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§2. La garantie à première demande (ou la garantie autonome) et la lettre d’intention Les garanties personnelles ont, par rapport au cautionnement, une double spécificité. D'abord, elles cherchent à s'affranchir du principe de l'accessoire, considéré comme gênant. Le créancier veut éviter les arguments opposés par la caution (tenant soit à la dette principale, soit aux relations entre la caution et le créancier) conduisant à retarder le paiement. Ensuite, au nom du principe de la liberté contractuelle, le créancier cherche à aménager ses droits et ses obligations. Section 1 : La garantie autonome
I.
Prolégomènes
A - Définition La garantie autonome peut être définie comme l'engagement de payer une certaine somme d’argent pris en considération d'une obligation souscrite pas un tiers. Il s'agit d'un mécanisme par lequel un tiers doit payer le créancier, sur simple demande. Il suffit que le créancier considère que le débiteur est tenu pour que le tiers s'engage à verser l'argent sans demander une quelconque explication, sans invoquer une quelconque exception. Les conséquences du caractère autonome de la garantie sont alors très importantes :
la garantie autonome est une garantie automatique qui a pour objet de priver le garant de tout moyen de défense face à la demande du créancier. Il ne peut donc pas, à la différence de la caution, se prévaloir des exceptions qui appartiendraient au débiteur principal ; en payant le créancier, le garant paye sa propre dette. En conséquence, le garant peut a priori payer une somme plus forte que celle que doit le débiteur au créancier.
B - Origine de la garantie A l'origine, afin de se prémunir contre les risques politiques, l'éloignement géographique qui ne permet pas de réellement connaître son cocontractant, la durée souvent longue des contrats internationaux ou encore le doute quant à l'issue d'un éventuel procès, la pratique internationale a eu recours à la technique du dépôt de garantie. Celle-ci consistait en la remise d'espèces ou de valeurs entre les mains du créancier ou de sa banque. Cette forme de garantie, si elle s'avérait satisfaisante pour le créancier en raison de la très grande facilité de réalisation d'un tel gage, était au contraire particulièrement risquée pour le débiteur. Celui-ci, contraint d'obérer une partie de sa trésorerie ou de faire appel à un crédit, y voyait un mécanisme de sûreté trop onéreux. Aussi a-t-on rapidement compris qu'il fallait lui substituer un mécanisme où l'immobilisation n'était pas de mise, autrement dit un engagement bancaire donné par le Page 1 sur 11
débiteur de payer au créancier la même somme. Un tel engament est favorable à la fois au débiteur, puisque moins coûteux, et au créancier, à la condition évidemment qu'aucune exception tirée du contrat de base ne puisse lui être opposé au moment de réclamer le paiement à l'établissement bancaire. L'idée de mettre en place la garantie autonome était née. Parallèlement, un autre phénomène a conduit à la transposition de la pratique internationale en droit interne. Il se trouve qu'en raison de la protection croissante accordée aux cautions (augmentation du formalisme, sévérité des juridictions quant aux sanctions...), la question s'est rapidement posée de savoir s'il était possible d'exploiter le mécanisme des garanties autonomes dans les relations internes. Certes, les motifs de réticence n'ont pas manqué : inadaptation d'un modèle de droit international à la configuration des relations commerciales ou extra commerciales en droit interne, risque de délaissement du cautionnement et donc de dévoiement de la protection qui l'entoure, etc. Mais aucun d'eux n'est finalement apparu comme décisif, de sorte que la garantie autonome a pu prospérer.
C - La validité des garanties autonomes
La chambre commerciale de la Cour de cassation valide pour la première fois la garantie autonome dans deux arrêts du 20 décembre 1982 (Cass. com., 20 décembre 1982, Bull. IV, n° 417) Dans la première espèce soumise à la Cour, la société Creusot-Loire, chargée de la construction d'une aciérie en Irak, sous-traite certains travaux à la société Siegfried. Une banque française se porte alors garante auprès de la société Creusot-Loire en s'engageant à payer à première demande toute somme que pourrait lui réclamer le créancier en vertu du contrat de base, dans la limite d'un montant de 11 750 000 francs. Le créancier bénéficiaire, invoquant la défaillance de la société Siegfried, réclame la somme de 11 750 000 francs au banquier garant. La Cour d'appel fait droit à cette demande. La banque garante forme un pourvoi en cassation au motif que l'engagement qu'elle a pris envers le créancier était un cautionnement et non une garantie autonome dans la mesure où il se trouve lié au contrat de base, et où la banque se réserve un recours contre le débiteur. La Cour de cassation ne suit pas cet argument, estimant que la Cour d'appel a décidé, à bon droit, que cet engagement ne constitue pas un cautionnement, mais une garantie autonome, ce qui interdit à la banque de se prévaloir, en l'état, des exceptions que la société Siegfried peut opposer à la société Creusot Loire, tenant à l'inexécution du contrat les unissant. Par cet arrêt, la Cour de cassation refuse donc la qualification de cautionnement en se fondant sur le principe de la liberté contractuelle. Ainsi, elle admet le recours à la garantie à première demande selon laquelle aucune clause ou exception issue du contrat de base ne peut être opposée par le garant au créancier. Une fois la pratique consacrée se posa la question de son champ d'application en droit interne. À première vue limitée aux relations d'affaires, on ne voyait pas bien ce qui pouvait empêcher de l'étendre aux relations impliquant des particuliers. Les créanciers franchirent alors ce pas avec l'aval de la jurisprudence. Dans une espèce soumise à la première chambre civile de la Cour de cassation le 12 décembre 2000, une société consent à une autre société un contrat de location de véhicule. Le gérant de Page 2 sur 11
la seconde société signe alors un contrat intitulé « garantie autonome », en faisant précéder sa signature de la mention manuscrite suivante ... « je me porte garant des sommes dues aux termes de la présente à la première demande du bailleur... ». La société bailleresse ne recevant pas paiement fait appel au garant. Ce dernier refuse le paiement, notamment en raison de l'absence de défaillance de la société débitrice. La Cour de cassation constate, à la suite de la cour d'appel, que le garant avait parfaitement connaissance de la portée et de la nature de son engagement et que la mise en jeu de la garantie n'était pas subordonnée à la défaillance de la société débitrice. Finalement, par cette solution, la Cour de cassation accepte qu'une garantie autonome soit accordée par une personne physique (Cass. civ. 1ère, 12 décembre 2000, Cont. conc. cons. avril 2001, n° 54, obs. L. LEVENEUR ; JCP G 2001, I 315, n° 8, obs. Ph. SIMLER). L'entrée de ce mécanisme international en droit interne a été justifiée par le principe de liberté contractuelle découlant de l'article 1134 du Code civil (article 1103 à partir du 1er octobre 2016). L'ordonnance du 23 mars 2006 a confirmé la validité de principe de la garantie autonome. C'est ainsi que l'article 2321 du Code civil définit désormais la garantie autonome comme « l'engagement par lequel le garant s'oblige en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme, soit à première demande, soit suivant les modalités convenues ». Par cette ordonnance le législateur est alors venu restreindre le champ d'application des garanties autonomes. Ainsi, le législateur, via les articles 39 et 59 de l'ordonnance du 23 mars 2006, a exclu la possibilité de souscrire une garantie autonome en matière de crédit à la consommation ou immobilier, comme en matière d'obligations résultant du bail d'habitation.
II.
La qualification des garanties autonomes
Avant l'ordonnance de 2006, en l'absence de définition légale, les juges du fond sous le contrôle de la Cour de cassation ont mis à jour les critères de qualification de cette garantie. Critères qui restent pour beaucoup d'actualité, le texte consacrant la garantie autonome étant peu explicite sur la question. A - Les critères de distinction entre garantie autonome et cautionnement Pour distinguer la garantie autonome du cautionnement, on s'intéresse au caractère propre de l'objet de l'obligation du garant. En effet, l'obligation du garant autonome n'est pas la dette même du débiteur principal, mais une dette de somme d'argent d'un montant nécessairement déterminé et définitif, presque toujours distinct du montant de la dette garantie. En conséquence, la Cour de cassation disqualifie systématiquement l'acte de cautionnement dès l'instant où, en dépit de l'utilisation des formules "garantie autonome" ou "paiement à première demande", il apparaît que le garant assume, en réalité, la dette même du débiteur principal. Pour autant, il est possible de faire référence au contrat principal dans l'acte de garantie autonome. Ex.La Chambre commerciale de la Cour de cassation a ainsi précisé dans un arrêt du 18 mai 1999 (Cass. com., 18 mai 1999, Bull. IV n° 102) les conditions et les limites dans lesquelles il Page 3 sur 11
est possible sans s'exposer au risque de requalification en cautionnement de faire référence dans un acte de garantie autonome au contrat de base. Ces références sont admises pour autant qu'elles « n'impliquent pas une appréciation des modalités d'exécution du contrat de base pour l'évaluation des montants garantis ou pour la détermination des durées de validité de la garantie ». Autrement dit, le montant de la garantie doit être déterminé précisément sans qu'il soit besoin de consulter le contrat principal, de même que l'exécution de la garantie ne doit pas être subordonnée à la défaillance du débiteur de l'obligation principale.
B - La qualification des garanties financières professionnelles La loi a imposé à la charge de professionnels qui détiennent des fonds pour le compte de leurs clients (notaires, agents immobiliers...) de fournir une garantie financière couvrant la restitution à ces derniers des sommes détenues. Le garant doit être un professionnel. Plus précisément, il peut s'agir, selon les autorisations légales d'une compagnie d'assurance, d'une société de caution mutuelle ou encore d'une caisse alimentée par les membres de la profession. Dans la plupart des dispositions ayant institué ces garanties, il est prévu que le garant s'engage à payer la dette même du professionnel, dès lors, on aurait pu penser qu'il s'agissait là d'un cautionnement. Ex.Pourtant, après une divergence entre la première chambre civile et la chambre commerciale, l'assemblée plénière a pris une tout autre position dans un arrêt du 4 juin 1999. En l'espèce, un agent immobilier avait séquestré le prix de vente d'un fonds de commerce ; l'agent immobilier est mis en faillite. Le vendeur de fonds de commerce, créancier de la somme séquestré, omet de déclarer sa créance au passif : il agit contre le garant de l'agent immobilier (Cass. AP, 4 juin 1999, Bull. AP n°4). Le créancier doit-il déclarer au passif sa créance résultant d'une garantie financière prise sur un agent immobilier ? La Cour de cassation retient qu'en raison de son autonomie, la garantie financière n'est pas éteinte lorsqu'en cas de redressement judiciaire de l'agent immobilier, le client ne déclare pas au passif sa créance de restitution de la somme versée. Elle reconnaît ici que la garantie financière n'a pas exactement le même régime que le cautionnement.
III.
Le régime des garanties autonomes
A - La formation de la garantie autonome La formation de la garantie autonome est soumise au principe du consensualisme, aucune forme particulière n'est requise ad validatem, y compris lorsqu'elle est souscrite par un profane.
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En matière de preuve, en revanche, lorsque le garant n'est pas un commerçant ou que la garantie ne constitue pas un engagement commercial, l'article 1326 trouve à s'appliquer (article 1376 au 1er octobre 2016). La Chambre commerciale de la Cour de cassation a ainsi décidé, par un arrêt du 10 janvier 1995, de soumettre la garantie autonome au formalisme de l'article 1376 du Code civil. La Cour retient que « la preuve d'un engagement, serait-il autonome (...) peut résulter de la souscription d'un acte écrit, même imparfait au regard des exigences de l'article 1376 du Code civil, dès lors qu'en tant que commencement de preuve par écrit il est complété par un élément extrinsèque établissant que la personne engagée avait une exacte conscience de la nature et de la portée de l'obligation » (Cass. com., 10 janvier 1995, Bull. IV, n° 13). Ce faisant, les magistrats peuvent vérifier la qualité du consentement du garant. L'acte irrégulier au regard de l'article 1376 ne constituerait dès lors qu'un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par des éléments extrinsèques établissant que la personne engagée avait une exacte connaissance de la nature et de la portée de son engagement. La Cour de cassation considère notamment que la qualité de gérant du garant constitue un élément extrinsèque ( Cass. com., 10 décembre 2002, n° 97-13330 ).
B - Les effets de la garantie autonome
1. Le principe d'autonomie et ses effets La mise en œuvre de la garantie est simple, son bénéficiaire pouvant appeler le garant en paiement à première demande c'est-à-dire à n'importe quel moment de la durée de vie de la garantie et sans qu'une quelconque justification n'ait besoin d'être fournie. En outre, le garant ne peut s'opposer au paiement en soulevant des moyens de défense relatifs à la validité ou à l'exécution du contrat principal : c'est le principe de l'inopposabilité des exceptions. C'est pour ces raisons que l'on parle de garantie autonome. Cette autonomie a alors trois effets principaux : l'inopposabilité des exceptions, l'insaisissabilité et l'intransmissibilité. Concernant l'inopposabilité des exceptions, il s'agit par cette expression de désigner le fait que le garant ne peut soulever les exceptions relatives à l'existence, à l'exécution ou à l'extinction du contrat de base. Ainsi, la jurisprudence a-t-elle considéré qu'il ne pouvait opposer la nullité du contrat principal (Cass. com., 20 décembre 1982, Bull. IV., n° 417 ), sa résolution ou sa résiliation, sa modification ou encore son extinction par compensation. Concernant l'insaisissabilité, il s'agit là de viser l'inefficacité des moyens procéduraux mis en œuvre par le débiteur principal ou le garant lui-même en vue de s'oppose à l'exécution de la garantie et ce, en raison de l'incompatibilité de ces techniques avec l'autonomie de la garantie. C'est le cas par exemple d'une défense de payer adressée au garant par le débiteur principal, de la mise sous séquestre de la somme devant être versées par le garant, de la saisie Page 5 sur 11
conservatoire ou de la saisie attribution de la créance issue de la garantie exercée par le débiteur invoquant une créance qu'il détiendrait contre le bénéficiaire de la garantie. Concernant l'intransmissibilité, l'ordonnance de 2006 a posé dans l'article 2321 alinéa 4 du Code civil le principe selon lequel « sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie ».
2. Les dérogations au principe L'autonomie de l'acte trouve ses limites dans l'illicéité ou l'immoralité du contrat principal. En application de l'adage fraus omnia corrumpit, la jurisprudence décide que, lorsque le créancier demande, de manière abusive ou frauduleuse, l'exécution d'une garantie autonome, le garant peut alors lui opposer les exceptions inhérentes au contrat principal afin de refuser le paiement. Cette sanction est prévue par l'article 2321 alinéa 2 du Code civil qui dispose que le garant n'est pas tenu de répondre à l'appel de la garantie en cas d'abus ou de fraude manifeste du bénéficiaire de la garantie ou de collusion frauduleuse avec le donneur d'ordre. Pour que la fraude soit reconnue, il faut démontrer la mauvaise foi du bénéficiaire de la garantie. Autrement dit, il doit être établi que le bénéficiaire agit en toute connaissance de son absence de droit, et ce, de manière évidente. La notion d'appel manifestement abusif ou frauduleux en garantie est restrictive. Une fraude quelconque ne suffit pas la fraude, l'abus doit être manifeste et non pas seulement apparent. Ainsi, le fait même apparemment établi que le débiteur ait rempli ses obligations ne dispense pas la banque garante de payer. Il faut une certitude que le débiteur a rempli ses obligations.
3. L'extension à la garantie de certaines mesures protégeant les cautions On constate que la Cour de cassation a tendance à reporter l'élan protectionniste qu'elle avait à l'égard de la caution sur le garant. Ainsi, un texte du Code civil appliqué en matière de cautionnement a été entièrement transposé à la garantie autonome. Il s'agit de l'article 1415 du Code civil aux termes duquel : « Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres. » Dans un arrêt du 20 juin 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation a ainsi décidé d'appliquer cet article à la garantie. En l'espèce, le gérant d'une société, époux commun en biens, avait consenti une garantie à première demande à une société. Après une procédure en référé, cette dernière avait fait saisir les meubles se trouvant dans l'appartement du gérant et de son épouse. La cour d'appel, faisant application de l'article 1415 du Code civil, déclara les biens meubles insaisissables. Or, selon le moyen du pourvoi, l'article 1415 ne pouvait s'appliquer qu'au cautionnement et non à la garantie autonome. Interprétant largement le texte, la Cour de cassation retient une tout autre approche. Pour celle-ci, la garantie à première demande est une sûreté personnelle au même titre que le cautionnement. L'article 1415 doit Page 6 sur 11
donc s'appliquer (Cass. 1ère civ., 20 juin 2006, Bull. I, n° 313 ; C. GRADIER-DIDIER, "Retour sur l'article 1415 du Code civil : cautionnement et notions voisines", RDC, 2008, p. 445 ). Cette transposition ne peut qu'être approuvée. En effet, comme le cautionnement, la garantie autonome est susceptible d'engager le patrimoine des époux. De plus, si l'article 1415 vient protéger les époux contre les risques du cautionnement, il n'y a aucune raison qu'il n'en soit pas de même pour la garantie, autrement plus dangereuse.
C - L'extinction de la garantie autonome À la différence du cautionnement, la garantie autonome ne connaît que des causes d'extinction par voie principale, c'est-à-dire tirée du seul rapport contractuel liant le garant au créancier bénéficiaire. La garantie autonome s'éteint alors par les causes prévues dans le droit commun des obligations à l'article 1234 du Code civil : paiement, compensation, remise de dette... En outre, la garantie autonome étant le plus souvent conclue à durée déterminée, elle s'éteint naturellement à l'arrivée de son terme.
Section 2 : La lettre d'intention Généralement, la lettre d'intention est un engagement pris par une société mère au bénéfice d'un établissement bancaire par lequel elle promet de faire tout son possible, de tout mettre en œuvre ou de faire tout le nécessaire pour que sa filiale puisse honorer ses obligations envers la banque. À l'origine la lettre d'intention était plus un simple engagement moral qu'une véritable garantie. Peu à peu elle est venue, dans certains rapports, remplacer le cautionnement du fait de son formalisme bien moins contraignant. Les rédacteurs de l'ordonnance du 23 mars 2006 ont choisi de la codifier et d'en donner une définition. L'article 2322 du Code civil énonce ainsi que « la lettre d'intention est l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier ».
I.
La qualification de l'engagement
A - La nature des obligations de l'émetteur de l'engagement Celui qui s'engage par une lettre d'intention peut le faire avec plus ou moins d'intensité. Page 7 sur 11
À partir d'un arrêt du 21 décembre 1987 rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation, il est possible de dresser une liste des obligations pouvant être souscrites par l'émetteur d'une lettre d'intention. La Cour de cassation affirme dans cet arrêt qu' « une lettre d'intention peut, selon ses termes, lorsqu'elle a été acceptée par son destinataire et eu égard à la commune intention des parties, constituer à la charge de celui qui l'a souscrite un engagement contractuel de faire ou de ne pas faire pouvant aller jusqu'à l'obligation d'assurer un résultat si même elle ne constitue pas un cautionnement ». L'engagement ainsi souscrit par les parties peut alors relever du simple engagement moral, jusqu'à l'engagement juridique de se substituer au débiteur principal.
1. Un simple engagement moral Certaines lettres d'intention ne contiennent qu'un engagement moral de la part de l'émetteur. Ainsi en est-il, par exemple, de la lettre par laquelle la société mère affirme qu'elle ne se désintéresse pas de la bonne fin de l'opération, ou encore approuve le crédit accordé à sa filiale. Il ne s'agit là que d'engagements d'honneur qui ne permettent pas de retenir la responsabilité contractuelle de l'émetteur. En pratique, ces engagements ne sont pas dénués de toute utilité dans la mesure où la sauvegarde du renom, le respect de la parole donnée, ont encore, dans les relations d'affaire, une certaine force, qui poussera les sociétés émettrices à les respecter.
2. Un engagement de faire ou de ne pas faire L'émetteur d'une lettre d'intention peut s'engager à faire ou à ne pas faire tel ou tel acte en vue de soutenir, faciliter, conforter l'exécution par le débiteur principal de son obligation envers le créancier. Cet engagement est d'intensité variable selon que la promesse prend la forme d'une obligation de moyen ou de résultat.
2.1. L'obligation de moyen Par ces obligations, l'émetteur de la lettre d'intention s'engage à faire des efforts dont la nature ou l'ampleur sont indéterminées dans le but de parvenir au résultat escompté, mais sans garantir ledit résultat. En pratique l'émetteur va s'engager à faire tout son possible, à apporter son appui financier dans les engagements de sa filiale. La société mère peut affirmer qu'elle procédera à une augmentation de capital, le créancier en déduit que la filiale renflouée sera à même de faire face à ses engagements. Dès lors que l'augmentation est effectuée, le promettant a rempli son obligation sans pour autant qu'il garantisse que cette augmentation de capital sera suffisante pour le payer.
2.2. L'obligation de résultat Page 8 sur 11
Dans ce cas, l'émetteur s'engage à atteindre un résultat, selon les cas par des moyens déterminés ou indéterminés. L'émetteur peut ainsi s'engager à ne pas céder ou réduire sa participation dans la filiale (obligation de ne pas faire, à procéder à une augmentation de capital dans la filiale (obligation de faire déterminée), à faire tout le nécessaire pour que la filiale exécute son engagement (obligation de faire indéterminée ou encore à accorder un prêt à sa filiale (obligation de faire déterminée). En pratique, il sera parfois difficile de faire la distinction entre obligation de moyens et obligation de résultat. La jurisprudence n'étant pas toujours très claire en la matière, elle qualifie par exemple parfois l'obligation de faire tout le nécessaire en obligation de moyens...
3. La requalification par le juge Le critère de qualification des obligations souscrites par l'émetteur de la lettre d'intention réside avant tout dans la commune intention des parties telle qu'elle ressort des termes de l'acte. C'est au juge qu'il appartient alors de donner ou de restituer à l'acte son exacte qualification à l'engagement qu'auraient pris les parties sans s'arrêter à la dénomination qu'elles auraient proposée. C'est pourquoi, lorsqu'une lettre de confort contient l'engagement exprès du signataire de se substituer au débiteur afin de faire face à tous les engagements que ce dernier pourrait prendre à l'égard du créancier, le juge se doit de requalifier l'engagement en cautionnement. En effet, s'obliger à la dette même du débiteur principal est la caractéristique essentielle du cautionnement, alors que la lettre d'intention est un engagement par lequel l'émetteur s'engage à autre chose que le débiteur.
B - La nature de l'engagement souscrit La question qui se pose ici est de savoir si la lettre d'intention peut ou non être qualifiée de garantie. Si la réponse à cette question est importante, c'est notamment en raison des règles particulières qui gouvernent les cautionnements avals et garanties en droit des sociétés. En effet, les articles L. 225-35 et L. 225-68 du Code de commerce exigent l'autorisation par le conseil d'administration ou de surveillance des cautionnements avals et garanties souscrits par une société anonyme. C'est à la jurisprudence qu'il est revenu de donner une réponse à cette question. Ce qu'elle fit, non sans difficulté, en suivant plusieurs étapes. Dans un premier temps, au début des années 1990, la Cour de cassation a établi une distinction selon que l'on avait à faire à des lettres d'intention comportant une obligation de moyen ou de résultat. Les secondes recevaient seules la qualification de garantie et se trouvaient soumises à l'exigence d'autorisation imposée par le Code de commerce (Cass. com., 23 octobre 1990, Bull. IV, n° 256 ).
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Dans un deuxième temps, la cour de cassation a décidé de soumettre toutes les lettres d'intention, quelle que soit l'obligation souscrite, à cette autorisation en les qualifiant de garantie (Cass. com., 3 janvier 1996, n° 94-12845 ; Cass. com., 9 décembre 1997, Bull. IV., n° 332 ). Dans un troisième temps, par un arrêt du 26 janvier 1999 "Sony" (Cass. com., 26 janvier 1999, Bull. IV, n° 31), la chambre commerciale revient à sa première solution qui distingue entre obligations de moyen et de résultat. Néanmoins, elle se démarque de cette première solution en retenant d'autres critères pour qualifier l'engagement de moyen ou de résultat. En l'espèce, pour faire échapper la lettre d'intention à l'obligation d'autorisation du conseil, la cour de cassation décide que l'engagement par lequel la société promet de faire le nécessaire pour que la filiale soit en mesure de satisfaire ses engagements à l'égard du prêteur n'est pas une obligation de résultat, mais bien une obligation de moyen. Or, ce n'est pas la solution qu'elle retenait traditionnellement. Dans un dernier temps, la Cour de cassation est revenu à ses critères traditionnels de distinction entre obligations de moyen et obligation de résultat et admet finalement que l'engagement de faire le nécessaire... est bien une obligation de résultat. Ainsi, les obligations de résultat demeurent soumises à l'autorisation du conseil, en tant que garantie, ce qui n'est pas le cas des obligations de moyen (Cass. com., 19 avril 2005, n° 01-12347 ). Il semble que ces oppositions pourraient aujourd'hui être remises en cause par l'entrée dans le Code civil de la lettre d'intention. En effet, cela pourrait conduire à dire que toutes les lettres d'intention sont considérées comme de véritables sûretés (l'article qui la consacre se trouve bien à la partie concernant les sûretés personnelles). Elles devraient donc être toutes soumises à autorisation.
§2 : Le régime de la lettre d'intention
A - La formation de la lettre d'intention Aucune disposition légale ne vient régir la formation de la lettre d'intention c'est donc vers le droit commun des contrats qu'il nous faut nous tourner. Or, aucune forme n'est requise ad validatem pour l'expression du consentement des deux parties à la lettre d'intention. Quant à la question de la preuve de la lettre, là encore rien n'est prévu. L'article 1326 du Code civil n'est pas applicable dans la mesure où la lettre d'intention ne donne pas naissance à un engagement unilatéral de payer une somme d'argent au créancier. En outre, lorsque la lettre est souscrite par une société commerciale en faveur d'une autre et en garantie d'un crédit bancaire, on a à faire à un acte de commerce de sorte qu'en la matière c'est la liberté de la preuve qui s'applique telle que posée par l'article L. 110-3 du Code de commerce.
B - Les effets de la lettre d'intention L'émetteur de la lettre d'intention qui n'exécute pas ou exécute mal ses obligations engage sa responsabilité civile extracontractuelle vis-à-vis du créancier. Page 10 sur 11
Dans le cas d'une obligation de moyen : Le créancier doit apporter la preuve de l'inexécution, de la mauvaise exécution ou encore de l'exécution tardive de l'obligation de l'émetteur. C'est aux juges du fond qu'il appartient d'apprécier souverainement si les moyens déployés par l'émetteur sont conformes à ce qu'il avait promis. La défaillance alléguée à l'encontre de l'émetteur ne coïncide pas nécessairement avec la défaillance du débiteur de la dette garantie. L'émetteur de la lettre peut avoir correctement réalisé ses obligations et ne pas avoir pu empêcher la défaillance du débiteur.
Dans le cas d'une obligation de résultat : Il suffit au créancier d'établir que le résultat promis n'est pas atteint. Il peut notamment s'agir de prouver que le débiteur est défaillant lorsque le résultat promis était le paiement. Une fois la preuve de l'inexécution rapportée, le préjudice réparable ne coïncidera pas nécessairement avec la dette garantie. Le promettant pouvant même être tenu au-delà de ce que doit le débiteur principal (hypothèse où la défaillance du débiteur aurait entrainé des conséquences importantes sur la situation financière du préteur...).
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