Analyse des liquidites et theorie du portefeuille [PDF]

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Zitiervorschau

EMIL-M. CLAASSEN

ANALYSE DES LIQUIDITÉS ET THÉORIE DU PORTEFEUILLE

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ANALYSE DES LIQUIDITÉS ET THÉORIE DU PORTEFEUILLE

DU M~ME AUTEUR

Le rôle de la liquidité dans les décisions microéconomiques et la polyvalence du taux de l'intérêt, Revue d'Economie politique, LXXIV, pp. 492-496. Die Liquiditiitstheorie der Zinsstruktur, Jahrbücher für Nationalokonomie und Statistik, CLXXVII, 1965, pp. 201-240. La neutralité de la monnaie : quelques aspects théoriques, Cahiers du Séminaire d'Econométrie, nO 7, 1965, pp. III-16o. Théorie des actifs non humains et revenu permanent, dans Une contribution à la théorie du revenu permanent, ouvrage publié par D. PILIsr et autres, Paris, Presses Universitaires de France, 1965, pp. 145-176. Jacques Rueff comme philosophe des sciences et La loi de Rueff: une confirmation par la théorie de l'équilibre global du type keynésien, dans Lesfondements philosophiques des systèmes économiques, Textes de Jacques RUEFF et essais rédigés en son honneur, Textes et essais rassemblés et publiés sous la direction de E.-M. CLAASSEN, Paris, Payot, 1967, pp. 37-62 et 258-270. Le multiplicateur de la création de monnaie, Economia Internazionale, XX, 1967, pp. 599-630, XXI, 1968, pp. 199-211 et 436-462. Monnaie, revenu national et prix, Paris, Dunod, 1968. Stock-Flow Decisions and Full Equilibrium, Kyklos, XXII, 1969, pp. 84-92. Probleme der Geldtheorie, Enzyklopadie der Rechts- und Staatswissenschaften, Berlin, Heidelberg et New York, Springer-Verlag, 1970.

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5UP « L'ÉCONOMISTE» Section dirigée par Pierre TABATONI

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ANALYSE DES LIQUIDITÉS ET THÉORIE DU PORTEFEUILLE par

EMIL-M. CLAASSEN

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, Boulevard Saint-Germain, Paris I97°

Dépôt légal. - Ire édition: 4" trimestre 1970 Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays © 1970, Presses Universitaires de France

CHAPITRE PREMIER

DEUX VUES DIFFÉRENTES SUR LA MONNAIE Nous admettons sans difficulté l'idée que dans une économie caractérisée par un réseau diversifié de créances et de dettes et par une multiplicité d'institutions financières, l'influence de la monnaie doit différer de ce qu'elle peut être dans un monde qui ne connaît pas une telle variété d'actifs financiers et d'institutions : « Dans un monde de banques et de compagnies d'assurance, de marchés monétaires et bourses, la monnaie est une chose tout à fait différente de ce qu'elle était avant que ces institutions ne se constituent. Cette évolution (des actifs financiers et des institutions financières) s'est poursuivie depuis le temps de Ricardo (son origine remonte évidemment beaucoup plus loin) provoquant, au cours du temps, une révolution radicale de la théorie monétaire » Cr).

Mais est-ce vraiment l'expression d'une nécessité logique ? Nous avons énoncé ici une proposition a priori qui semble se comprendre à première vue et n'avoir pas, ainsi, besoin de raisonnements approfondis. Cependant, rappelons-nous que cette proposition n'entre que (I)

J. R.

HICKS [I967], p. 158.

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dans une catégorie particulière de théories monétaires, à savoir celles selon lesquelles l'influence spécifique de la monnaie sur l'économie dépend, entre autres choses, des actifs financiers et des institutions financières existant dans chaque cas particulier. Cette « opinion» est, par exemple, celle du rapport Radcliffe [1959] (1), à la suite duquel toute une série d'études ont été élaborées, qui constatent que l'économie n'est pas tant influencée par la quantité de monnaie que par l'état de liquidité. En face de cette catégorie de théories il y a au demeurant un autre type d'analyse monétaire qui confirme la vue « orthodoxe » selon laquelle seule la quantité de monnaie parmi la multiplicité des actifs financiers doit être considérée comme la variable décisive, capable d'influencer l'économie. Ainsi, nous sommes en présence de deux propositions diamétralement opposées décrivant l'influence de la monnaie : l'une (rapport Radcliffe et ses partisans) ne voit l'influence de la monnaie qu'en liaison étroite avec l'influence d'autres actifs financiers; l'autre (( monétaristes orthodoxes ») met l'accent sur la quantité de monnaie et accorde peu d'attention à l'influence des autres variables financières. Pour mieux pouvoir comprendre les positions actuelles, tant celle des théoriciens dits orthodoxes que celle des théoriciens « modernes » Cà la Radcliffe), il est opportun de reprendre d'abord un peu l'histoire de la théorie monétaire, à savoir: 1° La controverse entre la CurrencySchool et la Banking-School; et 2° L'évolution des deux optiques opposées sur la monnaie, issues de ces deux écoles, pendant la période de 1850 à 1950. Nous verrons ensuite que 3° Les arguments employés aujourd'hui dans l'expression des vues en conflit sur la monnaie sont différents dans la forme, mais, dans leur substance, (r) Les dates entre crochets renvoient aux Bibliographies placées à la fin de chaque chapitre.

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comparables à ceux des théoriciens de la Currency-School, d'une part, et de la Banking-School, d'autre part (1). 1. LA CONTROVERSE ENTRE LA CURRENCY-SCHOOL ET LA BANKING-SCHOOL : MONNAIE CONTRE CRÉDIT

Présentons d'abord les acteurs principaux de ces deux écoles. Sur chaque bord, il y a trois personnalités. Du côté de la Currency-School sont à mentionner : Samuel Loyd (1796-1883), devenu plus tard Lord Overstone, qui était copropriétaire de la banque Jones, Loyd and Co., devenue aujourd'hui la Westminster Bank; le colonel Robert Torrens (1780-1864) qui avait acquis une grande réputation comme officier pendant les guerres napoléoniennes, mais aussi comme économiste après avoir quitté la marine britannique pour entrer dans la carrière politique; Georges Warde Norman, président de la Banque d'Angleterre et ancêtre des gouverneurs des Banques centrales du xxe siècle. Les représentants principaux de la Banking-School sont : Thomas Tooke (1774-1858), pionnier de l'analyse statistique; John Fullarton (mort en 1849), chirurgien, qui a gagné une fortune comme banquier aux Indes, l'a perdue ensuite, puis s'est tourné vers la théorie; et finalement le fils de James Mill, John Stuart Mill, philosophe et économiste qui n'a guère besoin d'être présenté. Avant de présenter les différentes vues de ces deux groupes relatives à la monnaie, il faudra d'abord caractériser brièvement le système monétaire anglais de cette époque. Comme moyens de paiement circulaient des pièces d'or, des billets de la Banque d'Angleterre et des billets des banques commerciales situées en dehors de Londres (dont l'émission a été fortement restreinte après 1848 Cr) Dans ce qui suit ici, nous nous référons principalement à l'étude de A. B. CRAMP [r96z].

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et qui a disparu par la suite); les dépôts à vue et les opérations par chèques n'ont guère été utilisés pendant la première moitié du XIXe siècle. Par contre, des « promesses de paiement » étaient très répandues; tantôt elles revêtaient la forme d'effets de commerce, tantôt elles étaient inscrites dans les livres (crédits de commerce). Tooke estimait que le volume des effets de commerce circulants était quatre fois plus important que celui des billets et des pièces en circulation (1). Enfin, la principale préoccupation de la politique économique était, ce qui est actuellement plus exceptionnel, le maintien de la parité extérieure de la monnaie et, par là, celui de l'étalonor. Une variation du niveau des prix (et de l'activité économique) n'était importante que dans la mesure où elle avait principalement des répercussions sur le taux de change; les crises de liquidité des années 1825, 1836, 1847, 1857, 1886 n'étaient pas tellement dangereuses du fait qu'elles provoquaient un problème d'emploi, mais surtout parce qu'elles mettaient en péril la valeur externe de la monnaie. Les partisans du Currency-principe envisageaient le problème de l'influence de la monnaie sur l'économie dans le cadre de la théorie quantitative. Dans leur opinion, un flux d'or vers l'étranger et un affaiblissement de la livre sterling étaient souvent une conséquence de la hausse des prix intérieurs qui menait à une diminution des exportations et à une augmentation des importations. Pour rendre la balance des paiements plus « favorable », il fallait stabiliser ou même réduire les prix intérieurs. Le moyen en était une contraction de la masse monétaire (2). Incontestablement, il s'agit ici d'une relation nette (r) T. TOOKB [r844j, p. 26. (2) Certes, dans certains cas il suffisait d'une variation du taux d'es-

compte. Celle-ci influençait les mouvements internationaux de capitaux et, par là, pouvait « améliorer" la balance des paiements.

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entre la quantité de monnaie et les prix selon les conceptions de la théorie quantitative. L'explication de la transmission d'une variation de la masse monétaire sur les prix, c'est-à-dire la chaîne de causalité entre la variation de la masse monétaire et la variation des prix qui en résulte « finalement », a été perçue par la Currency-School en application des règles de la théorie monétaire la plus « classique » : augmentation de la masse monétaire, augmentation des encaisses, augmentation des dépenses, (hypothèse du plein-emploi), hausse des prix. Le comportement relatif aux « encaisses désirées » (1' « effet d'encaisses réelles ») est un élément introduit pour l'essentiel par les néo-classiques dans la chaîne causale : augmentation de la masse monétaire, augmentation des encaisses, excédent éventuel des encaisses effectives sur les encaisses désirées, augmentation des dépenses, (hypothèse du pleinemploi), hausse des prix. Ce n'est que « plus tard », sensiblement à partir de Wicksell ou de Keynes, que l'on y ajoute en la soulignant une liaison « indirecte » entre la variation de la masse monétaire et la variation des prix : augmentation de la masse monétaire, augmentation des encaisses, excédent éventuel des encaisses effectives sur les encaisses désirées, baisse du taux d'intérêt monétaire, augmentation des dépenses, (hypothèse du plein-emploi), hausse des prix. Le fait. que les théoriciens de la Currency-School adhéraient à la version « classique » de la théorie quantitative n'était pas le critère principal qui les distinguait des théoriciens de la Banking-School. Le blocage de la sortie de l'or à l'étranger devait être réalisé par une contraction de la masse monétaire. Mais en quoi consistait cette masse monétaire ? Quels étaient les actifs monétaires dont la quantité devait être diminuée ? C'est dans la recherche d'une discrimination entre les actifs qui influencent les prix et ceux qui ne les influencent pas, que le point litigieux apparaissait entre les deux écoles.

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La réponse de la Currency-School était bien nette : il s'agissait de réduire la quantité de pièces d'or et de billets de la Banque d'Angleterre. Pour elle, la monnaie ne consistait pas en autre chose. Ainsi, Sir Robert Peel déclarait au cours du débat aux Communes sur le Bank Act en 1844 : « ... Lorsque j'emploie le terme « monnaie », je désigne par là les pièces du royaume et les billets qui sont à payer à l'ordre du porteur. Lorsque j'emploie le terme « monnaie fiduciaire ", je comprends par là seulement ces billets. Il ne faut y inclure ni les lettres de change, ni les mandats bancaires, ni d'autres formes de crédit-papier. A mon avis, il y a une différence fondamentale entre les billets qui sont payables à l'ordre du porteur et les autres formes de crédit-papier; les effets que les uns et les autres exercent sur les prix et les taux de change sont complètement différents " (r).

Le fait que les théoriciens de la Currency-School ne reconnaissaient que les pièces de monnaie et les billets de la Banque d'Angleterre ( o. Jusqu'à maintenant on avait r m = 0 tel que l'accroissement de revenu était d W = ~ selon la formule [6 a]. L'autre cas limite serait rm = 9l, c'est-à-dire rm atteint la valeur maximum; dans ce cas, il n'y aurait aucun accroissement du patrimoine : d W = 0 selon l'équation [6 a]. (1) Si les banques appartiennent au secteur public (comme c'est le cas de la Banque centrale qui peut également créer de la monnaie interne), en règle générale et par analogie au cas de la monnaie externe, un transfert de l'accroissement du revenu va intervenir (par exemple, sous la forme d'une réduction d'impôts) du secteur public vers le secteur privé.

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Certains lecteurs pourraient s'étonner que les dépôts à vue puissent produire un taux d'intérêt. Mais le fait pour la monnaie scripturale d'être sans intérêt n'est pas du tout dans la « nature des choses n. Dans certains pays il y avait - et il y a encore - des intérêts créditeurs sur les dépôts à vue. De surcroît, les services gratuits que la plupart des banques mettent à la disposition lors des virements bancaires, peuvent déjà être considérés comme des « intérêts implicites n. Cependant, nous voulons examiner particulièrement le cas où les banques versent des intérêts supplémentaires aux détenteurs de dépôts à vue. Le taux d'intérêt rm contient à la fois le « taux d'intérêt implicite n et le taux d'intérêt effectivement payé. La raison pour laquelle les détenteurs de dépôts à vue ne perçoivent pas d'intérêts s'appuie non sur des raisons économiques mais sur des raisons institutionnelles : l'Etat impose à la création de monnaie scripturale des restrictions sous forme de réserves obligatoires et (oû) en prescrivant le niveau des intérêts créditeurs et débiteurs. Les banques ne créent des dépôts à vue qu'à condition de tirer un profit de ces opérations. Ce profit consiste en intérêts perçus sur les prêts accordés et rendus possibles par suite de la création des dépôts à vue; bien sûr, pour obtenir le profit net, il faut déduire des intérêts le coût provenant d'une part, des services sous forme des virements bancaires et, d'autre part, le coût issu des frais d'administration. Dans l'hypothèse où il n'y a aucune restriction légale pour la création de la monnaie scripturale, son volume définitif sera déterminé par le mécanisme de la compétition : les banques élargissent leur offre de monnaie et concourent entre elles jusqu'à ce que le profit marginal des opérations bancaires soit nul. Débiteurs et créanciers tirent avantages de ce processus compétitif : les premiers payeront moins d'intérêts débiteurs et les seconds percevront des intérêts créditeurs. Les créanciers accepteront une détention de monnaie plus élevée afin que le taux de rendement

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total de la monnaie devienne au moins égal à celui des autres actifs; puisque l'utilité marginale de la monnaie (son taux de rendement non pécuniaire) diminue lors d'un accroissement de la détention de monnaie, les individus ne demanderont davantage d'encaisses qu'à condition de percevoir des intérêts sur leurs dépôts à vue (1). Pourquoi la monnaie scripturale ne représente-t-elle plus un patrimoine dans la proposition rm/9i. lorsqu'elle rapporte le taux d'intérêt rm ? Nous avons vu dans le cas de la monnaie interne ne portant pas d'intérêt que les banques obtenaient un accroissement de leurs revenus égal aux intérêts qu'elles percevaient des prêts accordés (~A, où ~A = M;); le taux d'intérêt était égal, par hypothèse, au taux de rendement total 9i. des actifs; la valeur capitalisée de cet accroissement de revenu (~Y = ~A où ~A = M;) représentait l'accroissement du patrimoine (~W = M;). Maintenant, dans le cas de la monnaie interne portant un taux d'intérêt, les banques versent une partie de l'accroissement de revenu, à savoir rm ~A ( = rm M;), aux titulaires des dépôts à vue. Mais ce transfert ne change pas le revenu par unité d'encaisse qu'obtiennent les détenteurs de monnaie! Auparavant, ils recevaient le rendement non pécuniaire 9i.M;.Puisque les individus perçoivent maintenant un rendement pécuniaire, ils demanderont davantage de monnaie; le taux de rendement non pécuniaire de la monnaie (ou son utilité marginale) diminue et les individus détiendront une quantité de monnaie pour laquelle la somme des taux de rendement non pécuniaire et pécuniaire (r~ sera égale à 9t En raison de la diminution du taux de rendement non pécuniaire pour la détention de monnaie, le « revenu» de l'économie est tombé de rmM;, à savoir de 9i.M; à 9i.M; - rmM;. Dans (1) Voir, à ce sujet, l'article fameux de Banks as Creators of « Money ».

J.

TOBIN

[1963) : Commercial

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l'économie, l'accroissement du patrimoine ne s'élève plus à 9{~/9{ = ~, mais il est égal à (9{~ - rm ~)/9{ = (1 - rmm)~ (1). L'argumentation précédente se complète à l'aide de la r Taux de rendement L

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o

AA

Actifs physiques

Ellcaisse réelle

FIG. 4

figure 4 qui reproduit la figure 3 à quelques modifications près. Les banques d'affaires (des « intermédiaires financiers monétaires ») sont simultanément intermédiaires de crédit et créateurs de créances monétaires (monnaie scripturale). Une partie des actifs physiques, à savoir AA' = ÂA (1) Mentionnons à cet égard un fait important. Dans une économie monétaire dont la monnaie interne pone un taux d'intérêt, la détention d'encaisses réelles sera supérieure à celle d'une économie où la monnaie ne porte pas d'intérêt. Supposons que la monnaie produise subitement un taux d'intérêt. Son taux de rendement total sera supérieur à celui des autres actifs. Les individus vont augmenter la détention d'encaisses (ce qui fait diminuer la composante non pécuniaire du taux de rendement total des encaisses) jusqu'à ce que les taux de rendement total des actifs soient alignés les uns sur les autres. La perte de revenu (ou de patrimoine), imputable à la baisse du taux de rendement non pécuniaire des encaisses (selon notre description ci-dessus), sera désormais partiellement ou totalement compensée par le revenu (ou le patrimoine) supplémentaire consécutif à la détention de monnaie.

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15°

(où !:lA = Mo), est supposée être empruntée par l'intermédiation des banques. En raison de cette opération de crédit, elles perçoivent des intérêts qui sont égaux à 9t!:lA ( = 9tMo) et dont une partie est transférée aux titulaires des dépôts à vue, soit rm!:lA (= rmMo). Le revenu total de l'économie se compose: des actifs OA rapportant le rendement de 9tA et de la détention de monnaie produisant un rendement (non pécuniaire) de (9t-r m)Mo; le revenu total est donc égal à : Y = 9tA + (9t - rm)M;. La valeur capitalisée de ce revenu constitue le patrimoine national; il est égal à W = y /9t = A + (1 - r m/9t)Mo. Pour résumer l'aspect patrimonial de la monnaie, on peut faire les constatations suivantes. La « dichotomie », proposée par Gurley et Shaw et soutenue par beaucoup d'économistes relativement à la division de la masse monétaire en monnaie externe qui représente un patrimoine net et en monnaie interne dépourvue d'un caractère patrimonial, n'est pas valable. En réalité, on peut souvent constater le contraire : la monnaie externe ne constitue pas un patrimoine du secteur privé parce que les sujets économiques subissent une illusion fiscale (k = 1), tandis que la monnaie interne forme une partie du patrimoine net parce qu'elle est sans intérêt dans la plupart des économies (rm/9t = 0). Il s'ensuit que le stock total du patrimoine détenu par le secteur non public de l'économie [c'est-à-dire par le secteur privé (WP) et par le secteur bancaire privé (Wb)] se compose non seulement d'actifs physiques et de monnaie externe, mais aussi de : [7]

W

=

A

+ (1 -

k)M.

+ (1 -

;) Mt

rm < o < = k, 9l =

1.

L'équation [7] contient les éléments suivants: A représente la valeur des actifs physiques; (1 - k)Me + (1 - rm/~)Mi

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est la somme des équations [1 al et [6 al (1). Il faut encore faire certains commentaires relativement : 1 0 au caractère patrimonial de la masse monétaire qui existe dans une économie par rapport au caractère patrimonial d'une masse monétaire supplémentaire; 2 0 au coût de production et aux réserves obligatoires imputables à la création de monnaie scripturale. 1 0 Nous avons jusqu'ici généralement maintenu l'hypothèse d'une économie passant d'un système de monnaiemarchandise à un système de monnaie-crédit (voir p. 136). Dans le système de monnaie-marchandise la monnaie constituait nécessairement un patrimoine net puisqu'elle était un actif physique. Quant au système de monnaiecrédit on peut avancer les quelques modifications suivantes. a) Dans la mesure où il s'agit du passage hypothé(1) Si la quantité de monnaie consiste en une combinaison de monnaie externe (par exemple, la monnaie fiduciaire émise par la Banque centrale) et de monnaie interne portant un taux d'intérêt assez élevé (la monnaie scripturale émise par les banques de dépôts), deux cas seront concevables, à condition que les monnaies fiduciaire et scripturale soient des biens substituables (ce n'est pas nécessairement le cas puisqu'on peut également les considérer comme des biens complémentaires). 1° Les sujets économiques détiennent relativement une grande quantité de dépôts à vue et moins d'encaisses en billets. 2° La Banque centrale verse également un taux d'intérêt (r'm) sur la monnaie fiduciaire. Dans ce cas, la formule pour le patrimoine de la monnaie externe s'écrit (1 - r' m/llt) (1 - k)Me• k désigne le degré d'illusion fiscale qui se réfère aux ressources dont l'Etat dispose, déduction faite des paiements d'intérêts; ces ressources ont été acquises par création de monnaie; les individus les considèrent comme « perdues» dès qu'ils ne tiennent pas compte de l'utilisation à leur profit (réduction d'impôts, paiements de transfert, etc.). (Du point de vue « technique " le paiement d'intérêts sur des billets de banque pose des difficultés d'ordre « pratique '. Cependant, ces billets portant un taux d'intérêt peuvent être identiques aux bons de Trésor: l'Etat émet des bons de Trésor en diverses coupures qu'il déclare en même temps être des moyens de paiement légaux. Le cas se présenta aux Etats-Unis pendant les années 1812-1815, 1837-1843, 1860-1863. Voir M. FRIEDMAN [1960], pp. 73 et 109.) Jusqu'ici nous avons volontairement négligé les actifs humains et le « revenu de travail» qui en est issu. Pour le cas où W de la formule [7] comprend aussi les actifs humains (H), on doit ou bien ajouter H ou bien interpréter A comme la somme des actifs humains et physiques.

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tique d'un système de monnaie-marchandise au système de monnaie-crédit, on constatera dans l'économie un accroissement de patrimoine de (1 - k)M. (1 - rm/~)M;. b) Par contre, pour une économie où la monnaie-crédit existe déjà, la quantité de monnaie existant au début d'une période représentera un patrimoine égal à Me (1 - rm/~)M; et celle qui sera créée au cours de la période (~M) révélera un accroissement de patrimoine d'un montant de (1 -k)~M. (1 -rm/~)~M;. Aussi la formule [7] n'estelle valable que pour le cas a). Pour le cas b), on l'écrira:

+

+

+

[7 al

W

=A+

Me

+ (1 - k)~. +

(1 - ;) (M; + ~M;) k rm < o < = '~ =

1

W désigne le patrimoine national à la fin d'une période au cours de laquelle une masse monétaire supplémentaire a été créée. La quantité de monnaie externe (M.) qui provient des périodes précédentes représente un patrimoine tout à fait net dans l'économie car nous supposons désormais que les conséquences fiscales de cette masse monétaire sont contenues en A; par conséquent, A est le patrimoine physique disponible (et le capital humain disponible; voir la fin de la note 1 au bas de la page 151). 2° Jusqu'à maintenant, nous avons supposé que la création de monnaie ne provoquait aucun coût de production. Cependant, même si la monnaie ne rapporte aucun taux d'intérêt, c'est-à-dire même si le producteur de monnaie n'a pas à payer d'intérêts débiteurs à ses dettes à vue, le coût de production de la monnaie n'est pas égal à zéro. La création et le maintien du stock de monnaie fiduciaire entraînent certains coûts (émission de billets nouveaux, remplacement des billets dégradés, mesures de protection contre la contrefaçon, frais de comptabilité pour les dépôts

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à vue auprès de la Banque centrale, etc.). Mais, les plus importants restent les coftts engendrés par la création de monnaie scripturale par les banques d'affaires et nous en tiendrons compte dans la formule [7 al. Ils comprennent des éléments fixes et des éléments variables. Par coftt variable il faut comprendre surtout les frais provoqués par la constitution de réserves obligatoires et par celle d'éventuelles réserves de précaution (