Bruno Bettelheim, Psychanalyse Des Contes de Fées [PDF]

  • 0 0 0
  • Gefällt Ihnen dieses papier und der download? Sie können Ihre eigene PDF-Datei in wenigen Minuten kostenlos online veröffentlichen! Anmelden
Datei wird geladen, bitte warten...
Zitiervorschau

Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, [1976], traduit de l’américain par Théo Carlier, Éditions Robert Laffont, 1976.

21-22 « Mais si le matériel inconscient peut à un certain degré accéder au conscient et se livrer à l’imagination, son potentiel de nocivité, pour nous-mêmes et pour les autres, est alors très réduit ; une partie de sa force peut être mise au service d’objectifs positifs. Cependant, la majorité des parents croit que l’enfant doit être mis à l’abri de ce qui le trouble le plus : ses angoisses informes et sans nom, ses fantasmes chaotiques, colériques et même violents. Beaucoup pensent que seule la réalité consciente et des images généreuses devraient être présentées aux enfants, pour qu’il ne soit exposé qu’au côté ensoleillé des choses. Mais ce régime à sens unique ne peut nourrir l’esprit qu’à sens unique, et la vie réelle n’est pas que soleil… La mode veut qu’on cache à l’enfant que tout ce qui va mal dans la vie vient de notre propre nature :le penchant qu’ont tous les humains à agit agressivement, a -socialement, égoïstement, par colère ou par angoisse. Nous désirons que nos enfants croient l’homme est foncièrement bon. Mais les enfants savent qu’ils ne sont pas toujours bons ; et souvent, même s’ils le sont, ils n’ont pas tellement envie de l’être. Cela contredit ce que leur racontent leurs parents : et l’enfant apparaît comme un monstre à ses propres yeux. 22 Tel est exactement le message que les contes de fées, de mille manières différentes, délivrent à l’enfant : que la lutte contre les graves difficultés de la vie est inévitable et fait partie intrinsèque de l’existence humaine, mais que si, au lieu de se dérober, on affronte fermement les épreuves inattendues et souvent injustes, on vient à bout de tous les obstacles et on finit par remporter la victoire. 22-23 Les histoires modernes qui sont destinées aux jeunes enfants évitent avant tout d’aborder ces problèmes existentiels qui ont pourtant pour nous tous une importance cruciale. L’enfant a surtout besoin de recevoir, sous une force symbolique, des suggestions sur la manière de traiter ces problèmes et de s’acheminer en sécurité vers la maturité. Les histoires sécurisantes d’aujourd’hui ne parlent ni de la mort, ni du vieillissement, ni de l’espoir en une vie éternelle. Le conte de fées, au contraire, met carrément l’enfant en présence de toutes les difficultés fondamentales de l’homme. 27 Comme l’enfant moderne, qui se sent souvent isolé, le héros des contes de fées poursuit parfois sa route dans la solitude ; il est aidé par les choses primitives avec lesquelles il est en contact, un arbre, un animal, la nature, toutes les choses dont l’enfant se sent plus proche que ne l’est l’adulte. Le sort de ces héros persuade l’enfant que comme eux, il peut se sentir abandonné dans le monde comme un hors-la-loi, il peut tatônner dans l’obscurité, mais que, comme eux, au cours de sa vie, il sera guidé pas à pas et recevra toute l’aide dont il pourra avoir besoin. Aujourd’hui, plus encore que par le passé, l’enfant a besoin d’être rassuré par l’image d’un être qui , malgré son isolement, est capable d’établir des relations significatives et riches en récompenses avec le monde qui l’entourent.

42 Les contes de fées, à la différence de toute autre forme de littérature, dirigent l’enfant vers la découverte de son identité et de sa vocation et lui montrent aussi par quelles expériences il doit passer pour développer plus avant son caractère. Les contes de fées nous disent que malgré l’adversité, une bonne vie, pleine de consolation est à notre portée, à condition que nous n’esquivions pas les combats pleins de risques sans lesquels nous ne trouverions jamais notre véritable identité. Ces histoires promettent à l’enfant que s’il ose s’engager dans cette quête redoutable et éprouvante, des puissances bienveillantes viendront l’aider à réussir. Elles mettent également en garde les timorés et les bornés qui, faute de prendre les risques qui leur permettraient de se trouver, se condamnent à une existence de bon à rien, ou à un sort encore moins enviable. 43 Pendant la plus grande partie de l’histoire humaine, la vie intellectuelle de l’enfant, à part ses expériences immédiates au sein de sa famille, reposait sur les histoires mythiques et religieuses et sur les contes de fées. Cette littérature traditionnelle alimentait l’imagination de l’enfant et la stimulait. En même temps, comme ces histoires répondaient aux questions les plus importantes qu’il pouvait se poser, elles apparaissent comme un agent primordial de sa socialisation. 43 dans les contes de fées, les processus internes de l’individu sont extériorisés et deviennent compréhensibles parce qu’ils sont représentées par les personnages et les événements de l’histoire. 44 Le conte de fées ne se réfère pas clairement au monde extérieur, bien qu’il puisse commencer d’une façon assez réaliste et qu’il soit tissé de faits quotidiens. La nature irréaliste de contes de fées (qui leur est reprochée par les rationalistes obtus) est un élément important qui prouve à l’évidence que les contes de fées ont pour but non pas de fournir des informations utiles sur le monde extérieur, mais de rendre compte des processus internes, à l’œuvre dans l’individu. Enfance brisée, sortie de l’espace mythique 165 Le conte d’Andersen Le Vilain Petit Canard est l’histoire d’un caneton qui, après avoir été méprisé par ses frères, finit par prouver sa supériorité à tous ceux qui se sont moqués de lui. L’histoire contient même l’élément du héros qui st le dernier-né, puisque tous les autres canetons sont sortis de l’œuf avant lui. Cette histoire aussi charmante soit-elle, est, comme ^presque tous les contes d’Andersen, un récit pour adultes. Les enfants l’apprécient, bien sûr, mais elle ne leur est d’aucun secours ; bien qu’elle leur plaise, elle fait faire fausse route à leur imagination. L’enfant qui se sent incompris et déprécié peut avoir envie d’appartenir à une autre espèce, mais il sait très bien qu’il est impossible. Etc etc Le besoin de magie chez l’enfant 75 Le conte de fées procède d’une manière tout à fait adaptée à la façon dont l’enfant conçoit et expérimente le monde, et c’est pour cette raison que le conte lui paraît si convaincant. Il peut tirer beaucoup plus de soulagement du conte de fées que de tous les raisonnements par lesquels l’adulte essaie de le rassurer. L’enfant fait confiance à ce que lui raconte le conte de fées parce qu’ils ont l’un et l’autre la même façon de concevoir le monde. -l’enfant a une pensée animiste

76 Il n’existe par pour l’enfant, de ligne de démarcation bien nette entre ce qui est inanimé et ce qui vit ; et ce qui vit possède une vie très proche de la nôtre. (…) L’enfant est persuadé que l’animal comprend et réagit affectivement, même s’il ne le manifeste pas ouvertement. 77 Dès l’âge de trois ans, l’enfant affronte déjà le difficile problème de l’identité personnelle. (la judéité, une nouvelle identité, l’altérité, Le vilain petit canard) 78 Si nous nous plaçons à un point de vue d’adulte, et dans les termes de la science moderne, les réponses fournies par les contes de fées sont plus fantastiques que réelles. (…) Cependant les explications réalistes sont d’ordinaire incompréhensibles pour l’enfant qui est dépourvu de la faculté d’abstraction qui seule peut leur donner quelque sens. 84 (…)l ‘enfant, tant qu’il n’est pas sûr que son environnement humain immédiat le protégera, a besoin de croire que de puissances supérieures – un ange gardien, par exemple – veillent sur lui, et que le monde et la place qu’il y occupe sont d’une importance primordiale. Nous avons ici une concordance entre la faculté qu’a la famille de fournir une sécurité fondamentale et l’empressement de l’enfant à s’engager dans des recherches rationnelles à mesure qu’il grandit. 87 Les histoires « vraies » qui se rapportent au monde « réel » peuvent apporter des infomations intéressantes et souvent utiles. Mais la façon dont ces histoires se développent est aussi étrangère au mécanisme de l’esprit de l’enfant prépubère que le sont les événements surnaturels de contes de fées vis-à-vis de la manière dont l’intelligence mûre appréhende le monde. Les histoires strictelent réalistes vont à l’encontre des expériences internes de l’enfant ; certes, il les écoutera, et peut-être, en sortira qque chose, mais il ne peut guère en extraire une signification personnelle susceptible de transcender un contenu évident. 100 L’enfant, qui doit faire face chaque jour à des problèmes et à des événements déconcertants, est incité, à l’école, à comprendre le pourquoi et le comment des situations, et à chercher des solutions. Mais comme sa rationalité n’a enconre qu’un très faible contrôle sur son inconscient, il se laisse emporter par son imagination, sous la pression de ses émotions et de ses conflits non résolus. La faculté de raisonnement de l’enfant, à peine naissante, est bientôt écrasée par les angoisses, les espoirs, les peurs, les désirs, les amours et les haines qui se mêlent intimement à tout ce qui prenait forme dans sa pensée. 100 l’enfant qui est familiarisé avec les contes de fées comprend qu’ils s’adressent à lui dans un langage symbolique, loin de la réalité quotidienne. Le conte de fées laisse entendre dès son début, tout au long de l’intrigue, et dans sa conclusion, qu’il ne nous parle pas de faits tangibles, ni de personnes et d’endroits réels. Quant à l’enfant lui-même, les événements réels ne prennent pour lui de l’importance qu’à travers la signification symbolique qu’il leur prête ou qu’il trouve en eux. 102 L’enfant, après s’être laissé emmener dans un voyage merveilleux, revient à la réalité à la fin du conte, d’une façon tout à fait rassurante. Il apprend ainsi ce qu’il a tant besoin de savoir au stade de développement qu’il a attenint :que l’on peut sans dommage se laisser emporter par son imagination à condition de ne pas en rester éternellement prisonnier. A la fin de l’histoire, le héros revient à la réalité, une réalité heureuse, dénuée de magie.

119 (…) Il ne parvient pas à se sentir au même moment à la fois bon et obéissant et méchant et révolté, bien qu’il en soit ainsi. Comme il ne peut pas comprendre qu’il existe des stades intermédiares de degré et d’intensité, tout est lumière ou ténèbres, sans nuances. (…) Entre tous ces extrêmes, il n’y a que le néant. (…) C’est de la même façon que le conte de fées décrit le monde : les personnages sont ou bien la férocité incarnée, ou la bienveillance la plus désintéressée. (…) Chaque personnage est essentiellement unidimensionnel, ce qui permet à l’enfant de comprendre facilement ses actions et ses réactions. L’enfant doit apprendre à reconnaître la méchanceté cachée sous une apparence de bienveillance. Voir l’Envolée sauvage T 3