Determination Et Formalisation (Lingvisticae Investigationes Supplementa) (French Edition) [First Edition] 1588110966, 9781588110961, 9789027231338, 9027231338, 902729819X, 9789027298195 [PDF]


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Determination Et Formalisation (Lingvisticae Investigationes Supplementa) (French Edition) [First Edition]
 1588110966, 9781588110961, 9789027231338, 9027231338, 902729819X, 9789027298195 [PDF]

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Zitiervorschau

DÉTERMINATION ET FORMALISATION

LINGVISTICÆ INVESTIGATIONES: SUPPLEMENTA

Studies in French & General Linguistics / Etudes en Linguistique Française et Générale This series has been established as a companion series to the periodical “LINGVISTICÆ INVESTIGATIONES”, which started publication in 1977. It is published by the Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique du C.N.R.S.

Series-Editors: Jean-Claude Chevalier (Université Paris VIII) Maurice Gross (Université de Marne-la-Vallée) Christian Leclère (L.A.D.L.)

Volume 23 Edited by Xavier Blanco, Pierre-André Buvet and Zoé Gavriilidou Détermination et Formalisation

DÉTERMINATION ET FORMALISATION

Edited by XAVIER BLANCO PIERRE-ANDRÉ BUVET ZOÉ GAVRIILIDOU Universitat Autònoma de Barcelona

JOHN BENJAMINS PUBLISHING COMPANY AMSTERDAM/PHILADELPHIA

8

TM

The paper used in this publication meets the minimum requirements of American National Standard for Information Sciences — Permanence of Paper for Printed Library Materials, ANSI Z39.48-1984.

Library of Congress Cataloging-in-Publication Data Détermination et formalisation / edited by Xavier Blanco, Pierre-André Buvet, Zoé Gavriilidou. p. cm. -- (Linguisticae investigationes. Supplementa ISSN; 0165-7569; v. 23) Papers presented at a conference held Feb. 24–25, 2000, Barcelona, Spain. Includes bibliographical references and index. 1. Grammar, Comparative and general--Determiners--Congress. 2. Formalization (linguistics)--Congresses. I. Blanco, Xavier. II. Buvert, Pierre-André. III. Gavriilidou, Zoé. IV. Series. P299.D48 D48 2001 415--dc21 2001035801 ISBN 90 272 3133 8 (Eur.) / 1 58811 096 6 (US) (Hb: alk. paper) CIP © 2001 – John Benjamins B.V. No part of this book may be reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm, or any other means, without written permission from the publisher. John Benjamins Publishing Co. • P.O.Box 36224 • 1020 ME Amsterdam • The Netherlands John Benjamins North America • P.O.Box 27519 • Philadelphia PA 19118-0519 • USA

TABLE DES MATIÈRES

Dédicace

vii

Présentation

ix

Clara Abrudeanu : La détermination dans la phraséologie

1

Razeq Afzali ; Jean-Pierre Desclés et Anca Pascu : Approche logique de la détermination

13

Jean-Claude Anscombre : Les N/Des N en position sujet ou objet dans les phrases génériques

29

Margarita Alonso: Détermination, incorporation et phraséologie dans les constructions à verbe support

51

Xavier Blanco : La description des déterminants dans un dictionnaire électronique de médecine

67

Andrée Borillo : La détermination et la préposition de lieu à en français

85

Pierre-André Buvet : Les déterminants intensifs

101

Sylviane Cardey et Peter Greenfield : Génération automatique de déterminants en allemand

115

Dolors Català et Matías Mellado : La détermination dans des adverbes et verbes composés en français et en espagnol

129

Nelly Flaux : Le classement des noms de quantité

151

Zoé Gavriilidou : Structures Dét N1 N2 et détermination figée

163

Maurice Gross : Grammaires locales de déterminants nominaux

177

Georges Kleiber : Déterminants indéfinis ou quand les faibles jouent aux forts

195

Lucien Kupferman : Quantification et détermination dans les groupes nominaux

219

Denis Le Pesant : Syntaxe et lexique des anaphores fidèles et infidèles

235

Claude Muller : Les déterminants indéfinis

255

Denis Paillard : Tout N en français versus vsjakij N en russe

273

Dieter Seelbach : La détermination de prédicats nominaux et de mots composés en français et en allemand

291

Francis Tollis : La traduction de UN-S est elle automatisable ?

315

Harald Ulland : La question de la détermination nominale dans la traduction automatique norvégien ↔ français

327

Index de notions

341

Ce volume est dédié à la mémoire de notre regretté collègue Razeq Afzali (Université de Paris-Sorbonne), décédé à Bellaterra le 25 février 2000 pendant sa communication au Colloque International Détermination et Formalisation.

PRÉSENTATION

De nombreux travaux se rapportant à toutes sortes de théories du langage concernent la détermination, soit relativement à une langue donnée (voire plusieurs dans une perspective comparatiste) soit d’un point de vue plus universel. Les études que nous présentons dans ce numéro sont assez représentatives de cette diversité des traitements de la détermination. Le terme même de détermination a diverses acceptions ; il s’ensuit que le statut des unités linguistiques qui s’y rapportent, les déterminants, peut varier selon la façon dont on les définit. S’il est admis que les éléments déterminatifs ressortissent au seul groupe nominal1 , l’extension des formes que recouvre la détermination ne fait pas l’unanimité. Pour certains, la détermination est limitée à quelques éléments antéposés (le nombre peut varier selon les travaux) tandis que pour d’autres il s’agit de l’ensemble des constituants qui ne correspondent pas à ce qu’il est convenu d’appeler la tête nominale (c’est-àdire approximativement le constituant qui détermine la nature des relations entre le groupe nominal et les autres éléments phrastiques et donc qui prévaut structurellement). Dans le premier cas les expansions du nom sont systématiquement écartées ; dans le second cas elles sont interprétées comme constitutives de la détermination d’un substantif donné. Il en résulte que l’intersection des ensembles constitués en fonction de l’un ou l’autre point de vue comporte un nombre limité de déterminants ; pour ce qui est du français, ce sont surtout les articles qui sont unanimement reconnus comme tels. Au-delà de la question des formes que recouvre la notion de détermination, les linguistes s’opposent à la fois sur la façon d’interpréter la détermination et sur la façon dont opèrent les déterminants pour satisfaire aux exigences fonctionnelles qu’on leur reconnaît. Il va de soi que ces deux points sont éminemment liés dans les représentations que l’on donne de la détermination et qu’ils ne sont pas totalement indépendants de l’extension de la notion. Par conséquent, à l’instar de ce que l’on peut observer pour d’autres classes de faits de langue, les différentes sortes de traitement des données (morphologie, syntaxe et sémantique) ne sont pas séparées les unes des autres : elles interagissent entre elles. De plus, des facteurs pragmatiques sont souvent mis

x

PRÉSENTATION

en avant dans certaines analyses des déterminants (notamment s’agissant de ceux que l’on dit définis). Les postulats linguistiques et les objectifs des théories dont ils constituent les points d’appui peuvent éclaircir l’apparente confusion qui ressort des différents travaux sur la détermination. Un des points centraux est la question de savoir si la réflexion doit intégrer la relation de la langue avec ce qui n’est pas la langue, c’est-à-dire ce qu’on appelle l’extra-linguistique. Dès lors les principales divergences d’approche mentionnées peuvent s’expliquer comme suit : –



il y a, d’une part, les analyses qui considèrent que la dichotomie saussurienne langue/discours (même si elle n’est pas reconnue en tant que telle) est toujours pertinente et joue un rôle central dans l’explication de la détermination2 de telle sorte que la notion de référence apparaît comme un principe explicatif fondamental ; il y a, d’autre part, les études où la distinction entre ce qui relève du discours et de la langue est nettement moins cruciale et où la détermination est traitée essentiellement en termes de combinatoire et de structuration au sein des constructions nominales.

Cette bipolarisation des travaux mentionnés est évidemment réductrice puisqu’il existe aussi des analyses qui y échappent ; par exemple, les théories modulaires qui appréhendent les déterminants en les traitant structurellement, d’une part, logiquement, d’autre part. On peut néanmoins admettre que le plus gros des travaux considèrent les déterminants soit comme des opérateurs d’insertion des noms dans le discours soit comme des opérateurs qui mettent en relation certains constituants majeurs de la phrase. La place des substantifs dans la caractérisation des déterminants échappe à cette dichotomie ; elle dépend essentiellement de l’importance accordée au lexique dans les théories sous-jacentes aux analyses qu’elles soient à caractère référentiel ou à caractère non référentiel. Selon nous, la valeur que les linguistes attribuent aux déterminants apparaît comme un moyen de transcender l’opposition dont il a été question car comme souvent la prise en compte de la sémantique dans les études syntaxiques permet, d’une part, de recouper des observations effectuées dans le cadre d’approches essentiellement sémantiques (par exemple, la justification syntaxique de la classe sémantique des déterminants définis), d’autre part, de faire apparaître des phénomènes que les approches référentielles n’avaient pas pris en compte du fait de la nature ontologique de leur représentation de la langue.

PRÉSENTATION

xi

La représentation des déterminants n’est évidemment pas indépendante de celle des autres unités linguistiques notamment les noms. La place que l’on accorde à la détermination dans les modélisations d’une langue, voire du langage, est souvent loin d’être négligeable. C’est le cas assurément des modélisations proposées par les théories qui font appel à la notion de référence étant donné que la possibilité de se reporter à un objet du monde n’est généralement pas le fait du seul substantif mais de celui-ci précédé d’un déterminant3 . Le formalisme que présuppose toute modélisation est souvent tributaire d’une théorie. La relation au monde qu’induit le concept de référence peut se concevoir sur des bases vériconditionnelles. C’est pourquoi bon nombre des théories s’inscrivant dans cette perspective font appel à toutes sortes d’opérateurs logiques pour rendre compte de la langue. Les diverses théories référentielles se distinguent alors principalement sur la question du recours à tel opérateur plutôt que tel autre pour établir la nature d’une classe de phénomènes donnés. Pour ce qui est des théories non référentielles, l’intérêt d’utiliser un formalisme qui tienne compte des faits de détermination n’est apparu que tardivement 4 du fait notamment de l’introduction de considérations sémantiques dans des approches primitivement syntaxiques. L’élaboration de systèmes opérant sur des données linguistiques implique des représentations formelles du langage qui leur soient appropriées. Du point de vue du traitement automatique des langues, les modélisations qui intègrent les systèmes de détermination s’avèrent particulièrement importantes, notamment en ce qui concerne les domaines de la génération et de la traduction automatiques. Il est donc crucial pour la linguistique informatique de tenir compte des travaux fondamentaux qui portent sur les déterminants et qui ont comme objectif de les représenter formellement. Le présent numéro réunit des études sur la détermination qui, pour la plupart, ont fait l’objet d’une présentation orale lors du colloque Détermination et Formalisation qui s’est tenu à Barcelone les 24 et 25 février 2000 5 . Ces études, effectuées dans des cadres théoriques variés, se caractérisent, d’une part, par la diversité des phénomènes considérés et, d’autre part, par leur souci de formalisation. Plusieurs travaux ont trait aux valeurs de certains prédéterminants au regard de notions comme l’anaphore, la distributivité, l’existentialité, la généricité, la quantification et la partitivité : Jean-Claude Anscombre à propos des articles défini et indéfini pluriels, Georges Kleiber à propos de certains déterminants indéfinis, Lucien Kupferman à propos de l’article partitif, Denis Le Pesant à propos de l’article défini et de l’adjectif démonstratif et Claude Muller à propos égale ment de certains déterminants indéfinis. D’autres travaux rendent comptent également des différents emplois des prédéterminants mais dans une perspective comparatiste : Denis Paillard à

xii

PRÉSENTATION

propos du couple tout N en français et de vsjakij N en russe, Francis Tollis à propos de la traduction française de l’article espagnol UN-S ainsi que Harald Ulland qui compare le système de détermination du norvégien au système français. Dans leurs travaux respectifs, Margarita Alonso Ramos et PierreAndré Buvet discutent de l’interprétation de certains éléments déterminatifs dans le cadre des constructions à verbe support en espagnol, d’une part, en français, d’autre part. Plusieurs travaux concernent des constructions déterminatives : Nelly Flaux récapitule les différentes valeurs des déterminants nominaux (des suites du type Dét N de), Maurice Gross présente la combinatoire interne de certains d’entre eux tandis que Razeq Afzali, JeanPierre Desclés et Anca Pascu rendent compte de l’intérêt d’une approche logique des modifieurs du type de N. Andrée Borillo examine les contraintes sur les déterminants dans le cadre de constructions prépositionnelles relatives à l’expression du lieu. La question de l’interaction entre les notions de figement et de détermination est l’objet de plusieurs discussions : Clara Abrudeanu à propos des déterminants de la phraséologie du français et du roumain, Dolors Català et Matías Mellado à propos des déterminants des adverbes et verbes composés de l’espagnol et du français, Zoé Gavriilidou à propos de la structure Dét N N et Dieter Seelbach à propos de mots composés et prédicas nominaux de l’allemand et du français. Le traitement automatique des déterminants a été également pris en compte par Xavier Blanco à propos de la description des déterminants dans un dictionnaire électronique de l’espagnol ainsi que par Sylviane Cardey et Peter Greenfield à propos de la génération automatique de déterminants en allemand. Les Éditeurs

NOTES

1

On parle également de ‘syntagme nominal’, le choix de l’un ou l’autre terme résultant généralement de la terminologie adoptée par une théorie donnée. 2 Cette dernière est alors avant tout affaire d’actualisation (au sens de mise en discours). 3 L’absence de déterminant est un cas particulier que certains linguistes traitent en l’assimilant à une détermination zéro. 4 Les travaux de Maurice Gross constituent une exception remarquable par rapport aux théories syntaxiques qui se contentent de représenter les éléments déterminatifs par des symboles comme SPEC ou DET. 5 Cette publication a été financée par le Ministerio de Educación y Cultura (Subdirección General de Formación, Perfeccionamiento y Movilidad de Investigadores), qui a aussi financé partiellement le colloque Détermination et Formalisation.

LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE Étude comparée du français et du roumain CLARA ABRUDEANU Université de Nice et Université de Piteºti

Introduction Le présent article rend compte d’un projet de recherche à long terme visant la constitution d’un corpus phraséologique français/roumain, l’analyse linguistique et la modélisation informatique des données enregistrées en vue de la traduction assistée français-roumain. Nous allons présenter ci-dessous les résultats d’une étude expérimentale sur les déterminants, étude qui a été menée sur un corpus électronique de 3 000 couples phraséologiques. Il convient de préciser qu’après la collecte, les phraséologismes du corpus ont été triés avec le logiciel ZLoc (ZStation) (Zinglé 1999) et organisés dans un format qui a beaucoup facilité l’analyse linguistique ultérieure.

1. Précisions d’ordre théorique Nous allons présenter les problèmes que la détermination pose dans les constructions fixes. Il s’agit des unités complexes dont le déterminant ne peut pas varier ou, s’il varie, cela se passe pour chacune des deux langues examinées dans un paradigme restreint (maximum trois éléments) : (1) a.

a muri de moarte bunã

mourir de mort bonne “mourir de sa belle mort” b.

a nu miºca un deget

ne pas lever (le + son) petit doigt “ne pas bouger un doigt”

2

CLARA ABRUDEANU

Les variantes du type *mourir de (la + cette) belle mort ; *ne pas lever (les + ces) petits doigts ne sont pas admises. Le type du déterminant, son nombre et son genre sont donc fixes. C’est ce que l’on appelle dans la littérature de spécialité un ‘déterminant figé’ (M. Gross 1985). Il convient de préciser que le terme de ‘phraséologisme’ ou ‘unité phraséologique’ sera utilisé ici pour désigner les suites fixes d’un minimum de deux mots, formées autour d’un verbe. Ce sont les unités complexes pour lesquelles Harald Burger propose le terme de ‘phraséologismes phrastiques’ (Burger 1998). Nous avons exclu de notre corpus les phraséologismes à valeur de texte (proverbes, maximes, etc.) et nous nous sommes exclusivement intéressées aux constructions fixes ayant besoin d’un sujet grammatical pour leur actualisation dans le discours : (2)

a pune punctul pe i

mettre le point sur i “mettre les points sur les i” Pour faciliter la présentation, on a décidé de traiter les problèmes qui se posent en deux parties, selon la constitution du groupe nominal où le déterminant s’actualise : – –

les phraséologismes comportant un groupe nominal fixe (Dét N) ; les phraséologismes comportant un groupe nominal fixe du type (Prép Dét N).

2. Phraséologismes comportant un groupe nominal fixe (Dét N) On a classé les déterminants en définis, indéfinis et zéro. La partie consacrée aux déterminants définis traite de l’article défini et de l’adjectif possessif, et celle consacrée aux déterminants indéfinis traite de l’article indéfini, du partitif et des déterminants numéraux. 2.1. Déterminants définis 2.1.1. Article défini On a observé que l’article défini était extrêmement fréquent dans les phraséologismes du corpus et que, dans la plupart des cas, il ne posait pas de problèmes réels à la traduction. Sauf quelques rares exceptions, dans ce type de

LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE

3

constructions, le roumain et le français emploient l’article défini de manière identique : (3)

a da restul

donner le reste “rendre la monnaie” (4)

a tãia firul în patru

couper le fil en quatre “couper les cheveux en quatre” La dissymétrie apparaît quand le roumain actualise une détermination zéro dans les constructions fixes du type (Vb Dét, NO.D.) pour lesquelles le français emploie l’article défini : (5)

a lua aer

prendre air “prendre l’air” (6)

a pune foc la ceva

mettre feu à qqch. “mettre le feu à qqch.” Il est important de remarquer, à propos des exemples ci-dessus, que le français a lui aussi développé des phraséologismes du type (Vb Détzéro, NO.D.), et que leur nombre est aussi important que celui des unités complexes où le nom objet direct est articulé avec l’article défini (cf. 3.3.). Il est donc difficile de décider laquelle des deux situations est exceptionnelle et source d’irrégularités. 2.1.2. Adjectif possessif et autres moyens d’exprimer la possession Le roumain dispose de deux instruments linguistiques pour exprimer la notion de possession ou l’appartenance à un ensemble : – –

l’un est l’adjectif possessif, comme en français ; l’autre, une forme atone du pronom personnel au datif, appelé le ‘datif possessif’ :

(7) a.

Si sufletul sãu se pierde

“Et son âme se perd” (adjectif possessif) b.

Si sufletu-i se pierde

“Et son âme se perd” (datif possessif)

4

CLARA ABRUDEANU

Dans les phraséologismes, le roumain emploie de façon presque exclusive le datif possessif qui est placé à chaque fois auprès du verbe auquel il est lié par un trait d’union : Vb Adjpossessif N ↔ Vb Pron.Pers (datif possessif) N. (8)

a-ºi incerca norocul

essayer sa chance “courir sa chance” (9)

a-ºi înghiþi lacrimile

avaler ses larmes “ravaler ses larmes” Le pronom personnel au datif a, dans ce cas, une fonction syntaxique qui se situe à la limite entre l’objet indirect (donc déterminant du verbe) et le complément du nom. Cette préférence du roumain pour l’emploi du datif possessif dans les constructions fixes se justifie : –



d’une part, par une raison liée à la diachronie : l’emploi du datif possessif était très fréquent dans une étape antérieure de l’évolution du roumain ; d’autre part, par un souci de cohésion : étant lié au verbe par un trait d’union, il forme avec celui-ci une unité et il semble déterminer à la fois le verbe et le substantif.

Il existe une situation similaire en français qui se caractérise par la présence du réflexif là ou le roumain emploie le datif possessif : (10)

a-ºi bate capul

se battre la tête “se creuser la tête” (11)

a-ºi muºca limba

mordre sa langue “se mordre la langue” Parfois, le roumain ne rend pas de façon explicite l’idée de possession et une traduction littérale de la phraséologie française mènera à une surdétermination en roumain. Le cas le plus fréquent est celui des parties du corps, mais les exemples peuvent aussi recouvrir d’autres registres :

LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE

(12)

5

a þine în mânã frâiele

tenir dans main les fils d’une affaire “tenir dans sa main les fils d’une affaire” (13)

a avea nervi

avoir nerfs “avoir ses nerfs” (14)

a muri de moarte bunã

mourir de mort bonne “mourir de sa belle mort” (15)

a pãstra distanþa

garder la distance “garder ses distances” On ne peut pourtant pas généraliser cette remarque et dire que, lorsqu’il s’agit des parties du corps, le roumain n’admet jamais l’actualisation d’un possessif, car on rencontre des exemples où les deux langues ont recours à un possessif : (16)

a-ºi lua picioarele la spinare

prendre ses jambes à dos “prendre ses jambes à son cou” et même des exemples où le roumain emploie un possessif, contrairement au français : (17)

a-ºi pleca urechea

pencher son oreille “prêter l’oreille” (18)

a-ºi pierde capul

perdre sa tête “perdre la tête” 2.2. Déterminants indéfinis 2.2.1. Article indéfini Lorsqu’on examine les phraséologismes comportant un article indéfini (un, une), on remarque que les exemples sont divers et qu’il est difficile d’établir des règles de transposition. L’exemple le plus fréquent est celui des phraséologismes identiques du point de vue du déterminant :

6

CLARA ABRUDEANU

(19)

a avea o slãbiciune pentru cineva

avoir une faiblesse pour qqn “avoir un faible pour qqn” (20)

a da cuiva o mânã de ajutor

donner une main d’aide à qqn “donner un coup de main à qqn” Mais il existe aussi un nombre assez important de couples phraséologiques présentant des différences de détermination : –

article indéfini en français et déterminant zéro en roumain :

(21)

a face pariu

faire pari “faire un pari” (22)

a da rãgaz

donner délai “accorder un délai” –

article indéfini en français et article défini en roumain :

(23)

a vorbi de frânghie în casa spâzuratului

parler de corde dans la maison du pendu “parler de corde dans la maison d’un pendu” –

article indéfini en français et, en roumain, article indéfini en variation libre avec le déterminant zéro :

(24)

a avea (o + E) inimã de aur

avoir (un + E) cœur d’or “avoir un cœur d’or” 2.2.2. Article partitif et indéfini pluriel Le roumain n’a pas d’équivalent pour l’article partitif ou pour l’indéfini pluriel, et, dans les phraséologismes où le français emploie l’un des deux, le roumain actualise une détermination zéro : (Article partitif + Indéfini pluriel) N ↔ N Dét zéro. (25)

a-i da cuiva apã la moarã

donner à qqn eau à moulin “apporter de l’eau au moulin de qqn”

LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE

7

2.2.3. Déterminants numéraux Le déterminant numéral le plus fréquent dans les phraséologismes est deux, qui exprime l’idée d’oscillation ou d’indécision. Vu qu’il est employé pour une notion précise, il est présent dans les deux langues même si les unités phraséologiques équivalentes ne sont pas identiques du point de vue de leur constitution ou de l’image : (26)

a fi cu fundul în douã luntrii

être avec le derrière dans deux barques “nager entre deux eaux” (27)

a merge pe douã cãrãri

marcher sur deux sentiers “être entre deux vins” Les autres déterminants numéraux qui apparaissent dans phraséologismes de notre corpus sont aussi identiques dans les deux langues : –

les

quatre :

(28)

a fi pus la patru ace

être mis à quatre épingles “être tiré à quatre épingles” (29)

a merge în patru labe

marcher en quatre pattes “marcher à quatre pattes” –

un :

(30)

a dormi doar cu un ochi

dormir seulement avec un œ il “ne dormir que d’un œ il” 2.3. Détermination zéro Parmi les problèmes que la détermination pose dans les phraséologismes, celui de l’absence du déterminant a été le plus étudié. Les études récentes sur ce sujet montrent que le problème n’est pas facile à résoudre, que les situations de détermination zéro sont en concurrence avec celles où le substantif actualise un déterminant, et que les raisons de l’absence de l’article sont multiples (G. Gross 1996).

8

CLARA ABRUDEANU

Gaston Gross (1996) présente l’absence de l’article dans les expressions françaises en liaison avec la notion de ‘construction nominale à verbe support’. Lors de l’analyse linguistique du corpus, on a constaté que les phraséologismes où le nom qui suit un verbe au sens très général est déterminé sont presque aussi nombreux que les unités complexes qui actualisent une détermination zéro. On considère donc qu’affirmer que la détermination zéro est étroitement liée au sens du verbe reviendra à exclure de notre présentation un grand nombre d’exemples français et roumains : (31)

a lua cuvântul

prendre le mot “prendre la parole” (32)

a face pace

faire paix “faire la paix” Nous présenterons ici seulement les différents cas de figure qui apparaissent dans la traduction français-roumain. Le plus souvent, lorsque le français emploie un nom sans déterminant le roumain agit de même. De plus, il est vrai qu’il y a un nombre relativement restreint de verbes qui se combinent fréquemment avec un nom sans article et que leur sens est très général : (33)

a avea loc

“avoir lieu” (34)

a face avere

“faire fortune” (35)

a purta ghinion

porter guignon “porter malheur” Mais, on peut citer aussi des exemples comme : (36)

a face jocul cuiva

“faire le jeu de qqn” Les autres phraséologismes qui comportent un nom sans déterminant se remarquent par leur fréquence ou leur consécration dans les deux langues :

LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE

(37)

9

a bate monedã

battre monnaie “(battre + frapper) monnaie” (38)

a depune jurãmânt

déposer serment “prêter serment” Les exemples de phraséologismes qui présentent des dissymétries sont rares : (39)

a-i face cuiva curte

faire à qqn cour “faire la cour à qqn” (40)

a confirma primirea

confirmer la réception “accuser réception” Il est important de préciser que la détermination zéro s’actualise aussi dans les phraséologismes où le nom est précédé d’une préposition (cf. 4).

3. Phraséologismes comportant un groupe nominal fixe (Prép Dét N) Lorsque le nom est précédé d’une préposition, on a affaire à des situations différentes selon le type de la préposition (le cas avec lequel elle se construit en roumain), et selon le fait que le nom est suivi ou non d’un modifieur. 3.1. Les prépositions qui se construisent en roumain avec l’accusatif Le roumain tout comme le français actualise un article défini si le nom est suivi d’un complément du nom : Prép Artdéf N Modif ↔Prép N Artdéf Modif.

(41)

a cãdea pe mâinile cuiva

“tomber entre les mains de qqn” (42)

a fi la înãlþimea situaþiei

“être à la hauteur de la situation” Des exceptions à cette règle existent dans les deux langues, mais elles sont peu nombreuses :

10

CLARA ABRUDEANU

(43)

a fi cusut cu aþã albã

être cousu avec fil blanc “être cousu de fil blanc” Le français emploie l’article défini, tandis que le roumain actualise une détermination zéro lorsque le substantif n’a pas de modifieur : Prép Artdéf Nsans_Modif ↔ PrépAccusatif NsansModif Dét E. (44)

a pune degetul pe ranã

mettre le doigt sur plaie “mettre le doigt sur la plaie” (45)

a fi la înãlþime

être à hauteur “être à la hauteur” Exceptions : –

Les substantifs précédés de la préposition "cu" (avec) et indiquant la manière, l’attitude sont toujours articulés avec l’article défini, même lorsqu’ils ne sont pas suivis d’un modifieur : Vb GNmanière [Artdéf N] ↔ Vb GNmanière [cu N Artdéf].

(46)

a ieºi cu picioarele înainte

(47)

sortir avec les pieds devant “partir les pieds devant” a fi prins cu mâna-n sac être pris avec la main dans sac “être pris la main dans le sac”



Les constructions du type a face Prép pe N (litt. faire Prép sur N) où le substantif est toujours articulé avec l’article défini : faire Artdéf N ↔ a face pe N Dét E.

(48)

a face pe bufonul

faire sur le bouffon “faire le bouffon” Le roumain tout comme le français emploie l’article zéro dans le cas des noms précédés de la préposition en. L’équivalent roumain de la préposition en est la préposition în : En Artzéro N ↔ În N Artzéro.

LA DÉTERMINATION DANS LA PHRASÉOLOGIE

(49) (50)

11

a induce în eroare “induire en erreur” a arunca în închisoare “jeter en prison”

En est d’ailleurs la seule préposition après laquelle le français emploie constamment un nom sans déterminant, et cela à cause d’un accident phonétique qui a entraîné la disparition des articles contactés ou et es, issus respectivement de en et le, et de en et les. Alors que le roumain présente une restriction presque généralisée quant à l’utilisation de l’article avec les noms précédés par les prépositions de l’accusatif. 3.2. Les prépositions qui se construisent en roumain avec le datif ou le génitif Lorsque le substantif est précédé d’une préposition qui se construit en roumain avec le datif ou le génitif, il est obligatoirement déterminé avec l’article défini : Prép Artdéf N ↔ Prépgénitif+datif N Artdéf. (51) (52)

a prinde asupra faptului “jeter en prison” a prinde asupra faptului prendre au dessus du fait “prendre sur le fait”

Conclusions Les règles qui s’appliquent aux situations de détermination présentées cidessus sont facilement implémentables. Comme le nombre des phraséologies qui y font exception est restreint, il suffira de les répertorier dans la machine pour éliminer le risque d’erreurs. Certaines situations de détermination ne se laissent pas systématiser sous forme de règles, notamment la détermination zéro, l’article défini et l’article indéfini singulier. Il est pourtant possible qu’une étude menée sur un corpus plus important permette de disposer des données nécessaires à leur systématisation. Enfin, au terme de cette étude nous avons testé les règles énoncées plus haut sur des constructions libres et nous avons constaté qu’elles s’y appliquaient parfaitement1 . C’est donc là un des résultats les plus intéressants de cette étude

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CLARA ABRUDEANU

qui nous permet d’envisager l’élaboration d’un système de traduction assistée par ordinateur.

RÉFÉRENCES Burger, Harald. 1998. Phraseologie. Eine Einführung am Beispiel des Deutschen, Berlin : Erich Schmidt Verlag. Gross, Gaston. 1996. Les expressions figées en français. Paris : Ophrys. Gross, Maurice. 1985. “Sur les déterminants dans les expressions figées”. Langages 76. 89-23. Zinglé, Henri. 1999. La modélisation des langues naturelles. Aspects théoriques et pratiques : Travaux du LILLA, Numéro spécial.

SUMMARY This article focuses on the formalization of determination in phraseology within the framework of French-Romanian computer-assisted translation. We will systematically describe determination scenarios in “phraseological units” as well as rules of determinant transposition we were able to draw from the linguistic analysis of a bilingual corpus (French/Romanian phraseology).

NOTES 1

Sauf la règle concernant l’adjectif possessif en français et le datif possessif en roumain.

APPROCHE LOGIQUE DE LA DETERMINATION RAZEQ AFZALI Université de Paris-Sorbonne

JEAN-PIERRE DESCLÉS Université de Paris-Sorbonne

ANCA PASCU Université de Paris-Sorbonne

Introduction La construction syntaxique N de N du français est très complexe car elle couvre des emplois assez divers et il semble très difficile de ramener l’analyse sémantique de ce schéma à un invariant sémantique. Il semble même que le relateur de du français couvre des emplois tellement hétérogènes qu’on serait enclin à voir de comme un simple relateur de connexion entre termes nominaux sans aucune autre valeur sémantique. Pourtant, cette construction peut, dans certains de ses emplois, être reliée à d’autres constructions. Prenons la série d’exemples suivants : (1) a. La ville de Paris b. Parmi les villes, il y a Paris c. Paris est une ville Nous pourrions multiplier les exemples. Est-il possible de : – –

analyser la sémantique du relateur prépositionnel de au moins dans un certain nombre de constructions syntaxiques ; de relier dans une même approche logique et unifiée de la détermination les représentations de la construction N de N et de relier cette construction aux constructions N être (Prép) N et N avoir N.

La comparaison de langues différentes peut parfois faire apparaître certaines particularités de cette construction. Aussi allons-nous prendre des exemples en

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RAZEQ AFZALI, JEAN-PIERRE DESCLÉS, ANCA PASCU

français, en persan et pashto afin de comparer ces exemples. Les positions syntagmatiques ne se correspondent pas d’une langue à l’autre. En persan, langue parlée en Afghanistan et en Iran, l’ordre syntagmatique est essentiellement ‘déterminé-déterminant liés par le morphème grammatical e1 ’ alors qu’en pashto, langue parlée essentiellement en Afghanistan, l’ordre syntagmatique est ‘déterminant-déterminé précédé par le morphème grammatical dI’ Nous allons comparer les constructions avec -e et dI aux constructions “équivalentes”, du point de vue sémantique, en français, c’est-àdire aux constructions avec N de N. Prenons par exemple : (2) a. b.

c.

Le cheval de Rostam déterminé de déterminant asp-e rostam (persan) cheval-de Rostam déterminé -e déterminant dI rostam âs (pashto) de Rostam cheval dI déterminant déterminé

Ainsi, dans l’expression d’une possession, le nom propre apparaît naturellement dans le rôle de possesseur. Remarquons qu’on a, en français, des contraintes sur la détermination des termes reliés par de : (3) a. b. c.

? Un ami a le cheval Le cheval est à (appartient à) un ami Un ami a un cheval

En persan, on aura : (4) a.

asp-e yak dost ast cheval-de un ami est “le cheval est-à (appartient à) un ami” a’. *asp yak dost ast cheval un ami est b. yak dost asp dârad un ami cheval a “Un ami possède (a) un cheval” b’. *asp-e yak dost dârad cheval un ami a

APPROCHE LOGIQUE DE LA DÉTERMINATION

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1. Analyse syntaxique dans le cadre des grammaires catégorielles 1.1. Analyse de l’énoncé français : le cheval de Rostam2 le cheval n/n n

de (n\n)/n

n : (le cheval)

Rostam n n\n : (de Rostam)

n : (de Rostam) (le cheval) 1.2. Analyse de l’énoncé persan : asp-e rostam asp - e rostam n (n/n)\n n --------------< n/n : e asp -----------------------------------------------> n : (e asp) (Rostam) 1.3. Analyse de l’énoncé pashto : dI rostam âs dI rostam âs (n/n)/n n n -------------------------------------> n/n : (dI rostam) ------------------------------------------------> n : ((dI rostam) âs) 1.4. Les types syntaxiques Les types syntaxiques des morphèmes étudiées sont respectivement : français persan pashto

de e dI

(n\n)/n (n/n)\n (n/n)/n

C’est-à-dire que ces morphèmes sont des opérateurs binaires qui en s’appliquant à un terme nominal transforment ce dernier en un déterminant d’un autre terme nominal. Ils jouent donc un rôle de relateur entre termes

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RAZEQ AFZALI, JEAN-PIERRE DESCLÉS, ANCA PASCU

nominaux. En faisant abstraction des différentes positions syntagmatiques, les analyses syntaxiques de ces trois relateurs sont analogues.

2. Schèmes de repérage et schèmes de détermination Nous allons maintenant chercher à faire apparaître un schème sémantique commun à ces trois organisations syntaxiques. Pour cela , nous allons nous situer dans le cadre d’une théorie générale du repérage abstrait et de la détermination. Cette théorie prend appui sur l’analyse sémantique de la relation être/avoir proposée par E. Benveniste (1966), sur les travaux de A. Culioli (1985) et, ultérieurement, sur ceux de J.-P. Desclés (1987). L’analyse de ÊTRE / AVOIR et leurs expressions dans différentes langues permet de mettre en évidence un ‘schème statique de repérage’ : (5)

(lire : “X est repéré par rapport à Y”)

où X est l’entité déterminée ou repérée, Y l’entité déterminante ou repère et REP un relateur, dit de repérage (Desclés 1987 & 1990). A ce schème abstrait est associé un ‘schème dual de détermination’ : (6)

(lire : “Y détermine X”)

où le relateur DET est le converse du relateur REP, c’est-à-dire : [ DET = CREP ] où C est un opérateur de conversion3 . Le schème de repérage et son dual sont sous-jacents à de nombreuses manifestations linguistiques exprimées, entre autres, par être, avoir, de… en français. Les deux schèmes traduisant la relation entre les notions AVOIR et ETRE-à, expriment ainsi la célèbre analyse de E. Benveniste : Or avoir n’est rien autre qu’un être-à inversé : mihi est pecunia se retourne en habeo pecuniam. Dans le rapport de possession indiqué par mihi est, c'est la chose possédée qui est posée comme sujet ; le possesseur n'est signalé que par ce cas marginal, le datif, qui le désigne comme celui en qui l’‘être-à’ se réalise. Quand la construction devient habeo pecuniam, ce rapport ne peut devenir ‘transitif’ ; le ‘ego’ posé maintenant comme sujet n’est pas pour autant l’agent d'un procès : il est le siège d'un état, dans une construction syntaxique qui imite seulement l’énoncé d’un procès. (Benveniste 1966 : 197)

Si le verbe avoir dans certains de ses emplois, sinon tous, exprime un schème de détermination, dual du repérage, d’autres constructions syntaxiques

APPROCHE LOGIQUE DE LA DÉTERMINATION

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comme celles avec de (dans le schéma syntaxique : N de N) expriment également ce schème. Par ailleurs, certains opérateurs se composent avec le relateur de repérage REP et viennent spécifier un genre de repérage ; désignons un tel opérateur par SPEC ; nous obtenons alors un schème plus spécifique de repérage : < X REP 0 SPEC Y >. Ce schème de repérage s’exprime en français par un schéma syntaxique de la forme N est Prép N où Prép désigne une préposition qui vient spécifier un genre de repérage par des déterminations (par exemple topologiques) supplémentaires. Selon les propriétés assignées au relateur de repérage REP, selon la nature des opérateurs plus spécifiques qui instancient SPEC et selon la nature des arguments du relateur, nous avons deux grands genres de repérage : (i) les repérages par identification et (ii) les repérages par différenciation. Les ‘repérages par identification’ expriment non pas une identité mais soit une comparaison, pour certaines propriétés saillantes, entre le repéré et le repère qui joue ainsi le rôle d’un étalon de comparaison, soit une détermination référentielle acquise par le repéré à partir de celle du repère, jouant le rôle d’un identificateur. Donnons deux exemples de ces deux identifications : (7) a. b.

Paris est comme Londres (du point de vue de la cherté des loyers) Molière est l’auteur du Misanthrope

Dans certains cas, on peut avoir simultanément les deux valeurs : (8)

Dans ces circonstances, Napoléon n’est pas Napoléon mais simplement le Bonaparte du Collège militaire

Les ‘repérages par différenciation’ se diversifient en plusieurs schèmes plus spécifiques : (a) localisation spatiale, temporelle, spatio-temporelle ; (b) indication d’une origine (spatiale, temporelle, d’un produit...) ; (c) attribution d’une propriété ; (d) appartenance ensembliste / inclusion entre classes. Donnons quelques exemples français de ces repérage par différenciation : (9) a.

b. c. d.

Luc est à Paris / Le livre est sur la table Nous sommes à la mer / en montagne Nous sommes en hiver / au printemps Luc est de Paris et non de la province Luc est intelligent Luc est linguiste / Les philologues sont des linguistes

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RAZEQ AFZALI, JEAN-PIERRE DESCLÉS, ANCA PASCU

Ces schèmes de repérage, avec des valeurs plus ou moins spécifiques, sont exprimées à l’aide de la copule ÊTRE. Cependant, le schème du repérage trouve d’autres moyens d’expression avec des valeurs quelquefois plus spécifiques. Par exemple, il intervient dans l’analyse sémantique des prépositions spatiales même lorsque ces dernières se composent avec la signification d’un verbe ; en effet, il a été montré que la signification d’une préposition est une détermination topologique appliquée à un lieu qui joue un rôle de repère (Flageul 1997).

3. Analyse sémantique d’expressions associées au schème de détermination Prenons quelques exemples de syntagmes nominaux exprimant le schème de détermination ‘Y détermine X’. On remarquera immédiatement que certaines constructions analytiques, avec des relateurs grammaticaux en persan ou en pashto, sont exprimées en français par des lexèmes synthétiques : c’est le cas des exemples (20 et 21) (samedi, somnifère). En revanche, dans les exemples (15 et 18), le persan et le pashto emploient une construction synthétique (mâ, kaâlû, patâta) là où le français fait appel à une construction analytique avec le relateur de. Par ces encodages syntaxiques, on voit que les représentations cognitives d’une même situation référentielle externe diffèrent selon les langues qui l’expriment. Nous avons regroupé différents emplois des marqueurs grammaticaux respectifs de (français), -e (persan) et dI (pashto). Nous partons d’emplois prototypiques liés à des repérages par localisation spatiale, temporelle et spatio-temporelle (classes I, II et III ci-dessous). Nous définissons ensuite d’autres classes qui étendent la localisation stricte aux classes, elles aussi prototypiques, des expressions qui dénotent des relations d’appartenance ou de possession (classe IV) et d’ingrédience (relation partie-tout) (classe V). Une autre classe sémantique différente de la possession regroupe les exemples qui dénotent des origines spatio-temporelles ; les relations de filiation entrent dans cette classe (classe VI) et non dans la possession (classe V). Toutes les classes précédentes sont facilement “réductibles” à la notion plus générale de repérage par différenciation par rapport à un repère (un lieu spatial ou temporel, un possesseur, un tout global par rapport à ses parties ou fragments, un lieu d’origine ou une entité qui est à l’origine de l’entité repérée). La classe VII est beaucoup plus problématique car certains des exemples ne semblent pas relever d’une spécification de repérage analogue aux repérages spatio-temporels. Ainsi, les constructions littérales comme médicament de sommeil, chien de chasse, jour de samedi, ville de Kaboul ne sont pas immédiatement analysables

APPROCHE LOGIQUE DE LA DÉTERMINATION

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comme des localisations ou repérages abstraits. En effet, on ne peut pas ramener l’expression médicament de sommeil à un schème sous -jacent du genre médicament venant de sommeil ou l’expression chien de chasse au schème chien venant de chasse. On pourrait, certes, considérer que médicament de sommeil ou chien de chasse seraient analysables par des schèmes exprimant un certain but, une certaine finalité : médicament pour le sommeil ou chien pour la chasse. Dans ce cas-là, il faudrait alors expliquer pourquoi les langues citées ici font appel à un même relateur qui exprime dans un grand nombre d’emplois, jugés prototypiques, des relations de repérage par rapport à un repère, qu’il soit repère spatial, temporel, d’origine, de possession...Il y aurait en quelque sorte une inversion inexplicable de la sémantique du relateur. De plus, en adoptant cette analyse à l’aide d’un relateur associé à un but, nous ne pourrions pas mieux expliquer les emplois comme ville de Kaboul ou jour de samedi. En effet, on ne peut pas ramener l’analyse de ces deux derniers exemples ni à une origine, ni à un but. Il nous faudrait alors renoncer à tenter de trouver un éventuel invariant sémantique sous-jacent aux relateurs respectifs de, -e, dI du français, du persan et du pashto. Pour analyser les exemples de ce groupe VII, nous allons montrer qu’ils peuvent relever du schème général de repérage < X REP Y >. Dans ce cas, le repérage identifie X, considéré comme une entité à laquelle s’applique un attribut spécifiant, à une des entités qui instancie Y. On peut également considérer que X est un ingrédient de Y, c’est-à-dire que la notion X fait partie de la notion Y ou de la classe méréologique (au sens de Lesniewski) Y, ou encore que la notion X s’applique à une entité et est un des attributs associés à Y, ces attributs constituant un lieu abstrait associé à la notion Y, ou encore que la notion X est l’une des propriétés qui sont des éléments de la classe ensembliste constituée par tous les attributs de la notion Y, c’est-à-dire de l’intension de Y (‘intension’ étant pris ici dans le sens de Port-Royal : classe des attributs “compris” par le concept Y). Toutes ces interprétations relèvent du même schème général de repérage. En ce qui concerne les propriétés qualificatives comme la couleur ou le chaud ou le froid (classe VIII), elles sont analysées en français et en pashto à l’aide de schémas syntaxiques d’attribution d’une propriété alors que le persan a recours à un schéma analytique avec un relateur. Pour comprendre cette construction analytique, et la représentation cognitive qu’elle sous-tend, on peut considérer que la propriété qualificative, par exemple la couleur, constitue un lieu abstrait ou, encore, une classe ensembliste qui comprend toutes les entités qui sont les supports matériels de la propriété qualificative, par exemple de la couleur. Dans ce cas, le repère X est dentifié à l’un des supports matériels de la propriété qualificative associée à Y. On peut également analyser ce type d’exemples de la façon suivante :

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l’entité X est un ingrédient, ou fait partie, de la classe méréologique constituée par Y. L’analyse inverse qui reviendrait à analyser la couleur Y comme un ingrédient constitutif de l’entité X ne permettrait pas d’expliquer cet emploi du relateur. Enfin, la classe IX comprend tous les exemples de comparaison métaphorique par identification entre certains des attributs de X et certains des attributs de Y. Reprenons ces différentes classes sémantiques. 3.1. Relation de localisation spatiale Interprétation : localisation spatiale ou ingrédience. Schème : [Y localise spatialement X] ou [X est un ingrédient de Y] avec [Y= la rue ; X= la fin]. (10) a. b. c.

La fin de la rue âxer-e sarak (persan) fin-de rue dI. sarak pây (pashto) de rue fin

La fin est un lieu qui est une spécification locale du lieu plus global la rue. On peut cependant analyser (10) comme étant l’expression d’une ingrédience : la fin est un ingrédient de rue. 3.2. Relation de localisation temporelle Interprétation : localisation temporelle ou ingrédience. Schème : [Y localise temporellement X] ou [X est un ingrédient de Y] avec [Y= le soir ; X= la fin]. (11) a. b. c.

La fin du soir âxer-e ab (persan) fin-de soir dI pa pây (pashto) de soir fin

3.3. Relation de localisation spatio-temporelle Interprétation : localisation spatio-temporelle. Schème : [X est repéré temporellement et spatialement par rapport à Y] avec [Y= aujourd'hui ; X= les jeunes].

APPROCHE LOGIQUE DE LA DÉTERMINATION

(12) a. b. c.

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Les jeunes d’aujourd’hui jawânân-e emruz (persan) jeunes-de aujourd’hui dI nen nangiâlyân (pashto) de aujourd’hui jeunes

Dans cet énoncé, les trois langues ont recours à une construction analytique. Le repérage est à la fois spatial et temporel : aujourd’hui sert de repère restrictif à jeunes. 3.4. Relation de possession Relation de possession. Interprétation : possession. Schème : [X appartient à Y] ou [ X a été acquis par Y] avec [Y= Rostam ; X= le cheval]. (13) a. b. c.

Le cheval de Rostam asp-e rostam cheval-de Rostam dI rostam âs de Rostam cheval

Dans cet exemple, nous avons trois constructions analytiques semblables où une entité entre dans la possession d’une autre entité. De cette construction, on peut en déduire la construction avec avoir : Rostam a un cheval (en persan : Rostam yak asp dârad ; en pashto : Rostam ywa aspay lara). Cependant, alors que dans la construction avec avoir, l’entité possédée (X) est référentiellement indéterminée, dans la construction avec de, l’entité possédée est nécessairement déterminée. 3.5. Relation d’ingrédience Interprétation : ingrédience. Schème : [X est une partie de Y] avec [Y= homme ; X= la tête]. (14) a. b. c.

La tête de l’homme sar-e âdam (persan) tête-de homme dI saray sar (pashto) de homme tête

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Dans cet exemple, nous avons une construction analytique qui précise une ingrédience, c’est-à-dire une relation d’une partie à un tout : l'entité tête (sar) est une partie de l’entité homme (âdam, saray), ou encore, le corps de l'homme comprend donc la tête comme l’une de ses parties. Interprétation : ingrédience. Schème : [X est une partie de Y] avec [Y= soja ; X= graine]. (15) a. b. c.

la graine de soja mâ (persan) mâ (pashto)

Dans cet exemple, la construction analytique du français identifie graine comme étant l’une des parties de l'entité massive soja. 3.6. Relation indiquant une origine spatiale / une filiation (origine temporelle) / une origine de production Interprétation : localisation abstraite (origine). Schème : [X a pour origine Y] ou [ Y est l’origine de X] avec [Y= source ; X= eau]. (16) a. b. c.

L’eau de source âb-e ama (persan) eau-de source dI ina oba (pashto) de source eau

Dans cet énoncé, l'entité eau est déterminée à partir de son lieu d'origine : l'eau (X) est repérée par rapport à la source (Y). L'eau vient donc de la source. Il en résulte une certaine qualification qui oppose eau de source à, par exemple, eau de mer ou eau de robinet. Interprétation : filiation. Schème : [Y a engendré X] ou [X est dans un rapport de filiation par rapport à Y] avec [Y= Rostam ; X= le fils]. (17) a. b. c.

Le fils de Rostam pesar-e rostam (persan) fils-de Rostam dI rostam zoy (pashto) de Rostam fil

Contrairement à l'exemple (13) qui s’interprète plutôt comme une possession ou une appartenance aliénable, cet exemple (17) doit être rapproché

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de (16) puisqu’il exprime une origine de (X) par rapport à (Y), c’est-à-dire une filiation. La relation exprimée par l’exemple est donc, selon nous, beaucoup plus une relation indiquant une origine qu’une simple possession. Interprétation : localisation (origine). Schème : [X est localisé par rapport à l’origine Y] avec [Y= terre ; X= pomme]. (18) a. b. c.

Pomme de terre kaâlu (persan) patâta (pashto)

Dans cet exemple, la construction pomme de terre établit une relation entre l'entité pomme (X) et son lieu d’origine terre (Y). Interprétation : localisation (origine). Schème : [X est localisé par rapport à l’origineY] avec [Y= neige; X= fleur ]. (19) a. b. c.

Le perce-neige gol-e barf (persan) fleur-de neige dI wâwra gol (pashto) de neige fleur

Cet exemple montre que les représentations cognitives en français et en persan ou pashto ne sont donc pas identiques. En effet, le lexème complexe perce-neige du français exprime une conceptualisation cognitive dynamique que le persan et le pashto rendent par une construction analytique plus statique qui relève du repérage : la fleur a pour origine ou vient de la neige. 3.7. Relation d’identification à l’un des attributs associés à une entité Interprétation : identification à un des attributs ou repérage par rapport au lieu abstrait déterminé par un ensemble d’attributs. Schème : [X est identifié à l’un des attributs de Y ] [ X est repéré par rapport aux attributs de Y] avec [Y= samedi ; X= jour]. (20) a. b. c.

Le samedi ruz-e anba (persan) jour-de samedi dI anba wraz (pashto) de samedi jour

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Dans cet exemple, le persan et le pashto qui, contrairement au français, ont recours à des constructions analytiques identifient jour (ruz, wraz) comme étant l’un des attributs de samedi ou encore en le repérant par rapport au lieu abstrait composé de tous les attributs de samedi. Interprétation : identification à un des attributs ou repérage par rapport au lieu abstrait déterminé par l’ensemble des attributs. Schème : [X est repéré par rapport à Y] avec [Y= sommeil ; X= médicament]. (21) a. b. c.

Le somnifère dârû-ye4 xab (persan) médicament-de sommeil dI xob dawâ (pashto) de sommeil médicament

Dans cet exemple, la construction est analytique en persan et en pashto. La propriété médicament (dârû, dawâ) est identifiée à l’un des attributs constitutifs de la notion sommeil (xab, xob). On peut encore dire que médicament est un élément de la classe ensembliste constituée de tous les attributs de sommeil, c’est-à-dire de son intension. Interprétation : identification à un des a ttributs ou repérage par rapport au lieu abstrait déterminé par l’ensemble des attributs. Schème : [X est identifié à l'un des attributs de Y] avec [Y= chasse ; X= chien]. (22) a. b. c.

Le chien de chasse sag-e ekâri (persan) chien-de chasse dI ekâr spay (pashto) de chasse chien

Dans cet énoncé, la notion chien est un des attributs associés à la notion chasse ; chien peut donc être considéré comme étant repéré par rapport au lieu abstrait composé de tous les attributs associés à chasse ou encore que la notion est un élément de l’intension associée à chasse. Interprétation : identification à un des attributs ou repérage par rapport au lieu abstrait déterminé par l’ensemble des attributs. Schème : [X est identifié à l'un des attributs de Y] avec [Y= Kaboul ; X= ville]. (23) a. b.

La ville de Kaboul ahr-e kâbol (persan) ville-de Kaboul

APPROCHE LOGIQUE DE LA DÉTERMINATION

c.

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dI kâbol ahr (pashto) de Kaboul ville

Dans cet énoncé, ville est identifiée à l’un des attributs de Kaboul ; l’entité ville est donc repérée par rapport au lieu abstrait constitué de tous les attributs de Kaboul ou encore, ville est un élément de l’intension de Kaboul 5 . 3.8. Relation d’identification avec un des supports matériels de la qualité Interprétation : identification à une des entités qui est un support matériel de la qualité ou repérage par rapport au lieu abstrait constitué de toutes les entités qui sont le support de cette qualité. Schème : [X est identifié à une entité qui réalise Y] avec [Y= froid ; X= eau]. (24) a. b. c.

L’eau froide âb-e sard (persan) eau-de froid yaxa6 oba (pashto) froide eau

Dans cet exemple, le français et le pashto recourent au même procédé de détermination qualificative par adjectivisation alors que le persan utilise une construction analytique pouvant être ramenée à un repérage : “l’eau est identifiée à l’une des entités qui sont froides” ou encore “l’eau est repérée par rapport au lieu abstrait constitué de toutes les entités qualifiées de froides” ou encore l’eau est un élément de toutes les entités qui sont les supports matériels de la propriété être froid. 3.9. Relation d’identification / des similitude / de comparaison Interprétation : métaphorisation par identification. Schème : [X est semblable à Y] avec [Y= méditation ; X= la mer]. (25) a. b. c.

Pensée profonde bahr-e tafakor (persan) mer-de méditation dI tafakor bahr (pashto) de méditation mer

Dans cet exemple, le français a recours à une construction adjectivale pour la détermination qualificative alors que le persan et le pashto font appel à une

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construction analytique : “la mer est pensée comme une méditation”. Le français emploie la notion de profondeur de façon métaphorique pour qualifier la pensée alors que le persan et le pashto ont recours à un autre procédé de métaphorisation par identification : la “méditation” sert d’étalon de comparaison pour “mer”. Le syntagme “mer de méditation” en persan constitue une expression figée pour désigner ce qu’en français on rend par pensée profonde.

RÉFÉRENCES Afzali, Razeq. 1986. Analyse morphosyntaxique automatique du dari (persan parlé en Afghanistan) et mise au point d'un système d'interrogation de base de données textuelles en langage naturel. Thèse de doctorat. Université de Paris-Sorbonne. Paris V. Benveniste, Émile. 1966. Problèmes de linguistique générale 1, Paris : Gallimard. Chodzka, A. 1883. Grammaire de la langue persane, Paris. Culioli, Antoine. 1985. Notes du séminaire de D.E.A. Université Paris VII. D.R.L. Curry, Haskell B. & Robert Feys. 1958. Combinatory logic 1. Amsterdam : North-Holland Publishing Company. Desclés, Jean-Pierre. 1985. “Représentation des connaissances : archétypes cognitifs, schèmes conceptuels, schémas grammaticaux”, Actes sémiotiques VII : 69-70. Paris : CNRS. 5-51. Desclés, Jean-Pierre. 1987. “Les réseaux sémantiques : la nature logique et linguistique des relateurs”. Langages 87. Paris : Larousse. 55-78. Desclés, Jean-Pierre. 1990. Langages applicatifs, langues naturelles et cognition, Paris : Hermès. Desclés, Jean-Pierre & Ismael Biskri. 1996. “Logique combinatoire et linguistique : grammaire catégorielle combinatoire applicative”, Mathématiques et Sciences Humaines 132. Paris. 39-68. Lazard, Gilbert. 1957. Grammaire du persan contemporain. Paris : Klincksieck. Moï nfar, M. Djafar. 1978.Grammaire du persan. Paris : Jean-Favard. Moï nfar, M. Djafar 1972. “Approche linguistique, ‘défini’ et ‘non-défini’ en persan”. Langues et techniques, nature et société. Paris : Klincksieck. Oranskij, Iosfi M. 1977. Les langues iraniennes. Paris : Klinksieck. Pariente J.-C. 1985. L'analyse de langage à Port-Royal, six études logicogrammaticales. Paris : Les Éditions de Minuit.

APPROCHE LOGIQUE DE LA DÉTERMINATION

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SUMMARY This article analyses a certain number of uses which come within the N de N syntactic pattern in French and its uses in Persian and Pashto. It tends to expand to a semantic scheme which is commom to these three languages within the framework of a general theory of abstract locating, where an X entity is determined in relation to a Y one. A dual scheme, that is “Y determines Y”, is associated with this scheme. Both schemes are connected with être, avoir, de structures patterns. A certain number of examples following the N de N pattern do come under more specific schemes of locating such as: location, being an ingredient of, belonging, inclusion, or origin. Yet a great deal of examples seem not to come within this framework. However, a more intensional interpretation allows to place these examples - such as ville de Kaboul or chien de chasse - under the same scheme of abstract locating. NOTES 1

Le morphème e ezâfa ou ezâfat qui signifie “addition, ajout” peut se traduire en français par : de, du, des ayant diachroniquement, selon Chodzka (1884), la fonction d’un génitif. Pour plus d’informations sur ce morphème, cf. Afzali (1986). 2 Le type syntaxique n/n (il se lit “n sur n”) est le type d’une unité lexicale opérateur qui s’applique à une opérande de t ype n trouvée à sa droite en obtenant une expression de type n ; le type syntaxique n\n (il se lit “n sous n”) est le type syntaxique d’une unité lexicale opérateur qui s’applique à une opérande de type n trouvée à sa gauche en obtenant une expression de type n. Cf. Desclés & Biskri 1996. 3 Cet opérateur de conversion est le combinateur C de la logique combinatoire de Curry, que nous utilisons dans notre formalisation des problèmes linguistiques. 4 Le morphème e se transforme en ye quand il s’enclise à un déterminant terminé par une voyelle. 5 On analyserait de la même façon l’expression française cet imbécile de Pierre , paraphrasable par Pierre est un imbécile. Dans ce cas, imbécile est identifié à l’un des at tributs constitutifs de la notion Pierre, c’est-à-dire de l’intension de Pierre. En persan, nous aurions la même construction : rostam-e ahmaq paraphrasable par rostam ahmaq ast. Ou encore rostam yak ahmaq ast. 6 A la différence du persan, en pashto, outre la catégorie du nombre, celle du genre s’est aussi maintenue (masculin et féminin), ainsi qu’un système de déclinaison à deux cas (direct et oblique). C’est pourquoi si le déterminant est un adjectif, il s’accorde avec le déterminé en genre, en nombre et en cas, cf. Oranskij (1977 : 130).

LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET DANS LES PHRASES GÉNÉRIQUES Un syntagme générique ou pas ? JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE CNRS (ESA 7023) – EHESS (CELITH)

Introduction Je ne prendrai en compte ici que les phrases génériques non analytiques. Je rappellerai que les phrases génériques (ou du moins à interprétation générique 1 ) forment une sous-classe des phrases gnomiques, et sont habituellement considérées comme étant de la forme : (1) (2) (3) (4)

Les chats chassent les souris Les singes aiment les bananes Le cordonnier répare les chaussures Un français apprécie les bons vins

De telles phrases possèdent donc (entre autres) les deux propriétés suivantes: – –

la lecture générique est liée à un syntagme de la forme les N, ou encore un N ou le N, dit ‘syntagme générique’ ; ce syntagme générique est le syntagme sujet.

Je me propose dans ce qui suit de m’attaquer à cette “vulgate”, et d’examiner principalement les possibilités d’interprétation générique : a) Lorsque le syntagme est des N et non pas les N ; b) Lorsqu’il se trouve non pas en position sujet, mais objet. D’une façon générale, le problème de la généricité en position sujet n’a guère été abordé, et par voie de conséquence, encore moins en position objet, excepté l’étude de un N (générique) dans une telle position par Jonasson (1986), et quelques remarques générales chez Léard (1985). À ma connais-

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sance, aucune étude n’a abordé ce problème de front, et en particulier la lecture générique ou non de tels syntagmes a souvent été considérée comme allant de soi. Ainsi, il semblerait à première vue que le syntagme les souris dans (1), pour ne prendre que cet exemple, soit en lecture générique. En fait, un examen plus attentif montre que cette impression n’est, une fois de plus, qu’une assimilation subreptice des phrases génériques à syntagmes en les N (dits syntagmes génériques) à des phrases en ∀, i.e. à des universelles logiques. Et dans le cas de (1), il est clair que cette assimilation ne rend pas compte du sens. (1) ne signifie pas, en effet, contrairement à la lecture logique, que tout chat chasse toute souris2 . En fait, (1) signifie approximativement que si X est un chat et qu’il rencontre des souris quelles qu’elles soient, il les chassera. C’est cette valeur de “des N quels qu’ils soient” propre à certains syntagmes les N en position objet que je me propose d’étudier ici. En d’autres termes, un syntagme les N serait en français susceptible le cas échéant de deux interprétations génériques : une première interprétation relative à la position sujet, celle de les chats dans (1), et une seconde interprétation (d’ailleurs assez peu claire) relative à la position objet, celle de les souris toujours dans (1). Pour des raisons qui apparaîtront plus loin, je parlerai de ‘généricité forte’ dans le cas du sujet les chats de (1). En résumant le débat, je dirai que de façon pour l’instant complètement intuitive, il semble qu’un syntagme comme les N (mais peut-être aussi d’autres syntagmes) soit susceptible de renvoyer à plusieurs sortes de généricité, et pas seulement à la généricité habituelle, celle qui est forte en position sujet. Autre exemple : les blondes dans Les hommes préfèrent les blondes. Dans la mesure où la généricité en position objet n’est peut-être pas de même nature qu’en position sujet, il est alors loisible de se demander si d’autres types de déterminant (par exemple des) ne sont pas susceptibles de réaliser également certaines formes de généricité. 1. Quelques données Un phénomène connexe pointe en effet son nez si on examine ce qui se passe dans d’autres langues, par exemple pour les équivalents de (1). On obtient ainsi : (5) (6) (7) (8) (9)

Katzen jagen Mäuse Cats chase mise Los gatos cazan ratones I gati cacciano i topi Els gats cacen rates

LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET

(10)

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Os gatos caçan ratos

On remarque immédiatement que l’anglais semble se comporter comme le français, puisque l’article est le même tant en position sujet qu’en position objet. En effet, l’article défini the ne traduit jamais le générique, rôle qui est dévolu à l’article zéro (E). En fait, si la contrainte est trop grande, l’anglais ne peut mettre E pour traduire le générique (même en position sujet) : When the cat is away, (the + *E) mice will play. L’espagnol en revanche ne peut avoir de ‘bare Nps’ (‘sujetos escuetos’) en position frontale, mais rien ne l’obligeait à mettre E en position objet. L’espagnol distingue donc apparemment en structure de surface deux types de généricité. Et si on ne peut jamais, en espagnol, rendre la généricité forte par E N, on peut utiliser en revanche E dès lors qu’il y a possibilité de restriction. C’est pourquoi on dira aussi bien Los buenos amigos dan buenos consejos que Buenos amigos dan buenos consejos. Le premier cas correspond à une généricité forte sur l’ensemble des bons amis, le second sans doute à quelque chose comme les bons amis en tant que sous ensemble des amis. Là où le phénomène se complique et devient (encore) plus intéressant, c’est qu’il semble recouper (comme on l’aura sans doute pressenti) certains problèmes liés au partitif. Pour éviter toute pétition de principe, j’appellerai ‘syntagme indéfini’ tout syntagme de la forme des N, quelques N, certains N... etc. Selon la coutume, je parlerai d’indéfini partitif aussi bien dans le cas de Max a bu du vin (partitif singulier) que dans celui de Juan a mangé des graines de tournesol (partitif pluriel), sans me demander s’il s’agit du même partitif ou non, ni si toutes les langues se comportent ou non de la même façon en l’occurrence3 . Dans tout ce qui suit, et sauf mention contraire, je n’aurai à faire qu’à l’indéfini partitif pluriel. Or dans les langues comme l’anglais, l’allemand, l’espagnol, etc., le générique est rendu par le même procédé formel qui sert pour le partitif pluriel : (11) (12) (13)

My cats eats froskies Meine Katze frißt Brekies Mi gato come froskies

On en conclut alors que les langues germaniques n’ont pas l’opposition les/des, du moins en position objet : (14) (15)

My cates (eats + likes) froskies Meine Katze (frißt + frißt gerne/mag) Brekies

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JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE

cette opposition existe en revanche dans les langues romanes, où elle est visiblement liée à l’aspect du verbe : (16) (17) (18) (19)

Mon chat (*mange + aime) les froskies Mon chat (mange + *aime) des froskies Mi gato (*come + aprecia) los froskies Mi gato (come + aprecia) froskies 4

On remarquera enfin la distinction en français entre : (20) (21)

Les amateurs d’art aiment les tableaux Les peintres peignent des tableaux

De plus, et bien que ce soit un peu plus difficile, Attal (1976), Wilmet (1983), Anscombre (1998), on peut avoir un syntagme du type des N en position sujet, très souvent avec modalité : (22) (23)

Des diplomates doivent être discrets, Attal (1976) Des juges sont censés connaître la loi, Wilmet (1983)

Mais même sans modalité explicite : (24)

Des gens bien élevés évitent certains propos en public, Léard (1985)

y compris (et surtout) dans des constructions comme : (25)

Des lapins, ça mange des carottes, Anscombre (1998)

sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin. Résumons la situation : les études courantes présentent la généricité standard comme étant celle à laquelle donnent lieu les syntagmes du type les N en position sujet, dans des phrases comme : (2)

Les singes aiment les bananes

De tels syntagmes sont dits distribués dans la mesure où (2) présente la classe des singes tout entière comme étant l’ensemble des éléments concernés par l’amour des bananes. Un premier problème est donc de savoir si dans une phrase comme :

LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET

(1)

33

Les chats chassent les souris

le syntagme les souris est également distribué, et si oui, de la même façon que dans (2). Se pose alors le problème connexe du caractère distribué ou non des syntagmes indéfinis du type des N qui en apparence sont des partitifs pluriels, et que l’on trouve en position objet : (26)

Les singes mangent des bananes

mais également en position sujet, comme nous l’avons vu plus haut en (2). On voit ainsi apparaître l’enjeu de ce travail. Il est d’une part de montrer que l’opposition interprétation générique/interprétation partitive n’est pas équipollente à syntagme défini/syntagme indéfini. Et d’autre part, de déterminer si la position objet peut donner lieu à une interprétation générique de même nature que la position objet. Si nous pouvons montrer que tous ces syntagmes peuvent éventuellement être interprétés comme étant distribués, nous aurons du même coup prouvé qu’il n’est pas nécessaire qu’un syntagme soit de type ‘générique’ (i.e. de la forme les N) pour être distribué, et que donc la généricité est affaire d’interprétation, et non (du moins pas complètement) de forme. Ce qui montrerait en outre que la notion de syntagme générique n’a guère de sens, et que s’il se trouve que les syntagmes nominaux de la forme les N sont susceptibles d’être distribués, il s’en faut que ce soit le seul cas de figure. Rappelons maintenant les divers cas possibles, en gardant présent à l’esprit que l’aspect ou (l’interprétation aspectuelle du prédicat verbal) semble jouer un rôle : (2) (1) (22) (26)

Les singes aiment les bananes (cas I) Les chats chassent les souris (cas II) Des diplomates doivent être discrets (cas III) Les singes mangent des bananes (cas IV)

J’appellerai (comme je l’ai dit plus haut) ‘généricité forte’ le mécanisme sémantique qui permet de lire le syntagme sujet dans une phrase de type (2) comme étant distribué (par rapport aux individus). La question qui se pose est alors la suivante : l’objet dans (1) et (26) et le sujet dans (24), sont-ils distribués, et si oui, le mécanisme est-il une généricité forte, comme dans (2), ou un autre type de généricité ? Pour soulager l’écriture, il m’arrivera de représenter la généricité forte de (2) au moyen de graphies comme (∀x) (x aime les bananes), étant bien entendu une fois pour toutes qu’il ne s’agit que d’une notation commode, et que je suis

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JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE

parfaitement conscient des différences entre implication logique et raisonnement en langue. Qu’en particulier (ce qui n’est pas le cas en logique) une phrase générique peut, en langue, admettre des exceptions, et que par conséquent, la lecture générique ne saurait être assimilée à l’universalité logique et être représentée par le quantificateur universel ∀.

2. Quelques critères Ce que je viens d’exposer n’est qu’une série de remarques reposant à peu près exclusivement sur l’observation la plus immédiate des phénomènes. Il s’agit maintenant de voir si nous pouvons introduire et rendre opératoires quelques concepts permettant de traiter ces faits envisagés de façon jusqu’à présent très intuitive. Je vais donc proposer un certain nombre de critères qui me serviront ensuite à établir certaines définitions, en vue de parvenir à une explication des phénomènes remarqués. 2.1. Déduction in absentia et syntagmes distribués Lorsqu’un syntagme générique est distribué, i.e. lorsque la phrase générique attribue une propriété à l’ensemble des éléments d’une classe, elle donne alors lieu à ce qu’on appelle le raisonnement in absentia, étudié en détail par Kleiber (1988). Ce qui permet donc de savoir si un syntagme générique est ou pas distribué. Si par exemple j’admets que Les voitures ont quatre roues est une telle générique, si je tiens pour vraie la particulière La citroën est une voiture, alors, en l’absence d’informations contraires, j’en déduis par défaut que La citroën a quatre roues. Dans notre phrase générique de départ, le syntagme les voitures est donc distribué. Appliquons ce critère à nos quatre cas, en supposant que rien dans le contexte ne s’oppose à une éventuelle déduction de ce type : (27) a. b. c.

Les singes aiment les bananes (cas I) Cheetah est un singe (Donc) Cheetah aime les bananes

(28) a. b. c.

Les chats chassent les souris (cas II) Ratolí est une souris ? (Donc) les chats chassent Ratolí 5

LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET

(29) a. b. c.

Des diplomates doivent être discrets Max est un diplomate (Donc) Max doit être discret

(30) a. b. c.

Les singes mangent des bananes Les bananes de Cuba sont des bananes *(Donc) les singes mangent des bananes de Cuba

35

D’une façon générale donc, la position sujet semble être propice aux termes distribués en tant que tels, et la position objet en revanche moins favorable à l’interprétation distribuée6 . Par ailleurs, si on est moins exigeant dans le syllogisme, et si l’on se contente d’une simple argumentation en lieu et place d’une quasi-déduction, les choses s’améliorent nettement : (31) (32)

La souris de ma fille est en cage toute la journée, car j’ai un chat, et les chats chassent les souris Je donne à mon singe des bananes de Cuba, car les singes mangent des bananes

Enchaînements qui correspondraient aux ‘syllogismes’ : (28) a. b. c.

Les chats chassent les souris Ratolí est une souris (Donc) les chats sont susceptibles de chasser Ratolí

(30) a. b. c.

Les singes mangent des bananes Les bananes de Cuba sont des bananes (Donc) les singes peuvent éventuellement manger des bananes de Cuba

Une première conclusion qui se dégage est qu’il semble y avoir en position objet, avec des aussi bien qu’avec les, un type de généricité qui n’est pas la généricité forte (à syntagme distribué) de la position sujet. Cette généricité ne donne lieu en particulier qu’à une forme faible de déduction in absentia. 2.2. Y-a-t-il partition ? Une idée qui vient tout de suite à l’esprit est que si le syntagme étudié n’est pas distribué (qu’il soit défini ou indéfini), c’est qu’il donne lieu à une interprétation partitive, i.e. à une partition de la classe envisagée. Seule une partie de cette classe (et non ’lensemble) est concernée par la phrase étudiée.

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JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE

Ainsi dans (33) Certains amis sont venus me voir quand j’étais malade, on a une telle partition, reconnaissable à plusieurs propriétés 7 : –

l’effet de partition dû à la présence de certains x peut être mis en évidence par une explicitation de la partition en Parmi les x. On comparera de ce point de vue:

(34) (35)



l’introduction d’une négation ne donne pas une phrase contradictoire avec la phrase de départ, contrairement à ce qui se produit dans la lecture totalitaire (non partitive) :

(36) (37) (38)



Certains amis sont venus me voir quand j’étais malade, et certains (amis) ne sont pas venus me voir quand j’étais malade *Mes amis sont venus quand j’étais malade, et mes amis ne sont pas venus me voir quand j’étais malade *Les voitures ont quatre roues, et les voitures n’ont pas quatre roues

l’introduction explicite du complémentaire est possible :

(39) (40) –

Parmi mes amis, certains sont venus me voir quand j’étais malade *Parmi mes amis, (tous + la plupart) sont venus me voir quand j’étais malade

Certains amis sont venus me voir quand j’étais malade, d’autres sont restés chez eux *Les invités sont arrivés, mais d’autres sont en retard

lorsqu’il y a partition, on peut reprendre soit la partie, soit l’ensemble tout entier par anaphore, cf. par exemple Corblin (1996) :

(41) (42)

[Certans [éléphants] 1 ]2 vivent centenaires, et alors ils2 meurent d’un seul coup [Certans [éléphants] 1 ]2 vivent centenaires, mais en général, ils1 vivent moins longtemps 8

Alors qu’une telle manipulation n’a aucun sens avec par exemple une phrase comme Les éléphants sont rancuniers. Ces critères permettent de montrer que les N (du moins en position sujet) renvoie toujours à l’ensemble évoqué, et que certains N est toujours une partition. Les autres indéfinis sont ambigus entre une lecture partitive (Beaucoup d’enfants meurent de faim tous les jours dans

LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET

37

le monde) et une lecture existentielle (Il faut beaucoup d’enfants pour payer les retraites)9 . Appliquons ces critères à nos exemples (2), (1), (22) et (26), en rappelant que l’objet de (1) et de (26) n’est pas distribué, et que le sujet de (22) l’est en revanche, tout en étant un indéfini partitif, tout comme le sujet défini de (2) : –

explicitation de la partition :

(43) (44) (45) (46)

*Parmi les singes, les singes aiment les bananes *Parmi les souris, les chats chassent les souris ? Parmi les diplomates, des diplomates doivent être discrets *Parmi les bananes, les singes mangent des bananes10

Remarquons que si (45) est possible bien que maladroit, c’est uniquement au sens partitionnaire, alors que des diplomates est distribué dans l’énoncé (22) de départ. –

introduction de la négation :

(47) (48) (49) (50)



explicitation du complémentaire :

(51) (52) (53) (54)



*Les singes aiment les bananes, et les singes n’aiment pas les bananes *Les chats chassent les souris, et les chats ne chassent pas les souris *Des diplomates soivent être discrets, et des diplomates ne doivent pas être discrets11 *Les singes mangent des bananes, et les singes ne mangent pas de bananes

*Les singes aiment les bananes, mais d’autres singes préfèrent la canne à sucre *Les chats chassent les souris, et ne chassent les autres (souris) qu’au printemps *Des diplomates doivent normalement être discrets, et pas d’autres12 *Les singes mangent des bananes, et laissent toujours les autres (bananes) de côté

reprise anaphorique de la partie et du tout :

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(55) (56) (57) (58)

(Certains + *les) singes aiment les bananes, et ceux-là s’empiffrent dès qu’ils en ont l’occasion Les chats chassent préférentiellement (certains + *les) souris, celles-là même qui sont en voie de disparition (? Des + certains) diplomates doivent être discrets, concrètement ceux en poste dans la Chine communiste13 Les singes mangent (certaines + *des) bananes, car ils ne les aiment pas toutes

Cet ensemble de résultats montre qu’il n’y a pas partition, et que c’est bien l’ensemble de référence tout entier qui est concerné par les syntagmes nominaux considérés. Si nous récapitulons, nous voyons qu’en position sujet, tant les N que des N sont des syntagmes nominaux distribués, donnant lieu à une généricité forte. Ce qui est en outre remarquable, c’est qu’en position objet, ces mêmes syntagmes concernent toujours l’ensemble considéré ; il n’y a pas partition, mais ne donnent lieu qu’à une forme faible de distribution. Remarquons à ce propos que Les singes mangent exclusivement des bananes signifie que les singes ne mangent rien d’autre que des bananes14 , alors que Les singes mangent exclusivement certaines bananes a très aisément une interprétation partitionnaire. Dans le cas de figure de la position objet, je parlerai alors de ‘généricité faible’, sans chercher pour l’instant à préciser ces deux types de généricité, point qui sera abordé dans un paragraphe ultérieur. 2.3. Quelques dissymétries Une première différence a trait au syntagme les N. Il a souvent été noté que lorsqu’un tel syntagme a une interprétation générique, il est possible de lui substituer par exemple la plupart des N, opération qui de plus ne modifie guère le sens : (59) (60) (61)

+La plupart des chats chassent les souris +La plupart des singes aiment les bananes +La plupart des peintres meurent de faim

En position objet en revanche, apparaît une différence de sens sensible : (62) (63) (64)

-Les chats chassent la plupart des souris -Les singes aiment la plupart des bananes -Les hommes préfèrent la plupart des blondes

LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET

39

Dans le même ordre d’idées, on peut examiner la substitution d’un syntagme les N/des N par un N ou tout N. Là encore, cette substitution est sans problème en position sujet, plus ou moins problématique en position objet, en particulier pour ce qui est du sens : (65) (66) (67) (68) (69)

+(Un + tout) chat chasse les souris -Les chats chassent (toute + une) souris -Les hommes préfèrent (toute + une) blonde +(Un + tout) diplomate doit être discret -Les peintres peignent (tout + un) tableau

Un dernier critère, inspiré de Jonasson (1986), consiste à comparer les possibilités de reprise du syntagme les N/des N disloqué en position frontale par un pronom personnel et par ça. On obtient les résultats suivants : (70) (71) (72) (73)

Les singes, (ils aiment + ça aime) les bananes Les souris, les chats (les chassent + *chassent ça) Des diplomates, (? ils doivent être discrets + ça doit être discret) Des tableaux, les peintres (? les peignent + *peignent ça + en peignent)15

Résumons : les N peut être repris par un pronom personnel tant en position objet qu’en position sujet, mais seule cette dernière autorise également la reprise par ça. Pour ce qui est de des N, la reprise par un pronom personnel est jugée maladroite tant en position objet que sujet, et la reprise par ça n’en est possible qu’en position sujet.

3. Vers une explication 3.1. Quelques notions J’utiliserai les notation suivantes. Une majuscule comme C désignera une classe d’entités : par exemple C sera la classe des chats (avec les propriétés qu’elle a en langue) dans Les chats chassent les souris. Une sous-classe de C sera désignée par x, ou par x i si besoin est, et un élément de C par x, y, xi , ou yi. Nous avons vu que certains syntagmes les N sont distribués et donnent lieu à une interprétation générique, que j’appellerai lecture ‘conjonctive’. Dans l’exemple précédent par exemple, les chats donne lieu à une interprétation qu’on peut représenter par [x 1 chasse les souris ∧ x 2 chasse les souris ∧ x 3 chasse les souris ∧...] où x est un élément de la classe C des chats. L’analogue

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JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE

de cette interprétation conjonctive serait la conjonction logique correspondant au quantificateur universel. Il existe bien entendu d’autres lectures. Si l’on considère l’indéfini français un, il donne lieu à trois lectures: –

– –

une lecture conjonctive (le un universel), celle de une symphonie dans l’énoncé Une symphonie comporte quatre mouvements, Jonasson (1986) ; une lecture spécifique (le un spécifié), ainsi un collègue dans Un collègue m’a envoyé son dernier article ; une lecture non spécifique enfin (le un non spécifié), celle de un garçon dans Toute fille aime un garçon, pour reprendre un exemple travaillé par Geach (1968). Une traduction logique possible de ce dernier exemple serait (∀x ε F)(∃y ε G) (x aime y)16 . Et en utilisant les notations définies ci-dessus, [Toute fille aime (g1 ∨ g2 ∨ g3 ∨...∨...]. Je parlerai alors de lecture ‘disjonctive’17 .

3.2. Généricité faible et généricité forte Je vais maintenant considérer que la lecture disjonctive peut avoir lieu avec d’autres déterminants que un (ce qui ne signifie pas que ces autres déterminants ont nécessairement les mêmes propriétés que un), et je proposerai les deux définitions suivantes: –



lorsqu’une lecture conjonctive aura lieu sur la totalité d’une classe, je parlerai de ‘généricité forte’ : il s’agit de la généricité habituellement considérée dans les ouvrages et articles traitant de la question, celle de Les chats dans (1) ; lorsqu’une lecture disjonctive aura lieu sur la totalité d’une classe, je parlerai alors de ‘généricité faible’. Je vais tenter de justifier l’hypothèse suivante :

(H1 )

Dans les énoncés en les N du type considéré ici, la position sujet correspond à une généricité forte (lecture conjonctive), et la position objet à une généricité faible (lecture disjonctive).

En d’autres termes, je propose de voir dans : (1)

Les chats chassent les souris

la ‘structure générique’ double :

LES N/DES N EN POSITION SUJET OU OBJET

(2a)

41

[(x 1 ∧ x 2 ∧ x 3 ∧...) chassent (y1 ∨ y2 ∨ y3 ∨...)]

i.e. une généricité forte pour le sujet, et une généricité faible pour l’objet. Avant d’aller plus loin, je voudrais justifier la clause figurant dans (H1 ) et qui en restreint la portée aux énoncés du type (1). Dans de tels énoncés en effet, le déterminant les de l’objet les N y apparaît comme ayant portée étroite par rapport au les du sujet les N (qui a lui portée large). Or il n’en est pas toujours ainsi, et il est parfois possible de conférer à les en position objet une portée large, en passant par un présupposé : (74)

Max cherche les maisons qui ont des volets verts

Sur le modèle de : (75)

Max cherche une maison qui a des volets verts18

Plusieurs arguments militent en faveur de cette hypothèse : –



comme nous l’avons déjà vu en 2.1., la position sujet favorise la déduction syllogistique in absentia, y compris dans le cas d’un syntagme des N, ce qui n’est pas le cas de la position objet. C’est là un argument en faveur de la lecture conjonctive en position sujet, et d’une non lecture conjonctive en position objet, et qui se voit confirmée par le comportement de la plupart ; en revanche, et comme déjà vu également en 2.1., la position objet admet le raisonnement conclusif vers la totalité de la classe. Or cette particularité inductive est propre aux syntagmes nominaux introduisant une lecture disjonctive. Ainsi :

(76)

Si toute fille aime un garçon, alors tous les garçons ont leur chance

et plus généralement aux syntagmes nominaux ne référant qu’à une partie d’une classe : (77)

Les russes sont des voleurs : à Moscou, des russes m’ont volé mes articles de linguistique

3.3. Les verbes intentionnels Rappelons qu’il s’agit de verbes qui introduisent une proposition qui sera, devrait être, ou pourrait être vraie à un moment postérieur à celui du procès

42

JEAN-CLAUDE ANSCOMBRE

qu’indiquent ces verbes. C’est le cas de chercher dans l’exemple (75) déjà vu, également de autoriser dans La municipalité a autorisé le stationnement sur les bas-côtés, ou tout simplement de vouloir dans Je voudrais un livre. Ces verbes intentionnels possèdent une curieuse propriété relative à la conjonction ou. Avec de nombreux verbes en effet, cette conjonction se distribue. De Le congrès aura lieu à Paris ou à Barcelone, on peut en déduire Le congrès aura lieu à Paris ou le congrès aura lieu à Barcelone. Or précisément, les verbes intentionnels n’autorisent pas ce passage : de Je voudrais aller à Paris ou à Barcelone on ne tire pas Je voudrais aller à Paris ou je voudrais aller à Barcelone. Le point qui m’intéresse ici est que ces verbes intentionnels sont précisément ceux qui privilégient le un non spécifié. Par exemple: Je voudrais un livre, On autorise une sortie par mois, Max cherche une maison... On en déduit donc que si les N en position objet donne lieu, comme je le prétends, au même type de lecture disjonctive que le un non spécifique, il doit refuser de distribuer le ou. Considérons par exemple : (78)

Max désire étudier les éléphants

Il est clair que dans cet exemple, les éléphants a lecture disjonctive [Max désire étudier (e1 ∨ e2 ∨ e3 ∨ ...], et non lecture conjonctive : (78) ne signifie pas [(∀e ε E) Max désire étudier (e)]. Or il est tout à fait significatif que (78) ne puisse pas non plus se paraphraser par [Max désire étudier (e1 ) ∨ Max désire étudier (e2 ) ∨ Max désire étudier (e3 ) ∨ ...]. Un dernier argument nous sera fourni par la dislocation à gauche de les N et sa reprise par un pronom personnel (toujours possible) et par ça (possible seulement pour la position sujet disloquée). Le fait que ça puisse reprendre les N en position sujet et en interprétation générique forte n’est pas surprenant, et a été noté depuis longtemps comme une propriété typique de la lecture conjonctive des syntagmes nominaux. Sur ce point cf. par exemple Galmiche (1986) ; Kleiber-Lazzaro (1987) ; Anscombre (1998). Le fait que cette même reprise ne puisse avoir lieu aussi aisément en position objet est donc significative. On remarque de plus que le un universel en position sujet peut être repris par ça, alors qu’en position objet, le un non spécifié ne le peut. On comparera de ce point de vue : (79) (80) (81) (82)

Un vrai homme, ça meurt les bottes aux pieds Un enfant, ça aime les bonbons *Une épouse, un machiste veut ça uniquement pour lui faire la cuisine ??Une maison, on cherche ça souvent pendant longtemps

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En revanche, la reprise par un pronom personnel est possible. Dans le cas du un non spécifié, parmi les pronoms habituels pour la position objet figure préférentiellement en : (83) (84) (85) (86)

Un vrai homme, il meurt les bottes au pieds Un enfant, il aime les bonbons Une épouse, un machiste (?la veut + en veut une) pour lui faire la cuisine Une maison, on (?la cherche + en cherche une) souvent pendant longtemps

Or nous avons vu que dans le cas de les N , la reprise par un pronom de type il/les est toujours possible: (70) (71)

Les singes, ils aiment les bananes Les souris, les chats les chassent

la seule différence étant qu’en position objet, un N est repris préférentiellement par en, alors que les N demande une reprise par les. 3.4. Généricité d’individu et généricité de groupe Pour traiter de la différence entre les N et des N, j’introduirai une nouvelle distinction entre deux types de généricité, la ‘généricité d’individu’ et la ‘généricité de groupe’, cette dernière dénomination étant empruntée à (Villalta 1995). Il a été remarqué en effet qu’en position sujet dans des énoncés événementiels, des N privilégiait fortement la lecture de groupe. Dans : (87)

L’année dernière, des étudiants ont écrit un article (Villalta 1995).

Les étudiants ont nécessairement écrit l’article ensemble, interprétation qui n’est pas obligatoire pour L’année dernière, certains étudiants ont écrit un article. De même, dans : (88)

Max a porté plainte parce que des inconnus l’ont agressé

Il ne peut s’agir que d’une seule agression par un groupe d’inconnus, et non plusieurs agressions par un inconnu différent à chaque fois. Passons ma intenant à la position objet, et considérons l’exemple inspiré de (Villalta 1995) : (89)

Max et Lia ont lu des livres sur les animaux

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Selon Villalta, (89) implique que Max et Lia ont lu des livres différents. C’est en fait inexact, comme le montre : (90)

Max, Lia et Sam ont lu des livres sur les animaux, les mêmes d’ailleurs

Ce qu’il faut en fait dire, c’est que (89) implique : –



que Max, Lia, et Sam ont tous trois lu des livres, l’interprétation selon laquelle ils auraient lu chacun un livre (possible avec trois, et aussi avec certains et plusieurs) n’étant pas obligatoire ici, et certainement pas la seule ; que les livres que chacun a lus peuvent être différents, sans que cela soit nécessaire. Si nous désignons par Li une partie de l’ensemble des livres, on peut dire que pour chacun des trois lecteurs considérés, il a lu un des Li. ce qui peut encore s’écrire: [(Max ∧ Lia ∧ Sam) a lu (L1 ∨ L2 ∨ L3 ∨ ...]. Ce que dit un tel énoncé, c’est que chacun des individus concernés a lu un nombre non précisé de livres, et que ces différentes lectures présentent une certaine parenté. Non seulement il y a une homogénéité à l’intérieur des Li, mais il y en a aussi une entre les différents Li évoqués. Nous le montrerons un peu plus loin.

Cette lecture de groupe peut également se combiner avec une généricité forte ou faible, et on obtiendra ainsi selon les cas une généricité de groupe forte ou une généricité de groupe faible. Dans le cas de les N, la généricité forte ou faible était une généricité d’individu. Je vais défendre l’hypothèse suivante : (H2)

Dans les énoncés en des N du type considéré ici, la position sujet correspond à une généricité de groupe forte (lecture conjonctive), et la position objet à une généricité de groupe faible (lecture disjonctive).

En d’autre termes, alors qu’un énoncé comme Les diplomates doivent être discrets sera interprété avec une généricité d’individu forte comme [(d1 ∧ d2 ∧ d3 ∧ ...) doit être discret], l’énoncé apparenté Des diplomates doivent être discrets sera cette fois interprété toujours avec une généricité forte, mais de groupe: [(D1 ∧ D2 ∧ D3 ∧ ...) doit être discret]. Le fait que la reprise du syntagme nominal par ça n’est possible qu’en position sujet, joint au fait que la déduction syllogistique in absentia n’est possible également qu’en position sujet confirme le fait d’une lecture conjonctive liée à cette position. En position

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objet en revanche, et comme dans le cas du un non spécifié, la seule reprise anaphorique possible a lieu avec en. En d’autres termes, sous réserve de justifier la lecture de groupe, un énoncé comme Les peintres peignent des tableaux se verra affecter l’interprétation [Les peintres peignent (D1 ∨ D2 ∨ D3 ∨ ... ]. Pour terminer le tout, il me reste donc à justifier la lecture de groupe dans le cas de la généricité (faible ou forte) liée à des N. Comme le remarque Villalta (1995), la lecture de groupe implique que les individus formant ce groupe exécutent une action commune, ou participent d’un événement commun. Une première remarque est que cette lecture de groupe ressemble à l’homogénéité que l’on rencontre avec le partitif, et qui se manifeste par certaines propriétés aspectuelles et temporelles, cf. Kupferman (1979), Anscombre (1996). Ainsi, en position objet, le partitif du N rend le prédicat atélique : (91) (92)

Un ivrogne boit une bouteille (en + *pendant) une heure Un ivrogne boit du vin (*en une heure + pendant des heures)

Villalta note la même propriété pour des N en position objet: (93) (94)

Les singes mangent certains fruits (en cinq minutes + pendant des heures) Les singes mangent des fruits (??en cinq minutes + pendant des heures)

En position sujet en revanche, le partitif du N supporte mal les environnements de type gnomique (‘individual-level’ en franglais)19 : (95)

(La dynamite + *de la dynamite) est dangereuse pour celui qui la manipule

Il en est de même pour des N en position sujet (Villata op.cit.) : (96)

Dans cette université, (certains + *des) professeurs sont très réputés

Un autre critère, que j’adapterai de Kleiber (1989), me servira à montrer que le référent de des N est distinguable (formé d’occurrences individuelles), mais non individué (chaque élément d’une classe est distinct de tout autre élément de cette même classe). Ainsi chaque grain de riz construit un référent distinguable et individué, et le riz un référent non distinguable et non individué.

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Or les expressions qui construisent un référent non individué se combinent mal avec des expressions comme pris un par un, pris séparément : (97) (98) (99)

(L’homme + *le sable), pris individuellement, est un danger pour l’écosystème Pris séparément, chaque grain de sable est un monde différent Pris individuellement, la plupart des hommes ne sont pas désagréables

On remarque des faits analogues pour des N, que ce soit en position objet ou en position sujet : (100) (101) (102)

Pris séparément, (les + certains + ??des) étudiants reconnaissent avoir parfois triché Dans la mesure du possible, les professeurs doivent recevoir séparément (les + certains + la plupart des + *des) étudiants Pris séparément, (les + certains + la plupart des + *des) linguistes peuvent être tout à fait vivables

Dernier argument enfin, que j’ai déjà largement évoqué plus haut : contrairement à d’autres déterminants comme certains, des n’introduit pas de partition. C’est encore une fois compatible avec l’idée d’une lecture de groupe (i.e. homogène) attachée au syntagme des N. Il nous reste maintenant à illustrer brièvement l’idée de double homogénéité que j’ai évoquée un peu plus haut. Pour ce faire, considérons : (103)

Tout le monde commet (certaines + des) erreurs

Avec les notations que j’ai adoptées, un tel énoncé s’interprète comme [Tout le monde commet (E1 ∨ E2 ∨ E3 ∨ ...], où les Ei sont des sous-classes de l’ensemble des erreurs. Or les éléments individuels ei des Ei ne peuvent pas être individualisés, en particulier temporellement : (104) (105)

Tout le monde commet successivement (certaines + *des) erreurs Max regarde (les + certaines + ??des) émissions de télévision l’une après l’autre

Considérons maintenant : (106)

Les enfants mangent des bonbons

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Une différence entre tous et chaque est que chaque indique que l’action effectuée par un individu ou la propriété qui lui est affectée l’est de façon bien spécifique. D’où des contrastes comme Tous les hommes sont mortels/*Chaque homme est mortel (les hommes sont mortels de la même façon) ; À chacun sa vie / ??À tous leur vie. En particulier, lorsqu’un énoncé stipule une incontestable similitude entre plusieurs actions, chaque est difficile, et tous la règle. Par exemple : Ce matin, à mon grand étonnement, (tous les étudiants + *chaque étudiant) étai(en)t à l’heure. Chaque apparaît ainsi comme incompatible avec une certaine similitude. Or cette caractéristique permet de voir que les sous-classes mises en scène dans la lecture disjonctive liée à la présence de des N présentent effectivement une certaine homogénéité, ou à tout le moins, une certaine analogie20 : (107)

Les enfants mangent (tous + *chacun) des bonbons

RÉFÉRENCES Anscombre, Jean-Claude. 1996. “Partitif et localisation temporelle”. Langue française 109. 80-103. Anscombre, Jean-Claude. 1998. “Ça, c’est quelque chose. Quelques caractéristiques de la reprise d’un groupe nominal par ça/ce”. Recherches en Linguistique et Psychologie cognitive 9. 83-105. Attal, Pierre 1976. “A propos de l’indéfini des : problèmes de représentation sémantique”. Le Français Moderne 44-2. 126-142. Carlson, G.N. 1977. “A Unified Analysis of the English Bare Plural”. Linguistics and Philosophy 1. 413-457. Carlson, G.N. 1982. “Generic terms and Generic Sentences”. Journal of Philosophical Logic 11.145-181. Corblin, Francis. 1996. “Quantification et anaphore discursive : la référence aux complémentaires”. Langages 123. 51-74. Corblin, Francis 1997. “Les indéfinis : variables et quantificateurs”. Langue française 116. 8-31. Galmiche, Michel. 1986. “Référence indéfinie, événements, propriétés et pertinence”. Déterminants : syntaxe et sémantique, J. David & G.Kleiber. Paris : Klincksieck. 41-71. Galmiche, Michel. 1989. “A propos de la définitude”. Langages 94. 7-37. Geach, Peter Thomas. 1968. Reference and Generality. Ithaca & New York : Cornell University Press.

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SUMMARY The great majority of studies dealing with genericity only consider the subject position and generic noun phrases (le N, un N, les N) as the standard case, regardless of other positions or other determiners. The aim of this article is to study the possibilities of a generic interpretation in the four cases corresponding to both oppositions subject versus object and plural definite (les N) versus plural partitive (des N). It will be shown that, as far as genericity is concerned, each case gives rise to a specific interpretation. Hence the claim that genericity must be split into different subclasses: strong genericity versus weak genericity, and individual genericity versus group genericity. Moreover,

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there is a wide range of linguistic properties that can be accounted for on the basis of this four-terms classification.

NOTES 1 En effet, il n’y a pas à proprement parler de phrases génériques dans la plupart de nos langues, mais des phrases dont une interprétation possible est la générique. Ce phénomène provient de ce que si certaines configurations se prêtent mieux que d’autres à une telle lecture, il n’y a généralement pas de marques qui soient spécifiques de la généricité. 2 Cette lecture logique, qui peut-être suscitée par l’apparente symétrie des syntagmes sujet et objet, correspond à la transcription ( ∀x ε{chat})(∀y ε{souris }) chasser (x, y). 3 Il est clair que dans une langue comme l’espagnol, le procédé semble être le même tant au singulier qu’au pluriel : Los españoles beben vino versus Los españoles comen chuchos. Le français a connu une telle étape, mais il semble que les deux partitifs soient en train de se séparer. Cf. quelques arguments en ce sens dans Anscombre (1996). 4 Remarquons cependant qu’en espagnol, los redevient possible (et même obligatoire) avec la forme réfléchie, dont on sait qu’elle gomme le côté processif : Mi gato se come los froskies/*Mi gato se come froskies. 5 Un cas comme Les enfants aiment les animaux semble fournir un contre-exemple avec le lion comme animal, puisqu’il semble en effet raisonnable d’en déduire alors Les enfants aiment les lions. Il n’en est en fait rien, et la phrase précédente est vraie en soi, et non comme conséquence de la phrase générique de départ. On peut le voir en prenant comme animal par exemple la hyène. Il est clair que l’on n’a pas Les enfants aiment les hyènes, pour des raisons indépendantes de la généricité et du raisonnement in absentia. La phrase de départ ne renvoie pas à une classe d’individus, mais signifie grosso modo ‘Les enfants aiment le genre animal’. Nous reviendrons plus avant sur cette lecture. 6 Signalons cependant un cas très curieux de double distribution dans le cas des termes relationnels comme parents. D’une phrase générique comme Les enfants doivent respecter les parents on peut tirer pour chaque x enfant : x doit respecter les parents de x. 7 Cf. sur ce type de problème Kleiber (à paraître). 8 Anscombre (à paraître). 9 Cf. Kleiber (à paraître). 10 Remarquons la possibilité de constructions (familières) comme Parmi les diplomates, il y en a des qui doivent être discrets, qui correspond à la lecture partitionnaire, et non donc à (22), qui est distribué. De même pour Il y a des bananes que les singes mangent. 11 Pour forcer l’interprétation générique et éviter l’interprétation partitionnaire, on peut faire précéder cet énoncé d’un ‘introducteur de généricité’. Par exemple : Puisque tu es diplomate, sache que des diplomates doivent être discrets, et que des diplomates ne doivent pas être discrets, procédé qui rend à mon avis l’impossibilité patente. L’énoncé redevient possible avec certains à la place de des. 12 L’adverbe normalement a été introduit pour éviter la lecture ‘certains’ de des. On remarque que l’énoncé redevient possible avec certains, mais avec un sens légèrement différent. 13 L’énoncé avec des n’est pas totalement impossible, mais on lui préférera toujours la tournure il y a des diplomates qui... 14 Interprétation donc proche de celle de l’article cette fois défini de Les singes aiment exclusivement les bananes.

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Pour les sceptiques, et pour qu’il soit clair que je n’ai pas choisi systématiquement les exemples qui favorisaient mes hypothèses, en voici un autre : Tout le monde fait des erreurs / ??Des erreurs, tout le monde les fait / *Des erreurs, tout le monde fait ça. Ce critère pose cependant un problème, qui est que ça peut aussi reprendre une infinitive sous-jacente. C’est pourquoi on a sans problème Les bananes, les singes aiment ça, où ça renvoie en fait à ‘manger les bananes’. 16 J’insiste sur le fait que ces transcriptions logiques ne sont là que pour des raisons pédagogiques, qu’elles ne recoupent que partiellement le fonctionnement linguistique, et qu’elles ne représentent en rien un quelconque début de “formalisation”. 17 Petit clin d’oeil à l’histoire. Cette lecture disjonctive correspond très exactement à ce qu’Ockham appelait la ‘suppositio confusa tantum’, à l’aide de laquelle il analysait Tout homme est blanc comme [Tout homme est (b 1 ∨ b 2 ∨ b 3 ∨ ...]. 18 Rappelons que cette lecture avec portée large s’oppose à celle avec portée étroite de Max cherche une maison qui ait des volets verts. 19 Cf. Anscombre (1996) sur ce point. 20 Je ne puis étudier ici ce point. Il mériterait une étude à part.

DÉTERMINATION, INCORPORATION ET PHRASÉOLOGIE DANS LES CONSTRUCTIONS À VERBE SUPPORT MARGARITA ALONSO RAMOS Universidade da Coruña

Introduction Nous aimerions présenter ici les répercussions théoriques qu’a eu le comportement du déterminant dans les constructions à verbe support (CVS) en espagnol. Il s’agit d’expressions comme hacer mención “faire mention”, tomar conciencia “prendre conscience” ou poner orden “mettre (E + en) ordre”, dans lesquelles le verbe sert comme support du prédicat sémantique exprimé par le nom. Traditionnellement, les CVS en espagnol ont été incluses sous la rubrique ‘locutions verbales’, où les concepts de ‘collocation’ et ‘expression phraséologique’ (ang. idioms) sont entremêlés (Casares 1950 : 171)1 . Aussi, des collocations comme tomar conciencia et des expressions phraséologiques comme estirar la pata “casser sa pipe” partagent certains traits phraséologiques comme, par exemple, la fixation du déterminant. Or, beaucoup de CVS espagnoles admettent la possibilité de modifier le déterminant. On trouve également des versions avec et sans déterminant, comme hacer (E + una) mención. Le caractère ‘soudé’ des CVS, spécialement celles où le nom apparaît sans déterminant, a conduit certains grammairiens à traiter ces constructions comme une sorte de verbe complexe, fonctionnant syntaxiquement comme un seul mot2 . D’après cette analyse, le groupe verbe-nom d’une CVS ne différerait pas d’un ‘verbe simple’. Cette idée d’assimiler une CVS à un verbe simple a une certaine tradition. Par exemple, dans le cadre du lexique-grammaire, Leclère (1971 : 69 et 74) indique que certains noms comme constatation ou impression en combinaison avec certains verbes comme faire ou avoir respectivement ont un comportement syntaxique équivalent à celui d’un verbe. Encore plus loin dans le temps, on trouve chez Bally (1965 : 169) l’idée de traiter les suffixes

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désinentiels des CVS comme des infixes : ainsi, d’après son analyse, dans il prenait peur la désinence -ait coupe en deux le radical prendre-peur. Pour certains auteurs, l’absence du déterminant est le critère qui identifie le syntagme nominal comme défectif, d’une certaine façon. Pour cette raison, dans la syntaxe générative, on a tendance à proposer que les CVS constituent un cas de ‘incorporation syntaxique’. Des auteurs comme Masullo (1996) et Mendívil (1999) considèrent que c’est la défectivité du nom, d’un côté, et la défectivité thématique du verbe, de l’autre côté, qui motivent le processus d’incorporation (Grimshaw et Mester 1988). Le résultat sera un prédicat complexe qui hérite de la grille thématique du nom et de la valeur catégorielle du verbe. Or, comme l’ont signalé principalement les chercheurs du lexiquegrammaire français (Giry-Schneider 1987 et 1991 ; cf. aussi G. Gross 1989 ; G. Gross et A.Valli 1991), le déterminant du nom d’une CVS ne fait pas nécessairement défaut. En fait, d’après les analyses de Giry-Schneider (1991 : 29), en français, le nom sans détermination est beaucoup moins fréquent que l’article indéfini. Il existe aussi un débat vif qui tourne autour du rôle attribué à l’absence du déterminant. Certains auteurs défendent l’idée qu’on se trouve devant un déterminant zéro qui peut être rangé avec les autres déterminants (Anscombre 1991), tandis que d’autres pensent que l’absence du déterminant est bel et bien une absence. Parmi ces derniers, il y en a qui sont enclins à considérer que l’absence est une trace phraséologique qui empreint les CVS (Giry-Schneider 1991), alors que d’autres croient que l’absence du déterminant n’est pas fortuite, qu’elle est le signe de l’incorporation syntaxique du nom dans le verbe (Mendívil 1999)3 . Dans ce qui suit, nous examinerons d’abord le comportement du déterminant dans les CVS en espagnol (section 1). Ensuite, nous exposerons brièvement le concept d’incorporation syntaxique (section 2). Enfin, nous établirons une distinction entre la représentation des CVS au niveau sémantique et au niveau syntaxique. Nous allons soutenir la thèse que même si les CVS constituent un tout sémantique, elles sont des syntagmes au niveau syntaxique, c’est-à-dire des séquences formées par verbe et nom liés syntaxiquement. Nous conclurons que la proposition de l’incorporation syntaxique, basée sur l’absence du déterminant, n’est pas suffisamment justifiée (section 3).

DÉTERMINATION, INCORPORATION ET PHRASÉOLOGIE

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1. Panorama du déterminant dans les CVS Nous commencerons par brosser un panorama du comportement du déterminant dans les CVS et de ses propriétés syntaxiques associées. Nous observerons qu’à l’intérieur de ce que nous appelons des CVS, on trouve des syntagmes [verbe transitif + c. d’objet direct] avec un comportement tout à fait régulier mais également des syntagmes très restreints ou très phraséologisés, du point de vue syntaxique. Il faut commencer par rendre compte des contextes où le déterminant peut être soit figé soit non figé, peu importe qu’il s’agisse d’un article zéro ou d’une autre forme de déterminant. Ainsi, on a des CVS dont le déterminant zéro ne peut être remplacé par aucun autre déterminant et d’autres CVS dont le déterminant est libre. Par exemple : – (1)

– (2)

avec déterminant zéro figé : El seminario dará (*un + *el) comienzo el 5 de abril Le séminaire donnera commencement le 5 avril “Le séminaire commencera le 5 avril” avec déterminant zéro libre : Igor hizo (E + una) mención de ese libro “Igor a fait (E + une) mention de ce livre”

Le caractère figé du déterminant ne touche pas seulement l’article zéro. Dans plusieurs CVS, le nom doit obligatoirement être accompagné d’un article défini. C’est le cas de hacer la guerra ‘faire la guerre’, tener la rabia litt. ‘avoir la rage’, tener la certeza litt. ‘avoir la certitude’, etc. Un autre facteur dont il faut tenir compte est le nombre du nom. Si le nom apparaît au pluriel, l’absence du déterminant est possible. Par exemple : (3)

Toni ha tomado medidas para resolver el problema “Toni a pris des mesures pour résoudre le problème”

La présence de l’article dépend aussi de la modification du nom : si le nom est modifié, l’article tend à être présent, e.g. : hacer una larga cola litt. ‘faire une longue queue’, tener unas ganas locas ‘avoir une folle envie ’, etc.

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Même si la corrélation entre la présence du déterminant et l’adjectif est fréquente, elle n’est pas obligatoire. Il existe beaucoup de CVS où le nom apparaît modifié, mais sans déterminant, e.g. : tener (buena + mala) conciencia ‘avoir (bonne + mauvaise) conscience’ ou hacer (buen + mal) efecto ‘faire (bon + mauvais) effet’. Dans ces cas, l’adjectif fait partie d’une collocation : (buena + mala) conciencia ne peuvent pas être remplacés par *(bondadosa + maligna) conciencia, i.e. “*(gentille + maligne) conscience”. Cependant, il existe d’autres CVS qui présentent un nom modifié et sans déterminant où l’adjectif est libre : (4)

Tiene gran admiración por María “Il a une grande admiration pour María”

Il est certain que l’absence du déterminant en présence d’un adjectif est plus acceptable quand le nom est au pluriel. Par exemple : (5)

Elmuck tomó medidas drásticas “Elmuck a pris des mesures draconiennes”

Quand le nom est au singulier, les adjectifs qui conviennent le mieux sont gran ‘grand’, bueno ‘bon’ et malo ‘mauvais’. Anscombre (1991 : 116) a noté que, en français, les adjectifs possibles sans déterminant forment une sousclasse des adjectifs possibles avec déterminant. En adaptant ses exemples, on constate la même chose pour l’espagnol : (6) a.

b.

El candidato ha hecho una (buena + mala + excelente + desastrosa + extraña + extraordinaria) impresión “Le candidat a fait une (bonne + mauvaise + excellente + désastreuse + étrange + extraordinaire) impression” El candidato ha hecho (buena + mala + excelente + *desastrosa + *extraña + *extraordinaria) impresión “Le candidat a fait bonne (mauvaise + excellente + *désastreuse + *étrange + *extraordinaire) impression”

Le choix du déterminant a des conséquences syntaxiques. Comme GirySchneider (1991 : 24) l’a signalé, si le nom supporté admet l’article indéfini, il admettra les opérations syntaxiques propres aux noms, telles que la construction d’une relative ou la formation d’un syntagme nominal. Ainsi, par exemple :

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(7) a. b. c. d.

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Nancy hace (E + *una) campaña contra el tabaco “Nancy fait (E + une) campagne contre le tabac” Nancy hace una campaña intensa contra el tabaco “Nancy fait une campagne intense contre le tabac” La intensa campaña que Nancy hace contra el tabaco “L’intense campagne que Nancy fait contre le tabac” La campaña de Nancy contra el tabaco “La campagne de Nancy contre le tabac”

Or, ces opérations ne sont pas complètement interdites pour le nom sans déterminant. Ainsi, il est possible de relativiser un nom sans déterminant avec une fonction anaphorique, comme dans : (8)

Juan tenía miedo del profesor, miedo que todos experimentaban cuando les llegaba el turno “Juan avait peur du professeur, une peur que tous éprouvaient quand leur tour arrivait”

Même dans des CVS assez figées, on trouve des cas d’extraction d’un nom sans déterminant, comme : (9)

Caso es lo único que quiero que me hagas “Attention c’est la seule chose que je veux que tu me donnes”

On peut aussi pronominaliser par le clitique beaucoup des noms sans déterminant, comme : (10)

Confesó que hacía campaña porque todos la hacen “Il a avoué qu’il faisait campagne parce que tous la font”

L’impossibilité de la construction passive avec un nom sans déterminant n’est pas exclusive aux CVS : on rencontre la même impossibilité dans une construction transitive ‘normale’ comme *casa grande fue construida por el arquitecto litt. “maison grande a été construite par l’architecte”. En revanche, il y a d’autres CVS assez figées où le nom n’admet jamais l’article indéfini et ne peut subir les opérations syntaxiques propres aux compléments d’objet. Par exemple : (11) a.

*Es comienzo lo que dará el seminario el 5 de abril “*C’est commencement ce que donnera le séminaire le 5 avril”

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b.

*El frente que hizo a todos los problemas revela su gran valor “*Le front qu’il a fait à tous les problèmes révèle son grand courage”

Ce que nous voulons mettre en relief ici, c’est qu’à partir du moment où il y a possibilité d’employer un article indéfini, le nom supporté se comporte comme un syntagme nominal régulier. Or, un nom sans article confère un plus grand degré de cohésion à la CVS, de telle façon que le lien entre le verbe et le nom tend à être perçu comme plus étroit. Cependant, cela n’entraîne pas nécessairement que le nom sans déterminant soit plus événementiel ou processif comme l’indique Anscombre (1986 et 1991). À notre avis, dar acogida “réserver un accueil” n’est pas perçu comme plus proche de acoger “accueillir” que dar una calurosa acogida “réserver un accueil chaleureux”. Le sens apporté par l’adjectif sera exprimé par des adverbes qui modifient le verbe. Par exemple : (12) a. b.

Susana dio (E + una calurosa) acogida a su invitada “Susana a réservé (E + un chaleureux) accueil à son invitée” Susana acogió (E + calurosamente) a su invitada “Susana a (E + chaleureusement) accueilli son invitée”

Par conséquent, nous considérons que, malgré l’importance attribuée à l’absence de déterminant du nom des CVS (ce qui mène certains chercheurs à y voir la marque de l’incorporation syntaxique), elle ne constitue qu’une anecdote, comme le signale Giry-Schneider (1991 : 34) : soit que le déterminant est fixe, soit qu’il est libre et dans ce cas-là, il peut être remplacé par l’article indéfini et donc, subir toutes les opérations syntaxiques propres aux noms compléments d’objet. En même temps, l’irrégularité de sa répartition lexicale rend nécessaire la description de son emploi dans l’article lexicographique de chaque nom, en rapport avec son verbe support. Ceci a toujours été la politique adoptée dans la Théorie Sens-Texte depuis Zholkovksy et Mel’èuk (1967) ; pour une autre approche, voir aussi G. Gross et A. Valli (1991 : 50). Observons qu’on a hacer burla litt. “faire moquerie” mais non pas hacer (E + *una) broma “faire une blague”, tener razón “avoir raison” mais non pas tener (E + *la)) impresión “avoir l’impression”, etc. L’irrégularité du déterminant se manifeste aussi avec un même nom. Dans les exemples suivants, on constate, d’une part, que le choix du déterminant change avec le verbe support : (13) a.

Juan hace (E + *una) gira por provincias “Juan fait une tournée en région”

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b.

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Juan está de (E + *una) gira por provincias “Juan est en tournée en région”

et d’autre part, que des noms homonymes prennent des déterminants différents : (14) a. b.

Juan tiene sueño (‘ganas de dormir’) “Juan a sommeil” (‘envie de dormir’) Juan tiene un sueño (‘un ideal’) “Juan a un rêve” (‘un idéal’)

En définitive, nous concluons que l’absence ou le caractère figé du déterminant n’est pas un critère d’identification des CVS : ces traits découlent de leur caractère phraséologique.

2. Les CVS comme des cas d’incorporation syntaxique C’est le moment d’examiner certaines représentations des CVS, basées sur le concept d’incorporation. Même si l’incorporation a été traditionnellement considérée comme un procédé morphologique (cf. Sapir 1911 ; Mithun 1984 ; Mel’èuk 1997b, entre autres), des propositions pour l’emploi de l’incorporation afin de rendre compte de phénomènes syntaxiques ont été avancées ces dernières années (Baker 1988 et 1996). Nous n’allons pas nous attarder ici à la complexité de l’incorporation morphologique, considérée, jusqu’à récemment, comme caractéristique uniquement des langues ‘exotiques’ comme le tchouktchi, le mohawk, le nahuatl, etc. Il n’existe rien de semblable à l’incorporation morphologique en espagnol, sauf des résidus historiques comme mantener “maintenir”4 . Cependant, certains auteurs ont proposé le concept de ‘incorporation syntaxique’. La notion d’incorporation syntaxique n’a pas de définition précise dans les travaux que nous avons consultés. Grosso modo, on peut dire qu’elle consiste en la formation d’un prédicat dérivé avec un argument en moins que le prédicat de base. Nous allons examiner comment avec ce nouvel élargissement du concept d’incorporation, certains auteurs prétendent rendre compte de l’union étroite entre le verbe et le nom dans les CVS. En ce qui concerne l’espagnol, les auteurs qui se sont engagés dans cette voie sont principalement Moreno Cabrera (1991), Masullo (1996) et Mendívil (1999). Ainsi, pour Moreno Cabrera (1991 : 494-499), le nom dans tener novia litt. “avoir fiancée” forme une ‘unité syntagmatique’ avec el verbe et même s’il conserve son autonomie morphologique, il perd sa fonction de complément

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d’objet5 . En revanche, Masullo (1996), dans le cadre de la grammaire générative, traite l’incorporation syntaxique comme un déplacement syntaxique du nom à la position de verbe pour pouvoir remplir certaines exigences de cas. Aussi, dans la grammaire générative, Mendívil (1999) emploie la notion d’incorporation syntaxique (ou ‘reanalyse’ du nom sans déterminant avec le verbe support) pour expliquer la projection dans la syntaxe d’un nom qui ne peut pas être un argument du verbe. D’une façon approximative, on peut représenter ainsi l’idée d’incorporation syntaxique (Mendívil 1999 : 87) : (15) a. b.

[V [X]X] [V X]V

Dans la structure (b), le constituant X a perdu son statut syntaxique car il s’est incorporé au verbe en ce qui concerne les règles syntaxiques et l’interprétation sémantique. Dans les CVS, le nom n’est plus le complément d’objet du verbe et ne joue aucun rôle syntaxique. Dans la grammaire générative, la notion de ‘argument syntaxique’ est étroitement liée au caractère référentiel. Ainsi, le nom déterminé réunit les conditions pour être un argument syntaxique du verbe support. En revanche, le nom sans déterminant n’est pas considéré référentiel et, par conséquent, il ne peut pas être un argument syntaxique du verbe. Étant donné que le nom est partie du prédicat, il a besoin de s’incorporer au verbe. L’absence du déterminant est aussi responsable de la structure argumentale du nom. Pour Mendívil (1999 : 133), un nom peut avoir une structure d’arguments non seulement s’il a une structure événementielle, dans le sens de Grimshaw (1990), mais aussi s’il est déterminé. De cette façon, le rôle assigné à la détermination pour établir si un nom a ou n’a pas une structure d’arguments entraîne nécessairement une duplication d’entrées lexicales pour les noms qui admettent la présence ou l’absence du déterminant. Ainsi, par exemple, mención, dans hacer mención “faire mention”, aura une structure d’arguments, représentée par (Ev, (x), y), alors que mención, dans hacer una mención “faire une mention”, aura seulement une structure argumentale réduite au rôle R référentiel6 . La notion d’incorporation syntaxique ou de ‘prédicat complexe syntaxique’ a un point faible : elle est nécessairement circulaire ; c’est-à-dire que les auteurs qui défendent l’existence de l’incorporation syntaxique admettent que toutes les incorporations ont la possibilité de montrer une version non incorporée. Ainsi, pour Mendívil (1999), il y a, d’un côté, des constructions incorporées comme hacer mención et, d’un autre, des constructions non incorporées

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comme hacer una mención. Dans ces dernières, le verbe a une structure d’arguments pleine et il maintient avec le nom une relation régulière verbeobjet. Or, si la preuve de l’incorporation est l’absence du déterminant et que celui-ci peut apparaître dans la version non incorporée, on arrive à un critère circulaire, sans pouvoir prédictif suffisant (cf. aussi García-Miguel 1995 : 103). Pour éviter la circularité, il est également possible de traiter le déterminant du nom des CVS comme un explétif. C’est la solution de Masullo (1996). Les exemples dans lesquels le nom supporté apparaît avec le déterminant comme dans Juan tiene el miedo del siglo litt. “Juan a la peur du siècle”, exemple tiré de Masullo (1996 : 194), ne sont pas considérés comme contre-exemples par cet auteur. Son raisonnement est le suivant : étant donné que le syntagme nominal (el miedo del siglo) n’a pas une interprétation référentielle, l’article est un explétif et ne peut pas être considéré comme un vrai déterminant, donc il n’apparaît pas dans la Forme Logique. En conséquence, le nom devra s’incorporer au verbe. Alors, il faut se demander si, dans toutes les CVS où le nom apparaît avec un déterminant, celui-ci peut être traité comme un explétif. Par exemple, dans dar su autorización “donner son autorisation”, tener la esperanza “avoir l’espoir”, tener la manía de “avoir la manie de”, etc. Certains contre-exemples peuvent être également avancés à propos de la prétendue union syntaxique entre le verbe et le nom. Si le nom est incorporé au verbe, on ne voit pas pourquoi il peut entrer dans une construction relative. Masullo (1996 : 191) suggère la possibilité d’une ‘excorporation’, mais il laisse cela comme une question ouverte. Les structures thématisées ou focalisées, comme le signale Bosque (1996 : 99), sont aussi un contre-argument à l’idée de l’incorporation. Par exemple : (16) a. b.

¿Tienes miedo? — No, miedo no tengo “As-tu peur ? — Non, peur je n’ai pas” ¿Le tienes pena? — No, miedo le tengo Lui as-tu pitié ? — Non, peur je lui ai “As-tu pitié de lui ? — Non, j’ai peur de lui”

Dans ces structures, le nom reste sans déterminant et, cependant, il apparaît déplacé à gauche. Il faudrait se demander si l’incorporation se produit toujours. En définitive, les propositions à incorporation ne nous semblent pas suffisamment justifiées. Dans notre perspective, l’absence de détermination du nom supporté est une trace de la phraséologisation inhérente à toutes les collocations : plus une collocation est phraséologisée, plus la probabilité que le nom soit non déterminé sera élevée. Mais la phraséologisation n’empêche pas de traiter les collocations comme des syntagmes, c’est-à-dire des séquences verbe plus objet.

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3. Objet sémantique et objet syntaxique dans les CVS Nous allons maintenant établir les distinctions nécessaires entre la représentation des CVS au niveau sémantique et au niveau syntaxique. Une des raisons sous-jacentes aux propositions à incorporation réside dans la confusion entre l’objet sémantique de la CVS et l’objet syntaxique du verbe support. On sent, en quelque sorte, que, par exemple, dans hacer mención del libro “faire mention du livre”, l’objet sémantique est libro. En suggérant que mención est incorporé au verbe, on essaie d’expliquer que libro est l’objet sémantique de toute la CVS. L’incorporation syntaxique est donc provoquée par une intention de refléter dans le niveau syntaxique un aspect sémantique. Pour nous, le seul objet qui se situe dans le niveau syntaxique est mención. Or, étant donné que le verbe ne joue aucun rôle sémantique, le seul prédicat serait mención, et libro serait son deuxième argument. D’ailleurs, des propositions comme celle de Masullo (1996), où le verbe support et le nom se joignent dans la Forme Logique, équivalent à dire qu’ils forment un seul prédicat sémantique. Telle est aussi la proposition de la Théorie Sens-Texte (TST). Dans ce cadre théorique (cf. Alonso Ramos 1998, Mel’èuk 1995, 1996 et 1997a), les verbes supports sont considérés vides sémantiquement dans le contexte du nom supporté. Au niveau de la représentation sémantique, il n’y a pas de verbe support mais plutôt un prédicat qui s’exprimera plus tard par le nom supporté. Bien entendu, dans la TST, aucun type d’incorporation entre le verbe support et le nom n’a besoin d’être proposé. En revanche, les grammairiens générativistes doivent postuler un type d’incorporation pour justifier l’unité sémantique des CVS. Or, unité sémantique (constituée par le verbe et le nom) n’est pas équivalent à unité syntaxique . Le fait allégué par Masullo (1996 : 196) que plusieurs CVS possèdent un équivalent lexical morphologiquement simple (hacer caricias “faire des caresses” et acariciar “caresser”, par exemple) est un indice de l’intégrité sémantique entre le verbe et le nom, mais non pas de leur intégrité lexicale et syntaxique : une CVS est formée de deux mots-forme qui constituent un syntagme. Dans notre perspective, seul le mot-forme peut être une unité syntaxique. Cette affirmation découle de la conception qu’a la TST de la structure syntaxique d’une phrase (Mel’ èuk 1988 : 21). Il s’agit d’une paire de deux ensembles : l’ensemble de tous les mots-forme qui apparaissent dans la phrase et l’ensemble de toutes les relations syntaxiques définies sur le premier ensemble. Par conséquent, l’unité syntaxique ne peut être autre que le motforme car c’est seulement cet élément qui entretient des relations syntaxiques.

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Ainsi, si la chaîne hacer caricias est constituée de deux mots-forme, il existe nécessairement une relation syntaxique entre eux parce qu’il n’est pas possible de concevoir la structure syntaxique d’une phrase avec un mot-forme détaché syntaxiquement, sans entretenir une relation syntaxique avec un autre motforme : les structures sont toujours connexes. Notons que l’incorporation syntaxique prétend refléter l’idée que le nom n’a pas de relation syntaxique avec le verbe et, donc, qu’il forme une unité syntaxique avec lui. En revanche, en TST, on ne saurait parler d’unité syntaxique que quand le nom objet est devenu une partie d’un mot-forme verbal, comme c’est le cas des langues comme le mohawk, mais non pas de l’espagnol. La question à se poser doit être alo rs la suivante : quelle est la relation syntaxique qui lie le verbe support au nom sans déterminant ? Pour pouvoir y répondre, il est nécessaire de faire des distinctions plus subtiles à l’intérieur des CVS. D’une part, les CVS comme hacer campaña, qui peuvent admettre, dans des conditions précises, un déterminant – ces noms se comportent bel et bien comme un complément d’objet ‘ordinaire’ : ils peuvent entrer dans une construction relative, ils peuvent être pronominalisés par le clitique, ils peuvent devenir sujet du verbe passif, etc. D’autre part, les CVS avec le déterminant zéro figé qui ne peuvent pas subir les opérations syntaxiques propres aux compléments d’objet et dont le nom exige une proximité complète avec le verbe : (17)

*El seminario dio el 5 de abril comienzo “*Le séminaire a donné le 5 avril commencement”

Étant données les particularités que présentent certaines CVS dont le nom est sans déterminant, il est possible que la relation syntaxique entre le verbe et le nom sans déterminant soit autre que le complément d’objet. Sans oser avancer une nouvelle relation syntaxique, pour le moment, nous aimerions attirer l’attention sur la distinction établie par Lazard (1982 : 192-193) entre deux types d’objets du persan : ‘objets polarisés’ et ‘objets dépolarisés’. Pour Lazard (1994 : 232), ces objets interviennent dans deux types différents de construction biactantielle. Dans ce qu’il appelle ‘construction tripolaire’, l’objet est un terme autonome de la phrase et il se place au même niveau de dignité que le sujet. En revanche, dans la ‘construction bipolaire’, l’objet a tendance à être étroitement lié au verbe, en formant avec lui une seule unité sémantique. Dans la première construction, le sujet, le verbe et l’objet constituent trois ‘pôles’ ou axes de la phrase, tandis que dans la deuxième on en trouve seulement deux : le sujet et le groupe formé par le verbe et l’objet. Ainsi, les objets qui seront au plus bas dans l’échelle d’individuation, les nonthématiques qui entrent donc dans l’aire rhématique du verbe, et ceux qui se

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joignent à des verbes avec un sens ténu ont tous tendance à faire partie de la construction bipolaire. Nous pensons que beaucoup de noms des CVS en espagnol répondent aux mêmes caractéristiques des objets dépolarisés mentionnés par Lazard. Si l’on admet l’interprétation sémantique de Hopper et Thompson (1980) de la transitivité, nous pouvons concéder que, dans un syntagme comme hacer campaña “faire campagne”, le verbe est moins transitif que dans hacer una casa “faire une maison”. Comme ces auteurs l’ont signalé, un des facteurs pertinents pour la transitivité est la ‘individuation’. Ainsi, un participant concret, singulier et spécifique, confère au verbe un plus grand degré de transitivité qu’un participant abstrait, pluriel ou non spécifique. Une phrase ayant un moindre degré de transitivité du verbe présentera moins de propriétés syntaxiques associées à la transitivité. Clairement, l’absence d’article dans des syntagmes comme hacer campaña ou dans plusieurs de nos CVS est une trace de cette transitivité sémantique plus appauvrie. En termes cognitivistes, on pourrait dire que les noms de ces syntagmes ne sont pas de bons exemples type du complément d’objet ; ce ne sont pas des compléments d’objet prototypiques et, en quelque sorte, ce sont même des compléments d’objet défectifs. En conclusion, la reconnaissance du fait que certaines CVS ont une transitivité appauvrie n’entraîne pas leur traitement comme un seul nœud syntaxique. Si l’on décrit les noms de ces syntagmes comme incorporés au verbe, les CVS se trouveraient assimilées aux mots-formes, alors qu’elles en diffèrent considérablement du point de vue phonologique ou morphologique. Le degré de cohésion syntaxique entre un verbe support et un nom est une trace de son caractère phraséologique. Certaines opérations syntaxiques sont soumises à certaines restrictions dues au fait que les CVS sont des collocations, donc, des expressions phraséologiques. La liberté de pouvoir appliquer une opération syntaxique donnée à une collocation est réduite et on doit indiquer dans sa description lexicographique, quelles sont les opérations interdites ou restreintes auxquelles on s’attend d’après les règles générales de la syntaxe. Postuler un phénomène d’incorporation syntaxique pour expliquer ces restrictions nous semble contre-intuitif, car les CVS sont des syntagmes, phraséologisés, mais des syntagmes quand même et non pas des mots-forme.

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SUMMARY We present the behaviour of the determiner in the support verb constructions (SVC) in Spanish. The knitted character of expressions like hacer mención “to make mention”, tomar conciencia lit. “to take conscience” (“to become aware of”), etc. led some grammarians to treat these constructions like a sort of verbal complex. With the concept of syntactic incorporation, they want to explain that the noun has lost its syntactic status and it has become part of the verbal syntactic unit. However, we will show that: 1) the absence of the determiner is not an identifying criterion for the SVC; 2) the concept of syntactic incorporation would assimilate SVC to the word-forms whereas these differ considerably from a phonological and a morphological point of view; and 3) the SVC are semantic units, but not syntactic units: they are syntagms.

NOTES 1

Voir Mel’èuk (1995) pour les distinctions pertinentes entre les différentes expressions phraséologiques. 2 Voir, par exemple, Gracia (1986). Contre l’idée que les CVS soient traitées comme un seul nœud syntaxique, voir Gaatone (1981) pour le français et Grosu (1977 ) pour la CVS anglaise to make the claim. Thun (1981 : 333) rejette le terme ‘verbes composé’ pour des CVS comme faire joujou ou faire pression, mais il propose le terme ‘verbes décomposés’. Dubský (1965 : 195) opte aussi pour appeler nos CVS ‘formes verbo-nominales décomposées’. 3 Pour une révision de l’état de la question en ce qui concerne l’absence du déterminant dans les CVS, voir Mendívil (1999 : 198-224). 4 Voir Benveniste (1974) sur les parallélismes entre les ‘composés verbaux’ français comme maintenir, saupoudrer ou colporter et des formes à incorporation du païute et d’autres langues amérindiennes. 5 Une approche parallèle à celle de Moreno Cabrera mais sur des données danoises et françaises se trouve dans Herslund (1994). 6 Les rôles Ev(ent) et R ont été introduits par Higginbotham (1985) et employés, entre autres, par Grimshaw (1990) pour représenter, respectivement, un argument événementiel et un argument référentiel. Seuls les noms avec une structure d’arguments pleine auront l’argument Ev, tandis que l’argument R est assigné aux noms avec une tendance à avoir une interprétation résultative. Ce qui n’est pas évident dans le cadre générativiste c’est comment un déterminant peut être responsable de la discrimination entre des noms avec ou sans arguments, car dans le lexique, les noms ne sont pas déterminés ni indéterminés.

LA DESCRIPTION DES DÉTERMINANTS DANS UN DICTIONNAIRE ÉLECTRONIQUE DE MÉDECINE1 XAVIER BLANCO Université Autonome de Barcelone Introduction Cet article se propose de présenter une méthodologie d’introduction d’information sur les déterminants au sein d’un dictionnaire électronique multilingue spécialisé. Le fait de se pencher sur cette partie de la description linguistique en vue d’applications en traitement automatique des langues semble justifiée dans la mesure où les dictionnaires existants comportent, en général, des descriptions peu précises sur les déterminants susceptibles de faire partie de l’actualisation des noms/termes recensés. En effet, bien qu’en reconnaissance automatique les déterminants ne posent guère de problèmes, leur traitement se révèle particulièrement problématique pour ce qui est de la génération et de la traduction automatiques. Nous aborderons la question à partir d’un dictionnaire électronique espagnol de termes médicaux élaboré par le Groupe de Linguistique Appliquée aux Langues Romanes (UAB) en collaboration avec l’Agencia de Evaluación de Tecnologías Sanitarias (Instituto de Salud Carlos III - Ministerio de Sanidad) dans le cadre du projet WEBLING “Full Text Web Indexes that have been Linguistically Enhanced and Supplemented by Services to Cross the Language Barrier” (Projet ESPRIT RDT in Information Technologies nº 29041). D’abord, nous mentionnerons quelques applications du dictionnaire et nous procéderons à une brève description de son format. Ensuite, nous distinguerons trois volets dans l’étude de la détermination qui donneront lieu à des solutions différentes et complémentaires vis-à-vis de l’introduction de l’information concernant les déterminants dans le dictionnaire électronique. L’approche que nous suivons pour l’étude de la détermination est celle mise au point dans le cadre du projet DétTAL (Détermination et Traitement Automatique des Langues) et présentée dans (Blanco & Buvet 1999). Notre langue d’étude sera l’espagnol, sans pour autant renoncer à des observations de type contrastif, surtout par rapport au français. Notre

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conception de la lexicographie multilingue prenant appui sur le concept de dictionnaires monolingues coordonnés (Blanco 1999), les observations faites à propos de l’espagnol sont susceptibles d’être appliquées aux autres langues concernées par le projet WEBLING (français, anglais et allemand).

1. Le dictionnaire électronique espagnol. Le projet WEBLING Le dictionnaire électronique espagnol élaboré dans le cadre du projet WEBLING fait partie d’un ensemble de dictionnaires électroniques du domaine de la médecine qui présentent, entre d’autres applications : – – – – –

la reconnaissance automatique de la langue employée dans un document donné trouvé sur Internet ; le classement automatique du document dans un sous-domaine de la médecine (e.g. cardiologie, pédiatrie) ; la reconnaissance automatique et l’indexation des variantes lexicales et polylexicales sous une même forme de base ; la recherche documentaire raffinée par rapport aux moteurs de recherche existants (recherche multilingue ; recherche par “concept”…) ; la traduction assistée par ordinateur et la traduction automatique.

Quant au format, le dictionnaire s’inspire largement des travaux réalisés dans le Laboratoire de Linguistique Informatique de Paris 13 (G. Gross 1992) (Mathieu-Colas 1994). Il est divisé en deux modules correspondant respectivement aux formes simples et aux formes composées. Le premier module comporte les champs marqués ci-dessous (cf. Tableau 1). Le deuxième module incorpore, en plus, un champ spécial destiné à la représentation morphologique du composé : L(emme) G(rammaire) T(trait) C(lasse d’objets) D(omaines) P(lausibilité) S(ource) R(egistre) V(ariantes) Sy(nonymes) Fr(ançais) En(glish) D(eutsch)

Forme lemmatisée en espagnol correspondant à l’entrée Code de flexion automatique, e.g. N1, N21, A22 Trait syntactico-sémantique du lemme, e.g. humain, abstrait Classe d’objets à laquelle appartient le lemme 3 Indication de sous-domaines dans le cadre de la médecine4 Indication de plausibilité du lemme 5 Indication de la source du lemme espagnol Niveau diastratique du lemme, e.g. standard, familier Indication des variantes orthographiques du lemme Indication des synonymes du lemme Équivalent de traduction du lemme en français Équivalent de traduction du lemme en anglais Équivalent de traduction du lemme en allemand

DÉTERMINANTS DANS UN DICTIONNAIRE DE MÉDECINE

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Champ spécifique des composés : M(orphologie) Tableau 1

Forme morphologique du composé, e.g. NDN, PC, C16

Le dictionnaire électronique espagnol stricto sensu correspond aux champs L, M, G, T, C, D, P et R. Il est important de souligner que les champs destinés aux équivalents de traduction agissent comme des pointeurs vers les dictionnaires électroniques du français, de l’anglais et de l’allemand. En effet, il ne suffit pas de prévoir un champ correspondant à un équivalent de traduction pour parler de dictionnaire multilingue. Un dictionnaire électronique multilingue ne sera opérationnel que si toutes les informations disponibles pour un lemme donné le sont aussi pour ses équivalents de traduction, autrement dit, s’il correspond à une série de dictionnaires monolingues coordonnés. Les champs mentionnés, qui correspondent à des contenus de type lexicographique, sont complétés par divers champs de type signalétique concernant le degré de fiabilité des informations enregistrées, des observations, des attestations dans des textes, etc. Le dictionnaire électronique de médecine s’intègre, par ailleurs, dans le système de dictionnaires électroniques DELA de l’espagnol, qui comprend des dictionnaires de formes simples et composées de la langue générale (Blanco 1998). Il peut, donc, être utilisé en combinaison avec ces dictionnaires pour l’exploration automatique de textes. Tout texte en médecine comportant une importante composante de formes de la langue générale, le fait de disposer de dictionnaires couplées langue générale/langue de spécialité s’avère indispensable pour un traitement automatique réel. Le dictionnaire électronique décrit ci-dessus a l’ambition de couvrir tout le domaine de la médecine (organisé en une quarantaine de sous-domaines). Il est en cours d’élaboration et comprend, à l’heure actuelle, 27 000 termes, dont 7 000 noms simples et 20 000 noms composés7 . Aucun des champs mentionnés n’est affecté de façon explicite à des indications sur la détermination. Avec le présent article, nous nous proposons de montrer comment des informations sur les déterminants compatibles avec les lemmes retenus peuvent être représentées à l’intérieur de ce dictionnaire électronique. Pour cela, il nous faudra d’abord distinguer trois volets dans l’étude de la détermination.

2. Trois volets dans l'étude de la détermination. Le projet DétTAL Le projet DétTAL se donne comme objectif de développer des modélisations coordonnées de la détermination les plus précises que possible en vue,

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principalement, de leur application à la traduction automatique. Des descriptions à large couverture sont disponibles, à l’heure actuelle, pour le français (Université de Franche-Comté), l’espagnol (Université Autonome de Barcelone) et le grec moderne (Université Démocrite de Thrace) (Blanco ; Buvet & Gavriilidou 1999). À la suite des premiers résultats obtenus dans le cadre du projet DétTAL, nous envisageons trois volets bien différenciés pour ce qui est de l’étude des déterminants. D’abord, nous observons les rapports entre détermination et figement, aussi bien pour ce qui est du fonctionnement des déterminants à l’intérieur des structures figées (cf. 3.1) que pour ce qui est des determinants figés eux-mêmes (3.2). En effet, il importe, d’une part, de bien distinguer les déterminants qui apparaissent dans des suites figés des déterminants apparaissant dans des suites libres, car ceux-là peuvent présenter un fonctionnement sui generis qui risque de brouiller les observations et généralisations pouvant être faites à partir de ceux-ci. D’autre part, il faut considérer les déterminants figés relevant du domaine de la médecine. Ensuite, nous proposons des pistes pour le traitement des déterminants se combinant avec les différentes classes d’arguments élémentaires distinguées à l’intérieur du domaine médical (cf. 4). Finalement, nous envisageons la détermination des noms prédicatifs organisés en classes de prédicats (cf. 5).

3. Déterminants et expressions figées Des études menées dans le cadre du lexique-grammaire ont montré que le nombre des expressions figées est bien supérieur en langue à celui des expressions libres. Cela risque d’être encore plus vrai dans les langues spécialisées où la composition syntagmatique joue un grand rôle, au moins dans les langues romanes. Nous considérons qu’une expression est figée quand elle comporte au moins deux éléments qui sont indissociables (M. Gross 1993). Il s’agit, par conséquent, d’une notion de figement très générale qui s’applique aux différentes parties du discours, bien que, pour des raisons quantitatives, nous ferons référence dans 3.1 surtout à la détermination à l’intérieur des noms composés. Dans 3.2, nous considérerons les déterminants figés eux-mêmes (toujours dans la langue spécialisée de la médecine), qui s’appliquent à leur tour sur les objets et les prédicats propres du domaine (cf. 4 et 5). 3.1. Les déterminants dans les expressions figées Les déterminants apparaissant à l’intérieur des suites figées sont les plus facilement représentables dans un dictionnaire électronique. Du moment où,

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par hypothèse de principe, toute unité lexicale apparaît comme un lemme indépendant dans nos dictionnaires, les déterminants faisant partie d’une structure figée apparaîtront dans le champ lemme, e.g. trastorno del habla ; psicología de la conducta ; espasmo de los escritores… Les déterminants présents à l’intérieur de noms composés du domaine de la médecine, sur un échantillon de 20 000 noms, conforment le tableau suivant (Tableau 2) : EL el : 2 576 occurrences 8 la : 1 506 occurrences los : 223 occurrences las : 71 occurrences Tableau 2

UN un : 2 occurrences una : 10 occurrences

Autres Dét ambos : 1 occurrence un (Card) : 2 occurrences una (Card) : 1 occurrence dos : 1 occurrence

De ce relevé strictement quantitatif, nous pouvons déjà extraire quelques observations utiles. Le déterminant EL apparaît à l’intérieur des noms composés de façon quantitativement représentative (18,7 % des noms composés de notre corpus le comportent 9 ). Par contre, les occurrences d’autres déterminants sont épisodiques. Le UN à valeur générique présente à peine une douzaine d’occurrences du type prueba del trazo de un hombre de Goodenough, constante de ionización de una base, constante de disociación de una base. Les autres déterminants ne sont pas représentés en dehors de quelques de cardinaux : prueba de protrombina de dos etapas, deterioro profundo de un ojo. Faisons remarquer que ambos présente aussi une valeur numérique claire : deterioro profundo de ambos ojos = ‘deterioro profundo de los dos ojos’10 . Ce type d’information peut être mise à profit p our la reconnaissance automatique de termes. Les formes morphologiques de composés les plus fréquentes dans notre base sont 11 : NDN (NA)DN ND(NN) ND(NA) (NA)D(NA) ND(NDN) NPN ((NA)A)DN …

24,10 % 5,45 % 3,99 % 3,48 % 2,31 % 1,34 % 2,15 % 0,68 %

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De ce fait, la présence d’un déterminant qui ne soit pas EL dans ces structures sera un indice fort du caractère non figé de la suite. A contrario, l’absence de déterminant sera un indice de figement. La présence de EL ne serait pas a priori significative vis-à-vis du figement d’une séquence de ce type, car la séquence pourrait être aussi bien libre que figée. L’affirmation que les composés comportant EL sont des termes à part entière paraît justifiée si l’on tient compte du fait que, dans beaucoup de cas, ces termes présentent des variantes ou des équivalents de traduction sans article. Ainsi, hormona del crecimiento équivaut à hormona (condotrópica + somatotrófica + somatotrópica) ou à somatotropina. Les termes cavidad de la faringe et cavidad de la laringe se traduisent respectivement par cavité pharyngienne et cavité du larynx (dictionnaires du LLI). Le paradigme en français comporte donc un terme avec l’article défini face à un terme de type NA. Dans de nombreux cas, nous trouvons le passage d’une structure N de EL N à NA : matriz de la uña (matrice unguéale), necrosis de la corteza renal (nécrose corticale rénale). Même quand la structure est conservée, l’article peut être présent en une langue et absent dans l’autre : tuberculoma de la médula espinal (CIE-9) = tuberculome de moelle épinière (CIM-10). L’observation des classes sémantiques des N qui prennent une forme du paradigme EL à l’intérieur d’un nom composé relève cependant certaines régularités. Notons, d’abord, que la plupart des N qui se combinent avec EL correspondent à des 12 : environ 80 %, dont causalgia del miembro inferior ; centro tendinoso del diafragma ; ampolla de la trompa uterina ; cara cutánea de los párpados… Pour la reste, nous trouvons : –



des N correspondant à des ou (environ 13 %), très souvent introduits par des termes comme prueba, método, reacción : prueba del ácido clorhídrico ; método del fósforo ; método para el ácido úrico ; reacción del indofenol ; abuso del alcohol… des N correspondant à des humains (à peine 1 %), souvent introduits par des noms de – : (calambre + espasmo) de los escritores, queratitis de los soldadores… – : pulmón de los (granjeros + manipuladores de malta + descortezadores de arce + criadores de pájaros)… – : psiquiatría del (niño + adolescente)

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des N prédicatifs (environ 6 %), introduits par des termes comme trastorno, terapia, teoría, ley : trastorno del aprendizaje ; trastorno reactivo del apego ; terapia del sueño ; ley del dolor referido.

Dans la mesure où aussi bien le dictionnaire de la langue générale DELAS espagnol que le dictionnaire espagnol Webling sont dotés d’étiquettes sémantiques, il est possible de reconnaître automatiquement, par exemple, des structures N1 de EL N2 où N2 =: ou bien des structures où N1 =: prueba et N2 =: . Ces suites auraient plus de chances de constituer des termes que la reste de séquences N1 de EL N2. Les termes comportant UN sont trop peu nombreux pour en extraire des généralisations valables. Notons, cependant, que le fait qu’on trouve un nombre limité de suites comportant UN n’implique pas que leur statut de termes soit mis en cause. Il ne s’agit pas des cas qui seraient intermédiaires entre un terme et un syntagme libre, car ils présentent des variantes et des équivalents de traduction tout à fait réguliers. Ainsi, par exemple, espasmo de un esfínter se traduit par achalasie (Elsevier’s) (achalasia en anglais) et conjonctivite due à un adénovirus (CIM-10) par conjuntivitis adenoviral (CIE9), adenoviral conjunctivitis en anglais. Nous nous sommes centré sur les noms composés, mais la présence de déterminants à l’intérieur de structures figées concerne aussi bien les adjectifs, verbes et adverbes composés. 3.2. Les déterminants figés Nous entendons par déterminant figé un déterminant polylexical figé par rapport au N qu’il accompagne. À différence des déterminants simples, complexes et composés13 qui sont inventoriés une fois pour toutes indépendamment du domaine, la liste des déterminants figés doit être complétée au fur et à mesure que l’on établit d’inventaires de nouveaux termes car justement les déterminants figés le sont par rapport à des unités lexicales précises. Ils peuvent correspondre soit à des déterminants nominaux figés, soit à des structures Dét_Modif figées. Ainsi, l’élaboration d’un dictionnaire de médecine exige de tenir compte de déterminants nominaux figés comme : un ataque de gota, una crisis de epilepsia, un episodio de hipoglucemia, un brote de (peste + cólera), un principio de neumonía, un cuadro de (artritis + enteritis hemorrágica afebril), una cepa de meningococo. Ces unités devront être recensées comme entrées du dictionnaire et leurs possibilités combinatoires spécifiées soit dans l’entrée correspondant au déterminant (si leur combinatoire peut être clairement représentée en termes d’indications distributionnelles), soit dans les différentes

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entrées correspondant aux noms qui se combinent avec ces déterminants (si la combinatoire de ceux-ci se revèle hautement idiosyncratique). Soulignons, par ailleurs, que certaines unités sont spécifiques à un ensemble très réduit de bases, e.g. en français quinte ne se combine qu’avec toux : accès de (fièvre + folie + toux) vs quinte de (*fièvre + *folie + toux). Parallèlement, pour tos, l’espagnol peut avoir recours à des déterminants nominaux à large spect re (ataque + acceso + episodio) de tos, ou bien au plus spécifique golpe de tos. Quant aux combinaisons Dét – Modif figées, nous aurions des cas comme un dolor (agónico + atroz + agudo) ; una herida (grave + profunda) et un certain nombre de suites de caractère familier comme una (fiebre + gripe) de caballo, (una inyección + un remedio + una cura + una dosis) de caballo ; unas purgaciones de garabatillo ; una salud de hierro. Ces suites ont le plus souvent une valeur intensive, mais on peut en trouver aussi avec une valeur minorative, laudative ou péjorative. On doit les recenser dans un champ du dictionnaire réservé spécifiquement aux moyens d’expression de ces valeurs.

4. Déterminants et arguments élémentaires L’ensemble des déterminants acceptés par un nom dans une position argumentale donnée ne peut pas être étudiée dans le seul cadre du syntagme nominal. Le cadre minimal d’analyse est la phrase simple. De ce fait, les classes d’objets s’avèrent très adéquates à l’étude de la détermination du moment où elles constituent des ensembles des substantifs qui présentent un comportement syntactico-sémantique homogène et sont couplés à leurs opérateurs appropriés14 . Dans le cas des classes d’arguments élémentaires, il est relativement facile de représenter des contraintes sur les déterminants à partir de grammaires locales constituées par les classes d’objets et d’un ensemble de déterminants sous forme de graphes. Étant donnée une typologie des déterminants qui distingue les classes suivantes pour l’espagnol (cf. Tableau 3) (Blanco & Buvet 1999)15 : Catégorie de déterminant Le déterminant zéro Les définis Les génériques Les indéfinis Les quantifieurs Les intensifs Les comparatifs Tableau 3

Abréviation E, E-Modif Ddef Dgen Dind Dcuant Dint Dcomp

Exemples EL, EL-Modif, ESTE, POS EL, UN UN, UN-Modif varios, tres, una docena de… mucho, un montón de… más… que…, tantos… como…

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il faut tenir compte des variables suivantes pour assigner une catégorie de déterminants à un objet donné : – sa classe et sa sous-classe d’objets ; – la position argumentale qu’il occupe (N0, N1, N2…) ; – le prédicat qui le sélectionne. Ces variables sont disponibles dans la description d’une classe d’objets. Prenons un échantillon de deux classes d’inanimés concrets comme et . Quelques prédicats appropriés généraux de 16 seraient : dirigir/N0:/N1: estabilidad/N0: manejo/N0:cirujanos/N1: mantener/N0:/N1: … Différentes sous-classes seraient moyennant des opérateurs appropriés : –

pour :

bisturí,

et

caractérisées

escarificador,

corte/N0:/N1:/N2:Prép incisión/N0:/N1:/N2:Prép penetración/N0: seccionar/N0:/N1:/N2:Prép …

pour : pinzas, angiotribo, litolabo, pinzas aligator… : – – –

presa/N0:/N1:Prép rotar/N0:/N1: …

Pour , on aurait comme prédicats de type général :

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administrar/N0:/N1:/N2:a contraindicación/N0: de uso externo/N0: eliminación/N0:/N1: incompatibilidad/N0: posología/N0: recetar/N0:/N1:/N2:a … À partir d’une telle description, les contraintes sur les déterminants sont représentables moyennant des automates à états finis qui regroupent les entrées présentant une même combinatoire pour ce qui est des déterminants. Ainsi, les noms d’ en position de N1 pour des prédicats comme manejo, utilización, mantener, dirigir, asir, rotar admettraient les déterminants EL et UN génériques (e.g. el manejo (del + de un) bisturí resulta importante en toda operación), les indéfinis (mantener y dirigir un bisturí mal equilibrado resulta difícil), certains quantifieurs (les cardinaux, les adjectivaux et la classe des déterminants nominaux de noms de nombre : la utilización de tres bisturíes durante la operación ; la utilización de distintos bisturíes durante la operación ; la utilización de una docena de bisturíes durante la operación) et, le cas échéant, les comparatifs (esta técnica exige la utilización de más bisturíes que la técnica precedente). Ni le déterminant zéro ni les intensifs sont admis : *el manejo de bisturí ; *el manejo de mucho bisturí. L’emploi des définis dépendra de facteurs extraphrastiques : el instrumentista le pasó un bisturí eléctrico al cirujano. El cirujano asió el bisturí con su mano derecha. Pour les , le déterminant zéro est possible (el médico le administró penicilina a su paciente), ainsi que EL générique (las contraindicaciones de la penicilina), les intensifs (recetar mucha penicilina) et les comparatifs (este médico receta más penicilina que sus colegas). Les indéfinis ne sont pas admis *recetar una penicilina et les quantifieurs semblent limités à certaines sous -classes de déterminants nominaux comme les unités de volume (diez mililitros de cortisona), masse (un gramo de etanol), certains contenants (una cucharada de ipecacuana ; una inyección de alfaprodina), certaines formes (una tableta de aspirina) et quelques noms appropriés comme dosis, toma. Les cardinaux et les adjectivaux sont exclus (*recetar tres penicilinas ; *recitar otra penicilina )17 . Chaque classe d’objets présente des particularités qui lui sont propres. Ainsi, les , comme líquido sinovial, líquido cefalorraquídeo seront proches des par leur condition de noms non comptables, mais n’auront pas du tout les mêmes opérateurs appropriés ni

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accepteront les mêmes déterminants nominaux (?una cucharada de líquido sinovial). Des classes comme le , qui sont à cheval entre une classe d’objets et une classe de prédicats18 , présenteraient encore des déterminants spécifiques : (un equipo + una promoción) de cardiólogos.

5. Déterminants et noms prédicatifs Les noms prédicatifs apparaissent dans le dictionnaire WEBLING au même titre que les arguments élémentaires. Or, nous avons vu que le format du dictionnaire, tel que nous l’avons décrit en 1, ne comporte pas tous les champs suffisants pour décrire les termes prédicatifs, car on a besoin également d’une description de l’environnement syntaxique (N0, N1, N2…). Autrement dit, il faut implémenter dans le dictionnaire l’ensemble de la description liée à une classe d’objets et non seulement l’étiquette qui permet de marquer les objets comme appartenant à une classe donnée. Ainsi, l’on aurait par exemple : administración/N0:/N1:/N2: apendicectomía/N0:/N1: asma/N0:hum posología/N0: Ces termes seraient, à leur tour, inclus dans des classes de prédicats, comme ou , où leur syntaxe seraient décrite. Pour la classe des , on aurait des prédicats généraux comme : contagiar/N0:/N1:/N2:a Nhum diagnosticar/N0:/N1:/N2:a tratar/N0:/N1:/N2:de Dans ces positions, le traitement des noms prédicatifs ne diffère guère de celui des arguments élémentaires. Or, pour les premiers, il faut tenir compte aussi des posititons prédicatives. À telle fin, il est nécessaire d’indiquer les verbes support standard et non standard. Ainsi, nous aurons comme verbes supports standard de : (tener + sufrir de + padecer + presentar19 ). Comme inchoatifs contraer, caer enfermo de ou pillar (ce dernier de niveau familier), comme duratifs convalecer ou pasar et comme terminatifs restablecerse de, sanar de, curarse de ou recuperarse de. La combinatoire avec un verbe support déterminé est intimement liée à la détermination du nom prédicatif et peut être employée comme critère

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linguistique pour la partition en sous-classes d’une classe de prédicats donnée (G. Gross 1996). Dans les cas des , nous observons la situation suivante : (1) a. b. c. d. e. f.

Juan tiene (asma + diabetes + anorexia + reuma + …) *Juan tiene (el + un) (asma + reuma + …) Juan tiene (el cólera + la peste + el sarampión + la varicela + …) *Juan tiene (E + un) (cólera + sarampión + …) Juan tiene (una peritonitis + un resfriado + un enfisema pulmonar + …) *Juan tiene (E + el) (resfriado + enfisema pulmonar + …)

Les déterminants E, EL et UN semblent dessiner trois sous-classes de qui peuvent être associées par ailleurs à d’autres propriétés linguistiques (Blanco & Bonell 1998)20 . Ainsi, par exemple, les qui présentent le déterminant zéro donnent lieu facilement à un nom de malade par dérivation (asmático, diabético, anoréxico, reumático…). Elles prennent des déterminants nominaux de type ponctuel comme una crisis de asma, un ataque de ansiedad, un episodio de (esquizofrenia + hipoglucemia). Les seraient proches de cette classe, mais avec le terminatif spécifique corregir : corregir (la miopía + la escoliosis + *la anorexia). Les avec déterminant défini comprennent les , avec des verbes supports d’occurrence spécifiques : la peste (infesta + asola + azota + se extiende por) la región. Certaines maladies pédiatriques ont le support approprié pasar : Ana ha pasado (el sarampión + la rubeola + la varicela). Notons que le support inchoatif contraer semble utile pour séparer les des autres maladies : contraer (el cólera + el SIDA) vs *contraer (una peritonitis + asma). Une troisième sous-classe de prennent le déterminant UN avec le support tener : Juan tiene (una peritonitis + un enfisema pulmonar). Elles ont souvent un locatif implicite (*Juan tiene una peritonitis en el estómago) et elles se combinent facilement avec le support dar quand elles ont un caractère ponctuel : a Juan le dio (un infarto + una lipotimia + *diabetes). Elles n’acceptent pas de déterminants nominaux ponctuels : *Juan ha sufrido un ataque de (trombosis + lipotimia) ni des prédicats adjectivaux appropriés comme latente ou recaída, qui impliquent un état. Par contre, elles se combinent aisément avec les cardinaux : Juan ha sufrido (dos + tres) (infartos + lipotimias). Insistons, cependant, sur le fait que, même s’il peut s’avérer utile de distinguer des sous-classes de noms de , les contraintes sur les

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déterminants semblent, en général, très dépendantes des structures que l’on considère. Il faut donc les représenter de façon très liée à la grammaire locale d’une classe de noms. Ainsi, par exemple, la structure Nhum con Dét N favorise de façon très claire le déterminant E (e.g. niños con síndrome de Down). On trouve quelques hésitations (niños con Síndrome de Angelman vs niños con el Síndrome de Angelman ; una persona con enfermedad de Huntington vs personas con la enfermedad de Huntington) et des cas de déterminant anaphorique (tener otro hijo con este síndrome) ou d’interprétation sortale (“une sorte de”) (adultos con una fobia social), mais il existe, finalement, très peu de contre-exemples21 .

Conclusions Nous pouvons distinguer quatre points d’insertion d’information sur les déterminants au sein d’un dictionnaire électronique : – –





les déterminants à l’intérieur des expressions figées sont présentés dans la propre forme lemmatisée ; les déterminants figés : – les déterminants nominaux figés sont traités comme lemmes avec indication de leur combinatoire; – les suites Dét – Modif figées sont indiquées, toujours par rapport à leurs bases, dans un champ particulier du dictionnaire, qui recensera surtout des intensifs, des minoratifs, des laudatifs et des péjoratifs ; les déterminants s’appliquant à des arguments élémentaires sont introduits dans le cadre des grammaires locales représentant les différentes classes d’objets ; les déterminants s’appliquant sur des noms prédicatifs sont traités dans le cadre des classes de prédicats. Force est de constater, cependant, que leur description pose de problèmes importants qui sont loin d’être résolus à l’heure actuelle.

Nous avançons l’hypothèse que le fait de prévoir une information le plus détaillée que possible sur les déterminants à l’intérieur des dictionnaires électroniques devrait permettre d’améliorer sensiblement les performances des systèmes de traduction automatique. En effet, la détermination faisant partie de l’actualisation de la phrase22 , il n’est pas possible, à proprement parler, de “traduire” les déterminants. Leur génération en langue cible doit être prise en charge par les dictionnaires et grammaires locales de cette langue, à partir d’une représentation formelle de leur valeur en langue source produite par le

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module d’analyse (Blanco & Buvet 1999). Il est donc indispensable que la description linguistique qui est à la base de la traduction automatique soit en mesure, d’une part, de traiter la détermination standard par rapport à un schéma d’arguments donné et, d’autre part, de véhiculer, d’une langue à l’autre, les informations aspectuelles et quantitatives attachées aux déterminants qui seraient pertinentes pour reformuler le message de L1 en L2.

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SUMMARY In this paper we will try to investigate how to introduce information about determiners in a multilingual electronic dictionary of medical terms. After a brief presentation of the format and applications of that dictionary, we will study the determination in medical language insisting mainly on three points: the determination into frozen expressions, the determination of elementary arguments and the determination of predicative nouns.

NOTES 1

Je remercie Pierre-André Buvet et Zoé Gavriilidou de leurs observations. Ces codes permettent la flexion et la lemmatisation automatique de toute forme espagnole à partir d’une collection de transducteurs à états finis. 2

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Nous proposerons le concept de classe d’objets comme cadre d’analyse de certains déterminants (cf. infra). 4 Sur les indications de domaine et sous-domaine et leur application aux dictionnaires électroniques cf. (Mathieu-Colas et al. 1998). Notre description permet l’indication de jusqu’à trois sous-domaines pour chaque lemme (e.g. varicela/D1:dermatología/D2:enfermedades infecciosas/D3:pediatría). 5 Il s’agit d’une indication utile pour hiérarchiser les lemmes d’un dictionnaire en couches de plausibilité d’occurrence des différents termes. Cela permet de ne retenir qu’une des couches pour certains études ou applications. Nous ne développerons pas ici ce concept. Nous renvoyons à (Garrigues 1992). 6 Nous nous servons des codes communément employés dans les travaux du lexiquegrammaire pour représenter les sous-classes de noms, adjectifs, verbes et adverbes composés. 7 Bien que l’essentiel d’une terminologie soit formé par des noms, nous pensons que les termes non nominaux (essentiellement, verbes, adverbes et adjectifs) ont également une grande importance dans la constitution d’une terminologie. Nous les traitons dans le cadre des grammaires locales représentant les classes d’objets, cf. infra. 8 Dont 2 436 correspondent à la contraction del et 19 à al. 9 Plus de 600 avec plusieurs occurrences du déterminant EL : estenosis adquirida del conducto del oído externo, músculo transverso del pavellón de la oreja, vaina del tendón del músculo flexor radial del carpo. 10 On pourrait encore ajouter à l’inventaire d’éléments déterminatifs prés ents à l’intérieur de noms composés une occurrence de l’intensif muy (lipoproteínas de muy baja densidad), une quinzaine d’occurrences du quantifieur múltiples (síndrome de múltiples operaciones, trastorno por consumo de múltiples sustancias) et une trentaine d’occurrences de la particule négative no (atrofia no flácida del tímpano, trastorno no orgánico del sueño, epilepsia no convulsiva). 11 Nous excluons d’emblée les formes qui ne comportent pas de position admettant un déterminant : NA (32,77 %), (NA)A (9,86 %), ((NA)A)A (1,04 %), NN (1,53 %). Sur la représentation morphologique des noms composés, cf. (Mathieu-Colas 1996). 12 Dans le cadre d’un dictionnaire qui couvre l’anatomie, la notion de partie du corps exigera sans doute des sous-divisions ultérieures. Pour l’instant, nous adoptons un concept large de , qui englobe des noms d’os, de muscle, d’organes, de parties d’organes… 13 Sur ces concepts, cf. (Blanco ; Buvet & Gavriilidou 1999). 14 Sur le concept de classe d’objet cf. (Le Pesant & Mathieu-Colas 1998), sur l’exploitation de ce concept pour l’étude de la détermination, cf. (Buvet 1998). 15 Il faudrait faire deux observations importantes par rapport à cette typologie. Premièrement, la catégorie des déterminants définis ne peut pas être mise au même pied que les autres, car elle exige souvent un cadre d’analyse transphrastique. Des travaux sur l’application des classes d’objets à l’étude des relations transphrastiques ont été faites par (Le Pesant 1996). Deuxièmement, la catégorie des quantifieurs doit être sous-divisée en plusieurs souscatégories, dont les déterminants cardinaux, les déterminants adjectivaux et les déterminants nominaux. À l’intérieur de ces sous-catégories, des distinctions ultérieures doivent encore être réalisées, e.g. déterminants nominaux de masse (un miligramo de penicilina) vs déterminants nominaux de volume (un litro de sangre). Sur les sous-classes de déterminants nominaux, cf. (Buvet 1994). 16 Nous ne considérons que deux sous-classes correspondantes à , face à d’autres sous -classes regroupant les tubes, seringues, instrumental optique, etc. 17 Sauf dans l’interprétation correspondante à “une sorte de”.

DÉTERMINANTS DANS UN DICTIONNAIRE DE MÉDECINE

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Comme beaucoup de classes d’humains, ces noms sont des prédicats — ser (médico + enfermero + anestesista) — , mais apparaissent le plus souvent en position d’argument : el médico (atendió + curó + visitó) a su paciente. 19 Mentionnons aussi un verbe support particulier dar, qui présente la particularité d’avoir le N comme N0 et l’humain comme N1 : le dio un infarto ; si a un niño vacunado le da varicela, ésta sera muy leve. 20 Patrick Charaudeau avait fait remarquer une situation semblable pour le français où DU/UN/LE apparaîtraient en distribution complémentaire (avoir de l’asthme ; avoir un rhume ; avoir la varicelle). Il propose appeler les premières maladies chroniques (à crises répétitives), les deuxièmes maladies localisées et les troisièmes maladies conçues comme une substance (qui prendrait possession de la totalité du sujet malade) (Charaudeau 1992 : 185). 21 Sur un corpus de 20 Mb, plus de 1 200 structures con face à 80 structures con . 22 Nous ne tenons pas compte ici des déterminants génériques qui exigent la prise en compte de relations transphrastiques et/ou référentielles. 23 Nous mentionnons uniquement les sources dont nous avons tiré des exemples pour cet article.

LA DÉTERMINATION ET LA PRÉPOSITION DE LIEU À EN FRANÇAIS ANDRÉE BORILLO Université Toulouse-Le-Mirail

Introduction Généralement, la préposition à employée pour exprimer la localisation spatiale, n’est pas supposée exprimer un rapport topologique entre l’entité à localiser – que l’on désigne généralement par le terme ‘cible’ – et l’entité qui sert de repère de localisation – appelée ‘site’. Ceci, contrairement à sur, qui a pour fonction d’exprimer le contact avec un support1 , et contrairement aussi à dans, qui s’emploie pour exprimer l’inclusion topologique (inclusion totale ou inclusion partielle). Avec à, ce qui compte ce n’est pas tant qu’il y ait contact ou pas, inclusion ou pas, c’est que la proximité soit suffisante pour qu’on puisse rapporter la localisation de la cible à celle du site par une sorte d’identification, de coï ncidence spatiale. On dit de la préposition à qu’elle remplit une ‘fonction de localisation’ (Vandeloise 1988). (1) a. b. c.

Paul (cible) est à la cave (site) Paul est au jardin Paul est au grenier

Cependant, pour pouvoir utiliser à dans cette fonction de localisation, il faut que le site auquel il s’applique puisse être capable d’assurer le rôle de repère spatial. Pour cela, il doit remplir plusieurs conditions, notamment : – –

il faut que le terme représentant le site fasse référence à une entité catégorisée comme un lieu ; il faut que ce lieu soit suffisamment spécifié ou facilement identifiable dans son rôle de ‘localisateur’. Cette condition peut se matérialiser par l’emploi de l’article défini (cf. (1) ci-dessus).

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On peut voir que ces conditions ne sont pas requises pour dans ou sur, qu’il est naturel d’employer lorsque le site est représenté par un nom d’objet, et qui plus est lorsque celui-ci est précédé d’un article indéfini : (2) (3)

Met les fleurs dans un vase Il y avait des photos sur une table

Ce sont ces conditions d’emploi de à dans son rôle de préposition de lieu que nous nous proposons d’examiner dans le cadre de cette étude mais nous nous limiterons volontairement aux constructions de type existentiel en être ou il y a – [N0 est à N1], [il y a N0 à N1] – auxquelles viendrons s’adjoindre, occasionnellement, quelques verbes statifs de localisation tels que se trouver, rester ou des verbes d’état résultatif tels que être arrivé à, être parvenu à. Si nous avons fait ce choix, c’est que ces constructions, qui ne se soumettent pas aux conditions habituellement requises, font apparaître la fonction localisatrice de à sous un jour un peu particulier.

1. La préposition à dans sa fonction purement localisatrice 1.1. La préposition à avec des noms désignant des lieux Comme on l’a indiqué plus haut, à s’emploie avec des noms catégorisés comme des lieux, mais à condition que ce lieu soit susceptible d’être individualisé, et donc d’être identifié soit à partir du contexte de la situation d’énonciation, soit à partir d’un savoir partagé sur le monde réel. En effet, il est rare qu’on puisse utiliser à si le nom désignant le site est précédé d’un article indéfini : (4) a. b.

?Paul est à une gare ?Paul est à un café

Ce qui pourrait être amélioré si un ne signifiait pas “un quelconque” mais “un pris dans un ensemble donné” : (4) c.

Paul est à un café mais je ne sais pas lequel

De sorte qu’est jugée acceptable une phrase comme (5), dans laquelle un renvoie à une distribution sur un ensemble précis (“un des deux”) : (5)

Vous croyez être à un pôle, vous êtes à l’autre

DÉTERMINATION ET PRÉPOSITION DE LIEU À

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Généralement la meilleure manière de spécifier un lieu est de lui affecter un nom propre, qui pose l’existence du référent qu’il désigne – nom propre tout seul ou en accompagnement du nom désignant un lieu : (6) a. b.

Paul est à Paris Paul est au parking du Capitole

La spécification peut également passer par une description définie. En effet, la présence de l’article défini devant le nom-site est généralement l’indication que le locuteur et le destinataire sont à même de savoir de quel lieu on parle. Dans certains cas, le site peut être identifié parce qu’il est individualisé par le fait même de la situation d’énonciation. Autrement dit, le contexte d’énonciation et/ou le savoir partagé des locuteurs permet une identification possible du lieu évoqué. C’est ce qu’on appelle définition de ‘familiarité’ ou de ‘identifiabilité’ (Hawkins 1978). C’est le cas des exemples de (1) ci-dessus : (1) a. b. c.

Paul est à la cave Paul est au jardin Paul est au grenier

Grâce au contexte, on comprend qu’il s’agit de la cave, du jardin, du grenier faisant partie soit de la maison dans laquelle on se trouve, soit de celle dont on a parlé, soit de celle dans laquelle vit Paul, etc. Dans d’autres cas, le site constitue un lieu prototypique : (7) a. b. c.

Paul est à la mairie Paul est à la gare Paul est au stade

Dans une ville, on sait qu’il y a généralement une gare, une mairie, un stade, etc. Cette capacité d’identification fait partie d’un savoir général partagé, moins lié à un contexte particulier comme en (1). A ceci près cependant, qu’il faut préciser de quelle ville il s’agit pour pouvoir véritablement identifier le lieu en question. Et ce qui n’empêche pas, bien sûr, que ce savoir conventionnel puisse être précisé de manière explicite, si nécessaire : (8)

Paul est au stade, celui qui vient d’être rénové

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1.2. La préposition à avec les noms d’objets matériels La relation spatiale exprimée par à peut également prendre comme repère localisateur – i.e. comme site – un objet concret matériel (‘objet’ étant pris ici dans un sens très large), mais, dans ce cas, les conditions d’emploi sont encore plus réduites qu’avec un nom de lieu. Non seulement les noms d’objets peuvent difficilement accepter à lorsqu’ils sont précédés d’un article indéfini : (9) a. b. c.

*Paul est à un arbre *Paul est à un poteau *Paul est à un fauteuil

mais, contrairement aux noms de lieu, ils n’acceptent pas l’article défini, même quand ils désignent des objets ayant un caractère de fixité comme un arbre, un poteau, un rocher, etc. (10) a. b. c. d. e.

?Paul est à la chaise ?Le chat est au coussin ?Le vase est à l’étagère ?Paul est à l’arbre ?Paul est au rocher

L’article défini est mal accepté, même si l’on introduit la ressource d’un contexte d’énonciation ou d’un savoir partagé : (11)a. ?Comme tu peux le voir, le chat est au fauteuil b. ?Regarde ! le cheval est au buisson On note cependant quelques possibilités pour à de s’employer avec l’article défini devant des noms d’objets ou de parties d’objets. Par exemple, on peut admettre l’emploi du défini avec à si l’on a affaire à un itinéraire ou plus largement, à un parcours balisé par des objets et si l’on interprète être comme l’état résultatif d’un verbe de déplacement tel que arriver, parvenir, etc. (12) a. b.

Le cheval est (⇒est arrivé) au buisson Paul est (⇒est arrivé) au rocher

C’est sans doute la raison pour laquelle les exemples de (10) peuvent ne pas être considérés comme totalement inacceptables.

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Par ailleurs, on relève assez couramment dans les textes l’occurrence d’expressions telles que : (13) a. b. c. d.

La clé est au clou La pipe est au râtelier La clé est au tableau La veste est au porte-manteau

On pourrait, comme précédemment, voir là un emploi un peu particulier de [être à LE N], à interpréter comme la forme condensée de [être pendu à LE N], [être accroché à LE N], [être suspendu à LE N]. Mais dans ce cas, on peut comprendre qu’un lien pragmatique existe entre l’objet-cible et l’objet-site, le second étant considéré comme le lieu de rangement normal, habituel, du premier (ce qui donne à l’expression un sens proche de “l’objet est à sa place”). De sorte que si le site n’est pas identifiable de manière spécifique – si on ne sait pas de quel clou, de quel râtelier on parle – on peut toujours comprendre l’expression sur la base du savoir que l’on a acquis du lien conventionnel qui lie le site à la cible. D’autres emplois de à avec le défini sont possibles, eux aussi à mettre sur le compte du rapport un peu particulier qui lie cible et site. On sait qu’avec les noms désignant les parties du corps humain ou animal, l’emploi de l’article défini repose sur la propriété bien connue de possession inaliénable : Il incline la tête. Il pose les coudes sur la table. Il tend la main, etc. Cependant, si dans une construction, on affecte à ces noms le rôle de site, on fait assez rarement appel au verbe être ou à un verbe de localisation pour établir la prédication. On leur préfère généralement la tournure avec avoir ou d’autres verbes sémantiquement apparentés comme recevoir, porter, etc : (14) a. b. c.

Paul a des ampoules aux pieds Il a reçu une blessure au visage Il porte un oeillet à la boutonnière

mais il n’est quand même pas impossible de trouver des constructions où la mise en relation cible-site s’effectue par le biais du verbe être ou de il y a : (15) a. b.

Les blessures les plus graves sont au visage Il y a de vilaines blessures à la tête

De toute manière, nous laisserons de côté ces différents cas d’espèce pour nous en tenir à ce qui peut être considéré comme la règle générale : à, dans sa fonction de localisation, ne peut pas s’employer avec un nom d’objet, que

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celui-ci soit accompagné d’un article indéfini ou d’un article défini. À moins, bien sûr, que l’ajout d’un nom propre (16b) ou de certains types de modifieurs (17) ne vienne aider à la spécification de l’objet jouant le rôle de site, et en l’individualisant ne lui permette de fonctionner comme repère spatial : (16) a. b.

?Paul est au rocher Paul est au Rocher de l’Aigle

(17) a. b.

Paul est au fauteuil n°20 Il est à la dernière table, au fond

Nom propre et modifieur apportent à l’objet le trait de caractérisation qui le rend identifiable par rapport à d’autres éléments de la même espèce. Ainsi, il acquiert la possibilité de constituer un repère de localisation et de jouer le rôle de site. Ainsi, il devient en quelque sorte assimilable à un lieu. Remarque : distinction entre les noms de localisation interne (NLI) et les noms de composantes (Ncomp). Cette fonction de localisation de à qui, on vient de le voir, permet de faire la distinction entre les noms désignant des objets matériels et les noms désignant des lieux, peut également aider à distinguer deux types de partition que l’on fait généralement sur les objets, les ‘zones de localisation’ et les ‘composantes fonctionnelles’ (Borillo 1999). Pour ce qui concerne les composantes fonctionnelles, on peut voir que l’emploi de la préposition à est tout aussi problématique avec le nom qui désigne une partie de l’objet (Ncomp) qu’avec celui de l’objet pris dans sa totalité, e.g. dossier/chaise, branche/arbre, anse/tasse, etc. (18) a. b.

*La veste est à la chaise *La veste est au dossier de la chaise

(19) a. b.

*lI y a un oiseau à l’arbre *lI y a un oiseau à la branche de l’arbre

Il semble donc que les composantes d’objets n’aient rien de plus que les objets eux-mêmes qui puisse les faire fonctionner comme repères spatiaux, i.e. comme des sites. Tout comme pour les objets dont ils représentent des parties, il faut utiliser avec ces noms une préposition topologique (sur, dans), qui soit à même de préciser la position de la cible par rapport à la partie en question : (20) a. b.

La veste est sur le dossier de la chaise Il y a un oiseau sur la branche de l’arbre

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En revanche, pour les zones de localisation interne des objets, la situation est tout à fait différente, car les noms qui les désignent, (NLI), se construisent pratiquement tous, et de manière très naturelle, avec la préposition à. Et ceci, qu’il s’agisse de zones découpées sur des objets (21) ou sur des lieux (22) : (21) a. b. c.

La lampe est à l’angle du bureau Les papiers sont au fond du tiroir Le vase est au bord de l’étagère

(22) a. b.

La maison est au bord du lac Il y a de moutons au sommet de la colline

Avec un NLI, à a donc une fonction de localisation quelle que soit l’entité à laquelle ce nom se rapporte. Cela signifie qu’une zone de localisation prise sur un lieu ou sur un objet matériel se comporte toujours comme un lieu. Ce qui pourrait s’expliquer par le fait que sur un objet donné, les différentes zones que désignent les NLI occupent des positions fixes connues. Autrement dit, connaissant un objet, sa forme, sa configuration, on est capable de situer le sommet, le bas, les côtés, le bord.., c’est-à-dire les différents emplacements auxquels renvoient les NLI (Vandeloise 1988 : 134-35) (Aurnague 1998). Ceci constitue l’une des propriétés qui marque réellement la différence entre les NLI et les Ncomp en français.

2. Au-delà de la fonction localisatrice de à Si l’on s’en tient à ces constatations, il y aurait donc en français une règle qui voudrait que à spatial ne puisse s’employer qu’avec un nom de lieu précédé de l’article défini. Cette contrainte s’expliquerait par le fait que dans ce cas seulement, le site est susceptible d’un identification ou d’une individualisation suffisante pour pouvoir jouer le rôle de repère localisateur. Cependant, on constate que cette forme de complément avec à et l’article défini est très courante dans un certain nombre de cas pour lesquels on ne peut pas faire appel à cette notion d’identifiabilité : (23)

Paul n’est jamais chez lui. Chaque jour, il mange au restaurant et il passe ses soirées soit au cinéma, soit au café, quand ce n’est pas au théâtre...

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On pourrait être tenté de considérer ces expressions comme des locutions figées, mais elles sont vraiment très nombreuses en français et le verbe peut varier de manière assez sensible. Il est vrai que beaucoup d’entre elles se construisent sur le même modèle [être à LE N], qui de fait peut servir de modèle de base donnant la forme la plus représentative de ce type de localisation. Ce qui n’empêche pas certaines de ces expressions de fonctionner par ailleurs avec d’autres verbes liés sémantiquement à être : – – –

verbes causatifs : garder, mettre, se mettre ; verbes statifs : rester, passer son temps, se trouver ; verbes de déplacement : aller, passer, etc.

C’est ce modèle [être à LE N] que nous voudrions maintenant examiner plus attentivement, en particulier pour mettre en évidence le rôle conjoint de la préposition à et de l’article défini précédant le nom-site. Dans la construction [être à LE N], le rôle de site est généralement rempli par un nom de lieu : (24)

Être à la plage, à l’école, au couvent, à la maison, à l’hôpital, au bureau, etc.

Mais ce rôle peut également être tenu par un nom d’objet qui, de ce fait, devient un repère de localisation : (25)

Être à la fenêtre, au lit, au téléphone, au tableau, au volant, à la poubelle, au fourneau, au piano, etc.

On constate que dans de telles expressions, à n’exprime pas seulement une localisation spatiale. Ce qui est évoqué par la mention du lieu, c’est également – et même peut-être avant tout – l’activité ou l’état que l’on attend de voir normalement s’y réaliser : (26) a. b. c. d.

Être à la poubelle pour être évacué Être au téléphone pour entrer en communication avec quelqu’un Être à la fenêtre pour regarder au dehors Être au volant pour conduire (une voiture)

Pour caractériser ce type d’expression, Vandeloise utilise le terme de ‘routine’ ou de ‘rituel social’ : “a est à b, si a et b sont associés spatialement dans une routine sociale” (Vandeloise 1990 : 169). On pourrait également parler de ‘script sous-jacent’, ou en se plaçant dans une perspective de

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Structure de Qualia (Qualia Structure), à la suite de Pustejowsky, parler de ‘rôle télique’ (Telic Role). De même que l’on peut dire de certains objets, notamment des artefacts, qu’ils ont parmi leurs propriétés un trait qui correspond à une fonction, à un rôle télique (ex. pour un gâteau, [télique = manger], pour cigarette [télique = fumer], pour livre [télique = lire ]), de même, on peut dire de certains lieux qu’ils sont conventionnellement associés à une activité, à un état , à une manière d’agir, etc. Ainsi, nommer le lieu est une manière d’évoquer un type d’activité qui a l’habitude de s’y dérouler, une façon d’agir ou de se comporter que l’on a l’habitude de voir s’y développer.

3. La construction [être à LE N] et ses différentes interprétations Si l’on relève dans des productions écrites de genres divers – telles qu’on les trouve par exemple dans Frantext – les très nombreuses réalisations de la construction [être à LE N ] où N est un nom concret désignant un lieu ou un objet physique, on constate que, selon le cas, deux interprétations différentes peuvent être données : –



soit il faut l’interpréter comme un prédicat de sens spatial, dans lequel l’article défini donne à l’expression une valeur référentielle – nous parlerons alors de ‘sens spatial référentiel’ ; soit, au contraire, il faut l’interpréter comme un prédicat dans lequel l’article défini donne à l’expression une valeur générique dans laquelle la mention du lieu ou de l’objet suggère avant tout l’idée d’un état ou d’une activité. Nous parlerons alors de ‘sens fonctionnel’ ou ‘télique’.

Il est important de faire une distinction entre les deux types d’interprétation si l’on veut pouvoir les intégrer dans une analyse automatisée et les traiter comme il se doit : réserver à la première un sens uniquement de localisation spatiale, et donner à la seconde la valeur ajoutée de la fonction télique que le lieu induit de manière protypique, c’est-à-dire la prise en compte de l’activité, du comportement, de l’état qui lui est normalement associé. Sur quoi – sur quels types de critères – peut-on se fonder pour faire la différence ? Le relevé de très nombreux énoncés de type [être à LE N] a permis de mettre au jour quelques facteurs susceptibles d’orienter vers l’une ou l’autre des deux interprétations.

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3.1. Les expressions n’ayant normalement qu’une interprétation Il convient en effet d’isoler tout d’abord les expressions qui n’ont pratiquement que l’une des deux interprétations. On indiquera, à titre d’exemple, des constructions auxquelles on associe presque obligatoirement un sens télique, c’est-à-dire dans lesquelles le sens spatial est minimisé ou ne vient que d’une manière forcée compléter le premier. On peut mesurer ceci au fait que ces expressions ne répondent pas d’une manière très naturelle à la question en où ? : où est N ? (27)

Être au maillot, aux fers, à la porte, au berceau, à la rue, à l’affiche, etc.

Mais même dans ce cas, il n’est pas impossible que le sens spatial soit privilégié, et avec lui la valeur référentielle donnée au site, sous l’influence d’éléments du cotexte (temps du verbe, présence de certains adverbiaux, etc.) : (28)

Voilà une heure que nous sommes à la porte et que nous attendons

Cependant, il faut bien dire que certaines de ces expressions sont devenues de véritables locutions figées et n’ont plus qu’un sens télique, occultant totalement un sens spatial qui a pu exister mais qui n’est guère disponible aujourd’hui : (29)

Être au placard, au trou, au ciel, à la rue, au tapis, etc.

À l’inverse, on peut indiquer un certain nombre de constructions de type [être à LE N] qu’il est difficile d’interpréter autrement que dans un sens spatial faute de pouvoir leur attribuer un sens télique bien précis. Autrement dit, dans les énoncés dans lesquels on les trouve, le site est naturellement interprété comme un lieu spécifique, que le contexte rend identifiable. En général, on peut appliquer les questions de forme où ? ou à quel N ? et le nom-site peut être éventuellement modifié par une relative ou complété par une appositive démonstrative (celui/celle qui ...) : (30) (31) (32)

Être à la cave, au château, au camp d’aviation, au salon, à l’étang, à la frontière, à la barrière, à la rivière Depuis deux jours qu’ils étaient au château, les deux bandits se promenaient le soir... Les enfants étaient à la rivière, à deux pas de la maison

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3.2. Les expressions pouvant avoir deux interprétations De nombreuses expressions de type [être à LE N] ont tendance, selon l’énoncé auquel elles participent, à être prises soit dans un sens simplement spatial, qui donne au site une valeur référentielle, soit dans un sens télique qui enlève au contraire toute valeur référentielle au site. On peut citer des dizaines de telles expressions en français : (33)

Être au lit, à l’école, au café (et autres lieux publics tels que cinéma, restaurant, théâtre, hôtel, église, caserne, couvent, banque, etc...), au piano, au bureau, à la poubelle, au cimetière, à la tribune, au téléphone, au tableau, aux champs, etc.

On peut comparer les exemples (a) et (b) ci-dessous, respectivement interprétables dans un sens spatial et dans un sens télique : (34) a. b.

Tout le village était au cimetière, il n’y avait là que trois gamins Il y avait des années qu’il était au cimetière

(35) a.

Elle se déshabilla si vite qu’elle fut au lit avant que j’eusse ôté mon pardessus Est-ce que, lorsque tu étais au lit et qu’il te soignait, nous avons mis le nez dans ce que vous pouviez faire ?

b.

(36) a. b.

Les enfants étaient à l’école et le village, désert C’était le temps heureux où il était à l’école

Pour certaines expressions, la valeur télique se dégage clairement dans les cas où l’association spatiale avec le site concerne certains objets ou entités : (37) (38)

“Ma fille doit être à l’étable ou dans la cour” dit la fermière Les vaches sont à l’étable. On garda les bêtes à l’étable durant tout l’hiver

L’expression être à l’étable prend selon le cas, un sens référentiel (37) ou non référentiel (38). Dans (38), à l’étable n’est pas très loin du rôle que l’on fait jouer à à la maison pour des humains, au garage pour des véhicules, au port pour des bateaux. Chacun de ces noms représente le lieu attitré du type d’objet ou d’entité avec lequel il est couplé. On retrouve là le même lien pragmatique que dans les exemples donnés plus haut avec certains couples de noms d’objet (13) la clé est au clou, la pipe est au râtelier etc. Ici aussi, pour

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les noms de lieu, la fonction télique est privilégiée si le couplage est établi entre le site et certaines entités qui lui sont naturellement associées. (39) a. b. c.

Paul est à la maison Sa voiture est au garage Son argent est à la banque

Il n’est donc pas surprenant que la distinction entre le sens spatial et le sens télique d’une expression ne soit pas toujours facile à établir. D’autant que lorsque c’est le sens spatial qui ressort, il peut s’accomoder du sens télique que l’on attribue conventionnellement à l’expression. Les deux sens peuvent être exploités conjointement. Par exemple, dans l’exemple (40a) ci-dessous, du fait du cotexte, on interprète l’expression dans un sens spatial, en donnant à à la banque une valeur référentielle. Mais en même temps, du fait que l’expression (aller + s’arrêter + passer) à la banque signifie retirer de l’argent, cette interprétation peut être ajoutée à la première, si elle se révèle pertinente pour la situation concernée. Ce pourrait être le cas par exemple pour (40a) : (40) a.

Ce matin, en allant au travail, je me suis arrêté à la banque

En revanche, on pourrait ne pas donner de valeur référentielle à à la banque dans une phrase comme (40b) dans laquelle l’expression évoque surtout un sens télique (être placé) : (40) b.

Tout son argent est à la banque

Il ne fait pas de doute que pour un certain nombre d’expressions, c’est plutôt le sens télique qui prévaut, de sorte qu’il faut des éléments particuliers qui viennent souligner la réalité d’une situation – et donc attribuer une valeur référentielle au site – pour qu’on arrive à ne leur donner qu’un sens spatial. C’est le cas par exemple pour (41b) et (42b) ci-dessous : (41) a. b.

Phémie, qui n’ avait jamais été au restaurant , paraissait extasiée... Quand ils seront au restaurant, j’irai les rejoindre

(42) a. b.

La fille aînée est au piano et les autres chantent... Elle fut au piano avant moi et s’empara de la partition

Alors que (41a) et (42a) sont normalement compris dans leur sens télique, pour (41b) et (42b), la présence du verbe être interprétable comme un état résultatif, i.e. comme la localisation consécutive à un déplacement non exprimé

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(être signifiant être arrivé) force en quelque sorte la lecture d’un sens spatial. Cette lecture prévaut plus nettementencore avec d’autres constructions du type [quand P(passé simple)] ou avec [une fois à Nlieu] (Borillo 1995) : (43) (44)

Quand elle fut au piano, elle s’empara de la partition Une fois à la tribune, il tenta de trouver un siège pour s’installer confortablement

Conclusions On a pu constater qu’on privilégie le sens télique pour un très grand nombre – peut-être est-ce même pour la majorité – des constructions de type [être à LE N], dans lesquelles N renvoie à une entité matérielle ou un lieu. Il ne faut donc pas s’étonner que à puisse s’employer directement avec les noms abstraits qui représentent l’action ou le processus auquel un lieu ou un objet peut être protypiquement lié : (45)

Être au spectacle, au travail, au repos, au lavage, à la guerre, au mouillage, à la casse, au rebut, etc.

Il est d’ailleurs parfois facile d’établir une relation d’implicature entre les deux types d’expression : (46) a. b. c. d.

Être à l’église ⇒être à la messe Être au bureau ⇒être au travail Être à la poubelle ⇒être au rebut Être à la barre ⇒être à la conduite des affaires

(47)

Ma veste est à la teinturerie, au nettoyage

Mais du fait que la première expression contient un nom concret désignant un lieu ou un objet, elle peut toujours être à même d’exprimer un sens spatial, et donc de conserver un sens référentiel : (48)

Ma veste est à la teinturerie, celle qui est à côté de la pharmacie

Il serait intéressant d’examiner de plus près cette construction [être à LE Nabstrait], de mieux caractériser les propriétés des noms susceptibles d’y entrer et de faire une comparaison plus poussée entre ces expressions et celles

98

ANDRÉE BORILLO

que nous venons de présenter, à base de noms concrets – noms de lieu ou noms d’objets . Pour élargir cette étude, il faudrait également comparer la construction [être à LE N] avec une construction apparemment assez proche, [être en N], qui comporte elle aussi soit des noms concrets matériels, soit des noms abstraits : – –

N concrets : être à la vitrine, en vitrine. Être à la mer, en mer... N abstraits : être à la réparation, en réparation. Être à la guerre, en guerre...

Mais il n’est pas sûr que l’on puisse dégager des éléments de caractérisation qui donnent à chacune de ces constructions une véritable spécificité – car il y a peut-être des effets à mettre sur le compte d’un certain figement aussi bien dans l’une comme dans l’autre. Mais ceci demande à être étudié d’une manière plus approfondie...

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DÉTERMINATION ET PRÉPOSITION DE LIEU À

99

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SUMMARY Normally, in French, the spatial structure [ETRE à LE N], with PP [à Dét N] expressing a referential value, is restricted to location nouns. In this case, Dét must be definite or N be a proper noun: Paul est (à Paris + à la gare + au jardin). As a difference, nouns denoting material objects can hardly accept such a construction, although they are commonly used as spatial landmarks: Paul est (?au fauteuil + ? à l'arbre). However, this type of structure, [ETRE à LE N], this time with no referential meaning, can be found both with location nouns and objets nouns, without any difference between them: Paul est (à la maison + à l'école + à la fenêtre + au tableau + au piano). In this case, although à still expresses a spatial meaning, its role is mainly to suggest an activity linked to the place or the object mentionned (a ‘social routine’ in Vandeloise's terms). Our study will be centered on this latter construction and a comparison will be made with the first one, where the definite article gives the expression a referential value.

NOTES 1

La notion de ‘support’ s’applique au site qui offre de quelque manière que ce soit une résistance à la force de gravité à laquelle est soumise la cible : Le vase est sur la table. Le tableau est sur le mur.

LES DÉTERMINANTS INTENSIFS PIERRE-ANDRÉ BUVET Université de Franche-Comté

Introduction Le présent travail sur les déterminants dits intensifs est une des composantes d’un travail portant sur la description exhaustive de la détermination du français dans le cadre théorique du lexique-grammaire étendu à la sémantique (Buvet à paraître a). Il s’inscrit également dans le cadre du projet DétTAL1 qui concerne plusieurs partenaires européens et dont l’objectif principal est l’amélioration qualitative des systèmes de traduction, notamment en ce qui concerne les contraintes sur les déterminants. Dans un premier temps, nous présenterons les différentes propriétés linguistiques à partir desquelles la catégorie des déterminants intensifs a été fondée, puis nous proposerons une représentation métalinguistique de ce type de détermination et, enfin, nous discuterons de l’intérêt d’une telle formalisation pour un système de traduction. Ces trois points nous permettront de mettre en avant dans notre conclusion la dimension lexicale de la détermination.

1. Caractéristiques des déterminants intensifs Le cadre théorique de notre analyse des déterminants est celui du lexiquegrammaire étendu à la sémantique dont l’un des postulats fondamentaux porte sur la nature de la phrase élémentaire : les relations entre ses principaux constituants sont considérées en termes d’opérateur (ou prédicat) et d’argument ; cf. Buvet (à paraître a), Gross M. (1981) et Le Pesant & MathieuColas (1998). Ainsi, une phrase comme : (1)

Luc aime Ida

102

PIERRE-ANDRÉ BUVET

sera schématisée comme suit : P(1) → aimer ( Luc0 , Ida1 ) Autrement dit, le verbe aimer est assimilé à un opérateur dont les arguments sont Luc et Ida, leur indice respectif (0 et 1) renvoyant à leur position structurale dans la phrase canonique considérée. Remarquons, d’une part, que cette représentation de la phrase diffère fondamentalement de celle qui consiste à l’assimiler à un thème et un rhème inspirée de la logique aristotélicienne et, d’autre part, que les arguments ne sont pas posés comme indépendants les uns des autres ; cf. Harris (1976). Une des conséquences majeures de la bipartition de la phrase simple en termes d’opérateur et d’arguments a trait aux substantifs, puisqu’ils peuvent se répartir dans l’une ou l’autre de ces catégories ; cf. Gross G. & Vivès (1986) et Gross G. (1989). Nous avons fait l’hypothèse que l’analyse de la détermination diffère selon que l’on a affaire à des noms élémentaires (i.e. des noms qui sont des arguments quelles que soient les phrases où ils apparaissent) ou bien des noms prédicatifs (i.e. des noms que l’on considère comme les pivots des constructions à support). Cette distinction relative à la détermination nous a permis de distinguer, pour les seuls noms prédicatifs, celle qui est standard de celle qui ne l’est pas ; cf. Buvet (1999a, 1999b, à paraître a) et infra. Les déterminants intensifs relèvent de la détermination non standard de certains substantifs prédicatifs. Comme leur nom l’indique, les déterminants intensifs2 ont pour caractéristique essentielle de marquer des substantifs (de nature prédicative uniquement) en termes d’intensité3 . C’est le cas d’un des emplois du déterminant adverbial4 beaucoup de. Considérons les exemples suivants : (2) (3) (4) (5)

Luc avait beaucoup de bouquins Luc avait beaucoup d’or Luc avait beaucoup d’idées Luc avait beaucoup d’espoir

Dans ces quatre phrases, trois types d’oppositions, qui ne se recoupent pas, caractérisent les substantifs à droite du verbe avoir : – comptable vs massif : (2) et (4), d’une part, (3) et (5), d’autre part ; – élémentaire vs prédicat : (2) et (3), d’une part, (4) et (5), d’autre part ; – quantifiable vs non-quantifiable : (2), (3) et (4), d’une part, (5), d’autre part.

LES DÉTERMINANTS INTENSIFS

103

Les caractères comptables et quantifiables ne sont pas similaires puisqu’au regard de la question combien ? qui est l’un des critères permettant de délimiter la catégorie des noms quantifiables et des quantifieurs qui s’y rapportent, des substantifs non comptables, i.e. massifs, peuvent être quantifiés, e.g. or dans (3) : (3’)

Combien d’or Luc avait-t-il ? Beaucoup

Outre (3), l’adverbial beaucoup de peut également s’interpréter comme un quantifieur dans (2) et (4) puisqu’il est possible de formuler la question combien ? à partir de ces phrases : (2’) (4’)

Combien de bouquins Luc avait-il? Beaucoup Combien d’idées Luc avait-il? Beaucoup

En revanche, cette question n’est pas compatible avec (5) : (5)

*Combien d’espoir Luc avait-il ?Beaucoup

À l’instar de espoir dans (5), il existe différents substantifs prédicatifs non comptables qui ne sont pas quantifiables et pour lesquels il n’est donc pas possible d’interpréter beaucoup de comme un déterminant quantifieur ; les noms ressortissant à cette description sont dits généralement d’état5 . La valeur de l’adverbial pour de tels prédicats est assimilable à l’intensité forte, i.e. un moyen de “marquer que la qualité observée dans un objet ou un être y existe à un degré éminent” (Brunot 1922 : 692). Nous appelons donc déterminants intensifs tout élément déterminatif qui permet de caractériser un nom prédicatif en termes soit de haut degré comme beaucoup de relativement à espoir soit de faible degré comme un peu de vis-àvis du même nom dans : (6)

Luc avait un peu d’espoir

Ce type de détermination recouvre différentes formes. Remarquons que certaines sont compatibles avec des noms prédicatifs comptables et quantifiables, e.g. des noms d’événement comme pluie dans : (7)

Il y aura de (faibles + fortes) pluies sur toute la France

104

PIERRE-ANDRÉ BUVET

Les modifieurs faibles et fortes associés au prédéterminant de6 constituent ici deux occurrences de détermination complexe dont les valeurs respectives sont l’intensité forte et l’intensité faible relativement à pluies. Les tableaux ci-dessous (cf. Tableaux 1-3), qui s’emboîtent les uns dans les autres en formant une arborescence, présentent, selon nous, les différents types formels de la détermination du français7 : Déterminants déterminants simples déterminants complexes Tableau 1

Déterminants complexes combinatoires libres d’éléments déterminatifs déterminants composés Tableau 2

Luc a acheté cette voiture Luc a acheté une voiture cf. Tableau 2

Luc a acheté toutes ces voitures Luc a acheté une voiture rouge cf. Tableau 3

Déterminants composés déterminants composés non figées

Luc a acheté beaucoup de voitures Luc a acheté une demi-douzaine de voitures Luc a une malchance incroyable déterminants composés figées Luc a acheté un paquet de voitures Luc a acheté une tonne de voitures Luc a une chance de cocu Tableau 3

Les différents déterminants intensifs se répartissent dans tous les nœuds terminaux de cette arborescence. Les seuls représentants de ce type de détermination parmi les (pré)déterminants simples sont des adverbes déterminatifs comme très dans : (8) Luc a très faim 8 En ce qui concerne les déterminants complexes, les intensifs peuvent correspondre à : –

des (pré)déterminants composés non figés du type adverbial comme beaucoup de dans (5) ou énormément de dans :

LES DÉTERMINANTS INTENSIFS

(9) –

Luc a une (*E + forte) fièvre

des (pré)déterminants composés figés du type nominal9 comme une tonne de dans : (11)



Luc a énormément de chance

des déterminants composés non figés dont l’un des constituants est un modifieur libre obligatoire comme une forte dans : (10)



105

Luc a une tonne de travail en retard

des déterminants composés figés dont l’un des constituants est un modifieur figé obligatoire comme une_de cheval dans : (12)

Luc a une fièvre (*E + de cheval)

En ce qui concerne les combinatoires libres d’éléments déterminatifs, les déterminants intensifs rattachés à cette catégorie sont constitués d’un modifieur facultatif, e.g. fort ou méchant dans : (13)

Luc a un (E + fort + méchant) rhume

Remarquons que dans (13) les caractères respectivement libre ou figé des modifieurs énorme et méchant n’influent pas sur le caractère libre de la construction déterminative dans la mesure où l’un comme l’autre sont facultatifs. D’une manière générale, les modifieurs figés sont distingués des déterminants figés. Les premiers ne sont figés que du point de vue de leurs relations avec les substantifs qui les admettent dans la mesure où celles-ci contreviennent aux interprétations qui caractérisent généralement les noms et leurs modifieurs libres. Les seconds sont en premier lieu des déterminants composés10 , i.e. des constructions déterminatives faisant intervenir au minimum un prédéterminant et dont l’agencement des différents constituants est relativement stable ; leur caractère figé est imputable également à l’impossibilité d’analyser leur relation avec les têtes nominales11 . Indépendamment de leur caractère libre ou obligatoire, les différents modifieurs figés à valeur intensive du français peuvent être assimilés à : –

des adjectifs épithètes simples ou composés :

106

PIERRE-ANDRÉ BUVET

(14) –

des compléments de nom : (15)



Luc avait (une peur bleue + un alibi en béton)

Luc a une patience d’ange12

des infinitives : (16)

Ce texte est d’une drôlerie (*E + à se rouler par terre)

Plusieurs de ces modifieurs échappent à cette classification, notamment des noms qui peuvent apparaître directement à droite de certains substantifs : (17)

Luc avait une peur panique de l’eau

Jusqu’à présent, nous avons relevé environ 1000 formes simples ou complexes qu’il est possible d’interpréter comme des déterminants intensifs relativement à certains noms. Du point de vue leur interprétation, nous considérons que ces différentes formes ressortissent uniquement à l’une des deux valeurs suivantes : –

l’intensité forte : (18)



Luc a un (gros appétit + appétit d’ogre)

l’intensité faible : (19)

Ida a un (petit appétit + appétit d’oiseau)

Nous poursuivons cette discussion sur les déterminants intensifs en faisant état de la possibilité de les décrire d’une manière uniforme dans les représentations des phrases où ils apparaissent.

2. Représentation métalinguistique de la détermination intensive Nous avons mentionné ci-dessus deux types de déterminations, dites respectivement standard et non standard, pour les seuls noms prédicatifs. Si l’une comme l’autre ont trait aux contraintes sur les déterminants afférentes aux noms prédicatifs (notamment dans le cadre de constructions à support), la première se distingue de la seconde par le caractère non marqué des

LES DÉTERMINANTS INTENSIFS

107

déterminants qui lui sont rattachés. Ainsi, parmi les différents déterminants compatibles avec le substantif importance dans une construction en avoir : (20) a. b.

Ida a (beaucoup de+ de la + énormément de + un peu de + une certaine + une faible + une grande) importance Luc a une importance (capitale + démesurée + énorme + fondamentale + relative…) pour Luc

seuls les prédéterminants de la et une certaine sont considérés comme standard car leur présence devant le substantif est sans conséquence pour celuici d’un point de vue sémantique. Les autres déterminants sont dits non standard du fait que leur association avec le substantif permet ici de le caractériser en termes d’intensité forte (beaucoup de, énormément de, une grande, une_capitale, une_démesurée, une_ énorme, une_ fondamentale, etc.) ou faible (un peu de, une faible, une_relative, etc.)13 . Jusqu’à présent, nous n’avons distingué que deux catégories sémantiques auxquels ressortiraient les déterminants non standard : l’intensité, d’une part, l’aspect, d’autre part. Pour ce qui est de la seconde, signalons qu’il s’agit souvent de déterminants que l’on interprète comme des quantifieurs et dont la valeur aspectuelle, le fréquentatif, résulte des particularités sémantiques des substantifs auxquels ils s’appliquent ; cf. (Buvet 1999b ; Buvet & Lim 1996)14 . La caractérisation intensive de substantifs prédicatifs n’est pas uniquement le fait de déterminants puisque des verbes supports ou des adverbes peuvent également y contribuer : (21) a. b. c.

Luc avait une énergie débordante Luc débordait d’énergie Luc avait véritablement de l’énergie

Ces trois phrases peuvent être considérées comme équivalentes dans la mesure où toutes les trois mentionnent un état (énergie) relativement à un individu (Luc) porté à un degré élevé. Du point de vue de leurs constituants, ce sont principalement les moyens lexico-syntaxiques mis en œuvre pour exprimer l’intensité forte qui les distinguent : une construction déterminative dans (21a), une variante de verbe support dans (21b) et un adverbe dans (21c). Mel’èuk 1992 considère que l’on a affaire à des collocations dans les deux premières phrases et proposerait d’en rendre compte à l’aide : –

de la fonction lexicale simple Magn dans (21a) : Magn(énergie) = rayonnant ;

108 –

PIERRE-ANDRÉ BUVET

de la fonction lexicale complexe OperMagn(énergie) = déborder.

OperMagn

dans

(21b) :

Pour notre part, nous assimilons l’expression du haut ou faible degré à l’aide d’un opérateur de niveau supérieur dont l’argument unaire est l’une des phrases standard (i.e. non marquées du point vue de l’intensité) à partir de laquelle les phrases non standard ont été construites. Une telle analyse permet d’unifier les représentations de (21a), (21b) et (21c). Nous avons proposé une représentation métalinguistique (RM) des phrases canoniques qui tient compte des spécificités respectives de l’actualisation du prédicat et de celle des arguments ; cf. Blanco & Buvet (1999). Dans de telles RM, les verbes supports et les déterminants standard d’un prédicat nominal ne sont pas pris en compte étant donné qu’ils ne sont pas porteurs de sens 15 . Ainsi, la phrase : (21) d.

Luc avait (de la + une certaine) énergie

qui est considérée comme standard par rapport à (21a), (21b) et (21c), donne lieu à la RM suivante : P(21) → énergi- (Luc0 ) Une telle schématisation tient compte également de la possibilité pour le prédicat d’avoir une forme adjectivale : (21) e.

Luc est énergique

Lorsque les phrases associées à (21d) ou (21e) sont marquées intensivement, i.e. (21a), (21b), (21c) ou encore : (21) f.

Luc est (très + vraiment) énergique

nous proposons la RM suivante : P(21abcd) → INT+ (énergi- (Luc0 )) Le symbole INT+ correspond ici à l’opérateur d’intensité forte dont l’unique variable est instanciée par la RM de (21e) ou (21f). Nous souhaitons montrer maintenant l’intérêt d’une telle formalisation pour la traduction automatique.

3. Traduction automatique français-espagnol L’architecture du système de traduction que nous sommes en train de construire comporte trois composantes :

LES DÉTERMINANTS INTENSIFS

109

– un module de reconnaissance dont l’élément central est un dispositif qui produit une RM à partir d’une phrase canonique de la langue source ; – un module de transfert chargé de transposer la RM relative à la langue source en RM relative à la langue cible ; – un module de génération dont l’élément central est également un dispositif analogue à celui du module de génération si ce n’est qu’il doit spécifier une phrase canonique en langue cible à partir d’une RM relative à cette langue. Nous indiquons ci-dessous (Tableau 4 et Tableau 5) comment le système peut traduire en espagnol des phrases canoniques du français comportant des déterminants intensifs : Analyse Transfert Génération Tableau 4

Luc avait très peur = INT+ (peur(Luc)) INT+ (peur(Luc)) = INT+ (miedo(Luc)) INT+ (miedo(Luc)) = Luc tiene mucho miedo

Analyse Transfert Génération Tableau 5

Luc avait une peur bleue = INT+ (peur(Luc)) INT+ (peur(Luc)) = INT+ (miedo(Luc)) INT+ (miedo(Luc)) = Luc tiene un miedo cerval

Le module de transfert fait appel ici à des dictionnaires monolingues coordonnés. Cela implique notamment que chaque dictionnaire décrivant une langue donnée est doté d’un champ qui présente des équivalents de traduction possibles du lemme et à partir duquel il est possible d’accéder aux dictionnaires de la langue mise en correspondance. Le module de transfert fonctionne donc comme un pointeur qui utilise les dictionnaires électroniques de L1 pour identifier les données lexicales majeures apparaissant dans la RM de la phrase canonique en L1 et, via le champ traduction, donner leur équivalent dans la RM correspondante en L2 de telle sorte que le module de génération puisse utiliser les diverses informations rattachées aux unités lexicales majeures de la RM en L2, afin que le dispositif qu’il comporte puisse aboutir à une phrase canonique en L2, qui sera donc la traduction de la phrase de départ16 . Les autres constituants phrastiques que le prédicat et ses arguments (i.e. les actualisateurs) n’apparaissent donc pas en tant que tels dans les RM ; ils sont soit occultés dans la mesure où leur présence est jugée consubstantielle à celle du prédicat (comme c’est le cas pour les verbes supports et les déterminants standard) soit codés spécifiquement de telle sorte que le système de traduction ne tienne compte de leur caractère plus ou moins idiosyncrasique comme c’est

110

PIERRE-ANDRÉ BUVET

le cas notamment pour les déterminants intensifs. La formalisation que nous proposons pour ce type de détermination permet, d’une part, d’éviter les contraintes sensibles au contexte et spécifique à chaque langue 17 et, d’autre part, de simplifier la mise en regard de L1 et L2. Ainsi, les équivalents espagnols donnés par le système pour les déterminants intensifs une_bleue ou très du nom prédicatif peur (mucho ou un_cerval) sont indépendant de leur forme de départ puisqu’ils ne figurent pas en tant que tels dans les RM des phrases les contenant ; ils ne réapparaissent qu’au niveau du module de génération où sont spécifiés les différents marqueurs intensifs du nom prédicatif miedo.

Conclusions L’encodage des différents déterminants intensifs en L1 ou L2 d’un nom prédicatif donné et leur représentation métalinguistique s’effectue dans des transducteurs élaborés à partir de grammair es locales spécifiques, des classes d’objets18 . Par exemple, la prise en compte de la détermination intensive du nom peur par le système de traduction résulte, entre autres, de la reconnaissance de ce substantif, et de l’un de ces déterminants par l’intermédiaire d’un automate à états finis qui correspond à la grammaire locale des noms de ; cf. (Blanco & Buvet 1999) et (Buvet à paraître b). Une approche lexicale de la détermination est donc sous-jacente à sa prise en charge dans le système de traduction. Autrement dit, nous postulons qu’audelà des propriétés générales des déterminants 19 , il convient de décrire leurs différentes contraintes relatives aux substantifs dont ils dépendent, notamment s’il s’agit de noms prédicatifs. Une telle approche suppose que la phrase soit le cadre d’analyse minimum de la détermination et nécessite des descriptions syntactico-sémantiques complètes des prédicats nominaux (entre autres prédicats) ainsi qu’un recensement exhaustif de leur détermination standard et non standard. Un tel travail est en cours d’élaboration pour l'espagnol, le français, le grec dans le cadre du projet DétTAL et sera bientôt entrepris pour plusieurs autres langues européennes. Signalons également que l’implémentation du formalisme adopté a déjà été expérimenté avec succès et, par conséquent, que le système de traduction que nous souhaitons mettre en place serait effectivement fonctionnel.

LES DÉTERMINANTS INTENSIFS

111

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SUMMARY The intensity terms of high adjective, the predicate is a

is a peculiarity of certain predicates; it characterizes them in or low degree. When the predicate corresponds to a verb or an intensity is marked by adverbs. On the other hand, if the noun, determiners can also work as intensive markers. First, I

LES DÉTERMINANTS INTENSIFS

113

explain the various types of extensive determiners, then I propose a formal representation of the intensity, independently from the shape of the predicates and that of their various markers.

NOTES 1

DétTAL = Détermination et Traitement Automatique des Langues. DINT dans notre classification sémantique des déterminants. 3 Van de Velde (1995 : 144) propose des noms déterminatifs comme niveau ou degré et comportant des modifieurs adjectivaux comme tel, remarquable, rare, élevé, haut, bas, supérieur, inférieur, exceptionnel, médiocre, moyen, etc. pour caractériser les substantifs qui sont compatibles avec des déterminants intensifs. 4 DADV dans notre classification morpho-syntaxique des déterminants. 5 Van de Velde (1995) distingue, en ce qui concerne les noms, les états des qualités ; les premiers seraient moins permanents que les secondes. 6 La forme de est ici de l’article indéfini pluriel des élidé du fait de l’antéposition des adjectifs. 7 Une description détaillée des différentes formes de la détermination est proposée dans Buvet (à paraître). 8 La possibilité de commutation avec des déterminants complexes une_terrible, une_de loup confirme l’interprétation déterminative de très dans (7) ; cf. Gross G. (1995a) pour une discussion sur ce point. 9 Cf. Buvet (1993, 1994, à paraître) et Flaux (à paraître). 10 Selon Gross G. (1996a) “les notions de composition et de figement ne sont pas synonymes”. La composition a trait à des configurations d’éléments suffisamment stables pour que des valeurs constantes leur soient globalement associées. Le figement résulte de l’impossibilité (totale ou partielle) de rendre compte des relations entre les différents constituants d’une structure donnée sur le plan syntaxique ou sémantique. 11 Une autre classe de phénomènes, distinctes de celles que nous venons de mentionner, a trait à l’interaction des notions de figement et de détermination : les déterminants dans les expressions figées, e.g. la dans Luc a pris la poudre d’escampette. Sur ces différents faits de langue; cf. Blanco, Buvet & Gavriilidou (1999), Buvet (à paraître a) et Gross G. (1 995a, 1996a) 12 Cf. Buvet (1996), Buvet & Gross G. (1995) à propos de ce type de modifieur. 13 Les définis ne sont pas pris en compte ici. 14 De ce fait, contrairement aux déterminants intensifs, les déterminants non standard qui caractérisent aspectuellement les noms auxquels ils se rapportent ne constituent pas une classe autonome. 15 Les informations de temps, de personnes et de nombres rattachées aux verbes supports sont négligées ici ; il va de soi qu’elles ne peuvent pas être éliminées des RM destinées à être implémentées dans un système de traduction. 16 Sur les potentialités et le fonctionnement des deux autres modules, cf. Buvet (1999a, à paraître b), Buvet & Greenfield (à para ître). 17 Cf. Danlos (1994). 18 Sur les notions de transducteur, de grammaire locale et de classe d’objets, cf. respectivement Silberztein (1993), Gross M. (1995) et Gross G. (1992, 1994, 1995b, 1996b). 19 Sur la description des propriétés générales des déterminants, cf. entre autres, Corblin (1987, 1995) Kleiber (1981, 1990) et Gross M. (1986). 2

GÉNÉRATION AUTOMATIQUE DE DÉTERMINANTS EN ALLEMAND SYLVIANE CARDEY Université de Franche-Comté

PETER GREENFIELD Université de Franche-Comté

Introduction Nous montrerons comment nous sommes parvenus par la recherche de l’algorithme optimal à créer un système permettant d’obtenir la bonne flexion de l’adjectif dans le groupe nominal. On trouve dans les différents manuels de grammaire que : –

l’adjectif précédé d’un adjectif numéral sans déterminant suit la déclinaison forte : (1)



Zwei weitere Tage

l’adjectif précédé d’un adjectif numéral précédé d’un déterminant prend la déclinaison faible, par exemple au génitif pluriel : (2)

Der vier (Adj -en) N

Aussi, à partir de ces données, on peut déduire à l’inverse que si l’adjectif a une déclinaison faible et qu’il est précédé d’un adjectif numéral alors il sera également précédé d’un déterminant. Ceci nous intéresse, entre autres, en correction automatique au cas où le déterminant serait oublié, la machine pourrait le signaler automatiquement. Nous avons eu à représenter des cas parfois très particuliers comme : –

si l’adjectif est précédé de folgend et que nous avons un singulier alors l’adjectif aura une déclinaison faible mais si le genre est pluriel alors la déclinaison est forte et encore plus complexe, si le cas est le génitif alors la déclinaison peut être soit forte soit faible.

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SYLVIANE CARDEY & PETER GREENFIELD

Notre système peut aussi dire quand il ne doit pas y avoir d’article c’est-àdire quand la place est vide.

1. La génération automatique de la flexion de l’adjectif qualificatif 1.1. Le corpus Un corpus a été constitué représentant tous les cas de la déclinaison de l’adjectif en allemand. Il est vrai qu’ici nous fonctionnons dans un système complexe mais clos. Nous en donnons, ci-dessous, un extrait qui montre la complexité du système (certains exemples peuvent paraître rares ou viellis) : exemple(25,’etwas warme Speise’). exemple(26,’sie möchte mehr rote Rosen’). exemple(45,’in welcher aufregenden Stunde...’). exemple(47,’welcher andere Text’). exemple(48,’welche reizende Frau’). exemple(50,’beider jungen Menschen’). exemple(51,’fern von aller spöttischen Überlegenheit’). exemple(56,’bei allem bösen Gewissen’). exemple(60,’die Spitzen einiger grossen Radnägel’). exemple(64,’die Filme einiger guter Filmemacher’). exemple(65,’die Filme einiger guten Filmemacher’). exemple(66,’einiger poetischer Geist’). exemple(67,’nach...einiger erfolgreicher Zurwehrsetzung’). exemple(68,’einiges milde Nachsehen’). exemple(69,’einiges geborgenes Mobiliar’). exemple(70,’bei einigem guten Willen’). exemple(71,’einigen poetischen Geistes’). exemple(72,’einiges poetischen Geistes (rarement)’). exemple(73,’etliche schöne Bücher’). exemple(74,’die Taten etlicher guter Menschen’). exemple(75,’die Taten etlicher guten Menschen’). exemple(76,’etliche schöne getriebene Becher’). Ce corpus qui compte 148 exemples présente les 148 possibilités de déclinaison.

GÉNÉRATION AUTOMATIQUE DE DÉTERMINANTS

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1.2. Les conditions et opérateurs Comme nous n’allions pas réinventer la roue, nous avons consulté un certain nombre de manuels de grammaire linguistique ou non et nous avons obtenu des données, des règles plus ou moins en vrac. Un extrait des conditions est donné ci-après. /* c(Condition_Name,Condition). */ : c(1110,`L’ADJECTIF EST PRECEDE DES MOTS SUIVANTS SANS ARTICLE einzeln, gewiss, zahlreich, verschieden, übrige, derartig, letztere, obig, selbig, sonstig, etwaig, ähnlich, besagt, sogenannt, gedacht, ungezählt, unzählbar, unzählig, zahlos, zahlreich, weiter(e) ). c(1170,`LE CAS EST : -LE DATIF MASCULIN ou NEUTRE OU -LE GENITIF PLURIEL`). c(1231,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un ADJECTIF NUMERAL`). c(1232,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : de ETWAS ou de MEHR`). c(1233,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un PRONOM PERSONNEL`). c(1234,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un PRONOM DEMONSTRATIF OU RELATIF`). c(1235,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un MOT INVARIABLE`). c(1236,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un ADJECTIF INDEFINI`). c(1237,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un ARTICLE ou d’un DETERMINANT SE DECLINANT SUR LE MODELE DE L’ARTICLE`). c(1238,`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’AUCUN DETERMINANT`). c(1300,`L’ADJECTIF NUMERAL EST PRECEDE D’UN ARTICLE OU D’UN DETERMINANT SE DECLINANT SUR LE MODELE DE L’ARTICLE`). c(1450,`LE CAS EST : -LE DATIF SINGULIER MASCULIN, FEMININ ou NEUTRE ou -LE NOMINATIF PLURIEL`). c(1550,`LE CAS EST LE DATIF SINGULIER`). c(1700,`L’ADJECTIF INDEFINI EST DECLINE`). c(1741,`all`). c(1742,`ander`). c(1743,`einig`). c(1744,`etlich ou etwelch`). c(1745,`folgend`). c(1746,`irgendwelch`).

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SYLVIANE CARDEY & PETER GREENFIELD

c(1747,`manch`). c(1748,`mehrere`). c(1749,`sämtlich`). c(1750,`solch`). c(1751,`viel`). c(1752,`wenig`). c(1753,`UN AUTRE ADJECTIF INDEFINI QUE all, ander, einig, etlich ou etwelch, folgend, irgendwelch, manch, mehrere, sämtlich, solch, viel, wenig`). Nous avions donc une liste de données ordonnées en ensembles de conditions et sous-conditions, ces dernières pouvant à leur tour être première condition de conditions dépendantes d’elles. Ce qui nous donnait une organisation du type donné ci-dessous : L’adjectif est précédé de un adjectif indéfini qui est décliné cet adjectif est all Avec cette liste de conditions, nous avions une liste d’opérateurs du type : /* o(Operator_Name,Operation). */ o(180,`L’ADJECTIF RESTE TEL QUEL MAIS IL PEUT SE DECLINER`). o(500,`LE -C DISPARAIT LORS DE LA DECLINAISON`). o(800,`L’ADJECTIF RESTE TEL QUEL`). o(850,`LE -E PRECEDENT LA FLEXION DISPARAIT`). o(950,`LE -E PRECEDENT LA FLEXION PEUT ETRE ENLEVE`). o(1090,`LE -E PRECEDENT LA FLEXION ou LE -E DE LA FLEXION PEUT ETRE ENLEVE`). o(1490,`AJOUTEZ -EN ou AJOUTEZ LA DESINENCE DE L’ARTICLE DEFINI`). o(1850,`AJOUTEZ -EN OU -E A L’ADJECTIF`). o(1940,`LA DESINENCE -EN SERA EMPLOYEE PLUS FREQUEMMENT QUE -EM`). o(2040,`AJOUTEZ -ER A L’ADJECTIF`). o(2100,`AJOUTEZ -E ou -ES A L’ADJECTIF`). o(2160,`AJOUTEZ -EN A L’ADJECTIF`).

GÉNÉRATION AUTOMATIQUE DE DÉTERMINANTS

o(2230,`AJOUTEZ -EN ou -ER A L’ADJECTIF`). o(3120,`AJOUTEZ -E`). o(3145,`L’ADJECTIF PREND LA DESINENCE DEFINI`)

DE

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L’ARTICLE

Les opérateurs pouvaient parfois être eux-mêmes des conditions qui envoyaient à d’autres opérateurs comme par exemple les différents types de déclinaisons dites faible, forte ou mixte à leur tour organisées en conditions et opérateurs en fonction du système des cas. Si l’on prend dans un extrait de l’algorithme général ci-dessous, la condition c(1235), on peut voir qu’elle envoie à l’opérateur algorithmique a(3310) qui donne soit l’opérateur final par défaut o(2160) soit l’opérateur o(3145) si la condition c(3311) est retenue. 1.3. L’algorithme Ces données, conditions et opérateurs, ont été organisées de façon algorithmique, ce qui n’a pas été forcément simple. Nous avons pour cela utilisé notre théorie SyGuLAC (Cardey, 1987), (S. Cardey, 2000) que l’on retrouve dans nombre des travaux du centre Tesnière : Studygram (Greenfield, 1993), Labelgram (El Harouchy, 1996), TACT (Hong, 1997), (Al Shafi, 1996) et Multicodict (Greenfield, 1999) pour les plus importants. Nous donnons un extrait de l’algorithme ci-dessous. root_algorithm(a(10)). a(10, [ : l(c(1231), a(3310), [ l(c(1300), o(2160), [ l(c(3210), o(3120),) ]) ]), l(c(1232), o(3145), [ l(c(3310), o(2160),) ]), l(c(1233), a(3310), [ l(c(1450), o(1490),)

120

SYLVIANE CARDEY & PETER GREENFIELD

]), l(c(1235), a(3310),), l(c(1236), a(3310), [ l(c(1700), a(3210), [ l(c(1741), a(3210), [ l(c(1810), o(1850),) ]), l(c(1742), a(3310), [l(c(1900), o(1940),) ]), : ]). a(3310, [ l(c(3310), o(2160),), l(c(3311), o(3145)) ]). 1.4. Exemple Le système a été implémenté (voir extrait ci-dessous) et donnait ainsi la marque de la flexion à ajouter à l’adjectif placé dans un certain contexte, autrement dit soumis, à certaines contraintes, c représentant les conditions, o les opérateurs et a les différents algorithmes : l(c(1236),`L’ADJECTIF EST PRECEDE : d’un ADJECTIF INDEFINI` a(3310), [ l(c(1700),`L’ADJECTIF INDEFINI EST DECLINE` a(3210), [ l(c(1741),`all`). a(3210), [ l(c(1810),`LE CAS EST LE NOMINATIF PLURIEL` o(1850),) ]), l(c(1742),`ander`).

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a(3310), [l(c(1900),`LE CAS EST :LE DATIF SINGULIER MASCULIN ou NEUTRE` o(1940),) ]), l(c(1743),`einig`). a(3310), [ l(c(1960),`einig- EST EMPLOYE AU SINGULIER` a(3210), [ l(c(2000),`LE CAS EST : -LE NOMINATIF MASCULIN ou -LE GENITIF ou DATIF FEMININ` o(2040),]), l(c(2060),`LE CAS EST : LE NOMINATIF ou L’ACCUSATIF NEUTRE` o(2100),), l(c(2120),`LE CAS EST : LE DATIF MASCULIN ou NEUTRE` o(2160),) ]), l(c(2190),`LE PLURIEL`

CAS

EST

:

LE

GENITIF

o(2230),) ]), À partir de cet extrait, prenons un exemple : si l’adjectif est précédé d’un adjectif indéfini, que l’adjectif indéfini est décliné que cet adjectif indéfini est einig que einig est employé au singulier que le cas n’est ni le nominatif masculin, ni le génitif ou datif féminin, ni le nominatif ou

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SYLVIANE CARDEY & PETER GREENFIELD

accusatif neutre, ni encore le datif masculin ou neutre alors l’opérateur est a(3210) et il envoie à l’algorithme du même nom qui nous indique que si le cas est le nominatif masculin, féminin ou neutre ou l’accusatif féminin ou neutre alors on ajoute -e soit opérateur o(3120) sinon on ajoute -en soit opérateur o(2160) Pour conclure cette première partie, on notera que l’algorithme de départ donne 148 chemins possibles qui conduisent aux différentes flexions, un chemin traitant un ensemble qui peut comprendre de 1 à un très grand nombre d’adjectifs. Par exemple hoch appartient à un singleton car il a la particularité de perdre le c quand il est décliné, par contre si l’on prend une ‘règle’ plus générale c’est-à-dire qui s’applique à un grand nombre d’adjectifs alors l’ensemble contient beaucoup plus d’éléments.

2. La génération automatique des déterminants A partir de ce système qui traite de la déclinaison de l’adjectif en allemand et puisque nous savons que la déclinaison se répartit sur les déterminants, les adjectifs et les noms et que tout ceci forme un tout, nous avons voulu essayer de voir s’il ne serait pas possible de générer automatiquement les déterminants qui sont susceptibles d’apparaître dans ces groupes qui vont être soumis à une même déclinaison et plus spécialement prendre telle flexion particulière sur l’adjectif. 2.1. Essai par lecture inversée de notre algorithme principal Au lieu de partir de ce que nous avons appelé condition en vue de trouver une marque de flexion, nous avons fait le chemin inverse. Partant d’un opérateur, nous avons demandé à notre système de nous donner, par exemple, tous les chemins remontant à la racine. Quelques chemins sont donnés ci-après :

GÉNÉRATION AUTOMATIQUE DE DÉTERMINANTS

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[o(2160),c(3310),c(1110),a(1110),c(700),a(10)] [o(2160),c(3310),c(1110),a(1110),c(1110),a(10)] [o(2160),c(3310),c(1232),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1743),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1744),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1745),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1748),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1751),c(1700),c(1236),a(10)] [o(3120),c(3080),c(3040),c(3000),c(1237),a(10)] [o(3120),c(3210),a(3210),c(1700),c(1236),a(10)] Partant de l’opérateur o(3120), on pouvait remonter à a(10) en passant par c(3080), c(3040), c(3000), c(1237) ou encore en passant par c et a(3210), c(1700), c(1236). (cf. 1.3 et 1.4). 2.2. Défaut du système de départ Si nous voulions interroger le système pour trouver une autre information que celle concernant la flexion de l’adjectif, soit dans notre cas “quel(s) déterminant(s) est(sont) susceptible(s) d’apparaître selon telles contraintes ?”, il manquait des informations. Nous avions alors le choix entre donner une autre représentation des données que celle qui avait été faite dans un but précis, c’est-à-dire trouver les désinences de l’adjectif, ou bien nous pouvions créer un nouvel algorithme qui permettrait de générer les déterminants. 2.3. Système final Afin que ce système soit réutilisable peut-être à d’autres fins, nous avons préféré reconsidérer notre premier système et lui ajouter des informations qui peuvent paraître redondantes à première vue mais qui dans la réalité sont indispensables si l’on veut un système multitâche. Par exemple, lorsque nous avions des solutions proposées par l’algorithme pour (voir extrait précédent) l’emploi de all, einig, etc., il était impossible de récupérer la règle générale, nous ne pouvions pas, en lecture inverse, utiliser le cas par défaut, il fallait écrire la donnée (ce cas par défaut) entièrement en notant dans cette même donnée ses exceptions, ce qui pouvait s’écrire de façon grossière : –

un autre adjectif que all et einig conduit à tel opérateur dans un contexte donné.

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SYLVIANE CARDEY & PETER GREENFIELD

De plus il fallait respecter un certain ordre pour la lecture de cette condition qui ne pouvait apparaître qu’avant les cas particuliers all et einig ; cette condition ne pouvant alors plus être utilisée par la suite pour résoudre un autre problème. On voit sur le dernier chemin ci-dessous que, pour avoir les données complètes qui vont permettre de trouver les déterminants susceptibles d’apparaître avec la flexion indiquée par l’opérateur o(3120), une condition c(1753) a dû être ajoutée qui n’était pas dans la représentation de départ qui la traitait par défaut et qui de ce fait n’avait pas besoin d’être explicitement mentionnée. [o(2160),c(3310),c(1110),a(1110),c(700),a(10)] [o(2160),c(3310),c(1110),a(1110),c(1110),a(10)] [o(2160),c(3310),c(1232),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1743),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1744),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1745),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1748),c(1700),c(1236),a(10)] [o(2230),c(2600),c(1751),c(1700),c(1236),a(10)] [o(3120),c(3080),c(3040),c(3000),c(1237),a(10)] [o(3120),c(3210),a(3210),c(1753),c(1700),c(1236),a(10)]

3. Généralisation Cette même base aujourd’hui nous permet de demander à partir de chaque opérateur les contraintes sur le cas ou les contraintes sur le nombre entre autres. Pour l’opérateur o(2230), nous savons que einig, etlich, etwelch, filgend, mehrere, viel peuvent précéder l’adjectif mais on sait aussi que le cas est le génitif pluriel par la condition c(2600). [o(2230),c(2600),c(17..),c(1700),c(1236),a(10)] `einig` `etlich ou etwelch` `folgend` `mehrere` `viel` Pour terminer, nous donnons une représentation symbolique des transformations que nous avons opérées pour parvenir à la génération des déterminants entre autres.

GÉNÉRATION AUTOMATIQUE DE DÉTERMINANTS

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Procedural Representation ↔ Declarative Representation A, B, C : P ENTITY, B ⊂ A , C ⊂ B c(Condition_Name,Condition). */ c(1, entity ∈ A). c(2, entity ∈ B). c(3, entity ∈ C).

/*o(Op_Name,Operation) */ o(1, operation_1). o(2, operation_2). o(3, operation_3).

Procedural form with defaults (conditions with implicit inclusions) SyGuLAC Representation a(1, [ l(c(1), o(1), [ l(c(2), o(2), [ l(c(3), o(3), []) ]) ]) ]).

Conventional Representation a1 : if c(1) then if c(2) then if c(3) then RETURN o(3) else RETURN o(2) fi else RETURN o(1) fi fi

Declarative form with disjoint conditions /* c(Condition_Name,Condition). */ c(1e, entity ∈ A \ B). c(2e, entity ∈ B \ C). c(3e, entity ∈ C \ ∅). SyGuLAC Representation a(1e, l(c(1e), o(1),), l(c(2e), o(2),]), l(c(3e), o(3),)

]). Conventional Representation

a1e : seq if

c(1e)

then

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SYLVIANE CARDEY & PETER GREENFIELD

RETURN o(1) fi; if c(2e) then RETURN o(2) fi; if c(3e) then RETURN o(3) fi

qes

Conclusions Le problème posé par ce type de représentation est de ne rien oublier dans la description des données. Nous savons, nous êtres humains, que si en allemand un mot n’est pas pluriel il est alors singulier. Dans ce type de modélisation, il faut spécifier chaque fois ce genre d’information. Chaque condition générale doit aussi contenir toutes ses exceptions, ce qui fait que ces dernières vont apparaître au moins deux fois car elles sont forcément aussi à soustraire de la règle générale. Par essence, le processus décrit est la transformation d’un algorithme en un modèle auquel on accède de la même façon qu’à une base de données. Il n’y a pour finir plus ni conditions, ni opérateurs, définis à l’avance, chacun pouvant devenir l’un ou l’autre en fonction des besoins de l’utilisateur, en fonction de la question posée. Il faut insister, pour terminer, qu’à partir du modèle complet on peut générer tous les algorithmes particuliers voulus, comme ici par exemple celui qui générera plus particulièrement les déterminants. De plus les lacunes d’un tel modèle sont aisément traçables.

RÉFÉRENCES Bilal, Al-Shafi. 1996. “Le traitement informatique des signes diacritiques, quelles ambiguï tés, quelles solutions”, BULAG 21. Université de FrancheComté. 9-28. Cardey, Sylviane. 1987. Traitement Algorithmique de la grammaire du français. Thèse d’état, Université de Besançon. Cardey, Sylviane & Greenfield, Peter. à paraître. “The SyGuLAC (Systematic Grammar using a Linguistic Algebra and Calculus) calculus applied to morphology”. (Ericeira, Portugal, 16-21 September 2000). El Harouchy, Zahra. 1996. “Vers un traitement automatique des ambiguï tés morphologiques”. BULAG 21. Université de Franche-Comté. 93-103. Greenfield, Peter & Cardey, Sylviane. 1993. “A Platform for Teaching the Morphology of Natural Languages Accessible by Different Languages”. Anais do X Simposio Brasileiro de Inteligência Artificiel. (13-15 octubre). 33-44.

GÉNÉRATION AUTOMATIQUE DE DÉTERMINANTS

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Greenfield, Peter et al. à paraître. “Conception de systèmes de dictionnaires de collocations multilingues, le projet MultiCoDiCT”. Actes du Colloque International Aupelf-Uref (Beyrouth, 11-13 novembre 1999). Hong, Mi-Seon. 1997. “Dictionnaire coréen-français pour la traduction automatique”, Actes du Colloque International FRACTAL, BULAG numéro spécial. (Besançon, 10-12 décembre 1997). 215-225.

SUMMARY The German nominal group should be marked with the inflexion appropriate to the function that it occupies. Starting from a system which has already been implemented and which allows one to find the correct inflexion of adjectives or substantivised adjectives in context, we have exploited this system in trying to generate or correct automatically pre-adjectival determinants occurring in nominal groups. The adjective’s inflexion depends not only on the case but also on the preceding determinant.

LA DÉTERMINATION DANS DES ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS EN FRANÇAIS ET EN ESPAGNOL DOLORS CATALÀ Université Autonome de Barcelone

MATÍAS MELLADO Université Autonome de Barcelone

Introduction Dans le cadre de la traduction automatique, la référence à la détermination constitue un thème à débattre. Nous avons été amenés à nous y intéresser, en nous basant sur les recherches de Maurice Gross (Gross M. 1985) pour le français. À cet effet, nous sommes partis de son approche monolingue pour réaliser une étude comparée, au niveau syntactico-sémantique, de l’usage des déterminants dans deux langues et, concrètement, en ce qui concerne les expressions figées. Qu’en est-il à ce niveau de l’emploi ou de l’absence de déterminants ? Observe-t-on dans les deux cas des régularités, des similitudes, des différences ? Pour aborder une étude descriptive, nous ferons, dans un premier temps, quelques considérations générales sur les notions de figement et de détermination, puis, en adoptant une démarche contrastive, nous analyserons les déterminants dans deux catégories d’expressions figées : les verbes et les adverbes composés. Pour ce faire, nous nous baserons sur les travaux de Gross (Gross M. 1986a) et des inventaires lexicaux que nous avons dressés dans le cadre de travaux antérieurs à cette recherche 1 .

1. Notion de figement Longtemps considérées comme des exceptions, les expressions figées, ignorées ou méconnues, constituent cependant un des points forts de la langue. Les études de Maurice Gross, suivies de celles de Gaston Gross, ont permis de mieux analyser ce phénomène syntaxico-sémantique. Ces expressions s’opposent aux constructions libres de ce double point de vue. Une construction libre débouche sur une interprétation littérale car elle tire son sens des éléments qui la composent, la modification de ces derniers ou l’inclusion

130

DOLORS CATALÀ & MATÍAS MELLADO

d’autres termes facilitent ainsi l’actualisation de l’énoncé. Il est à remarquer en outre que les constructions libres ont la capacité de constituer des paradigmes synonymiques. Ces aspects fondamentaux séparent les expressions libres des expressions figées. D’un point de vue sémantique les expressions figées se caractérisent par l’opacité d’une interprétation non-compositionnelle, contrairement aux expressions libres il n’y a pas ici un encodage linéaire. Ces expressions forment un tout et c’est cet ensemble, dont le sens reste à préciser en fonction du contexte discursif, qui doit être pris en considération lors du décodage. Elles apparaissent à première vue comme des ensembles opaques et qui ne facilitent guère de clés d’accès au sens 2 . Faisant référence à cette opacité, G. Gross la présente comme un phénomène scalaire. Ainsi peut-elle être partielle, comme dans les expressions suivantes que nous arrivons à interpréter sans trop de difficulté: (1) a. b.

se creuser la cervelle andar con cien ojos

(2) a. b.

à bras ouverts a ojos vistas

Cependant, elle est totale dans les expressions ci-dessous qui forment un bloc et pour lesquelles le sens ne peut être reconstitué à partir des éléments qui les composent : (3) a. b.

(4) a. b.

finir en queue de poisson “se terminer brusquement” pelar la pava “draguer” [se jeter sur quelqu’un] à bras raccourcis “avec la plus grande violence” [quedarse] a dos velas “sans le sou”

D’un point de vue syntaxique, les expressions figées apparaissent comme un phénomène polylexical dans lequel “deux des termes sont indissociables, autrement dit figés l’un par rapport à l’autre” (Gross M. 1993 : 40). G. Gross ajoute que les mots qui composent la séquence doivent avoir par ailleurs une existence autonome et que, d’autre part, les structures d’une phrase figée ne peuvent faire l’objet d’aucune modification. Il commente à ce sujet :

DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS

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“il faut souligner avec insistance que l’opacité sémantique et les restrictions syntaxiques vont de pair” (Gross G. 1996 :12). Pour définir si une suite est figée, nous avons appliqué les critères syntaxiques définis dans (Mejri 1996) : (5) a. b. c. d. e. f. g.

Marie effeuille la marguerite passivation : *La marguerite est effeuillée par Marie. pronominalisation : *Marie l’a effeuillée. détachement : *La marguerite, Marie l’a effeuillée. extraction : *C’est la marguerite que Marie a effeuillée. relativation : *La marguerite que Marie a effeuillée. interrogation : * Qu’est-ce que Marie effeuille?

De plus, et ce, quelle que soit la catégorie concernée, un autre critère à prendre en considération est la difficulté, voire l’impossibilité d’actualiser les éléments lexicaux qui constituent l’expression, ainsi dans les séquences figées l’insertion d’éléments nouveaux est vraiment très réduite : (6) a. b. c. d. e.

crier sur les toits crier sur tous les toits *crier sur le toit *crier sur nos toits *crier sur les grands toits

Par ailleurs, nous avons pu constater qu’en général, comme le précise G. Gross, les éléments qui composent la chaîne d’une expression figée ne peuvent faire l’objet d’un paradigme, dans le meilleur des cas, comme le souligne Anscombre (Anscombre 1991), sont-ils l’objet d’une faible productivité. À ce sujet, d’après notre corpus, il nous est apparu que ce phénomène était moins fréquent en français qu’en espagnol. Néanmoins, il est des cas, très limités en français, dans lesquels il est possible de trouver un verbe synonyme, alors que le reste de l’expression se maintient : (7) a. b. c.

se dévorer les sangs se ronger les sangs se manger les sangs

En espagnol, cependant, apparaissent des expressions figées présentant un vrai paradigme aussi bien au niveau du verbe qu’au niveau du complément. Dans cette langue nous avons trouvé plusieurs cas de productivité dans les

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expressions figées. Dans l’exemple qui suit, tous les verbes peuvent se construire avec chacun des compléments de la liste : (8)

(armarse + prepararse + organizarse + formarse +montarse) (la gorda + la marimorena + un zafarrancho)

2. Notion de détermination La détermination a fait l’objet de nombreuses analyses. Elle comprend un ensemble de moyens morphologiques servant à actualiser les substantifs. Nous n’aborderons pas son étude en ce qui concerne les arguments élémentaires ni les noms prédicatifs, un certain nombre de restrictions de nature syntaxique ou sémantique affecte les déterminants simples ; nous centrerons notre recherche sur les déterminants dans les expressions figées telles que nous venons de les définir et dans lesquelles, à l’instar de (Gross M. 1985 : 91) nous considérons qu’ils sont eux aussi figés. Ainsi: (9) (10)

prendre (les + *des + *cette) arme(s) il s’est levé (d’un + de ce) bond

Cependant, nous avons observé des modifications de déterminants qui donnent lieu à des expressions que l’on peut considérer comme synonymes. Ainsi dans les phrases suivantes : (11) (12) (13)

arriver (cent + mille) fois faire les (quatre + trente-six) volontés buscarle (tres + cinco) pies al gato

le changement de déterminant cardinal n’implique pas une nouvelle expression. Il s’agit de variantes formelles d’une même expression figée. De même, en espagnol, nous trouvons des expressions synonymes dans lesquelles il y a alternance entre le défini et l’indéfini : (14)

quedarse como (una + la) seda

alors que, d’après notre corpus, ces cas semblent plus rares en français 3 . (15) a. b.

donner (un + le) bal à quelqu’un méchant comme (un + l’) âne rouge

DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS

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Dans d’autres expressions figées, le défini peut alterner avec d’autres déterminants : (16) a. b.

hasta (tal + el) punto que selon (les + toutes) apparences

De ce point de vue, nous avons pu observer en français des cas d’alternance défini-indéfini/adjectif possessif : (17) a. b.

charger (les + ses) batteries suivre comme (une + son) ombre

Toutefois, en espagnol, la grande majorité des variantes oppose l’article défini au non déterminant ou déterminant zéro, alors que nous n’observons pas ce phénomène en français : (18) a. b.

a (E + el) redopelo a (E + el) canto

3. Adverbes composés Dans ce volet , nous présenterons les déterminants des adverbes composés de l’espagnol et du français. Rappelons que la notion d’adverbe généralisé qui sous-tend notre travail peut être représentée par la formule : Adv =: Prép Dét N Modif. Elle englobe, en fait, plusieurs notions de la grammaire traditionnelle comme celles de ‘complément circonstanciel’, ‘complément adverbial’ ou ‘locution prépositionnelle’. Nous n’aborderons pas la détermination dans les classes PCDN et PCPN car leur étude semble se rapporter plutôt à celle des noms prédicatifs qu’à celle des formes figées (Blanco 1998). 3.1. La classe PDETC La classification des adverbes composés établie par Maurice Gross (Gross M.1986) prend en compte la présence ou l’absence du déterminant. Ainsi, la classe PDETC se distingue de PC parce qu’elle comprend un déterminant, même si, en espagnol, il peut être parfois omis comme nous l’avons vu antérieurement.

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Dans la classe PDETC, les déterminants sont variés. On observe una majorité d’articles définis, dans les formes fléchies el, la, los, las ; le, la, les, l’, aussi bien en espagnol qu’en français : (19) a. b.

[examiner N] à la loupe [apurar N] hasta las heces

Les prépositions à et de étant les plus fréquentes, l’article défini masculin singulier apparaît dans la contraction al (a + el) en espagnol et au (à + le) en français, del (de + el) en espagnol et du (de + le) en français. En outre, le français a recours à l’article défini masculin et féminin pluriel : (20) a. b.

al pelo au noir

(21) a. b. c.

ser tonto del bote se tromper du reste être (beau + belle) des plus

Tout apparaît comme un déterminant assez courant, qu’il soit suivi ou non d’un article défini ou d’un adjectif possessif : (22) a. b.

[agir] en toute modestie [hablar] con toda franqueza

Tous les autres types de déterminants bien que présents, sont plutôt rares, ainsi en est-il du cas des possessifs (pour son plaisir ; en mi opinión), des indéfinis (d’un poil ; de un salto), des démonstratifs (à cette occasion ; en estas circunstancias) et des cardinaux (à quatre pattes ; entre cuatro paredes). Ces derniers se combinent occasionnellement avec l’article défini (a las mil maravillas). En espagnol, on note aussi le déterminant lo en général pour les cas où C = : Adj, nous avons alors des adjectifs substantivés ([casarse] por lo civil). 3.2. Les classes PAC et PCA Dans ces classes, le déterminant est normalement E en espagnol. Quand il apparaît , nous avons surtout le défini el : (23) a. b.

[saber] de buena tinta [azotar] a culo pajarero

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(24) a. b.

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[contestar] al buen tuntún [irse] con las orejas caídas

Le possessif occupe une proportion faible (con Poss0 propios ojos ; en su fuero interior). L’indéfini est présent beaucoup plus rarement (en un primer momento ; con un ojo abierto), ainsi que le neutre (lo mejor posible). En français, par contre, même si le déterminant E est le plus courant, on a souvent recours aux articles contractés : (25) a. b.

[se produire] en plein jour [délivrer N] à titre provisoire

(26) a. b.

[se passer] au petit jour [chauffer] au bain-marie

Les indéfinis, quant à eux, suivent de près : (27) a. b.

[vivre] sur un grand pied [observer] d’un œil distrait

D’autres déterminants seraient encore à considérer, comme les possessifs (à mon humble opinion ; pour son compte personnel), les démonstratifs (en ce bas monde ; à ce sujet précis) et les adjectifs indéfinis (tout bien pesé ; toutes dents dehors). La présence des quantifieurs qui est pratiquement nulle dans la classe PAC, et ce, dans les deux langues, est également insignifiante dans la classe PCA (à Dnum mètres près, tres veces consecutivas). 3.3. Les classes PCDC et PCPC En ce qui concerne la classe PCDC, le recours au déterminant zéro est majoritaire en espagnol : (28)

[tratar] a cuerpo de rey

Il apparaît comme étant deux fois plus fréquent que l’emploi de l’article défini : (29)

[viajar] a la buena de Dios

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Alors que les autres déterminants y sont assez rares, on trouve cependant des possessifs (a mi modo de ver), des indéfinis (en un abrir y cerrar de ojos), des démonstratifs (en este orden de ideas) et des adjectifs indéfinis (con todo lujo de detalles). Néanmoins, en ce qui concerne le français, nous observons une fréquence similaire du déterminant zéro et de l’article défini : (30) (31)

[répéter] à longueur de journée [regarder] avec les yeux de l’amour

Les autres déterminants y sont fréquents tout en restant minoritaires, ainsi par exemple les articles indéfinis ou les adjectifs : (32) (33)

[aller] à un train d’enfer [prier] pour un juste retour des choses

Quant aux adjectifs indéfinis et aux numéraux, ils y sont nettement moins nombreux (pour tout l’or du monde, pour cent sous de l’heure). Pour ce qui est de la table PCPC, nous sommes pratiquement dans la situation contraire, le français privilégie le déterminant zéro (34) par rapport a l’article défini (35) qui est minoritaire : (34) (35)

[répondre] de but en blanc [surprendre] les armes à la main

On dénombre aussi quelques articles indéfinis et adjectifs numéraux : (36) (37)

[changer] d’un jour sur l’autre [ouvrir] vingt-quatre heures sur vingt-quatre

En espagnol, le déterminant zéro est courant mais beaucoup moins qu’en français. Par contre le défini et l’indéfini sont aussi fréquents l’un que l’autre : (38) (39) (40)

[ir] de boca en boca [pillar N] con las manos en la masa [quedar] de un día para otro

3.4. La classe PCONJ Dans la classe PCONJ, la présence des déterminants n’est pas fréquente en espagnol, le déterminant E y est donc largement majoritaire (41), après, viennent successivement des articles définis (42), puis, des indéfinis (43) :

DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS

(41) (42) (43)

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[N0hum entra] de golpe y porrazo al fin y al cabo [salir] con una mano delante y otra atrás

Les autres déterminants suivent de très loin, c’est le cas des possessifs (actuar por su cuenta y riesgo), de la forme neutre (para lo bueno y para lo malo) et des adverbes (sin más acá ni más allá). En français, le déterminant zéro (44) occupe une place importante mais l’on trouve aussi des articles définis (45) en proportion semblable aux indéfinis (46) et aux adverbes (47) : (44) (45) (46) (47)

[rester] contre vents et marées [perdurer] dans l’espace et dans le temps [se produire] un jour ou l’autre bien mieux que ça

Les autres formes de déterminants sont à la limite de l’inexistence. Ainsi nous observons une présence faible dans le cas des démonstratifs (à ce titre ou à un autre) des adjectifs (partir bon gré mal gré), des numéraux (de deux choses l’une) et des possessifs (en son âme et conscience). Remarquons que généralement, lorsque l’adverbe composé PCONJ comporte un déterminant pour la première position C, il le comporte aussi pour la deuxième sauf rares exceptions (aux risques et périls) : (48) (49)

[estar] a las duras y a las maduras [arriver] à un moment ou à un autre

3.5. Les classes PECO, PVCO Comme observation préliminaire, signalons que le français recourt à toutes les variétés de déterminants, alors que l’espagnol se limite à l’emploi de l’indéfini, du défini et du determinant E. Ceci dit, l’article indéfini occupe la première position et, de loin, dans les deux langues et les deux classes : (50) a. b. c. d.

solide comme un roc más bruto que un arado [manger] comme un moineau [salir] como un cohete

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Le déterminant zéro arrive en deuxième position dans la classe PVCO (51) et en troisième position dans la classe PECO (52) : (51) a. b.

[s’entendre] comme chien et chat [correr] como alma que lleva el diablo

(52) a. b.

blanc comme neige más muerto que vivo

En fait il apparaît surtout avec des noms propres : (53) a. b.

[N0hum est] riche comme Crésus [N0hum es] más viejo que Matusalén

Le défini vient après, dans la classe PVCO (54) tandis qu’il est situé avant dans la classe PECO (55) : (54) a. b.

[fuir de quelqu’un] comme la peste [acabar] como el rosario de la aurora

(55) a. b.

frais comme l’œil más rápido que el rayo

Citons encore, pour le français, le recours au partitif (lourd comme du plomb ; [fondre] comme du sucre), l’emploi de quelques adjectifs (beurré comme un petit Lu ; [se démener] comme un beau diable), quelques cardinaux (haut comme trois pommes ; [rester] comme deux ronds de flans), ainsi que des possessifs (vieux comme mes robes ; [connaître N] comme sa poche). 3.6. La classe PPCO Il apparaît que le déterminant le plus représenté est le déterminant zéro et ce dans les deux langues : (56) a. b.

[réagir] comme de juste [actuar] como de costumbre

L’article défini arrive en deuxième position : (57) a. b.

[manger] comme à la maison [cambiar] como del día a la noche

DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS

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suivi de près par l’article indéfini, alors qu’il est pratiquement inexistant en espagnol : [entrer] comme dans un moulin

(58)

L’adjectif possessif occupe la position suivante : (59) a. b.

[agir] comme à son habitude [andar] como por su casa

Finalement d’autres déterminants apparaissent en proportion faible en français. Nous parlons des partitifs ([entrer] comme dans du beurre) et des adjectifs (comme au bon vieux temps). 3.7. Remarques sur la traduction Au niveau de la traduction, il semblerait évident qu’avec deux langues aussi proches que le français et l’espagnol, les équivalents présentent des déterminants semblables, c’est le cas, en effet, pour un grand nombre d’expressions. Toutefois, ce n’est pas la règle générale et nous avons observé que, même lorsque les constituants du composé restent les mêmes dans l’autre langue, la forme du composé n’est pas prévisible ; le déterminant présent en français ne se maintient pas toujours dans l’équivalent espagnol, ainsi : (60) a. b. c.

à l’avantage de “en provecho de” aux enchères “a subasta” pour l’amour de l’art “por amor al arte”

Le cas contraire est beaucoup moins fréquent : (61) a. b. c.

en coup de vent “como un torbellino” à bras ouverts “con los brazos abiertos” en douce “a la chita callando”

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D’autre part, l’espagnol présente parfois une alternance, déterminant et non déterminant : (62)

contra (E + la) corriente “contre courant”

En outre, le français utilise souvent le déterminant au singulier alors que l’espagnol emploie le pluriel : (63) a. b.

à la barbe “en las barbas” à (son + l’) aise “a sus anchas”

Par ailleurs, le français a recours au possessif plus souvent que l’espagnol : (64) a.

de toute son âme “con toda el alma” entre ses dents “entre dientes”

Quand les constituants du composé ne sont pas sémantiquement présents, la traduction s’éloigne alors bien davantage et un adverbe composés peut même devoir être traduit par un verbe composé : (65)

[vestirse] de tiros largos se mettre sur son trente et un

Il est donc difficile de trouver des régularités en ce qui concerne la détermination dans les équivalents de traduction.

4. Les verbes composés Dans le cadre de notre recherche, nous avons été amenés à nous intéresser aussi à la détermination dans les locutions verbales. Dans ce cas nous aborderons cette exposition à partir de nos observations sur la fréquence des déterminants dans les quatre classes que nous avons retenues : – la classe C1, dans laquelle l’élément bloqué est en position d’objet direct, apparaît, et de loin, comme la plus nombreuse :

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– la classe CP1, dans laquelle l’élément bloqué est en position d’objet indirect ; – la classe C1P2, dans laquelle les deux compléments sont bloqués, le premier en position d’objet direct et le deuxième en position d’objet indirect ; – la classe C1PN dans laquelle le premier complément est bloqué tandis que le second est libre. 4.1. L’article défini 4.1.1. Dans la classe C1 Dans la classe C1, l’article défini, en introduction d’un complément d’objet direct, se révèle être, avec une grande différence par rapport aux autres, le déterminant le plus employé dans les deux langues et ce sous ses différentes formes : (66) a. b. c. b.

allumer le sang perdre la boussole apretarse el cinturón aguar la fiesta

Cette position est figée en genre et en nombre par rapport à un verbe composé donné : (67) a. b.

prendre (l’ + *de l’ + *les + *un) air echarle (el + *los + *su) guante

4.1.2. Dans la classe CP1 Dans la classe CP1, lorsque le complément d’objet est précédé d’une préposition, l’article défini continue à ê tre le déterminant le plus employé dans les deux langues : (68) a. b. c. d.

taper dans l’œil passer sous le nez andar a la sopa boba poner contra las cuerdas

En outre, dans cette classe nous pouvons observer la propriété que présente l’article défini de se contracter lorsqu’il est précédé des prépositions à et de. Cependant, il nous est facile de constater que, si les deux langues possèdent

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cette propriété en ce qui concerne la rencontre des deux prépositions et des articles définis au singulier, seul le français la maintient avec les pluriels : (69) a. b. c. d. e. f.

rentrer au bercail claquer du bec clamar al cielo chupar del bote bayer aux corneilles coûter la peau des fesses

4.1.3. Dans la classe C1P2 Dans la classe C1P2 les articles définis sont également plus fréquents que les autres déterminants et ce aussi bien en position C1 que C2. (70) a. b. c. d.

jeter l’argent par les fenêtres boire le calice jusqu’à la lie poner el grito en el cielo tirarse los trastos a la cabeza

De plus, dans les deux langues, les formes contractées apparaissent en position C2 : (71) a. b.

saisir la balle au bond llevarse el gato al agua

4.1.4. Dans la classe C1PN Par ailleurs, dans la classe C1PN, l’article défini continue à être l’article le plus employé en position C1 : (72) a. b. c. d.

boucler le bec à quelqu’un mâcher la besogne à quelqu’un dar el día a alguien tirarle los tejos a alguien

4.2. Le déterminant zéro 4.2.1. Dans la classe C1 Après le recours à l’article défini, aussi important dans l’une que dans l’autre des langues étudiées, le corpus nous permet d’observer le cas de l’absence de déterminant dans la classe C1. En espagnol, il met en évidence l’importance de ce phénomène auquel a recours la langue dans la production d’expressions

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contemporaines. À l’inverse, en français, grand nombre des expressions relevées sont archaï ques: (73) a. b. c. d.

chupar cámara dar calabazas tourner bride conter fleurette

4.2.2. Dans la classe CP1 Dans la classe CP1, le recours à l’absence de déterminant est similaire dans les deux langues : (74) a. b. c. d.

payer d’audace rire sous barbe echar en cara barrer para casa

4.2.3. Dans la classe C1P2 Dans la classe C1P2 apparaît, à nouveau, une différence entre les deux langues dans leur recours à l’absence de déterminant. Le déterminant zéro e st relativement fréquent en position C2 dans les structures françaises : (75) a. b. c. d.

acheter blé en herbe changer son fusil d’épaule pasar la noche en vela no dar pie con bola

4.2.4. Dans la classe C1PN Comme dans les classes précédentes, dans la classe C1PN l’absence de déterminant est plus fréquente en espagnol qu’en français et, en outre, dans le cas de ce dernier les expressions proviennent souvent du vieux français : (76) a. b. c. d.

accorder foi à quelqu’un chanter pouilles à quelqu’un atar cabos sobre algo dar coba a alguien

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4.3. L’adjectif possessif 4.3.1. Dans la classe C1 Comme pour le cas précédent, le corpus nous montre, en ce qui concerne l’adjectif possessif, une différence d’emploi dans les deux langues. En français, il apparaît comme étant la forme la plus usitée dans la classe C1, après l’article défini. En espagnol, au contraire, son emploi n’est guère fréquent : (77) a. b. c.

avaler sa fourchette arrêter son cinéma hacer sus pinitos

En outre, dans cette position, en français, l’adjectif possessif peut alterner avec l’article défini sans que cela entraîne une modification de sens, comme dans les exemples : (78) a. b.

charger (ses + les + la) batteries faire (son + l’) affaire

4.3.2. Dans la classe CP1 Dans le cadre même du français, nous constatons que dans la classe CP1 le recours au possessif devient moins fréquent que dans les classes mentionnées précédemment, alors qu’en espagnol son niveau de fréquence continue aussi faible : (79) a. b. c. d.

sortir de son assiette rire dans sa barbe mantenerse en sus trece campar por sus respetos

4.3.3. Dans la classe C1P2 Cette réduction de fréquence de l’emploi continue dans la classe C1P2. À ce niveau, nous avons cependant remarqué une différence dans la distribution, ainsi la présence de cette forme de déterminant est plus notoire en position C1 que C2. En espagnol, au contraire, l’adjectif possessif apparaît dans quelques cas isolés en position C2 : (80) a. b. c. d.

vendre son âme au diable aller son bonhomme de chemin arrimar el ascua a su sardina tirar piedras contra su propio tejado

DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS

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4.4. Les articles indéfinis 4.4.1. Dans la classe C1 En ce qui concerne l’emploi des articles indéfinis, nous observons, d’après notre corpus, que dans certains cas les deux langues peuvent accepter des variantes limitées : (81) a. b.

prendre (des + un + ces + cet + *les) air(s) llevarse (un + algún + muchos + E + *el) chasco(s)

Pour ce qui est de la fréquence, ils se placent en troisième position, après les articles définis et les adjectifs possessifs. En espagnol, ces déterminants arrivent également en troisième position mais après l’article défini et l’absence de déterminant : (82) a. b. c.

faire un four prendre une veste armarse un zipizape

4.4.2. Dans la classe CP1 En français, dans la classe CP1, les indéfinis se placent en quatrième position, très loin derrière les articles définis et l’absence de déterminant et loin derrière les adjectifs possessifs. En espagnol, comme dans la classe précédente, le recours à l’article indéfini se maintient en troisième position mais tout comme en français nous observons la grande distance qui le sépare des articles définis et de l’absence de déterminant : (83) a. b. c.

ne pas céder d’une semelle marcher sur des épines ahogarse en un vaso de agua

4.4.3. Dans la classe C1P2 Dans la classe C1P2 les deux corpus mettent en évidence une différence dans la fréquence d’emploi de ces déterminants. Alors qu’en français la présence des articles indéfinis vient loin derrière les définis, en espagnol nous les retrouvons en troisième position, loin derrière les articles définis et l’absence de déterminant. Cependant nous observons également que, dans les deux langues, ils apparaissent davantage en position C1 que C2.

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chasser des poils sur un œuf mettre des bâtons dans les roues echar una cana al aire jugárselo todo a una carta

4.4.4. Dans la classe C1PN Dans la classe C1PN, l’article indéfini est utilisé dans les deux langues en position C1 et comme dans la classe précédente, alors qu’en français il arrive en deuxième position après l’article défini, nous le retrouvons en troisième position en espagnol où il est à peine employé après l’article défini et E. (85) a. b. c.

conserver une dent contre quelqu’un donner des ailes à quelqu’un echar una mano a alguien

4.5. Les cardinaux 4.5.1. Dans la classe C1 Le recours aux cardinaux est très peu utilisé dans les deux langues. Il apparaît à peine dans les classes que nous avons étudiées, en C1 par exemple : (86) a. b.

voir trente-six chandelles no tener dos dedos de frente

4.5.2. Dans la classe CP1 (87) a. b.

nadar entre dos aguas andar con cien ojos

4.5.3. Dans la classe C1P2 Nous observons ici, tout comme dans la classe C1PN, qu’il peut y avoir des variantes soit du verbe, soit du déterminant mais dans les deux cas les expressions affectées restent synonymes : (88) a. b.

(chasser + courir) deux lièvres à la fois buscarle (tres + cinco) pies al gato

4.5.4. Dans la classe C1PN (89) a. b.

faire les (quatre + trente-six) volontés de quelqu’un dar (siete + cien) vueltas a alguien

DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS

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4.6. L’article partitif 4.6.1. Dans la classe C1 Quant aux formes de l’article partitif, elles sont inexistantes en espagnol. En français il est à remarquer que son emploi est plus fréquent dans la classe C1 : (90) a. b.

abattre de la besogne bouffer des briques

4.6.2. Dans la classe CP1 Dans la classe CP1 nous observons un nombre inappréciable de cas : (91) a. b.

élever dans du coton compter pour du beurre

4.6.3. Dans la classe C1P2 Dans la classe C1P2 sa fréquence n’est guère plus importante, il apparaît en position C1 : (92) a. b.

mettre du beurre dans les épinards amener de l’eau au moulin

4.6.4. Dans la classe C1PN Son emploi dans cette classe est similaire à celui de la classe précédente et dans les deux cas il apparaît en position C1 : (93) a. b.

chercher du suif à quelqu’un donner de l’eczéma à quelqu’un

4.7. Remarques sur la traduction Nous trouvons des cas de traduction littérale dans lesquels les mêmes éléments syntaxiques sont repris dans les deux langues : (94) a. b.

chanter victoire “cantar victoria” boucler le bec “cerrar el pico”

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Il est aussi des cas d’équivalence systématique comme celle de l’article partitif qu’emploie le français et qui se traduit par l’absence d’article en espagnol : (95)

se faire du mauvais sang “hacerse mala sangre”

Mais peut-on pour autant parler de l’existence de régularités en ce qui concerne la traduction des verbes composés ? Nous avons pu observer que ces exemples ne constituent pas la règle générale et nous avons relevé des cas qui présentent des différences dans la référence aux déterminants, ainsi l’article défini de l’expression française peut être modifié en genre et en nombre dans l’expression espagnole correspondante. Il y a aussi des cas où l’article défini de l’expression française correspond un indéfini dans l’expression espagnole : (96) a. b.

crever les yeux “saltar a la vista” coûter les yeux de la tête “costar un ojo de la cara”

Il est à souligner par ailleurs, d’autres cas où à l’article défini de l’expression française correspond l’article zéro en espagnol : (97) a.

se casser la gueule “darse de morros”

En fait, comme nous avons déjà commenté précédemment, les expressions figées constituent un tout, aussi bien dans une langue que dans l’autre, donc syntaxiquement nous ne pouvons chercher de régularités dans les expressions équivalentes. Ainsi à un verbe composé peut correspondre un verbe simple : (98)

ronger son frein “retenerse”

Par ailleurs, nous pouvons trouver des equivalences sémantiques dans des expressions présentant une différence non seulement au niveau de la structure mais qui en outre font référence à des classes d'entités différentes : (99)

ménager la chèvre et le chou “nadar entre dos aguas”

DÉTERMINATION D’ADVERBES ET VERBES COMPOSÉS

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Conclusions Au stade de notre étude contrastive sur la détermination dans deux langues aussi proches que le français et l’espagnol, le corpus que nous avons élaboré ne peut nous faciliter de données exhaustives. Toutefois, d’après nos observations sur l’emploi des déterminants dans les formes composées comme les adverbes et les locutions verbales, nous avons pu constater au niveau syntaxique certaines tendances qui mettent en évidence des points communs mais également des différences. Ainsi, dans les deux langues l’article défini est le plus usité en général. Le français, qui offre un éventail plus varié de déterminants, emploie plus volontiers les adjectifs possessifs et inclut dans son avoir des formes partitives que n’a pas l’espagnol, alors que ce dernier a plus souvent recours à l’absence de déterminant et utilise la forme neutre lo. De plus, la fréquence d’emploi d’un déterminant varie certes d’une langue à l’autre mais en outre, dans une même langue d’une classe à une autre et à l’intérieur d’une même classe en fonction de la position. Dans des expressions figées, les déterminants sont eux-mêmes figés, même s’ils peuvent parfois présenter des variantes. Quant à la traduction de ces expressions qui renvoient à un acquis collectif, c’est l’ensemble qui est à considérer et non pas des éléments détachés, il n’y a donc pas à ce niveau-là non plus d’équivalence régulière à observer.

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SUMMARY In the field of automatic translation, reference to the determination is an important subject of discussion and one in which we are particularly interested. Based on the research of Maurice Gross for the French language, we have carried out a comparative study of the use of determiners in French and Spanish relating to frozen expressions, at a syntactico-semantic level. In this paper, first, we shall present some general notions of fixed forms and determination. Then, using a contrastive approach, we shall examine the determination concerning compound adverbs and compound verbs.

NOTES 1

Le Groupe de Linguistique Appliquée aux Langues Romanes de l’UAB a entrepris la construction d’un dictionnaire électronique d’adverbes et de verbes composés. Ce travail a bénéficié du financement du Ministerio de Educación y Ciencia dans le cadre de l’Action Intégrée HA 1998-0103 Formas de predicados y divergencias de traducción 2 Certaines d’entre elles sont composées d’un élément lexical non reconnu comme mot simple : [s’approcher] en tapinois ; [llegar] en volandas. 3 Cependant, dans d’autres cas, cette alternance donne lieu à des expressions différentes : a la voz vs a una voz ; pour le coup vs pour un coup.

LE CLASSEMENT DES NOMS DE QUANTITÉ 1 NELLY FLAUX Université d'Artois & Grammatica

Introduction De nombreux travaux ont été consacrés aux noms dits ‘de quantité’ (entre autres, Dessaux- Berthonneau 1976 ; Gross 1977 ; Milner 1978, et plus récemment, Buvet, 1993 et 1994 ; Le Pesant 1996 ; Benninger, 1993, 1999 et à paraître). Cependant, le fonctionnement de ces noms n’est pas encore complètement élucidé, ni établi de façon absolument convaincante le principe de leur classement. Je m’intéresserai ici exclusivement aux noms (désormais N DET) qui entrent dans la structure DET1 N1 DE N2 dont le DET1 est indéfini (une multitude d’enfants, des montagnes de linge, certains groupes d’élèves, deux morceaux de beurre, un kilo de pommes, plusieurs jours de marche, une poignée de cerises, un bol de soupe, un ruban de guimauve, une dizaine de timbres, un quart de poire...).Ces structures sont généralement appelées ‘quantitatives’ par opposition aux structures dites ‘partitives’ (un kilo de ces pommes, cf. Milner 1978 ; Kupferman 1999). Elles s’opposent également, bien sûr, aux structures de même forme superficielle mais dans lesquelles N1 ne peut être considéré comme “déterminant” N2 (un fils de paysan)2 . Contrairement à une tradition assez récent e (Gross 1967 et encore Peterson 1999), je ne considérerai pas que la règle dite de ‘cacophonie’ énoncée par les auteurs de la grammaire de Port-Royal et redécouverte par Gross 1967, puisse être invoquée pour rendre compte des SN quantitatifs du type un kilo de pommes. Pour deux raisons ; la première est que, contrairement à ce que l’on observe dans l’exemple fameux il est accusé de crimes horribles qui “alterne” avec il est accusé d’un crime horrible ou avec il est accusé de plusieurs crimes horribles, aucun déterminant indéfini ne peut prendre la place de des ou de du / de dans un kilo de pommes. La seconde est que la différence de structure est trop importante entre un kilo de pommes et un kilo de ces pommes pour qu’il

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soit satisfaisant d’en rendre compte au moyen du seul effacement de des ou de du / de la après de3 . Les N DET sont des noms dépourvus d’autonomie référentielle4 . Cette absence d’autonomie se manifeste par l’impossibilité de fonctionner comme tête d’un groupe nominal à l’intérieur d’une phrase (*j’ai mangé un kilo / *j’ai acheté une dizaine)5 . La construction dite 'dislocation à droite' (j’en veux un kilo, de pommes / j’en ai fait une heure, de natation) est la propriété formelle qui les distingue de manière claire et systématique de tous les autres noms. De leur sens quantitatif, il découle que la plupart, mais pas tous, peuvent apparaître en réponse à une question en combien ? (combien veux-tu de pommes ? – Un kilo). L’emploi d’un nom comme N DET dans la structure DET1 N1 DE N2 se signale souvent par la possibilité de faire précéder l’ensemble du groupe du mot tout (toute une classe d’élèves) ou d’utiliser l’adjectif entier (une classe entière d’élèves). La construction adverbiale en par ou parfois en en caractérise certains types de N DET (les élèves arrivent par centaines). Enfin, l’absence d’adjectif devant le N DET (à l’exception d’un petit nombre, toujours les mêmes : bon, gros, grand, petit, comme dans un bon kilo de viande, une grande journée de ski, une petite heure de marche) signale également qu’on a affaire à un nom qui exprime l’idée de quantité.

1. Quantité ouverte et quantité fermée C’est la principale opposition autour de laquelle se distribuent les différentes classes de N DET. Le référent construit par la structure DET1 N1 DE N2 est, en effet, ou bien ouvert (ou ‘non borné’) ou bien fermé (ou ‘borné’6 ). Ainsi entrent en contraste j’ai acheté une grande quantité de livres et j’ai acheté une centaine de livres ou encore j’ai une montagne de foin à rentrer et j’ai une charretée de foin à rentrer. Cette opposition se signale par une caractéristique logico-formelle fondamentale. 1.1. L’alternance de nombre Lorsqu’il précède un N DET permettant de viser un référent ouvert, le déterminant un est l’article défini et non le cardinal, comme le prouve la possibilité de le remplacer par des et non par deux, trois etc. (j’ai acheté une grande quantité de livres ; j’ai acheté de grandes quantités de livres, où de remplace des devant un adjectif, vs *j’ai acheté deux grandes quantités de livres) ; et de même j’ai acheté (une montagne + des montagnes + *deux montagnes) de livres. Mais des lui-même n’est pas toujours possible. Ainsi le N

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DET infinité ne l’accepte pas ou l’accepte mal (??j’ai lu des infinités de romans ; *j’ai vu des infinités d’étudiants) ; de même, à j’ai lu un grand nombre de romans s’oppose *j’ai lu de grands nombres de romans. Et quand il est possible, le pluriel n’ajoute rien au singulier, sinon une nuance supplémentaire d’emphase, le N DET ayant souvent lui-même un sens hyperbolique. La valeur de vérité ne change pas, que je dise j’ai lu une grande quantité de romans ou j’ai lu de grandes quantités de romans ; ou bien encore j’ai acheté une montagne de livres ou j’ai acheté des montagnes de livres ; ou même j’ai acheté des montagnes et des montagnes de livres. Cette équivalence entre singulier et pluriel résulte de la neutralisation de l’opposition entre ‘un’ et ‘plus d’un’. Seule est exprimée l’idée de quantité, généralement de grande, de très grande quantité ; plus rarement de petite ou de très petite (un soupçon de poivre, un zeste d’humour, une pincée d’ironie) ; jamais l’idée de quantité moyenne, chaque référent visé par la structure DET1 N1 DE N2 en ayant forcément une. Il en découle que les quantificateurs sont naturellement exclus ; aussi bien devant les N DET non figurés, *j’ai acheté (plusieurs + trois) quantités de livres, que devant les N DET métaphoriques : *j’ai acheté (quelques + trois) montagnes de livres). Les noms de quantité fermée fonctionnent à cet égard d’une tout autre façon, comme on le verra ultérieurement (cf. 2). 1.2. Deux sous-classes de N DET exprimant la quantité ouverte Parmi les N DET non figurés permettant de viser un référent ouvert, deux se signalent par des caractéristiques distributionnelles étonnantes : ce sont les noms quantité et nombre. Faute de place, rappelons simplement leur aptitude à fonctionner sans déterminant, j’ai acheté (quantité + nombre) de livres, et la possibilité qu’ils ont de se construire de manière adverbiale, j’ai acheté des livres (en quantité + en nombre), tournures fort proches sémantiquement des deux précédentes. Quant aux N DET métaphoriques, leur étude exigerait, elle aussi, de longs développements. Je me contenterai de signaler ici que contrairement aux N DET non figurés comme nombre, quantité, multitude, infinité, force7 , ils constituent un paradigme ouvert très riche. Du fait qu’ils sont métaphoriques, leur emploi s’accompagne le plus souvent d’un effet hyperbolique supplémentaire. Une des questions qu’on se pose fréquemment à leur propos est celle de savoir quels sont les noms susceptibles, par métaphore, de fonctionner comme des N DET. C’est que, bien évidemment, en dehors des caprices de l’usage (pourquoi un torrent de larmes, un ruisseau de pleurs et pas ??une rivière de larmes ou ??une rivière de pleurs), il existe des contraintes, mais celles-ci ne

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sont pas toutes aisées à cerner. Il est clair que les no ms d’êtres animés sont exclus d’emblée en tant que sujets ‘intentionnels’, qu’il s’agisse de simple quantité, de mesure ou de nombre ; il est clair aussi que les noms concrets non comptables ne sont pas des candidats recevables puisqu’ils dénotent des substances dépourvues de forme propre. Il est clair enfin que les noms abstraits sont exclus, à l’exception des noms dénotant des procès sans sujet (noms dits ‘météorologiques’ comme tonnerre, tempête, cf. un tonnerre d’applaudissements, une tempête de protestations). Mais d’autres contraintes interviennent, dont la détermination est plus hasardeuse : les noms d’objets naturels semblent, par exemple, plus aptes à fonctionner comme N DET que les noms d’objets fabriqués (un lac de sang vs *un canal de sang), mais la distinction entre les deux types de noms d’objets (naturels et fabriqués) n’a pas un fondement toujours assuré.

2. Quantité indéterminée et quantité déterminée La quantité fermée devient déterminée grâce aux N DET de mesure et de nombre (cf. 3). Quant à l’opposition entre quantité indéterminée et quantité déterminée, elle se repère aux relations de compatibilité avec les types de quantificateurs. 2.1. Vrais et faux quantificateurs Les N DET qui permettent de construire des référents fermés mais indéterminés admettent d’être précédés non seulement des vrais quantificateurs (ou, comme on dit dans la littérature, quantificateurs ‘lourds’ ou ‘forts’) mais aussi des faux quantificateurs (dits encore ‘légers’ ou ‘faibles’). Ainsi, on peut dire tout aussi bien j’ai aperçu (quelques + plusieurs + trois) groupes d’élèves que j’ai aperçu (certains + divers + différents) groupes d’élèves. C’est du moins le cas lorsque le nom tête est comptable. Lorsqu’il est non comptable, certaines restrictions interviennent, semble-t-il, sur les faux quantificateurs selon le type du nom tête : ??j’ai fait fondre (certains + divers + différents) morceaux de beurre vs j’ai acheté (certains + divers + différents) morceaux de viande. C’est que les morceaux de viande sont souvent ‘pré-constitués’, pas les morceaux de beurre. En revanche, les N DET qui visent des quantités déterminées excluent catégoriquement les faux quantificateurs, que le nom tête soit ou non comptable : *j’ai acheté (certains + différents + divers) kilos (de pommes + de viande) vs j’ai acheté (deux + quelques + plusieurs) kilos (de pommes + de viande) ; et aussi j’ai acheté (trois + quelques + plusieurs) dizaines de disques

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vs *j’ai acheté (certaines + différentes + diverses) dizaines de disques. Cela se comprend : la mesure et le nombre exigent des déterminants qui expriment une véritable idée de quantité et non pas une idée de qualité ; or les faux quantificateurs ont une signification qui est plus proche de la seconde que de la première8 . 2.2. La quantité indéterminée : groupes et parties Les noms de groupes s’opposent aux noms de parties en ce qu’ils sont incompatibles avec un nom non comptable. Bien entendu, ce nom doit être au pluriel : j’ai acheté un ensemble (de crayons + *de crayon + *de beurre). Ils rassemblent les noms de groupes proprement dits, peu nombreux, (groupe, ensemble, classe...) et les noms collectifs employés métaphoriquement (un régiment de fourmis, une armée de linguistes, un bouquet de compliments)9 , lesquels constituent un paradigme beaucoup plus fourni. Les noms de parties (morceau, bout, fragment, tranche… à l’exception du nom partie lui-même10 ) ne sont compatibles qu’avec des noms non comptables (un fragment de marbre, un bout de tissu). S’il précède un nom comptable, le N DET ne fonctionne plus comme tel (un morceau de vélo), comme le montre le contraste entre j’en ai ramassé plusieurs fragments, de marbre et *j’en ai ramassé plusieurs morceaux, de vélo. Ces deux classes de N DET se distinguent également par la préposition qui introduit la construction adverbiale. Les noms de parties n’admettent que en (j’ai acheté du sucre en morceaux ; j’ai ramassé du marbre en fragments) ; les noms de groupes acceptent par et en (j’ai vu les élèves arriver (par + en) groupes), l’adjectif entier étant réservé à par (j’ai vu arriver les élèves par groupes entiers). Quant aux noms collectifs employés métaphoriquement comme N DET, on ne les trouve en construction adverbiale qu’avec par, souvent “complétés” par entiers (les linguistes arrivaient par régiments entiers). Mais la construction est loin d’être systématique (elle a reçu des bouquets de compliments vs *elle a reçu des compliments par bouquets (entiers)). Le syntagme un groupe d’élèves s’emploie pour désigner des élèves en nombre très divers : il peut s’agir de trois, de dix, de cent élèves ; un morceau de fromage peut viser un morceau de grande, de petite ou de moyenne taille ; mais un kilo de fromage réfère à un morceau de fromage qui pèse un kilo, ni plus ni moins ; et si une centaine d’élèves ne vise pas exactement cent élèves, le nombre d’élèves désignés ne peut varier beaucoup. De même les noms de mesure approximative (une camionnée de betteraves, une poignée de cerises) ne peuvent viser des objets en nombre infiniment variable. Du reste, si on peut dire un groupe de dix élèves, un ensemble de quatre tableaux, un régiment de

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trente linguistes, il est impossible de dire *un kilo de dix pommes, *une dizaine de plusieurs livres (ni *une dizaine de dix livres). Les N DET de nombre et de mesure présentent le référent visé comme exhaustivement évaluable dans toutes ses parties. C’est en cela que le référent est non seulement fermé mais aussi déterminé. 3. Nombre et mesure Les N DET qui expriment le nombre sont beaucoup moins variés que ceux qui marquent la mesure : le dénombrement, qu’il consiste soit à constituer des groupes nombrés soit à fractionner un tout, mobilise un secteur du lexique nettement plus restreint que la mesure, laquelle s’applique aux innombrables dimensions particulières des “choses”. 3.1. Les N DET de nombre Contrairement aux N DET de mesure, les N DET de nombre ignorent la distinction entre sens propre et sens figuré. Deux sous-classes se distinguent : les noms de fractions, et les noms de groupes nombrés. Les noms de fractions, tout aussi nombreux que les déterminants cardinaux eux-mêmes, ne sont compatibles qu’avec un nom comptable au singulier (un quart de pomme, une moitié de vélo, un tiers de seconde, un millième de centimètre : ils peuvent, on le voit, s’appliquer aussi à des noms de mesure exacte). Pour que le pluriel apparaisse, il faut que l’ensemble soumis au fractionnement soit mentionné d’une manière ou d’une autre (parmi les victimes, on déplore un tiers d’enfants). Quant aux noms non comptables, ils sont exclus lorsqu’il n’est pas référence à un tout (*je voudrais un quart de marbre vs dans ce matériau composite, il y a un quat de marbre seulement). Si on en trouve dans le langage des recettes de cuisine (un quart de beurre) c’est que la mention du tout (la pâte d’un gâteau) est toujours implicite. Les noms de groupes nombrés (dizaine, millier...) n’apparaissent, au contraire, que devant un nom comptable au pluriel. Les caprices de l’usage sont nombreux11 . Virtuellement le nombre des noms de groupes nombrés égale, comme les noms de fractions, celui des déterminants cardinaux, i.e. sont en nombre infini, puisqu’ils sont en correspondance avec les entiers naturels. Comme les noms de fractions encore (j’avale les pommes par moitiés), les noms de groupes nombrés acceptent la construction adverbiale en par (on voit les élèves arriver par centaines ; Paul mange des bonbons par dizaines). La construction en en est réservée aux noms de fractions employés avec certains prédicats (j’ai divisé le gâteau en quarts).

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3.2. Les noms de mesure On peut mesurer toutes les dimensions qu’isole la science : la taille, le poids, la surface, le volume, la température, le bruit, la durée, l’âge, le prix, la radioactivité etc. Ces dimensions sont autant de qualités des “choses” et la mesure elle-même est une qualité de qualité, puisque parler d’un poulet de deux kilos, par exemple, signifie que le poulet en question a un poids (qualité) et que ce poids équivaut à celui de deux kilos (qualité de qualité). Ce n’est du reste pas un hasard si les noms de mesure occupent une position quasi prédicative : après les verbes de type mesurer, faire, peser, que l’on peut considérer comme ‘pseudo-copulatifs’ (cet arbre fait dix mètres ; la pièce mesure 20 mètres carrés ; Paul pèse 80 kilos)12 . 3.2.1. Les compléments de mesure Les noms de mesure exacte (kilo, mètre, heure) ou approximative (coudée, poignée...) ont pour caractéristique de pouvoir fonctionner comme complément de mesure lorsque le nom tête est comptable (un bébé de trois kilos vs *du beurre de trois kilos). Il est remarquable que tous les noms comptables dénotant des entités comestibles acceptent les deux constructions : la ‘détermination’ à gauche par un N DET de mesure exacte (deux kilos de poulet) et la complémentation à droite (un poulet de deux kilos). En réalité, dans le premier cas, poulet désigne la matière “poulet”. Les noms de matières ou d’individus massifiables i.e. aisément réductibles à de la matière exigent que la mention de la mesure intervienne à leur gauche mais ne peuvent l’accepter à leur droite. À l’inverse, les noms dénotant des êtres correspondant à de véritables individus, c’est-à-dire non massifiables (ou difficilement), n’acceptent pas la mention de la mesure à leur gauche, mais seulement la complémentation à droite, laquelle exprime comme une caractérisation (*trois kilos de bébé vs un bébé de trois kilos). Si l’on dit sans difficulté trois kilos de pommes c’est parce que les pommes sont destinées à voir disparaître leur individualité propre ; trois kilos de romans est déjà plus étrange, précisément parce que l’individualité de chaque roman résiste davantage à la massification induite par la mesure. La durée pouvant être mesurée, les noms abstraits qui dénotent des entités en rapport avec le temps peuvent se construire avec un N DET de mesure (deux jours de marche ; une heure de natation ; dix ans de bonheur). Seuls ceux d’entre eux qui fonctionnent à la fois comme noms comptables et comme noms non comptables acceptent la mention de la mesure à leur droite (complémentation) : une marche de deux jours / un bonheur de dix ans vs *une natation d’une heure)13 .

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3.2.2. Nature des paradigmes Les noms de mesure exacte créés par la mise en place d’un système de métrologie sont des noms qui n’ont pas d’autre emploi dans la langue que celui de N DET. Les noms de mesure approximative non figurée (coudée, poignée) ont pour particularité de constituer un paradigme homogène morphologiquement : suffixés en -ée (une fois n’est pas coutume) et sans doute clos, bien qu’encore riche et largement utilisé (une bolée de cidre, une charretée de pommes, une camionnée de foin)14 . À ces deux paradigmes s’oppose celui des noms de mesure approximative figurée : c’est la classe très abondante des N DET dits ‘métonymiques’ qui, dans leur emploi propre, désignent des récipients (le plus souvent fabriqués) : un bol de cidre, un camion de pommes, une citerne de fuel, une assiette de soupe, etc. Leur emploi comme N DET se reconnaît à plusieurs constructions, entre autres, la présence possible de l’adjectif plein (un plein bol de soupe) qui leur est spécifique. Les noms de récipients ne sont pas les seuls à indiquer la mesure approximative à titre figuré. Il faut citer aussi, à la suite de D. Van de Velde 1995, les noms de formes géométriques (compatibles seulement avec les noms non comptables, comme carré dans un carré de chocolat ; cf. j’en ai mangé quatre carrés, de chocolat) et les noms de forme d’objets ‘simples’ (ruban dans un ruban de caramel ; cf. donne-m’en plusieurs rubans, de caramel). Avec ce dernier type de noms, il semble que la métonymie se combine à la métaphore (cf. du chocolat en forme de carré et surtout du caramel en forme de ruban). Du coup, la distinction entre N DET et nom tête n’est plus si nette. Ou plutôt l’idée de forme semble entrer en concurrence avec celle de mesure, sinon prévaloir sur elle. On voit comment s’articulent les différentes oppositions qui viennent d’être présentées. Toutes n’entrent pas dans une hiérarchie stricte i.e. non croisée : il en va ainsi de l’opposition propre/figuré, qui se retrouve dans diverses sousclasses. L’étude plus approfondie de la distribution de certaines propriétés syntaxiques (notamment les constructions adverbiales) devrait permettre, par ailleurs, la distinction de sous-classes plus fines : les propositions faites ici ne constituent qu’une esquisse. Mais l’essentiel est la mise à jour de distinctions logico-sémantiques corrélées à des propriétés formelles, qui n’apparaissent pas dans les classements habituellement proposés. Les N DET, y compris ceux qui ne fonctionnent que comme tels, bien qu’ils se distinguent fortement des “vrais” noms, restent fondamentalement des noms : morphologiquement (flexion en nombre) et syntaxiquement (position de complément à l’intérieur ou hors du groupe nominal). De plus, sauf exception, ils exigent un déterminant. En dépit de la variété de leur fonctionnement, ils ont tous en commun qu’à la différence des articles, ils ne suffisent pas à

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actualiser un nom et a fortiori, à la différence des quantificateurs, à le quantifier à eux seuls. Ce qu’ils ont en propre, c’est d’apporter au nom auquel ils s’appliquent à la façon d’un déterminant, une sorte de qualification (la quantité, spécifiée ou non sur le mode de la mesure ou du nombre, n’est autre qu’une qualité), ce qui les rapproche quelque peu des adjectifs : fonction quasi prédicative, en somme.

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NOTES 1

Ce travail est issu d’une réflexion menée en commun avec Danièle Van de Velde pour l’élaboration d’un livre sur les classes de noms en français (à paraître). Je la remercie vivement

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de ses critiques et de ses suggestions, ainsi que Dany Amiot. Merci aussi à Guillemette Tison pour ses encouragements et pour son aide matérielle. 2 Voir N. Flaux (1992 et 1993). 3 Il ne sera pas discuté ici du statut de la préposition de. Cf. à ce sujet le n° 109 de Langue française (1996). 4 Contrairement à un usage assez répandu, je ne parlerai pas de ‘syncatégorématicité ’ à propos des N DET, pas plus qu’à propos des autres noms qui sont dépourvus d’ind épendance référentielle (les noms dits ‘relationnels’ par exemple). Les raisons de la dépendance/indépendance référentielle sont en effet radicalement hétérogènes les unes au autres et on ne voit pas bien ce qui justifie de rassembler ces noms sous un chef commun. Du reste l’étymologie du terme syncatégorématique et son emploi dans la tradition philosophique, de l’Antiquité à Husserl, n’invite pas à un tel usage. Mais c’est là une question qui sera laissée de côté ici, cf. Flaux (1996). Je préciserai seulement que si les noms abstraits ne sont pas aptes à désigner de véritables individus, ils n’en réfèrent pas moins de manière totalement indépendante (on peut toujours construire un énoncé dont le nom tête est un nom abstrait seul, ce qui n’est pas le cas de nos N DET). Toutefois, signifiant des concepts non pas d’objets mais de propriétés, d’événements ou de relations, les noms abstraits n’ont pas l’autonomie conceptuelle des noms concrets véritables. Quant aux noms ‘localisateurs’ (le bord d’un fleuve, la fin d’un spectacle), leur non autonomie a un fondement encore différent. Sur ce point, cf. Flaux & Van de Velde (à paraître). 5 Il existe des “exceptions”, notamment avec le verbe suffire (un kilo suffira). Sur ce point, cf. Flaux & Van de Velde (à paraître). 6 C’est la terminologie employée par plusieurs auteurs ; notamment Bosveld-de Smet (1998 et à paraître). 7 Force comme terme de quantité est considéré par les lexicographes comme ‘vieux’ ou ‘littéraire’. Le Petit Robert (1996) cite J’ai dévoré force moutons (La Fontaine) et Nous nous séparâmes à la porte avec force poignées de main (Daudet). Il n’est pas sans intérêt de signaler également cet extrait d’un texte de Ronsard qui montre que force avait autrefois, lui aussi, un emploi adverbial qui s’est maintenu dans la locution à force de : Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force ? 8 Comme le montre Van de Velde (à para ître). Sur l’opposition entre les deux types de quantificateurs, cf. ce même travail. 9 Sur les noms collectifs, cf. Borillo (1996), Lecolle (1998) et Flaux (1999). 10 Comme le signale Van de Velde (1995). 11 Pourquoi le syntagme une dizaine de livres peut-il viser environ dix livres mais une douzaine d’œufs douze œufs, ni plus ni moins ? Quelques noms se sont spécialisés dans un emploi lexical (neuvaine, par exemple) ; de même certains noms de fractions (demi, tiers). Morphologiquement, on ne voit pas pourquoi huitaine “existe” et pas *septaine. 12 Cf. Flaux & Van de Velde (à paraître). 13 De nombreux travaux ont été consacrés à ces constructions ; outre les textes déjà cités, mentionnons Borillo (1985). 14 Cela n’empêche que de nombreux noms en -ée s’emploient avec un sens pleinement lexical.

STRUCTURES DÉT N1 N2 ET DÉTERMINATION FIGÉE1 ZOÉ GAVRIILIDOU Université Démocrite de Thrace

Introduction La détermination accompagnant un nom peut être libre ou figée. Dans Blanco, Buvet, Gavriilidou (1999), nous avons étudié un cas précis de détermination figée, à savoir les structures du type Dét N Modif (e.g. une peur bleue, un regard qui tue, une histoire à dormir debout) et nous avons essayé d’élaborer une typologie des modifieurs figés. Dans cet article, nous nous proposons d’étudier des structures comme une œuvre monument, une baisse massue, une voix cloche. Nous émettons l’hypothèse qu’il s’agit d’un cas de détermination figée de type Dét N Modif, où N2 joue le rôle d’un modifieur adjectival figé et N1 est le nom tête. Pour vérifier cette hypothèse, nous employons la méthode d’analyse des données adoptée au LLI (Laboratoire de Linguistique Informatique, Paris 13), qui se base sur des tests distributionnels et transformationnels. Nous avons recours également à l’approche syntacticosémantique du lexique élaborée au LLI et au cadre théorique de la ‘grammaticalisation’ (Hopper & Traugott 1993). Dans un premier temps, nous comparons les structures Dét N1 N2 en question avec les constructions Dét N Modif figé, pour mettre en évidence leur points communs. Ensuite, nous présentons les propriétés syntaxiques de ces suites (possibilité de pronominalisation, de coordination d’un Modifieur libre ou figé, etc.). Quelques problèmes liés à la détermination des exemples en question sont également étudiés (contraintes sur les déterminants, combinaisons des déterminants, etc). Enfin, nous examinons les propriétés sémantiques (valeur intensive, atténuative, laudative, péjorative, etc. ) qu’un N2 peut exprimer.

1. Description du cadre syntaxique Le modèle qui sous-tend cet article est l’approche morphosyntaxique développée par Maurice Gross (M. Gross 1986) dans le cadre du lexique-

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grammaire. Ce modèle s’attache à décrire la variété des combinaisons entre les noms-têtes des groupes nominaux et leurs déterminants dans une phrase. En effet, la possibilité pour un substantif donné d’admettre un certain type de déterminants et non un autre dépend d’autres éléments de la phrase dans laquelle il apparaît. Par conséquent, c’est la phrase et non le groupe nominal notre cadre d’analyse pour la détermination. La phrase est, par ailleurs, considérée en termes de prédicat et d’arguments. Cette approche morphosyntaxique tient aussi compte de la dimension syntactico-sémantique de la détermination (Buvet & Blanco 1998), dans la mesure où la sémantique est importante dans l’analyse de la détermination et peut être formalisée sur des bases syntaxiques. Le modèle des ‘classes d’objets’ (G. Gross 1994) est un outil théorique nous permettant d’atteindre la formalisation que nous souhaitons. Dans ce qui suit, nous exposons brièvement les notions de ‘déterminant figé’ et de ‘modifieur figé’. Notons que nous considérons que tous les éléments d’un groupe nominal qui ne sont pas des noms-têtes font partie de la détermination, les modifieurs inclus.

2. La détermination figée La détermination figée constitue une séquence de mots graphiquement discontinue, dans laquelle on peut constater une relation sémantico-syntaxique idiosyncrasique entre le nom-tête (le terme déterminé) et les éléments déterminants. Parmi les cas de détermination figée on peut énumérer : –



les ‘déterminants nominaux figés’, qu’il s’agisse des figuratifs (une pluie de projectiles), des métaphoriques (une armée de photographes) ou des hyperboliques (un million de problèmes) (Buvet 1993 ; cf. aussi Blanco 1998 ; Gavriilidou 1998a) ; les suites Dét N Modif figées comme une peur bleue, une mémoire d’éléphant. Dans ce cas, le modifieur peut prendre la forme d’un adjectif (une colère noire), d’une suite Prép N (un bonheur sans nuage, une fièvre de cheval) (Blanco 1996 ; Gavriilidou 1998b), d’une proposition relative (un regard qui tue), d’une suite Prép Vinf W (une histoire à dormir debout) et parfois d’une phrase figée à l’impératif, comme en grec : êáôÜóôáóç âñÜóå üñõæá (“situation à faire cuire du riz”) voulant dire situation étrange.

Ici nous soutenons que, dans ce catalogue d’éléments linguistiques qui fonctionnent comme modifieurs adjectivaux figés, on pourrait ajouter les N2 de

STRUCTURES DÉT N1 N2 ET DÉTERMINATION FIGÉE

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certaines structures du type Dét N1 N2. Examinons, maintenant, quels sont les N2 qui peuvent jouer ce rôle.

3. Les structures Dét N1 N2 La question qui se pose ici est la suivante : est-ce que tous les N2 des structures du type Dét N1 N2 sont susceptibles d’être considérés comme des modifieurs figés ou ce rôle est-il limité à certains d’entre eux ? Dans Gavriilidou (1997), nous avons soutenu qu’il y a trois classes distinctes des suites Dét N1 N2 d’un point de vue syntactico-sémantique : les suites formées par coordination (un architecte-archéologue), les suites formées par complémentation (le centre-ville) et celles formées par attribution (une baisse massue). Dans le premier cas, le N2 est coordonné au N1 et joue, lui aussi, le rôle d’un nom-tête. De ce fait, nous ne pouvons, en aucun cas, soutenir qu’il s’agit d’un modifieur figé, dans la mesure où, comme nous l’avons dit plus haut (cf. 1), seuls les éléments qui ne sont pas des noms-têtes dans le groupe nominal font partie de la détermination d’un nom. Dans le cas de la complémentation, N2 constituant le complément du N1, qui est le nom-tête, ne peut donc pas être analysé en tant que modifieur figé, puisque c’est un argument du nom-tête. Par ailleurs, la dérivation des suites comme centre-ville d’une phrase du type la ville a un centre ne nous permet pas de traiter ville en tant que modifieur. Par conséquent, ce n’est que la troisième classe des structures Dét N1 N2 qui peut être considérée comme un cas de détermination figée de type Dét N Modif. Le N2 est alors un modifieur adjectival figé. Il y a deux questions auxquelles nous devons répondre maintenant. Premièrement, quels sont les critères nous permettant de soutenir que N2 joue le rôle d’un modifieur adjectival ? Deuxièmement, pourquoi ce modifieur est-il figé ? 3.1. N2 en tant que modifieur Dans Gavriilidou (1997 : 92), nous avons démontré que le N2 des suites attributives fonctionne, d’une certaine façon, comme un adjectif qualificatif, en nous appuyant sur des critères syntaxiques : – –

perte des propriétés distributionnelles qui distinguent le substantif de l’adjectif ; par exemple, perte de son déterminant ; possibilité de figurer à droite du verbe être (ces positions sont frontières), d’accepter la gradation (ces festivals un peu mammouths)2 ,

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d’être parfois pronominalisé par le (le concert est mammouth et le festival l’est aussi)3 , de coordonner un adjectif qualificatif (au Tchad visite éclair et tout à inattendue4 ) ou pragmatiques, comme la perte de l’autonomie référentielle des N2 : dans baisse massue le substantif massue ne réfère pas à l’objet dénommé par cette forme. Au côté de ces arguments, qui nous permettent de soutenir que les N2 en question jouent le rôle d’un modifieur (adjectival), ajoutons aussi un argument supplémentaire : dans les exemples suivants le modifieur est obligatoire, qu’il soit libre (maladive) ou figé (bleue) : (1) a. b. c.

Luc a une peur (*E + maladive + bleue) Ce produit a un prix (*E + élevée) Les yeux de Geneviève sont d’un bleu (*E + profond)

Si l’on ajoute respectivement des N2 comme mammouth, (choc + monstre), catastrophe, on obtient des phrases tout à fait acceptables : (2) a. b. c.

Luc a une peur monstre Ce produit a un prix (choc + monstre) Les yeux de Geneviève sont d’un bleu catastrophe5

Si ces phrases, qui exigent un modifieur, restent acceptables après l’adjonction des N2 ci-dessus mentionnés, cela veut dire que N2 sature la position du modifieur et rend les phrases acceptables. Par ailleurs, on ne pourrait pas ne pas remarquer l’analogie (au moins du point de vue sémantique : cf. ci-dessous) entre une vitesse vertigineuse et une vitesse vertige ; une voix de stentor et une voix cloche ; un temps (de chien + atroce) et un temps catastrophe, etc. Pour expliquer le passage du N2 du statut lexical au statut de modifieur adjectival, que l’on pourrait qualifier de syntaxique, nous utilisons le cadre théorique de la grammaticalisation (Hopper & Closs-Traugott 1993). Selon Hopper et Closs-Traugott (1993 : xv) la grammaticalisation est un procès selon lequel les éléments et constructions lexicales viennent dans certains contextes linguistiques, afin de servir à des fonctions grammaticales, et, une fois grammaticalisés, continuent à developper de nouvelles fonctions grammaticales. Ce phénomène comporte deux aspects différents : un aspect historique, qui cherche à définir les sources des formes grammaticales et les chemins qui mènent au changement de ces formes, et un aspect synchronique, qui considère

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la grammaticalisation comme un phénomène syntactico-pragmatique, étroitement lié à l’usage de la langue (language use). La grammaticalisation est motivée par certains facteurs comme l’économie de la langue, l’efficacité, la clarté, l’expressivité et la déroutinisation (deroutinizing) des constructions, c’est-à-dire le désir de trouver de nouvelles façons pour exprimer des choses déjà existantes (Hopper & Closs-Traugott 1993 : 67). C’est un phénomène unidirectionnel6 régi par des procédures diachroniques comme la généralisation (generalization), la décatégorisation (decategorization), autrement dit le chemin qui mène d’une forme ‘moins grammaticale’ à une nouvelle ayant un statut grammatical élevé (Hopper & Closs-Traugott 1993 : 103), et le renouvellement (renewal), c’est-à-dire la procédure selon laquelle un sens déjà existant acquiert une nouvelle forme (Hopper & Closs-Traugott 1993 : 94). Il existe deux mécanismes principaux de grammaticalisation : la ré-analyse (reanalysis), qui modifie les représentations sémantiques, syntaxiques, morphologiques sous-jacentes et crée une règle de changement, et l’analogie (analogy), qui crée de nouvelles formes par analogie avec d’autres formes déjà existantes. Dans ce cadre théorique, la métaphore et la métonymie sont considérées comme des procédures bien établies de changement de sens. Dans notre cas, les N2 des constructions comme baisse massue, œuvre monument, festival mammouth manifestent certaines caractéristiques typiques de la grammaticalisation : – – –



le changement se réalise dans un contexte bien précis : Dét N1 N2 (cf. 3) ; le passage du statut substantival au statut adjectival implique une réanalyse du N2 ; une fois la ré-analyse complétée, le N2 subit une décatégorisation et perd donc les propriétés morpho-syntaxiques qui pourraient l’identifier en tant que membre de la catégorie majeure du substantif ; ainsi, il n’accepte plus de déterminant (cf. 3.1.), ne peut plus être modifié par un adjectif ou un démonstratif, ne peut plus devenir argument du prédicat ou accepter une telle lecture (même si N1 est un nom prédicatif), ne peut plus être pronominalisé en le, la, les, et le pluriel n’est pas possible. Notons ici que, pour Hopper et Closs-Traugott (1993 : 104), “the major categories are noun and verb and minor categories include preposition, conjunction, auxiliary verb, pronoun, and demonstrative”. Pour eux les adjectifs et les adverbes constituent une catégorie intermédiaire ; la grammaticalisation du N2 est motivée par l’économie de la langue qui exploite des éléments linguistiques déjà existants pour exprimer

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l’expérience extra-linguistique. L’expressivité est aussi un facteur majeur dans la procédure de grammaticalisation des N2, dans la mesure où elle cherche, d’un côté, à améliorer l’informativité d’un énoncé, et de l’autre, à permettre au locuteur de s’exprimer d’une manière plus efficace. Enfin, c’est aussi la déroutinisation qui motive la grammaticalisation des N2 : dans la plupart des cas, N2 exprime le haut degré d’une qualité, une valeur intensive. La structure en question devient alors une nouvelle façon d’exprimer l’intensité (cf. ci-dessous) ; partant de cette dernière remarque, mentionnons que le renouvellement est une procédure active dans la grammaticalisation des N2 : le sens d’intensité s’exprime par une nouvelle forme. Selon Hopper et ClossTraugott (1993 : 121), “intensifiers are especially subject to renewal, presumably because of their markedly emotional function”. Pour eux, les intensifieurs en anglais constituent un bon exemple de renouvellement ; notons enfin que la métaphore et la métonymie, présentes dans des exemples comme baisse massue, œuvre monument, réponse coup de poing, facilitent le passage des N2 du statut de substantif au statut d’adjectif (Gavriilidou 1997 : 97).

Bien évidemment, dans le modèle de la grammaticalisation les formes ne passent pas brusquement d’une catégorie à une autre. Elles procèdent plutôt d’une série de transitions graduelles, qui tendent à être similaires dans plusieurs langues. Des données du français, de l’espagnol et du grec montrent en effet que la grammaticalisation du N2 suit le même chemin dans les trois langues. Remarquons que, dans ces trois langues, il y a des exemples où le N2 manifeste une fonction plus proche de celle de l’adjectif, accepte donc plus facilement une série de transformations propres à l’adjectif (pronominalisation en le, possibilité de se trouver à droite du verbe être, etc.), et des cas où ceci n’est pas possible. Nous supposons que ceci n’est pas possible dans certains cas, parce que le N2 se trouve dans une phase préliminaire de grammaticalisation, et que la procédure n’est pas encore achevée. Selon Hopper et Closs-Traugott (1993 : 78), la métaphore motive fortement la grammaticalisation à un stade préliminaire7 . Nous avons déjà souligné le rôle de la métaphore dans les structures en question. Quant à savoir si le N2 est susceptible de changer complètement de statut un jour, c’est une question à laquelle on ne peut pas répondre actuellement. Pour l’instant, les N2 ne sont pas de vrais prédicats adjectivaux. Il s’agit plutôt de quasi-prédicats, de prédicats métaphoriques, qui n’ont pas achevé leur parcours vers l’adjectivation (Gavriilidou 1997 : 96). Une chose est sûre : il n’y a rien de déterministe dans la procédure de

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grammaticalisation. Le passage du N2 de la catégorie nominale à la catégorie adjectivale pourrait éventuellement ne pas se réaliser. Le résultat de la grammaticalisation est très souvent un sous-système incomplet qui n’est pas prévisible (Hopper & Closs-Traugott 1993 : 95). 3.2. Le figement du N2 Nous avons jusqu’à présent justifié pourquoi nous considérons que le N2 est un modifieur. Nous avons également expliqué ce qui a motivé le glissement du N2 de la catégorie nominale vers la catégorie adjectivale. Il est temps maintenant d’expliquer pourquoi ce N2 est figé. Hopper et Closs-Traugott (1993 : 95) soutiennent que les éléments lexicaux grammaticalisés doivent tout d’abord servir à des fonctions du discours. Ces derniers se figent ensuite syntaxiquement, et deviennent des constructions. C’est aussi le cas des N2 qui forment des constructions avec les N1 auxquels ils s’attachent. Il existe un certain nombre de critères permettant d’affirmer que le N2 est figé, à savoir : –





des critères syntaxiques (blocage des propriétés transformationnelles du N2 dû à sa grammaticalisation et à son glissement vers la catégorie adjectivale) ; des critères sémantiques (par exemple, l’opacité sémantique de la relation qui se développe entre N2 et N1, autrement dit la noncompositionnalité du sens8 et les restrictions de sélection. Le N2 impose aussi des restrictions quant au choix lexical du N1 ; des critères pragmatiques (perte de l’autonomie référentielle du N2).

Après avoir justifié le terme ‘modifieur (adjectival) figé’ pour les N2 des structures du type Dét N1 N2, présentons maintenant les propriétés sémantiques des N2 et insistons surtout sur le trait d’intensité qui marque les structures en question.

4. Valeurs sémantiques Dans les travaux de G. Gross (1995), Buvet (1998), Buvet et Blanco (1998), les déterminants doivent être étudiés séparément, selon qu’ils se rapportent à des noms prédicatifs ou à des arguments élémentaires, étant donné que leur fonctionnement dépend des propriétés syntactico-sémantiques des substantifs

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qui les acceptent. Nous suivons cette bipartition et nous distinguons les cas où un modifieur figé N2 s’attache à un nom-tête prédicatif (une baisse massue) des cas où il modifie un nom-tête non prédicatif (un avion mammouth). Dans son livre à paraître, Buvet propose de distinguer la d étermination des noms prédicatifs en ‘détermination standard’, d'une part, et en ‘détermination non standard’ ou ‘détermination marquée’ (du point de vue de l’intensité, de l’aspect, etc.) d'autre part. En utilisant cette distinction, nous soutenons que les Modif figés N2 qui se rapportent à des N1 prédicatifs appartiennent à la détermination non standard, marquée du point de vue de l’intensité. Par intensif, nous entendons un élément linguistique qui indique le degré élevé d’une propriété. Cet élément linguistique peut être de nature morphologique (e.g. les suffixes comme -issime ou les préfixes comme archi-, hyper-, super-, extra- appliqués à une racine), de nature lexicale (e.g. les adverbes très, énormément ou d’autres éléments figés comme les déterminants nominaux figés du type un océan de larmes, une rafale d’applaudissements, etc.), de nature syntaxique (e.g. répétition du même mot comme dans elle était femme-femme ; elle n’est pas jolie-jolie, mais.., etc.) ou de nature prosodique (e.g. utilisation de certains schémas intonatifs ou d’accents emphatiques). Pour reprendre les termes de I. Mel’ èuk (1988), il s’agit d’une ‘fonction lexicale’, à savoir la fonction lexicale Magn9 . Cette fonction intensifie une composante sémantique particulière du mot clé, c’est-à-dire qu’elle réfère à un trait sémantique particulier dans une situation donnée : par exemple, dans croissance champignon, la composante sémantique intensifiée est la rapidité de la croissance, dans concert marathon la composante sémantique intensifiée est la durée du concert, etc. Les N2 constituent, par conséquent, un des moyens linguistiques permettant d’exprimer le haut degré. Dans Buvet, Blanco, Gavriilidou (1999), nous avons soutenu que les Modif figés s’appliquant à des noms prédicatifs correspondent principalement à des : – – – –

intensifs (désignant le haut degré) : un amour fou ; atténuatifs (désignant le degré faible) : un appétit d’oiseau ; laudatifs (désignant une qualification positive) : un mari en or ; péjoratifs (désignant une qualification négative): un temps de chien.

Ces valeurs sémantiques peuvent être attribuées aussi aux N2 : – – – –

intensifs : succès monstre, concert mammouth ; atténuatifs : justice escargot 10 ; laudatifs : position clé, événement phare ; péjoratifs : classe poubelle, alimentation suicide.

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Souvent, une base donnée peut accepter différents types de Modif figés : une voix (forte + de stentor + cloche), temps (de chien + catastrophe), vérité (pure + choc), etc., ou bien différentes valeurs sémantiques (Blanco ; Buvet & Gavriilidou 1999) : – – –

intensif : concert mammouth ; laudatif : concert symbole ; péjoratif : concert catastrophe.

Les Modif figés N2 qui s’appliquent à des arguments élémentaires fonctionnent en tant que : – –

augmentatifs ou diminutifs : avion mammouth, voiture miniature ; laudatifs ou péjoratifs : objet fétiche, voiture bidon.

5. Remarques sur les déterminants Partant de la notion de classes d’objets (G. Gross 1994), qui sont des ensembles de substantifs sémantiquement et syntaxiquement homogènes, nous présentons ici quelques contraintes sur les déterminants concernant la structure Dét N1 N2, où N1 est un nom prédicatif. Selon Buvet et Blanco (1998) “les classes d’objets apparaissent comme des descripteurs privilégiés pour rendre compte des particularités de la relation entre un nom et ses déterminants au sein de la phrase”. Nous considérons ici les noms de mesure, les noms de maladie et les noms de sentiment. Commençons par les noms de mesure, qui peuvent entrer dans une phrase avec le Vsup avoir et un Dét Indéf et qui sélectionnent un syntagme nominal sujet et un syntagme nominal dont la fonction peut être appelée ‘complément circonstanciel de grandeur’ (Le Pesant 1995) : (3)

Cette planche a une longueur de 5 mètres

Si on enlève le complément circonstanciel de grandeur, qui fait partie de la détermination du mot longueur, la phrase devient agrammaticale : (4)

*Cette planche a une longueur

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Ce qui implique qu’un modifieur est obligatoire. L’adjonction du N2 record la rend à nouveau grammaticale : (5)

Cette planche a une longueur record

Ceci est aussi vrai des prédicats de sentiment et des prédicats de qualités ou de défauts humains. Un modifieur est obligatoire et N2 peut tenir ce rôle. Nous constatons que les prédicats de mesure acceptent une combinaison du type Dét Indéf - N2 - complément circonstanciel, où on observe en effet la présence de deux modifieurs après le nom-tête : (6)

Cette planche a une longueur record de 5 mètres

On pourrait analyser cette phrase comme si elle dérivait de la conjonction des deux phrases suivantes après effacement du sujet identique : (7) a. b.

Cette planche a une longueur record Cette planche a une longueur de 5 mètres

La combinaison du type Dét Déf - N2 - complément circonstanciel est aussi possible, malgré le fait qu’on ne peut pas appliquer la même analyse qu’avant : (8) a. b. c.

Cette planche a la longueur record de 5 mètres *Cette planche a la longueur record Cette planche a la longueur de 5 mètres

Nous concluons donc de cette brève présentation que la participation du modifieur N2 dans le bloc déterminatif des substantifs impose des contraintes sur la sélection du reste des éléments déterminatifs du nom-tête.

Conclusions Dans cet article, nous avons proposé de traiter les N2 des constructions Dét N1 N2 (baisse massue, œuvre monument) en tant que modifieurs figés, en nous appuyant sur des critères d’ordre syntaxique, sémantique et pragmatique. Le glissement sémantico-syntaxique du N2 vers la catégorie adjectivale, c’est-àdire sa décatégorisation, s’explique dans le cadre de la théorie de la grammaticalisation. Il s’agit d’une grammaticalisation en cours, motivée par des facteurs comme l’économie de la langue, l’expressivité et la

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déroutinisation. Ce type de N2 met en œuvre une procédure de renouvellement, dans la mesure où il constitue une nouvelle forme linguistique pour exprimer l’idée d’intensité.

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SUMMARY In this paper we put forward the idea that Dét N1 N2 structures such as une œuvre monument, une baisse massue constitute a case of frozen determination of the following type : Dét N Modif and that N2 in these exemples reacts as a frozen adjectival modifier, as for example, bleue in the expression peur bleue. To prove this idea we use a number of transformational tests and criteria. We

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use a syntactico-semantic approach elaborated in the LLI and based on the model of ‘classes of objects’ as well as the framework of grammaticalization.

NOTES 1

Ce travail s’inscrit dans le cadre du projet DétTAL (Détermination et Traitement Automatique des Langues), qui a pour but de décrire la détermination en français, en espagnol et en grec. Je voudrais remercier Anna Anastassiadis -Syméonidis, Pierre-André Buvet et Xavier Blanco pour la lecture du texte et leurs remarques fécondes. 2 Exemple attesté, cité dans Noailly (1990 : 43). 3 Cette phrase semble peu probable dans le discours, elle est toutefois grammaticale. 4 Exemple attesté, cité dans Noailly (1990 : 43). 5 Exemple attesté, cité dans Noailly (1990 : 58). 6 Selon Hopper et Closs-Traugott (1993 : 95) : “The basic assumption is that there si a relationship between two stages A and B, such that A occurs before B, but not vice versa. This is what is meant by unidirectionality”. 7 Selon Hopper et Closs-Traugott (1993 : 78) : “Recently arguments have been put forward that early grammaticalization is also strongly motivated by metaphoric processes”. 8 Dans des exemples comme croissance champignon, baisse massue, etc. le sens du N2 n’est pas prévisible, à cause de la métaphore. Cependant, ce phénomène est scalaire. Si le trait métaphorique entre N1 et N2 est très évident, le sens devient moins opaque. 9 La fonction lexicale Magn est une fonction au sens mathématique, qui peut être représentée par la formule suivante : F(x) = y, où x est l’argument de la fonction et y sa valeur. Par exemple, dans voyage éclair, F est l’intensification, x correspond à voyage, et y à éclair. 10 Exemple cité dans Noailly (1990 : 50).

GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX MAURICE GROSS Université Paris 7 Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique1

Introduction Il existe des déterminants nominaux à caractère idiomatique, du type : (1) a. b.

un nombre astronomique de une quantité industrielle de

où les modifieurs sont figés avec des substantifs têtes comme nombre ou quantité. Ces mêmes noms (Buvet 1993, 1994) acceptent des modifieurs libres variés, en particulier des adjectifs quantitatifs préposés ou postposés : (2) a b.

un (nombre + quantité) (énorme + gigantesque) de un (énorme + petit) (nombre + quantité) de

Ces adjectifs ont une certaine généralité, on les retrouve combinés avec des noms qui ne sont pas des déterminants mais qui ont une syntaxe très voisine de ces derniers, par exemple coût, dose, montant, prix, somme, ils ont alors la même interprétation quantitative. Nous allons présenter2 des listes d’adjectifs se combinant avec un large éventail de noms, leur sens sera souvent quantitatif, mais nous verrons que les interprétations peuvent être plus complexes. En particulier, des jugements affectifs sur les quantités peuvent être localisées dans cette position syntaxique. Nous présenterons la construction de ces formes complexes, sous forme de grammaires locales, autrement dit, de graphes d’automates finis.

178

MAURICE GROSS

1. La syntaxe des adjectifs Les adjectifs qui précisent une quantité sont très nombreux, nous en avons recensé plus de 400 dans les seules combinaisons qui mettent en jeu les deux noms nombre et quantité. Leur liste a été obtenue empiriquement, par consultation de dictionnaires et de dictionnaires de synonymes et par examen de corpus journalistiques et littéraires. Dans ce dernier cas, on a utilisé des textes disponibles sur support informatique et l’application des outils INTEX (Silberztein 1991) a fourni des concordances pour les noms étudiés ; l’examen de leurs contextes a permis de recueillir les adjectifs les plus courants. Mais rien ne remplace l’introspection dans la recherche des cas marginaux ou en tout cas d’emplois rares et non attestés. En vue de mettre en œuvre des intuitions différentes, nous avons organisé un concours parmi les membres du LADL qui ont recherché, par analogie ou en s’aidant d’outils variés, les emplois qui ne figuraient pas dans une liste initiale d’environ 150 adjectifs, les adjonctions nouvelles se sont élevées à plus de 400 adjectifs 3 . L’expérience nous ayant montré que l’intuition sous-estimait les attestations, nous avons incorporé les cas douteux aux listes. La même recherche reste à effectuer pour d’autres formes de modifieurs, par exemple, les expressions figées Prép X qui ont la fonction d’adjectif épithète : (3) a. b. c.

(au + en) dessous de la vérité, hors du commun sans (E + aucune) limite, sans nombre, à l’échelle (du continent + de la planète) à (te + vous) couper le souffle

D’autres modifieurs seront plus difficiles à énumérer systématiquement, c’est le cas de certaines propositions relatives associées à des phrases figées, comme dans : (4) a. b.

un (nombre + quantité) qui dépasse l’(entendement + imagination) un (nombre + quantité) qui (ne connaît + n’a) pas de (bornes + limites)

Elles peuvent éventuellement être extraites du lexique-grammaire des phrases figées, mais il n’en va pas de même pour les phrases plus libres encore qui introduisent le même sens, comme la proposition relative de (5). Même si les verbes principaux ont un sens quantitatif clair, il sera difficile d’en cerner l’extension. (5)

un (nombre + quantité) que les députés ont beaucoup augmenté

GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX

179

1.1. Adjectifs préposés et adjectifs postposés Un adjectif épithète donné peut occuper soit la position à droite du nom : (6) a. b.

un (nombre + quantité) (infini + statistiquement significatif) de N *un (infini + statistiquement significatif) (nombre + quantité) de N

soit la position à gauche du nom : (7) a. b.

*un (nombre + quantité) (grand + petit) de N un (grand + petit) (nombre + quantité) de N

soit les deux positions : (8) a. b.

un (nombre + quantité) (énorme + minuscule) de N un (énorme + minuscule) (nombre + quantité) de N

Il existe des difficultés d’évaluation des acceptabilités (Garrigues 1997), nous nous sommes livré à des approximations, afin de représenter les combinaisons dans des graphes. Outre la position ‘intrinsèque’ de l’adjectif, il se pose ici un autre problème de position : dans les constructions Dét N1 de N2 où N1 est le déterminant nominal, la portée de l’adjectif demande à être précisée. On observe les deux positions : (9) a. b.

un (nombre + quantité) d’accidents (énorme + hallucinant(e)) un (nombre + quantité) (énorme + hallucinant(e)) d’accidents

Nous avons ici affaire à deux types sémantiques d’adjectifs : énorme qui n’affecte que le déterminant nominal et l’adjectif psychologique hallucinant qui est en partie sélectionné par le nom N2 =: accident (cf. ci-dessous), mais les deux positions observées sont indépendantes de cette portée sémantique. 1.2. Adverbes Les adverbes anormalement, étonnamment, assez, aussi, bien, fort, si, très, trop portent sur les adjectifs de quantité. Certains d’entre eux amplifient la quantité positivement, comme bien, fort, si, très, trop, d’autres négativement, comme peu et ses composés (e.g. un tout petit peu), mais les combinaisons sont contraintes, on observe ainsi les restrictions :

180

MAURICE GROSS

(10) a. b.

une (bien + forte) grosse quantité de *une (bien + forte) énorme quantité de

(11) a. b. c.

un nombre très démesuré de *un nombre (très + trop) (colossal + vertigineux) de ?un nombre (anormalement + assez) (colossal + vertigineux) de

Bien que de nombreuses combinaisons aient des acceptabilités douteuses, nous avons amorcé la représentation de ces combinaisons. Certains adjectifs s’accompagnent d’une négation qui peut être vue comme un cas particulier d’adverbe. Les combinaisons peuvent dans certains cas être qualifiées de litotes. La négation prend l’une des formes : –

non ou pas, comme dans : (12)



un (nombre + quantité) (non + pas) (négligeable + ridicule) de

le préfixe négatif in- , une quarantaine d’adjectifs sont de cette forme, les formes dont ils dérivent (adjectif ou participe passé passif) n’ont pas toujours le sens quantitatif étudié ici : – –



impressionnant n’est plus dérivable, ni invariant, etc. invraisemblable n’est pas ici une négation de vraisemblable, il en va de même pour les couples calculable-incalculable, fini-infini, pensable-impensable, etc. signifiant est probablement à rapprocher de non significatif.

Les négations sont parfois obligatoires, sans que l’on détecte de régularités dans leurs apparitions. Par exemple, imaginable n’est pas un adjectif quantitatif, mais inimaginable l’est dans une (quantité + somme) inimaginable, toutefois, les formes : (13)

une (quantité + somme) (non + pas + peu + à peine) imaginable

sont acceptées. De même, la forme atteint n’est pas acceptée, mais on accepte : (14)

une (quantité + somme) (E + encore) jamais atteinte

Avec inestimable, la situation est différente, la forme estimable n’est pas utilisable avec aucune des négations acceptées par imaginable ou atteint :

GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX

(15) a. b.

181

*une (quantité + somme) (non + pas + peu + à peine) estimable *une (quantité + somme) (E + encore) jamais estimable

Une série de formes à caractère populaire, donc plutôt parlées, prennent obligatoirement la négation pas et aucune autre : (16)

une (quantité + somme) pas (dégueu + dégueulasse + sale + vilaine) de

1.3. Prédéterminants nominaux On notera que l’introduction de termes en genre, sorte, type ne change pas le sens des déterminants : (17)

ce (genre + sorte + type) de (nombre + quantité) d’accidents

avec le déterminant UN, un Modifieur du prédéterminant est obligatoire : (18)

*un (genre + sorte + type) de (nombre + quantité) d’accidents un (genre + sorte + type) bizarre de (nombre + quantité) d’accidents

Par ailleurs, il existe des constructions de forme analogue où les adjectifs apparaissent sous forme nominale, accompagnés d’un déterminant défini qui impose des déterminants définis en cascade : (19) a b.

L’énormité (du nombre + de la quantité) (des + d’) accidents étonne Luc *L’énormité (d’un nombre + d’une quantité) (des + d’) accidents étonne Luc

La relation avec les phrases adjectivales correspondantes est la suivante : le sujet de étonner est phrastique : (20)

Que (le nombre + la quantité) (des + d’) accidents soit énorme étonne Luc

par [Extraction directe] du sujet de la complétive on obtient :

182 (21)

MAURICE GROSS

(Le nombre + la quantité) (des + d’) accidents qui est énorme étonne Luc

et par [Effacement de qui être] on aboutit à la forme à adjectif : (22)

(Le nombre + la quantité) (des + d’) accidents énorme étonne Luc

Par ailleurs, la [Nominalisation] générale (Meunier 1977) : (23)

Ce nombre est (énorme + extravagant) = Ce nombre a une certaine (énormité + extravagance)

s’applique à l’intérieur de la complétive sujet : (20) = (24), ce qui donne : (24)

Que (le nombre + la quantité) (des + d’) accidents ait une telle (énormité + extravagance) étonne Luc

par la même [Extraction directe] et par la [Réduction qui avoir = de] du verbe support, on obtient la forme nominale associée (1) : (25)

L’(énormité + extravagance) du nombre (des + d’) accidents étonne Luc

2. Les sens Bon nombre des adjectifs de quantité se classent sémantiquement de façon naturelle. A posteriori, c’est-à-dire lors de la lecture de la liste, des séries longues d’adjectifs sémantiquement apparentées se dessinent clairement et suggèrent de les constituer en classes, d’autres ensembles sont plus petits. On pense à des relations de synonymie à l’intérieur de chaque classe. Dans tous les cas, il s’agit clairement d’accidents, aucune règle ne permet de prévoir la liste des termes acceptés, en effet, des adjectifs synonymes ou quasi-synonymes qui pourraient se trouver dans ces listes n’y sont pas acceptés. 2.1. Les adjectifs à sens propres Ce sont des adjectifs dont le seul sens est quantitatif : énorme, grand, gros, infini, infinitésimal, microscopique (mais pas télescopique), maximal, minimal, minuscule, petit, statistiquement significatif, etc., ample, épais, étroit, large, long, profond ne sont pas utilisés avec cette signification. Avec d’autres noms,

GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX

183

ces adjectifs peuvent prendre un sens quantitatif : (26)

une longue liste, un court instant, un fossé profond, etc.

avec hyperbolique on peut penser à une métaphore, avec éléphantesque et hippopotamesque, on peut penser à une relation morphosyntaxique comme : (27)

un (nombre + quantité) (éléphantesque + hippopotamesque) de N = un (nombre + quantité) de N de la taille d’un (éléphant + hippopotame)

2.2. Les adjectifs à sens figurés Des adjectifs psychologiques qui relèvent de divers états mentaux peuvent être adjoints aux noms de quantité, ils fournissent une indication de taille pour les quantités, à laquelle se superpose, sans dominer, le sens psychologique initial, on a par exemple la surprise : abracadabrant, abasourdissant, affolant, ahurissant, décevant, décoiffant, déconcertant, décontenançante, dépitant, désappointant, éberluant, époustouflant, étonnant, hallucinant, impressionnant, renversant, saisissant, stupéfiant, surprenant. Cette série peut être prolongée avec une certaine régularité par les adjectifs, surtout en -ant, dérivés des verbes psychologiques de la table 4 du lexique-grammaire du français (Gross 1975). Toutefois, certains de ces dérivés, comme assourdissant, assommant, etc., sont exclus de la liste sans qu’on comprenne pourquoi : (28) a. b.

un nombre (époustouflant + stupéfiant) d’automobiles *un nombre (paralysant + pétrifiant) d’automobiles

Des sentiments autres que la surprise peuvent être attachés à des noms de quantité, comme par exemple dans : (29)

un (nombre + quantité) (amusant + attendrissant + perturbant + rebutant) de

Mais la surprise a un statut d’énonciation particulier, le locuteur qui éprouve le sentiment décrit une quantité qui se trouve être soit supérieure soit inférieure à la quantité à laquelle il s’attendait, d’où la surprise. Certains adjectifs liés à la notion de spectacle ont un sens voisin : spectaculaire, burlesque, canularesque, clownesque, comique, dramatique, grotesque, mais pas théâtral, opératique, musical, etc.

184

MAURICE GROSS

En fait, l’interprétation quantitative de l’adjectif dépend du nom principal : (30) a. b.

Une quantité perturbante d’accidents a eu lieu Une quantité perturbante de secours est arrivée

avec les accidents, que l’on trouve toujours trop nombreux, l’adjectif perturbant a un effet magnifiant, avec les secours, que l’on trouve toujours insuffisants, l’adjectif perturbant a un effet diminuant, l’adjectif surprenant est neutre, dans : (31)

Une quantité surprenante de secours est arrivée

où la surprise peut être bonne ou mauvaise, autrement dit, en termes de quantité, les secours peuvent être suffisants ou non. L’interprétation quantitative apparaît donc comme secondaire ou dérivée du nom principal. En conséquence, il n’y a pas lieu de classer ces adjectifs comme quantitatifs intrinsèques, on doit donc les séparer, ils figurent dans la liste AdjNombrePsy. En fait, ces adjectifs se rapprochent de la catégorie éthique (i.e. bon-mauvais), dans le sens où l’interprétation quantitative de l’adjectif dépend de la nature éthique des noms : (32) a. b. c. d.

une bonne quantité d’accidents est faible une mauvaise quantité d’accidents est forte une bonne quantité de secours est forte une mauvaise quantité de secours est faible

On observe quelques adjectifs que l’on peut qualifier d’esthétiques mais qui, dans le contexte des déterminants ont un sens quantitatif : (33)

une (belle + jolie)(dose + quantité) de riz

mais ni les quasi synonymes magnifique, ravissant, splendide, superbe ni les antonymes affreux, laid, moche n’entrent dans la construction. Nous avons aussi : –



la démence : cinglé, dément, démentiel, déraisonnable, débile, dingot, dingue, fou, insensé, mégalomaniaque, peut-être débile, malade, paranoïaque et parano, mais pas aliéné, schizophrénique, tordu ; la connaissance : impensable, imprévu, inespéré, incroyable, inestimable, inimaginable, et peut-être inqualifiable, inreprésentable, et plus difficile encore inconnaissable, inévaluable ou injugeable ;

GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX

– – –



185

des métaphores que nous présentons par séries intuitivement apparentées, issues : de la littérature : burlesque, dantesque, fantastique, grotesque, lilliputien, rocambolesque, symbolique, ubuesque, etc ; de la mythologie : apocalyptique, cyclopéen, diabolique, démoniaque, fabuleux, gargantuesque, gigantesque, herculéen, monstrueux, méphistophélique, monstrueux, prodigieux, mythique, pantagruélique, pharaonique, titanesque, mais on notera que paradisiaque, nain n’ont pas cette utilisation ; de la géographie : abyssal, astronomique, galactique, himalayesque, stratosphérique, vertigineux, mais on notera que des termes comme alpin, céleste, pyrénéen, montagneux, altimétrique, troposphérique, qui donnent lieu aux mêmes évocations n’ont pas cette utilisation.

2.3. Séries de synonymes On a relevé un nombre remarquable de dérivés de verbes en -able et préfixés par in-, comme : imbattable, incalculable, inégalable, insurpassable. Sans constituer un ensemble de synonymes, ils partagent le sens de la modalité associée à -able et celui de la négation associée à in-. D’autres séries rencontrées ont des sens variés, on a par exemple : – – – –

comique, hilarant, inénarrable, risible, la forme différente drôle de n’en fait pas partie ; palpable, impalpable, substantiel, mais pas touchable ou matériel ; calculable, incalculable, mesurable, démesuré ; habituel, inhabituel, usuel, inusité, inaccoutumé, mais pas accoutumé.

2.4. Autres sens Par ailleurs, nous avons donné dans le graphe AdjNombreAutres une variété d’exemples qui ne relèvent pas de la catégorie de la quantité et qui ont des constructions variées, avec les adjectifs à compléments, on a : (34) a. b.

une quantité d’accidents (équivalente à + différente de) celle de l’année dernière une quantité d’accidents disproportionnée par rapport à celle de l’année dernière

et les adjectifs se déplacent plus ou moins bien :

186 (35) a. b.

MAURICE GROSS

?* une quantité équivalente d’accidents à celle de l’année dernière ? une quantité disproportionnée d’accidents par rapport à celle de l’année dernière

on a encore signalé des participes passés adjectivaux comme : (36)

une quantité de secours (calculée + décidée + souhaitée)

Cette classification sémantique n’a aucune généralité lexicologique ou syntaxique. La présence des exceptions que nous avons données dans chaque cas montre qu’il n’existe pas de procédé sémantique systématique pour former des adjectifs de quantité : des petites séries se constituent par analogie, c’est-àdire par quasi-synonymie, au hasard des circonstances et des modes stylistiques, ces séries s’arrêtent, nul ne sait pourquoi, laissant de côté des quasi synonymes qui a priori auraient très bien pu jouer le même rôle. Nous ne pouvons donc que constater que seules des listes permettent de rendre compte des emplois, en aucun cas des règles sémantiques de formation de métaphores. Dans la mesure où les listes les plus longues s’appliquent à une bonne variété de substantifs, déterminants ou autres, nous sommes en droit d’espérer que le problème descriptif général est ainsi résolu. Les ajustements sont constitués d’adjectifs en petits nombres ne s’appliquant qu’à un petit nombre de noms, il est normal de les traiter comme des expressions figées. Mais il n’est pas exclu qu’en accroissant le nombre des substantifs de quantité, on observe de nouvelles restrictions qui réduiraient la liste des adjectifs considérés comme le cas général. Dès lors, une révision du système global serait nécessaire, puisqu’il deviendrait plus lexical encore.

RÉFÉRENCES Buvet, Pierre-André. 1993. Les déterminants nominaux quantifieurs. Thèse de doctorat. Université Paris XIII. Villetaneuse. Buvet, Pierre-André. 1994. Les déterminants nominaux. Lingvisticæ Investigationes XVIII : 1. Amsterdam/Philadelphia : John Benjamins. Garrigues, Mylène. 1997. Méthodes de désambiguï sation locale Nom/Adjectif pour l’analyse automatique de textes. Langages 126, Paris : Larousse. Gross Maurice, 1977. Grammaire transformationnelle du français : 2. Syntaxe du nom. Larousse : Paris, Réimpression 1986 : Cantilène. Gross, Maurice. 1975. Méthodes en syntaxe. Paris : Hermann.

GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX

187

Meunier, Annie. 1977. Sur les bases syntaxiques de la morphologie dérivationnelle. Lingvisticæ Investigationes 1 :2. Amsterdam/Philadelphia : John Benjamins. 287-332 Roche, Emmanuel. 1993. Une représentation par automate fini des textes et des propriétés transformationnelles des verbes. Lingvisticæ Investigationes XVII : 1. Amsterdam/Philadelphia : John Benjamins. 189-222. Silberztein, Max. 1993. Dictionnaires électroniques et analyse automatique de textes. Le système INTEX. Paris : Masson.

SUMMARY Numeral determiners (noted Dnum) are used together with names of units (NUnit) to indicate quantities of varied kinds (e.g. two hundred square meters, one thousand Francs, 1 000 F). Rules that lead to noun phrases of the type Dnum Nunit obey various constraints, among others, the rules of numeration in the decimal system. In the case of hours (a quarter to nine, six o’clock, two hours and fifteen minutes), numerical systems vary with the type of unit. We describe the noun phrases used to express time numerically by means of local grammars (i.e. graphs of finite automata). We describe the way hours and sub-units combine, in particular we introduce Pre- and Post- Determiners for numerals (e.g. about, almost, at least, more than). We also study possible abbreviations. The set of grammars obtained is formalized to a degree such that grammars can be transformed automatically into parsers and applied to corpora. Results, that is, adequacy and coverage, are discussed.

ANNEXES Graphes : AdjNombre, AdjNombreAutres, AdjNombrePre, AdjNombrePsy, DetQuantité.

188

MAURICE GROSS

à peu près moins plus plutôt presque si tellement terriblement tout à fait

AdjNombre.grf

assez aussi fort si très

anormalement











































































assez

aussi artificiellement

fort exagérément

si démesurément

très









Peu



assez

aussi

fort

si

très



non

non

non

assez

aussi

fort

si

très



assez

aussi

fort peu

si

très



à peine

difficilement

bien

largement

presque

pratiquement

quasi

quasiment

pas





encore

presque jamais

pratiquement

quasiment

jamais encore

pâlir

peur

rire à faire

tordre de rire

se tordre de rire

mourir de rire

GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX























non non non







sous-

statistiquement





AdjNombreAutres.grf



dans parmi



entre





par

















avec

par rapport à



























par la loi





189

190

MAURICE GROSS

bien fort moins plus très

assez aussi si tellement trop











non

micro mini maxi méga

AdjNombrePre.grf



















de de

de

GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX











































AdjNombrePsy.grf







































191

192

MAURICE GROSS

anormalement étonnamment assez aussi bien fort si très trop



















une



certaine AdjNombrePre quantité

AdjNombrePsy AdjNombreAutres

AdjNombre

anormalement étonnamment assez aussi bien fort si très trop



des



DetQuantiteDe.grf





Dnum

GRAMMAIRES LOCALES DE DÉTERMINANTS NOMINAUX

193

NOTES 1

UMR n° 7546 du CNRS. Notations : les notions sémantiques, autrement dit les notions intuitives qui servent à illustrer des exemp les et des listes, apparaîtront en caractères gras. Les noms des transformations figurent entre crochets. 3 Je remercie B. Courtois, C. Fairon, C. Leclère, A. Meunier et H. Ulland d’avoir participé au concours, ils ont accru la liste de 150 nouveaux adjectifs. 2

DÉTERMINANTS INDÉFINIS OU QUAND LES FAIBLES JOUENT AUX FORTS GEORGES KLEIBER Université Marc Bloch de Strasbourg & Scolia

Introduction On a l’habitude d’appeler ‘déterminants faibles’ Milsark (1977) et Barwise & Cooper (1981), ou ‘déterminants existentiels’ Keenan & Stavi (1986) et Keenan (1987) des déterminants tels que les articles indéfinis un, des, le partitif du et des indéfinis comme trois, quelques, plusieurs, beaucoup de (et peu de), certains, aucun, etc. On les oppose aux déterminants appelés ‘forts’ ou ‘non existentiels’ comme la plupart de, tous les, chaque, tout, etc. Il s’avère toutefois que ces déterminants faibles “se comportent quelquefois comme les forts”, cf. Tasmowski-de Ryck (1998 : 554). En effet, il a souvent été signalé qu’ils donnent en réalité lieu à deux emplois différents 1 , un emploi existentiel ou faible et un emploi partitif2 ou non existentiel ou encore fort ; cf. Milsark (1977), Carlson (1978), Fodor & Sag (1982), Diesing (1992), de Hoop (1992), Attal (1994), Bosveldt-de Smet (1994, 1998), Laca & Tasmowski-de Ryck (1996), Peterson, (1996 et 1999), Dobrovie-Sorin (1997) et Tasmowski-de Ryck (1998). Notre contribution n’a pas d’autre but que d’étudier de plus près ce double emploi illustré, pour la lecture existentielle ou faible (non partitive), par les exemples 1 à 5 3 : (1) (2) (3) (4) (5)

Un avion s’est écrasé hier dans les Vosges Des inconnus ont cambriolé la maison de Léa Quelques kilomètres séparent le col du vallon Marie a beaucoup d’enfants Du givre hérissait le pourtour de sa bouche (cf. Theissen 1997)

et, pour la lecture non existentielle ou forte (partitive), par les exemples 6 à 10 : (6)

Une roue a été arrachée (en parlant d’une voiture)

196 (7) (8) (9) (10)

GEORGES KLEIBER

Des députés ont voté blanc Quelques élèves ont choisi le latin Beaucoup de tirs ont été loupés par maladresse Dans ce champ, du maïs a été dévoré par les sangliers 4

Nous le ferons en mettant en relief cinq caractéristiques qui séparent ces deux lectures. Cette mise au point, non seulement permettra de mieux voir en quoi elles consistent exactement, mais apportera également une réponse nouvelle à la difficulté soulevée par la distribution de ces SN indéfinis avec les prédicats. Chemin faisant, on le verra, c’est non seulement le problème de la détermination quantitative, mais aussi ceux de la spécificité des indéfinis, de la généricité, des taxinomies et des types de prédicats qui se trouveront déployés. Avec, au bout de ce qui est un peu pour nous un retour aux sources5 , une vision un peu plus claire, nous l’espérons du moins, du fonctionnement pragmasémantique des déterminants en général. Notre travail s’articulera en quatre parties : la première exposera les deux premières propriétés distinctives, la deuxième abordera la question des contraintes prédicatives, la troisième celle de la présence ou de l’absence de l’effet de partition et la dernière mettra en avant la généricité.

1. Première et deuxième caractéristiques 1.1. Mode d’existence La première caractéristique correspond à celle du mode d’existence du réfé rent des SN indéfinis de (1)-(5) et (6)-(10). Dans le cas de l’emploi existentiel, ce sont des référents totalement ‘brand new’, Prince (1981), qui ne sont portés à l’existence, c’est-à-dire qui ne sont introduits dans le modèle discursif (ou mémoire textuelle), que par le truchement du prédicat avec lequel ils se combinent6 . Ils n’existent pas discursivement avant et n’ont pas d’autre existence que celle que leur confère le prédicat. Pour (1) et (5), par exemple, il n’y a avion particulier que parce qu’il y a eu un crash d’avion hier dans les Vosges et une occurrence massive de givre que parce qu’il y en avait sur le pourtour de la bouche de quelqu’un, etc. Si le prédicat se trouve nié, le référent qu’il a porté à l’existence disparaît dans l’opération et nous avons des énoncés tels que (11) : (11)

Aucun avion ne s’est écrasé hier dans les Vosges

qui sont la version négative de l’emploi existentiel.

DÉTERMINANTS INDÉFINIS

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Le point important du point de vue interprétatif est que la spécificité des SN, en somme leur statut de SN spécifique, provient des prédicats que nous avons appelés pour cette raison prédicats ‘spécifiants’ Kleiber (1981a et 1981b). De tels prédicats, essentiellement événementiels7 , comportent des points d’ancrage spatio-temporels ou ‘points de référence’ qui font que les actants ou arguments qu’ils impliquent se trouvent également spécifiés. Il en va tout différemment avec les indéfinis ‘partitifs’ de la série (6)-(10). Cette fois-ci, la spécificité du SN ne provient plus du prédicat, mais se trouve déjà assurée par une autre voie. Il n’y a ainsi pas de dépendance quant à l’existence des référents de ces SN par rapport au prédicat. De là l’impossibilité de maintenir l’étiquette de lecture ‘existentielle’ à leur propos. Dans (6), l’existence spécifique de la roue dénotée par une roue n’est pas le fait du prédicat être arrachée, mais résulte de la spécificité acquise par l’intermédiaire de celle de la voiture de l’ensemble des roues que possède une voiture. Pour le maï s de (10), c’est la spécificité du champ qui assure celle du SN partitif et non le fait d’avoir été dévoré par des sangliers. Entendons-nous bien : il ne s’agit nullement de nier le fait que ces SN introduisent de nouveaux référents dans le discours, mais de souligner que ces nouveaux référents ne sont pas installés dans le discours uniquement par l’intermédiaire du prédicat : ils se présentent ou sont donnés comme appartenant à un ensemble déjà installé, connu ou accessible et ce fait doit être mentionné dans la mémoire discursive, quelle que soit la représentation qu’on lui en donne. 1.2. Structure informationnelle Une deuxième différence se manifeste au niveau de la structure informationnelle. En lecture existentielle, l’existence spécifique des référents se trouve assertée en même temps que celle de l’entité dénotée par le prédicat spécifiant, puisqu’elle provient du prédicat. Elle n’est donc guère présupposée, pour reprendre un terme qui n’est plus tellement de mode8 . C’est dire aussi, d’une certaine manière et d’une certaine manière seulement9 , qu’il ne s’agit pas véritablement d’une structure du type sujet-prédicat, qui comporterait d’abord un sujet (ou thème), bien établi, auquel on attribuerait ensuite tel ou tel prédicat (ou propos). Attal (1976 et 1994) parle de ‘structure verbale’ pour différencier de tels énoncés des structures thème-propos du type de Paul est parti. D’autres recourent à la distinction ‘jugement thétique ’ vs ’jugement catégorique’ reprise par Kuroda (1973) à Brentano et Marty, en caractérisant des énoncés tels que (1)-(10) comme des jugements thétiques et non des jugements catégoriques, c’est-à-dire comme des jugements d’un bloc (totalement rhématiques), qui expriment des états de choses globaux, et non des jugements comportant deux

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parties bien distinctes, le sujet et le prédicat qui est attribué au sujet (ou, si l’on préfère, le thème et le rhème), cf. Van de Velde (1994). La négation peut servir à nouveau à montrer cet état de choses : si on nie, par exemple, (1), le sujet syntaxique se trouve aussi atteint dans l’histoire, puisque, comme l’a montré (11), il n’est absolument plus question d’avions spécifiques. Ce n’est évidemment pas le cas avec des énoncés catégoriques. S’il est faux que Paul est parti, Paul continue pourtant d’exister, alors que, dans le cas de (2), s’il est faux que des inconnus ont cambriolé la maison de Léa, il n’y a plus d’inconnus spécifiques du tout. En lecture partitive, les choses sont différentes. L’indépendance vis-à-vis du prédicat quant à la spécificité des SN a en effet une conséquence sur la structure informationnelle de l’énoncé : au lieu du jugement global qu’implique la lecture existentielle, la lecture partitive retrouve une structure en quelque sorte bipartite, qui correspond à une partie présupposée et une partie assertée. La première correspond à l’ensemble déjà installé, les roues de la voiture pour (6), les élèves de la classe ou du lycée (ou de l’Académie, etc.), les tirs qui ont été effectués pendant le match de football (s’il s’agit d’un match de foot) pour (9), le maï s qu’il y a dans le champ pour (10), etc., la seconde à l’assertion indiquant quelle proportion ou quelle quantité de l’ensemble de départ vérifie le prédicat. On peut y voir ainsi un jugement catégorique, de type thème/rhème, qui asserte à propos du thème, à savoir l’ensemble de départ, que tant et tant d’éléments ou telle et telle quantité de cet ensemble vérifie(nt) le prédicat. La négation met en relief cette structuration. En niant (7), par exemple, même si on entend signifier qu’aucun député n’a voté blanc comme dans le cas de la négation de l’emploi existentiel, on ne fait pas disparaître pour autant les députés, c’est-à-dire l’ensemble de départ présupposé.

2. Contraintes prédicatives 2.1. Emploi existentiel : incompatibilité avec les prédicats ‘non spécifiants’ La troisième caractéristique réside dans une différence marquante de contraintes prédicatives. Il découle tout logiquement de la première propriété que si le prédicat est ‘non spécifiant’, la lecture existentielle ne peut s’établir, puisque les SN indéfinis ne reçoivent plus du prédicat les points de référence nécessaires à un ancrage spécifique. Cela signifie que, si on change les prédicats spécifiants de (1)-(5) par des prédicats de propriétés (soit des propriétés stables ou ‘individual-level predicates’ chez Carlson (1982), mais soit aussi des propriétés seulement transitoires ou épisodiques), alors les énoncés (1)-(5) donnent lieu à des combinaisons mal formées en interprétation

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existentielle10 , comme l’ont souligné, avec des variantes plus ou moins marquées et cloisonnées, la plupart des analystes Carlsson (1966), Gross (1968), Bellert (1970), Olsson (1976), Milsark (1977), Kleiber (1981a et 1981b), Riegel (1985), Galmiche (1986), Danon-Boileau (1989), Bosveldt-de Smet (1994 et 1998), Van de Velde (1995), Dobrovie-Sorin (1997 et à paraître), Tasmowski-de Ryck (1998) : (12) a. b. c. d. e.

? Un avion est gris ? Des inconnus sont étonnés ? Quelques kilomètres sont difficiles Beaucoup d’enfants sont tristes ? Du givre était glacé

On peut se demander pourquoi. Bellert (1970 : 22-23) suggérait que c’est parce que les prédicats apportent trop peu de renseignements sur l’objet particulier de référence. Pour notre part, nous avions proposé une réponse en termes de prédicat ‘interne’ vs prédicat ‘externe’ : si les prédicats non spécifiants ne conviennent pas pour ‘installer’, Galmiche (1986), ou spécifier un nouveau référent, c’est parce qu’en tant que propriétés, ce sont des prédicats internes, qu’une relation inhérente unit à l’objet de référence. Ils n’ont pas de localisation externe, ils ne ‘sortent’ pas de l’objet qui les vérifie : “ils ne se localisent précisément que par rapport à l’objet auquel ils s’appliquent”, Kleiber (1981b : 219, 1985 et 1987). Les spécifiants, par contre, font l’affaire, parce que ce sont des prédicats externes dont les occurrences particulières présentent un événement, une position obligatoirement localisés à un moment donné, dans un lieu donné. La preuve en est apportée par un phénomène bien connu et souvent relevé dans la littérature : celui de l’impossibilité de conserver l’interprétation existentielle si l’on insère la négation dans de tels énoncés. Comme le montrent les séquences de (13), la négation du prédicat spécifiant bloque toute lecture similaire à celle de la version positive. On comprend aisément pourquoi : s’il est nié, c’est-à-dire si l’évènement ou la position qu’il exprime n’a pas eu lieu ou n’existe pas, il devient non spécifiant. Il ne peut donc plus fournir l’ancrage nécessaire à la spécificité du SN et ainsi rend la combinaison inappropriée ou déclenche, si elle est accessible, une interprétation partitive, comme nous le verrons ci-dessous : (13) a. b. c. d. e.

? Un avion ne s’est pas écrasé hier dans les Vosges ? Des inconnus n’ont pas cambriolé la maison de Léa ? Quelques kilomètres ne séparent pas le col du vallon ? Du givre ne hérissait pas le pourtour de sa bouche ? Beaucoup de neige n’est pas tombée sur les Vosges ce week-end11

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C’est à cause de cela que le test de consistance/non consistance formulé par Löbner (1985) pour séparer les SN définis des SN indéfinis ne s’avère guère pertinent pour les indéfinis en emploi existentiel. La propriété de ‘consistance’ se définit comme suit : “si P (prédicat ou terme général) est vrai d’un terme individuel t, alors non P ne peut être vrai pour t”. Traduit en termes de SN, cela revient à la condition suivante : un SN répond à la propriété de consistance lorsque, si SN + SV est vrai et si non SV est la négation de SV, SN + non SV n’est pas vrai. Si Paul est malade est vrai, Paul n’est pas malade ne peut être vrai en même temps, ce qui permet de conclure à la consistance du SN Paul. Par contre, la vérité de (14) : (14) (15)

Beaucoup de français ont un sèche-linge Beaucoup de français n’ont pas de sèche-linge

comme le montre la combinaison (16) : (16)

Beaucoup de français ont un sèche-linge, mais il y en a encore beaucoup qui n’en ont pas

et conduit donc à qualifier le SN Beaucoup de français de non consistant. Comme avec les indéfinis en emploi existentiel, la négation du prédicat spécifiant rend celui-ci impropre à assurer la lecture spécifique du SN, le test de consistance est par avance exclu : il n’y a aucun sens à parler de consistance ou de non consistance pour les indéfinis en emploi existentiel tout simplement parce que la phrase avec non SV est ou mal formée ou enclenche une interprétation (partitive) pour le SN qui n’est plus du même niveau que celle (existentielle) du SN de la phrase positive. On ne saurait évaluer la valeur de vérité des séquences comportant non SV. Si Un avion s’est écrasé hier dans les Vosges est vrai, cela n’a aucun sens de se demander quelle est la vérité de ?Un avion ne s’est pas écrasé hier dans les Vosges parce que le prédicat, devenu non spécifiant par la négation, ne détermine plus de référent spécifique comme dans le cas de la phrase positive. Cette explication en termes de spécifiance prédicative axée sur le caractère ‘externe’ du prédicat, reprise par Riegel (1985 :119-122), reste à notre avis valide, mais demande à être explicitée quant au rôle exact joué par les coordonnées spatio-temporelles, dans la mesure où elle a pu susciter des critiques et des compléments légitimes. Danon-Boileau (1989 : 41-42) met en avant essentiellement le facteur temporel. Pour lui, tout énoncé contient une restriction temporelle qu’il appelle t, qui limite le jugement d’existence portant sur le sujet et le jugement d’attribution correspondant au lien entre sujet et

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prédicat. La différence entre un énoncé ‘événement’ et un énoncé ‘propriété’ réside dans la manière dont est défini ce t : “Dans un énoncé événement, t est défini au niveau du jugement d’attribution, tandis que dans un énoncé de type propriété t est défini au niveau du jugement d’existence” (Danon-Boileau, 1989 : 41). Par ailleurs, un indéfini indique que le t du jugement d’existence doit être défini par identification au t du jugement d’attribution. Du coup, on comprend pourquoi un SN indéfini ne peut convenir dans un énoncé de type propriété : le jugement d’attribution ne peut lui apporter le t dont il a besoin, de même que lui ne peut apporter le t dont a besoin le jugement d’attribution, d’où le tilt observé. Une difficulté immédiate est constituée par les prédicats de propriété transitoire. Comme leur caractère épisodique ou ‘stage-level’ implique le temps, pourquoi ne peuvent-ils servir à déterminer le t du jugement d’existence du SN indéfini ? De façon plus générale, indépendamment même du fait de savoir si le facteur temporel t est vraiment seul responsable dans l’affaire, on notera que l’explication proposée demande que l’on justifie pourquoi un énoncé de type propriété, et non un énoncé de type événement, suppose un sujet déjà déterminé temporellement, c’est-à-dire qu’elle ne fait finalement que repousser d’un cran le problème de départ. Van de Velde (1995 : 19) propose une réponse ontologique à cette question en mettant en avant une dépendance plus grande des propriétés vis-à-vis de leurs sujets que celle des événements vis-à-vis de leurs sujets : “Si les énoncés de type propriété exigent un sujet déjà situé dans le temps, ce qui revient à dire déjà posé comme existant réellement, et surtout de manière autonome, et indépendamment du prédicat qui lui sera éventuellement attribué par la suite, c’est parce que les propriétés sont elles-mêmes absolument dépendantes d’un sujet. Les événements au contraire le sont beaucoup moins”. Le terrain des anaphores associatives affaiblit cette hypothèse : les noms d’événements n’y sont guère mieux lotis que les noms de propriétés. Les deux sont en effet difficilement utilisables en anaphore associative12 , comme le montrent (17) et (18) : (17) a. b. (18) a. b.

? Paul est un fan de Marylin Monroe. La beauté le fascine ? Djikey enleva sa casquette. La calvitie illumina le haut de sa tête ? Paul entra. Les gestes étaient brusques ? La cabane abritait un chien. Les aboiements étaient touchants

et nécessitent le possessif pour maintenir le rapport de dépendance, Fradin (1984) et Kleiber (1999a et 1999b) : (19) a. b.

? Paul est un fan de Marylin Monroe. Sa beauté le fascine ? Djikey enleva sa casquette. Sa calvitie illumina le haut de sa tête

202 (20) a. b.

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? Paul entra. Ses gestes étaient brusques ? La cabane abritait un chien. Ses aboiements étaient touchants

Plutôt que la dépendance ontologique, c’est bien la piste des prédicats “internes” opposés aux prédicats “externes” qui semble être la bonne. Nous l’expliciterons en faisant ressortir le côté spatial ou localisant plus que le côté temporel. Si le facteur temporel est pertinent pour opposer les événements aux propriétés ‘individual-level’ ou stables, il est, à lui tout seul, insuffisant, comme nous venons de le souligner ci-dessus, pour rendre compte du fait que les propriétés épisodiques sont également non spécifiantes, étant donné qu’elles s’inscrivent dans le temps. Le trait différenciateur pertinent, qu’exprime bien l’opposition ‘interne/externe’13 , est constitué par la localisation. En quoi consiste la localisation d’un événement comme celui de Pierre est en train de marcher ? On peut parler du lieu où se passe cet événement (cf. la question Où ?), mais en fait la détermination de ce lieu est opérée par la place qu’occupe le marcheur, c’est-à-dire le référent sujet. C’est la position externe ou la place qu’il occupe dans l’espace au moment où il marche qui correspond à ce qu’on appelle le lieu de l’événement. Si nous prenons par contre une propriété (stable ou non), ce n’est plus le lieu qu’occupe le référent qui la vérifie qui est pertinent : si une pomme précise est pourrie, elle peut être sur l’arbre, sous l’arbre ou dans mon panier, cela n’influe nullement sur la vérité de la prédication, elle est pourrie. Son lieu ou sa localisation, comme il a souvent été souligné, est uniquement dans le référent, c’est-à-dire qu’elle est interne. On voit mieux à présent pourquoi les prédicats spécifiants ou prédicats externes et non les prédicats non spécifiants ou internes (ou de propriétés) peuvent assurer l’interprétation spécifique à leur SN indéfini sujet. Qu’est-ce, en effet, que le référent spécifique d’un SN comme Un chat sinon une entité individuelle définie par la possibilité de récurrer dans le temps, mais non dans l’espace ? Un chat précis ou spécifique, s’il peut être dit exister à deux moments différents, ne peut être dit exister en même temps à deux endroits différents. C’est ce qui, selon Zemach (1979), fait précisément la différence entre les types (ou individus génériques) et les entités individuelles, les premiers, mais non les secondes, récurrant à la fois dans le temps et l’espace. Ceci signifie qu’une entité individuelle est avant tout repérée comme unique, non pas tellement par le temps, puisqu’elle peut récurrer sur l’axe temporel, mais par l’espace, puisqu’elle ne peut être que dans ou à un seul endroit à la fois. Et comme un prédicat spécifiant implique pour un moment donné (c’est là le rôle du temps) une localisation externe du référent, il assure par là-même le statut spécifique ou d’entité individuelle du référent. Cette explication rend compte du fait que ce ne sont pas seulement les événements qui peuvent être des prédicats spécifiants. Les prédicats statifs 14

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sont également possibles, comme nous l’avions souligné dans Kleiber (1981a, 1981b et 1985), à condition précisément qu’ils localisent le référent 15 : (21) a. b.

Un livre était posé sur la table Une voiture est dans le garage

On le vérifiera avec les tournures existentielles du type de il y a. Alors que des prédicats de propriété, stable (‘individual-level’) comme être grosse, ou épisodique comme être pourrie, ne peuvent y établir la spécificité16 , les prédicats de localisation être posé sur la table ou être dans le garage arrivent parfaitement bien à remplir cette tâche : (22) a. b. (23) a. b.

Il y a une poire qui est pourrie Il y a une pomme qui est grosse Il y avait un livre posé sur la table Il y a une voiture dans le garage

2.2. Emploi partitif : plus de contrainte prédicative Le fait pour les SN indéfinis en emploi partitif de disposer d’un ensemble de départ spécifique lève la contrainte sur la spécifiance du prédicat qui prévaut dans le cas de l’emploi existentiel. La lecture partitive s’accommode aussi bien des prédicats spécifiants, comme dans (6)-(10), que des prédicats non spécifiants exprimant des propriétés, soit transitoires, soit stables17 , comme dans (24)-(28) : (24) (25) (26) (27) (28)

Une roue est abîmée Des députés sont des travestis Quelques élèves sont bilingues Beaucoup de tirs ont été trop mous Dans ce champ, du maïs est pollué

Les SN indéfinis de (24)-(28) sont en effet susceptibles d’une lecture spécifique dans la situation qui rend accessible un ensemble spécifique sur lequel sont extraits les référents dénotés par le SN indéfini. Autrement dit, l’interprétation de une roue, quelques élèves... s’effectue dans ce cas, mais sans s’y assimiler, sur le modèle de celle de une des roues, quelques-uns des élèves... Le prédicat peut être cette fois-ci non spécifiant ou interne, puisque la spécificité des référents dénotés par le SN indéfini est acquise par une autre voie que celle du prédicat. Si le prédicat est interne ou non spécifiant, ce n’est

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plus que l’interprétation partitive qui s’installe. Des référents déjà érigés en particuliers n’ont en effet plus besoin d’une localisation ‘extérieure’ à un moment temporel fixe pour avoir le statut de particulier. L’attribution d’un prédicat spécifiant ne les spécifie pas une seconde fois : s’il le faisait, ce serait par rapport au statut du départ une restriction ou un changement de la spécifiance initiale, puisqu’ils ne seraient plus connus à l’issue de l’énoncé que comme étant les N qui ont fait telle ou telle chose ou qui sont à ou dans tel ou tel lieu à tel moment donné. La comparaison avec les emplois existentiels soumis à la négation est ici révélatrice : alors que ceux-ci ne subsistent guère, comme nous l’avons vu avec ? Un avion ne s’est pas écrasé hier dans les Vosges, si on les combine à un prédicat spécifiant nié, la lecture partitive est parfaitement possible dans une telle situation, puisque le statut spécifique du SN indéfini ne dépend plus du prédicat. Le passage de l’énoncé positif à l’énoncé négatif correspondant s’accompagne toutefois d’un changement, qui rappelle la différence entre définis et indéfinis. C’est celui du ou des référents dénotés. Alors que la négation n’affecte nullement la référence des SN de (29) : (29) a. b.

(Paul + Le garde-champêtre + Son mari + Ce linguiste à claquettes) est en train de bâiller (Paul + Le garde-champêtre + Son mari + Ce linguiste à claquettes) n’est pas en train de bâiller

elle entraîne pour (30) des référents différents de ceux des énoncés positifs : (30) a. b. c. d. e.

Une roue n’a pas été arrachée (en parlant d’une voiture) Des députés n’ont pas voté blanc Quelques élèves n’ont pas choisi le latin Dans ce champ, du maïs n’a pas été dévoré par les sangliers Beaucoup de tirs n’ont pas été loupés par maladresse

Ce qui perdure référentiellement parlant dans une telle opération, c’est bien entendu l’ensemble spécifique de départ, sur lequel opèrent les SN indéfinis et qui est nécessaire à la construction de l’interprétation partitive . La maintenance de cet ensemble dans la phrase négative explique que, contrairement aux indéfinis en emploi existentiel, les indéfinis en emploi partitif acceptent de se voir appliquer le test de consistance de Löbner (1985). On peut en effet déterminer cette fois-ci la valeur de vérité de la phrase comportant non SV, parce que l’ensemble de départ permet d’opérer cette évaluation. Nous l’avons déjà vu avec un exemple en beaucoup de, nous le vérifierons ici avec (6)-(10) et (30). Le résultat est clair : les déterminants indéfinis un, des, quelques, du, beaucoup de, en emploi partitif, s’avèrent non

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consistants. La vérité de (7), par exemple, est compatible avec celle de (30), comme le montre la vérité possible de la conjonction (31) : (31)

Des députés ont voté blanc et des députés n’ont pas voté blanc

3. Effet de partition 3.1. Emploi existentiel : pas de partition La lecture existentielle des SN indéfinis de (1)-(5) ne s’accompagne pas d’une partition qui séparerait les entités qui vérifient le prédicat spécifiant d’entités qui ne le vérifient pas Galmiche (1986), Attal (1994), Bosveldt-de Smet (1994 et 1998), Peterson (1996 et 1999), Dobrovie-Sorin (1997), Tasmowski-de Ryck (1998), etc. Le prédicat ne divise pas un ensemble de référents de départ en ceux auxquels il convient et ceux auxquels il ne convient pas. Il ne ‘délimite’ pas, pour reprendre le terme de Galmiche (1986), un ensemble en deux parties, la partie des référents pour lesquels le prédicat est vrai, et celle qui rassemble les référents pour lesquels le prédicat est faux. L’énoncé (2), par exemple : (2)

Des inconnus ont cambriolé la maison de Léa

ne saurait avoir une interprétation partitive qui extrait ou prélève sur un ensemble d’inconnus ceux qui ont cambriolé la maison de Léa et qui donnerait donc à penser que tous n’ont pas cambriolé la maison de Léa (ou que seulement certains l’ont fait). Il n’y a aucun sens à penser, à propos de (5) et de (32), par exemple : (5) (32)

Du givre hérissait le pourtour de sa bouche Beaucoup de neige est tombée sur les Vosges ce week-end

qu’il y a du givre qui ne hérissait pas sa bouche et qu’il y a de la neige qui n’est pas tombée sur les Vosges ce week-end. Bref, la lecture existentielle des SN indéfinis ne consiste pas en une opération de prélèvement sur un ensemble déjà constitué qui aboutit à une division en référents qui vérifient le prédicat et référents qui ne le vérifient pas. Dit encore autrement, la lecture des SN indéfinis de (1)-(5) et (32) ne se construit pas par opposition à un tout : leurs référents ne se présentent pas comme des ‘parties’. Les manifestations linguistiques de cette propriété ne manquent pas. Premièrement, les énoncés (1)-(5) ne peuvent donner lieu à une glose explicitement partitionnaire du type Parmi les N, Dét N Préd. L’énoncé (4) :

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(4)

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Marie a beaucoup d’enfants

ne saurait être mis en rapport avec (33) : (33)

? Parmi les enfants, Marie en a beaucoup

Deuxièmement, leur interprétation refuse tout rapprochement avec les SN de structure extractive en de mettant en jeu un ensemble sur lequel déterminant indéfini opère une partition. Le sens de (1), par exemple : (1)

Un avion s’est écrasé hier dans les Vosges

n’a rien à voir avec le sens partitif que modélise le SN en de de (34) : (34)

Un des avions s’est écrasé hier dans les Vosges

En troisième lieu, aucune inférence mettant en jeu une totalité ou une partie complémentaire n’est valide. On ne saurait faire suivre (1)-(5) d’énoncés tels que (35)-(36) qui impliquent une partition sur un ensemble de départ : (35) a. b. c. d. e.

? Tous les avions ne se sont pas écrasés hier dans les Vosges ? Tous les inconnus n’ont pas cambriolé la maison de Léa ? Tous les kilomètres ne séparent pas le col du vallon ? Tout le givre ne hérissait pas le pourtour de sa bouche ? Marie n’a pas tous les enfants

(36) a. b. c. d. e.

? Il y a des avions qui ne se sont pas écrasés hier dans les Vosges ? Il y a des inconnus qui n’ont pas cambriolé la maison de Léa ? Il y a des kilomètres que ne séparent pas le col du vallon ? Il y a du qui givre ne hérissait pas le pourtour de sa bouche ? Il y a des enfants que Marie n’a pas

De même, on ne peut envisager de demander après ce type d’énoncé ce qu’il est advenu des... autres18 : (37)

Un avion s’est écrasé hier dans les Vosges — ?? Et les autres ?

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3.2. Emploi partitif : effet de partition La principale différence entre lecture existentielle et lecture partitive se manifeste par la présence d’un effet de partition lorsqu’il s’agit du deuxième type d’emploi. Il y a dans ce cas effectivement une séparation au sein de l’ensemble de départ entre ceux des référents qui vérifient le prédicat et dont le SN indéfini indique en somme la quantité (/qualité)19 et ceux qui ne le vérifient pas. Certains commentateurs parlent de prélèvement (ou d’extraction) opéré par l’indéfini au sein de l’ensemble de départ, qui aboutit à la division de l’ensemble en deux parties, les référents qui vérifient le prédicat et ceux qui ne le vérifient pas20 . Ainsi, si une roue a été arrachée, comme l’asserte (6), c’est que les autres roues ne l’ont pas été. Il en va de même pour (7)-(10) et (24)(28) : chaque énoncé donne à penser que ce n’est qu’une partie du tout référentiel de départ qui vérifie le prédicat. Autrement dit, que tous les députés n’ont pas voté blanc ou qu’il ne sont pas tous des travestis, que tous les élèves n’ont pas choisi le latin ou qu’ils ne sont pas tous bilingues, que tout le maï s du champ n’a pas été dévoré par les sangliers... La glose partitionnaire leur est en conséquence applicable. On peut effectivement utiliser (38) pour gloser le sens partitif de (7), par exemple : (7) (38)

Des députés ont voté blanc Parmi les députés, il y en a qui ont voté blanc

Les SN complexes à de extracteur sont pertinents pour expliciter la partition opérée (cf. le rapprochement entre une roue et une des roues, quelques élèves et quelques-uns des élèves). En troisième lieu, et de façon tout à fait naturelle, les énoncés impliquant une totalité ou une partie complémentaire, qui étaient hors jeu pour l’emploi existentiel, apparaissent comme des inférences valides dans le cas de l’emploi partitif. On peut inférer à partir de (6)-(10) ou (24)-(28) des énoncés tels que (39)-(40) : (39) a. b.

Toutes les roues (n’ont pas été arrachées + ne sont pas abîmées) Tous les députés (n’ont pas voté blanc + ne sont pas des travestis)

(40) a.

Il y a des roues (qui n’ont pas été arrachées + qui ne sont pas abîmées) Il y a des députés (qui n’ont pas voté blanc + qui ne sont pas des travestis)

b.

Et il est possible d’avoir un dialogue comme celui de (41), inapproprié en lecture existentielle :

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(41)

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Quelques élèves ont choisi le latin — Et les autres ?

4. Généricité partitive Il y a une autre caractéristique qui sépare lecture partitive et lecture existentielle : la possibilité d’avoir lieu dans une phrase générique 21 . En emploi existentiel, les indéfinis ne peuvent pas fonctionner en phrase générique. En emploi partitif, certains indéfinis si, Bosveldt-de Smet (1994 et 1998), Peterson (1996) et Tasmowski-de Ryck (1998), comme le montrent les énoncés suivants : (42) (43)

Beaucoup d’étudiants ont un ordinateur personnel Certains chats aiment la musique religieuse

Il y a bien généricité22 dans ce cas, même si le fait n’est généralement pas mentionné23 , car les occurrences mises en jeu ne sont pas des occurrences particulières, spatio-temporellement déterminées. L’ensemble de départ est constitué par la classe générique ou ‘ouverte’, Kleiber & Lazzaro (1987), les étudiants/les chats dans laquelle se trouve prélevée la ‘partie’ des étudiants et des chats qui vérifient le prédicat. L’effet partitif ressort des inférences (44) et (45) que l’on peut tirer de (42)-(43) : (44) a. b.

Tous les étudiants n’ont pas un ordinateur personnel Tous les chats n’aiment pas la musique religieuse

(45) a. b.

Il y a des étudiants qui n’ont pas d’ordinateur personnel Il y a des chats qui n’aiment pas la musique religieuse

de séquences telles que (46) : (46)

Certains chats aiment la musique religieuse. D’autres le tango argentin

et de l’impossibilité de mettre ces phrases sur le même plan que les phrases génériques standard en (tous) les N, le N et Un N : (47) (48) (49)

Les chats aiment la musique religieuse Le chat aime la musique religieuse Un chat aime la musique religieuse

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dans la mesure où elles ne donnent précisément pas lieu à l’effet de quantification universelle ou de quasi-universalité que l’on prête à cette triade. C’est pour cette raison que (47)-(49) et non (42)-(43) acceptent l’adverbe de quantification de quasi-universalité générique en général/généralement : (50) a. b.

(51) a. b.

Les chats aiment (en général + généralement) la musique religieuse (Le chat + Un chat) aime (en général + généralement) la musique religieuse ? Beaucoup d’étudiants ont (en général + généralement) un ordinateur personnel ? Certains chats aiment (en général + généralement) la musique religieuse

C’est pour cette raison aussi que seuls (47)-(49) et non (43)-(44) se laissent représenter par une proposition universelle du type si x est un chat, alors x aime la musique religieuse et peuvent donner lieu à un raisonnement par défaut24 qui permet d’inférer que si, par exemple, Poussy est un chat, et s’il est consistant de croire que Poussy peut aimer la musique religieuse, alors on admettra que Poussy aime la musique religieuse, Kleiber (1988 et 1989). Une telle généricité ‘partitive’ appelle plusieurs précisions que nous nous contenterons de mentionner. Tout d’abord se pose la question du type de généricité dont il s’agit. Bosveldt-de Smet (1994 : 136) souligne qu’il ne s’agit pas de prédications caractéristiques, mais qu’elle ne saurait en dire plus pour le moment. Ensuite, il faudrait expliquer ce qui se passe avec l’article partitif du et pourquoi la généricité partitive est interdite à quelques et plusieurs et, à un degré moindre, comme le montre l’opposition entre (53) et (54), à des : (52) a. b. c.

? Quelques chats aiment la musique religieuse ? Plusieurs chats aiment la musique religieuse ? Des chats aiment la musique religieuse 25

(53) a. b.

? Il y a quelques chats qui aiment la musique religieuse ? Il y a plusieurs chats qui aiment la musique religieuse

(54)

Il y a des chats qui aiment la musique religieuse

Dernier complément à apporter enfin, pourquoi un, lorsqu’il est générique, ne donne-t-il pas lieu à une lecture partitive 26 , mais à la lecture générique

210

GEORGES KLEIBER

standard illustrée par (49), alors que l’on dispose d’un ensemble de départ, à savoir l’ensemble générique : (49)

Un chat aime la musique religieuse

Pourquoi en va-t-il de même avec des27 , lorsque celui-ci accède à la généricité, soit dans des phrases modalisées telles que (55) : (55) a. b. c. d.

Des jeunes filles soivent être discrètes, Corblin (1985 : 12) Des chats ont besoin d’affection, Anscombre (1996) Des agents de police ne se comportent pas ainsi dans une situation d’alarme, Carlier (1998 : 35) De braves gens sont faciles à duper, Wilmet (1997 : 117)

soit en position disloquée, avec le pronom ça comme dans (56) (Kleiber 1998) : (56)

Des cerisiers, ça fleurit au printemps

Quoi qu’il en soit de tous ces problèmes, le point important à retenir est que la distinction entre emploi existentiel et emploi partitif des SN indéfinis est sensible à l’ interprétation générique, puisque seul l’emploi partitif est envisageable pour une telle situation et pour certains déterminants indéfinis seulement, comme nous venons de le voir. On comprend pourquoi : s’il y avait des SN indéfinis génériques en emploi existentiel, cela signifierait que leur référent (la classe générique correspondant au N déterminé) se trouve portée à l’existence, soit par un prédicat qui spécifierait ou assurerait l’existence générique de ce référent, soit par une tournure existentielle en il y a ou il existe. Or, une telle assertion d’existence est impossible, parce que l’existence de la classe ou catégorie générique des ou du N se trouve déjà présupposée par le simple fait qu’il s’agit d’un nom Ducrot (1972)28 et Kleiber (1981a : 92-94 et 1984). De là, l’impossibilité d’avoir une structure Dét N + Préd. où le prédicat serait celui qui introduit l’existence de la classe générique des N ou du N, même s’il s’agit du verbe exister : (57) a. b. c.

*Les insectes (existent + n’existent) pas *Un insecte, (ça existe + ça n’existe pas) *Des insectes, (ça existe + ça n’existe pas) 29

De là aussi l’impossibilité de tournures impersonnelles existentielles du type iI y a/il existe des N/du N, Kleiber (1981a et1984) :

DÉTERMINANTS INDÉFINIS

(58) a. b.

211

* (Il y a + il existe + il est) des insectes * (Il n’y a pas + il n’existe pas + il n’est pas) d’insectes

pour asserter ou nier l’existence de la classe des N, tournures auxquelles on opposera celles à unités non codées il y a/il existe des N + modificateur restricteur telles que : (59) a. b.

(Il y a + Il existe) des insectes nuisibles (Il n’y a pas + Il n’existe pas) d’insectes nuisibles

qui permettent, elles, de poser l’existence d’une sous-classe générique de N.

Conclusions Il n’est évidemment pas question de conclure. Si la mise en relief et description des emplois existentiels et partitifs des indéfinis a permis de mettre à jour et au jour certaines des questions agitant le fonctionnement sémantico-référentiel des SN indéfinis et si donc de ce côté-là nous avons bien rempli notre contrat, elle soulève en même temps deux questions, cruciales, pour l’analyse de ces déterminants : –



Faut-il postuler deux sens (ou deux déterminants) différents correspondant à chacune des deux lectures ? En somme, y a -t-il polysémie des indéfinis ? Et si non, comment expliquer la production de ces lectures différentes ? La mise en relief de la lecture existentielle, non partitive, condamne-telle les caractérisations classiques des indéfinis comme des quantificateurs partitifs ? Autrement dit, peut-on continuer de parler de partitif pour du, des, beaucoup de, plusieurs, quelques, etc., comme le font des auteurs comme Milner (1978), Martin (1983a et 1983b), Wilmet30 (1986 et 1997), etc., alors que dans une grande partie de leurs emplois, la majorité pour certains, il n’y a pas d’effet partitif ?

La réponse, comme le veut une expression qui fait dans le feuilleton, sera (peut-être) donnée au prochain numéro (Kleiber, à paraître).

212

GEORGES KLEIBER

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SUMMARY The aim of this paper is to highlight the principal characteristics which divide the existential reading and the partitive reading of indefinite determiners. On the one hand, this explanation will allow us to see more clearly what this opposition consists of. On the other hand, it will offer a new solution to the difficulty that the distribution of indefinite SN with the predicates causes. Meanwhile, we’ll undertake not only the problem of quantitative determination, but also those of the indefinites’ specificity, of the genericity, of taxonomies and types of predicates.

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NOTES 1

Cette double lecture se trouve déjà présente, mais exposée dans un cadre et avec une visée différents, chez Kleiber (1981a, 1981b et 1987) et Galmiche (1986). 2 En fait, c’est un peu la bouteille à l’encre du point de vue de l’appellation du coté des lectures non existentielles des SN indéfinis. Comme le signale Bosveldt-de Smet (1998 : 28), on distingue parfois du côté des interprétations non existentielles, aussi appelées ‘interprétations fortes’ de Hoop (1992), par opposition à l’emploi existentiel ou ‘interprétation faible’, une lecture ‘référentielle’, une lecture ‘partitive’, une lecture ‘générique’, une lecture ‘taxinomique’, etc. Mise à part l’interprétation générique collective (type Dix enfants font plus de bruit que deux), ces différentes interprétations s’accompagnent d’un effet partitif qui justifie leur regroupement sous la bannière de ‘emploi partitif’ et qui fait que nous préférons utiliser l’opposition ‘emp loi existentiel/emploi partitif’ que, par exemple, celle de ‘emploi faible/emploi fort’. 3 Soulignons qu’on pourrait aussi avoir plusieurs, certains, aucun, trois, etc. (cf. par exemple La famine a fait naître certains besoins chez les paysans alsaciens). 4 Même remarque que pour la note précédente (cf. par exemple, Certaines maisons ont été démolies). 5 C’est-à-dire à nos premières amours. 6 Voir ici la DRT, Kamp & Reyle, (1993) qui modélise bien cette introduction par un indéfini d’un nouveau référent et Corblin (1994, 1997). 7 Mais pas seulement, comme le montrent Kratzer (1995) et Tasmowski-de Ryck (1998) avec des exemples comme des agitateurs étaient présents ; des tempêtes sont imminentes ; des circulaires sont disponibles, etc. Voir aussi l’opposition en complémentation adnominale de la présence d’agitateurs, ?l’intelligence d’agitateurs ; l’imminence de tempêtes, ?l’importance de tempêtes ; la disponibilité de circulaires, ?la grosseur de circulaires, Kupferman (communication personnelle). 8 Tasmowski-de Ryck (1998) l’utilise toutefois pour caractériser la lecture existentielle. 9 Il ne faut en effet pas oublier que la structuration syntaxique est binaire, comme le rappelle avec justesse Muller (1999), et qu’en conséquence à un niveau différent de celui de la grammaire discursive, il est possible de continuer de parler d’une structure thème/rhème pour de tels énoncés. 10 Dès qu’une autre lecture est accessible, elles retrouvent bien entendu droit de cité. 11 Il en va différemment avec beaucoup de en position d’objet (cf. Marie n’a pas beaucoup d’enfants). 12 Il y a ‘aliénation’ possible Kleiber (1999a et 1999b), si et seulement si le contexte fournit un facteur ‘détachant’ (cf. par exemple, Le malade est livide. Les yeux sont hors de leurs orbites ; Le malade était livide, les gestes étaient brusques et désordonnés ; Les chiens s’étripaient, les aboiements étaient épouvantables). Ce facteur variant selon le type d’entités à aliéner, il serait intéressant d’entreprendre une étude de ces variations en rapport avec le type de N concerné. 13 Dans sa critique de la notion de prédicats spécifiants, Dobrovie-Sorin (à paraître) n’a pas tenu compte de cette caractérisation en termes de externe/interne. Sa propre solution va pourtant dans le même sens, celui de la localisation. 14 Mais dans ce cas, la différence entre prédicats de niveau de phase (états précaires) et prédicats de niveau d’individu (propriétés stables) semble autant pertinente pour l’installation de SN spécifiques que la localisation (Kupferman, communication personnelle), comme le montre l’opposition entre Des étudiants de 1ère année sont à côté de sa porte et attendent et ? Des arbres sont à côté de sa maison.

DÉTERMINANTS INDÉFINIS

15

217

Du, comme on sait, éprouve des difficultés à apparaître en position sujet, même avec des statifs localisants. Il est significatif de souligner que la réponse qu’apporte Theissen (1997) à cette question met précisément en relief le facteur de localisation spatiale. 16 Rappelons qu’une autre lecture est possible. 17 Cela ne signifie évidemment pas que toutes le soient. Ça, c’est un autre problème (intéressant) que nous n’aborderons pas maintenant (voir Tasmowski-de Ryck, 1998). 18 Le sémantisme d’autre fait qu’il ne convient pas à tous les déterminants indéfinis . 19 Voir ici le couple quantité/qualité de Culioli et celui de quantifiant/caractérisant de Wilmet (1986 et 1997). 20 Hawkins (1978) parle de ‘exclusivité’ (tous les membres de l’ensemble ‘partagé’ ne vérifient pas le prédicat) pour définir l’article indéfini et l’oppose à la ‘inclusivité ’. 21 Nous nous contentons de s ignaler qu’une lecture taxinomique est possible aussi bien pour les emplois partitifs (cf. Beaucoup d’insectes sont nuisibles dans le sens de “beaucoup d’espèces d’insectes”) que pour les emplois existentiels (cf. Un poisson abonde dans cette rivière, à savoir la truite). 22 Il ne faut pas confondre cette généricité partitive, qui porte sur les individus, avec la lecture taxinomique à laquelle peut donner lieu également ce type d’énoncés (cf. Certains chats, à savoir les angoras et les vosgiens, n’aiment pas la musique religieuse). 23 Lazzaro et moi-même avons totalement oublié ce cas dans notre tentative de cerner les caractéristiques d’un SN générique, tout simplement parce que nous avons érigé le trait de totalité comme facteur définitoire Kleiber & Lazzaro (1987). Il est clair que si l’on considère, ce qui est tout à fait légitime, comme générique uniquement “un énoncé qui vaut pour les membres d’une classe, sans introduire de discrimination entre ses membres” (Corblin, 1989 : 12), alors ce type d’énoncé avec beaucoup et certains n’entre pas dans la catégorie des énoncés génériques. Anscombre (1996 et 1999) a fort bien mis en relief le rôle de ce type de phrases génériques. 24 Ceci est surtout vrai pour certains, beaucoup moins pour beaucoup. 25 Tasmowsky-de Ryck (1998 : 553) signale pourtant Des gosses sont gentils, d’autres moins. On proposera au jugement du lecteur un énoncé comme Des maladies sont mortelles (dans le sens de il y a des maladies mortelles), mais, on le voit, l’on passe du même coup vers une interprétation taxinomique : il y a des types de maladies qui sont mortelles). 26 Dans une note, Tasmowski-de Ryck (1998 : 555) suggère la réponse suivante : “Pour les énoncés génériques ‘normaux’, il faut admettre que tout ensemble est un sous-ensemble de luimême”. 27 Pour du, voir, par exemple, Wilmet (1997 : 117) avec Du vin blanc désaltère mieux que du vin rouge. 28 “On arrive à comprendre (...) le prés upposé d’existence lié à tous les actualisateurs. (...) le nom qui les suit fonctionne, non pas comme le nom d’une propriété, attribuée à tel ou tel individu du monde, mais comme le nom d’une classe, dans laquelle s’opère la quantification...”. Ducrot (1972 : 235). 29 Ces énoncés redeviennent bien formés si exister exprime une matière spéciale d’exister (Kleiber, 1977 et 1981a : 92-94). 30 Wilmet parle plus précisément de ‘extensivité partitive’ opposée à la ‘extensivité extensive’ du défini.

QUANTIFICATION ET DÉTERMINATION DANS LES GROUPES NOMINAUX LUCIEN KUPFERMAN Université de Tel-Aviv

Introduction Kupferman (1979 & 1994), reprenant une hypothèse ancienne (on la trouve chez Guillaume (1970), Gross (1967), Milner (1978)), voulait démontrer que l’article dit ‘partitif’ est un mot dimorphémique amalgamant le quantifieur de et l’article défini. D’une telle description de l’article partitif il ne faut franchir qu’un pas pour énoncer que l’item de qui s’y incorpore est le même que celui qu’on retrouve dans les quantifieurs du type beaucoup de. C’est cette intuition que Milner (1978) a représentée dans une double formule séquentielle qui énonce une situation de complémentarité distributionnelle : à gauche de de apparaît soit Ø, et dans ce cas figure à sa droite un article défini (générique), soit un élément ou séquence quantifiants et dans ce cas la position est nulle à droite. C’est ce que traduit la double séquence suivante : (1) (2)

Ø de le N X Q de Ø N X

qu’on précisera et ventilera ainsi : –

N massifs singuliers :

(3) a. b.



Ø de le/*Ø N X = de la / *de bière s’était répandue sur la table Q de Ø/*le N X = beaucoup de / *beaucoup de la bière s’était répandue sur la table

N comptables singuliers :

220

LUCIEN KUPFERMAN

(3) a. b. –

N massifs pluriels :

(3) a. b. –

*Ø de le N X = *du livre est enfin terminé *Q de Ø N X = *beaucoup de livre est enfin terminé

Ø de les/*Ø N X = des décombres recouvraient le terrain Q de Ø/*les N X = beaucoup de décombres recouvraient le terrain

N comptables pluriels :

(3) a. b.

Ø de les/*Ø N X = des /*de livres sont enfin arrivés Q de Ø/*les N X = beaucoup de / *des livres sont enfin arrivés

L’hypothèse qui sert de cadre à cette étude énonce que : –

les formes séquentielles (3) sont en fait des groupes quantifiants (= QP) à tête (fonctionnelle) Q° (= de) ; – à gauche, dans l’option (2) – ce sont les cas (b) de (3), QP dispose d’une position de spécifieur (marquée par ‘Q’ chez Milner) pouvant abriter des projections maximales de types divers : des adverbiaux (type : très peu/énormément (de meubles/patience)), ou des DP de sortes diverses – avec des noms de mesure ou encore des nominaux relativement délexicalisés (type : une masse/une foule (d’idées)), etc. ; cf. Gross (1977) ; Milner (1978) ; Godard (1988). Dans l’option (1) cette position de spécifieur est vide ; – à droite, si c’est l’option (2) qui est choisie, Q° gouverne la projection maximale NP d’une tête lexicale (= N°), ce sont les ‘tours quantitatifs’ de Milner (1978) qui sont produits, type (beaucoup de) meubles. Si c’est l’option (1) qui est choisie, Q° gouverne la projection maximale DP d’une tête fonctionnelle (= D°), et ce sont les ‘tours partitifs’ de Milner : type (beaucoup de) ces meubles qui apparaissent. Les formes (1) et (2) se représentent alors comme suit : (4) (5) (6)

[ QP [ Q° de] [ DP [ D° le / les ] NP X]] = ‘article partitif’ [ QP Spec [ Q’[ Q° de] [ NP NP X ]]] = ‘constructions quantitatives’ [ QP Spec [ Q’[ Q° de] [DP[ D’ D° [NP NP X ]]]]] = ‘constructions partitives’

Dans (4) D° est interprété génériquement, et dans (6) sa lecture est spécifique. L’interprétation générique du DP enchâssé de (4) ou bien l’absence de lecture référentielle du NP interne de (5) n’induisent pas que l’interprétation

QUANTIFICATION ET DÉTERMINATION

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des QP entiers ne soient pas spécifiques. Ici c’est la phrase et son prédicat qui décident. L’analyse (6), soutenue par Kupferman (1999), veut remplacer celle de Milner (1978) qui soutenait que les ‘tours partitifs’ sont isomorphiques des constructions à génitifs, et qu’il y avait ainsi une différence typologique fondamentale entre ‘tours quantitatifs’ et ‘partitifs’. Ici la différence se réduit à la complémentation de Q° par un NP (non référentiel donc) ou par un DP (donc référentiel). Il reste que les observations qui précèdent sur la séquence double (1) et (2) et l’analyse structurale qui en est faite respectivement dans (4) et (5) se résument à ce que leur spécifieur et le D-tête de leur complément sont en distribution complémentaire, en situation d’exclusion réciproque. Aucun principe structural qui relierait entre eux les items de (4)-(5) n’offre, semble-til, d’explication à cette généralisation toute stipulative, appelons -la pour les besoins de cette étude ‘généralisation G’. On veur montrer que la motivation de G est d’ordre essentiellement sémantique. L’étude présente s’appuiera sur les effets, décrits par Van de Velde (1995) et Kleiber (1998a et b), du quantifieur tout sur les domaines référentiels, afin d’en inférer ceux du quantifieur de et des spécifieurs le précédant sur l’article partitif, et les constructions quantitatives et partitives, des types (4)-(6). Voici les types de constructions qui serviront à la démonstration : (7) i.

tout+DP à N massif en phrase générique = *toute la purée se mange d’habitude avec du gigot ; tout le riz se mange ii. type DP à N massif en phrase générique = la purée se mange d’habitude avec du gigot ; le riz se mange avec du curry iii. tout+DP à N massif en phrase spécifique = toute la purée a été mangée iv. type QP à N massif en phrase spécifique = de la purée s’est renversée sur lui v. type QP avec quantifieur adverbial et DP à N massif singulier en phrase spécifique = très peu de cette soupe-là s’était renversée sur la table vi. type QP avec quantifieur adverbial et DP à N comptable pluriel en phrase spécifique = beaucoup des livres de Paul/de ces livres se sont bien vendus vii. type QP avec quantifieur adverbial et NP à N massif en phrase spécifique = beaucoup de purée s’était renversée sur la table ; beaucoup de patience était nécessaire viii.type QP avec quantifieur adverbial et NP à N comptable singulier en phrase spécifique = *beaucoup de livre est déjà écrit

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ix. type QP avec quantifieur adverbial et NP à N comptable pluriel en phrase spécifique = beaucoup de livres sont déjà écrits Dans les première et deuxième sections, on montrera que l’impossibilité de combiner un élément quantifiant à gauche de de avec l’article défini générique à droite, autrement dit d’obtenir une construction partitive avec le générique réside dans l’interaction des propriétés de la quantification et des domaines génériques. La première section prendra pour objet les termes concrets, et la seconde les termes abstraits. La troisième section étendra l’analyse aux constructions quantitatives.

1. Les propriétés de de ayant dans sa portée un N massif concret 1.1. Discussion préliminaire des données de (7) Les données de (7i-ii) mettent en jeu des phrases génériques et des sujets génériques. Le premier exemple de (7i) peut être considéré comme prototypique par rapport au second. Ce dernier exige en effet une lecture particulière où la propriété de comestibilité dénotée par le prédicat est attribuée à chacune des entités discrètes contenues dans le domaine générique de riz subissant une quantification de la totalité. C’est la structure granulaire particulière du référent qui permet ce contraste avec le premier exemple, sans que le N riz ne dénote par lui-même des entités discrètes (cf. un riz se mange entièrement). Il reste que le cas prototypique représenté par riz interdit la quantification par tout (*tout le riz se mange d’habitude avec du gigot d’agneau). Une généralisation, d’ordre observationnel à cette étape, doit donc être ainsi faite : les domaines génériques ne peuvent pas être quantifiés par tout. Si (7ii) apparaît sans dommage, c’est qu’à la différence de (7i) les domaines génériques n’y sont pas quantifiés par tout. Les exemples qui suivent mettent en jeu des énoncés spécifiques. (7iii) contraste avec (7i) en ce que la quantification par tout y est licite. On peut soutenir alors la généralisation suivante : seuls les domaines DP spécifiques peuvent être quantifiés par tout. Plus précisément, le DP enchâssé sous le Q° toute dans la configuration [QP [Q° toute][DP [D° la][NP purée]]] doit être spécifique. Avec (7iv) on entre dans le chapitre de l’article partitif, celui de (4) ; on doit y distinguer deux domaines d’interprétation. La phrase entière est spécifique, et il en est de même alors de son sujet à article partitif ; cf. *de la purée se mange toujours avec du gigot 1 . Mais le DP enchâssé sous Q° de, dans le QP [QP [Q°

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de][DP [D° la][NP purée]]] sujet de (7iv) est nécessairement générique, comme on le montrera la discussion des exemples (9). (7iii) et (7iv) contrastent ainsi en ce que le DP du sujet de ce dernier doit être générique, et celui du premier spécifique. (7v-vi) illustrent le cas des constructions partitives analysées en (6). La discussion du deuxième exemple de (9) montrera que le DP enchâssé y est obligatoirement spécifique. (7v) met en jeu un N massif et (7vi) un N comptable pluriel. Enfin, (7vii)-(7ix) entrent dans le type des constructions quantitatives. (5) les analyse comme des NP enchâssés sous Q°. Ces NP sont par nature des expressions non référentielles, et de là découlent des conséquences qui seront examinées dans la section 3. 1.2. Différence d’interprétation entre les séquences à spécifieur nul et à spécifieur plein (7i) et (7ii) doivent s’entendre comme signifiant que les DP objets des énoncés (8i) et (8ii) contrastent entre eux : (8) i.

ii.

Sam avait déjà versé de cette soupe-là à Léa = type (7iv) où Spec = Ø ; je n’ai versé que de sa bière à lui ; elle nous a versé de ça tous les quarts d’heures Sam avait déjà versé beaucoup de cette soupe-là à Léa = type (7v) où Spec ≠ Ø

Le DP cette soupe-là dans le premier exemple de (8i) dénote un sousdomaine : le QP entier peut se paraphraser par “… un échantillon quelconque de cette sorte–là de soupe”. Cette soupe-là a donc sous le quantifieur de dans (8i) une interprétation sortale. Il en est de même des DP sa bière à lui, ça. L’énoncé (8ii) ne contraint pas à la lecture générique le DP contenu dans le QP objet : il peut être synonyme de “Sam avait déjà servi un échantillon-degrande-quantité de cette soupe réelle-là”. Le spécifieur beaucoup réintroduit la dénotation du nominal dans le monde réel. Pour s’en assurer, il suffit de confronter deux exemples comprenant des compléments adnominaux restricteurs, qui bloquent la généricité : (9) i. ii.

*de la soupe de Marie s’était renversée sur lui très peu de la soupe de Marie s’était finalement renversé sur lui

Si de Marie est à considérer comme un modifieur, les configurations des QP sujets de (9) sont respectivement :

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(9’) i. ii.

*[QP [Q° de ][DP [DP [D° la][NP soupe ][PP de Marie ]]] [QP [Spec très peu ][Q° de ][DP [DP [D° la][NP soupe ][PP de Marie]]]

Dans (9i) le PP est adjoint au DP et restreint de la sorte sa référence. L’illégitimité de (9i) a donc sa source dans l’impossibilité de restreindre cette référence, ce qui ne peut s’expliquer que si le DP parcourt un domaine nécessairement ouvert, un domaine générique. Les données inverses de (9ii)(9’ii) montrent que le domaine du DP figurant avec le spécifieur (plein) très peu est fermé, spécifique. La corrélation des interprétations générique ou spécifique des DP avec l’absence ou la présence de spécifieurs dans des QP à têtes de est ainsi bien illustrée. La section 1.2. aidera à en comprendre la motivation. 1.3. Les propriétés de quantification de tout Afin d’expliquer l’obligation faite à le d’avoir une lecture générique quand il s’incorpore à l’article ‘partitif’ du, on tirera profit du contraste présenté par les propriétés de ce dernier avec celles de la séquence tout+le illustrée dans (7i) et (7iii) : les items de et tout figurent dans une même position syntaxique, mais aux deux pôles de la quantification – la partie et la totalité. Pour la description de tout on se référera à Van de Velde (1995) et à Kleiber (1998a et 1998b). C’est en contrepoint avec cette description de tout qu’on établira celle de de. Tout d’abord, Van de Velde (1995 : 35-36) montre que la généricité massive et comptable contrastent sous le quantifieur tout. L’énoncé générique avec N discret s’accommode d’une quantification de totalité explicite, soit (10i) et (10ii), mais les N massifs ne présentent pas de paire semblable dans les énoncés génériques (cf. (7i), (7iii) déjà vus et (11i et ii)) : (10) i. ii.

l’homme est mortel tous les hommes sont mortels

(11) i.

la purée se mange d’habitude avec du gigot le vin rouge fait baisser le taux de cholestérol le sel servait à la conservation des viandes le béton envahit les cités *toute la purée se mange souvent avec du gigot *tout le vin rouge fait baisser le taux de cholestérol *tout le sel servait jadis à la conservation des viandes *tout le béton envahit les cités

ii.

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(11ii) indique nettement qu’il y a incompatibilité entre la généricité, au moins celle qui s’applique aux N massifs, et la quantification par tout. Mais on peut en dire autant du comptable singulier. Si on quantifie de la même façon l’homme de (10i), on obtient un résultat indésirable en ce sens qu’on n’a pas paraphrasé cet exemple : tout l’homme est mortel (tout = entier). Le même constat doit être fait pour (10ii) : les hommes ont conquis le feu bien avant de fondre le cuivre et ??tous les hommes ont conquis le feu bien avant de fondre le cuivre. Il n’y a pas de vraie correspondance entre ces deux énoncés dont le premier est générique. Observons les paires : les sapins recouvrent les Vosges et ??tous les sapins recouvrent les Vosges ; les chiens vivent une quinzaine d’années et ??tous les chiens vivent une quinzaine d’années ; les voitures ne peuvent pas rouler sur ce chemin et toutes les voitures ne peuvent pas rouler sur ce chemin. Ces paires, à des titres divers, ne représentent pas d’authentiques paraphrases. Les sujets des énoncés (11ii) sont pourtant admissibles dès que des items restricteurs sont supposés : (12)

toute la purée de ce soir se mangera avec du gigot tout le riz préparé Marie a dû être jeté tout le vin de Paul a été bu toute la bière apportée par Léa a pu accompagner le déjeuner tout le sel a servi toute l’eau a été utilisée pour irriguer tout le béton a recouvert le mur

Les restricteurs sont explicites dans les quatre premiers exemples et ils peuvent être inférés dans les trois autres (que tu m’avais apporté.., de la citerne.., de la bétonneuse…). Le restricteur fait basculer l’expression nominale de la généricité à la spécificité. Van de Velde (1995 : 36) montre encore que la quantification de la partie sur le générique pose les mêmes difficultés que tout (les deux premiers exemples sont de Van de Velde) : (13) i.

ii.

*une grande partie/la moitié de l’eau est habituellement salée *la plus grande partie de l’eau est incolore, inodore et sans saveur *beaucoup de la purée se mange d’habitude avec du gigot *trop de la soupe ne tient pas lieu de repas *combien du béton faut-il pour faire un mur ? une grande partie de l’eau était salée beaucoup de cette purée-là s’était renversée sur lui combien de ton béton a-t-il fallu pour faire ce mur ? très peu de cette soupe-là s’était renversé sur lui

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iii. beaucoup des livres de Paul/de ces livres se sont bien vendus ils nous ont finalement donné assez de ces petits pains Il apparaît que ce qui gêne dans (11ii), ce n’est pas seulement l’occurrence de tout, mais aussi la quantification faite au moyen d’expressions spécifiantes sur les expressions nominales génériques. Pour quelle raison cette quantification explicite entrave-t-elle la bonne formation du générique ? On retiendra l’explication proposée par Kleiber (1998a : 559-563), (1998b : 90-91 qu’on reproduit ci-dessous d’une manière un peu différente. Une quantification sur un domaine d’occurrences préformatées, prédéterminées, comme le sont celles d’un N discret, s’établit directement à partir de ces occurrences ; de là la disponibilité d’énoncés tels que : une grande partie des livres se lisent peu, un tiers des hommes vivent sous-alimentés, etc. Par contre, la délimitation d’une quantité d’un domaine compact (homogène) ne se voit offrir d’autres points d’appui que les limites de ce dernier. Or, les domaines génériques sont ouverts, ne sont donc pas circonscrits. On comprend alors la raison des contrastes observés entre (12i) et (12ii) : les exemples génériques rechignent à être quantifiés par tout parce que les bornes toutes virtuelles du domaine générique n’offrent pas de balisage à cette quantification spécifiée qu’est la totalité. Les énoncés spécifiques, non génériques, de (13) n’opposent pas une telle résistance à la partition ; le domaine inscrit dans le monde réel offre un périmètre qui lui permet d’être quantifié. Observons encore que certains prédicats peuvent aider les expressions génériques à surmonter l’interdiction qui leur est faite de quantifier des totalités, en activant les occurrences gelées par la généricité. Kleiber (1998a : 562) cite : toute l’eau ne se trouve pas dans les Océans ; toute la bière ne se fait pas avec du houblon… où l’eau se trouve formatée dans des ensembles partonomiques : l’eau des lacs, des rivières, et la bière par des partitions qualitatives renvoyant à des sous -classes de la bière. Dans le cas qui nous occupe, le contraste qui oppose les deux exemples de (7i) tout le riz se mange et *toute la purée se mange d’habitude avec du gigot s’explique par le fait que, de par son organisation (granulaire), la dénotation du N riz, contrairement à celle du N purée, peut faire l’objet d’une discrétisation, sans qu’elle puisse passer, dans les conditions standard (= dans une lecture non-sortale), pour comptable, cf. *un riz/*deux riz/*trois riz/*chaque riz. Cette structure autorise le bornage d’occurrences et l’énoncé de (7i) pourrait se poursuivre par : (7) i.’

tout le riz se mange, le péricarpe, les téguments séminaux et la couche d’aleurone

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De sorte que deux visées génériques sont possibles sur la dénotation du N riz : l’une discrétisante qui autorise son utilisation dans (7i), l’autre résolument compacte qui interdit par exemple : (14)

*tout le riz se cuit d’habitude par évaporation

Cette double organisation sémantique n’est pas disponible pour le N purée, dont la saisie ne peut être que compacte, d’où l’impossibilité de faire passer le premier énoncé de (7i). 1.4. Les propriétés de quantification de de C’est dans un système inverse à celui de tout qu’entre le quantifieur de. Contrairement à tout, ce dernier construit nécessairement une partition non occurrentielle sur un domaine qui sera donc non borné, en d’autres termes : générique. L’énoncé Max nous avait déjà apporté de ce vin-là ne précise pas quelle quantité Max a apportée du sous-ensemble générique vin ; une quantification est bien effectuée, mais elle ne délimite rien par elle-même, et échoue dans la saisie d’occurrences. De, pour cette raison, ne peut quantifier pour les N massifs qu’un (sous-)domaine générique. De ce vin-là ne peut dénoter qu’un sous-ensemble (de la sous-classe ce vin = “cette sorte-là”) du N vin. Un premier corollaire de cette description du contraste opposant de et tout est que tout occupe une position syntaxique identique à celle de de, partageant avec lui les tâches de la partition élémentaire des domaines. Nous obtenons : (15) i. …[QP [ Q° toute ][DP [D° la][NP bière ]]] ii. …[QP [Q° de ][DP [D° la][NP bière ]]] Les représentations (15) indiquent que les quantifieurs tout/toute et de occupent la même position structurale et sont tous deux complétés par des DP. Un second corollaire est qu’une spécification de la partition renverse les données relatives à de, et exige une quantification occurrentielle, de sorte que les séquences de type beaucoup+de+D°+N de (9), où de=Q°, N=massif, et QP = non-spécifique, sont illégitimes, ex. dans (9i) : *beaucoup de la purée se mange d’habitude avec du gigot. Nous avons expliqué jusqu’à présent quatre type des données : i.

Pourquoi, dans le cas standard de tout-le/la-NP, cf. (7i)-(12)-(15i), le DP, par exemple la bière, est spécifique, et le QP entier, soit toute la bière, aussi.

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ii.

Pourquoi dans le type de-le/la-NP, cf. (4)-(7iv)-(8i), le DP, la bière par exemple, est générique et le QP entier, soit de la bière, spécifique. Pourquoi dans le type Spec+ de-le/la-NP, cf. (7v)-(8ii)-(9ii)-(13ii), cf. très peu de cette bière-là, le DP, cette bière-là par exemple, ne peut pas être générique, et le QP entier, soit toute la bière, non plus.

iii.

Un troisième corollaire, qui élargit iii qui précède, est que, dans les circonstances d’énonciation standard, il suffit que la partition du domaine de N massif soit spécifiée pour que la saisie d’occurrences soit rendue possible, et que les séquences de type beaucoup+de+ D°+ N, où de = Q° et N = massif soient légitimées : (5v) beaucoup de cette soupe s’était renversée sur la table où la séquence nominale est singulière et (5vi) beaucoup des livres de Paul/de ces livres se sont bien vendus où elle est plurielle. Un quatrième corollaire de la lecture générique de le dans du/des ‘partitifs’ est que ces derniers refusent à leur DP tout complément adnominal, qui les rendrait spécifiques, et sont en cela similaires aux items quantifiants précédant de, cf. (8i) : (16)

*de la soupe de Marie s’était renversée sur nous (une/la soupe de Marie...) *Paul nous a versé de la bière de sa voisine (...une/la bière de sa voisine)

Ces inacceptabilités sont bien le témoignage de ce que le quantifieur de, quand il est non-spécifié, n’opère que sur des domaines ouverts, génériques.

2. La quantification par de des domaines nominaux massifs abstraits Les noms massifs abstraits (‘denses’) ne sont pas logés sous une enseigne différente de celle des N massifs concrets (‘compacts’). (17) i.

l’intégrité aide très peu le rouge rehausse le teint du visage de Marie la natation se perd ces derniers temps ii. *toute l’intégrité n’aide que très peu *tout le rouge rehausse le teint des jeunes femmes *toute la natation doit permettre de se tenir en forme iii. toute l’intégrité de Paul ne l’aidera que peu tout le rouge de Marie dégoulinait toute la natation de Paul peut servir de modèle

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Tout est refusé par les expressions génériques à tête nominale abstraite (‘dense’) comme l’indique (17ii). A nouveau, c’est l’ontologie des noncomptables, ici abstraits, qui, parce qu’elle ne repère pas d’occurrences discrètes, leur interdit de trouver des points d’appui pour la partition de leur domaine générique.

3. La quantification par Spec de de groupes nominaux non déterminés massifs et comptables Si la quantification spécifiée ne peut pas opérer sur les classes génériques représentées par des DP, parce qu’elles n’offrent pas de principe de comptage, de quantification occurrentielle, comment se fait-il par contre qu’elle puisse repérer des parties des entités que dénotent les NP (= sans D°), cf. les types (7viii) repris en (18i) et (18ii) ? (18) i. ii.

= (7viii) beaucoup de purée s’était renversée sur lui beaucoup de patience était nécessaire

La partition non spécifiée, telle qu’elle apparaît dans (19i), est ineffective sur les entités massives, cf. aussi (3ia-b), et la quantification spécifiée achoppe devant les domaines comptables singuliers, type (19ii) ; cf. également (3iib) : (19) i. ii.

*de purée s’était renversée sur lui *de patience était nécessaire (= 7ix) *beaucoup de livre est déjà écrit

On rappelle que le quantifieur de a pour propriété essentielle d’établir des partitions aléatoires sur des domaines nominaux. Il s’ensuit que : i.

ii.

si cette partition n’est pas spécifiée, le domaine doit être ouvert, donc générique, et donc référentiel, par conséquent déterminé (l’effet produit est la formation des articles du/des) ; si la partition établie par de est spécifiée, et qu’une expression quantifiante le précède en Spec, le domaine nominal qui est dans sa portée est spécifique (le résultat de cette interaction est le type (7v) : beaucoup de cette soupe...). En conséquence, le type (19i) est exclu, car l’absence de spécifieur oblige de à parcourir des domaines génériques (=dénotés par des DP, ce qu’il est incapable de

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faire parce que les NP purée, patience, livre, sont dépourvus de déterminants, seuls marqueurs de la dénotation générique. D’autre part, avec la combinaison de deux préalables : i.

l’absence de déterminant,qui interdit la formation de domaines génériques ; ii. la quantification par de qui à elle seule, ne délimitant pas l’entité dénotée par N, tombe trop court pour le repérage d’occurrences particulières – avec cette combinaison donc, les adverbiaux ou nominaux spécifiants donnent, devant de, le moyen de parcourir les domaines ainsi spécifiés, mais hors des domaines génériques (en l’absence de le/les), autrement dit des ensembles soit massifs comme dans (18), soit comptables et pluriels comme dans le type (20) : (20)

beaucoup de livres sont déjà écrits

S’ils ne se trouvent pas sous D°, les NP construisent des ensembles, soit massifs (donc dans le cas standard singulier2 ), soit d’occurrences discrètes (donc pluriels). Ces ensembles non déterminés ne sont que virtuels, et ne renvoient à aucun monde. L’adjonction de de à leur gauche permet d’extraire des sous-ensembles aléatoires, mais les séquences ainsi produites ne peuvent toujours pas constituer à elles seules des expressions bien formées, car elles restent virtuelles, non référentielles. L’adjonction supplémentaire à gauche des suites de-NP de termes de quantité (beaucoup, peu, plein, énormément, une masse...,)3 entraîne l’insertion de l’expression nominale dans un monde. Les spécifieurs de QP peuvent à ce titre inférer des cardinalités, indépendantes du locuteur : (21)

beaucoup (de livres), cinq ou six, se sont vendus en une heure

Conclusions On a discuté et expliqué dans les sections 1-3 les situations de complémentarité distributionnelle entre catégories [Spec,QP] et [D°]. Alors que les quantifieurs adjectivaux (plusieurs, divers, quelques, six, etc.) repèrent des occurrences d’ensembles préformatées (individuelles), donc discrètes et reflétant un état objectif du monde, le quantifieur de prélève des sous-domaines d’ensembles indifférenciés : massifs (du riz, beaucoup de ce riz, beaucoup de riz, etc.), et pluriels d’entités préformatées (des lentilles,

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beaucoup de ces lentilles, beaucoup de lentilles 4 , etc.). Les singuliers des comptables sont pour cette raison incompatibles avec de : *de livre a déjà été écrit, *beaucoup de ce livre a déjà été écrit, *beaucoup de livre a déjà été écrit. De sélectionne des DP, expressions référentielles, (beaucoup de ce riz/de ces lentilles), ou bien des NP, expressions non-référentielles, (beaucoup de riz/beaucoup de lentilles). Il s’agit dans les deux cas de domaines indifférenciés. On comparera à cet effet : (22) i. plusieurs enfants se suivaient l’un l’autre dans la cour ii. *beaucoup/un tas d’enfants se suivaient l’un l’autre dans la cour iii. beaucoup/un tas d’enfants se suivaient les uns les autres dans la cour iv. *des enfants se suivaient l’un l’autre dans la cour v. des enfants se suivaient les uns les autres dans la cour Cette propriété de de reste entièrement valide quand il s’incorpore à l’article ‘partitif’ à titre de Q-tête. Aussi doit-on énoncer que la partition faite par de sur le domaine nominal est globale, et n’admet en conséquence que des entités massives, ou, si elles sont comptables, plurielles. Le quantifieur de non spécifié établissant une partition non bornée sur un ensemble, ce dernier est nécessairement générique, exigence vérifiée pour la quantification par du ; de là, en effet, les contrastes : (23)

de la soupe s’est renversée sur nous *de la soupe de Marie s’est renversée sur nous

Mais pour que l’expression nominale puisse dénoter un ensemble générique, elle doit être référentielle, donc s’appliquer à un DP, donc contenir un D° (un déterminant), par exemple le. En conséquence, de purée/de lentilles, c’est-à-dire le type de N X, est irrecevable en tant que nominal. Ainsi se trouve expliqué le schéma de Milner (1978). Il va sans dire que le QP entier de+le+N peut très bien être spécifique, la généricité dont il a été question ici ne concerne que la séquence le+N, c’est-àdire uniquement le DP enchâssé sous le QP. Mais si d’autre part la quantification effectuée par de est spécifiée par des éléments adverbiaux ou nominaux figurant en position Spec de QP, ces items

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repèrent du coup, de façon floue sans doute (= dépendante du locuteur), des ensembles bornés et donc spécifiques. Le DP générique est de ce fait prohibé, excluant toute expression référentielle (= un DP) sans restricteur qui serait automatiquement générique, et on obtient un NP directement construit sous de : (24)

beaucoup de Ø/*la soupe s’est servie au début du repas assez d’Ø/*des ennuis lui sont arrivés comme ça

Le double schéma de Milner (1978) se trouve ainsi expliqué par une analyse interprétative5 .

RÉFÉRENCES Galmiche, M. 1985. “Phrases, syntagmes, et articles génériques”. Langages 79. 1-39. Godard, D. 1988. La syntaxe des relatives en français, Paris : Éditions du CNRS. Guillaume, G. 1973. Principes de linguistique théorique, édité sous la direction de Roch Valin. Québec : Presses de l’Université de Laval. Gross, M. 1967. “Sur une règle de cacophonie“. Langages 7. 105-119. Gross, M. 1977. Grammaire transformationnelle du français. Syntaxe du nom. Paris : Larousse. Kleiber, G. 1998a. “Quand le tout est de la partie”. Mots chiffrés et déchiffrés, Mélanges offerts à Etienne Brunet. S. Mellet & M. Vuillaume. Paris : Honoré Champion. 551-564. Kleiber, G. 1998b. “Tout et ses domaines : sur la structure Tout+Déterminant+N”. La ligne claire. De la linguistique à la grammaire. Mélanges offerts à Marc Wilmet. Paris/Louvain-la-Neuve : Duculot. 87-98. Kupferman, L. 1976. Études sur l’article en français. Thèse de 3ème cycle. Université de Paris VIII. Vincennes. Kupferman, L. 1979. “L’article partitif existe-t-il ?”. Le Français Moderne 47. 1-16. Kupferman, L. 1994. “Du : un autre indéfini ?”. Faits de Langue 4. 195-203. Kupferman, L. 1999. “Réflexions sur la partition : les groupes nominaux partitifs et la relativisation”. Langue française 122. 30-51. Milner, Jean-Claude. 1978. De la syntaxe à l’interprétation. Paris : Le Seuil. Van de Velde, Danièle. 1995. Le spectre nominal. Des noms de matière au noms d’abstraction. Lille : PUL.

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SUMMARY The study takes as its startpoint the related sequential schemata (cf. Milner 1978) : (i) Ø de le N X ; (ii) Q de Ø N X which states that quantifying expressions (as beaucoup…) and the definite article component in the ‘partitive’ article displays a distributional complementarity. (ii), in fact, describes so-called ‘quantitative’ nominal expressions, but not ‘partitive’ ones. The following study is based on a QP hypothesis which intends to encompass (i), (ii) and ‘partitive’ constructions in one quantifying formula, where de fills the Q° functional head. In such an analysis, ‘partitive’ article and ‘quantitative’ and ‘partitive’ nominal phrases will be of the following forms : (iii) [QP [Q° de] [DP [D° le / les ] NP X]] = ‘article partitif’ ; (iv) [QP Spec [Q'[Q° de] [NP NP X]]] = ‘quantitative’ constructions ; (v) [QP Spec [Q'[Q° de] [DP [D' D° [NP NP X ]]]] = ‘partitive’ constructions. We want to give a principled basis for that complementary distribution which goes beyond mere observational data. For that task we will rely on facts in Van de Velde (1995) and Kleiber (1998 a et b) concerning properties of the pre-determiner quantificational item tout which specifically prevent it from occurring with a definite generic article ((Ø /*toute) la purée se mange d'habitude avec du gigot). We will show that 'Q' in (ii) and Spec in (iv-v) are in a par with tout and that the explanatory framework given for tout distributional properties also apply in the case of these Spec items.

NOTES 1

On sait que la construction peut être sauvée par le détachement à gauche, cf. Kupferman (1976, chap. 3) et Galmiche (1985) : de la purée, ça se mange toujours avec du gigot. On observera que le détachement à droite ne donne pas les mêmes résultats : ça se mange toujours avec du gigot, la/une/*de la purée. Il y a de bonnes raisons de penser que le détachement à gauche, contrairement à celui à droite, n’est pas de nature dérivée, mais basique. S’il en est ainsi, il faut énoncer qu’aucun prédicat ne peut être (directement) attribué à un sujet générique en du. 2 Le type concret massif et singulier présente, on le sait, très peu d’exemples : décombres, rillettes, épinards... 3 Bien que ceux-ci ne dénotent que des évaluations subjectives, et donc relatives au locuteur, de la grandeur des sous-ensembles extraits par de. 4 Ainsi, l’ontologie discrète des lentilles n’est pas pertinente pour des énoncés comme : Léa a mangé beaucoup/peu/trop/plein de lentilles, contrairement à ce qu’on observerait dans Léa a mangé plusieurs/quelques/différentes/sept lentilles. Ceci indique combien la partition opérée par de est compacte, en quelque sorte ‘massive’. Il en est de même pour Léa a mangé des lentilles : à nouveau, l’article indéfini pluriel est à ranger du côté de la quantification du type

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beaucoup, et non du type plusieurs. L’élément décisif qu’ils ont en commun est précisément le quantifieur de. 5 Risquons la conjecture suivante : nous avons reconnu avec regret qu’aucun principe structural ne semblait pouvoir expliquer la situation de complémentarité distributionnelle, rappelée par Milner, entre les items à gauche et à droit e de de dans les expressions de quantité. L’étude présente est partie de ce triste constat pour rechercher une solution interprétative aux problèmes résultant des légitimations et prohibitions impliquées. Mais si on suppose des configurations initiales comme (24) [QP [Spec W ][Q’[Q° de] [DP [Spec beaucoup ][D’ D° [NP NP X ]]]]] = QP ‘partitif’ ; (25) [Q P [Spec W][Q’[Q° de] [NP [Spec beaucoup] NP X ]]] = QP ‘quantitatif’ les termes de quantité, qui figurent en position Spec, seraient au départ des spécifieurs de groupes de déterminant (= DP), pour les constructions partitives, ou de NP, pour les constructions quantitatives, le tout sous une tête Q° (=de). C’est à ce niveau qu’opéreraient les processus de vérification de trait entre D° de (24) ([±spécifique]) et son Spec (W ou Ø). Un D° générique est refusé par un Spec plein. Ensuite beaucoup émigre de la position Spec de DP à la position Spec de QP pour que son trait [+Q] soit vérifié par Q°. On obtient (i) = (6)[QP [Spec beaucoup ][Q’[Q° de] [DP [D’ D° [NP NP X ]]]]].

SYNTAXE ET LEXIQUE DES ANAPHORES FIDÈLES ET INFIDÈLES DENIS LE PESANT Université d’Evry et LLI (Paris 13)

Introduction Nous abordons le problème de l’alternative le SN vs ce SN en valeur anaphorique ; les deux formes sont parfois en concurrence dans les anaphores fidèles et infidèles. Cet exemple de Georges Kleiber illustre le cas de l’anaphore fidèle : (1) a.

Un avion s’est écrasé à Miami. (Le + cet) avion transportait 100 personnes

Le cas suivant illustre l’anaphore infidèle : (1) b.

Un Boeing s’est écrasé à Miami. (Le + cet) avion transportait 100 personnes

Dans les exemples (1a) et (1b), les deux formes du déterminant sont correctes. Il en va autrement dans ces exemples de Kleiber 1990 : (2) a. b.

Un avion s’est écrasé à Miami. *L’avion relie habituellement Miami à New-York Un avion s’est écrasé à Miami. Cet avion relie habituellement Miami à New-York

De tels faits soulèvent des questions sur le contenu sémantique de l’opposition le et ce. Nous allons tenter de donner, dans les parties 2 et 3 de cet article, une formulation syntaxique précise de l’hypothèse suivante : ce SN est un phénomène de deï xis, alors que le SN est une reprise d’informations déjà

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DENIS LE PESANT

données dans le discours1 . Nous croyons qu’un tel détour par la syntaxe peut contribuer à la résolution du problème sémantique. Une deuxième question se pose à propos des cas d’interdiction d’une des deux solutions, comme dans (2a) : quels sont les facteurs qui déterminent l’exclusivité de l’une ou l’autre forme ? On peut encore s’interroger sur les conditions qui déterminent une légère préférence pour l’une ou l’autre solution ; par exemple, selon Georges Kleiber, le est meilleur que ce dans (1a). Comme le remarque Corblin (1995 : 49-80), on est souvent en présence d’une alternative plus ou moins inégale : la balance a beau pencher vers la solution optimale (‘typique’), l’autre solution pour autant est loin d’être exclue. Nous n’aborderons pas cette problématique dans cet article : nous nous bornerons à examiner quelques uns des cas les plus tranchés. Il est nécessaire d’examiner quels sont les facteurs syntaxiques, lexicaux et énonciatifs qui déterminent la forme du déterminant (le ou ce) des anaphores fidèles et infidèles. Cet article ne développera que le début de ce programme : l’aspect syntaxique et l’aspect lexical (partie 4 et 5). L’aspect énonciatif, que nous évoquerons en conclusion (partie 6), permet d’affiner l’analyse sur la forme du déterminant ; il sera développé dans des travaux ultérieurs.

1. Anaphore, deï xis, deï xis anaphorique et expressions sémantiquement dépendantes du contexte Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous évoquons la prétendue opposition anaphore/deï xis et nous indiquons, à la suite de Corblin (1995 : 40), qu’il existe des cas de deï xis anaphorique. Nous proposons ensuite une classification des expressions sémantiquement dépendantes du contexte. 1.1. Anaphore et deïxis Nous faisons nôtre la définition de l’anaphore par Ducrot et Todorov (1972) : “Un segment de discours est dit anaphorique lorsqu’il est nécessaire, pour lui donner une interprétation (même simplement littérale), de se reporter à un autre segment du même discours.” Cette définition présente l’avantage de concerner entre autres les anaphores associatives, et donc de découpler la problématique de l’anaphore de celles de la coréférence et de la pronominalisation. Quant à la ‘deï xis’, elle n’est pas en relation d’opposition avec la ‘anaphore’, car c’est une entité d’une tout autre nature. Ce n’est pas une expression, mais un certain type de ‘acte de parole’ : celui qui consiste pour le

SYNTAXE ET LEXIQUE DES ANAPHORES

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locuteur, en présence ou non d’un interlocuteur, au moment et sur les lieux de l’énonciation, à mentionner soit le contexte extra-discursif, soit le contexte discursif de son énonciation (c’est-à-dire l’énoncé lui-même)2 . Il s’ensuit qu’une expression déictique se caractérise par le fait qu’elle est porteuse des marques d’énonciation. Par exemple, il y a deï xis quand le locuteur emploie ces expressions : ici ; maintenant ; moi ; je suis en train de V-er ; j’entends un bruit ; regardez cet arbre. Dans ces exemples, c’est le contexte extra-discursif qui est le thème de la deï xis. Voici maintenant des exemples où c’est le contexte discursifqui est le thème de la deï xis: chers auditeurs, cette émission… ; la personne dont je vous ai parlé tout à l’heure vient d’arriver ; prière de se reporter à l’alinéa cidessus ; j’espère que mes propos ne vous choquent pas ; quand tu liras cette lettre, je ne serai plus. A la ‘deï xis extra-discursive’, on opposera donc la ‘deï xis discursive’. Les énoncés relevant de la deï xis discursive sont autoréférentiels; cette opposition équivaut à peu près l’opposition entre ‘référence directe’ et ‘référence indirecte’ qu’évoque entre autres Corblin (1995 : 19). 1.2. La deïxis discursive anaphorique Lorsqu’une deï xis discursive (c’est-à-dire une deï xis orientée sur l’énoncé luimême) est du point de vue de l’interprétation dépendante du contexte discursif, on peut la qualifier de ‘deï xis anaphorique’. C’est le cas d’un des exemples cidessus : la personne dont je vous ai parlé tout à l’heure vient d’arriver. Voici d’autres exemples : à propos de Jeanne et Marie, la première est blonde tandis que la deuxième est brune ; l’exemple ci-dessus est suffisamment probant. Nous ferons tout à l’heure l’hypothèse que les SN anaphoriques de forme ce N représentent un cas particulier de deï xis anaphorique. Il est à remarquer que le contexte discursif peut être non seulement le discours du locuteur, mais aussi, en situation conversationnelle, le discours de l’interlocuteur ; on peut donc parler de ‘deï xis discursive anaphorique’ dans un exemple tel que : la personne dont tu m’as parlé tout à l’heure vient d’arriver. 1.3. Essai de classification des expressions sémantiquement dépendantes du contexte Il y a deux groupes d’expressions sémantiquement dépendantes du contexte : celles qui le sont de par leur nature morphologique (pronoms, adjectifs possessifs, adjectifs démonstratifs) et celles qui sont des groupes nominaux de forme le SN apparemment ordinaires.

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DENIS LE PESANT

Dans le groupe des expressions sémantiquement dépendantes du contexte qui le sont de par leur nature morphologique, on peut distinguer : – –



les désignateurs des interlocuteurs (les ‘indicateurs’ selon Benveniste 1966) : pronoms personnels je, tu, nous, vous… les ‘substituts abréviatifs’ (Benveniste 1966 : 251-257) d’une répétition de SN : pronoms personnels il, ils, en, y…, pronoms démonstratifs ceci, cela, celui-ci… et adjectifs possessifs son, leur… les abréviations du Modifieur déterminatif d’un SN de forme le N Modif : adjectifs possessifs mon, ton, votre… et adjectifs démonstratifs3 .

Dans le groupe des expressions sémantiquement dépendantes du contexte qui ne le sont pas de par leur nature morphologique, on distingue entre autres4 : – – –

les anaphores fidèles définies (un chien... le chien) ; les anaphores infidèles définies (un chien... l’animal) ; les anaphores associatives (une maison... le toit).

2. Les SN démonstratifs Nous faisons l’hypothèse que les SN démonstratifs, qu’ils soient non anaphoriques (comme dans cet arbre, là à gauche, est dangereux) ou anaphoriques (comme dans ne me parle pas de Paul : ce type est insupportable), sont des expressions déictiques réduites. 2.1. Notion de discours déictique Nous entendons par ‘discours déictique’ un commentaire hic et nunc (“en direct”) du locuteur sur son expérience actuelle (ses perceptions et actions) ou sur les expériences actuelles d’un éventuel interlocuteur ou auditoire présents hic et nunc. Le discours déictique se manifeste dans des situations diverses : discours intérieur ou articulé5 , conversation en présence ou non de témoins. Les discours déictiques à prédicats verbaux comportent : – – –

les adverbes ici et maintenant (en général implicites) ; des prédicats de ‘perception’, de ‘activité’ (entre autres les prédicats de ‘utilisation’ et de ‘communication’) au présent (temps de l’énonciation) ; l’argument sujet des prédicats de ‘perception’, de ‘activité’ : je, tu, nous, vous – locuteur, interlocuteur(s) ou témoin(s) éventuel(s) – ;

SYNTAXE ET LEXIQUE DES ANAPHORES



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l’argument objet des prédicats de ‘perception’, de ‘activité’ et de ‘communication’.

Exemples de discours déictiques avec prédicats de perception et d’activité : (3) a. b. c. d.

En ce moment je vois une lampe, j’entends un piano dehors, j’utilise un stylo La lampe que je vois est très jolie Le piano que j’entends dehors ne sera accordé que demain Le stylo que j’utilise marchait mal hier

Exemples de discours déictiques avec prédicats de ‘communication’ : (4) a. b.

En ce moment (je parle, tu parles, nous parlons, vous parlez) d’une lampe La lampe dont (je parle, tu parles, nous parlons, vous parlez) est très jolie

Les discours déictiques à prédicats nominaux comportent : – – –

les adverbes ici et maintenant (en général implicites) ; un prédicat nominal accompagné de son verbe-support au présent (temps de l’énonciation) ; l’argument sujet du prédicat nominal : je, tu, nous, vous – locuteur, interlocuteur(s) ou témoin(s) éventuel(s) – , sauf pour les prédicats événementiels “purs” qui sont des prédicats sans argument.

Exemples de discours déictiques avec prédicats nominaux : (5) a. b. c.

En ce moment tu fais des projets, tu donnes des conseils, il y a un orage Les projets que tu fais, les conseils que tu donnes en ce moment sont idiots L’orage qu’il y a en ce moment ne va pas durer

2.2. Essai de syntaxe des SN démonstratifs L’analyse des SN démonstratifs est analogue à celle des SN possessifs 6 : l’adjectif démonstratif est conçu comme une abréviation du Modifieur déterminatif à partir d’une source de forme le SN [QU- (je, tu) PRÉD] ;

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DENIS LE PESANT

l’abréviation est ensuite déplacée en position de déterminant du SN, où elle remplace l’article défini : – –

ce N = le N [que (je, vous) (être en train de, venir de) V-er, ici, maintenant] ; ce Npréd = le Nprédicatif [que (je, vous) V-sup, ici, maintenant].

2.2.1. Les SN démonstratifs non anaphoriques Les SN démonstratifs non anaphoriques se manifestent d’abord dans le cadre de la deï xis extra-discursive. Le prédicat est alors un prédicat de ‘perception’ ou de ‘activité’ (notamment les prédicats de ‘utilisation’), ou bien un prédicat nominal autre que de ‘communication’. Exemples : (6) a. b. c. d.

cette lampe = la lampe que (je vois, vous voyez) ici, maintenant ce stylo = le stylo que (j’utilise, vous utilisez) ici, maintenant ce balayage = le balayage que (je fais, vous faites) ici, maintenant cet orage = l’orage qu’il y a ici, maintenant

On trouve également des SN démonstratifs non anaphoriques dans le cadre de la deï xis discursive, à condition que le prédicat soit un prédicat de ‘communication’ auto-référentiel : le locuteur fait un commentaire sur son propre discours ou, en cas de discours conversationnel, sur celui de l’interlocuteur. Exemples : (7) a. b.

cette description = la description que (je suis en train, vous êtes en train) de faire ce cours = le cours que (je suis en train, vous êtes en train) de faire

2.2.2. Les SN démonstratifs anaphoriques Les SN démonstratifs anaphoriques, autrement dit les anaphores démonstratives fidèles et infidèles, se manifestent dans le cadre de la deï xis discursive, à condition que le prédicat soit un prédicat de ‘communication’ non auto-référentiel, comme dans : (8)

cet artisan = l’artisan dont (je parle, vous parlez) ici, maintenant

Voici deux autres exemples, au sein respectivement d’un discours non conversationnel et d’un discours conversationnel :

SYNTAXE ET LEXIQUE DES ANAPHORES

(9) a. b.

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Je viens de voir Luc ; je déteste ce type (= le type dont je parle) ! Je viens de voir Luc ; — Je déteste ce type (= le type dont tu parles) !

2.2.3. Sur la syntaxe et la sémantique des anaphores démonstratives On peut schématiquement caractériser la spécificité des anaphores démonstratives de la façon suivante : l’adjectif démonstratif est une trace des facteurs énonciatifs – le locuteur, le(s) éventuel(s) interlocuteur(s), le discours et ses circonstances spatio-temporelles –. Nous allons voir qu’on ne repère en revanche dans l’anaphore définie aucune marque de l’énonciation.

3. Les anaphores fidèles et infidèles définies Nous soutenons que, à l’inverse des déictiques que sont les SN démonstratifs discursifs, les SN définis appartenant aux catégories des anaphores fidèles et infidèles ne sont jamais déictiques. 3.1. Hypothèse générale sur les SN définis anaphoriques Commençons par présenter les SN définis anaphoriques en général. Ils comprennent les catégories suivantes : –

les anaphores associatives : (10) a. b. c.



Ces œufs sont frais ; la ponte date d’hier (anaphore associative prédicative) L’oiseau a pondu ; l’œuf est encore chaud (anaphore associative argumentale) Mon immeuble..; les appartements sont spacieux… (anaphore associative méronymique)

les anaphores définies fidèles et infidèles, comme : (11) a. b.

Un artisan est venu ; l’artisan n’est resté qu’une demi-heure (anaphore fidèle) Un artisan est venu ; l’homme n’est resté qu’une demi-heure (anaphore infidèle)

Nous faisons l’hypothèse suivante : les SN définis anaphoriques sont des descriptions définies elliptiques reconstructibles au moyen du matériel lexical

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DENIS LE PESANT

présent dans le contexte discursif. Voici des illustrations de cette analyse, où 0 figure la position vide consécutive à l’ellipse : (12) a. b. c.

(13) a. b.

Ces œufs sont frais ; la ponte (de ces œufs, 0) date d’hier L’ oiseau a pondu ; l’œuf (que l’oiseau a pondu, 0) est encore chaud mon immeuble..; les appartements (de mon immeuble, 0) sont spacieux...7 Un artisan est venu ; l’artisan (qui est venu, 0) n’est resté qu’une demi-heure Un artisan est venu ; l’homme (qui est venu, 0) n’est resté qu’une demi-heure

Selon cette hypothèse donc, les SN définis anaphoriques n’ont aucun caractère déictique : en les utilisant, le locuteur n’effectue pas de renvoi à un autre segment de son propre discours ; il n’y a aucune trace de l’énonciation. 3.2. Essai de syntaxe des anaphores définies fidèles et infidèles Appliquée aux anaphores fidèles et infidèles, l’hypothèse que nous venons de formuler a selon nous l’avantage de rendre compte de l’intuition, sensible chez la plupart des auteurs, que l’utilisation de l’article défini permet d’établir une continuité thématique dans le discours, par opposition à l’usage du démonstratif, qui introduit une rupture thématique. Nous donnons maintenant une formulation plus précise de l’hypothèse. –

Le cas de la reprise par anaphore fidèle d’une description définie au singulier semble aller de soi : la tête de la construction relative définie est reprise à l’identique et le Modifieur est optionnellement ellipsé : (14)



L’artisan qui a fait ce meuble… l’artisan (= l’artisan qui a fait ce meuble) est adroit

Dans la reprise par anaphore infidèle, la tête de la description définie est reprise par un hyperonyme et le Modifieur est optionnellement ellipsé : (15)

L’artisan qui a fait ce meuble… l’homme (= l’homme qui a fait ce meuble) est adroit

SYNTAXE ET LEXIQUE DES ANAPHORES



Certains cas de reprise par anaphore infidèle d’un nom propre ne posent pas de problèmes d’analyse, comme dans : (16) a. b.



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Le docteur Rouget… le docteur s’approcha (= le docteur Rouget s’approcha) César Birotteau…le parfumeur s’approcha (= le parfumeur César Birotteau s’approcha)

Reste le problème de la reprise d’un SN indéfini par anaphore fidèle ou infidèle. Soit le discours : (17) a.

Ici, hier, un homme a agressé une femme ; l’homme a pris la fuite ; la femme est morte ; une enquête est ouverte sur l’agression

Nous proposons une analyse des anaphores de (17) par reconstruction de syntagme ellipsé à partir du matériel lexical présent dans le contexte discursif 8 . La source de (17) serait (17b) : (17) b.

Ici, hier, un homme a agressé une femme ; l’homme qui a agressé une femme ici, hier a pris la fuite ; la femme qu’a agressée un homme ici, hier est morte ; une enquête est ouverte sur l’agression hier, ici, d’une femme par un homme

Nous proposons d’abord un commentaire intuitif de l’analyse. Nous constatons que les anaphores fidèles répétitives de (17’) sont acceptables ; le discours (17) en est une variante elliptique dont la plus grande vraisemblance d’occurrence ne tient qu’à des raisons stylistiques. Dans la première phrase de (17), où figure l’antécédent des anaphores, l’indéfini un introduit un individu (un tel-et-tel) unique (il n’équivaut jamais en français à au moins un et, n’étant pas dans l’emploi non spécifique, il est différent de un quelconque). Cet individu unique est identifié par son genre (au sens logique du terme) être un homme, et par ses déterminations (au sens logique, c’est-à-dire ses différences spécifiques) ; or c’est le reste de la phrase (ici, hier, avoir agressé quelqu’un) qui exprime les déterminations du tel-et-tel. La forme syntaxique de la description définie, c’est la construction relative pourvue du déterminant le : elle est composée du nom, du genre de l’individu (homme) et d’une relative déterminative exprimant les déterminations. Plus formellement, on fait l’hypothèse de l’existence d’une classe d’équivalences transformationnelles suivantes, qui prend en compte la structure

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DENIS LE PESANT

très courante et peu étudiée des phrases à prédicat ou à verbe -support d’occurrence existentielle : (18) a. b. c.

d.

Ici, hier, un homme a agressée une femme (Il existe, il y a) un homme qui, ici, hier, a agressé une femme (phrase comportant les prédicats d’existence : il y a, il existe) (Il existe, il y a) une femme qui, ici, hier, a été agressée par un homme (phrase comportant les prédicats d’existence : il y a, il existe) Il y a eu ici, hier, une agression d’une femme par un homme (il y a est ici un verbe-support d’occurrence d’événement)

Les variantes (18b), (18c), et (18d) comportent des descriptions indéfinies qui sont, du point de vue syntaxique, des constructions relatives indéfinies (en romain dans nos exemples). C’est à partir de ces variantes qu’on construit les anaphores fidèles présentes dans (17b), lesquelles sont réduites de façon à produire (17a). Autrement dit, les anaphores fidèles de (17) sont des répétitions elliptiques des variantes (18b), (18c), et (18d). Il existe toutefois une différence entre les constructions relatives de (18), qui sont indéfinies, et celles de (17b), qui sont définies. Nous faisons l’hypothèse que l’article le a ici un rôle de limitateur de portée de l’opérateur de quantification numérique. Comparons en effet : (19) a. b.

Deux hommes qui ont agressé une femme hier ont pris la fuite Les deux hommes qui ont agressé une femme hier ont pris la fuite

On constate que la portée de l’opérateur de quantification numérique s’étend dans (19a) au dernier prédicat (cette phrase a pour variante transformationnelle Il y a deux hommes qui ont agressé une femme qui ont pris la fuite) ; dans (19b) en revanche, l’opérateur de quantification, grâce à le, est limité à l’avant dernier prédicat. D’autre part, au cas où l’opérateur de quantification est un, on observe la relation morphologique suivante : * le un →le. Suivant cette analyse, l’article défini le ne signifie pas en lui-même l’unicité existentielle (il la présuppose en revanche, comme beaucoup d’auteurs l’ont souligné). Ajoutons que le n’a pas de fonction anaphorique, comme le montre le fait qu’une phrase telle que (19b) est interprétable sans avoir besoin d’un quelconque antécédent.

SYNTAXE ET LEXIQUE DES ANAPHORES

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4. Conditions syntaxiques et lexicales s’appliquant aux anaphores fidèles et infidèles acceptant l’alternative le/ce Nous étudions dans cette partie les conditions syntaxiques et lexicales9 s’appliquant aux anaphores fidèles et infidèles acceptant l’alternative le/ce ; les conditions syntaxiques et lexicales s’appliquant aux anaphores infidèles exclusivement démonstratives feront l’objet de la partie 5. 4.1. Les anaphores fidèles et infidèles sans apport d’information Par ‘anaphores fidèles et infidèles sans apport d’information’, nous entendons des SN sans modifieur qui entretiennent avec leur antécédent une relation d’identité, de synonymie, ou encore une relation hyperonyme/hyponyme ; on peut les qualifier aussi de ‘anaphores non attributives’ ou de ‘anaphores non reclassifiantes’. Les anaphores fidèles et les anaphores infidèles sans apport d’information acceptent l’alternative le/ce, avec toutefois des restrictions, notamment celles que nous évoquerons dans la conclusion. Voici les principaux types d’anaphores infidèles sans apport d’information : 4.1.1. Les anaphores infidèles synonymes Les anaphores synonymes acceptent l’alternative le/ce. Dans les exemples suivants, l’article défini peut, abstraction faite de la métrique et de nuances stylistiques, être remplacé par le démonstratif : (20) a. b. c.

Le Roi ... le Prince ... le Monarque (La Fontaine, Fables 8, 3) Un Cochon ... le Porc ... le Cochon (ibid. 8, 12) Un Moineau ... le Passereau (ibid.10, 11)

La reprise d’un verbe par un prédicat nominal corrélatif est un cas particulier de reprise par un synonyme. Exemples : (21) a. b.

Ils ne l’appelaient que monseigneur Bienvenu. (...) Du reste cette appellation lui plaisait (Hugo, Les Misérables 1, 2) À midi, il (M. Myriel) dînait. Le dîner ressemblait au déjeuner (ibid.1, 5)

4.1.2. Les anaphores infidèles hyperonymes La reprise par l’hyperonyme est le cas le plus banal d’anaphore infidèle, comme dans :

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DENIS LE PESANT

(22) a. b.

Un Dogue... le mâtin ... le chien... (La Fontaine, Fables 1, 5) L’Âne d’un Jardinier... l’animal de somme (ibid. 6, 11)

En règle générale, ces anaphores acceptent l’alternative le/ce. Cette règle est toutefois soumise à des restrictions encore mal connues. Par exemple, les noms humains semblent ne pouvoir être repris par leurs hyperonymes les plus généraux qu’à condition que le déterminant soit un adjectif démonstratif : (23) a. b.

(24) a. b.

Un homme et un enfant étaient là ; peu après ces (personnes, gens) sont partis Un homme et un enfant étaient là ; *peu après les (personnes, gens) sont partis Marie et Paule étaient là ; *peu après les femmes sont parties Marie et Paule étaient là ; peu après ces femmes sont parties

De tels faits suggèrent l’hypothèse suivante : un terme ne peut être repris en anaphore infidèle définie que par un hyperonyme prochain. 4.1.3. Un cas particulier de reprise par l’hyperonyme : la reprise d’un prédicat par un prédicat hyperonyme Riegel et al. (1994) appellent ‘anaphore conceptuelle’ le phénomène de la reprise d’un prédicat (verbe ou nom prédicatif) par un prédicat hyperonyme. Par exemple, les verbes guillotiner, pendre, écarteler… ont pour hyperonyme supplice. Voici des exemples de reprises anaphoriques de prédicats : (25)

Tantôt il bêchait la terre dans son jardin, tantôt il lisait et il écrivait. Il n’avait qu’un mot pour ces deux sortes de travail; il appelait cela jardiner (Hugo, Les Misérables 1,5)

(26)

À midi, M. Myriel dînait. (Le,ce) repas était frugal

4.2. Les anaphores infidèles avec possible apport d’information acceptant l’alternative le/ce Il existe des anaphores infidèles avec apport possible d’information (qu’on peut appeler aussi ‘attributives’, ou ‘reclassifiantes’) qui acceptent l’alternative le/ce10 . Il s’agit d’anaphores lexicalisées, puisqu’elles forment des classes syntaxiques et sémantiques bien délimitées de noms simples et des noms composés figés.

SYNTAXE ET LEXIQUE DES ANAPHORES

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4.2.1. La reprise anaphorique infidèle par un nom de qualité La syntaxe des noms insultants (bougre, crétin, imbécile, ordure, malotru...) est bien connue (cf. notamment Milner 1978, qui les appelle ‘noms de qualité’). Ils constituent à ce titre une classe lexicale particulière de noms humains. Les deux formes le et ce sont acceptées : (27)

Mais ouvrez donc les yeux ? fit M. Hochon à Rouget. On veut vous dépouiller et vous abandonner ... – Ah! si j’en étais sûr !... s’écria l’imbécile. (Balzac, La Rabouilleuse)

(28)

Compère le Renard se mit un jour en frais, (...) Et le drôle eut lapé le tout en un moment (La Fontaine, Fables 1, 18)

4.2.1.1. Reprise anaphorique infidèle par expression anaphorique idiomatique Par ‘expression anaphorique idiomatique’ nous entendons une classe lexicale particulière peu étudiée de noms humains simples ou composés qui peuvent figurer, surtout dans le style littéraire, en position de reprise anaphorique. Leur particularité est de pouvoir constituer un apport d’information : on constate par exemple que le locuteur peut reprendre un nom humain quelconque par des noms tels que le jeune homme, la vieille femme alors même qu’il n’a donné dans le contexte antérieur aucune précision sur l’âge de la personne désignée. Ces noms acceptent l’alternative le/ce. Les expressions anaphoriques idiomatiques les plus courantes sont des noms humains de “âges de la vie” : la petite fille, l’enfant, le jeune homme, la jeune fille, la vieille femme, le vieil homme, le vieillard. Il existe également dans cette catégorie un certain nombre de noms simples anaphoriques tels que : (le, ce) personnage, bougre, bonhomme, chérubin ; ils sont sémantiquement proches des noms de qualité, mais leur syntaxe est différente. Voici d’autres exemples : (29) a. b.

Un Rat... le pauvret (La Fontaine, Fables 4, 11) L’homme au trésor caché qu’Esope nous propose... ce malheureux (ibid. 4, 20)

Il existe également une série de noms composés anaphoriques idiomatiques (avec un adjectif antéposé), comme dans : (30) a. b.

Messer Loup... la pauvre bête (La Fontaine, Fables 4, 16) Un enfant… le pauvre ange… ce pauvre chérubin… le cher enfant… ce pauvre petit (Balzac, Les Proscrits)

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DENIS LE PESANT

Dans Les Misérables, on trouve des expressions telles que le digne curé, cette sainte fille. Les SN composés d’un nom suivi d’un adjectif peuvent enfin figurer en position d’anaphore définie ou démonstrative avec apport d’information. On relève par exemple dans Le Parisien du 31 janvier 2000 (sur les suites de l’affaire de la catastrophe du Mont-Blanc survenue le 24 mars 1999) la relation suivante : (31)

Maître Jean-Paul Tieleman… l’avocat bruxellois…

4.2.1.2. Une condition syntaxique sur la possibilité de l’alternative le/ce Les anaphores infidèles avec modifieur restrictif antéposable acceptent l’alternative le/ce à condition que le Modifieur soit antéposé (ce ne peut donc être qu’un adjectif). Le fait est d’autant plus remarquable que, lorsque le modifieur antéposable est postposé, le seul déterminant permis est l’adjectif démonstratif, comme le montrent les contrastes suivants : (32) a. b. c.

un menuisier… (le, ce) (riche, habile, généreux, élégant…) artisan un menuisier… cet artisan (riche, habile, généreux, élégant…) un menuisier… *l’artisan (riche, habile, généreux, élégant…)

Il est à noter que l’antéposition de l’adjectif produit un effet de figement : il est difficile d’effectuer des insertions et il est impossible notamment d’introduire des adverbes temporels dans le SN. Cette observation suggère l’idée que nous sommes dans une situation proche de celle des ‘expressions anaphoriques idiomatiques’ que nous venons d’évoquer. Comme les ‘expressions anaphoriques idiomatiques’, le modifieur de ces SN peut constituer une information entièrement nouvelle. En voici un exemple : (33)

Mademoiselle de Kerkabon… le Huron… La courte et ronde demoiselle le regardait de tous ses petits yeux, et disait de temps en temps au prieur: “Ce grand garçon-là a un teint de lys et de rose !…” (Voltaire, L’Ingénu)

On se reportera au texte pour vérifier le fait que dans le contexte antérieur à l’anaphore infidèle la courte et ronde demoiselle, Voltaire n’a donné aucune information sur le physique de Mademoiselle de Kerkabon.

SYNTAXE ET LEXIQUE DES ANAPHORES

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5. Conditions syntaxiques et lexicales s’appliquant aux anaphores fidèles et infidèles exclusivement démonstratives Nous passons maintenant aux anaphores fidèles et infidèles qui refusent l’article défini. Ce sont toutes des anaphores avec apport d’information (ou ‘anaphores attributives’, ‘anaphores reclassifiantes’). Il existe d’abord une condition syntaxique, que nous venons d’évoquer, sur les anaphores fidèles et infidèles à Modifieur restrictif. Les anaphores infidèles avec modifieur restrictif antéposable exigent l’adjectif démonstratif ce et refusent l’article défini lorsque le Modifieur est postposé (ce peut donc être un adjectif, une proposition relative ou un SN prépositionnel épithète) : (34) a. b. c.

un menuisier… cet artisan (riche, habile, généreux, élégant…) un menuisier… cet artisan qui n’a jamais été malade… un menuisier… cet artisan au teint pâle...

vs (35) a. b. c.

un menuisier… *l’artisan (riche, habile, généreux, élégant…) un menuisier… *l’artisan qui n’a jamais été malade … un menuisier… *l’artisan au teint pâle...

5.1. Les anaphores infidèles entretenant avec l’antécédent une relation prédicat/argument conforme aux contraintes de sélection Nous évoquons ici des anaphores qui entretiennent avec l’antécédent un relation non lexicalisée de type prédicat/argument. Soit l’exemple : (36)

Pierre est parti ; (ce contretemps, cette bouffonnerie, cette bonne nouvelle) a surpris

Les anaphores infidèles ce contretemps, cette bouffonnerie, cette bonne nouvelle sont des prédicats attributifs de leur antécédent Pierre est parti. On ne peut pas remplacer le démonstratif par un article défini11 : (37)

Pierre est parti ; ??(le contretemps, la bouffonnerie, la bonne nouvelle) a surpris

Voici encore un exemple de ce type d’anaphore :

250 (38)

DENIS LE PESANT

Pierre R. vient de mourir. Te souviens-tu de cet ancien président du conseil de la Quatrième République ?

5.2. Les anaphores infidèles entretenant avec l’antécédent une relation prédicat/argument contrevenant aux restrictions de sélection Nous abordons enfin des cas d’anaphores infidèles sémantiquement atypiques. Nous distinguons deux types d’anaphores infidèles entretenant avec l’antécédent une relation prédicat/argument contrevenant aux restrictions de sélection. Dans les deux cas, l’adjectif démonstratif est seul possible. Il existe des anaphores non métaphoriques entretenant avec l’antécédent une relation contrevenant aux restrictions de sélection, comme dans : (39)

Pierre s'est marié ; (ce viol légal, cette bonne action, cette mauvaise plaisanterie) a surpris

Le cas des anaphores métaphoriques est remarquable, comme dans : (40)

Il vit dès le jour même que les richesses des financiers (...) pouvaient produire un effet excellent ; (...) il vit que ces gros nuages, enflés de la rosée de la terre, lui rendaient en pluie ce qu’ils en recevaient (Voltaire, Le Monde comme il va)

(41)

Un jour Saint Dunstan (...) partit d’Irlande sur une petite montagne (...) et arriva par cette voiture à la baie de Saint-Malo (Voltaire, L’Ingénu 1)

6. Récapitulation et ouverture sur la problématique des conditions énonciatives À propos de la différence sémantique existant entre les deux formes possibles du déterminant des anaphores fidèles et infidèles, nous avons d’abord tenté de donner une représentation syntaxique de l’hypothèse suivant laquelle la forme démonstrative a une valeur déictique, alors que la forme définie est la marque d’une reprise non déictique d’un élément du contexte discursif. Nous avons ensuite énuméré les principales conditions syntaxiques et surtout lexicales dans lesquelles l’alternative le/ce se manifeste ; le fait le plus inattendu est de constater que certaines anaphores ayant une valeur de reclassification (‘anaphores attributives’) acceptent l’article défini. L’examen des conditions dans lesquelles la forme démonstrative est la seule possible révèle que cette

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solution est limitée à un petit nombre de cas : les SN à Modifieur restrictif postposé et les SN anaphoriques entretenant avec leur antécédent une relation prédicat/argument. On constate donc que l’alternative le/ce est de loin le cas le plus fréquent. Comme le dit Corblin (1995 : 49), “dans la plupart des cas remplacer le par ce n’altère en rien la référence, et produit une suite interprétable”. Toutefois, même quand l’alternative est possible, il existe une préférence pour l’une ou l’autre forme du déterminant. La plupart des travaux se sont concentrés sur cet aspect du problème. Il a été souvent observé que la forme définie caractérise les chaînes anaphoriques, alors que la forme démonstrative n’apparaît qu’à certains points-clés du discours, créant un effet de rupture énonciative plusieurs fois relevé par Kleiber (Damourette et Pichon avaient déjà émis à propos du démonstratif l’idée d’une rupture dans la continuité thématique). On connaît d’autre part l’hypothèse de Corblin (1995) sur la valeur contrastive inhérente à chacun des anaphoriques : “le N saisit un objet en le séparant d’un ensemble d’individus connus non N, ce N oppose l’objet aux autres membres de la classe virtuelle N”. L’hypothèse que nous avons faite caractérise la différence entre les anaphores définies et les anaphores démonstratives de la façon suivante : contrairement aux anaphores démonstratives, les anaphores définies seraient dépourvues de toute trace des paramètres énonciatifs. Nos prochains travaux sur ce sujet consisteront à vérifier cette hypothèse, et si elle se révèle valide, à étudier précisément les facteurs énonciatifs et discursifs qui favorisent la préférence d’un des deux types de déterminants dans les anaphores fidèles et infidèles. Pour ce faire, nous espérons tirer profit des travaux des spécialistes de l’énonciation, de la grammaire du discours et de l’analyse rhétorique et stylistique.

RÉFÉRENCES Benveniste, Émile. 1966. Problèmes de linguistique générale. Paris : Gallimard. Corblin, Francis. 1995. Les formes de reprise dans le discours. Rennes : Presses Universitaires de Rennes. Ducrot, Oswald. & T. Todorov. 1972. Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage. Paris : Le Seuil. Kleiber, Georges. 1986. “Adjectif démonstratif et article défini en anaphore fidèle”. Déterminants : syntaxe et sémantique. Paris : Klincksiek. Kleiber, Georges. 1990. “Article défini et démonstratif”. Recherches linguistiques XIV (L’anaphore et ses domaines). Metz : Université de Metz.

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DENIS LE PESANT

Le Pesant, Denis. 1987. La règle de montée. Thèse de doctorat de l’Université. Paris 7. Le Pesant, Denis. 1996. “Anaphores associatives et classes d’objets”. Lingvisticæ Investigationes XX : 1. Amsterdam & Philadelphia : John Benjamins. Le Pesant, Denis. 1998. “Utilisation des propriétés des anaphores dans la définition des classes lexicales”. Langages 131. Paris : Larousse. Milner, Jean-Claude. 1978. De la syntaxe à l’interprétation. Paris : Le Seuil. Riegel, M. ; Pellat, J.-C. & R. Rioul. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris : PUF.

SUMMARY The paper intends examining some syntactic and lexical conditions on the selection of the determiner in the anaphoric french noun phases le NP (the NP) vs ce NP (this NP).

NOTES 1

Il nous semble que cette hypothèse n’est pas contradictoire avec celle de Georges Kleiber (cf. entre autres Kleiber 1986), qu’on peut résumer ainsi : l’article défini, désignateur ‘indirect’ renvoie aux ‘circonstances d’évaluation’ ; l’adjectif démonstratif, désignateur ‘direct’, renvoie au ‘contexte d’énonciation’. 2 Nous donnons dans la partie 2 une description plus précise des ‘discours déictiques’. 3 On trouvera en section 2.2. une analyse syntaxique des SN démonstratifs. Nous esquissons ici une analyse des SN possessifs . Suivant une conception triviale bien connue, les SN de forme (mon, ton) N sont des réductions de le SN QU- (je, tu) PREDpossess, où PREDpossess est un ensemble de prédicats appartenant principalement aux classes sémantiques posséder, utiliser, être le créateur de. Cette analyse postule que le Modifieur déterminatif QU- (je,tu) PREDpossess est abrégé en un adjectif possessif ; ensuite le syntagme abrégé est déplacé en position de déterminant, à la place de l’article défini. C’est la classe d’objets du SN tête qui détermine la reconstruction du PREDposses adéquat : ma pipe = la pipe que j’utilise (que je fume) ; ma chemise = la chemise que j’utilise (que je porte) ; mon journal = le journal que j’utilise (que je lis) ; mon livre = le livre que j’utilise (que je lis) ou le livre dont je suis l’auteur ; ma maison = la maison que j’utilise (que j’habite) ou la maison que je possède ; ma voiture = la voiture que j’utilise (que je conduis) ou la voiture que je possède. Quant aux SN de forme (mon, ton) Nprédicatif, ce sont des réductions de le Nprédicatif QU- (je, tu) Vsupport ; dans ce cas, l’adjectif possessif est une abréviation du Modifieur déterminatif Qu- (je, tu) Vsupport : mon travail = le travail que je fais ; mon obstination à V-er = l’obstination que je manifeste à V-er. 4 Parmi les expressions anaphoriques sans spécificité morphologique, on compte encore les adverbes anaphoriques, les syntagmes verbaux elliptiques et les SN sans nom étudiés par Corblin 1995.

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La gestuelle d’ostension, que beaucoup d’auteurs considèrent comme une propriété de la deï xis, est souvent absente, par exemple lorsque je me mets à soupirer : Ah ! Ce bruit est énervant. 6 Sur l’analyse des SN possessifs , voir la note 3. On peut voir un signe de la parenté syntacticosémantique existant entre les adjectifs possessifs et démonstratifs dans le fait qu’avec les prédicats de ‘communication’ autoréférentiels, le possessif et le démonstratif sont interchangeables : Éteignez vos téléphones portables pendant (mon, ce) cours ; J’espère que (mes, ces) propos ne vous choquent pas. Avec les prédicats de ‘communication’ non autoréférentiels, le remplacement du démonstratif par le possessif a un effet de plaisanterie : J’ai fait venir un artisan. Au bout d’une demi-heure (cet, mon) artisan me dit que c’est l’heure du casse-croûte. — C’est un drôle de gars (cet, ton) artisan ! 7 Nous avons appliqué cette analyse par reconstruction d’ellipse aux anaphores associatives dans Le Pesant 1996. Nous l’étendons maintenant aux anaphores définies fidèles et infidèles. 8 Nous reprenons ici des propositions que nous formulions dans Le Pesant 1987. 9 Les conditions syntaxiques sur la forme déterminant sont relativement peu nombreuses. Les facteurs lexicaux jouent en revanche un rôle déterminant dans l’interprétation des anaphores. Il existe en effet entre toute anaphore et son antécédent une relation lexicale sous-jacente ; par exemple les relations prédicat/argument et méronyme/holonyme sont sous-jacentes aux anaphores associatives (cf. Le Pesant 1996 et 1998). Sous-jacentes aux anaphores infidèles, nous allons maintenant trouver la relation de synonymie et la relation hyponyme/hyperonyme. 10 La fonction de reclassification de l’antécédent est en général remplie par l’anaphore démonstrative, comme l’ont souligné Corblin 1995 et Kleiber 1986 et comme nous le constatons à notre tour dans la partie 5. Il existe donc certaines exceptions à cette règle générale. 11 Un exemple tel que : Pierre a dit : “…” ; la (réflexion, plaisanterie) a fait le tour de la ville n’est pas un contre -exemple. Il s’agit d’un cas d’anaphore non pas infidèle mais associative, variante elliptique de la réflexion de Pierre. En revanche Pierre a dit : “…” ; cette (réflexion, plaisanterie) a fait le tour de la ville ne peut être, vu le déterminant, une anaphore associative : c’est une anaphore infidèle.

LES DÉTERMINANTS INDÉFINIS Entre condition de nouveauté et liage distributif CLAUDE MULLER Université Bordeaux-III & UMR5610

Introduction Il y a un paradoxe (apparent) dans le fonctionnement des articles indéfinis : – d’une part, ils obéissent à une ‘condition de nouveauté’. Cf. par exemple (Corblin 1994) : “dans un discours, chaque occurrence d’un indéfini renvoie en principe à un individu qui n’a pas été mentionné dans ce discours” ; – d’autre part, ils peuvent être étroitement liés pour leur interprétation quantitative à l’occurrence d’un terme, souvent antérieurement prononcé : les indéfinis peuvent être interprétés comme dépendant d’un opérateur distributif qui lie un aspect de leur interprétation sémantique à celle de cet opérateur : (1)

Les dix enfants ont commandé une pizza

peut ainsi signifier, soit qu’une pizza unique a été commandée, soit qu’il y a autant de pizzas commandées que d’enfants, i.e. Les dix enfants ont commandé au total dix pizzas. La variation singulier / pluriel n’est pas forcément significative : (2)

Les dix enfants ont commandé des pizzas

a ainsi deux interprétations : celle d’un nombre indéterminé de pizzas commandées ou celle identique à la précédente, avec le même sens distributif : (3)

Les dix enfants ont chacun commandé une pizza

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CLAUDE MULLER

Le paradoxe n’est qu’apparent : la condition de nouveauté décrit l’apparition d’un nouvel objet de discours, non mentionné auparavant ; le lien distributif renvoie à l’interprétation quantitative de ce nouvel ensemble. On peut ainsi imaginer qu’à un ensemble d’objets déjà connu du locu teur puisse correspondre une interprétation quantitative liée à la distributivité des actions dans lesquelles interviennent ces objets : pour nos exemples, il y a autant d’actions de commander qu’il y a d’enfants. La construction à indéfini singulier est par conséquent la description d’une action d’un des enfants, parmi d’autres identiques. Elle peut être précisée en français, soit par un quantifieur ‘flottant’ comme chacun (3 ci-dessus) soit par un quantifieur ‘binominal’ qui se situe après l’indéfini. (Junker 1995) montre que leurs conditions d’occurrence sont un peu différentes) : (4)

Les dix enfants ont commandé une pizza chacun

Dans le cas où c’est l’indéfini pluriel qui est employé : (5) a.

Les dix enfants ont commandé des pizzas

ce pluriel est ‘lié’ : il correspond à la somme des actions distributives, ce qui implique que la quantité des enfants commande à la fois la quantité des actions, et la quantité des objets. Des pizzas étant un nouvel objet du discours, exclut une quantification préexistante présupposée. Il peut donc être lié à un contexte déclencheur de distributivité, d’une manière qui reste à définir. A contrario, si l’objet était un NP défini, aucune raison n’impose une correspondance ou un lien entre la quantification du déclencheur et celle de l’objet : (5) b.

Les dix enfants ont commandé les pizzas

ne permet pas de comprendre qu’il y a sous le pluriel une interprétation distributive liant les quantités : le nombre de pizzas impliquées peut être différent de celui des enfants.

1. Distributivité vs quantification libre L’hypothèse simple que nous allons par conséquent examiner est la suivante : il y a deux situations différentes pour les indéfinis (je regarderai essentiellement les articles un et des) :

LES DÉTERMINANTS INDÉFINIS



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ils sont libres : dans ce cas, leur interprétation est celle d’un quantifieur indépendant ; par exemple :

(6) a. b.

Je vois des maisons Luc achète des crayons

On ne peut ici lier des à la quantification du sujet, et celle du verbe est très probablement non distributive. On remarque aussi qu’il n’y a pas de lien ici avec la quantification de l’action verbale. Le pluriel est un choix argumental, qui s’oppose au singulier. –

ils sont liés : il n’y a pas de différence entre singulier distributif et pluriel indéfini si la distributivité est celle d’une action à objet unique :

(7) a. b.

Les enfants ont reçu en cadeau (un ballon + des ballons) = Les enfants ont chacun reçu en cadeau un ballon

Éventuellement, le pluriel indéfini peut être la somme de pluriels distributifs : (8)

Les enfants ont commandé des frites

Dans ce cas, le des peut se lire comme la combinaison de chacun avec des : l’indéfini pluriel est encore produit par la distributivité, mais celle-ci combine un objet déjà pluriel avec le nombre d’enfants. Il y aura cependant encore autant de frites (de portions de frites) qu’il y a d’enfants. L’interprétation non distributive existe ici aussi, bien entendu : l’indéfini pluriel est associé à une commande collective unique de frites, sans lien distributif. Les questions que l’on peut se poser sont alors les suivantes : – –

qu’est-ce qui permet la distributivité, et comment l’analyser ? Comment fonctionne la distributivité lorsque l’indéfini est pluriel ? la distributivité est-elle liée à l’occurrence d’un déterminant indéfini ?

2. Les différentes interprétations de des Le déclencheur d’une interprétation distributive peut évidemment être un sujet à valeur de quantifieur , comme ci-dessus. Il faut cependant que l’action verbale soit susceptible d’être interprétée distributivement. Dans ce cas, le pluriel suffit

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généralement à autoriser une interprétation de ce type (notamment celui qualifié par M. Gross de pluriel ‘phrastique’ : il s’interprète comme la somme d’actions distributives au singulier, sans qu’il ait comme source un terme particulier de l’énoncé : (9)

Ces (deux) enfants mangent une poire (Gross 1999)

Cette phrase équivaut à n fois (cet enfant mange une poire) : action, nombre d’enfants et nombre de poires sont identiques. Avec un pronom et au pluriel : (10)

Ils ont mené des vies violentes (Monde, suppl.18-2-00, p. 2)

le pluriel doit être compris comme lié à la quantification de ils, pour la somme de il a mené une vie violente. Par contre, dans l’exemple au pluriel : (11)

Ces enfants mangent des poires

la somme des actions distributives peut soit être identique au cas précédent, soit plus grande – bien parce que la distributivité est d’abord celle du couple manger + des poires : il y a autant d’actions de manger que de poires, mais la quantification de l’objet est d’emblée plurielle, et indépendante de celle du sujet, du moins dans un premier temps : chaque enfant mange plusieurs poires. La quantification finale fait la somme de ces deux quantifications distributives n(enfants) mange des poires et linguistiquement, on a affaire à un des lié au sujet qui est la somme de plusieurs des liés seulement par la combinaison du nombre de poires et d’actions de manger. – bien parce qu’on est dans une situation mixte k (enfants) mange une poire + m(enfants) mange des poires. Dans ce cas, le des somme est le total distribué d’additions de des et de une poire. On a donc avec des quatre situations : – – –

des est libre, à valeur de quantifieur d’argument (avec selon la sémantique du verbe, un rapport ou non à la quantification du verbe) ; des est une somme d’actions distributives portant sur un ; des est une somme d’actions distributives portant sur des ;

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des est une somme d’actions distributives portant sur un et des.

On peut y ajouter le des libre en lecture de groupe dans des contextes d’actions distributives ou non, où on ne distingue pas la distributivité : c’est la lecture de groupe de l’indéfini pluriel par exemple dans : (12)

Les enfants ont loué des vélos

si la phrase s’applique à la situation suivante : les enfants (une dizaine) ont loué les cinq vélos disponibles, qu’ils se prêteront à tour de rôle : le des n’est pas l’équivalent en quantité du nombre d’enfants, c’est un des quantifieur libre. Le des somme mixte décrit ci-dessus suppose qu’il y a au moins un N par individu, comme dans : (13)

Mes amis ont tous des voitures

qui est distributif avec pour valeur de l’action basique une ou des, plusieurs. Cette phrase ne convient pas si l’un de mes amis n’a pas de voitures ; la sémantique n’est donc pas celle d’une lecture de groupe, cas de (12) ci-dessus. On notera aussi que le des distributif est compatible avec le quantifieur flottant : (14)

Les professeurs portaient tous (une cravate + des cravates)

La possibilité d’une occurrence simultanée de tous avec des interdit d’assimiler ce des somme distributive avec le des libre, qui serait obligatoirement multiplié par la distributivité (la phrase devrait signifier par exemple que chaque professeur portait plusieurs cravates à la fois).

3. L’interaction avec l’interprétation du verbe Les cas simples, habituellement décrits, par exemple, dans le chapitre 4 de Kamp & Reyle (1993), The plural, sont ceux qui voient dans l’indéfini lié (en anglais, ‘bare plural’) la somme d’actions distributives, ou bien sans distributivité, la lecture de groupe. Par exemple : (15)

The lawyers hired a secretary (Kamp & Reyle 1993 : 322)

L’exemple (16a) a une lecture distributive décrite par une DRS qui correspond, grosso modo, à (16b) et une lecture collective (16c) :

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(16) a. b. c.

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Les avocats ont embauché une secrétaire X (les avocats), x ∈ X : chaque x, x a embauché y X (les avocats), X a embauché y

Dans cette représentation, la distributivité est nommément indiquée par un quantificateur universel opérant sur le déclencheur, qui est ici le sujet au pluriel. Le choix entre lecture distribuée et lecture collective ou de groupe peut tenir essentiellement au verbe, par exemple, manger suppose sur le plan conceptuel une action distribuée, en particulier par rapport au sujet. À l’inverse, des verbes comme rassembler, encercler, ne sont pas distributifs : rassembler ne l’est pas par rapport à l’objet (17) et encercler ne l’est pas par rapport au sujet (18) : (17) a. b.

Le maître rassemble des enfants dans la cour *Le maître rassemble un enfant

(18) a. b.

Des policiers encerclent une maison *Un policier encercle une maison

Cependant, une lecture de groupe peut s’imposer indépendamment de la sémantique du verbe si les propriétés de tel argument s’opposent à sa lecture distributive, entraînant une lecture collective de l’action verbale. Dans (19), un seul autobus est loué ; il y a une seule action. (19)

Les supporters de l’équipe ont loué un autobus

De plus la distributivité inhérente à l’action verbale peut ne pas se manifester sur un argument si celui-ci est non pas analysable distributivement, mais fragmentable méréologiquement : (20) a. b.

Les enfants mangent une énorme pizza napolitaine = Chacun mange une part d’une unique pizza

La distributivité verbale inhérente peut ainsi être dissociée de celle susceptible de porter sur l’analyse de l’indéfini : dans l’exemple précédent, tout se passe comme si ’linterprétation favorisée par notre connaissance du monde, de l’unicité de l’agument conduisait à voir dans le verbe un prédicat collectif, même si l’action verbale reste distributive.

LES DÉTERMINANTS INDÉFINIS

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4. Les déclencheurs de distributivité Les contextes déclencheurs de distributivité doivent pour l’essentiel être au pluriel. Dans les exemples ci-dessus, j’ai utilisé des NP définis. Bien entendu, les NP indéfinis pluriel ont la même propriété : (21)

Des enfants mangeaient (une glace + des glaces) à la terrasse du café

Les cas mixtes peuvent également être décrits en utilisant des quantifieurs non cardinaux. Par exemple, le sens adéquat de l’indéfini pluriel (22a) s’analyse comme la prédication (22b), à propos de la plupart de mes amis : (22) a. b.

La plupart de mes amis possèdent des voitures (Kamp &Reyle 1993 : 330) Tel de mes amis possède au moins une voiture

On obtient le sens requis si l’un en possède une, l’autre deux... et si la somme correspond bien à la quantité la plupart. De nombreux contextes adverbiaux ont un effet distributif sur l’analyse des indéfinis. On peut les considérer comme des opérateurs de distributivité sur l’action verbale, qui entrent en jeu dès que l’indéfini est dans leur portée. Cette situation est illustrée par : (23) (24)

À plusieurs reprises, un homme se présenta chez elle (Corblin 1987) Tous les matins de la semaine, deux policiers se présentèrent à son domicile à 8h. (Corblin 1987)

Cette distributivité est un peu particulière : la phrase verbale se présente comme une occurrence particulière d’une situation répétée, si bien que le pluriel comme somme est souvent impossible (25). Il y a parfois des interférences : (26) ne semble pas exclu avec la lecture du pluriel-somme d’événements au singulier. Le déclencheur peut donc avoir des propriétés différentes, autorisant ou non le pluriel-somme distributive. (25) (26)

Tous les matins, en me levant, je fume une cigarette ( ≠ des) À plusieurs reprises, des hommes se présentèrent chez elle

À l’inverse, et sans aucun déclencheur de distributivité, le pluriel indéfini peut signaler à lui seul une action distributive :

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(27)

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Luc porte des cravates atrocement laides

ne signifiera pas que Luc porte à la fois deux ou trois cravates, mais que, à chaque fois qu’il porte une cravate, cette cravate unique est très laide. Le phrase échappe ainsi à l’interprétation d’un événement unique. Le des n’est pas libre, malgré les apparences. On le voit, la distributivité n’est pas strictement dépendante de l’occurrence d’un déclencheur répertorié : elle dépend de la possibilité de reconstruire un scénario distributif à partir d’un énoncé souvent vague sur ce point. Si le déclencheur est au singulier, l’interprétation distributive n’est pas toujours exclue. On peut dire sans problèmes : (28) (29)

On a commandé chacun une pizza On a commandé des pizzas

avec une interprétation distributive. Les noms collectifs ne paraissent pas totalement exclus non plus : (30)

À cette heure, la foule des promeneurs prend (un apéritif + des apéritifs) à la terrasse des cafés

Pour rendre visite au président, l’équipe des champions de France avait revêtu un strict costume de ville. La distributivité peut aussi être reliée indirectement au déclencheur. C’est ce que montrent Kamp et Reyle sur un exemple, que j’adapte au français : (31)

Les femmes ont acheté des voitures (qui ont + avec) des toits ouvrants

Dans l’interprétation du pluriel-somme, la phrase signifie que chacune des femmes a acheté une voiture (au moins), et aussi que chacune des voitures a un toit ouvrant. L’interprétation où une voiture aurait plusieurs toits est exclue pour des raisons extra-linguistiques. On a donc deux indéfinis pluriels, le premier rattaché à la prédication les femmes ont acheté des voitures, le second à celle les voitures ont des toits ouvrants. Le second indéfini n’est pas interprétable avec cette interprétation si on le rattache directement au déclencheur initial : (32)

Les femmes ont acheté une voiture avec des toits ouvrants

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n’autorise que l’interprétation absurde d’une voiture ayant plusieurs toits, même si une est distributif. L’explication donnée par Kamp et Reyle (1993 : 358) est d’ailleurs insuffisante : ils posent qu’il doit y avoir une contrainte syntaxique, la dépendance du pluriel indéfini par rapport à un autre pluriel dans la même proposition. Cette contrainte est satisfaite ici, mais le lien reste bloqué. Dans un cas comme celui-ci, il faut que le déclencheur intermédiaire ou bien soit au pluriel avec le sens d’une somme distributive, ou bien reste un singulier distributif sans qu’il y ait alors la possibilité de mettre au pluriel le dernier indéfini : son pluriel sera interprété comme contrastant avec le singulier du déclencheur, obligeant à l’interprétation d’un pluriel autonome. En sens inverse, il n’y a pas de problème d’interprétation : (33)

Les femmes ont acheté des voitures avec un toit ouvrant

5. La distributivité se distingue des relations de portée Quant à l’analyse, elle s’apparente étroitement pour certains de ses aspects à celle de la portée de quantifieurs en interaction1 . Par exemple, si on reprend l’exemple de Corblin : (34)

Tous les matins de la semaine, deux policiers se présentèrent à son domicile à 8h. (Corblin 1987)

l’interprétation quantitative du NP indéfini distributif deux policiers est celle d’un multiple par deux du nombre d’actions, ou du nombre de matins de la semaine, alors que l’interprétation référentielle est vague : les deux policiers qui viennent chaque matin peuvent être chaque fois les mêmes, chaque fois différents, ou partiellement les mêmes. L’important est qu’il y ait chaque fois la même quantité. En ce sens, la distributivité se confond avec les phénomènes de démultiplication des indéfinis selon la portée d’un autre quantifieur (les travaux sur cette question sont innombrables : cf. par exemple Ioup (1977), ou Fauconnier (1984) pour une analyse critique des représentations logiques de ces phénomènes. Le rapprochement avec les analyses en termes de portée se retrouve dans l’étude de la distributivité proposée par Choe (1987), détaillée par Junker. Choe distingue une ‘clé de tri’ (a sorting key) qui est le déclencheur de la distributivité, et une ‘part distribuée’ (a distributed share) qui est le NP à interprétation distributive. Les conditions posées par ce travail sont que la clé de tri doit être sémantiquement plurielle, et que la part distribuée doit être un NP indéfini. La sémantique est au départ compositionnelle, puis la

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CLAUDE MULLER

distributivité est prise en compte, si les conditions sont remplies, par adjonction d’une quantificateur universel portant sur les parties individuelles de la clé de tri. Les quantifieurs sont introduits par des existentiels, comme dans la représentation classique des relations de portée. À la différence de ces dernières, la distributivité est traitée comme une interaction entre arguments, sans conditions syntaxiques du type c-commande, ou commande-précède, si bien que les rôles de ‘clé de tri’ et de ‘part distribuées’ sont interchangeables. Cependant, la distributivité verbale n’est pas prise en compte, comme le fait remarquer Junker : (35) a. b.

Les enfants ont chacun peur de Fido Les enfants ont chacun parlé avec la secrétaire (Junker 1995 : 115)

Il y a bien distributivité mais pas d’indéfini ici. La possibilité de créer une interprétation distributive à partir de termes sans quantification à proprement parler (comme le pluriel défini) est une autre raison de se défier de l’analogie entre les interactions de portée de quantifieurs et la distributivité. On peut, ce qui n’apparaît pas vraiment dans l’analyse de Junker, faire apparaître la distributivité sans aucun quantifieur, comme on l’a vu sur de nombreux exemples2 : (36)

Les enfants ont commandé une glace pour leur dessert

Dans ce cas, il faudrait pour sauver la représentation classique de la dépendance par rapport à un quantificateur, introduire un opérateur ‘pluriel’ de type non classique, ou encore assimiler le NP défini à la quantification universelle (et on sait depuis longtemps que cette analyse n’est pas satisfaisante). Surtout, le principal obstacle à mes yeux à une description en termes de portée réside dans la distributivité des pluriels-sommes (par exemple le des indéfini qui équivaut à la quant ification du déclencheur de distributivité). Pour décrire : (37) a. b.

Des enfants ont mangé des glaces ∃des : X, enfants (∃des : Y, glaces (∀x ∈X →∃y ∈Y, x a mangé y))

on devrait poser que le premier indéfini lie le second ; mais dans ce cas, la forme du second devrait être une. On ne peut lier de cette façon le nombre total de glaces au nombre d’enfants dans l’interprétation : Y n’a pas de raison d’équivaloir à X.

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6. Les co-domaines L’analyse de Junker de la distributivité est basée sur Jackendoff (1990). La distributivité est une relation au niveau ‘conceptuel’, la fonction distributive est assumée par un quantifieur lexical, opérateur de distributivité (par exemple chacun) et elle met en relation un domaine et un co-domaine constitués de catégories ‘ontologiques’ diverses, choses, propositions, événements, lieux, etc. Syntaxiquement, le co-domaine est marqué par la position du quantifieur lexical, mais la relation de domaine à co-domaine peut s’appliquer à toute sous-partie du co-domaine le plus vaste si cette sous-partie satisfait aux conditions générales sur les catégories. Par exemple, un quantifieur flottant portant sur un VP qui contient un NP indéfini pourra délimiter un sousdomaine qui sera soit le VP, soit le NP : (38)

Les enfants recevront chacun un ballon

le domaine les enfants peut ici être apparié soit au co-domaine VP : recevra un ballon, soit au co-domaine un ballon. Par contre, dans la phrase suivante, qui contient un quantifieur ‘binominal’ (centré sur le nom) : (39)

Les enfants recevront un ballon chacun

le co-domaine se limite au NP. Cela permet de comprendre pourquoi la distributivité ne fonctionne pas avec le quantifieur binominal si le NP n’est pas indéfini : (40) a. b.

*Les enfants ont parlé avec la secrétaire chacun Les enfants ont chacun parlé avec la secrétaire

L’analyse de Junker se limite aux cas où la distributivité est explicitement marquée. Elle n’envisage que sur un exemple la possibilité d’une interprétation distributive sans quantifieur : (41)

Les femmes de Boxborough ont apporté une salade

L’exemple (cité d’après Roberts), doit selon elle contenir un opérateur implicite de distributivité qui peut occuper l’une ou l’autre des positions syntaxiques du quantifieur distributif : soit devant le sujet, dans le syntagme verbal, ou en position finale. Cela supposerait des ambiguï tés en série pour toutes nos phrases sans quantifieur explicite de distributivité. Cela me semble

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inapproprié ; si on écarte le sens de la salade collective, la phrase signifie seulement qu’il y a multiplication par le nombre de femmes de l’action a apporté une salade. L’appariement qu’on trouverait par exemple dans une salade chacune restreindrait le liage distributif à la relation entre le nombre de femmes et le nombre de salades, sans prise en compte de la distributivité verbale : cela semble relever d’une focalisation étroite de la relation distributive, qui doit sans doute être marquée explicitement dans ce cas.

7. Bilan Récapitulons : la distributivité résulte d’une possibilité de prendre en compte la répétition d’une action, si le sens lexical du verbe et l’interprétation sémantique et pragmatique de la phrase impose ou favorise cette interprétation. Le facteur déclenchant est soit un argument sémantiquement pluriel, soit une quantification adverbiale sur le verbe, soit la possibilité d’une interprétation habituelle. La distributivité peut être marquée explicitement, par un quantifieur de type universel et singulier, si on veut enlever toute ambiguï té à son interprétation. La distributivité a pour effet de permettre la neutralisation sémantique de l’opposition entre un et des, ou encore de voir dans le pluriel des soit un indéfini libre, soit un indéfini lié avec le sens d’une somme des occurrences de l’action.

8. La distributivité des NP définis Venons-en maintenant au caractère indéfini du co-domaine lié par distributivité. Il y a immédiatement comme contre-exemples les NP à déterminant possessif : (42)

Les pompiers ont mis leur casque

Bien que le NP soit défini, il est lié. On doit supposer comme source quelque chose comme : le casque à eux (Zribi-Hertz 1999). L’ambiguï té potentielle existe bien : il faut que le ‘scénario’ permette à l’objet d’être distribué pour que cette interprétation se trouve (ici, on peut exclure un casque unique couvrant la tête de tous les pompiers). Ce ne serait donc pas le défini qui ne pourrait être lié par la distributivité, mais le défini non possessif. On peut supposer que le pronom personnel sous-jacent au possessif impose un lien anaphorique qui identifie les deux ensembles les pompiers et eux dans le casque à eux. On peut alors se demander s’il n’y a pas un indéfini caché

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derrière le possessif. En effet, la distributivité paraît bien dépendre de la prédication sous-jacente ils ont un casque, donc de conditions qui sont tout à fait celles qu’on a dans les constructions à indéfini lié : si cette relation est distributive, l’expression nominale le casque à eux distribue le casque en fonction des éléments du pronom eux, donc en définitive du NP les pompiers. Quant à l’aspect de déterminant défini du possessif, il semble bien qu’il tienne à la complémentation sous -jacente, ce qui est très différent de la détermination préalable des définis non complémentés. On trouve ainsi un contraste net entre les NP définis nus, généralement ininterprétables avec distributivité, et le NP à relative ou complément déterminant la valeur de l’article : (43) (44) (45) (46) (47) (48) a. b.

Les enfants mangent les pizzas Les enfants mangent les pizzas qu’ils ont commandées *Les enfants portent les cravates 3 Les enfants portent les cravates que le collège leur a offertes ?*Les enfants portent les uniformes Les enfants portent l’uniforme de leur école Les enfants portent les uniformes de leur école

On comprend bien comment la relative déterminative permet de reconstituer la relation distributive : dans la première paire d’exemples, les pizzas en (43) suppose une détermination contextuelle antérieure, qui exclut le lien avec les enfants ; dans le cas où le NP est déterminé par une relative descriptive, on sait (Corblin 1987) que la relative devient le domaine pertinent de la détermination définie. Il suffit alors que cette relative ait une structure interne compatible avec la distributivité. Si le complément n’est pas une relative, un élément interne comme le possessif leur suffit. Par conséquent, la seule supériorité de l’indéfini sur le défini dans la constitution d’un lien distributif se trouve dans le NP non accompagné d’un complément. Sur la raison même de la faculté très grande de l’indéfini, singulier ou pluriel, à entrer dans une relation distributive, on peut encore s’interroger ; notre hypothèse est que le scénario de base d’une interprétation distributive associe la quantification nominale de l’argument lié à la quantification verbale (sémantique) : le cas le plus général est celui où l’argument est quantifié parallèlement à l’actio n verbale ; on peut d’ailleurs considérer après beaucoup d’autres que l’effet ‘existentiel’ de l’indéfini est sa définition ensembliste comme croisement entre une prédication nominale et la prédication verbale particulière (Barwise & Cooper 1981) qui distingue ce terme. L’alternance du singulier et du pluriel avec un sens identique reflète respectivement, soit le scénario de base, soit l’interprétation comme somme

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distributive. Dans ce dernier cas, le déterminant d’un NP sans complément ne peut être qu’indéfini : la somme décrit la quantité d’un nom sans détermination antérieure ni interne au NP, comme étant liée à la quantité introduite par la prédication même de la phrase. Il faut donc que la quantité liée soit une quantité non bornée, exprimée au mieux par l’indéfini des. L’indéfini pluriel ne signifie pas en soi que l’ensemble de référence s’étend au-delà de son occurrence particulière, ce qu’a montré Kleiber, par exemple avec la phrase : (49)

Les femmes ne sont après tout que des femmes (Kleiber 1998)

On ne peut considérer ici que des femmes n’englobe qu ‘une partie de les femmes. Ce serait contradictoire. Par contre, on peut admettre que la construction, de type générique ici, est distributive : sur l’ensemble les femmes, je dis de chacune qu’elle est une femme et l’indéfini pluriel fait la somme de cette prédication en liant chaque occurrence à celle d’un terme de l’ensemble. Ce que signale simplement des, c’est que l’ensemble est ouvert, parce que lié à la quantification sur un autre ensemble, même si dans les faits, les deux devront coï ncider.

9. Les NP définis complexes Les expressions de la somme distributive sont-elles limitées à des, et à des déterminants définis dans les cas où le NP a un complément ? Regardons maintenant les phrases suivantes : (50)

?Les trois enfants mangeait trois pizzas

L’interprétation distributive est difficile. De même : (51) (52) a.

?*Les trois étudiants portaient (les) trois uniformes de leur école Les trois étudiants portaient les trois uniformes de leurs écoles

est cependant possible, avec une interprétation différente : la distributivité n’opère pas à partir de l’école (la même pour tous) a un uniforme, mais à partir de : (52) b.

Chaque école a un uniforme. Chaque étudiant porte l’uniforme de son école

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ou alors, à la rigueur, pour la première phrase l’école (unique) a trois uniformes (différents). On dira aussi : (53)

Les trois enfants mangeaient les trois pizzas qu’ils avaient commandées

et l’interprétation ne me semble pas être nécessairement ‘de groupe’ : la tête du NP peut peut-être quantifier la somme alors même que la relative suppose une relation distributive. Autre exemple : (54)

Les deux étudiantes, installées dans des fauteuils, lisaient les deux livres qu’elles venaient d’emprunter à la bibliothèque

me semble compatible avec une interprétation où chaque fille emprunte séparément un livre. Il est cependant possible que les phrases soient essentiellement des phrases à lecture de groupe, avec une lecture distributive forcée par l’identité des quantifieurs cardinaux. Les données restent très incertaines.

Conclusions Je ne conclurai donc que provisoirement, en répondant que la distributivité est un effet sémantique à rattacher à des scénarii d’actions, dans lesquelles la contribution de la sémantique lexicale est importante, ainsi que les facteurs linguistiques ou extra-linguistiques qui favorisent pour un verbe un argument au singulier, ou au contraire un argument collectif. La distributivité peut être nommément matérialisée par un quantifieur comme chacun, mais elle peut rester purement interprétative. Elle se manifeste linguistiquement soit par la neutralisation entre le singulier et le pluriel d’un argument nominal indéfini, soit par une interprétation de quantité identique, donc liée, entre le déclencheur et le terme distribué article indéfini pluriel. Elle est aussi, il faut le rappeler, à l’origine de l’effet multiplicatif sur l’interprétation des indéfinis dans la portée d’un autre quantifieur. Elle impose une analyse sémantique différente des indéfinis pluriels, selon qu’ils recouvrent un choix libre du pluriel, ou un pluriel lié. Elle ne me semble pas assimilable totalement à des relations de portée, du fait de l’importance des déterminations purement sémantiques dans son apparition, et de la possibilité d’avoir des pluriels liés. Elle n’est pas limitée aux indéfinis, comme le montrent les constructions définies, possessives ou à relative restrictive, qui présentent la même interprétation, mais les NP indéfinis sont par excellence, au

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singulier comme occurrences individuelles du procès distributif, au pluriel comme somme, les supports de cette interprétation.

RÉFÉRENCES Barwise, J. & R. Cooper 1981. “Generalised Quantifiers and Natural Language”. Linguistics and Philosophy 4. 159-218. Choe, J.W. 1987. Anti-Quantifiers and a Theory of Distributivity. Ph. D. University of Massachussetts. Corblin, Francis. 1987. Indéfini, défini et démonstratif. Genève : Droz. Danell, Karl Johann. 1998. “La portée comme phénomène linguistique”. Le Français moderne LXVI. 1-26. Fauconnier, Gilles. 1984. Espaces mentaux. Paris : Minuit. Ioup, Georgette. 1977. “Specificity and the Interpretation of Quantifiers”. Linguistics and Philosophy I. 233-245. Jackendoff, Ray S. 1990. Semantic Structures. MIT Press. Junker, Marie-Odile. 1995. Syntaxe et sémantique des quantifieurs flottants tous et chacun. Distributivité en sémantique contextuelle. Genève : Droz. Kamp, Hans & Uwe Reyle. 1993. From Discourse to Logic. Kluwer. Kleiber, Georges. 1998. “Des cerisiers, ça fleurit au printemps, une construction bien énigmatique”. Et multum multa. Festschrift für Peter Wunderli. E. Werner, R. Liver, Y. Stork & M. Nicklaus. Tübingen : Gunter Narr. 95-112. Gross, Maurice. 1999. “Remarques sur la notion de pluriel”. L’emprise du sens. Mélanges de syntaxe et de sémantique offerts à Andrée Borillo. M.Plénat et al. Rodopi. 136-154. Roberts, Craige. 1987. Modal Subordination, Anaphora and Distributivity. Ph. D. University of Massachussets. Zribi-Hertz. Anne. 1999. “Le système des possessifs en français standard moderne”. Langue française 122. 7-29.

SUMMARY This paper deals with the distributive binding of indefinite articles in French. Quite usually, indefinite determiners have a bound reading which is triggered either by a plural NP in the sentence, by a distributive quantifier or even by the distributive, implicit interpretation of the verb. This results in a quantitative interpretation which depends on the trigger, and in the neutralisation of the

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opposition between un and des, and for des, in ambiguities between the free quantifier reading and several bound interpretations. We examine some examples of these interpretations, and we investigate the conditions on which these bound readings appear, in indefinite but also in some cases in definite NPs without previous determination.

NOTES 1

Sur le rapprochement entre les questions de portée et la distributivité (et la critique de la notion de portée appliquée à la langue) voir l’analyse critique de Danell (1998). Il souligne à juste titre certaines insuffisances dans l’examen de ces phénomènes. 2 L’existence d’une distributivité sur l’action verbale, ainsi que la distributivité sans quantifieur, ont été également signalés par Danell. 3 Les enfants portent la cravate n’est pas pertinent : le défini n’a pas d’interprétation quantifiable ni liable.

TOUT N EN FRANÇAIS VERSUS VSJAKIJ N EN RUSSE 1 DENIS PAILLARD Université Paris 7

Introduction Le présent article est consacré à une étude contrastive de tout N en français et de vsjakij N en russe. Une telle étude est justifiée par la proximité des deux indéfinis : dans les principales classes d’emplois tout N se traduit par vsjakij. Tout N et vsjakij N entrent dans des rapports comparables avec deux autres indéfinis chaque (êàæäûé N) et n’importe quel (ljuboj). En même temps, vsjakij N a toute une série d’emplois que l’on ne rencontre pas avec tout N. La comparaison des deux indéfinis est aussi l’occasion de développer une réflexion sur les outils théoriques que l’on se donne pour décrire une catégorie comme la détermination.

1. L’indéfini tout N 1.1. L’hypothèse de Kleiber et Martin L’article que Georges Kleiber et Robert Martin ont consacré à tout N (Kleiber & Martin 1985) est, à ma connaissance, l’analyse la plus fine de tout N. Les propriétés définitoires de tout N sont dégagées sur la base d’une comparaison avec le N, un N, n’importe quel N et chaque N. Nous donnons la caractérisation à laquelle ils aboutissent, pour ensuite revenir sur un certain nombre de points essentiels pour comprendre cette caractérisation2 . La caractérisation de tout N est basée sur deux propriétés : a) Tout N met en jeu une classe de référence qu’il considère de façon distributive exhaustive (cette propriété s’applique aussi à chaque N). Cela entraîne que la classe ne peut pas être vide, ni ramenée à un singleton.

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b) La distributivité exhaustive marquée par tout N est ‘différenciatrice’ : tout envisage la possibilité de prédications secondaires regroupées dans une classe virtuelle π, en niant leur influence sur la vérité de l’assertion ; avec chaque elle est ‘unificatrice’. Alors que tout est tourné vers la différence des éléments constituant une classe, chaque est tourné vers l’identité. Il recense l’un après l’autre tous les éléments discrets d’une classe en les considérant comme semblables. Chaque met au premier plan le trait commun, tout les différences possibles. Ces deux propriétés sont associées à un ensemble de gloses : – – –





tout N est glosé par toute espèce de N, toute forme de N ; tout N peut être suivi par une énumération : toute soumission : la soumission résignée, la soumission totale, etc. ; tout contact dans j’ai perdu tout contact avec lui (et par opposition à j’ai perdu le contact avec lui) est glosé de la façon suivante : “ tout ce qui peut se dénommer par contact quelles qu’en soient les variétés, quelles qu’en soient les prédications secondaires qu’il est possible de faire porter sur P” ; par ailleurs, Kleiber et Martin mettent en évidence une série de contraintes pour fonder les propriétés a et b. Je reprends, en les discutant, celles qui concernent la nature du N introduite par tout, d’une part, le statut de l’énoncé où tout apparaît, d’autre part. selon Kleiber et Martin, tout N est incompatible avec un N présentant le trait [+continu]. Cette contrainte me paraît discutable tant pour les N [+massif] comme eau, vin, viande que pour les N [+continu strict] comme patience, amitié, etc. : (1) (2) (3) (4)



Toute eau était douce à boire pour l’Egyptien, mais surtout celle qui avait été puisée au fleuve, émanation d’Osiris Moïse proscrivait les viandes impures : il n’y a rien d’impur, toute viande est bénie, car la vie est dans la viande Non seulement son amitié pour Otto, mais toute amitié était empoisonnée Voyant que Laurent, toute patience usée, ne pouvait plus s’empêcher de loucher vers ses préparations et ses livres...

tout N apparaît essentiellement dans des énoncés formulant une vérité générale ou contenant un prédicat modal (futur, conditionnel, auxiliaires

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modaux) ; par contre, il est très contraint dans les énoncés où le prédicat est au passé composé ou au passé simple : (5) –

*Il a accepté toute proposition

tout N apparaît dans des énoncés comportant un prédicat à polarité négative. Dans ce cas, la contrainte sur le passé composé ne joue pas, cf. exemple (6). De plus, le N ne peut pas être un N [+comptable], cf. exemple (7). Il peut s’agir d’un N événementiel ou d’un N [+continu strict], exemples (6) et (8) : (6)

Il a perdu tout espoir (de retrouver sa fille)

(7) a. b.

*Il a perdu tout livre Il a perdu tous ses livres

(8)

Qui sait s’il ne se reproche pas l’affection discrète qu’il a pour moi, car dans les couvents toute amitié est interdite

Aux données discutées par Kleiber et Martin, il me paraît intéressant d’ajouter d’autres données : –

les N [+ continu strict] apparaissent régulièrement avec tout après la préposition en : (9) a. b.



tout N après la préposition pour prend une valeur proche de seul : (10)



Il a répondu en toute simplicité *Il a répondu en simplicité

Il portait un pantalon rapiécé pour tout vêtement

si généralement, tout N est au singulier, on observe des emplois concurrents tout N/tous N pour une série très limitée de N : personne, occasion, coup, cas, sorte, espèce, moment. (11) (12)

Entrée interdite à toutes personnes étrangères au service Un incident peut survenir à tous moments

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1.2. Schème d’individuation : propriétés, occurrences, entités Dans la théorie de A. Culioli, la catégorie de la détermination est liée au concept de schème d’individuation articulant une propriété notionnelle P à des termes singuliers que nous appellerons des entités. D’un côté, la propriété s’incarne dans des entités, de l’autre, les entités instancient la propriété (en tant qu’elles en sont le support). La notion d’occurrence a été introduite par A. Culioli pour rendre compte de ce double mouvement. Les occurrences ont un statut hybride qui tient au fait qu’elles sont considérées à la fois comme des incarnations de la propriété notionnelle (et à ce titre elles sont indiscernables les unes des autres) et comme des entités singulières instanciant la propriété (a priori chaque entité, compte tenu des propriétés qui la définissent, instancie de façon particulière la notion). Ce double statut des occurrences laisse la place à différentes configurations qui renvoient à une typologie des noms. À la suite des travaux de A. Culioli et S. De Voguë, nous proposons de formuler cette typologie des N en termes de N /discret/ (livre, chat, table), N /dense/ (eau, bière, viande) et N /compact/ (patience, bonté). Cf. notamment Culioli (1991) et De Vogüe (1999)3 . Dans le cas du /discret/ la propriété notionnelle contient son propre schème d’individuation. Elle est a priori “quantifiable” au sens où elle convoque une classe d’occurrences abstraites, c.à.d. non situées. On a une forme de ‘préformatage’ des entités instanciant la propriété. Une entité est une occurrence située de la propriété4 . Ainsi, dans : (13)

Il y a un oiseau sur la fenêtre

l’entité localisée sur la fenêtre est une occurrence de la propriété “être oiseau”. En tant qu’occurrence du N, une entité peut être considérée abstraction faite des propriétés singulières qui la définissent comme entité : à ce titre elle est une occurrence du N indiscernable de toute autre occurrence. Dans le cas du /dense/, la propriété ne met pas en jeu un schème d’individuation “interne” (elle ne convoque pas une classe d’occurrences abstraites). Son statut est strictement qualitatif. Une occurrence est indissociable de la prise en compte d’une portion d’espace-temps. Elle est donc nécessairement une occurrence singularisée par la portion d’espace-temps qui la délimite. Une entité se définit comme la forme singulière que confère une portion d’espace-temps à la propriété notionnelle. Dans : (14) a. b.

Il y a de l’eau sur la table Donne moi une bière

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il y a construction d’occurrence d’eau ou de bière à travers la mise en jeu d’une portion d’espace-temps (qu’il s’agisse d’un localisateur comme sur la table ou d’un classificateur ‘enfoui’ : verre, bouteille, canette) qui confère une forme (définie ou non) à eau ou à bière. En dehors de cet ancrage spatio -temporel il n’est pas possible de parler d’occurrence d’eau ou de bière. Enfin, pour les N /compact/ les occurrences de la propriété notionnelle se présentent comme des événements de la forme “N est le cas”, ce qui prend en compte la dimension prédicative de ces N. Ainsi dans : (15)

Il a fait preuve d’une grande patience

il est le support externe qui fonde une occurrence de patience de la forme “patience est le cas” (pour ce qui est de il). Comme pour le /dense/ une occurrence n’a d’existence que dans le cadre de cet ancrage spatio-temporel. La notion d’entité associée à la construction d’une occurrence de N prend des statuts différents selon le type de N : occurrences situées du N pour le /discret/, portions d’espace-temps délimitant de façon externe une occurrence du N pour le /dense/, événements où se manifestent le N pour le /compact/. Dans le cas du /dense/ et du /compact/ il y a une solidarité stricte entre occurrence et ancrage spatio-temporel. Au contraire, avec le /discret/ une occurrence n’est pas nécessairement une occurrence située (cf. la notion de classe d’occurrences abstraites). Indépendamment de la distinction /discret/, /dense/, /compact/ nous serons amenés à prendre en compte une variation qualitative du N fondée sur des prédications secondaires (pour reprendre le terme utilisé par Kleiber et Martin) : cette variation qualitative du N définit des variétés ou espèces du N. Ces variétés ou espèces ne mettent pas en jeu des portions d’espace temps, et, à ce titre, elles n’ont pas le statut d’entités. La notion de variétés est pertinente pour tout N qu’il soit /discret/, /dense/ ou /compact/. 1.3. Reformulation de l’hypothèse sur tout Tout N pose qu’un terme (correspondant au N) est considéré, dans le cadre de la relation prédicative, abstraction faite des propriétés qui le définissent comme une entité singulière : le terme est défini comme une occurrence désincarnée (c.à.d. abstraite) du N. Le statut d’entité du terme n’est pris en compte que sur un mode négatif (on fait abstraction des propriétés liées à son statut d’entité). Le terme assimilé à une occurrence du N renvoie a priori à toute entité qui est une occurrence du N, précisément parce qu’il est fait abstraction des propriétés singulières5 .

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Les affinités entre tout N et les N relevant d’un fonctionnement /discret/ peuvent être considérés sous cet angle : dans le cas du /discret/ une entité peut être prise comme une occurrence abstraite du N. L’exemple (16a) : (16) a.

Jacques, comme tout enfant, adore le cirque

signifie que, pour ce qui est de vérifier la propriété adorer le cirque, l’entité Jacques est considérée uniquement comme une occurrence d’enfant, et à ce titre, elle n’est en rien distincte des autres occurrences d’enfant (on retrouve la fonction ‘indifférenciatrice’ de tout dont parlent Kleiber et Martin). La difficulté d’avoir tout N au passé composé pour des N /discret/ tient au fait que l’événement est un événement réalisé qui, à ce titre, singularise les termes qui y sont impliqués. L’impossibilité de faire abstraction de ce trait singulier pour ce qui est du terme sujet ou objet est contradictoire avec le fonctionnement de tout. Ceci est confirmé par le fait que tout N avec des N /discret/ apparaît soit dans des énoncés formulant des propriétés générales (le prédicat n’introduit aucune singularité spatio-temporelle), soit dans des énoncés modaux (futur, auxiliaires modaux6 ) où l’événement ne suppose pas l’existence du terme sujet ou objet (cf. l’interprétation non spécifique de un dans les énoncés modaux). Comparer : (16) b. c. (17) a. b.

?? tout étudiant a reçu une convocation tout étudiant recevra une convocation ?? toute plainte a été examinée toute plainte sera examinée

En fait, (16b) peut donner un énoncé acceptable (16d) : (16) d.

Tout étudiant régulièrement inscrit a reçu une convocation

(16d) renvoie à une situation où un étudiant se plaint de ne pas avoir reçu de convocation : (16d) associe tout N à une propriété (régulièrement inscrit) qui s’interprète comme une condition générale s’appliquant aux occurrences d’étudiant, indépendamment de leur statut d’entités, ce qui court-circuite le rapport direct à l’événement singulier a reçu une convocation. Dans le cas du /dense/ et du /compact/, nous avons vu que les occurrences de la propriété notionnelle étaient nécessairement des entités, compte tenu de leur mode de construction. Cela est a priori contradictoire avec tout qui marque que le terme est considéré comme une occurrence désincarnée, au sens où il est fait abstraction de son statut d’entité singulière.

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En même temps, tout est attesté avec des N /dense/ ou /compact/, cf. ex. (1)(4). Mais dans ce cas on opère sur des variétés dont la singularité est strictement qualitative : tout signifie que le N est pris en compte abstraction faite de la variation qualitative correspondant aux sortes ou variétés du N. Dans (1) ce qui est dit de eau vaut abstraction faite des différentes sortes d’eau. Ci-dessus nous avons mentionné le fait qu’un certain nombre de N (personne, occasion, coup, cas, sorte, espèce) pouvaient être employés tant au singulier qu’au pluriel avec tout 7 . La possibilité du pluriel pour ces N est limitée à certains types d’énoncés : énoncés avec un prédicat à polarité négative (entrée interdite à toutes personnes étrangères au service ; éviter toutes occasions d’agir), constructions prépositionnelles (en toutes occasions, en tous cas) ; on trouve aussi des régularités plus locales associant tel N à tel prédicat : gagner pour coups (gagner à tous coups), saisir pour occasions (le général compte sur l’énergie de tous pour que les positions soient maintenues inviolables et pour que toutes occasions favorables soient saisies pour passer à l’offensive). Du point de vue de leur sémantique8 , ces N désignent soit des portions d’espace-temps (cas, moment, occasion, coup), soit des variétés (sortes, espèces) intervenant dans la construction soit d’occurrences-entités soit d’occurrences qualitatives d’un autre N. Tous N signifie que, tout en désingularisant les termes, on conserve, sous une forme non explicite, la variation inscrite dans leur sémantique9 , le pluriel étant la trace du maintien d’une individuation faible10 . 1.4. Tout N et les prédicats à polarité négative L’examen des contextes négatifs où tout N apparaît appelle deux remarques. Premièrement, à l’exception de loin de, tout est bloqué avec des N /discret/, mais entretient des rapports privilégiés avec des N comme incident, engagement, chance, espoir, ennui, sens... que nous définirons comme des N ‘événementiels’ mais aussi avec des N /compact/ comme amitié, patience... Deuxièmement, la contrainte sur les temps du passé mentionnée ci-dessus ne joue pas : (18) (19) (20) (21) (22)

Il habite loin de tout (point d’eau + arrêt de bus) *Il a évité tout passant *Il a rejeté tout manuscrit J’ai rompu tout contact avec lui Je me suis laissé aller au delà de toute patience et de toute clarté, et j’ai succombé aux idées qui me sont venues pendant que je parlais de ma tâche

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Les prédicats à ‘polarité négative’ ont pour caractéristique le fait de confronter deux situations, la première posant l’existence du ou des termes, la seconde niant cette existence. Ainsi, dans (21), on a un contraste entre une première situation caractérisée par l’existence de contacts entre moi et lui, et la situation présente, caractérisée par l’absence de contact(s). On peut reformuler cette remarque d’une façon qui prenne plus directement en compte la dimension événementielle du terme précédé de tout : par rapport à une situation où “N est le cas”, on construit une situation où “N n’est pas le cas” : “N est le cas”, désigne une occurrence du N assimilée à une entité-événement (cf. “est le cas”). Tout pose que pour le terme considéré, il est fait abstraction de son statut d’entité, ce qui, du même coup, remet en cause son statut d’occurrence, en accord avec la sémantique de la disparition supportée par le prédicat à polarité négative. Cela permet d’expliquer à la fois les contraintes sur les N et la possibilité d’avoir le passé-composé qui n’intervient pas dans la singularisation du terme dont on pose la disparition. Seuls les N événementiels et les N /compact/11 sont compatibles avec des occurrences de la forme “N être le cas”12 . 1.5. En tout N Tout avec un N /compact/ est employé dans les suites où le N est introduit par la préposition en. On notera que tout N /compact/ n’est pas attesté dans cette construction avec en ; les propriétés de ces N sont décrites de façon systématique dans Leeman (1998). Pour qu’un N /compact/ soit compatible avec en il est nécessaire qu’il entre dans un rapport d’antonymie avec un N’ interprétable comme “non-N ” ; ceci est exigé par la sémantique de la préposition en qui marque que le terme Y qu’elle introduit (dans le cas qui nous intéresse le N) est dans un rapport d’altérité stricte avec un terme Y’ (Y’correspond au N’, antonyme de N = Y) 13 . De façon générale, dans une paire d’antonymes, seul l’un des N est compatible avec tout (cf. en toute simplicité mais *en toute complexité, en toute honnêteté mais *en toute malhonnêteté). Cette dissymétrie entre les deux N signifie que le N apparaissant après tout désigne non seulement une propriété, mais aussi le domaine englobant les deux propriétés désignées par N et N’). (23) (24)

Je réponds “non” en toute franchise On peut, en toute innocence, lui faire dire ce qu’il ne dit pas

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Le mécanisme qui rend compte de la présence de tout dans ces suites est comparable à celui que nous avons décrit en 1.4. pour les prédicats à polarité négative : on oppose deux situations. À la différence des énoncés avec un prédicat à polarité négative, ces deux situations ne sont pas ordonnées dans le temps, mais relèvent d’une altérité subjective locuteur/interlocuteur. La prise en compte de ces deux situations est fondée par la préposition en qui introduit Y (N) dans un rapport d’altérité stricte à Y’ (N’). Dans la première situation centrée sur l’interlocuteur, on a “N’ est le cas”, dans la seconde situation, recentrée sur le locuteur, tout revient sur le statut d’entité et donc d’occurrence de N’ 14 . Cela correspond, pour l’exemple (23), à la glose : “pour ce qui est de répondre, quelle que soit a priori la pertinence de “non franchise est le cas” de ton point de vue, “non franchise n’est pas le cas” sur le domaine désigné par franchise”. Comme dans le cas des prédicats à polarité négative, on passe de la présence d’une occurrence-entité à son absence (présence et absence sont interprétées dans le cadre de l’antonymie N-N’). 1.6. Pour tout N Tout N avec la préposition pour a une valeur très très proche de pour seul N/pour unique N : (10) (25)

Il portait pour tout vêtement un pantalon rapiécé (cf. pour seul vêtement...) Il laissait pour tout héritage 200 000 francs de dettes (cf. pour seul héritage...)

Dans ces énoncés le N introduit par pour est un N catégorisant le SN objet au sens où il attribue au SN un statut qu’il n’a pas intrinsèquement15 . La présence de tout suppose une distorsion entre le terme objet (du fait de son contenu sémantique) et le N catégorisant. Le terme fait l’objet d’une appréciation négative pour ce qui est de sa catégorisation par le N, ce qui tend à questionner la légitimité du statut de catégorisateur du N pour le SN en question. Tout signifie que le N (vêtement, héritage) n’a le statut de catégorisateur pour le SN que s’il est fait abstraction des propriétés “négatives” du SN en question.

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1.7. Tout N et la négation Lorsque tout N est employé dans un énoncé comportant une négation, la présence de la négation joue le rôle d’inverseur qui réactualise la problématique des entités : (26)

Toute vérité n’est pas bonne à dire

En posant que la propriété être bonne à dire ne s’applique pas à une occurrence désincarnée, renvoyant a priori à tout entité, la négation signifie que la validation de la propriété doit être envisagée au cas par cas, c’est-à-dire entité par entité.

2. L’indéfini vsjakij N Cette seconde partie est consacrée à l’indéfini vsjakij N 16 . Cette description est centrée sur la comparaison de vsjakij N avec tout N. 2.1. Caractérisation de vsjakij N Vsjakij N signifie que, dans le cadre d’une relation prédicative, le terme instanciant telle ou telle place, a un statut ambivalent d’occurrence-entité. Cette ambivalence signifie que l’ancrage situationnel et les propriétés singulières qui définissent le terme comme entité, sont prises en compte mais ne sont pas explicités (la non explicitation, dans certains contextes, peut être assimilée à une non prise en compte). Autrement dit, vsjakij, en conférant au N le statut d’occurrence-entité le spécifie comme indiscernable et distinguable. Nous parlerons d’individuation faible17 . La différence avec tout N réside dans le fait qu’avec tout N le terme est considéré uniquement comme une occurrence désincarnée. En tant qu’occurrence désincarnée, le terme est indiscernable de toute autre occurrence. Concernant les emplois de vsjakij N on peut distinguer deux classes d’emplois qui s’organisent autour de la tension que crée l’ambivalence du terme, pris comme occurrence-entité. En fonction du contexte on a une pondération soit sur occurrence, soit sur entité. Dans le premier groupe, on trouve les emplois de vsjakij N comparables à ceux de tout N, dans le second ceux où vsjakij N ne peut pas être traduit par tout N.

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2.2. Pondération sur occurrence Pour les valeurs et emplois du premier groupe nous nous contenterons de donner une série d’exemples. Nous avons regroupé les exemples en fonction des propriétés de la relation prédicative qui favorisent le statut d’occurrence désincarnée. 2.2.1. Énoncés à valeur générique ou énonçant des vérités générales (27)

Âñÿêàÿ èñòîðèÿ èìååò êîíåö, è ìèðîâàÿ èñòîðèÿ òîæå

“toute histoire a une fin, et l’histoire mondiale aussi ” (28)

Íå áóäó âàì íàïîìèíàòü, êàê î÷èùàåòñÿ ïîëèòóðà, ýòî âñÿêèé ìëàäåíåö çíàåò

“je ne vais pas vous rappeler comment se nettoie le vernis, tout nouveau-né sait ça” (29)

Îí áîëåçíåííî ïåðåæèâàåò âñÿêóþ áåñòàêòíîñòü

“Il ressent de façon maladive tout manque de tact” 2.2.2. Énoncés formulant une éventualité (30)

Âñÿêîå êîëåáàíèå áóäåò íàêàçàíî êàê îñëóøàíèå

“toute hésitation sera sanctionnée comme un cas de désobéissance” (31)

Ïîäàâàéòå æàëîáó. Âñÿêàÿ æàëîáà áóäåò ðàññìîòðåíà â òå÷åíèå ìåñÿöà

“Déposez une plainte. Toute plainte sera examinée dans un délai d’un mois” 2.2.3. Énoncés avec la négation (32)

Íå âñÿêàÿ ïðîñòîòà áîæåñòâåííàÿ



ñâÿòàÿ.

È

íå

âñÿêàÿ

êîìåäèÿ



“Toute simplicité n’est pas sacrée. Et toute comédie n’est pas divine” (33)

Íå âñÿêàÿ ãðîçà ñòðàøíà

“Tout orage n’est pas terrifiant” 2.2.4. Énoncés avec un prédicat à polarité négative (34)

Ïîëíîå îòñóòñòâèå âñÿêîãî ñìûñëà – íî çàòî êàêàÿ ìîùü!

“Une complète absence de tout sens, mais par contre quelle puissance !”

284 (35)

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Îí îòêàçàëñÿ (îò âñÿêîãî îáùåíèÿ + îò âñÿêîé âñòðå÷è)

“Il a refusé (toute discussion + toute rencontre)” (36)

Ñïàñàòåëè ïîòåðÿëè âñÿêóþ íàäåæäó íàéòè ïðîïàâøèõ

“Les sauveteurs ont perdu tout espoir de retrouver des disparus” 2.3. Pondération sur entité Dans les emplois de vsjakij N qui privilégient le statut d’entité du terme, on observe le maintien d’une individuation faible. 2.3.1. Vsjakij N et le pluriel (37)

Íå âåë ëè ïðè íåì Èâàí Ãðèãîðüåâè÷ âñÿêèå ðàçãîâîðû?

“Est-ce qu’Ivan Grigorevitch n’avait pas eu en sa présence toutes sortes de discussions ?” (litt. toutes discussions) (38)

Åìó äàëè â èíñòèòóòå íàïðàâëåíèå íà âñÿêèå àíàëèçû

“On lui a donné à l’institut une ordonnance prescrivant toutes sortes d’analyses” (litt. toutes analyses) L’emploi de vsjakij au pluriel, qui est la marque d’une individuation faible, met en avant le fait que les termes sont considérés compte tenu de leurs propriétés singulières d’entités, bien que celles-ci ne soient pas explicitées18 . Dans ces exemples, la prise en compte du statut d’entités est renforcée par le fait que le prédicat (au passé) désigne un événement réalisé19 . La non explicitation signifie que le locuteur ne peut pas ou ne veut pas les expliciter. On trouve vsjakij N au pluriel également dans des énoncés où le prédicat n’est pas validé mais validable, ainsi que dans des énoncés où le prédicat est à polarité négative ; par comparaison avec les énoncés au passé, ce maintien de l’individuation est moins fort, étant uniquement dû au pluriel : (39)

È âñå æå íàäî áûòü ãîòîâûì êî âñÿêèì íåîæèäàííîñòÿì

“Et pourtant il faut être prêt à (affronter) toutes sortes d’imprévu” (litt. tous imprévus) (40)

Ïîýòîìó âñÿêèå ïîïûòêè ñîãëàøåíèÿ ôàøèñòîâ ñ àíòèñîâåò÷èêàìè çàïàäà äîëæíû ðàññìàòðèâàòüñÿ íàìè êàê ðåàëüíàÿ âîçìîæíîñòü

“Aussi les tentatives de toutes sortes (litt. toutes tentatives) d’accord entre les fascistes et les antisoviétiques de l’Ouest doivent être considérées comme une réelle possibilité”

TOUT N EN FRANÇAIS, VSJAKIJ N EN RUSSE

(41)

285

Ïîñëåäíèå ñëîâà îí ïðîèçíåñ æåñòêèì òîíîì, èñêëþ÷àþùèì âñÿêèå âîçðàæåíèÿ

“Les derniers mots il les prononça sur un ton sec, qui excluait toute objection (litt. toutes objections)” 2.3.2. Vsjakij et les N /dense/ et /collectif/ (42)

È åùå – áûëà áåçäíà âñÿêîãî ñïèðòíîãî

“Et encore – il y avait une énorme quantité d’alcool de toutes sortes”(litt. tout alcool) (43)

ß òóäà âñÿêîãî òðÿïüÿ íàñîâàë, ÷òîá êèðïè÷è ïî ñïèíå íå êîëîòèëè

“J’y ai bourré toutes sortes de chiffons (litt. tout chiffon) pour que les briques ne blessent pas le dos” (44)

Âîêðóã íåãî âñÿêàÿ ìåëþçãà ñóåòèòñÿ

“Autour de lui toutes sortes de petits poissons (litt. tout fretin) s’agitent” Vsjakij combiné avec les N /dense/ (ex. (42) et (43)) et les N /collectif/ (ex. (44)) introduit des effets de sens proches de ceux que l’on constate avec le pluriel : le N /dense/ ou /collectif/ n’est pas appréhendé globalement, il est fragmenté en occurrences-entités. 2.3.3. Vsjakij raz, vsjakij den’ Vsjakij est compatible avec les N raz (“fois”) et den’ (“jour”) alors que tout est incompatible avec ces deux N (seul chaque est possible) : (chaque fois + *toute fois) c’est la même chose ; (chaque jour + *tout jour) il me téléphone. Par ailleurs, à côté de vsjakij raz et de vsjakij den’ on a êàæäûé raz (“chaque fois”) et êàæäûé den’ (“chaque jour”)20 . (45)

Îí ïîïðîáîâàë âíîâü è âíîâ’, è âñÿêèé ðàç íåâîçìóòèìîå æóææàíèå

“Il essaya encore et encore, et à chaque fois (litt. toute fois) c’était le même bourdonnement” (46)

È âñÿêèé ðàç, êàê ÿ ïîäíèìàë íà íåãî âçîð, âèäåë îäíî è òî æå

“Et chaque fois (litt. toute fois) que je levais mon regard sur lui, je voyais la même chose” (47)

È êàæäûé ðàç, êàê ÿ ïîäíèìàë íà íåãî âçîð, åãî ëèöî ìåíÿëîñü

“Et chaque fois que je levais mon regard sur lui, son visage changeait”

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(48)

Aêàäåìèê Ðÿäíî äâàæäû çâîíèë â áîëüíèöó è îáñòîÿòåëüíî, êàæäûé ðàç ïî ïîë÷àñà áåñåäîâàë ñ ãëàâíûì âðà÷îì î ïåðñïåêòèâàõ âûçäîðîâëåíèÿ Êðàñíîâà

“L’académicien Riadno avait appelé deux fois à l’hôpital et avait discuté longuement, chaque fois une demi-heure, avec le médecin chef sur les perspectives de guérison de Krasnov” Nous partirons d’une hypothèse sur l’impossibilité de tout avec fois : de par sa sémantique, fois entretient des affinités fortes avec la notion d’entité21 . De plus, fois relève d’une problématique de l’itération, a priori plurielle. Ces deux composantes de la sémantique de fois est contradictoire avec le fait que tout définit le terme comme une occurrence désincarnée22 . La comparaison des exemples avec vsjakij raz et êàæäûé raz montre qu’avec vsjakij, raz est une ‘occurrence-entité’ faiblement individuée et compatible avec une itération proche d’une forme de permanence de l’événement, alors que dans le cas de êàæäûé raz on construit une classe sur un mode distributif (cf. la note 22) : –





dans (45) et (46) vsjakij raz est associé à une forme de permanence du phénomène en jeu : le passage d’une “fois” à une “autre fois” n’est associée à aucun changement. La répétition du même événement est compatible avec une individuation faible au sens où il suffit de prendre en compte une occurrence-entité de raz en tant que représentant indifférencié de toutes les fois (il y a interchangeabilité) ; dans (47) le remplacement de videl odno i to æå “je voyais la même chose”) par ego lico menjalos’ (“son visage changeait”) tend à imposer la présence de êàæäûé raz (la répétition est associée à une différence) ; vsjakij raz apparaît régulièrement en relation avec des marqueurs comme kak (“comme”) et kogda (“quand”) qui renvoient à une classe de “fois” ; l’occurrence-entité supportée par vsjakij entre en résonance directe avec le parcours de la classe supportée par kak ou kogda ; inversement, quand dans le contexte gauche on a un dénombrement des “fois” (cf. l’exemple (48)) vsjakij raz est bloqué et seul êàæäûé raz est possible.

Le raisonnement sur raz vaut pour den’ (“jour”) combiné à vsjakij. 2.3.4. Vsjakij postposé. Lexicalisation de vsjakij Normalement, vsjakij apparaît devant le N sur lequel il porte. Mais il peut également apparaître postposé :

TOUT N EN FRANÇAIS, VSJAKIJ N EN RUSSE

(49) a. b. (50)

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ß æå óòðîì õîäèëà ïî âñÿêèì äåëàì (vsjakij

est devant le N) “Ce matin j’ai réglé toutes sortes d’affaires” (litt. toutes affaires) Óæàñíî áûëî ìíîãî äåë âñÿêèõ (vsjakij est postposé) “J’avais plein d’affaires de toutes sortes” (litt. affaires toutes) Ïðîäàâàë, ÷òî ìóçûêó òðåáóåòñÿ: êîñû, ñåðïû, âèëû, ìîñêàòåëü âñÿêóþ

“Il vendait ce dont le paysan avait besoin : des faux, des serpes, des fourches, toutes sortes de produits de droguerie” (litt. droguerie toute) La postposition est attestée avec un N pluriel, un N /dense/ ou un N /collectif/. Dans certains cas le N est précédé d’un quantificateur (cf. l’exemple (49b) où l’on a mnogo, “beaucoup”). Vsjakij postposé signifie que ce qui est introduit dans un premier temps avec le statut d’entités est qualifié comme des occurrences entités, assimilables à des variétés du N. Postposé, vsjakij introduit une détermination qualitative du N comparable à celle qu’apporte un adjectif (ex. (51)) ; d’ailleurs, vsjakij peut apparaître en position d’attribut (ex. (52)) : (51)

Íà áàçàðå îäíà òîëüêî âîäêà, è ìîíîïîëüíàÿ, è âñÿêàÿ, è â ðàçëèâ, è íà âûíîñ

“Au marché, il n’y a que de la vodka, d’État, de toutes sortes (litt. toute), à consommer sur place, à emporter” (52)

Íî ýòî æå áîëü? – Íå âñåãäà, íå âñåãäà, îíà áûâàåò âñÿêàÿ

“ – Mais c’est une douleur ? – Pas toujours, pas toujours. Elle prend différentes formes ” (litt. elle est toute) Enfin, on notera que vsjakij a donné lieu à la formation d’un N, âñÿ÷èía : (53)

Îíà òîæå áåç ÷åìîäàíà ê íàì ïðèøëà. Äëÿ íà÷àëà õîçÿéñòâåííîé ñóìêîé. Ïîòîì òîëüêî íàíåñëà âñÿêîé âñÿ÷èíû

ñ

“Elle aussi était arrivée chez nous sans valise, pour commencer avec un sac de ménagère. Ce n’est qu’ensuite qu’elle a apporté un bric à brac (sic) d’affaires de toutes sortes” (litt. toute toute sorte) 2.3.5. Vsjakij N et bez À la différence de tout incompatible avec sans (cf. *il est venu sans tout livre), vsjakij est compatible avec bez (“sans”) :

288 (54)

DENIS PAILLARD

Âîò è øëÿþòñÿ òàì ïîãðàíè÷íèêè áåç âñÿêîãî äåëà, òîñêóþò è ïðîñÿò ïðèêóðèòü

“Là bas traînent des gardes-frontières désœuvrés (litt. sans toute affaire), ils ont la nostalgie et demandent du feu” Bez signifie que l’absence d’un terme dans une relation prédicative est posée par rapport à sa présence (envisagée/envisageable) dans cette même relation23 . Autrement dit, avec bez on pose l’absence d’une entité mais dans le cadre de la relation qui fonde a priori sa présence. L’absence ne signifie donc pas la nonexistence de l’entité. D’où l’incompatibilité de tout avec sans. Par contre, vsjakij qui définit le terme comme occurrence-entité maintient une problématique (certes faible) de l’entité dans le cadre de sa présence/absence pour une même relation.

RÉFÉRENCES Cadiot, Pierre. 1991. De la grammaire à la cognition. La préposition pour. Éd. du CNRS. Cadiot, Pierre. 1997. Les prépositions abstraites en français. Paris : Armand Colin. Culioli, Antoine. 1991. “Structuration d’une notion et typologie lexicale. À propos de la distinction dense, discret, compact”. Bulag 17. 7-12. De Vogüe, Sarah. 1999. “Construction d’une valeur référentielle. Entités, qualités, figures”. Actes du Xème colloque du CERLICO. Franckel, Jean Jacques & Daniel Lebaud. 1991. “Diversité des valeurs et invariance des fonctionnements de en préposition et préverbe”. Langue française 91. 56-80. Kleiber, Georges & Robert Martin. 1985. “La quantification universelle en français”. Semantikos 2 : 1. 19-36. Leeman, Danièle. 1998. Les circonstants en question. Kimé. Le Querler, Nicole. 1994. “Tout, chaque, quelque et certain : conditions d’équivalence entre indéfinis”. Faits de langue 4. 89-98. Paillard, Denis. 1996. “Formal’noe opisanie ljuboj i vsjakij”. R. Benacchio ; F. Fici ; L. Gebert. Determinatezza e indeterminatezza nelle lingue slave. Unipress. 187-198. Veyrenc, Jacques. 1994. “Les indéfinis en russe”. Faits de langue 4. 105-112.

TOUT N EN FRANÇAIS, VSJAKIJ N EN RUSSE

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SUMMARY This paper deals with a contrastive analysis of tout N in French and vsjakij N in Russian. Vsjakij N has the same uses as tout N, but it can be used as well in various other cases where tout N is impossible. The systematic comparison of the uses and meanings of those two indefinites lies on a basic caracterization worked out for of each of them, liable to account for the cases of proximity as well as those of difference. This study is also a contribution to the understanding of the category of determination by bringing forth specific theoretical tools. This study has been developed within the framework of the theory of the enunciative and predicative operations of A. Culioli. NOTES 1

Je tiens à remercier Jean Jacques Franckel pour ses remarques et ses critiques très stimulantes. 2 Je ne reprends pas ici le cadre logique dans laquelle elle est formulée. 3 La distinction /discret/, /dense/, /compact/ recoupe la distinction /comptable/, /massif/, /continu strict/. En même temps, les enjeux sont différents : il s’agit moins d’une classification des N que de décrire des fonctionnements (construction d’occurrences). 4 Dans la suite du texte, nous parlerons d’occurrence du N pour désigner une occurrence de la propriété notionnelle correspondant à un N. 5 Nous reviendrons ci-dessous sur le cas particulier des variétés. 6 L’emploi de tout N dans les énoncés modaux demanderait une étude en soi. 7 Les remarques qui suivent sont loin d’épuiser le problème des N compatibles avec le pluriel après tout qui demande une étude particulière. 8 Personne constitue, apparemment, un cas particulier. 9 Le statut de sorte dans de toutes sortes est exemplaire de ce point de vue. 10 Ce point sera repris à propos de vsjakij. 11 Il peut être tentant d’assimiler les ‘N événements’ à des N /compact/ mais je n’ai pas d’arguments en dehors de cette similitude de fonctionnement avec tout en contextes négatifs. 12 Le cas particulier que constitue loin de tient, à mon avis, à ce que le fonctionnement de loin suppose la prise en compte de près : la polarité négative de loin vient de ce qu’il est la négation de près (l’inverse n’est pas vrai ; d’ailleurs, près est incompatible avec tout). Les termes en tant qu’entités sont liées à près (première situation) et perdent ce statut avec loin (deuxième situation). La permanence des entités tient à ce que récusées pour il comme près elles conservent ce statut pour d’autres éléments. Cette permanence explique la possibilité d’avoir des N /discret / avec loin. 13 Sur en, cf. Franckel & Lebaud (1991) et Cadiot (1998). 14 Cela n’est possible que dans la mesure où N désigne un domaine notionnel englobant N et N’. Les occurrences entités sont construites sur le domaine et à ce titre il peut s’agir aussi bien d’occurrences entités de N que de N’. 15 Cet emploi catégorisant de pour SN est très fréquent : Il est grand pour un jockey, J’ai eu ce livre pour 100 francs (100 francs n’est pas le prix du livre mais catégorise l’acquisition du livre comme une “bonne affaire”), Il a voté pour Jacques, etc. Cf. Cadiot (1991 : 76).

290

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DENIS PAILLARD

Mentionnons que vsjakij existe également comme pronom indéfini (il correspond alors à “tout un chacun”). 17 Sur la composition de vsjakij (ves’ + jakij) on peut lire l’article de Veyrenc (1994). 18 La traduction par toutes sortes de ne doit pas être interprétée comme signifiant que les entités occurrences sont assimilables à des variétés (cf. la traduction de vsjakij pronom par “tout un chacun” qui reflète mieux la sémantique de vsjakij). 19 Dans le cas de vsjakij N au singulier, on a les mêmes contraintes que pour tout N en français : en dehors des énoncés avec un prédicat à polarité négative, vsjakij N au singulier n’est pas attesté dans des énoncés au passé ou au présent actuel. 20 On notera que dans le corpus étudié (plus de trois milles pages), la fréquence de raz/den’ est très nettement supérieure à celle de vsjakij raz/vsjakij den’. 21 Avec fois (mais aussi avec jour) on a un second exemple de la façon dont la sémantique du N interagit avec celle de tout. Le premier cas concernait des N comme occasion, cas, sorte, espèce, coup etc., susceptibles d’être employés au pluriel avec tout. 22 Par contre, la compatibilité de chaque avec fois peut s’expliquer par le fait que chaque pose ‘une entité’-‘une occurrence’ (ce qui revient à poser que les termes, individuellement, ont le statut d’une entité). La mise en place d’une classe se fait sur un mode strictement distributif alors que dans le cas de tout on opère uniquement avec une occurrence désincarnée. Cette hypothèse s’applique également à kazdyj en russe. 23 La différence entre bez (et sans) et les prédicats à polarité négative réside dans le fait qu’avec bez et sans on conserve la même relation prédicative positive (l’opposition ne porte que sur la présence/absence du terme), alors que dans les prédicats à polarité négative on passe d’un prédicat positif (première situation) à un prédicat négatif (deuxième situation).

LA DÉTERMINATION DE PRÉDICATS NOMINAUX ET DE MOTS COMPOSÉS EN FRANÇAIS ET EN ALLEMAND DIETER SEELBACH Université de Mainz

Introduction Voici quelques déterminants du français et de l’allemand (Tableau 1) : Ddéf Sg

masc fem neutre

Pl Tableau 1

Fr le la les

Al der die das die

Dindéf Fr Al un ein une eine ein des

En français comme en allemand, ces déterminants peuvent avoir un emploi respectivement spécifique et non spécifique et un emploi générique devant des N comptables et non comptables pour ce qui est des définis. Les indéfinis ont un emploi non spécifique et un emploi générique devant les N comptables. Devant les N non comptables on trouve, en français, du côté de l’indéfini le déterminant ‘partitif’ DU. Il correspond grosso modo en allemand au déterminant zéro. Il y a donc au moins deux ‘emplois’ du déterminant zéro en allemand : ou bien le pluriel du déterminant indéfini non spécifique (ou générique) devant des N comptables, cf. (1d), ou bien le déterminant zéro devant des N non comptables, cf. (1e) et (1f) : (1) a. b. c. d. e. f.

la banane ↔ die Banane les bananes ↔ die Bananen une banane ↔ eine Banane des bananes ↔ Bananen du beurre ↔ Butter de la farine ↔ Mehl

292

DIETER SEELBACH

Ceci donne le tableau suivant (Tableau 2):

Sg

masc fem neutre Pl masc fem neutre Sg masc fem Tableau 2

Ddéf Fr LE

Al DER

Dindéf Fr UN

Al EIN

– LES

DIE

– DES

– DU



Pour d’autres grammairiens et dans la grammaire traditionnelle, les formes du déterminant partitif (Dpart) sont du, de la et des. Cette analyse permet de parler d’autant plus facilement d’une correspondance prototypique avec le déterminant zéro en allemand (cf. infra). Pour les déterminants quantifieurs, les emplois sont, dans une large mesure, les mêmes dans les deux langues étudiées : on peut distinguer les cardinaux et les ordinaux, les “adjectifs” indéfinis, les adverbiaux et les nominaux. En ce qui concerne la détermination en allemand avec (jeder + jede + jedes) suivi du quantifieur ordinal ainsi que la détermination avec des possessifs coordonnés, il y a des structures qui se prêtent à une description par automates ou grammaires locales : pour le groupe nominal dans (2) JED- Dord Ncompt vs Un Ncompt sur Dcard et pour les groupes nominaux dans (3) Dposs (und + oder) Dposs N vs Dposs N (et + ou) Ddéf Nposs. (2)

Jeder dritte Haushalt ist betroffen *Chaque troisième ménage est concerné “Un ménage sur trois est concerné”

(3) a.

Lass uns deine und meine Schwester mitnehmen *On emmènera ta et ma sœur “On emmènera ta sœu r et la mienne” Nehmen wir deinen oder meinen Wagen? *On prend ta ou ma voiture ? “On prend ta voiture ou la mienne ?”

b.

D’une façon générale, malgré une tendance à un certain parallélisme, on est obligé de constater un grand nombre de problèmes liés à la détermination dans l’enseignement des deux langues concernées comme langues étrangères et dans

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS

293

la construction de dictionnaires électroniques bilingues. Prenons comme exemple un nom prédicatif (Npréd) simple comme visite qui correspond dans son premier emploi à l’allemand Besuch : [Structure des entrées: Npréd(N0, N1, ...) / Vsup: / Det: // default: Npréd est le complément d'objet direct] visite #1 N0:/N1:à /Vsup:faire/Dét:UN//Vsup:rendre/Dét:E De 1 :Besuch/N0:/N1:bei/Vsup:machen//N1:Dat/Vsup:abstatten/ Dét:EIN De 2 :Vsimple: besuchen/ N0:/N1:de /Vkonv:(recevoir + avoir)/Dét:LE De 1 :Besuch/N0:/N1:von /Vkonv:bekommen/Dét:E De 2 :Vsimple:besucht werden visite #2 N0:/N1:de /Vsup:faire/Dét:LE De 1 :Besichtigung/N1:(von+DétGen) /Vsup: machen/ Dét: EIN De 2 :Vsimple:besichtigen visite #3 N0:/N1:de /Vsup:faire/Dét:LE De 1 :Führung/N1:durch /Vsup:machen/ De 2 :Vsimple:führen visite #4 N0:/N1:de /Vsup:faire/Dét:LE N0:/Vsup:faire/ Dét:POSS0 De:Visite/N0:/Vsup:machen/Dét:DER+POSS0 Besuch N0:/N1:bei /Vsup:machen//N1:Dat/Vsup:abstatten/Dét:EIN/ N0:/N1: von /Vkonv:bekommen/Dét:E Fr:visite/N0:/N1:à /Vsup:faire/Dét:UN//N0:/ N1:de /Vkonv:(recevoir + avoir)/Dét:LE

Voici quelques exemples qui illustrent les entrées présentées ci-dessus : (4) a. b. c.

Luc (besucht + macht einen Besuch bei) seine(n) Eltern “Luc (fait une + rend ) visite à ses parents” Max bekam Besuch von seinen Eltern “Max a eu la visite de ses parents” Max (besichtigt den + macht eine Besichtigung des) Dom(s) von Mainz “Max (visite + fait la visite de) la cathédrale de Mayence”

294

DIETER SEELBACH

d. e.

Luc macht eine Führung durch den Dom von Mainz “Luc fait la visite de la cathédrale de Mayence” Der Chefarzt macht (die + seine) Visite “Le médecin-chef fait (la visite de ses patients + sa visite)”

EIN (Dindéf) est rendu par UN ou par (déterminant zéro) en fonction du verbe support (faire vs rendre). Le déterminant zéro en allemand correspond à LE (Ddéf) en français quand le verbe support change dans le même emploi : dans la construction converse. Ddéf dans l'emploi #2 correspond à Dindéf en allemand, et dans l'emploi #3, il peut correspondre à Dindéf. Le déterminant défini est possible dans l’emploi #4 en allemand, tandis qu’en français il faut soit employer le possessif soit ajouter l’argument () qui n’est pas présent en allemand. Dans la perspective de l’enseignement et de l’apprentissage des deux langues, nous présentons ci-dessous quelques principes ou tendances de base, quelques correspondances prototypiques et quelques correspondances dictées par la nature des éléments lexicaux décrits dans les lexiques-grammaires.

1. Les déterminants des noms prédicatifs Une règle de base assez utile : le déterminant partitif correspond au déterminant zéro en allemand. Ce qu’on observe devant des arguments (N1 non comptables) de verbes prédicatifs : (5) a. b. c.

Geld (haben + ausgeben + investieren) “(avoir + dépenser + investir) de l’argent” jm Geld (geben + stehlen) “(donner + voler) de l’argent à” Geld (einbringen + verdienen) “(faire + gagner) de l’argent”

s’observe également devant des noms prédicatifs : (6) a.

b.

(Appetit + Erfahrung + Mut + Geschmack + Geduld + Erfolg + Glück + Glaubwürdigkeit) haben “avoir (de l'appétit + de l'expérience + du courage + du goût + de la patience + du succès + de la chance + du crédit)” jm (Hilfe leisten + Hoffnung machen + Arbeit geben + Zuneigung entgegenbringen) “donner (de l'aide + de l'espoir + du travail + de l'affection) à qqn”

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS

c. d.

e. f.

295

jm (Schmiergeld + Schadenersatz) geben “donner des (dessous-de-table + dommages et intérêts)” jm falsche Hoffnungen machen; jm mildernde Umstände geben “donner de faux espoirs à; accorder des circonstances atténuantes à” (Werbung + Reklame + Zicken) machen “faire (de la publicité + de la réclame + des minauderies)” Theater spielen, Wirkung (erzeugen + haben), Opposition machen gegen, jm Avancen machen “faire du cinéma, faire de l’effet, faire de l’opposition contre, faire des propositions à”

D’autre part, il y a des parallèles avec l’allemand qui contredisent la 'règle de base' et qui s’expliquent souvent historiquement : (7) a. b. c. d. e. f. g. h. i. j.

(Durst + Hunger) haben “avoir (soif + faim)” (Anspruch + Lust) haben auf “avoir (droit à + envie de)” jm (Zuflucht + Asyl) (geben + gewähren) “donner asile à” jm (Kredit geben + Freude machen) “faire (crédit + plaisir) à” Konkurs machen; Schiffbruch erleiden “faire faillite; faire naufrage” N1Dat Interesse entgegebringen “porter intérêt à” Freude (haben + finden) an “prendre plaisir à” jm Beistand leisten “prêter assistance à” Vertrauen (haben zu + setzen in) “faire confiance à, avoir confiance (dans + en)” Verständnis haben Ancien français : “avoir entendement (= comprendre)”

La série d’exemples qui suit concerne les différences avec l’allemand : –

des prédicats nominaux actualisés par haben/avoir correspondent à des prédicats nominaux en langue source :

296

DIETER SEELBACH

(8) a.

ein Auge haben für “avoir l’œil pour” b. Sinn für (N + Humor) haben “avoir le sens de (N + l’humour)” c. ein Recht haben auf “avoir droit à” d. Gelegenheit haben zu “avoir l’occasion de” e. ein feines Gehör haben “avoir de l’oreille” f. grünes Licht haben “avoir le feu vert” g. Zeit haben für “avoir le temps de” mais : h. jm (E + seine) Aufmerksamkeit schenken “avoir des attentions pour”



des prédicats nominaux actualisés par donner correspondent à des prédicats nominaux en langue source actualisés par des verbes supports variés :

(9) a. b. c. d. e. f. g. h.

Alarm (schlagen + geben) “donner l’alerte” jm grünes Licht geben “donner le feu vert à” eine Anzahlung machen “donner des arrhes” (ein + E) Lob spenden “donner des louanges” Bedingungen stellen “donner ses conditions” ein Honorar geben “donner des honoraires” jm erste Hilfe leisten “donner les premiers soins à” jm Vollmacht erteilen “donner les pleins pouvoirs à”

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS



des prédicats nominaux actualisés par faire correspondent à des prédicats nominaux en langue source actualisés par des verbes supports variés :

(10) a. b. c. d. e. f. g. h.



297

eine Erwähnung machen von “faire allusion à” Gewinn machen “faire (un + des) bénéfices” einen Bericht geben von; (das + ein) Protokoll machen von “(faire + établir) le rapport de” Spitzentanz machen “faire des pointes” eine Ausnahme bilden “faire exception” Kritik üben an “faire la critique de” einen Eid schwören “(faire + prêter) serment” mit jm einen Wettlauf machen “faire la course (avec + à)”

des prédicats nominaux actualisés par des verbes supports variés se trouvent dans la langue source et dans la langue cible :

(11) a. b. c. d. e. f.

Krebs bekommen “développer un cancer” Protest erheben “élever (une + sa) protestation” Druck ausüben auf “exercer une pression sur” jm (seine + E) Hilfe zuteil werden lassen “apporter son aide à” (die + E) Verantwortung tragen “porter la responsabilité” das Kurzpassspiel pflegen “pratiquer un jeu court” (N0:)

Nous observons cependant une correspondance prototypique (Ddéf Npréd verlieren ↔ perdre Npréd) entre quelques noms prédicatifs, sémantiquement assez homogènes, supportés par les verbes supports terminatifs verlieren et perdre :

298

DIETER SEELBACH

(12) a.

b.

(die Geduld + den Mut + das Vertrauen + die Hoffnung + die Fassung) verlieren “perdre (patience + courage + confiance + espoir + contenance)” das Bewusstsein verlieren “perdre (connaissance + conscience)”

Dans les cas de ‘category switching’, le verbe prédicatif simple de la langue source ne donne évidemment aucune indication sur le choix du déterminant des noms prédicatifs correspondants. Voici les deux cas de figure : –

des verbes prédicatifs allemands simples traduits par des prédicats nominaux actualisé par faire :

(13) a. b. c. d. e. f. g. h.



sich irren “faire (une + ) erreur” sich entschuldigen “faire ses excuses” boomen “faire un boom” jn bekriegen “faire la guerre à Nhum” erscheinen (zum Vorschein kommen) “faire son apparition” (N0 : soleil [...]) streiken “faire (la + E) grève” hausieren “faire du porte-à-porte” jm vertrauen “faire confiance à”

des verbes prédicatifs français traduits par des prédicats nominaux allemands actualisés par des supports variés :

(14) a. b. c.

se suicider “Selbstmord begehen” consulter (N0: médecin) “(eine + seine) Sprechstunde abhalten” doter qn “jm eine (Modif) Aussteuer geben”

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS

d. e. f. g.

299

attendre que S “die Erwartung haben, dass S” reconnaître que S “die Erkenntnis gewinnen, dass S” gaffer (fam) “einen Schnitzer machen” se parjurer (vieilli) “einen Meineid leisten”

2. Les déterminants à l’intérieur des mots composés Les problèmes de la détermination des éléments nominaux dans des mots composés concernent, en dehors des noms, les verbes, les adjectifs, les adverbes, les prépositions et les connecteurs. La plupart du temps des mots composés en langue source correspondent à des mots composés en langue cible. En allemand, les composés peuvent apparaître sous forme soudée (Komposita) ou, dans le cas des verbes, sous forme de verbe à particule (ou préfixe) séparable (Partikelverben). On a cependant aussi des mots simples et, parmi les opérateurs, des opérateurs avec adverbes appropriés comme formes correspondantes aux mots composés. 2.1. Les verbes Il existe des verbes composés avec des structures parallèles en français et en allemand en ce qui concerne la détermination de leurs éléments nominaux : (15) a. b. c. d. e. f. g.

Schule machen “faire école” gemeinsame Sache machen mit “faire cause commune avec” Platz machen “faire place à” Platz nehmen “prendre place” den Haushalt machen “faire le ménage” das Weite suchen “prendre le large” das Gras wachsen hören “entendre pousser l’herbe”

300

DIETER SEELBACH

h. i. j. k. l.

die Fäden (in der Hand haben + ziehen) “tirer les ficelles” ein Exempel statuieren “faire un exemple” seinen Auftritt verpassen “rater son entrée” seinen Beruf verfehlen “rater sa vocation” seinen Zorn abladen auf “décharger sa bile sur”

Par ailleurs, il existe aussi des différences avec l’allemand quant à la détermination à l'intérieur des mots composés : –

des verbes composés traduits par des verbes composés :

(16) a. b. c. d. e. f. g. h. i. j. k. l.

( + das) Geld aus dem Fenster werfen “jeter l’argent par (la + les) fenêtre(s)” sich aus der Affäre ziehen “se tirer d’affaire” Tränen lachen “rire aux larmes (à Ddéf N)” Brust schwimmen “nager la brasse” die Hosen anhaben “porter (le pantalon + la culotte)” jm sein Ohr leihen “prêter l’oreille à” jn an der Leine halten “tenir (qn) en laisse” für eine Überraschung sorgen “créer la surprise” mit gutem Beispiel vorangehen “donner (le + le bon) exemple” den Platz freimachen für “laisser (la + E) place à” ins Theater gehen (in Ddéf N) “aller au théâtre” ins Gefängnis kommen (in Ddéf N) “aller en prison”

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS

301

m. in Ferien gehen “aller en vacances” n. sich die Hörne abstoßen “jeter sa gourme” o. Gefahr laufen (dass S + W zu V) “courir le risque (que S + de V W)” p. um Asyl bitten “demander l’asile” q. (seine + die) Wirkung verfehlen “rater son effet” r. Abstand halten “garder ses distances” s. Manschetten haben, die Hosen voll haben “avoir les jetons” (fam) t. sich ein Beispiel nehmen an “prendre exemple sur” u. mit jm einen Termin vereinbaren “prendre rendez-vous avec” v. (k)eine leichte Aufgabe haben “(ne pas) avoir la tâche facile” w. aus allen Wolken fallen “tomber des nues” Des opérateurs en langue source qui ne sont pas des mots composés peuvent correspondre à des mots composés en langue cible . –

des verbes simples traduits par des verbes composés :

(17) a. b. c. d. e. f.

etwas merken “prendre conscience de, se rendre compte de” mit jm füßeln “faire du pied à” frühstücken “prendre le petit-déjeuner” etwas missachten “faire fi de” épauler qn “jm den Rücken stärken” envisager qc “etwas ins Auge fassen (in Ddéf)”

302

DIETER SEELBACH

g. h. i. j.



des verbes à particule traduits par des verbes composés :

(18) a. b. c. d. e. f. g. h. i. j. k. l.



amuser qn “jm Spaß machen” écarter qn “jn aus dem Weg räumen” dîner “zu Abend essen” museler qn “jm einen Maulkorb anlegen”

umkehren “faire demi-tour” aufpassen auf “faire attention à” achtgeben auf (Obacht geben) “prendre garde à” aufbrausen “prendre la mouche” jn hochnehmen (fam.) “se payer la tête de qn” sich absondern “faire bande à part” auslosen “tirer au sort” herziehen über “casser du sucre sur le dos de” (aus +durch)halten “tenir le coup” hinterherhinken “traîner (les + des) pieds” davon(fliegen + ziehen) “prendre son (en)vol” einschlagen (N0:-hum) “faire un carton”

des opérateurs avec adverbes appropriés traduits par des verbes composés :

(19) a. getrennt schlafen “faire chambre à part”

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS

b. c. d. e. f. g.



303

bei Rot durchfahren “griller un feu rouge” kurz anhalten “marquer un temps d’arrêt” zutiefst bereuen, W ge- V zu haben “se mordre les doigts d’avoir V-é W” (fam.) auf dem Absatz kehrtmachen “rebrousser chemin” voll tanken “faire le plein” energisch durchgreifen “trancher dans le vif”

des opérateurs avec adverbes appropriés traduits par des adjectifs composés :

(20)

früh aufstehen “être du matin”

2.2. Les adjectifs Voici quelques différences entre le français et l’allemand concernant les adjectifs composés formés sur la base d'une préposition en ce qui concerne la détermination de leurs éléments nominaux : (21) a. b. c. d. e. f. g.

auf den Beinen sein “être sur pied” auf der Hut sein “être sur (ses) gardes” ohne einen Pfennig sein “être sans (le + un) sou” unter Schock sein “être sous le choc” im Recht sein (in Ddéf N) “dans son droit” mit Knoblauch sein (mit N) “être à l’ail” (N0: Pizza...) (à Ddéf N) im Schlafanzug sein (in Ddéf N) “être en pijama” (en N)

304

DIETER SEELBACH

h.

i. j. k.

mit den (Nerven + Kräften) am Ende (an Ddéf N) (Prép Ddéf N1 Prép Ddéf N2) “être à bout de (nerfs + forces)” (Prép N1 de N2) am Ende (an Ddéf N) (Prép Ddéf N) “être au bout du rouleau” (Prép Ddéf N1 de Ddéf N2) etwas auf die Beine stellen “mettre qch sur pied” von größter Wichtigkeit sein (N0:-hum) “être de (la) première importance”

2.3. Les noms Voici des différences entre l’allemand et le français concernant la détermination du deuxième élément des noms composés français. Alors que le français adopte la structure N de (Ddéf) N, l’allemand présente des structures comme VN, NN, NV-n ou NAdj-n : (22) a. b. c. d. e. f. g. h.

die Putzfrau “la femme de ménage” die Schallmauer “le mur du son” der Klassenkampf “la lutte des classes” der Tagesanbruch “le lever du jour” die Meereshöhe, der Meeresspiegel “le niveau de la mer” das Wochenende “la fin de la semaine” der Stein des Anstoßes “la pierre d’achoppement” das Gesetz von Angebot und Nachfrage “la loi de l’offre et de la demande”

2.4. Les adverbes composés Voici quelques cas d’équivalence en prenant comme point de départ la structure allemande an Ddef (Modif) Ntps : (23) a.

am Tage “le jour, dans la journée, de jour ( ? de nuit)”

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS

b. c. d. e. f.



305

am Abend “le soir, en soirée, dans la soirée” am Morgen “le matin, dans la matinée” am frühen Morgen “au petit (matin + jour), de bon matin” am Mittag “à la mi-journée, le midi” am Nachmittag “dans l’après-midi, l’après-midi”

avec in Ddéf Ntps comme structure de départ :

(24) a. b. c. d.

im Sommer “en été, l’été” im Herbst “(en + à l’) automne” im Winter “en hiver” im Frühjahr “au printemps”

Il y a une explication historique pour l’apparition de à Ddéf devant printemps que je rappelle d’une façon très schématique : in illum primum tempus (en le premier temps) > en le printemps > el printemps [en le > el (enclise)], el > eal. Un a de transition s’introduit devant une consonne], eal > au [vocalisation du l devant la consonne p. On a le même changement dans bellus : bellus > bels > beals > beaus. La forme à l’automne s’expliquerait dans cette hypothèse par analogie avec au printemps. La distribution de la préposition en et de l’amalgame à Ddéf dans certains adverbes composés du français moderne justifie cette analyse : (25) a.

b.

in meinem und in seinem Namen, in meinem Namen und im Namen von N “en mon nom et au (sien + nom de Luc), en mon nom et en son nom” an erster Stelle, in erster Linie “en premier lieu, au premier chef”

306

DIETER SEELBACH

Un grand nombre de noms prédicatifs construits aujourd'hui obligatoirement avec un déterminant (partitif) ont préservé leur déterminant zéro d'un état de langue ancien comme nom de tête d'un adverbe composé (cf. Tableau 3) : Adverbe composé avec assurance avec (du) courage avec intérêt avec sincérité Tableau 3

Ancien français avoir assurance que S avoir courage avoir intérêt avoir sincérité

Français moderne avoir l'assurance que S avoir du courage avoir de l'intérêt avoir de la sincérité

2.5. Les prépositions composées Voici quelques exemples de prépositions temporelles : (26) a. b. c. d. e. f.

im Lauf (des + von) N “au cours de Ntps” im Verlaufe (des + von) N “dans le courant de Ntps” im Laufe des N “courant N” im Vorfeld von (métaphore) “en amont de” (antériorité) im (Lauf + Verlauf + Zuge + Wege) von “en cours de, au cours de, dans le courant de” (simultanéité) im Gefolge von “en aval de” (postériorité)

2.6. Les connecteurs composés Gaston Gross (1995a) propose d’analyser les connecteurs composés (ou locutions conjonctives de la grammaire traditionnelle) comme prédicats nominaux du second degré qui établissent la liaison entre deux propositions au premier niveau : (27) a. b.

Max prend le passeport avec (l’intention + le désir) d’émigrer Max prend le passeport et il a (l’intention + le désir) d’émigrer

Cette analyse ne résoud pour autant pas entièrement les problèmes liés aux déterminants à l’intérieur des connecteurs composés, certainement pas dans la perspective d’une comparaison du français avec l’allemand :

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS

(28) a. b. c.

(29)

307

Il a dit cela... ...dans le but de convaincre “mit dem Ziel, zu überzeugen” ...dans un but évident de convaincre mit dem offensichtlichen Ziel, zu überzeugen ...sous prétexte d’informer unter dem Vorwand, zu informieren Il viendra... à condition d’être invité “unter der Bedingung, eingeladen zu werden”

En ce qui concerne les structures des adverbes, des prépositions et des connecteurs composés, l’allemand semble se tenir encore plus strictement à la structure de base trouvée pour les adverbes français par Maurice Gross (1986) : Prép Dét N (Modif) et semble avoir une préférence pour la structure avec le déterminant défini : Prép Ddéf N (Modif).

3. Résumé et quelques correspondances prototypiques Pour les ‘noms prédicatifs’ : en dehors de la distribution sémantique ou du schéma d’arguments, ce sont les déterminants et la combinatoire des déterminants avec les verbes supports dont il faut tenir compte et qui différencient les emplois : (30) a. b.

c. d. e. f. g.

rendre visite à N1hum, faire une visite à “einen Besuch machen bei (besuchen)” faire la visite de N1 “#1: eine Besichtigung machen von” “#2: eine Führung machen durch (besichtigen)” N0 faire la visite de N1 “(seine + die) Visite (*der Kranken) machen” faire allusion à “eine Erwähnung machen von” faire une allusion à “eine Anspielung machen auf” faire crédit à “jm Kredit geben” avoir du crédit “(Glaubwürdigkeit + Einfluss) haben”

308

DIETER SEELBACH

(31) a.

b.

c.

faire le service (#1:N0) #1 “den Aufschlag machen” #2 “bedienen” faire son service (#2:N0) #1 “Militärdienst machen” #2 “seinen Aufschlag machen” rendre service à “jm einen (Gefallen + Dienst) erweisen”

Pour les noms dans les ‘verbes composés’, ce sont les déterminants et la combinatoire des déterminants avec les éléments verbaux qui différencient le sens : (32) a. b. c. d. e. f.

g.

fouler aux pieds N1 “ mit Füßen treten” lever le pied “den Fuß vom Gas nehmen” perdre pied devant “den Boden unter den Füßen verlieren bei” vivre sur un grand pied “auf großem Fuß leben” se jeter aux pieds de “sich jm zu Füßen werfen, jm zu Füßen fallen” (taper + frapper) du pied #1 “mit (dem Fuß + den Füßen) aufstampfen” #2 “nervös werden” avoir les pieds sur terre “mit beiden Beinen auf dem Boden stehen”

Attention aux faux-amis : Fuß fassen ne correspond pas à prendre pied, mais à s’établir (N0). Pour les noms de tête des 'adverbes composés', ce sont les déterminants et la combinatoire des déterminants avec les prépositions qui différencient les formes, les emplois et les traductions : (33) a. b. c.

lundi “am Montag” le lundi “montags” ce lundi “(an diesem + diesen) Montag”

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS

309

d.

un lundi “an einem Montag, eines Montags” e. (le + chaque + tous les) lundi(s) “jeden Montag” f. à ce moment “in diesem Augenblick” g. à tout moment “jederzeit” h. en ce moment “jetzt, zur Zeit” i. pour le moment “vorläufig, vorderhand” j. par moments “zeitweise, ab und zu, von Zeit zu Zeit” k. unter Umständen “probablement” l. unter allen Umständen “sûrement, quoi qu’il arrive” m. sans doute “wahrscheinlich” n. sans aucun doute “zweifellos, zweifelsohne, ohne Zweifel” o. à court terme “kurzfristig” p. à moyen terme “mittelfristig” q. (à + sur le) long terme “langfristig” Voici quelques correspondances prototypiques : –

versus Ddéf devant des Npréd supportés par perdre/verlieren :

(34) a.

b.



perdre (patience + courage + espoir + confiance + contenance) “(die Geduld + den Mut + die Hoffnung + das Vertrauen + die Fassung) verlieren” perdre (connaissance + conscience) “das Bewusstsein verlieren”

Ddéf vs après avoir (pour des N non prédicatifs correspondant à des ) :

310

DIETER SEELBACH

(35) a. b. c.



avoir Ddéf N Adj vs Adj N haben :

(36) a. b. c.



Nhum avoir les nerfs solides “starke Nerven haben” Nhum avoir les yeux bleus “blaue Augen haben” Nhum avoir les cheveux longs “lange Haare haben, die Haare lang (haben + tragen)”

faire DU N vs N Vsup :

(37) a. b.



Nhum avoir le téléphone “Telefon haben” Nhum avoir (la télé + le fax + le minitel + l’internet) “(Fernsehen + Fax + BTX + Internet) haben” Nhum avoir le chauffage central “Zentralheizung haben”

faire de la musique “Musik machen, musizieren, ?(Berufs)musiker sein” faire du piano “Klavier spielen, ?Pianist sein”

faire DU N vs N sein :

(38) a. b.

faire de la recherche, être chercheur “Forscher sein” faire de la représentation, être représentant “Vertreter sein”

De la même façon, l’italien fare Ddéf N correspond à l’allemand sich betätigen als N, tätig sein als N ou eine Tätigkeit ausüben als N. Cependant, la plupart du temps les constructions français faire DU N restent ambiguës : (39) a.

faire de la linguistique #1 “Linguistik als Hobby betreiben” (occupation partielle) #2 “Linguistik studieren” #3 “(von Beruf) Linguist sein” (occupation totale)

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS

b.



311

faire de la comptabilité #1 “die Buchhaltung machen” (occupation partielle) #2 “als Buchhalter tätig sein” (occupation totale)

faire DU N vs N machen :

(40) a. b. c. d.

faire du saut en hauteur “Hochsprung machen” faire du javelot “Speerwurf machen” faire du tennis “Tennis spielen” faire du foot “Fußball spielen”

Nous avons relevé un nombre très élevé de ‘pluralia tantum’ en français dont les correspondants allemands sont au singulier, que ce soit : –

des verbes composés :

(41) a.



des adverbes composés :

(42)



aller aux toilettes “auf die Toilette gehen” (cf. aussi (15) a. et r.)

[Vous agissez] à vos risques et périls “[Sie handeln] auf eigene Gefahr”

ou des noms composés :

(43) a. b. c. d.

les eaux grasses “Spülwasser” les eaux sauvages “Wildwasser” les eaux usées “Abwasser” les eaux fines “klares Wasser”

312

DIETER SEELBACH

La plupart des noms composés du type eaux Adj se traduisent par Adj Gewässer ou N_Gewässer. Rappelons d’autres exemples parmi les noms prédicatifs : (5c), (7h), (8c), (8d), (8f), (8g) et (8h). Une étude plus poussée révèlera peut-être un changement du nombre dans le passage de l’allemand au français avec la même fréquence : (44)

die Ohren spitzen “(lever + dresser) l’oreille”

Pour terminer, voici l’exemple d’une entrée dans un dictionnaire électronique bilingue pour le nom prédicatif Angst. On peut constater que les verbes supports et les déterminants et surtout la combinatoire des déterminants avec les verbes supports à fonctions sémantiques variées (cf. M. Gross 1998) différencient les emplois multiples de ce prédicat nominal. Default : Les Npréd Angst/peur sont le complément d'objet (in)direct. Angst M:Npréd/.../C: Fr:peur/.../ #1:N0:hum/N1:vor /Vsup:haben, empfinden, fühlen/Dét: E Fr:N0:hum/N1:(de + devant) /Vsup:avoir/Dét:E, Dindéf-Modif/Vsup:éprouver, ressentir/Dét:DU, Dindéf-Modif #2:N0:hum/N1:um Nnr/Vsup:haben/Dét:E Fr:N0:hum/N1:pour Nnr/Vsup:avoir/Dét:E BEGIN:N0:hum/Vsupinch:bekommen/Dét:E Fr:N0:hum/Vsupinch: prendre/Dét:E N0:Angst/N1:hum/Vsupinch: erfassen, überkommen, packen/Dét:E Fr:N0:peur/N1:hum/Vsupinch: saisir, gagner, envahir/Dét:LE/ N0:peur/N1:de hum/Vsupinch: s’emparer/Dét:LE N0:Angst/N1:bei hum/Vsupinch: aufkommen/Dét:E Fr:N0:peur/N1:en hum/Vsupinch: surgir/Dét:LE CAUSE:N0:/N1:bei hum/Vsupcaus:auslösen, erregen, hervorrufen, wecken/Dét:E, (Dindéf) Modif Fr:N0:/N1:chez hum/Vsupcaus:déclencher, susciter, provoquer, éveiller/Dét:DU, Dindéf-Modif N0:/N1:humDat/Vsupcaus:machen, einflößen/Dét:E Fr:N0/N1:à hum/ Vsup caus:faire/Dét:E//Vsupcaus:inspirer/Dét:DU, Dindéf-Modif CAUSE + CONT:N0:/N1:bei hum/Vsupcaus+dur:schüren/Dét:E Fr:N0:/N1:chez hum/Vsupcaus+dur:entretenir/Dét:Ddéf CAUSE + END:N0:hum/N1:humDat/Vsupcause+end:nehmen/Dét:Ddéf, POSS1 Fr:No:hum/N1:hum/ Vsupcause+end:libérer de/Dét:POSS1

PRÉDICATS NOMINAUX ET MOTS COMPOSÉS

313

DECREASE:N0:Angst/N1:bei hum/Vsimple:nachlassen/Dét:Ddéf Fr:N0:peur/N1:chez hum/Vsimple:diminuer, s’atténuer, décroître/Dét:Ddéf DECREASE + END:N0:Angst/N1:(bei + von) hum/Vsupterm:sich legen, verfliegen/Dét:Ddéf Fr:N0:peur/N1:chez hum/ Vsupterm:s’estomper, se calmer/Dét:Ddéf END:N0:hum/ Vsupterm:überwinden, verlieren/Dét:POSS0, Dindéf ModifFr1 :N0:hum/ Vsupterm:surmonter, maîtriser, dominer/Dét:POSS0, Dindéf-Modif Fr2 :N0:peur/N1:hum/ Vsupterm:quitter/Dét:Ddéf

Nous pouvons distinguer clairement les cas de correspondances selon la règle de base (le déterminant zéro en allemand correspond au déterminant partitif), les cas de parallélismes (qui s’expliquent en partie historiquement), et les cas de différences avec le français : (45) a. b. c. d. e. f. g. h. i. j. k. l.

Angst (haben + fühlen) : Max éprouve de la peur Angst einflößen : Cet homme inspire de la peur à Max Angst hervorrufen : Le chien (provoque + suscite + éveille) de la peur Angst (haben + bekommen) : Max (a + prend) peur Angst haben um : Luc a peur pour Marie jm Angst machen : Cet homme fait peur à Max die Angst seines Lebens haben : Marie a eu la peur de sa vie eine Heidenangst haben : Marie a eu une peur bleue Angst schüren : Luc entretient la peur chez Max jm (seine + die) Angst nehmen : Luc libère Marie de (sa peur + la peur qu’elle a eu) Angst hat Luc (gepackt + überkommen) : La peur s’est emparée de Luc Angst ist bei Luc aufgekommen : La peur a surgi en Luc

RÉFÉRENCES Gross, Gaston. 1992. “Forme d’un dictionnaire électronique”. A. Clas ; H. Safar. L’environnement traductionnel. Sillery & Montréal : Presses de l’Université du Québec. 255-271. Gross, Gaston. 1995a. “Semantische Umgebung der Konnektoren”. Leuvense Bijdragen 84. 54-72. Gross, Gaston. 1995b. “Une sémantique nouvelle pour la traduction automatique : les classes d’objets”. La tribune des industries de la langue et de l’information électronique 17, 18, 19. 16-19.

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DIETER SEELBACH

Gross, Maurice. 1986. Grammaire transformationnelle du français. 3– Syntaxe de l’adverbe. Paris : Asstril. Gross, Maurice. 1998. “La fonction sémantique des verbes support”. Travaux de Linguistique 37. 25-46. Klein, H.W. & H. Kleineidam. 1983. Grammatik des heutigen Französisch. Stuttgart. Seelbach, Dieter. 1982. “Dislokation im französischen Satz und Text”. IRAL XX/3. 193-216. Seelbach, Dieter. 1999. “Prädikative adjektivale Ausdrücke: Kodierung und kontrastive Aspekte Französisch-Deutsch”. GLDV-Tagungsband. J. Gippert. 132-149. Seelbach, Dieter. 2000. “Zur Verwendung und Übersetzung von Prädikatsausdrücken im Rahmen der Lexikongrammatik”. Euralex Proceedings. Stuttgart. 529-546. Seelbach, Dieter. à paraître. “Vers une structuration des dictionnaires servant à la TAO”. Lingvisticæ Investigationes. Amsterdam : John Benjamins B.V. Weinrich, H. 1971. “The textual function of the French Article”. Literary Style. A Symposium. S. Chatman. London & New York. 221-240.

SUMMARY We address the issue of the determination of predicative nouns and of the determiners within French and German multi-word expressions in order to elaborate a bilingual electronic dictionary. We also present some principles, basic tendencies and prototypical correspondencies that are useful for both teachers and learners of either language as a foreign language. Eventually, we will demonstrate that the usage of determiners depends mainly on the syntactic or morphosyntactic nature of the lexical elements as they are or as they will be described in the respective lexicon-grammars of French and German.

LA TRADUCTION DE UN-S EST-ELLE AUTOMATISABLE ? FRANCIS TOLLIS Université de Pau

Introduction L’identification des déterminants n’est pas un réel problème. Ainsi, pour le domaine du traitement automatique des langues naturelles (TALN), leur reconnaissance automatique ne pose pas de difficultés majeures. En revanche, la génération et la traduction automatique de ces unités linguistiques restent problématiques. Contre toutes les pratiques traditionnelles à tendance homonymique et contre l’option polysémique, face au un- espagnol on est en droit d’adopter le parti pris de la monosémie (cf. Tollis 1996). Une fois le pari fait que son signifié est aussi unique que son signifiant, son extrême diversification sémantico-syntaxique doit alors être expliquée exclusivement par la variation des circonstances énonciatives et des environnements énoncifs de sa mobilisation. Une part de cette plasticité apparente tient à ce que, en espagnol, ce uncontinue de tolérer la pluralisation. D’habitude, c’est d’ailleurs l’analyse de l’agglomérat un- + -s = UN-S qui soulève le plus de difficultés1 . Ce sont ces deux raisons qui nous ont incité à étudier comment le mot pluriel UN-S plutôt que sa version singulière, a été traduit en français. Parce qu’il a déjà fait l’objet d’une saisie informatique et a donné lieu à la réalisation d’un concordancier, nous avons jeté notre dévolu sur le roman Las últimas banderas de Ángel María de Lera2 . L’avantage de cette informatisation est évidente : par principe, elle permet de ne rater aucune occurrence du vocable étudié, ici UN-S 3 . Sa première publication est de décembre 1967, mais l’édition concernée et manipulée ici est la dix-huitième, de juillet 1970. Ce livre, qui a obtenu le Prix Planeta 1967, porte sur la guerre civile espagnole, vue exclusivement du côté républicain (deuxième de couverture). Sa traduction

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FRANCIS TOLLIS

française par Jean-Jacques Villard a été publiée en 1969 aux éditions Albin Michel sous le titre Les derniers étendards (363 p.). On ne sera pas surpris que ce traducteur ait recouru à plusieurs solutions, une quinzaine au total. Elles sont ici déclinées à peu près par ordre de prévision décroissante (non par ordre de fréquence) : – – – – – –

DES (plus : de nouvelles) ; QUELQUES (plus : quelques vagues) ; plusieurs ; certain-s ; une bande de ; autres traductions : – avec abandon de la ségrégation : les ou ses ; – avec abandon du pluriel : UN et un peu de ; – avec abandon de la détermination : Ø ; – avec abandon de toute solution substantivale (et adoption d’une solution verbale ou adverbiale).

L’étude de ce traitement par un seul opérateur ne permet pas de savoir si sa diversité tient à son équation personnelle ou aux contraintes objectives des langues en présence. Il est patent, cependant, que, compliquant d’emblée ce traitement, la disparité des moyens qu’il offre, et tout particulièrement l’inaptitude actuelle du un- français à la pluralisation, a très probablement à voir avec cette variété. Quoi qu’il en soit, le problème doit préoccuper aussi bien le pédagogue que le spécialiste du traitement automatique des langues. L’étude exhaustive de cette diversité et son analyse traductologique détaillée ne sont évidemment pas possibles en quelques pages. Nous ne considérerons donc ici que les deux solutions DES et QUELQUES et leur alternance éventuelle, en laissant de côté l’ensemble des noms que la tradition a caractérisés comme des pluralia tanta, dont nous avons déjà abordé le cas ailleurs (Tollis 1995). Quoique considérable, cette limitation ne doit pas faire oublier l’objectif de départ : voir s’il est raisonnable d’espérer d’une machine que, convenablement préparée, elle soit en mesure, parmi les ersatz français de UN-S, de choisir au moins une solution qui soit acceptable (même sans assurance qu’elle soit la meilleure ou la moins mauvaise). Le manque de place nous interdisant de dresser le bilan complet des occurrences de DES ou de QUELQUES et des circonstances sémanticosyntaxiques qui les accompagnent, nous nous limiterons à l’examen des quelques cas d’alternance repérables devant un même substantif. Nous

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laisserons ainsi de côté les rencontres où UN-S n’a reçu ni l’une ni l’autre de ces deux traductions et s’est notamment vu rendu par plusieurs. De même, du tri sémantico-référentiel des substantifs qui a été utilisé et de sa justification, comme de la subdivision syntactico-fonctionnelle d’un type de substantifs, il ne sera question qu’au fur et à mesure de l’exposé.

1. Rôle éventuel de cuant-s et de sólo 1.1. La pression de cuant-s On peut estimer que la présence de cuant-s devant UN-S garantit la perspective quantitative. Devant un substantif renvoyant à l’idée de quantification (type Nq), qu’il indique par lui-même la numération globale, ou qu’il serve d’instrument de métrologie (objective ou subjective), il ne fait que renforcer sa vocation. Devant un substantif ayant toutes les apparences de la neutralité (type N : non identifiable ni comme un pluralia tantum, ni comme un nom métrologique), et, par défaut, plus 4 “quelconque”, c’est-à-dire étranger ou indifférent à la quantification, en revanche , il le pare de vertus quantifiantes qui peuvent faciliter la survenue de QUELQUES. Cela ne change pas grand chose à la traduction de UNOS cuant-s días (254.33), UNOS cuant-s pasos (175.7) ; mais cela peut avoir orienté celle de UNOS cuant-s milicianos (111.9), UNOS cuant-s chumbos : (1)

Deja el niño en la cama y echa unos cuantos chumbos y pan en un talego, y prepara también un botijo con agua (329.9) “Mets le bébé dans le lit et prépare quelques figues et du pain dans un sac, et puis aussi un cruchon d’eau” (T292)

1.2. La possible influence de sólo L’adverbe sólo pourrait avoir un effet sensiblement comparable, sous réserve encore qu’il soit destiné à stigmatiser la faiblesse quantitative et non à dénoncer la pauvreté qualitative. Dans le roman, il n’apparaît que deux fois devant UN-S (et une autour du SN 5 ). Ainsi, avec semanas et meses, il a entraîné QUELQUES : (2)

Necesitamos algún tiempo para poder montarlo y ponerlo en servicio, sólo UNAS semanas, pocas, tal vez días (206.27)

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“Nous avons besoin d’un peu de temps pour le monter et le mettre en service, rien que QUELQUES semaines, peu de semaines ; peutêtre quelques jours” (T183-184) Pour ce premier cas, la traduction, qui à certains pourra manquer de naturel (à cause de peu de semaines), appelle quelques remarques, dans la mesure où le choix répété de QUELQUES a aussi à voir avec le choix de rien que pour sólo. La fin de l’énoncé, avec le glissement de semanas vers días, montre clairement que l’on est bien en présence d’une évaluation du temps nécessaire, minorée et revue. En signalant que la première appréciation est excessive, cette correction a poussé compensatoirement le traducteur à subjectiver son interprétation de l’adverbe. Mais, dans un contexte de loin plus neutre, le second sólo a été rendu sans ce relief : (3)

¿Por qué no podemos resistir un poco más ? Sólo UNOS meses (191.20) “Pourquoi ne pouvons-nous pas résister un peu plus longtemps ? QUELQUES mois seulement” (T171)

Si l’orientation se fait quantitative, QUELQUES n’apparaît pas6 . 2. Étude de la concurrence des/quelques 2.1. De DES à QUELQUES dans le cadre des N (pour N sujet) 2.1.1. Devant mujeres Le SN UNAS mujeres, rencontré deux fois, a fait l’objet de deux traductions : DES femmes lorsque le SN est un objet secondaire : (4)

— Pero, ¿ quién puede hacer daño a UNAS mujeres y a UNOS niños ? Nadie, Rosina (362.21) — “Mais qui peut faire du mal à DES femmes et des enfants ? Personne, Rosina” (T322)

QUELQUES femmes lorsqu’il est objet primaire prépositionnel :

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(5)

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Siguió otra pausa. Se oyó hablar a UNAS mujeres y también alguna voz de hombre. Desde donde estaban no podían vigilar la carretera (342.26) “Il se tut. On entendit QUELQUES femmes parler et aussi une voix d’homme. D’où ils étaient ils ne pouvaient pas surveiller la route” (T303)

Au départ, dans les deux cas, il est à peu près assuré que le prédéterminant espagnol est syntaxiquement nécessaire à la viabilité énoncive. Dans le texte original, à ce compte, il est extrêmement difficile de voir dans la présence du UN-S la trace signifiante de quelque intention sémantique7 . De ce point de vue, assurant sans autre prétention le même type de viabilité, les deux traductions font tout à fait l’affaire. Et d’autant d’ailleurs que, référentiellement, les exigences sont minces. En effet, la séquence (4) n’a d’autre intention que de rassurer une jeune fille qui, craignant le pire, est sur le point de fuir en voiture vers Alicante avec sa mère et ses frères. C’est pourquoi elle se limite à désigner les deux franges de la population civile traditionnellement les plus fragiles, et pour cela en principe épargnées par les horreurs de la guerre, du moins tant qu’on y respecte les bonnes manières. On remarquera cependant, que, en mettant la préposition à en commun, la traduction de (4) amorce l’amalgame des deux SN coordonnés, là où l’espagnol préserve l’autonomie de chacun. En effet, réalisée par le biais de la ségrégation que permet et impose UN-S, leur actualisation opère par étapes distinctes. Chacun des deux référents séparément désignés par les deux SN est présenté de façon autonome, comme l’atteste la présence répété de deux a Au total, la phrase espagnole nous met en présence de deux compléments prépositionnels coordonnés, et non devant un seul complément binaire8 . Avec (5), on se trouve dans un tout autre cas de figure. Ici, référentiellement, il n’est fait allusion qu’à des êtres non identifiés, et d’ailleurs non identifiables (la distance s’y opposerait). Mujeres ne prétend pas servir à nommer des individus, mais seulement des personnes de sexe féminin qui, d’ordinaire, se reconnaissent à la voix : la mission du SN est de classer, non d’identifier. D’un autre côté, il est là pour introduire un référent nouveau venu, très important pour l’observateur aux aguets. Cet ensemble de circonstances se serait probablement satisfait sans dommage d’un DES. On est donc amené à se demander pourquoi, ici, le traducteur lui a préféré QUELQUES. Ici encore, on a affaire à deux SN coordonnés. Contrairement au cas antérieur, cependant, où les deux étaient formellement alignés, cette fois ils présentent entre eux trois points de divergence. Premièrement, les deux référents qu’ils visent ne sont pas parfaitement jumelés : le second n’est pas présenté conjointement au premier, mais de manière décalée ; l’étoffement du y

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en y también, qui fait de la mention du dernier une addition à celle du premier, empêche leur introduction et leur saisie discursive d’être réellement immédiates. Deuxièmement, le second n’est pas pluralisé. Troisièmement, dans le second, c’est un composé de UN-, alguna, qui sert de prédéterminant à voz. L’apparition de ce dernier à la place de son primitif una ne doit rien à des impératifs formels. Pour en rendre convenablement raison, il faudrait déjà bien dominer la différence qu’il y a de l’un à l’autre. En disant que le simple opère une ségrégation pure, et que le composé opère une ségrégation étoffée, on n’a sans doute pas élucidé grand chose. C’est une question sur laquelle nous nous sommes déjà antérieurement penché, mais le travail qui est issu de cette réflexion n’a pas encore été publié. Nous nous contenterons donc de dire ici ce que, intuitivement, nous croyons en percevoir, sans être natif il est vrai : qu’avec UN-, on ne manifeste guère qu’une visée, dégagée de son point de fuite ; et qu’avec ALGUN-, en revanche, quelque chose de ce qui est visé prend déjà corps. C’est peut -être à cette impression qu’est due la conviction que tout référent désigné par un SN en ALGUN- acquiert un degré de prégnance supérieur à celui qu’il aurait s’il était désigné par un SN en UN- 9 . Quelle que soit sa fragilité ou sa grossièreté, cette conviction semble néanmoins pouvoir aider à comprendre pourquoi alguna voz a un meilleur rendement expressif que UNA voz. Énoncivement, l’original évoque une situation très bien explicitée. Des deux personnages, associés pour la circonstance, il nous dit que, avant d’aller plus avant dans leur entreprise, ils sont aux aguets, attentifs (El guía [...] escuchó y escudriñó ; 341), inquiets (a lo mejor traen aquí un retén de Regulares. Pero la verdad es que no se sabe nada de cierto ; 342), et extrêmement prudents, comptant sur l’obscurité pour les protéger (se metieron en el espeso cañaveral. Ahora a esperar a que se haga un poco más de noche ; 341). Dans de telles circonstances, tout bruit, tout mouvement, toute présence devinée deviennent très importants ; mais en plus, dans le contexte de conflit armé qui est celui du roman, ce sont évidemment les hommes (au masculin) que l’on doit craindre le plus. Lorsqu’on ne peut rien voir (Desde donde estaban no podían vigilar la carretera) et qu’on ne doit se fier qu’à ses oreilles, on ne s’étonnera guère alors que des voix féminines, en dépit de leur nombre, inquiètent moins qu’une voix virile, même unique. Dans le choix des deux déterminants en place, en tout cas, il semble bien que quelque chose se retrouve de cette hiérarchie, ici vitale. Du coup, il devient presque évident que le non alignement des deux SN et leur mode de coordination médiate relèvent de cette même stratégie discursive, ellemême étroitement liée à la singularité dramatique de la situation qu’il s’agit de faire percevoir au lecteur.

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Cela dit, et en prenant les choses à rebours, il faut rappeler que là où l’original a employé alguna le français ici ne saurait guère proposer rien d’autre que UNE. À partir de là, pour marquer dans la traduction quelque chose de ce qui sépare UNAS mujeres de alguna voz de hombre (à la fo is référentiellement et sémiologiquement), deux voies semblaient s’ouvrir. Ou bien afficher cette disparité en jouant sur la disconformité des prédéterminants ; ou bien utiliser le même dans les deux SN, et réinterpréter le y también en sorte d’en faire percevoir la portée contrastive. La seconde solution permettrait à faible coût de bien scander la progression du risque qui, s’accroissant nettement d’un référent à l’autre, porte tout naturellement à négliger justement la dimension quantitative des femmes, du moins tant qu’on les tient pour inoffensives. En voulant dépasser les difficultés qu’il y a à faire passer en français la séquence UNAS… alguna…, elle ferait prévaloir les intérêts supérieurs de la cohérence discursive interne, autrement dit le sens, sur la configuration morphologique originale. Mais il est indéniable que cette traduction l’altérerait deux fois : une fois sur les déterminants nominaux, une autre fois sur la locution de coordination. Néanmoins, comme cette double modification serait opérée alternativement par défaut, puis par excès, même sur ce plan-là, elle parviendrait, par compensation, à rétablir un certain équilibre. La première solution, adoptée en (5), demeurant fidèle à la littéralité de y también, impose une alternance de deux prédéterminants et refuse DES femmes. Faute d’autre possibilité plus satisfaisante, il lui faut donc se contenter de QUELQUES et se résoudre à maintenir du quantitatif là où, dans les circonstances perceptuelles que nous savons, toute perspective de quantification paraît acrobatique, sinon oiseuse. 2.1.2. Devant disparos et tiros Une alternance comparable est observable avec disparos et tiros, tous ici en fonction de sujet postposé : (6)

De pronto sonaron UNOS disparos, y, casi simultáneamente, unas ráfagas de ametralladora, y en seguida se generalizó un tiroteo rabioso [...] (155.28) “DES coups de feu claquèrent soudain et presque aussitôt QUELQUES rafales de mitrailleuse ; cela se transforma en une fusillade rageuse […]”(T141).

Déjà, dans la traduction de (6), on constate que les deux SN, pourtant identiquement traités en espagnol, sont traduits de manière différente. Dire

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pourquoi ne serait pas aisé. Remarquons au moins que privilégier QUELQUES, c’est donner aux rafales de mitrailleuse une autonomie qui leur vient peut-être de ce que leur mention relève d’une perception plus précise que celle qui a d’abord fait parler de simples tirs (encore indifférenciés). Si leur identification est plus poussée, c’est aussi que, par contraste, les tiros semblent avoir été surtout remarqués pour leur soudaineté (De pronto) ; soudaineté qui leur octroie aussi une massivité portée à dissoudre leur individualité. (7)

Otra vez nos quedamos callados porque sonaron en aquel momento UNOS tiros en la vaguada (180.3) “On est encore resté un bout de temps sans rien dire, vu qu’à ce moment DES coups de feu ont claqué dans le ravin” (T161)

La permanence de DES dans la traduction de (7) va tout à fait dans le même sens : ce qui compte dans (7), c’est moins de dissocier les coups individuels que de signaler l’existence d’une fusillade, donc le danger. (8)

Siguió una pausa tensa durante la cual volvieron a oírse UNOS disparos poco nutridos en las cercanías (195.23) “Il y eut un moment de silence intense, durant lequel on perçut de nouveau quelques coups de feu isolés dans les environs” (T175)

C’est à peu près l’inverse dans (8), dans la mesure où pocos nutridos fait entrer dans la distribution interne de cette fusillade lointaine, en mettant l’accent sur leur localisation dans le temps et/ou dans l’espace, l’adjectif isolés, qui braque davantage encore sur leur réalité individuelle. (9)

Entonces sonaron UNOS tiros por allí cerca, pudiéndose percibir el chasquido de las balas al pasar zumbando por encima de sus cabezas (270.9) “QUELQUES coups de feu retentirent alors tout près et ils purent entendre les balles siffler au-dessus de leurs têtes” (T240)

Dans la traduction de (9), le choix de QUELQUES paraît d’emblée infiniment plus problématique à expliquer. Deux éléments, cependant, ont pu faire abandonner DES : la proximité estimée de ces tirs (allí cerca) et leur concrétisation pratique sous l’espèce des balles qui sifflent. Le maintien de DES n’aurait sans doute pas aussi bien réussi à restituer l’impression de vécu.

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3. La traduction de UN-S en français est-elle réellement automatisable ? 3.1. Rencontre énoncivo-énonciative et décision traduisante La présente étude n’avait évidemment aucune prétention statistique, dans la mesure où le nombre des occurrences de UN-S ne l’aurait pas permis. Des observations dont il a été possible de faire état ici, deux sortes de conclusions semblent finalement se dégager : –



quand la pression de quelque élément se laisse détecter, c’est généralement et fondamentalement la vocation sémantico-référentielle du substantif qui paraît la plus déterminante. Ainsi, avec les Nq, il est bien rare que des ne soit pas délaissé pour QUELQUES, même lorsqu’ils renvoient à des unités de compte sans autre définition que floue. les données formelles (morphosyntaxiques) dont le texte de départ accompagne UN-S ne semblent pas réellement décisives en tant que telles. Lorsqu’on peut estimer qu’elles ont poussé vers DES ou vers QUELQUES ou vers leur évitement commun, c’est essentiellement en raison de l’infléchissement qu’elles introduisent dans le contenu global de l’énoncé, et/ou par ce qu’elles révèlent du propos (conscient ou pas) du romancier.

Si l’on admet que DES est peu attaché à la quantification et QUELQUES beaucoup plus, leur alternance dépend largement de la prégnance du quantitatif dans le texte à traduire. En deçà et au-delà, il arrive d’ailleurs que le premier le soit encore trop, et le second pas assez, ce qui entraîne alors leur double remplacement. Comme on l’a vu dans le dernier point, le traducteur leur préfère alors soit Ø, soit plusieurs. Mais globalement, s’il se trouve quelque raison, généralement d’essence sémantique, de ne pas s’en tenir expressément et exactement aux instruments linguistiques, l’écrivain sait faire preuve de liberté, et en adopter pour son propre compte d’autres, proches ou plus éloignés. Certes, ce type d’initiative est largement minoritaire. Certes, chacune des solutions apparemment dérogatoires, n’est que l’une des possibles, et, pour un même cas, une autre serait parfois envisageable. Pour autant, elle est rarement immotivée. Cette éventualité n’en existe pas moins, et, sauf si l’on accepte d’assortir l’opération traduisante de quelque restriction normative, elle devrait donc être prise en charge dans l’automatisation de la traduction de UN-S.

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3.2. De la constance à la circonstance Pour tenter de répondre, même partiellement, à la question que pose le titre cidessus, nous dirons donc que l’automatisation de la traduction française de UNS, impose au moins deux objectifs. À s’en tenir à la concurrence entre DES et QUELQUES, la seule présentée ici, on a tout d’abord intérêt à repérer tout ce qui, de près ou de loin, peut favoriser ou au contraire contrarier la perspective quantitative. Il s’agit en premier lieu de l’ensemble des indices explicites de quantification, tels que cuant-s antéposé ou sólo. Cependant, comme leur présence ne semble pas réellement monnaie courante, il lui faut aussi traquer dans les environnements énoncif et énonciatif tout ce qui, implicitement, peut y concourir. D’un autre côté, il semble nécessaire de chercher complémentairement tout élément (thématique, référentiel, culturel, stratégique, argumentatif, narratologique, etc.) qui soit susceptible de garantir à chacun des items référentiels évoqués avec l’aide de UN-S une autonomie suffisante. En effet, comme le montre l’étude des effets discursifs diversifiés de ce dernier (cf. Tollis 1996), la conjonction qu’il opère de la ségrégation et de la pluralisation, rend la singularité et la quantification interdépendantes. Car vouloir quantifier, c’est aussi faire prévaloir la discontinuité sur la massivité. C’est donc vouloir que la multiplication ne gomme pas forcément la particularité. Il arrive ainsi que ce soit le besoin de sauvegarder ou de majorer la personnalité des êtres auxquels le SN renvoie, via l’entier de l’énoncé, qui déclenche la préférence quantifiante. Inversement, si l’on veut la minorer, voire la dissoudre en la noyant dans l’amas de ses pareils, cette même préférence sera écartée. Une telle appréciation, on le voit, ne demande pas seulement des connaissances lexico-grammaticales. Par ailleurs, des pressions contraires trouvent à s’exercer dans certaines rencontres discursives ; une synthèse est parfois nécessaire. Les observations et les commentaires qui précèdent n’avaient d’autre objet que de montrer la complexité des facteurs en présence et leur conjonction. La modélisation des systèmes de déterminants relatifs à un ensemble de langues données reste à faire. Si l’on y parvient, on aura mis au jour un pan des langues étudiées synchroniquement constant. C’est déjà beaucoup. Souvent, cependant, l’opération traduisante travaille à la fois dans le conjoncturel et dans l’urgence. Pour rendre automatique le passage d’une langue à l’autre, il reste encore à évaluer l’adéquation locale et circonstancielle de chacun des concurrents en lice. Cette adaptation n’est appréciable que si l’on réussit aussi à circonscrire avec une précision acceptable l’ensemble du propos particulier, par principe unique, qui est censé servir la configuration verbale originale et que doit préserver sa traduction.

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Seuls les spécialistes sont en mesure de dire si l’on peut espérer rendre une machine capable de cette sensibilité et de cette pondération sémantique.

RÉFÉRENCES Chevalier, Jean-Claude & Marie-France Delporte. 1995. Problèmes linguistiques de la traduction. L’horlogerie de Saint Jérôme. Paris : L’Harmattan. Gaatone, David. 1991. “Les déterminants de la quantité peu élevée en français : remarques sur les emplois de quelques et de plusieurs”. Revue romane 26/1. 3-13. Gondret, Pierre. 1976. “Quelques, plusieurs, certains, divers : étude sémantique”. Le Français moderne 2. 143-152. Sauve, Michel. 1994. “L’article imperfectif ”. Recherches en linguistique hispanique : Actes du 5e colloque de linguistique hispanique d’Aix en Provence. Etudes hispaniques 22. 389-399. Tollis, Francis. 1995. “Algun- dans la perspective de un- : réflexions sur son problematismo”. Permanences et renouvellements en linguistique hispanique. Actes du VIe Colloque de linguistique hispanique. 323-333. Tollis, Francis. 1995. “Remarques sur les traductions françaises de UN-S devant les noms du type pluralia tantum dans Las últimas banderas de A.M. de Lera”. Ibérica (nouvelle Série) 55. 189-206. Tollis, Francis. 1996. Du un au multiple (du signifiant à son emploi) : le cas de un- adjoint en espagnol. Talence : Presses Universitaries de Bordeaux. Tollis, Francis. 1998. “A propos de la prétendue négativité de algun-/ún-”. Estudios en honor del Profesor Josse de Kock, Louvain : Leuven University Press. N. Delbecque, N. & C. De Paepe. 519-528.

SUMMARY When one takes a fairly close look at the semasiological study of the pluralised perinominal use of the Spanish UN-S (the combination of UN + - S after the gender has been neutralised), one discovers quickly enough its widespread availability and the great variety of the semantic contexts in which it can appear ind discourse. This is particularily obvious in the course of the translating process. Hence this systematic checking of all the occurrences of UN -S used as nominal adjuncts in Las últimas banderas by A. M. de Lera against their interpretation by his French translator. Seen from the outset, automatic translation can appear more casily applicable to some highly grammaticalised items than an others. It is with that

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in mind that two pssible translations, des and quelques have been examined, that examination including their rival uses as well as their common substitution by other items. The aim of this study is first and formost to determine the possible impact of the semantic contents of the substantive following UN-S and its enunciative environment. But if that possible double influence is itself dependent upon the overall semantic contents of the message, the extent to wich a machine can be expected to offer statistically acceptable translations remains to be seen.

NOTES 1

On accepte ici de neutraliser les variations dont le genre pourrait être responsable (Tollis 1996 : 276-277). 2 Barcelone : Éd. Planeta, 410 p. (“Autores españoles e hispanoamericanos”). 3 Le renvoi au texte (en x.y) se fait par page et par ligne, le renvoi à la traduction (en Tz), par page seulement. 4 La présence du plus est là pour souligner la relativité de cette identification . 5 Bajo el membrete oficiel, UNAS pocas líneas tan sólo y la firma (208.27) ; “Sous l’en-tête officiel, seulement QUELQUES lignes et la signature” (T185). 6 En effet, avec chumbos, c’est DES qui apparaît: Lo que no podemos ofrecerle es nada aparente para cenar. Sólo UNOS chumbos y pan... (329.17) ; “Ce qu’on peut vous offrir pour dîner est maigre, seulement du pain et DES figues …” (T292). La place manque ici pour mettre au jour ce qui a pu pousser le traducteur à ce choix. 7 Nous avons ailleurs laissé entendre que son caractère prioritairement formel, comme ici, n’exclut pas forcément toute retombée expressive (Tollis 1996 : §VI.1A). 8 Dans cette même configuration (et sous réserve d’inventaire), il est probable que le français laisse une plus grande liberté de manœuvre. Par là, DES montre encore qu’il est un instrument bien à part de celui en face duquel parfois la traduction l’installe. Certes, il a des exigences moindres, mais jamais il n’est en mesure de tenir exactement le même rôle que UN-S, qui est spécialisé dans la ségrégation. En préférant de son côté coordonner les deux SN derrière la même préposition, et mentionner ainsi les deux référents au sein d’un seul et même alvéole syntaxique, le traducteur a sans doute profité au maximum de cet avantage. Mais cette économie tolérée n’a fait que renforcer la déségrégation à laq uelle condamne en pareil cas l’absence, en français, d’un véritable homologue de UN-S. 9 Cette idée est loin d’être unanime. Outre que S. Fernández Ramírez a parlé à son endroit de “problematismo” (cf. Tollis 1995), Sauve, à son tour, est d’une idée diamét ralement opposée à la nôtre. En effet, du contenu de algun- il fait un avant de celui de UN- : tandis que le second désigne, établit et pose l’unité, le premier se limite à la supposer et en signale ainsi un état plus virtuel (Sauve 1994).

LA QUESTION DE LA DÉTERMINATION NOMINALE DANS LA TRADUCTION AUTOMATIQUE NORVÉGIEN ↔ FRANÇAIS HARALD ULLAND Université d’Oslo

Introduction Les déterminants sont souvent définis comme des mots introducteurs de syntagmes nominaux, occupant la position antéposée par rapport au substantif noyau. Dans une étude comparative de langues, étape préalable obligatoire pour la traduction automatique, on pourra être amené à modifier une telle définition, sachant qu’un déterminant antéposé dans une langue peut correspondre à un mot postposé au substantif dans une autre. Une telle étude comparative peut aussi faire ressortir un lien assez étroit entre déterminant et suffixe, qui sont des éléments susceptibles d’assumer des rôles semblables quand on passe d’une langue à l’autre, ce qui contribue à rendre moins évidente une séparation nette entre ces deux entités. Si l’étape d’un examen contrastif est tout à fait nécessaire pour être en mesure de construire un système de traduction automatique, il est important de souligner que, en ce qui concerne la détermination nominale, il est indispensable de l’étudier dans le cadre non seulement du syntagme nominal mais de la phrase entière, en prenant comme point de départ la distinction essentielle entre prédicat et arguments. Le couple de langues qui nous intéresse dans le présent article sont le français et le norvégien. Nous présenterons d’abord une étude comparée des déterminants de ces deux langues, essayant d’établir des sous-ensembles d’équivalences prototypiques, pour insister ensuite sur la distinction entre un type de phrases où les équivalences jouent un rôle, et deux autres types de phrases, pour lesquels d’autres facteurs interviennent pour le choix de déterminants.

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1. Étude comparée des déterminants 1.1. Le genre Le norvégien a deux systèmes pour le genre, avec une différenciation soit en trois, soit en deux genres. Les deux systèmes se distinguent surtout stylistiquement, le système à trois genres étant caractérisé comme plus familier. Nous présenterons ici le système à deux genres, qui semble le plus employé à l’écrit. Les deux genres constituant ce système se nomment genre commun et genre neutre. Pour la relation de genre entre les substantifs du français et du norvégien il y aura ainsi quatre cas de correspondances : N genre commun → F genre masculin N genre commun → F genre féminin N genre neutre → F genre masculin N genre neutre → F genre féminin Exemples : (1) (2) (3) (4)

en film → un film en sal → une salle et resyme → un résumé et kort → une carte

1.2. Les déterminants définis À la différence du français, le norvégien possède un suffixe flexionnel qui indique le défini. Ce suffixe flexionnel est présent dans les trois subdivisions normalement faites pour le défini, à savoir le défini démonstratif, le défini possessif et le défini tout court (ou neutre). En norvégien, ces trois subdivisions du défini se distinguent par leur type de détermination. Pour le défini neutre, le déterminant est zéro. C’est donc le suffixe flexionnel à lui seul qui indique ici qu’il s’agit du défini. Le démonstratif reçoit un déterminant antéposé qui s’ajoute au suffixe flexionnel, alors que le possessif est marqué par un déterminant postposé. Là où le français ne se sert que de déterminants antéposés ayant des formes variées, le norvégien utilise donc toute une gamme qui va du suffixe flexionnel aux déterminants zéro, antéposé et postposé. 1.2.1. Le défini neutre Les systèmes flexionnels du français et du norvégien sont différents par le fait que le norvégien oppose aussi bien le défini à l’indéfini que le pluriel au

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singulier à l’aide d’un suffixe flexionnel, alors que le français oppose par la flexion uniquement le pluriel au singulier. On a donc la situation suivante (cf. Tableau 1) pour un substantif comme film : Catégorie Indéfini singulier Défini singulier Indéfini pluriel Défini pluriel Tableau 1

Norvégien film filmen filmer filmene

Français film le film films les films

L’opposition suffixale entre le singulier et le pluriel se fait en norvégien à l’oral aussi bien qu’à l’écrit, contrairement au français, qui n’a pas en principe d’opposition suffixale à l’oral entre le singulier et le pluriel. Néanmoins, une remarque s’impose : Pour beaucoup de substantifs de genre neutre, il n’y a pas d’opposition suffixale de nombre en norvégien, et ceci est valable aussi bien pour l’oral que pour l’écrit. Voici (tableau 2) la situation pour un substantif comme hus (maison) : Catégorie Indéfini singulier Défini singulier Indéfini pluriel Défini pluriel Tableau 2

Norvégien hus huset hus husene

Français maison la maison maisons les maisons

1.2.2. Le défini démonstratif A l’intérieur de la catégorie nommée le défini démonstratif, on peut faire une opposition entre un démonstratif de proximité et un démonstratif d’éloignement. Cette opposition est marquée en norvégien par deux déterminants antéposés de forme différente. Le français ne connaît pas de variation formelle de déterminants sur ce point, mais une différenciation est possible à l’aide des particules -ci et -là qui peuvent se rattacher au substantif. Nous noterons, toutefois, avec Riegel et al. (1994 : 156), que cette règle héritée de la langue classique s’est réduite dans l’usage courant à l’opposition entre la forme simple et la forme élargie en -là. On peut donc schématiser l’examen contrastif sur ce point de la manière suivante (Tableau 3) : Catégorie Proximité Eloignement Tableau 3

Norvégien denne filmen den filmen

Français ce film ce film-là

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À quoi on pourrait ajouter le cas d’un substantif de genre neutre en norvégien (et féminin en français) (Tableau 4) : Catégorie Proximité Eloignement Tableau 4

Norvégien dette huset det huset

Français cette maison cette maison-là

Nous donnons également les formes pour le pluriel (Tableau 5) : Catégorie Proximité Eloignement Proximité Eloignement Tableau 5

Norvégien disse filmene de filmene disse husene de husene

Français ces films ces films-là ces maisons ces maisons-là

1.2.3. Le défini possessif Selon Riegel et al. (1994), le déterminant se définit comme “le mot qui doit nécessairement précéder un nom commun pour constituer un groupe nominal bien formé dans la phrase de base”. Si l’on s’en tient à cette définition, le possessif norvégien est sans déterminant, puisque le mot qui détermine le substantif dans le cas du possessif est postposé par rapport au substantif. Dans une étude comparée de la détermination du français et du norvégien, on a intérêt à élargir la définition du déterminant, et compter comme déterminant également l’indicateur possessif qui occupe la position postposée. Un syntagme nominal à possessif en norvégien comprend obligatoirement trois parties : le nom, le suffixe du défini, et un déterminant possessif postposé. L’équivalent norvégien de mon film est filmen min, avec le nom film, le suffixe -en, et le possessif min. Il est vrai qu’il existe une variante “à la français e” du syntagme nominal à possessif : min film, mais cette variante ne s’emploie que dans des cas particuliers, par exemple pour obtenir un effet de contraste : min film er bedre enn din film (mon film à moi est meilleur que ton film à toi). Ici nous allons présenter le système standard du possessif norvégien, en le comparant au système du possessif français (Tableau 6) : 1 singulier 2 singulier 3 singulier 1 pluriel 2 pluriel 3 pluriel Tableau 6

filmen min filmen din filmen sin/hans/hennes filmen vår filmen deres filmen sin/deres

mon film ton film son film notre film votre film leur film

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Dans le cas d’un substantif de genre neutre, les formes du possessif postposé sont : mitt, ditt, sitt/hans/hennes, vårt, deres, sitt/deres. Pour le pluriel des deux genres, on a les formes mine, dine, sine/hans/hennes, våre, deres, sine/deres. Comme le montre le schéma, le syntagme son film du français peut correspondre à trois équivalent s différents en norvégien. L’opposition hans/hennes se réfère à la personne “qui possède”, et indique la différence entre son film à lui et son film à elle. Il s’agit donc d’une opposition comme celle de l’anglais entre his et her. La variante sin (genre neutre sitt, pluriel sine) marque la coréférence avec le sujet de la phrase. Ainsi, une phrase comme Han liker filmen sin a le sens Il aime son propre film / son film à lui-même, alors que Han liker filmen hans a le sens Il aime son film, c’est-à-dire le film d’une autre personne que lui-même. Dans une optique de traduction automatique, une différenciation entre coréférence et non-coréférence avec le sujet pose des problèmes dont la solution n’est pas évidente. C’est une question à laquelle il faut revenir. 1.3. Les autres déterminants On a vu que le système du défini est marqué en norvégien par un suffixe du défini, accompagné par un déterminant antéposé dans le cas du démonstratif et un déterminant postposé dans le cas du possessif. Pour les autres déterminants, que nous abordons maintenant, il n’y a pas de suffixe. Nous présenterons l’article indéfini, le partitif et les quantifieurs. 1.3.1. L’article indéfini Le déterminant que l’on nomme couramment “article indéfini” ne pose pas de grands problèmes en ce qui concerne l’équivalence. Étant donné que les deux langues à comparer possèdent chacune deux genres, on aura en principe les quatre correspondances signalées dans le chapitre sur les genres, dont nous reproduisons ici l’exemplification : (1) (2) (3) (4)

en film → un film en sal → une salle et resyme → un résumé et kort → une carte

Les deux langues ont un article indéfini qui se confond pour la forme avec le numéral de l’unicité. Cependant, le norvégien possède pour le numéral une variante qu’il est possible d’employer si l’on veut insister sur le sens numéral. Dans le cas du genre commun, on peut ajouter un accent aigu : én film, alors que dans le cas du genre neutre, on peut redoubler la consonne : ett resyme. On

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aura ainsi des phrases comme Paul har sett én film og Max har sett to (Paul a vu un film, alors que Max en a vu deux) ou Paul har laget ett resyme og Max har laget to (Paul a fait un résumé, alors que Max en a fait deux). 1.3.2. Le partitif C’est le français qui possède le système le plus compliqué pour indiquer le partitif. Les formes de l’article partitif du, de la, de l’ et des, exemplifiées par des syntagmes comme du beurre, de la confiture, de l’huile et des épinards correspondent toutes au déterminant zéro en norvégien. Pour traduire du français vers le norvégien (ou vers une langue comme l’anglais qui n’a pas non plus de marque spécifique pour le partitif), une désambiguï sation est cependant nécessaire, étant donné que les formes de l’article partitif se confondent avec la suite de (préposition) + article défini. Il s’agit d’un problème bien connu de désambiguï sation, signalé par Silberztein (1993: 136). Les syntagmes désambiguï sés reconnus comme des exemples de partitif recevront alors une détermination zéro dans la traduction en norvégien. L’inverse n’est évidemment pas vrai pour la traduction dans l’autre sens. Là, il s’agira de désambiguï ser le partitif norvégien par rapport aux autres cas où le norvégien utilise une détermination zéro. Dans ce domaine, il faut regarder les combinaisons du nom avec les verbes, comme le montrent des exemples comme : (5) a. b.

Paul liker ost = Paul aime le fromage Paul spiser ost = Paul mange du fromage

Dans le cas du verbe like (aimer), le déterminant zéro du norvégien correspond à l’article défini générique en français, alors que dans le cas du verbe spise (manger), le déterminant zéro du norvégien se traduit en français par un partitif. 1.3.3. Les quantifieurs Les quantifieurs représentent une classe assez hétérogène de déterminants. On a d’abord les numéraux cardinaux, à forme invariable pour le genre, sauf pour un/une, qui se confond avec l’article indéfini, problème déjà traité sous 1.3.1. Pour les nombres supérieurs à 1, on aura des correspondances d’items lexicaux biunivoques (sauf pour des cas particuliers, comme par exemple voir trente-six chandelles, auxquels nous reviendrons) : (6) a. b. c.

én / ett → un / une to → deux tre → trois

DÉTERMINATION NOMINALE NORVÉGIEN/FRANÇAIS

d. e. ...

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fire → quatre fem → cinq

Ces correspondances ne sont pas aussi évidentes qu’on pourrait le croire. Rappelons que pour les numéraux ordinaux (qui ne sont pas unanimement considérés comme des déterminants, il est vrai), on est parfois obligé de faire un décalage dans la série en fonction du substantif auquel est associé le numéral, e.g. : (7) a. b. c. d. ...

andre etasje → premier étage tredje etasje → deuxième étage fjerde etasje → troisième étage femte etasje → quatrième étage

Le syntagme nominal første etasje en norvégien, qui veut dire littéralement premier étage, a le sens de rez-de-chaussé. En plus des déterminants numéraux, il existe de nombreux autres quantifieurs, surtout ceux qui indiquent la quantité imprécise, comme quelques, plusieurs, beaucoup de, bien des, de nombreux etc., pour lesquels on trouvera le plus souvent la gamme des équivalents dans les dictionnaires bilingues courants, bien que, pour la traduction automatique, le travail de formalisation reste à faire pour le couple de langues qui nous intéresse dans le présent article. Pour la quantification imprécise, il y a un type de déterminants polylexicaux relativement peu étudiés, surtout dans une optique comparative multilingue. Ces déterminants sont parfois dénommés déterminants nominaux (G. Gross 1996 : 64), parce qu’un substantif entre comme élément constitutif du déterminant : des tas de, une ribambelle de, une armée de, quantité de, etc. Les linguistes sont loin d’être d’accord pour l’interprétation de ces suites comme déterminants, mais on trouve dans la grammaire de Riegel et al. (1994 : 153) la constatation suivante : On se gardera de confondre avec des groupes déterminants les déterminants complexes qui sont constituée [sic] de plus d’un élément. Il s’agit […] des expressions comme un tas de, une foule de, un certain nombre de, qui à côté de leurs emplois ’construits’ (un tas de sable, la foule des manifestants), sont susceptibles d’être utilisés comme de véritables déterminants complexes.

Pour leurs équivalents en norvégien, une grammaire récente de référence (Faarlund et al. 1997) – de taille assez importante : plus de mille pages –, ne les

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compte pas comme des déterminants. Cependant, dans un article sur le suffixe vis du norvégien, Kinn (1998) avance l’hypothèse qu’il faut les considérer comme des déterminants. Le suffixe étudié par Kinn a des fonctions multiples, mais l’attention est surtout attirée sur sa fonction d’élément constitutif dans les quantifieurs polylexicaux. Dans une optique d’étude comparée norvégien français (optique qui n’est pas celle de Kinn, mais la mienne), on peut dire que le suffixe -vis correspond au pluriel du français, selon le modèle suivant (Tableau 7) : Norvégien haug liter bunke masse Tableau 7

Français tas litre pile quantité

Norvégien haugevis av N litervis av N bunkevis av N massevis av N

Français des tas de N des litres de N des piles de N des quantités de N

Comme pour le français, ces expressions ne s’emploient guère avec des indications de petite quantité : (8) a. b.

*millimetervis med N → *des millimètres de N *gramvis av N → *des grammes de N

Avec les indications de grande quantité, elles semblent beaucoup plus naturelles : (9) a. b.

kilometervis med1 N → des kilomètres de N tonnevis av N → des tonnes de N

On pourra se demander si les suffixes -aine et -ier du français ont la même fonction que le -vis du norvégien, puisqu’on a : (10) a. b. c.

dusinvis av N → des douzaines de N hundrevis av N → des centaines de N tusenvis av N → des milliers de N

Cependant, il y a une différence essentielle : le français garde le suffixe au singulier (une douzaine/centaine de N), alors que pour le norvégien, le suffixe -vis reste intimement lié au pluriel, et disparaît si l’on singularise l’expression.

DÉTERMINATION NOMINALE NORVÉGIEN/FRANÇAIS

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1.3.4. L’introduction d’un modifieur dans le syntagme nominal On a vu que le norvégien ne possède pas d’article défini comme celui du français, de l’anglais ou de l’allemand. Le défini s’exprime en norvégien par un suffixe flexionnel. Toutefois, l’absence d’article défini concerne seulement le cas où le SN est sans modifieur. Si l’on introduit un modifieur, l’emploi d’un article antéposé devient obligatoire, mais au lieu de remplacer le suffixe flexionnel du défini, il s’y ajoute, et le modifieur, si c’est un adjectif, reçoit également un suffixe flexionnel du défini. Pour l’indéfini, il n’y a pas de différence entre le français et le norvégien, sauf pour la position d’un modifieur adjectival : (11) a. b.

en film → un film en gresk film → un film grec

Mais pour le défini, on a la situation que nous venons d’esquisser, c’est-àdire : (12) a. b.

filmen → le film den greske filmen → le film grec

avec une triple marque du défini : den -e –en. Quand on va de l’indéfini au défini, dans le cas où le SN contient un modifieur adjectival, ce qui implique un seul changement en français : un → le, déclenche donc trois modifications dans le SN norvégien : en → den ; -Ø → e ; -Ø → -en. Ceci crée également une ambiguï té supplémentaire, parce qu’un SN comme den greske filmen peut aussi avoir une lecture démonstrative : ce film grec-là. À l’oral, les deux interprétations sont distinguées à l’aide de l’accent tonique, mais à l’écrit, l’ambiguï té crée des problèmes pour la traduction automatique du norvégien vers le français.

2. Prédicats et arguments Si l’on peut, dans une certaine mesure, établir des ensembles d’équivalences prototypiques (à l’intérieur desquels il faut rendre compte des variantes de genre, de nombre et parfois de coréférence éventuelle par rapport au sujet) pour les déterminants, on a vu aussi qu’il est pratiquement impossible de donner la traduction des déterminants sans regarder le contenu de la phrase dans laquelle ils s’insèrent. Nous pensons donc qu’il est tout à fait nécessaire de tenir compte des différentes manières d’organiser la phrase. Pour cela, nous suivrons les

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principes établis par Maurice Gross dans son modèle connu sous le nom de lexique-grammaire (M. Gross 1975). Nous nous sommes également inspiré de Blanco & Buvet (1999). Nous donnerons ici, à l’aide de quelques exemples, un aperçu rapide des notions essentielles nécessaires dans notre analyse. Examinons les phrases suivantes : (13) a. b. c.

Paul achète une voiture Paul joue au tennis Paul a vu trente-six chandelles

Dans chaque phrase, on peut établir une relation sémantique, que l’on appelle le prédicat, relation à laquelle participent un ou plusieurs actants, que l’on appelle les arguments. En (13a), la relation sémantique sera un achat, en (13b) une partie de tennis, et en (13c) le fait de “voir trente-six chandelles”. Le prédicat se trouve donc représenté par un verbe en (13a), par un substantif en (13b) et par une combinaison de verbe et substantif en (13c). On peut alors établir la liste des prédicats et des arguments de la manière suivante (Tableau 8) : Exemple (13) a. (13) b. (13) c. Tableau 8

Prédicat acheter tennis voir trente-six chandelles

Arguments Paul, voiture Paul Paul

A partir du schéma de la représentation sémantique, on peut générer les phrases en ajoutant des indications de temps et d’aspect pour les prédicats, et de détermination éventuelle pour les arguments. Dans le cas de (13b), où le prédicat est représenté par un substantif (que l’on nomme ‘substantif prédicatif’), il est nécessaire, pour donner des indications de temps et d’aspect, d’ajouter un verbe (que l’on nomme ‘verbe support’). Le verbe support associé à un substantif prédicatif comme tennis est le verbe jouer. La relation entre substantif prédicatif et verbe support ici implique l’insertion obligatoire de la préposition à ainsi que de l’article défini. Si le temps choisi est le présent, et l’argument sujet est Paul, on obtient la phrase (13b) : Paul joue au tennis. Dans le cas de (13c), c’est l’unité indécomposable (ou expression verbale figée) voir trente-six chandelles qui représente le prédicat. Le déterminant devant chandelles est figé2 par rapport au substantif. La seule variabilité réside dans l’élément verbal, ce qui est nécessaire pour donner des indications aspecto-temporelles. En choisissant le temps du passé (en français courant, non-littéraire), et en insérant Paul comme argument sujet, on obtient la phrase (13c) : Paul a vu trente-six chandelles.

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Passons maintenant à la question essentielle de savoir quel intérêt tout cela a pour la traduction automatique des déterminants. Les phrases données ici comme exemples se traduisent en norvégien de la manière suivante : (14) a. b. c.

Paul kjøper en bil Paul spiller tennis Paul så stjerner

Pour obtenir ces traductions de manière automatique, il ne suffit pas, pour la partie qui concerne les déterminants, d’appliquer les règles d’équivalences prototypiques présentées au point 1. C’est uniquement pour les phrases (a) qu’on pourra le faire. Pour (b), on voit que l’article défini du français devant le nom tennis correspond au déterminant zéro du norvégien devant le même nom. Il n’y a pas de règle d’équivalence qui prévoie une telle correspondance. C’est pourquoi une analyse grammaticale de la phrase de la langue de départ est nécessaire comme première étape pour la traduction automatique. Il faut que l’analyseur reconnaisse le substantif tennis comme un substantif prédicatif avec le verbe support jouer qui lui est associé. Pour cela, il faut que l’analyseur consulte un dictionnaire électronique qui contient l’ensemble des substantifs prédicatifs du français avec leurs verbes supports. Ce dictionnaire doit contenir l’information que la combinaison de jouer et tennis se fait avec la préposition à suivi de l’article défini3 . Un dictionnaire analogue pour la langue d’arrivée, ici le norvégien, doit contenir l’information que tennis se combine avec le verbe support spille, et que cette combinaison se fait directement (sans préposition) et avec déterminant zéro. Pour les phrases (c), il faut la consultation (par un analyseur automatique) d’un dictionnaire qui contient l’ensemble des prédicats constitués par des combinaisons figées de verbe + substantif(s). L’exemple que nous avons donné montre qu’ici le numéral trente-six correspond au déterminant zéro en norvégien. Aucune règle de correspondance prototypique ne pourra le prévoir. En plus, on voit qu’il n’y a pas non plus d’équivalence prototypique entre les substantifs, le nom stjerner correspondant à étoiles en français. Ceci signifie que les équivalences prototypiques ne s’appliquent que pour les phrases du type (a), c’est-à-dire les phrases à prédicat verbal. Pour les phrases du type (b), la consultation d’un dictionnaire des prédicats nominaux avec leurs verbes supports et leur construction en ce qui concerne la préposition et le déterminant est nécessaire. Pour les phrases du type (c), il faut, pour la langue de départ ainsi que pour la langue d’arrivée, un dictionnaire de phrases figées (M. Gross 1993)4 . Pour le français, de tels dictionnaires ont déjà été établis dans le cadre du lexique-grammaire. Pour le norvégien, la construction de dictionnaires analogues, dans le même cadre, sera entamée

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dans un proche avenir. Quant à la reconnaissance automatique des phrases figées, une étude a été faite pour le français (Senellart 1998).

Conclusions La traduction des déterminants ne se fait pas de manière isolée. Par définition, un déterminant fait partie d’un syntagme nominal, et c’est la traduction du syntagme nominal qui donne la traduction du déterminant. Mais on ne peut pas s’arrêter là, parce que, comme nous l’avons démontré, le statut de chaque syntagme nominal par rapport au prédicat de la phrase joue un rôle essentiel quant à sa traduction. Il faut donc faire une distinction entre les substantifs qui font partie du prédicat de la phrase, les substantifs qui constituent le prédicat de la phrase, et les substantifs qui constituent un argument. Pour la traduction automatique des déterminants, au moins trois dictionnaires électroniques bilingues sont donc nécessaires. D’abord un dictionnaire des prédicats verbonominaux, comme accuser le coup, aller son petit bonhomme de chemin, appeler un chat un chat, voir trente-six chandelles etc.; ensuite un dictionnaire des prédicats nominaux avec leurs verbe supports (VS) et leur préposition éventuelle, comme décision (VS : prendre), intérêt (VS : avoir, Prép : pour), piano (VS : jouer, Prép : de), tennis (VS : jouer, Prép : à), etc., et finalement un dictionnaire des substantifs arguments. Certains substantifs entreront dans plus d’un dictionnaire, comme piano, qui peut être prédicat ou argument, comme le montrent les phrases : (15) a. b.

Paul joue du piano → Paul spiller piano Paul achète un piano → Paul kjøper et piano

Pour la traduction de la première phrase, le système de traduction consultera le dictionnaire des substantifs prédicatifs, qui doit indiquer quelque chose comme ceci (Tableau 9) : Langue Français Norvégien Tableau 9

Subst préd piano piano

VS jouer spille

Prép de Ø

Dét le Ø

Pour la traduction de la deuxième phrase, on pourra appliquer les équivalences prototypiques, à partir de l’information sur le genre dans le dictionnaire des substantifs arguments (Tableau 10) :

DÉTERMINATION NOMINALE NORVÉGIEN/FRANÇAIS

Langue Français Norvégien Tableau 10

Subst argument piano piano

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Genre masculin neutre

Il nous paraît essentiel, donc, de faire la distinction entre les trois types de prédicats signalés ci-dessus. Cette distinction doit constituer le point de départ. Pour les substantifs, on aura trois cas à envisager : ceux qui entrent dans une combinaison prédicative verbo-nominale, ceux qui sont prédicatifs et s’appuient sur un verbe support, et ceux qui représentent des arguments.

RÉFÉRENCES Blanco, Xavier & Pierre-André Buvet. 1999. “A propos de la traduction automatique des déterminants de l’espagnol et du français”. Meta 44 : 4. 525-545. Faarlund, Jan Terje ; Svein Lie & Kjell Ivar Vanneboe. 1997. Norsk referansegrammatikk. Oslo : Universitetsforlaget. Gross, Gaston. 1996. Les expressions figées en français. Paris : Ophrys. Gross, Maurice. 1975. Méthodes en syntaxe. Paris : Hermann. Gross, Maurice. 1985. “Sur les déterminants dans les expressions figées”, Langages 79. 89-117. Gross, Maurice. 1993. “Les phrases figées en français”. L’Information grammaticale 59. 36-41. Kinn, Torodd. 1998. “Drøssevis av forsømte avleiingar : ord på –vis”. Nordica Bergensia 19. Université de Bergen. 101-126. Riegel, Martin ; Jean-Christophe PELLAT & René RIOUL. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris : Presses Universitaires de France. Senellart, Jean. 1998. “Reconnaissance automatique des entrées du lexiquegrammaire des phrases figées”. Travaux de linguistique 37. 109-121. Silberztein, Max. 1993. Dictionnaires électroniques et analyse automatique de textes. Paris : Masson.

SUMMARY In this paper, we examine the translation of determiners between Norwegian and French. As a starting point, some important groups of prototypical equivalents are established. The next step is a distinction between cases where these groups of equivalents apply and cases where other factors have to be taken into account. Finally, we propose a subdivision of nouns and their

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determiners into three types, depending on their status as an argument, a predicate, or part of a complex verbo-nominal predicate. It is shown that this subdivision, along with electronic dictionaries for each type, constitutes an essential basis for the automatic translation of determiners between two languages. NOTES 1

Dans cette position, on trouve parfois med (anglais with), parfois av (anglais of). Pour la notion de déterminant figé, cf. M. Gross (1985). 3 Si le substantif prédicatif en question était par exemp le guitare, on aurait de comme préposition. 4 Il y a des variations terminologiques chez les linguistes en ce qui concerne les combinaisons figées d’un verbe avec un ou plusieurs substantifs ou syntagmes nominaux. G. Gross (1996) propose ‘locutions verbales’. 2

INDEX DE NOTIONS

A accent emphatique, 170 accident phonétique, 11 accusatif neutre, 121-122 acte de parole, 236 action distributive, 256, 258-259 adjectif, adjectif attribut, 215, cf. attribut adjectif démonstratif, 237-239, 241, 246, 248-251 adjectif épithète, 105, 178-179, 212 adjectif indéfini, 121, 135-136 adjectif numéral, 115, 136 adjectif possessif, 2-5, 133-134, 139, 144, Cf. déterminant possessif adjectif qualificatif, 116, 165-166 adjectif quantitatif, 177, 180 adjectif composé, 303 adjectif de quantité, 180 adjectif substantivé, 134 alternance, 132-133, 140, 150, 152, 267, 316, 321, 323 analyse sémantique, 13, 16, 18, 269 analyse structurale, 221 analyseur automatique, 337 anaphore, anaphore associative, 201, 214, 236, 238, 241, 252 anaphore discursive, 47 anaphore fidèle, 235-236, 238, 241-245, 249-251 anaphore infidèle, 235, 238, 241-243, 245246, 248-250 antécédent, 243-245, 249-251 antéposable, 248-249 article, article défini, 2-3, 6, 9-11, 31, 53, 72, 85, 87-93, 133-138, 141-142, 144-146, 148149, 152, 219, 222, 240, 242, 244-245, 249251, 332, 335-337, Cf. déterminant défini article indéfini, 2, 5-6, 11, 48, 52, 54-56, 86, 88, 90, 136-137, 139, 145-146, 195, 255, 269, 331-332, Cf. déterminant indéfini article partitif, 6, 48, 147-148, 209, 219222, 232-233, 332 article contracté, 135 aspect du verbe, 32 atténuatif, 170

attribut, 19-20, 23-25, 150, 215, 287, Cf. adjectif attributif

automate fini, 76, 110, 177, 187 auxiliaire modal, 274, 278

B base de données, 26, 126 biactantiel, 61

C cardinal, 71, 76, 132, 134, 138, 146, 152, 156, 230, 261, 269, 292, 332 catégorie sémantique, 107 catégorisateur, 281 complément de mesure, 157 complément prépositionnel, 319 composante sémantique, 170 comptable, 103, 219-220, 229-231, 291 construction converse, 64, 112, 294 construction passive, 55 construction transitive, 55 contenu sémantique, 235, 281 contexte discursif, 130, 237, 242-243, 250 contexte gauche, 286

D datif possessif, 3-4 décatégorisation, 167, 172 déclencheur, 256-257, 260-263, 269 défectivité, 52 deïxis, 235-237, 240 déroutinisation, 167-168, 173 description définie, 87, 112, 213, 241-243 désignateur, 238 déterminant, déterminant adverbial, 102 déterminant cardinal, Cf. cardinal déterminant défini, 2, 78, 181, 267-268, 294, 307, 328, Cf. article défini déterminant indéfini, 2, 5, 78, 181, 195, 204, 210, 267, 255, 294, 307, Cf. article indéfini

342

INDEX DE NOTIONS

déterminant possessif, 266, 330, Cf. adjectif possessif déterminant adjectival, 82 déterminants cardinaux, Cf. cardinal déterminant composé, 104-105 déterminant nominal, 73-74, 76-79, 111, 149, 159, 164, 170, 173-174, 177, 179, 186, 321, 333 déterminant numéral, 2, 7, 333 déterminant relatif, 325 déterminant spécifique, 77 dictionnaire, dictionnaire électronique, 67-70, 79-80, 111, 173, 312-313, 337 dictionnaire multilingue, 69 dictionnaire bilingue, 333 dictionnaire de synonymes, 178 dictionnaire monolingue, 68-69, 109 différence spécifique, 243 dimorphémique, 219 discours, 2, 64, 70, 111, 169, 197, 213, 215, 236-243, 251, 255-256 discrétisant, 227 distributif, 255-269, 273, 286 distribution, 38, 86, 144, 158, 163, 196, 213, 305, 307, 322 distribution complémentaire, 221 distributivité, 256-270, 274

E effet de contraste, 330 effet de sens, 285 emploi existentiel, 195-196, 200, 203-205, 208, 210-211, emploi partitif, 195, 203-204, 207-208, 210, 217 énonciation, 86-88, 183, 228, 237-239, 241242, 251 énoncif, 315, 324 état, 18, 78, 93, 96, 106-107 événement, 45, 47, 63, 103, 199, 201-202, 213, 244, 261-262, 265, 277-278, 280, 284, 286 expression figée, 12, 26, 70, 79, 129-133, 148150, 178 expression nominale, 225-226, 230-231, 267 expression verbale, 336 expression libre, 70, 130 extraphrastique, 76

F figement, 70, 72, 98, 129-130, 149-150, 169, 173-174, 248

fonction syntaxique, 4 fonction grammaticale, 166 forme atone, 3 forme nominale, 181-182 forme simple, 68-69, 106, 329 forme figée, 133 forme fléchie, 134 français courant, 336 français moderne, 63, 305-306 français standard, 271

G génération automatique, 111, 115-116, 122 généricité, 29-33, 35, 38, 40-41, 43-44, 45, 48, 98, 112, 196, 208-210, 212-214, 223-226 génitif, 11, 115, 121, 124, 221 grammaire générative, 58 grammaire locale, 74, 79, 110, 177, 292, 112 grammaire traditionnelle, 133, 292, 306 grammaticalisation, 164, 166-169, 172 groupe nominal, 2, 9, 47, 111, 116, 152, 158, 160, 164-165, 173, 219, 229, 232, 292, 330

I identification, 17, 20, 23-26, 57, 85, 87, 91, 201, 316, 322 incorporation, 51-52, 56-61, 63-65 ingrédience, 18, 20-22 intensifieur, 168 intensifs, 74, 76, 79, 101-106, 109-111, 170, 173-174 intensité, 102-104, 106-108, 168-173 interprétation sémantique, 58, 62, 255, 266 item lexical, 332

J jugement thétique, 197, 214

L langage naturel, 26, 174 langue cible, 79, 109, 297, 299, 301 langue classique, 329 langue de spécialité, 69 langue générale, 69, 73 langue source, 79, 109, 295-99, 301 langue amérindienne, 65 langue étrangère, 292 langue germanique, 31 langue naturelle, 13, 27, 317 langue romane, 32, 48, 67, 70, 174

343

INDEX DE NOTIONS

lecture existentielle, 37, 48, 195, 197-198, 205, 207-208, 211-212, 214 lecture partitive, 36, 48, 198, 203-204, 207-209, 214 lexique bilingue, 174 linguistique générale, 26, 63, 251 linguistique romane, 160 linguistique théorique, 232 localisation, 47, 84, 86, 89-92, 98, 159, 199, 202-204, 212, 322 locution prépositionnelle, 133 locution conjonctive, 306 locution verbale, 51, 63, 140, 149 logique aristotélicienne, 102 logique combinatoire, 26

M méréologique, 19-20 méronymie, 160 Modif, 9-10, 73-74, 79, 133, 163-165, 170-171, 238, 298, 304, 307, 312-313, Cf. modifieur modifieur, 9-10, 80, 90, 104-106, 111, 150, 163-166, 169-170, 172-173, 177, 181, 223, 238-239, 242-245, 248-249, 251, 335, Cf. Modif modifieur adjectival, 163, 165-166, 335 modifieur restrictif, 248-249, 251 morphème grammatical, 14 morphologie dérivationnelle, 187 mot simple, 299 mot composé, 291, 299-301

N négation, 36-37, 180-181, 185, 198-200, 204, 282-283 nom abstrait, 97-98, 154, 157, 159 nom c ommun, 330 nom composé, 69-73, 81, 246-247, 304, 311312 nom comptable, cf. comptable nom concret, 93, 97-98, 154 nom de lieu, 88, 91-92, 96, 98 nom humain, 150, 246-247 nom massif, 219-220, 224-228 nom non comptable, 76, 154-158, 229, 291, 294, cf. aussi noms massifs nom prédicatif, 63, 70, 77, 79, 102-103, 106, 110, 132-133, 167, 169-171, 293-294, 297298, 306-307, 312 nom propre, 14, 87, 90, 112, 138, 213, 243 nom tête, 154, 157-158, 163 nom de localisation, 90, 98, 159

nom de mesure, 155-158, 171, 220 non-existence, 288

O objet direct, 3, 53, 140-141, 293 objet indirect, 4, 141 ordinal, 292, 333 opérateur, 15, 17, 64, 74-76, 117-119, 126, 261, 265, 299, 301-303, 316

P participe passé, 180, 186 partie du corps, 4-5, 72-73, 89, 310 partie du discours, 70 phrase simple, 63, 74, 102, 111 phrase verbale, 261 phraséologisation, 59 phraséologisme, 1-9 phrase figée, 130, 164, 337-339 polarité, 275, 279-284 portée, 41-48, 179, 199, 210, 222, 229, 244, 261, 263-264, 269-270, 280, 286, 321-322 possession, 3, 14, 16, 18-19, 21, 23, 89 postposé, 177, 179, 248-249, 251, 286-287, 321, 327-328, 330-331 préposition, 9-11, 13, 17-18, 85-86, 88, 90-92, 98-99, 134, 141-142, 155, 249, 275, 279, 280-281, 288, 299, 303, 305-308, 318-319, 332, 336-338 pronom, pronom personnel, 3-4, 39, 42-43, 117, 266 pronom démonstratif, 238 proposition relative, 164, 178, 249 proposition universelle, 209 propriété formelle, 152, 158 propriété syntaxique, 53, 62, 158, 163

Q quantifiant, 219-222, 228-229, 317, 324 quantificateur, 47, 153-155, 159, 211-212, 215, 264, 287 quantificateur universel, 34, 40, 260, 264 quantification, quantification du sujet, 257 quantification du verbe, 258 quantification libre, 256 quantification nominale, 159, 267 quantification universelle, 213, 267, 290 quantifieur, 74, 76, 103, 107, 111, 135, 159, 173, 186, 219, 221-224, 227-231, 256-259, 261, 263-266, 269-270, 292, 331-334

344

INDEX DE NOTIONS

quantité, 111, 151-155, 159, 177-179, 182-186, 198, 207, 214, 223, 226-227, 230, 256, 259, 261, 263, 268-269, 285, 325, 333-334

R recherc he documentaire, 68 reclassification, 250 référentialité, 48 référentiel, 17-18, 21, 58-59, 93-96, 152, 166, 169, 207, 211, 220-221, 223, 229-232, 237, 240, 263, 288, 317, 323-324 référent, 45-46, 87, 152-154, 156, 196-197, 200, 202-205, 207, 210, 215, 222, 319-321 règle syntaxique, 58 relateur, 13, 15-20, 26 relative descriptive, 267 relative déterminative, 243, 267 relative restrictive, 269 repérage, 16-19, 21, 23-25, 230 repère spatial, 19, 85, 90 représentation sémantique, 47, 60, 167, 212, 336 représentation logique, 263 rôle sémantique, 60

syntagme nominal, 18, 33, 38, 41-42, 44, 48, 52, 54, 56, 59, 74, 159, 171, 212, 327, 330, 333, 335, 338 syntagme verbal, 252, 265

T télique, 93-97 tournure impersonnelle, 210 traduction, 1-2, 8, 12, 40, 67-70, 72-73, 79-80, 101, 108-112, 127, 129, 139-140, 147-149, 173-174, 308, 313, 316-319, 321-325, 327, 331-333, 335-339 traduction automatique, 67-68, 70, 79-80, 108, 111-112, 127, 129, 149, 173-174, 313, 315, 327, 331, 333, 335, 337-339 traduction littérale, 4, 147 trait sémantique, 170 traitement informatique, 126 typicalité, 213

U unité lexicale, 71, 73, 109 unité sémantique, 60-61, 71, 73, 109 unité syntaxique, 60-61

S sémantique lexicale, 269 sens figuré, 156, 183 sens propre, 156, 182 signe diacritique, 126 spécifiant, 19, 197-200, 202-205, 213, 222, 230 spécificité, 98, 108, 196-199, 203, 225, 241 spécifieur, 220-221, 223-224, 229-230 structure argumentale, 58 structure de surface, 31 structure syntaxique, 60-61 substantif prédicatif, 102-103, 107, 336-338 suffixe, 51, 170, 327-331, 334-335 sujet grammatical, 2 syntagme,

V valeur aspectuelle, 107 variante orthographique, 68 verbe de déplacement, 88, 92 verbe passif, 61 verbe support, 8, 51, 56, 58, 60-63, 77-78, 107109, 182, 294, 296-297, 307, 312, 314, 336339 verbe transitif, 53 verbe causatif, 92 verbe psychologique, 183 vérité générale, 274, 283

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