre directement le pédicule acoustico facial. Il faut séparer le nerf auditif du nerf de l’équilibre et sectionner ce dernier. Dans les suites opératoires, il se produit une dernière crise de vertige différente des précédentes car il s’agit de déséquilibre durant une dizaine de jours. Une rééducation de type déafférentation vestibulaire unilatérale aiguë est alors pratiquée initiée en préopératoire. Il n’y a pas plus de danger dans cette intervention que dans une chirurgie de hernie discale. Les crises disparaissent dans 95 % des cas. Le seul regret du patient est alors de ne pas s’être fait opérer plus tôt. Une destruction vestibulaire est aussi possible en pratiquant des injections de gentamicine transtympanique. Les résultats sur les vertiges sont moins bons que ceux de la neurotomie vestibulaire. Le risque d’atteinte auditive oblige à faire le moins d’injections possible. Les instabilités résiduelles sont aussi fréquentes qu’après neurotomie vestibulaire.

Autres causes de vertiges récurrents Dans la migraine, le patient ne fait pas la corrélation avec ses maux de tête car il a appris « à vivre

avec » et ne pense pas à en parler. Souvent, chez les femmes, les migraines avaient disparu après la ménopause et elles sont ensuite remplacées par des vertiges. Généralement, le polymorphisme fait qu’il n’y a pas que des crises. On découvre aussi des périodes d’instabilité et de nausées déclenchées par le stress et le manque de sommeil. Le patient dit qu’il se croit en bateau. D’ailleurs, il est souvent sujet au mal des transports. Il ne supporte ni la lumière, ni les bruits forts, ni le mouvement, ni la rééducation vestibulaire. Tout au plus pourrait-on lui proposer une désensibilisation au mouvement par les stimulations optocinétiques utilisées dans la prévention du mal de mer. Outre la migraine, de nombreuses pathologies générales peuvent provoquer des vertiges récurrents. Les cardiopathies, les maladies vasculaires cérébrales, la déshydratation, les médicaments comme la carbamazépine (Tégrétol®) et l’anxiété (crises de panique) donnent des vertiges à répétition. Quand un patient consulte pour ce type de crise, il s’agit toujours d’un casse-tête éprouvant pour le patient et son médecin. L’idéal est d’examiner ces patients en cours de crise et de rechercher des nystagmus spontanés et positionnels qui attesteraient de l’origine vestibulaire des crises.

`` Complément en ligne Vidéo 16-1. Une neurotomie vestibulaire.

Chapitre 17 Vestibulopathies bilatérales Le déficit atteint les deux labyrinthes périphériques et/ou les deux nerfs vestibulaires. La conséquence est une aréflexie vestibulo-oculaire bilatérale. Cette pathologie n’est pas rare mais souvent méconnue car il n’y a aucun vertige. Les atteintes étant le plus souvent symétriques, il n’y a pas de conflit entre les deux oreilles et donc pas d’illusion de mouvement, pas de nystagmus spontané ni de nystagmus positionnel. Les patients se plaignent de troubles de l’équilibre lors de la marche aggravés dans l’obscurité (99 % des cas) et de troubles visuels en rapport avec l’absence de réflexes vestibulo-oculaire se traduisant par la perte de la stabilisation du regard lors des mouvements de la tête (50 % des cas).

des infections sévères dans les services de réanimation ; chimiothérapies ototoxiques, etc. • Méningites bactériennes. • Maladies auto-immunes bilatérales de l’oreille interne (maladie de Cogan). • Pathologies dégénératives du tronc cérébral et du cervelet. La presbyvestibulie (vieillissement du vestibule chez les personnes âgées) est une forme très progressive de vestibulopathie bilatérale ne perturbant que les mouvements rapides de la tête avec conservation du réflexe vestibulo-oculaire pour les mouvements lents (cf. chapitre 18).

Diagnostic (vidéo 17-1 ) Oscillopsies C’est le nom des troubles visuels provoqués par la perte des réflexes vestibulo-oculaires. La scène visuelle est instable dès que l’on bouge la tête. C’est l’impression que l’on n’arrive pas à stabiliser la vue d’un texte que l’on lit devant un auditoire et que l’on regarde par intermittence. Ces sensations peuvent être comparées au tremblement de l’image, au cinéma, lorsque la caméra a été fixée sur une voiture de course en pleine vitesse sur une piste chaotique ou encore lorsque la caméra a été fixée sur le casque d’un skieur en pleine descente. L’image bouge sans cesse car l’oreille interne du spectateur n’est pas en mesure de stabiliser l’image oscillant avec les inégalités du parcours.

Étiologie • Traitements par médicaments ototoxiques  : antibiotiques du type aminoside donnés pour Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

• Le HIT (Head Impulse Test ou test de Halmagyi) est positif de façon bilatérale (cf. chapitre 9). • Les épreuves giratoires avec arrêts brusques ne provoquent aucun nystagmus ni dans le sens horaire, ni dans le sens antihoraire (cf. chapitre 13). • Le test d’acuité visuelle dynamique est effondré.

Test d’acuité visuelle dynamique (vidéo 17-2 ) Normalement, au cours des mouvements rapides de la tête, le réflexe vestibulo-oculaire (RVO) permet de garder une vision normale. Surtout en cas de déficit vestibulaire bilatéral, il apparaît une diminution de l’acuité visuelle qui ne permet plus de lire lorsque la tête bouge. Un matériel simple est requis  : une échelle alphabétique de lecture et, éventuellement, un métronome (fig. 17-1).

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Guide de rééducation vestibulaire

Fig. 17-1. Test d’acuité visuelle dynamique. (a) Dans un premier temps, la tête étant immobile, on demande au sujet de lire les plus petits caractères possible sur l’échelle placée à 3,5 mètres. Ces caractères de tailles identiques sont placés sur une ligne dont on note le numéro. (b) Puis on imprime passivement à la tête du patient des mouvements alternatifs horizontaux d’amplitude 40° à une fréquence de 0,5 Hz. Au cours de ces mouvements, le sujet doit lire cette fois la première et la dernière lettre de chaque ligne en commençant par les plus gros caractères. À partir d’une perte de deux lignes, le test est considéré comme pathologique. Le score d’acuité visuelle dynamique est représenté par le nombre de lignes que le sujet n’est plus capable de lire par rapport à l’absence de mouvement de tête.

Rééducation par substitution

`` Complément en ligne

La rééducation se fait par substitution puisqu’on ne peut pas compter sur le vestibule controlatéral. On fait donc appel à la vision et à la proprioception : travail de l’équilibre, des anticipations, préhensions d’objets lourds, élaboration de nouvelles stratégies comportementales pour se lever d’une chaise, dans un trajet accidenté, dans la marche sur support incliné. On utilise aussi beaucoup les poussées déséquilibrantes.

Vidéo 17-1. Vestibulopathie bilatérale.

Vidéo 17-2. Test d’acuité visuelle dynamique.

Chapitre 18 Chutes à répétition des personnes âgées Les personnes âgées présentent souvent une panoplie de pathologies vestibulaires. Pourtant, le bilan vestibulaire est rarement fait en cas de chutes à répétition. L’évaluation cochléovestibulaire systématique devrait faire partie du bilan gériatrique et comporter une audiométrie et une vidéonystagmoscopie. Certes, les chutes et les troubles de l’équilibre à cet âge sont plurifactoriels. Mais on peut estimer qu’une fois sur trois, il existe un facteur vestibulaire.

Comment l’oreille interne fait tomber les personnes âgées (vidéo 18-1 ) La pathologie vestibulaire participe aux troubles de  l’équilibre, mais c’est en provoquant des réactions de déséquilibre brutales et inadaptées qu’elle fait spécifiquement chuter à répétition. L’oreille interne pathologique fournit une fausse information. Il s’ensuit un réflexe des muscles antigravitaires inapproprié pour corriger l’équilibre que le patient croit avoir perdu. Il se retrouve par terre sans avoir compris ni pourquoi ni comment. Et quand on l’interroge ensuite, il ne sait pas comment c’est arrivé.

Quatre pathologies vestibulaires sont fréquentes avec l’âge Vertiges positionnels paroxystiques bénins (VPPB) La fréquence des VPPB augmente avec l’âge. En EHPAD (Établissement hébergement personnes âgées dépendantes), 9 % des pensionnaires Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

p­ résentent un VPPB méconnu alors qu’ils ne se plaignent pas de vertiges mais seulement d’une qualité de vie réduite. Cette absence de vertige vient de ce que ces patients évitent inconsciemment de prendre la position qui déclenche le vertige ou de ce que leur cyphose dorsale est si importante qu’ils ne peuvent pas l’atteindre. De plus, les sensations sont émoussées. Particularités de leurs VPPB (vidéo 18-2 ) • Nystagmus rapides, de faible amplitude, souvent réduits à une vibration difficile à reconnaître à l’œil nu. • Formes bilatérales fréquentes. • Nystagmus des VPPB du canal postérieur se terminant souvent en nystagmus horizontal de longue durée, témoin d’un VPPB associé du canal horizontal. • Formes complexes donnant l’impression que l’on se trouve en présence d’une gelée prenant en masse l’ensemble du système canalaire (canalith jam). Prise en charge À cet âge, le traitement des VPPB du canal postérieur repose plutôt sur la manœuvre d’Epley que sur la manœuvre de Sémont mal tolérée. Le traitement du VPPB du canal horizontal est difficile car il faut retourner complètement le patient dans la manœuvre de Baloh Lempert, et on ne peut y arriver qu’avec une aide. Toute manœuvre est difficile chez ces personnes souvent obèses et parfois récemment opérées de la hanche. La cyphose, la raideur cervicodorsale et

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Guide de rééducation vestibulaire

Fig. 18-1. Manœuvre de Dix et Hallpike puis manœuvre de Sémont réalisées avec le fauteuil mécanique de Thomas Richard-Vitton (avec l’aimable autorisation de celui-ci).

les douleurs articulaires expliquent nos échecs chez ces patients qui crient, s’arc-boutent, redressent la tête et ferment les yeux. Le recours serait d’utiliser un fauteuil mécanique, mais nous n’en avons pas l’expérience (fig. 18-1).

Presbyvestibulie (vidéo 18-3 ) On a cru longtemps que le labyrinthe vestibulaire ne vieillissait pas parce que l’âge ne modifiait ni les tests giratoires au fauteuil ni les tests caloriques. Mais ce sont des tests à faible accélération. On dispose maintenant du test d’Halmagyi (HIT ou Head Impulse Test) (cf. chapitre 9). Ce test impulsionnel céphalique du canal horizontal étudie les hautes fréquences, c’est-à-dire de fortes accélérations avec des vitesses atteignant 400°/seconde. Ce test peut toujours être réalisé car même si les impulsions que l’on doit faire sont brusques, elles sont de courte amplitude. La seule difficulté est que le patient ne perde pas la cible de vue. Chez les personnes âgées, le HIT est souvent nettement positif. Il peut l’être soit d’un côté, soit des deux côtés avec un nystagmus au head shaking battant vers le côté le moins atteint. On peut ainsi constater que le vestibule vieillit par les fréquences aiguës, tout comme la cochlée.

Le processus pathologique vient seulement de ce que les personnes âgées ne se servent plus de leur « entrée » vestibulaire. Les raisons en sont multiples. D’abord, le patient réduit sa mobilité. Il passe ses journées devant la télévision, ne sort plus et se meut avec lenteur. Ensuite, la posture vieillit  : il apparaît une cyphose dorsale haute (fig. 18-2). Le centre de gravité se déplace vers l’avant, le champ visuel devient oblique. Le patient redresse la tête en permanence pour regarder droit devant soi. Enfin, les canaux semi-circulaires basculent vers l’avant et ne sont plus dans les plans pour lesquels ils étaient programmés.

Dépression vestibulaire fonctionnelle C’est une pathologie restant longtemps fonctionnelle. Contrairement à la presbyvestibulie, les récepteurs labyrinthiques ne sont pas atteints.

Fig. 18-2. Vieillissement postural. Le cou est en hyper-extension permanente avec tractions sur les insertions musculaires cervicales dont l’inflammation douloureuse perturbe les propriorécepteurs.



Chapitre 18. Chutes à répétition des personnes âgées

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Ainsi, les centres ne tiennent plus compte de l’entrée vestibulaire dont les informations se raréfient et ne sont plus congruentes avec les autres systèmes sensoriels. La dépression vestibulaire qui n’était que fonctionnelle au début devient organique car l’absence de trafic nerveux dans un réseau neuronal peu utilisé rend les synapses de moins en moins efficaces jusqu’à les faire disparaître. Il s’ensuit une dépendance visuelle fragile à l’âge de la cataracte. Cliniquement, les épreuves giratoires avec arrêts brusques sont significatives. La durée du nystagmus postgiratoire raccourcit et la sensation de vection diminue : le sujet n’éprouve aucun vertige.

Troubles du contrôle cérébelleux des réflexes vestibulaires Chez les personnes âgées, il ne faut pas être surpris de l’efflorescence de signes centraux  : nystagmus vertical inférieur, nystagmus de position central, etc. (cf. chapitre 19). Ces nystagmus sont parfois associés à une hyperéflexie aux épreuves giratoires d’origine cérébelleuse (à l’opposé de la dépression vestibulaire du paragraphe précédent). Maladie des microvaisseaux Les comptes rendus d’IRM qu’apportent les malades indiquent souvent des lésions banales de leucoaraïose. Mais pour dire qu’elles sont banales, il faut les considérer dans leur contexte clinique. La maladie vasculaire touche aussi les microvaisseaux. Le processus est différent de celui des gros vaisseaux. C’est un trouble de la porosité de la paroi microvasculaire qui, sous l’effet de l’hypertension artérielle, laisse passer des protéines toxiques pour la substance cérébrale. Il apparaît ainsi des microlacunes aboutissant à l’atrophie cérébrale frontale et cérébelleuse. Certes, la destruction de quelques centaines de cellules nerveuses n’est pas toujours visible à l’IRM. Mais cliniquement, si elle est située sur le trajet des voies de contrôle cérébelleux sur les noyaux vestibulaires, elle explique parfaitement les nystagmus centraux (fig. 18-3). C’est ainsi que les centres participent à la dégradation de l’entrée vestibulaire chez les ­personnes âgées. Ceci ne modifie pas l’attitude du

Fig. 18-3. Contrôle du cervelet sur le noyau vestibulaire. Le nodulus contrôle les informations vestibulaires au niveau du noyau vestibulaire à partir d’informations de position fournies par les otolithes (fibres vestibulocérébelleuses directes), la vision et la proprioception somatique générale (non figurées ici). Traits continus noirs  =  voie de contrôle du nodulus transitant par le noyau fastigial. Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

r­ ééducateur. Mais ces signes incitent les médecins à mieux prendre en compte les facteurs de risque vasculaires, en particulier l’hypertension artérielle.

Prévention des chutes d’origine vestibulaire par la rééducation Le principe est de réveiller un labyrinthe sain mais endormi par des exercices vestibulaires capables d’être exécutés en fonction de l’état physique. L’objectif est de réactiver des synapses normales mais déprimées comme on réveille un souvenir lointain ou comme on reconsolide une trace inconsciente en psychanalyse. Le patient doit réapprendre à bouger, à se mobiliser et à faire fonctionner son vestibule dans toutes les situations. La prise en charge de ces patients n’est toutefois possible que si le MMSE (Mini-Mental-State-Examination) reste égal ou supérieur à 20. La prise charge comporte une autorééducation à domicile basée sur la coordination œil-tête sous le contrôle de la famille et des bilans mensuels plus spécifiquement dédiés à la rééducation des troubles de l’équilibre permanents.

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Guide de rééducation vestibulaire

Programme d’activité physique à domicile Pour choisir les exercices, il faut les tester sur les patients en présence de l’entourage familial qui veillera ultérieurement à leur bonne exécution. On commencera par des exercices faciles. Il ne faut pas démotiver d’emblée. Une ordonnance sera donnée sous la forme du modèle donné en annexe à ce chapitre. Les exercices cochés seront répétés 5 fois par jour sans dépasser 10 minutes. Sur cette ordonnance seront aussi comptabilisées les chutes ou les menaces de chute de la semaine. Un jour de repos sera institué. Lors du contrôle hebdomadaire, le patient remettra cette feuille à son rééducateur qui en redonnera une nouvelle avec de nouvelles prescriptions d’exercices et des conseils manuscrits. Ces exercices seront principalement ceux de la coordination œil-tête (cf. annexe, fig.  18-5) en commençant par les exercices avec des cibles exocentrées. Puis on ajoutera peu à peu les exercices de Tusa et le «  oui-non-peut-être  » en position assise, puis en position debout. (cf. chapitre  11, tiroir  1). Les exercices se font les yeux ouverts, car le signal d’erreur est le glissement rétinien. Lorsque l’image n’est pas stable sur la rétine, le cerveau répond par une augmentation du gain du réflexe vestibulo-oculaire. Selon le même principe, les exercices en position érigée se font en chaussettes près d’une chaise ou d’un lit bas pour servir d’appui en cas de déséquilibre. Jamais les yeux fermés, jamais de chaussons aux semelles épaisses et molles atténuant la proprioception.

Rééducation chez le praticien Les séances comportent essentiellement un bilan de vertige et des troubles de l’équilibre avec utilisation d’artifices divers en vue d’une éventuelle prise en charge supplémentaire. Cas des vertiges positionnels De nombreuses personnes âgées doivent se lever le matin très doucement pour ne pas avoir de vertige ou de déséquilibre. Il peut s’agir d’hypotension orthostatique. Mais souvent ce sont des

VPPB ou des microlésions indétectables des capteurs vestibulaires (cf. chapitre 15). Dans ces cas, il est illusoire de vouloir faire l’inventaire complet des 19 positions de Norré. En pareil cas, on peut utiliser un protocole simplifié comportant des alternances d’antéflexions et de redressements, des alternances de mise en décubitus droit et gauche, nez dans le matelas et nez en l’air (Brandt et Daroff) et en décubitus dorsal : se retourner sur le côté gauche puis sur le côté droit. (cf. annexe, fig. 18-6) (vidéo 18-4 ). Trouble de l’équilibre associé à une presbyvestibulie Il a été aussi soutenu que des stimulations optocinétiques en champ total sur tapis en mousse donnaient de bons résultats en forçant le patient à utiliser à nouveau son entrée vestibulaire. Mais il faut être équipé de la boule optocinétique et d’un local adéquat. Les exercices giratoires avec arrêts brusques peuvent être utilisés pour faire retrouver la sensation de vection. Trouble de l’équilibre non vestibulaire Le rééducateur ou le kinésithérapeute, par leur présence régulière, est à même de percevoir le degré de motivation du patient. Ils le font participer à l’enquête sur les déclencheurs. Peu à peu, les circonstances des chutes sont élucidées : • c’est au demi-tour, lors du transfert du poids du corps, que le sujet trébuche (pathologie vestibulaire ou supranucléaire) ; • en se relevant (hypotension orthostatique ou pathologie otolithique) ; • les distances ne sont pas correctement appréciées, surtout dans les escaliers (trouble de la vue ou trouble otolithique) ; • le patient ne lève pas suffisamment les pieds (pathologie orthopédique, manque de force musculaire, syndrome extrapyramidal) ; • il tombe car il est incapable d’exécuter deux tâches à la fois (déficit cognitif). Une prise en charge supplémentaire s’impose en fonction des pathologies : astasie-abasie, élargissement du polygone de sustentation cérébelleux, Parkinson avec sa démarche à petits pas,



Chapitre 18. Chutes à répétition des personnes âgées

peur de tomber avec sa démarche bras écartés en parachute, etc. La rééducation de l’équilibre est bien connue des rééducateurs et des kinésithérapeutes. Il faut prévoir deux séances de 45 minutes par semaine en salle de rééducation et 20 à 30  minutes par jour d’exercices à la maison. En général, 7 à 8 séances sont suffisantes ; maximum 15 séances chez le sujet âgé. Il faudra intégrer à ces exercices ceux de la coordination œil-tête qui consiste seulement à ajouter du mouvement de tête les yeux ouverts à tous les autres. • Les objectifs sont : – d’améliorer le contrôle du centre de gravité par rapport aux cibles et prendre conscience des limites de l’équilibre à ne pas franchir en se penchant pour attraper des objets sur une table de plus en plus éloignée (functionnal reach), – d’augmenter la vitesse de la marche, améliorer le balancement des bras, lever les orteils et les genoux, diminuer l’appui bipodal au bénéfice de l’appui unipodal, – d’augmenter la force musculaire, – de regagner progressivement la confiance en soi. • La méthode est : – d’aller du simple vers le compliqué en trouvant de nouveaux exercices à chaque séance en fonction des performances du sujet, – de faire décomposer mentalement les tâches à accomplir puis de les répéter jusqu’à recouvrer les automatismes d’antan, – de lui montrer ses défauts pour qu’il les surmonte et de lui faire prendre conscience de ses limites, – de travailler à la maison, 20 à 30 minutes par jour, en répétant les exercices testés en salle de rééducation, – de se placer dans un coin de la pièce près d’un mur pour les exercices en position érigée, afin de pouvoir s’appuyer en cas de besoin. De même, les exercices de marche seront d’abord effectués dans des corridors aux murs rapprochés. Conseiller de marcher beaucoup (10 minutes par jour pour commencer), – de travailler le schéma corporel devant une glace et contrôler ses gestes de façon inversée (fig. 18-4).

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Fig. 18-4. Travail du schéma corporel avec un miroir quadrillé.

Source : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Résultats Macias et al. [2] ont utilisé les exercices vestibulo-oculaires de type Tusa, associés à un travail de la marche et de l’équilibre dans une population de 70 chuteurs âgés tout venant. En quelques mois, la probabilité de chute est tombée de 98 à 67 % et a été réduite à moins de 5 % chez un tiers de la population. Cette population ne comportait que quatre patients présentant une pathologie vestibulaire périphérique caractérisée et la plupart des troubles de l’équilibre n’étaient pas systématisés. L’hypothèse est que les troubles vestibulaires sont la cause de ces chutes inexpliquées. Ainsi, ces travaux et d’autres ont amené l’American Geriatric Society à recommander systématiquement la VRT (Vestibular Rehabilitation Therapy) chez les sujets âgés qui présentent des perturbations de la marche et de l’équilibre [1].

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Guide de rééducation vestibulaire

`` Compléments en ligne Vidéo 18-1. Chute par réaction de déséquilibre.

Vidéo 18-2. VPPB de la personne âgée.

Vidéo 18-3. Presbyvestibulie (HIT × 2).

Vidéo 18-4. Norré simplifié.

Référence bibliographique [1] American Geriatrics Society. British Geriatrics Society, American Academy of Orthopaedic Surgeons Panel on Falls Prevention. Guidelines for the prevention of falls in older persons. J Am Geriatr Soc 2001;49:664–72. [2] Macias JD, Massingale S, Gerkin RD. Efficacy of vestibular rehabilitation therapy in reducing falls. Otolaryngol Head Neck Surg 2005;133:323–5.

Annexe : modèle de fiche pour la prise en charge des personnes âgées Remettre cette fiche au patient en cochant les exercices à faire. Il devra la rendre au bout de la période considérée en ayant noté le nombre de chutes pendant cette période et ses commentaires.



Chapitre 18. Chutes à répétition des personnes âgées

Chutes à répétition et coordination œil-tête (fig. 18-5)

Fig. 18-5.  

D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

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Vertiges positionnels (Norré simplifié) (fig. 18-6)

Fig. 18-6.  

D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

Chapitre 19 Pièges de la pathologie vestibulaire centrale Les vertiges en rapport avec une pathologie vestibulaire neurologique sont rares car ils sont en général remplacés par des troubles de l’équilibre. Dans la plupart des cas, un cortège de signes neurologiques ne laisse planer aucun doute. En revanche, le mot «  piège  » recouvre quelques cas ressemblant à des pathologies vestibulaires périphériques. Pour qui prend en charge les vertiges, ces cas lui seront adressés tôt ou tard au cours de sa vie professionnelle. Quelques règles de vigilance doivent donc être connues pour remettre en cause le diagnostic initial. Sans oublier que la médecine n’est pas une science exacte.

Pathologies vestibulaires centrales avérées Ces affections concernent des maladies lésant les voies vestibulaires à partir des noyaux vestibulaires jusqu’aux noyaux oculomoteurs d’une part et jusqu’au trou occipital d’autre part. C’est-à-dire pratiquement tout le tronc cérébral et le cervelet dans un espace crânien dénommé fosse postérieure. Cet espace est si riche en voies nerveuses qu’il est quasiment impossible que seules quelques fibres vestibulaires soient atteintes isolément sans que les structures de voisinage le soient aussi. D’où la coexistence de signes neurologiques associés signant le diagnostic topographique. Pour ces pathologies, la question posée est  : qu’apporterait une rééducation ?

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Pathologie vasculaire vertébrobasilaire Les infarctus latérobulbaires et les infarctus cérébelleux sont des urgences commençant souvent par des vertiges. Au début, on pourrait les confondre avec une névrite vestibulaire mais : • l’instabilité est majeure, le patient ne peut même pas se traîner jusqu’aux toilettes ni se tenir assis (ataxie truncale) ; • il existe des signes neurologiques (syndrome de Wallenberg, fig. 19-1) : diplopie (voir double), dysarthrie (troubles de l’élocution), dysphagie (trouble de la déglutition), hémiparésie (troubles sensitifs de la face et du corps) et paralysies des nerfs crâniens (paralysie faciale). Chez ces patients, il est exceptionnel que les neurologues réclament une rééducation vestibulaire. Le repos est préféré en attendant la récupération spontanée. Toutefois, une rééducation vestibulaire est parfois nécessaire quand l’artère labyrinthique nait de l’artère cérébelleuse thrombosée. L’oreille interne est alors détruite avec surdité profonde et syndrome de déafférentation vestibulaire aiguë du même côté. La rééducation est la même que pour une névrite vestibulaire. Un piège reste à signaler De petites crises de vertiges isolés peuvent précéder l’accident vasculaire cérébral de quelques semaines : comme si l’artère se bouchait par intermittence avant de se thromboser complètement. Adresser ces patients au kinésithérapeute pour vertiges récurrents ne serait pas une bonne indication

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Pathologies centrales mimant une pathologie périphérique Si les patients neurologiques sont rarement adressés pour rééducation vestibulaire, en revanche il existe des pièges neurologiques. C’est-à-dire que des affections neurologiques peuvent se présenter sous l’aspect d’une pathologie vestibulaire périphérique. L’affection périphérique mimée peut être  : un VPPB, une maladie de Menière, une névrite vestibulaire ou un torticolis. Fig. 19-1. Petit infarctus latérobulbaire ayant donné un syndrome de Wallenberg.

(cf. chapitre 16). L’existence d’un terrain vasculaire avec facteurs de risque (hypertension, tabagisme) amènerait à se méfier.

Pathologies neurologiques évoluant par poussées Le type en est la sclérose en plaques. L’atteinte vestibulaire est classique mais survient souvent tardivement. Une symptomatologie vertigineuse n’inaugure une SEP que dans 5 à 7 % des cas. En revanche, au cours de l’évolution, les vertiges et les troubles de l’équilibre sont très fréquents et très variés. Un grand nombre d’affections neurologiques sont responsables de troubles de l’équilibre progressifs. Parfois, ceux-ci sont d’origine vestibulaire. L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke débute souvent par un trouble de la marche. Les troubles de l’équilibre sont fréquents dans la maladie de Parkinson. Dans les pathologies cérébelleuses, la marche est faite d’oscillations amples, de pulsions latérales non aggravées par l’occlusion des yeux. Dans tous ces cas, une rééducation vestibulaire n’est que rarement envisagée seule. Si une prise en charge physiothérapique est nécessaire, elle vise plutôt les troubles de l’équilibre à laquelle il faut ajouter du mouvement de tête.

Pseudo-VPPB : le nystagmus de position central

Règle no 1 Chez un patient se plaignant de troubles de l’équilibre depuis quelques semaines, se méfier d’un trop beau nystagmus positionnel, obtenu dans la mise en décubitus, très intense, très long (plusieurs minutes) et ne s’accompagnant que de faibles vertiges.

Le nystagmus de position central est connu depuis 1930. Il a été décrit par Nylen à propos des tumeurs de la fosse postérieure comprimant le tronc cérébral et le cervelet. On ne peut pas  le confondre avec le nystagmus d’un VPPB du canal postérieur car celui-ci ne dure que 30 secondes avec une dynamique très particulière et une composante torsionnelle très violente (cf. chapitre 5). En revanche, on peut le confondre avec un VPPB du canal horizontal de type antigéotropique (cf. chapitre 6). Par exemple, une tumeur de la fosse postérieure peut provoquer des vertiges positionnels ressemblant à un VPPB et donner lieu à des manœuvres thérapeutiques inappropriées, voire dangereuses. Le nystagmus de position central est un nystagmus horizontal qui apparaît en décubitus latéral et qui s’inverse selon que l’on est couché sur l’oreille droite puis couché sur l’oreille gauche. Il est antigéotropique car il bat vers l’oreille située en haut



Chapitre 19. Pièges de la pathologie vestibulaire centrale 109

(fig. 19-2). Classiquement, il apparaît sans latence, dure tant que la position est maintenue et ne s’accompagne que d’un faible vertige concomitant.

Pseudo-maladie de Menière : le neurinome de l’acoustique Règle no 2 Chez un patient se plaignant de quelques crises de vertige pouvant durer plusieurs jours depuis deux ans, se méfier de la présence d’une surdité unilatérale s’aggravant progressivement sur plusieurs années et prédominant sur les fréquences aiguës.

La coexistence de crises de vertige récurrentes séparées par des périodes asymptomatiques et associée à une surdité unilatérale évoque une maladie de Menière. Toutefois, dans la maladie de Menière, la surdité est fluctuante, avec des périodes d’amélioration spectaculaires. Surtout, la surdité prédomine sur les fréquences graves (cf. fig. 16-1). Le bilan de cette surdité comporte une étude des potentiels évoqués auditifs qui affirme son caractère endocochléaire. Le neurinome de l’acoustique est une tumeur bénigne développée aux dépens de la gaine du nerf vestibulaire (schwannome). C’est la plus fréquente des tumeurs cérébrales de la fosse postérieure. Son évolution se fait sur plusieurs années. Le nerf est détruit progressivement si bien que

la compensation se fait au fur et à mesure sans vertiges ni troubles de l’équilibre dans 95  % des cas. Le seul signe révélateur est une surdité de perception prédominant sur les fréquences aiguës car la tumeur comprime progressivement le nerf de l’audition (VIIIe paire crânienne). Dans 5 % des cas, le neurinome de l’acoustique peut se présenter comme une maladie de Menière car il se produit de petites hémorragies intratumorales qui se manifestent par des crises de vertiges à répétition. Mais le bilan audiométrique est complètement différent. Les potentiels évoqués auditifs sont de type rétrocochléaire amenant à prescrire une IRM. C’est pourquoi, avant toute rééducation vestibulaire, il faut vérifier qu’au moins un audiogramme a été réalisé (fig. 19-3).

Pseudo névrite vestibulaire : l’hématome cérébelleux Règle no 3 Un patient en proie à un vertige aigu doit être surveillé en guettant l’apparition d’éventuels troubles de la conscience.

Les névrites vestibulaires représentent des tableaux cliniques dramatiques, mais le patient arrive à se traîner aux toilettes et si les vomissements sont importants, il n’y a pas de troubles de la conscience. Leur apparition après une période d’amélioration apparente a une signification précise. Fig. 19-2. Astrocytome malin de la fosse ­postérieure. Femme de 32 ans ­consultant pour des troubles de l’équilibre et présentant un ­nystagmus de position central (vidéo 19-1   ).

Source (image de droite) : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier ­Masson ; 2014.

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Guide de rééducation vestibulaire

Fig. 19-3. Neurinome de l’acoustique (IRM). La tumeur est située dans le conduit auditif interne droit (astérisque). L’audiogramme montre une surdité de perception du côté droit qui s’est aggravée au fil des années au fur et à mesure de la croissance tumorale. Cette surdité prédomine sur les fréquences aiguës : 2 000, 4 000 et 8 000 Hz (en abscisses) où elle atteint une perte auditive de 40, 70 et 80 dB (en ordonnées inversées).* : Neurinome du VIII.

Les infarctus cérébelleux commencent très souvent par de violents vertiges. On peut les confondre avec une névrite vestibulaire d’autant qu’il peut y avoir un nystagmus horizontal spontané. Le patient peut alors être confié à l’ORL et au rééducateur. Tout semble régresser en 24 à 48 heures. Puis brutalement apparaissent des troubles de la conscience. En fait, c’était un accident ischémique cérébelleux qui a été confondu avec un syndrome vestibulaire. L’évolution a été hémorragique et un hématome compressif s’est développé secondairement (évolution en deux temps). Le scanner en urgence suffit à montrer l’hématome dans la plupart des cas. Et le patient doit être alors montré au neurochirurgien pour éventuel elle évacuation (fig. 19-4).

Fig. 19-4. Gyroscan d’un hématome intracérébelleux.

Pseudo-torticolis : dissection de l’artère vertébrale Règle

no

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Se méfier des vertiges d’emblée douloureux avec cervicalgies, y compris chez un sujet jeune. S’assurer qu’il n’y a pas eu de traumatisme cervical récent, même minime : chute de ski, week-end passé à repeindre son plafond, etc.

Dans les VPPB, après plusieurs semaines d’évolution, les patients se plaignent de cervicalgies en rapport avec les mauvaises attitudes prises pour éviter de déclencher les vertiges. Mais, pas d’emblée comme dans la dissection de l’artère vertébrale. Ici, la douleur est provoquée par un hématome post-traumatique se développant dans l’épaisseur de la paroi de l’artère



Chapitre 19. Pièges de la pathologie vestibulaire centrale 111

et ­progressant jusqu’au tronc basilaire en 24 à 48  heures. La thrombose de l’artère vertébrale s’annonce par des troubles de l’équilibre et des vertiges. Puis se développe un syndrome de Wallenberg (cf.  supra). Au maximum apparaît un tableau de quadriplégie avec troubles respiratoires traduisant la thrombose du tronc basilaire. On imagine les conséquences procédurières si, entre temps, des manœuvres libératoires avaient été pratiquées ! Dans tous les cas, la dissection de l’artère vertébrale représente un vrai piège pour le kinésithérapeute. Un patient lui est adressé pour algies cervicales. Il présente en même temps quelques troubles de l’équilibre et quelques vertiges qui font poser le diagnostic de troubles de la statique cervicale. Une rééducation cervicale, voire des élongations (  ?) sont pratiquées. Brutalement, le patient entre dans un inquiétant tableau neurologique. C’était une dissection de l’artère vertébrale (fig. 19-5).

Nystagmus positionnel vertical inférieur : malformation d’Arnold Chiari Règle no 5 Si l’on déclenche un nystagmus vertical inférieur lors de la manœuvre de Dix et Hallpike, il faut s’abstenir de toute manœuvre thérapeutique et renvoyer le patient au médecin traitant pour rechercher une pathologie cérébelleuse ou une malformation cervicocrânienne.

Parmi les malformations de la charnière cervico-­crânienne, il y a les malformations nerveuses d’Arnold Chiari par enclavement des amygdales cérébelleuses dans le canal rachidien. Vers 30 à 45  ans, ou à l’occasion d’un traumatisme, apparaît un tableau clinique comportant des cervicalgies, des vertiges, des troubles de l’équilibre et des céphalées déclenchées par la toux avec maladresses et fourmillements dans les deux mains. Les symptômes sont aggravés par tout évènement augmentant la pression du

Fig. 19-5. Dissection de l’artère vertébrale gauche. IRM en T2 avec saturation des graisses. L’hématome de la paroi de l’artère vertébrale est indiqué par la flèche.

liquide cérébrospinal : toux, éternuements, rire, effort physique. L’examen clinique retrouve des nystagmus verticaux inférieurs seulement positionnels au début, puis spontanés. Le diagnostic sera fait par une IRM en coupes sagittales. La morphologie du malade comporte classiquement un cou court avec une implantation basse des cheveux. On imagine dans ces cas les risques d’une manœuvre de Sémont. C’est un argument supplémentaire pour ne faire de manœuvre thérapeutique que si l’on a constaté la présence d’un nystagmus caractéristique de VPPB à la manœuvre de Dix et Hallpike. Si l’on constate la présence d’un nystagmus battant vers le bas lors de cette manœuvre, il faut demander si les patients ont des antécédents d’épisodes de maladresse des mains, notamment dans l’écriture (parésies en ailes de papillon). Il s’agit en fait d’une anomalie de développement de la fosse cérébrale postérieure (fig. 19-6). Tardivement apparaissent des troubles sensitifs siégeant dans la région cervicale et les membres supérieurs témoignant d’une syringomyélie. Le patient remarque sa tolérance anormale à saisir les objets chauds. Parfois, l’affection n’est révélée tardivement que par une atrophie des muscles de la main.

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Guide de rééducation vestibulaire

Fig. 19-6. Malformation d’Arnold Chiari associée à une syringomyélie. IRM sagittale en T2. Engagement de l’amygdale cérébelleuse dans le trou occipital (flèches). Atrophie centrale de la moelle cervicale caractéristique de syringomyélie.

Conclusion

`` Complément en ligne

On ne demande pas au kinésithérapeute de faire des diagnostics. Mais dans tous les cas, il doit être couvert par une prescription médicale.

Vidéo 19-1. Nystagmus de position central.

Chapitre 20 Bilan vestibulaire du rééducateur Avant de prendre en charge un patient pour vertige, il est indispensable d’avoir une prescription médicale. Malheureusement, la prescription de rééducation vestibulaire ne s’accompagne souvent d’aucune autre indication que « vertiges ». Le bilan doit donc partir de zéro pour savoir quoi faire. De toute façon, c’est un bilan fonctionnel différent du bilan diagnostic médical. Il sert au kinésithérapeute pour initier, conduire et surveiller une prise en charge. Mais il faut rester vigilant. Au besoin, avec diplomatie, être prêt à renvoyer le patient au médecin prescripteur.

Histoire du vertige «  On m’a envoyé parce que j’ai des vertiges.  » L’interrogatoire est fondamental.

Vertiges ou déséquilibre ? Demander au patient de décrire son vertige sans employer le mot «  vertige  ». On déduira de cet interrogatoire s’il s’agit d’un vertige rotatoire typiquement labyrinthique avec nausées et vomissements ou s’il s’agit de phénomènes d’instabilité ne survenant qu’en position érigée.

Vertige spontané ou vertige positionnel ? Il faut bien distinguer le vertige spontané du vertige positionnel. Le vertige spontané est permanent : en position couchée comme en position allongée. Il est aggravé par le moindre mouvement de la tête. Si le patient vous dit qu’il lui faut garder la tête Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

immobile pour être bien, c’est probablement une pathologie vestibulaire. Dans les vertiges positionnels, le patient n’a aucun vertige spontané la tête droite, mais il présente un vertige en levant la tête, en la baissant, en se couchant le soir et en se levant le matin. Il sera intéressant de noter quels changements de position sont déclenchants. Dans le VPPB du canal postérieur, c’est toujours le même côté et le même mouvement qui provoque le vertige. Dans un VPPB du canal horizontal, le patient a surtout des vertiges en se retournant dans son lit. Il faut noter le côté vers lequel les vertiges sont les plus intenses et les plus longs.

Depuis combien de temps avez-vous des vertiges ? Précisez l’enveloppe évolutive du vertige (fig. 20-1). • S’agit-il d’une première crise de vertige sévère de début brusque et de régression progressive  ? On évoque alors une déafférentation vestibulaire aiguë (par exemple, une névrite). Il faut savoir à combien de jours on est du début et si le patient sort d’une hospitalisation. • S’agit-il de crises durant de ¼  d’heure à 24 heures séparées de période sans symptômes ? On évoque alors un vertige récurrent. C’est une maladie de Menière s’il s’y associe une surdité unilatérale fluctuante à chaque crise. C’est peut-être une tumeur s’il s’y associe une surdité unilatérale lentement progressive depuis plusieurs mois (neurinome de l’acoustique). C’est peut-être un équivalent migraineux s’il n’y a pas de symptômes auditifs chez un sujet jeune. • S’agit-il d’un patient se plaignant de vertiges quotidiens variés depuis plusieurs mois ou

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Guide de rééducation vestibulaire

Fig. 20-1. Calendrier du vertige. À la fin de l’interrogatoire, il faut faire entrer le patient dans l’une des trois catégories représentées ici. L’idéal est d’avoir un peu de recul pour juger de l’enveloppe évolutive. Sinon, il faut recueillir tous les indices possibles et savoir attendre pour livrer le diagnostic définitif. 1. Grande crise unique prolongée et de régression progressive en 2 à 5 semaines (névrite). 2. Vertige itératif ou récurrent constitué de crises durant de quelques minutes à quelques heures, séparées par des périodes peu ou pas symptomatiques plus ou moins longues (Menière, migraine). 3. Situation chronique : mélange d’instabilité, de vertiges positionnels et de crises durant depuis plusieurs mois (VPPB, contusion labyrinthique, etc.).

années avec des périodes de rémission plus ou moins longues  ? C’est une situation chronique. Il faut savoir si le patient est en période de vertige au moment du bilan.

Symptômes associés Nausées, vomissements, troubles auditifs (demander s’il y a eu un examen des tympans et un audiogramme fait par un ORL, sinon conseiller

d’en voir un). Céphalées ou algies cervicales (cf. chapitre 19).

Antécédents Ils seront essentiels à connaître pour évaluer le pronostic. • Les antécédents traumatiques sont importants. Une fracture du rocher est généralement suivie d’une surdité sévère associée à une déafférentation

vestibulaire aiguë. Des VPPB post-traumatiques peuvent survenir dans les semaines qui suivent un trauma crânien. Ils sont de plus mauvais pronostic que les autres. De légers traumatismes cervicaux sont susceptibles d’entraîner une dissection de l’artère vertébrobasilaire. Le syndrome post-­traumatique comporte des vertiges et une instabilité, il s’y associe souvent un important état dépressif de mauvais pronostic avec un patient revivant sans cesse son accident. • En cas d’antécédents vasculaires (infarctus, artérite, etc.), il faut être méfiant avant que soit confirmé un diagnostic de névrite. • Enfin, on sait que la compensation vestibulaire sera plus difficile à obtenir dans trois circonstances  : s’il existe une pathologie ophtalmologique, des problèmes orthopédiques et une consommation régulière de médicaments sédatifs.

Évaluation du handicap Faire l’inventaire de ce que le patient n’est plus capable de faire à cause de ses vertiges et de le noter de 0 à trois croix (encadré « Évaluation du handicap »). Les critères proposés dans cet encadré sont issus de la version française du Dizziness Handicap Inventory de Jacobson (DHI). C’est une échelle d’évaluation intéressante qui explore les trois dimensions du handicap en rapport avec les vertiges et les troubles de l’équilibre : handicap physique, handicap fonctionnel et handicap émotionnel, soit 24 items (voir liste complète en annexe 1). Toutefois, c’est un questionnaire mal adapté au patient non anglo-saxon. Nous n’en avons gardé que 8 dimensions physiques (cf. encadré 20-1A) et 4 dimensions émotionnelles (cf. encadré  20-1B). Les réponses aux dimensions physiques servent à privilégier certains exercices et à suivre l’évolution du patient. Les réponses aux dimensions émotionnelles servent à mieux prendre en compte le retentissement psychique sur la motivation. Dans ce contexte le handicap varie aussi en fonction de la profession : actif versus non actif  ; travail sur des chantiers versus travail sédentaire ; responsabilités non remplaçables versus arrêt de travail sans conséquence pour l’employeur.

Chapitre 20. Bilan vestibulaire du rééducateur

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Évaluation du handicap A. Chiffrez en croix la gêne apportée par vos vertiges et vos troubles d’équilibre au fait • de regarder vers le haut : 0 + ++ +++ • de se tourner dans le lit : 0 + ++ +++ • de se pencher en avant : 0 + ++ +++ • de faire des mouvements de tête brusques : 0 + ++ +++ • de se lever d’une chaise : 0 + ++ +++ • de se lever du lit : 0 + ++ +++ • de marcher le long d’un trottoir : 0 + ++ +++ • de se déplacer dans les allées d’un supermarché  : 0 + ++ +++ B. À cause de vos vertiges et de vos troubles d’équilibre 1. Avez-vous parfois envie de pleurer ? 0 + ++ +++ 2. Craignez-vous d’avoir une maladie grave ? 0 + ++ +++ 3. Craignez-vous que l’on vous croie ivre  ? 0  + ++ +++ 4. Évitez-vous de sortir non accompagné  ? 0  + ++ +++ C. Interprétation des dimensions émotionnelles • 1 = Pour cerner un état dépressif (souvent associé à une insomnie et à une somnolence diurne). • 2  =  Pour cerner le manque de confiance («  On aurait dû faire une IRM ; on n’a pas pris ma maladie au sérieux »). • 3  =  Pour savoir s’il craint le regard des autres (famille, amis ou relations professionnelles). • 4  =  Pour évaluer sa peur de tomber réelle ou hystérique (non corrélée au nombre de chutes et associée à une démarche caractéristique, bras écartés en parachute).

Rechercher un nystagmus spontané Il est impératif de rechercher un nystagmus spontané reconnaissable à sa phase rapide et à sa phase lente. Le nystagmus pathologique ressemble aux nystagmus physiologiques qui ont été décrits au chapitre  4 (cf. fig.  4-9). La différence est que le nystagmus pathologique ne correspond à aucun mouvement de la tête. Comme eux, il comporte un mouvement lent des yeux (phase lente) qui est interrompu lorsque l’œil arrive au bord de l’orbite par un vif mouvement de rappel en sens inverse (phase rapide). L’œil est ainsi ramené à sa position de départ pour un nouveau nystagmus.

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Guide de rééducation vestibulaire

On désigne le sens du nystagmus par celui de la phase rapide.

Mode de recherche Les nystagmus sont recherchés de trois façons : les yeux ouverts dans la lumière sans ou avec fixation oculaire (faire fixer son doigt)  ; dans la lumière sans fixation avec lunettes de Frenzel ; dans l’obscurité en vidéonystagmoscopie infrarouge. Au début d’une névrite (fig. 20-2), on peut observer un nystagmus spontané sans matériel particulier, simplement en abaissant la paupière inférieure avec le doigt. Puis, après 24 à 48 heures, le nystagmus n’est plus visible qu’avec des lunettes de Frenzel supprimant la fixation. Enfin, au-delà du 5e, 7e jour, le nystagmus n’est plus observable que dans l’obscurité en vidéonystagmoscopie infrarouge.

Description du nystagmus spontané Le nystagmus spontané vestibulaire est conjugué, c’est-à-dire qu’il affecte les deux yeux de manière égale. On décrit des nystagmus horizontaux,

verticaux, rotatoires ou horizontaux-rotatoires. Rappelons que les nystagmus sont désignés par le sens leur phase rapide : droit ou gauche pour un nystagmus horizontal ; supérieur ou inférieur pour un nystagmus vertical  ; horaire ou antihoraire (point de vue de l’observateur) pour un nystagmus rotatoire (ou torsionnel). Effet de la lumière, de la fixation et de l’obscurité Les nystagmus sont caractérisés par leur fréquence et leur amplitude. Mais la mesure de ces paramètres ne peut se faire qu’en vidéonystagmographie. En rééducation, on peut se contenter d’une grossière évaluation. On peut ainsi se rendre compte facilement si ces paramètres sont augmentés ou diminués par la lumière, la fixation oculaire, l’absence de fixation où l’obscurité. Ces caractères permettront de donner une signification au nystagmus spontané. Effet de la rotation des yeux sur la direction du nystagmus À partir de la position médiane des yeux (ou position primaire), on demande au patient de tourner les yeux

Fig. 20-2. Recherche d’un nystagmus spontané. A. Dans la lumière, sans et avec fixation oculaire, en abaissant la paupière avec l’index. B. Dans la lumière, avec des lunettes de Frenzel auto-éclairantes à piles comportant des lentilles de 20 dioptries pour empêcher la fixation. C. En vidéonystagmoscopie infrarouge dans l’obscurité, avec visualisation et enregistrement sur le disque dur d’un ordinateur. En cartouche, enregistrement facultatif de la position du patient grâce à une 2e caméra et à un diviseur d’image.

vers la droite et vers la gauche sans bouger la tête. On observe alors l’effet de cette rotation du regard sur le sens et les paramètres du nystagmus spontané. Association à un vertige

Chapitre 20. Bilan vestibulaire du rééducateur

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• augmenté par la fixation oculaire ; • présent sur un seul œil. Remarque 1

Si un patient dit qu’il éprouve du vertige et qu’en même temps on n’observe aucun nystagmus, il est vraisemblable que son vertige n’est pas d’origine vestibulaire. Anxiété ? Hypoglycémie ? Hypotension artérielle ? Anémie ? Polyglobulie ? À l’inverse, la présence d’un nystagmus spontané alors que le patient n’éprouve aucun vertige fait évoquer un nystagmus congénital ou d’origine ophtalmique mais n’exclut pas une pathologie vestibulaire en particulier centrale. C’est le contexte qui fait la différence.

Un nystagmus unidirectionnel est aussi classé en : • degré  I s’il est présent uniquement dans le regard dirigé dans le sens de la secousse rapide ; • degré  II s’il est présent aussi dans le regard médian ; • degré III s’il est encore présent dans le regard dirigé en sens opposé à la secousse rapide. Ces degrés témoignent de son intensité. Ainsi, l’évolution d’une névrite vestibulaire peut être suivie par le degré du nystagmus en sachant qu’il varie en fonction de la fixation oculaire, de la lumière et de l’obscurité (cf. fig. 9-9).

Signification d’un nystagmus spontané

Remarque 2

Schématiquement, la présence d’un nystagmus spontané alors que le patient est en proie à un vertige signifie qu’il existe une asymétrie entre les deux labyrinthes. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un labyrinthe déficitaire et le nystagmus bat du côté sain (névrite vestibulaire). Dans d’autres rares cas, l’asymétrie est en rapport avec une hyper-réflectivité du côté atteint désigné par le côté de la surdité comme dans la maladie de Menière à certains moments de la crise. Cette asymétrie est d’origine périphérique si le nystagmus est : • horizontal-rotatoire ; • unidirectionnel, ne changeant pas de sens avec la rotation des yeux ; • augmenté lorsque la rotation des yeux se fait dans le sens de la secousse rapide et diminué lorsque cette rotation se fait dans le sens de la secousse lente ; • diminué par la fixation oculaire ; • augmenté sous lunette de Frenzel ; • très augmenté dans l’obscurité ; • associé à de violents vertiges avec nausées. Cette asymétrie est d’origine centrale si le nystagmus est : • vertical ; • horizontal, pur et changeant de sens avec la rotation des yeux ;

La présence d’un nystagmus spontané dans les VPPB est incompatible avec ce diagnostic. Il faut poursuivre les investigations à la recherche d’une autre cause. Remarque 3 Si le déficit labyrinthique est bilatéral et symétrique, il ne peut y avoir ni vertige ni nystagmus (cf. chapitre 17).

Révéler une asymétrie labyrinthique incomplètement compensée Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de nystagmus spontané qu’il n’y a pas d’asymétrie entre les deux labyrinthes. Dans une névrite vestibulaire, les vertiges disparaissent ou s’atténuent avec la rééducation vestibulaire tandis que le nystagmus disparaît y compris dans l’obscurité. Mais on peut encore révéler l’asymétrie labyrinthique de 3 façons.

Head shaking test (secouage de la tête) Chez un patient assis, la manœuvre consiste à imprimer 20  rotations de la tête d’environ 15°

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Guide de rééducation vestibulaire

dans le plan horizontal, d’un côté et de l’autre, à une fréquence de 1  Hz. Dans l’évolution d’une névrite vestibulaire, après disparition du nystagmus spontané, on peut encore provoquer un nystagmus horizontal vers le côté sain tant que la névrite n’a pas récupéré. Sa persistance révèle une compensation incomplète.

Test vibratoire osseux Les vibrations osseuses de fréquence 100  Hz appliquées sur la mastoïde à l’aide d’un vibrateur sont susceptibles de réveiller le nystagmus latent d’une névrite vestibulaire même si elle est parfaitement compensée si la fonction vestibulaire n’a pas récupéré. Ce test nécessite l’achat d’un vibrateur osseux.

Test d’Halmagyi ou HIT (Head Impulse Test) (cf. fig. 9-10) Dans une névrite vestibulaire, il peut rester longtemps positif même si la névrite a récupéré aux épreuves caloriques. Ce test témoigne de la persistance de l’atteinte fonctionnelle sur les hautes fréquences se traduisant par des sensations vertigineuses persistantes lors des mouvements rapides de la tête.

Nystagmus positionnels Protocole du diagnostic des VPPB On peut faire la recherche à l’œil nu, sous lunettes de Frenzel ou mieux, sous vidéonystagmoscopie infrarouge. Le patient doit être passif et se laisser manipuler. Les mouvements doivent être réalisés en moins de 6  secondes. Les positions atteintes doivent être maintenues au moins 20 secondes. Choix 1 Patient assis au bout de la table d’examen. Objectif : faciliter une éventuelle manœuvre d’Epley pour les VPPB du canal postérieur et faciliter la recherche des VPPB du canal horizontal (fig. 20-3).

• Tourner sa tête de 45° vers sa droite. • Coucher le patient sur le dos, tête pendante sur un coussin placé sous les épaules et sa tête toujours tournée de 45° vers sa droite (manœuvre de Dix et Hallpike droite). Si VPPB du canal postérieur droit  : faire Epley. Si VPPB du canal antérieur gauche, faire Sémont inversé. Si nystagmus horizontal, passer directement aux manœuvres diagnostiques de roulis en décubitus. • Rasseoir le patient toujours la tête tournée à droite. Si déséquilibre et nystagmus vertical inférieur, confirmation d’un diagnostic de VPPBpo1. • Tourner sa tête de 45° vers sa gauche. • Coucher le patient sur le dos, tête pendante sur le coussin placé sous les épaules et sa tête toujours tournée de 45° vers sa gauche (manœuvre de Dix et Hallpike gauche). Si VPPB du canal postérieur gauche  : faire Epley. Si VPPB du canal antérieur droit, faire Sémont inversé. Si nystagmus horizontal, passer directement aux manœuvres diagnostiques de roulis en décubitus. • Rasseoir le patient sa tête toujours tournée à gauche. Si déséquilibre et nystagmus vertical inférieur, confirmation d’un diagnostic de VPPBpo. • Remettre sa tête dans le plan sagittal. • Le coucher tout doucement sur le dos, la tête fléchie de 30° posée sur le coussin précédent qui aura été légèrement reculé. Si l’on constate un nystagmus horizontal de position2, noter son sens et faire des rotations de tête de 30° vers la gauche et vers la droite pour voir s’il s’arrête d’un côté et se renforce de l’autre. Son sens désigne alors le côté d’une cupulolithiase : prévoir une manœuvre de Gufoni. • Faire plier son genou gauche et s’en servir comme bras de levier pour rouler le patient sur son oreille droite. Noter s’il existe un nystagmus horizontal géotropique ou antigéotropique. 1.  Dans les VPPB du canal postérieur, une première manœuvre diagnostique peut être négative. 2. Un nystagmus de position est un nystagmus qui dure tant que la position est maintenue.



Chapitre 20. Bilan vestibulaire du rééducateur

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Fig. 20-3. Choix 1. Asseoir le patient au bout de la table d’examen. Se placer sur son côté gauche. Voir texte pour les explications.

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Guide de rééducation vestibulaire

• Remettre le patient en décubitus dorsal. • Faire plier son genou droit et s’en servir comme bras de levier pour rouler le patient sur son oreille gauche. Noter s’il existe un nystagmus horizontal géotropique ou antigéotropique. S’il est géotropique : passer à la manœuvre de Baloh Lempert. S’il est antigéotropique : passer à la manœuvre de Gufoni. • Éventuellement, relever le patient en position assise et le faire pencher en avant. S’il apparaît un nystagmus horizontal, celui-ci désigne le côté d’une canalolithiase du canal horizontal et doit être l’inverse du nystagmus obtenu en décubitus dorsal. Relever immédiatement la tête pour éviter d’envoyer la lithiase dans l’ampoule du canal horizontal3. Choix 2 Patient assis, face à soi. Objectif : faciliter une éventuelle manœuvre de Sémont pour un VPPB du canal postérieur. Inconvénient : il faut ensuite changer la position du patient pour la recherche des VPPB du canal horizontal (fig. 20-4).

• Tourner sa tête de 45° vers sa gauche (A). • Coucher le patient sur son épaule droite (B), tête posée sur le matelas, pendante de la hauteur de sa clavicule et tête toujours tournée de 45° vers sa gauche, nez en l’air (manœuvre provocatrice droite). Si VPPB du canal postérieur droit : faire Sémont. Si VPPB du canal antérieur gauche, faire Sémont inversé. Si nystagmus horizontal, passer directement aux manœuvres diagnostiques de roulis en décubitus. • Rasseoir le patient, sa tête toujours tournée à gauche (C). • Tourner la tête de 45° vers sa droite (D). • Coucher le patient sur son épaule gauche (E), tête posée sur le matelas, pendante de la hauteur de sa clavicule et tête toujours tournée de 45° vers sa droite, nez en l’air (manœuvre provocatrice gauche). Si VPPB du canal postérieur gauche  : faire Sémont. Si VPPB du canal antérieur droit, faire Sémont inversé. Si nystagmus horizontal, passer directement aux 3. D’où il sera plus difficile de la faire sortir.

manœuvres diagnostiques de roulis en décubitus. • Rasseoir le patient toujours la tête tournée vers sa droite (F).

Signification des nystagmus positionnels Le protocole de diagnostic et de traitement des VPPB décrit ci-dessus n’est valable que pour des nystagmus possédant toutes les caractéristiques indiquées aux chapitres 5, 6 et 7. Tout autre nystagmus n’entrant pas dans ce cadre n’est pas une indication à faire des manœuvres thérapeutiques. En particulier lorsque l’on déclenche des nystagmus de position verticaux inférieurs purs en décubitus dorsal et latéral. Il s’agit alors d’autres pathologies à renvoyer au médecin prescripteur (possible compression du flocculus cérébelleux). Importance des nystagmus La présence ou l’absence de nystagmus a une signification. Il faut donc tous les rechercher. Si l’on découvre un nystagmus spontané horizontal-rotatoire et unidirectionnel, il est typiquement périphérique (par exemple, dans une névrite). En revanche, dans un VPPB, si on trouve un nystagmus spontané, ce n’est probablement pas un VPPB. Si le nystagmus spontané change de direction ou de forme selon la position des yeux ou selon la direction du regard, il est central. Il faut systématiquement effectuer les manœuvres positionnelles de Dix et Hallpike et de roulis en décubitus pour rechercher le nystagmus typique des VPPB. On effectuera aussi systématiquement un head shaking pour rechercher les nystagmus séquelles d’une névrite. Enfin, les tests de Norré permettront d’identifier les vertiges positionnels périphériques en dehors du VPPB (cf. chapitre 15).

Test d’acuité visuelle dynamique Ce test a été décrit au chapitre 17. Il est purement fonctionnel, mettant en évidence un défaut de stabilisation visuelle au cours des mouvements de tête. Pour effectuer le test, il faut une échelle alphabétique de lecture (cf. fig.  17-1). Dans



Chapitre 20. Bilan vestibulaire du rééducateur

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Fig. 20-4. Choix 2. Asseoir le patient au milieu du bord de la table d’examen, face à soi. Voir texte pour les explications. D’après : Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2014.

un premier temps, la tête étant immobile, on demande au sujet de lire les plus petits caractères possible sur l’échelle placée à 3,5 mètres. On note le numéro de ligne qui n’est plus lisible par le patient. Puis on imprime passivement à la tête du patient des mouvements alternatifs horizontaux et verticaux d’amplitude 40° à une fréquence de 0,5  Hz. Au cours de ces mouvements, le sujet doit lire à nouveau les deux premiers caractères de chaque ligne en commençant par les plus gros. À partir d’une perte de deux lignes, le test est considéré comme pathologique. Le score d’acuité visuelle dynamique est représenté par le nombre de lignes que le sujet n’est plus capable de lire par rapport à l’absence de mouvement de tête.

Tests vestibulospinaux Ce sont des tests qui ne sont pas spécifiquement vestibulaires car la somesthésie générale joue un

grand rôle dans l’équilibration. Néanmoins, en cas de pathologie vestibulaire, ce sont de bons témoins pour suive les progrès d’une rééducation vestibulaire (fig.  20-5). Tous les tests ne sont pas à faire. Il faut en choisir 3 ou 4 en routine que l’on maîtrise bien et adaptés aux patients (sujets âgés, par exemple). L’idéal serait de disposer d’une plate-forme de posturographie (cf. annexes 2 et 3). • Chez un patient alité, yeux fermés, dos bien décollé de l’oreiller, bras tendus, les index pointés en avant, rechercher des déviations segmentaires : les deux bras s’inclinent lentement vers le côté lésé. • Test de Romberg. Debout, bras tendus, les yeux fermés, les index pointés en avant, après un temps de latence, le sujet atteint d’un déficit vestibulaire récent incline les deux bras et le corps lentement vers le côté lésé (côté de la phase lente du nystagmus spontané). Au début du test, faire écarter les pieds de 30 cm.

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Guide de rééducation vestibulaire

Fig. 20-5. Tests vestibulospinaux. A. Test de Romberg. B. Marche en étoile de Babinski. C. Test de Fukuda.

Puis les faire joindre progressivement. Dans le Romberg sensibilisé, on place le patient sur un tapis en mousse d’au moins 5  cm d’épaisseur pour supprimer l’entrée podale. L’aggravation des oscillations est en faveur d’une participation vestibulaire importante par abolition supplémentaire des informations proprioceptives. Répéter le test car le premier essai est parfois trompeur. Ne pas s’éloigner du patient pour parer à toute menace de chute. • Tester la marche : yeux fermés, en faisant faire trois à quatre pas en avant. Le patient dévie vers le côté lésé (ici encore, se tenir près du patient pour éviter un accident). En lui faisant faire quelques séries de trois pas en avant et trois pas en arrière, il décrit les branches d’une étoile (marche en étoile de Babinski). • Rotation sur place, les yeux fermés et même ouverts, le patient fait des écarts en tournant vers le côté lésé. • Test de Fukuda. (vidéo 20-1 ). Le patient se tient debout, les bras tendus en avant à l’horizontale, yeux fermés. Il reçoit pour consigne de marcher sur place en levant les genoux vers la poitrine 40 à 50  fois au rythme régulier d’un pas par seconde. En cas d’asymétrie vestibulaire, le sujet dévie et tourne sur lui-même

(spin). À la fin de l’examen, noter la distance parcourue dans le plan sagittal, l’angle de déviation et l’angle de rotation. Une rotation de 30° est considérée comme physiologique. Les résultats n’ont pas de valeur absolue. En revanche, ils ont une valeur relative pour le suivi d’une rééducation vestibulaire. Au début d’une névrite, le test est généralement impossible à réaliser. • Test de Graybiel : on mesure la déviation obtenue en faisant marcher le sujet, les yeux fermés, sur une distance de 3 mètres. L’écart en centimètres est un bon reflet de la déviation axiale.

Autres tests Test de la verticale subjective La perception de la verticalité résulte d’informations visuelles, oculomotrices, proprioceptives et otolithiques (saccule et utricule). Le principe de la mesure est de demander au patient d’orienter une barre en position verticale, tel qu’il la perçoit (fig.  20-6). Il faut éviter la présence de repères verticaux et horizontaux dans la pièce d’examen. Il faut aussi faire porter un masque limitant la vision périphérique. On peut aussi faire l’examen



Fig. 20-6. Technique de mesure de la verticale subjective.

Photo : Dominique Vibert. Unité d’otoneurologie, clinique universitaire d’ORL, Hôpital de l’Île. Berne, CH-3010.

dans l’obscurité avec une barre faiblement lumineuse pour ne pas éclairer les murs. Dans les névrites vestibulaires, une déviation de la verticale subjective est mesurée vers le côté de l’oreille atteinte, dans 50  % des cas. Le degré d’inclinaison varie de 3 à 6° pour la méthode binoculaire et de 5 à 12° pour la méthode monoculaire. Cette déviation est moins importante qu’après déafférentation chirurgicale (cf. fig.  10-1). Cliniquement, elle est associée à des impressions d’attraction du corps, de sensations de chute voire de lévitation en position assise ou couchée. La persistance de la déviation de la verticale subjective est interprétée comme étant due à une compensation centrale incomplète du déficit otolithique. Malheureusement, c’est un test difficile à réaliser et soumis à de larges variations selon que le patient s’aligne sur une référence égo ou exocentrée. Se méfier aussi des résultats contradictoires soumis aux aléas des comportements hystériques.

Tests giratoires avec arrêts brusques Les tests giratoires avec arrêts brusques sont intéressants mais nécessitent un fauteuil de Sémont (cf. chapitre  13). Les vitesses atteintes sont de 400 à 600°/s, yeux fermés, tête fléchie de 30°. Ces vitesses doivent être adaptées pour éviter les symptômes neurovégétatifs. • À l’arrêt brusque, on fait fixer une cible et le patient dit « stop » quand elle cesse de bouger.

Chapitre 20. Bilan vestibulaire du rééducateur

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On peut comparer chez un même patient la durée en secondes des nystagmus postgiratoires horaires et antihoraires évaluée de cette façon. Un arrêt brusque après une giration horaire étudie le côté gauche et un arrêt brusque après une giration antihoraire étudie le côté droit (rappel). • Si la cible est rapprochée, ou si le patient fixe son propre pouce, on ne doit normalement obtenir aucun nystagmus car cette fixation inhibe les réflexes vestibulo-oculaires par des voies passant par le cervelet. La persistance de violents nystagmus est d’origine centrale. • L’utilisation de lunettes de vidéonystagmoscopie infrarouges appliquées sitôt après l’arrêt brusque permet la meilleure évaluation possible. • L’interprétation est délicate car il est difficile de démêler ce qui revient à l’habituation, à la compensation et à la récupération. Mais ce qui compte est la symétrisation et surtout la comparaison des résultats au cours de l’évolution.

Tests avec un générateur de stimulations optocinétiques On provoque des illusions de mouvement auxquelles le patient vestibulaire n’est pas capable de s’adapter et qui le font tomber, surtout si on le met sur un tapis en mousse épais. Ce test peut être traumatisant et nécessite une surveillance étroite. Le sens de la rotation déclenchant la chute est parfois évident vers le côté déficitaire. Ce test est surtout valable dans le regard vague et pas dans le regard attentif. Les perturbations sont proportionnelles à la dépendance visuelle pouvant perturber la rééducation (cf. chapitre 14).

Tests portant sur l’équilibre général Des tests portant sur l’équilibre général ne seront effectués que pour évaluer les troubles de l’équilibre de la personne âgée  : appui unipodal inférieur ou égal à 5 secondes et score au « timed up & go test » supérieur ou égal à 20 secondes. L’évaluation du schéma corporel et de la mémoire spatiale peut être proposée lorsque la rééducation

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Guide de rééducation vestibulaire

se passe mal (cf. chapitre  21). Elle peut se faire devant une glace quadrillée en donnant l’ordre d’effectuer tel ou tel mouvement vu à l’envers. On peut aussi l’évaluer en faisant des rotations passives les yeux fermés sur un fauteuil tournant de 90, 180 et 360 degrés et en demandant au patient de chiffrer l’importance de la rotation subie. Il y a une sous-estimation du côté lésé.

Tests de Norré Le test des 19 positions de Norré a été décrit au chapitre 15. Les prises de position où le cou est en hyper-extension sont à éviter chez les personnes âgées, car mal tolérées. C’est un test très utile quand le bilan est négatif : pas de nystagmus spontané, manœuvres de Dix et Hallpike et manœuvre de roulis en décubitus normales, pas de signes vestibulospinaux, pas de troubles de l’équilibre. Il est très utile dans les cas où il n’incrimine que quelques prises de position (3 à 5) permettant de bâtir un programme de rééducation faisable à domicile. Ensuite, le thérapeute refera le test chaque semaine pour surveiller l’évolution. Il est encore très utile en fin de rééducation où persistent des vertiges cinétiques. En revanche, quand toutes les prises de position sont mal tolérées, il s’agit plutôt d’une intolérance globale au mouvement d’une autre nature (cf. chapitre 21). Quoi qu’il en soit, il faut le faire régulièrement pour qu’il reste automatique et ne dure pas plus de 7 à 8 minutes.

Consigner les résultats du bilan Dans le chapitre  22, on propose un modèle d’observation et six exemples de bilan  1 à 6. Après les avoir examinés, quel type de rééducation proposez-vous pour chacun d’entre eux  ? Les réponses sont aussi dans le chapitre 22.

En conclusion Un bilan n’est jamais complet. Le temps dont on dispose est limité et la tolérance du patient

aussi. Il faut faire des choix en fonction de l’état du patient. Avec l’expérience, on reste sur 5 à 6 tests choisis en fonction de l’interrogatoire, de l’état du sujet et de ce que l’on a trouvé lors de la recherche des nystagmus spontanés et positionnels. Un point essentiel est de répéter ces bilans chaque semaine.

Annexe 1 Échelle du handicap lié aux troubles de l’équilibre et aux vertiges Vingt-cinq items à cinq niveaux de réponse pour évaluer les difficultés éprouvées dans la vie courante, en tenant compte exclusivement de l’influence des malaises vertigineux ou de déséquilibre pendant les quatre dernières semaines. 1. (P) Le fait de regarder vers le haut accentue-t-il vos troubles ? 2. (E) À cause de vos malaises, vous sentez-vous découragé(e), désappointé (e) ? 3. (F) À cause de malaises, limitez-vous vos déplacements professionnels ou de loisir ? 4. (P) Vous déplacer dans une allée de grande surface commerciale augmente-t-il vos troubles ? 5. (F) Par le fait de vos malaises, avez-vous des difficultés à vous mettre ou à sortir du lit ? 6. (F) Votre problème limite-t-il votre participation à des activités sociales comme dîner à l’extérieur, aller au spectacle, en soirée ou au dancing ? 7. (F) Vos troubles réduisent-ils votre capacité de lire des livres ou des revues ? 8. (P) Le sport, la danse ou des tâches ménagères (entretenir la maison, ranger la vaisselle…) accentuent-­ils votre problème ? 9. (E) À cause de vos malaises, évitez-vous de sortir de chez vous non accompagné(e) ? 10. (E) Votre problème a-t-il été responsable d’une sensation d’embarras face aux autres ? 11. (P) Les mouvements brusques de la tête accentuent-­ ils vos troubles ? 12. (F) En raison de vos malaises, évitez-vous les hauteurs ? 13. (P) Vos troubles augmentent-ils lorsque vous vous tournez dans votre lit ? 14. (F) Éprouvez-vous des difficultés à exécuter des tâches soutenues dans le ménage ou dans le jardin ?

15. (E) Du fait de vos troubles, craignez-vous que l’on vous considère en état d’intoxication ? 16. (F) Du fait de votre problème, vous est-il difficile d’aller vous promener seul(e) ? 17. (P) Votre malaise s’accroît-il lorsque vous marchez le long d’un trottoir ? 18. (E) À cause de vos troubles, éprouvez-vous des difficultés de concentration ? 19. (F) Éprouvez-vous des difficultés à sortir autour de votre maison ? 20. (E) En raison de votre problème, craignez-vous de rester seul(e) chez vous ? 21. (E) À cause de vos malaises, vous sentez-vous physiquement diminué (e) ? 22. (E) Vos troubles ont-ils été responsables de relations tendues avec les membres de votre famille ou avec des amis ? 23. (E) À cause de votre problème, êtes-vous dépressif(ve) ? 24. (F) Vos troubles ont-ils une conséquence sur vos responsabilités professionnelles ou familiales ? 25. (P) Vous pencher en avant accentue vos malaises ? P = dimension physique, F = dimension fonctionnelle, E : dimension émotive. Réponses en suivant ce code  : 0  =  non, jamais, 1  =  rarement, 2  =  parfois, 3  =  souvent, 4  =  oui, en permanence. Nyabenda A, Briart C, Deggouj N, Gersdorff M. Étude normative et de la reproductibilité d’une échelle du handicap lié aux troubles de l’équilibre et aux vertiges Dizziness Handicap Inventory. Version française : Annales de réadaptation et de médecine physique. 2004 ;47 :105-113.

Chapitre 20. Bilan vestibulaire du rééducateur

Les positions successives du centre de pression par rapport au barycentre du polygone de sustentation permettent de calculer la longueur parcourue et la surface du polygone global (fig. 20-7) : • la surface est exprimée en mm2 avec mesure de la surface de l’ellipse de confiance après élimination des 10 % des points les plus extrêmes ; • la longueur totale en mm du statokinésigramme et son rapport à la surface reflètent la quantité d’énergie dépensée par le sujet pour contrôler son équilibre. Si l’on perturbe l’entrée podale en disposant de la mousse sur la plate-forme, ce rapport augmente ; • le stabilogramme : – selon l’axe droit-gauche : valeur du X moyen en mm dépistant une asymétrie transversale du tonus postural, – selon l’axe avant-arrière : valeur du Y moyen en mm dépistant un recul et surtout une avancée du centre de gravité chez la personne âgée. En outre, l’analyse fréquentielle FFT (Fast ­Fourier Transform) a pour but d’apprécier les oscillations posturales dans le statokinésigramme (FFT droite-gauche et FFT avant-arrière). Lentes, elles correspondent aux entrées visuelles ou vestibulaires.

Annexe 2 : principes de la posturographie La posturographie, dans des conditions statiques, apprécie la qualité posturale d’un sujet en position érigée. Elle ne fournit pas l’étiologie. On utilise une plate-forme de forces constituée d’un plateau reposant sur des capteurs. Le patient doit rester debout immobile, les yeux ouverts puis fermés pendant une cinquantaine de secondes. Grâce aux capteurs, un système informatique donne la position du centre de pression des pieds assimilé au centre de gravité. Cette position étant donnée plusieurs fois par seconde, à l’écran, on a la trace du chemin parcouru par le centre de pression : le statokinésigramme.

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Fig. 20-7. Statokinésigramme.

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Guide de rééducation vestibulaire

Rapides, elles correspondent aux entrées somesthésiques générales. On pourrait aussi évaluer le passage de la stratégie de chevilles à la stratégie de hanche chez la personne âgée par l’étude des vitesses d’oscillation en Y (VFY). Enfin, le quotient de Romberg est le rapport de la surface les yeux fermés sur la surface les yeux ouverts permettant d’évaluer l’entrée visuelle.

Annexe 3 : posturographie dynamique Plate-forme statique-dynamique Multitest Framiral Cette plate-forme de posturographie statique et dynamique enregistre le déplacement du centre de pression et fournit les données habituelles de la posturographie statique. Elle fournit en plus des données dynamiques car son plateau peut être rendu inclinable et instable à des degrés réglables pas à pas de 1/10 de degré. L’entrée podale peut être supprimée par un système d’asservissement. Des impulsions variées peuvent aussi être effectuées avec mesure du temps de réaction du sujet pour retrouver son équilibre initial. L’appareil donne une mesure de surface et de la vitesse moyenne dans 6 conditions (fig. 20-8) :  A.  les yeux ouverts sur plateau stable ;  B.  les yeux fermés sur plateau stable ;   C. avec une stimulation optocinétique sur plateau stable ; D. les yeux ouverts sur plateau instable ;   E.  les yeux fermés sur plateau instable ;    F. avec une stimulation optocinétique sur plateau instable. Le rapport de surface A/B donne un pourcentage en rapport avec la suppression de l’entrée visuelle. Le patient tient sur son entrée somesthésique et vestibulaire (quotient de Romberg). Le rapport de surface A/D donne un pourcentage en rapport avec la suppression de l’entrée proprioceptive. Le patient tient sur son entrée visuelle et vestibulaire. Le rapport de surface A/E donne un pourcentage en rapport avec la suppression des entrées

visuelle et proprioceptive. Le patient tient sur son entrée vestibulaire. La dépendance visuelle est considérée comme proportionnelle aux perturbations posturales induites par les stimulations optocinétiques par rapport à des conditions identiques avec les yeux fermés. Elle est donc évaluée comme le rapport entre la somme des surfaces C + F/la somme des rapports des surfaces B + E. L’appareil permet aussi la rééducation en se référant aux résultats des séances précédentes.

Système de posturographie Synapsys (SPS) Le test est conçu pour quantifier objectivement l’équilibre statique et dynamique du patient et pour évaluer le rôle des entrées somato-­ sensorielles, visuelles et vestibulaires dans la stratégie d’équilibre de celui-ci. La SPS offre une gamme de protocoles standards connus : BOS (Bilan d’organisation sensorielle), bilan de Romberg, bilan chuteur et bilan d’évaluation vestibulaire stimulé.

Fig. 20-8. Plateforme statique-dynamique Multitest Framiral. Résultats dans 6 combinaisons sensorielles : yeux ouverts, yeux fermés, stimulations optocinétiques, plateforme fixe et plate-forme dynamique asservie.



Fig 20-8. (Suite)

Fig 20-8. (Suite)

Chapitre 20. Bilan vestibulaire du rééducateur

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Guide de rééducation vestibulaire

Fig. 20-9. Système de posturographie Synapsys (SPS).

Grâce à la combinaison de tests dynamiques et statiques, la SPS permet d’effectuer un diagnostic complet de la posture. Les résultats et la comparaison des graphiques aux données de référence guident vers la bonne conclusion. Le système permet ensuite une rééducation adaptée à la pathologie du patient (fig.  20-9). Après avoir mis en évidence ses faiblesses lors des examens d’évaluation, la rééducation SPS permet d’améliorer la stabilité du patient en organisant un programme de rééducation adapté. Avec 4 différents types d’exercices (stabilisation, transfert d’appui, mise en charge et contrôle postural), la SPS défie les patients avec des exercices divertissants. Pour une bonne adaptation à chaque patient, les exercices et les programmes de rééducation sont personnalisables (temps, difficulté, scène en mouvement, 2D ou 3D, son, feedback…). Le programme sélectionné lance automatiquement l’ensemble des exercices pour fluidifier les sessions. L’évaluation et la comparaison des résultats pour chaque séance de rééducation permettent au praticien et au patient de contrôler les progrès réalisés.

Le système permet aussi de stimuler la stratégie d’organisation de l’équilibre avec des éléments perturbateurs. Chaque entrée sensorielle peut être perturbée en utilisant divers accessoires : coussin en mousse, plateforme en bois instable, plateforme motorisée, arrière-plans visuels statiques et dynamiques, sons, mouvements de tête. Tous ces éléments peuvent être ajoutés à la fois aux ­programmes d’évaluation et à ceux de rééducation pour réaliser des séquences complètes.

Autres plates-formes dynamiques Neurocom Equitest Nashner, Assistmove Isimove, Satel, Biorescue, etc.

`` Complément en ligne Vidéo 20-1. Test vestibulospinal de Fukuda.

Chapitre 21 Choix, conduite et surveillance d’une rééducation vestibulaire En pratique, il y a deux situations. Dans la première, c’est un patient de « première main » : VPPB n’ayant pas encore été manœuvré ou névrite vestibulaire vue dès le début au cours d’une hospitalisation. Le suivi idéal de ces malades est décrit dans les paragraphes «  Il s’agit d’un VPPB  » à «  Prise en charge et évolution  ». Il suffit de vérifier qu’il y a eu où qu’il y aura un bilan auditif et vestibulaire ORL. Dans la deuxième situation, les patients ont erré de mains en mains pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Toutes sortes d’investigations ont été effectuées sans résultat, y compris une IRM. La présentation de ces malades est alors brouillée. Les patients sont désespérés. Pour que l’on s’intéresse à eux, ils en rajoutent, semblant justifier qu’on les repousse sous les étiquettes d’anxieux, de névrosés ou d’hystériques.

Il s’agit d’un VPPB La mission du thérapeute est de faire sortir une lithiase du canal semi-circulaire où elle est piégée. Rappelons que le caractère bénin ne peut s’affirmer que par une manœuvre provocatrice spécifique déclenchant le nystagmus typique du VPPB du canal concerné (cf. chapitres 5, 6 et 7). Tous les vertiges positionnels ne sont pas des VPPB. Beaucoup sont liés à des troubles de l’interaction entre les macules otolithiques et les canaux semi-circulaires [1], trouble qui peut siéger au niveau labyrinthique périphérique (lésion otolithique) ou au niveau central (nodulus et flocculus du cervelet). Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

VPPB du canal postérieur Les manœuvres thérapeutiques seront efficaces dès le premier rendez-vous dans 80  % des cas (cf. chapitre  5). Le choix entre manœuvre de Sémont et manœuvre d’Epley est affaire d’expérience. Pour un malade obèse, on préférera la manœuvre d’Epley. Pour un patient ayant une pathologie arthrosique cervicale, on préférera une manœuvre de Sémont. Une seule manœuvre sera pratiquée dans la même séance, même si on n’obtient pas le nystagmus libératoire. En effet, en pareil cas, la lithiase est probablement bloquée dans la crus commune et risque de passer dans le canal horizontal alors qu’elle finira spontanément sa course petit à petit en position érigée. Dans ce cas, ne pas montrer de désappointement car les succès inespérés et inexplicables sont fréquents. Dans les cas favorables, quelques recommandations sont utiles pendant 48 heures pour éviter une récidive immédiate : dormir sur deux oreillers  ; n’aller ni chez le dentiste ni chez le coiffeur pour ne pas mettre la tête en hyper-extension. Évolution immédiate Les lignes qui vont suivre ne constituent pas un dogme. C’est une conduite parmi d’autres tout autant respectables. Le patient sera revu la semaine suivante pour une manœuvre provocatrice de contrôle. S’enquérir d’une symptomatologie persistante. Dans 80  % des cas, les symptômes et les nystagmus ont disparu. Sinon, on peut s’autoriser une nouvelle tentative en utilisant l’autre manœuvre, celle que l’on n’a pas

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Guide de rééducation vestibulaire

utilisée la première fois. La semaine d’après, en cas de nouvel échec, si le nystagmus provoqué était vraiment typique d’un VPPB du canal postérieur, on peut encore s’autoriser une 3e chance. Sinon, ce n’est pas un échec, c’est qu’il doit y avoir une autre explication. Il faut renvoyer le patient au médecin prescripteur pour qu’il complète son bilan : audiométrie, vidéonystagmographie, imagerie, etc. Surtout, ne pas s’acharner. On comprendra mieux cette prudence à propos des VPPB du canal horizontal. Certains patients voient disparaître leur vertige positionnel mais se plaignent qu’il est remplacé par une sensation d’instabilité permanente. L’hypothèse est que les otolithes sont perchés sur la macule utriculaire et sont responsables de cette pseudo-ébriété parfois durable. On peut alors recourir à une rééducation vestibulaire par adaptation plus que par habituation souvent mal tolérée. Ne pas oublier aussi de bien expliquer ce qui leur arrive.

et brutales risquent alors de déchirer cette fragile cupule et d’aggraver la situation. En toute circonstance, ne pas s’acharner et rediscuter du cas de ces patients avec les prescripteurs. Car, dans une forme géotropique et encore plus souvent dans une forme antigéotropique, il peut s’agir d’un nystagmus de position central en rapport avec une tumeur de la fosse postérieure.

VPPB du canal horizontal

Il s’agit d’une déafférentation vestibulaire unilatérale aiguë

S’agissant d’un VPPB du canal horizontal, il faut s’attendre à plus de difficultés que pour un VPPB du canal postérieur (cf. chapitre 6). A priori, on ne prend en charge que les formes géotropiques. Une manœuvre de Baloh Lempert est pratiquée. Le protocole est encore de revoir le patient une semaine après puis éventuellement deux semaines après. En cas d’échec, on demandera au patient de dormir sur le côté sain, calé avec des oreillers pendant plusieurs nuits consécutives. De cette façon, on obtient parfois des succès inespérés. Pour une forme antigéotropique, il faut faire une manœuvre de Gufoni sur le côté atteint dans l’espoir de la transformer en forme géotropique et de suivre par une manœuvre de Baloh Lempert vers le côté sain. De toute façon, le patient doit encore être revu la semaine suivante car certaines formes antigéotropiques se transforment spontanément en forme géotropique. Dans ces formes antigéotropiques, si aucune transformation ne se produit, c’est que l’on a affaire à une cupulolithiase fermement fixée à la cupule ou à un œdème de la cupule. Des manœuvres itératives

VPPB du canal antérieur Il est exceptionnel (1  % des cas). La manœuvre libératrice est une manœuvre de Sémont inversée (cf. chapitre  7). Là encore, pas d’acharnement car les nystagmus positionnels verticaux inférieurs sont habituellement d’origine centrale. Pour être sûr qu’il s’agisse d’un VPPB, il faut exiger que le nystagmus possède une composante torsionnelle désignant le côté atteint : antihoraire pour le canal antérieur droit et horaire pour le canal antérieur gauche.

Le cas le plus fréquent est celui de la névrite vestibulaire avec une audition normale. Mais il peut aussi s’agir d’infection bactérienne de l’oreille interne (labyrinthite), de fracture du rocher ou de thrombose de l’artère labyrinthique. Dans ces cas, il y a une surdité ipsilatérale. La chirurgie fournit aussi quelques patients : neurotomie vestibulaire pour maladie de Menière, chirurgie de l’os temporal pour cancer, ablation de tumeur de la fosse cérébrale postérieure (neurinome du nerf acoustique ou méningiome).

C’est une urgence Il est établi que la rééducation vestibulaire doit être instituée précocement si l’on veut éviter des séquelles  : vertiges et déséquilibres invalidants. C’est la raison pour laquelle cette rééducation doit pouvoir se faire partout en France. Elle n’est pas le domaine réservé de quelques centres spécialisés. Aucun matériel coûteux n’est indispensable. C’est



Chapitre 21. Choix, conduite et surveillance d’une rééducation vestibulaire 131

l’implication du rééducateur qui fait tout. C’est par une guidance attentive, imaginative et intuitive qu’il remettra sans cesse son patient dans le bon chemin en levant une à une les entraves à sa motivation.

(encore) un bon moyen de stimuler son désir de bien faire. • Dites aux personnes âgées que vous allez les remuscler car elles ont bien conscience que le manque de force musculaire sous-tend leur manque d’équilibre.

Schéma général de prise en charge

Étape 2 : fixer des objectifs

Schématiquement, il faut forcer la plasticité cérébrale par trois leviers : l’adaptation, la substitution et la sensibilisation. Ce sont trois processus indissociables intervenant au cours d’exercices actifs effectués dans un contexte statique, dynamique et dans un environnement naturel. • L’adaptation consiste à créer de nouveaux « schémas fonctionnels » et à reparamétrer les structures vestibulaires restantes. • La substitution consiste à recourir à la vision et à la proprioception. • La sensibilisation consiste à réveiller et augmenter les capacités vestibulaires par la déstabilisation visuelle et proprioceptive. Étape 1 : discours au patient D’abord gagner sa confiance pour lui faire admettre que pour s’améliorer, il faut en passer par le vertige et le déséquilibre. • Commencer par expliquer ce qu’il a avec des mots simples. Au besoin, montrer une maquette ou un schéma de l’oreille interne. Dire que l’on va choisir une méthode progressive mais que l’on doit « forcer » chaque jour un petit peu plus les systèmes sensoriels concourant à l’équilibre. • Prendre contact physiquement avec lui par quelques massages qui le soulageront de ses contractures cervicales d’origine vestibulaire. • Dédramatiser en disant que son cas est plus fréquent que l’on ne croit. Conseillez-lui d’en parler autour de lui et il se rendra compte que beaucoup de ses connaissances ont déjà présenté des vertiges. • Redonner confiance en soi en insistant sur le fait que vous, en ce qui vous concerne, vous avez confiance en lui. • Annoncer que l’on va évaluer et noter régulièrement ses progrès lors de chaque séance. C’est

Pour la posture, ces objectifs sont : • pouvoir tenir debout ; • pouvoir marcher droit devant soi ; • pouvoir tourner en rond sans embardée. Pour la vision : ces objectifs sont : • lire un texte tête mobile ; • rechercher de cibles situées derrière soi. Étape 3 : piocher les exercices dans les quatre tiroirs • Exercices de coordination œil-tête : chapitre 11. • Exercices de maintien postural et d’équilibre  : chapitre 12. • Exercices giratoires : chapitre 13. • Exercices de sensibilisation : chapitre 14.

Projet pour une névrite vestibulaire Le tableau I n’est qu’indicatif. Les premiers jours, le patient est si mal qu’il n’est pas question de le mobiliser sous peine de le faire vomir. On commence le 3e  jour par des exercices oculomoteurs au lit pour qu’il retrouve une bonne proprioception des globes oculaires malgré son nystagmus. Lui faire fixer une cible placée devant lui pour ressentir la position primaire de l’œil. Maintenir des regards excentrés de 10, 20 et 40° dans le plan horizontal pendant 20 à 60 secondes. Lui faire faire de la poursuite oculaire en lui faisant fixer et suivre le doigt que l’on bouge latéralement et sagittalement (cf. fig. 11-2).

Synthèse Il n’y a pas d’ordre figé. Le rééducateur peut sauter des étapes ou revenir en arrière selon son intuition. Il choisit à sa guise dans un catalogue

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Guide de rééducation vestibulaire

Tableau I. Principales étapes de la rééducation d’une névrite vestibulaire. Durée d’évolution

Stade clinique

Type d’exercices

Stratégie

J1 à J3

Nausées. Nystagmus de fixation de degré III.

Repos. Premier contact avec le rééducateur.

Exercices proprioceptifs oculomoteurs.

J3 à J5

Nystagmus de fixation degré I.

« Oui-non-peut-être » en position assise. Premier lever.

Tiroir 1. Reparamétrer le réflexe vestibulo-oculaire.

J5 à J7

Nystagmus sous lunettes de Frenzel de degré III.

Commencer les positions érigées et les marches.

Tiroir 2. Stabilisation posturale.

J8 à J21

Vertiges et nystagmus positionnels.

Perfectionnement tous exercices. Éventuellement passage à la sensibilisation ou à l’habituation.

Tiroirs 3 et 4. Dépistage des blocages. Parfois changer de méthode : Norré.

constitué de tiroirs où les exercices ont été classés en fonction du type de conflit sensoriel généré : entre l’œil et le vestibule, entre l’œil et la proprioception somatique, spécifiquement vestibulaire (giratoires) et exercices de sensibilisation. Chaque exercice possède un poids plus ou moins grand de chacune des entrées sensorielles : vision, vestibule et proprioception. On y a ajouté les exercices proprioceptifs oculomoteurs spécifiques de l’œil. La rééducation se fait sous forme de séances très rapprochées au début : deux, voire trois fois par jour la première semaine, puis trois fois au cours de la deuxième semaine et ensuite, une fois par semaine. La prise en charge durant environ six semaines (15 séances). Stimulation de la proprioceptivité des muscles extra-oculaires L’œil possède un système proprioceptif comme toute partie du corps animée de mouvements d’origine musculaire. Pour l’œil, les capteurs sont dans les muscles oculomoteurs. Les projections se font directement sur le noyau vestibulaire. Pour réaliser une stimulation de ces propriocepteurs, on demande au patient d’exécuter des excentrations latérales forcées du globe oculaire atteignant 60° et maintenues entre 30 et 60  secondes. Il se produit alors un étonnant contrôle du nystagmus parfaitement ressenti par le patient [2]. Si l’on possède une rampe d’oculomotricité, ce travail peut être dosé progressivement.

Stimulation des récepteurs labyrinthiques Ce n’est que lorsque les exercices proprioceptifs oculaires seront réussis que l’on pourra commencer le « oui-non-peut-être » en position assise et en fixant une cible à 1 m de distance. Le premier lever aura lieu entre le 3e et le e 5  jour. Puis, les exercices seront piochés dans les trois premiers tiroirs et choisis au fur et à mesure de l’évolution, mais pas à la même vitesse dans chaque tiroir. Il faut augmenter progressivement la difficulté et supprimer un exercice dès que le patient sait le faire seul (cf. chapitre 10). Sensibilisation par les stimulations optocinétiques Après une semaine de prise en charge, on peut sensibiliser le vestibule en diminuant le poids de l’entrée visuelle par des stimulations optocinétiques (cf. chapitre  14). L’affinement maximum est de faire travailler le vestibule seul en supprimant en même temps l’entrée visuelle et l’entrée podale  : stimulations optocinétiques sur tapis en mousse épais. Attention  ! Ne pas associer dans la même séance des exercices de sensibilisation (optocinétique ou proprioception) et des exercices d’habituation (arrêts brusques ou Norré). Le cerveau n’y comprendrait plus rien. Stimulation des propriocepteurs spinaux Quand il ne reste que de l’instabilité, notamment dans le ½  tour en position érigée, on peut compléter par des exercices de proprioception



Chapitre 21. Choix, conduite et surveillance d’une rééducation vestibulaire 133

effectués les yeux fermés. On inclura dans ce travail des exercices dynamiques bien connus des kinésithérapeutes et pas seulement utilisés en rééducation vestibulaire. Ces exercices d’équilibration comprennent des exercices statiques avec maîtrise du Romberg dans le balancement d’avant en arrière et de droite à gauche. Il y a aussi les exercices dynamiques avec entre autres : poussées frontales et nucales auxquelles on demande au sujet de résister ; pas de souris, marche arrière et avant avec fixation et avec les yeux fermés ; tout exercice à point de départ proprioceptif visant à créer des réflexes d’équilibration rapide éveillant la sensibilité tibiotarsienne et l’extéroceptivité de la plante des pieds. Interactions sensorielles Il ne faut pas les utiliser trop tôt sous peine d’intolérance provoquant des blocages par connotation négative de la rééducation. En revanche, après la deuxième semaine, elles rendent de grands services. Ce sont les rotations passives alternatives droite et gauche en fixant une cible choisie dans la pièce. Ce sont aussi les rotations uniformes passives en fixant ses pouces bras tendus. Plus difficiles sont les exercices où le patient est assis sur un tabouret tournant et se fait tourner seul, 2 à 5 tours. La difficulté maximum est atteinte dans la technique du point fixe, analogue à celle utilisée par les danseurs classiques, où le patient se fait tourner seul sur son tabouret en rattrapant une cible visuelle fixe tous les 360°.

Cas particuliers et suivi La rééducation des vestibulopathies bilatérale repose sur la substitution, c’est-à-dire qu’il faut agir sur les influx visuels et proprioceptifs. Les stimulations de la proprioceptivité des muscles extra-oculaires sont intéressantes en pareil cas, en association avec les exercices vestibulospinaux du deuxième tiroir. Les stimulations optocinétiques ne sont pas souhaitables s’il n’y a pas d’espoir que le patient retrouve une fonction vestibulaire. Toutefois, la disparition de la fonction vestibulaire n’est que rarement totale. Dans la plupart des cas, il y a des restes d’un côté ou de l’autre pouvant être exploités dans le cadre d’une rééducation par adaptation classique.

La rééducation vestibulaire dans les pathologies vestibulaires centrales est rarement proposée. En principe, sauf chez le sujet âgé atteint de presbyvestibulie, le système vestibulaire périphérique devrait être intact. La prise en charge porterait donc plutôt sur une rééducation de l’équilibre classique. Pour le suivi, une plate-forme de posturographie serait l’idéal (cf. annexes 2 et 3 du chapitre 20). Car si les résultats n’ont pas une valeur absolue, ils ont une valeur relative concernant la fonction vestibulaire posturale. L’évolution est favorable et gratifiante dans la plupart des cas. Ailleurs, elle est plutôt chaotique (cf.  infra). Les résultats seront évalués au bout d’un mois et de trois mois. Ils dépendent de la survenue favorable d’une récupération fondée sur la disparition du déficit calorique. Ils dépendent aussi d’un blocage de la compensation par une composante centrale organique ou névrotique.

Bilan fonctionnel des positions de Norré Ce bilan donne la clé. Le tableau clinique est celui d’une pathologie chronique faite d’un mélange de pseudoébriété et de vertiges positionnels. À l’origine, il y a parfois à une forte crise de vertige ayant pu durer une journée. En fait, le bilan médical ne met en évidence aucune pathologie répertoriée. On vous envoie ce patient en désespoir de cause. Souvent, une IRM ou un scanner ont été faits qui se sont avérés normaux. Votre bilan confirme que ce n’est ni un VPPB, ni une névrite vestibulaire, ni une maladie de Menière, ni une vestibulopathie bilatérale. La réflectivité vestibulaire est normale tant au HIT qu’aux épreuves giratoires. Vous décidez alors de procéder aux tests des 19 positions de Norré (cf. chapitre 15).

Cinq à six positions responsables En faisant l’inventaire des positions qui déclenchent des symptômes, on identifie 5 à 6 positions responsables. Un protocole personnalisé de mouvements est alors établi avec ces prises de position

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Guide de rééducation vestibulaire

pour base. Le patient répétera ces exercices à la maison deux fois par jour pendant 10  minutes. Un contrôle des 19  positions sera refait chaque semaine jusqu’à normalisation. Évolution En trois semaines, l’amélioration est spectaculaire. C’était bien un patchwork de lésions canalaires et otolithiques non identifiables par le bilan médical mais reconnaissables lors du bilan fonctionnel. Les échecs surviennent chez les patients dont les réponses étaient floues, non reproductibles ou démesurées par rapport aux nystagmus provoqués.

Aucune des 19 positions de Norré ne déclenche de vertige Ou si elles en déclenchent, ce sont presque toutes les positions. Souvent, on vous somme d’arrêter le test. Pourtant, vous ne constatez aucun nystagmus concomitant. Alors, faut-il considérer que ce patient est un simulateur ? Certainement pas ! Simplement, les sensations vertigineuses qu’il présente ne sont pas d’origine vestibulaire. Exemples Le terrain migraineux est un grand pourvoyeur de ce type de patient. C’est une pathologie où existe un abaissement des seuils de sensibilité sensorielle (hyperosmie, photophobie, hyperacousie  ; mal des transports) qui ne s’exprime pas obligatoirement par des crises de vertige isolées comme on les a décrites au chapitre  16. Ces  sensations ne sont pas non plus toujours corrélées aux périodes de céphalées. D’ailleurs, ces patients ne tolèrent aucune tentative de rééducation vestibulaire, précisément parce qu’ils sont intolérants au mouvement. C’est un bon moyen de se rendre compte que l’on a fait fausse route. On ne peut accuser l’anxiété dans la genèse des vertiges que lorsque l’on a éliminé les autres causes. En effet, les vertiges vestibulaires sont très anxiogènes au point que l’on a pu prétendre qu’il y avait une «  angoisse vestibulaire  » consécutive à des connexions du noyau vestibulaire avec l’hypothalamus et la région lingulaire. Donc, ce

n’est pas parce que l’on a affaire à un sujet anxieux que la cause de son vertige est l’anxiété. En revanche, l’anxiété peut provoquer des vertiges de deux façons. 1. Tantôt ce sont d’intenses sensations de vertige associées à une l’hyperventilation dans un état de stress disproportionné par rapport à la contrariété déclenchante. L’oxygènémie sanguine augmente avec hypocapnie (baisse du CO2 sanguin). Il apparaît une vasoconstriction cérébrale, source de réactions diverses connues en psychiatrie sous le nom de crise de panique dont les vertiges font partie. Il faut alors obtenir du patient qu’il ralentisse et contrôle sa respiration. 2. Tantôt il s’agit de phobies du mouvement avec sensation d’être emporté en se penchant en avant, en descendant les escaliers ou en voiture, lors des dépassements sur autoroute et vertiges visuels déclenchés par les zébrures de ciels nuageux. Chez l’anxieux comme chez le migraineux, on peut proposer des désensibilisations utilisant des stimulations optocinétiques progressives. C’est d’ailleurs un traitement reconnu du mal de mer et du mal des transports dont sont fréquemment atteints ces patients. On pourrait encore citer de très nombreux troubles de l’équilibre étiquetés vertiges avec souvent syncopes ou présyncopes qui ne sont pas des pathologies vestibulaires mais des pathologies cardiovasculaires ou neurovégétatives (malaises vagaux) ou hormonales (hyperthyroïdie et hyperœstrogénie préménopausique). Dans ces cas, la rééducation n’a aucune indication.

Prise en charge et évolution Les déafférentations vestibulaires aiguës et les déficits vestibulaires partiels ont des points communs en ce qui concerne leur évolution et leur prise en charge. Un point essentiel est de répéter les bilans chaque semaine (cf. chapitre 20). On demandera aussi quel progrès le patient a fait au cours de la semaine écoulée et en particulier, ce qu’il a réussi à faire de plus cette semaine-là. Ce qui est important, c’est que ce soit le quotidien qui s’améliore, pas seulement les exercices. Tous les résultats et



Chapitre 21. Choix, conduite et surveillance d’une rééducation vestibulaire 135

nos impressions personnelles sont à consigner sur une observation papier ou informatique. Il est bon que le médecin traitant soit informé en fin d’évolution ou en cas d’imprévu.

Évolution favorable Le but de la rééducation est la reprise totale des activités avec une prudence particulière quant à la conduite automobile pour laquelle seul le patient peut décider de la reprise. Logiquement, on ne devrait l’autoriser que si le head shaking ne déclenche aucun nystagmus. Une évolution favorable comporte : • la disparition des sensations vertigineuses et des nausées ; • la disparition des déviations axiales ; • la disparition des nystagmus sous lunette de Frenzel ; • la reprise du travail ou des activités habituelles. L’objectif est atteint quand le patient peut vaquer entre les gondoles des grandes surfaces sans être perturbé par le mouvement de la foule et les lumières. Toutefois, les déséquilibres aux mouvements brusques de la tête sont les plus longs à disparaître.

Stagnation des progrès Un patient semblait progresser de façon satisfaisante et, brutalement, les progrès s’arrêtent. L’anxiété est la première cause (fig. 21-1). Blocage psychologique Dans la plupart des cas, le blocage est le résultat d’une perte de confiance. Le patient trouve l’évolution trop longue. Il estime que l’on n’a pas pris son cas au sérieux et que l’on n’a pas fait toutes les investigations nécessaires, en particulier pas d’IRM. Les vertiges représentent effectivement un symptôme si étrange et si anxiogène que c’est la porte ouverte à toutes les fausses craintes  : « J’ai une tumeur du cerveau ; c’est un anévrysme cérébral qui va se rompre, etc.  ». Il ne fait plus ses exercices de crainte de provoquer une catastrophe. Il n’ose plus bouger et le processus de compensation centrale s’arrête.

Fig. 21-1. Enchaînement : vertiges anxiété et arrêt de la compensation.

La perte de confiance peut aussi parfois provenir de l’incohérence entre les discours du médecin et du kinésithérapeute. L’un dédramatise tandis que l’autre dramatise. Les explications sur les causes et le pronostic sont différentes ou mal comprises. Souvent, les patients prêchent le faux pour savoir le vrai et nous manipulent. En fait, ils sont allés sur internet où ils ont trouvé des cas épouvantables et ils mélangent tout. Il est donc essentiel que la prescription soit accompagnée d’un courrier et inversement que le médecin soit tenu au courant de l’évolution. Un coup de téléphone est parfois le meilleur moyen « d’accorder les violons ». Bénéfices secondaires La différence entre un bilan satisfaisant et une plainte disproportionnée du patient peut entrer dans le cadre d’une attente d’indemnisation. La rédaction des courriers et des certificats en vue d’une expertise est délicate pour une pathologie qui reste subjective. L’exemple en est le syndrome crânien post-traumatique. Les contusions cérébrales comportent des vertiges et des instabilités indiscutables. Mais au-delà de 6  mois, les patients continuent à revivre douloureusement leur accident

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chaque nuit et ressentent ces circonstances comme une injustice sous-estimée par le milieu médical et le monde des assurances. Parfois, le bénéfice secondaire n’est pas évident. Cela peut être une personne âgée qui va bien, mais qui vit seule. Vous lui êtes sympathique mais elle se plaint toujours. C’est une façon de réclamer le soutien moral de séances supplémentaires dès que vous parlez d’arrêter la rééducation. Remise du diagnostic en question N’est-on pas passé à côté d’une pathologie centrale ? (cf. chapitre 19). Dans les VPPB, il faut se méfier des nystagmus trop beaux, trop longs et s’accompagnant de faibles vertiges. Il faut penser au nystagmus de position central et aux causes centrales des vertiges  : par exemple la migraine ou les tumeurs de la fosse cérébrale postérieure. Dans les névrites vestibulaires, il faut se méfier des pathologies vasculaires aiguës vertébrobasilaires avec ses nystagmus qui changent de sens selon la direction du regard ou encore ses vertiges douloureux d’emblée (céphalées ou cervicalgies). En cas de surdité associée, l’examen ORL a-til été fait ? Les pathologies de l’oreille et de l’os temporal, causes de vertiges sont nombreuses  : otite chronique, otospongiose, fistules périlymphatiques traumatiques, etc. Une otoscopie minutieuse sous microscope, une audiométrie, un scanner détaillé du rocher sont les étapes de leur diagnostic. Enfin, surtout quand l’instabilité domine, l’examen neurologique a-t-il été fait ? Changement de méthode Le diagnostic était bon, la méthode initiale était bonne, mais les progrès s’arrêtent car on est plus dans la bonne démarche physiopathologique. Par exemple, dans une névrite vestibulaire, la méthode par adaptation-substitution a donné de bons résultats, mais on bute sur la persistance de vertiges ou de déséquilibres dans 5 à 6 positions de Norré. C’est donc le moment de construire un programme adapté d’exercices à répéter chez soi dans le cadre d’un processus d’habituation.

Il existe une dépendance visuelle. Ces patients réagissent excessivement aux stimulations visuelles et aux déplacements de l’environnement visuel même longtemps après la période vestibulaire aiguë. Cette situation est fréquente sur un terrain migraineux et a été décrite chez des patients ayant été atteints d’accident vasculaire cérébral hémisphérique. Les tests consistent à placer une baguette verticale d’abord sans repère visuel puis au sein d’un cadre perturbateur incliné de 20°. Les patients sont très perturbés par l’inclinaison de ce cadre. En pareil cas, il faut passer à des stimulations optocinétiques visant une véritable désensibilisation. La méthode doit être progressive car souvent mal tolérée au début. Dans les vestibulopathies bilatérales et la presbyvestibulie, il existe une prépondérance visuelle palliative quasi constante qu’il peut être nocif de détruire quand les lésions vestibulaires sont importantes et irréversibles. C’est tout ce qui leur reste pour tenir debout. En cas de VPPB chez les personnes âgées, il faut souvent changer de méthode. En effet, les manœuvres thérapeutiques sont impossibles à faire à cause des douleurs dorsales, de l’anxiété, de l’obésité. Les patients crient, se débattent ou pire tentent de vous aider en prenant les positons inverses de celles que vous voulez leur faire prendre. Un programme de Norré simplifié (parfois dénommé exercices de Brandt et Daroff) peut apporter l’amélioration souhaitée (cf. fig. 18-6). Surcompensation On a voulu introduire le concept de surcompensation parce que dans les névrites vestibulaires, après quelques semaines d’évolution, le nystagmus spontané changeait parfois de sens (recovery nystagmus ou nystagmus de régénération). Les symptômes persistants sont alors considérés comme le résultat d’une récupération totale ou partielle de la réflectivité labyrinthique du côté atteint à laquelle s’ajoutent les effets rémanents de la rééducation. Ce tableau clinique reste hypothétique. Il nécessiterait un changement de méthode  : arrêts giratoires brusques au fauteuil tournant visant une habituation du côté atteint.



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Récidive Le patient avait guéri et ne tarissait pas d’éloges à l’égard de son thérapeute. Puis le voilà devant vous. « Ça recommence ! » Ceci n’a rien d’étonnant en ce qui concerne les VPPB où les récidives sont fréquentes. Dans la plupart des cas, c’est le même type de VPPB que précédemment et du même côté. Parfois, la récidive est en rapport avec un autre canal semicirculaire. Les récidives peuvent être si fréquentes que certains auteurs préconisent d’enseigner la manœuvre thérapeutique au conjoint, voire au patient lui-même sous la forme la plus facile  : la manœuvre d’Epley. En tout cas, ces récidives imposent de faire un bilan ORL car une cause otologique sous-jacente n’est pas rare (cf. supra). Chez la femme, on a préconisé de faire un bilan à la recherche d’une ostéoporose. Concernant les névrites vestibulaires, deux hypothèses peuvent être à l’origine de récidives de vertiges. 1. Soit il s’agit de décompensations pour les cas qui n’avaient pas récupéré leur réflectivité labyrinthique calorique et giratoire. Ces décompensations surviennent à l’occasion d’un traumatisme, d’une prise de médicaments sédatifs ou à l’occasion d’une pathologie neurologique. Les vertiges y sont moins sévères. Ce sont le plus souvent des vertiges cinétiques aux mouvements rapides de la tête. 2. Soit il s’agit de véritables récidives lorsque la fonction vestibulaire avait récupéré. Ces cas viennent à l’appui de la théorie des virus dormant dans le ganglion de Scarpa se réactivant à la manière d’un zona ou d’un herpès labial à l’occasion d’un stress, d’une pathologie intercurrente, d’une fatigue ou du grand âge. Mais s’agit-il vraiment d’une récidive  ? Le vertige aigu est une expérience si pénible que la moindre sensation anormale fait peur et déclenche une crise de panique avec vertiges (cf.  supra). C’est le cas des maladies de Menière qui ont subi une neurotomie vestibulaire tant leur handicap était important. Le nerf a été coupé et la récidive est impossible. Mais la crainte est si forte de voir revenir ce cauchemar que les crises de panique ne sont pas rares. Reste pour ces patients, la possibilité d’un Menière controlatéral souvent tardif

(plus de 10 ans après le premier côté) mais possible dans 10 à 20 % des cas.

Pronostic Le recours à la rééducation vestibulaire est d’autant plus nécessaire que le pronostic est plus mauvais. Ces patients ont besoin d’aide, plus que tout autre. Le pronostic dépend de plusieurs facteurs. Âge En cas de déafférentation vestibulaire aiguë, l’enfant ne nécessite aucune rééducation si on le laisse libre de ses mouvements. Son comportement est surprenant alors que les nystagmus spontanés sont toujours présents. Ceci est lié à la meilleure plasticité cérébrale du sujet jeune. Cette capacité diminue avec l’âge mais peut rester importante chez le sujet âgé. Tout semble corrélé à la motivation. Un sujet âgé volontaire peut avoir de meilleurs résultats qu’un sujet jeune dépressif. C’est aussi la fonction du rééducateur de maintenir un niveau élevé de motivation par sa présence et ses encouragements. Certains sujets âgés, déprimés et démotivés, s’abritent derrière leur âge pour ne rien faire. Il faut réagir fermement lors que l’on vous dit « qu’il ne faudrait pas vieillir ». Répondez « qu’il ne faudrait pas naître et que vous ne voulez plus entendre ces mots-là ». Précocité de la prise en charge Sa nécessité est attestée par de multiples travaux concernant la rééducation vestibulaire des déafférentations vestibulaires aiguës chez l’animal et chez l’homme. C’est la raison pour laquelle on doit pouvoir la faire partout en France et pas seulement dans des centres spécialisés. Médecins, kinésithérapeutes, rééducateurs, ergothérapeute doivent connaître son existence et ses principes. C’est la guidance physique et morale de ces patients qui est efficace plus que l’utilisation de matériels coûteux. Type de lésion La compensation vestibulaire est obtenue spontanément dans les lésions déficitaires unilatérales lentement progressives comme le neurinome de

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Guide de rééducation vestibulaire

l’acoustique. La tumeur naît du nerf vestibulaire et se développe progressivement. Les axones sont détruits un à un et la compensation se fait au fur et à mesure. Lors de l’interrogatoire, on ne retrouve  que quelques rares épisodes de déséquilibre alors que la surdité par compression du nerf cochléaire avait commencé bien avant. Si l’on peut confondre un neurinome du VIII avec une maladie de Menière, c’est parce que des hémorragies surviennent parfois brutalement au sein de la tumeur simulant les crises de la maladie de Menière. À l’inverse, dans les pathologies fluctuantes, la compensation vestibulaire n’a pas le temps de s’installer. C’est la raison pour laquelle, dans la maladie de Menière, c’est un processus d’habituation qui est recherché. La prochaine crise surviendra sur un terrain préparé. On est d’ailleurs souvent surpris de la bonne tolérance aux vertiges succédant à une neurotomie vestibulaire pour maladie de Menière. Les centres installent cet état d’habituation qui représente leur défense vis-à-vis de ces agressions répétées en provenance du labyrinthe. Les meilleurs cas sont les déafférentations vestibulaires aiguës stables comme la névrite vestibulaire. La brutalité du début est à l’origine de signaux d’erreur significatifs déclenchant les mécanismes cérébelleux de compensation centrale. Le signal d’erreur pour la stabilisation visuelle est le glissement rétinien de la phase lente du nystagmus. Le signal d’erreur de la stabilisation posturale est le conflit entre le réflexe vestibulospinal et la somesthésie générale. Ces signaux d’erreurs sont sciemment déclenchés par le rééducateur et la compensation peut se développer rapidement. Obstacles à la compensation Quand la compensation ne se met pas en route et que ça ne marche pas, il faut se demander pourquoi. Les difficultés sont fréquemment liées à des troubles de la vision. Chez les sujets jeunes, une hétérophorie est souvent en cause. Jusque-là bien compensée, elle est déstabilisée par le conflit avec l’appareil vestibulaire déficient. L’intervention d’un orthoptiste peut être bénéfique. La rééducation vestibulaire se fera en gardant les lunettes de vue. Chez les sujets âgés, la cataracte est un

obstacle majeur qui n’est pas obligatoirement réglé par l’intervention lorsqu’elle est récente. Un temps d’adaptation parfois très long est nécessaire. Les lésions associées orthopédiques et neurologiques retardent la compensation comme dans l’exemple des polytraumatismes comportant une fracture du rocher et des fractures des membres inférieurs. L’oreille interne a été détruite avec déafférentation vestibulaire aiguë. Le pronostic est mauvais car la rééducation vestibulaire ne peut qu’être sommaire chez un patient alité pendant plusieurs semaines et entravé par divers systèmes de contention et de traction. Certes, quelques exercices de coordination œil-tête pourront être tentés. Toutefois, il faut s’attendre à des séquelles quand la date du premier lever et du premier appui aura dépassé cette période privilégiée où la compensation est d’acquisition facile. En plus, le retard à la compensation est souvent aggravé par les dégâts centraux consécutifs aux hématomes cérébraux ayant nécessité des interventions neurochirurgicales. Rappelons qu’un simple VPPB posttraumatique réagit moins bien aux manœuvres thérapeutiques qu’un VPPB idiopathique. Enfin, des erreurs médicamenteuses peuvent être en cause. Les médicaments sédatifs retardent la compensation  : antihistaminiques antivertigineux, anticholinergiques, benzodiazépines, neuroleptiques divers (fig. 21-2). Dans les déafférentations vestibulaires aiguës, les antivertigineux ne doivent pas être poursuivis au-delà de la 48e heure. En effet, les sédatifs retardent la compensation centrale. À l’inverse, les amphétamines l’accélèrent en agissant sur l’éveil et l’activité motrice. Les antiémétiques, même s’ils sont légèrement sédatifs, ont l’avantage de diminuer les nausées lors des mouvements de la tête et donc de permettre de commencer les exercices plus tôt et donc d’être plus rapidement efficace.

Perception vestibulaire et comportements Tous les vertiges périphériques devraient disparaître par récupération ou par compensation, y compris la maladie de Menière qui finit par ­régresser en 10  ans mais en laissant une surdité.



Chapitre 21. Choix, conduite et surveillance d’une rééducation vestibulaire 139

Fig. 21-2. Temps nécessaire à la compensation après labyrinthectomie unilatérale chez le rat. Le temps est compté en semaines. La compensation est jugée sur la prépondérance directionnelle du nystagmus. Le rat est traité. Les amphétamines et l’antiémétique obtiennent les durées les plus courtes. Le dimenhydrinate et la scopola­ mine obtiennent les durées les plus longues. D’après Peppard SB, 1986 [3].

Mais s’il y a la pathologie, il y a aussi la réaction du patient à la maladie. Des blocages mentaux peuvent prolonger le handicap. Pour les prévoir et les prévenir, il faut comprendre leurs causes. Dans la plupart des cas, ce sont de fausses croyances et l’anxiété qu’elles génèrent. C’est pourquoi il faut d’abord expliquer ce qu’est le système de l’équilibre : œil, vestibule et proprioception. Il faut donner au patient les outils pour qu’il comprenne ce qu’il a. Comment pourrait-il connaître un système qui ne se révèle que lorsqu’il dysfonctionne ? Rien n’est plus anxiogène que l’inconnu.

Cas de la névrite vestibulaire 1. Dans le cas idéal d’une névrite vestibulaire vue tôt en milieu hospitalier, il est facile de prendre en mains le patient et de le convaincre qu’il va falloir bouger, marcher et s’entraîner dans toutes sortes de situations en dépit du vertige et des nausées. Pour les personnes âgées, on ajoutera la nécessité de se muscler. Cette première étape franchie, la rééducation consistera à leur faire faire des exercices justes un peu plus difficiles que ceux qu’ils pouvaient faire précédemment.

2. Mais de nombreux patients ne vous parviennent qu’après une longue période et divers méandres pendant lesquels ils ont dû se débrouiller seuls. Ils se sont construit une stratégie qui les préserve du vertige et améliore leur confort lors des mouvements. Mais cette stratégie est une cause de stagnation. Elle doit être abandonnée pour que la progression reprenne. La difficulté est que les patients s’accrochent à ce stade de blocage de peur de revenir à la période aiguë. II sont comme un golfeur qui se débrouille même s’il n’a pas les bonnes positions et qui retourne au stade de débutant quand son professeur les lui fait prendre. En bref, les patients ont pris l’habitude de diminuer leurs symptômes vestibulaires par une stratégie palliative proche du spotting (repérage) utilisé par les danseuses de ballet pour éviter d’avoir le vertige au sortir de « pirouettes fouettées » pouvant atteindre 700°/s (cf. fig. 21-3). Ce qui est bon pour un danseur classique ne l’est pas pour un patient dont la compensation repose précisément sur des signaux d’erreur tels que le vertige et le glissement rétinien. De plus, cette stratégie consistant à bloquer les cupules oblige à rendre consciente toute rotation

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Cas des VPPB à répétition

Fig. 21-3. Danse classique : pirouette fouettée. Tandis que le corps tourne harmonieusement, la rotation de la tête est décomposée en segments de 200 milli­ secondes au cours desquels le regard fixe un repère pris dans l’environnement. Peu avant la fin de ce segment, la tête tourne brusquement vers la cible visuelle suivante. Le résultat est que la tête effectue une série de rotations naturelles, laissant en permanence la cupule en position de repos. La brusquerie de la rotation de tête est telle qu’elle ne lui permet pas d’emmagasiner d’énergie.

de tête. Il s’ensuit une asthénie considérable qui devient la plainte principale. Chaque rotation de tête nécessite un effort pour : • fixer les objets de l’environnement afin de diminuer le nystagmus ; • faire de petites rotations brusques fixant des cibles visuelles successives ; • tourner ses yeux avant de tourner la tête ; • s’ancrer au sol pour stabiliser sa posture. Outre la fatigue, il apparaît une rigidification cervicale douloureuse. On reconnaît ce type de patient à sa façon précautionneuse de marcher à petites enjambées, de rester sur un tapis en mousse comme figé de crainte d’être déstabilisé et jeté à terre. La prise en charge consiste à lui faire oser d’être déstabilisé et de ne pas craindre les erreurs de trajectoire (cf. infra).

La panique des patients est quelques fois impressionnante. Pour eux, le globe terrestre bascule et tourne sur son axe plusieurs fois par jour pendant des semaines, emportant tout dans sa spirale. Ici, l’explication physiopathologique les guérit à moitié. Il faut utiliser des images concrètes  : un fil à plomb dans les oreilles (ce sont les otolithes)  ; la désagrégation du plomb formant des calculs (cristaux de carbonate de calcium). Ceux-ci roulent dans les canaux semi-circulaires quand on se couche sur l’oreille (manœuvre provocatrice). Mystérieusement, dans les formes très récidivantes, les patients arrivent à ne plus y faire attention. La sensation s’émousse progressivement. Après une manœuvre libératrice réussie, 5 à 10  % des patients se plaignent de divers symptômes alors que la manœuvre de Dix et Hallpike est devenue négative. La déception est parfois plus mal ressentie que le VPPB lui-même. Il est classique d’attribuer ce syndrome otolithique secondaire au fait que les lithiases sont posées sur la macule utriculaire. Chez ces patients, on peut proposer des manœuvres de Norré simplifiées pour aider à la fragmentation et à la résorption des lithiases. En cas de persistance des symptômes, une prise en charge comportementale (cf. infra) peut être nécessaire. En l’absence de tout nystagmus positionnel, on peut considérer que c’est une brusque prise de conscience du rôle de l’oreille interne dans leur existence s’accompagnant de transferts névrotiques.

Changement de statut vestibulaire Certaines plaintes de déséquilibre et de vertiges chroniques restent sans diagnostic. Le médecin traitant a parlé de pathologie vasculaire, l’ORL a parlé de pathologie otolithique. Ces causes sont impossibles à prouver dans la plupart des cas. Mais nos explorations vestibulaires ne sont pas assez fines pour détecter ces patchworks de microlésions ampullaires et maculaires (cf. chapitre  15). Le patient a été adressé en rééducation en désespoir de cause avec des



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bilans vestibulaires et neurologiques plus ou moins complets. • Si les positions de Norré sont significatives dans un nombre limité de prises de position, c’est probablement ORL. En pareil cas, les programmes d’exercices à domicile sont efficaces (cf. chapitre  15). Si toutes les positions de Norré déclenchent des symptômes sans nystagmus chez un sujet jeune présentant des accès de pseudo-ébriété associés aux vertiges positionnels, c’est probablement migraineux ou hormonal. C’est l’analogue pour le mouvement de la photophobie (cf. chapitre 16). Cet abaissement du seuil de tolérance est d’ailleurs souvent associé au mal des transports. Le patient doit être renvoyé au prescripteur. • Chez d’autres patients, le panorama visuel ne tourne pas à la même vitesse que la tête. Il faut se faire raconter les circonstances dans lesquelles se manifestent les sensations désagréables : dans le salon, dans la cuisine, dans la salle de bain ou dans la rue et surtout en voiture dans les ronds-points et sur les autoroutes. Leur point commun est qu’il y a un décalage entre le panorama visuel et la rotation de la tête. Tout se passe comme si ces patients n’avaient plus de vestibule. C’est parfois le cas. Une vestibulopathie bilatérale débutante doit être éliminée. (cf. chapitre 17). Si tout est normal, on pourrait évoquer une pathologie otolithique. Mais la mesure de la verticale subjective n’est malheureusement pas une mesure objective et ne fait que traduire le symptôme perceptif. Il ne reste qu’à classer cette pathologie dans les prépondérances visuelles idiopathiques par rapport au vestibule. C’est l’indication d’une désensibilisation par les stimulations optocinétiques répétées  : optic flow créant un conflit visuovestibulaire [4]. • Enfin, beaucoup de patients se plaignent de vertiges en marchant, en traversant une place ou en longeant un trottoir. Il n’y a aucun symptôme en décubitus ou en bougeant la tête. En réalité, ce ne sont pas des vertiges. Ce sont des troubles de l’équilibre. Ils interprètent leurs pertes d’équilibre comme un trouble de la «  préhension de l’environnement spatial  ». Comme si ce n’était pas eux qui tombaient mais

les murs et le trottoir qui leur sautait à la figure. Ils interprètent cet épisode selon une référence exocentrée et non selon une référence égocentrée. Avant de commencer une rééducation de l’équilibre classique, mieux vaut rediscuter du cas avec le médecin prescripteur : hypotension orthostatique  ? Parkinson débutant  ? Autres pathologies neurologiques ?

Prise en charge comportementale Parfois, brutalement, la rééducation vestibulaire se passe mal après avoir bien commencé. Le patient déclare qu’il est de plus en plus gêné dans les mouvements rapides de la tête. Il devient instable, épuisé et démoralisé. L’arrêt de travail se prolonge. Il ne se sent plus capable d’affronter le milieu professionnel. On est entré dans le cercle vicieux des bénéfices secondaires et de la dépression. L’apparition d’un état névrotique est une complication qui n’est pas rare après une lésion vestibulaire authentique. Le vertige est alors devenu un symptôme à « entendre » comme tout symptôme névrotique. Le plus souvent, ce sont des états anxiodépressifs car la sensation vertigineuse atteint le patient dans l’image de son corps et dans la relation de ce corps avec le monde. Sa personnalité névrotique était compensée puis, confrontée aux vertiges, s’est développée l’idée d’incurabilité évoluant vers la dépression. Ailleurs, ce sont des névroses obsessionnelles revendicatrices. «  Et moi, comment je fais pour prendre ma voiture et  aller travailler  ?  » Il y a un problème psychique créé par le sentiment d’injustice et une  incompréhension vis-à-vis d’un handicap même minime. Il y a en même temps le désir de se réfugier dans ce statut et son déni. Culpabiliser ces patients est contre-productif. La prise en charge doit donc d’abord être centrée sur le corps. Souvent, il reste un nystagmus au head shaking et une prépondérance directionnelle aux épreuves caloriques. Le patient ne paraît pas spécialement instable, au contraire, il est trop parfait. Il n’y a ni pathologie visuelle ni pathologie orthopédique pour expliquer son

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état. Mais la compensation incomplète n’explique pas tout. Il faut parler, repérer les difficultés de la vie quotidienne et les commenter. Revenir sur la description des vertiges initiaux libère les affects refoulés dans le subconscient (catharsis). Les perceptions sensorielles visuelles et podales doivent être ensuite réapprises une par une. On peut commencer par calibrer sa vision avec des cibles visuelles plus ou moins éloignées. Puis calibrer son entrée podale en posant le pied sur des marches de différentes hauteurs. Et enfin calibrer sa posture en position érigée et en lui faisant saisir des objets de plus en plus éloignés sur une table (standing reaction test of Duncan). Le patient doit accepter son handicap même minime. Il faut obtenir qu’il ose être déstabilisé et qu’il affronte les rotations de la tête sans raideur

en les répétant sans cesse. Glorifiez ses progrès, félicitez-le comme si c’était un exploit. Petit à petit, il se reconstruit. Il reconstruit son schéma corporel jusqu’au moment où il reprend son destin en main. Références bibliographiques [1] Sauvage JP. Vertiges. Manuel de diagnostic et de réhabilitation. 2e  édition Paris: Elsevier Masson; 2014. [2] Eber AM, Conraux C. Indications de la rééducation vestibulaire dans le traitement des vertiges. J. Méd. Strasbourg 1989;20:607–11. [3] Peppard SB. Effect of drug therapy on compensation from vestibular injury. Laryngoscope 1986;96:878–98. [4] Bronstein A, Lempert T. Dizziness A practical approach to diagnosis and management. Cambridge university press; 2007: 160-161.

Chapitre 22 Autoévaluation en six cas Les 6 cas cliniques présentés dans ce chapitre font la synthèse des situations cliniques rencontrées en rééducation vestibulaire. Ces cas sont présentés avec un bilan fonctionnel rempli selon les préconisations du chapitre 20. Un modèle vierge de la fiche standard est d’abord présenté. Les cas cliniques proposés viennent ensuite, numérotés de 1 à 6. Pour chacun d’entre eux, vous devrez fournir un diagnostic et une tactique de prise en charge afin de pouvoir répondre aux quatre questions habituelles des patients dans cette pathologie. 1. Qu’est-ce que vous allez me faire ? 2. Qu’est-ce qu’un vertige ? 3. Qu’est-ce que vous voyez dans mes yeux ? 4. L’équilibre, comment ça marche ? 5. À la fin de ce chapitre se trouvent des commentaires qu’il ne faudra lire qu’après.

Bilan : modèle NOM : Date : Date d’apparition du vertige : Antécédents : Circonstance d’apparition : Description : Activités perturbées : Nystagmus spontané : Regard droit : Regard latéral : provoqué Dix-Hallpike :  Gauche : Droit : Head shaking : Bilan postural : ROMBERG : FUKUDA : BABINSKY : Test d’acuité visuelle dynamique : Bilan giratoire : NORRÉ : J.-P. Sauvage, H. Grenier 2014. Guide de rééducation vestibulaire © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Cas no 1 NOM : M. P 28 ans. Date : Date d’apparition du vertige  : Depuis  2  ans, à raison de 3 crises par mois. Bien entre les crises. Antécédents : Circonstance d’apparition  : Chaque crise commence par un bourdonnement grave dans l’oreille gauche avec sensation d’oreille pleine et hypoacousie gauche. Description : Crises de vertiges rotatoires durant 2 heures environ avec nausées, vomissements et déséquilibres. Activités perturbées : Doit être ramené chaque fois chez lui en ambulance. Nystagmus  spontané :  Regard droit : Aucun. Regard latéral provoqué  Dix-Hallpike :  Gauche : Non fait Droit : Non fait Head shaking : Aucun nystagmus. Bilan postural :  ROMBERG : Léger déséquilibre. FUKUDA : Normal. BABINSKY : Normal. Test d’acuité visuelle dynamique: Perte de 2 lignes. Bilan giratoire : Dans le sens horaire : 12 secousses gauches. Dans le sens antihoraire : 24 secousses droites. NORRÉ : Non fait.

Cas no 2 NOM : M R. 35 ans. Date : Date d’apparition du vertige : Il y a 48 h, couché depuis. Antécédents : Circonstance d’apparition  : En se levant la nuit, appel SAMU, hospitalisé. Description  : Grand vertige rotatoire permanent, avec vomissements et important déséquilibre. Activités perturbées  : Incapable de vaquer à ses activités quotidiennes, mais commence à se lever. Encore quelques nausées.

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Nystagmus  spontané :  Regard droit  : Horizontal gauche permanent. Regard latéral  : Accentué par le regard latéral vers la gauche. provoqué Dix-Hallpike :  Gauche : Impossible. Droit : Impossible Head shaking : Impossible. Bilan postural : ROMBERG  : Lever difficile, tombe vers la droite. FUKUDA : Impossible. BABINSKY : Impossible. Test d’acuité visuelle dynamique : Ne peut rien lire en bougeant la tête. Bilan giratoire: Impossible. NORRÉ : Impossible.

Cas no 3 NOM : M R. 35 ans. Date : Date d’apparition du vertige : Il y a 10 jours. Antécédents : Circonstance d’apparition  : Une nuit en se levant, vertige rotatoire brutal et vomissements. Appel SAMU, hospitalisé pendant 5 jours. Description  : Actuellement vertiges aux mouvements rapides de la tête, déviation à la marche, fatigue importante. Activités perturbées : Peut se lever depuis 7 jours, mais difficultés dans ses activités quotidiennes. Nystagmus spontané : Regard droit : Aucun. Regard latéral : Aucun. provoqué :  Dix-Hallpike  : Gauche  : Aucun. Droit : Aucun.  Head shaking :  Nystagmus gauche. Bilan postural : ROMBERG : Tendance à chuter vers la droite. FUKUDA : 90° dans le sens horaire. BABINSKY : Tourne peu à peu vers la droite, épreuve difficile. Test d’acuité visuelle dynamique : 7 lignes d’écart. Bilan giratoire : Dans le sens horaire : 26 secousses nystagmiques gauches. Dans le sens antihoraire  : 7 secousses nystagmiques droites. NORRÉ: Nystagmus horizontal gauche dans tous les mouvements.

Cas no 4 NOM : M R. 35 ans. Date : Date d’apparition du vertige : Il y a 1 mois. Antécédents : Circonstance d’apparition : Début brutal avec vertiges, nausées, vomissements. Description : Actuellement, légère instabilité, gène aux mouvements rapides de la tête. Activités perturbées  : Prendre un objet en hauteur, étendre le linge. Nystagmus spontané : Regard droit : Aucun. Regard latéral : Aucun. provoqué Dix-Hallpike :  Gauche : Aucun. Droit : Aucun. Head shaking : Aucun. Bilan postural :  ROMBERG : Bien. FUKUDA : Bien. BABINSKY : Bien. Test d’acuité visuelle dynamique : 4 lignes d’écart. Bilan giratoire : Pas d’asymétrie. NORRÉ  : Vertiges et petit nystagmus dans 4  mouvements.

Cas no 5 NOM : M D. 40 ans. Date : Date d’apparition du vertige : Depuis 2 semaines. Antécédents : Entorse du genou depuis 3 semaines. Circonstance d’apparition  : Début au cours d’une séance de rééducation pour son genou. Description  : La pièce tourne quand il s’installe sur la table, sur son côté droit, et quand il se met au lit le soir. Petites nausées concomitantes. Activités perturbées : Aucune dans les activités quotidiennes normales, mais se « protège ». Nystagmus spontané : Regard droit : Aucun. Regard latéral : Aucun. provoqué Dix-Hallpike :  Gauche : Rien.  Droit  : Nystagmus rotatoire et vertical supérieur 20 secondes. Avec latence 5  secondes. Grand vertige associé. Head shaking : Aucun. Bilan postural : ROMBERG : FUKUDA : Pas de déviation significative. BABINSKY : Test d’acuité visuelle dynamique : Bilan giratoire : NORRÉ :

Cas no 6 NOM : M G. 79 ans. Date : Date d’apparition du vertige : Depuis 6 mois. Antécédents : Doit être opéré de la cataracte. Circonstance d’apparition : Apparition progressive. Description : Pas de vertige, mais déséquilibre, pseudoébriété et surtout chutes à répétition dont une avec fracture. Activités perturbées : Ne peut plus sortir de chez lui seul pour faire ses courses. Nystagmus spontané : Regard droit : Aucun. Regard latéral : Aucun. provoqué Dix-Hallpike :  Gauche : Aucun. Droit : Aucun. Head shaking : Aucun. Bilan postural :  ROMBERG : Tombe vers la gauche, vers la droite, en arrière. FUKUDA : Impossible.  BABINSKY  : Difficile, beaucoup d’instabilité. Test d’acuité visuelle dynamique  : Impossible par difficulté à bouger la tête. Bilan giratoire  : Dans le sens horaire  : 4  secousses gauches. Dans le sens antihoraire : 3 secousses droites. NORRÉ : Aucun nystagmus mais quelques sensations vertigineuses.

Chapitre 22. Autoévaluation en six cas 145

provoquer les vertiges les fera disparaître plus vite. On peut commencer par quelques exercices proprioceptifs oculaires et un peu de « oui-nonpeut-être », les yeux ouverts assis au bord du lit s’il le peut, mais sans insister pour ne pas donner de connotation négative à la rééducation qui ne fait que commencer.

Cas no 3 = Névrite vestibulaire droite au 10e jour Le patient va nettement mieux. On passe aux exercices plus complexes à la marche et en position debout, notamment des exercices posturaux sur coussins mousses épais pour supprimer la proprioception.

Cas no 4 = Névrite vestibulaire droite au 30e jour Le patient est encore gêné aux mouvements rapides de la tête. On note que le bilan de Norré retrouve des vertiges et même des nystagmus dans 4 mouvements. On passe donc à un programme d’habituation à faire chez lui en répétant les mouvements en cause.

Commentaires

Cas no 5 = VPPB du canal postérieur droit

Cas no 1 = Maladie de Menière gauche

On propose une manœuvre d’Epley ou de Sémont.

Proposer éventuellement, mais sans acharnement, une physiothérapie par habituation au fauteuil giratoire.

Cas no 2 = Névrite vestibulaire droite au 2e jour d’évolution Proposer une rééducation par adaptation-substitution à commencer progressivement. Ce jourlà, c’est surtout une prise de contact avec le patient où on va lui expliquer que le fait de

Cas no 6 = Chutes à répétition chez une personne âgée On propose surtout une rééducation de la coordination œil-tête avec des exercices de Tusa, des exercices avec des cibles égocentré et du «  ouinon-peut-être » d’abord en position assise et on l’espère, bientôt en position debout. On verra ensuite pour une rééducation classique de l’équilibre. Attention, cette personne n’ose plus sortir seule : peur de la dépendance ? En parler avec elle.

Conclusion La relation avec le médecin prescripteur passe par trois documents : une prescription de rééducation vestibulaire accompagnée d’un courrier résumant les circonstances de la prescription et une réponse du kinésithérapeute en fin de prise en charge pour information sur les résultats obtenus. L’idéal est que médecin et kinésithérapeute s’habituent à travailler et à progresser ensemble pour s’épargner des déceptions et à l’inverse ne pas passer à côté de succès gratifiants. Concernant les attentes : 1. Dans les vertiges positionnels, on peut promettre que les résultats seront excellents dans la plupart des cas. 2. Dans les pathologies déficitaires aiguës stables, du type névrite vestibulaire, le pronostic dépend de la précocité de la prise en charge et donc de l’attitude du milieu hospitalier où ces patients ont habituellement séjourné les 4 ou 5  premiers jours. Chez ces patients, les séquelles dépendent de l’âge (la plasticité

cérébrale est meilleure chez le sujet jeune), des lésions associées (oculaires, orthopédiques, centrales et névrotiques) et aussi d’erreurs médicamenteuses (sédatifs). 3. Dans les pathologies fluctuantes évoluant par crises, les indications de rééducation sont rares et de pronostic réservé. 4. Dans les pathologies lentes et progressives comme le neurinome de l’acoustique, la compensation se fait spontanément au fur et à mesure. 5. Les situations de traumatisme sont de mauvais pronostic. C’est aussi le cas des lésions vestibulaires bilatérales et centrales où domine l’instabilité. Quels que soient les résultats, on peut garder bonne conscience si on a pris le patient en charge personnellement et physiquement avec notre intuition et notre imagination. Reste l’impondérable : le degré d’autorité et d’ascendant que l’on a sur son patient.