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Infections néonatales bactériennes précoces et tardives M. Letouzey, P. Boileau, L. Foix-L’Hélias Résumé : Les infections sont une pathologie fréquente de la période néonatale, touchant entre 1 et 5 % des nouveau-nés. La mortalité de ces infections néonatales reste préoccupante malgré les progrès en néonatologie. Les conséquences des infections sont possibles à court terme mais aussi à long terme, avec notamment des troubles du neurodéveloppement. Les caractéristiques et les conséquences des infections néonatales varient selon leur caractère précoce (dans les 3 premiers jours de vie) ou tardif (entre le 3e et le 28e jour de vie) et selon le terrain sur lequel elles surviennent (nouveau-né à terme ou prématuré notamment). Le diagnostic des infections néonatales est difficile en raison des signes cliniques aspécifiques. L’identification d’une bactérie dans le sang ou le liquide cérébrospinal permet d’affirmer le diagnostic. Les infections néonatales bactériennes précoces sont majoritairement liées au streptocoque du groupe B et à Escherichia coli. Les infections néonatales bactériennes tardives sont à distinguer selon deux cadres nosologiques : les infections communautaires et les infections associées aux soins, fréquentes chez les nouveau-nés prématurés. © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Infections néonatales ; Sepsis néonatal ; Nouveau-né ; Prématuré
Plan ■
Introduction Définition des infections néonatales Épidémiologie des infections néonatales
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Physiopathologie – susceptibilité des nouveau-nés aux infections
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Diagnostic des infections néonatales Signes cliniques Diagnostic Autres examens complémentaires
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Infections néonatales bactériennes précoces Microbiologie Facteurs de risque d’INBP Surveillance clinique des nouveau-nés de 34 SA et plus, asymptomatiques, avec facteurs de risque d’INBP Antibiothérapie Prévention des INBP
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Infections néonatales bactériennes tardives Infections néonatales bactériennes tardives communautaires Infections néonatales bactériennes tardives nosocomiales
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Conclusion
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Introduction Définition des infections néonatales Les infections néonatales concernent par définition les nouveau-nés dans leurs 28 premiers jours de vie. Le diagnostic positif et étiologique de ces infections repose sur la mise en évidence d’un germe unique et pathogène dans un site normalement EMC - Pédiatrie Volume 0 > n◦ 0 > xxx 2020
stérile : le sang ou le liquide cérébrospinal [1] . Le terme de sepsis est plutôt utilisé lorsque l’infection met en jeu le pronostic vital, à la suite d’une dysrégulation de la réponse inflammatoire de l’hôte [2] . Cependant, contrairement aux recommandations internationales sur le sepsis pédiatrique ou adulte, il n’existe pas de définition consensuelle du sepsis néonatal [3] . Cette absence de définition du sepsis néonatal doit conduire à la prudence dans l’interprétation et la comparaison des résultats des études internationales. Les infections néonatales sont classiquement divisées en deux catégories : l’infection néonatale précoce quand les signes surviennent dans les 3 premiers jours ou 72 premières heures de vie ; et l’infection néonatale tardive quand les signes surviennent après le troisième jour de vie [1] . Les pneumopathies bactériennes néonatales communautaires ou associées à la ventilation mécanique ne sont pas abordées ici.
Épidémiologie des infections néonatales Dans le monde, on estime que 22 enfants pour 1000 naissances vivantes développent un sepsis néonatal [4] . Malgré les progrès importants dans la prise en charge de ces infections, la mortalité des infections néonatales reste préoccupante. En effet, le taux de mortalité des infections néonatales varie de fac¸on importante entre les pays en fonction du niveau de revenus et du niveau d’accès aux soins, mais il reste élevé, avec une estimation entre 11 et 19 % [4] . L’incidence des infections néonatales, leurs caractéristiques et leurs conséquences dépendent de leur caractère précoce ou tardif, et du terrain sur lequel elles surviennent, notamment de l’âge gestationnel de naissance. Après la généralisation du dépistage par le prélèvement vaginal du portage du streptocoque du groupe B (SGB) et de son corollaire en cas de positivité l’antibioprophylaxie per partum, le nombre des infections néonatales précoces à SGB a diminué chez les nouveau-nés à terme [5] . L’incidence de
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l’ensemble des infections néonatales bactériennes précoces (INBP) certaines (prouvées par une hémoculture ou par la culture du liquide cérébrospinal) est estimée entre 0,7 et 1 pour 1000 naissances vivantes aux États-Unis, avec des taux d’autant plus élevés que l’âge gestationnel ou le poids de naissance sont bas (11 pour 1000 naissances vivantes pour les nouveau-nés de poids de naissance < 1500 g ; 1,4 pour 1000 pour un poids de naissance entre 1500 et 2500 g ; et 0,6 pour 1000 pour les nouveau-nés de poids de naissance > 2500 g) [6] . En France, l’incidence des infections néonatales précoces à SGB était inférieure à 0,20 pour 1000 naissances vivantes d’après les derniers chiffres rapportés par l’Institut national de veille sanitaire en 2014 [7] . Ainsi, l’INBP est une maladie de faible incidence dans les pays à haut niveau de revenus mais ses conséquences sont potentiellement graves. Elle constitue une cause évitable de mortalité. Cette mortalité varie en fonction de l’âge gestationnel du nouveau-né : de 2 à 3 % chez le nouveau-né à terme, elle s’élève à plus de 20 % chez le prématuré [6] et elle est encore plus élevée en cas de méningite : respectivement 10 et 26 % [8] . Les infections néonatales bactériennes tardives (INBT) surviennent dans deux cadres nosologiques bien distincts : les infections communautaires, essentiellement chez les nouveau-nés à terme, et les infections nosocomiales également appelées infections associées aux soins qui surviennent majoritairement chez les nouveau-nés prématurés. Les INBT touchent environ 20 % des grands prématurés, avec une mortalité qui varie entre 18 et 36 % dans cette population [9, 10] .
Physiopathologie – susceptibilité des nouveau-nés aux infections La naissance constitue un bouleversement immunologique. In utero, le système immunitaire fœtal doit tolérer les antigènes maternels. Après la naissance, le nouveau-né est exposé à une très grande quantité d’antigènes étrangers, nécessitant une adaptation rapide du système immunitaire. Le risque d’infection bactérienne est plus élevé à la naissance qu’à toute autre période de la vie [11] . En effet, les nouveau-nés ont une réponse immunitaire innée et adaptative altérée par rapport aux adultes : diminution de la quantité et de l’activité fonctionnelle des polynucléaires neutrophiles et faible taux d’anticorps circulants notamment [11] . Cette vulnérabilité immunitaire est encore plus marquée chez le nouveau-né prématuré. Le risque d’infection chez les prématurés est également élevé du fait de leur environnement. En effet, les nouveau-nés prématurés sont particulièrement exposés à des germes de l’environnement hospitalier potentiellement pathogènes et résistants aux antibiotiques. La transmission manuportée des germes est la principale source d’infection de ces nouveau-nés prématurés hospitalisés, d’où l’importance d’une hygiène scrupuleuse des mains et des surfaces. De plus, les nombreuses procédures invasives nécessaires à leur prise en charge médicale conduisent à des ruptures des barrières cutanées et muqueuses, qui sont les premières lignes de défense dans la lutte contre l’infection. Ces gestes (intubation endotrachéale, ponction veineuse pour prélèvement sanguin, pose de voie veineuse périphérique, pose de cathéter central) sont, d’une part, des portes d’entrée pour les bactéries et, d’autre part, reflètent l’immaturité globale du nouveau-né le rendant plus susceptible aux infections. L’équilibre du microbiote intestinal semble également important dans la prévention des infections néonatales par ses actions de protection contre les pathogènes (rôle barrière) et de développement du système immunitaire. Plusieurs facteurs peuvent influencer l’implantation de la flore intestinale et être à l’origine d’une altération du microbiote : une rupture prolongée des membranes, une antibiothérapie ou antibioprophylaxie maternelle, une naissance par césarienne notamment [12, 13] . Une antibiothérapie chez le nouveau-né dont l’indication ne serait pas optimale est également délétère pour l’établissement de son microbiote. À court terme, l’antibiothérapie néonatale pourrait être impliquée dans la prolifération de certaines bactéries résistant aux antibiotiques. Cette augmentation de la résistance
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aux antibiotiques, notamment des bacilles à Gram négatif, peut entraîner la constitution d’un réservoir potentiel pour des épidémies hospitalières lorsque ces bacilles colonisent le tractus digestif du nouveau-né [14] . Les effets de l’antibiothérapie néonatale pourraient persister au-delà de l’arrêt du traitement. Ainsi, des modifications de la flore fécale ont été observées à l’âge d’un mois chez les enfants exposés aux antibiotiques à la naissance [13] . Les perturbations du microbiote sont encore plus fréquentes chez le nouveau-né prématuré, avec une plus faible diversité de la flore, un nombre moins important de bactéries commensales et la présence de bactéries pathogènes [15] .
Diagnostic des infections néonatales Signes cliniques Les signes cliniques sont nombreux et aspécifiques. Ils peuvent être présents dans des situations non infectieuses, ce qui rend le diagnostic clinique d’infection souvent difficile. Les signes cliniques initiaux peuvent être minimes et isolés. L’évolution vers le sepsis peut entraîner une défaillance multiviscérale : détresse respiratoire sévère, troubles hémodynamiques avec insuffisance cardiaque, coagulation intravasculaire disséminée, atteinte hématologique (neutropénie, thrombopénie) et dysfonction d’organe (foie, rein).
“ Point fort Signes cliniques pouvant faire évoquer une infection néonatale • Troubles de la régulation thermique : fièvre ou hypothermie. • Troubles hémodynamiques (pâleur, allongement du temps de recoloration cutanée), tachycardie ou bradycardie. • Signes respiratoires : apnées, détresse respiratoire, geignement. • Troubles neurologiques : hypotonie, irritabilité, crises convulsives. • Difficultés à l’alimentation.
Diagnostic Les prélèvements bactériologiques, hémoculture et ponction lombaire permettent d’affirmer le diagnostic positif et étiologique de l’infection néonatale. L’hémoculture est l’examen de référence. Elle doit être prélevée systématiquement devant la présence de signes cliniques évocateurs et toujours avant l’instauration d’une antibiothérapie. La qualité de sa réalisation conditionne sa valeur diagnostique : un volume de sang minimal de 2 ml (1 ml chez le nouveau-né prématuré) doit être prélevé dans des conditions d’asepsie. La ponction lombaire est réalisée devant un tableau clinique évocateur de méningite (altération de l’état général, signes neurologiques avec notamment somnolence, irritabilité ou convulsions) ou systématiquement en cas d’hémoculture positive à germe pathogène. Toutefois, la réalisation de la ponction lombaire ne doit pas retarder la mise en route de l’antibiothérapie. Actuellement, des techniques de biologie moléculaire, notamment d’amplification des acides nucléiques, sont en cours d’évaluation pour améliorer le diagnostic des infections néonatales. La PCR (polymerase chain reaction) avec séquenc¸age de l’ARN (acide ribonucléique) 16S permet de détecter plus rapidement, dans un plus petit volume et avec une grande sensibilité, la présence de bactéries dans le sang. Cependant, la possibilité de détecter des faux positifs nécessite aujourd’hui des informations EMC - Pédiatrie
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plus précises sur leur intérêt en pratique clinique [16] . Enfin, il existe des tests PCR pour détecter la présence d’ADN (acide désoxyribonucléique) de streptocoque du groupe B, dans le sang ou dans le liquide céphalorachidien, plusieurs heures ou jours après le début de l’antibiothérapie. Ces tests sont particulièrement intéressants dans le liquide cérébrospinal lorsque la ponction lombaire n’a pas été effectuée avant la mise en route de l’antibiothérapie.
Autres examens complémentaires La numération formule sanguine n’a pas sa place pour le diagnostic positif d’infection néonatale. En revanche, en cas d’infection sévère, notamment, l’hémogramme peut être utile pour rechercher une neutropénie ou une thrombopénie associée. Les marqueurs de l’inflammation comme la CRP (protéine C réactive) et la PCT (procalcitonine) ne sont aujourd’hui pas recommandés pour le diagnostic positif de l’infection néonatale. La CRP est un test qui est peu sensible, non spécifique et qui nécessite le prélèvement d’une quantité de sang non négligeable chez les nouveau-nés, en particulier, grands prématurés [17, 18] . Le dosage de ces marqueurs ne doit en aucun cas différer la mise en route de l’antibiothérapie en cas de suspicion clinique d’infection néonatale. Les prélèvements du liquide gastrique et les prélèvements périphériques (anus et oreille) effectués à la naissance ne sont plus recommandés dans l’évaluation du risque d’INBP chez le nouveau-né de plus de 34 semaines d’aménorrhée (SA) [19] . Leur intérêt chez le prématuré reste discuté.
Infections néonatales bactériennes précoces Les INBP sont la conséquence d’une transmission bactérienne verticale de la mère à l’enfant par trois voies de contamination possibles : transplacentaire par voie hématogène, par voie ascendante ou lors du passage dans la filière génitale [20] . La voie hématogène est moins fréquente que les deux autres, elle survient lors des pyélonéphrites gravidiques ou lors d’une listériose maternelle à Listeria monocytogenes. Lors de la contamination par voie ascendante à partir du portage vaginal ou au passage de la filière génitale, le nouveau-né va dans un premier temps se coloniser. Ainsi, en l’absence d’antibioprophylaxie chez la mère colonisée par SGB, la moitié des nouveau-nés naissaient colonisés et environ 2 % d’entre eux développaient une infection précoce [5] . Certains facteurs influencent ensuite le passage de la colonisation à l’infection : la prématurité, la réalisation de gestes invasifs, la quantité de l’inoculum bactérien initial, la virulence du germe impliqué, le système immunitaire néonatal (taux d’anticorps maternels présents chez le nouveau-né, par exemple). Des recommandations sur la prise en charge du nouveau-né de plus de 34 SA à risque d’INBP ont été publiées en 2017 [19] .
Microbiologie Actuellement, dans les pays à haut niveau de revenus, l’épidémiologie bactérienne des infections néonatales précoces chez le nouveau-né à terme ou proche du terme se répartit ainsi : 40 à 50 % sont dues au streptocoque du groupe B, 10 à 15 % à Escherichia coli et 30 à 40 % à des bactéries diverses (Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, streptocoque du groupe A ou Listeria monocytogenes) [6, 21] . Le SGB reste donc la bactérie majoritaire des infections précoces du nouveau-né à terme ou proche du terme [22] . En revanche, chez le nouveau-né prématuré de moins de 34 SA, E. coli est la bactérie la plus fréquemment identifiée dans les INBP [22] . Enfin, lors des deux dernières décennies, l’incidence de la listériose néonatale est passée de 5,5 à 2,4 cas pour 100 000 naissances vivantes, mais plus de neuf fois sur dix, il s’agit d’une infection précoce [23] . La très faible prévalence de la listériose néonatale ne justifie pas un pari probabiliste initial, mais il convient de ne pas l’oublier en cas de facteurs de risque spécifique (fièvre maternelle, essentiellement) car la maladie est particulièrement sévère [24] . EMC - Pédiatrie
Facteurs de risque d’INBP Les facteurs de risque démontrés d’INBP sont [25] : • une colonisation maternelle à streptocoque du groupe B pendant la grossesse en cours ; • un antécédent d’infection néonatale à streptocoque du groupe B pour un enfant lors d’une précédente grossesse ; • une rupture des membranes de plus de 12 heures ; • une prématurité spontanée et inexpliquée ; • une fièvre maternelle supérieure à 38 ◦ C. Les deux premiers facteurs de risque sont des indications à une antibioprophylaxie per partum tout comme la rupture des membranes prolongée ou la prématurité spontanée et inexpliquée en l’absence de résultat du PV disponible. Enfin, la fièvre maternelle constitue une indication à une antibiothérapie maternelle qui permet également de prévenir l’INBP. L’antibiothérapie peut être considérée comme étant adéquate si la molécule est efficace à 100 % sur le SGB (pénicilline G, amoxicilline ou ampicilline, ou céfazoline), si la voie intraveineuse a été utilisée pour l’administration et si un délai supérieur à 4 heures avant la naissance a été respecté.
Surveillance clinique des nouveau-nés de 34 SA et plus, asymptomatiques, avec facteurs de risque d’INBP Les recommandations de bonne pratique de 2017 proposent une surveillance clinique rapprochée et standardisée des nouveaunés asymptomatiques présentant des facteurs de risque d’INBP [19] . Il existe trois niveaux de surveillance (A, B, C) du groupe au risque infectieux le plus faible (A) au plus important (C). Ces groupes de surveillance sont définis à l’aide d’un algorithme selon la présence de facteurs de risque per partum (antibiothérapie ou antibioprophylaxie maternelle inadéquate ou fièvre maternelle), qui eux-mêmes découlent de facteurs de risque ante partum décrits précédemment (Fig. 1). La surveillance clinique standardisée des nouveau-nés repose sur cinq paramètres cliniques, évalués pendant 48 heures : la température, la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, les signes de lutte respiratoire et la coloration. Ces paramètres doivent être évalués toutes les 4 heures pendant les 24 premières heures de vie, puis toutes les 6 heures pendant 24 heures, et doivent être consignés dans une grille de surveillance clinique (Fig. 2). La présence de certains signes cliniques survenant lors de la surveillance des nouveau-nés à risque d’INBP doit conduire à un appel de la sage-femme ou du pédiatre.
“ Point fort Signes cliniques devant conduire à un appel de la sage-femme ou du pédiatre, lors de la surveillance des nouveau-nés à risque d’INBP • Température ≥ 38 ◦ C ou < 36 ◦ C. • Fréquence cardiaque > 160/min au calme ou < 80/min. • Fréquence respiratoire > 60/min. • Signes de lutte respiratoire. • Coloration anormale : pâleur, cyanose, teint gris ou marbrures.
Antibiothérapie Le choix de l’antibiothérapie de première intention est détaillée dans les recommandations de bonne pratique (Fig. 3) [19] . Une antibiothérapie probabiliste doit être débutée en urgence chez tout nouveau-né symptomatique en maternité, après prélèvement d’une hémoculture. L’antibiothérapie probabiliste
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Figure 1. Identification du groupe de surveillance des nouveau-nés asymptomatiques selon leurs facteurs de risque (FDR) d’infection néonatale bactérienne précoce (INBP). SA : semaine d’aménorrhée ; SGB : streptocoque du groupe B.
Nouveau-né ≥ 36 SA asymptomatique
Pas de FDR INBP
FDR INBP ? - colonisation maternelle à SGB - antécédent d’infection néonatale à SGB - rupture des membranes > 12 h - prématurité spontanée et inexpliquée < 37 SA ≥ 1 FDR INBP
FDR per partum (FPP) ? - antibioprophylaxie ou antibiothérapie per partum inadéquate ? - fièvre maternelle > 38 °C ? Aucun FPP
1 FPP
Surveillance simple en maternité
Surveillance clinique / 4 h en maternité
2 FPP Surveillance clinique / 4 h en maternité et examen pédiatre entre H6 et H12
Si le nouveau-né devient symptomatique : débuter antibiothérapie selon recommandations
Âge (heures)
H4
H8
H12 H16 H20 H24 H30 H36 H42 H48
Date et heure Température ≥ 38 °C ou < 36 °C Fréquence cardiaque > 160 (au calme) ou < 80/min Fréquence respiratoire > 60/min Signes de lutte respiratoire (tirage, geignement) Aspect de la peau anormal (pâleur, cyanose, marbrures, teint gris)
Figure 2. Grille de surveillance des nouveau-nés de plus de 34 semaines d’aménorrhée, asymptomatiques, avec des facteurs de risque d’infection néonatale bactérienne précoce.
recommandée en première intention est la bithérapie amoxicilline (50 mg/kg/12 h) et aminoside (gentamicine 5 mg/kg/24 h pour le nouveau-né ≥ 37 SA, 6 mg/kg/24 h pour le nouveau-né de 34–36 SA) par voie intraveineuse. Devant la présence de signes de gravité (signes neurologiques ou troubles hémodynamiques avec expansion volémique ou utilisation de drogues vasoactives), l’antibiothérapie doit être adaptée avec de la céfotaxime et de la gentamicine. L’amoxicilline peut être ajoutée à cette bithérapie en cas de suspicion de listériose. En cas d’infection maternelle documentée, l’antibiothérapie du nouveau-né doit être adaptée à l’antibiogramme de la bactérie isolée chez la mère. Si la mère présente une infection documentée à E. coli (examen cytobactériologique des urines [ECBU] ou hémoculture), une bithérapie céfotaxime (50 mg/kg/12 h) et aminosides (gentamicine 5–6 mg/kg/24 h) est recommandée. Le céfotaxime doit être privilégié pour E. coli en raison d’une concentration minimale efficace plus favorable que l’amoxicilline et un taux de résistance à l’ampicilline entre 40 et 50 %. La poursuite ou non de l’antibiothérapie doit être discutée 48 heures après son instauration. L’antibiothérapie doit être arrêtée après 48 heures si l’hémoculture est négative et si l’examen clinique est normal, afin de limiter les effets délétères d’une antibiothérapie excessive chez le nouveau-né. Si l’infection est confirmée, la durée de l’antibiothérapie dépend du type d’infection et de la bactérie identifiée : 7 jours en cas
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d’hémoculture positive, 14 jours si méningite à streptocoque du groupe B et 21 jours si méningite à E. coli [19] . Il n’existe pas à ce jour de recommandation concernant l’antibiothérapie initiale devant une suspicion d’INBP chez le nouveau-né prématuré. Cette antibiothérapie doit être choisie en tenant compte des bactéries les plus fréquentes, des résistances bactériennes aux antibiotiques et des bactéries éventuellement identifiées chez la mère.
Prévention des INBP L’incidence des INBP due au streptocoque du groupe B a nettement diminué depuis la mise en place du dépistage systématique du portage vaginal du streptocoque du groupe B et de l’antibioprophylaxie per partum [26] . Cependant, ces infections ne sont pas éradiquées. Une des raisons est que la colonisation vaginale à SGB chez les femmes enceintes est intermittente : 8 % des femmes avec un dépistage négatif pour le SGB au cours de la grossesse auraient un dépistage positif au moment de l’accouchement [27] . La détection de la présence de SGB au moment de l’accouchement, par des techniques de PCR dont le résultat est disponible en moins d’une heure, semble une piste d’amélioration et est aujourd’hui recommandée par une conférence de consensus européenne [28] . Par ailleurs, l’antibioprophylaxie per partum ne permet pas de prévenir les EMC - Pédiatrie
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Nouveau-né symptomatique ≥ 34 SA et suspect d’INBP
Signes de gravité(1) Non
Oui En cas d’infection matemelle documentée, adapter l’antibiothérapie probabiliste à l’antibiogramme de la bactérie isolée
Amoxicilline + gentamicine
Évaluation clinique
Non résolutive Documentation bactériologique Non Poursuite de l’antibiothérapie ou non selon l’appréciation de la situation par le pédiatre
Évaluation clinique
Rapidement favorable H48
Documentation bactériologique Oui
Oui
Adapter l’antibiothérapie selon la bactérie identifiée : - amoxicilline si SGB 7 j si bactériémie 14 j si méningite ou céfotaxime si Escherichia coli 7 j si bactériémie 21 j si méningite ou - prendre un avis spécialisé si autre bactérie ou bactérie BLSE
Céfotaxime + gentamicine (+ amoxicilline si Listeria évoquée)
Non
Documentation bactériologique Non
Arrêt des antibiotiques + surveillance (clinique) pendant encore 24 à 48 h en maternité
Poursuite de l’antibiothérapie ou non selon l’appréciation de la situation par le pédiatre
Oui Adapter l’antibiothérapie selon la bactérie identifiée : - amoxicilline si SGB 7 j si bactériémie 14 j si méningite ou céfotaxime si E. coli 7 j si bactériémie 21 j si méningite ou - prendre un avis spécialisé si autre bactérie ou bactérie BLSE
Figure 3. Choix de l’antibiothérapie initiale en fonction des signes cliniques d’infection néonatale bactérienne précoce (INBP). SA : semaine d’aménorrhée ; SGB : streptocoque du groupe B ; BLSE : bêtalactamases à spectre élargi. 1. Troubles hémodynamiques (remplissage vasculaire ou administration de drogues vasoactives), signes cliniques neurologiques (troubles de la conscience ou convulsions).
infections néonatales tardives à SGB, dont le taux stagne. Plusieurs vaccins dirigés contre des antigènes capsulaires du SGB sont en cours de développement et pourraient permettre de réduire les infections précoces et tardives à SGB [29] .
Infections néonatales bactériennes tardives Les INBT surviennent entre le troisième et le 28e jour de vie. Elles sont acquises par transmission horizontale, après interaction avec les germes de l’environnement, familial ou hospitalier. Ces infections sont de deux types : les infections communautaires et les infections nosocomiales ou associées aux soins. Dans une étude suisse en population, 22 % des INBT étaient communautaires et 78 % acquises à l’hôpital [30] .
Infections néonatales bactériennes tardives communautaires Peu de données sont actuellement disponibles sur cette entité clinique particulière. Les INBT communautaires sont peu fréquentes (0,28 pour 1000 naissances vivantes) et regroupent des tableaux cliniques différents : bactériémies, primitives ou secondaires à des infections urinaires, ou plus rarement des méningites [30] . Ces infections sont possibles quel que soit l’âge gestationnel de naissance. Les bactéries les plus souvent isolées sont, comme pour les INBP, E. coli et le SGB. Les facteurs de risque identifiés d’INBT communautaires sont le sexe masculin et le petit poids de naissance pour l’âge gestationnel. Les moyens de prévention des infections à SGB (dépistage du portage vaginal, antibioprophylaxie per partum) ont permis de diminuer de manière importante l’incidence des INBP, mais n’ont eu que très peu, voire pas d’effet sur les INBT à ce germe dont le taux reste stable au cours du temps [31] . EMC - Pédiatrie
Infections néonatales bactériennes tardives nosocomiales Malgré l’amélioration de la prise en charge des nouveau-nés prématurés et une meilleure connaissance de ces infections, l’incidence des INBT associées aux soins reste une préoccupation majeure des équipes soignantes en réanimation et soins intensifs néonataux. Dans l’étude de cohorte EPIPAGE-2 qui a inclus des enfants nés prématurés en France en 2011, plus de 20 % des enfants nés avant 32 SA ont présenté au moins un épisode d’INBT [32] .
Facteurs de risque Le principal facteur de risque des INBT associées aux soins est le petit âge gestationnel. Le taux d’INBT est inversement proportionnel à l’âge gestationnel : 44 % d’INBT pour les prématurés nés avant 26 SA, 30 % pour ceux nés entre 26 et 28 SA, et 12 % pour les 28–32 SA [32] . Le petit poids de naissance pour l’âge gestationnel ou la cause de prématurité (pathologies hypertensives maternelles ou retard de croissance intra-utérin) sont également associés à un risque d’INBT plus élevé [33] . D’autres facteurs ont également été rapportés comme la nutrition parentérale prolongée, la durée de ventilation mécanique, les gestes invasifs (intubation trachéale, ponctions veineuses) qui sont des portes d’entrée pour les bactéries [1] . La physiologie précise de ces INBT associées aux soins est encore mal connue. La majorité des bactéries impliquées dans les INBT associées aux soins chez les nouveau-nés prématurés, y compris les staphylocoques, sont originaires du tube digestif du nouveauné [15] . Plusieurs études ont mis en évidence la présence de la bactérie impliquée dans les selles avant ou au moment de la survenue du sepsis [15] . La septicémie survient donc principalement au décours d’une translocation bactérienne à point de départ digestif.
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Diagnostic L’hémoculture est l’examen de référence et doit être systématiquement prélevée devant une suspicion d’INBT avant la mise en route d’une antibiothérapie. Une grande rigueur dans ce prélèvement est nécessaire en raison du risque élevé de faux positif dans cette population lié aux difficultés de prélèvements et à la nécessité de limiter la quantité de sang prélevée pour limiter la spoliation sanguine. Des outils d’aide à la décision seraient utiles dans cette population. En effet, le diagnostic d’INBT est particulièrement difficile en raison de la faible spécificité des signes cliniques et biologiques [18] . Des études portant sur l’analyse de la variabilité du rythme cardiaque ou de la motricité grâce à l’intelligence artificielle sont actuellement en cours [34] .
d’origine multifactorielle. Les conséquences des infections néonatales diffèrent selon leur caractère précoce ou tardif et selon le terrain sur lequel elles surviennent, notamment l’âge gestationnel de naissance. La mortalité associée aux infections néonatales reste élevée. Leurs conséquences sont non seulement importantes à court terme, mais également à long terme avec l’association à la survenue de troubles du neurodéveloppement. Une meilleure compréhension de la physiopathologie précise des infections néonatales semble primordiale pour identifier les groupes les plus à risque, afin de cibler une meilleure prévention pour ces enfants.
“ Points essentiels
Microbiologie
• L’incidence des infections néonatales, leurs caractéristiques et leurs conséquences dépendent de leur caractère précoce ou tardif, du terrain sur lequel elles surviennent, et notamment de l’âge gestationnel de naissance. • Malgré les progrès importants dans la prise en charge des infections néonatales, la mortalité des infections néonatales reste préoccupante. • Les germes les plus fréquemment identifiés dans les infections néonatales bactériennes précoces sont le streptocoque du groupe B et E. coli. • L’origine des infections néonatales tardives est multifactorielle. Les mécanismes physiopathologiques sont encore mal compris.
Les bactéries à Gram positif sont les plus fréquemment identifiées dans les INBT associées aux soins [10] . Les staphylocoques à coagulase négative sont en cause dans environ 50 % des cas. Le staphylocoque doré est identifié dans 10 à 15 % des cas, avec un risque d’infection sévère et parfois extensive, notamment des atteintes pulmonaires, cutanées ou articulaires. Les bactéries à Gram négatif sont retrouvées dans 20 à 30 % des cas, notamment de la famille des Klebsielles, des Enterobacter ou encore des Pseudomonas [10, 35] . Ces infections à bacilles à Gram négatif ont souvent une présentation clinique plus sévère avec une mortalité associée plus élevée par rapport aux INBT liées aux bactéries à Gram positif [36] .
Conséquences Les conséquences des INBT sont importantes à court, moyen et long termes. La mortalité associée aux INBT est élevée, environ 10 %. Elles augmentent également les complications pendant le séjour (recours à la ventilation non invasive ou invasive, arrêt de la nutrition entérale, augmentation de la durée de nutrition parentérale, etc.) et augmentent donc la durée de séjour hospitalier [37] . Elles pourraient également avoir des conséquences à plus long terme, en augmentant le risque de survenue de troubles du neurodéveloppement, mais les conséquences précises sur le développement moteur et cognitif sont encore discutées [38, 39] .
Prévention Le défi aujourd’hui et pour les années à venir est la prévention des INBT. L’hygiène des mains et des surfaces reste fondamentale car la transmission manuportée des germes est une voie importante de contamination [40, 41] , par les soignants, mais aussi par les parents [42] . Les incubateurs peuvent être un réservoir important de germes et nécessitent des protocoles de désinfection rigoureux [43] . La stimulation du système immunitaire est également une piste évoquée pour la prévention des INBT. Les hypothèses sont nombreuses mais, pour l’instant, aucune intervention n’a prouvé son efficacité : l’administration de GM-CSF (granulocyte-macrophage colony stimulating factor) permet d’augmenter le nombre de polynucléaires neutrophiles circulants mais ne permet pas une diminution du taux d’INBT [44] ; la perfusion d’immunoglobulines polyvalentes ou encore l’administration de lactoferrine n’ont pas permis non plus de diminuer l’incidence de ces infections [45, 46] . Enfin, la préservation du microbiote intestinal et de sa diversité semble importante, notamment par l’utilisation raisonnée des antibiotiques, par la limitation de l’utilisation des antibiotiques à large spectre, et par la réduction de la durée des antibiothérapies. La surveillance de l’épidémiologie des INBT dans les unités de soins et de l’écologie bactérienne, ainsi que la rédaction de protocoles de service pour la prise en charge des INBT, sont ainsi primordiales dans cet objectif de réduction des antibiothérapies néonatales.
Conclusion Les infections néonatales sont encore aujourd’hui un enjeu de la période néonatale en raison d’une susceptibilité augmentée
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Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
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Pour en savoir plus Aujard Y. Infections néonatales – Bactériennes, mycosiques, parasitaires et virales. Paris: Masson; 2010. Recommandations de bonne pratique HAS/SFP/SFN 2017 : prise en charge du nouveau-né à risque d’infection néonatale bactérienne précoce (≥ 34 SA). https://www.has-sante.fr/jcms/c 2803349/fr/label-de-la-has-priseen-charge-du-nouveau-ne-a-risque-d-infection-neonatale-bacterienneprecoce-34-sa. Shane A, Sanchez P, Stoll B. Neonatal sepsis. Lancet 2017;390:1770-80.
M. Letouzey, Docteur en médecine ([email protected]). Service de médecine et de réanimation néonatales, CHI Poissy-Saint-Germain-en-Laye, 10, rue du Champ-Gaillard, 78300 Poissy, France. Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé), Inserm, INRA, Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (CRESS UMR1153), Université de Paris, 75004 Paris, France. P. Boileau, Docteur en médecine, PhD. Service de médecine et de réanimation néonatales, CHI Poissy-Saint-Germain-en-Laye, 10, rue du Champ-Gaillard, 78300 Poissy, France. UFR Simone-Veil-Santé, Université Paris-Saclay, UVSQ, Montigny-le-Bretonneux, France.
EMC - Pédiatrie
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4-002-N-60 Infections néonatales bactériennes précoces et tardives
L. Foix-L’Hélias, Docteur en médecine, PhD. Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé), Inserm, INRA, Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (CRESS UMR1153), Université de Paris, 75004 Paris, France. Service de néonatologie, Hôpital Armand-Trousseau, AP–HP, 26, rue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris, France. Sorbonne Université, Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Letouzey M, Boileau P, Foix-L’Hélias L. Infections néonatales bactériennes précoces et tardives. EMC - Pédiatrie 2020;0(0):1-8 [Article 4-002-N-60].
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4-002-N-95
Devenir parent d’un enfant prématuré S. Noto, F. Cautru, P.-H. Jarreau Résumé : La naissance prématurée d’un enfant avant 27 semaines d’aménorrhée est souvent vécue comme traumatique pour les parents et peut venir entraver l’instauration du lien mère–enfant. L’expérience de la clinique présentée ici dans le cadre de naissances d’extrêmes prématurés dans une maternité de type III montre que le processus de parentalisation est à la fois accéléré et fragilisé. Le vécu parental est différent selon la mère et le père, malgré les affects d’angoisse qu’ils ressentent tous les deux : la mère éprouve une culpabilité intense et une blessure narcissique très vive. Le père semble pouvoir se dégager plus rapidement du choc de cette naissance précoce et soutenir la dyade mère–enfant. On observe une réorganisation psychique chez la mère qui lui permet progressivement de s’approprier son nouveau statut. Celle-ci est favorisée par l’accompagnement psychologique tout au long de l’hospitalisation du bébé qui permet l’élaboration du vécu traumatique de la naissance. Les équipes médicales et paramédicales jouent également un rôle crucial dans la construction de cette parentalité naissante en aidant les parents à comprendre et répondre aux besoins de leur bébé et en leur donnant confiance dans leurs compétences mutuelles. Cela permet aux parents de trouver, pas à pas, leur place auprès de l’enfant. Le vécu émotionnel intense des parents lors de cette naissance particulière reste toutefois un facteur de risque, parmi d’autres, pour la construction du lien parent–enfant et plus tard pour le développement de l’enfant. © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Prématurité ; Traumatisme ; Vécu parental ; Réanimation néonatale ; Parentalité ; Lien mère–enfant ; Interactions parent–enfant
Plan ■
Introduction
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Vécu traumatique de la naissance prématurée Une maternité traumatique Une blessure narcissique intense pour la mère Le temps suspendu
1 1 2 2
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Construction du lien parent–enfant Une situation à risque pour le lien parent–enfant Le holding de la mère Un rôle imprévu pour les pères
2 2 3 3
■
Réorganisation psychique La rencontre Le soin psychique à la mère Les soins au bébé
3 3 3 3
■
Conclusion
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Introduction Devenir parent s’accompagne de mouvements psychiques intenses avec, comme conséquence, un travail de remaniement identitaire pour la femme comme pour l’homme au croisement de sa propre histoire infantile et de celle à venir de leur enfant. Pendant la grossesse, la future mère se trouve dans un état de transparence psychique qui lui permet de revisiter ses conflits infantiles et l’enfant qu’elle a été : c’est un événement ordinaire chez la femme enceinte [1] . L’enfant imaginaire « naît » très tôt chez chaque être humain, homme ou femme [2] . C’est celui qui alimente les rêveries de la mère, il serait parfait et inaltérable. Le plus souvent, lors d’une naissance à terme et sans complications, le nouveau-né en contact immédiat avec sa mère initie le proEMC - Pédiatrie Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021 http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)43231-X
cessus d’attachement, ce qui favorise en réponse la création du lien mère–enfant [3] . Lors d’un accouchement prématuré, plusieurs facteurs contribuent à rendre cet événement traumatique et à entraver la création du lien. Pour la mère, il s’agit de l’arrêt brutal de la grossesse souvent loin du terme, de l’absence d’anticipation, de la perte de contrôle, de l’urgence médicale, de la séparation. Pour le père, il s’agit de l’inquiétude pour la mère et le bébé, de l’impuissance et de la passivité face à la situation. À cela s’ajoute la peur de la rencontre avec un bébé perc¸u comme étranger, peu représentable, petit, immature, dépendant de supports techniques invasifs, dont il est impossible de prendre soin, au sens du caregiving. L’irruption d’un réel insupportable laisse les parents dans un état de choc psychique, qui les jette dans l’effroi et la sidération, totalement démunis face à leur enfant, et aux prises avec des sentiments d’ambivalence. Est décrit ici ce que vivent les parents dans le contexte d’un accouchement très prématuré et de la prise en charge du nouveauné dans le service de médecine et de réanimation néonatales d’une maternité de type III. La situation des enfants qui décèdent spontanément ou à l’issue d’un processus de réorientation des soins de type palliatif, n’est pas évoquée dans cet article, ni celle des enfants ayant un pronostic neurologique défavorable.
Vécu traumatique de la naissance prématurée Une maternité traumatique La naissance prématurée est traumatique, au sens où elle provoque une effraction dans le psychisme maternel qui se trouve débordé par l’afflux d’excitations sans possibilité d’intégration. Elle implique l’arrêt du processus de rêverie maternelle autour
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de l’enfant à venir, que la naissance se produise à la suite d’une hospitalisation prolongée ou dans un contexte d’urgence avec un risque vital maternel et/ou fœtal : « le rêve s’est arrêté avec la fin de la grossesse », nous dit une mère de jumeaux. Après une césarienne pour prééclampsie, une autre nous dit : « J’ai été privée des sensations de donner la vie, de voir la réaction de mon mari. Il m’a manqué une étape, j’aurais aimé ces moments, ces premiers instants qui suivent l’accouchement. » La naissance prématurée provoque généralement chez elles « l’effroi (qui) dénomme l’état dans lequel on tombe quand on court un danger sans y être préparé, mettant l’accent sur l’effet de surprise » [4] . C’est la maternité elle-même qui devient traumatique [5] . Les parents de bébés prématurés présentent des symptômes de stress posttraumatique significativement plus fréquents que les parents de nouveau-nés à terme. Cela semble être en lien, pour les mères, avec l’accouchement prématuré lui-même et pour les pères, avec la gravité du risque périnatal [6] . Les mères ressentent une intense frustration liée à l’interruption de l’expérience physique de la grossesse, alors que les mouvements fœtaux étaient perc¸us parfois depuis peu. Cela peut à l’extrême créer un sentiment d’irréalité de l’accouchement. Deux jours après la naissance de son bébé, une mère nous dit : « Je réalise seulement là, ce qui s’est passé. Je ne peux pas annoncer cette naissance. Il n’est “pas sécurisé”. Je m’en veux de ne pas me dire qu’il est né... j’ai eu très peur qu’il sorte à cause des séquelles. Je tremblais et puis on m’a fait une anesthésie générale, j’avais très froid, comme si je faisais une syncope, du coup je n’ai pas vécu l’accouchement, je n’ai pas l’impression d’être une maman. » L’interruption brutale de la grossesse et la rencontre avec un être fragile renvoient à l’inquiétante étrangeté [7] . Une mère nous confie : « Il me fait peur. C ¸ a me fait peur la situation, tout c¸a... Ce n’est pas un vrai bébé. Il n’est pas fini. Je pensais qu’il serait encore plus moche, là je le trouve plutôt mignon. J’arrive à lui parler. Je l’appelle mon lapin. » Les parents sont en difficulté pour reconnaître leur bébé comme étant humain tellement ils sont impressionnés par sa petitesse, qui renvoie au fœtus dans certains cas. « Il ne ressemble à rien, c’est une crevette », disait une autre mère. Ils sont effrayés par sa fragilité, par sa peau fine, parfois presque translucide. Ils ont peur de le casser s’ils le touchent. Comment ce bébé peut-il « fabriquer de la mère » ? [8] . Comment peut-il s’inscrire dans la lignée familiale et remplir le « mandat transgénérationnel » [9] .
Une blessure narcissique intense pour la mère La prématurité psychique suscite de nombreux sentiments parfois contradictoires [10] . L’angoisse est majeure face à la situation médicale critique des premiers jours ou semaines de vie : la culpabilité et la honte sont souvent très prégnantes : « Je n’ai pas rempli mon rôle de mère pour protéger mon bébé » peuvent dire ces mères, et encore, « je ne supporte pas qu’on me félicite de cette naissance, alors que je n’ai pas été capable de le garder dans mon ventre. » Le fait de ne pas honorer la dette de vie vient majorer la détresse maternelle car la nouvelle mère peut penser qu’elle n’a pas su faire aussi bien (ou mieux) que sa propre mère (et que toutes les autres femmes) [1] . « Je ne supporte pas de voir une femme enceinte avec un gros ventre », disent certaines, très blessées narcissiquement. Les mères sont submergées par leurs propres angoisses catastrophiques. L’une d’elle disait ainsi : « J’ai l’impression d’être actrice dans une série médicale comme Urgences ». La naissance prématurée induit, pour la mère, de nombreux deuils à faire : le deuil de la fin de la grossesse, le deuil d’une naissance « normale », le deuil d’un enfant « parfait » [11] . Dans ce contexte, les nouveaux parents se trouvent en difficulté pour annoncer cette naissance à leur entourage. La nouvelle mère ne peut s’accorder le statut de mère « satisfaisante » sur le plan conjugal, familial, amical ou social. L’enfant réel est bien éloigné de l’enfant imaginaire « tricoté » pendant la grossesse [12] . Ainsi, une mère confiait : « Je n’avais jamais vu un si petit bébé. Je ne voyais rien, j’étais tellement sonnée, j’avais peur de le voir. On le regardait maladroitement, avec méfiance avec mon mari... »
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Le temps suspendu Les parents se trouvent brutalement plongés dans un univers hautement technique, celui de la réanimation néonatale, très sonore, anxiogène, leur rappelant que la vie de leur enfant, né extrême prématuré, est suspendue à un fil. « Le temps est suspendu ici, le temps passe très vite alors que je ne fais rien », dit une mère lors du séjour de son bébé. Le décalage entre l’enfant réel et l’enfant imaginaire et les angoisses de mort provoquent souvent un déplacement du regard et de l’attention parentale vers les écrans de surveillance des paramètres vitaux. Le développement d’une économie de la perception est une manière de lutter contre le vide psychique [13] . La préoccupation médicale primaire vient remplacer la préoccupation maternelle primaire qui permet habituellement à la mère d’assurer les besoins physiologiques et de contribuer à la sécurité interne de son enfant [8, 11] . Face à une telle situation, vécue comme particulièrement angoissante, la mère se trouve prise dans un dilemme motivationnel qui s’avère très désorganisateur [14] . Il consiste soit à fuir pour se protéger, au risque de délaisser son bébé, soit à rester pour le soutenir et ainsi s’exposer soi-même. Il serait probablement l’expression de l’ambivalence de la mère à l’égard de ce bébé si peu gratifiant, dont on lui dit qu’il est sien, mais qui est objet des soignants et ne fait pas d’elle une véritable mère. « C’est très dur de venir ici car on a toujours l’impression que le bébé est sur le point de mourir », disait une mère. Le risque d’effondrement psychique est réel, induisant de manière réactionnelle inconsciente, pour survivre, le recours à des mécanismes de défense plus ou moins archaïques (comme le clivage, le déni, la projection, le retrait, la fuite) ou plus adaptés (comme l’intellectualisation, l’humour).
Construction du lien parent–enfant Une situation à risque pour le lien parent–enfant Le bébé prématuré ne dispose pas des mêmes capacités physiologiques qu’un nouveau-né à terme pour réagir dans l’interaction. Il est décrit comme moins actif dans la relation du fait de son immaturité physiologique. De plus, le bébé est soumis à un excès de stimulations sensorielles liés aux soins plus ou moins invasifs. Il est désormais établi que ces bébés ressentent la douleur et y réagissent. L’immaturité se situe non pas au niveau des voies de conduction nerveuses mais au niveau des systèmes inhibiteurs de la douleur [15] . Le bébé vivrait « comme perdu dans une éternité de douleur » [16] . Ce vécu corporel ressenti par le bébé dans l’incubateur le fatigue à l’extrême et le rend moins alerte. Ses périodes de sommeil sont très longues et on observe que le bébé a parfois recours au retrait relationnel comme ultime rempart aux sensations douloureuses [17] . La spirale transactionnelle a du mal à s’enclencher entre les différents partenaires interactifs [18] . L’hospitalisation du bébé crée une parentalité fragile. En effet, donner la vie et la protéger, ce qui constitue l’essence-même de la fonction parentale, est bouleversé par la menace de mort qui pèse sur le bébé. L’équipe tout entière, qui s’engage dans cette lutte pour la vie vient, pour un certain temps, prendre le relais de la fonction parentale. Car les parents se perc¸oivent souvent comme dépossédés de leur rôle nourricier et protecteur, impuissants, inutiles, et projettent sur les soignants des sentiments de toute-puissance [10] . Les mères peuvent notamment se trouver en difficulté pour exercer leur appareil à penser, qui assure en temps normal une contenance et une transformation des vécus bruts du bébé en éléments pouvant avoir un sens pour lui [19] . Dans les premiers jours se distingue un premier mouvement d’identification à leur enfant, qui doit subir les soins douloureux, et aux soignants dans leur rôle protecteur éventuellement très idéalisé. Lorsque le danger vital pour le bébé est écarté, on peut observer une rivalité souvent teintée d’agressivité, déplacée sur les soignants car elle ne peut être adressée à leur bébé. Ce deuxième mouvement permettrait de différencier progressivement fonction parentale et fonction médicale. Le troisième EMC - Pédiatrie
Devenir parent d’un enfant prématuré 4-002-N-95
mouvement s’observerait lors de la sortie à domicile de l’enfant, à partir de laquelle les parents se réapproprieraient complètement leur fonction parentale [20] .
Le holding de la mère De fait, il apparaît important de réaliser un holding de la mère, au sens de Winnicott, à travers la communication et une relation stable avec un interlocuteur privilégié pour favoriser son entrée en relation avec son bébé [21] . En effet, dans leurs interactions avec leur bébé, les mères sont décrites comme plus actives que les mères d’enfants nés à terme, plus stimulantes, voire intrusives, cherchant de manière anxieuse une réponse de la part de leur bébé. Au contraire, d’autres peuvent sembler plus inhibées, en retrait dans la relation à l’enfant [22, 23] . L’accès à un soignant référent durant la période d’hospitalisation du bébé permettrait ainsi à la mère de se constituer une base de sécurité, et de développer un sentiment de compétence parentale [24] . La mère s’identifierait ainsi à la soignante, substitut maternel idéalisé, pour « en assimiler un aspect, une propriété, un attribut et se transformer, totalement ou partiellement, sur le modèle de celle-ci » [25, 26] . Contrairement à une naissance à terme, la parentalité se construirait ainsi au sein d’une triade parents–bébé–soignants et sous le regard des soignants [27] .
Un rôle imprévu pour les pères Il se produit, pour les deux parents, un processus de « parentalisation » accélérée. Les pères, comme les mères, éprouvent de l’anxiété, du désarroi, un sentiment d’impuissance, et sont très inquiets durant l’hospitalisation de leur bébé [28, 29] . Ils le sont aussi pour leur compagne qu’ils découvrent très effractée et se sentent parfois impuissants à contenir ses débordements émotionnels. « Mon mari ne supporte pas que je pleure », disait une mère. Peu d’entre eux s’autorisent à évoquer ce que la situation leur fait vivre et à partager ce vécu avec la mère, qui peut alors se sentir isolée [6] . La perception de leur rôle est le plus souvent de tenir coûte que coûte pour ne pas s’effondrer, sans faire part de leurs émotions, pour soutenir la dyade mère–bébé [30] . Pour certains pères, il est important de comprendre l’environnement technique dans lequel se trouve leur bébé, dans une tentative de contrôler quelque chose d’une situation incontrôlable [31] . Lors d’une naissance prématurée, le père assumerait un rôle imprévu : il serait propulsé en première ligne et assurerait la liaison psychique entre la mère et l’enfant, en s’appuyant sur les équipes médicales [32] . Le père serait également partenaire de la santé psychique de la mère : la sortie du traumatisme semble plus rapide chez les pères qui assumeraient leur responsabilité paternelle et par là-même dégageraient les mères de leur sentiment de défaillance et de culpabilité. Cela mettrait moins en péril l’instauration du lien mère–enfant [33] . Il est important pour la mère d’avoir un accompagnant, de ne pas rester seule [34] . Il existe également une complémentarité du rôle du père et de la mère : les pères sembleraient moins vulnérables psychologiquement à l’événement de la naissance prématurée que les mères et pourraient ainsi faciliter la rencontre mère-bébé en adoptant une position active [6] . Les pères seraient prêts à initier la relation avec leur bébé alors que les mères auraient besoin de plus de temps pour s’ajuster à cette naissance prématurée [33] . Ainsi, le père endosse le rôle de passeur de vie et réalise un pont de vie [30] . Le contact « peau à peau » aide notamment les pères à dépasser le choc et à investir leur nouveau statut [32, 35] .
La rencontre Tout d’abord, la rencontre physique avec le bébé notamment lors du premier « peau à peau » apparaît comme primordiale. « Je ne saurais comment l’exprimer, mais cela fait un bien fou », disait une mère. Le contact physique avec le bébé permettrait ainsi d’évacuer le sentiment d’inquiétante étrangeté et d’amorcer la prise de conscience de leur nouveau statut de mère : « le bébé crée la mère » [8] . De fait, les soignants proposent de mettre le bébé en « peau à peau » avec sa mère chaque fois que son état de santé le permet. De même, l’allaitement maternel, quand les mères le souhaitent, et la participation aux soins (change de couche et toilette) contribuent à la constitution de l’identité parentale, en particulier à un début de restauration narcissique. Afin de se sentir compétente pour protéger son bébé, la mère doit trouver une place spécifique auprès de lui et les soignants ont une influence majeure [27] . Ils aident progressivement les parents à s’approprier cette identité, jouant, au début de l’hospitalisation du bébé, le rôle de tiers pesant, pour évoluer ultérieurement vers une position de tiers plus léger [36] .
Le soin psychique à la mère Le soin psychique permet en parallèle, et de manière complémentaire, un travail de mise en mots de ce réel éprouvant, de symbolisation des événements vécus, pour que ceux-ci puissent s’inscrire dans l’histoire de la famille. Pour certaines mères, le premier entretien, en chambre en maternité, hors de la présence de l’enfant, leur permet d’exprimer l’ambivalence de leurs sentiments à l’égard de ce bébé qui ne fait pas d’elles une véritable mère. Elles se disent ensuite partiellement soulagées de ne pas se sentir totalement « mauvaise mère » [11] . Pour d’autres, qui ne peuvent se saisir de cet espace de parole, les pensées qui les envahissent sont tues, non reconnues, voire déniées. Le travail d’élaboration de la culpabilité, dans le cadre des entretiens de soutien, est souvent long et difficile et peut aboutir à des mouvements de réparation plus ou moins intenses. Ils sont décelables, notamment à travers une présence maternelle quotidienne, du matin au soir ou un allaitement très investi malgré les fortes contraintes matérielles et horaires.
Les soins au bébé L’accent porté sur les compétences du bébé et les soins centrés sur l’enfant, qui sont au cœur des objectifs poursuivis par les équipes soignantes, font prendre conscience aux parents de l’individualité de leur enfant en tant que sujet s’exprimant. Peu à peu, le bébé parvient à réagir pendant les soins et à interagir avec les soignants. Ceux-ci peuvent alors guider les parents dans la compréhension du comportement du bébé. La difficulté consiste notamment à considérer les moments d’échange mère–bébé, père–bébé, sous l’angle du bénéfice que peut en retirer prioritairement le bébé, compte tenu de son état de santé ou de fatigue. Ainsi, à certains moments, le soignant se fait le porte-parole de l’enfant et exprime aux parents son besoin de dormir, de ne pas être sollicité, malgré leur désir bien compréhensible de vouloir le rencontrer. Cela constitue un véritable travail d’accordage affectif que les parents découvrent au fur et à mesure, et qui s’effectue toujours en présence d’un tiers soignant [37] . Cette présence constante est parfois pénible à vivre pour eux en fin d’hospitalisation. En effet, les parents souhaitent ardemment, voire revendiquent, d’être considérés comme étant autonomes, responsables et pleinement capables de comprendre ce qui est bon pour leur enfant.
Réorganisation psychique
Conclusion
Le suivi des familles pendant le temps de l’hospitalisation (entre 2 et 5 mois) nous permet d’observer le plus souvent une réorganisation psychique chez la mère. Passée la première période de sidération, plusieurs facteurs participent à la remise en marche de leur capacité d’élaboration de l’événement, pour « s’adapter » à cette nouvelle situation.
La naissance prématurée, qui constitue un traumatisme dans la littérature scientifique, n’est donc pas sans conséquence sur la construction du lien parent–enfant, notamment en raison du vécu émotionnel intense lors de l’hospitalisation. D’ailleurs, l’intensité du vécu maternel, lors de la période d’hospitalisation de son enfant, n’est pas corrélée à la complexité du parcours médical [38] .
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4-002-N-95 Devenir parent d’un enfant prématuré
De plus, les inquiétudes parentales demeurent par rapport au développement de l’enfant durant ses premières années de vie, car un suivi neurodéveloppemental est institué jusqu’à l’âge de 7 ans. Aucune situation de prématurité ne doit être considérée comme banale. Elle influence toujours la relation précoce mère–enfant, père–enfant et la qualité du lien. La séparation initiale n’empêche pas l’instauration du besoin d’attachement du tout-petit car celuici est inné, et s’établit sur plusieurs mois après la naissance [14] , mais les modalités d’attachement dépendent des réponses de son environnement. Le vécu maternel traumatique pourrait, en particulier, perturber l’adéquation de la réponse de la mère au besoin de sécurité affective du bébé qui à son tour retentirait sur les modalités d’attachement de l’enfant. Ainsi, l’expérience vécue de la prématurité suscite, depuis quelques années, de nombreuses études visant à qualifier ces différentes modalités [39–43] .
“ Points essentiels La naissance prématurée d’un enfant constitue pour les nouveaux parents une épreuve à risque pour l’instauration du lien et elle ne se résume pas uniquement à son évolution médicale. Le vécu psychologique de chacun des parents, pendant l’hospitalisation de l’enfant, doit être pris en compte afin de soutenir la construction de leur identité de père et mère, et de réduire l’impact traumatique de cette naissance particulière sur leur relation à l’enfant.
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
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Devenir parent d’un enfant prématuré 4-002-N-95
S. Noto, Psychologue clinicienne ([email protected]). F. Cautru, Psychologue clinicienne. Service de médecine et réanimation néonatales de Port-Royal, Hôpitaux universitaires Paris Centre, AP–HP, 23, boulevard de Port-Royal, 75679 Paris cedex 14, France. P.-H. Jarreau. Service de médecine et réanimation néonatales de Port-Royal, Hôpitaux universitaires Paris Centre, AP–HP, 23, boulevard de Port-Royal, 75679 Paris cedex 14, France. Faculté de médecine, Université de Paris, Inserm, Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé), Centre d’épidémiologie et statistique (UMR 1153), Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Noto S, Cautru F, Jarreau PH. Devenir parent d’un enfant prématuré. EMC - Pédiatrie 2021;41(3):1-5 [Article 4-002-N-95].
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Cas clinique
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4-002-R-26
Incompatibilités plaquettaires maternofœtales G. Bertrand Résumé : Les thrombopénies fœtales et néonatales allo-immunes, équivalents plaquettaires de la maladie hémolytique du nouveau-né, ne sont pas des évènements rares. En cas de thrombopénie sévère, la survenue d’hémorragie intracrânienne (HIC) altère le pronostic avec risque de décès ou séquelles neurologiques graves. En l’absence de dépistage des femmes à risque en France, l’allo-immunisation maternelle est diagnostiquée à la suite de signes cliniques survenant au cours de la grossesse ou chez le nouveau-né. La prise en charge thérapeutique du cas index et des grossesses futures dépend du diagnostic biologique amélioré par le développement de techniques de laboratoire de plus en plus sensibles et fiables. © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Thrombopénie fœtale/néonatale ; Allo-immunisation fœto-maternelle plaquettaire ; Human Platelet Antigen (HPA) ; Hémorragie intracrânienne ; Génotypage plaquettaire ; MAIPA
Plan ■
Introduction
1
■
Physiopathologie
1
■
Antigènes plaquettaires impliqués
2
■
Diagnostic clinique
2
■
Diagnostic biologique
3
■
Stratégies thérapeutiques
5
■
Prise en charge des grossesses à risque
6
■
Conclusion
7
■
Annexe A. Cas clinique
7
Introduction La thrombopénie, définie comme un compte plaquettaire inférieur à 150 × 109 /l, est l’un des désordres hémorragiques les plus courants pendant la période néonatale, un tiers des nouveau-nés admis en soins intensifs sont thrombopéniques [1] , et près de 1 % en maternité [2] . Chez les prématurés, la numération plaquettaire normale doit être appréciée en fonction du terme [3] . La thrombopénie est considérée comme sévère lorsque la numération plaquettaire est inférieure à 50 × 109 /l. Parmi les étiologies de ces thrombopénies, les causes non immunes sont les plus fréquentes (thrombopénies constitutionnelles, ou acquises mais non immunes telles que l’hypoxie, les infections, ou la coagulation intravasculaire disséminée [CIVD]). Les thrombopénies immunes sont de deux types : allo-immunes ou auto-immunes. La thrombopénie allo-immune (fréquence dans la population caucasienne de 1 cas pour 800 à 1000 naissances) présente dès les premières heures de vie est plus sévère que celle due à l’auto-immunité maternelle dont le nadir est souvent EMC - Pédiatrie Volume 0 > n◦ 0 > xxx 2020
retardé, j+7 à j+10 après la naissance. Les conséquences délétères de la thrombopénie sévère sont les hémorragies notamment intracrâniennes à l’origine de décès ou de séquelles neurologiques. Cet article est consacré plus particulièrement à la physiopathologie de l’allo-immunisation fœto-maternelle plaquettaire (AIFMP), l’auto-immunité maternelle ne devant toutefois pas être ignorée lors du diagnostic biologique.
Physiopathologie L’AIFMP résulte de la production d’allo-anticorps maternels dirigés contre les antigènes plaquettaires fœtaux d’origine paternelle absents chez la mère (nomenclature HPA : Human Platelet Antigen [4] ) (Fig. 1). Les mécanismes de l’immunisation maternelle sont encore mal connus. À la différence de la maladie hémolytique du nouveau-né, l’AIFMP peut survenir dès la première grossesse [5] . Il a été observé que le syncytiotrophoblaste exprime la chaîne 3 de l’intégrine ␣2 3 (également appelée GPIIIa) [6] qui porte à sa surface plusieurs antigènes HPA parmi lesquels HPA-1. Ce tissu d’origine fœtale est en contact direct avec la circulation sanguine maternelle, et il joue donc un rôle important dans l’alloimmunisation survenant vis-à-vis d’antigènes plaquettaires. Le terrain immunogénétique maternel est impliqué au moins dans l’allo-immunisation contre l’antigène HPA-1a (le plus fréquemment en cause chez les Caucasiens). En effet, cette immunisation est spécifiquement médiée par les molécules HLA-DRB3*01:01 et HLA-DRB4*01:01 [7–9] . Il est particulièrement important de connaître les antécédents obstétricaux lors de l’enquête diagnostique, les fausses-couches précoces et interruptions de grossesse contribueraient à la stimulation de l’immunisation maternelle [10] . La thrombopénie fœtale survient principalement au cours du deuxième trimestre de la grossesse [11] ; elle peut toutefois être observée plus tôt pendant la grossesse. La gravité de l’atteinte
1
4-002-R-26 Incompatibilités plaquettaires maternofœtales
Allo-anticorps anti-HPA maternels Plaquettes fœtales portant les antigènes hérités du pére Plaquettes fœtales détruites
anti-HPA-5b entraînant souvent des thrombopénies moins profondes. Malgré l’identification relativement fréquente d’incompatibilités fœto-maternelles dans le système HPA-15, les allo-anticorps anti-HPA-15a ou b ne sont que très rarement identifiés, peutêtre en raison de la dégradation très rapide des molécules CD109 à la surface des plaquettes ex vivo. Les autres antigènes HPA sont considérés comme de faible fréquence, ou bien privés car identifiés chez un seul individu (à l’origine de la découverte des allo-anticorps). Les fréquences d’allo-immunisation sont naturellement à mettre en rapport avec la fréquence des antigènes plaquettaires variable selon les populations [15, 16] . Ainsi l’allo-immunisation anti-HPA-4b est plus fréquente dans les populations asiatiques [17] .
Molécules HLA (Human Leukocyte Antigen) Le rôle causal des allo-anticorps anti-HLA maternels dans la thrombopénie néonatale est débattu [18, 19] . Récemment, une étude norvégienne a apporté des arguments en faveur d’un possible rôle des anticorps anti-HLA en démontrant que ceux-ci reconnaissent des épitopes exprimés par le fœtus et hérités du père [20] .
Figure 1. Mécanisme de l’allo-immunisation fœto-maternelle plaquettaire (dessin : F. Ruquoy).
Thrombopénies et allo-immunisation antigroupes sanguins A ou B
fœtale (mort fœtale in utero, hémorragies intracrâniennes [HIC]) et son aggravation lors des grossesses successives impliquent une prise en charge spécifique des grossesses à risque. L’intensité de la thrombopénie fœtale/néonatale résulterait de plusieurs facteurs dont : • le transfert actif transplacentaire des allo-anticorps IgG : en place dès 13 semaines d’aménorrhée (SA), il dépend des récepteurs Fc fœtaux (FcRn) avec une affinité différentielle suivant les sous-classes d’IgG et les polymorphismes de ceux-ci [12] ; • l’opsonisation des plaquettes fœtales par ces allo-anticorps, conduisant à la destruction des plaquettes par le système réticuloendothélial. Elle serait modulée par les glycosylations de ces anticorps [13] .
Les glycosylations présentes à la surface des glycoprotéines plaquettaires sont similaires aux antigènes érythrocytaires A et B. En cas d’incompatibilité fœto-maternelle A et/ou B, les alloanticorps maternels développés pendant la grossesse peuvent traverser la barrière placentaire et se fixer spécifiquement sur les glycoprotéines plaquettaires, provoquant ainsi la destruction des plaquettes fœtales, à l’origine de thrombopénies parfois sévères [21, 22] .
Antigènes plaquettaires impliqués Antigènes HPA (Human Platelet Antigen) Les antigènes plaquettaires impliqués sont présents sur les glycoprotéines membranaires (Fig. 2) : GPIIbIIIa (également appelé intégrine ␣IIb3 , fortement exprimée sur les plaquettes [50 000 à 80 000 copies] et récepteur du fibrinogène), GPIb-V-IX (récepteur du facteur de von Willebrand), GPIaIIa (récepteur du collagène) et le CD109 (protéine à ancrage GPI). Comme évoqué précédemment, la chaîne 3 est également exprimée sur le syncytiotrophoblaste sous la forme d’un complexe avec la chaîne ␣V . Des polymorphismes génétiques situés sur les gènes codant pour ces protéines entraînent un changement d’acide aminé à l’origine des antigènes plaquettaires HPA (excepté pour l’antigène HPA-14bw qui résulte d’une délétion de 3 nucléotides). À ce jour, on compte 41 antigènes HPA (Tableaux 1, 2), l’allèle « a » étant le plus fréquent parmi la population caucasienne. L’antigène HPA-1a chez les Caucasiens est responsable de la majorité de cas de thrombopénies néonatales allo-immunes (85 % des cas d’allo-immunisation [14] ). Les femmes HPA-1bb ne représentent que 2 % de la population ; cependant plus de 90 % d’entre elles s’immunisent contre l’antigène HPA-1a au cours de leur grossesse, et constituent un groupe à haut risque. Les autres antigènes fréquemment retrouvés sont HPA-3 et HPA-5. Les thrombopénies les plus sévères sont généralement observées en présence d’alloimmunisations anti-HPA-1a ou HPA-3a, les allo-immunisations
2
Cas particulier des iso-immunisations anti-GP Dans le cas particulier d’un déficit constitutionnel en GP, l’absence d’expression de la molécule peut engendrer une iso-immunisation maternelle dirigée contre les GP d’origine paternelle des plaquettes fœtales. Il s’agit généralement de déficits constitutionnels entraînant un déficit d’expression des glycoprotéines GPIIb/IIIa (thrombasthénie de Glanzmann), GPIbIX (syndrome de Bernard-Soulier), ou CD36 (GPIV) chez les sujets africains ou asiatiques [23] .
Diagnostic clinique La thrombopénie fœtale est révélée le plus souvent par des anomalies à l’échographie fœtale (HIC, dilatation des ventricules). En cas d’interruption thérapeutique de grossesse, il est très important d’effectuer une numération plaquettaire fœtale permettant d’orienter le diagnostic, et si possible de conserver du matériel biologique fœtal pour le diagnostic biologique. Le diagnostic de thrombopénie néonatale allo-immune est suspecté lorsque les autres causes de thrombopénies sont exclues. Un examen clinique attentif ne relève pas d’infection, d’hépatosplénomégalie, d’anomalie du squelette, de dysmorphie en rapport avec une anomalie chromosomique. En dehors des signes hémorragiques, l’enfant est « bien portant », et la thrombopénie est isolée. La thrombopénie peut rester asymptomatique et se révéler par la seule présence de pétéchies ou d’un purpura. La thrombopénie allo-immune s’aggrave lors des grossesses successives en l’absence de traitement anténatal ; les cas les plus sévères touchent généralement des femmes multigestes, même s’il a été rapporté dans la littérature quelques cas d’HIC chez des femmes primipares/primigestes [5] . EMC - Pédiatrie
Incompatibilités plaquettaires maternofœtales 4-002-R-26
GPllla GPllb / llla αllb β3 CD61 / CD41
HPA – 4 Arg/Gln143
HPA – 17w Thr/Met145
Site de fixation du RGD
Ca++
Ca++ Ca++
HPA - 6 Arg/Gln489 HPA – 14w Lys611 deletion
Site de fixation du fibrinogène
Ca++
HPA – 16w Thr/Ile140
HPA - 7 Pro/Ala407
GPllbα
HPA – 10 Arg/Gln62
HPA – 9 Val/Met837
HPA – 1 Leu/Pro33 HPA – 11w Arg/His633
HPA – 8 Arg/Cys636
GPIIbα
COOH
HPA – 3 Ile/Ser843
COOH Site de fixation du collagène : Domaine I
GPla / lla VLA - 2 α2 β1 CD49b / CD29
HPA-5 Glu/Lys505
S S S SS
HPA-18w Gln/His716
S
HPA-13w Thr/Met799
GPIIa
GPla
COOH GPlbα GPlb / IX / V CD42
GPlX
COOH HPA – 2 Thr/Met145
Site de fixation du facteur de von Willebrand et de la thrombine Polymorphisme de poids moléculaire (VNTR)
GPIbα
GPV
GPIbβ
HPA – 12w Gly/Glu15 GPlbβ GPIX
Action-binding protein
Figure 2. Uni).
Principaux complexes glycoprotéiques plaquettaires, et antigènes plaquettaires (autorisation de reproduction : Lucy Studholme, NIBSC, Royaume-
Diagnostic biologique Le diagnostic biologique n’est affirmé que sur la mise en évidence de l’allo-anticorps maternel spécifiquement antiplaquettaire (méthodes sérologiques), et l’identification de l’antigène en EMC - Pédiatrie
cause (génotypage plaquettaire) et sa présence chez le fœtus ou le nouveau-né, ce qui implique le génotypage obligatoire de ce dernier. En raison des difficultés qui peuvent être rencontrées dans ce diagnostic, les examens doivent être réalisés dans un laboratoire spécialisé dans le domaine.
3
4-002-R-26 Incompatibilités plaquettaires maternofœtales
Tableau 1. Nomenclature HPA (Human Platelet Antigen). Antigènes plaquettaires couramment impliqués dans des cas d’allo-immunisations. Système
Antigène
Glycoprotéine
Changement de nucléotide
Acide aminé modifié (protéine mature)
Références
HPA-1
HPA-1a HPA-1b
GPIIIa
176T>C
L33P
Newman et al., J Clin Invest (1989)
HPA-2
HPA-2a HPA-2b
GPIba
482C>T
T145M
Kuijpers et al., J Clin Invest (1992)
HPA-3
HPA-3a HPA-3b
GPIIb
2621T>G
I843S
Lyman et al., Blood (1990)
HPA-4
HPA-4a HPA-4b
GPIIIa
506G>A
R143Q
HPA-5a HPA-5b
GPIa
HPA-15a HPA-15b
CD109
HPA-5
Wang et al., Proc Jap Academy (1991) Wang et al., J Clin Invest (1992)
1600G>A
E505K
Santoso et al., J Clin Invest (1993) Kalb et al., Thromb Haemost (1994) Simsek et al., Br J Haematol (1994)
HPA-15
2108C>A
S682Y
Schuh et al., Blood (2002)
Tableau 2. Nomenclature HPA (Human Platelet Antigen). Antigènes plaquettaires rares. Antigène
Glycoprotéine
Changement de nucléotide
Acide aminé modifié (protéine mature)
Références
HPA-6b
GPIIIa
1544G>A
R489Q
Wang et al., Blood (1993)
HPA-7b
GPIIIa
1297C>G
P407A
Kuijpers et al., Blood (1993)
HPA-8b
GPIIIa
1984C>T
R636C
Santoso et al., J Biol Chem (1994)
HPA-9b
GPIIb
2602G>A
V837M
Noris et al., Blood (1995)
HPA-10b
GPIIIa
263G>A
R62Q
Peyruchaud et al., Blood (1997)
HPA-11b
GPIIIa
1976G>A
R633H
Simsek et al., Br J Haematol (1997)
HPA-12b
GPIbb
119G>A
G15E
Sachs et al., Blood (2000)
HPA-13b
GPIa
2483C>T
T799M
Santoso et al., Blood (1999)
HPA-14b
GPIIIa
1909 1911delAAG
K611del
Santoso et al., Blood (2002)
HPA-16b
GPIIIa
497C>T
T140I
Jallu et al., Blood (2002)
HPA-17b
GPIIIa
662C>T
T195M
Stafford et al., Transfusion (2008)
HPA-18b
GPIa
2235G>T
Q716H
Bertrand et al., Transfusion (2009)
HPA-19b
GPIIIa
487A>C
K137Q
Peterson et al., Transfusion (2009) Perterson et al., Transfusion (2009)
HPA-20b
GPIIb
1949C>T
T619M
HPA-21b
GPIIIa
1960G>A
E628K
Peterson et al., Transfusion (2009)
HPA-22b
GPIIb
584A>C
K164T
Peterson et al., Transfusion (2012)
HPA-23b
GPIIIa
1942C>T
R622W
Peterson et al., Transfusion (2012)
HPA-24b
GPIIb
1508G>A
S472N
Jallu et al., Transfusion (2011)
HPA-25b
GPIa
3347C>T
T1087M
Kroll et al., Transfusion (2011)
HPA-26b
GPIIIa
1818G>T
K580N
Sachs et al., Thromb Haemost (2012)
HPA-27b
GPIIb
2614C>A
L841M
Jallu et al., Transfusion (2013)
HPA-28b
GPIIb
2311G>T
V740L
Poles et al., Transfusion (2013)
HPA-29b
GPIIIa
98C>T
T7M
Sullivan et al., Transfusion (2015)
HPA-30b
GPIIb
2511C>C
I843S
Wihadmadyatami et al., Transfusion (2015)
HPA-31b
GPIX
368C>T
P123L
Jallu et al., J Thromb Haemost (2017)
HPA-32b
GPIIIa
521A>G
N174S
Sullivan et al., Transfusion (2017)
HPA-33b
GPIIIa
1373A>G
D458G
Poles et al., Transfusion (2018)
HPA-34b
GPIIIa
349C>T
R91W
Bertrand et al., Transfusion (2018)
HPA-35b
GPIIIa
1514A>G
R479H
Bertrand et al., Transfusion (2019)
Sérologie Le dépistage et l’identification des anticorps antiplaquettaires sont effectués actuellement par des méthodes de type Elisa (enzyme linked immunosorbent assay), et la technique de référence est le MAIPA (Monoclonal Antibody-specific Immobilization of Platelet Antigens) [24] . Cette méthode repose sur une immuno-capture « en sandwich » réalisée sur des échantillons de plaquettes, à l’aide de deux anticorps monoclonaux (AcM), un AcM reconnaissant les anticorps humains IgG lorsqu’ils sont présents (notion de concentration relative en fonction de l’intensité du signal), et l’autre AcM les glycoprotéines plaquettaires (Fig. 3). La recherche des allo-anticorps maternels est réalisée à partir du sérum, testé
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premièrement vis-à-vis d’un panel de plaquettes de donneurs de groupe O dont le typage plaquettaire est connu et, deuxièmement, vis-à-vis des plaquettes paternelles. Lorsque l’allo-immunisation est dirigée contre un antigène plaquettaire de très faible fréquence (donc absent du panel de plaquettes de donneurs), seules les plaquettes paternelles permettront de mettre en évidence de tels allo-anticorps. Les auto-anticorps antiplaquettaires maternels seront aussi recherchés, l’auto-immunité maternelle pouvant constituer un facteur aggravant lorsqu’elle est associée à une allo-immunisation. La méthode MAIPA est également utilisée pour la quantification des allo-anticorps par quelques laboratoires experts [25, 26] . Elle permet de suivre l’évolution de la concentration en anticorps lors EMC - Pédiatrie
Incompatibilités plaquettaires maternofœtales 4-002-R-26
Anticorps anti-IgG humains - Peroxydase Sérum du patient Révélation (plaque Elisa)
Lyse des plaquettes
Plaquettes de sujet sain ( : GP plaquettaires)
Anticorps antilgG de souris
Anticorps momoclonaux de souris anti-GP plaquettaires
Figure 3. Méthode MAIPA (Monoclonal Antibody-specific Immobilization of Platelet Antigens) utilisée pour le dépistage et l’identification des anticorps antiplaquettaires.
Numération plaquettaire du nouveau-né
Saignements (y compris pétéchies)
OUI ≥ 100 x 109 /l
- Pas de transfusion de plaquettes - Suivi de la numération plaquettaire - Éliminer un trouble de l’hémostase associé
OUI < 100 x 109 /l
NON
NON
< 30 x 109 /l*
- Transfusion de plaquettes** CPA HPA-compatible ou Plaquettes non-HPA compatibles + lgIV - Échographie transfontanellaire + fond d’œil*** - Éliminer un trouble de l’hémostase associé
OUI
NON
≥ 30 et < 50 x 109/l*
≥ 50 x 109/l
Prématurité - et/ou poids > 1000 g - Comorbidités associées
- Suivi de la numération plaquettaire
NON - Pas de transfusion de plaquettes - Suivi de la numération plaquettaire - Échographie transfontanellaire + fond d’œil***
Suivi de la numération plaquettaire jusqu’à normalisation et stabilisation (≥ 150 x 109 /l) Figure 4. Arbre décisionnel. Prise en charge d’une thrombopénie néonatale avec possible allo-immunisation fœto-maternelle (traduit de l’article [36] ). CPA : concentrés plaquettaires d’aphérèse ; HPA : Human Platelet Antigen ; IgIV : immunoglobulines polyvalentes en intraveineuse. Astérisque : il est conseillé de contrôler toute numération plaquettaire inférieure à 50 × 109 /l. Double astérisques : la transfusion de plaquettes maternelles déplasmatisées et irradiées est aussi une possibilité (mais rarement utilisée). Triple astérisques : selon disponibilité d’une personne compétente pour cet examen.
de grossesses avec incompatibilité fœto-maternelle impliquant l’antigène HPA-1a (cf. chapitre relatif à la prise en charge des grossesses à risque). La technologie de billes fluorescentes Luminex a été adaptée à l’identification des allo-anticorps anti-HPA, permettant un gain de temps significatif et l’utilisation d’un volume d’échantillon réduit [27] . Certains anticorps de faible affinité ne sont parfois détectés que par la technologie de résonance plasmatique de surface (SPR) [28, 29] . Leur signification clinique reste à déterminer.
Typage plaquettaire Le génotypage plaquettaire par biologie moléculaire est actuellement la méthode de référence. Le génotypage plaquettaire est généralement réalisé pour les systèmes HPA-1 à 5 et -15. Il est toutefois conseillé lorsqu’aucune incompatibilité fœto-maternelle n’est alors identifiée d’effectuer la recherche des antigènes rares en cas de thrombopénie sévère [30, 31] . Les fréquences des antigènes HPA suivant les populations doivent être prises en compte dans la stratégie du diagnostic biologique. EMC - Pédiatrie
Dans quelques rares cas, les techniques de biologie moléculaire peuvent être mises en défaut en raison de certaines mutations génétiques [27, 28] . Il peut parfois être utile de réaliser un phénotypage plaquettaire des parents (technique du MAIPA) ou d’utiliser une seconde méthode de biologie moléculaire lorsque les génotypages des parents et de leur enfant sont incohérents [32–34] .
Stratégies thérapeutiques À la différence de la maladie hémolytique du nouveau-né, il n’existe pas de dépistage systématique des femmes enceintes à risque. Pourtant, une évaluation à grande échelle a déjà été réalisée en Norvège sur environ 100 000 femmes, démontrant le bénéfice socio-économique d’une telle mesure [35] . Sans dépistage des grossesses à risque, le diagnostic est souvent réalisé à la naissance du premier enfant atteint.
Traitement du nouveau-né Un algorithme décisionnel a été établi par le Groupe de travail « Allo-immunisation fœto-maternelle plaquettaire » du
5
4-002-R-26 Incompatibilités plaquettaires maternofœtales
GFHT (Groupe francophone d’études sur l’hémostase et la thrombose [36] ), duquel découlent les recommandations suivantes, validées par la Société franc¸aise d’hématologie et la Société d’hématologie immunologie pédiatrique (Fig. 4). La stratégie thérapeutique dépendra de la sévérité de la thrombopénie et de la présence de saignements chez l’enfant. • En cas d’hémorragie ou d’une numération plaquettaire inférieure à 30 × 109 /l, le traitement transfusionnel plaquettaire d’urgence s’impose sans attendre les résultats du diagnostic biologique. Afin de prévenir une destruction trop rapide des plaquettes standards transfusées (non phénotypées) par les alloanticorps maternels présents dans la circulation sanguine du nouveau-né, il est conseillé d’administrer des immunoglobulines polyvalentes en intraveineuse (IgIv), à la dose de 1 g/kg par jour (1 cure, voire répétée une fois). Il sera également nécessaire de rechercher l’existence éventuelle d’HIC en réalisant une échographie transfontanellaire, ainsi qu’un fond d’œil. La numération plaquettaire sera suivie très régulièrement (environ 2 fois par jour) afin de s’assurer qu’elle est toujours supérieure à 50 × 109 /l. En cas de nécessité de nouvelle transfusion, les résultats de laboratoire permettent de transfuser des plaquettes HPA-compatibles avec l’anticorps maternel (transfusion de plaquettes HPA-1bb lorsque la mère est HPA-1bb et l’enfant HPA-1ab, en présence d’allo-anticorps maternels anti-HPA-1a par exemple), ce qui permet l’économie des IgIv. • En cas de numération plaquettaire comprise entre 30 et 50 × 109 /l : deux situations se présentent : ◦ en cas de prématurité et/ou d’enfant de petit poids (< 1000 g) associé éventuellement à des facteurs de comorbidité (infection, etc.), on transfusera le nouveau-né en plaquettes, dans les mêmes conditions que décrites en haut, ◦ en l’absence de prématurité et/ou petit poids ou comorbidité, une surveillance attentive s’impose. Une échographie transfontanellaire sera réalisée. • Lorsque la numération plaquettaire est supérieure à 50 × 109 /l, un suivi de la numération plaquettaire jusqu’à stabilisation audessus du seuil de 150 × 109 /l permettra d’écarter toute baisse de numération en lien avec une auto-immunité antiplaquettaire maternelle (nadir entre j3 et j5 de vie). • En cas de saignements associés à une numération plaquettaire supérieure à 100 × 109 /l, une origine allo-immune est écartée et il faut alors explorer d’autres causes de thrombopénie néonatale. En l’absence d’HIC, l’évolution est rapidement favorable, une numération plaquettaire normale est obtenue en quelques jours. C’est ainsi qu’une normalisation de la numération plaquettaire en 48 à 72 heures peut s’observer et ne doit en aucun cas dispenser de l’enquête étiologique. En présence d’une HIC, le risque est majeur pendant les 96 premières heures de vie, nécessitant une prise en charge thérapeutique immédiate. Dans ce cas, le pronostic est très réservé, avec décès dans 10 % des cas et séquelles neurologiques dans 20 % des cas [37, 38] .
Propriétés des concentrés plaquettaires transfusés Les concentrés plaquettaires seront de groupe O ; la qualification « CMV Négatif » n’est plus disponible, depuis la mise en place de l’inactivation des pathogènes pour les produits sanguins labiles. Les quelques études portant sur des cohortes restreintes ne permettent pas de conclure quant à une différence d’efficacité entre des concentrés plaquettaires d’aphérèse (CPA, provenant d’un seul donneur) ou bien de mélanges de concentrés plaquettaires (MCP, pool de 5 à 6 dons).
Prise en charge des grossesses à risque Plusieurs études ont montré l’aggravation de l’atteinte lors des grossesses suivantes en l’absence de traitement anténatal. Il est
6
donc recommandé que les femmes enceintes soient suivies en centre spécialisé. En cas d’homozygotie paternelle, le fœtus sera porteur d’un des allèles du père, et il n’est donc pas nécessaire de déterminer son typage HPA. En revanche, s’il est hétérozygote, le génotypage plaquettaire fœtal sera réalisé sur cellules amniotiques, ou sur ADN fœtal libre dans le sang maternel pour HPA-1 [39] . Historiquement, les premières stratégies thérapeutiques étaient invasives avec transfusion de plaquettes in utero [40] . Ces dernières sont souvent mal supportées avec bradycardie prolongée et césariennes en urgence, et ne sont donc plus recommandées. Quant au traitement anténatal non invasif avec perfusions maternelles d’IgIv, aucune étude « en double aveugle » n’ayant été réalisée pour des raisons éthiques, seules des études observationnelles ont permis d’étudier l’efficacité du traitement. Les seules études en double aveugle ont porté sur la dose d’IgIv administrée pendant la grossesse en fonction des antécédents (dose de 0,5, 1 ou 2 g/kg par semaine [41, 42] ). Malgré l’hétérogénéité des cohortes (antécédents obstétricaux, terrain immunogénétique, etc.), une large majorité des études publiées montre l’efficacité de ce traitement pour prévenir la survenue d’HIC. Entre 1992 et 2015, 16 études rétrospectives ont été publiées concernant 582 fœtus dont les mères ont rec¸u des IgIv pendant la grossesse. Seuls 13 cas d’HIC ont été rapportés (2,2 %) [5, 41–56] . Dans l’expérience franc¸aise, aucun cas d’HIC n’a été observé dans la cohorte de 75 femmes (81 nouveau-nés) [5] . Toutefois, la numération plaquettaire du nouveau-né à la naissance était plus élevée lorsqu’un traitement aux corticoïdes avait été instauré vers 30/32 SA [moyenne de 135 × 109 /l avec corticoïdes (n = 54), et 89 × 109 /l sans corticoïdes (n = 27)]. Ainsi, le traitement anténatal actuel et consensuel comporte l’administration d’IgIv 1 g/kg par semaine dès 20 à 22 SA jusqu’à l’accouchement, avec ajout éventuel de corticoïdes (prednisone à 0,5 mg/kg/j) à partir de 30 à 32 SA [57] . En cas d’antécédent d’HIC, le traitement aux IgIv débutera dès 16 à 18 SA, voire encore plus précocement (12 SA) lorsque plusieurs facteurs de risque s’additionnent (fausse-couche, mort fœtale in utero, HIC). La plupart des équipes réalise un accouchement par césarienne dès 39 SA, avec un contrôle de la numération du nouveau-né dès la naissance. L’accouchement par voie basse peut être discuté si le risque hémorragique est faible. La ponction de sang fœtal, geste invasif provoquant une stimulation de l’immunité maternelle, a été décrite comme étant à l’origine de complications fœtales lors de transfusion plaquettaire in utero (bradycardie prolongée, voire mort fœtale). Son indication pour déterminer la numération plaquettaire fœtale est de plus en plus restreinte, et non recommandée pour le suivi de l’efficacité du traitement maternel anténatal. Cependant, si elle est pratiquée par une équipe expérimentée, elle peut être utile en début de grossesse pour décider de la mise en œuvre du traitement, ou au moment de l’accouchement pour décider de la voie d’accouchement (voie basse en l’absence de thrombopénie du fœtus). Dès lors, les études de paramètres maternels prédictifs de l’atteinte fœtale et de l’efficacité thérapeutique sont à considérer. L’évaluation de la concentration en anticorps maternels anti-HPA-1a est intéressante pendant la grossesse avant et au cours du traitement aux IgIv, permettant d’anticiper les besoins transfusionnels à la naissance. Des calculs mathématiques (aire sous la courbe : AUC) permettent de définir un seuil d’alerte au-delà duquel il existe un risque élevé de thrombopénie néonatale sévère (< 50 × 109 /l) justifiant la préparation d’un concentré plaquettaire HPA-compatible [5, 58] . Seuls quelques laboratoires spécialisés sont en mesure de réaliser ce suivi de grossesse. Les sœurs des femmes immunisées seront informées et un génotypage plaquettaire leur est proposé, afin d’identifier celles qui sont homozygotes et donc à risque de s’immuniser lors d’une future grossesse. Le traitement anténatal des femmes primipares n’est actuellement proposé que lors de la mise en évidence d’allo-anticorps maternels pendant la grossesse.
EMC - Pédiatrie
Incompatibilités plaquettaires maternofœtales 4-002-R-26
Autres approches thérapeutiques En Norvège, la concentration en allo-anticorps anti-HPA-1a constitue un paramètre décisionnel pour l’instauration du traitement aux IgIv, et le choix du mode d’accouchement (une faible concentration en anticorps étant associée à un accouchement par voie basse). D’autres traitements sont actuellement à l’étude, dont la prophylaxie de femmes HPA-1b homozygotes non immunisées par injection d’IgIv anti-HPA1a en post-partum [59] . Des modèles animaux sont à l’étude pour l’utilisation de fragments Fc d’anticorps monoclonaux spécifiquement dirigés contre HPA-1a, saturant les sites antigéniques des plaquettes fœtales et empêchant ainsi la reconnaissance des antigènes par le système immunitaire maternel.
Cas particulier de la prise en charge des grossesses dans un contexte d’auto-immunité antiplaquettaire maternelle Au cours de la grossesse, il est courant d’observer une baisse de la numération plaquettaire (7 % de femmes sont thrombopéniques en fin de grossesse). Dans la majorité des cas, la thrombopénie est modérée sans signe hémorragique, mais elle peut témoigner d’une pathologie sous-jacente comportant des risques pour l’enfant et la mère. Afin de distinguer la thrombopénie gestationnelle sans incidence sur le fœtus, du purpura thrombopénique immun (PTI) chronique révélé pendant la grossesse, des investigations en laboratoire sont à considérer. L’évolution de la numération plaquettaire maternelle est à surveiller, le seuil de 50 × 109 /l étant nécessaire en pré- et post-partum afin d’éviter tout risque hémorragique lié à l’accouchement. Les traitements maternels envisagés sont essentiellement les corticoïdes et les IgIv, voire la transfusion de plaquettes avant l’accouchement lorsque le seuil de 50 × 109 /l n’est pas atteint. La thrombopénie fœtale d’apparition souvent précoce [60] se majore habituellement après la naissance. Rares sont les cas d’HIC liés à un PTI maternel. Cependant, 40 % des nouveau-nés de mères ayant un PTI sont thrombopéniques, dont 10 à 15 % avec une numération plaquettaire inférieure à 50 × 109 /l. L’évolution de la thrombopénie néonatale est souvent très lente non influencée par le traitement par IgIv, le nouveau-né restant thrombopénique voire sévèrement pendant six semaines à deux mois. Dans quelques cas, seule cette thrombopénie révèle l’auto-immunité maternelle [61] , d’où l’intérêt de rechercher cette étiologie lors des investigations de thrombopénie fœtale ou néonatale. En l’absence de signe hémorragique, une surveillance attentive sera suffisante. En cas de signe hémorragique, la transfusion de plaquettes est nécessaire, associée aux IgIv.
“ Points essentiels • Les thrombopénies fœtales et néonatales allo-immunes ne sont pas des évènements rares (1 cas sur 800 à 1000 naissances) • Le diagnostic de thrombopénie allo-immune est suspecté lorsque les autres causes de thrombopénie néonatale sont exclues • Les conséquences délétères de la thrombopénie sévère sont les hémorragies notamment intracrâniennes à l’origine de décès ou de séquelles neurologiques • Le diagnostic biologique n’est affirmé que sur la mise en évidence des allo-anticorps maternels dirigés contre les antigènes plaquettaires HPA • Les méthodes d’investigations sont complexes et doivent être confiées à un laboratoire spécialisé en immunologie plaquettaire
EMC - Pédiatrie
Conclusion Les thrombopénies fœtales/néonatales immunes dont les conséquences peuvent être délétères doivent être prises en charge par une collaboration étroite entre les néonatologistes, les obstétriciens, les laboratoires d’immunologie plaquettaire et les centres de transfusion. Le diagnostic biologique doit être réalisé par des laboratoires spécialisés en immunologie plaquettaire. Les progrès récents ont permis d’améliorer le diagnostic et la prise en charge thérapeutique. La compréhension des mécanismes immunologiques nécessite des études collaboratives afin d’accroître la taille des cohortes. Les modèles animaux permettent de mieux appréhender les mécanismes, mais toutefois ne reproduisent que partiellement la pathologie humaine. Un cas clinique est proposé en Annexe A.
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Annexe A. Cas clinique Cas index : premier enfant atteint Une femme âgée de 25 ans, de groupe A+, accouche de son premier enfant à terme (39 SA + 2 jours), par voie basse. Cette femme n’a eu aucun antécédent gynécologique particulier (pas de fausse-couche, pas d’interruption volontaire de grossesse). La grossesse s’est déroulée normalement : • sérologies maternelles : toxoplasmose –, rubéole +, BW –, VIH –, HBS –, HCV – ; • dépistage du streptocoque B sur prélèvement vaginal négatif ; • thrombopénie maternelle remarquée en fin de second trimestre, à 120 × 109 /l, spontanément résolutive. Le garc¸on pèse 3410 g et présente dès la naissance un purpura pétéchial ecchymotique sur l’ensemble du corps, purpura muqueux sans bulle hémorragique. Toutefois, aucun saignement actif n’est remarqué ; l’état neurologique est satisfaisant. La numération plaquettaire de l’enfant réalisée en urgence trouve un chiffre de plaquettes à 5 × 109 /l. L’enfant est transféré en néonatologie pour la poursuite de sa prise en charge. L’évolution ultérieure est marquée par : • la transfusion à trois reprises de concentrés plaquettaires « standards » en raison d’un chiffre de plaquettes inférieur à 30 × 109 /l (Fig. A.1 : suivi de la numération plaquettaire de l’enfant, et prise en charge transfusionnelle) ; • pas d’argument pour une infection virale : CMV urinaire négatif ; transaminases normales ; • pas d’argument pour une thrombopénie constitutionnelle : pas d’antécédents familiaux, pas d’anomalie morphologique ; • bilan d’AIFMP réalisé en urgence par le laboratoire d’immunologie plaquettaire de l’Établissement franc¸ais du sang de Rennes. Les génotypages plaquettaires des parents et de l’enfant (Tableau A.1) révèlent quatre incompatibilités entre la mère et son enfant, impliquant les antigènes : HPA-1a (mère HPA-1bb et enfant HPA-1ab), HPA-2b (mère HPA-2aa et enfant HPA-2ab), HPA3a (mère HPA-3bb et enfant HPA-3ab) et HPA-15b (mère HPA-15aa et enfant HPA-15ab). La recherche d’anticorps par la méthode de référence MAIPA est positive, et révèle la présence d’allo-anticorps maternels anti-HPA1a et anti-HPA-2b. Le cross-match du sérum maternel vis-à-vis des plaquettes de son conjoint est également positif, pour deux complexes glycoprotéiques GPIIbIIIa (portant le système antigénique plaquettaire HPA-1) et GPIbIX (portant le système antigénique plaquettaire HPA-2). Dans ce contexte, le laboratoire d’immunologie plaquettaire conseille de transfuser l’enfant en plaquettes HPA-1bb 2aa pour que celles-ci ne soient pas détruites par les anticorps maternels en circulation dans le sang de l’enfant. Un concentré plaquettaire d’aphérèse est décongelé, et transfusé à j4 (Fig. A.1 : concentré plaquettaire HPA-compatible). Il permet alors une remontée
7
4-002-R-26 Incompatibilités plaquettaires maternofœtales
107
Concentré plaquettaire HPA-compatible
Concentré plaquettaire « Standard »
Concentré plaquettaire « Standard »
Concentré plaquettaire « Standard »
Numération plaquettaire de l’enfant
101
36 27
5
26
Aucun syndrome hémorragique, disparition du purpura
1 Figure A.1.
70
2
3
4
5
6
7
8 jours
Évolution de la numération plaquettaire du premier enfant, en fonction des transfusions plaquettaires.
Tableau A.1. Génotypages plaquettaires des parents et du premier enfant. Méthode utilisée : PCR-SSP (examen réalisé en urgence par le laboratoire d’immunologie plaquettaire de l’EFS de Rennes). HPA-1
HPA-2
HPA-3
HPA-4
HPA-5
HPA-6
HPA-15
Mère
HPA-1bb
HPA-2aa
HPA-3bb
HPA-4aa
HPA-5ab
HPA-6aa
HPA-15aa
Père
HPA-1aa
HPA-2ab
HPA-3aa
HPA-4aa
HPA-5aa
HPA-6aa
HPA-15bb
Nouveau-né
HPA-1ab
HPA-2ab
HPA-3ab
HPA-4aa
HPA-5ab
HPA-6aa
HPA-15ab
Figure A.2. Évolution de la concentration en allo-anticorps anti-HPA-1a maternels au cours de la seconde grossesse (avec traitement anténatal maternel aux IgIv à partir de 18 SA, et corticoïdes à partir de 34 SA).
Concentration en anticorps anti HPA-1a
180 160 140 120 100 80 60 40 20 0
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Terme de la grossesse (semaines d’aménorrhée)
significative de la numération plaquettaire de l’enfant, qui quitte le service de néonatologie 10 jours après la naissance.
Seconde grossesse Deux ans plus tard, cette femme est à nouveau enceinte. Compte tenu du fait que le père est de génotypage HPA-1aa homozygote (Tableau A.1), le fœtus est obligatoirement incom-
8
patible avec sa mère. Le père est par ailleurs hétérozygote dans le système HPA-2, mais un génotypage plaquettaire fœtal est inutile en raison de l’incompatibilité HPA-1a. Un traitement anténatal maternel est donc instauré dès 18 SA (IgIv à la dose de 1 g/kg/semaine), associé à une corticothérapie (0,5 mg/kg/j) à partir de 34 SA. Sur le plan biologique, un suivi de la concentration en allo-anticorps anti-HPA-1a est proposé (Fig. A.2). Quatre quantifications sont réalisées à 18 SA (avant la première perfusion EMC - Pédiatrie
Incompatibilités plaquettaires maternofœtales 4-002-R-26
d’IgIv), 23 SA, 28 SA et 34 SA. La concentration en allo-anticorps a tout d’abord diminué, puis fortement augmenté pendant les deuxième et troisième trimestres. L’aire sous la courbe est calculée afin de prédire l’efficacité du traitement maternel [58] . Sa valeur étant supérieure au seuil prédictif de 28 unités internationales par millilitre (89 UI/ml), le risque de thrombopénie néonatale sévère est donc élevé. La césarienne, prévue à 39 SA, est avancée d’une semaine, et l’Établissement franc¸ais du sang de Rennes met à disposition de l’équipe clinique un concentré plaquettaire d’aphérèse de phénotype HPA-1bb 2aa. Elle accouche par césarienne programmée à 38 SA d’une fille de 3355 g immédiatement transférée en service de réanimation néonatale, sa numération plaquettaire étant de 8 × 109 /l. L’enfant ne présente aucun signe hémorragique (réalisation d’une échographie transfontanellaire). Il est immédiatement transfusé du CPA HPA-compatible, en prophylaxie. Deux heures post-transfusion, la numération augmente à 83 × 109 /l, puis à 75 × 109 /l à 21 h de vie. Un fond d’œil est réalisé à 24 h de vie, mettant en évidence une hémorragie superficielle en périphérie supérieure de l’œil. À j2, la numération plaquettaire est à 88 × 109 /l, puis à 76 × 109 /l à j5. Il est tout de même accepté que l’enfant puisse retourner à domicile, avec contrôle de la numération à j8 (normalisation du compte plaquettaire).
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G. Bertrand ([email protected]). Laboratoire d’immunologie plaquettaire, Établissement franc¸ais du sang Bretagne, rue Pierre-Jean Gineste, 35000 Rennes, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Bertrand G. Incompatibilités plaquettaires maternofœtales. EMC - Pédiatrie 2020;0(0):1-9 [Article 4-002-R-26].
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Cas clinique
EMC - Pédiatrie
4-002-R-40
Anémies hémolytiques du nouveau-né C. Guitton Résumé : Devant une anémie régénérative néonatale, il faut évoquer une hémolyse accrue mais également une hémorragie et une anémie centrale en phase de réparation. Lorsqu’il existe une hémolyse pathologique, la destruction des globules rouges accélérée est secondaire à deux causes principales : soit une anomalie extrinsèque aux constituants du globule rouge, correspondant aux anémies dites extracorpusculaires dont les causes sont acquises et généralement transitoires (causes immunes, infectieuses, mécaniques) ; soit une anomalie intrinsèque d’un des constituants du globule rouge (membrane, hémoglobine, enzymes érythrocytaires), correspondant aux anémies dites corpusculaires dont les causes sont génétiques. Cette hémolyse accrue va être responsable d’une augmentation de la bilirubine libre sanguine qui peut devenir majeure avec un risque de passage de la barrière hématoencéphalique et d’atteinte des noyaux gris centraux, irréversible chez le nouveau-né en l’absence de prise en charge rapide en milieu spécialisé reposant sur la photothérapie intensive, voire l’exsanguinotransfusion. Les principales étiologies des anémies hémolytiques néonatales sont les allo-immunisations fœtomaternelles avec les incompatibilités ABO ou Rhésus, les déficits enzymatiques en glucose-6-phosphate-déshydrogénases ou pyruvate kinase, la sphérocytose héréditaire et autres anomalies de la membrane érythrocytaire et les ␣-thalassémies. Lorsque ces causes sont écartées, la pycnocytose infantile doit être évoquée comme les enzymopathies plus rares, les causes infectieuses ou mécaniques. Des examens biologiques simples permettent le diagnostic dans bon nombre de cas. Pour les situations plus complexes, la biologie moléculaire désormais réalisée par plusieurs équipes constitue un outil prometteur. © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Hémolyse ; Hyperbilirubinémie ; Allo-immunisation fœtomaternelle ; Incompatibilité ABO ; Déficit en G6PD ; Pathologies membranaires érythrocytaires ; Pycnocytose infantile
Introduction
Plan ■
Introduction
1
■
Rappels physiopathologiques Hématopoïèse fœtale Le globule rouge À la naissance Mécanismes physiopathologiques de l’hémolyse
2 2 2 2 3
■
Signes cliniques et explorations biologiques de l’hyperhémolyse Interrogatoire Tableau clinique Explorations biologiques
3 3 3 4
■
Étiologies des anémies hémolytiques néonatales Anémies hémolytiques extracorpusculaires Anémies hémolytiques d’origine corpusculaire
4 4 4
■
Anémies hémolytiques néonatales d’origine extracorpusculaire Origine immune Pycnocytose infantile Origine infectieuse Origine mécanique
4 6 8 8 8
■
Anémies hémolytiques néonatales d’origine corpusculaire Déficits enzymatiques érythrocytaires : enzymopathies Anomalies de la membrane érythrocytaire : membranopathies Anomalies de l’hémoglobine
8 8 10 12
■
Conclusion
14
EMC - Pédiatrie Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021 http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)90832-9
L’anémie est habituellement définie par un taux d’hémoglobine ou d’hématocrite inférieur à deux écarts-types en dessous de la moyenne normale pour l’âge (en dessous de 14 g/dl [ou 13,5 g/dl au cordon] chez le nouveau-né à terme). En dessous de 10 g/dl, on parle d’anémie significative et, en dessous de 8 g/dl, c’est une anémie dite sévère. Les anémies hémolytiques se caractérisent par un raccourcissement de la durée de vie normale des hématies à la suite d’une augmentation de leur destruction périphérique. Elles se traduisent par une anémie habituellement normochrome normo- ou macrocytaire régénérative. Les anémies hémolytiques sont secondaires : • soit à une anomalie extrinsèque au globule rouge (GR) ; on parle d’anémie extracorpusculaire. Les causes immunologiques, avec principalement les allo-immunisations fœtomaternelles, sont les plus fréquentes mais il faut savoir aussi évoquer la pycnocytose infantile (PI) ; • soit à une anomalie intrinsèque d’un des constituants du GR ; on utilise le terme d’anémie corpusculaire par anomalie de la membrane érythrocytaire, des enzymes ou encore de l’hémoglobine (Hb). Les anémies extracorpusculaires sont volontiers acquises alors que les anémies corpusculaires sont constitutionnelles. Outre l’anémie qui peut débuter in utero et se prolonger pendant plusieurs semaines après la naissance, l’hyperbilirubinémie précoce et rapidement croissante en postnatal est l’autre caractéristique de l’hémolyse, avec un risque d’atteinte neurologique chez le nouveau-né en l’absence de prise en charge adéquate.
1
Sac vitellin
Sites de l’érythropoïèse
4-002-R-40 Anémies hémolytiques du nouveau-né
Foie
Rate
Moelle osseuse
Proportion des chaînes de globines synthetisées (%)
α 50
α
γ
β
40 30 20
ζ
ε β
10
6
12
18
24
30
36
Vie fœtale (semaine)
Figure 1.
12
18
24
30
36
42
Âge (semaine)
Naissance Évolution ontogénique et switch des chaînes de globine au cours de la vie intra-utérine et après la naissance.
Rappels physiopathologiques Hématopoïèse fœtale Au cours de l’hématopoïèse fœtale, les cellules souches hématopoïétiques (CSH) vont coloniser successivement différents sites électifs en débutant par le foie fœtal, puis le thymus, la rate et la moelle osseuse, donnant naissance aux différentes lignées hématopoïétiques dont les érythrocytes. L’hématopoïèse hépatique prédomine du troisième au sixième mois fœtal et persiste jusqu’aux premiers jours de vie. Entre le quatrième et le cinquième mois fœtal débute l’hématopoïèse médullaire. Celle-ci augmente rapidement, dépasse peu à peu l’hématopoïèse hépatique et constitue le principal lieu de l’hématopoïèse après la naissance [1, 2] . L’Hb contenue dans les globules rouges est un hétérotétramère constitué de deux types de sous-unités, habituellement deux chaînes ␣ et deux autres chaînes. Les premières hémoglobines sont synthétisées dans le sac vitellin et constituent les hémoglobines embryonnaires. À partir de 9 semaines de gestation, c’est l’Hb fœtale (HbF) (␣2 ␥2 ), qui assure l’oxygénation des tissus et qui reste majoritaire jusqu’à la naissance. Peu avant la naissance, entre les 32e et 36e semaines de gestation, les chaînes ␥ sont progressivement remplacées par les chaînes  de l’adulte (Fig. 1).
Le globule rouge Le globule rouge (GR) ou hématie ou érythrocyte est une cellule de petite taille (7 m) dépourvu de noyau et de mitochondries, et composé de trois constituants majeurs : l’Hb formée de quatre chaînes de globines associées à l’hème constitué d’un cation de fer complexé avec une porphyrine, qui assure le transport de l’oxygène, la membrane érythrocytaire responsable de la grande déformabilité du GR et les enzymes érythrocytaires dont le rôle est de protéger l’Hb contre l’oxydation et de maintenir l’intégrité de la membrane. Les GR des nouveau-nés ont certaines spécificités par rapport aux GR d’enfants ou d’adultes : • l’HbF est majoritaire et a tendance à déstabiliser la membrane ; • le GR néonatal a une déformabilité réduite et une augmentation de sa résistance osmotique les 4 à 6 premières semaines de vie ;
2
6
• les taux des enzymes érythrocytaires sont plus bas, entraînant une susceptibilité accrue au stress oxydatif. Ces particularités expliquent en partie la vie raccourcie de 60 à 90 jours des GR néonataux contre 100 à 120 jours en moyenne pour un érythrocyte adulte et la présence sur le frottis « physiologiquement » d’un plus grand nombre d’acanthocytes, de cellules cibles, de stomatocytes et de GR immatures. L’érythropoïétine (EPO) est un facteur de croissance majeur de la lignée érythrocytaire dont la synthèse est oxygénodépendante. L’EPO est synthétisée préférentiellement au niveau du cortex rénal en réponse à une diminution du taux d’oxygène circulant dans les artères rénales ou lors d’une baisse significative du nombre d’érythrocytes (hémolyse accrue, hémorragie, spoliation sanguine). Les progéniteurs et précurseurs érythrocytaires de la moelle osseuse possèdent des récepteurs à l’EPO. Une élévation du taux d’EPO entraîne une augmentation de la production d’érythrocytes et inversement.
À la naissance Les valeurs du taux d’hémoglobine, de réticulocytes et des indices érythrocytaires varient en fonction du terme et de l’âge [3, 4] . Le taux d’Hb augmente progressivement jusqu’à la 33e semaine de gestation puis demeure stable jusqu’à l’accouchement. À la naissance, le nouveau-né présente une polyglobulie physiologique avec une macrocytose : le taux d’hémoglobine varie entre 15 et 19 g/dl et le volume globulaire moyen (VGM) entre 95 et 110 fl [3] . Cette polyglobulie témoigne de l’intense activité de l’érythropoïèse en période fœtale, conséquence combinée d’une production accrue d’EPO due à l’hypoxie in utero et à la présence d’une quantité élevée d’HbF (comprise entre 55 et 95 %) qui présente une forte affinité pour l’oxygène et d’une incapacité pour le 2,3-disphosphoglycérate (2,3-DPG) intraérythrocytaire de se lier à cette Hb. L’interprétation du taux d’Hb à la naissance doit également tenir compte du moment de la ligature du cordon ainsi que de l’heure et du site du prélèvement (veineux, capillaire, cordon). Par rapport à un prélèvement veineux, le taux d’hémoglobine, le nombre de globules rouges et l’hématocrite sont en général supérieurs d’environ 5 % en capillaire et inférieurs de 5 à 10 % au cordon. EMC - Pédiatrie
Anémies hémolytiques du nouveau-né 4-002-R-40
Dans les premières 24 heures de vie, on constate une élévation de 17 à 20 % du taux d’hémoglobine qui redevient identique à celui au cordon à une semaine de vie. Puis, ce taux diminue progressivement au cours des 2 premiers mois de vie avec un nadir de 9 à 11 g/dl entre 6 et 10 semaines de vie en moyenne. Cette anémie est appelée l’anémie physiologique de la période postnatale. Elle est secondaire à une baisse de l’érythropoïèse due à la diminution nette de la production d’EPO en réaction à l’augmentation du taux d’oxygène tissulaire associée à une durée de vie plus courte des érythrocytes. L’hémoglobine reste stable les semaines qui suivent, puis tend à augmenter lentement au cours des quatrième et sixième mois à la suite d’une nouvelle stimulation de la production d’EPO. Chez le prématuré, le taux d’Hb dépend du terme et du poids de naissance. Chez les moins de 28 semaines de gestation, le taux moyen d’Hb est plus bas de 3,5 g/dl par rapport à un nouveau-né à terme. On note également un VGM inversement proportionnel à l’âge gestationnel pouvant atteindre 130 à 135 fl chez les grands prématurés. L’anémie physiologique est plus rapide et plus prononcée, avec un nadir de 7–8 à 10 g/dl au cours des 4 à 8 semaines de vie et elle dure plus longtemps (de 8 à 12 semaines versus 4 à 8 semaines chez l’enfant né à terme). Le taux de réticulocytes a aussi de rapides variations physiologiques en période néonatale. Chez le nouveau-né à terme, il est élevé, entre 140 000 à 350 000/mm3 . Il diminue ensuite rapidement et atteint dès 8 jours de vie un taux de 26 000 à 110 000/mm3 .
Mécanismes physiopathologiques de l’hémolyse Il existe un équilibre entre la production de nouveaux érythrocytes et la lyse physiologique d’érythrocytes âgés par les macrophages qui décomposent l’hémoglobine en globines libres et hème [5] . Les globines sont dégradées en acides aminés et l’hème subit une dissociation en fer et protoporphyrine. Fer et acides aminés sont réutilisés par l’organisme alors que la protoporphyrine est catabolisée en bilirubine. Cette bilirubine doit être transportée par l’albumine vers le foie pour y subir une glucoroconjugaison sous l’action de l’uridine-diphospho-glucuronate-glycuronosyltransférase (UGT1A1), lui permettant de devenir hydrosoluble afin d’être secondairement éliminée dans la bile et dans l’intestin sous forme de bilirubine conjuguée. Chez le nouveau-né, il existe des particularités physiologiques du métabolisme de la bilirubine dans les 15 premiers jours de vie. Tout d’abord, la production de bilirubine est accrue : le taux de globules rouges est plus élevé et ces globules rouges ont une demi-vie plus courte par rapport aux adultes. Ensuite, la glucoroconjugaison sous l’action de l’UGT1A1 est réduite, entraînant une diminution de la clairance hépatique de la bilirubine. Enfin, la dégradation de la bilirubine dans l’intestin est diminuée du fait d’une faible colonisation bactérienne, et sa réabsorption est augmentée. Ainsi, en période néonatale, et de fac¸on plus marquée chez le prématuré, on observe une augmentation de la production de bilirubine associée à une diminution de son élimination, entraînant de manière physiologique une élévation sanguine de bilirubine libre (ictère physiologique néonatal). Cette hyperbilirubinémie est d’intensité modérée et survient classiquement à partir du troisième jour de vie [6] . Dans l’hémolyse pathologique, la destruction des GR est accélérée, entraînant un raccourcissement de la durée de vie normale des hématies secondaire à l’augmentation de leur destruction périphérique. Deux causes principales sont à l’origine de ce phénomène : • soit une anomalie extrinsèque aux constituants du GR (origines immunes, infectieuses ou mécaniques) : ce sont les anémies dites extracorpusculaires dont les causes sont acquises et généralement transitoires ; • soit une anomalie intrinsèque d’un des constituants du GR (membrane, hémoglobine, enzymes érythrocytaires) : ce sont les anémies dites corpusculaires dont les causes sont génétiques. Cette hémolyse accrue va être responsable d’une augmentation de la bilirubine libre sanguine qui peut devenir majeure avec un risque de passage de la barrière hématoencéphalique et d’atteinte des noyaux gris centraux irréversible (ictère nucléaire) EMC - Pédiatrie
en l’absence de prise en charge rapide et adéquate [7, 8] . Le dosage sanguin de bilirubine s’interprète selon l’âge postnatal en heure. Un nomogramme (référence de valeurs normales de bilirubine) a été établi par plusieurs équipes et des recommandations concernant la prise en charge de l’ictère néonatal ont été éditées afin de guider les praticiens [9, 10] . Quelle que soit la cause, les globules rouges fragilisés sont éliminés plus précocement par les macrophages de la moelle osseuse et du foie essentiellement, la rate étant peu fonctionnelle chez le nouveau-né, a fortiori chez le prématuré. Lorsque la rate devient fonctionnelle, en cas d’hémolyse pathologique, elle peut augmenter de volume et une splénomégalie peut devenir palpable cliniquement. Selon le lieu où s’effectue l’hémolyse, celle-ci est qualifiée d’extravasculaire (ou intratissulaire) ou d’intravasculaire. L’hémolyse intravasculaire est toujours pathologique ; elle se produit lorsque la destruction des hématies a lieu dans la circulation sanguine et son contenu est relargué dans le plasma et/ou par libération d’hémoglobine dans le plasma à la suite de l’hémolyse intratissulaire (hémoglobinémie). L’hémoglobine est catabolisée en globine et hème qui va se lier à l’hémopexine et albumine pour réintégrer les macrophages tissulaires (réserves intracellulaires de fer). Les dimères de globine sont pris en charge par l’haptoglobine, protéine produite par le foie, d’où sa diminution en cas d’hyperhémolyse. Cependant, le taux d’haptoglobine n’est pas toujours contributif chez le nouveau-né en raison de l’immaturité hépatique. Les dimères de globine non pris en charge par l’haptoglobine ou non catabolisés sont filtrés par les reins (hémoglobinurie).
Signes cliniques et explorations biologiques de l’hyperhémolyse Le diagnostic clinique d’anémie néonatale n’est pas toujours facile. L’érythrose classique du nouveau-né ou l’existence d’un ictère débutant ou encore une coloration foncée de la peau peuvent être trompeurs.
Interrogatoire L’interrogatoire doit préciser les antécédents maternels et familiaux pouvant orienter le diagnostic de l’anémie hémolytique, en précisant : l’origine ethnique ; l’existence d’antécédents d’anémie hémolytique congénitale telle qu’une pathologie de la membrane du GR, une ␣-thalassémie, un déficit enzymatique ; la notion de splénomégalie et/ou splénectomie, de lithiases vésiculaires et/ou cholécystectomie, de transfusions à répétition, maladie autoimmune ; l’existence d’une consanguinité. On recherche une infection maternelle récente, une prise médicamenteuse ou d’un toxique chez la mère ou le nouveau-né, la notion d’un voyage dans les derniers mois de grossesse ou le premier mois de vie. On s’enquiert du groupe sanguin et rhésus de la mère. En cas de rhésus maternel négatif, il faut rechercher un geste en cours de grossesse (amniocentèse, ponction de sang fœtal, etc.) ou tout autre situation (traumatisme) à risque d’immunisation anti-RH1 (anti-D) chez la mère. Il faut également rechercher les antécédents obstétricaux et/ou néonataux inexpliqués (mort in utero, anasarque fœtale, anémie néonatale, ictère néonatal intense).
Tableau clinique Quelle que soit la cause, la symptomatologie dépend de la gravité de l’anémie périnatale et de sa vitesse d’apparition : pâleur cutanéomuqueuse, tachycardie, tachypnée, difficultés à la succion et mauvaise prise pondérale, souffle systolique cardiaque d’hyperdébit, anasarque, coma hypoxique (Hb inférieure à 3 g/dl). Le caractère hémolytique se manifeste par un ictère cutanéomuqueux d’apparition précoce durant les 36 premières heures de vie et/ou intense, et parfois une splénomégalie et une hépatomégalie. S’il existe des signes cliniques de sévérité et qu’une transfusion sanguine urgente est envisagée, il faut penser à prélever si possible des échantillons de sang avant cette transfusion pour guider la recherche étiologique qui ne sera plus possible dans les 3 mois qui suivent.
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In utero, une anémie est suspectée si l’échographie révèle une augmentation de la vitesse moyenne de pic systolique de vélocité de l’artère cérébrale moyenne (PSV-ACM) ou une anasarque fœtoplacentaire, avec un excès de liquide dans au moins deux compartiments (épanchement pleural et/ou péritonéal et/ou péricardique). Toute situation à risque d’anémie fœtale doit conduire à un suivi répété de la mesure de la PSV-ACM, technique non invasive avec une sensibilité de 100 % pour la détection des anémies modérées et sévères [11] . Une hépato-spléno-mégalie ainsi qu’une cardiomégalie sont parfois observées.
Explorations biologiques Chez le nouveau-né On vérifie : • la numération formule sanguine (NFS) avec un compte des réticulocytes. Le taux d’hémoglobine inférieur à 14 g/dl chez le nouveau-né à terme confirme le diagnostic d’anémie néonatale. Celle-ci est le plus souvent normocytaire ou discrètement macrocytaire. Un taux de réticulocytes (> 150 000/mm3 ) élevés ± érythroblastes orientent vers une hémolyse (ou un saignement). Cependant, le taux de réticulocytes est difficilement interprétable le premier mois de vie avec une hyper-réticulocytose physiologique oscillant entre 140 000 et 350 000/mm3 (3 à 7 %) à la naissance puis une relative réticulopénie dès la fin de la première semaine de vie (25 000 à 110 000/mm3 [0,1 à 1,7 %]) persistante jusqu’à 6 à 8 semaines de vie [3, 12] . Ainsi, un taux de réticulocytes inférieur à 150 000/mm3 à 15 jours de vie n’élimine aucunement une hémolyse ; • les indices érythrocytaires tels que le VGM, la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH), le compte de cellules hyperdenses (réalisé par certains automates) ; • le frottis sanguin (cytologie sur lame) afin de préciser la morphologie des globules rouges (présence de sphérocytes, elliptocytes, corps de Heinz, schizocytes, etc.) ; • le bilan d’hémolyse recherchant une hyperbilirubinémie libre et augmentation des lactates déshydrogénases. Le dosage de l’haptoglobine est difficilement interprétable durant les premiers jours de vie car son taux est habituellement bas de fac¸on physiologique chez le nouveau-né. On recherche également une hémoglobinurie avec la réalisation d’une bandelette urinaire ; • le groupe sanguin, rhésus et le test de Coombs érythrocytaire pour rechercher une situation d’incompatibilité fœtomaternelle orientant vers une cause immunologique. Les explorations supplémentaires sont réalisées en fonction de l’orientation étiologique suspectée (et si l’état clinique du nouveau-né le permet, en limitant la spoliation sanguine) : dosages enzymatiques (G6PD [glucose-6phosphate-déshydrogénase], PK [pyruvate kinase]), électrophorèse de l’hémoglobine, recherche d’une anomalie de la membrane érythrocytaire avec un marquage des GR à l’éosine-5 -maléimide en cytométrie de flux (test EMA). Ces prélèvements peuvent être faits dans un second temps mais à distance d’une transfusion (idéalement, 3 mois). Si ce bilan ne peut être réalisé, les deux parents peuvent être explorés.
Chez la mère On réalise : • le taux d’hémoglobine et l’analyse des indices érythrocytaires tels que le VGM ; • l’étude de la morphologie érythrocytaire sur le frottis ; • le groupe sanguin, rhésus, test de Coombs érythrocytaire, la recherche d’agglutinines irrégulières (RAI) ; • le test de Kleihauer qui permet d’objectiver une transfusion fœtomaternelle et participer à l’anémie observée. Le résultat est rendu par une hématie fœtale (HF) pour 10 000 hématies adultes (HA) (1 HF/10 000 HA correspond à environ 0,5 ml de sang fœtal passé dans la circulation maternelle). En cas de suspicion d’infection virale, des sérologies maternelles peuvent être prélevées et également demandées sur les sérums gardés en cours de grossesse.
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“ Point fort Bilan biologique de première intention devant une anémie présumée hémolytique • Groupe sanguin, rhésus. • Numération formule sanguine, réticulocytes. • Analyse morphologique des GR sur le frottis. • Bilirubinémie libre. • Bandelette urinaire pour rechercher une hémoglobinurie. • Test de Coombs érythrocytaire. • Test EMA.
Étiologies des anémies hémolytiques néonatales Devant une anémie régénérative néonatale, il faut bien sûr évoquer une hémolyse mais aussi une hémorragie et une anémie centrale en phase de réparation. Le Tableau 1 résume les différentes causes d’anémie périnatale (Tableau 1). Les étiologies des anémies hémolytiques sont classiquement séparées en deux groupes (Fig. 2), les anémies hémolytiques extracorpusculaires et celles d’origine corpusculaire.
Anémies hémolytiques extracorpusculaires Elles peuvent être : • d’origine immune : incompatibilité ABO, allo-immunisation Rhésus, autre allo-immunisation dans le groupe Rhésus (antiKell, etc.) ; • d’origine infectieuse : paludisme, septicémie à Clostridium perfringens, cytomégalovirus, virus de l’hépatite C, virus de l’herpès simplex de types 1 et 2, rubéole, toxoplasmose ; • d’origine mécanique : hémangiome, syndrome de KasabachMerritt, syndromes hémolytiques et urémiques congénitaux, purpura thrombotique thrombocytopénique congénitaux ; • liées à une pycnocytose infantile, de physiopathologie encore inconnue.
Anémies hémolytiques d’origine corpusculaire Elles regroupent : • les déficits enzymatiques : G6PD, PK, autres enzymes érythrocytaires ; • les anomalies de la membrane érythrocytaire : sphérocytose héréditaire (SH), elliptocytose héréditaire (EH) et pyropoïkilocytose (PPK), stomatocytose héréditaire, acanthocytose ; • les anomalies de l’hémoglobine : les syndromes ␣-thalassémiques et les hémoglobines instables (les -thalassémies et la drépanocytose ne sont pas symptomatiques en période néonatale). La Figure 3 résume la démarche diagnostique en présence d’une anémie néonatale.
Anémies hémolytiques néonatales d’origine extracorpusculaire Elles sont liées à la présence d’un agent endogène ou exogène et sont de loin les plus fréquentes chez le nouveau-né. Elles peuvent être très bruyantes et nécessiter une prise en charge urgente. EMC - Pédiatrie
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Tableau 1. Étiologies des anémies néonatales. Anémies néonatales avec hyper-réticulocytose
Anémies par hémorragie
Anémies par hémolyse
Saignement anténatal
Transfusion fœtomaternelle Transfusion fœtofœtale (grossesse gémellaire)
Saignement pernatal
Placenta praevia, hématome rétroplacentaire Anomalie du cordon
Saignement postnatal
Céphalhématome volumineux Saignement digestif, intracrânien Hématome sous-capsulaire hépatique, des surrénales, etc.
Spoliation sanguine
Prélèvements sanguins répétés
Origine acquise
Allo-immunisation fœtomaternelle Anémie hémolytique auto-immune maternelle Anémie immunoallergique médicamenteuse Mécanique (SHU congénitaux, etc.)
Origine constitutionnelle
Par anomalie de la membrane du GR (SH, EH, PPK) Par anomalie enzymatique du GR (déficit en G6PD, PK, etc.) Par anomalie de l’Hb (␣-thalassémie, ␥-thalassémie)
Anémie carentielle en cours de réparation Anémies néonatales sans hyper-réticulocytose
Anémies d’origine centrale
Infections (parvovirus B19, paludisme, rubéole, CMV, herpès, etc.) Anémies carentielles (carence martiale maternelle sévère, malnutrition maternelle) Médicaments maternels (zidovudine, pyriméthamine, etc.) Anomalie du métabolisme de la vitamine B12 Anémie de Blacfan-Diamond Dysérythropïèse congénitale Envahissement médullaire/aplasie médullaire
SHU : syndrome hémolytique et urémique ; GR : globule rouge ; SH : sphérocytose héréditaire ; EH : elliptocytose héréditaire ; PPK : pyropoïkilocytose ; G6PD : glucose-6phosphate-déshydrogénase ; Pk : pyruvate kinase ; Hb : hémoglobine ; CMV : cytomégalovirus.
Anémie néonatale
Par insuffisance de production
D’origine corpusculaire
Par perte excessive des GR : hémorragie
Par hémolyse
Figure 2. Principales étiologies des anémies hémolytiques du nouveau-né. GR : globule rouge ; G6PD : glucose-6-phosphatedéshydrogénase ; PK : pyruvate kinase ; IFME : immunisation fœtomaternelle érythrocytaire ; CMV : cytomégalovirus ; SHU : syndrome hémolytique et urémique.
D’origine extracorpusculaire
Anomalie de la membrane Sphérocytose, elliptocytose, etc.
Immunes
Non immunes
Anomalie des enzymes du GR G6PD, PK, autres
IFME ABO RH 1, RH 4, Kel
Pycnocytose infantile
Infections bactériennes sévères, paludisme Anomalie de I’Hb α-thalassémie
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Maladies auto-immunes maternelles
Fœtopathies CMV, syphilis rubéole, herpès
Médicamenteuses
Mécanique hémangiome, SHU, etc.
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Anémie néonatale précoce
Anamnèse, antécédents familiaux NFS, rétic, bilirubine/groupe sanguin, test de Coombs direct/examen du frottis sanguin Groupe, RAI, Kleihauer maternel
Avec ictère : hémolyse
Sans ictère
Coombs direct (+) et/ou élution (+) contexte d’incompatibilité
Coombs direct (–) et élution (–) Sans contexte d’incompatibilité
IFME (ABO, RH1, RH4, Kell, autres)
Déficits enzymatiques du GR
Hémolyse médicamenteuse
Anomalies de la membrane du GR
Auto-immune d’origine maternelle
α-thalassémies Hb instables
Réticulocytes ↓
Réticulocytes ↑
Anémies hémorragiques
Anémie congénitale Blackfan-Diamond Dysérythropoïèse Anémie carentielle (fer, folates, B12)
Infections (CMV, toxoplasmose, paludisme, sysphilis, herpès)
Infections (syphilis, rubéole, parvovirus B19)
Origine, mécanique (SHU, hémangiome, etc.) Figure 3. Arbre décisionnel. Démarche diagnostique en présence d’une anémie du nouveau-né. NFS : numération formule sanguine ; RAI : recherche d’anticorps antiérythrocytaires ; Hb : hémoglobine ; GR : globule rouge ; G6PD : glucose-6-phosphate-déshydrogénase ; PK : pyruvate kinase ; IFME : immunisation fœtomaternelle érythrocytaire ; CMV : cytomégalovirus ; SHU : syndrome hémolytique et urémique.
Origine immune L’allo-immunisation érythrocytaire fœtomaternelle est définie par la présence, chez une femme enceinte, d’alloanticorps dirigés contre des antigènes de groupe sanguin présents sur les hématies du fœtus et hérités du père. Le transfert placentaire et la fixation des anticorps maternels sur les cibles antigéniques érythrocytaires fœtales provoquent une hémolyse chez le fœtus et le nouveau-né. Pour induire une incompatibilité fœtomaternelle érythrocytaire (IFME), les anticorps doivent être de type IgG (immunoglobuline G), qui sont les seuls à traverser le placenta, avoir une concentration circulante chez la mère suffisamment élevée, avoir une certaine affinité pour l’Ag et être apte à activer, par leur région Fc, les récepteurs des macrophages. L’expression de la maladie hémolytique chez l’enfant va être conditionnée, d’une part, par la quantité et les caractéristiques des anticorps maternels transmis, et, d’autre part, par la spécificité et le nombre de sites antigéniques cibles sur les GR fœtaux qui augmentent avec la gestation. Ainsi, l’IFME qui en résulte peut présenter des formes cliniques variées allant d’une anémie avec hyperbilirubinémie néonatale modérée jusqu’à une atteinte fœtale majeure avec mort in utero par anasarque fœtoplacentaire.
Incompatibilité ABO Les IFME par anticorps immuns ABO sont les plus fréquentes, avec une incidence de trois sur 1000 naissances, bien que 15 à 25 % des grossesses soient à risques [13] . Elles sont la première cause des maladies hémolytiques néonatales. Elles surviennent
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majoritairement chez un nouveau-né de groupe sanguin A (2 pour 1000 naissances) ou B (1 pour 1000 naissances) et de mère O (qui possède des anticorps naturels anti-A et anti-B). Des formes occasionnelles surviennent chez des mères de groupe A avec de puissantes IgG anti-B [14] . Les atteintes hémolytiques in utero sont exceptionnelles (contrairement aux allo-immunisations Rhésus). Lorsqu’elles sont symptomatiques en période postnatale, le tableau clinique est dominé par une hyperbilirubinémie précoce mais rarement très sévère. Une anémie néonatale est possible mais non obligatoire car il semblerait que les hématies du nouveau-né aient peu de sites antigéniques A ou B, ce qui permettrait aux anticorps maternels transmis de rester fixés aux GR plus longtemps avant d’être détruits. Lorsque l’anémie existe, les indices érythrocytaires observés ainsi que le frottis sanguin miment une SH : anémie régénérative avec une hyperchromie (élévation de la CCMH au-dessus de 36 g/dl), excès de cellules hyperdenses (> 4 %) et présence de sphérocytes sur le frottis. Le test de Coombs (direct) est positif, classiquement de type IgG, permettant le diagnostic. Il faut noter que 60 % des enfants de groupe sanguin A ou B nés de mère O naissent avec un test direct à l’antiglobine positif mais seulement 5 % des nouveau-nés A ou B de mère O expriment cliniquement une maladie hémolytique. De plus, dans les contextes d’IFME ABO, le test de Coombs a une sensibilité très variable suivant les laboratoires et une mauvaise valeur prédictive d’un ictère pathologique (et encore moins d’anémie hémolytique néonatale, rare dans ce contexte), sauf en cas de forte positivité (4 croix). En cas de tableau clinique hémolytique sévère dans un contexte d’incompatibilité ABO avec test de Coombs négatif, il faut demander une élution pour rechercher des anticorps anti-A EMC - Pédiatrie
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ou anti-B dans le sérum du nouveau-né. Si cette recherche revient aussi négative, les autres étiologies d’hémolyse doivent être envisagées (déficit en G6PD, PK, SH, etc.). De même, devant un ictère intense mal expliqué, un syndrome de Gilbert associé doit être évoqué. Une thrombopénie et une cholestase peuvent se voir et sont généralement des signes de gravité [15, 16] .
Presque deux femmes sur dix RH:–1 s’immuniseraient en cas de grossesse ABO compatible RH1 en l’absence de cette prophylaxie. À noter que la prévention des maladies hémolytiques par antiKEL1, anti-RH4, anti-RH3 repose exclusivement sur la sélection des produits à transfuser chez toute femme dont l’état médical le justifie (incluant les nouveau-nés de sexe féminin), dans le respect du phénotype Rh-Kell.
Allo-immunisation dans le groupe Rhésus
Dépistage L’examen clé du diagnostic d’immunisation maternelle est la RAI qui permet de révéler tout anticorps maternel développé hors système ABO. Selon la réglementation franc¸aise de suivi de la grossesse, les RAI négatives au premier trimestre sont répétées : • chez les femmes RH:–1 aux sixième (avant l’injection d’IgRh), huitième et neuvième mois de grossesse, une immunisation anti-RH1 avec retentissement sur l’enfant pouvant apparaître au cours des deuxième et troisième trimestres, même sans facteur favorisant ; • chez les femmes RH1 au huitième mois de grossesse car une immunisation à impact transfusionnel maternel ou fœtal peut apparaître en cours de grossesse. Toute RAI positive impose l’identification de l’anticorps sans retard aussi bien chez la femme RH1 que RH:–1, et ce quel que soit le terme de la grossesse. La spécificité de l’anticorps indique alors s’il y a un risque fœtal connu pour cet anticorps ou si ce dernier n’a qu’un impact transfusionnel maternel. Les anticorps avec retentissement fœtal possible sont les anti-RH1, anti-RH4 et anti-KEL1 pour lesquels il y a urgence à quantifier ce risque et à adapter un suivi de grossesse spécialisé.
L’IFME anti-RH1 (ou anti-RhD) est la forme la plus classique et représente la deuxième cause d’allo-immunisation fœtomaternelle avec une incidence de 0,9 pour 1000 naissances bien que sa survenue ait remarquablement diminué depuis le dépistage et la prophylaxie par injection d’Ig anti-RH1 (anciennement immunoprophylaxie anti-D) chez les femmes RH:–1 [17] . L’antigène RH1 n’est pas présent sur les globules rouges d’environ 15 % de la population caucasienne occidentale, contre 1 % pour la population asiatique (Chine, Japon). La physiopathologie est celle d’une allo-immunisation secondaire à l’exposition préalable d’une mère RH:–1 à des GR fœtaux RH1 à l’occasion d’une transfusion ou d’une hémorragie fœtomaternelle même minime qui peut avoir eu lieu lors d’un précédent accouchement, de complications ou de gestes obstétricaux (fausse couche spontanée, interruption de grossesse, ponction de sang fœtale, amniocentèse, version externe, etc.). Le développement d’anti-RH1 est possible chez d’authentiques primigestes et aussi en cas d’immunoprophylaxie à la grossesse précédente ou au décours d’une situation à risque en cas de dose insuffisante d’Ig anti-RH1 et/ou de délai d’administration tardif. Les IFME anti-RH1 sont symptomatiques dans 50 % des cas, dont un quart de formes sévères à manifestations anténatales avec anémie fœtale s’exprimant pour la moitié avant 34 SA. En effet, l’antigène RH1 est le plus immunogène des antigènes érythrocytaires et il apparaît très précocement au cours de l’hématopoïèse puisqu’il a pu être identifié sur la surface des globules rouges dès 38 jours postconceptionnels. Lorsque l’hémolyse débute tôt in utero, la production de GR par le foie et la rate est augmentée pour compenser leur destruction et il existe un passage d’érythroblastes immatures dans la circulation fœtale (érythroblastose fœtale). En l’absence de prise en charge spécifique, l’évolution se fait vers un tableau d’anasarque et décès in utero. À la naissance, l’anémie peut s’accompagner d’une très forte réticulocytose (30 à 40 % de réticulocytes) et d’une forte proportion de cellules rouges nucléées (érythroblastose dépassant 100 000/mm3 ) qui peut induire, au comptage cellulaire automatisé, un diagnostic de fausse hyperleucocytose. Le test de Coombs est positif, de type IgG. À noter que le test direct à l’antiglobuline est retrouvé positif chez 10 à 15 % des nouveau-nés de mères ayant rec¸u une immunoprophylaxie par anti-RH1 au cours du troisième trimestre mais ces anti-RH1 n’ont aucun impact hémolytique chez le fœtus ni le nouveau-né.
Autres IFME non ABO et non anti-RH1 Elles représentent 0,5 pour 1000 naissances, avec la moitié liée à une IFME RH4 ou RH3 [18] . Les IFM anti-KEL1 sont plus rares, mais avec une gravité aussi importante que celle de l’incompatibilité RH1 responsable d’anémies fœtales très sévères et très précoces. En effet, dans les IFM anti-KEL1, l’immunohémolyse est associée à une inhibition de l’érythropoïèse qui prédomine, responsable d’une réticulocytose et l’érythroblastose sanguine peu marquées au regard d’une anémie parfois extrême avec une hyperbilirubinémie modérée [19] .
Prise en charge Prévention Actuellement, seules les MHNN secondaires aux incompatibilités de spécificité RH1 peuvent bénéficier d’une prévention par le biais de l’immunoprophylaxie par injection d’immunoglobulines spécifiques anti-RH1 chez les femmes RH:–1 après l’accouchement d’une enfant RH:1, pendant la grossesse lors de situation à risque d’hémorragie fœtomaternelle et systématiquement à la 28e semaine de grossesse en l’absence d’immunisation [20, 21] . EMC - Pédiatrie
Prise en charge en cas de confirmation d’IFME Le traitement transfusionnel repose sur l’utilisation de globule de groupe O sans hémolysine et Kell négatif choisi en respectant le phénotype sanguin maternel. In utero La transfusion fœtale par abord du cordon sous guidage échographique est la technique actuelle de référence à partir de 20 semaines d’aménorrhée (SA) [22] . À des termes plus précoces, elle devient délicate et fait parfois envisager une transfusion par voie intrapéritonéale fœtale. À l’inverse, à des termes plus avancés au-delà de 34 SA, la décision de provoquer la naissance peut être une alternative à la transfusion intravasculaire, d’autant plus que le transfert placentaire des anticorps maternels augmente de manière importante au cours de la grossesse. En postnatal Les taux d’hémoglobine et de bilirubine du nouveau-né doivent être déterminés dès la naissance, puis suivis attentivement pendant toute la période néonatale. Si une atteinte hémolytique sévère peut être présente d’emblée avec anémie et hyperbilirubinémie importante, une forme plus modérée peut se manifester plusieurs jours après la naissance, avec un ictère prolongé ou à rebond nécessitant un traitement et/ou une anémie significative à 2 ou 3 semaines de vie. L’hémolyse persiste plusieurs semaines tant que les anticorps maternels sont présents chez l’enfant (soit environ 1 mois pour les IFME ABO et 3 à 4 mois dans les maladies Rhésus). Le choix du traitement postnatal est guidé par le degré de sévérité de l’anémie et/ou l’hyperbilirubinémie [23] . En pratique, le seuil transfusionnel de 8 g/dl dans les 15 premiers jours de vie est un bon indicateur, et ce même si la réticulocytose est importante, car elle va s’épuiser. Cependant, c’est plutôt la corrélation entre la vitesse de chute de l’hémoglobine sur les premiers jours avec celle de l’évolution de l’ictère (et ses rebonds) et la tolérance clinique qui va guider les indications transfusionnelles [24] . L’hyperbilirubinémie est traitée par photothérapie intensive (PTI) précoce et prolongée. Le recours à l’exsanguinotransfusion (ETS) est devenu rare bien que permettant de soustraire les GR incompatibles, d’apporter des GR compatibles, de drainer la bilirubine et d’éliminer théoriquement les anticorps maternels présents dans le plasma du nouveau-né. Cette technique n’est pas sans complication, dont la survenue de décès. Des thérapeutiques adjuvantes à la photothérapie peuvent permettre de limiter le recours à l’ETS, comme la perfusion d’albumine à 20 % en réduisant la fraction non liée de bilirubine non conjuguée ou encore les perfusions d’Ig
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4-002-R-40 Anémies hémolytiques du nouveau-né
polyvalentes (IGIV) dont le mécanisme d’action est peu clair [25] . Plusieurs publications d’utilisation clinique des IGIV montrent en effet, sur des petits effectifs, la réduction des indications d’exsanguinotransfusion dans les incompatibilités Rhésus, mais aussi de la durée d’hospitalisation et de photothérapie. Cependant, d’autres études n’ont pas confirmé ce résultat. Aussi, des recommandations uniformes d’utilisation des IGIV ne sont pas formellement établies [26] .
“ Point fort • Une IFME doit être suspectée chez tout nouveau-né : ◦ dont la mère a des RAI positives ; ◦ qui présente une anémie régénérative périnatale ou néonatale précoce ou évolutive ; ◦ avec un ictère précoce, rapidement progressif ou d’évolution prolongée (à rebonds). • L’IFME est confirmée à la naissance par le test de Coombs direct et/ou l’élution identifiant les anticorps irréguliers. • Dans les IFME de spécificité ABO, le test de Coombs peut être négatif, mais l’élution est positive à anti-A ou anti-B.
une réticulocytose variable [33] . Les nouveau-nés atteints peuvent nécessiter une photothérapie et habituellement une ou plusieurs transfusions de culots érythrocytaires. On observe régulièrement une réascension du taux sanguin de bilirubine (« rebond ») à l’arrêt de la photothérapie nécessitant alors la reprise du traitement. Dans une étude rétrospective de 50 cas diagnostiqués au CHU Bicêtre, il s’agit majoritairement d’enfants caucasiens (70 %), nés à 38–41 SA dans 60 % des cas ou à 35–37 SA dans 40 % des cas, eutrophes (86 %), sans disparité de sexe. On note un antécédent familial de PI dans 16 % des cas. Les signes cliniques apparaissent le premier mois de vie, majoritairement entre 6 et 21 jours de vie (94 %), avec un ictère cutanéomuqueux (94 %) précoce ou tardif, persistant, parfois associé à une pâleur (28 %) sans hépato-spléno-mégalie. Dans 88 % des cas, il y a une indication de photothérapie intensive et, dans 52 % des cas, d’exsanguinotransfusion. Cependant, cet ictère répond rapidement à la photothérapie et aucune exsanguinotransfusion n’a été réalisée dans cette série. Les patients présentent tous une anémie isolée (Hb < 10 g/dl) dont sévère (< 8 g/dl) pour 88 % d’entre eux avec un taux de réticulocytes supérieur à 100 G/l dans 70 % des cas seulement. Une transfusion de culots globulaires a été réalisée dans 94 % des cas à 16 jours d’âge médian, deux transfusions dans 24 % des cas à 30 jours d’âge médian. À l’âge de 4 mois, le taux d’hémoglobine est normalisé ainsi que le frottis sanguin et il n’y a eu aucune séquelle (article en cours de soumission).
Origine infectieuse Autres causes immunologiques Certains médicaments sont capables d’induire des hémolyses par un mécanisme de type immunoallergique chez la mère comme chez le fœtus si le xénobiotique passe la barrière placentaire. Les médicaments les plus souvent incriminés sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les pénicillines et les céphalosporines [27] . Ces anémies hémolytiques induites par des médicaments doivent être évoquées mais cela reste un diagnostic d’élimination. Les autoanticorps maternels d’une mère atteinte d’une anémie hémolytique auto-immune peuvent également passer la barrière placentaire et détruire les GR du fœtus et du nouveau-né [28] .
Pycnocytose infantile Mise en évidence pour la première fois en 1959 par l’équipe de Tuffy, la PI est une anémie hémolytique néonatale transitoire rare survenant dans les premières semaines de vie [29] . Son incidence n’est actuellement pas connue ; pourtant, elle correspondrait à 9,4 % des diagnostics d’anémie hémolytique néonatale de cause inconnue chez 149 nouveau-nés [30] . La physiopathologie reste encore mal comprise mais elle est néanmoins actuellement classée dans les anémies hémolytiques acquises extracorpusculaires. Le diagnostic de PI est cytologique, avec un examen attentif du frottis sanguin : les nouveau-nés atteints ont un pourcentage élevé (> 5,6 % ou > 4 % selon les auteurs) de globules rouges, déformés, irréguliers, contractés, hyperdenses, et présentant des spicules, témoins de leur fragilité dans un contexte de maladie hémolytique néonatale [29] . Des pycnocytes peuvent exister à l’état physiologique (avec un taux de pycnocytes qui varie entre 0,3 et 1,9 % pour les nouveau-nés à terme et entre 1,3 et 5,6 % pour les nouveau-nés prématurés). Des pycnocytes ont également été mis en évidence chez des patients avec un déficit enzymatique en G6PD ou avec une elliptocytose [31, 32] . Ainsi, avant de porter le diagnostic de PI, les autres étiologies doivent être éliminées [4, 10] en s’assurant que le test de Coombs direct est négatif, que les dosages des activités enzymatiques en G6PD et PK sont normaux comme l’ektacytométrie (et/ou un test EMA) écartant une pathologie de la membrane érythrocytaire. La pycnocytose infantile induit un tableau de maladie hémolytique néonatale par hémolyse accrue avec apparition d’un ictère intense, à bilirubine libre, précoce et/ou tardif, et/ou d’une anémie évolutive habituellement normochrome, normocytaire avec
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Les fœtopathies (cytomégalovirus, rubéole, syphilis, herpès, toxoplasmose) peuvent aussi entraîner une hyperhémolyse à la naissance [34, 35] . Une hépato-spléno-mégalie peut être associée ainsi qu’une atteinte des autres lignées (leucopénie, thrombopénie). Les infections bactériennes sévères dont le Clostridium perfringens peuvent générer une hémolyse secondaire à une atteinte de la membrane du globule rouge par les toxines. Enfin, il ne faut pas méconnaître une infection palustre soit par contamination mère/enfant si la mère a séjourné dans une zone impaludée ou par transfusion sanguine [36] .
Origine mécanique Les anémies hémolytiques néonatales de cause mécanique sont caractérisées par la présence de schizocytes sur le frottis et très souvent associées à une thrombopénie significative. À noter que la présence de shizocytes peut être physiologique, avec des taux de 0,5 à 1,9 % chez le nouveau-né à terme et 4 % chez le prématuré. Les principales étiologies sont les hémangiomes ou autres tumeurs vasculaires. Il faut évoquer aussi les causes plus rares comme les microangiopathies thrombotiques à révélation néonatale avec : • les syndromes hémolytique et urémique congénitaux liés à des mutations de certains gènes de la voie alterne du complément ou du métabolisme de la vitamine B12 [37] ; • les purpuras thrombotiques thrombocytopéniques (PTT) liés des mutations de la protéine ADAMTS13 [38] .
Anémies hémolytiques néonatales d’origine corpusculaire Parmi les anémies hémolytiques dites constitutionnelles symptomatiques chez le nouveau-né les plus fréquentes sont le déficit en G6PD et la SH. Le diagnostic de ce groupe de pathologies peut être délicat en période néonatale et ne peut être fait qu’avant une transfusion ou à distance de celle-ci, au moins 2 à 3 mois après. En cas de difficultés de prélèvement chez le nouveau-né, les parents peuvent être explorés.
Déficits enzymatiques érythrocytaires : enzymopathies Le GR étant dépourvu de noyau et d’organites, il ne peut synthétiser et renouveler ses différentes protéines. De plus, en raison de l’abondance de l’oxygène et du fer dans son cytoplasme, le GR EMC - Pédiatrie
Anémies hémolytiques du nouveau-né 4-002-R-40
Glucose Hexokinase Voie des pentoses 2GSH
NADP
GSSG
NADPH
Glucose-6-phosphate Voie de la glycolyse G6PD
GPI
6P-gluconate
Figure 4. Schéma simplifié du métabolisme des enzymes érythrocytaires. G6PD : glucose6-phosphate-déshydrogénase ; GPI : glucose phospho-isomérase ; TPI : triose-phosphate isomérase ; 2,3-DPG : 2,3-diphosphoglycérate ; ATP : adénosine triphosphate ; NADP : nicotinamide adénine dinucléotide phosphate ; NADPH : nicotinamide adénine dinucléotide phosphate hydrogéné ; GSH : glutathion réduit ; GSSG : glutathion oxydé.
Fructose-6-phosphate TPI
ATP NADPH
Pentoses
2,3-DPG Pyruvate kinase
Pyruvate
est une cellule particulièrement exposée aux radicaux oxydants qui peuvent dénaturer les lipides membranaires et l’hémoglobine favorisant la lyse des hématies. Le rôle des enzymes érythrocytaires est de permettre à l’érythrocyte de produire de l’énergie en utilisant principalement le glucose (la glycolyse) comme substrat pour maintenir l’intégrité de sa membrane et protéger l’hémoglobine de son oxydation en méthémoglobine. Cette glycolyse utilise deux voies : une principale, la voie d’EmbdenMeyerhof, utilisant 90 % du glucose, qui génère de l’énergie, et présente une boucle produisant le 2,3-DPG, essentiel à la régulation de la fixation de l’oxygène sur l’hémoglobine ; une secondaire, la voie des pentoses phosphates, utilisant 10 % du glucose dont la G6PD est l’enzyme clé, et étroitement associée au métabolisme du glutathion (GSH), mécanisme indispensable de détoxification du GR (Fig. 4). Comme le GR ne peut renouveler son stock d’enzyme, l’activité enzymatique décroît avec son âge, élevée dans les hématies jeunes, et faible dans les cellules sénescentes. Cette caractéristique est importante à garder à l’esprit lors des dosages biologiques, un déficit pouvant être masqué si l’analyse est faite en pleine crise réticulocytaire. Pour éviter ce piège d’interprétation, il est recommandé de doser simultanément plusieurs activités enzymatiques (G6PD, hexokinase, PK).
Déficit en glucose-6-phosphate-déshydrogénase Le déficit en G6PD est le plus commun des déficits enzymatiques dans le monde avec plus de 420 millions de personnes atteints réparties principalement sur le bassin méditerranéen, l’Afrique et l’Asie. Il est établi que le déficit en G6PD protège du paludisme [39] . Il s’agit d’une maladie génétique liée à l’X avec de nombreuses formes sporadiques. Le déficit s’exprime majoritairement chez les hommes hémizygotes, et les femmes, qui transmettent l’anomalie, sont, en général, indemnes. Toutefois, le déficit peut être symptomatique chez les femmes, soit homozygotes, soit hétérozygotes, en fonction de l’inactivation de l’un ou l’autre de leurs deux chromosomes X. Un déficit en G6PD ne permet plus de maintenir une quantité suffisante de glutathion réduit diminuant la résistance des GR à un stress oxydatif qui peut être infectieux, médicamenteux ou toxique et provoquer une hémolyse aiguë [40] . Plusieurs variants (plus de 200 mutations différentes) ont été identifiés, avec une répartition géographique caractéristique [41] . La G6PD d’activité normale la plus répandue est celle de type B. Le type A a une activité légèrement plus basse et est présente chez 30 % des sujets africains. Les trois principaux variants déficitaires sont : le variant EMC - Pédiatrie
Lactates
« A− » retrouvé chez environ 20 % des sujets noirs africains, le variant « méditerranéen B− » présent dans le pourtour méditerranéen, le Proche et le Moyen-Orient où elle touche 10 à 25 % de la population associée à des manifestations cliniques généralement sévères (favisme), et le variant « Canton » retrouvé chez 10 à 15 % des sujets asiatiques. L’Organisation mondiale de la santé a établi une classification phénotypique en fonction de l’activité résiduelle qui conditionne le risque d’hémolyse et donc la sévérité de la maladie (Tableau 2). Le déficit en G6PD peut se manifester dès la période néonatale par une hémolyse associée à une hyperbilirubinémie précoce apparaissant dans les 24 premières heures de vie ou pathologique les jours suivants qui peut nécessiter une photothérapie intensive, voire une exsanguinotransfusion. Il n’y a pas de facteur déclenchant identifié dans la plupart des cas. Le déficit en G6PD représente plus de 30 % des causes d’ictère sévère du nouveau-né à complications neurologiques dans le registre américain des ictères nucléaires et il est actuellement la deuxième cause de recours à l’exsanguinotransfusion après les incompatibilités fœtomaternelles [42] . Il peut également provoquer une anémie hémolytique chronique en cas de déficit de classe I. Rarement, des cas d’Hydrops fetalis et d’hémolyse sévère intra-utérine après ingestion maternelle d’agents oxydants et des cas d’hémolyse aiguë, lors d’allaitement après ingestion de fèves, ont été rapportés. L’examen du frottis sanguin montre la présence d’hématies mordues, d’hémighosts ou ghosts et, après coloration vitale au bleu de crésyl, la présence de corps de Heinz (dérivés oxydés de l’hémoglobine précipitant et se fixant à la membrane érythrocytaire). Le diagnostic repose sur le dosage quantitatif de l’activité enzymatique de la G6PD érythrocytaire, si possible en dehors des crises hémolytiques afin d’éviter un diagnostic erroné dû à un taux élevé de réticulocytes et avant transfusion. L’interprétation du dosage peut être délicate ; aussi, il est recommandé de le coupler au dosage d’une autre enzyme du GR comme l’hexokinase ou la PK qui sert de contrôle interne de l’âge moyen des GR étudiés. La biologie moléculaire permet de préciser le défaut responsable et de prédire le degré de sévérité clinique qu’encourt le patient.
Déficit en pyruvate kinase Le déficit en PK, enzyme de la voie de la glycolyse, est le second déficit enzymatique le plus fréquent après le déficit en G6PD. Il est distribué dans le monde entier. Il est de transmission autosomique récessive. Les hétérozygotes sont habituellement non symptomatiques et les homozygotes ou hétérozygotes composites développent une anémie hémolytique de sévérité très variable. Un
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4-002-R-40 Anémies hémolytiques du nouveau-né
Tableau 2. Classification de l’Organisation mondiale de la santé des variants enzymatiques de la glucose-6-phosphate-déshydrogénase (G6PD) en fonction de son activité résiduelle. Type
Intensité du déficit
Activité enzymatique (%)
Expression clinique
Variants les plus fréquents
Classe I
Sévère
< 10 de l’activité normale
Hémolyse chronique
Rare
Classe II
Sévère
10
Hémolyse intermittente
G6PD B− ou méditerranéen, Mahidol, Canton
Classe III
Modéré
10–60
Hémolyse suite à un stress oxydatif
G6PD A−
Classe IV
Absence de déficit
60–150
Absence
G6PD B/G6PD A
Classe V
Activité accrue
> 150
Absence
Rare
ictère néonatal est présent dans 60 à 90 % des cas, parfois précoce et associé à une hémolyse nécessitant une photothérapie intensive et transfusion pour certains malades. Des formes in utero sont décrites, avec une anémie majeure et une hyperbilirubinémie imposant une exsanguinotransfusion, voire des H. fetalis [43] . Le diagnostic repose sur la mesure de l’activité enzymatique de la PK qui varie entre 5 et 40 % de la normale et l’étude du gène PKLR en biologie moléculaire [44] . Il n’y a pas de corrélation entre le taux résiduel mesuré de la PK et le phénotype clinique contrairement à certaines mutations prédictives de formes d’expression plutôt sévères. À l’heure actuelle, un peu plus de 300 mutations sont décrites [45] . La prise en charge du déficit en PK a reposé jusqu’à présent sur les transfusions en cas d’anémie symptomatique, la splénectomie dans les formes les plus expressives avec une efficacité aléatoire et la greffe de moelle osseuse dans certaines situations. Cependant, une nouvelle molécule orale activatrice de la PK érythrocytaire, le mitapivat, récemment développée, semble très prometteuse, avec une correction de l’anémie chez la plupart des patients [46] .
Autres déficits enzymatiques Les autres déficits enzymatiques sont rares, de transmission autosomique récessive, et il s’agit généralement de mutations privées [47] . Devant un tableau d’anémie hémolytique congénital dont l’enquête étiologique reste négative, il faut néanmoins savoir l’évoquer et demander l’étude des autres enzymes érythrocytaires. Ainsi, le déficit de la glucose phosho-isomérase est la troisième enzymopathie érythrocytaire la plus fréquente après les déficits en G6PD et PK. Le déficit en triose-phosphate isomérase, plus rare, est une affection caractérisée par une anémie hémolytique constante et une atteinte neuromusculaire dégénérative progressive qui débute dans les premiers jours de vie avec des symptômes visibles dès l’âge de 6–12 mois et entraînant le décès du patient avant 5 ans.
Anomalies de la membrane érythrocytaire : membranopathies La membrane érythrocytaire est constituée d’une bicouche lipidique, traversée par des protéines transmembranaires et d’un squelette protéique, assemblage de protéines entrelacées, tapissant la face interne de la bicouche lui conférant ses propriétés remarquables de déformabilité et de résistance mécanique (Fig. 5). Les anémies hémolytiques dues à une anomalie de la membrane se divisent en trois principales entités : • la sphérocytose héréditaire résultant de la perte des interactions verticales entre le cytosquelette et la bicouche lipidique ; • l’elliptocytose héréditaire (et sa forme aggravée, la pyropoïkilocytose héréditaire) résultant de la perte des interactions horizontales entre le cytosquelette et la bicouche lipidique ; • les stomatocytoses héréditaires dues à une anomalie de la perméabilité membranaire aux cations [48] .
Sphérocytose héréditaire La SH, appelée aussi maladie de Minkowsky-Chauffard, est la maladie constitutionnelle du globule rouge la plus fréquente en
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Europe du Nord et en Amérique du Nord, avec une incidence de 1/5000, voire 1/2000 naissances, mais elle est présente sur tous les continents. Données biochimiques et génétiques La SH est secondaire à un déficit quantitatif ou qualitatif de certaines protéines de membrane : l’ankyrine, la bande 3, la spectrine et la protéine 4,2 (Fig. 5) [49, 50] . Quelle que soit la protéine responsable, son déficit aboutit à une déstabilisation de la bicouche lipidique, avec comme conséquence une perte de matériel membranaire sous forme de microvésicules, une diminution de la surface du GR avec sphérisation et une déshydratation cellulaire, signes constamment retrouvés dans la SH. Ces GR fragilisés ont une diminution de leur résistance osmotique et de leur déformabilité, et sont séquestrés puis détruits dans la microcirculation splénique. Le mode de transmission est dominant dans 75 % des cas. Cinq gènes, au moins, sont susceptibles de porter des mutations responsables de SH. Il s’agit, par ordre de fréquence décroissante, des gènes : ANK11, codant l’ankyrine 1 (50 % des cas) ; SLC4A1, codant la bande 3, échangeur des anions ; SPTB, codant la chaîne  de la spectrine ; EPB42, codant la protéine 4,2 ; SPTA1, codant la chaîne ␣ de la spectrine. Dans 25 % des cas, il n’y a pas d’histoire familiale de SH. Les mutations de novo concernent essentiellement les gènes ANK1 et SPTB [48] . Diagnostic clinique La SH se manifeste par une anémie régénérative de gravité très variable selon les individus. Classiquement, on classe la SH en forme asymptomatique (taux d’Hb et de réticulocytes normal pour l’âge), minime (taux d’Hb entre 11 et 15 g/dl et de réticulocytes entre 3 et 6 %), modérée (taux d’Hb entre 8 et 11 g/dl et de réticulocytes > 6 %) représentant la majorité des patients avec environ 60 % des malades, et sévère (taux d’Hb entre 6 et 8 g/dl et de réticulocytes > 10 %) [51] . Chez le nouveau-né atteint, le taux d’Hb est généralement normal à la naissance, associé à une forte réticulocytose initiale, mais diminue rapidement au cours des 4 premières semaines de vie, témoignant de l’érythropoïèse peu efficace chez le très jeune nourrisson, et pouvant rendre nécessaire une transfusion chez environ 40 % des enfants avant le premier mois de vie [52, 53] . Un ictère précoce dès le deuxième jour de vie est présent chez la plupart des enfants et environ 70 % d’entre eux nécessitent une photothérapie [54] . Il existe exceptionnellement une splénomégalie à la naissance. Les cas d’H. fetalis sont rares [52, 53] . Diagnostic biologique Pour porter le diagnostic, l’étude des indices érythrocytaires fournis par la plupart des automates actuels donne une première approche diagnostique : • une CCMH supérieure à 36 g/dl ; • un excès de cellules hyperdenses (cellules avec une CCMH > 41 g/dl), reflet de la déshydratation cellulaire (valeur normale < 4 %) : en l’absence de cellules hyperdenses, un diagnostic de SH est peu probable ; • la diminution du volume réticulocytaire (VCMr) en dessous de 100 fl (valeur normale chez l’adulte : 111,17 + 6,37 fl) est de grand apport diagnostique. À l’inverse, un VCMr élevé, EMC - Pédiatrie
Anémies hémolytiques du nouveau-né 4-002-R-40
Figure 5. Schéma simplifié de la membrane érythrocytaire.
Glycophorine A
Glycophorine C
Bande 3
Bande 3
P55
4,2 4,9
Anlayrine
4,1R Adducine
Tropomyosine
Spectrine β
4,1R
Spectrine α
supérieur à 115 fl, est un argument contre le diagnostic de SH [55] . La microcytose avec un VGM inférieur à 95 fl chez le nouveau-né est un signe de sévérité. Sur le frottis sanguin, la présence de sphérocytes est habituelle, mais ceux-ci peuvent être peu nombreux, voire absents, chez certains patients. Ainsi, devant une hémolyse, l’association d’antécédent familial de SH ou de splénectomie et/ou de cholécystectomie, d’une CCMH supérieure à 36 g/dl, de cellules hyperdenses supérieures à 4 % et des sphérocytes sur la lame pourrait suffire à porter le diagnostic de SH [56] . Les examens plus spécifiques avec les tests d’hémolyse mettant en évidence la diminution du rapport surface/volume des globules rouges dans la SH comme l’étude de la résistance osmotique, le Pink test, le test d’hémolyse en milieu glycérolé et acidifié (AGLT) et le test de cryohémolyse nécessitent tous les quatre un prélèvement frais et certains d’entre eux sont peu sensibles et/ou peu spécifiques [50, 57] . Le test de référence est l’ektacytométrie en gradient osmolaire qui permet ainsi de faire le diagnostic de tous les cas de SH [58] . Par ailleurs, chaque anomalie constitutionnelle de la membrane érythrocytaire donnant une courbe spécifique à l’ektacytométrie, on peut différencier aisément les SH des autres pathologies de la membrane érythrocytaire comme les elliptocytoses héréditaires ou les stomatocytoses. Seuls certains cas de dysérythropoïèses congénitales de type II et les anémies hémolytiques auto-immunes ou allo-immunes peuvent reproduire une courbe de SH ; aussi, on s’assure que le test de Coombs est négatif. Cependant, l’ektacytométrie est peu accessible et nécessite des conditions de prélèvement et d’acheminement particuliers. Actuellement, la cytométrie en flux après marquage des GR avec l’éosine-5-maléimide (test EMA) est une technique facile, nécessitant une très faible quantité de sang (5 l) et pouvant être différée de plusieurs jours (jusqu’à 6 j) [50, 57] . La perte de fluorescence des GR après marquage à l’EMA de plus de 21 % confirme le diagnostic de SH avec une bonne sensibilité (> 90 %). Il existe une zone d’incertitude entre 16 et 21 % de diminution de la fluorescence, ce qui concerne un patient sur dix porteur de SH et 10 % de patients ont un test EMA non contributif [50, 59] . Cependant, la combinaison des tests EMA et AGLT atteindrait une sensibilité de 100 % pour le dépistage des SH [50, 60] . À noter que, contrairement à l’ektacytométrie, le test EMA n’est pas mis en défaut par une anémie hémolytique d’origine immune telle qu’une incompatibilité ABO où il n’existe pas de perte de fluorescence. L’ektacytométrie et le test EMA peuvent être réalisés sur le sang de cordon ou chez un nouveau-né de quelques jours, et être interprétés aisément [61] . L’électrophorèse des protéines membranaires érythrocytaires en SDS-PAGE (sodium dodecyl sulfate polyacrylamide gel electrophoresis), technique délicate réservée à des laboratoires spécialisés, permet d’identifier la protéine membranaire déficitaire et soupc¸onner le gène responsable dans environ 60 % des cas [50] . Cet examen n’est EMC - Pédiatrie
néanmoins fiable qu’à partir de l’âge de 3–6 mois de vie et n’est donc pas réalisé chez les nouveau-nés. Enfin, bien qu’actuellement non réalisée en routine, la biologie moléculaire permet désormais l’identification précise de mutations qui peut être demandée dans certaines situations délicates [62] . Prise en charge La prise en charge en période néonatale repose sur une surveillance clinique et hématologique particulièrement attentive du fait de la diminution rapide du taux d’Hb, le plus souvent normal à la naissance. Les signes de mauvaise tolérance clinique d’anémie doivent être expliqués aux familles : somnolence anormale, difficultés lors de la prise des biberons. La surveillance hebdomadaire ou bimensuelle de l’hémogramme est recommandée chez le nouveau-né jusqu’à obtention d’un taux d’Hb stable, bien toléré cliniquement, avec un compte réticulocytaire adapté à l’anémie. Une supplémentation précoce en folates est débutée et la supplémentation en fer est à discuter en fonction du contexte (allaitement maternel exclusif, taux d’hémoglobine bas à la naissance, etc.). L’hyperbilirubinémie est traitée selon son intensité par photothérapie et une transfusion réalisée en cas de mauvaise tolérance de l’anémie. Selon les séries, la moitié à deux tiers des nouveau-nés ou nourrissons sont transfusés avant l’âge de 2 mois [49, 50] . Or, un traitement par érythropoïétine recombinante (EPOr) pourrait permettre de limiter, voire d’éviter, des transfusions durant ces premiers mois de vie, en limitant la réticulopénie physiologique du premier mois [50, 63, 64] . Tchernia et al. ont rapporté pour la première fois l’utilisation d’EPOr chez 16 nouveau-nés avec une posologie de 1000 UI/kg/semaine d’époétine bêta (Neorecormon® ) en trois injections par voie sous-cutanée et dix d’entre eux n’ont pas été transfusés. La darbépoétine alfa (Aranesp® ) est une nouvelle génération d’EPOr avec une demi-vie d’action plus longue et permet une injection par semaine en sous-cutané à la posologie de 5 g/kg, mais elle n’a pas d’autorisation de mise sur le marché en France chez le nouveauné contrairement au Neorecormon® . L’utilisation de l’EPOr reste actuellement non consensuelle et dépend de l’expérience et des habitudes de chaque équipe. La splénectomie partielle ou totale n’est pas à discuter en période néonatale.
Elliptocytose héréditaire et pyropoïkilocytose L’EH est caractérisée par la présence de globules rouges elliptiques sur le frottis. Elle est retrouvée dans toutes les populations mais sa fréquence est particulièrement élevée dans certaines régions d’Afrique équatoriale, pouvant atteindre 2 % de la population (mécanisme de résistance au paludisme). L’EH est de transmission autosomique dominante. Elle est secondaire à des mutations entraînant une altération d’une des protéines qui interviennent dans les interactions horizontales
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4-002-R-40 Anémies hémolytiques du nouveau-né
entre le cytosquelette et la bicouche lipidique, avec par ordre de fréquence décroissante la chaîne ␣ de la spectrine (gène SPTA1), la chaîne  de la spectrine (gène SPTB) et la protéine 4,1 (gène EPB41) [48] . Le cytosquelette ainsi fragilisé perd de son élasticité et, dans les formes sévères, on assiste à la rupture des mailles aboutissant à une fragmentation cellulaire (poïkilocytose). Les manifestations cliniques de l’elliptocytose sont variables, allant de formes totalement asymptomatiques à des formes avec hémolyse sévère nécessitant des transfusions itératives, voire des tableaux d’H. fetalis [65] . Si la grande majorité des patients ont une forme silencieuse de découverte fortuite lors de l’examen du frottis sanguin, environ 10 %, souvent porteurs d’une mutation homozygote ou double hétérozygote composite, ont une forme symptomatique [66, 67] . Ces formes sévères s’expriment dès la période néonatale et sont caractérisées par une anémie hémolytique sévère associée à un ictère et une poïkilocytose sur le frottis (fragmentation importante des hématies). Outre l’examen du frottis, le diagnostic biologique est fait sur l’analyse des indices érythrocytaires des automates qui révèle une population érythrocytaire très microcytaire (VGM abaissé) avec souvent un double pic sur l’histogramme de répartition des volumes corpusculaires. Parfois, les hématies fragmentées ont une taille tellement réduite qu’elles peuvent être comptabilisées comme des plaquettes. On distingue trois formes de poïkilocytose : • la poïkilocytose transitoire de la prime enfance correspondant à une forme hétérozygote simple avec un début hématologique bruyant et une évolution spontanément favorable en 6 à 18 mois, la fragmentation cellulaire initiale s’amenuisant au fil du temps pour laisser la place à une elliptocytose classique ; • la poïkilocytose des états homozygotes, tranfusion-dépendante au long cours ; • la poïkilocytose des états hétérozygotes composites, caractérisée par l’association d’une mutation elliptocytogène située sur le gène ␣ de la spectrine (␣-EH) hérité d’un parent et un polymorphisme particulier appelé ␣-LELY situé en trans, responsable d’une diminution de 50 % de la synthèse des chaînes ␣ de la spectrine, hérité du second parent [48] . L’ektacytométrie en gradient osmolaire retrouve une courbe caractéristique de forme trapézoïdale pour l’elliptocytose et aplatie pour la poïkilocytose. L’étude en biologie moléculaire des différentes protéines de la membrane du GR désormais réalisée par plusieurs équipes peut être demandée dans les tableaux d’hémolyse sévères et aider au conseil génétique [68] . La prise en charge est symptomatique et repose sur la photothérapie en cas d’hyperbilirubinémie et de transfusion en cas d’anémie mal tolérée. La splénectomie partielle ou totale n’est pas à discuter en période néonatale, même dans les formes très symptomatiques.
Stomatocytose héréditaire Les stomatocytoses héréditaires désignent un groupe d’anémies hémolytiques, secondaires à une anomalie de la perméabilité membranaire érythrocytaire aux cations K+ et Na+ aboutissant à un défaut de régulation du volume érythrocytaire, qui entraîne une diminution de la résistance osmotique mais sans altération de la déformabilité du globule rouge. Les stomatocytoses ont été initialement identifiées par la présence sur le frottis sanguin de stomatocytes, globules rouges avec une barre claire en forme de bouche (stoma) remplac¸ant la dépression circulaire caractérisant les érythrocytes normaux. Il y a deux grandes catégories de stomatocytoses, l’une s’accompagnant d’une hyperhydratation des hématies et l’autre d’une déshydratation des globules rouges. Le diagnostic de stomatocytose est fait par l’ektacytométrie en gradient osmolaire, chaque type de stomatocytose présentant une courbe caractéristique, associé à l’étude du frottis [49, 69] . Stomatocytose héréditaire avec hématies hyperhydratées (OHSt) Cette forme est très rare avec moins d’une vingtaine de familles rapportées dans la littérature. La transmission est autosomique dominante majoritairement, mais des mutations de novo existent. Le tableau hématologique est celui d’une anémie hémolytique plus ou moins compensée avec une macrocytose notable
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(VGM moyen : 130, voire 150 fl) et une hypochromie (CCMH entre 24 et 30 g/dl). Le nombre de stomatocytes est élevé sur le frottis. L’électrophorèse des protéines membranaires érythrocytaires révèle une réduction très marquée, voire une absence, de la stomatine. Cette absence de stomatine n’est cependant pas le mécanisme primitif de l’OHSt, son gène n’est pas muté. Le gène impliqué est RHAG, codant les glycoprotéines RhAG du complexe Rh de la membrane érythrocytaire et transporteurs d’ammonium [70, 71] . Stomatocytose héréditaire avec hématies déshydratées (DHSt) La DHSt, appelée aussi xérocytose héréditaire (XH), est la forme la plus fréquente des stomatocytoses, avec une incidence estimée de 1/50 000 naissances. Sa transmission est majoritairement autosomique dominante mais des mutations de novo existent. On distingue une forme simple correspondant à une DHSt isolée et une forme pléiotropique associant DHSt et/ou pseudo-hyperkaliémie et/ou œdèmes inexpliqués en période anténatale et néonatale. La combinaison de ces différentes manifestations peut être hétérogène au sein d’une même famille. Les épanchements séreux peuvent mettre en jeu le pronostic vital du fœtus, et leur importance n’est pas secondaire au degré d’anémie. Ces œdèmes s’amendent spontanément en quelques jours à quelques mois après la naissance. L’hémolyse dans les DHSt est habituellement bien compensée, avec une réticulocytose élevée (300 à 400 109/l) et l’anémie peu sévère, voire absente. En période néonatale, l’ictère est peu intense. L’analyse du frottis sanguin montre la présence de stomatocytes en règle peu nombreux (moins de 10 %). La courbe d’ektacytométrie est typique et l’électrophorèse des protéines membranaires érythrocytaire ne révèle aucune anomalie. Le gène principal de la DHSt est PIEZO1 qui code un canal ionique mécanosensible [72, 73] . Plus récemment, c’est le canal Gardos codé par le gène KCNN4 et canal potassium spécifique activé par le calcium qui a été impliqué dans la survenue de DHSt [74] mais avec quelques atypies dont une ektacytométrie normale [75] . L’évolution est dominée par une surcharge en fer en l’absence de toute transfusion, de mécanisme peu clair et pouvant apparaître dès l’âge de 20–30 ans. La splénectomie est contre-indiquée car elle entraîne des complications thromboemboliques.
Autres anomalies de la membrane érythrocytaire Acanthocytose Les acanthocytes sont des GR avec quelques spicules (2 à 12 par définition), de longueur variable, denses, qui se projettent à partir de la surface du GR. L’acanthocytose peut être constitutionnelle et s’inscrire dans plusieurs syndromes neurologiques s’associant à une hémolyse, tels que le syndrome de McLeod (acanthocytes entre 10 et 80 % sur le frottis), la choréoacanthocytose, l’A--lipoprotéinémie (acanthocytes > 50 % sur le frottis). Les causes acquises sont l’insuffisance hépatocellulaire, l’asplénie/hyposplénie, la malnutrition sévère, un déficit en vitamine E, l’hypothyroïdie. Ce sont des anomalies de la composition des lipides membranaires mais la génération d’acanthocytes reste incomprise. Ovalocytose du Sud-Est asiatique Il s’agit d’un trait asymptomatique à l’état hétérozygote, très répandu dans une région s’étendant de la Thaïlande à la Mélanésie. Il se caractérise par la présence de stomato-ovalocytes sur le frottis sans autres anomalies hématologiques, avec une perte totale de déformabilité élastique à l’ektacytométrie. Il est secondaire à une délétion sur la bande 3 [48, 69] . Un seul cas d’ovalocytose homozygote est connu, révélé par une hémolyse sévère nécessitant des transfusions itératives in utero et postnatales, cette situation étant probablement habituellement létale [76, 77] .
Anomalies de l’hémoglobine Switch des chaînes de globines (Fig. 1) Durant la vie embryonnaire, deux chaînes de la famille ␣ coexistent : , qui apparaît la première, puis ␣. De même, il existe deux chaînes de type  : , spécifique à cette période EMC - Pédiatrie
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initiale de la vie et les chaînes ␥ (ou fœtales). Ces diverses sousunités permettent de réaliser les trois hémoglobines de l’embryon, l’Hb Gower 1 (2 2 ), l’Hb Gower 2 (␣2 2 ) et l’Hb Portland (2 ␥2 ). L’hémoglobine fœtale (HbF) de structure ␣2 ␥2 est détectable à partir de la cinquième semaine de vie intra-utérine. Parallèlement à cette modification de la nature des sous-unités de globine, il y a un changement du lieu où s’effectue l’érythropoïèse : sac vitellin dans la vie embryonnaire, puis hépatique et splénique entre le deuxième et le huitième mois de grossesse, puis médullaire (Fig. 1). À terme, à la naissance, l’HbF représente 75 % des dimères de globine, et l’HbA les 25 % restants. Les chaînes ␥ disparaissent progressivement au cours de la première année de vie et l’hémoglobine dite adulte est constituée de 97 % d’HbA (␣2 2 ), 2,5 % d’HbA2 (␣2 ␦2 ) et de moins de 1 % d’HbF (␣2 ␥2 ). Ce timing différent dans l’expression des chaînes de la globine au cours de la vie intra-utérine explique que les défauts de synthèse des chaînes ␣ s’expriment dès, voire avant, la naissance alors que les défauts des chaînes  s’expriment après la naissance à partir des 6–12 premiers mois de vie. Ainsi, les hémoglobinopathies, en dehors des ␣-thalassémies majeures, se manifestent peu en période néonatale. Les manifestations cliniques d’un syndrome drépanocytaire majeure ou d’une -thalassémie majeure sont rares chez le nouveau-né, même si le diagnostic biologique peut être porté dès cette période, voire en anténatal. Il existe également des hémoglobines anormales rares dont la grande majorité ne donne lieu à aucune pathologie aussi bien dans les formes hétérozygotes qu’homozygotes, et une minorité avec des phénotypes cliniques dominants dans lesquels les porteurs hétérozygotes manifestent des désordres hématologiques, parfois à début néonatal comme certaines hémoglobines instables.
Syndromes ␣-thalassémiques Les ␣-thalassémies constituent un groupe d’anomalies génétiques de transmission autosomale récessive, caractérisées par un défaut de synthèse de chaînes de globine ␣ [78, 79] . Un individu « sain » possède quatre exemplaires de ce gène, répartis en tandem sur chaque chromosome 16 et, en l’absence d’anomalie, est noté ␣␣/␣␣. Une délétion ou plus rarement une mutation d’un seul gène est responsable de la forme asymptomatique ou silencieuse (trait thalassémique) et est notée –␣/␣␣. Dans cette forme, la perte de synthèse des chaînes de la globine ne représente que 10 à 15 %, la NFS est normale (hormis parfois une discrète microcytose) et l’électrophorèse de l’Hb chez le nouveau-né retrouve moins de 1 % d’Hb Bart’s formée de quatre chaînes ␥ (␥4 ). En effet, les chaînes ␥ ne pouvant pas toutes s’apparier avec des chaînes ␣ en déficit relatif pour former l’HbF (␣2 ␥2 ), elles s’associent entre elles (␥4 ). L’ ␣-thalassémie mineure correspond à la perte de deux gènes ␣ de la globine soit sur le même allèle ––/␣␣ (noté aussi ␣0 /␣␣), soit sur chacun des deux allèles –␣/–␣ (noté aussi ␣+ /␣+ ). Dans cette forme, la diminution de synthèse des chaînes de globine ␣ atteint 20 à 25 %. Biologiquement, on observe une microcytose isolée sans anémie avec une pseudo-polyglobulie hypochrome. L’électrophorèse de l’hémoglobine à la naissance révèle 2 à 10 % d’Hb Bart’s (␥4 ). Le syndrome thalassémique majeur ou hémoglobinose H correspond à la délétion de trois gènes ␣ de la globine ––/–␣ (noté aussi ␣0 /␣+ ). La diminution de synthèse des chaînes de globine ␣ atteint 50 à 85 %. Le syndrome thalassémique est symptomatique cliniquement et d’autant plus grave que le déficit est profond [80] . Le tableau associe une anémie hémolytique parfois expressive dès la naissance, un ictère, une splénomégalie, et de rares cas d’H. fetalis ont été rapportés. Le bilan biologique retrouve les stigmates d’hémolyse, avec une anémie d’intensité variable, microcytaire, hypochrome, régénérative. Le frottis sanguin est informatif, avec la présence d’une anisopoïkilocytose, d’une hypochromie, d’hématies cibles et, à la coloration vitale au bleu de crésyl, la présence de corps de Heinz qui donnent un aspect en « balle de golf » et correspondent à des précipités d’Hb anormale (Hb Bart’s [␥4 ] chez les nouveau-nés). L’électrophorèse de l’hémoglobine à la naissance montre un taux d’Hb Bart’s entre EMC - Pédiatrie
10 et 30 % et quelques pourcents Hb H, formée de quatre dimères de chaîne  (4 ). La délétion des quatre gènes ␣ de la globine ––/––(notée aussi ␣0 /␣0 ) est responsable de l’H. fetalis Bart’s in utero. Il n’y a pas de production de chaîne ␣ mais un excès de chaîne ␥ avec l’Hb Bart’s (␥4 ) qui ne fixe pas l’oxygène et explique la sévérité du tableau avec une anasarque fœtoplacentaire conduisant au décès in utero ou précoce après la naissance. L’anémie est majeure (3–8 g/dl) microcytaire et, sur le frottis sanguin, on observe une érythroblastémie. Des mutations non délétionnelles sont également responsables d’H. fetalis [81] . La plus fréquente d’entre elles est l’hémoglobine Constant Spring qui est très instable et très peu fonctionnelle. L’électrophorèse de l’Hb montre une Hb Bart’s majoritaire à 80 % chez le fœtus et le nouveau-né. La survie du fœtus dépend de la présence ou pas de l’Hb embryonnaire Portland 1 et 2 qui peut ne pas être présente en fonction des types de délétion. Les complications sont non seulement fœtales mais aussi maternelles, avec un risque d’hypertension artérielle, de prééclampsie, d’hémorragie de la délivrance ou encore de placenta abruptio. Les diagnostics précoces d’H. fetalis, les progrès de la médecine fœtale et de la réanimation néonatale peuvent permettre quelquefois d’assurer la survie de fœtus puis du nouveau-né (transfusions in utero, exsanguinotransfusions, programme transfusionnel précoce) [82, 83] . Une greffe de cellules souches hématopoïétiques peut secondairement être réalisée [84] . La prise en charge optimale des syndromes ␣-thalassémiques nécessite de connaître les particularités épidémiologiques et de dépister des couples à risque [85] . L’␣-thalassémie est très répandue à travers le monde mais elle affecte surtout les populations originaires d’Asie (Cambodge, Laos, Birmanie, Thaïlande et Chine), du bassin méditerranéen et d’Afrique équatoriale. Cependant, les ␣thalassémies d’expression intermédiaire et sévère concernent très majoritairement les personnes originaires du Sud-Est asiatique où jusqu’à 10 % de la population de cette région est porteuse d’une ␣-thalassémie mineure de génotype ––/␣␣ et l’incidence d’H. fetalis de Bart’s se situe entre 0,5 à 5 pour 1000 naissances [86] . En revanche, dans les populations d’Afrique sub-saharienne, les porteurs hétérozygotes ont plus fréquemment une seule délétion par chromosome (–␣/–␣ ; ␣ + –thalassémie), avec par conséquent très peu de risque d’avoir un enfant avec une hémoglobinose H ou un H. fetalis. Le dépistage des couples à risque tient ainsi compte de l’origine ethnique du couple, avec une attention particulière pour les couples originaires du Sud-Est asiatique, de la Chine et dans une moindre mesure du bassin méditerranéen ou du MoyenOrient [87] . L’analyse attentive des indices érythrocytaires avec la constatation d’une microcytose (VGM < 80 fl) et/ou d’une hypochromie (CCMH < 27 g/dl) avec ou sans anémie, après avoir éliminé une carence en fer, est évocatrice d’un trait thalassémique et doit alerter. L’électrophorèse de l’Hb des parents retrouve un taux d’HbA2 normal ou légèrement abaissé en cas d’␣-thalassémie hétérozygote, et augmenté entre 4 à 8 % en cas de -thalassémie hétérozygote. Le diagnostic moléculaire des couples à risque est indispensable, associé à un conseil génétique. Le diagnostic anténatal est réalisé par l’étude en biologie moléculaire de l’ADN (acide désoxyribonucléique) fœtal possible de fac¸on non invasive entre 10 et 26 semaines de grossesse sur les cellules fœtales circulantes chez la mère [88] . Les anémies peuvent être détectées grâce à l’écho-doppler en recherchant une augmentation de la vitesse moyenne de pic systolique de vélocité de l’artère cérébrale moyenne (PSV-ACM) chez le fœtus [11] . Mais, certains auteurs ont identifié d’autres critères échographiques avant la survenue d’H. fetalis, comme la mesure du rapport cardiothoracique et la détermination de l’épaisseur du placenta qui permettent de suspecter les ␣-thalassémies homozygotes dès la 12e à 14e semaine [89, 90] . Un diagnostic anténatal peut être ainsi proposé précocement et, en cas de diagnostic de syndrome thalassémique ␣0 /␣0 , un arrêt thérapeutique de grossesse discuté, les avortements spontanés tardifs induisant une morbidité maternelle notable.
Syndromes -thalassémiques La plupart des anomalies de la chaîne  de la globine quantitative (ou qualitative) ne se manifestent pas sous forme d’une
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anémie hémolytique en période néonatale en raison de la forte concentration en HbF (cf. supra « Switch des chaînes de globine »).
des fœtus, limitant ainsi plus fréquemment les complications majeures comme les H. fetalis pour de nombreuses grossesses.
Hémoglobines instables
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Les hémoglobines instables correspondent à une anomalie qualitative d’une chaîne de globine, souvent secondaires à une mutation ponctuelle entraînant une solubilité plus faible de l’Hb [91] . On connaît aujourd’hui plus d’une centaine d’Hb instable. Les chaînes  sont le plus souvent concernées mais les chaînes ␣ et plus rarement les chaînes ␥ peuvent être intéressées avec alors des manifestations néonatales. Les mutations impliquées sont habituellement des mutations ponctuelles, privées et de transmission dominante mais l’histoire familiale peut manquer lorsqu’il s’agit de mutations de novo. Il existe un continuum entre des formes très modérées et des tableaux graves réalisés par les Hb hyperinstables avec une hémolyse sévère et hyperbilirubinémie. Le frottis sanguin révèle la présence de corps de Heinz, correspondant aux précipités de la globine insoluble permettant d’évoquer le diagnostic. Cependant, les corps de Heinz peuvent être absents, les globules rouges fragilisés étant rapidement captés et détruits par la rate. Certaines Hb particulièrement instables précipitent dans l’érythroblaste dès leur synthèse et conduisent à une érythropoïèse inefficace. L’électrophorèse de l’hémoglobine peut identifier l’Hb instable mais elle est mise en défaut dans environ 30 % des cas [92] . Le test à l’isopropanol permet de mettre en évidence la baisse de solubilité de l’Hb instable et l’avènement de la biologie moléculaire a considérablement aidé à l’identification de ces variants. Deux d’entre elles sont particulièrement connues en période néonatale, l’Hb F Poole secondaire à une mutation de la chaîne ␥ globine, et l’Hb Hasharon à la suite d’une mutation de la chaîne ␣. Dans les deux cas, l’hémolyse s’amende dans les premiers mois de vie, l’Hb F Poole disparaissant avec l’Hb fœtale et l’Hb Hasharon étant plus stable lorsqu’elle va s’apparier avec les chaînes  adultes.
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Conclusion Le risque principal des anémies hémolytiques en période néonatale réside dans l’hyperbilirubinémie non contrôlée, avec le risque d’ictère nucléaire en l’absence de traitement adéquat et rapide. Le diagnostic et la prise en charge de ces nouveau-nés nécessitent une collaboration étroite entre les obstétriciens, les pédiatres, les néonatologues, les hématologues, les centres de transfusion et les laboratoires de biologie spécialisée. L’enquête étiologique doit comporter, dans un premier temps, une étude approfondie de l’anamnèse familiale et obstétricale, un examen clinique et des examens biologiques simples, réalisés avant toute première transfusion, qui vont permettre de faire le diagnostic dans un bon nombre de cas. Les allo-immunisations fœtomaternelles sont les causes fréquentes avec le déficit en G6PD, la sphérocytose héréditaire et les ␣-thalassémies des anémies hémolytiques néonatales. Lorsque ces diagnostics sont écartés, il faut savoir évoquer des causes plus rares comme les autres déficits enzymatiques érythrocytaires ou encore la pycnocytose infantile. Si le nouveau-né ne peut être prélevé pour l’enquête étiologique (anémie trop profonde, transfusion réalisée en urgence, etc), ses parents peuvent être explorés pour faire le diagnostic. L’avènement du séquenc¸age de nouvelle génération (NGS) de panels de gènes connus et impliqués dans les maladies hémolytiques du GR est désormais un atout majeur lorsque les autres tests diagnostiques échouent [93] . Outre l’identification de mutations déjà connues responsables de pathologies hémolytiques, le NGS peut également révéler de nouvelles mutations jamais signalées ou étiquetées « d’importance inconnue » qui pourraient être impliquées en présence de manifestations cliniques pertinentes. Le diagnostic d’une hémolyse constitutionnelle doit s’accompagner secondairement d’une enquête familiale et d’une consultation génétique pour le couple, en cas de désir d’un autre enfant. Enfin, les progrès réalisés concernant le dépistage anténatal des anémies sévères et le développement des techniques transfusionnels in utero permettent une meilleure prise en charge
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C. Guitton, Praticien hospitalier ([email protected]). Service de pédiatrie générale, CHU Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France. Centre de référence des syndromes drépanocytaires, thalassémiques et autres maladies constitutionnelles du globule rouge et de l’érythropoïèse, AP–HP, Université de Paris-Saclay, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Guitton C. Anémies hémolytiques du nouveau-né. EMC - Pédiatrie 2021;41(3):1-16 [Article 4-002-R-40].
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EMC - Pédiatrie
4-002-R-91
Infections néonatales virales M. Butin Résumé : Parmi les infections néonatales, les infections virales présentent un large éventail de situations cliniques de gravité variable. La contamination virale peut se faire durant la grossesse via le placenta. Certains virus peuvent alors induire un retard de croissance ou des malformations, c’est par exemple le cas de la rubéole. D’autres virus vont entraîner des lésions viscérales, voire conduire à la mort fœtale in utero. C’est le cas notamment des virus de la varicelle, du cytomégalovirus (CMV) ou encore du parvovirus B19. Certains virus peuvent contaminer le nouveau-né lors de l’accouchement, au contact avec les sécrétions génitales maternelles contaminées. C’est le cas d’herpes simplex ou encore du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Pour ces situations à risque, des mesures de prévention ciblées peuvent être mises en place (césarienne à considérer, antiviral spécifique pendant l’accouchement, traitement du nouveau-né en postnatal). Enfin, l’immaturité immunologique du nouveau-né l’expose dans les premières semaines de vie à un risque de développer une infection sévère en cas de contamination virale. La quasi-totalité des virus est concernée : les virus respiratoires, les entérovirus, la varicelle (en l’absence d’immunité maternelle). Des mesures de cocooning et les gestes barrières doivent être appliqués pour limiter le risque de contamination néonatale. De nombreux axes sont encore à explorer en ce qui concerne la recherche sur les infections virales. Une meilleure compréhension des phénomènes de contamination et de réponse immunologique pourrait permettre de développer des moyens de prévention (vaccination notamment). Par ailleurs en cas d’infection il est important de suivre les enfants durant plusieurs années dans le cadre de cohortes afin de dépister l’apparition de complications rares ou tardives. En conclusion, les infections virales néonatales représentent une cause importante de morbidité néonatale et peuvent être responsables de séquelles ou handicap à long terme. Elles doivent donc être appréhendées avec la même attention que celle des infections bactériennes néonatales. © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Virus ; Infection néonatale ; VIH ; CMV ; Vaccin
Introduction
Plan ■
Introduction
1
■
Immunologie et physiopathologie des infections néonatales virales Contamination maternofœtale pendant la vie intra-utérine Contamination péri-partum Contamination postnatale
2 2 3 3
■
Points clés virus par virus Virus de l’immunodéficience humaine Virus de l’hépatite B Cytomégalovirus Virus zona-varicelle (VZV) Virus herpes simplex Virus respiratoires Parvovirus B19 Autres virus
3 3 4 5 6 6 7 7 8
■
Perspectives
8
■
Conclusion
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EMC - Pédiatrie Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021 http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)90842-1
La pathologie infectieuse néonatale recouvre un champ large et extrêmement varié de situations cliniques. Tous les types de pathogènes peuvent être impliqués. Si les infections bactériennes néonatales sont bien connues de tous avec des recommandations de prise en charge standardisées, il ne faut pas méconnaître les infections néonatales virales. En effet, ces infections, toutes causes confondues, sont fréquentes et potentiellement sévères. Elles représentent une cause importante de morbidité néonatale et peuvent être responsables de séquelles ou handicap à long terme. La collaboration entre le pédiatre et l’obstétricien a une place prépondérante dans ce contexte puisque la prévention (avant et pendant la grossesse), le dépistage, le diagnostic précoce et une prise en charge optimale permettent d’éviter ou de limiter la gravité de certaines infections. Dans cet exposé nous abordons tout d’abord le contexte immunologique et physiopathologique de ces infections. L’infection virale peut survenir dès la période anténatale, réalisant des tableaux in utero parfois sévères, voire létaux, mais peut aussi se produire au moment de la naissance ou en postnatal. Dans
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4-002-R-91 Infections néonatales virales
Facteurs de risque
Facteurs protecteurs
Facteurs de risque
Facteurs protecteurs
Facteurs de risque
Facteurs protecteurs
Terme précoce Hormones Immunité Microbiote Niveau de virémie
Terme tardif Passage d’anticorps maternels
Voie basse Charge virale Gestes invasifs
Prophylaxie antivirale périnatale lg spécifiques postnatales
Prématurité Comorbidité Précarité Lait maternel pour certains virus
Mesures barrières Cocooning Vaccination maternelle
VIH, CMV, etc.
VRS, grippe, etc.
CMV, VZV, HSV, rubéole, etc.
VIH, VHB, HSV, etc.
Vie intra-utérine
Naissance
VZV, HSV, entérovirus, etc.
Premières semaines
Figure 1. Différentes voies de contamination du fœtus ou nouveau-né et facteurs favorisants ou protecteurs de chacune de ces voies. Ig : immunoglobulines ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; CMV : cytomégalovirus ; VRS : virus respiratoire syncytial ; VZV : virus varicelle-zona ; HSV : herpes simplex virus ; VHB : virus de l’hépatite B.
un deuxième temps, nous décrivons les grandes lignes de prise en charge anté- et postnatale des infections néonatales virales, en détaillant les particularités des principaux virus pouvant être impliqués. En conclusion, nous exposons les pistes de recherche et perspectives de prise en charge dans le contexte des infections virales. En préambule, il faut insister sur le fait que tout ce qui est présenté ici est le fruit d’un travail bibliographique réalisé au premier semestre de 2020, qui ne peut donc prendre en compte les données publiées par la suite, et qui n’est donc pas exhaustif. Le lecteur peut s’inspirer de ces données pour avoir une idée de la pathologie, mais cela n’exclut pas de se référer aux recommandations nationales ou internationales et aux données récentes de la littérature ainsi que de prendre en compte les moyens disponibles et le contexte local qui peuvent conditionner l’approche diagnostique et thérapeutique des patients.
Immunologie et physiopathologie des infections néonatales virales De nombreuses études ont été conduites pour mieux comprendre les étapes de transmission du virus à l’enfant. La transmission peut se faire via le placenta in utero (par exemple : cytomégalovirus [CMV]), à la naissance par contact avec les sécrétions génitales contaminées (par exemple : virus de l’immunodéficience humaine [VIH], virus de l’hépatite B [VHB]) ou bien en postnatal par contamination aérienne (par exemple : virus respiratoire syncytial [VRS]), manuportée (par exemple : entérovirus) ou via le lait maternel (par exemple : VIH). Ces différentes situations sont décrites ci-dessous et résumées dans la Figure 1.
Contamination maternofœtale pendant la vie intra-utérine L’étape de contamination in utero a fait l’objet de nombreuses études et modèles de recherche. Des modèles cellulaires
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ou d’explants [1] ainsi que des modèles animaux [2] ont permis de mieux déchiffrer les étapes et déterminants de cette contamination. Le placenta joue à la fois le rôle de barrière de protection et la mission de transfert de nutriments et anticorps. Des virus peuvent donc détourner cette voie de transfert pour passer la barrière placentaire [3] . Une des particularités du placenta est sa tolérance immunitaire relative, indispensable pour que la grossesse soit menée à terme sans phénomène de rejet entre la mère et son fœtus. Cette tolérance relative va accroître la capacité des virus maternels à passer la barrière placentaire et à contaminer le fœtus [3] . D’autres facteurs interviennent dans la transmission du virus : ces facteurs dont l’impact dans le processus infectieux a fait l’objet d’études incluent notamment l’imprégnation hormonale [4] , le microbiote placentaire [5] , les mini-acides ribonucléiques (ARN) transcrits par le placenta [6] . En outre, la présence de récepteurs spécifiques de certains virus sur le tissu trophoblastique peut également favoriser la transmission de la mère au fœtus en cas de virémie durant la grossesse : cela a par exemple été récemment décrit dans le cas du SARS-CoV2 dont les récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine de type 2 (ACE2) sont exprimés sur le placenta [7] . Les infections virales survenant durant la période anténatale peuvent avoir des conséquences diverses et de gravité très variable. Le décès in utero ou le déclenchement du travail très précocement durant la grossesse aboutissant à une fausse couche en sont les conséquences les plus dramatiques. Certains virus peuvent également être responsables de retard de croissance ou encore de malformations parfois sévères, notamment touchant le système nerveux et sensoriel du fœtus. Enfin, certaines infections vont se manifester par une inflammation des tissus du fœtus aboutissant à une infection généralisée parfois létale [8] . Ce niveau de gravité très variable va dépendre de plusieurs facteurs. Le principal, commun à la plupart des virus, est le terme de la grossesse auquel survient l’infection maternelle. Dans la plupart des cas (CMV, rubéole, varicelle, etc.), une infection précoce va être particulièrement sévère, alors qu’une infection sur le troisième trimestre de grossesse a des conséquences plus modérées, peut-être en raison du passage concomitant d’anticorps maternels EMC - Pédiatrie
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qui débute au deuxième trimestre mais se fait majoritairement sur la dernière partie de la grossesse [9] ou encore parce qu’à ce terme les tissus sont déjà formés et l’immunité innée du fœtus le protège en partie des conséquences délétères du virus [10] . Cet effet du terme sur la gravité de l’atteinte fœtale est également observé mais de fac¸on inversée pour ce qui est de la probabilité de transmission du virus de la mère à l’enfant : ainsi le placenta est plus « perméable » aux virus sur la fin de grossesse. Donc les infections de début de grossesse sont généralement plus rares mais plus sévères que celles de fin de grossesse qui sont fréquentes mais parfois bénignes. De plus, une virémie élevée conditionne le passage transplacentaire du virus [11, 12] . C’est pourquoi il est souvent considéré qu’une primo-infection est plus à risque pour le fœtus qu’une récurrence, puisque pour cette dernière situation, la mère dispose d’anticorps qui vont neutraliser une partie des virus circulants. Cela n’est toutefois pas toujours vrai, et certaines récurrences, notamment dans le cadre d’une infection à CMV, peuvent conduire à des tableaux sévères chez le fœtus et le nouveauné [13] . Les performances du système immunitaire maternel sont aussi un facteur influant le passage au fœtus, c’est pourquoi les mères immunodéprimées (mère infectée à VIH, traitements immunosuppresseurs) sont plus à risque de transmission maternofœtale [14] . Enfin, certains facteurs mal maîtrisés (prédisposition génétique ? effet stochastique ?) expliquent la variabilité interindividuelle parfois importante pour les cas d’infections virales anténatales. Par ailleurs, il faut également noter que l’inflammation maternelle lors d’une infection quelle qu’elle soit peut avoir des conséquences délétères pour son fœtus, y compris en l’absence de passage du pathogène à travers la barrière [8] .
Contamination péri-partum Pour certains virus, la transmission survient au moment de la naissance, lorsque le nouveau-né est en contact avec certains fluides maternels contaminés, en particulier les sécrétions vaginales (par exemple : herpès simplex virus [HSV]) mais aussi le sang en cas de naissance en contexte hémorragique (par exemple : VIH). Ce mode de contamination justifie certaines précautions spécifiques comme les indications de césarienne dans certains cas pour limiter le risque de contamination. Les gestes invasifs (électrode ou bilan au scalp, aspiration nasopharyngée ou gastrique) doivent être limités au maximum en cas de connaissance d’une infection maternelle [15] . En outre, le bain précoce (avec molécule antiseptique) des nouveau-nés en cas d’infection maternelle à VIH est proposé, mais sans que son bénéfice n’ait été démontré [16] . Par ailleurs, de fac¸on similaire à ce qui est fait pour la prévention des infections bactériennes, une prophylaxie anti-infectieuse périnatale peut permettre de réduire le risque de transmission de la mère à l’enfant, par exemple pour le VIH (perfusion de zidovudine), la varicelle (aciclovir). L’injection postnatale précoce au nouveauné d’immunoglobulines neutralisantes pour certains virus réduit également le risque de contamination (exemple : hépatite B, varicelle).
Contamination postnatale Enfin, durant ses premières semaines de vie, le nouveau-né reste vulnérable, a fortiori en cas de prématurité ou de comorbidités associées. Une infection virale peut donc survenir et être responsable de maladie grave chez le nouveau-né [17–19] . Tous les modes de transmission sont possibles : alimentaire (via le lait maternel notamment : CMV, VIH), gouttelettes (infections respiratoires), manuportée (entérovirus, rotavirus, etc.). La source de contamination peut être la mère mais également les autres membres de la famille (notamment les fratries dans les contextes d’épidémies virales) ou encore les soignants et les visiteurs (en maternité ou en néonatologie pour les nouveau-nés nécessitant une hospitalisation) [20] . Les précautions d’hygiène standards et l’éducation des familles permettent le plus souvent de limiter ces infections. D’autres approches sont envisagées pour certains virus : il s’agit notamment de la vaccination antigrippale chez les femmes enceintes afin de favoriser la transmission passive EMC - Pédiatrie
d’anticorps via le placenta qui protègent le nouveau-né durant ses premières semaines [21] . Une approche similaire pourrait avoir son intérêt pour d’autres virus respiratoires notamment pour prévenir les infections à VRS chez les nouveau-nés naissant en début d’épidémie, qui sont les plus à risque de formes sévères de bronchiolite, mais aucun vaccin n’est pour le moment disponible.
Points clés virus par virus Virus de l’immunodéficience humaine Le VIH est un rétrovirus touchant environ 40 millions de personnes à travers le monde. Les progrès dans sa prise en charge, son diagnostic et la compréhension de sa physiopathologie ont permis d’améliorer le pronostic des patients infectés mais ont remplacé une maladie grave et mortelle en maladie chronique. Ainsi le VIH constitue un réel problème de santé publique en raison de ses complications infectieuses et tumorales, en particulier au stade de syndrome d’immunodéficience acquise (Sida). En France on estime que deux femmes sur 1000 vivent avec le VIH, ce qui conduit à 1500 naissances par an issues de femmes séropositives pour le VIH. Le dépistage de la séropositivité VIH est proposé systématiquement lors du premier examen prénatal [22] . Il est recommandé de contrôler la sérologie en cours de grossesse chez les femmes les plus à risque (partenaire séropositif, partenaires multiples, etc.) pour ne pas méconnaître de séroconversion en cours de grossesse. En cas de statut sérologique inconnu, une sérologie doit être réalisée en urgence au moment de l’accouchement [23] . Des avancées majeures ont été faites dans la lutte contre la transmission maternofœtale du virus. La prise en charge consiste à traiter la future mère par antirétroviraux dès le désir de grossesse puis durant toute la grossesse avec comme objectif une charge virale indétectable en fin de grossesse [24] . Au moment de l’accouchement si la charge virale est indétectable (< 50 copies/ml), la voie basse est possible [23, 25] . Si la charge virale est élevée (> 400 copies/ml), une perfusion de zidovudine en per partum est proposée, associée à une césarienne prophylactique car la quantité de virus retrouvée dans les sécrétions vaginales est directement corrélée à la charge virale plasmatique [26] . Entre 50 et 400 copies/ml la césarienne est discutée sans que son bénéfice soit démontré. Dans tous les cas, aucun bénéfice de la césarienne n’est démontré une fois que le travail a débuté ou après rupture des membranes. La perfusion de zidovudine peut également se discuter dans certaines situations à risque (chorioamniotites, hémorragies ante partum, prématurité). En outre, dans les situations où la mère n’a pas rec¸u de traitement pendant la grossesse, une administration de névirapine per partum peut également être associée [27] . Toutes les mesures invasives avec effraction cutanée possible chez le nouveau-né sont proscrites (pH au scalp, aspirations, etc.). Les extractions instrumentales doivent être évitées dans la mesure du possible. En complément de ces mesures concernant la grossesse et l’accouchement, le traitement antirétroviral initié dès les heures suivant la naissance chez le nouveau-né a montré son efficacité sur la prévention de la transmission mère-enfant du VIH. Ce traitement repose sur la névirapine ou sur la zidovudine durant respectivement 15 jours ou 4 semaines [23] . Dans le cas à haut risque de transmission, un traitement renforcé (trithérapie associant zidovudine, névirapine et lamivudine) doit être initié dès que possible, habituellement en hospitalisation pour s’assurer de la bonne observance [28] . Actuellement, grâce à ces mesures, le taux de transmission maternofœtale du VIH en France est minime, inférieur à 0,5 % (soit moins de dix enfants par an) [29] . Les contextes associés à une transmission du virus sont les situations de traitement non optimal (défaut d’observance, retard de mise en place, résistance virale, interactions médicamenteuses) ou les naissances prématurées. L’allaitement maternel est strictement contre-indiqué dans ce contexte en France. En effet, même en cas de charge virale indétectable, il existe une concentration importante dans le lait maternel
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Figure 2. Arbre décisionnel. Étapes de la prise en charge de la femme enceinte infectée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et de son enfant. PCR : polymerase chain reaction ; BCG : bacille bilié de Calmette-Guérin.
Sérologie systématique VIH À contrôler si conduite à risque Grossesse
Si infection : suivi infectiologue Traitement antirétroviral (objectif = charge virale indétectable)
Si charge virale basse, voie basse autorisée Accouchement
Si charge virale élevée, césarienne avant travail Perfusion de zidovudine
Limiter les gestes invasifs pour le bébé
Allaitement contre-indiqué Nouveau-né
Traitement antiviral en urgence Bilan biologique
Enfance
Suivi clinique et biologique jusqu’à 2 ans (PCR VIH et sérologie, recherche de toxicité des antirétroviraux) Calendrier vaccinal adapté : Prevenar 13® supplémentaire à 3 mois, pas de BCG avant 6 mois
de lymphocytes, réservoirs du virus, et le passage des antirétroviraux dans le lait est insuffisant [30] . Cette position est discutée dans les pays en voie de développement où la balance bénéfice-risque et l’accès à l’allaitement artificiel ne sont pas les mêmes qu’en France. Un traitement antirétroviral prolongé chez le nouveau-né allaité et sa mère est alors recommandé pour limiter le risque de transmission [31] . Indépendamment de la prévention de la transmission du virus au nouveau-né, il est important de suivre ces enfants durant leurs premières années de vie. En effet, l’exposition des enfants aux traitements antirétroviraux pendant la vie fœtale puis durant le premier mois de vie peut conduire à la survenue de complications liées à la toxicité de ces molécules [32] . Outre des malformations, des cas de toxicité médullaire et/ou mitochondriale (hyperlactatémie le plus souvent asymptomatique) ont également été rapportés en cas d’exposition à la zidovudine, que ce soit en pré- ou en postnatal. C’est pourquoi les enfants concernés ont des explorations biologiques régulières sur la première année de vie. En outre des travaux plus récents suggèrent la survenue de modifications de l’acide désoxyribonucléique (ADN) (génotoxicité) chez les patients exposés in utero aux analogues nucléosidiques (dont zidovudine) avec des effets à long terme (mitochondrie, fonction myocardique, hématopoïèse) [33] . La vigilance et le suivi postnatal des enfants sont indispensables pour rapporter ces cas au niveau de la pharmacovigilance le cas échéant. En parallèle, l’exposition in utero au VIH chez les enfants, alors même qu’ils ne sont pas infectés à la naissance, est associée à un risque accru de développer des pathologies infectieuses notamment à germes encapsulés [34] . Cela est particulièrement observé en cas de lymphopénie CD4 chez la mère pendant la grossesse. C’est pourquoi les enfants de mère atteinte par le VIH doivent bénéficier d’une dose supplémentaire de vaccin antipneumocoque 13 valences à l’âge de 3 mois. L’absence de transmission au bébé est attestée par la réalisation de polymerase chain reation (PCR) VIH à 0, 1, 3 et 6 mois (absence d’infection si au moins deux PCR négatives dont au moins une réalisée plus de 1 mois après l’arrêt des antirétroviraux) et elle est confirmée par une sérologie VIH entre 18 et 24 mois [23] . Le vaccin contre le bacille bilié de Calmette-Guérin (BCG) doit être décalé
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pour s’assurer que l’enfant n’est pas contaminé au moment de l’injection [35] . Concernant l’aspect psychosocial, l’accompagnement des familles est important. Les enfants peuvent être pris en charge en 100 % dans le cadre du suivi postnatal jusqu’à leurs 2 ans. Enfin le respect du secret médical est indispensable, c’est pourquoi aucune mention du VIH maternel et du traitement antirétroviral de l’enfant ne doit apparaître sur le carnet de santé. L’ensemble des étapes de la prise en charge décrite dans ce chapitre est résumé dans la Figure 2.
Virus de l’hépatite B Malgré l’existence d’un vaccin efficace contre l’hépatite B, plus de 200 millions de personnes dans le monde vivent avec le VHB. En France, on estime à 280 000 le nombre de personnes ayant une hépatite B chronique et 0,7 % des femmes enceintes sont concernés [36] . Le VHB est bien plus contagieux que le VIH. Chez l’adulte, il est responsable d’une hépatite aiguë, parfois sévère et évolue dans 10 % des cas vers une forme chronique. Les patients avec hépatite B chronique peuvent développer une cirrhose et sont à risque accru de carcinome hépatocellulaire. En cas de contamination néonatale, l’évolution vers une forme chronique est beaucoup plus fréquente (90 % des cas) avec une morbidité hépatique dans l’enfance. Le dépistage de l’infection à VHB est systématique pendant la grossesse et doit être fait en urgence si le statut maternel est inconnu au moment de l’accouchement [37] . La présence d’un antigène anti-HBs signe une infection en cours tandis que la présence d’anticorps anti-HBs indique une immunité protectrice (acquise par vaccination ou infection ancienne). La présence d’anticorps anti-HBc permet d’attester d’un contact ancien ou actuel avec le virus. L’interprétation de la sérologie est rappelée dans le Tableau 1. En cas d’infection à hépatite B chez une femme enceinte, un traitement urgent s’impose afin de réduire la charge virale et ainsi réduire le risque de transmission. La femme doit être adressée à un hépatologue et/ou un infectiologue pour initier une thérapie EMC - Pédiatrie
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Tableau 1. Interprétation de la sérologie de l’hépatite B (virus de l’hépatite B [VHB]). AgHBs -
AgHBs +
Ac anti-HBs Ac anti-HBc -
Pas de contact viral Pas de vaccin
Primo-infection récente
Ac anti-HBs + Ac anti-HBc -
Femme vaccinée
-
Ac anti-HBs Ac anti-HBc +
Infection en cours de guérison
Infection à VHB en cours
Ac anti-HBs + Ac anti-HBc +
Ancienne infection guérie
Infection à VHB en cours
Ag : antigène ; Ac : anticorps.
antivirale. Les molécules étudiées qui peuvent être utilisées pour prévenir la transmission mère-enfant du VHB sont le ténofovir, la lamivudine et la telbivudine [38–40] . La transmission du virus au nouveau-né se fait principalement au moment de la naissance. C’est pourquoi la pierre angulaire de la prévention repose sur l’immunoprophylaxie néonatale. Elle consiste à injecter dans les 12 heures suivant la naissance des immunoglobulines antihépatite B en intramusculaire au nouveau-né, ainsi qu’une dose de vaccin inactivé antihépatite B 10 g/0,5 ml. Il est important de rappeler que les injections intramusculaires d’immunoglobulines et de vaccin doivent être réalisées dans des sites éloignés pour éviter une neutralisation du vaccin par les immunoglobulines. La réalisation de cette double immunoprophylaxie combinant immunisation passive et active a permis de réduire le taux de transmission de l’hépatite B de la mère à l’enfant [41] . Au-delà de la période néonatale, le calendrier vaccinal d’un enfant né de mère porteuse d’une hépatite B comprend des rappels de vaccin antihépatite B à 1 mois et 6 mois. Chez le prématuré né avant 32 semaines d’aménorrhée et/ou le nouveau-né de moins de 2000 g de poids de naissance, ce schéma est renforcé avec des rappels à 1, 2 et 6 mois [42] . Le suivi de ces enfants doit inclure une sérologie, réalisée le plus souvent à l’âge de 9 mois, qui permet d’attester à la fois de l’absence d’infection du nourrisson (antigène [Ag] HBs négatif, anticorps [Ac] anti-HBc négatifs) et de l’immunisation grâce à la vaccination (Ac anti-HBs positifs). Si le taux d’anticorps protecteurs est inférieur à 10 UI/l, il est recommandé de réaliser une dose supplémentaire de vaccin à l’âge de 12 mois. Les échecs de prophylaxie antihépatite B sont principalement liés à des facteurs viraux (charge virale élevée au moment de l’accouchement, présence de l’antigène e du VHB) [43] . Une prophylaxie basée sur le vaccin 20 g/1 ml est proposée dans ces cas particuliers. De plus, certains profils immunologiques sont plus à risque d’une mauvaise réponse au vaccin et pourraient également bénéficier de ce vaccin plus fortement dosé : ainsi Cao et al. ont démontré l’intérêt du vaccin 20 g/1 ml chez les nouveau-nés ayant des polymorphismes human leukocyte antigen (HLA) particuliers [44] . Dans le cas particulier où le père est porteur d’une hépatite B active, même si cela est fait par certaines équipes il n’y a pas de recommandation à vacciner le nouveau-né selon le même schéma, puisque le risque de contamination du nouveau-né est très faible. Pour tous les enfants, la vaccination contre l’hépatite B fait maintenant partie des vaccinations obligatoires et est réalisée dans le cadre d’un vaccin hexavalent (avec la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, Haemophilus influenzae b) à 2, 4 et 11 mois.
Cytomégalovirus Les infections congénitales à CMV sont la première cause de surdité dans l’enfance et sont également responsables de retard des acquisitions psychomotrices parfois sévères. Le CMV est un virus appartenant à la famille des Herpesviridae ayant un réservoir humain strict. On considère qu’un peu plus de 50 % de la population franc¸aise ont rencontré le virus à l’âge EMC - Pédiatrie
adulte [45] . La contamination se fait par contact direct avec un fluide contaminé (urines, larmes, salive, sécrétions génitales, lait maternel, etc.). La symptomatologie chez le sujet immunocompétent est habituellement bénigne avec un syndrome grippal et des adénopathies. Comme pour les autres virus de la famille Herpes, des récurrences peuvent survenir à distance de la primo-infection. L’infection à CMV durant la grossesse peut être particulièrement sévère en raison de son passage transplacentaire possible [46] . On estime que l’infection à CMV va survenir dans 0,2 à 2 % des grossesses. Les facteurs de risque de contamination sont le contact (professionnel ou familial) avec des enfants d’âge préscolaire qui sont le réservoir principal du virus. La transmission au fœtus est particulièrement importante lorsqu’il s’agit d’une primo-infection maternelle (50 % de transmission, surtout sur la deuxième moitié de grossesse). Elle est plus rare en cas de récurrence (2 %) mais ne doit pas être méconnue [13] . Tout l’enjeu du suivi de grossesse va être de diagnostiquer cette infection à CMV et d’en évaluer les conséquences pour le fœtus. La sérologie CMV ne fait pas partie des sérologies recommandées durant la grossesse, même si cela est très débattu [47] . En revanche, il est indispensable de dispenser des messages de prévention auprès des femmes enceintes (lavage des mains, pas de partage des affaires de toilette et de la vaisselle avec les enfants en bas âge, etc.). Ces mesures de prévention ont fait leur preuve puisqu’une étude en 2015 a rapporté une diminution des cas de séroconversion CMV de 7 à 1,2 % dans une population à risque, associée à une bonne observance et une excellente acceptabilité [48] . Une sérologie et une recherche du virus par PCR doivent être demandées en cas de signe d’appel maternel (fièvre, syndrome grippal, contage documenté) ou fœtal (retard de croissance intrautérin [RCIU], anomalies échographiques notamment cérébrales, intestinales, hépatiques, épanchements séreux). De même après la naissance, des signes cliniques évocateurs et notamment un petit poids de naissance sans cause identifiée doivent faire rechercher une infection congénitale à CMV méconnue durant la grossesse. Certains nouveau-nés sont symptomatiques dès la naissance avec au maximum une infection active à CMV associant pneumopathie virale, éruption cutanée, hépatite, thrombopénie, choriorétinite, voire méningoencéphalite. Ces enfants doivent être hospitalisés en néonatologie et un traitement antiviral intraveineux doit être administré [49] . En revanche, 85 % des fœtus et nouveau-nés ne présenteront aucun symptôme durant le suivi anténatal et à la naissance, mais cela n’élimine pas l’infection. L’infection peut alors être confirmée ou infirmée par recherche d’excrétion virale, soit en anténatal (par PCR sur le liquide amniotique) soit durant le séjour en maternité (par PCR urinaire ou salivaire) [49] . En cas de positivité, cela signe une infection durant la grossesse et des explorations complémentaires doivent être réalisées (bilan hépatique, numération-formule sanguine [NFS], échographie transfontanellaire [ETF] ou imagerie par résonance magnétique [IRM] cérébrale, potentiels évoqués auditifs [PEA], fond d’œil [FO]). En cas d’atteinte de plusieurs organes, le traitement par antiviral per os peut se discuter, avec un bénéfice toutefois modéré. La durée de ce traitement est de 6 mois avec un suivi rapproché de la numération sanguine (risque de neutropénie) et du bilan hépatique. Dans tous les cas, même en l’absence d’atteinte identifiée en période néonatale, un suivi clinique et audiologique doit être programmé puisqu’une part non négligeable des enfants asymptomatiques développe dans l’enfance un retard des acquisitions ou une surdité. Il est difficile de prédire l’évolution et d’établir un pronostic. Récemment Nagel et al. ont suggéré que la charge virale salivaire néonatale pouvait constituer un facteur pronostique mais cela reste à confirmer [50] . Des travaux de recherche sont en cours pour développer un vaccin anti-CMV mais aucun des vaccins testés pour le moment n’assure d’immunité protectrice. Des chercheurs ont donc testé l’administration d’immunoglobulines pendant la grossesse pour limiter le passage du CMV au fœtus, mais aucun bénéfice significatif n’a pu être démontré. Cette attitude est controversée d’autant plus que les femmes ayant rec¸u ce traitement présentaient plus d’effets indésirables (prématurité, prééclampsie, etc.) [51] . Une autre approche serait d’administrer un antiviral en cas d’infection durant la grossesse. Cette attitude a longtemps été évitée en
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raison du risque de tératogénicité des molécules. Plusieurs études récentes suggèrent que le valaciclovir pourrait être un traitement efficace et bien toléré durant la grossesse [52] . Un cas très particulier doit être connu, il s’agit de la transmission postnatale précoce du CMV. Cette transmission se fait principalement par le lait maternel puisque la quasi-totalité des femmes séropositives pour le CMV en excrète dans le lait, même en l’absence de récurrence [53] . L’infection néonatale à CMV est la plupart du temps asymptomatique mais peut être responsable d’une symptomatologie parfois sévère notamment chez les plus fragiles (grands prématurés, immunodéprimés). Ce risque a conduit certains médecins à recommander une pasteurisation systématique du lait maternel avant administration aux nouveau-nés les plus prématurés.
▲ Mise en garde Infection congénitale à CMV • Cas n◦ 1 : Adèle, naissance à 35 semaines d’aménorrhée (SA) par césarienne, poids 1900 g. Hospitalisation en néonatologie pour RCIU. Le bilan d’entrée retrouve une thrombopénie isolée à 53 G/l. Le bilan étiologique identifie un CMV par PCR dans les urines. Le bilan d’extension montre une ETF normale, des PEA normaux. Le suivi met en évidence un retard psychomoteur avec hypotonie, retard de langage et une détérioration des PEA au contrôle à 6 mois. Elle est adressée au Centre d’action médicosociale précoce (CAMSP) pour prise en charge globale. Message à retenir : même une infection paucisymptomatique peut avoir un retentissement sur le développement, d’où l’intérêt de bien suivre ces enfants. • Cas n◦ 2 : madame S, orientée en diagnostic anténatal pour RCIU, calcifications cérébrales et hyperéchogénicité intestinale. Le bilan étiologique retrouve des immunoglobulines M anti-CMV et une PCR CMV sanguine fortement positive. Pas d’amniocentèse réalisée (souhait des parents). Elle donne naissance à un petit garc¸on, Nelson, à terme, 2500 g. Le bilan CMV retrouve une PCR sanguine positive, une thrombopénie, une cholestase, des PEA pathologiques. Un traitement par valganciclovir est administré per os pendant 6 mois. L’évolution montre un retard de développement psychomoteur modéré et une amélioration des PEA. Message à retenir : le traitement est indiqué si l’infection est modérée à sévère et permet d’améliorer le devenir neurosensoriel.
Virus zona-varicelle (VZV) Les cas d’infection néonatale à VZV sont rares puisque la plupart des femmes enceintes sont déjà immunisées contre le virus. En effet cette infection est souvent contractée dans l’enfance avec une forme clinique habituellement bénigne. Pour les enfants n’ayant pas rencontré la varicelle à l’âge de 12 ans, la vaccination est recommandée car les formes de l’adolescent et de l’adulte sont potentiellement sévères. Chez les femmes en âge de procréer qui ne seraient pas immunisées, un vaccin est proposé (vaccin vivant atténué à administrer avant la grossesse). Au total seuls 2 % des femmes enceintes sont séronégatifs pour le VZV. Les risques de la varicelle durant la grossesse concernent la mère et le fœtus. Chez la femme enceinte, une varicelle sévère avec pneumopathie et atteinte systémique est possible et responsable d’une morbimortalité importante [54] . Le fœtus peut être contaminé in utero et développer alors une varicelle congénitale souvent fatale, quasi exclusivement pendant la première partie de la grossesse (< 20 SA). En outre, l’infection peut survenir autour de l’accouchement et être responsable d’une varicelle néonatale
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particulièrement grave. Enfin, la contamination postnatale est également possible avec des tableaux de gravité variable. Si la mère est immunisée, le nouveau-né est relativement protégé par le passage passif d’anticorps, en revanche le risque de forme grave est important pour les nouveau-nés de mères séronégatives. La conduite à tenir est donc avant tout de prévenir les cas d’infection durant la grossesse et de limiter au maximum le risque de contamination fœtale et/ou néonatale en cas d’infection maternelle [55] . En cas de contage varicelleux chez une femme non immunisée ou ne connaissant pas son statut, l’injection d’immunoglobulines spécifiques antivaricelle est recommandée dans les 4 jours suivant le contage et permet de prévenir la maladie chez la mère et le fœtus. En cas de varicelle avérée durant la grossesse, un traitement antiviral par aciclovir peut être administré dans l’objectif de réduire la gravité de la symptomatologie maternelle. Par ailleurs un suivi attentif échographique du fœtus est mis en place pour rechercher les signes d’infection congénitale, notamment avant 20 SA. Certains de ces nouveau-nés naissent avec des cicatrices d’infection in utero et les parents doivent être informés que leur nourrisson peut développer un zona durant sa première année de vie [56] . En raison d’une contagiosité existant dans les 2 jours précédant l’éruption, on estime que l’infection maternelle est à haut risque de varicelle néonatale sévère dans la situation où l’éruption survient dans les 5 jours précédant la naissance ou les 2 jours suivants [55, 57] . En effet dans cette situation le fœtus peut être contaminé mais ne bénéficie pas encore du passage des anticorps maternels transplacentaires. Cette situation doit être évitée autant que possible éventuellement en retardant l’accouchement. Un traitement maternel par aciclovir peut être administré mais aucune étude n’a pu mettre en évidence de bénéfice pour le nouveau-né. À la naissance le nouveau-né est isolé (incubateur et/ou seul en chambre) et traité par immunoglobulines spécifiques. En cas de développement d’une varicelle néonatale, une hospitalisation (en secteur de soins intensifs) est recommandée avec traitement intraveineux par aciclovir [55] .
“ À retenir Infections à VZV • La prévention chez la mère est primordiale (vaccin avant grossesse, immunoglobuline si contage et non immunisée). • Le risque fœtal est maximal en cas d’infection maternelle avant 20 SA. • Le risque néonatal est maximal en cas d’infection maternelle 5 jours avant/2 jours après l’accouchement. • La varicelle néonatale est particulièrement grave.
Virus herpes simplex Chez l’adulte, les infections impliquant les HSV sont fréquentes et majoritairement bénignes en cas d’immunocompétence. La primo-infection à virus HSV1 est responsable de gingivostomatite et la récurrence donne le fameux « bouton de fièvre ». L’HSV2 a un tropisme pour l’endocol et va entraîner une infection génitale. Néanmoins les deux virus peuvent donner les deux types de tableau. Le diagnostic de l’infection à HSV associe une suspicion clinique (symptomatologie évocatrice, éventuellement notion de contage) et une confirmation biologique. Historiquement la recherche du virus se faisait par culture. Toutefois, la culture a l’inconvénient d’un délai de résultat long non compatible avec l’urgence du traitement. Sa seule place est la suspicion d’une résistance virale. La recherche directe du virus par PCR est maintenant réalisée en première intention [58] . La transmission maternofœtale du virus herpes simplex est responsable de tableaux le plus souvent sévères. Il peut s’agir EMC - Pédiatrie
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d’une infection in utero alors responsable de mort fœtale ou d’infection systémique souvent fatale [59] . Il peut également s’agir d’une infection de révélation postnatale lorsque la transmission se fait pendant l’accouchement ou juste avant. Un intervalle libre de 7 à 21 jours est alors possible avant le début des symptômes. Enfin le risque de contamination postnatale existe en cas d’infection herpétique labiale dans l’entourage (mère, père, fratrie, visiteurs) et doit faire l’objet de mesures barrières strictes (masque, lavage des mains, éviction). On distingue trois formes cliniques d’infection néonatale [60] : la forme localisée est uniquement cutanéomuqueuse et correspond à des lésions de type vésicule et ulcération touchant la bouche, les conjonctives et la peau. La deuxième forme clinique est la méningoencéphalite caractérisée par une hypotonie, des convulsions et la confirmation d’une méningite lymphocytaire à la ponction lombaire. Une atteinte temporale uni- ou bilatérale est un signe évocateur sur l’imagerie et/ou sur l’électroencéphalogramme. Enfin, la forme disséminée débute habituellement par une fièvre puis peuvent apparaître une hépatite (ictère et hépatomégalie), une pneumopathie et rapidement une défaillance multiviscérale. Elle peut également être associée à une atteinte méningoencéphalique. L’évolution est rapide et souvent fatale. La survenue d’une maladie herpétique est heureusement rare mais ne doit pas être méconnue. Un contexte de contage ou d’antécédent d’herpès doit donc être recherché durant le suivi de grossesse mais également en cas de fièvre néonatale ou autre symptomatologie infectieuse. En cas de risque élevé d’infection (notamment primo-infection dans les semaines précédant l’accouchement), une césarienne doit être discutée ainsi qu’un traitement antiviral per partum [61] . À la naissance, le nouveau-né doit être prélevé (PCR sang, périphérique et liquide cérébrospinal [LCS]), hospitalisé et traité par voie intraveineuse par aciclovir [62] . Dans les cas de risque modéré (notamment récurrence maternelle dans la semaine précédant l’accouchement ou primo-infection à distance de l’accouchement), le nouveau-né asymptomatique peut rester en maternité mais des prélèvements (PCR sang et périphérique) doivent être réalisés et une surveillance accrue doit être mise en place. Si les prélèvements reviennent positifs alors le nouveau-né doit être immédiatement hospitalisé et traité par voie intraveineuse après que des prélèvements complémentaires (LCS notamment) ont été réalisés. Dans les autres situations à risque minime (antécédent d’herpès ou récurrence à distance de l’accouchement), la mère doit être prélevée lors de l’accouchement (PCR endocol et exocol) et des prélèvements périphériques peuvent être réalisés chez le nouveau-né. Le nouveau-né n’est traité qu’en cas de positivité des prélèvements. Dans les cas d’infection avérée à HSV chez le nouveau-né, à l’issue du traitement antiviral intraveineux (10 j en cas de forme asymptomatique, 14 j en cas d’atteinte localisée et 21 j en cas d’atteinte disséminée ou de méningoencéphalite), un traitement oral en relais durant 6 mois par aciclovir est proposé et pourrait réduire les séquelles notamment neurodéveloppementales [63] . Dans tous les cas, les symptômes survenant habituellement après le retour à domicile en raison de la durée d’incubation du virus, il est primordial de sensibiliser les parents à ce risque et aux symptômes à surveiller chez leur nouveau-né (fièvre, conjonctivite, somnolence, difficultés alimentaires, coloration jaune de la peau, difficultés respiratoires, etc.) en leur remettant une fiche d’information. Il faut également notifier ce risque dans le carnet de santé de l’enfant à l’attention des médecins (libéraux ou médecins de la Protection maternelle et infantile [PMI] ou urgences) qui sont amenés à examiner cet enfant.
“ À retenir Infections à HSV • L’infection in utero est sévère et souvent létale. • Le risque de contamination néonatale est maximal si la primo-infection génitale est proche de l’accouchement, ou s’il y a contage avec un patient présentant une récurrence labiale dans les jours suivant la naissance. • La prévention est indispensable (voie d’accouchement, aciclovir maternel, masque si herpès labial). • Le nouveau-né doit être traité par aciclovir si risque élevé ou si infection avérée. • Les parents doivent être informés des signes cliniques à surveiller chez leur bébé et de la conduite à tenir. mières semaines de vie sont à risque de développer un asthme du nourrisson [64] . Une grande variabilité saisonnière est observée. Un des principaux facteurs de risque d’infection à VRS est ainsi le mois de naissance puisque le risque est multiplié par dix pour un nouveauné né en octobre ou novembre (début d’épidémie) par rapport à un nouveau-né né en avril [65] . Les autres facteurs de risque sont la précarité sociale, la collectivité ou la fratrie, le tabagisme passif, l’absence d’allaitement maternel. Enfin des facteurs de risque intrinsèques (malformation pulmonaire ou cardiaque, prématurité) sont aussi identifiés [66] . La prévention passe par les mesures barrières simples (lavage de mains, port de masque, éviction des lieux à risque, éviction du contage en cas d’infection dans l’entourage). Pour la grippe, la stratégie de cocooning est proposée par le biais de la vaccination durant la grossesse des femmes devant accoucher pendant la saison épidémique [67] . Pour le VRS une prévention ciblée des nouveau-nés le plus à risque repose sur l’administration intramusculaire d’anticorps monoclonaux humanisés anti-VRS (palivizumab 15 mg/kg une fois par mois durant la période épidémique). La commission de la transparence de la Haute Autorité de santé estime que l’administration hivernale du palivizumab apporte une amélioration du service médical rendu mineure dans la stratégie de prise en charge : • des enfants âgés de moins de 6 mois au début de la période épidémique, nés à un terme inférieur ou égal à 32 semaines et présentant une dysplasie bronchopulmonaire ; • des enfants âgés de moins de 2 ans au début de la période épidémique, anciens prématurés nés à un terme inférieur ou égal à 32 semaines et ayant nécessité un traitement pour dysplasie bronchopulmonaire au cours des 6 derniers mois ; • des enfants âgés de moins de 2 ans atteints d’une cardiopathie congénitale hémodynamiquement significative. Par ailleurs, les cas de contamination anténatale du fœtus impliquant un virus à tropisme respiratoire sont rares et peu décrits. Il s’agit de situations rares dans lesquelles la mère a présenté une virémie. Les conséquences pour le fœtus et l’enfant sont mal connues. Récemment des auteurs ont montré sur la base de modèles cellulaires ou animaux qu’en cas d’infection in utero à VRS, des troubles de développement pulmonaires pouvaient être observés avec potentiellement un risque d’hyperréactivité bronchique [12] .
Parvovirus B19 Virus respiratoires La problématique des infections à virus respiratoires concerne principalement le risque de contamination postnatale dans les premières semaines de vie. En effet, l’infection à virus respiratoire (VRS, grippe, rhinovirus, métapneumovirus, etc.) est particulièrement sévère à cette période de la vie. La bronchiolite constitue la première cause d’hospitalisation chez les plus petits nourrissons. Sur le long terme, les enfants ayant présenté une bronchiolite dans les preEMC - Pédiatrie
Le parvovirus B19 est responsable d’infection souvent bénigne. Il réalise chez l’enfant la cinquième maladie ou mégalérythème épidémique associant une fièvre, une éruption cutanée, des adénopathies et arthralgies. Environ la moitié des adultes est immunisée contre ce virus [68] . Durant la grossesse, la femme peut s’infecter par voie respiratoire lors d’un contage avec un patient infecté. La sérologie parvovirus B19 ne fait pas partie du suivi sérologique habituel durant la grossesse mais doit être réalisée en cas de suspicion
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clinique ou de contage avéré, ou bien en cas de signes d’appel échographiques. La symptomatologie maternelle est habituellement peu marquée (fièvre, éruption, arthralgies) ; en revanche, les risques pour le fœtus sont importants. Environ un tiers des fœtus va être infecté lors d’une infection maternelle. La mort fœtale in utero ou une fausse couche spontanée peuvent survenir. Les fœtus survivants peuvent développer un tableau d’anasarque et d’anémie fœtale [69] . L’anémie est liée à une toxicité médullaire directe du virus (érythroblastopénie aiguë). En outre le tableau d’anasarque peut être aggravé par une myocardite virale associée chez le fœtus. La prise en charge consiste alors en une surveillance accrue, une possible transfusion in utero voire une ponction-drainage pleurale, une extraction fœtale en cas de signes de gravité. L’évolution peut être fatale mais les symptômes peuvent aussi régresser totalement.
Autres virus De nombreux autres virus existent et présentent des risques pour le fœtus et le nouveau-né mais il est difficile d’établir une liste exhaustive. En bref, les infections à rubéole ou rougeole ont nettement reculé grâce à la vaccination. Il est primordial de vacciner toute femme en âge de procréer qui ne serait pas immunisée. Ce vaccin est un vaccin vivant atténué et est donc contre-indiqué durant la grossesse donc l’injection doit se faire avant le désir de grossesse ou bien en post-partum chez les femmes enceintes non immunisées. Les risques chez les fœtus sont majeurs et conduisent le plus souvent à une interruption de grossesse [70] . L’infection à zikavirus a émergé dans les années 2000 avec épidémie de cas de microcéphalies et/ou anomalies cérébrales chez les nouveau-nés, mise en évidence en Amérique du Sud puis dans certains pays où le virus a circulé [71] . La transmission se fait par un moustique donc les mesures de précaution barrière (répulsif, moustiquaire) sont indispensables dans les pays à risque. Les entérovirus sont responsables d’infection postnatale et notamment de méningite. Le tableau peut parfois être initialement sévère mimant une méningite bactérienne, mais l’évolution est le plus souvent favorable [72] . Enfin, l’année 2020 a vu émergé le SARS-CoV2 donc il nous paraissait important de l’évoquer ici. À l’heure actuelle, les cas de transmission maternofœtale sont rares et sans signe d’appel anténatal [73] . Les cas d’infection néonatale sont la plupart du temps asymptomatiques ou bénins. Récemment une revue des 176 cas publiés d’infection néonatale a permis de dresser le tableau de ces infections [74] : la plupart du temps il s’agit de transmission postnatale. Toutefois dans 5 % de cas une infection congénitale a été suspectée. Environ la moitié des nouveau-nés a présenté des symptômes mais aucun nouveau-né n’a présenté de tableau sévère. Les signes le plus fréquemment rencontrés étaient les difficultés respiratoires, la fièvre et les signes gastro-intestinaux (difficultés d’alimentation, vomissements, diarrhées). Les données de la littérature ne permettent pour l’instant pas de comprendre la surprenante innocuité de ce virus dans la population pédiatrique, contrastant avec ce qui est observé pour les autres virus respiratoires. Une explication possible pourrait reposer sur la réponse immunitaire particulière à cet âge de la vie : en particulier la proportion importante de lymphocytes T régulateurs, ayant une action immunomodulatrice, pourrait atténuer les signes cliniques en préservant les enfants des phénomènes d’orage cytokinique qui font la gravité chez les adultes [75] . Une autre piste pouvant expliquer la moindre gravité chez les enfants est l’absence du récepteur spécifique au virus chez les plus jeunes enfants [76] . Le suivi à long terme des enfants nés de mère infectée doit être mené afin d’évaluer un possible risque (neurodéveloppement, malformations, etc.).
Perspectives La pathologie infectieuse virale durant la grossesse a la particularité de concerner deux patients, la mère et son fœtus. Ces deux
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entités doivent être prises en compte quand il s’agit de réfléchir aux moyens de prévention, de diagnostic et de traitement. La recherche fait des progrès constants dans ce domaine et il existe encore de nombreuses pistes à explorer. C’est le cas des moyens de prévention des infections congénitales à CMV qui peuvent avoir des conséquences médicales très lourdes pour l’enfant et pour lesquelles des essais cliniques récents suggèrent qu’un traitement antiviral pendant la grossesse pourrait être efficace. D’autres auteurs explorent la possibilité de traitement par immunoglobulines comme cela est proposé en postnatal pour l’hépatite B ou encore la varicelle. Enfin, la possibilité de vacciner les mères durant la grossesse pour protéger leur bébé dès les premiers jours de vie (transmission d’anticorps via le placenta) intéresse de nombreuses équipes, notamment en ce qui concerne le VRS. Une autre question qui est plus du domaine de santé publique est celle du dépistage systématique ou ciblé de certaines infections. En effet si la sérologie est systématique pendant la grossesse pour l’hépatite B ou encore le VIH, elle n’est réalisée que sur point d’appel pour d’autres virus notamment le CMV ou le parvovirus B19. Des études médicoéconomiques pourraient aider à redéfinir la place de chaque sérologie systématique dans la prise en charge globale des femmes enceintes. Quoi qu’il en soit, des progrès sont indispensables dans la communication au grand public sur l’importance des moyens de prévention (notamment vaccins, à réaliser pour certains avant le début de grossesse en cas d’absence d’immunisation), des mesures barrière (risque lié aux jeunes enfants pour le CMV, importance des mesures gouttelettes en postnatal pour les virus respiratoires, etc.) et sur les symptômes qui doivent amener à consulter (toute fièvre durant la grossesse, toute fièvre néonatale notamment en cas de possible contage herpétique). Enfin l’émergence de nouveaux virus comme Zika il y a quelques années, ou plus récemment le SARS-CoV2, constitue des situations d’incertitude parfois anxiogène mais est également une chance pour développer de nouveaux modèles d’études des mécanismes infectieux périnatals. Ces situations nous conduisent à revoir en permanence notre approche de la pathologie infectieuse virale périnatale. L’absence de données concernant l’impact à long terme chez l’enfant de certaines infections virales de la femme enceinte doit conduire à mettre en place un suivi organisé de ces enfants, dans le cadre de cohorte multicentrique. C’est grâce à ce type d’études qu’il a récemment été décrit une association entre l’infection congénitale à CMV et la survenue d’un diabète de type I dans l’enfance, même si le mécanisme physiopathologique est encore indéterminé. D’un point de vue recherche fondamentale, la meilleure compréhension du phénomène infectieux et de l’étape de translocation placentaire du virus ouvre des pistes de prévention et/ou de traitement de ces infections.
Conclusion En conclusion ces infections virales pendant la grossesse ou durant les premières semaines de vie sont fréquentes et polymorphes, mais peuvent toutes représenter un risque vital ou de séquelles chez les fœtus ou nouveau-nés concernés. Elles ne doivent pas être masquées par le spectre des infections bactériennes car elles nécessitent pour certaines un traitement urgent antiviral. En outre, le diagnostic par excès des infections bactériennes est actuellement responsable d’une surutilisation d’antibiotiques ayant des conséquences à l’échelle individuelle (toxicité, impact sur le microbiote, etc.) mais aussi collective (émergence de résistance notamment). Une meilleure connaissance des infections virales peut permettre un diagnostic précoce et une meilleure prise en charge du patient. Enfin, la prévention de ces infections notamment par le biais de la vaccination doit faire l’objet de futures recherches.
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. EMC - Pédiatrie
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trois épisodes de douleurs sur 3 mois, sont fréquentes mais d’origine organique que dans 5 à 10 % des cas. L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de guider les éventuels examens complémentaires à réaliser, en fonction notamment de la présence de signes d’alerte.
Démarche diagnostique Interrogatoire Il permet d’orienter vers la cause et les examens complémentaires à réaliser. Il doit préciser : • le contexte : ◦ l’âge et le sexe, ◦ les antécédents personnels chirurgicaux (cœlioscopie, laparotomie, etc.) et médicaux (maladie chronique, drépanocytose, etc.), les antécédents familiaux (lithiase, maladie inflammatoire intestinale, douleurs abdominales fonctionnelles, polyposes, etc.), ◦ les épisodes similaires antérieurs faisant suspecter des douleurs abdominales chroniques ou récidivantes, ◦ l’environnement, l’état psychologique (anxiété, etc.), la scolarité, le retentissement sur les activités de l’enfant ; • les caractéristiques sémiologiques de la douleur : ◦ sa localisation et son irradiation, ◦ son intensité, à l’aide d’une échelle analogique d’auto- ou hétéro-évaluation [EVA, Face, Legs, Activity, Cry, Consolability scale (FLACC), etc.], ◦ les modalités initiales (date et heure de début, survenue brutale ou progressive, facteurs déclenchant, traumatisme, rythme par rapport aux repas), les facteurs soulageants, l’évolution (amélioration, aggravation, paroxysmes, intermittente, continue), ◦ les traitements pris pour soulager la douleur ;
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4-014-C-70 Douleurs abdominales
Tableau 1. Les signes d’alertes de douleurs abdominales organiques. Antécédents
Caractéristiques des douleurs
Signes associés
Anomalies à l’examen clinique
Antécédents familiaux d’ulcères, d’infections à Helicobacter pylori ou de maladies inflammatoires du tube digestif
- Douleurs abdominales nocturnes - Douleurs abdominales persistantes à distance de l’ombilic
- Signes généraux : fièvre inexpliquée, amaigrissement, asthénie, anorexie - Ralentissement de la croissance staturale - Retard pubertaire - Saignements digestifs haut ou bas - Vomissements bilieux ou persistants - Diarrhées chroniques
- Palpation d’une masse abdominale - Atteintes extradigestives associées : anomalies cutanéomuqueuses (périanales, buccales), atteinte articulaire, ophtalmologique
• les signes associés : ◦ digestifs : le transit (diarrhées, constipation, aspect des selles), nausées, vomissements, rectorragies ou méléna, ◦ généraux : fièvre, anorexie, amaigrissement, asthénie, ◦ extradigestifs : arthralgies, oto-rhino-laryngologies (ORL), respiratoires, urinaires, cutanés, neurologiques, gynécologiques, céphalées.
▲ Mise en garde Les enfants localisent souvent leur douleur au niveau de la région péri-ombilicale, une localisation autre doit faire évoquer une cause organique chirurgicale.
Examen clinique Il ne doit pas se limiter à l’examen abdominal mais être complet, avec notamment les signes généraux et extradigestifs. • Général : température, état général, courbe de croissance staturopondérale. • Abdominal et digestif : ◦ inspection : à la recherche de cicatrices, d’hématomes, l’aspect de l’abdomen (plat, distendu, météorisé), les orifices herniaires, la marge anale à la recherche d’une fissure ou d’une fistule, la présence d’un ictère ou d’une pâleur, une éventuelle attitude antalgique (position en chien de fusil, psoïtis, etc.) ; ◦ palpation : elle doit être douce avec les mains réchauffées, et se fait quadrant par quadrant y compris les fosses lombaires et les orifices herniaires, en commenc¸ant par les zones non douloureuses, à la recherche d’une douleur déclenchée, d’une défense ou d’une contracture, elle doit permettre de détecter une éventuelle masse ou une organomégalie. La capacité de l’enfant à sauter sur place de fac¸on répétée sans déclencher de douleur permet généralement d’écarter une irritation péritonéale. Selon le contexte, il sera important de réaliser un toucher rectal à la recherche d’une douleur localisée, d’un polype, d’un fécalome, de sang ou méléna, chez le garc¸on il faudra palper le testis à la recherche d’une torsion ou d’une orchi-épididymite, et chez l’adolescente un examen génital peut être nécessaire à la recherche de douleurs, de leucorrhées ou de saignement ; ◦ percussion : un abdomen tympanique sera évocateur d’un syndrome occlusif, on peut également estimer l’abondance d’un épanchement abdominal ou la présence d’une matité anormale ; ◦ auscultation : à la recherche des bruits hydro-aériques, d’un éventuel souffle. • Extradigestif : ◦ il faut apprécier l’état hémodynamique de l’enfant, notamment en cas de sepsis, de traumatisme ou encore de saignement digestif ; ◦ ORL : il est important de toujours réaliser un examen ORL chez un enfant qui se présente pour des douleurs abdominales, car une angine par exemple peut se manifester fréquemment par des douleurs abdominales. La présence
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d’une aphtose buccale peut orienter vers une maladie inflammatoire de l’intestin ; ◦ pulmonaire : l’auscultation pulmonaire permet la recherche d’une pneumopathie qui peut se traduire par des douleurs abdominales ; ◦ l’examen cutané permet la recherche de lésions de purpura (purpura rhumatoïde), d’un érythème noueux (évocateur de maladie inflammatoire de l’intestin).
Examens complémentaires Ils ne sont pas systématiques, et doivent être guidés par l’interrogatoire et l’examen clinique. Des critères d’organicité que l’on qualifie de « signes d’alerte » doivent être recherchés (Tableau 1). En effet, il a été montré que les causes organiques étaient retrouvées le plus souvent en cas fièvre, de vomissements, de sang dans les selles ou lorsqu’au moins trois signes d’alarmes sont associés. Dans ce cas, des examens complémentaires pourront être justifiés et permettront de confirmer une hypothèse diagnostique. Il peut s’agir d’examens biologiques, d’imagerie, voire des examens plus invasifs tels qu’une endoscopie ou une exploration chirurgicale.
Examens biologiques Sanguins : bilan inflammatoire (hémogramme, protéine C-réactive [CRP], vitesse de sédimentation [VS]), infectieux (hémoculture, examen cytobactériologique des urines [ECBU]), bilan hépatique (transaminases, gammaGT, bilirubine), pancréatique (lipase seule, l’amylase n’ayant pas d’utilité en cas de suspicion de pancréatite). Selon les signes associés, d’autres analyses peuvent être réalisées, telles qu’un ionogramme en cas de vomissements importants, de déshydratation, de malaise, ou un bilan nutritionnel en cas de retentissement staturopondéral des douleurs. Urines : en cas de suspicion d’infection urinaire ou d’une pathologie lithiasique urinaire, on pourra réaliser une bandelette urinaire, un ECBU. Selles : en cas de pathologie infectieuse évoquée et selon le contexte, il pourra être réaliser des analyses microbiologiques des selles (virologie, coproculture, examen parasitologique des selles), ou parfois en cas de suspicion de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) une calprotectine fécale permettant de mettre en évidence une éventuelle inflammation digestive.
Examens d’imagerie L’échographie abdominale est en général le meilleur examen d’imagerie chez l’enfant, car assez disponible, non irradiant, reproductible. Ses limites sont le caractère dépendant de l’opérateur et la nécessité d’une compliance de l’enfant pas toujours évidente. Il permet d’explorer les organes suspects d’atteinte, tels que l’appendice, la paroi intestinale grêle et colique, le foie et les voies biliaires, la tête du pancréas, les reins et voies urinaires, l’utérus et ses annexes, la présence d’adénomégalies, ainsi que des signes indirects de pathologies, tels qu’un épanchement intrapéritonéal, une collection ou une infiltration de la graisse mésentérique à proximité d’organes. La radiographie d’abdomen sans préparation (ASP) a de moins en moins d’indications en cas de douleurs abdominales. L’indication principale est la présence d’un syndrome occlusif, car il permet la mise en évidence de niveaux hydroaériques, ainsi que EMC - Pédiatrie
Douleurs abdominales 4-014-C-70
Contexte : - Antécédents - Survenue - Environnement, famille, état psychologique
Douleur : localisation, irradiation, survenue, intensité, évolution, rythme, traitements
Signes associés : - Digestifs : diarrhées, vomissements - Généraux : fièvre, altération d’état général - Extra-digestifs : urinaires, ORL, pulmonaires, articulaires, cutanés
Examen clinique : général, digestif,extradigestif
Pas le 1er épisode Douleurs abdominales récurrentes
Ex. abdomen normal, non chirurgical
Ex. abdomen suspect / chirurgical
Ex. abdomen anormal, autres points d’appel
Drépanocytaire
Fièvre ?
Trauma Hémorragie, hématome, perforation
CVO abdominale
Examens complémentaires : non systématiques - Imagerie : Écho abdominale, ± ASP, TDM, RT - Biologie : NFS, CRP, lipase, bilan hépatique ± hémoculture, ECBU
Oui Causes chirurgicales : - Appendicite aiguë - IIA - Occlusion intestinale - Péritonite - Hernie étranglée - Torsion (testicule, ovaire), kyste ovarien - Grossesse, hématocolpos - Meckel
Causes médicales digestives : - GEA, colite - Gastrite, ulcère - Pancréatite aiguë - Hépatite - Purpura rhumatoïde - Lithiases biliaires - Intoxication alimentaire - Constipation - Adénolymphite mésentérique
Causes médicales extradigestives fébriles : - Infection ORL - Pneumopathie - Infection urinaire - Infection neuroméningée - Infection gynécologique - Myocardite, péricardite
Non Causes médicales extradigestives non fébriles : - Lithiase urinaire - Diabète, infection surrénale - Syndrome néphrotique
Figure 1. Démarche diagnostique étiologique devant des douleurs abdominales aiguës (non exhaustive). ASP : abdomen sans préparation ; CVO : crise vaso-occlusive ; IIA : invagination intestinale aiguë ; RT : radiographie thoracique ; TDM : tomodensitométrie ; ATCD : antécédents ; ECBU : examen cytobactériologique urinaire ; NFS : numération formule sanguine ; CRP : protéine C-réactive.
des anses intestinales distendues ou à parois épaissies, en orientant la localisation de l’atteinte haute ou basse. En cas de perforation digestive, un croissant d’air sous-diaphragmatique peut être visualisé. Des lithiases biliaires ou urinaires peuvent également être vues parfois selon leur caractère radio-opaque ou pas. La radiographie pulmonaire peut être indiquée en cas de suspicion de pneumopathie, avec une toux, de la fièvre et une dyspnée associées aux douleurs abdominales. D’autres examens d’imagerie peuvent être réalisés, en général en seconde intention, et lorsqu’un diagnostic est suspecté : • le scanner abdominopelvien peut être réalisé en particulier en cas d’occlusion intestinale (permettant de localiser la zone jonctionnelle et d’orienter vers sa cause), ou de suspicion de pathologie chirurgicale non confirmée à l’échographie, ou en cas de traumatisme abdominal (lésion des organes, hématome, hémopéritoine, etc.) ; • l’imagerie par résonance magnétique (IRM) abdominopelvienne sera réalisée en seconde intention, en particulier pour préciser une atteinte du grêle ou du côlon (entéro-IRM) ou des lésions périnéales (IRM périnéale) dans les MICI ; pour définir la nature d’une lésion du foie (IRM hépatique), des voies biliaires (cholangio-IRM) ou du pancréas.
Autres examens Une endoscopie peut être réalisée dans certaines situations, en urgence en cas d’hémorragie digestive haute ou basse associée à la douleur, ou dans un second temps pour confirmer un diagnostic de MICI, de gastrite chronique, d’ulcère gastro-duodénal (UGD) ou de polypes. Enfin, en cas de suspicion de pathologie chirurgicale urgente non confirmée par les examens complémentaires, une exploration chirurgicale peut être réalisée également dans un but diagnostique et donc curatif (perforation digestive, appendicite, diverticule de Meckel, etc.).
Diagnostic étiologique Les causes de douleurs abdominales sont nombreuses, et il y a différentes manières de les classer. On peut notamment distinguer les causes aiguës et chroniques, et parmi ces deux grands cadres, les causes chirurgicales, médicales, fonctionnelles ou psychogènes. EMC - Pédiatrie
Le diagnostic étiologique sera déterminé selon les données de l’interrogatoire, de l’examen clinique et des éventuels examens paracliniques. Certains examens doivent parfois être répétés, afin d’évaluer la cinétique d’un syndrome inflammatoire par exemple, ou de mieux examiner certains organes lors d’une échographie réalisée dans de meilleures conditions. Cela peut donc parfois nécessiter une hospitalisation afin d’objectiver également les caractéristiques des douleurs.
Douleurs abdominales aiguës Il s’agit d’un motif très courant de consultation en pédiatrie. Les causes médicales sont fréquentes, mais il faudra s’assurer d’éliminer une cause chirurgicale [2, 3] (Fig. 1).
Causes chirurgicales L’objectif principal de la prise en charge initiale dans le cadre de douleurs abdominales aiguës est d’éliminer une affection chirurgicale, nécessitant souvent une prise en charge thérapeutique urgente. Appendicite aiguë Il s’agit d’une cause classique redoutée mais pas toujours évidente. Typiquement, il s’agit d’une douleur abdominale localisée en fosse iliaque droite, associée parfois à un psoïtis et un début épigastrique, reproduite à la palpation avec souvent une défense (signe de Mac Burney), ou reproduite à la décompression de l’abdomen en fosse iliaque gauche (signe de Bloomberg), voire une contracture en cas de complication à type de perforation ou de péritonite. Le patient est généralement peu fébrile, pâle, avec une langue saburrale, et parfois des nausées et vomissements. Le diagnostic est surtout clinique, mais un bilan biologique et une échographie peuvent être nécessaires, d’autant que la présentation peut être trompeuse chez les jeunes enfants voire nourrissons, ou en cas de localisation atypique de l’appendice (rétro-cæcal, sous-hépatique). La biologie n’est pas spécifique et montre un syndrome inflammatoire biologique avec hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et une CRP élevée. L’échographie permet de confirmer le diagnostic d’appendicite en montrant un appendice augmenté de volume avec parfois une stercolithe, avec des signes indirects tels qu’une infiltration de la graisse mésentérique péri-appendiculaire, un épanchement
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péritonéal, ou des complications telles qu’un abcès ou une péritonite. Dans certains cas douteux, un scanner abdominopelvien peut être utile au diagnostic. La radiographie d’ASP n’est pas indiquée dans ce cas. Le traitement est chirurgical, avec la nécessité d’une appendicectomie par cœlioscopie le plus souvent, ou par laparotomie parfois, associée à un traitement antibiotique ciblé contre les germes digestifs. Invagination intestinale aiguë Il s’agit d’une cause fréquente et redoutée de douleurs abdominales, généralement primitive, survenant classiquement entre 3 mois et 3 ans. La présentation est hétérogène, avec souvent des douleurs abdominales paroxystiques, spontanément résolutives, associées à des vomissements, un refus des biberons voire un syndrome occlusif, et souvent des rectorragies. Chez le nourrisson, elle peut se manifester par des accès de pâleur avec hypotonie voire des malaises graves de type neurologique, associés aux pleurs et vomissements. À l’examen clinique, l’enfant est souvent peu symptomatique en dehors des crises douloureuses, un « boudin d’invagination » est parfois perc¸u à la palpation. Chez l’enfant plus grand, il s’agit plus souvent de causes secondaires qu’il faudra rechercher (polype intestinal, purpura rhumatoïde, diverticule de Meckel ou adénolymphite), avec une présentation plutôt de syndrome occlusif. Le diagnostic est généralement fait à l’échographie, permettant de mettre en évidence l’invagination iléo-cæcale (image en cocarde en coupe transversale ou en « pince de crabe » en coupe longitudinale). La réalisation d’un lavement colique (baryté ou à l’air) sous contrôle chirurgical permet le plus souvent une réduction de l’invagination. En cas d’échec, un traitement chirurgical peut être nécessaire. Les formes grêlo-grêliques, transitoires ne sont généralement pas graves, elles surviennent au cours d’épisodes infectieux de type gastro-entérite et se désinvaginent spontanément. Occlusion intestinale Le tableau digestif est souvent franc, avec en plus des douleurs abdominales diffuses, des vomissements parfois bilieux ou fécaloïdes, un arrêt des matières et des gaz, et un météorisme abdominal. La palpation des orifices herniaires est primordiale. La radiographie d’ASP est utile dans ce cas, permettant de localiser l’occlusion selon l’aspect des niveaux hydroaériques. Les causes d’occlusion sont un volvulus, une hernie étranglée, une bride, une maladie de Hirschsprung. Le traitement est chirurgical en urgence. Affections uro-gynécologiques chirurgicales Chez la fille, un kyste ou une tumeur de l’ovaire peuvent être responsables d’une torsion d’annexe, diagnostiquée généralement à l’échographie vessie pleine. Chez le garc¸on, la torsion d’un testicule est généralement évidente cliniquement et la réalisation d’examens complémentaires ne doit pas faire retarder une prise en charge chirurgicale. Ces torsions, chez la fille ou le garc¸on, sont des urgences chirurgicales afin de préserver la vitalité de l’organe atteint. Chez la jeune fille, selon le contexte, il faudra évoquer un hématocolpos, ou une grossesse intra- ou extra-utérine. Autres causes chirurgicales D’autres causes chirurgicales de douleurs abdominales peuvent être évoquées telles qu’une péritonite, souvent d’origine appendiculaire mais parfois secondaire à une entérocolite ou une affection uro-gynécologique, ou une perforation intestinale. Un traumatisme abdominal peut être responsable de lésions des organes intra-abdominaux, à type de perforation intestinale, ou de fracture ou contusion du foie, de la rate, du pancréas ou du rein. Le contexte est généralement évocateur avec des traumatismes à haute cinétique, mais il est important de le rechercher à l’interrogatoire, en cas de situation douteuse. Un diverticule de Meckel doit être recherché devant des douleurs abdominales associées à une hémorragie digestive basse (mais parfois avec des mélénas). Les douleurs abdominales sont parfois récidivantes dans ce cas. Le diagnostic est rarement fait à l’échographie, et peut nécessiter une scintigraphie (sensibilité de 60–90 %) ou une cœlioscopie exploratrice.
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Causes médicales Bien que plus fréquentes, les causes médicales doivent être évoquées après élimination des causes chirurgicales. Elles sont souvent d’origine infectieuse, et s’accompagnent volontiers d’une fièvre. Causes gastro-entérologiques et hépatobiliaires Gastro-entérite aiguë. Il s’agit d’une cause fréquente de douleurs abdominales, souvent en période épidémique. Les douleurs abdominales sont généralement diffuses, spasmodiques et accompagnées de troubles digestifs à type de diarrhées et vomissements, dans un contexte fébrile. Le risque principal est la déshydratation aiguë. Le diagnostic est clinique et ne nécessite généralement pas d’examen complémentaire. L’origine est généralement virale, mais parfois bactérienne, avec un tableau plus sévère, à type de colite, se manifestant par des rectorragies ou un abdomen pseudochirurgical, et dont le diagnostic est confirmé à l’échographie et par la réalisation d’une coproculture. Les parasitoses intestinales peuvent également être évoquées, principalement en cas de douleurs abdominales chroniques ou récidivantes. Il peut également s’agir d’une intoxication alimentaire ou une banale indigestion. Gastrite et ulcère gastroduodénal. Plutôt d’allure chronique, les douleurs de gastrite peuvent se manifester de manière aiguë, à type d’épigastralgies non fébriles. La suspicion d’UGD peut nécessiter une fibroscopie œso-gastroduodénale en cas de persistance des épigastralgies malgré un traitement anti-acide. Pancréatite aiguë. Il s’agit d’une cause rare chez l’enfant mais à évoquer devant toute douleur épigastrique intense et transfixiante, parfois associée à des vomissements voire un iléus réflexe. Le diagnostic est fait sur l’association de la douleur abdominale et d’une élévation de la lipase supérieure à trois fois la normale. L’échographie en urgence permet de rechercher une lithiase au niveau biliopancréatique, mais l’origine est plus souvent infectieuse, voire toxique. Le traitement est symptomatique avec un repos digestif tant que la douleur persiste, voire à une extraction endoscopique d’une lithiase par sphinctérotomie. Purpura rhumatoïde. Il s’agit d’une cause classique de douleurs abdominales chez l’enfant, généralement associées à des troubles cutanés à type de purpura et de douleurs articulaires. Les douleurs abdominales peuvent être inaugurales et rendre le diagnostic difficile. Une des complications est l’invagination intestinale aiguë, qui doit être systématiquement recherchée à l’échographie. En cas de douleurs abdominales, le traitement du purpura rhumatoïde nécessite une corticothérapie. Polype intestinal. Parfois diagnostiqués à l’échographie en cas de douleurs abdominales, les polypes digestifs sont rares et peuvent se compliquer d’invagination intestinale. Ils peuvent être isolés ou s’intégrer dans une polypose. Constipation ou stase stercorale. Les douleurs sont plutôt chroniques ou récidivantes, mais sont un motif fréquent de consultation en urgence. Hépatite aiguë. Les hépatites aiguës sont responsables de douleurs de l’hypochondre droit, et peuvent s’accompagner de fièvre, de vomissements et/ou d’un ictère. Le diagnostic est fait sur l’élévation des transaminases. L’origine est le plus souvent virale, mais peut également être toxique, auto-immune ou métabolique. Pathologies lithiasiques biliaires. Il s’agit de complications de lithiases biliaires migrant dans les voies biliaires, avec des tableaux plus ou moins sévères de douleurs intenses de l’hypochondre droit, d’ictère ou de fièvre. Elles comprennent la colique hépatique, la cholécystite, l’angiocholite, la pancréatite aiguë biliaire. Causes uro-néphrologiques Infections urinaires. On distingue les infections urinaires basses et hautes. Les cystites provoquent des douleurs hypogastriques, associées à des signes fonctionnels de type dysurie, brûlures mictionnelles ou pollakiurie. Les pyélonéphrites aiguës entraînent des douleurs des fosses lombaires et hypogastriques et s’accompagnent de fièvre. Le diagnostic repose sur l’ECBU, et l’échographie est souvent évocatrice et permet de rechercher des uropathies sous-jacentes ainsi que des complications (abcès). Colique néphrétique. Il s’agit d’une migration de lithiase urinaire dans l’uretère. Le diagnostic doit être évoqué devant toute EMC - Pédiatrie
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douleur intense d’une fosse lombaire, irradiant vers les organes génitaux. Le diagnostic est fait à l’échographie. En cas de fièvre, une infection urinaire sur obstacle doit être recherchée, afin de proposer un drainage en urgence (sonde urétérale type JJ ou néphrostomie) en association avec l’antibiothérapie. Syndrome néphrotique. Le syndrome œdémateux est souvent responsable de douleurs abdominales. Causes gynécologiques En dehors des causes chirurgicales (torsion d’annexe, kyste), des douleurs menstruelles ou une infection des annexes (salpingite) doivent être évoquées chez les filles, en fonction de leur âge et de l’anamnèse. Autres causes médicales Les infections ORL (angine, rhinopharyngite, otite) et pulmonaires (pneumopathie) sont très souvent responsables de douleurs abdominales diffuses chez l’enfant, avec une fièvre élevée, et une polypnée en cas de pneumopathie. D’autres causes « thoraciques » doivent être évoquées, telles qu’une péricardite ou une myocardite, notamment en cas d’association à une dyspnée, des douleurs thoraciques ou des palpitations. Aussi, il est important d’éliminer une infection neuroméningée (méningite), dont le diagnostic et le traitement peuvent être urgents.
▲ Mise en garde Tout enfant se plaignant de douleurs abdominales doit systématiquement avoir un examen ORL, pulmonaire et génito-urinaire.
Il faut se méfier des causes endocrinologiques, avec des douleurs abdominales qui peuvent s’accompagner d’un syndrome polyuropolydipsique (diabète) ou d’une asthénie avec troubles ioniques (insuffisance surrénale), dont le diagnostic n’est pas toujours évident et nécessite un traitement urgent. Les douleurs d’origine articulaire ou cutanée doivent également être évoquées, notamment chez l’enfant en bas âge ou incapable de localiser correctement sa douleur. Les douleurs de crises vaso-occlusives sont évoquées chez les enfants drépanocytaires, et font l’objet de prises en charge spécifiques, avec antalgiques, hyperhydratation et oxygénothérapie. L’adénolymphite mésentérique est un diagnostic d’élimination très fréquent chez l’enfant. Elle survient souvent dans un contexte infectieux ORL ou respiratoire, et correspond à la présence d’adénopathies abdominales, volontiers localisées en fosse iliaque droite et pouvant mimer un syndrome appendiculaire, associées à d’autres adénopathies. L’échographie abdominale permet généralement de redresser le diagnostic, et doit parfois être répétée en cas de doute diagnostique.
Douleurs abdominales récurrentes ou chroniques Les DAR de l’enfant sont une cause fréquente de consultation aux urgences et en ambulatoire. Selon les études, 4 à 25 % des enfants en âge d’aller à l’école souffrent de DAR ayant un impact sur leur activité quotidienne. Elles concernent 12 à 15 % des enfants en France. Les DAR sont responsables d’absentéismes scolaires, d’hospitalisation et parfois d’interventions chirurgicales. Une cause organique n’est retrouvée que dans 5 à 10 % des cas. On note deux pics de fréquence, 4–6 ans et 7–12 ans. Le terme « douleurs abdominales récurrentes » est un terme descriptif et ne constitue pas un diagnostic à lui seul. Les DAR ont été définies dès les années 1950 par Apley and Naish par trois épisodes en 3 mois suffisants pour retentir sur l’activité (ex. l’arrêt du jeu) [4] . Leur définition a évolué au fil des ans notamment grâce à l’établissement de critères cliniques, les critères de Rome, réactualisés régulièrement. Ils permettent de définir plusieurs entiEMC - Pédiatrie
Tableau 2. Les causes organiques de douleurs abdominales récurrentes. Causes digestives Signes dyspeptiques
Signes intestinaux
Reflux gastro-œsophagien Gastrite à Helicobacter pylori Pancréatite chronique Lithiase biliaire Œsophagite à éosinophiles (OE)
Constipation Intolérance au lactose Maladies inflammatoires chroniques intestinales Maladie cœliaque Allergies alimentaires Déglutition d’air Syndrome de Chilaiditi
Causes uro-génitales Lithiase urinaire Uropathies malformatives Tumeur ou kyste de l’ovaire Dysménorrhées Causes neurologiques Tumeur spinale Myélite transverse Causes endocrinologiques Insuffisance surrénalienne Phéochromocytome Autres Fièvre méditerranéenne Drépanocytose Porphyrie Œdème angioneurotique héréditaire
tés fonctionnelles en fonction des symptômes présentés par les patients. Les causes de DAR sont nombreuses et le défi pour le clinicien réside dans le fait d’éliminer une cause organique avant d’établir le diagnostic de DAR « fonctionnelle ». Les douleurs abdominales fonctionnelles sont un diagnostic clinique qui ne nécessite, en théorie, aucun examen complémentaire [5, 6] .
Causes organiques Les étiologies organiques de DAR peuvent être divisées en causes médicales et chirurgicales ou encore classifiées en causes anatomiques, métaboliques, infectieuses, inflammatoires ou néoplasiques. En plus des causes digestives, il faut savoir évoquer des causes extradigestives telles que les affections uro-génitales ou encore des maladies générales et moins fréquentes (Tableau 2). DAR avec signes dyspeptiques Reflux gastro-œsophagien (RGO). Le RGO est physiologique chez l’enfant de moins de 6 mois. Chez l’enfant en âge de s’exprimer, il peut être responsable d’un pyrosis qui nécessite une prise en charge adaptée, et peut se compliquer d’œsophagite. Un traitement d’épreuve par inhibiteur de la pompe à proton (IPP) de 4 à 6 semaines est justifié. En cas de persistance sous IPP ou de récidive à l’arrêt des IPP, une fibroscopie digestive haute peut préciser le diagnostic. Gastrite à Helicobacter pylori. La colonisation de la muqueuse digestive par H. pylori est responsable d’une gastrite qui peut évoluer vers un ulcère duodénal mais pas l’ulcère gastrique dans les pays à faible prévalence d’infection. Les douleurs sont caractérisées par des épigastralgies. Le diagnostic est réalisé par endoscopie, qui permet de visualiser la muqueuse gastrique et de réaliser des biopsies digestives mettant en évidence d’H. pylori en colorations spéciales, à l’examen direct et la mise en culture avec réalisation d’un antibiogramme. Un diagnostic par voie non invasive tel que le test respiratoire à l’urée n’est pas recommandé pour le diagnostic d’infection à H. pylori mais est utile pour le suivi. Le traitement chez l’enfant doit viser un taux d’éradication supérieur à 90 % et doit être adapté si possible à l’antibiogramme. Il comporte un IPP à forte dose (2 mg/kg) associé à deux antibiotiques parmi amoxicilline, clarithromycine et métronidazole, pour une durée de 14 jours. Un test respiratoire
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à l’urée marquée doit être réalisé 4 à 6 semaines après l’arrêt du traitement afin de confirmer son éradication. Ulcère gastro-duodénal (UGD). Rare chez l’enfant, il peut se présenter sous forme de douleur épigastrique chronique, soulagée par l’alimentation, et parfois associée à des vomissements, ou être révélé par une complication à type d’hémorragie ou de perforation. Un facteur favorisant tel qu’une prise d’anti-inflammatoire non stéroïdien ou de corticothérapie doit être recherché. Le diagnostic est confirmé au cours d’une fibroscopie œso-gastroduodénale. Œsophagite à éosinophiles (OE). L’OE est une entité clinique particulière qui survient sur un terrain allergique. Elle résulte probablement d’une réaction immunitaire contre certains antigènes alimentaires. Il s’agit d’une inflammation de l’œsophage responsable de DAR accompagnées de reflux ou de difficultés alimentaires, pouvant évoluer progressivement vers des blocages alimentaires. L’endoscopie digestive haute est indispensable pour réaliser le diagnostic car elle permet la réalisation de biopsies qui retrouveront un infiltrat inflammatoire avec prédominance d’éosinophiles (supérieur à 15 éosinophiles par champ) à l’histologie. La prise en charge doit comprendre une consultation chez un allergologue pouvant permettre l’éviction d’aliments responsables du processus inflammatoire, ainsi qu’un traitement par IPP, parfois associé à des corticoïdes topiques. Pancréatite chronique. Elle doit être évoquée en cas de terrain familial de pancréatite chronique ou de pathologie prédisposant telle qu’une mucoviscidose. Le diagnostic est réalisé par le dosage des lipases et une échographie abdominale réalisée au moment des crises douloureuses. Des examens complémentaires biologiques et d’imagerie (IRM pancréatique) préciseront l’étiologie et le retentissement. Lithiase biliaire. La symptomatologie en cas de lithiase biliaire est proche de celle de chez l’adulte, avec des épisodes de coliques hépatiques, responsables de douleurs récidivantes de l’hypochondre droit. En cas d’impaction d’une lithiase dans la voie biliaire principale, la douleur est associée à un ictère, et peut évoluer vers une angiocholite lorsqu’elle est associée à de la fièvre. Le diagnostic est réalisé grâce à l’échographie abdominale qui met en évidence une ou des lithiases dans la vésicule ou une dilatation des voies biliaires. DAR avec signes intestinaux Constipation. La constipation de l’enfant est un problème fréquent responsable de DAR. Elle constitue 3 à 5 % des motifs de consultation de pédiatrie générale. La constipation se définit par une diminution de la fréquence des selles associée à une augmentation de leur volume, et elle est très souvent associée à des DAR, péri-ombilicales qui ne réveillent généralement pas le patient la nuit. Ces DAR sont parfois associées à des rectorragies secondaires à des fissures anales, un fécalome ou encore une encoprésie. Elles ne sont pas responsables de vomissements ni de retard staturopondéral. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire pour réaliser le diagnostic. Le traitement de choix est l’utilisation de laxatifs type macrogol sur une durée prolongée (au moins 3 mois), associé à des règles hygiénodiététiques simples : augmentation des boissons non sucrées, augmentation des rations de fibres, limiter les apports en sucres rapides et favoriser l’activité physique. Intolérance au lactose. L’intolérance au lactose chez l’enfant de plus de 5 ans est secondaire à la diminution de la production de la lactase comme chez l’adulte, on parle ainsi d’hypolactasie. Ceci entraîne une diminution de la digestion du lactose qui est ainsi métabolisé par les bactéries coliques entraînant des symptômes digestifs lors de l’ingestion de lactose : douleurs abdominales accompagnées de flatulences, d’émission de gaz et de selles acides (du fait de la présence d’acide lactique dans les selles). Un test respiratoire (« breath test ») avec mesure de l’hydrogène expiré après ingestion de lactose peut orienter le diagnostic. L’éviction du lactose, en maintenant des préparations lactées pauvre en lactose (lait délactasé, fromage à pâte cuite), permet une disparition rapide des symptômes. MICI. De plus en plus fréquentes chez l’enfant, les MICI sont constituées de plusieurs entités cliniques majoritairement représentées par la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Leur physiopathologie est complexe et multifactorielle. On dit
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classiquement que les MICI sont dues à une hyperactivation du système immunitaire digestif secondaire à des modifications du microbiote intestinal sur un terrain génétique particulier. Elles sont responsables de DAR qui réveillent le patient la nuit, elles sont associées le plus souvent à une accélération du transit (diarrhées, parfois nocturnes), des sensations de faux besoins et des rectorragies. Elles peuvent être associées à des signes extradigestifs (arthralgies, lésions cutanées et uvéite) et ont un retentissement sur la croissance staturopondérale qui précède souvent l’apparition des symptômes digestifs. Elles peuvent également être responsables d’une anorexie et d’un amaigrissement isolé. Les examens complémentaires cherchent à mettre en évidence une inflammation (élévation de la VS, CRP, thromobcytose, anémie d’allure inflammatoire). La calprotectine fécale permet de mettre en évidence une inflammation intestinale. L’échographie retrouve habituellement une inflammation digestive (iléite, épaississement pariétal colique). Le diagnostic est confirmé lors d’un bilan endoscopique haut et bas avec biopsies étagées qui doit être réalisé en centre spécialisé avant de débuter un traitement. Le traitement, basé en majorité sur des immunosuppresseurs, dépend de la gravité et de la forme clinique de la MICI. Maladie cœliaque (MC). La MC est une maladie dysimmunitaire systémique qui est responsable d’une atrophie villositaire totale chez des patients génétiquement prédisposés. Classiquement la MC débute à l’introduction du gluten vers l’âge de 6 mois et associe diarrhée chronique, anorexie, apathie, météorisme abdominal et perte de poids. Le plus souvent, le tableau sera moins évocateur et il faut savoir rechercher la MC devant des manifestations digestives ou extradigestives très variées incluant classiquement les DAR associées ou non à des troubles du transit, un retard de croissance et un retard pubertaire. Le diagnostic repose sur le dosage des immunoglobulines A (IgA) anti-transglutaminases (anti-TG) associé à un dosage pondéral des IgA totales afin d’éliminer un déficit en IgA, présent chez 10 % des patients avec MC. Si le dosage des IgA anti-TG est supérieur à dix fois la normale et que les IgA anti-endomysium sont également positives, le diagnostic est confirmé et il n’est alors pas nécessaire de réaliser une fibroscopie digestive haute. En cas de doute, les biopsies réalisées lors de l’endoscopie retrouveront une atrophie villositaire totale associée à un infiltrat lymphocytaire intra-épithélial. Le traitement consiste en l’exclusion stricte du gluten dans l’alimentation, à vie. Parasitoses digestives. En cas de douleurs abdominales chroniques, souvent associées à des symptômes digestifs tels que des diarrhées, une infection parasitaire doit être évoquée, et faire réaliser un examen parasitologique des selles 3 jours de suite afin d’optimiser les chances de mettre en évidence un parasite responsable (Giardia, Ascaris). Allergies alimentaires. Elles sont de plus en plus fréquentes chez les enfants. L’allergie aux protéines de lait de vache est la plus précoce et la plus fréquente chez les enfants de moins de 1 an. Les allergies alimentaires peuvent être responsables de manifestations digestives telles que des douleurs abdominales accompagnées souvent de diarrhées ou vomissements lors de la consommation d’aliments allergisants. D’autres signes doivent être recherchés et simplifient le diagnostic (manifestations générales d’anaphylaxie, cutanéomuqueuses, respiratoires). Le diagnostic est évoqué principalement sur l’anamnèse, et nécessite des explorations allergologiques telles que des prick-tests, des patchs-tests ou des dosages d’IgE spécifiques des allergènes. Le traitement consiste en l’éviction de l’allergène, et des épreuves de réintroduction (tests de provocation) doivent être réalisées en milieu spécialisé. DAR d’origine extradigestive Des causes uro-néphrologiques (malformations de l’arbre urinaire, infections urinaires récidivantes, lithiases urinaires) et gynécologiques (douleurs menstruelles, dysménorrhées, kystes ovariens, voire hématocolpos) peuvent être responsables de DAR. La maladie périodique (fièvre méditerranéenne familiale) se manifeste par des douleurs abdominales cycliques, accompagnées de fièvre et syndrome inflammatoire, chez des patients originaires du bassin méditerranéen. EMC - Pédiatrie
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Figure 2. Physiopathologie des douleurs fonctionelles.
Évènement médical déclencheur
Inflammation Infections/allergies
Distension
Prédisposition génétique
Anomalies de la motricité
Hypersensibilité viscérale
Douleur abdominale
Évènement psychosocial déclencheur Dépression, Stress familial Anxiété
Bénéfices secondaires
Abus sexuels
Stress
Des causes neurologiques telles que des tumeurs cérébrales ou médullaires peuvent exceptionnellement se manifester par des douleurs abdominales chroniques.
Causes fonctionnelles Si l’examen ne retrouve pas de signes d’alarmes, il convient d’évoquer plusieurs tableaux cliniques d’ordres fonctionnels. La compréhension des mécanismes physiopathologiques régissant les douleurs abdominales non organiques est en perpétuelle évolution entraînant une modification de leur terminologie et les regroupant sous le terme de maladies de l’interaction intestin/cerveau. La prise en compte de ces DAR est essentielle car leur impact sur la vie quotidienne est important avec notamment un absentéisme scolaire, un retentissement familial ou encore une consommation d’antalgiques et de dépenses de santé importantes [7] . Les atteintes fonctionnelles digestives peuvent être caractérisées par les critères de Rome publiés pour la première fois en 1999 et régulièrement réévalués. La dernière publication des critères de Rome date de 2016 (Rome IV) [8] . Ces critères distinguent quatre formes de douleurs non organiques : les dyspepsies fonctionnelles (DF), le syndrome de l’intestin irritable (SII), les migraines abdominales et les douleurs abdominales fonctionnelles inclassables. Leur prise en charge consiste en l’association d’un éventuel traitement médicamenteux, souvent inefficace, à une prise en charge psychosomatique avec des thérapeutiques alternatives (thérapies comportementales, sophrologie ou hypnose). Dyspepsie fonctionnelle Les DF sont principalement liées à un défaut de relaxation de l’estomac lors des repas. Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été évoquées telles que des anomalies de la motricité gastrique, une hypersensibilité viscérale, une inflammation de bas grade ou encore une prédisposition génétique. Elles apparaissent dans 24 % des cas au décours d’une gastro-entérite. Les critères diagnostiques de Rome IV définissent la DF comme l’apparition depuis plus de 2 mois, 4 jours par mois, d’une sensation « d’estomac plein », de satiété précoce, de douleur ou brûlure épigastrique non liées à la défécation. L’examen clinique s’attardera à évaluer le retentissement des douleurs sur la prise alimentaire au cours de la journée. Des examens complémentaires peuvent être évoqués en cas de symptômes atypiques associés à un pyrosis comme une pH-métrie, voire une œsogastro-duodénoscopie en cas d’épigastralgies associées au repas ou réveillant l’enfant la nuit notamment en présence d’antécédents familiaux d’ulcères ou d’infection à H. pylori. Sur le plan thérapeutique, un traitement d’épreuve par IPP peut être proposé à la posologie initiale EMC - Pédiatrie
de 1 mg/kg pour une durée de 1 mois. En cas d’échec et de l’absence d’organicité, un traitement par amitriptyline ou imipramine après avis spécialisé auprès d’un médecin de la douleur peut être utilisé. Enfin, la stimulation électrique gastrique semble être un traitement efficace pour les DF résistantes aux traitements conventionnels. Syndrome de l’intestin irritable La prévalence de SII est de 5 % environ chez l’enfant d’âge scolaire. Le SII de l’enfant, comme chez l’adulte, peut être divisé en sous-groupes en fonction de la consistance des selles (diarrhée, constipation, alternance diarrhée/constipation et non spécifiée). Sur le plan physiopathologique, le SII est considéré comme une maladie de l’interaction intestin/cerveau. Il résulte entre autres d’une hypersensibilité viscérale, souvent liée à l’état psychologique de l’enfant (anxiété, dépression, colère), d’une muqueuse pro-inflammatoire succédant le plus souvent à un épisode de gastro-entérite aiguë et d’une altération du microbiote intestinal (Fig. 2). Les critères diagnostiques du SII sont : des douleurs abdominales persistantes pendant au moins 4 jours par mois associées à la défécation, et/ou à un changement de fréquence d’émission des selles, et/ou à un changement de consistance des selles. En cas de constipation initiale, les douleurs ne disparaissent pas même lorsque la constipation est résolue, auquel cas on parle de constipation fonctionnelle. Une cause organique doit également être éliminée avant de poser le diagnostic de SII. Sur le plan thérapeutique, très peu d’études randomisées en double aveugle ont été réalisées. Certaines études (tout trouble fonctionnel confondu) suggèrent une efficacité de certains régimes d’exclusions (diminution des apports d’oligosaccharides fermentés, de monosaccharides et de polyols). Chez l’enfant, les thérapies comportementales et la sophrologie peuvent également avoir une efficacité sur la prise en charge de la douleur. Migraine abdominale (MA) La fréquence des MA chez l’enfant constitue entre 1 et 23 % des DAR selon les critères diagnostiques. À l’image des céphalées migraineuses, les douleurs sont épisodiques, limitées à l’abdomen et évoluent par poussées avec un retour à la normale entre chaque épisode. Les facteurs déclenchants sont similaires : le stress, la fatigue, les voyages. Ces facteurs peuvent être associés à d’autres symptômes fonctionnels tels que des nausées, une anorexie et des vomissements. Les MA peuvent évoluer en céphalées migraineuses à l’âge adulte. Les critères diagnostiques des MA sont les suivants : le patient doit avoir expérimenté au moins deux fois des épisodes paroxystiques de douleurs abdominales aiguës péri-ombilicales ou diffuses, durant au moins 1 heure, associées à au moins deux symptômes fonctionnels parmi l’anorexie,
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4-014-C-70 Douleurs abdominales
les nausées, les vomissements, les céphalées, une photophobie ou une pâleur. L’apparition des douleurs est stéréotypée chez chaque patient. L’activité au moment des douleurs est impossible et l’état général est parfaitement conservé entre chaque crise. Avant d’évoquer un diagnostic de MA il faut éliminer une cause organique telle qu’une obstruction intestinale intermittente, des pancréatites aiguës récurrentes, une fièvre méditerranéenne ou encore une atteinte des voies biliaires. Le traitement dépend de l’impact, de la fréquence et de l’intensité des épisodes douloureux. Les traitements classiques utilisés en cas de céphalées migraineuses semblent efficaces (tryptan, bétabloquants et cyroheptadine) chez ces patients. Douleurs abdominales fonctionnelles inclassables Par définition, les douleurs abdominales fonctionnelles inclassables sont des DAR de l’enfant qui ne rentrent pas dans les critères cliniques des autres douleurs abdominales fonctionnelles sus-citées. Elles concernent environ 2 % des DAR de l’enfant d’âge scolaire. Les critères diagnostiques comprennent des épisodes de douleurs abdominales plus de quatre fois par mois qui ne peuvent être expliqués par une cause physiologique (alimentation ou menstruation) et qui ne peuvent pas être identifiés comme une DF, un SII ou une MA. Sur le plan thérapeutique les antispasmodiques ainsi que les antidépresseurs tricycliques n’ont pas fait preuve de leur efficacité chez l’enfant. Les thérapies comportementales et l’hypnothérapie semblent en revanche être efficaces chez ces patients.
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Références [1] [2] [3] [4] [5]
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M. Ruiz, Docteur ([email protected]). Service d’hépatologie gastro-entérologie et nutrition pédiatriques, Hôpital Femme-Mère-Enfant, Hospices civils de Lyon, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron, France. R. Duclaux-Loras, Docteur. Service d’hépatologie gastro-entérologie et nutrition pédiatriques, Hôpital Femme-Mère-Enfant, Hospices civils de Lyon, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron, France. Unité Inserm 1111, Centre international de recherche en infectiologie (CIRI), 46, allée d’Italie, 69364 Lyon cedex 07, France. Université Claude-Bernard-Lyon 1, 43, boulevard du 11-Novembre-1918, 69100 Villeurbanne, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Ruiz M, Duclaux-Loras R. Douleurs abdominales. EMC - Pédiatrie 2021;41(3):1-8 [Article 4-014-C-70].
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EMC - Pédiatrie
4-060-A-40
Lithiase biliaire chez l’enfant F. Lacaille Résumé : La lithiase biliaire est beaucoup moins fréquente chez l’enfant que chez l’adulte. Toutefois, un certain nombre de maladies chroniques, hépatiques, digestives ou hémolytiques et l’obésité à l’adolescence prédisposent à la formation de calculs dans la vésicule biliaire. Dans la grande majorité des cas, les calculs sont découverts fortuitement sur une échographie réalisée pour des douleurs abdominales d’allure fonctionnelle. Ils sont très rarement responsables de douleurs et disparaissent souvent spontanément. Le caractère typique de colique hépatique peut être difficile à mettre en évidence chez l’enfant. Il faut rechercher systématiquement une maladie hépatique, une hémolyse et une hypercholestérolémie. Les complications sont rares, cholécystite, migration dans la voie biliaire principale, pancréatite, cholangite. La cholécystectomie, de préférence par voie cœlioscopique, est proposée en cas de complications, et aussi de maladie sous-jacente, en particulier hémolyse chronique ou mucoviscidose. Un accident lithiasique peut révéler un kyste du cholédoque. La « fausse lithiase » de la ceftriaxone disparaît après la fin du traitement. © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Lithiase ; Cholécystite ; Cholangite ; Pancréatite ; Hémolyse ; Mucoviscidose ; Cholestase ; Résection intestinale ; Ceftriaxone ; Cholécystectomie ;
Plan ■
Introduction
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Mécanismes de formation des calculs Composition des calculs Composition de la bile
1 1 1
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Étiologie En période néonatale Après la période néonatale
2 2 2
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Clinique Colique hépatique Cholécystite Lithiase de la voie biliaire principale Cholangite (angiocholite) Pancréatite Hoquet Cholestase néonatale
3 3 3 4 3 3 3 3
Diagnostic Radiologie Biologie
3 3 3
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Traitement Traitement médical Cholécystectomie Traitement endoscopique Traitement radiologique Cas particulier du kyste du cholédoque
3 4 4 4 4 4
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Attitude en pratique
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■
l’échographie devant des douleurs abdominales peut faire découvrir des calculs, dont la responsabilité dans les symptômes est douteuse. Chez le jeune enfant, les calculs sont souvent secondaires à une maladie générale, en particulier hémolytique, alors qu’ils sont généralement « idiopathiques » chez l’enfant plus grand [3, 4] . Ils se compliquent rarement, mais il faut savoir différencier les calculs « innocents », découverts fortuitement lors de l’exploration de douleurs abdominales fonctionnelles, de ceux responsables de coliques hépatiques, dont le caractère est rarement typique chez l’enfant. Par ailleurs, la cholécystite, la surinfection, ou la migration du calcul, bien que rares, peuvent parfois justifier une cholécystectomie prophylactique.
Mécanismes de formation des calculs Composition des calculs En fonction de leur composition, les calculs sont de plusieurs types : • cholestéroliques, comme les calculs « habituels » de l’adulte, formés de cristaux de cholestérol précipités dans la bile, et éventuellement secondairement calcifiés ; • pigmentaires ou protéiques : en cas d’hémolyse chronique, le matériel précipité est formé de cristaux de bilirubinate, produit de dégradation de l’hémoglobine ; dans la mucoviscidose, des composants protéiques précipitent dans la bile déshydratée ; • médicamenteux : la « fausse lithiase » observée dans les traitements par ceftriaxone [5] .
Introduction
Composition de la bile
La lithiase biliaire, maladie menant à la formation de calculs dans la vésicule ou les voies biliaires, est beaucoup moins fréquente chez l’enfant que chez l’adulte. Sa prévalence est estimée entre 0,15 % et 1,9 % [1, 2] . Toutefois, la pratique généralisée de
La bile est formée de trois composants organiques principaux : acides biliaires (produits finaux de dégradation du cholestérol), cholestérol, phospholipides ; d’eau et d’électrolytes ; et d’une petite proportion de protéines, en particulier des mucines
EMC - Pédiatrie Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021 http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)44441-8
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4-060-A-40 Lithiase biliaire chez l’enfant
sécrétées par les cellules épithéliales biliaires. En situation normale, les lipides sont solubilisés par les acides biliaires, qui forment des micelles : la proportion respective de chacun des composants est importante pour le bon équilibre de solubilisation. La sécrétion de tous ces composants est assurée par des transporteurs spécifiques au pôle biliaire des hépatocytes [6] . Un déséquilibre entre les composants est responsable de la formation de cristaux, qui forment d’abord une « boue » (sludge) dans la vésicule biliaire. Secondairement, ces cristaux s’amalgament pour former de véritables calculs. Ils peuvent ensuite se calcifier, plus rarement chez l’enfant que chez l’adulte. En cas d’interruption du cycle entéro-hépatique ou de cholestase, le déséquilibre provient d’une diminution soit du pool des acides biliaires, soit de leur sécrétion biliaire. Certaines anomalies génétiques des transporteurs spécifiques, qui à l’état homozygote se traduisent par des anomalies sévères et une cirrhose biliaire (cholestase fibrogène familiale ou progressive familial intrahepatic cholestasis [PFIC]), n’entraînent chez les hétérozygotes qu’une diminution de sécrétion de l’un ou l’autre composant, et donc un déséquilibre. Dans le cas des lithiases pigmentaires ou dans la mucoviscidose, des composants, normalement solubilisés en faible quantité dans la bile, sont présents en excès et précipitent. En cas de déshydratation ou de traitement diurétique, c’est le solvant aqueux qui est insuffisant. Dans tous les cas, la précipitation a lieu là où la bile stagne, dans la vésicule biliaire. Si le flux biliaire est normal, il est rare que les calculs se forment dans les canaux biliaires intra-hépatiques, sauf en cas d’obstacle avec ralentissement du flux. Les calculs peuvent ensuite migrer dans la voie biliaire principale, et entraîner des douleurs ou des signes d’obstacle.
“ Point fort • Des calculs se forment quand il existe dans la bile un déséquilibre entre le cholestérol, les phospholipides et les acides biliaires. • Ils peuvent aussi se former quand la bile est déshydratée (mucoviscidose, diurétiques) ou quand un composant normalement solubilisé est en excès (bilirubinate en cas d’hémolyse). • Certaines anomalies génétiques de formation de la bile, chez les hétérozygotes, peuvent être cause d’une maladie lithiasique. • Les calculs se forment là où la bile stagne (vésicule).
Étiologie
(Tableau 1)
En période néonatale Des calculs peuvent se former dans toutes les situations de détresse néonatale, en cas de cholestase ou d’interruption du cycle entéro-hépatique : prématurité, infections, chirurgie digestive précoce, nutrition parentérale totale [2–4] .
Après la période néonatale Hémolyse chronique La lithiase est particulièrement fréquente en cas de drépanocytose, de thalassémie majeure, ou de sphérocytose héréditaire [7] . Il faut rechercher une maladie hémolytique moins sévère devant tout calcul, a fortiori symptomatique.
Tableau 1. Causes de la lithiase biliaire chez l’enfant. Hémolyse chronique, génétique ou non Résection intestinale Cholestase chronique Mucoviscidose Mutations hétérozygotes des gènes responsables de PFIC Anomalie anatomique : kyste du cholédoque Obésité Traitement par ceftriaxone (« fausse lithiase ») Pas de maladie sous-jacente : le plus fréquent PFIC : progressive familial intrahepatic cholestasis.
dans l’iléon terminal par un transporteur spécifique. Si cette réabsorption est inefficace, par exemple après résection de la dernière anse iléale, les acides biliaires sont réabsorbés, mais beaucoup moins efficacement, tout au long de l’intestin. Le pool d’acides biliaires circulant dans le cycle entéro-hépatique est réduit. La synthèse d’acides biliaires augmente, mais pas toujours suffisamment pour que leur concentration dans la bile reste constante [8] .
Cholestase Quelle qu’en soit la cause, la cholestase est par définition une diminution de sécrétion des acides biliaires. De nombreuses maladies hépatiques chroniques peuvent donc se compliquer de lithiase.
Mucoviscidose Le canal chlore défectueux dans la maladie (cystic fibrosis transmembrane conductance regulator [CFTR]), est présent au pôle apical des cellules épithéliales biliaires, qui sécrètent une proportion importante de l’eau biliaire, grâce entre autres à ce canal chlore. La bile des patients est donc déshydratée. De plus, la sécrétion de mucines par les mêmes cellules est anormale. Les calculs se forment donc à partir de quantités anormales de protéines et de bilirubinate de calcium dans une bile déshydratée [9] .
Obésité La bile est sursaturée en cholestérol, dont l’excrétion biliaire est l’un des principaux moyens de régulation. Les calculs sont observés plutôt à l’adolescence chez les filles [10] .
Anomalies génétiques Des anomalies hétérozygotes des gènes responsables de PFIC (FIC1, BSEP, MDR3) favorisent la lithiase, en particulier chez des patients jeunes, qui développent souvent des complications précoces [11] . Des mutations hétérozygotes de ces gènes sont aussi responsables de cholestase gravidique ou médicamenteuse (estroprogestatifs), tous antécédents qu’il faut donc rechercher. Vue la complexité des mécanismes de formation de la bile, il est probable que des polymorphismes sur d’autres gènes puissent être responsables de maladie lithiasique, en particulier familiale.
Anomalies anatomiques Une migration lithiasique ou une cholangite sur obstacle biliaire peuvent faire découvrir un (pseudo-)kyste du cholédoque (dilatation congénitale de la voie biliaire principale). Les voies biliaires apparaissent à l’échographie plus dilatées que ne le voudrait une simple réaction à la migration d’un calcul. En cas de doute, il faut recontrôler l’échographie à distance.
Pas de maladie sous-jacente retrouvée Résection intestinale La plus grande partie des acides biliaires sécrétés dans la bile et excrétés dans l’intestin est normalement réabsorbée activement
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C’est la situation la plus fréquente. Un déséquilibre transitoire dans la composition de la bile est sans doute responsable de la formation d’un calcul, qui s’élimine le plus souvent sans récidive. EMC - Pédiatrie
Lithiase biliaire chez l’enfant 4-060-A-40
Clinique Chez l’enfant, les calculs biliaires sont, dans la majorité des cas, découverts fortuitement sur une échographie, pratiquée devant des douleurs abdominales non spécifiques. Les calculs étant rarement calcifiés, on ne les voit généralement pas sur les radiographies simples [12] .
Colique hépatique C’est seulement chez le grand enfant, et inconstamment, que les douleurs ont les caractères typiques d’une colique hépatique (c’est-à-dire apathique) : douleur violente irradiant à l’épaule ou dans le dos, au mieux contrôlée par l’immobilité. Elles sont, en particulier chez le petit, plus difficiles à différencier des douleurs abdominales « fonctionnelles ». Il faut bien interroger, pour mettre en évidence le caractère « apathique », « coupant le souffle », l’enfant interrompant ses activités, et se mettant à pleurer quand la colique est passée. Entre les crises, l’examen clinique est normal.
Cholécystite C’est le plus souvent la complication d’une maladie sousjacente, en particulier hémolyse chronique. Elle s’accompagne de douleurs de l’hypocondre droit irradiant à l’épaule, souvent de vomissements, d’un syndrome infectieux, et parfois d’un ictère [1–3] . Une douleur est déclenchée à la palpation de l’hypocondre droit.
Lithiase de la voie biliaire principale Un calcul enclavé dans le cholédoque se manifeste par des douleurs de type hépatique, un ictère ou seulement une décoloration des selles si l’obstacle n’est pas complet, sans fièvre s’il n’y a pas de surinfection.
Cholangite (angiocholite) C’est la complication d’une migration lithiasique dans la voie biliaire principale, avec obstacle plus ou moins complet et surinfection de la bile en amont. Les douleurs d’allure hépatique s’accompagnent d’un syndrome infectieux sévère et d’un ictère.
Pancréatite Elle complique la migration de petits calculs dans la voie biliaire principale, qui peuvent aller bloquer le canal de Wirsung au niveau du sphincter d’Oddi. Les douleurs sont plus médianes et transfixiantes que celles d’une colique hépatique, souvent intenses. Il y a souvent des vomissements.
Hoquet Le hoquet incoercible est une complication assez spécifique de la « fausse lithiase » induite par la ceftriaxone [13] .
Cholestase néonatale Chez le nouveau-né, les douleurs de la migration d’un calcul peuvent passer inaperc¸ues, et le tableau peut être celui d’un ictère avec urines foncées, les selles étant souvent décolorées au moins de fac¸on intermittente.
Diagnostic Radiologie Le diagnostic est facile à l’échographie, qui montre le ou les calculs sous la forme d’échos mobiles avec cône d’ombre postérieur, et leur position, dans la vésicule, près du collet ou dans la voie biliaire principale. Il n’est pas toujours facile de repérer des calculs dans la voie biliaire principale, en particulier dans sa EMC - Pédiatrie
“ Point fort • La plupart des calculs sont « innocents ». • Les complications sont rares en l’absence de maladie sous-jacente. • La colique hépatique « coupe le souffle » (« apathique ») irradie à l’épaule et dans le dos, et doit être différenciée des douleurs abdominales fonctionnelles « banales » périombilicales. • Il peut s’y associer des douleurs de pancréatite, si des calculs ont migré jusqu’au canal de Wirsung.
partie inférieure. L’échographie peut aussi confirmer le diagnostic de cholécystite, avec une douleur au passage de la sonde sur l’hypocondre droit, et une paroi vésiculaire épaisse. Un épisode de migration de calcul s’accompagne souvent d’une dilatation des voies biliaires en amont, qui peut persister plusieurs mois. Si le diagnostic n’est pas déjà connu, l’échographie peut aussi montrer la splénomégalie d’une hémolyse chronique (sauf la drépanocytose), et faire suspecter un kyste du cholédoque, si la dilatation des voies biliaires, fusiforme, est plus importante que ne l’explique la migration d’un calcul. En cas de suspicion de kyste du cholédoque, la cholangioimagerie par résonance magnétique (IRM) est indispensable pour mettre en évidence l’anomalie de jonction bilio-pancréatique (canal commun), toujours présente. La dilatation des voies biliaires sus-jacente est variable en fonction du type de kyste. Un calcul enclavé dans le collet vésiculaire ou le canal cystique donne un tableau d’hydrocholécystite, avec des douleurs violentes, et une énorme vésicule biliaire dilatée à l’échographie.
Biologie Il faut, lors du diagnostic de lithiase, rechercher une maladie hépatique par la mesure des transaminases et gamma-glutamyltranspeptidases (␥GT), une hypercholestérolémie et une hémolyse (dosage de l’haptoglobine ou numération des réticulocytes). Toutefois, les ␥GT, enzymes de l’épithélium biliaire, sont augmentées après un épisode de migration lithiasique, et de fac¸on plus importante après une cholécystite. Les transaminases peuvent aussi être un peu augmentées, mais proportionnellement moins. Il faut contrôler leur normalisation à distance. Il faut savoir reconnaître des douleurs de pancréatite, et demander la mesure des enzymes spécifiques (lipase plus sensible qu’amylase).
Traitement La plupart des calculs découverts à l’échographie sont asymptomatiques, et ne justifient aucun traitement. C’est rappeler
“ Point fort • Il faut rechercher une maladie hépatique, une hémolyse, et une hypercholestérolémie. • Les ␥GT sont souvent augmentées après la migration d’un calcul. Il faut vérifier leur normalisation. • La voie biliaire principale est souvent un peu dilatée après la migration d’un calcul. Il faut vérifier la normalisation. • Si les voies biliaires restent dilatées ou le sont de fac¸on importante d’emblée, un kyste du cholédoque est suspecté et confirmé par cholangio-IRM.
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l’importance de la description sémiologique des douleurs abdominales, qui ne sont pas améliorées par une cholécystectomie.
“ Point fort
Traitement médical Le seul traitement étiologique disponible est l’acide ursodésoxycholique, qui ne dissout que les lithiases cholestéroliques [14] . L’acide ursodésoxycholique est un acide biliaire de synthèse (naturel chez l’ours), excrété dans la bile, et rétablissant l’équilibre micellaire entre les lipides et les acides biliaires. Il peut donc aider à la dissolution de calculs, ce qui ne survient qu’après plusieurs mois, l’effet ne persistant que tant qu’il est administré. Il s’agit donc d’un traitement au long cours. Il n’est pas justifié dans la plupart des calculs de l’enfant qui ne nécessitent pas de traitement, ou qui sont éliminés par une cholécystectomie. Il peut être utile dans de rares cas : • chez des enfants très fragiles chez qui une complication risquerait d’être dramatique ; • préventivement après résection intestinale (mais se pose la question de son absorption) ; • quand le calcul est de moins de 5 mm chez un adolescent obèse. Son absence de toxicité rend son maniement très facile, mais il a un effet cathartique et peut aggraver une diarrhée. La dose est de 5 à 10 mg/kg deux fois par jour. Il est inefficace dans la mucoviscidose, où les calculs ne sont pas cholestéroliques. Le traitement de la colique hépatique est symptomatique : antalgiques simples, antispasmodiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens. En cas d’infection, l’antibiothérapie doit viser les entérobactéries et les anaérobies.
Cholécystectomie L’ablation de la vésicule biliaire, de préférence par cœlioscopie, est le traitement de la lithiase compliquée : coliques hépatiques répétées, cholécystite, pancréatite. Les complications chirurgicales sont très rares, et l’absence de vésicule n’a pas de conséquence à long terme. En cas de surinfection, la chirurgie doit être précédée d’une antibiothérapie. Il est exceptionnellement nécessaire de réaliser un drainage externe en urgence pour contrôler un sepsis grave. La cholécystectomie est au mieux pratiquée « à froid », à distance d’une infection. La fréquence des complications dans les hémolyses chroniques, en particulier la drépanocytose, conduit à proposer la cholécystectomie prophylactique. Elle est aussi facilement discutée en cas de mucoviscidose. Il est important que le chirurgien vérifie l’absence de calcul résiduel dans la voie biliaire principale.
• Un calcul « innocent » ne justifie pas de traitement. • La cholécystectomie est systématiquement proposée en cas d’hémolyse chronique, souvent en cas de mucoviscidose, ou de résection iléale. • En cas de cholécystite ou de cholangite, l’antibiothérapie vise les entérobactéries et les anaérobies. • Il est préférable de réaliser une cholécystectomie par voie cœlioscopique et « à froid ». • Une cholangiographie rétrograde endoscopique peut se discuter en cas de calcul enclavé. • L’acide ursodésoxycholique est exceptionnellement indiqué. • Le traitement du kyste du cholédoque est l’exérèse complète.
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Traitement endoscopique L’extraction de calculs par cholangiographie rétrograde endoscopique peut se justifier s’ils sont enclavés dans la voie biliaire principale. La cholécystectomie est réalisée secondairement. La sphinctérotomie systématique n’est généralement pas justifiée. Les complications du geste sont rares (pancréatite) [15, 16] .
Traitement radiologique La cholangiographie percutanée transvésiculaire permet le diagnostic de lithiase, le lavage des voies biliaires et l’éventuel désenclavement d’un calcul [17] . C’est la méthode de choix chez un nouveau-né présentant un tableau de cholestase.
Cas particulier du kyste du cholédoque Le traitement est l’exérèse chirurgicale complète avec réalisation d’une anse en Y, étant donné le risque de cancérisation tardive [18] .
Attitude en pratique • Calcul découvert de fac¸on fortuite chez un enfant sans antécédents personnels, ni familiaux particuliers. Aucun traitement n’est nécessaire. Une échographie systématique de contrôle
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peut être réalisée 6 à 12 mois après la première. Dans plus de la moitié des cas, le calcul a disparu. Une alternative est de ne contrôler l’échographie que si des symptômes d’allure « hépatique » apparaissent. Calcul chez un enfant asymptomatique porteur d’une maladie lithogène chronique (hémolyse, mucoviscidose, résection intestinale). Une cholécystectomie est proposée. Calcul sur anomalie anatomique des voies biliaires (kyste du cholédoque). Excision de toute la voie biliaire extra-hépatique, et réalisation d’une anse en Y. Migration avec enclavement d’un calcul dans la voie biliaire principale. S’il n’y a pas de signes d’infection, il est possible d’attendre l’élimination spontanée du calcul, sous traitement antispasmodique. Si après 1 à 2 semaines d’expectative, le calcul est toujours enclavé, il faut pratiquer une cholangiographie rétrograde endoscopique, ou percutanée radiologique, en fonction de l’âge de l’enfant et de l’expertise locale. Une cholécystectomie secondaire se discute en fonction des antécédents de l’enfant. Cholangite. Le traitement antibiotique est urgent, de même que la levée de l’obstacle, par voie endoscopique ou radiologique. La chirurgie secondaire est discutée de la même fac¸on. Elle peut aussi être discutée dès le contrôle de l’infection obtenu, si la cholangiographie n’est pas possible. Toutefois, elle est plus difficile en période inflammatoire et le risque de méconnaître un calcul résiduel est plus important. Pancréatite. Le traitement symptomatique est celui de la douleur, associé généralement à un régime pauvre en graisses. L’attitude vis-à-vis de la vésicule biliaire se discute ensuite en fonction du contexte. Calcul sous traitement par ceftriaxone. Il disparaît spontanément après la fin du traitement. Calcul chez un adolescent obèse. L’important est le contrôle du surpoids et d’une éventuelle hypercholestérolémie. Un traitement prolongé par acide ursodésoxycholique est exceptionnellement indiqué. Complication sévère (calcul enclavé, cholécystite) chez un enfant ayant des antécédents familiaux de maladie lithiasique précoce. La cholécystectomie se discute d’emblée. Il est souhaitable de rechercher une anomalie hétérozygote des gènes responsables de PFIC.
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur n’a pas transmis de déclaration de liens d’intérêts en relation avec cet article.
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Lithiase biliaire chez l’enfant 4-060-A-40
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F. Lacaille, Praticien hospitalier (fl[email protected]). Service de gastroentérologie-hépatologie-nutrition pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Lacaille F. Lithiase biliaire chez l’enfant. EMC - Pédiatrie 2021;41(3):1-5 [Article 4-060-A-40].
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Cas clinique
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4-120-A-10
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant E. Bui Quoc Résumé : Les troubles de la vision sont multiples : réfractifs et anatomiques, d’origine centrale ou périphérique, innés ou acquis, pouvant entraîner la malvoyance ou la cécité. Chez l’enfant, la perturbation de l’expérience visuelle au cours de la période sensible du développement visuel pendant la première décennie de la vie entraîne de surcroît par rapport à l’adulte la problématique de l’amblyopie. Cette revue présente différentes situations cliniques ophtalmologiques chez un enfant, et présente les différentes maladies des yeux, sensorielles et motrices. © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Ophtalmologie ; Vision ; Amblyopie ; Développement ; Œil ; Réfraction
Plan ■
Introduction
1
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Motifs de consultations
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Maladies visuelles
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Conclusion
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Annexe A. Cas clinique
23
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Annexe B. Cas clinique : suspicion de strabisme et d’amblyopie
24
■
Annexe C. Quel est votre diagnostic ?
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■
Annexe D. Comment on examine les yeux ?
25
■
Annexe E. Qu’est-ce que l’amblyopie ?
26
■
Annexe F. Handicap visuel
26
■
Annexe G. Informer les parents sur le coût des lunettes
27
12
Introduction Les troubles de la vision, chez l’enfant ou chez l’adulte, sont multiples et ne se limitent pas à une baisse de la vision, ou tout du moins à une baisse de l’acuité visuelle « normale » ; la mesure de l’acuité visuelle correspond uniquement à la fonction maculaire centrale. La fonction visuelle est complexe, sensorielle et motrice, avec un développement qui se poursuit après la naissance pendant la première décennie de la vie, au cours de la période sensible du développement visuel ; c’est pourquoi chez l’enfant, toute altération de la fonction visuelle requiert, outre le traitement de la cause si cela est possible, la réhabilitation visuelle de l’amblyopie possible, que nous définissons dès maintenant : « L’amblyopie pourrait [...] être définie comme une diminution plus ou moins sévère de la fonction visuelle du fait d’une altération précoce de l’expérience visuelle, le plus souvent asymétrique, par privation d’une image et/ou perturbation du lien binoculaire par strabisme et/ou anisométropie, avec ou sans anomalie anatomique de l’œil et/ou des voies visuelles retrouvée. » [1] . EMC - Pédiatrie Volume 0 > n◦ 0 > xxx 2020
Un examen ophtalmologique de l’enfant se fait dans des situations variables : • il peut s’agir d’un examen systématique ; • il peut s’agir d’une demande de parents qui auraient remarqué une anomalie ou compte tenu d’antécédents familiaux, justifiés ou non (myopie de l’adolescence de la maman vs rétinoblastome du père...). En réalité un examen ophtalmologique chez un enfant est justifié : • s’il y a une anomalie visible par les parents ou une plainte fonctionnelle pas toujours évidente chez un enfant ; • s’il existe des antécédents personnels ou familiaux significatifs, pouvant nécessiter un examen dans les premières semaines ou mois de vie selon la pathologie ; • de fac¸on plus générale pour un dépistage de première intention dans toute la population, posant les questions de la mise en œuvre : par qui et avec quels moyens précis peut-on le réaliser, et quels sont les critères de dépistage positifs qui amèneraient à proposer un examen médical spécialisé secondairement. Quelle que soit la situation, plusieurs questions se posent : est-ce grave ? Est-ce urgent ? Faut-il faire des examens complémentaires ? Faut-il adresser l’enfant ? (Et à qui ?) Dans tous les cas, si un ophtalmologiste examine un enfant, il doit faire un examen anatomique avec fond d’œil et examen réfractif sous cycloplégie le jour de son premier examen ; et il est une réalité de souligner dès ces premières lignes que l’examen ophtalmologique pédiatrique est un examen de surspécialité qui demeure peu accessible.
Motifs de consultations Baisse de l’acuité visuelle La baisse de l’acuité visuelle est à l’évidence le motif de consultation premier en ophtalmologie ; si le patient voit moins bien, il consultera pour trouver la cause de cette anomalie et la traiter dans la mesure du possible. Bien sûr chez l’enfant, la question sera l’absence possible de plainte avant l’âge verbal, et même après ;
1
4-120-A-10 Troubles ophtalmologiques chez l’enfant
Baisse de l’acuité visuelle acquise dans l’enfance
Examen ophtalmologique anatomique NORMAL ou considéré comme normal
Examen ophtalmologique ANORMAL Anomalie « évidente »
Atteinte fonctionnelle
Atteinte organique
Anomalie du segment antérieur
Anomalie réfractive (lunettes)
Atteinte rétinienne débutante Dystrophie maculaire
Amblyopie strabique Atteinte nerf optique • Névrite optique • Compression • Tumeur
« Simulation »
Atteinte cristallinienne • Cataracte • Ectopie • Anomalie de forme (microsphérophaquie)
Atteinte cérébrale • Méningite • Encéphalite • Hydrocéphalie • Cécité corticale
Examen clinique
Acuité visuelle
Réfraction sous cycloplégie
Atteinte cornéenne • Forme • Opacités
Anomalie du segment postérieur Nerf optique • Glaucome • Œdème • Atrophie • Papillite • Traumatisme
Atteinte rétinienne • Choriorétinite • Dystrophies • Tumeur • Décollement de rétine • Hémorragies
Atteinte vitréenne • Hémorragie • Uvéite • Tumeur
Examens paracliniques Champ visuel
Examen oculomoteur Angiographie Tonométrie Examen à la lampe à fente/biomicroscope et fond d’œil
OCT = tomographie en cohérence optique Bilan électrophysiologique (électrorétinogramme, potentiels évoqués visuels)
Bilan imagerie : échographie, scanner, IRM
Autofluorescence
Figure 1.
Orientation diagnostique devant une baisse d’acuité visuelle. IRM : imagerie par résonance magnétique.
en cas d’anomalie unilatérale l’enfant peut ne pas s’en rendre compte, de même qu’en cas d’atteinte bilatérale car une vision de quelques dixièmes à 5 ans peut ne pas empêcher l’enfant de faire ses activités habituelles, l’exigence visuelle à cet âge n’étant pas maximale ; retenons d’emblée quelques chiffres : 1/20 est la limite de la cécité et 3/10 le seuil de malvoyance, selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [2] , et 6/10 est la limite légale pour conduire, pour résumer, puisqu’il existe d’autres exigences en termes de champ visuel en particulier [3] . L’examen ophtalmologique devant une baisse d’acuité visuelle est toujours systématisé : mesure de la réfraction subjective : acuité visuelle sans et avec correction, mesure de la fonction binoculaire, recherche de strabisme, examen anatomique ophtalmologique avant et après dilatation des pupilles, réfraction sous cycloplégie. Les examens complémentaires éventuels sont dictés par les constatations cliniques. La connaissance de l’ensemble des pathologies possibles, ou du moins des cadres pathologiques, est requise : pathologies réfractives, pathologies ophtalmologiques malformatives ou acquises, maladies rétiniennes et du nerf optique, pathologies neuroophtalmologiques, uvéites... Bien sûr, le caractère uni- ou bilatéral est une notion essentielle : une pathologie rétinienne héréditaire est bilatérale, une uvéite est uni- ou bilatérale, une conjonctivite allergique le plus souvent bilatérale, une conjonctivite infectieuse le plus souvent unilatérale, un glaucome ou une cataracte chez l’enfant sont uniou bilatérales symétriques/asymétriques. La Figure 1 résume la conduite à tenir. L’Annexe A évoque un exemple de pathologie rétinienne.
2
Conduite à tenir devant une photophobie La gêne à la lumière (photophobie) est un motif extrêmement fréquent de consultation, mais en réalité difficile à appréhender : l’enfant cligne des yeux, et il convient de savoir ce qui le gêne : estce réellement la lumière, est-ce involontaire, est-ce une douleur locale qui le gêne (pathologie de la surface oculaire ?). L’examen ophtalmologique systématisé permet de distinguer trois grands groupes pathologiques [4] : • s’il existe un « larmoiement associé », on peut évoquer une pathologie de la surface oculaire : conjonctivite sévère et/ou kératite, infectieuse ou allergique ; le test à la fluorescéine de première intention, avec recherche en lumière bleu d’une tache verte est obligatoire (Fig. 2). Photophobie et larmoiement sont des signes classiques de glaucome, mais en réalité dans ce cas un gros œil et/ou une cornée opaque sont les signes les plus marquants (Fig. 3) ; • s’il existe un « nystagmus associé », l’examen anatomique peut retrouver une cause évidente de segment antérieur (aniridie, albinisme avec transillumination irienne, cataracte bilatérale...), ou de segment postérieur (dystrophie rétinienne sévère) ; en l’absence d’anomalie du fond d’œil, c’est le bilan électrophysiologique qui peut objectiver une dysfonction des cônes ou une dystrophie des cônes et/ou des bâtonnets (rétinite pigmentaire) ; • à l’âge verbal si une « baisse d’acuité visuelle » est associée (avec ou sans nystagmus selon la profondeur de la baisse de vision), c’est également l’examen anatomique et/ou électrophysiologique qui oriente le diagnostic. EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant 4-120-A-10
Figure 4.
Figure 2.
Figure 3.
Test fluo + kératite.
Glaucome congénital.
Conduite à tenir devant un torticolis Là encore il s’agit d’un motif de consultation fréquent, et la question qui se pose est : y a-t-il un motif ophtalmologique ou non à ce torticolis ? [5] Il faut comprendre qu’une position dite « vicieuse » de la tête de cause ophtalmologique entraîne un bénéfice ; si le patient tourne la tête dans un sens (tête penchée en arrière ou avant, tête tournée à droite ou à gauche, tête penchée sur une épaule ou l’autre), cela modifie la position des yeux, ce qui peut faire diminuer un nystagmus qui est prédominant dans une certaine position, ce qui peut éloigner les yeux d’une position de diplopie dans un cas de strabisme paralytique par exemple (verticale, horizontale ou torsionnelle), ce qui peut compenser un ptosis ou un astigmatisme, ce qui peut améliorer la vision binoculaire. C’est pourquoi c’est le bilan ophtalmologique et en particulier oculomoteur qui oriente ; bien sûr chez le petit enfant l’examen est plus difficile, avec test à l’écran complexe si la fixation est problématique, et ce sont des signes indirects qui feront suspecter un diagnostic. On peut distinguer donc : • les causes ophtalmologiques de torticolis : ◦ non strabologiques : ptosis, astigmatisme, ◦ strabologiques : – paralysie/parésie du VI : tête tournée horizontalement du côté de la paralysie, – paralysie/parésie du IV : tête penchée du côté opposé à la paralysie, hypertropie et élévation en adduction de l’œil paralysé, – paralysie de l’élévation ou divergence verticale dissociée : tête penchée en arrière, – tropie nystagmique/syndrome de Kestenbaum/syndrome du monophtalme... : nystagmus qui diminue dans la position de torticolis, EMC - Pédiatrie
Kyste dermoïde queue sourcil.
– anomalies congénitales dysinnervationnelles : paralysies oculomotrices congénitales compensées ou non (Duane, « fibrose » congénitale des muscles oculomoteurs...) ; • les causes non ophtalmologiques de torticolis objectivées par le bilan pédiatrique et/ou radiologique : crânio-faciales, orthopédiques, neurologiques, médicamenteuses, digestives (reflux gastro-œsophagien du syndrome de Sandifer [6] )... La difficulté est ici de faire un diagnostic présomptif ou supposé, et de savoir où commencer ou arrêter les explorations complémentaires et les avis divers pour affirmer une cause ophtalmologique ou non. Ici la première question devant ce motif de consultation banal et fréquent est de savoir si la fréquence du clignement est vraiment augmentée ? Le clignement normal des yeux du nouveau-né est de deux fois par minute ; le clignement normal des yeux chez le grand enfant est de 15 fois par minute. S’il existe vraiment un clignement des paupières augmenté, on se retrouve devant différentes situations pathologiques : • en cas d’apparition brutale, il y a une cause le plus souvent de surface oculaire (conjonctivite aiguë, corps étranger) ; • en cas d’apparition progressive, le clignement peut être associé à des manifestations neurologiques de prise en charge spécifique ; s’il est isolé, il peut être : ◦ constant, et on a souvent chez le garc¸on vers 5 ans un simple « tic » [7] ; rarement on est dans la problématique d’amétropie non corrigée, de strabisme, ou de glaucome congénital, de diagnostics faciles par l’examen ophtalmologique, ◦ intermittent, et la pathologie est de surface : conjonctivite saisonnière, syndrome sec...
Conduite à tenir devant une masse dans la paupière Devant une masse dans la paupière, il faut avant toute chose la retourner. Il faut se poser bien sûr la question de l’amblyopie si l’axe visuel est obstrué. Les causes sont infectieuses, inflammatoires, tumorales, vasculaires... On peut distinguer les causes acquises des causes innées : • causes congénitales innées (pas forcément présentes à la naissance ceci dit, comme de nombreuses anomalies congénitales) : ◦ tumeur bénigne (kyste dermoïde [Fig. 4] ou maligne : tératoblastome), ◦ malformations : hamartome, choristome, malformation artérioveineuse... [8] ; • causes acquises : ◦ inflammatoires : chalazion, granulome pyogène, allergie sévère..., ◦ infectieuses : érysipèle, abcès cutané, cellulite orbitaire (préseptale, orbitaire diffuse, associée à une ethmoïdite et/ou un abcès sous-périosté orbitaire), parasitose (filariose...), viroses (herpès, varicelle, papillomes...), ◦ tumorales : tumeurs malignes (rhabdomyosarcome, lymphome, neuroblastome, plasmocytome, histiocytose,
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4-120-A-10 Troubles ophtalmologiques chez l’enfant
angiosarcome...), tumeurs bénignes (nævus, dermolipome, neurofibrome dans le cadre d’une neurofibromatose [Fig. 5], myome, pilomatrixome, schwannome, syringome, hydrocystome...), ◦ vasculaires : hémangiome capillaire, (hémo)-lymphangiome, dilatation veineuse...
Conduite à tenir devant une paupière basse (ptosis) Une anomalie de position de la paupière peut être une paupière trop haute ou une paupière trop basse ; la paupière est relevée par le muscle releveur (élévateur) de la paupière supérieure (branche supérieure du nerf oculomoteur III) et se ferme par contraction du muscle orbiculaire (branche auriculo-palpébrale du nerf facial VII). Une paupière plus basse est un ptosis. Un faux ptosis est un aspect de ptosis qui peut se retrouver dans deux situations : • microphtalmie relative (un œil est plus petit et/ou l’autre plus gros) ; il est donc obligatoire de connaître la longueur axiale de l’œil ; normale 17 mm à la naissance, 18,5 mm à 6 mois, 20 mm à 12 mois, 22 mm à 4 ans, 23 mm vers 10 ans et à l’âge adulte ; la microphtalmie est souvent malformative développementale et peut s’associer à d’autres pathologies oculaires ; • strabisme vertical à type d’hypotropie ; l’œil est plus bas, et la paupière tombe, car le droit supérieur est relié au releveur de la paupière par un ligament ; un test à l’écran (palette qui cache un œil et l’autre) redresse le diagnostic : si on oblige l’œil sur lequel existe le faux ptosis à fixer en cachant l’autre œil, il fait un mouvement de refixation de bas vers le haut et la paupière se relève. De même, si un œil est trop gros, on a une asymétrie du regard qui n’est pas un ptosis d’un côté mais une protrusion de l’œil
malade (glaucome congénital, tumeur oculaire ou orbitaire... : exophtalmies). En cas de vrai ptosis, les situations cliniques sont variables : • le ptosis « congénital », syndromique ou non (par exemple dans le cas d’un blépharophimosis), n’est pas forcément visible ou vu « à la naissance » comme une multitude de pathologies congénitales ; le caractère inné/acquis temporel est donc un mauvais critère diagnostique et nosologique ici. Il s’agit d’une parésie/paralysie musculaire du muscle releveur de la paupière supérieure, dont la force est limitée : la paupière tombe. La pathologie peut être bilatérale ou unilatérale, symétrique ou asymétrique ; elle peut entraîner un torticolis tête penchée en arrière en cas de bilatéralité ; une forme unilatérale ou asymétrique avec un œil dont l’axe visuel est obstrué peut entraîner une amblyopie et requiert une chirurgie précoce (ce qui est une situation rare en réalité) [9] . Le ptosis congénital peut entrer dans le cadre d’une paralysie congénitale du III, ou dans le cadre d’un Claude-Bernard-Horner par lésion cervicale congénitale (exemple traumatisme cervical obstétrical). La paralysie congénitale du nerf du releveur de la paupière peut être compensée par des phénomènes de réinnervation aberrante par des branches motrices du V et entraîner par exemple des syncinésies avec disparition du ptosis à l’ouverture de la paupière dans le syndrome de Marcus Gunn (Fig. 6A, B) ; • le ptosis acquis est plus rare, et peut entrer dans le cadre de toutes les causes de paralysie acquise du III ou de ClaudeBernard-Horner acquis (cf. question anisocorie) ; la myasthénie est une cause possible de ptosis acquis intermittent.
Conduite à tenir devant un larmoiement Le larmoiement est une pathologie extrêmement fréquente, dont les causes peuvent être mécaniques, infectieuses, inflammatoires, allergiques. La conduite à tenir diagnostique est présentée sur la Figure 7.
Conduite à tenir devant œil rouge Un œil rouge est une situation extrêmement fréquente, dont les causes peuvent être mécaniques, infectieuses, inflammatoires, allergiques. La conduite à tenir diagnostique est présentée sur la Figure 8.
Conduite à tenir devant un œil trop gros ou trop petit
Figure 5.
Névrome plexiforme NF1.
Un œil peut être ou paraître trop gros ou trop petit, mais l’aspect peut être faussé par un ptosis. Dans tous les cas, il faut avant tout mesurer les paramètres biométriques de bases (diamètre de la cornée et longueur axiale de l’œil) afin de savoir si les dimensions sont trop grandes ou trop Figure 6. Marcus Gunn (A, B).
A
4
B
EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant 4-120-A-10
Larmoiement uni- ou bilatéral
Larmoiement clair
Avant 2 ans, larmoiement clair chronique, avec buphtalmie, œdème cornéen, excavation papillaire du nerf optique
Glaucome congénital URGENCE CHIRURGIE FILTRANTE Conjonctivite allergique : - saisonnière - perannuelle Éviction des allergènes Collyres anti-H1 et cromoglycate
Larmoiement associé à des sécrétions
Larmoiement chronique ou intermittent, avec ou sans conjonctivites itératives dans la première année de vie
Agénésie ou sténose méatique et/ou canaliculaire Imperméabilité lacrymonasale Traitement rhinites associées + reflux gastro-œsophagien - Avant 1 an : traitement antibiotique local à chaque surinfection - Après 1 an si sténose/ imperméabilité lacrymonasale : sondage et intubation sous anesthésie générale
Conjonctivite virale : - adénovirus - herpès/virus zonavaricelle/Epstein-Barr virus, etc. - autres virus : entérovirus, poxvirus (molluscum), rougeole, rubéole, papillomavirus, grippe, etc.
Larmoiement aigu Conjonctivite bactérienne (Hæmophilus, pneumocoque, etc.) Lavage quotidien des sécrétions avec lingettes spécifiques/sérum physiologique ± traitement antibiotique local non systématique Nouveau-né, conjonctivite hyperaiguë = suspicion de Chlamydia (chémosis +++, hyperhémie +++, follicules +++) = suspicion de méningocoque ± traitement systémique Kératoconjonctivites mycotiques, parasitaires Autres causes de larmoiement chez l’enfant
Kératoconjonctivites allergiques: - rosacée (néovascularisation cornéenne, phlyctènes conjonctivales, chalazions) - kératoconjonctivite vernale (papilles tarsales, grains de Trantas, plaque vernale)
- Traitement symptomatique - Traitement antiviral à discuter si disponible
- Traitement anti-inflammatoire local (corticothérapie intermittente, ciclosporine au long cours) - Antibiothérapie locale ponctuelle)
Trachome
Maladies dermatologiques (dermatoses bulleuses, ichtyoses, xeroderma pigmentosum) - Traitement symptomatique lubrifiant - Traitement si surinfection Pathologies palpébrales et d’innervation : - syndrome des larmes de crocodile - entropion, ectropion Traitement chirurgical entropion/ectropion Kératite de Thygeson (photophobie, blépharospasme, nodules cornéens épithéliaux)
Prévention +++ Traitement symptomatique Figure 7.
Conduite à tenir devant un larmoiement.
petites ; bien sûr les normes dépendent de l’âge [10] et sont résumées et simplifiées dans le Tableau 1. Si l’œil paraît plus petit mais est de taille normale, il existe un ptosis. Si l’œil paraît plus gros mais est de taille normale, il s’agit d’une exophtalmie : l’œil est poussé en avant par un processus orbitaire, dont il faut déterminer la nature par une imagerie urgente (échographie, scanner, imagerie par résonance magnétique [IRM]). Un œil réellement plus petit est un œil microphtalme. Il existe deux formes de microphtalmie : EMC - Pédiatrie
• microphtalmie postérieure (diamètre cornéen normal / segment antérieur de l’œil de taille normale ; longueur axiale diminuée / segment postérieur de l’œil de taille diminuée) ; • microphtalmie globale / nanophtalmie : diamètre cornéen et longueur axiale sont diminués ; le segment antérieur et le segment postérieur sont de tailles diminuées (Fig. 9). Le pronostic fonctionnel dépend de l’importance de la microphtalmie mais aussi de la précocité du traitement réfractif et de l’amblyopie possible.
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4-120-A-10 Troubles ophtalmologiques chez l’enfant
Conduite à tenir devant un œil rouge
Observation, interrogatoire, signes fonctionnels, signes physiques (fluoréscéine, biomicroscope)
Rougeur diffuse
CONJONCTIVITES DU NOUVEAU-NÉ → Infection génitale maternelle ? → Frottis conjonctival • Chlamydia (j3 à S3 – sécrétions abondantes et purulentes ± fausses membranes) • Gonocoque (sécrétions abondantes et purulentes, ± kératite et perforation cornéenne) • Autres bactéries • Herpès (à partir de J10) ROUGEUR CONJONCTIVALE DE L’ENFANT Conjonctivites de l’enfant → Sécrétions ± abondantes, hyperhémie conjonctivale diffuse ± papilles et follicules tarsaux ± palpébral → Si récidives = Imperforation ou sténose du canal lacrymonasal : conjonctivites récidivantes + larmoiement chronique → Cornée claire, test à la fluorescéine négatif • Infectieuses : infection ORL cocci G+ / virose… • Allergiques : rhinite, prurit, eczéma, recrudescence saisonnière • Traumatiques : hémorragie sous-conjonctivale, plaie associée ? (contexte +++) • Syndromes secs dysimmunitaires ou iatrogènes (rare) • Pathologies conjonctivales vasculaires ou tumorales Épisclérites et sclérites / test à la néosynéphrine
PATHOLOGIES CORNÉENNES → Douleur, photophobie, larmoiement +++ → Cornée : test à la fluorescéine positif, opacités cornéennes • Traumatismes cornéens : fréquents, chercher une surinfection ou une perforation (contexte) º Kératites º Allergiques = kérato conjonctivites allergiques Virales – Adénovirus : contage, signes fonctionnels ORL associés (ganglion prétragien, rhinite, pharyngite, fièvre) – Herpes simplex virus ou virus zona-varicelle : kératite dendritique ou stromale • Syndromes secs sévères BLÉPHARITES → Chalazions récidivants Hyperhémie des bords libres + meibum épais et mousseux ± kératite ponctuée superficielle inférieure bilatérale + Parfois dysfonction des glandes de Meibomius Δ rosacée enfant = réaction chronique toxine staphylocoque
Cercle périkératique
UVÉITES ANTÉRIEURES ± postérieures → cercle périkératique ± précipités rétrocornéens ± Tyndall cellulaire et protéique ± myosis par synéchies iridocristalliniennes → Complications possibles → hypo- ou hypertonie oculaire, glaucome, cataracte, œdème maculaire, œdème papillaire
• Causes inflammatoires º Rhumatismales – Arthrite juvénile idiopathique º Digestives : maladies inflammatoires chroniques intestinales (Crohn et rectocolite hémorragique) • Maladies de système Behçet, sarcoïdose… • Causes infectieuses : toxoplasmose, tuberculose, Lyme, herpes simplex virus, virus zona-varicelle, cytomégalovirus, Epstein-Barr virus, rougeole
CAUSES RARES -GLAUCOME AIGU : douleur intense, BAV, hypertonie oculaire +++ -TUMEURS PRIMITIVES OU SECONDAIRES : • Rétinoblastome • Leucémies TOUJOURS FAIRE UN FOND D’OEIL Figure 8.
Conduite à tenir devant un œil rouge.
Un œil réellement plus gros est un œil qui peut présenter des pathologies diverses, diagnostiquées par l’examen du fond d’œil, la mesure de tension, le fond d’œil : • glaucome congénital (les tissus cornéen et scléral sont élastiques jusqu’à 3–4 ans environ ; une augmentation anormale de la tension intraoculaire accentue la distension normale et l’œil a une taille augmentée) ; • myopie forte isolée ou syndromique (syndromes de Stickler, de Marfan, autres pathologies du collagène) ; • tumeur intra-oculaire évoluée.
Conduite à tenir devant une anomalie de transparence Devant un œil non transparent, l’anomalie est cornéenne : le « capot » de l’œil ne permet pas de voir à l’intérieur ; les diagnostics différentiels sont les lésions iriennes ou les causes de leucocorie, l’anomalie étant à l’intérieur. L’anomalie cornéenne peut être innée ou acquise. En cas de pathologie innée, il s’agit d’un glaucome congénital : • soit primaire ; c’est le glaucome congénital isolé primitif (parfois l’anomalie est « acquise » car survenant plus tardivement
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dans une forme moins sévère, même si en réalité l’anomalie n’est pas forcément « congénitale » ou en tout cas détectée à la naissance). Les signes diagnostiques sont un œdème de cornée (augmentation de la pachymétrie), une buphtalmie (augmentation de la longueur axiale), une augmentation du diamètre cornéen ; • soit secondaire à une dysgénésie du segment antérieur. En cas de pathologie acquise, les opacifications cornéennes sont tardives (non présentes à la naissance), avec de nombreuses causes : • infectieuses ; • inflammatoires ; • traumatiques ; • dysgénésiques : ◦ dystrophies endothéliales congénitales héréditaires (congenital hereditary endothelial dystrophy ou CHED) : – CHED 1 dominant autosomique, – CHED 2 récessif autosomique (dystrophie cornéenne de Maumenee) ; ◦ dystrophies postérieures polymorphes ; • métaboliques : ◦ mucopolysaccharridoses (MPS) : – maladie de Hurler ou MPS1H, EMC - Pédiatrie
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Troubles ophtalmologiques chez l’enfant 4-120-A-10
Tableau 1. Paramètres biométriques de bases selon l’âge.
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Diamètre cornéen en mm
4
9,5–10
3
6 mois
10,5
12 mois
11–11,5
3 ans
11,75
Adulte
12–12,5
Âge
Longueur axiale en mm
Naissance
17
6 mois
18,5
–2
12 mois
20
–3
3 ans
21,5
Adulte
Dioptries
Âge Naissance
2 1 0 –1 Iimite supérieure
moyenne EqSph
Iimite inférieure 0,5
1
2
3
23
Figure 11.
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5
6
7
8
9
10
Âge Réfraction de l’enfant.
(rétinoblastome, mélanome, hamartome...), une pathologie infectieuse (toxocara...), une pathologie vasculaire (maladie de Coats), une pathologie inflammatoire (uvéite), un colobome rétinien, des fibres à myéline... En cas de bilatéralité, on peut également retrouver les pathologies unilatérales, mais plus rarement, mais d’autres diagnostics s’ajoutent : maladie de Norrie, incontinentia pigmenti, vitréorétinopathie exsudative familiale, séquelles de rétinopathie du prématuré stade 4 ou 5 (décollement de rétine)...
Conduite à tenir devant une « tache à l’œil » Figure 9.
Microphtalmie.
Figure 10.
Leucocorie.
– maladie de Scheie ou MPS1S, – maladie de Hurler-Scheie ou MPS1H/S, – maladie de Hunter ou MPS2, – maladie de San Filippo ou MPS3, – maladie de Morquio ou MPS4, – maladie de Maroteaux-Lamy ou MPS6, – maladie de Sly ou MPS7, – maladie de Natowicz ou MPS9 ; ◦ autres maladies métaboliques : cystinose, etc.
Conduite à tenir devant une leucocorie Les parents sont souvent alertés par un reflet pupillaire asymétrique, et ceci est souvent à l’occasion d’une photo (Fig. 10). Devant une leucocorie, le premier diagnostic est en réalité un diagnostic différentiel, car il n’existe pas vraiment de leucocorie ; le reflet est différent du fait d’une anisométropie (phénomène de Bruckner) ou d’un strabisme de quelques degrés seulement parfois. Dans tous les cas devant une leucocorie réelle ou une suspicion de leucocorie, l’examen ophtalmologique est obligatoire : examen réfractif et examen anatomique. L’imagerie est nécessaire le plus souvent pour préciser le diagnostic ou faire un diagnostic différentiel dans des cas difficiles (maladie de Coats ou rétinoblastome : dans le premier cas décollement de rétine liquidien exsudatif, dans le second cas calcifications d’une masse solide tumorale). En cas d’unilatéralité, on peut retrouver une cataracte, une persistance du vitré primitif, une dysplasie rétinienne, une tumeur EMC - Pédiatrie
Lorsqu’un patient ou un parent évoque une tache à l’œil, en réalité l’anomalie peut être sur l’œil, dans l’œil... Une lésion extérieure peut être conjonctivale, et il s’agit alors d’un nævus conjonctival, d’une pigmentation ethnique, d’un choristome, d’un papillome, d’un granulome... Le diagnostic est fait sur l’aspect, l’évolutivité, et la certitude sur la biopsie et/ou l’exérèse chirurgicale éventuellement. Une lésion interne peut être sur la cornée (cf. anomalie de transparence de l’œil), dans le cristallin ou en arrière (cf. leucocorie), ou être une lésion irienne : nævus, névrome, xanthogranulome...
Conduite à tenir devant un mal à la tête Devant des céphalées chez l’enfant, un examen ophtalmologique est souvent demandé, mais ce n’est que parfois qu’il peut retrouver une cause, ophtalmologique ou non. Comme habituellement, le diagnostic positif ou négatif requiert de fac¸on ordonnée l’examen réfractif et l’examen anatomique. La première cause de céphalées de cause ophtalmologique est le trouble réfractif non corrigé : en cas d’hypermétropie (focalisation de l’image en arrière de la rétine), le sujet « jeune », c’est-à-dire avant l’âge de la presbytie, a une capacité accommodative qui lui permet de ramener les rayons lumineux d’avant en arrière en augmentant la puissance réfractive du cristallin qui se déforme sous l’action du muscle ciliaire ; cet effort accommodatif peut être symptomatique, mais il n’y a pas de corrélation entre l’importance de l’hypermétropie et la symptomatologie : un hypermétrope de +5 peut être asymptomatique et un hypermétrope de +2 l’être, sans sa correction. Il ne faut pour autant pas attribuer à l’hypermétropie « physiologique », c’est-à-dire « dans la norme » dans l’enfance (+2 d’hypermétropie peut être considéré comme « normal » à 6 ans ; Fig. 11 [11] ) les céphalées rapportées. La présence d’un strabisme accommodatif associé est en faveur du diagnostic (ésophorie/ésotropie sans correction, orthophorie ou diminution de l’angle avec la correction). En l’absence de facteur prédictif, l’International Headache Society recommande le traitement réfractif avec évaluation du résultat fonctionnel, ses critères diagnostiques de céphalées liées à un trouble réfractif étant [12] : • erreurs réfractives non ou mal corrigées ; • céphalées modérées dans la région frontale ou périoculaire ;
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4-120-A-10 Troubles ophtalmologiques chez l’enfant
• douleur absente au réveil et s’aggravant lors de tâches visuelles prolongées (particulièrement à distance ou bien à l’angle où la vision est altérée) ; • critère associé : disparition des céphalées avec le traitement de l’atteinte réfractive. S’il n’y a pas d’amélioration avec le traitement réfractif, il faut rechercher une autre cause avec le pédiatre et/ou le neurologue : céphalées de tension ? Migraine ? Algie vasculaire ?... [13] En présence ou en absence de trouble réfractif, mais en présence d’une anomalie de l’examen ophtalmologique : baisse d’acuité visuelle uni- ou bilatérale, déficit du réflexe photomoteur afférent (atteinte du II), trouble oculomoteur évocateur de paralysie ou parésie du VI (strabisme convergent, déficit d’abduction), et de surcroît un œdème papillaire objectivé ou non par l’Optical Coherence Tomography (OCT), et des signes d’hypertension intracrânienne (HTIC) (nausées, vomissements), le diagnostic est aisé et l’imagerie cérébrale urgente. L’anomalie ophtalmologique peut être une anomalie du nerf optique unilatérale non évocatrice d’HTIC (plus souvent bilatérale), mais par exemple un œdème unilatéral douloureux évocateur de névrite optique. En l’absence de cause ophtalmologique réelle, la démarche diagnostique est pédiatrique avec une réflexion raisonnée, sachant qu’un trouble ophtalmologique peut s’associer à une cause systémique.
Conduite à tenir devant un prématuré Tous les enfants prématurés ne font pas de rétinopathie des prématurés et il est inutile de faire un examen ophtalmologique tous les mois à un ancien prématuré. En réalité, il existe deux situations : • l’enfant est prématuré quel que soit le terme et il a eu un dépistage adéquat de la rétinopathie du prématuré selon son terme ; en l’absence de rétinopathie des prématurés, son dépistage ultérieur requiert un examen ophtalmologique à 1 an systématique, du fait de facteurs de risque d’amétropie forte et de strabisme, puis à 3 ans et 6 ans s’il n’y a pas d’anomalie de cet examen initial auquel cas le suivi est rapproché ; • l’enfant a présenté réellement une rétinopathie des prématurés et a été pris en charge (laser, injection intravitréenne, chirurgie), et le suivi dépend de la sévérité de l’atteinte et de l’évolution favorable ou défavorable. Il est inutile de demander un dépistage de la rétinopathie du prématuré à 3, 6 ou 12 mois de vie ; l’enfant l’a déjà eu ou pas à ces âges. Le dépistage de la rétinopathie des prématurés est requis si le terme est inférieur à 31 semaines d’aménorrhée et si le poids de naissance est inférieur à 1251 g ou inférieur à 2000 g ab cas d’antécédent d’oxygénothérapie prolongée, de sepsis ou d’usage d’inotropes ; le premier examen se fait à 4 semaines de vie, au plus tôt à 31 semaines. Il est fait obligatoirement avec un rétinographe portable, le fond d’œil clinique par l’ophtalmologiste étant peu sensible, difficile et ne permettant pas de visualiser la périphérie rétinienne de fac¸on adéquate. Demander un fond d’œil clinique sans rétinographe portable type RetCam n’est pas une bonne pratique : c’est une pratique mauvaise et obsolète. Il ne viendrait pas l’idée à un anesthésiste de faire une anesthésie générale sans respirateur en ventilant manuellement son malade. C’est la même situation et l’ophtalmologiste doit refuser un examen sans matériel adéquat. La conduite à tenir est résumée sur la Figure 12.
Conduite à tenir en cas d’antécédents familiaux La question ici est de répondre aux parents qui se posent la question de l’opportunité de faire un dépistage précoce des troubles visuels de leur enfant, du fait d’antécédents familiaux. Le lecteur se réfèrera à l’encadré : « Comment dépister ou détecter une anomalie visuelle chez l’enfant ? ». En réalité, deux problèmes se posent :
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“ Point fort Comment dépister ou détecter une anomalie visuelle chez l’enfant ? Recommandations AFSOP 2019 Association francophone de strabologie et d’ophtalmologie pédiatrique : https://www.afsop.fr/ En cas de signe d’appel Examen ophtalmologique, même en cas de simple doute, à tout âge avec fond d’œil et cycloplégie obligatoire En cas de situations à risque de pathologie organique • Prématurité inférieure à 31 semaines et/ou petit poids de naissance inférieur à 1250 g (ROP) • Craniosténoses syndromiques • Infections maternofœtales • Antécédents familiaux de maladies oculaires potentiellement héréditaires et congénitales (cataracte congénitale, glaucome congénital, rétinoblastome, malformations oculaires) Examen de détection ophtalmologique avec fond d’œil et cycloplégie obligatoire dans les premiers mois de vie En cas de situations à risque fonctionnel • Prématurité inférieure à 37 semaines et/ou petit poids de naissance inférieur à 2500 g • Souffrance neurologique néonatale et séquelles ultérieures (IMC, retard PM) • Anomalies chromosomiques, notamment la T21 • Craniosténoses et malformations de la face • Exposition toxique durant la grossesse (tabac, alcool, cocaïne) • Pathologie générale avec atteinte oculaire ou neuroophtalmologique potentielle • Autres handicaps neurosensoriels • Antécédents familiaux au premier degré d’amétropie forte apparue dans la petite enfance, de strabisme, de nystagmus ou d’amblyopie Examen de détection ophtalmologique avec fond d’œil et cycloplégie obligatoire entre 12 et 15 mois Population générale (sans facteur de risque ni signes d’appels) Examen orthoptique systématique durant la 3e année, avec (1) acuité visuelle ; (2) examen oculomoteur ; (3) réfraction objective obligatoire avec refractomètre non mydriatique, et si les critères stricts de dépistage sont positifs : enfant référé pour examen ophtalmologique avec fond d’œil et cycloplégie obligatoire
• à un an et à l’âge préverbal, il n’existe pas de dépistage des troubles visuels mais une détection médicale par un ophtalmologiste spécialisé qui sait et accepte de voir un jeune enfant, avec examen sous cycloplégie obligatoire ; • l’association du faible nombre de tels ophtalmologistes et de la faible « rentabilité médico-économique » d’une détection systématique de tous les enfants à cet âge explique la recommandation de les réserver aux enfants « à risque ». Ce risque est une prématurité ou des antécédents personnels ou familiaux « significatifs », mais pas la myopie de l’adolescence de la maman, la cataracte du grand-père ou le glaucome de la grand-tante... Ainsi, on peut raisonnablement préconiser : • un examen entre 12 et 15 mois s’il existe des antécédents familiaux au premier ou second degré (parent ou fratrie) de strabisme avant l’âge de 6 ans, de trouble réfractif de l’enfance avant 6 ans également (hypermétropie > 3D, myopie > 3D, astigmatisme ou anisométropie > 1 D) ; EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant 4-120-A-10
CAT en cas de prématurité Terme < 31 SA (semaines d’aménorrhée) ou poids de naissance < 1251 g ou < 2000 g si oxygénothérapie prolongée, sepsis, usage d’inotropes Oui
Le fond d’œil sans rétinographe n’est pas sensible pour dépister des lésions périphériques, et plus invasif IL EST OBLIGATOIRE DE FAIRE UN DEPISTAGE DE LA RETINOPATHIE DU PRÉMATURÉ AVEC UN RÉTINOGRAPHE PORTABLE
Non
FO AVEC RETINOGRAPHE PORTABLE OBLIGATOIRE à 4 semaines de vie 31 (SA) si terme < 27 SA
Il n’est pas recommandé de dépister la ROP Examen de surveillance si < 32 SA
< ETROP Type 2
Normal
ETROP Type 2
ETROP Type 1
Forme agressive postérieure ou enfant intransportable
FO toutes les 2 FO toutes les FO 2 fois/semaine semaines jusqu’au semaines jusqu’à jusqu’à régression terme théorique régression Photocoagulation des zones avasculaires sous anesthésie générale
Injection intravitréenne d’anti-VEGF
Premier examen à 4 semaines de vie Si < 27 SA, premier FO à 31 SA < 27 SA = 31 SA 27 SA = 31 SA 28 SA = 32 SA 29 SA = 33 SA 30 SA = 34 SA 31 SA = 35 SA 32 SA = 36 SA Puis suivi selon résultat
Aggravation Régression
Vitrectomie
Consultation avec réfraction sous cycloplégique et bilan orthoptique à 1 an, 3 ans, 5 ans ETROP (Early Treatment for Retinopathy of Prematurity) : - type 1 : zone 1 stade 3 ou stade +, zone II stades 2 ou 3 et stade + - type 2 : zone I stades 1 ou 2, zone 2 stade 3
A
Zone 1 Zone 2 Zone 3
Papille Fovéa
B
• un examen systématique à 1 an, 3 ans et 6 ans, et une vigilance accrue, en cas d’antécédent de pathologie spécifique : cataracte, rétinopathie, maculopathie, neuropathie optique... Les règles de prescription de correction réfractive peuvent alors être les suivantes : • prévention de l’amblyopie en cas d’amétropie : ◦ avant 1 an, la réfraction est très évolutive, et pendant les 6 premiers mois de vie, en l’absence par exemple de myopie forte dans le cadre d’une pathologie du collagène, ou d’une hypermétropie forte par microphtalmie, la surveillance demeure la règle. Entre 6 mois et un an, une hypermétropie est corrigée si elle est supérieure à 4–5 D, ◦ entre 1 et 3 ans : – correction de tout astigmatisme supérieur à 1 D s’il est stable (mesures renouvelées) ; l’astigmatisme direct est sous-corrigé de moitié, – correction de toute hypermétropie supérieure à 3 D, EMC - Pédiatrie
C
Figure 12. A. Conduite à tenir devant une prématurité. ETROP (Early Treatment for Retinopathy of Prematurity) : - type 1 : zone 1 stade 3 ou stade + zone II stades 2 ou 3 et stade + ; - type 2 : zone I stades 1 ou 2, zone 2 stade 3. D’après les recommandations de l’Association francophone de strabologie et d’ophtalmologie pédiatrique (afsop.fr). ROP « retinopathy of prematurity » : rétinopathie des prématurés (source : Good [36] ). B. Classification de la ROP par localisation en trois zones. C. Rétinopathie du prématuré stade 3.
– correction de toute myopie inférieure à–0,5 D vérifiée par réfraction sous atropine efficace, – correction de toute anisométropie sphérique ou cylindrique (différence ≥ 1 D) ; ◦ après 3 ans : – mêmes règles pour l’astigmatisme et la myopie et l’anisométropie, – pour l’hypermétropie : si hypermétropie entre 1 et 3 D : sous-correction possible de 50 % ; si hypermétropie entre 3 et 5 D : sous-correction possible de 25 % ; si hypermétropie supérieure à 5 D : correction totale de l’hypermétropie.
Conduite à tenir devant une exophtalmie Devant une exophtalmie, en réalité on se retrouve dans la situation d’une asymétrie du regard (œil trop gros ou trop petit) dans
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4-120-A-10 Troubles ophtalmologiques chez l’enfant
Conduite à tenir devant une anisocorie Interrogatoire : 1. congénital (souvent fortuit) vs. acquis (récent) 2. fluctuations ? plus visible à la lumière ou à l’obscurité ? 3. antécédent : circonstances de l’accouchement (plexus brachial ?, etc.) ; traumatisme (clavicule, etc.) Mesure comparative des pupilles en pleine lumière et à l’obscurité, et de la réactivité de la pupille = La pupille qui réagit le moins est la pupille pathologique (cf. schéma) Recherche de signes associés : 1. réflexe photomoteur 2. ptosis ? 3. examen de la motricité oculaire / strabisme 4. examen de l’iris 5. examen du fond d’œil Anomalies congénitales : colobome, membrane pupillaire, dysgénésie du segment antérieur… Anomalies de forme de la pupille Anomalies acquises : synéchies irido cristaliniennes (uvéite…)
Anisocorie lumière = obscurité
ANISOCORIE PHYSIOLOGIQUE
Anisocorie en général < 1 mm
Pilocarpine 0,125 % inverse l’anisocorie Anisocorie lumière > obscurité = mydriase pathologique
Test à la pilocarpine
Sundrome de Claude-BernardHorner ?
Pupille tonique d’Adie : très rare en pédiatrie Atteinte unilatérale, indolore ± hypoaccommodation Mouvements vermiformes iriens
Oui
Atteinte de la IIIe paire crânienne Exceptionnellement isolée (ptosis, trouble oculomoteur) Neuro-imagerie en urgence (éliminer anévrisme)
Non
Mydriase pharmacologique : médicament (atropine, scopolamine, nébulisation d’ipratropium, etc.), plante (datura, etc.)
Non Pilocarpine 1 % inverse l’anisocorie
Anisocorie Obscurité > lumière = myosis pathologique
Oui
Clinique évidente : 1. myosis, 2. ptosis par atteinte du muscle de Müller 3. ptosis inversé par élévation de la paupière inférieure 4. pseudo-énophtalmie 5. anhidrose 6. hétérochromie irienne (forme ancienne/congénitale)
Pas de signes associés
Atteinte congénitale (traumatisme obstétrical ? atteinte du plexus brachial ?, etc.) : hétérochromie fréquente Atteinte acquise traumatique (clavicule, cervicale, etc.) Neuroblastome : IRM thoracocervicale et encéphalique systématique en l’absence de cause
Soit test au collyre à la cocaïne ou à l’apravlonidine (CI enfant) Si mydriase = normal Si pas d’effet = il s’agit d’un Claude-Bernard-Horner Surveillance clinique ± paraclinique (echographie cervicale / radio pulmonaire) 1 anisocorie physiologique 2 évolution (neuroblastome)
A
Figure 13. Conduite à tenir devant une anisocorie (A). Mesure comparative des pupilles en pleine lumière et à l’obscurité, et de la réactivité de la pupille (B). Quelle est la pupille pathologique ? I. Pupilles sont symétriques : absence d’anisocorie. II. Anisocorie qui n’est pas modifiée par la modification de la luminosité clarté/obscurité : anisocorie physiologique. III. Anisocorie augmentée à la lumière et diminuée à l’obscurité, la pupille de l’œil gauche est la moins mobile, il s’agit d’une mydriase gauche. IV. Anisocorie diminuée à la lumière et augmentée à l’obscurité, la pupille de l’œil gauche est la moins mobile, il s’agit d’un myosis gauche.
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EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant 4-120-A-10
Figure 13. (suite) Conduite à tenir devant une anisocorie (A). Mesure comparative des pupilles en pleine lumière et à l’obscurité, et de la réactivité de la pupille (B). Quelle est la pupille pathologique ? I. Pupilles sont symétriques : absence d’anisocorie. II. Anisocorie qui n’est pas modifiée par la modification de la luminosité clarté/obscurité : anisocorie physiologique. III. Anisocorie augmentée à la lumière et diminuée à l’obscurité, la pupille de l’œil gauche est la moins mobile, il s’agit d’une mydriase gauche. IV. Anisocorie diminuée à la lumière et augmentée à l’obscurité, la pupille de l’œil gauche est la moins mobile, il s’agit d’un myosis gauche.
I
II
III
IV
B laquelle on a éliminé une taille anormale d’un œil ; il existe une réelle exophtalmie, et il ne s’agit pas d’une buphtalmie : l’œil normal est poussé en avant, et la question est de savoir par quoi : quelle est la lésion orbitaire ? Le raisonnement peut être conduit selon la rapidité de l’évolution : • évolution en quelques heures : ◦ il existe une inflammation intense, fièvre, douleur, un œdème palpébral souple, une limitation de la mobilité oculaire, parfois une notion de pathologie sinusienne ou de traumatisme : on s’oriente vers une cellulite orbitaire, et l’imagerie est requise, ◦ il n’y a pas de contexte inflammatoire, une exophtalmie non axile, un Valsalva négatif, l’enfant a plutôt 5 à 6 ans, la masse est molle et bleutée : on s’oriente vers un lymphangiome dont l’évolution rapide se fait à l’occasion d’une hémorragie intralésionnelle qui peut récidiver ; • évolution en quelques jours : ◦ en cas d’inflammation intense, le diagnostic n◦ 1 est le rhabdomyosarcome se manifestant par une exophtalmie unilatérale non axile, des douleurs inconstantes chez un enfant dans sa première décennie, avec un possible gonflement palpébral violacé : l’imagerie et la biopsie sont urgentes, ◦ en cas d’inflammation également intense et d’exophtalmie uni- ou bilatérale, avec ou sans ecchymose périorbitaire, et une possible altération de l’état général, on évoque un neuroblastome (syndrome de Hutchinson) ou une localisation leucémique ou de lymphome ; • évolution en plusieurs semaines/mois, avec peu d’inflammation, on évoque deux diagnostics : ◦ angiome capillaire, de diagnostic radiologique à l’IRM ; on retrouve une exophtalmie non axile, un Valsalva positif, une apparition dans les premiers mois de vie avec aggravation et possible angiome palpébral associé, ◦ gliome du nerf optique, avec ou sans baisse d’acuité visuelle, dans un contexte connu ou non de neurofibromatose de type 1 ; l’aspect en IRM est typique.
Conduite à tenir devant une anisocorie Cette question complexe est résumée sur la Figure 13. EMC - Pédiatrie
Conduite à tenir devant des yeux qui tremblent Les mouvements anormaux des yeux ne sont pas toujours un nystagmus et on distingue aussi les mouvements rares de : • révulsion oculaire : ◦ s’il existe une régression psychomotrice, ou si l’examen neurologique est anormal, ou s’il existe des spasmes associés, ou un électroencéphalogramme pathologique, on évoque une encéphalopathie épileptique, ◦ si les mouvements sont isolés et l’examen neurologique normal, il s’agit de déviation tonique du regard vers le haut intermittente idiopathique (paroxysmal tonic upgaze) ; • flutter oculaire (intrusions saccadiques). Si le flutter est intermittent avec des intrusions saccadiques horizontales, deux situations sont possibles : • flutter idiopathique, ce qui est fréquent, avec flutter présent de fac¸on chronique chez un enfant en bonne santé, sans augmentation de la fréquence des crises, dont l’examen neurologique est normal ; • plus rarement le flutter est d’apparition récente (jours ou semaines) chez un enfant dont le comportement est modifié, avec une augmentation de la fréquence et de la durée des crises ; ou bien il s’agit d’un flutter permanent (oscillations saccadiques horizontales), ou d’un opsoclonus intermittent ou permanent (intrusions ou oscillations saccadiques multidirectionnelles). Dans ces deux situations rares, il peut s’agir d’un syndrome myoclonus-opsoclonus débutant et la prise en charge urgente est requise, en centre spécialisé pour bilan étiologique (recherche de neuroblastome) et traitement en urgence (corticoïdes). Les réels mouvements de nystagmus, c’est-à-dire des mouvements d’oscillation involontaire et saccadiques des yeux, s’analysent selon le sens et la vitesse de ceux-ci : • rarement le nystagmus est principalement vertical ou rotatoire, et sont en cause des atteintes des voies de contrôle de l’oculomotricité ; une imagerie et un avis neurologique urgents sont requis ; • rarement le nystagmus pendulaire rapide, peu ample (fin), horizontal ou multidirectionnel, volontiers asymétrique (voire monoculaire) et intermittent. Il peut s’agir d’un nystagmus de type spasmus nutans, associé à un torticolis et des mouvements
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de hochements de tête, survenant dans la première année de vie. Dans cette situation, l’imagerie et un avis neurologique urgents sont requis pour éliminer un gliome du chiasma ou un syndrome dysmyélinique. Une autre situation pathologique est possible : il existe une pathologie rétinienne soit stationnaire (héméralopie essentielle : Congenital Stationary Night Blindness, achromatopsie, monochromatisme à cônes bleus, autres dysfonctions des cônes), soit évolutive (dystrophie rétinienne) ; c’est le bilan électrophysiologique et l’évolutivité, et le bilan génétique qui font le diagnostic. Il peut enfin s’agir d’une pathologie idiopathique régressive : • le nystagmus est plus fréquemment « strabologique » ; il s’agit d’un nystagmus horizontal à ressort changeant de sens en fonction de l’œil fixateur, plutôt latent (Fusion Maldevelopment Nystagmus Syndrome) ; il existe ainsi dans le strabisme précoce et la prise en charge est celle du strabisme ; • le nystagmus est le plus souvent « sensoriel » et c’est un nystagmus horizontal, pendulaire en position primaire, à ressort dans les regards latéraux ; il est présent dans les premiers mois de vie, classiquement il doit être présent (« vu ») avant 4 mois. C’est le syndrome du nystagmus précoce (Infantile Nystagmus Syndrome) qui peut correspondre à un grand nombre d’étiologies, toutes étant responsables d’une mauvaise vision de fac¸on bilatérale ; c’est l’examen ophtalmologique et électrophysiologique si besoin qui font le diagnostic : ◦ opacité congénitale de cornée bilatérale (dysgénésie), ◦ cataracte bilatérale, ◦ albinisme oculaire ou oculocutané, ◦ dystrophie rétinienne bilatérale (amaurose congénitale de Leber RPE65, rétinopathies pigmentaires autres), ◦ rétinopathies/maculopathie acquises infectieuses (rubéole, CMV...), ◦ dysfonctions rétiniennes stables (dysfonctions des cônes comme l’achromatopsie ou le monochromatisme à cônes bleus ou la maladie de Bornholm ou d’autres types de dysfonctions des cônes ; héméralopie), ◦ anomalies du nerf optique bilatérales (hypoplasie papillaire par exemple). NB : exceptionnellement dans le syndrome du nystagmus précoce il n’existe pas d’anomalie sensorielle et il s’agit d’un nystagmus de type « essentiel » « moteur » « idiopathique ».
Conduite à tenir devant un strabisme Un strabisme ne se définit pas comme un aspect du regard altéré par l’absence de parallélisme des yeux, et pas même comme l’absence d’un caractère centré de fac¸on bilatérale et symétrique des reflets cornéens ; un strabisme se définit comme une absence de bifixation fovéolaire concomitante d’un même objet par les deux yeux, ceci étant évalué de loin et de près. La première difficulté est de savoir d’il existe vraiment un strabisme ou non, avec la difficulté supplémentaire de l’examen à l’âge préverbal et même au-delà. Le strabisme survenant chez l’enfant pendant la période sensible du développement visuel, il peut entraîner une amblyopie, mais l’amblyopie elle-même peut engendrer un strabisme. Ainsi, le raisonnement est simple et la conduite à tenir standardisée, adaptée à l’âge, afin de répondre à plusieurs questions : • Y a-t-il un strabisme vrai ? • Quel est l’angle de déviation mesuré ou estimé ? • Y a-t-il un strabisme sensoriel ? Cela revient à faire un examen anatomique des yeux à la recherche d’une anomalie organique. • Quelle est la réfraction du patient mesurée sous cycloplégie ? • Quelle est l’acuité visuelle (avec correction) si on peut la mesurer à l’âge verbal ? • Existe-t-il une amblyopie ? • Quelle est la motilité oculaire ? Est-ce que l’angle de déviation est le même dans toutes les directions du regard ? Est-ce qu’il existe des signes de paralysie oculomotrice ? • En cas de strabisme aigu, on recherchera immédiatement des signes de paralysie du III (ptosis, mydriase, divergence) ou du VI
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(convergence ou défaut d’abduction, et une cause à type d’HTIC en recherchant un œdème papillaire au fond d’œil). • Quel est le type de strabisme (cf. encadré : Les formes de strabisme). L’Annexe B évoque un exemple de suspicion de strabisme et d’amblyopie.
Conduite à tenir devant une diplopie Devant une diplopie, on est face plutôt à un adulte ou un grand enfant. Pendant la période sensible du développement visuel, en cas d’absence de parallélisme des yeux, il existe un phénomène de suppression corticale : comme les informations en provenance de l’œil droit et de l’œil gauche ne sont pas synchronisées dans l’espace et le temps, un interneurone inhibiteur de la couche IV du cortex visuel primaire inhibe l’un ou l’autre des canaux monoculaires droit ou gauche, de fac¸on alternante symétrique ou non alternante/non symétrique, ce qui induit l’amblyopie. Après la fin de la période sensible du développement visuel, ce phénomène de supression n’existe plus et deux images différentes sont en compétition au niveau de la couche binoculaire II/III du cortex visuel : il y a confusion de deux images différentes au même endroit, et vision des deux mêmes images mais à des endroits différents (c’est la diplopie). Le raisonnement en réalité est proche de celui à adopter dans le cas du strabisme, tout en ayant en tête les étiologies différentes du strabisme chez le grand enfant et l’adulte, par opposition aux causes de strabisme chez l’enfant. Les causes de strabisme paralytiques seront privilégiées, et l’examen en réalité est semblable : • examen réfractif ; • examen oculomoteur ; • examen anatomique des yeux.
Maladies visuelles Anomalies réfractives [14, 15] et amblyopie [1] La réfraction est la pierre angulaire de l’examen ophtalmologique, chez l’enfant comme chez l’adulte ; un examen réfractif exact et une mesure de la fonction visuelle avec la correction éventuellement nécessaire constituent les fondations de l’évaluation de la fonction visuelle. Ce n’est qu’après éventuelle correction d’une anomalie réfractive que l’on peut ensuite évaluer la fonction visuelle et diagnostiquer une baisse d’acuité visuelle dont on déterminera la cause. La mesure de la réfraction est complexe : il s’agit d’une mesure objective et subjective de la puissance optique du système visuel. La réfraction objective est dépendante des machines, de leur précision et de leurs performances techniques ; elle dépend aussi chez l’enfant des capacités accommodatives qui faussent la mesure, ce qui oblige à faire la mesure sous cycloplégie (instillation de collyre atropinique ou de cyclopentolate au préalable de la mesure). La réfraction subjective est dépendante de l’âge du sujet, de ses capacités de compréhension et de participation à l’examen. Une autre problématique est celle de la norme : quelle est l’acuité visuelle normale : 10/10, 12/10, 20/10 ? En réalité il faut définir l’acuité visuelle maximale, qui est de 20 dixièmes, et celleci est limitée par la distance entre deux cônes au centre de la rétine. La détermination de l’acuité visuelle est la détermination du pouvoir discriminant de l’appareil visuel, c’est-à-dire l’angle minimal de résolution ; cela sous-tend la notion de fréquence spatiale ; « voir » 10/10, c’est discriminer 1 minute d’arc, quelle que soit la distance : plus près, l’optotype diminue de taille ; plus loin, sa taille augmente. On rappelle que dans 1 degré, il y a 60 minutes, et dans 1 minute, 60 secondes. L’acuité visuelle maximale est la capacité de discrimination de 0,5 minute (Fig. 14). L’acuité visuelle maximale varie selon l’âge et les sujets (Fig. 15). On estime l’acuité visuelle « normale » de : • 1/20 à la naissancec • 3/10 à 1 an ; EMC - Pédiatrie
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L’ACUITÉ VISUELLE Angle minimal de résolution de x degré, ou y minute
L’acuité visuelle de 10/10, est la capacité de discrimination d’1 minute d’arc « MAR » Minimal Angle Resolution = 1 minute Acuité visuelle maximale 20/10 = capacité de discrimination de 0,5 minute soit 30 secondes d’arc 360°
1M INU
TE 1 dégré = 60 minutes
5 MINUTES
Figure 14.
Naissance 1/20
Âge
Acuité visuelle
Naissance
0,05
3 mois
0,1
1 an
0,3
4 ans
1,0
6 ans
> 1,2
1 mois 0,75/10
3 mois 1/10
6 mois 2,5/10
3 ans 5/10
5 à 6 ans 10/10
Figure 15. Développement de la vision et période sensible du développement visuel. Estimation de l’acuité visuelle chez l’enfant. À l’âge préverbal, l’acuité visuelle est estimée et déduite des résultats des tests de regard préférentiel, des potentiels évoqués visuels, du nystagmus optocinétique.
• • • •
6 à 10/10 à 4 ans ; maximale entre 16 et 20/10 à l’adolescence ; 10/10 à 65 ans ; infiérieure à 10/10 après 70 ans, indépendamment de maladie ophtalmologique. Un œil emmétrope a une fonction visuelle maximale sans correction optique : l’image se projette parfaitement sur la rétine, ni en arrière, ni en avant. Un œil amétrope a une fonction visuelle maximale avec une correction optique. L’examen ophtalmologique commence par la réfraction puis l’examen anatomique, l’examen moteur et les éventuels examens complémentaires sont pratiqués. Il est détaillé dans l’Annexe C. Si la fonction visuelle est anormale avec la correction optique, c’est-à-dire que la « meilleure acuité visuelle corrigée n’est pas optiEMC - Pédiatrie
L’acuité visuelle.
male », il existe une pathologie que l’examen clinique et/ou les examens paracliniques vont déterminer. En cas d’altération précoce de l’expérience visuelle, c’est-à-dire survenant pendant la période sensible ou critique du développement visuel (première décennie de la vie), il peut survenir une amblyopie dont on rappelle la définition : « L’amblyopie pourrait [...] être définie comme une diminution plus ou moins sévère de la fonction visuelle du fait d’une altération précoce de l’expérience visuelle, le plus souvent asymétrique, par privation d’une image et/ou perturbation du lien binoculaire par strabisme et/ou anisométropie, avec ou sans anomalie anatomique de l’œil et/ou des voies visuelles retrouvée. » [1] ; l’amblyopie est un problème cortical, non oculaire et ni même des voies visuelles (Annexe D). En réalité, « des amblyopies » peuvent survenir s’il existe une perturbation de la maturation du système visuel car il en existe plusieurs formes : • amblyopie monoculaire, qui est une baisse de vision unilatérale, malgré la correction optique et l’absence d’anomalie organique (ou après le traitement éventuel de celle-ci) ; on explique aux parents qu’un œil envoie une information en « bas débit » au cerveau alors que l’autre envoie une information « normale » en « haut débit » ; • amblyopie bi-oculaire, qui correspond à une vision inférieure à la normale des deux yeux ; elle survient en cas d’altération précoce bilatérale de l’expérience visuelle (par exemple : amétropie forte corrigée tardivement, cataracte « congénitale » bilatérale...) ; malgré le traitement optique et/ou de la cause organique, la vision de deux yeux plafonne ; • amblyopie binoculaire, qui correspond à une absence de vision binoculaire normale (vision stéréoscopique/vision du relief). La plasticité cérébrale négative est responsable de l’amblyopie, mais la plasticité cérébrale positive permet la guérison de l’amblyopie. Les bases neurales de l’amblyopie sont une altération des propriétés des neurones visuelles qui perdent leurs capacités de binocularité, de sélectivité à l’orientation, au mouvement, à la vitesse, etc. Le traitement de l’amblyopie monoculaire est basé sur la correction réfractive, le traitement éventuel si possible de la cause organique, et l’occlusion de l’œil sain ; pendant le traitement d’attaque, l’œil sain est caché 24 h/24 h, puis pendant le traitement d’entretien de fac¸on intermittente, puis pendant le traitement de prévention de la récidive par exemple par une
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surcorrection volontaire de l’œil sain (on induit une image floue par correction volontairement erronée). Le traitement de l’amblyopie est long et dure plusieurs années. La problématique majeure de l’amblyopie est la nécessité absolue de son dépistage pendant la période sensible du développement visuel, par dépistage/détection des facteurs amblyogènes : anomalies réfractives, strabisme, anomalies organiques (cf. section « Conduite à tenir en cas d’antécédents familiaux »).
Maladies de la cornée Les maladies de la cornée sont multiples, acquises ou innées, exogènes ou endogènes (malformatives) ; leur diagnostic est clinique et aidé par l’imagerie précise du segment antérieur de l’œil [16, 17] . Lorsqu’il existe une opacité congénitale de la cornée, les causes peuvent être malformatives comme une anomalie de Peters (Fig. 16) qui est une dysgénésie du segment antérieur de l’œil (cf. section « Conduite à tenir devant une anomalie de transparence »). Les anomalies malformatives oculaires comme les dysgénésies du segment antérieur de l’œil sont des pathologies liées à des mutations dans les gènes du développement de l’œil (par exemple PAX 6) ; d’autres mutations de ce gène majeur du développement de l’œil pouvant entraîner des anomalies plus complexes, comme l’aniridie, caractérisée par une absence d’iris mais en fait associée à d’autres anomalies plus sévères : dysgénésie du limbe entraînant une opacification progressive de cornée, anomalie de l’angle
Figure 16.
Anomalie de Peters.
cause de glaucome, aplasie de la fovéola (rétine) responsable d’une baisse de vision sévère (Fig. 17). L’aniridie est une pathologie potentiellement grave au-delà de l’œil, car l’anomalie de PAX 6 peut être : soit une mutation génétique, isolée, soit une délétion chromosomique en 11p1.3, qui emporte non seulement PAX 6 mais aussi des gènes contigus, responsable du syndrome WAGR (tumeur de Wilms = néphroblastome, Aniridie, anomalies Génito-urinaires, Retard psychomoteur) ; du fait du risque vital avec survenue de ce cancer rénal, s’il existe une délétion chromosomique qu’il faut donc absolument rechercher immédiatement par un caryotype en haute résolution, une surveillance par échographies itératives
“ Point fort Les amétropies Emmétropie : le système visuel n’est pas amétrope, et l’image qui arrive sur la face antérieure de la cornée converge exactement sur la rétine, ni en arrière, ni en avant, grâce à la puissance de convergence de la cornée (40 à 45 dioptries) et celle du cristallin (une vingtaine de dioptries qui peuvent augmenter avec le pouvoir accommodatif). Dioptrie : c’est l’unité de mesure d’un défaut réfractif. Myopie : l’image se focalise en avant de la rétine ; elle se corrige par un verre sphérique concave. Classiquement, on dit que la vision est floue de loin mais de près la vision peut rester nette car un point image d’un point objet situé de près se focalise en arrière de celui du point objet situé à l’infini ; pour une myopie de 3 dioptries, l’image de loin se focalise en avant de la rétine et la vision sans correction est floue (environ 1 à 2/10), mais un objet à 33 cm (1 mètre/3) se focalise exactement sur la rétine ; pour une myopie plus forte, l’image de près devra être rapprochée pour rester nette. Hypermétropie : l’image se focalise en arrière de la rétine ; elle se corrige par un verre sphérique convexe. Classiquement, on dit que la vision est floue de près mais nette de loin ; en réalité, l’image est nette de près et de loin au prix d’un effort accommodatif possible avant l’âge de la presbytie. L’image de loin (à l’infini) se focalise en arrière de la rétine à une distance d’autant plus grande que l’hypermétropie est forte ; l’image de près se focalise encore plus en arrière que l’image de loin. La modification de la puissance de convergence du cristallin, c’est-à-dire la déformation mécanique de cette lentille souple intraoculaire, sous l’effet de la contraction du muscle ciliaire, permet d’augmenter sa puissance de convergence et ramener l’image objet en avant ; cette accommodation diminue avec l’âge car le cristallin devient moins déformable avec sa rigidification progressive. C’est pourquoi en l’absence d’accommodation chez un hypermétrope, l’image est floue de loin comme de près. Astigmatisme : l’image d’un point n’est pas un point, mais il existe une déformation de l’image par absence de sphéricité parfaite du système optique. Dans un astigmatisme « simple » régulier, il existe deux méridiens orthogonaux de puissances différentes, avec focalisations différentes des images ; l’image est déformée « comme dans un miroir de foire qui élargit ou allonge ». L’astigmatisme peut être cornéen (la cornée n’est pas une portion parfaite de sphère, mais est déformée « comme un ballon de rugby par rapport à un ballon de football »), et/ou cristallinien/interne. Un astigmatisme régulier se corrige par un verre cylindrique. S’il existe une myopie ou une hypermétropie associée, le verre est sphérocylindrique. Dans un astigmatisme irrégulier, il existe une variété de points de focalisation, le plus souvent à cause d’une déformation cornéenne post-traumatique ou cicatricielle ou par distension du collagène dans le kératocône ; ce type d’astigmatisme se compense par une lentille rigide. Anisométropie : les puissances réfractives des deux yeux ne sont pas identiques, ce qui est quasiment toujours le cas ; mais on considère une anisométropie comme significative si la différence sphérique ou cylindrique est supérieure à 0,75 D. Presbytie : c’est la perte du pouvoir d’accommodation/de mise au point de l’œil par rigidification du cristallin avec l’âge ; elle se corrige par un verre bifocal ou progressif, avec une formule de correction qui n’est pas la même pour la vision de loin et la vision de près.
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EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant 4-120-A-10
Figure 17.
Figure 18.
Aniridie.
Dacryocystite.
pendant les premières années de vie est requise, avec prise en charge uro-onco-pédiatrique le cas échéant ; le pronostic global est également différent, et les conseils aux parents à adapter. Un enfant qui présente une aniridie isolée a une malvoyance ; un enfant qui présente un syndrome WAGR a souvent un retard global associé, qui affecte la prise en charge, la scolarité. Beaucoup plus fréquemment, les pathologies de la cornée sont les formes sévères de pathologies de la surface oculaire. Les pathologies non compliquées de la surface oculaire sont les conjonctivites : l’œil est rouge et non douloureux, et les différentes formes sont : • allergiques ; • infectieuses bactériennes (Haemophilus, streptocoque...) ou virales (adénovirus) ; les conjonctivites « banales » du nourrisson peuvent ceci dit parfois se compliquer, non pas de kératites mais de pathologies des annexes (Fig. 18). Les formes compliquées sont des kératites ou kératoconjonctivites, souvent douloureuses avec baisse d’acuité visuelle : • allergiques ; • kératoconjonctivites vernales ; • rosacée oculaire ; • infectieuses, bactériennes (abcès de cornée, kératoconjonctivite du nouveau-né à gonocoque ou Chlamydiae) ou virales (herpès, varicelle...) ou parasitaires exceptionnellement (amibe dans un contexte de lentille de contact). Les traumatismes mécaniques ou physiques (chimiques avec gravité des produits basiques de pH > 7 par rapport aux produits acides de pH < 7) sont également responsables de kératites sévères.
Glaucomes Le glaucome est une neuropathie optique cécitante, dont une des causes est l’hypertonie oculaire. Les différentes classifications du glaucome de l’enfant vont distinguer les formes primaires des formes secondaires, les formes précoces des formes tardives, le glaucome congénital du glaucome juvénile [18, 19] .
Glaucome congénital Le glaucome de l’enfant (congénital) est une pathologie rare (prévalence variable de 1/300 000 à 1/2500 ; en Europe occidentale, 1/18 500) ; c’est une forme de dysgénésie du segment antérieur, car c’est une anomalie de l’angle irido-cornéen. C’est une pathologie uni- ou bilatérale, symétrique ou pas. EMC - Pédiatrie
En situation physiologique normale, l’humeur aqueuse sécrétée par les corps ciliaires en arrière de l’iris est résorbée au niveau du trabéculum, dans l’angle formée sur 360◦ par l’iris et la cornée. Si cette structure est malformative, non ou peu fonctionnelle, le tonus oculaire augmente ; l’hypertonie oculaire isolément ne fait pas baisser la vision, mais à terme, la pression intra-oculaire excessive entraîne une moindre vascularisation du nerf optique, car la pression de perfusion de celui-ci est limitée par l’hypertonie oculaire. Progressivement, les cellules sont ischémiques et il survient un phénomène d’apoptose. Le nerf optique est constitué des axones des cellules ganglionnaires de la rétine qui sont les cellules qui meurent progressivement ; ce sont les cellules ganglionnaires périphériques qui disparaissent en premier ; le champ visuel se rétrécit jusqu’à la cécité. Chez l’enfant, un autre phénomène cécitant survient, car les structures de l’œil (son collagène, de la sclère et de la cornée) sont élastiques, ce qui permet la croissance normale de l’œil pendant la première décennie de la vie. Si une hypertonie oculaire survient, la sclère et la cornée se distendent, l’œil grossit trop et trop vite par rapport à la normale, et devient buphtalme ; par ailleurs, l’hyperpression intra-oculaire est excessive pour la barrière des cellules endothéliales de la cornée constituée de l’extérieur vers l’intérieur par des cellules épithéliales, un stroma, une membrane dite de Descemet, et par cette couche de cellules endothéliales ; de l’eau vient envahir la cornée qui s’œdématie, augmente d’épaisseur puis les fibres de collagène régulières deviennent désorganisées et la cornée perd de sa transparence. Ainsi, les signes cliniques spécifiques du glaucome « congénital » sont la buphtalmie et l’opacification de la cornée. Le terme de congénital n’est pas approprié, car si dans les formes sévères la buphthalmie et l’opacification de la cornée sont présentent dès la naissance, dans des formes moins sévères la cornée reste transparente à la naissance, et la pathologie survient plus tard, lorsqu’un déséquilibre survient entre résorption diminuée (par dysgénésie congénitale de l’angle iridocornéen) et sécrétion de l’humeur aqueuse ; le phénotype ne s’exprime pas de fac¸on congénitale, même si le génotype anormal est lui bien congénital. Ce génotype est le plus souvent une mutation récessive du gène CYP1B1 dans le glaucome congénital primaire. Ce génotype est le plus souvent une mutation dominante de différents gènes comme PAX 6, FoxC1, PITX2, etc. dans les glaucomes secondaires, même s’il existe des formes de glaucome primaire par variants de FOXC1 autosomiques dominants, par exemple (ce qui change de fac¸on majeure le conseil génétique pour les parents). Par opposition au glaucome congénital primitif isolé qui constitue une trabéculodysgénésie isolée, les glaucomes secondaires sont des trabéculodysgénésies associées où il existe un glaucome par anomalie du développement, avec selon les anciennes classifications de Hoskins et Shaffer : • l’embryotoxon postérieur constituant une cornéodysgénésie ; • l’aniridie et l’ectropion congénital de l’épithélium pigmenté constituant une trabéculo-irido-dysgénésie ; • les anomalies d’Axenfeld, de Rieger ou de Peters constituant les trabéculo-cornéo-irido-dysgénésies. Le glaucome chez l’enfant constitue une urgence ; c’est une pathologie cécitante ; le traitement est le plus souvent chirurgical [20] . Le pronostic fonctionnel est réservé sur le long terme, avec parfois des formes qui récidivent malgré les traitements itératifs.
Glaucome juvénile Le glaucome de l’enfant et de l’adolescent ou glaucome juvénile est une pathologie totalement différente, survenant après 3 ans. Le mécanisme est différent avec anomalie d’une protéine trabéculaire : la myociline. Le glaucome juvénile à angle ouvert demeure une maladie rare, grave car potentiellement cécitante. Il représente 6 % des glaucomes primitifs avec une incidence de 0,32/100 000 patients de moins de 20 ans. Il est toujours bilatéral, symétrique ou pas. La génétique est celle d’une transmission autosomique dominante avec cinq loci incriminés (GLC1A, GLC1 J, GLC1 K, GLC1 M, GLC1 N) mais seul le gène GLC1A codant pour la
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Figure 19.
Cataracte 1.
Figure 21.
Cataracte implant monofocal.
Figure 20.
Cataracte 2.
Figure 22.
Cataracte implant multifocal.
myociline a été identifié. On retrouve chez 20 % des patients une mutation du gène myociline/TIGR sur ce locus GLC1A du chromosome 1q23. Le glaucome juvénile est plus fréquent chez les mélanodermes. Le dépistage est obligatoire en cas d’antécédents familiaux car la pathologie est asymptomatique. Le traitement est chirurgical (chirurgie filtrante).
Autres formes de glaucome à angle ouvert D’autres formes de glaucomes à angle ouvert existent, associées à des maladies du tissu conjonctifs (Marfan, Stickler, Kniest, Weil-Marchesani), à des pathologies métaboliques de surcharge en particulier, à des pathologies vasculaires (Sturge-WebberKrabbe, Klippel-Trenaunay, phacomatose pigmentovasculaire...), à l’ectropion congénital de l’uvée, au nævus de Ota... Les glaucomes peuvent également être iatrogènes (corticothérapie, chirurgie de segment antérieur), secondaires à des uvéites.
Glaucome par fermeture de l’angle Les glaucomes par fermeture de l’angle sont exceptionnels chez l’enfant.
Cataractes La cataracte congénitale, comme le glaucome, n’est pas forcément présente dès la naissance, même l’anomalie causale développementale l’est, et s’exprime de fac¸on retardée. L’incidence dans la population générale de la cataracte chez un enfant de moins de 2 ans est évaluée à 6 pour 10 000 naissances (il y a environ 800 000 naissances par an en France, soit 480 cas par an). La pathologie est uni- ou bilatérale (2/3 vs 1/3, respectivement). Le cristallin est opaque avec des formes variées (Fig. 19, 20). Il existe des facteurs de risque : nouveau-nés de faible âge gestationnel ou de faible poids de naissance, enfants ayant présenté une anoxie périnatale ou une infection anté- ou néonatale (toxoplasmose, infections virales, notamment à cytomégalovirus), enfants avec antécédents familiaux ou porteurs d’anomalies chromosomiques (trisomie 21, par exemple).
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Le pronostic varie selon le caractère bilatéral ou unilatéral, avec amblyopie bilatérale dans les cas bilatéraux, mais vision meilleure que dans les cas unilatéraux où l’amblyopie peut être plus profonde avec anisoacuité résiduelle selon l’âge de l’intervention et le traitement de l’amblyopie unilatérale [21] . Dans tous les cas, l’objectif est une acuité visuelle supérieure à 6/10, ce qui est atteint dans la moitié des cas. Le bilan préopératoire est un bilan ophtalmologique à la recherche de dysgénésies associées en s’assurant de l’intégrité du segment postérieur (échographie). Le bilan général recherche les étiologies de la cataracte congénitale, qui peuvent être héréditaires autosomiques dominantes/récessives/liées à l’X (syndrome de Lowe, amino-acidurie...). On recherche les maladies métaboliques dont le traitement précoce est possible (galactosémie). Il existe aussi des étiologies de maladies mitochondriales, des infections, des anomalies chromosomiques (trisomies 21, 18, 13 ; délétions). Après 10 ans on évoque la xanthomatose cérébrotendineuse et après 20 ans la maladie de Wilson. En pratique, outre un examen clinique pédiatrique, on recherche une galactosémie, un déficit en G6PD, une pathologie rénale par dosage des acides aminés urinaires, les maladies infectieuses (CMV, herpes, toxoplasmose, rubéole, syphilis, oreillons) ; le bilan anesthésique inclue une échographie cardiaque. Le traitement est chirurgical dès le diagnostic posé pour une cataracte obturante, d’un œil puis l’autre le cas échéant, avec un parcours et un suivi qui requièrent un temps et une détermination majeurs [22] . Avant 5 ans l’implant est monofocal (Fig. 21). Après 5 ans l’implant peut être multifocal (Fig. 22). Le traitement de l’amblyopie unilatérale dans les cas unilatéraux se poursuit jusqu’à 10 ans.
Pathologies du segment postérieur, innées et acquises Les pathologies du segment postérieur (vitré et rétine) sont très nombreuses, et la démarche diagnostique qui s’aide souvent EMC - Pédiatrie
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Figure 23. Drépanocytose : silence fluorescéinique périphérique œil droit (A) et œil gauche (B).
A d’explorations fonctionnelles comme l’autofluorescence, l’OCT et le bilan électrophysiologique (électrorétinogramme et potentiels évoqués visuels) va dépendre du type de lésion visible ou pas au fond d’œil, de l’âge de l’enfant qui oriente vers une pathologie ou l’autre ; le diagnostic est confirmé dans certains cas par la génétique et l’évolution [23–25] . Les diagnostics sont divers avec une distinction fondamentale entre pathologies évolutives et pathologies stationnaires ; la génétique est fondamentale avec des pistes thérapeutiques émergentes, en particulier dans la rétinopathie pigmentaire RPE65.
Maladies rétiniennes donnant des tâches pigmentées Maladies rétiniennes donnant des tâches pigmentées localisées Maladie rétinienne donnant des tâches pigmentées localisées dans la macula (centre de la rétine). Maladie de Stargardt, caractérisé par des dépôts pigmentaires sous forme de taches chez un enfant à la fin de sa première décennie. Maladie rétinienne donnant des tâches pigmentées localisées en périphérie de la rétine. Plusieurs diagnostics peuvent être évoqués selon l’aspect : • pigmentation groupée de l’épithélium pigmentaire de la rétine ; on note un aspect de traces de pattes d’ours, de couleur brune, pouvant être localisées et asymétriques, quelquefois couvrant toute la périphérie ; elles sont congénitales, non évolutives, non pathologiques ; • hyperplasie de l’épithélium pigmentaire ; il existe de rares taches isolées, très noires ; elles sont congénitales, non évolutives ; • le syndrome de Gardner se caractérise par des taches brun-noir, oblongues et est associé à une polypose colique prédisposant au carcinome colique ; • la rétinite pigmentaire en secteur se caractérise par des pseudoostéoblastes en secteur inférieur (mutations de la rhodopsine) nasal ou temporal (plus rare) mais symétrique ; elle survient plutôt chez l’adolescent ou l’adulte ; • rétinopathie externe occulte zonale aiguë qui survient plutôt chez l’adolescent ou l’adulte. Maladies rétiniennes donnant des tâches pigmentées diffuses Maladies rétiniennes donnant des tâches pigmentées diffuses en périphérie. Rétinites pigmentaires, caractérisées par des pseudo-ostéoblastes rétiniens typiques, décorant les vaisseaux rétiniens, chez l’enfant classiquement peu nombreux dans une rétinite pigmentaire débutante, pouvant être réduites à quelques petits points pigmentés. Amaurose congénitale de Leber, chez un nourrisson au compartiment de malvoyance avec nystagmus ; les aspects sont variables selon le gène en cause. Choroïdérémie, dans laquelle les dépôts en taches sont peu nombreux, avec chez les filles conductrices de cette pathologie liée à l’X des chapelets de petites lésions pigmentées allant vers la périphérie. Albinisme lié à l’X, chez une fille, avec hétérogénéité de la pigmentation périphérique. Maladies rétiniennes donnant des taches pigmentées diffuses en périphérie et dans la macula. Cone-rod dystrophies : ce sont des rétinopathies pigmentaires avec un début marqué par EMC - Pédiatrie
B une atteinte maculaire similaire à une maculopathie (atteinte des photorécepteurs de type cone [cone] avant les photorécepteurs de type bâtonnet [rod]). Rubéole congénitale (non évolutive) avec aspect de rétine poivre et sel, qui peut évoquer aussi une myopathie de KearnSayres.
Maladies rétiniennes donnant des taches non pigmentées, des dépôts, des reflets anormaux, des placards lésionnels, des anomalies de coloration Taches et dépôts Taches et dépôts maculaire. Selon la couleur des dépôts on évoque en cas de couleur jaune une maladie de Best, dominante autosomique, ou une maladie de Stargardt, récessive autosomique en majorité (gène ABCA4) ou rarement dominante. En cas de couleur rouge, on évoque la maladie de Tay-Sachs, récessive autosomique, avec tache fovéolaire rouge cerise au sein d’une macula blanche, par déficit en hexosaminidase A avec selon la forme infantile, juvénile ou adulte : une ataxie et une détérioration intellectuelle variables. Taches et dépôts disséminés. Selon la couleur des dépôts on évoque en cas de couleur jaune : • une bestrophinopathie ou maladie de Best multifocale, récessive autosomique ou dominante, caractérisée par des petites taches rondes en couronne autour du pôle postérieur et/ou disséminées, hyperautofluorescentes ; • un Fundus flavimaculatus, avec des taches jaunes pisciformes hyperautofluorescentes disséminées au pôle postérieur, voire au-delà, qui est une forme périfovéolaire ou périphérique de la maladie de Stargardt ; • une Benign fleck retina, avec des taches blanc-jaune hyperautofluorescentes, et une hérédité récessive autosomique. Si les taches et dépôts disséminés sont blancs, il peut s’agir : • d’une rétinite ponctuée albescente, récessive autosomique, caractérisée par des petites taches blanches ponctiformes, couvrant une partie ou la totalité de la périphérie, non hyperautofluorescentes ; • d’un Fundus albipunctatus, récessif autosomique, avec des taches blanches régulières, de disposition radiaire, non hyperautofluorescentes ; • de taches blanches albinotiques congénitales qui sont des petites taches dépigmentées, plus ou moins disséminées. Reflets, placards, anomalies de coloration dans la macula et en périphérie L’aspect clinique oriente le diagnostic. En cas de reflet jaune doré, on évoque une rétinite pigmentaire liée à l’X, visible chez les filles conductrices ou le garc¸on au début de la maladie, avec des traînées jaunes dorées à disposition radiaire, non hyperautofluorescentes. En cas de placards blanchâtres en périphérie seulement, chez l’enfant très jeune, et disparaissant en quelques années, il peut s’agir d’une amaurose congénitale de Leber ou certaines formes de rétinites pigmentaires sévères, récessives autosomiques. L’albinisme oculaire ou oculo-cutané donne des anomalies de coloration typiques avec visibilité importante de toute la vascularisation choroïdienne, aspect rouge jaunâtre de
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la périphérie rétinienne et rouge de l’aire maculaire, et transillumination irienne et hypoplasie fovéolaire.
Lésions rétiniennes : atrophie et autres lésions Atrophie rétinienne On retrouve un aspect de pseudo-colobomes maculaires : • dans la dysplasie maculaire de la Caroline du Nord, dominante autosomique, congénitale, avec des zones d’atrophie ovale, à bords plus ou moins pigmentés ; • dans certaines formes d’amaurose congénitale de Leber, récessive autosomique apparaissant pendant la 1re année de vie, avec des zones d’atrophie à contours souvent polylobés, et avec une rétine périphérique terne ; • dans l’achromatopsie congénitale, mais de fac¸on rare dans cette maladie congénitale. On retrouve un aspect d’atrophies maculaires : • dans la « Macula torpille », avec une zone d’atrophie congénitale en torpille située en juxtatemporal de la macula ; • dans certaines formes d’amaurose congénitale de Leber, avec parfois des dépôts pigmentaires jaunâtres dans l’atrophie ; • dans la maladie de Stargardt, avec une atrophie qui est rarement visible au fond d’œil avant plusieurs années d’évolution. On retrouve un aspect d’atrophie périphérique dans la choroïdérémie à l’adolescence et dans certaines maladies métaboliques comme le déficit en L-CHAD (Long-chain 3-hydroxyacyl-CoA dehydrogenase). Kystes, œdèmes et exsudats On retrouve des kystes maculaires : • dans le rétinoschisis juvénile, récessif lié à l’X ; • dans le syndrome de Goldman-Favre, récessif autosomique ; • dans l’œdème maculaire cystoïde dominant, rare et évolutif. On retrouve des exsudats en cas de complications des rétinites pigmentaires, situés en périphérie et unilatéraux ; dans la maladie de Coats ; dans l’oculopathie MFRP (membrane-type frizzledrelated protein) caractérisée par de grandes plages d’exsudats avec anomalies vitréennes ; dans les vitréorétinopathies familiales exsudatives, dans lesquelles on retrouve des anomalies vitréennes et de la vascularisation rétinienne périphérique, et des anomalies vitréennes majeures. On peut retrouver un œdème maculaire cystoïde assez fréquemment en cas de rétinite pigmentaire de forme modérément sévère. Tumeurs et cristaux On retrouve des phacomes dans la sclérose tubéreuse de Bourneville, dominante autosomique ; il s’agit de petites formations tumorales blanches et/ou muriformes, pouvant être associées à des taches achromiques ; il existe au plan systémique des taches cutanées café au lait, une épilepsie, des atteintes cérébrales et cardiaques. On retrouve des hamartomes dans la sclérose tubéreuse de Bourneville (hamartomes rétiniens multiples), dans la neurofibromatose de type 2, en ce cas juxtapapillaires, avec membrane épirétinienne, cataracte et schwannomes associés. On retrouve des cristaux rétiniens dans l’oxalose, la cystinose, la maladie de Bietti, mais aussi par iatrogénie médicamenteuse. Plis rétiniens et anomalies vasculaires On retrouve des plis rétiniens dans la maladie de Norrie, dans les vitréorétinopathies, dans la rétinopathie du prématuré. On retrouve des anomalies vasculaires à type d’hémangioblastome de la rétine, formant une petite lésion rouge, en moyenne périphérie, dans la maladie de Von HippelLindau. On retrouve des hémorragies rétiniennes dans l’acidurie organique de type 1. On retrouve des dilatations vasculaires dans la neuropathie optique héréditaire de Leber et dans le syndrome HANAC (tortuosité vasculaire rétinienne, atteinte rénale, porencéphalie type 1). On retrouve des stries angioïdes dans le pseudoxanthome élastique. Dans la drépanocytose, les anomalies rétiniennes sont la conséquence d’occlusions artériolaires périphériques, puis d’anastomoses artérioloveinulaires, d’ischémie responsable de néovascularisations pré-rétiniennes périphériques, pouvant engendrer hémorragies intravitréennes voire rarement au stade
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tardif un décollement de rétine. L’aspect fréquent de tache noire solaire en périphérie (black sunburst) est la conséquence d’une hypertrophie de l’épithélium pigmentaire faisant suite à des hémorragies rétiniennes profondes et sous-rétiniennes. Les anomalies artérioloveinulaires et anastomoses ne peuvent être vues qu’en angiographie à la fluorescéine, et l’ischémie maculaire en particulier temporale se diagnostique par un OCT ; la question dans la drépanocytose est le dépistage, requis en réalité selon les facteurs de risque et la nécessité de thérapeutique : fréquence de rétinopathie supérieure dans les formes hétérozygotes SC par rapport aux formes homozygotes ; âge : fréquence de rétinopathie drépanocytaire moins de 5 % avant 15 ans en cas de forme SS, moins de 10 % avant 10 ans en cas de forme SC ; la présence d’une rétinopathie drépanocytaire ne requiert qu’exceptionnellement une photocoagulation laser avant l’âge adulte, car les zones de silence fluorescéinique périphérique (Fig. 23A, B) sont des zones d’absence de cellules et non des zones de rétines ischémiques qui engendreraient une néovascularisation (aspect de sea fan : écume de mer).
Uvéites ; infections et inflammations Les uvéites sont des maladies inflammatoires de l’œil, d’origine infectieuse ou non [26] . L’uvée est le tissu vasculaire constitué de l’iris, du corps ciliaire et de la choroïde ; il s’agit d’un tissu vasculaire qui amène les facteurs inflammatoires cellulaires et protéiques ; la maladie n’est pas une maladie de l’uvée mais de l’œil, avec prédominance possible de l’atteinte au niveau du segment antérieur (Tyndall, cataracte, synéchies, glaucome, kératopatie en bandelette ; Fig. 24A) ou du segment postérieur (hyalite, vascularite, œdème maculaire, papillite). En cas d’atteinte antérieure et postérieure, on parle de panuvéite ; une uvéite de la rétine antérieure et/ou du corps ciliaire est une uvéite intermédiaire. Selon l’aspect de l’uvéite et sa localisation, un diagnostic est suspecté, prouvé ou non par le bilan local et systémique. Les uvéites sont des pathologies parfois bruyantes (œil rouge et douloureux), parfois torpides (œil blanc et calme), mais cécitantes par glaucome, cataracte, œdème maculaire, neuropathie optique. C’est pourquoi le traitement systémique par immunomodulateurs et/ou immunosuppresseurs est souvent requis, en particulier dans la maladie pernicieuse qu’est l’arthrite juvénile idiopathique, afin de limiter les séquelles possibles à l’âge adulte (Fig. 24B, C). En cas d’uvéite antérieure, les étiologies peuvent être : • infectieuses : toxoplasmose, herpès, varicelle, syphilis, tuberculose... ; • inflammatoire : arthrite juvénile idiopathique, sarcoïdose, spondylarthropathies, néphropathies auto-immunes. L’uvéite uniquement intermédiaire est rare et peut être liée à une sarcoïdose ou une toxocarose, mais est le plus souvent dite « idiopathique » en l’absence d’étiologie (étiquette nosologique) retrouvée. Les uvéites postérieures avec atteinte vitréenne (opacification du vitré), rétinienne (ischémie, vascularites, nodules rétiniens, décollement séreux rétinien, œdème maculaire...) et/ou du nerf optique (œdème papillaire, papillite) peuvent être : • infectieuses : toxoplasmose, toxocarose, herpes, varicelle, CMV, Lyme, etc. ; • inflammatoires : arthrite juvénile idiopathique, sarcoïdose, maladie de Behc¸et, maladie de Vogt-Koyanagi-Harada.
Neuro-ophtalmologie La pathologie neuro-ophtalmologique est vaste, sensorielle et motrice, et concerne des pathologies très diverses, inflammatoires et vasculaires. Quelques étiologies sont évoquées ici. Les paralysies oculomotrices sont à la frontière de la strabologie : • la paralysie du III est le plus souvent congénitale chez l’enfant, par agénésie/ischémie du noyau du III, avec tableau d’exotropie, paralysie, élévation, abaissement, adduction, ptosis et mydriase ; l’œil atteint est souvent amblyope. Le classique anévrisme de la communicante postérieure qui est une urgence chez l’adulte est quasi inexistant chez l’enfant (Fig. 25) ; EMC - Pédiatrie
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A Figure 24.
C
Uvéite antérieure (A), uvéite postérieure œil droit (B) et œil gauche (C).
• la paralysie du IV est acquise ou innée, mais souvent avec le même tableau qui s’aggrave avec le temps ; le nerf IV est fragile et fin à sa sortie du tronc, et possiblement lésé dans un contexte traumatique même minime ; il existe une hypertropie et une excyclotorsion de l’œil atteint, avec tête penchée du côté opposé à la paralysie ; • la paralysie du VI peut être également congénitale, avec strabisme convergent et parésie/paralysie de l’abduction et torticolis tête tournée du côté atteint, mais bien sûr la paralysie du V, d’autant plus qu’elle est d’apparition brutale ou rapidement progressive, est un signe de possible HTIC, car en cas d’œdème du tronc cérébral, le VI est comprimé mécaniquement à sa sortie du tronc dans le sillon bulboprotubérantiel ; le fond d’œil immédiat oriente ou pas vers cette possibilité, puisqu’il existe un œdème du nerf optique en cas d’HTIC ; une imagerie urgente est alors requise. Bien sûr en cas de paralysie oculomotrice, le reste de l’examen neurologique peut orienter selon les atteintes associées d’autres nerfs crâniens ou une symptomatologie centrale. Les neuropathies optiques héréditaires constituent un ensemble de pathologies de transmission dominante ou récessive ou mitochondriale [27] . Retenons, de fac¸on non exhaustive, car il existe de nombreuses autres maladies et associations pathologiques : • l’atrophie optique dominante (maladie de Kjer) liée à une atteinte du gène OPA1 dans 60 % des cas, avec baisse d’acuité progressive dans l’enfance et l’adolescence ; • la neuropathie de Leber, de transmission mitochondriale, dans laquelle il y a typiquement chez un adolescent une baisse d’acuité visuelle brutale avec bilatéralisation le plus souvent rapidement ; • le syndrome de Wolfram, dans lequel l’atrophie optique s’associe à un diabète ; • l’ataxie de Friedreich, dans lequel la neuropathie optique s’associe à une ataxie, une dysarthrie, un diabète, une scoliose, une myocardiopathie... Les diagnostics différentiels des neuropathies optiques héréditaires sont les contextes toxiques iatrogènes parfois, les neuropathies inflammatoires (sclérose en plaque, maladie de Devic, uvéites postérieures...) [28] . En cas d’atrophie optique installée, ou en tout cas d’anomalie de l’examen du nerf optique, de diagnostic fortuit avec ou sans contexte de baisse d’acuité visuelle si elle peut être mesurée selon l’âge, les étiologies héréditaires, toxiques ou inflammatoires sont évoquées selon le contexte, l’interrogatoire, l’examen clinique ophtalmologique (atteintes associées) et systémique. L’imagerie cérébrale est requise dans la démarche diagnostique, car si elle est normale ou montre des nerfs optiques de taille éventuellement diminuée, les étiologies précédentes sont possibles, de même qu’en cas d’hypoplasie uni- ou bilatérale isolée, mais on peut se retrouver devant des situations « organiques » : tumeurs d’évolution lente comme un gliome des voies optiques, craniopharyngiome, hydrocéphalie chronique, séquelles de souffrance périnatale. EMC - Pédiatrie
B
Figure 25.
Paralysie III droit.
En cas de tumeurs d’évolution plus rapide, on est plus devant une papille (nerf optique) œdémateuse/floue que devant une atrophie optique. En cas de papille floue, les étiologies possibles sont : • neuropathie optique inflammatoire ou infectieuse ou par infiltration spécifique (leucémie) ; • tumeur d’évolution plutôt rapidement progressive du nerf optique dans un cas unilatéral ou bilatéral asymétrique (gliome du nerf optique) ; • HTIC avec toutes ses causes possibles en cas d’œdème papillaire bilatéral : tumeur cérébrale, cérébelleuse ou du tronc ; craniopharyngiome ; HTIC médicamenteuse (rétinol et dérivés, tétracycline, thyroxine, lithium...), HTIC dans le cadre d’une pathologie générale (trisomie 21, hypoparathyroïdie, hypocortisolisme, anémie, déficit en vitamine D, insuffisance rénale) ; • le diagnostic « d’élimination » d’HTIC idiopathique dite « bénigne » doit être argumenté par une prise de la pression d’ouverture du liquide cérébrospinal qui est élevée ; il faut se souvenir que cette maladie n’est pas bénigne car peut conduire à la malvoyance ou à la cécité, et que les facteurs favorisants comme l’obésité doivent être corrigés. Le diagnostic différentiel d’une papille floue qui est en fait un « faux œdème » sont les drusens de la tête du nerf optique, les variantes anatomiques en particulier en cas de forte hypermétropie, les télangiectasies de la neuropathie optique de Leber au stade aigu ; l’OCT en fait redresse facilement le diagnostic car il n’existe pas d’œdème.
Pathologies orbito-palpébrales Les maladies ophtalmologiques orbito-palpébrales sont rarement des causes de troubles de la vision, mais parfois les causes infectieuses ou compressives sont délétères pour la vue car le nerf optique peut être atteint de fac¸on mécanique ; de même un simple ptosis congénital est à risque d’amblyopie s’il atteint l’axe visuel, comme un hémangiome palpébral dont le traitement de référence est l’utilisation de bétabloquant désormais [29] . L’orbite est un contenant osseux, le contenu étant constitué de l’œil, du nerf optique au sein duquel cheminent artère et veine centrale de la rétine, des nerfs oculomoteurs et du nerf releveur de la paupière supérieure, des vaisseaux ciliaires, des muscles oculomoteurs, de la graisse orbitaire.
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caractériser au plan ophtalmologique par un hématome périorbitaire bilatéral (syndrome de Hutchinson) du fait d’une localisation spécifique. Médulloblastome et autres tumeurs cérébelleuses se manifestent à la fois par une baisse de vision s’il existe une HTIC, mais aussi par des signes moteurs (mouvements oculaires anormaux, paralysie du VI).
Strabismes
Figure 26.
Dermoïde du limbe.
La pathologie malformative orbito-palpébrale est multiple, modérée ou sévère, avec des malformations des paupières, des voies lacrymales, avec risque ou pas pour l’œil s’il est exposé ; elle peut être isolée ou associée à d’autres malformations faciales syndromiques ou pas, qui doivent faire rechercher les anomalies systémiques possibles (exemple du kyste dermoïde du limbe [Fig. 26] qui peut être associé à un syndrome de Goldenhar). La fréquente obstruction des voies lacrymales du nourrisson est évoquée avec la conduite à tenir devant un larmoiement (Fig. 7). La pathologie tumorale orbito-palpébrale est évoquée dans la section « Conduite à tenir devant une masse dans la paupière ». Nous soulignerons ici que la compression du nerf optique par un processus intra-orbitaire, intra- ou extraconique est une urgence s’il existe une baisse de vision, un œdème maculaire ; cela peut être le cas d’étiologies tumorales, mais aussi infectieuses ou inflammatoires comme dans l’orbitopathie dysthyroïdienne. C’est au stade 4 des cellulites orbitaires qu’il y a un risque pour la vision ; au départ d’un syndrome orbitaire, on recherchera l’œdème inflammatoire des paupières qui sont rouges, un chémosis ; il faut rechercher une sinusite en particulier ethmoïdale et l’imagerie est obligatoire (scanner). Les stades de cellulites orbitaires sont selon la classification de Chandler : • Grade I : cellulite préseptale ou œdème inflammatoire orbitaire ; • Grade II : cellulite orbitaire diffuse ; • Grade III : abcès sous-périosté ; • Grade IV : abcès orbitaire ; • Grade V : thrombose du sinus caverneux.
Cancérologie ophtalmologique Les cancers ophtalmologiques sont rares. Le rétinoblastome est une tumeur rétinienne uni- ou bilatérale, survenant dans les premières années de vie, dont les circonstances de découverte sont variables ; strabisme, leucocorie, uvéite, baisse de vision [30] . Les cas unilatéraux et avec une seule tumeur sont sporadiques ; les cas bilatéraux et/ou avec des tumeurs multiples sont liés à de mutations dominantes autosomiques d’un gène suppresseur de tumeur. Le traitement est exceptionnellement non conservateur : il repose sur la chimiothérapie systémique, sélective intra-artérielle et intravitréenne, la cryothérapie, la thermothérapie transpupillaire. Le rhabdomyosarcome est une tumeur de développement rapide en quelques jours, de localisation variable orbitaire ou palpébrale. La suspicion diagnostique requiert en urgence une imagerie et une biopsie ; le traitement repose sur la chimiothérapie. Le mélanome choroïdien est rare chez l’enfant ; la mélanose sclérale de Ota prédispose à un mélanome mais qui ne surviendrait qu’à l’âge adulte. Le syndrome de Hutchinson-Gilford, ou progéria, est responsable de carcinomes de la conjonctive, et de tumeurs palpébrales. Leucémies et lymphomes peuvent avoir des localisations orbitaires ou intra-oculaires spécifiques. Le neuroblastome est une tumeur nerveuse du système sympathique, de localisation cervicale ou abdominale, qui peut se
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Les strabismes sont caractérisés par un non-alignement des yeux qui ne sont pas « parallèles » ; en réalité la véritable définition est l’absence de correspondance de fixation des deux maculas, c’est-àdire que les deux maculas ne fixant pas le même objet, la position des yeux « parallèles » étant théorique si on regarde à l’infini ; les deux axes de visée des yeux se croisent toujours s’ils fixent un même objet, avec un aspect d’autant moins « parallèle » que l’objet est proche. Les strabismes sont dans plus de 90 % des cas de causes centrales (vergences excessives ou diminuées), les causes périphériques comme les paralysies oculomotrices étant plus rares [31] . Une des problématiques du strabisme est la survenue pendant la période sensible du développement visuel, ce qui peut engendrer une amblyopie monoculaire et une amblyopie binoculaire [32] . Afin de ne pas percevoir deux images (diplopie), le cerveau d’un enfant est le siège d’une inhibition du signal en provenance d’un œil (suppression) ; si cette inhibition par un interneurone de la couche IV du cortex visuel affecte préférentiellement une voie droite ou gauche (absence d’alternance du strabisme), l’œil non fixateur peut devenir amblyope (amblyopie monoculaire). Cette amblyopie se traite par l’occlusion de l’œil fixateur. L’absence de possibilité d’analyse de la disparité normale entre les images en provenance des deux yeux empêche la perception du relief (vision binoculaire/vision stéréoscopique) ; cette amblyopie se traite par le rétablissement de la rectitude des yeux, par des moyens optiques et chirurgicaux ; guérir l’amblyopie binoculaire n’est possible que si le strabisme est tardif (survenue après l’âge de 2 ans) et si le traitement n’est pas trop tardif après la fin de la période sensible du développement visuel (fin de la première décennie de la vie). Il existe bien sûr des formes spécifiques de strabisme de l’adulte (qui ne sont pas des strabismes d’un enfant devenu adulte), dans lesquelles la problématique de l’amblyopie est remplacée par celle de la diplopie, en l’absence de phénomènes d’inhibition centrale de la deuxième image. Les trois objectifs du traitement du strabisme sont : • prévenir ou guérir l’amblyopie monoculaire ; • prévenir ou guérir l’amblyopie binoculaire chez l’enfant en cas de strabisme tardif/guérir la diplopie chez l’adulte ; • rétablir la rectitude des yeux (« esthétique » du regard). Les formes de strabismes principales sont : • strabisme précoce, survenue avant 12/24 mois, d’origine centrale, en convergence le plus souvent (> 90 % des cas), dont le traitement repose sur : lunettes, prévention de l’amblyopie par occlusion alternée précocement, injection de toxine botulique avant 30 mois dans l’ésotropie précoce (Fig. 27A, B) ou chirurgie précoce dans l’exotropie précoce. Il n’existe pas dans cette forme de strabisme de possibilité de vision binoculaire normale ; • strabismes accommodatifs, d’origine centrale, survenant après 2 à 3 ans : l’enfant est hypermétrope ; sans correction il existe une déviation en convergence. Avec la correction optique de l’hypermétropie, la déviation disparaît dans les formes pures (Fig. 28A, B) et diminue dans les formes partielles. Dans les formes pures, le traitement est optique (lunettes) ; dans les formes partielles le traitement est optique et chirurgical. En cas d’excès de convergence (déviation de près plus importante que la déviation de loin), il faut proposer des verres progressifs ou une chirurgie à type de myopexie postérieure ; • strabisme divergent ; il s’agit d’un strabisme d’origine centrale, qui survient dans l’enfance ou l’adolescence, parfois à l’âge adulte ; le strabisme est intermittent, avec une divergence d’un œil alternante ou pas ; le contrôle du strabisme se détériore avec le temps, avec une symptomatologie fonctionnelle (fatigue EMC - Pédiatrie
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Figure 27. Strabisme précoce (A, B).
A
B
Figure 28. Strabisme accommodatif (A, B).
A
B
“ Point fort Les différentes formes de strabisme « Faux strabisme » : impression de strabisme mais en réalité les deux fovéas fixent le même objet : absence de strabisme ; avant l’âge verbal, les tests de fixation sont difficiles et la mesure d’une déviation ou pas avec le test de l’écran est imparfaite ; on se fie aux reflets cornéens ce qui n’est pas sensible ; l’examinateur est souvent incapable d’être sûr de la parfaite rectitude ou d’une déviation minime de moins de 10 dioptries/5◦ . En cas d’épivanthus fréquent chez l’enfant, la base du nez plus large recouvre les yeux plus du côté interne que du côté externe et on a l’impression ou une suspicion de strabisme convergent car on voit plus de blanc scléral du côté externe que du côté interne, comme dans un « vrai » strabisme. Strabisme sensoriel : un œil moins bien voyant (quelle que soit la cause) ne fixe pas et fixe en dehors ou en dedans (strabisme divergent sensoriel ou strabisme convergent sensoriel) ; c’est pourquoi devant tout strabisme vrai, un examen ophtalmologique afin d’éliminer une cause organique est requis. Strabisme précoce : strabisme survenant dans les deux premières années de vie, à grand angle, le plus souvent en convergence ; le traitement requiert la prévention de l’amblyopie et l’injection de toxine botulique avant 3 ans. Strabisme accommodatif : ce type de strabisme survient le plus souvent vers 3 à 5 ans ; le sujet est hypermétrope et l’image se focalise sans correction optique en arrière de la rétine ; pour compenser cela, le système visuel accommode pour faire ramener l’image en avant sur la rétine. Du fait dans ce cas d’une syncinésie accommodation-convergence excessive, il survient de surcroît un phénomène de convergence. Avec la correction optique, l’angle de déviation disparaît dans 80 % des cas (formes pures) ou disparaît partiellement dans 20 % des cas (formes partielles). Le traitement requiert des lunettes, la prévention ou le traitement de l’amblyopie, et une chirurgie précoce avant 6 ans pour pouvoir le cas échéant retrouver une fonction binoculaire (vision du relief). Strabisme divergent : le strabisme divergent non sensoriel est un strabisme causé par une fonction tonique musculaire imparfaite, avec un tonus de convergence non contrôlée et une tendance à s’aggraver avec le temps ; ce type de strabisme peut survenir dans l’enfance, à l’adolescence ou à l’âge adulte, et entraîne des troubles fonctionnels à type de fatigue visuelle, perte de la vision binoculaire, parfois vision double intermittente, et préjudice de l’esthétique du regard. Le traitement est chirurgical mais avec un risque de récidive et interventions chirurgicales itératives ; l’indication chirurgicale est posée si la déviation survient plus de la moitié du temps ou devient permanente ou si la symptomatologie fonctionnelle est majeure. Strabismes paralytiques : les paralysies oculomotrices des nerfs III, IV et VI sont totales ou partielles, et sont de causes nucléaires ou tronculaires. L’atteinte tronculaire lésionnelle peut survenir à différents endroits du trajet nerveux tronc cérébral à l’orbite, et l’analyse sémiologique avec recherche d’atteintes associées est obligatoire (V associé dans une atteinte du sinus caverneux). Les paralysies sont congénitales ou acquises, partielles ou totales. Selon la paralysie, il existe un déficit dans le champ d’action du muscle paralysé. En cas de paralysie du III, il existe une divergence et une atteinte de l’abaissement et de l’élévation, avec souvent un œil positionné en bas ; ptosis et mydriase (atteinte intrinsèque) peuvent être associées. En cas de paralysie aiguë du III, il faut suspecter un anévrisme de la communicante postérieure, mais c’est exceptionnel chez l’enfant. Dans la paralysie du IV, il existe un torticolis tête penchée du côté opposé à la paralysie, une hypertropie et une élévation en adduction de l’œil atteint. En cas de paralysie du VI, il existe un torticolis tête tournée du côté de la paralysie, une convergence variable et un défaut d’abduction. En cas de paralysie du VI, l’examen ophtalmologique immédiat recherche un œdème papillaire qui entrerait dans le cadre d’une hypertension intracrânienne, dans laquelle le VI est comprimé mécaniquement par l’augmentation de taille du tronc cérébral, à sa sortie de celui-ci à la jonction bulboprotubérantielle. Cette attente est non localisatrice et une imagerie urgente est requise. Autres formes de strabisme : il existe d’autres formes plus rares de strabisme, comme le syndrome de Brown, les dysinnervations congénitales des nerfs crâniens (exemple : syndrome de Duane), le strabisme du myope fort, l’orbitopathie dysthyroïdienne...
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Toutes les formes de rétinopathies ou maculopathies congénitales peuvent entraîner une dyschromatopsie qui est anarchique au test 15 HUE.
Dyschromatopsies acquises
Figure 29.
• • •
•
•
Strabisme divergent.
visuelle, vision floue ou double intermittente) et un préjudice esthétique (Fig. 29). Le traitement est optique et chirurgical ; strabisme sensoriel ; l’œil en déviation voit moins bien ; il ne fixe pas ; la cause peut être organique, ce qui justifie un examen anatomique urgent dans toutes les formes de vrai strabisme ; paralysies oculomotrices, d’origine périphérique (cf. section « Neuro-ophtalmologie ») ; syndromes de dysinnervations, d’origine périphérique : il existe une parésie congénitale d’un ou de plusieurs nerfs oculomoteurs avec phénomènes de réinnervations aberrantes ou pas (syndromes de Duane, « fibroses » congénitales des muscles oculomoteurs...) ; orbitopathie dysthyroïdienne : infiltration inflammatoire des muscles oculomoteurs, avec risque de compression du nerf optique, et possibilité de fibrose séquellaire qui entraîne une déviation des yeux ; strabisme du myope fort : l’œil est trop gros, trop long, dans une cavité orbitaire de taille fixe ; il existe un décalage du muscle droit supérieur en interne et un décalage du muscle droit latéral en inférieur, ce qui entraîne une ésotropie.
Dyschromatopsies Les dyschromatopsies sont à la fois des « syndromes » c’est-àdire des maladies en cas de dyschromatopsies congénitales, mais aussi des symptômes en cas de dyschromatopsies acquises [33] . La fonction chromatique normale requiert la présence de trois types de cônes (photorécepteurs sensibles à la longueur d’onde de la lumière), dits « bleu », « vert » et « rouge ». Les dyschromatopsies sont congénitales ou acquises.
Dyschromatopsies congénitales Trichromatisme anormal : les trois types de cônes sont présents, mais le cône rouge ou le cône vert ont une sensibilité à la longueur d’onde anormale ; l’acuité visuelle est normale et le sujet confond certaines teintes ; c’est fréquent, lié à l’X (5 % des garc¸ons). Dichromatisme : protanopie ou deuteranopie : « daltonisme » ; seuls cônes bleu et rouge ou cône bleu et vert sont présents ; c’est également lié à l’X, rare moins de 1 % des garc¸ons ; le dépistage se fait par la lecture des planches Ishihara (distinction des protanopes et des deutéranopes avec Planches 22 à 25) et la confirmation avec les tests 15 HUE de Farnsworth et 15 HUE désaturé de Lanthony (axe protanope ou deutéranope). Tritanopie congénitale ; le cône bleu est absent ; c’est extrêmement rare, récessif autosomique, avec au test 15 HUE un axe tritanope ; l’acuité visuelle est normale. Monochromatisme à cônes bleus ; l’acuité visuelle est basse ; il existe un nystagmus et une photophobie associés ; l’hérédité est récessive liée à l’X ; l’anomalie de la vision des couleurs peut être discrète, avec au test 15 HUE un axe rouge/vert. Achromatopsie congénitale ; l’acuité visuelle est basse ; il existe un nystagmus et une photophobie associée, une absence totale ou partielle de vision des couleurs, une cécité des couleurs aux planches Ishihara et au test 15 HUE un axe scotopique. Syndrome de dysfonction des cônes liée à l’X ou maladie de Bornholm, d’hérédité récessive liée à l’X, avec myopie associée et axe rouge/vert au test 15 HUE.
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Les maladies rétiniennes, par atteinte des photorécepteurs, préférentiellement dans les maculopathies compte tenu de la plus forte densité des cônes dans la rétine centrale (les bâtonnets, autre type de photorécepteurs répartis de fac¸on plus homogène dans la rétine), ne sont pas sensibles à la longueur d’onde de la lumière. Dyschromatopsies d’axe rouge/vert : maladie de Stargardt, dystrophie des cônes Cone-rod dystrophies. Dyschromatopsies d’axe bleu/jaune : rétinites pigmentaires, Cone-rod dystrophies. Absence d’axe caractéristique : rétinoschisis juvénile lié à l’X, maladie de Best, maculopathie ou rétinopathie évoluée, uvéites, vitréorétinopathies.
Neuropathies optiques (cf. section « Neuro-ophtalmologie ») L’atrophie optique dominante entraîne une dyschromatopsie d’axe bleu/jaune, alors que l’axe est typiquement rouge/vert dans les autres neuropathies optiques.
Traumatologie La traumatologie est d’origine physique, chimique, mécanique, avec des particularités chez l’enfant de traumatologie par accident domestique [34, 35] . Le traumatisme peut concerner le contenant (œil) et toute plaie ou suspicion de plaie (circonstances, hémorragie sousconjonctivale après un traumatisme) requiert une exploration chirurgicale ; le contenant peut être atteint, c’est-à-dire l’orbite, avec en cas de traumatisme contusif une possible fracture de fragile plancher de l’orbite dont il existe une indication chirurgicale en cas de limitation de l’abaissement de l’œil et de l’élévation de l’œil qui signe une incarcération musculaire du muscle droit inferieur (Fig. 30A, B). Le syndrome du bébé secoué est un cas particulier de traumatologie que l’on peut résumer à plusieurs points : • physiopathologie : le vitré est un gel transparent cohérent, attaché à la rétine ; si un bébé est secoué, son œil bouge et mécaniquement il existe des tractions du vitré sur la rétine ; ces attaches sont solides chez l’enfant et cela peut entraîner des hémorragies ; c’est un phénomène mécanique semblable dans la boîte crânienne qui est la cause des hématomes sous-duraux ; • examen ophtalmologique : l’examen ophtalmologique d’un nourrisson n’est pas facile et l’examen du fond d’œil en ophtalmoscopie direct ou indirect peut déterminer la présence ou non d’hémorragies, mais l’ophtalmologiste ne peut pas, sans imagerie c’est-à-dire rétinographe comme ceux utilisés pour le dépistage de la rétinopathie du prématuré, affirmer la présence de lésions d’âges différents, ce qui est un paramètre demandé en cas de suspicion de maltraitance ; de même cette nécessité d’équipement et d’examen documenté est une nécessité dans ces dossiers complexes avec parfois des compétences judiciaires ; • un enfant secoué ne signifie pas un enfant maltraité : un enfant secoué est un enfant qui a subi une fois des secousses importantes ; un enfant battu (syndrome de Silverman, syndrome du bébé secoué) est un enfant qui subit des traumatismes répétés (secousses violentes, autres traumatismes) ; • il existe de nombreuses autres causes d’hémorragie rétinienne : maladies hématologiques, anémies sévères, rétinopathies infectieuses (CMV, herpès, endophtalmie endogène secondaire à une endocardite), acidurie glutarique, ostéogenèse imparfaite, intoxication au monoxyde de carbone, traumatisme obstétrical ; • les hémorragies rétiniennes peuvent être en dômes saillants dans le vitré, ou être intrarétiniennes, que ce soit dans une cause accidentelle ou une maltraitance. Le caractère bilatéral est en faveur d’une maltraitance ; le caractère unilatéral est en faveur EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant 4-120-A-10
Figure 30. Fracture plancher déficit abaissement (A) ; fracture plancher déficit élévation (B).
A d’un accident. Les hémorragies profuses sont en faveur d’une maltraitance du fait de la violence du choc causal, mais elles peuvent être liées aussi à un traumatisme perforant accidentel.
B
39 ans, français de Touraine, RAS
40 ans, kabyle d’Algérie, RAS
Conclusion Les troubles de la vision sont multiples, et la démarche diagnostique doit être raisonnée avec à l’esprit l’ensemble des pathologies ophtalmologiques sensorielles et motrices. Les anomalies réfractives, l’amblyopie et le strabisme sont les pathologies les plus fréquentes. D’autres pathologies plus rares, malformatives, héréditaires, cécitantes ou pas, peuvent affecter un enfant. Qu’il existe ou non un traitement curatif, l’ophtalmologiste qui prend en charge des enfants guérit parfois, soigne souvent, accompagne toujours. La situation de handicap est abordée dans l’Annexe D. Le coût des lunettes est détaillé dans l’Annexe E.
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur n’a pas transmis de déclaration de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Annexe A. Cas clinique Un enfant de 3 ans est adressé en urgence pour acuité visuelle mesurée avec ses lunettes, pour la première fois, à 1/10 des deux yeux. C’est le deuxième enfant d’une fratrie de trois, sans antécédent particulier (Fig. A.1). À l’âge de 1 an, les parents évoquent un « nystagmus » régressif, non exploré. À l’âge de 2 ans, des lunettes sont prescrites pour une hypermétropie de +4 OD et +5 OG ; le comportement visuel était considéré comme « normal », sans signe de malvoyance, avec un développement général normal. À l’âge de 2 ans et demi, consultation d’un spécialiste strabologue qui ne note pas de nystagmus patent ; il est évoqué un spasmus nutans qui aurait régressé ; de nouvelles lunettes sont prescrites : +6(30◦ -1) OD et +6(150◦ -1) OG. À 3 ans, une première acuité visuelle subjective est donc mesurée à 1/10 des deux yeux avec ses lunettes et l’enfant est adressée en urgence. L’examen retrouve : • acuité visuelle : 1 à 2/10 de loin ; Cadet 4 de près, des deux yeux ; • les parents angoissés évoquent un torticolis intermittent tête penchée en arrière, non retrouvé ; il n’y a pas de strabisme, la motilité est normale, la vision binoculaire au test de Lang est à 0/3 ; • l’enfant plisse les yeux (gêne à la lumière ?) ; • au biomicroscope, pas d’anomalie du segment antérieur et du segment postérieur ; • la réfraction sous cycloplégie confirme l’hypermétropie OD +4 et OG +5 (145◦ -0,75) ; la vision est inchangée avec cette modification de correction. Les hypothèses diagnostiques sont : EMC - Pédiatrie
6 ans RAS
Figure A.1.
1 ans RAS
Arbre généalogique.
• pathologie rétinienne ; • atteinte des voies visuelles. Les examens complémentaires demandés sans urgence sont : • imagerie par résonance magnétique (IRM), qui est normale si ce n’est un kyste arachnoïdien latéralisé à droite (non pathologique) ; • le bilan électrophysiologique (électrorétinogramme [ERG] et potentiels évoqués visuels [PEV]) retrouve : ◦ PEV : normaux, ◦ ERG : réponse normale des bâtonnets ; réponse diminuée des cônes, avec réponse minime voire absente de l’ERG photopique 3.0 (Cônes S M L) et pas de réponse Flicker (Cônes M L). Les hypothèses diagnostiques sont : • dysfonction des cônes, pathologies stables : ◦ achromatopsie, ◦ monochromatisme à cônes S, ◦ autres syndromes de dysfonction des cônes ; • dystrophie des cônes, pathologies évolutives. Les syndromes de dysfonctions des cônes sont des maladies héréditaires, stationnaires (à la différence des dystrophies progressives des cônes), très hétérogènes. La fonction d’un ou plus des trois types cônes de la rétine est anormale ou absente. Il existe une anomalie dans la cascade de phototransduction des cônes. Les signes cliniques sont présents dès les premiers mois de vie, ou dans la petite enfance. On retrouve l’achromatopsie complète et incomplète, le monochromatisme à cônes bleus, la maladie de Bornholm, la bradyopsie, l’oligocône trichromacie. Les syndromes de dystrophies de cônes sont des pathologies dégénératives évolutives de la rétine : l’examen du fond d’œil est normal mais on peut retrouver une anomalie de l’autofluorescence et il existe des anomalies centrales qui apparaissent avec la progression de la maladie. Le spasmus nutans est un syndrome paroxystique idiopathique survenant chez le nourrisson entre 6 et 18 mois transitoire et bénin le plus souvent, caractérisé typiquement par une triade : nystagmus, secousses de la tête et torticolis. Il est parfois
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4-120-A-10 Troubles ophtalmologiques chez l’enfant
associé à une tumeur (gliome) du tronc ou des voies visuelles, une leucodystrophie de Pelizaeus-Merzbacher, un syndrome de Leigh des mitochondriopathies, une hypoplasie du vermis cérébelleux, un bobble head syndrome ou syndrome de la poupée ballotante, secondaire à une hydrocéphalie. L’imagerie cérébrale IRM est obligatoire. En l’absence de lésion organique, le syndrome disparaît sans laisser de séquelles.
Discussion et conclusion du cas Cet enfant a un diagnostic initial erroné de spasmus nutans non objectivé, et considéré comme normal, ce pourquoi il est surprenant de retrouver à la mesure de l’acuité visuelle subjective pour la première fois une vision à 1/10. Il existe une problématique de l’étiquette diagnostique initiale « nystagmus » ou autre étiquette, et d’une hypothèse erronée écrite (spasmus nutans) dont on reproduit l’erreur en « recopiant les dossiers ». Le diagnostic ici, prouvé secondairement génétiquement, est une achromatopsie. La différence entre dystrophie et dysfonction des cônes se serait faite sur l’évolutivité de l’électrorétinogramme qui initialement moins altéré s’aggrave, avec également apparition de lésions au fond d’œil. La vision normale d’un enfant à la naissance est de 1/20 à 1/10, de 3/10 à 1 an, de 6/10 à 3 ans, de 10/10 à 4–5 ans. Un enfant n’a pas besoin d’une vision de 10/10 pour ses activités de jeu et d’apprentissage, ce qui explique qu’à l’âge préverbal il n’y avait pas suspicion de malvoyance (limite de malvoyance 3/10) ; à l’âge verbal il peut ne pas y avoir de plainte fonctionnelle, sauf si la vision est très faible inféireure à 1/20 avec des parents/des enseignants qui suspectent une anomalie. L’enfant ici aura un début de maternelle sans problème, avec vision stable à 4 et 5 ans.À retenir Devant des mouvements anormaux des yeux des enfants, un bilan électrophysiologique et une imagerie cérébrale sont nécessaires si l’examen ophtalmologique ne retrouve pas de cause évidente (cataracte congénitale bilatérale obstruante par exemple). Le syndrome de nystagmus précoce regroupe des pathologies sensorielles ophtalmologiques multiples, mais peut être aussi lié à des anomalies neurologiques.
Annexe B. Cas clinique : suspicion de strabisme et d’amblyopie Une enfant de 2 ans est adressée pour suspicion de strabisme. Première question : existe-t-il réellement un strabisme ? L’examen n’est pas facile à cet âge préverbal ; le test à l’écran est difficile (recherche de mouvements de refixation en occluant un œil et l’autre) ; l’examen de la symétrie des reflets cornéens est peu sensible. Dans la majorité des cas il s’agit d’un faux strabisme par épicanthus (Fig. B.1), mais l’examen ophtalmologique demeure requis. Secondes questions : Dans ces conditions, il faut en réalité rechercher les trois causes de strabisme : • cause réfractive ;
Figure B.1.
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Épicanthus.
• cause anatomique ; • cause « strabologique ». La réfraction sous cycloplégie montre : OD +4 (170◦ -1) et OG +5 (5◦ -1,5). L’examen anatomique des yeux ne retrouve aucune anomalie. L’examen strabologique oculomoteur ne retrouve pas de nystagmus, pas de limitation de la motilité des yeux, les reflets cornéens semblent centrés (rectitude ± 5◦ ), c’est-à-dire qu’il n’existe pas de déviation supérieure à 5◦ , mais on n’exclut pas une microtropie/un microstrabisme, c’est-à-dire un angle inférieur à 5◦ , qu’on ne peut pas diagnostiquer à cet âge.
Quel est votre diagnostic ? L’examen anatomique normal élimine un strabisme sensoriel. L’absence de strabisme à grand angle élimine un strabisme précoce (pathologie strabique centrale) de traitement spécifique de prévention d’amblyopie et de traitement de la position des yeux par injection de toxine botulique. Le diagnostic est une pathologie réfractive : hypermétropie et astigmatisme bilatéraux, avec anisométropie (différence de réfraction significative entre les deux yeux) ; l’hypermétropie non corrigée peut entraîner une accommodation excessive qui expliquerait une possible convergence excessive (accommodation convergence). Que faire ? Le traitement est simple : prescrire des lunettes. Quelle correction prescrire ? Dans ce cas avec des valeurs d’hypermétropie supérieures à la normale pour l’âge et avec une anisométropie, la correction optique totale est prescrite. Faut-il traiter ou prévenir une amblyopie ? L’œil gauche est à risque d’amblyopie (hypermétropie et astigmatisme plus importants) mais la correction est précoce et le risque mimine : pas d’occlusion. L’examen est stable à 2 ans et demi si ce n’est une modification de correction que l’on prescrit : • OD +4 (0◦ -1,25) ; • OG +5,5 (175◦ -1,75). La mesure de l’acuité visuelle demeure non réalisable. À 3 ans, avec la correction prescrite, on retrouve avec des tests de Pigassou (dessins) : • OD 6 à 7/10 ; • OG 3 à 4/10. Est-ce que la vision de l’œil droit est normale ? Oui à cet âge. Est-ce que la vision de l’œil gauche est normale ? Si la mesure de vision est fiable avec un enfant coopérant, on peut conclure à une amblyopie. Que faire ? Le traitement est simple : occlusion de l’œil sain : traitement d’attaque de l’amblyopie. Deux semaines après, on obtient 6/10 des deux yeux. Que faire ? Le traitement est simple : occlusion intermittente de l’œil sain la moitié du temps : traitement d’entretien de l’amblyopie. Un contrôle tous les six mois retrouve une stabilité de la vision et pas de rechute de l’amblyopie. À 4 ans, on retrouve : • 8 à 9/10 des deux yeux avec : ◦ OD +3,75 (5◦ -1), ◦ OG +5,25 (170◦ -1,75). Que faire ? Le traitement est simple : • lunettes ; • surcorrection de l’œil sain : traitement de prévention de la récidive de l’amblyopie. On prescrit par exemple une surcorrection volontaire de 1 dioptrie à droite : • OD +4,75 (5◦ -1) ; • OG +5,25 (170◦ -1,75). Examen stable à 5 ans ; on arrête le traitement de prévention de la récidive de l’amblyopie dans cette forme modérée (dans des cas plus sévères le traitement se poursuit jusqu’à 7/8 ans). À 6 ans, on retrouve 12/10 des deux yeux. EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant 4-120-A-10
Figure C.2.
Lentille pour ophtalmoscopie indirecte et ophtalmoscope.
Figure C.3.
Figure C.1.
Lentille sans contact.
Lampe à fente.
“ À retenir La correction précoce des anomalies réfractives significatrices est indispensable. L’amblyopie doit être recherchée et traitée. La correction des lunettes varie et les lunettes sont changées plusieurs fois par an si besoin.
Annexe C. Comment on examine les yeux ? L’examen ophtalmologique et orthoptique est à la fois simple et complexe, car il mesure un système fonctionnel sensoriel et moteur, et est aidé par une multitude d’examens complémentaires fonctionnels et d’imagerie. L’examen simple est un examen de la réfraction et de l’intégrité anatomique de l’œil ; si la vision est normale (> 12/10, pas de défaut réfractif, pas de trouble moteur, pas de signe fonctionnel, tension oculaire normale), il n’y a pas besoin d’examen complémentaire.
Examen clinique
Figure C.4.
Hess Weiss (paralysie du IV gauche).
d’examiner le segment antérieur (cornée, chambre antérieure, cristallin), et le segment postérieur (vitré, rétine, nerf optique) c’est-à-dire faire le fond d’œil, en interposant une lentille d’examen, avec ou sans contact (Fig. C.2) ; la lentille contact comme le classique verre à trois miroirs de Goldmann est peu utilisé désormais compte tenu de la qualité des verres non contacts et des techniques d’imagerie. L’examen du fond d’œil peut se faire aussi par une autre technique : ophtalmoscopie directe au moyen d’un ophtalmoscope (l’image est agrandie avec un petit champ de vision) ou ophtalmoscopie directe avec une lentille spécifique et une source de lumière qui peut être un casque, l’ophtalmoscope direct, voire même l’éclairage d’un smartphone (Fig. C.3).
Mesure de la tension oculaire Par aplanation ou en méthode non contact ; la normale de valeur est entre 10 et 24 mmHg, mais l’appréciation de la mesure dépend de l’épaisseur de la cornée mesurée par un pachymètre (normale entre 500 et 550 m).
Examen réfractif Réfraction objective et subjective ; on détermine la formule de réfraction éventuelle qui permet d’obtenir > 12/10. La réfraction objective exacte nécessite de mettre au repos l’accommodation en instillant des collyres cycloplégiant (atropine ou cyclopentolate), ce qui est obligatoire chez l’enfant.
Examen anatomique Grâce à une lampe à fente (Fig. C.1). La lampe à fente est un microscope qui permet d’examiner l’œil avec une fente lumineuse de taille variable ; cela permet EMC - Pédiatrie
Examen oculomoteur et de la vision binoculaire (examen orthoptique) La normalité d’objective par un test de l’écran, une mesure de la vision binoculaire (test TNO, Lang, Frisby, Wirt et Titmus...) et une mesure de la motilité ; si besoin, des examens complémentaires orthoptiques sont pratiqués : déviométrie, synoptophore, synoptomètre, tests de correspondance rétinienne (Bagolini, post image), coordimétre de Hess Weiss (« Lancaster », mesure de la torsion oculaire Fig. C.4).
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4-120-A-10 Troubles ophtalmologiques chez l’enfant
Figure C.6.
Rétinographie grand champ.
Privation monoculaire
Privation de contraste Amblyopie
Anisométropie Figure C.5.
Optical Coherence Tomography (OCT) (diabète).
Examens paracliniques Les examens paracliniques ophtalmologiques sont nombreux, anatomiques ou fonctionnels, subjectifs ou objectifs, c’est-à-dire dépendant ou pas de la participation du sujet ; le critère d’âge est aussi fondamental, car une compréhension est nécessaire ; ainsi, il est inutile de demander un champ visuel à un patient en réanimation ou la mesure d’une vision des couleurs chez un enfant de 2 ans.
Mesure de la vision des couleurs Examens électrophysiologiques : électro-oculogramme, électrorétinogramme, potentiels évoqués visuels : on stimule visuellement les yeux et on enregistre respectivement l’activité électrique de l’épithélium pigmentaire, de la rétine, des voies visuelles (incluant la rétine centrale maculaire). Imagerie rétinienne : • clichés anérythres en couleur bleu, rouge ou verte, cliché en couleur, autofluorescence pour rechercher une pathologie maculaire ; • angiographie à la fluorescéine ou au vert d’indocyanine ; • OCT (tomographie en cohérence optique) qui donne une image des couches de la rétine (Fig. C.5). L’imagerie rétinienne a été révolutionnée par les techniques grands champs (Fig. C.6). Imagerie cornéenne : OCT du segment antérieur, topographie cornéenne, microscopie spéculaire pour compter le nombre de cellules endothéliales... Champ visuel statique (30◦ centraux) dans un glaucome ou périmétrique (« Goldman ») dans un problème neuroophtalmologique. Échographie mode A, mode B, mode UBM (haute résolution du segment antérieur). Scanner, IRM.
Annexe D. Qu’est-ce que l’amblyopie ? L’amblyopie est « une diminution plus ou moins sévère de la fonction visuelle du fait d’une altération précoce de l’expérience visuelle, le plus souvent asymétrique, par privation d’une image et/ou perturbation du lien binoculaire par strabisme et/ou anisométropie, avec ou sans anomalie anatomique de l’œil et/ou des voies visuelles retrouvée. » Les amblyopies sont monoculaire, bi-oculaire et/ou binoculaire : • les trois causes d’amblyopie sont : la privation d’une image, une cause réfractive (anisométropie), strabisme (Fig. D.1) ;
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Privation de hautes fréquences spatiales Amblyopie
Strabisme
Suppression Amblyopie
Figure D.1. Causes d’ambyopie. Modèle classique pour expliquer l’amblyopie (d’après Barret et al. [37] ).
• à l’âge préverbal, la problématique est le traitement préventif de l’amblyopie monoculaire, bi-oculaire et binoculaire, en fonction du risque ; • à l’âge verbal, le traitement de l’amblyopie monoculaire est curatif : traitement d’attaque, traitement d’entretien, prévention de la récidive ; le traitement de l’amblyopie binoculaire requiert une chirurgie entre 4 et 6 ans dans le strabisme accommodatif partiel ; • le traitement est long jusqu’à la fin de la période sensible du développement visuel à la fin de la première décennie de la vie.
Annexe E. Handicap visuel L’ophtalmologiste qui prend en charge des enfants avec troubles de la vision a un rôle majeur d’accompagnement du handicap visuel éventuel. Même en l’absence de traitement d’une maladie ophtalmologique, même en l’absence de simple besoin de lunettes, l’accompagnement sur le long terme et l’évaluation régulière de la fonction visuelle sont nécessaires. Ceci dit amblyopie ou strabisme voire même cécité unilatérale ne signifie pas obligatoirement handicap visuel. Un enfant qui a une fonction visuelle non « optimale », non « normale », ne doit pas forcément avoir l’étiquette de « handicapé », que l’on remplisse ou non un certificat MDPH (https:// handicap.paris.fr/documents/2019/03/certificat-ophtalmo.pdf) et il faut faire attention au prononcé des mots et ce que peut ressentir l’enfant sur lui-même, sur sa fonction visuelle, sur sa différence avec ses camarades. Un enfant est « aveugle » si sa vision est inférieure à 1/20, avec ses deux yeux ; il est malvoyant si sa vision est entre 1/20 et 3/10 avec ses deux yeux. Ce qui signifie qu’un patient n’est pas aveugle si sa vision d’un œil est de 12/10 et nulle de l’autre ; un enfant n’est pas malvoyant s’il a un œil amblyope à 2/10 et l’autre à 10/10. Il faut parfois informer les parents et les enseignants que tout trouble visuel ne signifie pas handicap, et qu’un enfant réellement malvoyant avec 2 ou 3/10 par exemple ne requiert pas toujours (plutôt rarement et que si autre handicap associé) une scolarité particulière. EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant 4-120-A-10
Un enfant qui a 2 ou 3/10 n’aura pas forcément besoin – en l’absence d’autre handicap associé – d’auxiliaire de vie scolaire qui serait là pour le surveiller de fac¸on particulière dans la cour de récréation ou aider l’enseignant à faire des photocopies agrandies peut-être ? Le certificat MDPH a un volet 1 qui est du ressort du médecin traitant, et en cas de handicap justifié par une pathologie ophtalmologique, ou avec une pathologie ophtalmologique associée, l’ophtalmologiste remplit le volet 2 ; ce volet n’est pas spécifique à l’enfant et ne peut pas être rempli entièrement parfois : acuité visuelle non mesurable à l’âge préverbal ; champ visuel précis impossible avant 6/7 ans.
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Annexe F. Informer les parents sur le coût des lunettes Le traitement réfractif par lunettes est une nécessité absolue s’il est nécessaire. Il coûte cher et il faut en informer les parents pour qu’ils l’anticipent. La sécurité sociale prend en charge chez l’enfant autant d’équipement que nécessaire chez l’enfant de moins de 6 ans, s’il existe une modification significative de la correction, et une fois par an entre 6 et 18 ans. Mais cela ne signifie pas que la prise en charge est totale et compte tenu des faibles montants de remboursement, il peut exister un reste à charge qu’une éventuelle mutuelle peut ou pas prendre en charge. Même en cas de prise en charge en affection de longue durée pour une cataracte congénitale par exemple, la prise en charge des lunettes n’est pas à 100 %, ce qui peut être problématique avec des équipements à changer souvent et des dioptries hors normes avec des verres onéreux (progressifs, fortes amétropies). Après 18 ans, la prise en charge par la sécurité sociale est dérisoire, et seule la mutuelle éventuelle peut prendre en charge les lunettes, mais avec des couvertures très variables selon les contrats. Quel est le remboursement des lunettes en 2020 (https://www. ameli.fr/assure/remboursements/rembourse/optiqueaudition/lunettes-lentilles) ? Taux remboursement SS = 60 % (sur base limitée). Tarifs inchangés depuis plus de 10 ans. Avant 6 ans : autant de lunettes que nécessaire, « si l’affection évolue » (par la SS ; mutuelles ne suivent pas forcément). De 6 à 18 ans : une paire par an. Après 18 ans : remboursement dérisoire, mais plus d’une paire par an « si l’affection évolue ». Verre unifocal (selon puissance sphère et cylindre) : • enfant : de 12,04 à 46,5 D ; • adulte : de 2,29 à 9,45 D . Verre multifocal (selon puissance sphère) : • enfant : de 39,18 à 66,62 D ; • adulte : de 7,32 à 24,54 D . Monture : • enfant : 30,49 D ; • adulte : 2,84 D . Prisme : 16,01 D (incorporé) ; 22,41 D (souple).
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EMC - Pédiatrie
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4-120-A-10 Troubles ophtalmologiques chez l’enfant
E. Bui Quoc, Docteur en médecine, PhD, praticien hospitalier ([email protected]). Service d’ophtalmologie, Hôpital universitaire Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Bui Quoc E. Troubles ophtalmologiques chez l’enfant. EMC - Pédiatrie 2020;0(0):1-24 [Article 4-120-A-10].
Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels
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Cas clinique
EMC - Pédiatrie
4-170-C-60
Analgésie postopératoire en chirurgie pédiatrique O. Gall, N. Bourdaud Résumé : Une part croissante des interventions de chirurgie pédiatrique est aujourd’hui réalisée en ambulatoire ou en hospitalisation de courte durée. Dans ce contexte, l’analgésie postopératoire poursuit des objectifs de récupération fonctionnelle rapide. Les points suivants nous semblent être importants : le rôle actif des parents ; l’intérêt des blocs périnerveux et des infiltrations complétés par une sédation ou une anesthésie générale légère permettant une reprise immédiate des boissons et de l’alimentation ; la prévention systématique des nausées/vomissements ; la validation du traitement antalgique par voie orale avant la sortie et à J+1 (appel du lendemain) ; la communication avec le médecin traitant et les autres intervenants. © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Enfant ; Analgésie ; Douleur postopératoire ; Blocs périnerveux ; Épargne morphinique
Plan ■
Introduction
1
■
Intensité et durée de la douleur postopératoire après quelques interventions fréquentes en chirurgie pédiatrique
1
■
Évaluation de la douleur
2
■
Information aux parents, consentement
2
■
Traitement antalgique de première ligne
3
■
Prévention des nausées et vomissements
3
■
Traitement à domicile
3
■
Éducation des parents
4
■
Conclusion
4
■
Annexe A. Échelle pour l’évaluation de la douleur par les parents
4
■
Annexe B. Instructions pratiques
4
Introduction Une part de plus en plus importante de la chirurgie pédiatrique est aujourd’hui réalisée en ambulatoire ou en hospitalisation de courte durée [1] . Cette évolution répond à la fois à une demande des parents et à une forte incitation des tutelles. Elle devrait encore s’accentuer à l’avenir avec une médecine périopératoire centrée sur l’amélioration de la récupération fonctionnelle [2] et le développement de techniques chirurgicales moins invasives. Les objectifs du traitement médical sont un soulagement presque permanent des douleurs, la reprise immédiate des boissons, d’une alimentation normale et d’une vie normale dans la journée (activités) ainsi qu’un sommeil réparateur la nuit. Cet article se propose d’envisager les principales étapes du traitement de la douleur après une intervention chirurgicale chez EMC - Pédiatrie Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021 http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)79417-8
l’enfant, en mettant l’accent sur l’ambulatoire. Nous avons délibérément choisi de ne pas aborder les techniques d’analgésie mises en œuvre en chirurgie lourde (cathéters d’anesthésie locorégionale, PCA morphine, etc.). Pour plus de détails, le lecteur est invité à se reporter à l’article du traité d’anesthésie [3] .
Intensité et durée de la douleur postopératoire après quelques interventions fréquentes en chirurgie pédiatrique Après circoncision, cure de hernie inguinale ou cure d’ectopie testiculaire avec un traitement antalgique standard, 80 à 90 % des patients ont des douleurs absente/faible/modérée le jour de l’intervention et des niveaux de douleur plus faibles encore les jours suivants, sans gêne fonctionnelle importante (Fig. 1) [4] . Ces interventions sont donc tout à fait compatibles avec une prise en charge ambulatoire. À l’inverse après amygdalectomie, telle qu’elle était pratiquée jusqu’à ces dernières années (amygdalectomie totale au bistouri électrique), la majorité des patients présentait des douleurs intenses jusqu’au huitième jour qui interféraient durablement avec l’alimentation et la reprise d’activité [5] . Il a été montré plus récemment en Suède, que lorsque l’amygdalectomie est réalisée non plus radicalement mais partiellement par radiofréquence, la douleur postopératoire est nettement moins importante [6] , avec de nouvelles perspectives pour la réalisation de cette intervention en ambulatoire. En chirurgie abdominale, la chirurgie mini-invasive par laparoscopie est associée à une diminution importante des douleurs pariétales, comparé à la laparotomie, permettant de réaliser appendicectomie et cholécystectomie avec une hospitalisation de courte durée. En chirurgie urologique, au-delà de la circoncision, les uréthroplasties pour hypospadias peuvent être réalisées
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4-170-C-60 Analgésie postopératoire en chirurgie pédiatrique
Circoncision
Hernie inguinale
100
100
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60 40
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20
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0 J0
0 J0
J1
J2
douleur intense
J3
J4
J5
J6
douleur modérée
J7
J8
J9
J10
J1
J2
douleur intense
J3
J4
J5
J6
douleur modérée
J7
J8
J9
J10
douleur absente ou faible
douleur absente ou faible
Amygdalectomie totale
Amygdalectomie partielle
100
100
80
80
60
60
40
40
20
20
0
0 J0
J1
J2
douleur intense
J3
J4
J5
J6
douleur modérée
J7
J8
J9
J10
douleur absente ou faible
J0
J1
J2
douleur intense
J3
J4
J5
douleur modérée
J6
J7
J8
J9
J10
douleur absente ou faible
Orchidopexie 100 80 60 40 20 0 J0
J1
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douleur intense
J3
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douleur modérée
J6
J7
J8
J9
J10
douleur absente ou faible
Figure 1. Niveaux de douleur après différentes interventions ambulatoires en chirurgie générale et urologique pédiatrique. Les barres d’histogramme représentent le pourcentage d’enfants ayant des douleurs faibles (1–3), modérées (4–6) et sévères (7–10). Les douleurs absentes ne sont pas représentées (d’après [4] ).
en ambulatoire sous couvert d’une sonde vésicale laissée entre deux couches. La chirurgie mini-invasive robot-assistée permet de prendre en charge les néphrectomies partielles et les pyéloplasties en hospitalisation de courte durée. En orthopédie, la traumatologie, les interventions réparatrices au membre supérieur sont parfaitement réalisables en ambulatoire. Des études pédiatriques ont montré la faisabilité d’une analgésie par cathéters périnerveux maintenus à domicile chez l’enfant [7, 8] , mais cette pratique reste encore peu développée.
Évaluation de la douleur Elle repose sur l’autoévaluation (échelle numérique simple, échelle des visages) chez les enfants âgés de plus de 6 ou 7 ans, capables d’indiquer l’intensité de leur douleur, et sur des échelles d’hétéroévaluation chez les enfants plus jeunes [9] . Ces échelles sont utilisées par les infirmières en cours d’hospitalisation puis par les parents à domicile. L’échelle Postoperative Pain Measure for Parents (PPMP) (Annexe A) est le principal instrument validé pour l’évaluation de la douleur par les parents, à domicile. Elle explore à la fois la
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douleur et la récupération fonctionnelle. Son utilisation suppose un véritable accompagnement et une éducation des parents.
Information aux parents, consentement Le traitement proposé pour l’analgésie per- et postopératoire est expliqué aux parents en consultation d’anesthésie. Les bénéfices attendus d’un bloc périnerveux ou d’autres techniques invasives ainsi que les risques de ces techniques sont exposés en détail afin de recueillir un consentement. En chirurgie ambulatoire, les parents ont un rôle actif dans la prise en charge. Les études réalisées montrent une tendance au sous-dosage et à la non-administration des traitements [10, 11] . Plusieurs études soulignent l’intérêt d’une éducation thérapeutique des parents en chirurgie ambulatoire [12, 13] . L’ordonnance de traitement antalgique postopératoire est remise aux parents à la consultation pour qu’ils se rendent à la pharmacie à l’avance afin que les médicaments soient immédiatement disponibles lors du retour à domicile, après l’intervention. EMC - Pédiatrie
Analgésie postopératoire en chirurgie pédiatrique 4-170-C-60
Tableau 1. Paracétamol et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : formes galéniques destinées à l’enfant. Posologie
Galéniques
Commentaires
Paracétamol
15 mg/kg, 4 fois par jour
Comprimés, sachets oro-dispersibles, sirop, ampoules i.v. AMM dès la naissance
Voie rectale non recommandée pour traiter la douleur postopératoire
Ibuprofène
10 mg/kg, 3 fois par jour
Comprimés, sachets oro-dispersibles, sirop AMM 3 mois
Kétoprofène
1 mg/kg, 2 ou 3 fois par jour
Comprimés, sirop, ampoules i.v. AMM 15 ans (IV)
Consensus professionnel pour utiliser la forme injectable à partir de 10 kg
Ac Niflumique
20 mg/kg, 2 fois par jour
Suppositoires AMM 6 mois
Non recommandé pour traiter la douleur postopératoire
AMM : autorisation de mise sur le marché ; i.v. : voie intraveineuse.
Un compte rendu de la procédure et les consignes postopératoires sont donnés aux parents à la sortie.
Traitement antalgique de première ligne Le traitement antalgique est multimodal. Il est initié au bloc opératoire et comporte en première ligne : • une anesthésie locorégionale en injection unique (bloc de paroi, bloc périnerveux voire plus rarement anesthésie caudale) ou au minimum une infiltration du site opératoire par le chirurgien ; • une dose de dexamethasone ; • une ou plusieurs des molécules suivantes : alpha-2 agoniste (clonidine, dexmedetomidine), kétamine, lidocaïne par voie intraveineuse, si un bloc périnerveux ou une infiltration ne sont pas réalisés au site opératoire ; • un morphinique, en recours ; • une première dose d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ; • une première dose de paracétamol (idéalement décalée par rapport à l’AINS pour autoriser ensuite des prises alternées). La description complète de ces molécules et de leur posologie est en dehors du cadre de cet article. Dans une perspective de réalimentation et de reprise des activités dans les premières heures postopératoires, les morphiniques sont les agents les plus pénalisants de cette liste ; d’une part, à cause des nausées/vomissements, de la sédation et de l’hypotonie qu’ils induisent et, d’autre part, parce qu’ils génèrent paradoxalement une hyperalgésie et des besoins morphiniques plus importants par la suite. Il est souhaitable, en chirurgie ambulatoire pédiatrique, de les utiliser à juste dose et dans des indications sans doute plus restreintes que par le passé. Les corticoïdes, les alpha-2 agonistes (clonidine, dexmedetomidine), la kétamine, la lidocaïne intraveineuse ont des effets de diminution des douleurs postopératoires, d’épargne morphinique, et de diminution des nausées/vomissements, bien établis chez l’adulte. Chez l’enfant, les bénéfices sont retrouvés dans plusieurs études pour les corticoïdes et les alpha-2 agonistes, plus discutés pour la kétamine [14] . La dexaméthasone est le corticoïde le mieux étudié, notamment en chirurgie oto-rhino-laryngologique (ORL) (amygdalectomies). Les effets sur la douleur postopératoire et les nausées/vomissements apparaissent à faible dose (0,15 mg/kg par voie intraveineuse) sans que des doses plus importantes soient associées à une meilleure efficacité. Les AINS et le paracétamol ont une efficacité démontrée dans le traitement de la douleur postopératoire chez l’enfant comme chez l’adulte. L’ibuprofène et le paracétamol en association ont été montrés légèrement plus efficaces que l’ibuprofène seul et nettement plus efficaces que le paracétamol seul [15] . Les posologies usuelles et les formes galéniques destinées à l’enfant sont rappelées dans le Tableau 1. Les formes rectales ne sont pas recommandées du fait de leur biodisponibilité faible et imprévisible [9] . Le meilleur antalgique de secours en cas d’accès douloureux précoce après l’intervention est la morphine, à faible dose par voie EMC - Pédiatrie
intraveineuse (titration par bolus de 0,025–0,05 mg/kg, jusqu’à 0,1 mg/kg), avec un délai d’action court, de l’ordre d’une dizaine de minutes, et une durée d’action courte qui ne masque pas une récidive d’accès douloureux deux heures plus tard si le traitement de première ligne est réellement insuffisant. En chirurgie ambulatoire, les produits injectables n’ont plus de place au-delà des 30 à 60 premières minutes postopératoires. Il faut privilégier la voie orale et contrôler l’efficacité et la bonne tolérance du traitement avant la sortie.
Prévention des nausées et vomissements Les nausées et vomissements postopératoires ont un impact majeur sur la récupération fonctionnelle postopératoire, et peuvent imposer de garder l’enfant à l’hôpital. Le risque de vomissement postopératoire est évalué sur le score VPOP. La prévention repose sur la dexaméthasone seule ou associée à l’ondansetron, dans les situations à risque élevé [16] .
Traitement à domicile L’ordonnance standard, remise aux parents à la consultation préopératoire, comporte deux agents : ibuprofène et paracétamol, administrés en alternance par voie orale. Pour les actes les plus courants de chirurgie ambulatoire (adénoïdectomie, circoncision, cure de hernie inguinale, etc.), les données épidémiologiques présentées au début montrent que les douleurs intenses, échappant au traitement médical avec un AINS, sont exceptionnelles et généralement révélatrices d’une complication [4, 5] . Elles doivent donner lieu à un avis médical. En cas d’échec du traitement antalgique de première ligne, l’enfant quitte l’hôpital avec une ordonnance complémentaire de morphinique ; ce peut être le tramadol ou la morphine. Ces dernières années, les alertes sanitaires visant les agonistes partiels ont conduit au retrait d’un principe actif qui était peu prescrit en pédiatrie, le dextropropoxyphène, et à une restriction d’autorisation de mise sur le marché (AMM), à partir de l’âge de 12 ans, pour la codéine qui était utilisé beaucoup plus largement [17] . L’agoniste partiel qui reste disponible aujourd’hui est le tramadol, en solution buvable à 2,5 mg par goutte, à partir de l’âge de 3 ans (Tableau 2). Toutefois le tramadol est l’un des antalgiques morphiniques qui induit le plus de nausées/vomissement et qui par son mécanisme d’action sur la recapture des monoamines diminue l’effet de l’ondansetron. En outre, il a été observé que le polymorphisme du CYP2D6 peut entraîner des accidents de surdosage avec cette molécule [18] . Si le tramadol est mal supporté ou si l’enfant est trop jeune, la morphine constituera la meilleure option. Elle est disponible sous forme de sirop à 2 mg/ml et de comprimés à libération immédiate (Tableau 2). L’oxycodone est disponible en comprimés à 5 mg, équivalent à 10 mg de morphine, à partir de l’âge de 18 ans (libération immédiate) et 12 ans (forme LP). Cette forme à libération prolongée
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4-170-C-60 Analgésie postopératoire en chirurgie pédiatrique
Tableau 2. Antalgiques morphiniques formes galéniques destinées à l’enfant. Posologie
Galéniques
Commentaires
Tramadol
0,5 à 1 mg/kg, si douleur intense, au maximum 3 fois par jour
Sirop à 2,5 mg par goutte AMM 3 ans
Adaptation posologique et surveillance continue en cas de SAOS Attention à la préparation des doses
Morphine
0,2 mg/kg, si douleur intense au maximum 6 fois par jour
Sirop à 2 mg/ml AMM 3 mois
Oxycodone
0,1 mg/kg, au maximum 6 fois par jour
Comprimés AMM 18 ans (libération immédiate), 12 ans (forme LP)
Non recommandé pour le traitement de la douleur postopératoire
AMM : autorisation de mise sur le marché ; SAOS : syndrome d’apnées obstructrices du sommeil.
Tableau 3. Durée du traitement systématique à heure fixe [4, 5] .
Tableau A.1. Postoperative Pain Measure for Parents (PPMP) enfants de 2 à 12 ans.
Intervention
Durée du traitement (jour)
JOUR/HEURE
Hernie inguinale
1
Pleurniche ou se plaint plus que d’habitude
Circoncision
1
Pleure plus facilement que d’habitude
Adénoïdectomie et ATT
1
Joue moins que d’habitude
Actes de stomatologie (extractions, pose de dispositifs orthodontiques)
1–2
Orchidopexie
3
Semble plus calme que d’habitude
Actes périphériques orthopédie
3–5
A moins d’énergie que d’habitude
Amygdalectomie
7
Mange moins que d’habitude
Cotation
Ne fait pas les choses qu’il ou elle fait d’habitude Semble plus inquiet que d’habitude
Refuse de manger
n’a pas d’intérêt par rapport à la morphine pour traiter la douleur postopératoire. La prescription de morphine à domicile soulève plusieurs problèmes : la précision dans la préparation des doses (sirop), le risque de surdosage, le devenir des doses non utilisées et conservées par la famille [19] . Même si la crise opioïde n’a pas la même ampleur en Europe et aux États-Unis, le bénéfice/risque doit être pesé au cas par cas.
Tient l’endroit douloureux de son corps Essaie de ne pas heurter l’endroit douloureux Gémit ou grogne plus que d’habitude A le visage plus congestionné que d’habitude Cherche du réconfort plus que d’habitude Prend le médicament qu’il ou elle refuse d’habitude SCORE GLOBAL Chaque item est coté 0 (signe absent) ou I (signe présent), total sur 15.
Éducation des parents L’administration systématique des traitements et les consignes données en ce sens aux parents ont montré leur supériorité par rapport à l’administration à la demande [20] . L’éducation des parents (et dans une certaine mesure de l’enfant lui-même) améliore l’observance médicamenteuse. Les parents sont informés en consultation d’anesthésie de l’importance d’administrer le traitement à heure fixe le ou les premiers jours, selon l’intervention chirurgicale (Tableau 3). Les horaires des prises sont donnés par écrit à la sortie. La levée du bloc sensitif, 3 à 6 heures après l’intervention, constitue un moment délicat. L’enfant peut ressentir des picotements, des fourmillements ou une sensation de crampe douloureuse sans nécessairement être en mesure de les exprimer. Ces phénomènes sont atténués par l’AINS et le paracétamol et du traitement de première ligne, à condition qu’il n’y ait pas de rupture dans la continuité du traitement. Un support écrit (papier ou internet) est utile pour renforcer l’observance de ces instructions (Annexe B). Plusieurs études pédiatriques soulignent l’intérêt d’une éducation thérapeutique et d’un suivi post-intervention en chirurgie ambulatoire [12, 13] . L’appel du lendemain permet de vérifier le soulagement effectif de la douleur postopératoire, de s’assurer de la bonne observance du traitement, et le cas échéant de reconvoquer les enfants qui ont des douleurs intenses ou des effets secondaires.
Conclusion L’analgésie postopératoire intègre aujourd’hui des objectifs de récupération fonctionnelle rapide. Le traitement antalgique de première ligne est standardisé en fonction de l’intervention chi-
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rurgicale et des comorbidités de l’enfant. Les morphiniques sont utilisés à juste dose et dans des indications sans doute plus restreintes que par le passé.
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Annexe A. Échelle pour l’évaluation de la douleur par les parents Tableau A.1
Annexe B. Instructions pratiques Repos La présence constante d’un adulte est nécessaire le jour de la sortie de l’hôpital. Trois Cinq jours de repos à la maison sont conseillés, en limitant les sorties, en évitant la chaleur, les jeux violents, la collectivité. Une légère augmentation de la température (38 ◦ C) est fréquente. Les médicaments antidouleur vont aider à la normaliser. Dès qu’il se sentira en forme, votre enfant reprendra de luimême toutes ses activités. EMC - Pédiatrie
Analgésie postopératoire en chirurgie pédiatrique 4-170-C-60
Alimentation
[5]
Votre enfant doit reprendre petit à petit une alimentation normale. Incitez-le à manger et à boire régulièrement, sans le forcer.
[6]
Nausées et vomissements Si votre enfant vomit plus de trois fois en l’espace de 12 heures et/ou ne parvient plus à s’hydrater, nous vous recommandons de consulter sans délai.
[7]
Douleur
[8]
L’intervention chirurgicale réalisée chez votre enfant peut provoquer des douleurs ou une forte gène pendant plusieurs jours. Nous vous recommandons de donner les médicaments antidouleur systématiquement pendant Un Deux Trois Cinq jours, selon l’ordonnance n◦ 1 qui vous a été remise en consultation. Le jour de l’intervention après le retour à la maison, donnez les médicaments antidouleur aux heures indiquées ci-dessous : • Ibuprofène : à H et à H • Paracétamol : à H et à H Le lendemain et les jours suivants, donner Ibuprofène et Paracétamol en alternance : • Ibuprofène trois fois par jour : matin (8 h), midi (13 h), soir (19 h), pendant les repas. • Paracétamol : entre deux doses d’Ibuprofène et le soir, maximum quatre fois par jour. Si malgré ce traitement, votre enfant n’est pas soulagé, donnezlui en PLUS : • Tramadol gouttes, soit mg au maximum trois fois par jour (Ordonnance n◦ 2). Une infirmière de l’équipe vous contactera par téléphone le lendemain de l’intervention pour prendre des nouvelles de votre enfant et vous aider si nécessaire à mieux soulager sa douleur.
[9]
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