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Préliminaires
ABC de théologie chrétienne Dieu, Jésus-Christ, l’Esprit, les anges, le diable, les démons, l’homme… Trinité, élection, prédestination, inerrance… La foi chrétienne, c’est si simple et si compliqué à la fois! On aurait envie de laisser les grandes questions aux spécialistes, aux théologiens, mais Charles C. Ryrie n’est pas de cet avis: «La théologie est pour tout le monde. Chacun devrait être un théologien. D’ailleurs, chacun l’est d’une manière ou d’une autre. C’est là que réside le problème. Il n’y a aucun mal à être un théologien amateur ou professionnel; en revanche, il est particulièrement regrettable d’être un théologien ignorant ou négligent. … Dans un sens fondamental, tout le monde est théologien. Même l’athée a sa théologie. Il réfléchit à la question de Dieu, rejette son existence et exprime ses conclusions, parfois sous forme de credo mais dans tous les cas par son style de vie.» Pour nous aider dans notre démarche, l’auteur explicite les éléments doctrinaux qui constituent la foi chrétienne. Il le fait d’un point de vue évangélique, mais sans négliger de mentionner et de traiter les principaux débats, actuels ou passés, au sein du protestantisme et de la chrétienté en général. Un ouvrage à consulter régulièrement pour disposer de précieux points de repère dans la jungle actuelle des opinions. Détenteur d’une licence ès lettres et de doctorats en théologie, philosophie et lettres, Charles C. Ryrie est un auteur renommé. De nombreuses années durant professeur de théologie systématique au Dallas Theological Seminary, il en est aujourd’hui professeur émérite. Il est aussi professeur associé à la Philadelphia Biblical University.
Charles C. Ryrie
ABC de théologie chrétienne
Qui devrait étudier la théologie? La théologie est pour tout le monde. Chacun devrait être un théologien. D’ailleurs, chacun l’est d’une manière ou d’une autre. C’est là que réside le problème. Il n’y a aucun mal à être un théologien amateur ou professionnel; en revanche, il est particulièrement regrettable d’être un théologien ignorant ou négligent. Tout chrétien devrait donc étudier la théologie. Faire de la théologie, c’est réfléchir sur la question de Dieu et exprimer ces réflexions d’une certaine manière. Nous en donnerons une définition plus précise au premier chapitre, mais dans un sens fondamental, tout le monde est théologien. Même l’athée a sa théologie. Il réfléchit à la question de Dieu, rejette son existence et exprime ses conclusions, parfois sous forme de credo mais dans tous les cas par son style de vie. L’adepte d’une religion non chrétienne a remplacé Dieu par une divinité contrefaite et expose sa théologie de différentes façons. Presque tous les lecteurs de ce livre seront des théistes, voire des personnes qui croient en Jésus-Christ. Vos pensées, qu’elles soient éparses ou classées dans un système, concernent le Dieu vivant, le seul vrai Dieu qui existe. Vous avez donc d’autant plus de raisons d’étudier la théologie. En effet, le temps et l’énergie que vous consacrez à réfléchir au vrai Dieu n’ont pas seulement des répercussions positives sur votre manière de penser, mais aussi sur votre vie. A titre d’exemple de l’impact que la théologie peut avoir sur notre vie, considérons le sujet de la responsabilité. Nous avons tous différents niveaux de responsabilité. Nous sommes responsables vis-à-vis de nous-mêmes; c’est le rôle de la conscience de nous le rappeler. Mais celle-ci peut être faussée, cautérisée et réduite au silence. Du coup, nous nous sentons moins responsables à l’égard de nous-mêmes. Nous avons aussi des comptes à rendre à la société; mais les sociétés ont différentes définitions de ce qui est légal et moral; l’individu peut parfois enfreindre leurs normes sans pour autant devoir rendre des comptes. Nous avons également des responsabilités vis-à-vis de notre famille, de notre assemblée locale, de notre employeur, etc. Ceux qui croient au vrai Dieu savent qu’ils ont aussi des comptes à lui rendre. Il arrive parfois que nous ayons l’impression de pouvoir nous soustraire à nos responsabilités présentes à son égard, mais personne ne pourra fuir ses responsabilités ultimes, car nous devrons tous comparaître devant le tribunal de Christ. La doctrine du jugement nous oblige à réfléchir à un aspect de Dieu qui devrait influer sur notre conception de la vie présente. Il existe toutes sortes de théologiens. Du point de vue du monde, certains sont des ignorants; ils comprennent pourtant de nombreuses vérités concernant Dieu; d’autres
s’adonnent à l’étude, mais de façon non systématique. D’autres encore sont hautement qualifiés et leurs ouvrages très répandus. Il y a quelques théologiens professionnels, mais la plupart ne le sont pas. Ce livre est écrit pour la majorité: ceux qui ne sont pas des théologiens professionnels. Si j’avais écrit pour des spécialistes de la théologie, j’aurais procédé différemment dans bien des domaines. Je ne me serais pas efforcé de conserver un langage et des explications simples, car les spécialistes sont capables de comprendre un langage plus recherché et des explications plus techniques. Je ne me serais pas servi d’illustrations (certains ouvrages spécialisés feraient pourtant bien de les utiliser!). Je n’aurais pas limité les notes au strict minimum. Les spécialistes veulent s’assurer que l’auteur a lu tout ce qui existe sur ce sujet (mais qui peut le prétendre?). Ils veulent au moins la preuve, par l’abondance et la variété des notes, qu’il a beaucoup lu, notamment des ouvrages très récents. Je pense avoir démontré dans d’autres ouvrages que j’aurais été en mesure de le faire, mais dans celui-ci, j’ai volontairement décidé de limiter les notes de bas de page. Elles figurent chaque fois que j’ai jugé utile d’authentifier une déclaration que le lecteur pourrait estimer non fidèle, ou pour bien montrer que je ne recourais pas à un soutien usurpé. Mais ces notes mentionnent principalement des ouvrages ou des articles qui, d’après moi, apportent une contribution utile au débat sur le sujet concerné. Cela permet au lecteur d’approfondir l’étude s’il le désire. Si la théologie consiste à réfléchir sur la question de Dieu et à exprimer ces pensées, alors, pour juger de la valeur de cet ouvrage, demandez-vous si, d’une part, il reflète des idées justes à propos de Dieu et si, d’autre part, il les exprime avec exactitude, avec clarté et d’une manière qui change votre façon de penser et de vivre. Paul parle de «saine doctrine» (par exemple en 2 Timothée 4:3; Tite 1:9). Une saine doctrine ou une saine théologie doit normalement déboucher sur une manière de vivre sainte. Quand Paul priait pour les Eglises, il demandait à Dieu d’augmenter leur connaissance, car il savait que celle-ci produirait une vie sainte (par exemple Philippiens 1:9-11; Colossiens 1:9-10). Une saine théologie ne s’exprime pas seulement dans des confessions de foi, mais aussi dans les fruits que porte une vie; et une vie sainte se fonde sur une saine théologie. Vous et moi sommes, à titre personnel et individuel, responsables de la manière dont la théologie influence notre vie. L’étude de la théologie a pour objectif ultime de conformer notre vie à l’image de Christ. Mais, en fin de compte, aucun ouvrage ne peut faire cela. Seul Dieu en est capable, avec notre concours.
Section I Prolégomènes
1. Concepts et définitions Le terme «prolégomènes» qui intitule cette section désigne simplement des remarques préliminaires. Il donne à l’auteur l’occasion d’indiquer à ses lecteurs le plan général qu’il va suivre, son étendue et ses limites, ainsi que quelques-uns des postulats de son raisonnement et la méthode qu’il envisage d’appliquer. Les prolégomènes servent à orienter les lecteurs vers ce que l’auteur a en vue pour ce livre.
I. Le concept de théologie Le fait de présenter un livre comme un ouvrage de théologie indique d’emblée son contenu, son accent et ses limites. Le mot «théologie» se compose des mots theos, qui signifie Dieu, et logos, qui désigne une expression rationnelle. Il renvoie donc à l’interprétation rationnelle de la doctrine religieuse. La théologie chrétienne consiste à exprimer la foi chrétienne de façon rationnelle. Cette conception générale de la théologie implique au moins trois éléments: 1. La théologie est intelligible. L’esprit humain peut la saisir de façon ordonnée et rationnelle. 2. La théologie requiert une explication. Celle-ci fait appel à l’exégèse et à la systématisation. 3. La foi chrétienne ayant sa source dans la Bible, la théologie chrétienne consiste dans une étude fondée sur la Bible. La théologie est donc la découverte, la systématisation et la présentation des vérités relatives à Dieu.
II. Les catégories théologiques Il existe plusieurs façons de concevoir la théologie. 1. En fonction des époques: la théologie patristique, la théologie médiévale, la théologie de la Réforme, la théologie moderne, etc. 2. En fonction des points de vue: la théologie arminienne, la théologie calviniste, la théologie catholique, la théologie barthienne, la théologie de la libération, etc. 3. En fonction de l’accent: la théologie historique, la théologie biblique, la théologie systématique, la théologie apologétique, la théologie exégétique, etc. Certaines de ces distinctions sont très importantes pour celui qui étudie la théologie.
A. La théologie historique
La théologie historique se concentre sur ce que les personnes qui ont étudié la Bible ont pensé de ses enseignements, aussi bien d’un point de vue individuel que communautaire (comme dans les déclarations des conciles ecclésiastiques). Elle montre comment l’Eglise a formulé la vérité et dénoncé l’erreur, et guide le théologien dans sa propre compréhension et dans sa propre formulation de la doctrine. Celui qui étudie la Bible parviendra à une meilleure compréhension de la vérité s’il a connaissance des contributions et des erreurs survenues au cours de l’histoire de l’Eglise. Chaque fois que je le jugerai opportun, j’inclurai dans cet ouvrage un peu d’histoire de la doctrine.
B. La théologie biblique Bien que l’expression «théologie biblique» ait été utilisée de différentes façons, elle sert à préciser l’accent spécifique sur lequel porte l’étude de la théologie. Dans un sens non technique, elle peut désigner la théologie piétiste (par opposition à la théologie philosophique), la théologie fondée sur la Bible (par opposition à celle qui fait appel aux penseurs contemporains) ou la théologie exégétique (par opposition à la théologie spéculative). Certaines théologies bibliques actuelles, abordées dans une perspective libérale, entrent dans la catégorie de la théologie exégétique, bien que leur exégèse ne corresponde pas fidèlement à l’enseignement biblique. Les ouvrages publiés ne représentent souvent qu’un commentaire au fil du texte biblique envisagé sous un angle particulier, comme le royaume ou l’alliance de Dieu, dans le cas de la théologie biblique de l’Ancien Testament, ou en termes de catégories, comme les enseignements de Jésus, de Paul ou du christianisme primitif, dans le cas de la théologie biblique du Nouveau Testament. Dans un sens technique, la théologie biblique vise un objectif plus précis: elle aborde de façon systématique les progrès de la révélation de Dieu dans la Bible au cours de l’histoire. Cette définition entraîne quatre caractéristiques. 1. Les résultats de l’étude de la théologie biblique doivent être présentés sous une forme systématique. De ce point de vue, elle ne diffère pas des autres domaines de l’étude biblique et théologique. Le système ou schéma dans lequel sera présentée la théologie biblique ne fait pas forcément appel aux mêmes catégories que celles utilisées par la théologie systématique. Elle ne cherche ni à s’en servir ni à les éviter. 2. La théologie biblique prête attention au cadre historique dans lequel la révélation de Dieu s’est opérée. Elle s’intéresse à la vie des auteurs humains de la Bible, aux circonstances qui les ont poussés à écrire et au contexte historique des destinataires de leurs écrits. 3. La théologie biblique étudie la révélation au fur et à mesure qu’elle s’est faite. Elle reconnaît que la révélation ne s’est pas faite par un acte unique de Dieu, mais au
cours d’une série d’étapes successives mettant en scène une grande variété de gens. La Bible est le récit des progrès de la révélation; c’est précisément à cet aspect que la théologie biblique s’intéresse surtout. La théologie systématique, quant à elle, considère la révélation en tant que «tout» complet et définitif. 4. La théologie biblique puise son matériau dans la Bible. En fait, la théologie systématique orthodoxe le fait également. Cela ne signifie pas que la théologie biblique et la théologie systématique ne puisent pas de matériau ailleurs ou qu’elles ne puissent pas le faire. Mais la théologie ou la doctrine elle-même ne repose sur rien d’autre que sur la Bible.
C. La théologie systématique La théologie systématique rassemble les informations de la révélation biblique en un tout pour donner un portrait complet et systématique de la révélation que Dieu a donnée de luimême. La théologie systématique peut s’appuyer sur un travail historique, apologétique et exégétique, mais son objectif est de présenter l’architecture globale de la doctrine biblique. En résumé, la théologie est la découverte, la systématisation et la présentation des vérités relatives à Dieu. La théologie historique le fait en insistant sur ce que d’autres ont dit de ces vérités au cours des siècles. La théologie biblique le fait en étudiant la manière dont la vérité divine a été peu à peu révélée. La théologie systématique présente la révélation complète et achevée.
2. Quelques postulats I. Le postulat de base Consciemment ou non, chacun opère sur la base de certains postulats. L’athée qui déclare que Dieu n’existe pas doit croire cette présupposition de base. Ensuite seulement il porte sur le monde, l’humanité et l’avenir un regard différent de celui du théiste. L’agnostique n’affirme pas seulement qu’on ne peut pas connaître Dieu, mais il doit le croire, car c’est la base de son jugement sur le monde et la vie. S’il est possible de connaître le vrai Dieu, tout le système de l’agnostique s’écroule. Le théiste croit en l’existence de Dieu, et il avance des preuves en faveur de sa croyance, mais fondamentalement, il croit. Le trinitaire croit en la trinité divine. Il puise cette croyance dans la Bible. Il croit donc que la Bible est vraie. C’est le postulat fondamental. Si la Bible n’est pas vraie, le trinitaire est dans l’erreur, et Jésus-Christ n’est pas ce qu’il a affirmé être. Ni la nature ni le raisonnement humain ne peuvent nous enseigner quoi que ce soit au sujet de la Trinité ou de Christ. Et à moins de croire que notre source, à savoir la Bible, est précise dans ce qu’elle dit, nous ne pourrions être certains de ce qu’elle déclare à propos du Dieu trinitaire. C’est pourquoi la foi en la fiabilité et en la véracité de la Bible constitue le postulat fondamental. Nous y reviendrons quand nous aborderons la question de son inspiration et de son inerrance.
II. Les postulats interprétatifs Si la question du matériau de base est tellement primordiale, nous devons savoir comment l’aborder et l’utiliser. Une théologie juste repose sur une saine exégèse. Avant de procéder à la systématisation de la théologie, il faut entreprendre des études exégétiques, tout comme il faut confectionner des briques avant de construire un édifice.
A. La nécessité d’une interprétation normale et évidente Nous aborderons d’une façon plus détaillée la question de l’herméneutique dans la troisième section du livre, mais nous devons ici souligner l’importance d’une interprétation normale comme fondement d’une exégèse correcte. En se révélant lui-même à nous, Dieu désirait communiquer la vérité, et non la voiler. C’est pourquoi, en matière d’interprétation de la Bible, nous partons du principe qu’il faut utiliser les règles herméneutiques normales. Sachons que lorsque la Bible utilise des symboles, des paraboles, des types, etc., leur signification est liée à un sens littéral sous-jacent; leur interprétation doit toujours être soumise au concept selon lequel Dieu communique de façon normale, claire et littérale. Si
on ne tient pas compte de ce principe, on risque de procéder à une exégèse aussi confuse que celle des commentateurs patristiques et médiévaux.
B. La priorité du Nouveau Testament Toute l’Ecriture est inspirée et utile, mais le Nouveau Testament occupe une place de choix comme source de la doctrine. La révélation vétérotestamentaire était préparatoire et partielle, la révélation néotestamentaire est aboutie et complète. La doctrine de la Trinité, par exemple, bien qu’implicite dans l’Ancien Testament, ne fut pleinement révélée que dans le Nouveau. Pensons encore à la différence entre les enseignements de l’Ancien Testament concernant l’expiation, la justification et la résurrection et ceux du Nouveau Testament. Cela n’atténue en rien ce que l’Ancien Testament enseigne et ne donne nullement à penser qu’il était moins inspiré; cela revient simplement à reconnaître que, dans le déroulement progressif de la révélation de Dieu, l’Ancien Testament occupe une place antérieure du point de vue chronologique, préparatoire et incomplète du point de vue théologique. La théologie de l’Ancien Testament a sa place, mais cette théologie est incomplète sans la contribution de la vérité néotestamentaire.
C. La légitimité des textes probants Les libéraux et les barthiens ont souvent reproché aux conservateurs leur utilisation de textes en guise de preuves pour appuyer leurs conclusions. Pourquoi leur en veulent-ils? Parce que la mention de textes probants aboutit à des conclusions conservatrices et non libérales. Ils accusent cette méthode d’être illégitime et de manquer d’érudition, mais elle n’est certainement pas plus illégitime que la mention de notes de bas de page dans un ouvrage d’érudition! Certes, il faut utiliser les textes probants de façon intelligente, tout comme les notes de bas de page d’ailleurs. Il faut les laisser dire ce qu’ils signifient vraiment et ne pas les sortir de leur contexte; il ne faut pas citer des textes de façon partielle si leur citation intégrale donne un autre sens; enfin, il faut se garder de forcer le sens des textes preuves de l’Ancien Testament pour y lire des vérités qui n’ont été révélées qu’ultérieurement, dans le Nouveau Testament.
III. Les postulats de la systématisation A. La nécessité d’un système Ce qui différencie l’exégèse de la théologie, c’est le système. L’exégèse analyse; la théologie relie les résultats de l’analyse. L’exégèse rassemble les significations des textes; la théologie les relie. L’exégète s’efforce de présenter la signification de la vérité, le
théologien son système. La théologie, qu’elle soit biblique ou systématique, a pour but de présenter les enseignements correspondants sous la forme d’un système.
B. Les limitations d’un système théologique En un mot, les limites d’un système théologique devraient coïncider avec celles de la révélation biblique. Dans le souci de présenter un système complet, des théologiens sont souvent tentés de combler le manque de preuves bibliques par une logique ou des déductions que rien ne justifie. La logique et les déductions ont certes une juste place: la révélation de Dieu est ordonnée et rationnelle, c’est pourquoi la logique a toute sa valeur dans l’investigation scientifique de cette révélation. Quand les mots sont assemblés en phrases, celles-ci ont des conséquences que le théologien doit s’efforcer de comprendre. Mais quand le théologien utilise la logique pour inventer une vérité, alors il est coupable de donner à son système une place qui outrepasse les limites de la vérité biblique. Il est parfois motivé par le désir de répondre à des questions sur lesquelles la Bible est muette. Dans ces cas-là (et ils sont nombreux et cruciaux dans la Bible), il vaut mieux se taire plutôt que de faire appel à une logique subtile, à des implications presque imperceptibles ou à des sentiments illusoires. Citons à titre d’exemple de sujets délicats les rapports entre la souveraineté divine et la responsabilité humaine, l’étendue de l’expiation et le sort des enfants qui meurent en bas âge.
IV. Les postulats personnels On peut raisonnablement s’attendre à ce que celui qui étudie la théologie adopte certains postulats.
A. Il doit croire Certes, les non-croyants peuvent étudier la théologie et publier des ouvrages de théologie, mais le croyant possède une perception et une vision de la vérité divine qui font défaut à tout non-croyant: c’est l’Esprit de Dieu qui révèle les choses profondes concernant Dieu; or l’incroyant n’a pas l’Esprit saint (1 Corinthiens 2:10-16). Les croyants doivent aussi s’appuyer sur la foi, car certains aspects de la révélation divine échappent à notre esprit limité.
B. Il doit réfléchir Le croyant doit raisonner en théologien; il doit cultiver un raisonnement exégétique (comprendre le sens exact), systématique (associer minutieusement les faits), critique
(évaluer les priorités dans les preuves avancées) et synthétique (regrouper et présenter l’enseignement comme un tout). La théologie et l’exégèse doivent toujours réagir l’une par rapport à l’autre. L’exégèse n’apporte pas toutes les réponses, et quand elle propose plus d’une solution valable, la théologie choisira celle qui est préférable. Certains passages pourraient, ou non, être cités en faveur de la sécurité éternelle du croyant. C’est le système théologique choisi qui tranchera. Mais aucun système théologique ne doit être rigide au point de refuser toute modification ou tout perfectionnement qu’entraînerait une exégèse plus pointue.
C. Il doit dépendre de Dieu L’intelligence ne suffit pas pour faire un théologien. La foi dans la réalité du ministère d’enseignement du Saint-Esprit est un facteur qui encourage l’étude de la théologie (Jean 16:12-15). Le programme de l’Esprit englobe toute la vérité, mais il se focalise surtout sur la révélation de la personne de Christ, telle qu’elle est contenue dans les Ecritures. Cette étude requiert une attitude consciente de dépendance de l’Esprit qui se reflète dans l’humilité intellectuelle et l’étude diligente de ce que l’Esprit a enseigné aux autres tout au long de l’histoire. L’étude inductive de la Bible est certes bienfaisante, mais ne pratiquer que cet outil d’étude, c’est ne pas tenir compte des résultats du travail des autres, et le pratiquer toujours peut aboutir à la répétition inefficace de ce que les autres ont déjà fait.
D. Il doit adorer L’étude de la théologie ne se limite pas à un simple exercice intellectuel, même si elle l’est aussi. C’est une expérience qui transforme, convainc, élargit la vision, stimule et aboutit à une révérence plus profonde pour Dieu. Adorer, c’est reconnaître la valeur de celui auquel on rend un culte. Comment un être mortel pourrait-il se lancer dans l’étude de Dieu sans gagner en prise de conscience de la majesté divine?
3. La question de l’autorité La question de l’autorité est fondamentale dans l’étude de la théologie. Tous ceux qui se situent à l’intérieur du concept large de théologie «chrétienne» admettent sans doute l’autorité de Dieu comme norme suprême de la vérité. Mais la manière dont cette autorité est conçue et exprimée diffère beaucoup à l’intérieur du christianisme.
I. L’autorité dans le libéralisme Le subjectivisme est la caractéristique du libéralisme, même si le centre de ce subjectivisme varie selon les individus. Quelqu’un a ainsi pu déclarer: «La Parole de Dieu inclut ‘tout acte de Dieu qui établit une communication entre Dieu et l’homme’.»1 Cette communication s’opère par la raison, les sentiments ou la conscience de l’homme.
A. La raison La raison a toujours occupé une place prépondérante dans la pensée libérale. C’est évidemment dans la sphère de la raison que s’élaborent les concepts qui servent de base pour la communication entre des personnes. La raison est le canal nécessaire pour délivrer et recevoir la vérité, et les évangéliques l’admettent. Mais le libéralisme a certainement érigé la raison humaine en juge de la vérité, et souvent même en créatrice de la vérité. La raison devient autonome, n’est soumise à aucune autorité supérieure ou extérieure, mais elle est aussi sérieusement limitée par sa finitude et sa faillibilité.
B. Les sentiments En réaction au rationalisme, Schleiermacher (1768-1834) développa sa théologie du sentiment. Il mit l’accent sur l’analyse de l’expérience religieuse et fonda la religion sur le sentiment de dépendance ou la conscience subjective. Sa théologie devint de l’anthropologie et de la psychologie. C’est pour cela que Karl Barth considérait Schleiermacher comme le champion du libéralisme religieux.
C. La conscience Cette forme de libéralisme met en avant la conscience comme siège de l’autorité. Notre connaissance est peu fiable et limitée; ce sont donc les instincts moraux fondamentaux de l’âme humaine qui sont le fondement de l’autorité. Emmanuel Kant (1724-1804) fut le chef de file de ce courant de pensée. Chez lui aussi, la théologie est devenue de l’anthropologie. Dans toutes les formes de libéralisme, la nature humaine est, sous un aspect ou un autre, la source de la vérité religieuse. La Bible est alors considérée comme le fruit de
raisonnements humains et comme contenant les pensées de l’homme à propos de Dieu, de lui-même et du monde. Elle relate le développement historique des expériences et des croyances religieuses humaines et n’est pas, contrairement à ce que les conservateurs croient, le compte rendu d’un message émanant d’un Dieu transcendant qui a fait irruption dans le cours de l’histoire.
II. L’autorité dans la néo-orthodoxie On a classé la néo-orthodoxie tantôt dans le libéralisme, tantôt dans le conservatisme. La raison de cette hésitation réside dans le fait que la néo-orthodoxie a rompu avec le libéralisme en affirmant que c’est Dieu, et non l’homme, qui prend l’initiative de la révélation (ce qui la fait paraître conservatrice), mais que, par ailleurs, elle continue de propager des vues libérales au sujet de la Bible (ce qui la fait paraître libérale). Dans la néo-orthodoxie, du moins dans l’expression qu’en donnait Karl Barth (1886-1968), la Parole est le fondement de l’autorité. Toutefois, la Parole, c’est principalement Christ. La Bible rend témoignage à la Parole, mais elle le fait de façon faillible; quant à la proclamation chrétienne, elle est une parole concernant la Parole. Le Dieu souverain a pris l’initiative de se révéler, et ce principalement dans la révélation de Christ. Les années de vie terrestre de Jésus résument la révélation, et sa mort en marque l’apogée. La Bible témoigne de la révélation de Dieu, bien qu’elle soit interprétée selon toutes les règles du libéralisme: elle n’a pas l’autorité absolue, mais seulement une autorité instrumentale, puisqu’elle sert d’instrument faillible pour nous amener à rencontrer Christ, la Parole. Et c’est au point critique dans cette rencontre de la foi que Dieu se communique. Là se trouve la vérité absolue. Bien que la néo-orthodoxie prône l’objectivité dans l’initiative souveraine de Dieu, elle pratique le subjectivisme dans les expériences que constituent les rencontres par la foi. Même si la Bible intervient dans ces expériences, il ne lui est pas permis d’en être le juge suprême. La néo-orthodoxie est dépourvue d’une autorité normative objective et extérieure.
III. L’autorité dans le conservatisme Dans le conservatisme, le fondement de l’autorité est extérieur à l’homme et objectif.
A. Le catholicisme conservateur Dans le catholicisme romain, l’autorité suprême réside dans l’Eglise elle-même. Certes, l’Eglise croit ce que la Bible dit, mais c’est elle qui l’interprète. En outre, à côté de la Bible, les traditions ecclésiastiques sont elles aussi source de révélation divine. Les conciles œcuméniques et les papes ont parfois fait des déclarations qui sont considérées comme
infaillibles et qui s’imposent à tous les membres de l’Eglise. L’Eglise d’Orient adopte la même attitude quant à l’autorité suprême: elle la trouve dans la tradition, dans l’Eglise elle-même et dans la Bible. Même s’ils rejettent l’autorité de la tradition, les évangéliques doivent reconnaître que, contrairement à l’enseignement des libéraux, le catholicisme ne fonde pas l’autorité sur l’homme.
B. Le protestantisme conservateur L’adjectif «conservateur» indique le rejet des bases humanistes et subjectives du libéralisme comme fondement de l’autorité, le terme «protestantisme» le rejet de l’Eglise comme base de l’autorité. On pourrait donc affirmer que «l’orthodoxie est la branche de la chrétienté qui fait de la Bible le seul fondement de l’autorité religieuse»2. Les Ecritures contiennent la révélation objective de Dieu et constituent donc le roc de l’autorité pour le protestant conservateur. Pour bien comprendre la révélation de Dieu dans la Bible, il lui faut avoir recours au travail rationnel d’un esprit régénéré, exercer la foi dans les domaines non révélés ou incompris, dépendre du ministère d’enseignement du Saint-Esprit, posséder une conscience pure devant Dieu et avoir un aperçu des leçons de l’histoire. Il arrive que, dans la pratique et contrairement à leur position théorique, certains conservateurs nient à la Bible son rôle de seule autorité. 1. Dans les faits, certaines traditions ou dénominations accordent à leur confession de foi une autorité égale à celle de la Bible. Or, si les confessions de foi peuvent donner des formulations exactes et utiles de la vérité, elles ne peuvent jamais avoir l’autorité pour juger la vérité; il faut donc toujours les reconnaître comme faillibles, susceptibles d’être révisées et soumises à l’autorité de la Bible. 2. Dans les faits, certains milieux accordent à la tradition et aux pratiques admises une autorité conjointe à celle de la Bible. Or, si l’Eglise a le devoir de donner des directives qui font autorité à ses membres (Hébreux 13:7, 17), celles-ci sont faillibles, et elles doivent être périodiquement révisées et toujours soumises à l’autorité de la Bible. 3. Dans les faits, certains mouvements conservateurs confèrent l’autorité suprême à l’expérience religieuse. Or, si une saine expérience est le fruit de la soumission à l’autorité biblique, toutes les expériences doivent être guidées, contrôlées et protégées par la Bible. Rendre l’expérience normative et la revêtir de l’autorité suprême, c’est commettre la même erreur que le libéralisme en remplaçant un critère objectif par l’existentialisme subjectif. Examinez le tableau qui suit. Chaque fois qu’on attribue des compléments à l’autorité objective, qu’on la compromet ou qu’on l’abandonne, le théisme est affaibli ou supprimé.
1 L. Harold DeWolf, The Case for Theology in Liberal Perspective, Philadelphie, Westminster, 1959, p. 17. 2 Edward John Carnell, The Case for Orthodox Theology, Philadelphie, Westminster, 1969, p. 13.
Section II Le Dieu vivant et vrai
4. La connaissance de Dieu I. La possibilité de connaître Dieu La connaissance de Dieu est indiscutablement désirable; les aspirations religieuses de l’humanité le prouvent. Mais est-elle possible? Les Ecritures affirment deux faits: Dieu est incompréhensible tout en étant connaissable. A cause de l’incompréhensibilité de Dieu, l’esprit humain ne peut le connaître. Mais dire qu’il est connaissable, c’est déclarer qu’il peut être connu. Les deux affirmations sont vraies, mais aucune dans un sens absolu. Dire que Dieu est incompréhensible, c’est reconnaître que l’homme ne peut pas tout connaître de lui; dire qu’il est connaissable, ce n’est pas affirmer que l’homme pourrait tout connaître de lui. Les Ecritures énoncent les deux vérités. Des passages comme Job 11:7 et Esaïe 40:18 évoquent son incompréhensibilité; des passages comme Jean 14:7; 17:3 et 1 Jean 5:20 affirment qu’il est connaissable.
II. Les caractéristiques de la connaissance de Dieu La connaissance de Dieu se caractérise par sa source, son contenu, son caractère progressif et ses buts.
A. Sa source Dieu est lui-même la source de la connaissance que nous avons de lui. Certes, toute vérité est la vérité de Dieu. Mais il convient de formuler et d’utiliser ce cliché avec plus de soin qu’on ne le fait généralement: seule la véritable vérité vient de Dieu, car depuis que le péché est entré dans le cours de l’histoire, l’homme a créé ce qu’il appelle «vérité» mais qui ne l’est pas. De plus, il a faussé, émoussé, dilué et corrompu ce qui était originellement l’authentique vérité venue de Dieu. Aujourd’hui, pour nous, la Parole écrite de Dieu est la seule règle infaillible permettant de connaître la vérité. En effet, bien qu’elle révèle certains attributs de Dieu, la nature est limitée, et l’esprit humain peut mal l’interpréter. Quoique brillant dans certaines de ses réalisations, il souffre de limitations et d’obscurcissement. Quant aux expériences humaines, même religieuses, elles manquent de fiabilité pour être des sources de véritable connaissance de Dieu, à moins d’être conformes à la Parole de Dieu. Il va de soi que la connaissance de la vraie religion doit venir de Dieu. Au cours de la
dispensation passée, le judaïsme était la vraie religion révélée par Dieu. Aujourd’hui, il ne l’est plus; seul le christianisme peut revendiquer ce statut. C’est Christ et les apôtres qui ont apporté la véritable connaissance du christianisme. L’un des buts de l’incarnation du Seigneur était de révéler Dieu (Jean 1:18; 14:7). La promesse de la venue de l’Esprit après l’ascension de Christ comportait celle d’une révélation supplémentaire concernant le Fils et le Père (Jean 16:13-15; Actes 1:8). Le Saint-Esprit éclaire les Ecritures au croyant pour qu’il puisse mieux connaître Dieu.
B. Son contenu Connaître vraiment Dieu, c’est connaître les faits le concernant et connaître sa personne. Si l’on a connaissance de faits sur quelqu’un sans connaître cette personne, on a un savoir limité; si l’on connaît quelqu’un sans connaître les faits qui le concernent, on a un savoir superficiel. Dieu a révélé de nombreux faits le concernant, et tous sont importants pour rendre notre communion personnelle avec lui intime, intelligente et utile. S’il avait révélé des faits à son sujet sans que nous puissions le connaître personnellement, cette connaissance factuelle aurait une utilité moindre et certainement pas éternelle. Le phénomène est identique à celui des relations humaines: on ne peut commencer à tisser une relation entre le divin et l’humain sans connaître un minimum de vérités relatives à la personne divine. La relation personnelle ainsi tissée suscite ensuite le désir de connaître davantage de faits; à son tour, cette connaissance factuelle approfondit la relation, et ainsi de suite. Tous ceux qui étudient la théologie devraient faire cette expérience en boucle, dans laquelle une certaine connaissance de Dieu approfondit notre relation avec lui, laquelle, à son tour, accroît notre désir d’en savoir plus sur son compte.
C. Son caractère progressif Dieu a fait connaître sa personne et ses œuvres de façon progressive tout au long de l’histoire. Pour en avoir une preuve évidente, il suffit de comparer la théologie juive incomplète avec la révélation plus complète qu’offre la théologie chrétienne sur des sujets comme la Trinité, la christologie, le Saint-Esprit, la résurrection et l’eschatologie, pour n’en citer que quelques-uns. La théologie biblique a pour tâche de souligner ce caractère progressif.
D. Ses buts 1. Amener les humains à posséder la vie éternelle (Jean 17:3; 1 Timothée 2:4). 2. Stimuler la croissance chrétienne (2 Pierre 3:18) grâce à une connaissance doctrinale accrue (Jean 7:17; Romains 6:9, 16; Ephésiens 1:18) et à un meilleur discernement dans la vie (Philippiens 1:9-10; 2 Pierre 1:5).
3. Avertir du jugement à venir (Osée 4:6; Hébreux 10:26-27). 4. Favoriser le culte rendu à Dieu (Romains 11:33-36).
III. Préalables à la connaissance de Dieu A. Dieu a pris l’initiative de se révéler La connaissance de Dieu diffère de toutes les autres connaissances, car l’homme ne peut connaître Dieu que dans la mesure où celui-ci le lui révèle. Si Dieu n’avait pas pris l’initiative de se révéler, l’homme n’aurait aucun moyen de le connaître. C’est pourquoi l’homme doit se placer en dessous de Dieu, qui est l’objet de sa connaissance. Dans les autres domaines de l’érudition, l’être humain se place souvent au-dessus de l’objet de ses investigations; il ne peut le faire dans son étude de Dieu.
B. Dieu a donné le langage pour communiquer Un élément essentiel de la révélation divine consiste certainement dans la fourniture de moyens de communiquer ladite révélation. Pour transmettre le récit de la révélation personnelle de Dieu en Christ, il fallait nécessairement disposer de moyens pour consigner et transmettre ce récit. Dieu a donc inventé le langage. Il l’a créé et l’a ensuite donné au premier homme et à la première femme pour pouvoir leur communiquer ses instructions (Genèse 1:28-30) et pour qu’eux-mêmes puissent communiquer avec lui (Genèse 3:8-13). Le langage jouait apparemment aussi un rôle dans l’assujettissement de la création non déchue à l’homme et dans le don des noms aux animaux. Même après la division du langage initial en de nombreuses langues à Babel, les langues servirent de moyen de communication à tous les niveaux. Soyons assurés que le Dieu omniscient a veillé à ce que les langues soient à même de communiquer sa révélation aux hommes.
C. Dieu a créé l’homme à son image Lorsque Dieu a créé l’homme à son image et selon sa ressemblance, il a fait un être rationnel doté d’intelligence, comme lui-même. Certes, l’intelligence humaine ne se compare pas à l’intelligence divine, mais c’est une intelligence réelle et non fictive. Les hommes ont donc la capacité de comprendre le sens des mots ainsi que l’enchaînement logique des phrases et des paragraphes. Le péché a supprimé la garantie d’une compréhension toujours fiable, mais il n’a pas supprimé la faculté humaine de comprendre.
D. Dieu a donné le Saint-Esprit Dieu a donné son Saint-Esprit aux croyants pour leur révéler les choses de Dieu (Jean 16:13-15; 1 Corinthiens 2:10). Ce privilège ne rend pas le croyant infaillible, mais il lui
confère la faculté de distinguer la vérité de l’erreur (1 Jean 2:27). Ces différentes actions de Dieu nous permettent d’avoir accès aux nombreux commandements de l’Ecriture qui nous invitent à le connaître, et d’y obéir (Romains 6:16; 1 Corinthiens 3:16; 5:6; 6:19; Jacques 4:4).
5. La révélation de Dieu D’un point de vue historique, les deux voies que Dieu a empruntées pour se révéler ont été la révélation générale et la révélation spéciale. La première inclut tout ce que Dieu a révélé dans le monde qui nous entoure, y compris l’homme, alors que la seconde inclut les différents moyens qu’il a utilisés pour communiquer son message dans ce qui a été codifié dans la Bible. On appelle parfois la révélation générale «théologie naturelle», et la révélation spéciale «théologie révélée». Bien sûr, ce qui est révélé dans la nature l’est aussi dans la théologie. Certains auteurs qualifient la révélation générale de «prélapsarienne» et la révélation spéciale de «postlapsarienne» ou de «sotérique»3. Quoi qu’il en soit, la révélation générale et la révélation spéciale ont toutes deux Dieu pour origine et pour objet. Dans ce chapitre, nous aborderons surtout la révélation générale, et nous reviendrons dans la section III sur d’autres aspects de la doctrine de la révélation. La révélation générale avance des preuves de l’existence de Dieu; la révélation spéciale, elle, présuppose son existence.
I. Caractéristiques de la révélation générale Comme son nom l’indique, il s’agit d’une révélation «générale». Elle l’est dans son étendue, c’est-à-dire qu’elle s’étend à tous les êtres humains (Matthieu 5:45; Actes 14:17). Elle l’est du point de vue géographique, car elle s’applique à la terre entière (Psaume 19:3). Elle est aussi générale du point de vue méthodologique, puisqu’elle se sert de moyens universels, comme la chaleur du soleil (Psaume 19:5-7) et la conscience humaine (Romains 2:14-15). Du simple fait qu’elle atteint tous les hommes partout où ils se trouvent et à toutes les époques où ils vivent, elle peut apporter lumière et vérité à tous, ou condamnation si elle est rejetée.
II. Les canaux de la révélation générale La révélation générale parvient aux hommes de plusieurs façons.
A. A travers la création 1. Argument. Pour l’exprimer de façon simple, l’argument cosmologique en faveur de l’existence de Dieu souligne que l’univers qui nous entoure est un effet qui nécessite une cause adéquate. 2. Présupposés. Ce type de raisonnement suppose trois postulats de base: (a) tout effet a une cause; (b) l’effet dépend de la cause pour son existence; (c) la nature ne peut se créer
elle-même. 3. Développement. Ce qui existe actuellement (le cosmos) vient soit du néant, soit d’une réalité éternelle. Dans le dernier cas, cette réalité éternelle pourrait être le cosmos luimême, le hasard comme principe éternel ou Dieu comme être éternel. Dire que le cosmos vient de rien signifie qu’il s’est créé lui-même. C’est une contradiction logique; en effet, pour qu’une chose se crée elle-même, il faudrait qu’elle soit à la fois existante et non existante. En outre, l’autocréation n’a jamais été démontrée ni observée scientifiquement. Il existe une variante de cette théorie qui défend l’éternité de la matière; c’est la théorie dite de l’état constant, qui affirme que la matière est constamment produite près du centre de l’univers et détruite en quantité égale sur le périmètre extérieur de l’espace. Mais cette thèse ne repose sur aucune preuve; si elle était vraie, elle contredirait la loi de la conservation de la masse et de l’énergie. Peut-on appliquer la relation de cause à effet à Dieu? N’est-il pas un effet qui exige une cause? Non, car Dieu n’est pas un effet (un effet étant par définition quelque chose qui nécessite une cause), du fait qu’il est éternel. Si le cosmos ne s’est pas engendré lui-même, il a bien fallu que quelque chose d’éternel soit la cause de son existence. Une première option consiste à penser que le processus cosmique lui-même est éternel. Mais c’est un point de vue que très peu de gens défendent; la plupart admettent que l’univers a eu un commencement, même si celui-ci remonte à la nuit des temps. Une deuxième explication consiste à supposer l’existence d’un principe éternel de hasard, ou d’une intelligence aveugle. Ce point de vue exige une grande dose de foi. En effet, on peut démontrer mathématiquement que le hasard est incapable de produire ce que nous observons aujourd’hui dans l’univers. Et quand bien même le hasard aurait produit des molécules et des atomes, c’est-à-dire le matériau de l’univers, un principe non vivant pourrait-il aussi être à l’origine de l’âme et de l’esprit de la vie humaine? La troisième option est l’explication théiste: Dieu est l’être éternel qui est la cause du cosmos. Cela ne signifie pas que l’univers révèle tous les détails de la nature de cet être éternel, mais qu’un être vivant, puissant et intelligent est la cause première de l’univers. Il est vivant, car la non-vie ne peut produire la vie; puissant, à cause de la nature même de ce qui a été formé; intelligent, compte tenu de l’ordre et de l’agencement du cosmos, qui ne peuvent être le fruit du hasard. 4. Message de l’Ecriture. Deux passages clés de l’Ecriture montrent que la création est un canal de révélation. a. Psaume 19:2-7. Dans ce Psaume, David parle premièrement de la continuité de la
révélation par le moyen de la création (Psaume 19:2-3). Les verbes évoquent une action continue, indiquant que les cieux, l’étendue, le jour et la nuit célèbrent continuellement la gloire de Dieu. Deuxièmement, le psalmiste présente l’univers, les cieux et la terre comme le centre ou l’arène de la révélation (Psaume 19:5). Troisièmement, la nature de cette révélation est claire, bien que non verbale (Psaume 19:4). Quatrièmement, cette révélation s’étend partout et à chacun (Psaume 19:5-7). Elle couvre la terre entière, et tout être humain peut la connaître. La plupart des gens peuvent voir le lever et le coucher du soleil; même les aveugles peuvent sentir sa chaleur (Psaume 19:7). Cette révélation devrait pousser les gens à se poser des questions: D’où vient cette chaleur? Qui a fait le soleil? Cinquièmement, le contenu de cette révélation est double: elle renseigne sur la gloire de Dieu et sur sa grandeur. b. Romains 1:18-32. Ce passage clé insiste sur la révélation de la colère de Dieu du fait que l’humanité a rejeté ce qu’elle aurait pu connaître de lui par le canal de la création. 1. La révélation de la colère divine (Romains 1:18). Dieu manifeste sa colère contre tous ceux qui éliminent la vérité et font preuve d’impiété. Les versets (Romains 1:24-32) montrent comment cette colère se révèle. 2. Les raisons de la colère divine (Romains 1:19-23). Dieu a une double raison d’être en colère: alors qu’on peut connaître quelque chose de lui, au lieu d’accepter cette vérité, les hommes ont rejeté la révélation et l’ont même pervertie. «Ses ouvrages» (Romains 1:20), c’est-à-dire le cosmos, révèlent clairement (depuis le commencement de la création) le pouvoir et la divinité de Dieu. En d’autres termes, en observant l’univers, l’humanité tout entière devrait savoir qu’un être suprême existe. Elle a préféré nier cette vérité et se fabriquer des idoles qu’elle peut dominer. 3. Les résultats de la colère divine (Romains 1:24-32). Comme l’homme a rejeté la révélation générale, Dieu l’a «livré» à lui-même (Romains 1:24, 26, 28). Certains pensent qu’il s’agit d’un abandon permissif de la race humaine pour qu’elle subisse les conséquences rétributives de son péché. Mais aux versets (Romains 1:24, 26, 28), le verbe est à la voix active. D’autres interprètent le verbe dans un sens privatif: Dieu aurait privé l’homme de l’œuvre de la grâce commune. Pour d’autres encore, le verbe désigne un acte positif et judiciaire de Dieu qui livre les hommes au jugement. Cette interprétation inclut le sens privatif précédent, mais elle va plus loin que le point de vue permissif: elle maintient la responsabilité des hommes quant à leurs actions coupables (Ephésiens 4:19 utilise le même verbe). L’être humain est condamné à juste titre parce qu’il n’a pas accepté ce que Dieu lui dit de lui-même par le moyen de la création. Norman Geisler4 a reformulé l’argument cosmologique de la façon suivante: a. Des êtres limités et changeants existent. Seul un être existant pourrait le nier. Une telle
logique est autodestructrice. b. L’existence actuelle de tout être limité changeant est causée par un autre. La possibilité d’exister ne peut découler que d’une existence antérieure. c. On ne peut remonter à l’infini dans les causes d’existence. d. L’existence présente de ces êtres remonte donc à une cause première. e. Cette cause première doit être infinie, nécessaire, éternelle, simple, immuable et unique. f. En comparant l’être qui correspond à la description de cette logique avec le Dieu des Ecritures, nous concluons qu’ils sont identiques. L’argument cosmologique
B. A travers l’agencement du monde 1. Argument. Le but, l’ordre et la conception qu’on observe dans le monde présupposent un concepteur. La présentation la plus populaire de cet argument dit téléologique parut dans William Paley’s Natural Theology (1802), avec son illustration de l’horloge qui suppose un horloger. De façon similaire, l’agencement du monde exige l’intervention d’un architecte. 2. Développement. Pour être efficace, l’argument téléologique doit s’appuyer sur les grands phénomènes de l’ordre créé plutôt que sur les détails. Pour reprendre une des illustrations de J. Oliver Buswell, le fait qu’il n’existe pas deux flocons de neige identiques est un argument moins probant en faveur d’un projet et d’un concept divins du monde que la place qu’occupe la neige dans le cycle des saisons et dans la constitution de réserves d’eau pour la terre5. Il faut aussi reconnaître que certaines caractéristiques de la nature ne nous disent plus rien, souvent à cause des conséquences du mal. Mais le tableau d’ensemble évoque l’ordre et le génie. Le hasard n’aurait jamais pu aboutir à une organisation aussi poussée que celle observée dans le monde. 3. Message de l’Ecriture. Le Psaume 19:3 affirme que le monde prouve l’intelligence du Créateur. Lorsque les habitants de Lystre, persuadés que Paul et Barnabas étaient des dieux, s’apprêtèrent à leur offrir des sacrifices, l’apôtre parvint péniblement à les en dissuader en se servant de cet argument téléologique en faveur de l’existence du vrai Dieu (Actes 14:15-18). Pour procurer aux êtres humains de la nourriture et remplir leur cœur de joie, il faut des saisons et de la pluie. Pour Paul, la régularité du cycle des saisons et le don de la pluie témoignent de l’existence du Dieu vivant et vrai.
C. A travers l’homme 1. Argument. Comment l’homme, qui est un être moral, intelligent et vivant, pourrait-il s’expliquer autrement que par l’existence d’un Dieu moral, intelligent et vivant? 2. Développement. Cet argument appelé anthropologique en faveur de l’existence de Dieu est souvent subdivisé. Ainsi, Buswell, par exemple, sépare l’argument anthropologique (Dieu créant l’homme à son image) de l’argument moral (d’où viennent les notions de bien et de mal?)6. Quant à Dale Moody, il subdivise cet argument fondamental en quatre: l’argument moral, la présence de l’intelligence, le moi total (c’est-à-dire l’âme) et la conscience religieuse7. Il me semble personnellement que ces divisions ne représentent que différents aspects de l’argument anthropologique de base, puisqu’elles tournent toutes autour de l’homme. Quelle que soit la facette de l’être humain ou de son expérience qui est mise en avant – que ce soit sa moralité, son intelligence, ses émotions ou son sentiment religieux – il s’agit toujours d’un aspect de l’homme et, à ce titre, elle entre dans le cadre de l’argument anthropologique. Toutes les facettes de l’homme, prises en particulier ou dans leur ensemble, exigent une explication quant à leur origine. Elles militent en faveur de l’existence d’un être moral, intelligent et vivant, capable de créer l’homme. Des forces matérielles, inanimées et inconscientes peuvent difficilement donner naissance à l’homme. L’évolution ne peut produire l’âme, la conscience ou les instincts religieux. Des idoles inertes n’engendrent pas une descendance vivante. 3. Message de l’Ecriture. Le Psaume 94:9 interroge: «Celui qui a planté l’oreille n’entendrait-il pas? Celui qui a formé l’œil ne verrait-il pas?» Autrement dit, une créature vivante et intelligente présuppose un créateur vivant et intelligent. Dans son discours à l’Aréopage, Paul tint un raisonnement semblable. Si nous sommes les descendants de Dieu, dit-il, alors Dieu ne peut pas ressembler à une idole en or ou en argent que sa descendance aurait façonnée (Actes 17:28-29). Comme sa progéniture, il doit être vivant et intelligent.
D. A travers la notion d’être Anselme, Descartes et d’autres ont présenté différentes formes de l’argument ontologique (le raisonnement qui s’appuie sur l’étude de l’être); certains l’ont accepté (Hegel), d’autres l’ont rejeté (Kant). 1. Argument. Le raisonnement est le suivant: (a) nous avons l’idée d’un être absolument parfait; (b) cette idée inclut forcément son existence, car un être qui serait parfait en tout, mais qui n’existerait pas, ne serait pas aussi parfait qu’un être existant; (c) par conséquent,
puisque la notion d’existence est incluse dans l’idée d’un être absolument parfait, celui-ci doit nécessairement exister. 2. Discussion. Si cet argument est déductif, il comporte aussi un aspect inductif. D’où vient l’idée de Dieu? Les idées qui traversent l’esprit des gens ne correspondent pas toutes à une réalité ontologique. Mais les idées ont des causes et doivent leur être rattachées. L’idée d’une «fée des dents» existe, mais cette existence ne prouve pas sa réalité. On peut néanmoins prendre en compte l’idée. De même, l’idée de Dieu existe. Comment l’expliquer? Tel est l’aspect déductif du raisonnement. L’important est que cette idée est inexplicable par des données non théistes.
III. Le contenu de la révélation générale Les passages bibliques adéquats nous révèlent de façon sûre ce que nous pouvons apprendre de la révélation générale. Cela ne veut pas dire que n’importe qui comprendra toutes ces vérités, ni même une seule d’entre elles. Toutefois, ce sont celles que Dieu a communiquées à son sujet par les différents canaux de la révélation générale. 1. Sa gloire (Psaume 19:2) 2. Son pouvoir de créer l’univers (Psaume 19:2). 3. Sa suprématie (Romains 1:20). 4. Sa nature divine (Romains 1:20). 5. Son contrôle providentiel sur la nature (Actes 14:17). 6. Sa bonté (Matthieu 5:45). 7. Son intelligence (Actes 17:29). 8. Son existence vivante (Actes 17:28).
IV. La valeur de la révélation générale En cherchant à déterminer la valeur de la révélation générale, on court le risque soit de la surestimer, soit de la sous-estimer. Certains donnent l’impression que ce qu’elle révèle prouve l’existence du vrai Dieu de la Bible. C’est, semble-t-il, surestimer sa valeur. D’autres ne lui reconnaissent aucune valeur, ce qui est faux puisque la Bible utilise les résultats de la révélation générale. Quelle est donc sa juste valeur?
A. Manifester la grâce de Dieu Le fait que Dieu n’a pas retiré sa grâce après la première rébellion ni après aucune de celles qui l’ont suivie est déjà une grâce en soi. Le fait qu’il n’a pas cessé de communiquer avec l’humanité après que les humains se sont détournés de lui n’est pas un mince prodige.
En continuant de fournir aux hommes les moyens de le connaître comme vrai Dieu par la révélation générale, il démontre sa grâce permanente. Certains sont touchés par cette grâce commune, manifestent des preuves de moralité et cherchent à connaître davantage de la vérité.
B. Donner un appui solide au théisme Il est exagéré d’affirmer que les arguments cités en faveur de l’existence de Dieu prouvent l’existence du Dieu de la Bible. Même si la révélation générale fait connaître un certain nombre de vérités relatives à Dieu, elle ne pourra jamais nous dévoiler de nombreux faits importants. Néanmoins, les questions que la révélation générale soulève et les réponses qu’elle donne appuient les affirmations du théisme et s’opposent à celles de l’athéisme, de l’agnosticisme et de l’évolutionnisme.
C. Condamner à juste titre ceux qui la rejettent Les preuves que la révélation générale avance obligent les hommes et les femmes à réagir. Les êtres humains devraient réaliser qu’une explication purement mécanique, athée et irrationaliste ne peut rendre compte de façon satisfaisante du bel agencement du monde et des différentes facettes de l’homme. Derrière la création, l’humanité devrait reconnaître l’existence d’un être vivant, puissant, intelligent et surhumain. Si les hommes ne sont pas prêts à admettre ce minimum crucial et préfèrent une autre explication de l’univers, alors Dieu est juste en les rejetant et en refusant de leur révéler plus de vérité. Le rejet du contenu de la révélation générale suffit pour justifier la condamnation. Cela ne signifie toutefois pas que l’acceptation du contenu de la révélation générale suffise pour le salut éternel. En effet, elle ne comprend pas la révélation de la mort expiatoire du Fils de Dieu. Ce que je viens de dire semble établir une double norme. En soi, le fait d’avoir deux normes n’a rien de faux, dans la mesure où elles sont toutes deux justes. C’est le cas ici. Il ne serait pas juste que la révélation générale procure le salut, si Dieu a pourvu dès avant la fondation du monde à l’agneau du sacrifice pour le péché. Accorder le salut sans qu’il y ait besoin de passer par cet agneau serait une mesure injuste. Mais ne pas condamner ceux qui rejettent la révélation générale à n’importe quel moment de leur parcours serait aussi injuste pour un Dieu saint. C’est pourquoi, le rejet des vérités de la révélation générale entraîne à tout moment une juste condamnation. Si un étudiant se rend chez son ami, qui a besoin de mille euros pour payer ses études, afin de lui donner de bon cœur dix euros (tout son avoir), et que l’autre jette le billet par terre dans un mouvement de colère et de mépris en disant: «A quoi peuvent bien me servir ces dix malheureux euros?», le premier n’a aucune obligation de lui venir encore en aide. S’il
avait tout à coup la possibilité de donner mille euros, qui pourrait l’accuser d’injustice s’il les donnait à un autre étudiant dans le besoin? L’acceptation d’un billet de dix euros ne «sauve» pas celui qui a besoin de mille euros, mais son rejet le condamne. N’oublions pas que la grande majorité des hommes ont rejeté la révélation que la nature donne de Dieu; ce rejet a été accompagné de colère et de mépris ainsi que d’une substitution délibérée de leurs propres idoles à Dieu. Ce faisant, ils se sont condamnés eux-mêmes, si bien que lorsque Dieu les rejette, il le fait avec raison. 3 Prélapsarienne et postlapsarienne: avant et après la chute. Sotérique: relatif au salut. (N.d.E.) 4 Norman Geisler, Philosphy of Religion, Grand Rapids, Zondervan, 1981, pp. 190-208. 5 J. Oswald Buswell, A Systematic Theology of the Christian Religion, Grand Rapids, Zondervan, 1962, p. 87. 6 Ibid., 1:90-91. 7 Dale Moody, The Word of Truth, Grand Rapids, Eerdmans, 1981, pp. 83-84.
6. Les perfections de Dieu Si la question posée au chapitre 4 était: «Peut-on connaître Dieu?», celle de ce chapitre est: «Peut-on définir Dieu?» Si la définition consiste en «un mot ou une phrase exprimant la nature essentielle d’une personne ou d’une chose», alors on ne peut pas définir Dieu, car aucun mot ni aucune phrase ne peut exprimer sa nature essentielle. Personne ne peut proposer une telle définition de Dieu. Mais si la définition se veut descriptive, alors il est possible de définir Dieu, même si ce n’est pas de façon exhaustive. D’ailleurs, la plupart des définitions sont descriptives. L’une des plus célèbres, celle du Petit catéchisme de Westminster illustre ce genre de définition en déclarant que «Dieu est Esprit, infini, éternel et immuable dans son être. Il est sagesse, puissance, sainteté, justice, bonté et vérité» (Question 4). Le texte plus long de la Confession de foi de Westminster ajoute simplement d’autres attributs comme l’amour, la miséricorde et la liberté. En somme, les définitions de Dieu se bornent à énumérer certains de ses attributs. Les attributs sont des qualités inhérentes à un sujet. Ils l’identifient, le distinguent ou l’analysent. La plupart des ouvrages de théologie intitulent ce chapitre: «Les attributs de Dieu». Je préfère le terme de «perfections», car les qualités ou attributs de Dieu sont tous parfaits. Ses attributs sont ses perfections.
I. Les caractéristiques des perfections de Dieu Les diverses perfections de Dieu ne représentent pas des éléments qui le composent; chacune décrit son être entier. L’amour, par exemple, n’est pas une partie de la nature de Dieu: il est amour dans la totalité de son être. Bien que Dieu puisse manifester une qualité ou une autre à un moment donné, aucune n’est indépendante des autres et aucune ne prédomine. Chaque fois que Dieu donne libre cours à sa colère, il reste cependant amour. Quand il exprime son amour, il ne renonce pas à sa sainteté. Dieu est plus que la somme de ses perfections. Lorsque nous avons dressé la liste complète de tous les attributs que nous pouvons glaner de la révélation, nous n’avons pas complètement décrit Dieu. Cette constatation découle de l’impossibilité de le comprendre totalement. Même si nous pouvions affirmer que nous possédons la liste complète de toutes les perfections de Dieu, nous ne pourrions pas sonder leur signification, car l’homme fini ne peut pas comprendre le Dieu infini. Nous connaissons les perfections de Dieu par la révélation. Ce n’est pas l’homme qui les
attribue à Dieu, c’est Dieu qui les révèle à l’homme. Certes, l’homme peut suggérer que Dieu a certains attributs, mais ceux-ci ne seront considérés comme authentiques que si Dieu les révèle. Les perfections de Dieu décrivent aussi bien le Père que le Fils et le Saint-Esprit. Elles décrivent la nature du Dieu trinitaire et par conséquent chacune des personnes de la Trinité.
II. Des catégories dans les perfections de Dieu La plupart des manuels de théologie proposent une classification des attributs de Dieu.
A. Attributs non moraux (ou naturels) et attributs moraux Les attributs naturels, comme l’aséité (l’existence par soi-même) et l’infinité, appartiennent à la constitution de Dieu; les attributs moraux, comme la justice et la sainteté, sont du ressort de sa volonté. Mais toutes les qualités qualifiées de «non morales» sont celles de l’être le plus moral de tout l’univers, et tous les attributs moraux découlent de la nature de Dieu.
B. Attributs absolus et attributs relatifs Les attributs absolus incluent ceux qui appartiennent à l’essence de Dieu en rapport avec lui-même (éternité, infinité), et les attributs relatifs appartiennent à l’essence de Dieu dans ses rapports avec sa création (comme l’omniscience). Là encore, la distinction est artificielle puisque nous ne sommes pas capables de faire une telle distinction, tous ses attributs ayant un rapport avec sa création.
C. Attributs incommunicables et attributs communicables Les attributs incommunicables n’appartiennent qu’à Dieu (éternité, infinité), les autres se retrouvent dans une mesure relative ou limitée chez les êtres humains (sagesse, justice). Les attributs communicables sont présents chez les humains, bien que de façon limitée, non parce que Dieu les a communiqués d’une manière ou d’une autre, mais parce que la race humaine a été créée à l’image de Dieu. Les catégories dans lesquelles on classe les attributs de Dieu peuvent répondre à une certaine finalité, mais, selon moi, celle-ci n’est pas primordiale. Bien que certains attributs entrent facilement dans l’une ou l’autre des catégories, d’autres sont difficiles à classer. Si la sainteté est généralement considérée comme un attribut communicable, la sainteté de
Dieu ne l’est certainement pas. Bien que l’omniscience soit assurément incommunicable, les hommes possèdent une certaine connaissance. La classification semble donc plus souvent arbitraire qu’évidente. L’étude des perfections de Dieu est plus importante que leur classification. C’est ce qui va nous occuper maintenant.
III. Un catalogue des perfections de Dieu Voici quatorze des perfections divines, classées par ordre alphabétique. Nous examinerons (a) leur signification, (b) les déclarations scripturaires les concernant, (c) leurs applications et, le cas échéant, les problèmes qu’elles soulèvent.
A. L’amour 1. Signification. Comme beaucoup d’autres termes chrétiens, l’amour est plus souvent discuté que défini. Même le dictionnaire est de peu d’utilité. L’amour fait intervenir l’affection et la correction. Les enfants sont câlinés et corrigés; ces deux actions sont d’authentiques expressions de l’amour parental. De plus, les parents les pratiquent en croyant sincèrement qu’ils font ce qui est le mieux pour l’enfant à ce moment-là. L’amour recherche le bien de l’objet aimé. En quoi cela consiste-t-il? Chez Dieu, c’est la perfection de la sainteté et tout ce que cela implique. L’amour incite Dieu à rechercher le bien suprême et la gloire de ses perfections. Contrairement aux êtres humains, l’amour de Dieu est exempt de tout égoïsme. 2. Message de l’Ecriture. La Bible déclare clairement que «Dieu est amour» (1 Jean 4:8). L’absence de l’article défini «le» devant «amour» (le verset ne dit pas que Dieu est l’amour) indique que l’amour est la nature de Dieu. Et la présence de l’article défini «le» devant Dieu (littéralement «le Dieu est amour») montre que la proposition n’est pas réversible: on ne peut pas dire: «L’amour est Dieu» (contrairement à ce qu’affirme la Science chrétienne). 3. Applications. Comme chaque personne de la Trinité possède tous les attributs, il doit exister une certaine interaction d’amour au sein de la Trinité (inconcevable pour les êtres humains). Dieu, qui est amour, se permet d’aimer des gens pécheurs. C’est la grâce (Ephésiens 2:48). Dieu a répandu cet amour dans le cœur des croyants (Romains 5:5). Au sein de leurs épreuves, Dieu témoigne son amour envers ses enfants (Hébreux 12:6). 4. Quelques termes associés. Certains mots sont étroitement associés à l’amour. Mentionnons la bonté, la miséricorde, la patience et la grâce. Les distinctions établies entre ces termes ne sont pas rigoureuses. On peut définir la bonté de Dieu comme son souci bienveillant envers ses créatures (Actes 14:17). La miséricorde est l’aspect de son amour qui pousse Dieu à avoir pitié et compassion (Ephésiens 2:4; Jacques 5:11). La patience évoque la
retenue de Dieu devant la provocation (1 Pierre 3:20; 2 Pierre 3:15). La grâce est la faveur imméritée que Dieu témoigne à l’homme, principalement dans la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. Tous ces concepts sont liés à l’amour de Dieu qui est amour, et en découlent. 5. Une hérésie. L’universalisme est une hérésie qui provient d’une conception faussée des attributs divins. D’après cette doctrine, comme Dieu est amour, il finira par sauver tout le monde. Or, l’amour de Dieu n’opère pas indépendamment de ses autres perfections, notamment sa sainteté et sa justice. C’est pourquoi l’amour ne peut court-circuiter la sainteté pour sauver ceux qui rejettent Christ et meurent dans leurs péchés. En outre, l’universalisme ne définit pas correctement l’amour, car il ne considère que son aspect «affection» et non celui de «correction». Enfin, l’universalisme contredit des affirmations claires de l’Ecriture (cf. Marc 9:45-48).
B. L’éternité 1. Signification. Cet attribut signifie que l’existence de Dieu n’a pas de fin. Elle s’étend indéfiniment en amont et en aval du temps tel que nous le concevons, sans aucune interruption ni limitation provoquées par la succession des événements. En rassemblant ces idées, Berkhof définit l’éternité comme «la perfection par laquelle Dieu s’élève au-dessus de toute limite temporelle et de toute succession de moments et possède la totalité de son existence dans un présent indivisible»8. L’éternité et l’auto-existence de Dieu sont des concepts liés entre eux. Certains ouvrages de théologie utilisent le terme aséité pour indiquer que Dieu existe par lui-même. Le terme «aséité» est construit à partir des mots latins a se, «par soi». Si Dieu existe indéfiniment, il n’est jamais venu à l’existence ni n’a jamais été appelé à l’existence. Il existe par lui-même, sans commencement ni fin. 2. Message de l’Ecriture. L’éternité de Dieu est affirmée au Psaume 90:2 «D’éternité en éternité tu es Dieu» et en Genèse 21:33 où l’expression El Olam, le Dieu éternel, vient d’une forme originale qui signifie «le Dieu de l’éternité». 3. Question. Quel rapport Dieu entretient-il avec la succession des événements? En tant qu’être éternel, il voit le passé et l’avenir aussi clairement que le présent; de plus, il doit les voir comme incluant la succession des événements, mais il n’est pas lié par cette succession. Nous en voyons une illustration dans la scène céleste décrite en Apocalypse 6:9-11, où le Seigneur répond à la question des martyrs concernant le temps qu’ils doivent encore attendre avant d’être vengés. Il leur affirme que certains événements doivent encore se produire sur la terre. 4. Une implication. L’éternité de Dieu entraîne une conséquence réconfortante: comme il n’a jamais cessé et ne cessera jamais d’exister, nous sommes assurés de sa maîtrise
providentielle sur toutes choses et sur tous les événements.
C. L’immutabilité 1. Signification. L’immutabilité de Dieu signifie qu’il est immuable, c’est-à-dire qu’il ne change pas. Il ne faut pas assimiler cette perfection à de l’immobilisme ou de l’inactivité; elle indique que Dieu n’est jamais incohérent, qu’il ne croît pas et ne se développe pas. 2. Message de l’Ecriture. Malachie 3:6 et Jacques 1:17 parlent d’immutabilité. Notons que le premier de ces passages garantit la préservation d’Israël. 3. Problème. Si Dieu est immuable, comment peut-il se repentir (Genèse 6:6; Jonas 3:10)? S’il y avait vraiment du changement en Dieu, il ne serait ni immuable, ni souverain, ni les deux. La plupart des commentateurs expliquent cette expression comme étant un anthropomorphisme, c’est-à-dire une description en termes humains de ce qui n’est pas humain. Si le déroulement du plan divin semble présenter des changements, ce n’est que sous l’angle humain, car les desseins éternels de Dieu sont immuables, comme lui-même. L’expression du repentir peut aussi simplement vouloir dire que Dieu était peiné ou attristé, ce qui élimine la notion d’un quelconque changement. 4. Implications en rapport avec Dieu lui-même. «Si l’auto-existence devait changer, elle deviendrait une existence dépendante; l’éternité deviendrait le temps, la perfection l’imperfection, et Dieu non-Dieu.»9 L’immutabilité nous donne l’assurance qu’aucune des perfections de Dieu ne change. 5. Implications en rapport avec nous. L’immutabilité procure l’assurance, qui est aussi un réconfort, que Dieu tiendra ses promesses (Malachie 3:6; 2 Timothée 2:13). Elle nous rappelle que Dieu ne change pas d’attitude, notamment à l’égard du péché. Dieu ne peut donc jamais être amené à changer ou à se compromettre.
D. L’infinité 1. Signification. L’infinité signifie que Dieu n’a ni frontières ni limites. Il n’est pas limité par l’univers, ni par les dimensions spatio-temporelles. Mais il ne faut pas en déduire qu’il serait en quelque sorte diffus dans tout l’univers, un peu ici et un peu ailleurs. «Il faut concevoir l’infinité de Dieu plutôt comme intensive que comme extensive…»10 2. Message de l’Ecriture. Salomon reconnut l’infinité de Dieu lors de la dédicace du temple (1 Rois 8:27), et Paul s’appuya sur cet attribut pour opposer Dieu aux fausses divinités des Athéniens (Actes 17:24-28). 3. Observation. On attribue parfois à cette perfection le nom «immensité». Elle se différencie de l’omniprésence. En effet, l’infinité souligne la transcendance de Dieu (il n’est pas limité
par l’espace), tandis que l’omniprésence insiste sur son immanence (il est présent partout).
E. La justice 1. Signification. Bien que liée à la sainteté, la justice constitue cependant un attribut divin distinct. La sainteté de Dieu renvoie au fait qu’il est séparé de tout, sa justice parle de sa droiture. Elle a trait à la loi, à la morale et à la droiture. Dieu est juste en rapport avec luimême; autrement dit, rien dans sa nature n’enfreint quelque loi que ce soit, que ce soit dans son être ou dans son œuvre. Il est juste vis-à-vis de ses créatures, c’est-à-dire qu’il ne prend aucune initiative qui viole quelque code de morale ou de justice que ce soit. On distingue parfois ces deux aspects de sa justice en parlant d’une justice absolue (vis-à-vis de lui-même) et d’une justice relative (vis-à-vis de la création). 2. Message de l’Ecriture. Le Psaume 11:7 affirme la justice absolue de Dieu: «Car l’Eternel est juste» (cf. Daniel 9:7). David mentionne aussi sa justice relative (Psaume 19:10; cf. Actes 17:31).
F. La liberté 1. Signification. La liberté de Dieu signifie qu’il est indépendant de ses créatures et de sa création. 2. Message de l’Ecriture. Quand le prophète Esaïe demande qui a inspiré l’Eternel, qui lui a enseigné quoi que ce soit ou qui l’a instruit, il sous-entend la réponse «personne», parce que Dieu est libre, indépendant de ses créatures (Esaïe 40:13-14). 3. Question. Comment concilier la liberté de Dieu avec les contraintes qu’il s’impose? On dit généralement que la liberté de Dieu est limitée par sa propre nature; par exemple, sa sainteté l’empêche de pécher. Mais comment même utiliser le terme de «restriction» en rapport avec la perfection? La perfection ne connaît pas de restrictions. 4. Une application. Etant libre, Dieu n’a aucune obligation envers nous, sauf s’il décide de sa propre initiative de se faire notre obligé. Il n’est pas tenu de faire quoi que ce soit en notre faveur, à moins qu’il ne décide souverainement de le faire. Il ne nous est donc jamais redevable de quoi que ce soit.
G. L’omnipotence 1. Signification. L’omnipotence de Dieu signifie qu’il est tout-puissant et capable d’accomplir tout ce qui s’accorde avec sa nature. Si en réalité il n’a pas décidé d’accomplir tout ce qui serait conforme à sa nature, c’est pour des raisons connues de lui seul. 2. Message de l’Ecriture. Le mot «Tout-Puissant» n’est utilisé que pour Dieu seul dans la Bible; il revient cinquante-six fois et sert d’appui au concept d’omnipotence. Dieu s’est
révélé comme le Tout-Puissant à Abraham (Genèse 17:1), à Moïse (Exode 6:3), aux croyants (2 Corinthiens 6:18) et plusieurs fois à Jean dans (Apocalypse 1:8; 19:6). 3. Une question. L’omnipotence a-t-elle des limites? Oui, dans deux domaines: il y a des limitations naturelles et des limitations que Dieu s’impose. Les premières incluent ce que Dieu ne peut pas faire parce que c’est contraire à sa nature: il ne peut pas mentir (Tite 1:2), il ne peut être tenté par le péché (Jacques 1:13), il ne peut se renier lui-même (2 Timothée 2:13). Les secondes comprennent ce qu’il n’a pas décidé d’inclure dans son plan mais qu’il aurait pu y inclure, dans la mesure où ce n’était pas contraire à sa nature: il n’a pas décidé d’épargner son Fils; il n’a pas décidé de sauver tout le monde; il n’a pas choisi toutes les nations dans l’Ancien Testament; il n’a pas choisi Esaü; il n’a pas choisi d’épargner Jacques (Actes 12:2). Il aurait pu accomplir tout cela sans aller à l’encontre de son omnipotence, mais dans son plan il a décidé de ne pas le faire. Des questions comme: «Dieu pourrait-il faire en sorte que 2 + 2 = 6» n’impliquent aucune déficience dans son omnipotence. Cette question particulière est du domaine de l’arithmétique, et non de la puissance. On pourrait tout aussi bien demander si une explosion nucléaire peut faire que 2 + 2 = 6. Ce qui est plus important, c’est que Dieu ne peut jamais faire que le mal soit bien. 4. Implications. Par le passé, Dieu a démontré son pouvoir dans la création (Psaume 33:9), dans la préservation de toutes choses (Hébreux 1:3), dans la délivrance de l’esclavage en Egypte accordée au peuple d’Israël (Psaume 114). Mais la plus grande manifestation de sa puissance a été la résurrection de Christ d’entre les morts (2 Corinthiens 13:4). Pour le croyant, la puissance divine est liée au service de l’Evangile (Romains 1:16), à sa sécurité (1 Pierre 1:5), à son espérance d’une résurrection du corps (1 Corinthiens 6:14) et à sa vie de tous les jours (Ephésiens 1:19).
H. L’omniprésence 1. Signification. L’omniprésence de Dieu signifie que son être tout entier est présent partout et toujours. 2. Message de l’Ecriture. David se demanda s’il y avait un seul endroit où l’on pourrait échapper à la présence de Dieu (Psaume 139:7-11). La réponse est négative, car Dieu n’est pas limité par l’espace (Psaume 139:8), pas intimidé par la vitesse (Psaume 139:9), ni affecté par l’obscurité (Psaume 139:11-12). 3. Quelques précisions. Comme nous l’avons fait remarquer à propos de la définition de l’infinité, il ne faut pas penser que Dieu serait en quelque sorte diffus dans tout l’univers, un peu ici et un peu ailleurs. Tout son être est en tout lieu; sa présence dans chaque chrétien en est d’ailleurs une belle illustration.
Le fait que Dieu est omniprésent ne veut pas dire que l’impact de sa présence ne varie pas. Sa présence sur son trône (Apocalypse 4:2), dans le temple de Salomon (2 Chroniques 7:2) ou dans le croyant (Galates 2:20) diffère certainement, de ce point de vue, de sa présence dans l’étang de feu (Apocalypse 14:10). Même si, dans l’étang de feu, les perdus seront «loin de la face du Seigneur» (2 Thessaloniciens 1:9, prosôpon), ils ne seront jamais séparés de celui qui est omniprésent (Apocalypse 14:10, enôpion). Ils ne jouiront évidemment pas de la présence-communion qui existe lorsque Dieu demeure dans le croyant (car il détournera sa face des méchants jetés dans l’étang de feu). L’omniprésence diffère du panthéisme qui identifie l’univers à Dieu. C’est le déiste anglais John Toland (1670-1722) qui forgea ce terme quand il déclara en 1705 que «Dieu est l’esprit ou l’âme de l’univers». Cette hérésie néglige de distinguer le créateur du créé, une distinction qu’enseignent les premiers versets de la Bible. L’omniprésence ne doit pas non plus être assimilée au panthéisme des adeptes de la théologie du «process»11, qui prônent que l’être divin imprègne tout l’univers mais ne se limite pas à lui. Certes, le Dieu omniprésent est présent partout, mais il ne se diffuse pas dans l’univers et ne le pénètre pas. Par ailleurs, contrairement aux allégations de la théologie du process, Dieu n’est pas en train de se développer. 4. Quelques implications. Personne ne peut se soustraire à la présence de Dieu. C’est là un avertissement pour les incroyants et une pensée réconfortante pour les croyants qui peuvent faire l’expérience de sa présence dans toutes les circonstances de la vie.
I. L’omniscience 1. Signification. L’omniscience de Dieu signifie qu’il connaît aussi bien et sans effort tout ce qui est effectif que ce qui est possible. A. W. Tozer écrit: Dieu connaît instantanément et sans effort toute matière et tout domaine, toute âme et toute opinion, tout esprit et toute disposition, tout ce qui existe et tous les êtres, toute création et toute créature, toute individualité et toute pluralité, toute loi et toute règle, toute relation, toute cause, toute pensée, tout mystère, toute énigme, tout sentiment, tout désir, tout secret inexprimé, tout trône et toute domination, toute personnalité, toute chose visible et invisible dans le ciel et sur la terre: mouvement, espace, temps, vie, mort, bien, mal, cieux, enfer. Puisque Dieu connaît toutes choses parfaitement, il ne connaît rien mieux que le reste, mais tout également bien. Il ne découvre jamais rien. Il n’est jamais surpris, jamais étonné. Il ne s’émerveille jamais de rien, il ne cherche aucune information et ne pose aucune question (sauf en vue de faire parler les hommes pour leur propre bien).12
2. Message de l’Ecriture. Dieu connaît toutes ses œuvres depuis le commencement (Actes 15:18). Il dénombre les étoiles et leur donne des noms (Psaume 147:4). Le Seigneur a fait preuve de son omniscience quand il a révélé ce qui arriverait aux villes de Tyr et de Sidon (Matthieu 11:21). Dieu sait de quoi notre vie sera faite avant même notre naissance (Psaume 139:16). 3. Applications. a. Omniscience et sécurité. Rien de ce qui arrive dans la vie du croyant ne peut surprendre Dieu ni l’amener à le rejeter. «Aucun rapporteur ne peut l’informer sur nous, aucun ennemi ne peut maintenir une accusation, aucun fantôme oublié ne peut surgir d’un placard secret pour nous confondre et révéler notre passé, aucune faiblesse insoupçonnée de notre caractère ne peut être exposée pour détourner Dieu de nous, puisqu’il nous connaissait complètement bien avant que nous le connaissions et qu’il nous a appelés à lui dans la connaissance parfaite de tout ce qui était contre nous.»13 b. Omniscience et sensibilité. Toute mise en garde divine procède d’un être omniscient; c’est pourquoi nous devrions être extrêmement sensibles à ses avertissements. Il ne nous met pas en garde sur la base de ce qui pourrait peut-être nous arriver; il sait exactement ce qui nous menace. c. Omniscience et consolation. Quand nous faisons face à des circonstances inexplicables dans la vie, nous cherchons systématiquement refuge dans le Dieu omniscient et trouvons notre consolation en lui. Non seulement il sait ce qui nous arrive réellement, mais il sait aussi ce qui aurait pu nous arriver. Il connaît toujours le bien et la gloire qui surgiront d’événements que nous ne comprenons pas. d. Omniscience et tempérance. Sachant qu’ils doivent comparaître un jour devant le Dieu qui sait tout (Hébreux 4:13), tous devraient faire preuve de modération en tout.
J. La sainteté 1. Signification. Habituellement définie de façon négative et par rapport à une norme relative et non absolue, la sainteté dans la Bible désigne la séparation d’avec ce qui est profane ou souillé. Dans le cas de Dieu, elle signifie non seulement qu’il est séparé de tout ce qui est impur et mauvais (aspect négatif), mais qu’il est aussi pur et distinct de tous les autres (aspect positif). Une analogie permettra de comprendre ce concept. Qu’est-ce que la bonne santé? C’est non seulement l’absence de maladie, mais aussi la présence d’énergie à profusion. La sainteté, c’est l’absence du mal et la présence positive du bien. Chez Dieu, elle désigne la pureté de son être et de sa nature ainsi que de sa volonté et de ses actions. 2. Message de l’Ecriture. Dans l’Ancien Testament, Dieu tenait particulièrement à être connu
par sa sainteté (Lévitique 11:44; Josué 24:19; Psaume 99:3, 5, 9; Esaïe 40:25; Habakuk 1:12). Dans le Nouveau Testament, la sainteté apparaît dans des affirmations sous forme d’attributs ou d’épithètes (Jean 17:11; 1 Pierre 1:15), dans des louanges (Apocalypse 4:8) et dans la métaphore de la lumière appliquée à Dieu (1 Jean 1:5). 3. Applications. A cause de la sainteté absolue et innée de Dieu, les pécheurs doivent être séparés de lui, à moins de trouver un moyen qui les rende saints. C’est précisément l’un des bienfaits des mérites de Jésus-Christ. Une conception juste de la sainteté de Dieu rend le pécheur plus conscient de son propre péché (Esaïe 6:3, 5; Luc 5:8). La sainteté de Dieu constitue la référence pour le croyant, dans sa vie et dans sa conduite (1 Jean 1:7). Ce principe devrait mettre fin à toutes les discussions, souvent stériles, à propos de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas dans la vie chrétienne. Pour savoir quelle est la conduite qui convient, il suffit de se poser la question: «Est-ce saint?» Telle est la règle à laquelle se plie le croyant. Même s’il ne parvient pas toujours à s’y conformer, il ne doit jamais en rabaisser les exigences.
K. La simplicité 1. Signification. La simplicité de Dieu signifie qu’il n’est pas un être composite ou combiné. Cet attribut a trait à son essence, de sorte qu’il ne contredit pas la révélation de la Trinité. Toutefois, lorsque nous considérons Dieu comme un être trinitaire, il nous rappelle qu’il n’est ni divisible ni formé de multiples parties ou substances. 2. Message de l’Ecriture. «Dieu est Esprit (ou esprit)» (Jean 4:24). Les hommes, eux, sont esprit et matière. Certes, lors de l’incarnation, notre Seigneur s’est fait chair, mais la divinité du Dieu-homme était toujours Esprit et rien qu’Esprit. 3. Implications. La simplicité de Dieu souligne le fait qu’il existe par lui-même (car il n’y avait aucune cause antérieure pour former un être composé), nous donne l’assurance que Dieu ne sera jamais autre chose qu’Esprit et nous rend capables de l’adorer en esprit, et non par des moyens matériels.
L. La souveraineté 1. Signification. Le terme de souveraineté désigne le fait d’être le principal, le chef, celui qui est au-dessus de tout. Il précise d’abord la position de Dieu (il est le chef de l’univers), puis sa puissance (il exerce le pouvoir suprême dans l’univers). L’Ecriture révèle comment il exerce ce pouvoir. Un souverain peut se conduire en dictateur (ce n’est pas le cas de Dieu); il peut aussi renoncer à l’exercice de ses pouvoirs (ce n’est pas le cas de Dieu). En fin de compte, Dieu maîtrise parfaitement toutes choses, même s’il décide de laisser certains
événements suivre le cours des lois naturelles qu’il a établies. 2. Message de l’Ecriture. Dieu a un plan (Actes 15:18) qui inclut tout (Ephésiens 1:11); il l’exécute (Psaume 135:6); ce plan intègre le mal, bien que Dieu ne puisse le commettre (Proverbes 16:4), et il aboutit à la louange de sa gloire (Ephésiens 1:14). 3. Le problème. La souveraineté de Dieu semble s’opposer à la liberté et à la responsabilité effective de l’homme. Pourtant, l’Ecriture affirme clairement la souveraineté de Dieu; nous ne devons donc pas la nier sous prétexte que nous ne parvenons pas à la concilier avec la liberté ou la responsabilité humaines. Par ailleurs, si Dieu est souverain, pourquoi y a-t-il tant de mal dans la création? L’homme a été créé avec une véritable liberté, mais en l’exerçant pour se révolter contre Dieu, il a fait entrer le péché dans la race humaine. Bien qu’étant le concepteur du plan, Dieu ne porte absolument aucune responsabilité dans le mal commis d’abord par Satan, puis par Adam. Tout en haïssant le péché, il permet sa présence pour des raisons qui nous sont inconnues. D’une certaine manière, le péché doit être inclus dans le plan de Dieu (sinon celui-ci ne serait pas souverain) sans pour autant qu’il en soit l’auteur (sinon il ne serait pas saint). La souveraineté et la liberté constituent une antinomie («une contradiction réelle ou supposée entre deux principes valables apparemment égaux, ou entre les déductions correctement tirées de ces principes»). Dans la Bible, les antinomies ne sont toutefois que des contradictions apparentes, et non réelles. On peut accepter les vérités d’une antinomie et s’en accommoder en acceptant par la foi ce qu’on ne peut concilier; on peut aussi tenter de résoudre les contradictions apparentes, ce qui conduit inévitablement à insister sur une vérité au détriment de l’autre, voire à nier cette autre vérité. La souveraineté ne doit pas supprimer le libre arbitre, et celui-ci ne doit jamais atténuer la souveraineté.
M. L’unité 1. Signification. L’unité signifie qu’il n’y a qu’un seul Dieu, indivisible. 2. Message de l’Ecriture. L’unité de Dieu était l’une des révélations majeures de l’Ancien Testament, comme le résume la célèbre profession de foi traditionnelle d’Israël (le shema, d’après son premier mot hébreu qui signifie «écoute», dans Deutéronome 6:4). Ce verset peut se traduire de plusieurs façons: «L’Eternel, notre Dieu, est un», ce qui met en avant l’unité de Dieu, ou: «L’Eternel, notre Dieu, est le seul Eternel», ce qui souligne son unicité (son caractère unique), excluant tout autre dieu et s’opposant aux dieux des païens. En plus de sa claire révélation de la Trinité, le Nouveau Testament affirme l’unité de Dieu (Ephésiens 4:6; 1 Corinthiens 8:6; 1 Timothée 2:5). Il s’ensuit que les personnes de la Trinité ne sont pas des essences séparées à l’intérieur d’une essence divine unique. Dieu est un en nombre et en unicité.
N. La vérité 1. Signification. La vérité peut se définir comme «un accord avec ce qui est représenté»; elle inclut les notions de véracité, de fiabilité et de logique. Dire que Dieu est vrai et véridique, c’est affirmer dans le sens le plus large qu’il est cohérent avec lui-même, qu’il est tout ce qu’il doit être, qu’il s’est révélé tel qu’il est, que lui-même et sa révélation sont parfaitement fiables. 2. Message de l’Ecriture. Dieu est le seul vrai Dieu (Jean 17:3); il ne peut donc mentir (Tite 1:2) et il est toujours digne de confiance (Romains 3:4; Hébreux 6:18). 3. Implications. Comme Dieu est véridique, il ne peut rien faire qui soit en contradiction avec lui-même. Il ne peut annuler ses promesses ou ne pas les accomplir (cf. 2 Timothée 2:13); de plus, la Bible, qui est sa Parole, est vraie et exempte d’erreur. Concluons cet exposé des perfections de Dieu par une remarque importante. Ces attributs décrivent le seul vrai Dieu qui existe. L’homme a créé ses faux dieux qu’il peut manipuler et assujettir. Il arrive aussi que des chrétiens se fassent une idée pervertie ou défectueuse de Dieu pour la même raison: ils veulent pouvoir le manipuler ou ne pas devoir faire face au Dieu vivant et vrai. Mais le seul Dieu qui existe réellement est celui qui s’est révélé d’abord dans la Bible et qui se révèle par les attributs, ou les perfections, de son être que nous avons indiqués plus haut. Pour connaître ce Dieu vivant et vrai, il ne faut rien moins qu’un miracle, celui d’une révélation de lui-même par pure grâce. Tous ceux qui le connaissent partagent le privilège de marcher avec le Dieu vivant et vrai et de l’adorer. 8 L. Berkhof, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1978, p. 60. 9 Gordon H. Clark, «Attributes, the Divine», dans Baker’s Dictionary of Theology, Grand Rapids, Baker, 1960, pp. 78-79. 10 Berkhof, Systematic Theology, p. 59. 11 Théologie du process: mouvement d’origine anglo-saxonne pour lequel aucune appellation française ne s’est imposée. Certains ont parlé de théologie du devenir, d’autres de théologie du processus, d’autres encore de théologie de l’évolution. Le terme «process» désigne un courant de pensée qui considère que les êtres et les choses ne sont pas des substances fixes, immuables, stables ni permanentes, et qui estime que la réalité est essentiellement fluide et mouvante, faite d’événements et de mouvements. (N.d.E.) 12 A. W. Tozer, La connaissance de l’Eternel, éditions Farel, 1997, p. 80. 13 Ibid., p. 81.
7. Les noms de Dieu Les nombreux noms de Dieu dans l’Ecriture complètent la révélation de sa personne. Ils ne correspondent pas à de simples titres que les hommes lui auraient assignés mais, dans la majeure partie des cas, à ses propres descriptions de lui-même. Ils dévoilent ainsi des aspects de sa personne. Même en l’absence de tout nom particulier, les occurrences de l’expression «le nom de l’Eternel» révèlent quelque chose du caractère divin. Invoquer le nom de l’Eternel équivaut à adorer Dieu (Genèse 21:33). Prendre le nom de l’Eternel en vain, c’est le déshonorer (Exode 20:7). L’Eternel assimile le refus d’observer la loi à une profanation de son nom (Lévitique 22:2, 32). Son nom garantit la pérennité de la nation (1 Samuel 12:22).
I. Elohim A. Les occurrences du nom L’Ancien Testament emploie environ 2570 fois le terme elohim à propos des divinités en général. Dans 2310 cas environ, il désigne le vrai Dieu. On le trouve pour la première fois dans le premier verset de l’Ecriture. Il décrit les faux dieux dans Genèse 35:2, 4; Exode 12:12; 18:11; 23:24.
B. La signification du nom Le sens du nom elohim dépend de la racine à laquelle on le rattache. Certains le font dériver d’une racine qui signifie «peur»; le nom indiquerait alors qu’il faut craindre, révérer ou adorer la divinité. D’autres l’associent à une racine ayant le sens de «force»; le vocable évoquerait alors une divinité de grande puissance. Bien qu’on ne puisse trancher de façon catégorique, il semble cependant que le deuxième sens soit plus plausible. Appliqué au vrai Dieu, il indique qu’il est le Fort, le chef puissant, la divinité suprême.
C. La forme plurielle du nom La forme plurielle elohim est particulière à l’Ancien Testament; on ne la retrouve dans aucune autre langue sémitique. Il existe en gros trois explications quant à la signification de ce pluriel. 1. Un pluriel polythéiste. Le nom aurait initialement eu un sens polythéiste et aurait revêtu un sens singulier par la suite. Or, le monothéisme de l’Ancien Testament résulte d’une révélation et non d’une évolution à partir du polythéisme. 2. Un pluriel trinitaire. La forme plurielle du terme indiquerait, ou du moins suggérerait, la
notion de Dieu trinitaire. Nous verrons toutefois au chapitre suivant que, pour en arriver à cette déduction, il faut importer la révélation néotestamentaire dans l’Ancien Testament. La forme plurielle peut certes être considérée comme un jalon dans la révélation ultérieure de la Trinité, mais c’est autre chose que d’y voir une indication de la tri-unité divine. 3. Un pluriel de majesté. Le nom elohim est systématiquement accompagné d’un verbe conjugué au singulier et d’adjectifs au singulier, ou alors remplacé par un pronom personnel au singulier. Ce fait milite en faveur du pluriel de majesté, qui met en exergue la grandeur et la suprématie illimitées de Dieu.
D. Les emplois du nom Si ce nom de Dieu désigne le Fort et correspond à un pluriel de majesté, on peut s’attendre à ce qu’il soit utilisé en rapport avec la grandeur de Dieu et avec ses actes puissants. 1. Dans le contexte de sa souveraineté. Elohim sert à décrire Dieu comme le «Dieu de toute la terre» (Esaïe 54:5), le «Dieu de toute chair» (Jérémie 32:27), le «Dieu des cieux» (Néhémie 2:4), le «Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs» (Deutéronome 10:17). 2. Dans le contexte de son œuvre de création. Il est Elohim qui a créé toutes choses (Genèse 1:1; Esaïe 45:18; Jonas 1:9). 3. Dans le contexte de son jugement (Psaumes 50:6; 58:12). 4. Dans le contexte de ses interventions en faveur d’ Israël (Deutéronome 5:23; 8:15; Psaume 68:8).
E. Les noms composés 1. El-Schaddaï. L’origine de ce mot est incertaine, mais on admet généralement qu’il est lié à un mot akkadien14 qui signifie «montagne». Il décrit donc Dieu comme le Tout-Puissant qui se tient sur une montagne. C’est sous ce nom que l’Eternel s’est révélé aux patriarches pour les réconforter et confirmer l’alliance avec Abraham (Genèse 17:1; 28:3; 35:11; Exode 6:3; cf. Psaume 91:1-2). Il est aussi utilisé en rapport avec le châtiment du peuple de Dieu (Ruth 1:20-21). 2. El-Elyon. Ce nom, qui signifie «le Dieu Très-Haut» souligne la force, la souveraineté et la suprématie de l’Eternel. C’est Melchisédek qui l’employa pour la première fois quand il bénit Abraham (Genèse 14:19). Si Esaïe 14:14 évoque bien les efforts déployés par Satan pour ravir la suprématie à Dieu, l’emploi du nom El-Elyon serait encore antérieur. Par la suite, il disparaît pour ne réapparaître que vers 1000 av. J.-C. dans la littérature poétique et exilique (Psaume 9:3; Daniel 7:18, 22, 25, 27). 3. El-Olam. Ce nom signifie «le Dieu éternel»; il dérive d’une forme qui, dans l’original,
signifie «Dieu d’éternité» (Genèse 21:33). Il met en relief l’immutabilité de Dieu (Psaumes 100:5; 103:17) et est lié à sa force inépuisable (Esaïe 40:28). 4. El-Roï désigne le «Dieu qui voit» (Genèse 16:13). Agar donna ce nom à Dieu lorsqu’il lui parla avant la naissance d’Ismaël.
II. Yahvé Le deuxième nom fondamental de Dieu est son nom personnel, YHWH, l’Eternel ou Yahvé. C’est celui qui revient le plus souvent dans l’Ancien Testament (5321 fois).
A. L’origine du nom Le nom Yahvé dérive apparemment de la racine hawa, qui signifie soit l’existence (comme celle d’un arbre à l’endroit où il tombe, Ecclésiaste 11:3), soit le développement (comme dans Néhémie 6:6). Les deux idées peuvent se combiner dans la signification du nom de Dieu pour le présenter comme celui qui agit et existe par lui-même.
B. La révélation du nom Ce nom fut utilisé par Eve (Genèse 4:1), par les hommes de l’époque de Seth (Genèse 4:26), par Noé (Genèse 9:26) et Abraham (Genèse 12:8; 15:2, 8). Mais c’est Moïse qui reçut la révélation de sa signification profonde. Dieu déclara que, bien qu’il soit apparu aux patriarches, ceux-ci ne le connurent pas sous son nom Yahvé (Exode 6:3). La portée de ce nom ne leur était pas connue dans son sens le plus large et le plus profond. Moïse en eut la pleine révélation dans l’épisode du buisson ardent, où Dieu se présenta à lui comme: «Je suis celui qui suis» (Exode 3:14). La notion principale, c’était celle de sa présence aux côtés du peuple d’Israël.
C. Le caractère sacré du nom Comme Yahvé était le nom personnel par lequel Dieu s’était fait connaître à Israël, les Israélites le considérèrent tellement sacré, après l’exil, qu’ils ne le prononcèrent plus. Ils lui substituèrent le nom Adonaï. Aux sixième et septième siècles de notre ère, on prit l’habitude de combiner les voyelles du nom Adonaï avec les consonnes de YHWH pour rappeler au lecteur de la synagogue de donner au nom sacré la prononciation Adonaï. C’est ce qui a donné naissance au nom artificiel Jéhovah. Cette démarche souligne le respect dont les Juifs entouraient le nom sacré.
D. La signification du nom On peut discerner plusieurs facettes au nom Yahvé.
1. Il souligne l’immutabilité de l’auto-existence de Dieu. Cette constatation découle de l’étymologie du nom et de la manière dont le Seigneur cite Exode 3:14 dans Jean 8:58 pour revendiquer son existence éternelle absolue. 2. Il assure le peuple de la présence de Dieu. Voir Exode 3:12. 3. Il est étroitement lié à la puissance de Dieu au service de son peuple et au respect de son alliance avec lui. C’est ce qu’illustre et confirme l’émancipation du peuple d’Israël de son asservissement en Egypte (Exode 6:6).
E. Les noms composés avec Yahvé 1. Yahvé-Jiré, «l’Eternel pourvoira» (Genèse 22:14). Après que l’ange de l’Eternel eut désigné à Abraham un bélier à offrir en sacrifice à la place d’Isaac, Abraham appela ce lieu ainsi. 2. Yahvé-Nissi, «l’Eternel est ma bannière» (Exode 17:15). Après la défaite des Amalécites, Moïse bâtit un autel et l’appela ainsi. 3. Yahvé-Schalom, «l’Eternel est paix» (Juges 6:24). 4. Yahvé-Sabbaoth, «l’Eternel des armées» (1 Samuel 1:3). Cette image empruntée au langage militaire présente Yahvé comme le commandant en chef des armées angéliques célestes et des armées d’Israël (1 Samuel 17:45). Ce titre accentue la souveraineté et l’omnipotence de Dieu; les prophètes (Esaïe et Jérémie) l’utilisèrent souvent pour rappeler au peuple, dans les moments de crise nationale, que Dieu était leur chef et leur protecteur. 5. Yahvé-Maccaddeschcem, «l’Eternel qui vous sanctifie» (Exode 31:13). 6. Yahvé-Roï, «l’Eternel est mon berger» (Psaume 23:1). 7. Yahvé-Tsidkenu, «l’Eternel notre justice» (Jérémie 23:6). 8. Yahvé-Schamma, «l’Eternel est là» (Ezéchiel 48:35). 9. Yahvé-Elohé-Israël, «l’Eternel, le Dieu d’Israël» (Juges 5:3; Esaïe 17:6). A vrai dire, les noms composés ne sont pas de nouveaux noms de Dieu, mais des désignations ou des titres liés à des événements mémorables. Ils ajoutent cependant une note supplémentaire aux facettes de la personne divine.
III. Adonaï Comme Elohim, Adonaï est un pluriel de majesté. Au singulier, le mot désigne un seigneur, un maître, un propriétaire (Genèse 19:2; 40:1; 1 Samuel 1:15). Il appartient au langage relationnel des hommes (relation entre un maître et son esclave, par exemple, Exode 21:1-
6). Appliqué à Dieu dans ses rapports avec les hommes, il inclut l’idée d’autorité absolue. Josué reconnut l’autorité du chef de l’armée de l’Eternel (Josué 5:14), et Esaïe se soumit à l’autorité du Seigneur, son Maître (Esaïe 6:8-11). L’équivalent néotestamentaire de ce nom est kurios, «seigneur».
IV. Dieu (theos) A. Les occurrences du nom Theos est le nom le plus fréquemment utilisé pour désigner Dieu dans le Nouveau Testament; dans la Septante, il est la traduction la plus courante du nom Elohim. Il s’applique toujours au seul vrai Dieu, bien que les païens s’en servent aussi pour parler de leurs dieux, ou les chrétiens pour parler des faux dieux qu’ils ont abandonnés (Actes 12:22; 14:11; 17:23; 19:26-27; 1 Corinthiens 8:5; 2 Thessaloniciens 2:4). Il est aussi attribué au diable (2 Corinthiens 4:4) et à la sensualité (Philippiens 3:19). Ce qui importe davantage, c’est que Jésus-Christ est appelé theos (bien que certains passages soient controversés). Voir Romains 9:5; Jean 1:1, 18; 20:28 et Tite 2:13.
B. Les enseignements à tirer du nom Les emplois de theos révèlent plusieurs vérités importantes relatives au vrai Dieu. 1. Il est le seul et unique vrai Dieu. Voir Matthieu 23:9; Romains 3:30; 1 Corinthiens 8:4, 6; Galates 3:20; 1 Timothée 2:5; Jacques 2:19. Le Christ et l’Eglise primitive ont reconnu la vérité fondamentale du judaïsme: l’unité de Dieu. 2. Il est unique. Il est le seul Dieu (1 Timothée 1:17), le seul vrai Dieu (Jean 17:3), le seul saint (Apocalypse 15:4) et le seul sage (Romains 16:27). Les chrétiens ne peuvent donc pas avoir d’autres dieux à côté de lui (Matthieu 6:24). 3. Il est transcendant. Dieu est le créateur, le soutien et le Seigneur de l’univers ainsi que le maître du temps (Actes 17:24; Hébreux 3:4; Apocalypse 10:6). 4. Il est le Sauveur. Voir 1 Timothée 1:1; 2:3; 4:10; Tite 1:3; 2:13; 3:4. Il a envoyé son Fils comme rédempteur (Jean 3:16) et l’a livré à la mort pour nous (Romains 8:32).
C. Christ en tant que Dieu Plusieurs passages du Nouveau Testament attribuent le titre de «Dieu» à Christ, le Fils de Dieu. 1. Chez Jean. L’enseignement de Jean à cet égard se trouve dans Jean 1:1, 18. Dans ce dernier verset, quelques manuscrits portent «Dieu, le Fils unique»; le caractère peu habituel de cette leçon incite à accepter son authenticité. Signalons aussi Jean 20:28, où Thomas
applique à la fois les titres kurios et theos à Jésus, et 1 Jean 5:20. 2. Chez Paul. Tite 2:13 semble être le passage paulinien qui identifie le plus clairement Christ à Dieu, puisque certains contestent le sens de Romains 9:5. Dans ce dernier passage, il est pourtant préférable, aussi bien d’un point de vue linguistique qu’en raison du contexte, de rattacher l’expression «Dieu béni éternellement» à Christ.
V. Seigneur (kurios) A. Les occurrences du nom La plupart des occurrences du mot kurios dans le Nouveau Testament se trouvent sous la plume de Luc (210 fois) et de Paul (275 fois), car tous deux écrivaient à des personnes de culture et de langue grecques.
B. La signification du nom Kurios souligne l’autorité et la suprématie. Il peut être simplement l’équivalent de notre «monsieur» (comme en Jean 4:11) ou bien désigner un propriétaire (Luc 19:33) ou un maître (Colossiens 3:22); il s’applique aussi à des idoles (1 Corinthiens 8:5) ou aux maris (1 Pierre 3:6). Utilisé pour Dieu, il «exprime tout particulièrement son rôle de créateur, son pouvoir révélé dans l’histoire, et sa juste domination sur l’univers»15.
C. Christ comme Kurios Au cours de sa vie terrestre, les gens s’adressèrent à Jésus en l’appelant «seigneur», dans le sens de «maître» ou tout simplement de «monsieur» (Matthieu 8:6). Thomas lui reconnut la pleine divinité quand il lui dit: «Mon Seigneur et mon Dieu» (Jean 20:28). Par sa résurrection et son ascension, Christ a été établi comme Seigneur de l’univers (Actes 2:36; Philippiens 2:11). Mais «quand un chrétien du premier siècle habitué à lire l’Ancien Testament trouvait le titre ‘Seigneur’ appliqué à Jésus, il l’identifiait au Dieu de l’Ancien Testament»16. Ainsi, par rapport à un texte comme Romains 10:9, «tout Juif qui confessait que Jésus de Nazareth est ‘Seigneur’ était considéré comme lui reconnaissant la nature et les attributs divins»17. L’essence de la foi chrétienne consistait donc à reconnaître Jésus de Nazareth comme le Yahvé de l’Ancien Testament.
VI. Maître (despotês) A. La signification du nom Despotês insiste sur la notion de possession, alors que kurios met surtout en avant les idées
d’autorité et de suprématie.
B. Les occurrences du nom Siméon (Luc 2:29), Pierre et ceux qui sont avec lui (Actes 4:24) ainsi que les martyrs dans le ciel (Apocalypse 6:10) s’adressent à Dieu en l’appelant despotês dans l’original grec (traduit par «seigneur» ou «maître»). Ce titre est attribué deux fois à Christ (2 Pierre 2:1; Jude 4); le terme grec est traduit par «maître».
VII. Père Une des révélations qui caractérise le Nouveau Testament, c’est celle de Dieu comme Père d’individus. Si l’Ancien Testament applique quinze fois seulement le titre de «Père» à Dieu, le Nouveau Testament le présente 245 fois comme tel. En tant que Père, il donne à ses enfants grâce et paix (une formule de salutation fréquente dans les épîtres, par exemple Ephésiens 1:2; 1 Thessaloniciens 1:1), de bonnes choses (Jacques 1:17) et même des commandements (2 Jean 4). C’est à Dieu le Père que nous adressons nos prières (Ephésiens 2:18; 1 Thessaloniciens 3:11). Résumons: dans les temps bibliques, le nom ne se limitait pas à identifier une personne; il la décrivait en révélant parfois certaines de ses caractéristiques. «Eternel, notre Seigneur! Que ton nom est magnifique sur toute la terre!» (Psaume 8:2, 10). 14 Akkadien: c’est-à-dire du pays d’Akkad, une région de la Mésopotamie centrale. L’akkadien est la plus ancienne des langues sémitiques. (N.d.E.) 15 H. Bietenhard, «Lord» dans The New International Dictionary of New Testament Theology, ed. Cohn Brown, Grand Rapids, Zondervan, 1976, 2:514. 16 S.E. Johnson, «Lord (Christ)» dans The Interpreter’s Dictionary of the Bible, New York, Abingdon, 1976, 3:151. 17 William G. T. Shedd, Romans, New York, Scribner, 1879, p. 318.
8. La tri-unité de Dieu Le mot «Trinité» ne se trouve pas dans la Bible. Les mots tri-unité, trinitaire, substance, essence n’y figurent pas non plus. Nous les utilisons cependant, et souvent très utilement, pour essayer d’exprimer une doctrine particulièrement complexe. Celle-ci n’est d’ailleurs pas explicite dans le Nouveau Testament, même si certains prétendent qu’elle est implicite dans l’Ancien Testament et explicite dans le Nouveau. Le Petit Robert définit ainsi l’adjectif explicite: «Qui est réellement exprimé, formulé… qui est suffisamment clair et précis… qui s’exprime avec clarté sans équivoque.» On ne peut manifestement pas l’appliquer à la doctrine de la Trinité! Elle découle pourtant des Ecritures; c’est donc un enseignement biblique.
I. La contribution de l’Ancien Testament L’Ancien Testament insiste indiscutablement sur l’unité de Dieu. Il suggère toutefois clairement une pluralité de personnes au sein de la divinité. On peut donc dire que l’Ancien Testament contient des indications qui préparent la révélation ultérieure de la tri-unité de Dieu. Quelles sont-elles?
A. L’unité de Dieu Le célèbre Shema de Deutéronome 6:4, qui devint la confession de foi fondamentale du judaïsme, affirme l’unité et l’unicité de Dieu. Le texte peut se traduire de plusieurs façons: «L’Eternel notre Dieu est le seul Eternel»; «l’Eternel notre Dieu, l’Eternel est un»; «L’Eternel notre Dieu, l’Eternel est unique»; «L’Eternel est notre Dieu, le seul Eternel». Cette dernière traduction souligne davantage l’unicité de Dieu que son unité, mais en indiquant qu’il n’y a qu’un Dieu, elle exclut le polythéisme. D’autres passages comme Exode 20:3; Deutéronome 4:35; Esaïe 45:14; 46:9 insistent sur la loyauté d’Israël au seul Dieu.
B. Les termes au pluriel Nous avons déjà laissé entendre que le nom pluriel Elohim attribué à Dieu évoque sa grandeur et sa suprématie illimitées. Ce nom en lui-même ne permet toutefois pas de déduire, de façon assurée, la pluralité des personnes. Par contre, le fait que Dieu parle de lui-même en utilisant le pronom personnel pluriel (Genèse 1:26; 3:22; 11:7; Esaïe 6:8) et des verbes conjugués au pluriel (Genèse 1:26; 11:7) semble indiquer une distinction et une pluralité des personnes, sans qu’il s’agisse nécessairement d’une trinité.
C. L’ange de l’Eternel
L’expression «ange de l’Eternel» peut s’appliquer à n’importe quel ange de Dieu (1 Rois 19:7; cf. 1 Rois 19:5), mais parfois cet ange est assimilé à Dieu tout en étant distinct de lui (Genèse 16:7-13; 18:1-21; 19:1-28; Malachie 3:1). Ce fait milite en faveur d’une distinction de personnes au sein de la divinité. Comme l’ange est appelé Dieu, il ne peut pas représenter seulement un prophète qui aurait exercé son ministère avant la période prophétique (selon la suggestion d’Edmond Jacob dans Theology of the Old Testament18).
D. La distinction des personnes Certains passages distinguent visiblement des personnes au sein de la divinité. 1. L’Eternel est distingué de l’Eternel (Genèse 19:24; Osée 1:7). 2. Le rédempteur (qui doit être divin) est distingué de l’Eternel (Esaïe 59:20). 3. L’Esprit est distingué de l’Eternel (Esaïe 48:16; 59:21; 63:9-10). Dans ces versets, l’Esprit est un être personnel qui agit.
E. La sagesse de Dieu (?) Plusieurs théologiens (Berkhof, Payne, Thiessen) estiment que la sagesse personnifiée en Proverbes 8:12-31 désigne Christ et constitue une indication vétérotestamentaire de l’existence de la Trinité. Il vaut cependant mieux considérer ce passage, non comme une ébauche de Christ, mais comme une description de la nature éternelle de la sagesse en tant qu’attribut de Dieu19. Comment évaluer la contribution de l’Ancien Testament à l’élaboration de la doctrine trinitaire? Berkhof conclut qu’on trouve dans l’Ancien Testament une «claire anticipation»20 de la révélation néotestamentaire plus complète. Il nous paraît toutefois qu’en qualifiant cette anticipation de «claire», l’auteur exagère. La conclusion de Payne nous semble plus correcte: il déclare que l’Ancien Testament contient «d’authentiques suggestions des personnes qui constituent la divinité»21. Nous pourrions résumer la situation ainsi: la doctrine de la Trinité n’existe que sous sa forme embryonnaire dans l’Ancien Testament. On peut se demander si, sans le développement de cette doctrine dans le Nouveau Testament, nous aurions pu découvrir son ébauche dans l’Ancien.
II. La contribution du Nouveau Testament Bien que le Nouveau Testament ne contienne aucune déclaration explicite de la doctrine concernant la tri-unité divine (en effet, les mots «ces trois sont un», dans certaines versions de 1 Jean 5:7 ne font probablement pas partie du texte scripturaire authentique22), il en fournit de nombreuses preuves. On peut en effet constater un double accent: de nombreux
passages insistent sur le fait qu’il n’existe qu’un seul vrai Dieu; d’autres présentent un homme appelé Jésus, et le Saint-Esprit, qui revendiquent tous deux la divinité. Si on privilégie les textes qui prônent l’unité au détriment de ceux qui sont favorables à trois personnes, on aboutit à l’unitarisme. A l’inverse, insister sur les trois personnes au mépris de l’unité de Dieu, c’est professer le trithéisme (comme les Mormons). Accepter à la fois la présence de trois personnes divines et croire en un seul Dieu débouche sur la doctrine de la Trinité.
A. Un seul Dieu Comme l’Ancien Testament, le Nouveau déclare avec insistance qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Les passages comme 1 Corinthiens 8:4-6; Ephésiens 4:3-6 et Jacques 2:19 ne laissent planer aucun doute à ce sujet.
B. Trois personnes 1. Le Père est reconnu comme Dieu. Personne ne le met en doute, et de nombreux textes bibliques l’affirment (Jean 6:27; 1 Pierre 1:2). 2. Jésus-Christ est reconnu comme Dieu. Jésus s’attribue lui-même des perfections que seul Dieu possède, comme l’omniscience (Matthieu 9:4), l’omnipotence (Matthieu 28:18) et l’omniprésence (Matthieu 28:20). Il accomplit des choses que seul Dieu est capable de faire (et la plupart de ses contemporains le reconnurent, parfois à contrecœur), comme l’acte de pardonner les péchés (Marc 2:1-12) ou de ressusciter les morts (Jean 12:9). Par ailleurs, le Nouveau Testament attribue à Christ des œuvres que seul Dieu peut opérer, comme le soutien de toutes choses (Colossiens 1:17), la création (Jean 1:3) et le futur jugement de tous (Jean 5:27). Les derniers mots de Jean 1:1 confèrent la divinité pleine et entière à la Parole (Christ). La meilleure traduction en est: «La Parole était Dieu.» Une exégèse logique interdit la traduction adoptée par les Témoins de Jéhovah: «La Parole était un dieu.» Le mot «Dieu» n’est pas précédé d’un article; s’il fallait le comprendre comme précédé de l’article indéfini («un dieu» au lieu de «le Dieu»), ce serait la seule fois où Jean s’exprimerait ainsi dans son Evangile. Par conséquent, pour des raisons grammaticales, il est hautement improbable que l’auteur ait songé à un article indéfini. Dans son prologue, Jean n’aurait pas pu trouver une manière plus précise pour exprimer les vérités que la Parole était Dieu et qu’elle était en même temps distincte du Père. 3. Le Saint-Esprit est reconnu comme Dieu. L’Esprit est appelé Dieu (Actes 5:3-4), il possède les attributs de Dieu, comme l’omniscience (1 Corinthiens 2:10) et l’omnipotence (1 Corinthiens 6:19); c’est lui qui régénère les hommes (Jean 3:5-6, 8), œuvre exclusive de Dieu.
C. Les mentions de la Trinité Matthieu 28:19 affirme l’unité de Dieu en trois personnes en les associant toutes dans l’acte du baptême et en ne leur attribuant qu’un seul nom. D’autres passages comme Matthieu 3:16-17 et 2 Corinthiens 13:13 associent également les trois personnes mais ne soulignent pas leur unité d’une façon aussi forte que Matthieu 28:19.
III. Quelques considérations en vue d’une définition Il n’est pas facile d’élaborer une définition de la Trinité. Certains la définissent en plusieurs propositions. D’autres mettent l’accent soit sur l’unité de Dieu, soit sur les trois personnes. L’une des meilleures définitions est celle de Warfield: «Il n’y a qu’un seul et vrai Dieu, mais l’unité de la divinité comprend trois personnes coéternelles et coégales, de même substance mais distinctes en existence.»23 Le mot «personnes» pourrait induire en erreur en faisant penser qu’il y a trois individus dans la divinité, mais quel autre mot utiliser qui convienne? Le terme «substance» pourrait sembler trop matérialiste, si bien que certains lui préfèrent le vocable «essence». Cette définition atteste clairement le fait que Dieu est un et trois à la fois. Elle veille attentivement à maintenir l’égalité et l’éternité des trois personnes. Même si le mot «personne» ne convient pas parfaitement, il préserve du modalisme (ou monarchianisme, voir plus loin), et l’expression «de même substance» (ou «de même essence») protège contre le trithéisme. Chacune des trois personnes possède la totalité de l’essence indivisée et indivisible de Dieu. L’affirmation de Jésus: «Moi et le Père nous sommes un» (Jean 10:30) souligne admirablement l’équilibre entre la diversité des personnes et l’unité d’essence. Les mots «moi et le Père» distinguent clairement deux personnes; de plus le verbe «nous sommes» est au pluriel. L’adjectif «un» est neutre en grec; il désigne l’unité de nature ou d’essence, mais non l’unité de personnes, pour laquelle il aurait fallu que l’adjectif soit au masculin. Ainsi, le Seigneur se distingue du Père tout en affirmant son unité et son égalité avec lui. Dans la tradition chrétienne, le concept de la Trinité a été envisagé soit dans une perspective ontologique, soit dans une perspective économique ou administrative. La conception ontologique insiste sur les opérations individuelles des personnes ou les opera ad intra (les activités internes), ou bien sur les propriétés individuelles qui distinguent les personnes. Elle aborde la question de la génération (filiation ou engendrement) et de la procession, c’est-à-dire qu’elle s’efforce de définir un ordre au sein de la Trinité sans pour
autant faire intervenir une quelconque inégalité, antériorité ou différence de dignité entre les personnes. La génération et la procession s’effectuent au sein de l’être divin et n’impliquent aucune idée de subordination d’essence. Dans la perspective ontologique, on peut dire des personnes de la Trinité: 1. Le Père engendre le Fils; c’est du Père que l’Esprit procède; mais le Père lui-même n’est pas engendré et ne procède de personne. 2. Le Fils est engendré; c’est également de lui que l’Esprit procède; mais lui-même n’engendre pas et ne procède pas. 3. Le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, mais il n’engendre pas et personne ne procède de lui. Je suis d’accord avec Buswell lorsqu’il déclare que la génération n’est pas une doctrine fondée sur l’exégèse24. Mais le concept que cette doctrine tente de faire comprendre n’est pas opposé à l’Ecriture, et la doctrine de la filiation est certainement biblique. L’expression «engendrement éternel» tente tout simplement de définir la relation entre le Père et le Fils au sein de la Trinité; l’adjectif «éternel» protège cette explication contre toute idée d’inégalité ou de temporalité. Mais qu’on s’appuie ou non sur l’idée d’engendrement éternel, il faut affirmer haut et fort que le Père et le Fils sont tous deux égaux et éternels. On ne devrait pas fonder l’idée d’engendrement éternel sur la parole du Psaume 2:7. La procession semble être un concept plus scripturaire, fondé sur Jean 15:26. Berkhof la définit comme «l’acte éternel et nécessaire par lequel la première et la deuxième personnes au sein de l’être divin deviennent le fondement de l’existence personnelle du Saint-Esprit et confèrent à la troisième personne la possession de toute l’essence divine sans division, aliénation ni changement»25. L’idée de procession éternelle s’appuie fortement sur le présent du verbe «venir» (ou «procéder») dans Jean 15:26 («l’Esprit… qui vient du Père»). Il me semble personnellement qu’on attache trop d’importance à ce présent. Pour moi, le verset ne dit rien au sujet des relations mutuelles éternelles au sein de la Trinité, sinon que l’Esprit poursuivra l’œuvre du Seigneur Jésus après son ascension. La conception économique de la Trinité s’intéresse à l’administration, à la gestion, aux actions des personnes, aux opera ad extra («œuvres externes ou extérieures», autrement dit à la création et aux créatures). Dans le cas du Père, il s’agit de son œuvre d’élection (1 Pierre 1:2), de son amour pour le monde (Jean 3:16), des dons parfaits accordés (Jacques 1:17). Pour le Fils, on insiste sur ses souffrances (Marc 8:31), sur la rédemption (1 Pierre 1:18) et le soutien de toutes choses (Hébreux 1:3). En ce qui concerne l’Esprit, cette perception de la Trinité souligne son œuvre particulière qui consiste à régénérer (Tite 3:5), à revêtir de puissance (Actes 1:8) et à sanctifier (Galates 5:22-23). Malgré toutes les discussions et toutes les précautions prises, nous devons reconnaître en
fin de compte que la Trinité reste un mystère. Nous acceptons toutes les données bibliques comme vraies, même si elles dépassent notre entendement.
IV. Pour illustrer la Trinité Aucune illustration ne peut inclure tout ce qu’implique la révélation biblique de la Trinité. Dans le meilleur des cas, les images ne sont que des approximations de l’idée «trois en un».
Le schéma ci-dessus, courant, permet d’illustrer la divinité dans son unité tout en montrant que chaque personne est distincte et Dieu. On peut aussi mentionner le cas de l’eau qui conserve sa composition chimique aussi bien à l’état solide qu’à l’état gazeux ou liquide. Il existe un point où l’eau liquide, la vapeur d’eau et la glace peuvent coexister en équilibre. Tous les composants sont de l’eau, mais ils sont distincts les uns des autres. Le soleil, sa lumière et sa puissance peuvent de même illustrer la notion de trinité26. Personne n’a jamais vu le soleil, et personne n’a jamais vu le Père non plus. Mais nous pouvons apprendre quantité de choses sur le soleil en étudiant la lumière solaire, tout comme nous pouvons apprendre beaucoup sur le Père par Jésus-Christ, le Fils, qui est le reflet de sa personne (Hébreux 1:3). Nous découvrons le pouvoir du soleil en constatant la croissance des plantes et des arbres. Le Saint-Esprit peut se comparer à l’énergie solaire, et il est Dieu. Quelles que soient l’utilité et les limitations des illustrations, nous devons là encore reconnaître que nous nous trouvons devant un mystère.
V. Un survol de l’histoire de la doctrine A. Le monarchianisme Les Pères de l’Eglise ne formulèrent pas de déclaration précise concernant la Trinité.
Certains n’étaient pas au clair quant au Logos, et la plupart n’accordaient pas une très grande attention à l’Esprit, en dehors de son œuvre dans la vie des croyants. En réponse à un certain Praxéas, Tertullien (vers 165-220) défendit la réalité des trois personnes en Dieu. Il fut ainsi le premier à utiliser le vocable «Trinité». Il n’en avait cependant pas une compréhension complète et exacte, car ses vues étaient teintées de subordinatianisme27. Tertullien combattait les monarchiens qui privilégiaient l’unité de Dieu et niaient la Trinité. Le monarchianisme existait sous deux formes. 1. Le monarchianisme dynamique (ou adoptianisme). C’est Théodote de Byzance qui exposa cette idée vers 210. Pour lui, Jésus était un homme qui reçut une puissance spéciale du Saint-Esprit lors de son baptême. 2. Le monarchianisme modaliste. Ce courant exerça une influence plus grande que le précédent, car il s’efforçait non seulement de défendre l’unité de Dieu, mais aussi la pleine divinité du Fils en affirmant que le Père s’était incarné dans le Fils. En Occident, ce mouvement fut aussi connu sous le nom de patripassianisme; ses adeptes enseignaient que c’était le Père qui avait souffert dans la personne du Fils. En Orient, les sabelliens (du nom de Sabellius, leur plus illustre représentant) enseignaient que les personnes de la divinité étaient des modes dans lesquels Dieu se manifestait. Bien qu’utilisant le terme de «personne», Sabellius lui conférait le sens de rôle ou de manifestation d’une seule et même essence divine.
B. L’arianisme Arius, un prêtre antitrinitaire d’Alexandrie (vers 250-336), distinguait le Dieu éternel du Fils, engendré par le Père et ayant donc un commencement. Il enseignait aussi que le SaintEsprit était la première chose créée par le Fils, puisque toutes choses ont été créées par lui. Il trouvait un appui biblique à ses idées dans des passages qui semblent présenter le Fils comme inférieur au Père (Matthieu 28:18; Marc 13:32; 1 Corinthiens 15:28). Arius eut comme adversaire Athanase (vers 296-373) qui, tout en maintenant l’unité de Dieu, distinguait trois natures essentielles en Dieu et insistait sur le fait que le Fils était de même substance que le Père. Il enseignait que le Fils était bien engendré, mais que cet engendrement était un acte éternel et interne à Dieu; Arius, lui, rejetait l’engendrement éternel. Quand le concile de Nicée fut convoqué pour mettre fin à la querelle, Athanase et ses disciples voulurent que soit affirmé le fait que le Fils est de même substance (homoousios) que le Père; un groupe important de participants, plus modérés, suggérèrent que ce terme soit remplacé par l’adjectif omoiousios («de substance semblable»). Pour les partisans d’Arius, le Fils était de substance différente (heteroousios). Finalement, l’empereur
Constantin prit le parti d’Athanase; le symbole de Nicée affirme clairement et sans aucune ambiguïté que le Christ est de même substance que le Père (homoousios, consubstantiel). En ce qui concerne le Saint-Esprit, le symbole déclare simplement: «Je crois au SaintEsprit.» Mais dans son enseignement, Athanase maintenait que l’Esprit, tout comme le Fils, est de même essence que le Père. Après le concile de Nicée, de nombreux documents circulèrent au quatrième siècle; l’arianisme restait très populaire du fait de l’influence de Constance II, fils et successeur de Constantin, qui était un ardent partisan d’Arius. Dans la seconde moitié du quatrième siècle, trois théologiens de la province de Cappadoce, dans la partie orientale de l’Asie Mineure, donnèrent sa forme définitive à la doctrine de la Trinité et signèrent la mort de l’arianisme. Il s’agissait de Basile de Césarée, de son frère Grégoire de Nysse et de Grégoire de Naziance, un ami intime de Basile. Ils contribuèrent à la clarification de la doctrine trinitaire en utilisant les termes ousia pour désigner l’essence unique de la divinité et hypostasis pour désigner les personnes. Leur insistance sur les trois natures essentielles au sein du Dieu unique fit disparaître le soupçon de sabellianisme28 que les modérés faisaient peser sur le symbole de Nicée. Ils se révélèrent également d’ardents défenseurs de la consubstantialité (homoousios) du Saint-Esprit.
C. Le concile de Constantinople (381 apr. J.-C.) En 373, les pneumatomaques («combattants contre l’Esprit»), conduits par Eusthate, considérèrent que le Fils et l’Esprit n’étaient que d’une substance semblable à celle du Père (quelques modérés parmi eux continuaient toutefois à affirmer la consubstantialité du Fils). La controverse prit une telle ampleur que l’empereur Théodose convoqua un concile à Constantinople, regroupant 150 évêques orthodoxes de l’Eglise d’Orient. Sous l’impulsion de Grégoire de Naziance, le concile formula l’article de foi suivant à propos du Saint-Esprit: «Nous croyons en l’Esprit Saint, qui règne et donne la vie, qui procède du Père, qui, avec le Père et avec le Fils est conjointement glorifié, et qui parle par les prophètes.» Bien que cette formulation évite soigneusement l’expression «de même substance que le Père» qui avait été appliquée à Christ dans le symbole de Nicée, elle décrivait cependant l’œuvre de l’Esprit en des termes qui ne peuvent être appliqués à aucun être créé. Elle mit donc un terme à la discussion sur la divinité de l’Esprit, même si elle n’était pas pleinement satisfaisante puisqu’elle n’utilisait pas l’adjectif homoousios à propos de l’Esprit et qu’elle ne précisait pas les rapports entre l’Esprit et les deux autres personnes.
D. Augustin (354-430 apr. J.-C.) 1. De Trinitate. Dans ce traité, Augustin met la touche finale à la doctrine de la Trinité pour l’Eglise d’Occident. Il y déclare que chacune des trois personnes possède la totalité de l’essence divine et qu’elles sont interdépendantes les unes des autres. Bien qu’insatisfait
par le terme de «personne» pour désigner les trois natures essentielles, il l’utilisa «pour ne pas rester silencieux». Il enseigna aussi que l’Esprit procède à la fois du Père et du Fils. 2. La controverse pélagienne29 (431). Augustin insista beaucoup sur la présentation de la grâce efficace comme une œuvre de l’Esprit. Cela exerça une profonde influence non seulement sur sa doctrine de l’homme, mais aussi sur celle de l’Esprit.
E. Le synode de Tolède (589 apr. J.-C.) Pour la grande majorité des théologiens occidentaux, le Saint-Esprit procédait à la fois du Père et du Fils. Mais cette doctrine trouva sa formulation finale lorsque le synode de Tolède ajouta la clause du filioque («et du Fils») à la confession de foi promulguée au concile de Constantinople (qui disait désormais «l’Esprit-Saint… procède du Père et du Fils»). L’Eglise d’Orient n’a jamais admis ce point de doctrine qu’elle considère comme une hérésie; ce fut un facteur de séparation entre l’Eglise d’Occident et celle d’Orient, et ce schisme subsiste encore aujourd’hui. Photius, patriarche de Constantinople et adversaire du pape Nicolas Ier, se servit de la clause du filioque pour combattre les prétentions de ce pape à être l’évêque universel. Il accusa l’Eglise d’Occident d’avoir introduit des innovations doctrinales et déclara que le filioque avait falsifié la sainte confession de foi de Constantinople.
F. L’enseignement de la Réforme sur la Trinité Les réformateurs et toutes les confessions de foi réformées ont adopté la doctrine trinitaire telle qu’elle avait été définie par l’Eglise des premiers siècles (voir Calvin, Institution 1.13, par exemple). Calvin semblait avoir du mal à accepter l’idée d’engendrement éternel du Fils; il la jugeait inutile, mais ne la rejeta pas. Luther acceptait la doctrine orthodoxe de la Trinité parce qu’il l’estimait enseignée par les Ecritures, tout en étant d’avis que seule la foi permet de la comprendre. La Confession d’Augsbourg (1530) affirme clairement «qu’il n’existe qu’une seule essence divine qui est appelée et qui est Dieu… mais il y a trois personnes de même essence et de même puissance et qui sont coéternelles, le Père, le Fils et le Saint-Esprit» (111.7). La Confession de Westminster (1647) déclare: «Dans l’unité divine, il est trois personnes d’une seule et même substance, puissance et éternité: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit. Le Père n’est engendré par personne et ne procède de personne. Le Fils est éternellement engendré du Père. Le Saint-Esprit procède éternellement du Père et du Fils» (2.3). Au seizième siècle, le socinianisme nia la préexistence du Fils, considérant que celui-ci n’était qu’un homme. Pour Socin (ou Sozzini), il n’y avait qu’une essence divine ne contenant qu’une seule personne. Ces vues influencèrent l’unitarisme et le déisme anglais.
Beaucoup d’unitariens n’étaient pas déistes, mais tous les déistes avaient une conception unitarienne de Dieu. Il y a donc une forme de lignée hérétique qui part de l’arianisme et passe par le socinianisme et l’unitarisme pour aboutir au déisme. L’unitarisme américain est le descendant direct de l’unitarisme anglais30.
G. Les conceptions modernes De nos jours, beaucoup s’en tiennent à la conception orthodoxe de la Trinité. Celle-ci a cependant de nombreux adversaires. Kant et Hegel se sont opposés à l’enseignement orthodoxe et ont défendu l’adoptianisme ou un panthéisme impersonnel. Swedenborg et Schleiermacher ont opté pour le sabellianisme. Bon nombre de chrétiens jugent que la conception barthienne des choses était modaliste31. D’autres considèrent Barth comme orthodoxe parce qu’il a rejeté le sabellianisme et s’est servi de son concept de «modes d’existence» en Dieu à la place du concept de personnes. Paul Tillich estime que la doctrine de la Trinité a été élaborée par l’homme pour répondre à ses propres besoins. En réalité, Tillich ne croit pas en l’existence d’une personne au sein de la divinité, encore moins de trois. Les Témoins de Jéhovah épousent une christologie proche des vues ariennes en niant l’éternité du Fils et la doctrine de la Trinité. Comme Arius, ils considèrent le Logos comme un être intermédiaire entre le créateur et la création.
VI. Quelques implications pratiques La richesse du concept trinitaire a des conséquences dans plusieurs domaines de la théologie. La doctrine de la rédemption en est un exemple évident, car toutes les personnes de la divinité interviennent dans cette grande œuvre (Jean 3:6, 16; Apocalypse 13:8). La doctrine de la révélation est un autre exemple, puisque le Fils et l’Esprit sont tous deux impliqués dans la communication de la vérité de Dieu (Jean 1:18; 16:13). La communion et l’amour au sein de la divinité ne sont possibles que dans une conception trinitaire de Dieu; cette communion est proche de celle que le croyant cultive avec Christ (Jean 14:17). La priorité sans infériorité telle qu’elle existe au sein de la Trinité sert de base à des relations correctes entre l’homme et la femme (1 Corinthiens 11:3). La prière se pratique dans le cadre trinitaire. Bien que nous puissions nous adresser à n’importe quelle personne de la Trinité, ordinairement et conformément aux précédents bibliques, nous invoquons le Père au nom de Christ, sous l’inspiration de l’Esprit (Jean 14:14; Ephésiens 1:6; 2:18; 6:18).
Annexe de l’éditeur Une formulation française du symbole de Nicée Nous croyons en un Dieu, Père Tout-Puissant, créateur de toutes les choses visibles et invisibles; et en un Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, unique engendré du Père, c’est-à-dire de la substance (ousia) du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel (homoousios) au Père, par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre; qui pour nous, les hommes, et pour notre salut, est descendu, s’est incarné, s’est fait homme, a souffert, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux et viendra juger les vivants et les morts; et en l’Esprit-Saint. Pour ceux qui disent: «Il y eut un temps où il n’était pas», et: «Avant de naître, il n’était pas», et: «Il a été créé du néant», ou ceux qui déclarent que le Fils de Dieu est d’une autre substance (hypostasis), ou essence (ousia) ou qu’il est soumis au changement ou à l’altération, l’Eglise catholique et apostolique les anathématise. Une formulation française du symbole de Nicée-Constantinople Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles. et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait; qui pour nous, les hommes, et pour notre salut, est descendu des cieux, par le Saint-Esprit s’est incarné de la vierge Marie et s’est fait homme; il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, a souffert, a été enseveli, est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures; est monté aux cieux où il siège à la droite du Père; de là, il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin; et en l’Esprit-Saint, le Seigneur qui vivifie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est conjointement adoré et glorifié, qui a parlé par les prophètes; et en l’Eglise une, sainte, universelle et apostolique. Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés; nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir. Amen. 18 Edmund Jacob, Theology of the Old Testament, New York, Harper & Row, 1958, pp. 75-77. 19 Voir Louis Goldberg, «Wisdom», dans Theological Wordbook of the Old Testament, Chicago, Moody, 1980, 1:283. 20 L. Berkhof, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1978, p. 86. 21 J. Barton Payne, dans The Theology of the Older Testament, Grand Rapids, Zondervan,
1962, p. 166. 22 L’auteur fait ici allusion à la «virgule johannique». Il s’agit d’un ajout au texte original qui ne figure que dans quelques manuscrits tardifs et dont la traduction apparaît, entre crochets, dans la version Segond 1978 ci-après: «Car il y en a trois qui rendent témoignage [dans le ciel: le Père, la Parole et l’Esprit-Saint. Et ces trois sont un. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre:] l’Esprit, l’eau et le sang, et les trois sont d’accord.» (N.d.E.) 23 B.B. Warfield, «Trinity», The International Standard Bible Encyclopaedia, ed. James Orr, Grand Rapids, Eerdmans, 1930, 5:3012. 24 J. Oliver Buswell, A Systematic Theology of the Christian Religion, Grand Rapids, Zondervan, 1962, I:105-112. 25 Berkhof, Systematic Theology, p. 97. 26 The Pilgrim Bible, New York, Oxford, 1948, 9-10. 27 Subordinatianisme (ou subordinationisme): tendance à placer le Fils dans la dépendance du Père, dans une certaine infériorité par rapport au Père. (N.d.E.) 28 Rappelons que le sabellianisme mettait l’accent sur l’apparence et voyait dans les trois personnes des modes de l’unique divinité. (N.d.E.) 29 Pélage considérait que l’homme est libre, qu’il participe en tant que créature à la grâce du Créateur, et qu’il peut devenir par ses seules forces l’image de Dieu. Il affirmait aussi que certains peuvent être sans péché et que certains ont été libérés du péché avant de mourir. (N.d.E.) 30 L’Eglise unitarienne d’Angleterre est née en 1778. Aux Etats-Unis, c’est surtout parmi les Eglises congrégationalistes que l’antitrinitarisme s’est répandu. La tolérance et la liberté absolue de la foi, qui mènent au rejet de toute formule dogmatique, en constituent les traits les plus caractéristiques. (N.d.E.) 31 Leonard Hodgson, The Doctrine of the Trinity, Londres, Nisbet, 1955, p. 229.
Section III La Bible: inspirée par Dieu
9. La révélation spéciale Dans la section précédente, nous avons abordé le thème de la révélation générale, la façon dont Dieu se révèle à tous les hommes. Si l’on intitulait la révélation totale de Dieu «Livre de la révélation», le premier volume serait consacré à la révélation générale, et le deuxième volume contiendrait la révélation spéciale qui, contrairement à la première, n’atteint pas nécessairement tout le monde.
I. Les canaux de la révélation spéciale A. Le tirage au sort Nous n’accordons plus aujourd’hui beaucoup d’importance au sort, mais il servit parfois à faire connaître la pensée de Dieu à l’homme (Proverbes 16:33; Actes 1:21-26).
B. L’urim et le thummim Le pectoral que le souverain sacrificateur portait dans l’Ancien Testament était un double carré fait de matériaux de grande beauté. Les deux parties étaient attachées entre elles par des cordons; l’une couvrait la poitrine, l’autre le dos. Il était enchâssé de douze pierres précieuses sur lesquelles étaient gravés les noms des douze tribus d’Israël. L’urim et le thummim étaient peut-être deux pierres précieuses placées à l’intérieur d’une sorte de bourse; on s’en servait pour connaître la volonté de Dieu (Exode 28:30; Nombres 27:21; Deutéronome 33:8; 1 Samuel 28:6; Esdras 2:63).
C. Les rêves Dieu s’est manifestement servi des rêves comme moyens de communication en de nombreuses occasions à l’époque de l’Ancien Testament, et il le fera de nouveau lors de la seconde venue de Christ (Genèse 20:3, 6; 31:11-13, 24; 40-41; Joël 2:28). Dieu s’est révélé par des rêves aussi bien à des non-croyants qu’à des croyants (Genèse 20:3; 31:24). Tout en constituant une expérience très répandue, les songes ont été un moyen spécial utilisé par Dieu pour révéler la vérité.
D. Les visions Celui qui a une vision est surtout frappé par ce qu’il entend, alors que celui qui fait un rêve l’est par ce qu’il voit. Il semble aussi que l’être humain est davantage actif dans le cas d’une vision (Esaïe 1:1; 6:1; Ezéchiel 1:3).
E. Les théophanies
Avant l’incarnation, les théophanies (apparitions divines) étaient associées à l’apparition de l’ange de l’Eternel qui transmettait le message divin aux hommes (Genèse 16:7-14; Exode 3:2; 2 Samuel 24:16; Zacharie 1:12).
F. Les anges Dieu s’est aussi servi d’anges créés pour porter son message aux hommes (Daniel 9:20-21; Luc 2:10-11; Apocalypse 1:1). (Notons que dans Apocalypse 19:17, Dieu se sert d’un ange pour s’adresser aux oiseaux!)
G. Les prophètes Les prophètes de l’Ancien Testament transmettaient le message de Dieu à l’humanité (2 Samuel 23:2; Zacharie 1:1), comme le firent les prophètes du Nouveau Testament (Ephésiens 3:5). Ils parlaient avec autorité parce qu’ils communiquaient la Parole du Seigneur. Le prédicateur ou l’enseignant d’aujourd’hui ne peut être assimilé à un prophète, car il ne fait que proclamer ou expliquer la Parole de Dieu déjà communiquée et écrite.
H. Les événements Dieu se révèle aussi par son activité dans le déroulement de l’histoire. D’après Michée 6:4, la délivrance accordée au peuple d’Israël pour lui permettre de sortir d’Egypte révélait la justesse des interventions de l’Eternel. Les actes de jugement révèlent qui est Dieu (Ezéchiel 25:7). L’incarnation de Christ fut évidemment la révélation spéciale suprême de Dieu (Jean 1:14). Ces événements doivent être historiques et réels pour être des moyens de communication de la vérité divine. Or, aujourd’hui, certains placent la foi existentielle avant la foi historique. Autrement dit, ils tentent de créer une révélation indépendante des faits historiques, ou trouvent une signification aux faits historiques tout en niant que les événements concernés se soient réellement produits. Les auteurs bibliques, quant à eux, ne se sont jamais appuyés sur une historiographie existentielle. Il faut non seulement que les événements soient historiques, mais de plus qu’ils soient interprétés par une inspiration divine, si nous voulons en saisir la signification exacte. Ainsi, beaucoup d’hommes furent crucifiés; comment savoir alors que seule la crucifixion de Jésus de Nazareth a enlevé les péchés du monde? La Parole de la révélation spéciale éclaire et interprète correctement les ténèbres qui masquent le sens des événements.
I. Jésus-Christ L’incarnation de Jésus-Christ est incontestablement un aspect primordial de la révélation spéciale. Il a fait connaître le Père (Jean 1:14), révélé la nature de Dieu (Jean 14:9), la puissance de Dieu (Jean 3:2), la sagesse de Dieu (Jean 7:46), la gloire de Dieu (Jean 1:14),
la vie de Dieu (1 Jean 1:1-3) et l’amour de Dieu (Romains 5:8). Notre Seigneur l’a fait à la fois par ses actes (Jean 2:11) et par ses paroles (Matthieu 16:17).
J. La Bible La Bible est en fait le plus complet de tous les canaux de la révélation spéciale, car elle inclut une grande partie des autres. Bien que Dieu ait certainement accordé des visions, des rêves et des messages prophétiques qui ne sont pas rapportés dans la Bible, nous n’en connaissons aucun détail. De même, tout ce que nous savons de la vie de Christ est consigné dans la Bible, même s’il est évident que l’Ecriture ne rapporte pas tout ce qu’il a dit et fait (Jean 21:25). La Bible ne représente cependant pas seulement le compte rendu des autres révélations accordées par Dieu; elle contient aussi une vérité additionnelle qui n’avait pas été révélée par les prophètes ni même pendant la vie terrestre de Christ. Elle constitue donc à la fois le récit de certains aspects de la révélation et une révélation en soi. La révélation de la Bible n’a pas seulement un aspect inclusif, malgré son caractère partiel, elle est aussi exacte (Jean 17:17) et progressive (Hébreux 1:1), et elle poursuit un but (2 Timothée 3:15-17). Il existe deux approches quant à la crédibilité de la révélation scripturaire. Pour les fidéistes, l’Ecriture et la révélation qu’elle contient s’authentifient elles-mêmes; elles réclament notre confiance (elles sont «autopistiques», de autos, «soi» et pistis, «foi» en grec). On doit et on peut présupposer l’infaillibilité de la Bible parce que l’Ecriture se déclare inspirée et que l’Esprit l’accrédite. Les empiristes, quant à eux, insistent sur la crédibilité intrinsèque de la révélation biblique pour la juger digne de foi. Le fait que la Bible revendique une autorité n’est pas en soi une preuve de son autorité; ce sont plutôt des preuves factuelles et historiques qui constituent la lettre d’accréditation de la Bible et qui valident la véracité de son message. J’ai personnellement le sentiment que les deux approches contiennent une part de vérité. On peut et on doit donc se servir des deux.
II. Quelques conceptions contemporaines de la révélation Les conceptions contemporaines de la révélation ont plusieurs caractéristiques communes. 1. Elles adoptent une orientation subjective: la révélation se découvre dans l’expérience ou dans la compréhension que l’interprète a des expériences d’autrui. 2. Sans une norme ou un critère subjectifs, elles sont instables, puisque la compréhension de la révélation dépend de l’opinion de l’interprète. 3. A cause des deux points précédents, les opinions contemporaines quant à la révélation
ne sont pas vraiment chrétiennes, car elles placent l’esprit humain au-dessus de ce que Dieu a révélé.
A. La révélation comme activité divine Les tenants de cette thèse définissent la révélation comme consistant dans les actes de puissance de Dieu dans l’histoire. Cette idée contient évidemment une part de vérité, car Dieu s’est révélé à travers des faits historiques. Les conservateurs croient que ces actes étaient observables et, dans certains cas, miraculeux, tandis que les libéraux rejettent leur historicité. Mais les deux groupes ont ceci de commun qu’ils abandonnent l’interprétation de ces actes au génie de l’interprète. Ceux qui nient leur réalité historique s’efforcent de faire comprendre qu’ils étaient néanmoins des actes de Dieu auxquels l’interprète a assigné une signification importante. Dans cette vision des choses, la révélation n’est guère plus qu’un événement psychologique dans l’esprit de l’interprète.
B. La révélation comme rencontre personnelle Ce courant de pensée présente la révélation, non comme une information communiquée, mais comme une rencontre de personne à personne. Dieu ne peut donc être connu que comme sujet, et non comme objet, car dans ce dernier cas, il faudrait des propositions le concernant. La révélation ne nous fournit pas des informations sur Dieu, mais nous communique Dieu lui-même par une rencontre personnelle. Or, en réalité, nous avons besoin de la révélation concernant Dieu (propositions) pour avoir une révélation de Dieu (rencontre). Les faits sont essentiels à la rencontre. Considérer uniquement la révélation comme une rencontre la coupe dans une certaine mesure de l’histoire et l’enracine assurément dans l’existentiel. En voici un exemple: «Dans la Bible, la révélation de Dieu est plutôt personnelle que propositionnelle. Cela revient à dire que Dieu se révèle en fin de compte dans la relation, la confrontation, la communion plutôt que par la communication de faits.»32 Traditionnellement, la révélation a toujours été inséparable de la Bible. Les idées contemporaines les ont éloignées l’une de l’autre, et cela a eu des conséquences dévastatrices. Aujourd’hui, on ne veut plus chercher la révélation exclusivement dans la Bible, mais dans les actes puissants de Dieu et dans une rencontre personnelle avec lui. L’expérience existentielle a remplacé la vérité objective comme Parole de Dieu. Résumons: la révélation spéciale telle qu’elle est rapportée dans la Bible fournit le contenu du message de Dieu au monde. L’inspiration a trait à la méthode que Dieu a utilisée pour consigner ce contenu dans les Ecritures. L’inerrance décrit l’exactitude de cette transmission. C’est ce dont nous allons parler maintenant.
32 C.F.D. Moule, «Revelation», dans The Interpreter’s Dictionary of the Bible, New York, Abingdon, 1976, 4:55.
10. La doctrine biblique de l’inspiration Bien que beaucoup de défenseurs des différents points de vue théologiques s’accordent pour affirmer que la Bible est inspirée, on trouve peu d’accord entre eux sur ce qu’ils entendent par là. Certains insistent sur l’inspiration des auteurs, d’autres sur celle des écrits, d’autres encore sur celle des lecteurs. Pour les uns, l’inspiration s’applique au message général de la Bible, pour d’autres aux pensées, pour d’autres encore aux mots. Certains associent la notion d’inerrance à cette doctrine, mais la plupart ne le font pas. Ces différences obligent à préciser la formulation de la doctrine biblique. Autrefois, pour confesser votre foi en la pleine inspiration de l’Ecriture, il vous suffisait d’affirmer: «Je crois en l’inspiration de la Bible.» A partir du moment où certains n’étendaient plus l’inspiration aux mots du texte, il a fallu préciser: «Je crois en l’inspiration verbale de la Bible.» Puis, pour combattre les enseignements prétendant que ce n’étaient pas toutes les parties de l’Ecriture qui étaient inspirées, on a dû affiner l’article de foi et dire: «Je crois en l’inspiration verbale et plénière de la Bible.» Plus tard encore, comme certains refusaient de reconnaître l’exactitude de toute la Bible, il est devenu nécessaire de préciser: «Je crois en l’inspiration verbale, plénière, infaillible et inerrante de la Bible.» Mais des théologiens ont commencé à limiter les notions d’infaillibilité et d’inerrance aux questions de foi et à estimer qu’elles ne concernaient pas tous les récits de la Bible (en particulier les faits historiques, les généalogies, les récits de la création, etc.), si bien qu’il a fallu ajouter le concept d’«inerrance illimitée». Chaque ajout à la proposition principale a résulté d’un enseignement erroné.
I. Les données bibliques concernant l’inspiration La doctrine de l’inspiration n’a pas été forgée par les théologiens. La Bible elle-même l’enseigne. Elle découle des données de l’Ecriture. Quoi qu’on puisse penser de la Bible, comme n’importe quel autre témoin elle a le droit de se rendre elle-même témoignage. Certains mettent en doute la validité des preuves internes; pour eux, le témoignage que l’Ecriture se rend à elle-même n’est pas forcément vrai. Il est vrai qu’un témoignage rendu à soi-même peut ou non être vrai, mais il doit cependant être entendu. Voici les données pertinentes que la Bible présente et que nous devons examiner.
A. 2 Timothée 3:16 Dans ce verset, l’apôtre Paul déclare que toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile à un certain nombre de choses. Soulignons trois aspects importants de sa déclaration. 1. Toute Ecriture, la Bible tout entière, est inspirée et utile. Cette déclaration précise l’étendue de l’inspiration. Le Nouveau Testament utilise le mot «Ecriture» cinquante et une fois, et toujours pour désigner une partie de la Bible. Le terme englobe parfois tout l’Ancien Testament (Luc 24:45; Jean 10:35), parfois un passage particulier de l’Ancien Testament (Luc 4:21), parfois un passage du Nouveau Testament (1 Timothée 5:18), parfois encore un ensemble plus vaste du Nouveau Testament (2 Pierre 3:16 à propos des écrits de Paul). Les deux dernières références revêtent une grande importance. Dans 1 Timothée 5:18, Paul associe une citation de l’Ancien Testament à une parole du Nouveau et les qualifie toutes deux d’«Ecriture». La citation vétérotestamentaire est tirée de Deutéronome 25:4 et la citation néotestamentaire de Luc 10:7 (même si la pensée exprimée par Luc se trouve déjà dans Lévitique 19:13 et Deutéronome 24:15, il est manifeste que l’auteur ne cite aucun de ces versets; les textes du Pentateuque insistent en fait sur l’interdiction de retenir un gage jusqu’au lendemain). Le fait d’associer un texte de l’Evangile selon Luc à un passage canonique de l’Ancien Testament est très riche de signification. Rappelons en outre que cinq ou six ans seulement s’étaient écoulés entre la rédaction de l’Evangile selon Luc et la Première épître à Timothée. Dans 2 Pierre 3:16, l’apôtre confère aux écrits de Paul le statut d’«Ecriture», montrant ainsi qu’ils avaient été acceptés très tôt comme telle et que leur autorité était reconnue. Certes, le Nouveau Testament n’était pas encore complet lorsque Paul écrivit 2 Timothée 3:16 (il manquait encore 2 Pierre, Hébreux, Jude et tous les écrits de Jean), mais comme ces textes furent finalement inclus dans le canon de l’Ecriture, nous pouvons admettre que 2 Timothée 3:16 s’applique aux soixante-six livres tels que nous les connaissons aujourd’hui. Aucun livre ni aucune partie de livre n’en est exclu. Toute l’Ecriture est inspirée de Dieu. Dans leur grande majorité, les chrétiens croient que 2 Timothée 3:16 est valable pour tous les livres canoniques. Ceux qui veulent en réduire la portée le font en le traduisant de la façon suivante: «Toute Ecriture inspirée par Dieu est utile...» (au lieu de: «Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile…»). Autrement dit, toutes les parties de l’Ecriture qui sont inspirées de Dieu sont utiles, les autres non. Une telle traduction implique que seule une partie de la Bible est inspirée. Cette traduction est certes possible, mais elle ne s’impose pas. En fait, les deux traductions sont correctes. Elles ajoutent le verbe est qui ne figure pas dans le texte original grec. Le tout est de savoir s’il convient de mettre ce verbe une fois seulement ou deux fois («Toute
Ecriture inspirée par Dieu est donc utile…» ou «Toute Ecriture est inspirée par Dieu et est utile…»). La préférence va à la deuxième traduction pour trois raisons. Premièrement, en ajoutant le verbe est deux fois, les deux adjectifs («inspirée» et «utile») sont mis sur un pied d’égalité et considérés tous deux comme des attributs, ce qui est plus naturel. Deuxièmement, la conjonction de coordination peut effectivement être traduite par «donc», mais son sens le plus habituel est «et». Troisièmement, on retrouve une construction grammaticale semblable dans 1 Timothée 4:4, où les deux adjectifs sont manifestement des attributs. Nous préférons donc la traduction qui déclare que toute Ecriture est inspirée. 2. La Bible tout entière est inspirée de Dieu. Le verbe français «inspirer» a un sens moins fort que le verbe grec équivalent qui signifie littéralement «expirer», «souffler». La forme verbale est au passif pour indiquer que la Bible résulte du souffle de Dieu. Si elle était à la forme active, cela voudrait dire que la Bible exsude Dieu ou parle de Dieu, ce qui est aussi vrai mais ne correspond pas à l’idée de Paul dans ce verset. Notre verbe «inspirer» comporte l’idée de «souffler» dans quelque chose. Paul déclare plutôt que Dieu a soufflé l’Ecriture hors de lui-même. Certes, ce sont des êtres humains qui ont rédigé les textes, mais la Bible trouve son origine dans l’action de Dieu qui, en quelque sorte, la leur a «soufflée». 3. La Bible tout entière est utile. Par ces mots, Paul souligne la finalité de l’inspiration: parce qu’elle est inspirée, la Bible enseigne, convainc, corrige, instruit dans la justice pour que le croyant soit équipé, armé, formé dans tous les aspects de son être. La Bible n’est pas un livre à placer dans un musée pour l’y admirer, elle doit nous servir dans notre façon d’être et d’agir. Résumons: si l’on rassemble les trois idées de 2 Timothée 3:16, Paul déclare dans ce verset que la Bible dans son intégralité vient de Dieu et que son but est de nous enseigner comment vivre.
B. 2 Pierre 1:21 Ce verset explique mieux que n’importe quel autre comment Dieu s’est servi des auteurs humains pour produire la Bible. Le Saint-Esprit les a poussés ou portés tout au long du processus. L’emploi du même verbe dans Actes 27:15 nous aide à mieux comprendre dans quel sens l’Esprit a «poussé» les auteurs bibliques. Juste avant d’accoster sur l’île de Malte, le navire qui amenait Paul à Rome fut pris dans une violente tempête. Bien qu’expérimentés, les matelots ne parvinrent pas à le diriger, si bien qu’ils durent abandonner au vent le soin de les mener où il voulait. Il en est de même de l’inspiration. Tout comme le vent poussa, dirigea et entraîna le bateau, Dieu a poussé et dirigé les auteurs humains dans la rédaction des livres de la Bible. Même si le vent était la cause puissante qui faisait avancer l’embarcation, les matelots n’étaient pas endormis ni inactifs. De même, le Saint-Esprit fut la force qui guida les auteurs, mais ceux-ci jouèrent un rôle
actif en rédigeant les Ecritures. Le verset met un autre point en exergue: Pierre déclare que ce n’est pas la volonté de l’homme qui a présidé à la rédaction de l’Ecriture. Le même verbe «poussés» ou «portés» se trouve aussi à la fin du verset. La prophétie n’est donc pas née de la volonté de l’homme. Elle est le produit du Saint-Esprit, et non de la volonté humaine. Cette affirmation entraîne des conséquences incalculables sur la question de l’inerrance de la Bible. Ce n’est pas la volonté de l’homme, capable de commettre des erreurs, qui est la source des Ecritures; c’est le Saint-Esprit, incapable de se tromper, qui en est l’auteur. Certes, les écrivains humains furent actifs, mais ce qu’ils écrivaient était canalisé, non par leur propre volonté capable d’erreur, mais par le Saint-Esprit, véridique et infaillible. B.B. Warfield insiste bien sur ce point dans son commentaire de 2 Pierre 1:21: Dans cette affirmation étonnamment précise et riche de sens, plusieurs choses méritent un examen attentif. Il y a tout d’abord l’affirmation emphatique que la prophétie – terme que l’on peut généraliser à l’Ecriture dans notre cas de figure – ne doit pas son origine à l’initiative humaine: «Ce n’est pas par une volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée.» Il y a ensuite la déclaration non moins emphatique que la prophétie prend sa source en Dieu. Certes, la Parole a été prononcée par des hommes, mais ceux-ci «ont parlé de la part de Dieu». L’auteur insère ici une clause remarquable sur laquelle il insiste; il indique comment des hommes qui parlaient pouvaient le faire de la part de Dieu: ils ont parlé parce qu’ils étaient «poussés» (verbe traduit par «apporter» au début du verset) «par le Saint-Esprit». Puisqu’ils étaient ainsi placés sous l’influence prépondérante du Saint-Esprit, ce qu’ils disaient ne venait pas d’eux, mais de Dieu.33 Pour résumer: 2 Pierre 1:21 déclare que Dieu s’est servi d’hommes pour nous donner une Bible totalement digne de confiance.
C. 1 Corinthiens 2:13 Paul affirme que la révélation de Dieu nous est venue sous la forme de mots et de discours. Il s’oppose ainsi à ceux qui prétendent que l’inspiration concernerait seulement les pensées que Dieu voulait nous faire connaître, mais pas les mots utilisés pour les exprimer. Une telle conception éloigne de la notion d’inerrance du texte. Elle signifie, en effet, qu’on pourrait posséder des pensées authentiques (celles de Dieu), mais communiquées en des termes erronés (ceux de l’homme). Or, Paul défend vigoureusement le principe que le message de Dieu nous est parvenu par les mots du texte. Le fait que l’apôtre mentionne ici ses «discours» ne signifie évidemment pas qu’il exclut ses
écrits du même principe de l’inspiration divine. Notons d’ailleurs que Pierre déclare que Paul «parle» dans ses écrits (2 Pierre 3:16). On peut donc étendre aux discours écrits le principe de l’inspiration que Paul revendique dans ses discours parlés. Résumons: d’après ce verset, les mots mêmes de la Bible sont inspirés.
D. Un ensemble de données Les informations suivantes montrent la diversité du matériau que Dieu incita les auteurs humains à inclure dans la Bible. 1. Du matériau directement donné par Dieu. C’est le cas des deux tablettes de pierre sur lesquelles étaient gravés les dix commandements (Deutéronome 9:10). 2. Des recherches personnelles. Si certaines parties de la Bible jaillirent spontanément de la plume des auteurs humains (comme certaines lettres de Paul), d’autres, en revanche, firent l’objet de recherches minutieuses avant d’être écrites. L’Evangile selon Luc en est un exemple. Luc n’était pas témoin oculaire des événements de la vie de Christ. Il fallait donc que Dieu lui accorde une révélation spéciale pour qu’il puisse rédiger son Evangile ou que Luc entreprenne des recherches afin de découvrir les faits qu’il tenait à relater. Dans son prologue (Luc 1:1-4), Luc déclare (a) avoir consulté des témoins oculaires de la vie et du ministère de Christ, (b) s’être servi d’écrits existants concernant certaines parties de son ministère, (c) avoir vérifié l’exactitude de ses sources, (d) avoir voulu présenter le résultat de ses investigations de manière ordonnée, et (e) avoir été guidé par le Saint-Esprit, de sorte que sa narration est exacte et digne de foi. 3. Le matériau prophétique. Lorsque la Bible fut écrite, environ un quart de son contenu était prophétique (depuis, une partie de ces prophéties s’est réalisée). La véritable prophétie ne peut procéder que du Dieu vrai et omniscient. Aucun auteur humain n’aurait pu écrire une prophétie sûre à cent pour cent. 4. Le matériau historique. Une grande partie de la Bible rapporte le déroulement de l’histoire, et elle le fait de façon exacte. La plupart des sections historiques ont été écrites par des hommes qui ont personnellement vécu les événements rapportés (c’est le cas de Luc, qui fut le compagnon de voyage de Paul lors de certains de ses voyages missionnaires, Actes 16:10-13; 20:5–21:18; 27:1–28:6; de Josué, qui fut directement impliqué dans la conquête de Canaan et consigna ses mémoires par écrit). Il fallut évidemment que Dieu révèle certains récits historiques comme celui de la création, puisqu’il n’y avait aucun témoin oculaire humain; Dieu l’a révélé à Moïse longtemps après que les faits s’étaient produits. 5. Autres matériaux. La Bible rapporte aussi des choses fausses, comme les mensonges
de Satan (Genèse 3:4-5), mais elle les rapporte fidèlement. Elle contient des citations de personnages non sauvés (Tite 1:12). On y trouve encore des passages fortement teintés d’émotion personnelle (Romains 9:1-3). Mais toute cette diversité de matériaux est fidèlement rapportée. Résumons: Dieu a parfois révélé certaines choses de façon surnaturelle et directe; à d’autres moments, il a permis aux auteurs humains de rédiger son message en utilisant leur liberté d’expression. Mais c’est lui qui a inspiré le produit dans sa totalité, en guidant les auteurs de multiples façons, pour qu’ils nous livrent son message dans les paroles de la Bible.
II. Une définition de l’inspiration Une définition correcte de l’inspiration doit évidemment s’appuyer sur les données scripturaires concernant le sujet en question. Le «squelette» d’une telle définition pourrait être: Dieu a poussé des êtres humains à écrire son message dans la Bible. Enveloppons ce squelette d’un peu de chair et disons: Dieu a dirigé les auteurs humains de la Bible pour qu’ils composent et rapportent sans erreur son message à l’humanité dans les mots présents dans leurs écrits originaux. Prêtons une attention particulière à quelques mots clés de cette définition. 1. Le verbe «diriger» laisse une certaine latitude quant à la relation que les auteurs humains entretenaient avec Dieu et quant à la variété du matériau utilisé. La direction divine était parfois très rigide, parfois plus souple, mais dans tous les cas, elle a gardé les auteurs, si bien qu’ils ont transmis son message avec exactitude. 2. Le verbe «composer» montre que les auteurs humains n’étaient pas des sténographes passifs à qui Dieu dictait son message, mais des écrivains actifs. 3. Les mots «sans erreur» expriment la prétention de la Bible, conformément à ses affirmations à propos d’elle-même, d’être la vérité (Jean 17:17). 4. L’inspiration ne concerne que les écrits originaux, et non les copies ni les traductions, aussi fidèles soient-elles. Remarque: La démarche que nous avons suivie dans ce chapitre a consisté à examiner les données bibliques relatives à l’inspiration, puis à formuler une définition qui intègre ces données. Cette définition s’efforce donc d’exprimer ce que la Bible dit d’elle-même. Nous ne sommes pas partis d’une définition que nous aurions à tout prix voulu faire cadrer avec les données bibliques, quitte à ne choisir que celles qui conviennent. Ne perdons finalement jamais de vue les revendications incroyables de la Bible en matière d’inspiration. Aucun livre ne peut lui être comparé: Dieu l’a inspirée; des hommes l’ont
écrite; nous la possédons. 33 B.B. Warfield, The Inspiration and Authority of the Bible, Philadelphie, Presbyterian and Reformed, 1948, p. 136.
11. Les doctrines erronées de l’inspiration Tous n’acceptent évidemment pas la doctrine biblique de l’inspiration que nous avons exposée au chapitre précédent. Au fil du temps sont apparues d’autres façons de comprendre les indices. Certaines sont anciennes, d’autres plus récentes. Mais à mon avis, elles sont toutes défectueuses.
I. L’inspiration naturelle Les défenseurs de l’inspiration naturelle considèrent les auteurs de la Bible comme de grands génies qui n’avaient pas besoin d’une aide surnaturelle pour s’acquitter de leur tâche. Parmi les conséquences de cette doctrine erronée, mentionnons-en quatre: (a) Les auteurs ont conçu eux-mêmes ce qu’ils écrivaient; Dieu n’a pas inspiré leurs paroles. (b) Ce type d’inspiration peut s’appliquer à d’autres livres que la Bible. «Mais la ligne de démarcation entre elle [la Bible] et d’autres écrits religieux… n’est pas assez précise ni assez définitive pour qu’on puisse établir une différence qualitative entre tous les autres écrits et n’importe quelle partie des Ecritures canoniques.»34 (c) Si telle est la juste conception de l’inspiration, pourquoi des génies actuels n’écriraient-ils pas des livres qui seraient aussi inspirés que la Bible? (d) Une telle notion de l’inspiration n’implique évidemment pas l’infaillibilité du produit.
II. L’inspiration dynamique ou mystique L’idée de l’inspiration dynamique va plus loin que la précédente et conçoit les auteurs autrement que comme des génies naturels; elle les prétend remplis de l’Esprit et guidés. «L’inspiration des livres de la Bible ne nous oblige pas à croire qu’ils ont été produits ou écrits d’une manière différente, d’un point de vue générique, des autres grands écrits chrétiens… Il existe toute une littérature chrétienne publiée entre les cinquième et vingtième siècles qu’on peut considérer à juste titre comme inspirée du Saint-Esprit, exactement de la même façon que les livres de la Bible.»35 Il s’ensuit que: (a) d’autres écrits chrétiens sont aussi inspirés que la Bible; (b) les livres de la Bible ne sont pas infaillibles, quand bien même (c) ils constituent une littérature sublime contenant peut-être des messages de la part de Dieu.
III. L’inspiration inégale Certains pensent que, dans la Bible inspirée, quelques parties sont plus inspirées que d’autres. Selon eux, toute la Bible n’est pas inspirée de la même manière. «A l’intérieur de cette grande fonction de l’inspiration, il existe une variété considérable d’inspirations. L’inspiration dont ont bénéficié Esaïe ou Paul est différente de celle qui était nécessaire au compilateur des Proverbes ou à l’annaliste des Chroniques.»36 Je suis enclin à penser que cette idée est remplacée aujourd’hui par celle de l’inspiration partielle. En fait, les tenants de l’inspiration inégale confondent l’idée – fausse – qu’il existe des degrés d’inspiration avec la – juste – reconnaissance de l’intérêt varié des différentes parties de la Bible, elle-même entièrement inspirée.
IV. L’inspiration partielle D’après la conception de l’inspiration partielle, si certaines parties de la Bible sont inspirées, d’autres ne le sont pas. L’inspiration inégale, mentionnée ci-dessus, maintient que toute la Bible est inspirée, mais que certaines parties le sont davantage que d’autres. Pour les défenseurs de l’inspiration partielle, certaines portions de l’Ecriture ne sont pas inspirées du tout. Ils admettent généralement l’inspiration des parties que nous ne pourrions pas connaître autrement (comme le récit de la création ou les prophéties). Quant aux portions historiques, comme elles peuvent être connues par d’autres sources, elles n’ont, selon eux, pas besoin d’être inspirées. L’expression contemporaine de cette conception de l’inspiration enseigne que la Bible est inspirée dans son but. Cela signifie que nous pouvons lui accorder pleine confiance pour tout ce qui touche au salut, mais qu’il se peut que des erreurs se soient glissées dans d’autres parties. Dans celles de ses parties dont le but est de nous rendre sages à salut, la Bible est inspirée, mais dans ses autres parties, l’inspiration n’est pas nécessaire. Voici un exemple d’une telle proposition: «Je confesse l’infaillibilité et l’inerrance de l’Ecriture dans l’accomplissement du plan de Dieu, à savoir communiquer à l’homme la révélation de l’amour rédempteur de Dieu par Jésus-Christ.»37 Autrement dit, selon cette façon de voir les choses, la Bible est inspirée dans ce qui touche à son intention (montrer aux hommes la voie du salut), mais pas dans l’entier de son contenu. Cela soulève une question importante: l’enseignement biblique à propos du salut ne reposet-il pas sur des faits historiques? Et si ces faits n’étaient pas exacts? Notre compréhension du salut pourrait alors bien être erronée. On ne peut séparer histoire et doctrine, admettre des erreurs (même en nombre limité) dans les récits historiques et en même temps avoir l’assurance que toutes les parties doctrinales sont vraies.
V. L’inspiration des concepts Certains sont disposés à reconnaître que les concepts de la Bible sont inspirés, mais pas les mots. Cela leur permet de croire que le message conceptuel transmis est revêtu d’autorité, mais à travers des mots qui, dans certains cas, peuvent être erronés. Cette idée est évidemment fallacieuse. En effet, comment les concepts s’expriment-ils? Par des mots. Si on change les mots, on change les concepts. On ne peut séparer les deux choses. Pour que les concepts soient inspirés, il faut que les mots qui les expriment le soient aussi. Certains semblent accepter le principe de l’inspiration des concepts en réaction contre une présentation caricaturale de l’inspiration verbale qui l’assimile à de la dictée. Ils estiment que si l’inspiration s’étend aux mots, il a fallu que Dieu les dicte. Pour éviter cette conclusion, ils émettent l’idée que Dieu n’a inspiré que les concepts, et que les auteurs ont librement choisi les mots pour les exprimer, sans toujours le faire avec exactitude. Malgré cela, selon eux, Dieu a fait en sorte que les concepts soient indemnes de toute erreur.
VI. L’inspiration selon Barth Karl Barth (1886-1968), l’un des théologiens les plus influents de l’histoire récente, avait une conception fausse et dangereuse de l’inspiration, une conception que beaucoup continuent de propager. Les barthiens se situent généralement dans la ligne de l’école libérale en matière de critique biblique. Toutefois, ils prêchent souvent comme des évangéliques. C’est ce qui rend leur théologie plus dangereuse que le libéralisme flagrant. Pour les barthiens, la révélation se centre sur Jésus-Christ. S’il est le centre du cercle de la révélation, la Bible en est à la périphérie. Jésus-Christ est la Parole (ce que nous reconnaissons évidemment), mais la Bible ne sert que de témoin à la Parole, c’est-à-dire à Christ. Le témoignage que la Bible rend à la Parole est inégal; certaines parties de son témoignage sont plus importantes que d’autres. Les plus importantes sont celles qui rendent témoignage à Christ. Pourtant, ces parties, bien qu’importantes, ne sont pas forcément exactes. Les barthiens partagent les conceptions des libéraux en ce qui concerne les Evangiles et pensent que ceux-ci contiennent des erreurs. Les barthiens reprochent aux évangéliques d’adopter le principe de la dictée comme inspiration (les auteurs bibliques auraient agi comme des machines à écrire sur lesquelles Dieu aurait tapé son message). Telle n’est évidemment pas la définition orthodoxe de l’inspiration. Dans son explication de 2 Timothée 3:14-17 et de 2 Pierre 1:21, Barth souligne qu’aucun de ces deux passages ne nous permet de penser que les auteurs aient été mis au bénéfice d’expériences particulières. D’après lui, il faut comprendre l’inspiration comme «l’acte de
révélation par lequel les prophètes et les apôtres, dans leur humanité, sont devenus ce qu’ils étaient, et par lequel seul, dans leur humanité, ils deviennent pour nous ce qu’ils sont»38. Quoi que cette déclaration puisse signifier, elle indique clairement que le texte biblique est un produit humain rempli d’erreurs, mais qui peut devenir Parole de Dieu quand il s’empare de nous. L’expression «quand il s’empare de nous» rappelle l’aspect existentialiste de la conception barthienne de l’inspiration. La Bible devient Parole de Dieu quand Christ, Parole de Dieu, nous parle à travers ses pages. Comme la révélation, l’inspiration met l’accent sur la rencontre subjective et existentielle.39 Dans ces conditions, la Bible peut-elle exercer une quelconque autorité? Oui, affirment les barthiens. Son autorité réside dans la rencontre de foi avec le Christ de l’Ecriture. Parce qu’elle pointe vers Christ, la Bible a une autorité instrumentale, et non inhérente. Et ses parties qui orientent vers Christ ont davantage d’autorité que les autres. Mais toutes contiennent des erreurs. Pour résumer, la théologie barthienne enseigne que la Bible (B) pointe vers Christ la Parole (C). Mais en réalité, nous ne savons rien de C en dehors de ce que nous en apprend B. Nous n’avons pas de C un concept clair qui nous permettrait de vérifier l’exactitude du marqueur B. En fait, la Bible est le peintre de Christ; tout ce que nous savons de Christ, nous le devons à la Bible. Par conséquent, si la Bible contient des erreurs, le portrait qu’elle brosse de Christ est faux. Pour les barthiens, la Bible contient certainement des erreurs. La subtilité de toutes les fausses définitions de l’inspiration rend d’autant plus nécessaire un examen attentif de ce qui est dit et écrit à ce propos. La formulation peut sembler orthodoxe, mais masquer parfois une conception erronée de l’inspiration. Seules les données bibliques nous livrent la doctrine correcte, et c’est à leur lumière que nous devons tout examiner. 34 Cecil J. Cadoux, A Pilgrim’s Further Progress, Londres, Religious Book Club, 1945, p. 11. 35 Alan Richardson, Christian Apologetics, New York, Harper, 1948, p. 207 36 Marcus Dods, The Bible, New York, Scribners, 1905, p. 127. 37 Ray Summers, «How God Said It», The Baptist Standard, 4 février 1970, p. 12. 38 Karl Barth, Dogmatique ecclésiastique, I.2.563. 39 Voir Dewey M. Beegle, The Inspiration of Scripture, Philadelphie, Westminster, 1963, pp. 126-131.
12. L’inerrance de la Bible Les attaques contre l’inerrance de la Bible ne sont pas nouvelles et semblent être cycliques. Toutefois, le débat contemporain a la particularité d’être plutôt interne: il oppose les évangéliques entre eux, et non les libéraux aux conservateurs. Cela le rend d’autant plus important, car il oblige à tracer une frontière entre les évangéliques. Il sert également à préciser des distinctions qui entourent le concept de l’inerrance.
I. L’importance de l’inerrance A. L’affirmation de son importance Peut-on prétendre être évangélique et nier en même temps le plein concept de l’inerrance? Oui, tout simplement parce que certains évangéliques le font! Strictement parlant, l’évangélique est celui qui croit à l’Evangile. Peut-on revendiquer la qualité de chrétien et ne pas accepter le concept de l’inerrance? Bien sûr! Indiscutablement beaucoup de chrétiens entrent dans cette catégorie. Etre chrétien, c’est entretenir une juste relation avec Christ. Peut-on être attaché à la Bible et nier l’inerrance? Pas si la Bible enseigne sa propre inerrance. Cette doctrine est donc de la plus haute importance. Si elle découle d’un enseignement biblique, la rejeter, c’est rejeter du même coup une partie de la fiabilité de la Bible. Réfléchissons bien: si la Bible contient des erreurs, qu’elles soient nombreuses ou non, comment être sûrs que sa présentation de Christ est correcte? Après tout, il se pourrait qu’une de ces erreurs concerne justement un aspect de sa vie. Qui nous garantit que cette erreur ne concerne pas un domaine aussi crucial que la mort ou la résurrection de Jésus? Qu’adviendrait-il alors de notre christologie? Elle pourrait en être affectée au point qu’il n’y ait plus de foi chrétienne! Supposons que l’enseignement biblique sur le Saint-Esprit soit inexact. Cela aurait des conséquences pour la doctrine, qui est centrale, de la Trinité, et par répercussion des conséquences incalculables sur d’autres doctrines comme la christologie, la sotériologie et la doctrine de la sanctification. Même si les erreurs sont supposées n’affecter que des questions «mineures», toute erreur rend la Bible suspecte sur d’autres points qui pourraient ne pas être aussi «mineurs» que cela. La négation de l’inerrance entraîne la négation d’autres doctrines. Si on rejette le principe de l’inerrance, on peut s’attendre à de sérieuses remises en question dans des domaines doctrinaux et pratiques. Du point de vue doctrinal, nier l’inerrance de la Bible peut amener à:
1. nier l’historicité du récit de la chute d’Adam; 2. nier le caractère historique et véridique des expériences du prophète Jonas; 3. nier certains miracles de l’Ancien et du Nouveau Testaments; 4. nier que Moïse soit l’auteur du Pentateuque; 5. attribuer la rédaction du livre d’Esaïe à deux auteurs différents, voire plus; 6. faire bon accueil, voire adhérer, à la théologie de la libération avec sa nouvelle définition du péché (social plutôt qu’individuel) et du salut (politique et temporel plutôt que spirituel et éternel). Le rejet de la doctrine de l’inerrance peut aussi avoir de graves répercussions sur le style de vie. Il peut, par exemple, entraîner: 1. une conception plus laxiste de l’adultère, 2. une conception plus laxiste de l’homosexualité, 3. une conception plus laxiste du divorce et du remariage, 4. une réinterprétation «culturelle» de certains des enseignements de la Bible (par exemple l’enseignement biblique sur les femmes ou sur l’obéissance civile), 5. une tendance à examiner la Bible à travers les lunettes de la psychologie moderne. L’inerrance est une doctrine fondamentale; son déni ou même son atténuation peuvent déboucher sur de graves erreurs en matière de doctrine ou de vie.
B. L’atténuation de son importance Certains continuent de maintenir que la doctrine de l’inerrance est sans importance pour la foi, qu’elle est hors de propos et même inutile. Ils considèrent par conséquent que tout le tapage fait autour de cette question n’est qu’une tempête dans un verre d’eau et que ceux qui insistent sur cette doctrine troublent la paix de l’Eglise. Ce n’est pas du tout aussi anodin: la question de l’inerrance est cruciale, car si la Bible n’est pas totalement exempte d’erreurs, elle en contient au moins une. Si nous pouvions tous nous mettre d’accord pour savoir où cette erreur se niche, nous pourrions à la rigueur admettre que la question est sans importance. Mais à en croire la littérature actuelle, il y a au moins vingt spécialistes qui ont détecté une erreur, ce qui fait que la Bible recèle au moins vingt erreurs! Nous pouvons alors nous poser la question: si la Bible contient vingt erreurs, comment lui faire confiance? Les discussions à propos de l’inerrance ne correspondent donc pas à une agitation inutile. On avance généralement plusieurs raisons pour justifier l’idée que la doctrine de l’inerrance ne serait pas essentielle. Ceux qui s’opposent à cette doctrine ou qui cherchent à en minimiser l’importance déclarent souvent: «Puisque la Bible n’affirme pas clairement son inerrance, nous n’avons pas à le
faire non plus.» Pour les partisans de cette opinion, ceux qui insistent sur l’importance de l’inerrance se montrent plus insistants que la Bible elle-même sur la question. A la limite, ils estiment que l’inerrance n’est pas une doctrine biblique. Pour conclure que cette déclaration est vraie, il faut (a) pouvoir montrer que la Bible n’enseigne pas clairement l’inerrance et (b) que, si tel est bien le cas (si elle ne contient pas de textes probants), on ne peut pas justifier la notion d’inerrance en se basant sur une étude inductive des preuves. Reprenons ces conditions. La Bible enseigne-t-elle clairement l’inerrance? La réponse dépend du sens qu’on attache à l’adverbe «clairement». Si par «clairement» on entend des textes aussi probants que ceux que la Bible présente en matière d’expiation substitutive (par exemple Matthieu 20:28), alors il est vrai qu’il n’existe pas de preuve «claire» de l’inerrance. Or les évangéliques acceptent de nombreuses doctrines clairement enseignées dans la Bible et pour lesquelles il n’existe pas de textes probants. Le meilleur exemple est celui de la Trinité. Il est juste de dire que la Bible n’enseigne pas clairement la doctrine de la Trinité, si par «clairement» on pense à des textes probants en la matière. Il n’existe même pas un seul texte probant si nous entendons par là un verset ou un passage affirmant «clairement» qu’il existe un seul Dieu en trois personnes. Comment en sommes-nous cependant arrivés à formuler une doctrine claire de la Trinité? Simplement en acceptant deux séries d’affirmations bibliques: (a) des textes clairs enseignant qu’il n’y a qu’un seul Dieu; (b) des textes aussi clairs enseignant que celui qui se nomme Jésus et celui qui est désigné comme le Saint-Esprit revendiquent tous deux la divinité, à côté de Dieu le Père. Ces textes probants ne permettent que deux conclusions: ou bien Jésus et le Saint-Esprit ne sont pas divins, ou bien Dieu existe comme une tri-unité. Les chrétiens orthodoxes n’ont jamais rejeté cette dernière conclusion, bien qu’elle s’appuie sur des preuves dont la clarté est différente de celle fournie par des textes probants. Prenons un autre exemple. Beaucoup nient la divinité de Jésus parce que, selon eux, il n’existe pas de preuves «claires» qu’il ait jamais revendiqué cette divinité. Robert S. Alley, de l’université de Richmond à l’époque, provoqua la fureur des Baptistes du Sud des EtatsUnis lorsqu’il affirma que Jésus «n’a jamais réellement prétendu être Dieu ni même lui être associé»40. Devant les preuves bibliques qui permirent à d’autres de conclure que Jésus s’était prétendu Dieu, il est arrivé à une conclusion radicalement différente. De telles hérésies sont à juste titre un affront pour les croyants orthodoxes. Bien que je n’aie pas encore abordé les preuves de l’enseignement clair de la Bible à propos de sa propre inerrance, supposons pour l’instant qu’elle l’enseigne clairement, même si ce n’est pas nécessairement par des textes probants. Dans ce cas, ceux qui croient à l’existence d’erreurs dans la Bible exigent-ils de sa part des arguments d’une
clarté supérieure à ceux avancés pour prouver la divinité de Christ ou la Trinité? Autrement dit, ont-ils besoin d’un ensemble de critères pour prouver la doctrine de la Trinité et d’un autre pour l’inerrance? Les exemples précédents montrent le caractère fallacieux de la conclusion selon laquelle, en l’absence de tout texte probant, on ne peut enseigner les résultats d’une étude inductive ni tirer les conclusions logiques des évidences textuelles. Si tel était le cas, je ne pourrais jamais enseigner les doctrines de la Trinité, de la divinité de Christ et de celle du SaintEsprit, ni même les formes de gouvernement de l’Eglise. J’entends souvent les gens dire: «Je n’irai pas plus loin que ce que la Bible affirme.» Cette parole peut représenter un bon critère, car nous ne voulons rien ajouter à ce que la Bible enseigne. Mais nous ne voulons pas non plus négliger quoi que ce soit de ce qu’elle enseigne clairement par des textes probants, par déduction, par induction, par implication logique ou par des principes. Lorsqu’on déclare ne pas vouloir aller au-delà de ce que la Bible enseigne, cela peut ne représenter qu’une excuse pour ne pas avoir à faire face aux implications de ce qu’elle enseigne. Je crains personnellement que, pour certains, cela soit justement une excuse pour ne pas avoir à examiner ce que la Bible dit au sujet de son inerrance. Ceux qui minimisent l’importance de la question de l’inerrance invoquent une deuxième excuse: comme nous ne possédons aucun des manuscrits originaux de la Bible et que la doctrine de l’inerrance ne s’applique qu’à eux, cette doctrine est purement théorique et par conséquent pas essentielle. Il est vrai que nous ne possédons aucun des manuscrits originaux de la Bible et que la doctrine de l’inerrance, comme celle de l’inspiration, ne s’applique qu’à eux, et non à leurs copies. Les deux premières prémisses de la deuxième excuse sont donc vraies, mais elles ne prouvent pas que l’inerrance soit une doctrine secondaire. Il va de soi que l’inerrance ne peut s’appliquer qu’aux documents originaux, car eux seuls venaient de Dieu par inspiration directe. Même la toute première copie d’une lettre de Paul n’était qu’une copie, et non la lettre originale écrite ou dictée par l’apôtre lui-même. L’inspiration et l’inerrance ne concernent que les originaux. Mais celui qui n’attache aucune importance à la doctrine de l’inerrance affirmerait-il aussi que l’inspiration n’est pas une doctrine essentielle parce que nous ne possédons pas les originaux et que l’inspiration ne s’applique pas aux copies? Je ne le pense pas. Alors pourquoi le dire de l’inerrance? On avance encore un autre argument contre l’importance de la doctrine de l’inerrance: celle-ci serait un enseignement récent, qui ne préoccupait pas du tout l’Eglise d’autrefois. Nous n’avons donc pas besoin, nous non plus, de nous y intéresser. L’argument tiré de l’histoire de l’Eglise réapparaît à chaque examen d’une doctrine. Si la doctrine était enseignée autrefois, cela la rend plus crédible. En revanche, si elle n’a été élaborée que plus récemment, alors elle devient suspecte.
Cet argument est évidemment dénué de toute validité: la véracité ou la fausseté d’une doctrine ne dépend pas du fait qu’elle a été enseignée ou non au cours de l’histoire de l’Eglise; elle est vraie seulement si elle est enseignée dans la Bible. Certes, un enseignement dont personne n’a jamais entendu parler jusque-là peut légitimement paraître suspect, mais c’est la Bible, et non l’histoire de l’Eglise, qui sert de pierre de touche pour examiner toute doctrine. Il n’empêche que l’excuse historique continue de peser sur la doctrine de l’inerrance: ses adversaires estiment qu’elle est récente et qu’il faudrait donc mettre fin à la discussion. Certains font remonter la doctrine de l’inerrance à B.B. Warfield, théologien de Princeton, à la fin des années 1880. Pour d’autres, elle a été formulée pour la première fois par Turretin, un théologien luthérien, juste après la Réforme. Or, ni l’un ni l’autre n’en sont les pères. Nous croyons que Christ a enseigné l’inerrance, suivi de Paul. De plus, Augustin, Thomas d’Aquin, les réformateurs et d’autres grands hommes l’ont défendue tout au long de l’histoire de l’Eglise. Certes, cet argument tiré de l’histoire n’authentifie pas la doctrine (c’est l’enseignement de Christ et de Paul qui le fait, comme nous le verrons plus loin), mais il démontre que cette doctrine n’est pas une invention récente. Ainsi, Augustin (354-430) affirmait clairement: La croyance que les livres sacrés puissent contenir quelque chose de faux entraîne les conséquences les plus désastreuses. Cela revient en effet à dire que les hommes par qui l’Ecriture nous est venue et qui ont été chargés de la rédiger ont inclus des erreurs dans ses livres. A partir du moment où l’on admet une seule fausse affirmation dans ce sanctuaire élevé de l’autorité, on peut craindre que toute phrase des livres bibliques qui semble difficile à mettre en pratique ou à croire soit rejetée, conformément à cette même règle fatale, comme une proposition dans laquelle l’auteur aurait intentionnellement déclaré ce qui n’est pas vrai.41 C’est la théorie des dominos formulée à l’ancienne; la chute d’un domino entraîne celle de tous les autres. Thomas d’Aquin (1224-1274) l’a affirmé ouvertement: «Rien de faux ne peut sous-tendre le sens littéral de l’Ecriture» (Somme Théologique I.1, 10, §3). Pour sa part, Luther a déclaré: «Les Ecritures ne se sont jamais trompées» (Œuvres de Luther XV.1481). John Wesley, le fondateur du méthodisme, a quant à lui écrit: «S’il y a la moindre erreur dans la Bible, alors il peut aussi bien y en avoir mille. Si ce Livre contient une seule fausseté, il ne peut venir du Dieu de vérité» (Journal VI.117). Comment peut-on prétendre que la doctrine de l’inerrance est une invention récente? Du reste, même si elle l’était, elle pourrait néanmoins être vraie. Seule la Bible peut nous le
dire, pas l’histoire.
II. La signification de l’inerrance On ne compte pas beaucoup de définitions de l’inerrance. Ceux qui rejettent cette doctrine l’assimilent à l’infaillibilité et limitent sa portée aux questions de foi et de vie pratique, aux domaines liés à la révélation ou au message du salut. En voici un exemple: «La Bible est infaillible, selon la définition que j’ai donnée de ce terme, mais elle n’est pas inerrante. J’entends par là qu’il y a des erreurs historiques et scientifiques dans la Bible, mais je n’en ai trouvé aucune en matière de foi et de pratique.»42 Cette déclaration établit au moins une distinction honnête entre l’infaillibilité et l’inerrance. La Déclaration de Lausanne stipule que la Bible est «inerrante dans tout ce qu’elle affirme». De l’aveu général, cette formulation manque de précision, car elle laisse entendre que la Bible pourrait contenir des erreurs dans des domaines comme le récit de la Création, où, selon certains commentateurs, elle n’affirme pas des faits historiques. Des adversaires aussi bien que des partisans de la doctrine de l’inerrance pourraient souscrire à une telle déclaration. Dans les déclarations de Chicago, le Conseil international pour l’inerrance biblique a résumé l’inerrance en disant que «l’Ecriture est exempte d’erreurs ou de fautes dans tout son enseignement». Ont suivi dix-neuf articles décrivant et explicitant ce qu’est l’inerrance. Ce bref résumé ne peut satisfaire ceux qui pensent qu’il y a des erreurs dans la Bible. S’il y avait le moindre doute à ce sujet, les dix-neuf articles qui suivent le résumé introductif le dissiperaient et empêcheraient les adversaires de l’inerrance de souscrire à cette proposition. Un dictionnaire pourrait définir l’inerrance comme l’absence d’erreur. La question qui surgit est alors: Qu’est-ce que l’erreur? La Bible peut-elle faire des approximations tout en étant exempte d’erreur? Un auteur du Nouveau Testament peut-il faire une citation libre de l’Ancien et prétendre qu’elle est exempte d’erreur? Un auteur biblique peut-il utiliser le langage des apparences sans communiquer d’erreur? Peut-il exister différents récits du même événement sans que cela implique la présence d’erreurs? Il faut reconnaître que les données bibliques contiennent souvent des approximations, des citations libres, le langage des apparences, et différentes versions du même événement. Cette constatation s’accorde-t-elle avec la définition de l’inerrance comme une «absence d’erreur»? Il faut évidemment que les données s’accordent avec la définition, pour que nous puissions la considérer comme une définition correcte de ce que la Bible enseigne à propos de son inerrance. Nous pourrions peut-être atténuer la tension perçue en définissant l’inerrance de façon
positive: l’inerrance de la Bible signifie simplement qu’elle dit la vérité. Celle-ci peut s’accommoder d’approximations, de citations libres, du langage des apparences et de différentes versions du même événement tant qu’elles ne se contredisent pas. Prenons un exemple. Vous m’informez qu’un de nos amis communs a eu un revenu de cent mille euros l’année précédente. Cette phrase est inerrante même si l’ami en question a déclaré aux services des impôts une somme de 100 537 euros. L’approximation est vraie. Si je dis: «Le lever du soleil sur la chaîne des Alpes est l’un des spectacles les plus féeriques que j’aie jamais vus», mon affirmation qui s’appuie sur le langage des apparences est vraie, même si le soleil ne se «lève» pas sur le massif alpin. La Bible exhorte-t-elle à ne pas mentir? Oui, elle dit de ne pas mentir. Ma phrase est-elle vraie? Bien sûr, même s’il est vrai (mais pas plus vrai) que la Bible déclare en réalité: «Ne mentez pas les uns aux autres.» Ma citation libre est également vraie. Prenons encore un exemple. Ma femme me raconte que, passant devant le palais de Buckingham au moment de la relève de la garde, elle a vu un soldat s’évanouir et tomber. Pourtant les journaux rapportent que trois soldats ont eu un malaise ce jour-là. Le compte rendu de ma femme était vrai. En revanche, si elle m’avait affirmé qu’un seul soldat avait perdu connaissance, son récit aurait été erroné. En réalité, trois hommes se sont sentis mal, mais son attention ne s’est portée que sur celui qui se trouvait le plus près d’elle. Peut-être a-t-elle remarqué la chute des autres, mais elle ne m’en a pas parlé. Il n’empêche que sa version du fait était vraie. Si 1 Corinthiens 10:8 déclare que 23 000 Israélites moururent en un jour et que Nombres 25:9 indique que 24 000 moururent de la plaie, sans préciser «en un seul jour», nous reconnaissons que les deux textes disent la vérité (et probablement, ces chiffres correspondent tous deux à des approximations du nombre de victimes d’une journée ou du nombre total de morts). Si un auteur du Nouveau Testament fait une citation libre de l’Ancien, comme il écrit sous l’inspiration du Saint-Esprit, sa citation libre fait partie intégrante du texte inspiré et inerrant. Le Saint-Esprit, l’auteur des deux Testaments, a évidemment le droit de se citer lui-même comme il l’entend et de se servir de ces citations avec des significations que nous, interprètes non inspirés, n’aurions peut-être jamais découvertes. Le langage des apparences est un moyen très courant de communiquer, parfois même plus pittoresque que le langage scientifique. Nous disons que le soleil se lève et se couche, ce qui est vrai en apparence. Si nous adoptons le langage scientifique, nous devrons expliquer le mouvement de la terre, et non celui du soleil. Si Marc et Luc parlent d’un homme aveugle à Jéricho, alors que Matthieu en mentionne deux, les deux témoignages sont vrais dans la mesure où Marc et Luc n’ont pas précisé «un seul» homme.
La plupart des discussions à propos de la vérité et de l’erreur se perdent au niveau philosophique. La plupart des gens comprennent que les approximations et les phénomènes similaires correspondent à la vérité. Il en va de même des autres écarts que nous avons mentionnés plus haut. La Bible est inerrante dans ce sens qu’elle dit la vérité; elle la dit sans erreur dans toutes ses parties et dans tous ses mots. Si tel n’était pas le cas, comment le Seigneur aurait-il pu déclarer que l’homme vit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Matthieu 4:4), surtout si toute Ecriture est inspirée de Dieu (2 Timothée 3:16)?
III. Incarnation et inerrance Certains insistent sur la logique suivante: tout ce qui est humain est susceptible de pécher. Comme la Bible est un livre à la fois divin et humain, elle n’est pas à l’abri de l’erreur. Examinons cette prémisse. Est-il vraiment inévitable que le péché soit toujours associé à ce qui est humain? Si vous êtes tenté de répondre par l’affirmative, une exception vous vient certainement immédiatement à l’esprit. Le titre de cette section vous a peut-être mis sur la voie: le Seigneur Jésus-Christ est une exception. Il était Dieu et homme, et pourtant son humanité n’a nullement été entachée de péché. Il constitue donc un exemple éloquent d’une exception à la règle logique prônée par ceux qui croient que la Bible contient des erreurs. Selon la véritable doctrine de la double nature de Jésus, il possédait la pleine et parfaite nature divine ainsi que la pleine et parfaite nature humaine; ces deux natures étaient unies à jamais en une seule personne. Sa divinité n’était pas le moins du monde diminuée; son humanité n’était pas déchue ni irréelle, mais exempte de péché. Dans sa personne, ses deux natures étaient sans mélange, ni changement, ni division, ni séparation. De même, la Bible est un livre simultanément divin et humain. Bien qu’ayant sa source en Dieu, elle a été écrite par des hommes. Elle est la Parole de Dieu, transmise par le SaintEsprit. Des hommes pécheurs ont rédigé cette Parole, mais ils l’ont fait sans la moindre erreur. Tout comme, dans l’incarnation, Christ a revêtu l’humanité sans être souillé par quelque péché que ce soit, la production de la Bible n’a été entachée d’aucune erreur. Prolongeons l’analogie. Dans son humanité, Jésus possédait des caractéristiques qui n’étaient pas optionnelles. Il fallait qu’il soit juif. Il n’aurait pas pu être un païen. Il fallait qu’il soit un homme et non une femme, qu’il soit indemne de péché et non pécheur. En revanche, d’autres caractéristiques de son humanité pouvaient être facultatives. Il pouvait être parfaitement humain même avec quelques centimètres de plus ou de moins, tout en sachant qu’un nain ou un géant n’aurait pas été parfait. Son poids pouvait également varier dans certaines limites sans porter atteinte à sa perfection d’homme. Dans une certaine
limite, le nombre de ses cheveux n’avait aucune incidence sur sa perfection humaine. L’humanité de Jésus était parfaite. Les auteurs de la Bible n’étaient pas des instruments passifs. Ils écrivaient, poussés ou portés par le Saint-Esprit, et dans leurs écrits, certaines choses n’auraient pas pu être écrites autrement qu’elles le furent. Paul insiste sur l’emploi d’un singulier au lieu d’un pluriel dans Galates 3:16. Mais on imagine sans peine qu’il aurait pu exprimer son émotion d’une manière légèrement différente dans Romains 9:1-3, sans pour autant que la Bible cesse d’être le compte rendu parfait du message de Dieu pour nous. Les rapports entre l’auteur divin et les auteurs humains de l’Ecriture posent problème pour chacun d’entre nous. Il ne faut pas insister sur le divin au point de supprimer l’humain pour toutes sortes de raisons pratiques, ni trop insister sur l’humain au point d’accepter que des erreurs aient pu se glisser dans le texte. Les premiers siècles de l’histoire de l’Eglise ont connu ce même genre de discussion à propos de la personne de Christ. Le docétisme, une hérésie du premier siècle, enseignait que le Christ ne s’était pas fait chair, mais qu’il avait simplement pris l’apparence d’un homme; cette fausse doctrine le privait ainsi de son authentique humanité. Le docétisme était une erreur christologique, mais on peut y voir une analogie avec la question de la double paternité littéraire de la Bible. Pour ceux qui croient à la présence d’erreurs dans la Bible, l’inerrance insiste trop sur la paternité littéraire de Dieu au détriment de son aspect «humain». Ils considèrent que la notion d’une protection divine sur la Bible au point d’exclure toute erreur aboutit à une conception de l’inspiration proche du docétisme. Telle était l’accusation portée par Karl Barth et, plus récemment, par le théologien hollandais Berkhouwer et par Paul Jewett, professeur au Fuller Seminary. S’il était vrai (ce qui n’est pas le cas) que ceux qui défendent l’inerrance complète de la Bible épousent une hérésie proche du docétisme, alors il serait aussi vrai que ceux qui défendent une forme quelconque d’errance biblique adoptent une doctrine proche de l’ébionisme. Au deuxième siècle, les Ebionites niaient la divinité de Christ en rejetant sa naissance virginale et sa préexistence. Ils considéraient Jésus comme le fils naturel de Joseph et de Marie et affirmaient qu’il avait été déclaré Fils de Dieu à son baptême, mais non comme Fils éternel de Dieu. Ils croyaient que Jésus était un grand prophète, supérieur aux archanges, mais pas de nature divine. Si la doctrine de l’inerrance est censée être une hérésie comparable au docétisme, alors celle de l’errance est une hérésie proche de l’ébionisme, puisque l’humanité de la Bible permet qu’elle soit entachée d’erreurs. Selon les défenseurs de l’errance, puisque des hommes réels ont été impliqués dans la formation de la Bible, leurs écrits ne peuvent être garantis exempts d’erreurs, même si le Saint-Esprit les a guidés et inspirés. C’est bien là
l’essence de l’erreur ébionite. Il existe une doctrine orthodoxe de la personne de Christ et une doctrine orthodoxe de la Bible. Les deux font intervenir Dieu et l’homme pour aboutir à un résultat final exempt de péché. 40 Robert S. Alley, «Some Theologians Question Factual Truth of Gospels», The Richmond News Leader, 17 juillet 1978, p. 1. 41 Saint Augustin, Epistula 28. 42 Stephen T. Davis, The Debate About the Bible, Philadelphie, Westminster, 1977, p. 115.
13. L’inerrance et les enseignements de Christ Une déduction comprend une prémisse majeure, une prémisse mineure et une conclusion. La preuve déductive de l’inerrance est la suivante: Dieu est véridique, Dieu a inspiré la Bible, donc la Bible est vraie. Il va de soi que toute déduction a la qualité de ses prémisses. Dans cette déduction particulière, les deux prémisses sont bonnes et vraies, simplement parce qu’elles sont clairement affirmées par la Bible elle-même. La preuve déductive en faveur de l’inerrance est aussi solide et décisive que l’autorité de la Bible. Il existe aussi une autre méthode de raisonnement: la méthode inductive. Dans celle-ci, on remonte des parties au tout, du particulier au général. La conclusion découle des preuves. La qualité de l’induction dépend du caractère complet, ou non, des preuves étudiées. Si les premières machines à écrire rencontrées étaient toutes électriques, on pourrait conclure que toutes les machines à écrire l’étaient. La première machine non électrique aperçue invaliderait évidemment la conclusion. Toutes les inductions ne sont cependant pas exposées à un si grand risque d’invalidation, car si on examine autant de preuves que possible, on peut arriver à une conclusion très fiable. Nous pouvons examiner tous les enseignements de Christ qui nous ont été rapportés. Il est vraiment très peu vraisemblable qu’un enseignement non rapporté de Jésus puisse venir invalider toutes les preuves tirées de ses enseignements dans les Evangiles. Si nous pouvons fouiller tout ce qu’il a déclaré concernant la fiabilité de la Bible, nous pourrons tirer une conclusion valable sur l’idée que Christ se faisait de la Bible.
I. Les indices tirés de Matthieu 4:1-11 Le récit de la tentation de notre Seigneur révèle quelques points importants de sa conception de la Bible. Premièrement, Jésus accepte l’inspiration plénière de la Bible. Quand le diable s’approche de lui et lui suggère de changer les pierres en pain, le Seigneur répond que l’homme vivra de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Matthieu 4:4, citation de Deutéronome 8:3). Il ne dit pas «de certaines paroles», mais précise bien «de toute parole». Si l’Ecriture est inspirée de Dieu (2 Timothée 3:16), alors l’Ecriture tout entière, et non certaines de ses parties seulement, doit être incluse dans ce qui nourrit l’homme. La deuxième tentation illustre elle aussi l’importance de l’inspiration plénière. Satan incite le Seigneur à sauter du pinacle du temple en l’assurant qu’il peut compter sur la promesse du
Psaume 91:11-12 d’être gardé par les anges de Dieu. Mais en citant ce verset, Satan omet la fin du verset Psaume 91:11 qui dit précisément: «Il ordonnera à ses anges de te garder dans toutes tes voies.» L’omission fausse le sens de la promesse: Dieu promet de garder les justes qui marchent dans ses voies, il ne s’engage pas à les préserver quand ils prennent des risques inutiles. Or, c’est justement ce que Satan propose à Christ. Le Seigneur réplique que compter sur une partie de verset, c’est tenter Dieu. Il préfère s’appuyer sur toute parole sortie de la bouche de Dieu, en particulier chaque mot des versets Psaume 91:11-12. Deuxièmement, Jésus accepte la vérité des propositions de la Bible. Comme déjà indiqué, d’après une idée répandue aujourd’hui, la Bible contiendrait une révélation exclusivement personnelle, et non une révélation propositionnelle, c’est-à-dire qu’elle révélerait Dieu et Christ de façon exacte, mais dans la relation de personne à personne plutôt que dans des déclarations. C’est pourquoi, bien que nous puissions nous fier au message de la Bible, en réalité nous ne pourrions pas nous fier à ses affirmations ou propositions particulières, et nous n’aurions du reste pas besoin de le faire. Les adeptes de cette position disent que la Bible rend témoignage à la vérité infaillible, mais qu’elle n’est pas tenue de le faire par des déclarations inerrantes. La Bible, le panneau qui indique la direction, serait faillible, tandis que Christ, la destination indiquée, serait infaillible. La réponse de Christ aux attaques de Satan dément ce point de vue. Il déclare: «Il est écrit» (Matthieu 4:4, 7, 10), et non: «L’Ecriture témoigne.» Il a confiance que les affirmations propositionnelles de la Bible communiquent la vérité en elles-mêmes et par elles-mêmes, et la communiquent exactement.
II. Les indices tirés de l’usage que fait Christ de l’Ancien Testament La manière dont notre Seigneur se sert des événements historiques de l’Ancien Testament montre sa totale confiance en leur historicité. Il reconnaît qu’Adam et Eve ont été créés par Dieu, qu’ils étaient deux êtres humains vivants réels, et non de simples symboles de l’homme et de la femme, et qu’ils avaient leur propre manière d’agir (Matthieu 19:3-5; Marc 10:6-8). Il confirme les événements liés au déluge du temps de Noé, notamment l’existence de l’arche et la destruction de toutes les personnes n’ayant pas trouvé refuge dans ce bateau (Matthieu 24:38-39; Luc 17:26-27). A deux occasions, il évoque la destruction de Sodome par Dieu ainsi que l’historicité de Lot et de sa femme (Matthieu 10:15; Luc 17:28-29).
Il admet la véracité de l’histoire de Jonas et du grand poisson (Matthieu 12:40) ainsi que l’historicité d’Esaïe (Matthieu 12:17), d’Elie (Matthieu 17:11-12), de Daniel (Matthieu 24:15), d’Abel (Matthieu 23:35), de Zacharie (Matthieu 23:35), d’Abiathar (Marc 2:26), de David (Matthieu 22:45) , de Moïse et de ses écrits (Matthieu 8:4; Jean 5:45), d’Abraham, Isaac et Jacob (Matthieu 8:11; Jean 8:39). Christ ne fait pas simplement allusion à ces récits, il authentifie les événements qu’ils rapportent comme historiques, dignes d’une entière confiance. Parmi eux figurent des éléments controversés de l’Ancien Testament comme la création ou le déluge, et des miracles retentissants comme celui de Jonas dans le ventre du grand poisson. Le Seigneur pensait manifestement qu’il avait en mains une Bible fiable, historiquement vraie, digne de confiance dans ses moindres mots. Si nous arrivions à la conclusion qu’il s’est servi de la Bible dans ses grandes lignes ou que son enseignement reposait sur elle dans son ensemble, nous pourrions déduire qu’il croyait en sa fiabilité générale. En revanche, si nous constatons qu’il considérait chaque détail de la Bible comme exact, alors nous devons conclure qu’il la croyait inerrante jusque dans ses détails les plus infimes.
III. Les indices tirés de Matthieu 5:17-18 «Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé.» D’abord, quelle est la promesse? C’est que la loi et les prophètes ne seront pas abolis, mais accomplis. Abolir, c’est ne pas accomplir, et accomplir, c’est réaliser les promesses. Christ garantit l’accomplissement des promesses. Ensuite, qu’inclut cette promesse? L’expression «la loi et les prophètes» désignait tout l’Ancien Testament, la Bible dont se servait le Seigneur à l’époque. Le mot «loi» de Matthieu 5:18 a le même sens (comparer avec l’usage du terme «loi» dans Jean 10:34, où il inclut bien plus que la loi mosaïque). Enfin, jusqu’où les promesses de l’Ancien Testament s’accompliront-elles? Le Seigneur précise l’étendue de cet accomplissement: il concernera la plus petite lettre, le plus petit trait de lettre. Le iota grec correspond au yod hébreu. C’est la plus petite de toutes les lettres de l’alphabet hébreu: elle est de la taille de l’apostrophe. Bien qu’étant la plus petite des lettres hébraïques, elle est aussi importante que les autres, car les lettres forment des mots, les mots s’assemblent en phrases et celles-ci expriment des promesses. Un mot s’épelle d’une façon; si on l’épelle autrement, à une toute petite lettre près, il s’agit d’un autre mot. Le mot
«vert» indique une couleur. En remplaçant le «t» par un «s», on obtient «vers», une préposition. Si on supprime la dernière lettre, il reste «ver», un petit animal allongé rampant. Une seule lettre change le sens des mots. Le Seigneur a promis qu’il ne tombera pas un seul iota. Chaque promesse s’accomplira à la lettre. Remarquons que Christ n’est pas parti de concepts pour aboutir au choix de mots, qui seraient purement optionnels, chargés de les communiquer (comme l’enseigne la doctrine de l’inspiration conceptuelle). Il a fait la démarche inverse: les promesses sont basées sur des mots précis sur lesquels on peut s’appuyer entièrement et jusque dans le détail. Le Seigneur n’a pas dit que les promesses s’accompliraient à condition qu’elles conviennent à la culture ambiante au moment de leur accomplissement. De nos jours, certains milieux réinterprètent les promesses en termes culturels, ce qui revient à invalider les promesses dans leur forme originale. Christ a enseigné qu’il s’attendait à la pleine réalisation des promesses initiales telles que l’Ancien Testament les avait formulées. Le trait de lettre est encore plus petit que le iota. Alors que ce dernier constitue une lettre entière, le trait de lettre n’en est qu’une partie. Le trait définit une lettre, mais son absence transforme la lettre en une autre. Prenons un exemple. La lettre hébraïque beth s’écrit b. , et la lettre kaph k. Les deux caractères se ressemblent visiblement beaucoup. Il y a toutefois une petite différence entre les deux lettres. La barre horizontale inférieure du beth dépasse légèrement vers la droite, ce qui n’est pas le cas du kaph. Les deux lettres se différencient donc par un trait de lettre. La présence de ce trait implique qu’il s’agit d’un beth («b»); son absence qu’il s’agit d’un kaph («k»). Selon que c’est le beth ou le kaph qui est présent dans un mot, le sens change. Voici un autre exemple. La lettre hébraïque daleth («d») s’écrit d, et le resh («r») lui ressemble: r. La barre horizontale supérieure de l’une se distingue de celle de l’autre par un trait de lettre qui la prolonge à droite du trait vertical. Mais un mot écrit avec un daleth est différent d’un mot écrit avec un resh. Le Seigneur a promis que les promesses de l’Ancien Testament s’accompliraient telles qu’elles avaient été prononcées. Voici un exemple des modifications de sens que pourrait occasionner l’ajout d’un trait de lettre en français. Prenons le mot «File». En ajoutant un trait de lettre au «F», on obtient un «P» et le mot «File» devient «Pile». Un petit trait de lettre a radicalement changé le sens du mot.
IV. Les indices tirés de Jean 10:31-38 De petits détails peuvent faire une grande différence. Vers la fin de son ministère terrestre, le Seigneur a de nouveau eu l’occasion d’affirmer sa totale confiance dans la fiabilité de
l’Ecriture jusque dans le détail. A la fête de la Dédicace (instituée en 165 av. J.-C. pour commémorer la purification et la réouverture du temple après sa profanation par Antiochus Epiphane trois ans plus tôt), les Juifs lui ont effet demandé de leur dire ouvertement s’il était le Messie (Jean 10:24). Voici sa réponse: «Moi et le Père nous sommes un» (Jean 10:30). Le mot «un» est neutre dans le texte original et signifie donc «une chose», pas «une personne». Autrement dit, il n’affirme pas que le Père et lui sont identiques, mais qu’ils ont en commun une unité essentielle, qu’il jouit d’une parfaite unité de nature et d’action avec son Père. Les Juifs lui ont demandé s’il est le Messie; sa réponse dépasse leurs attentes, car il se déclare l’égal de Dieu. Les Juifs le comprennent d’ailleurs bien ainsi, car ils s’apprêtent à le lapider pour ce qu’ils considèrent comme blasphématoire. Pour les en dissuader, Jésus cite le Psaume 82. Il intitule cette portion de l’Ancien Testament «la loi» (Jean 10:34), comme il le fera d’ailleurs en deux autres occasions (Jean 12:34; 15:25). Cette loi, dit-il, appelle «dieux» les chefs d’Israël, de simples êtres humains, compte tenu de la charge élevée que Dieu leur a conférée. Il conclut que si le Psaume applique avec raison le titre «dieux» à des êtres humains, alors le titre «Fils de Dieu» peut valablement s’appliquer à celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde. En d’autres termes, si elohim peut désigner des hommes, à combien plus forte raison peut-il s’appliquer à son cas, puisqu’il possède une unité d’essence avec son Père. Le raisonnement peut paraître compliqué, mais il indique clairement ce que le Seigneur pensait de la Bible. Selon lui, la Bible est verbalement inspirée. Il rappela en effet aux Juifs ce qui était écrit. La Parole de Dieu a été transmise sous la forme de déclarations propositionnelles, et non seulement sous la forme de concepts, de pensées, ou de tradition orale. C’est le compte rendu écrit qui est inspiré, et nous pouvons nous appuyer sur lui. La Bible est inspirée dans le détail. Le Psaume 82 n’est pas ce que nous appellerions un passage majeur de l’Ancien Testament; il n’est pas de la plume de David et ne figure pas parmi les Psaumes messianiques. Je ne dis pas cela pour diminuer en quoi que ce soit sa valeur, car il est évidemment autant inspiré que les autres parties de la Bible, je souligne simplement que le Seigneur ne s’est pas appuyé sur un passage remarquable pour justifier son raisonnement. Sans vouloir porter le moins du monde atteinte à quelque passage biblique que ce soit, disons que Jésus a plutôt choisi un texte ordinaire et banal. Il ne l’aurait évidemment pas fait s’il avait cru que de tels passages ne faisaient pas partie de la Parole inerrante de Dieu. En outre, de ce passage ordinaire, il a mis un mot en exergue: «dieux». Il ne l’aurait pas fait s’il n’avait pas cru en l’inspiration verbale de la Bible, c’est-à-dire l’inspiration du moindre mot. Il savait qu’il pouvait s’appuyer sur n’importe quelle partie des Ecritures et sur n’importe quel mot de n’importe quelle partie.
La Bible est inspirée et revêtue d’autorité. Dans le cours de son raisonnement, le Seigneur prononce presque incidemment cette parole: «L’Ecriture ne peut être anéantie» (Jean 10:35). Que voulait-il dire? Simplement que l’Ecriture ne peut être dépouillée de son autorité. Or, la seule façon pour elle de perdre son autorité, ce serait d’être erronée. Mais Christ prétend le contraire et affirme à la fois son autorité et son inerrance. Certaines traductions de la Bible placent cette parole de Christ entre parenthèses. Il vaut mieux la faire dépendre du «si» qui commence la phrase. Comme la conjonction «si» introduit une condition synonyme de certitude, on peut la rendre par «puisque» ou «comme». Le Seigneur déclarait donc deux choses certaines: le Psaume appelle des hommes «dieux» et l’Ecriture ne peut être anéantie. Rappelons que Christ jouait sa vie sur la fiabilité, l’exactitude et l’autorité d’un seul mot de l’Ecriture, car ses adversaires étaient sur le point de le lapider.
V. Les indices tirés de Matthieu 22:23-33 Représentons-nous la scène. Le Seigneur fait face aux représentants de la nation juive et aux pharisiens, tout cela le même jour. Les hérodiens ont essayé de le prendre au piège de ses propres paroles en lui demandant s’il était légitime de payer le tribut à César. Puis les sadducéens se sont approchés à leur tour (Matthieu 22:23-33). Le dialogue qui s’instaure révèle la confiance du Seigneur dans une Ecriture inerrante et donc revêtue d’autorité jusque dans ses détails. Les sadducéens croyaient à l’autorité du Pentateuque. Ils niaient cependant l’existence des anges et des esprits, et ne croyaient pas à la résurrection des morts parce que, selon eux, les cinq premiers livres de Moïse n’enseignaient pas ces choses. Ils donnent libre cours à leur incrédulité en interrogeant Jésus sur la résurrection, avec une histoire imaginaire inspirée du Pentateuque pour justifier leur question. Il s’agit de la loi du lévirat (d’un terme latin qui signifie: «mariage du frère du mari», Deutéronome 25) qui obligeait un homme à épouser la veuve de son frère sans enfants, s’il le pouvait. Dans le cas contraire, la responsabilité échouait à son plus proche parent, comme le montre le récit de Ruth et de Boaz (Ruth 4:6). C’est sur cette toile de fond que les sadducéens imaginent l’histoire de sept frères. Le premier se marie et meurt sans enfants. Successivement, chacun des six frères épouse la veuve et meurt. Finalement la femme meurt elle aussi. Les sadducéens demandent alors au Seigneur: «A la résurrection, duquel des sept sera-t-elle donc la femme? Car tous l’ont eue.» La réplique de Jésus est cinglante. Il leur reproche d’être dans l’erreur et d’ignorer les Ecritures et la puissance de Dieu (Matthieu 22:29). Puis Christ examine leur question et la
juge hors de propos (Matthieu 22:30), car à la résurrection, les gens ne se marient pas: ils seront semblables aux anges, qui ne se marient pas, parce qu’il n’est pas utile de procréer des bébés anges. Le nombre des anges a été fixé lors de leur création. De même, dans la vie à venir, les êtres humains ne se marieront plus, puisqu’il ne sera plus nécessaire d’avoir des enfants. Christ ne dit pas que les hommes deviendront des anges, mais simplement qu’étant comme eux ils ne procréeront plus. Cela dit, il devient inutile de répondre à la question des sadducéens. Elle ne présente plus aucun intérêt. La loi du lévirat avait été promulguée pour susciter une postérité au mari défunt et perpétuer ainsi son nom. Au ciel, cette disposition n’aura plus lieu d’être, d’où l’inutilité de la question. Comme si cela ne suffisait pas pour accuser les sadducéens d’erreur, d’ignorance et de manque d’à-propos, le Seigneur poursuit en les instruisant dans la saine doctrine à partir d’un passage de l’Ancien Testament (Exode 3:6) qu’ils considéraient comme revêtu d’autorité. La leçon est simple: contrairement à ce que vous croyez, votre Bible enseigne qu’il y a une vie après la mort. La mort n’est pas la fin de tout, comme vous l’enseignez. Le Seigneur argumente de façon assez sophistiquée. Je suis sûr que peu d’entre nous auraient cité Exode 3 pour enseigner la doctrine d’une vie après la mort. Mais le Seigneur l’a fait. Notons que, comme dans Jean 10:34, il appuie son raisonnement sur la Parole écrite, sur des mots précis et non sur des concepts généraux. Il se sert de la manière dont Dieu s’est révélé à Moïse dans le buisson ardent: «Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob» (Matthieu 22:32). Pour le Seigneur, cela signifie que Dieu est le Dieu des vivants, autrement dit qu’Abraham, Isaac et Jacob vivent, quoique morts depuis longtemps. En quoi la désignation de Dieu comme Dieu des patriarches justifie-t-elle la doctrine d’une vie après la mort? Cela passe par l’emploi du présent: «Je suis.» Abraham, Isaac et Jacob étaient morts depuis des siècles quand Dieu s’est ainsi révélé à Moïse. Or, il a affirmé être leur Dieu au moment où il lui parlait dans le buisson ardent. Dieu n’aurait pas pu s’exprimer de cette façon si Abraham, Isaac et Jacob, une fois morts, avaient cessé d’exister. Il ne le pouvait que si, contrairement à la doctrine des sadducéens, la mort n’est pas le point final. Il va de soi que seule une question de temps différencie «je suis» de «j’étais». Dans son argumentation, le Seigneur attache donc une grande importance à ce «détail». Il fonde sa preuve de la résurrection sur l’emploi d’un présent. Voici une illustration de la force du raisonnement de Christ. En tant que prédicateur itinérant, je suis souvent invité pour le repas chez l’un ou l’autre des membres de l’Eglise. J’ai remarqué qu’une question qui revient fréquemment sur le tapis est celle des enfants. Supposons qu’à ma question: «Combien d’enfants avez-vous?», le père ou la mère réponde: «Nous en avions quatre, mais l’un est mort, si bien que nous n’en avons plus que trois.» Devant ce type de réponse, je peux émettre des doutes sur la condition ou la
maturité spirituelle de ces parents. En revanche, s’ils me répondent: «Nous avons quatre enfants; l’un est auprès du Seigneur, et les trois autres sont encore avec nous», je serai rassuré sur les croyances de cette famille. Je serai presque certain que, pour eux, la mort ne marque pas la fin de tout et il y a une résurrection. Dans cet exemple, la différence qui révèle l’état spirituel réside dans l’emploi du temps du verbe: nous avions dans un cas, nous avons dans l’autre. Dans l’argumentation de Jésus, la Bible dit, à propos de Dieu, «je suis», alors que dans l’esprit des sadducéens, elle disait «j’étais». Notons les prolongements de l’affirmation de Christ: 1. Il présuppose le caractère historique de l’apparition de Dieu à Moïse. 2. Il présuppose que la révélation de Dieu s’est faite sous la forme de propositions. 3. Il présuppose que chaque parole de cette affirmation est absolument précise et digne de foi. 4. Il présuppose que la vérité doctrinale se fonde sur l’exactitude historique. La Bible ne peut être inexacte en matière d’histoire et exacte en matière de doctrine. 5. Il présuppose qu’on peut se servir même de passages invraisemblables et se fier à leur exactitude.
VI. Les indices tirés de Matthieu 22:41-46 Plus tard ce même jour, alors que les pharisiens sont venus prêter main forte aux adversaires du Seigneur, celui-ci prend l’offensive et pose à ses interlocuteurs la question directe suivante: «Que pensez-vous du Christ? De qui est-il le fils?» (Matthieu 22:42). Leur réponse fuse: «De David.» C’était juste mais incomplet. Christ est le Fils de David quant à son humanité, mais il est aussi le Fils de Dieu, et le Seigneur tenait à ce que les pharisiens le reconnaissent comme tel. C’est pourquoi il leur pose une question supplémentaire: «Comment donc David, animé par l’Esprit, l’appelle-t-il Seigneur?» Pour prouver ce témoignage de David, Jésus cite le début du Psaume 110: «Le Seigneur [c’est-à-dire le Père] dit à mon Seigneur [le Messie, le Fils de David]: Assieds-toi à ma droite [celle du Père] jusqu’à ce que je [le Père] fasse de tes ennemis [ceux du Messie] ton marchepied.» Comment David pouvait-il appeler le Messie son Seigneur si le Messie n’était que son fils? Il n’y a qu’une seule réponse à cette question: parce que le Messie était aussi le Dieu de David. Autrement dit, le Messie devait être à la fois Dieu et homme. En tant qu’homme, il était le Fils de David; en tant que Dieu, il était le Seigneur de David. L’adjectif possessif «mon» associe David à son Seigneur-Messie. Prenons un exemple. Si la reine Elisabeth II meurt ou abdique, c’est vraisemblablement le prince de Galles qui deviendra le roi Charles. Supposons que le prince Philippe, son père,
soit encore en vie à ce moment-là. Si je demande: «De qui le roi Charles est-il le fils?» On me répondra: «Du prince Philippe.» Je pourrai rétorquer: «Mais j’ai vu le couronnement du roi Charles à la télé, et le prince Philippe s’est incliné devant Charles et lui a juré fidélité. Pourquoi le prince Philippe a-t-il appelé Charles seigneur?» La réponse est simple: le roi Charles est le souverain de Philippe bien qu’il soit aussi son fils. Il est à la fois le fils de Philippe et son roi. De la même façon, le Messie est le fils de David, mais comme le Messie est l’égal de Dieu, il est aussi le Seigneur de David. La procréation naturelle rattache le Messie à David comme son descendant. L’adjectif possessif «mon» (Psaume 110:1) rattache le Messie à David comme Seigneur Dieu. Et ce possessif «mon» correspond en hébreu à un simple yod, la plus petite des lettres de l’alphabet, à la fin du mot «Seigneur». Rien n’est plus essentiel à une christologie orthodoxe que la pleine divinité et la pleine humanité de Jésus-Christ. S’il n’était pas Dieu-homme, il n’aurait pas pu être un Sauveur, un souverain sacrificateur ou un juge valable. Lequel d’entre nous aurait osé utiliser le Psaume 110 pour démontrer sa véritable identité? Or, c’est exactement ce que Jésus a fait en fondant sa discussion avec les pharisiens sur le mot «mon». Il montre ainsi qu’on peut se fier à l’Ecriture jusque dans les moindres détails. Qu’avons-nous appris de l’attitude de notre Seigneur à l’égard de la Bible? 1. Nous pouvons nous fier totalement à l’orthographe des mots; aucune prophétie ne s’accomplira autrement que comme elle a été annoncée. 2. L’Ecriture perd son autorité si elle contient des erreurs. Or, Christ a montré que l’Ecriture ne peut être anéantie. Il était donc certain qu’elle ne contenait aucune erreur. 3. Le Seigneur a fondé son argumentation sur de simples mots, et même sur le temps d’un verbe. Qui peut prétendre suivre le Seigneur sans du même coup accepter son enseignement concernant l’inerrance des Ecritures?
14. L’inerrance et les passages problématiques I. Quelques difficultés dans l’Ancien Testament Personne ne nie le fait que la Bible contient des passages qui présentent des difficultés d’une sorte ou d’une autre. La question de l’inerrance n’interfère pas avec les problèmes d’interprétation ni avec les controverses pour savoir quel est le meilleur texte à adopter. En revanche, les difficultés provenant de contradictions apparentes, de désaccords entre les nombres et entre les récits parallèles, ou d’affirmations supposées non scientifiques lui sont liées. Les adversaires et les partisans de l’inerrance biblique ont accès aux mêmes faits liés à chacune de ces difficultés; les uns comme les autres ont une intelligence qui les rend capables de prendre ces faits en compte; ils ont à leur disposition les conclusions d’autres spécialistes. Mais ils ne jettent pas le même regard sur les difficultés. Les premiers acceptent non seulement la possibilité d’erreurs dans la Bible, mais aussi leur réalité. C’est pourquoi, lorsqu’ils se penchent sur les problèmes qu’ils rencontrent dans les Ecritures, ils peuvent conclure à la présence d’une erreur. Le partisan de l’inerrance, au contraire, part du principe que la Bible ne contient aucune erreur. Il s’interdit donc de conclure que ces mêmes passages problématiques sont des exemples d’erreurs contenues dans l’Ecriture. Ses investigations peuvent le conduire à conclure que, dans l’état actuel des connaissances, telle difficulté est inexplicable. Mais il sait qu’il ne s’agit pas d’une erreur et que des recherches ultérieures le démontreront. Il admet aussi qu’il pourrait n’avoir de réponse que dans l’éternité. Illustrons ces démarches par un exemple. Un homme heureux en ménage rentre un jour chez lui à l’improviste et voit sa femme faire de grands signes de la main à un homme élégant qui entre dans sa voiture et s’apprête à partir. Que pensera-t-il? Si les années de vie conjugale passées lui ont démontré qu’il pouvait avoir une confiance illimitée et inébranlable dans la fidélité de son épouse, il se dira que celle-ci avait de bonnes raisons de rencontrer cet homme. Même si sa curiosité est piquée à vif, il n’aura aucun doute quant à la loyauté de sa compagne. Ce n’est peut-être que beaucoup plus tard qu’il apprendra que le visiteur était venu livrer un cadeau qu’elle lui avait destiné, à lui. En revanche, si sa confiance dans sa femme est quelque peu écornée, il envisagera le pire, y compris
l’infidélité de son épouse. A cause de sa propre incertitude, il considérera sa femme comme coupable d’adultère. L’analogie saute aux yeux. Si j’aborde la Bible avec la certitude que Dieu en a inspiré les mots et qu’elle ne contient donc aucune erreur, si sa totale fiabilité s’est confirmée au fil du temps et n’a fait que renforcer ma confiance en elle, je ne serai évidemment pas ébranlé par les difficultés que je rencontre dans l’étude de la Parole de Dieu et ne conclurai certainement pas qu’il s’agit d’erreurs. En revanche, si je pars du principe que la Bible contient des erreurs, qu’elles soient rares ou nombreuses, je serai enclin à interpréter les difficultés rencontrées comme des exemples de ces erreurs. Même s’il n’y en a qu’une seule, j’ai entre les mains une Bible qui n’est pas inerrante. La littérature relative au débat sur l’inerrance permet difficilement de dresser la liste définitive de toutes les «erreurs». Il n’est d’ailleurs pas possible d’indiquer les critères auxquels mesurer ces prétendues erreurs, mais seulement d’établir un relevé de celles qui ont été signalées comme telles. Bien qu’il n’y ait pas deux auteurs qui soient d’accord sur une liste type, une recension de tous les exemples proposés contiendrait plus ou moins deux douzaines de cas. Le manque d’uniformité des listes présentées soulève une question importante: Qui est-ce qui, ou qu’est-ce qui, fixe la frontière entre les domaines où l’erreur est admissible et ceux où l’inerrance est nécessaire? Si, par exemple, on peut admettre et tolérer certaines erreurs dans les questions historiques, mais pas dans les questions doctrinales, comment puis-je savoir quelles sont les parties historiques contenant d’éventuelles erreurs? En effet, certaines doctrines sont fondées sur des faits historiques. Où est la limite? Reconnaissons-le, certains passages problématiques méritent un examen attentif, mais je maintiens qu’il existe des suggestions raisonnables qui évitent de conclure hâtivement à la présence d’erreurs. Dans ce genre de discussion, je ne peux que me limiter à des suggestions, et la place me manque pour entrer dans les détails. Pour plus d’informations, je renvoie le lecteur à des livres spécialisés et à des commentaires approfondis. Je tiens simplement à souligner que les suggestions proposées sont compatibles avec la doctrine de l’inerrance.
A. Les «deux récits» de la création L’allégation que la Bible présente deux récits contradictoires de la création a des prolongements dans de nombreux domaines de l’interprétation, mais dans les discussions à propos de l’inerrance, l’attention se porte surtout sur la prétendue contradiction entre Genèse 1:11-12 qui rapporte l’apparition de la végétation le troisième jour et Genèse 2:5 qui semble affirmer qu’il n’y avait aucune végétation lors de la création d’Adam. Cette conclusion comporte elle-même deux erreurs. Il faut tout d’abord savoir que Genèse 2
ajoute des détails au récit de la création que rapporte Genèse 1; ces détails viennent en supplément, non en opposition. En voici un exemple: il est dit que Dieu créa l’homme (terme générique) homme et femme (Genèse 1:27), mais cela ne signifie évidemment pas que le premier être humain était moitié homme, moitié femme. Genèse 2 livre les détails de la création d’Adam, l’homme, puis de la création d’Eve, la femme (Genèse 2:18-23). De même, Genèse 2:5 complète le récit de la création de la végétation du troisième jour. Ensuite, les mots utilisés à Genèse 2:5 s’appliquent aux plantes qui ont besoin d’être cultivées, et non à toute la verdure. Les plantes nécessitant une culture ne sont peut-être effectivement pas apparues avant qu’Adam ait été créé et puisse les cultiver, ou bien elles étaient déjà créées mais ne se développèrent pas avant la création de l’homme. Leupold fait bien le point sur cette question. Genèse 2:4b nous ramène au moment de la création, plus exactement avant l’œuvre du troisième jour, et attire notre attention sur certains détails. Comme ce sont justement des détails, ils ne pouvaient s’insérer dans Genèse 1. Voici ces détails: certaines formes de vie, notamment celles qui requièrent dans une grande mesure les soins attentifs de l’homme, n’étaient pas encore apparues… Quand la verdure recouvrit la terre, la pousse de ce type de végétation fut retardée de manière à n’apparaître qu’au moment où l’homme fut en pleine possession de son domaine et en mesure de lui accorder l’attention nécessaire… Les termes distinctifs employés ici, dont aucun ne figure dans le récit de la création, prouvent que l’auteur ne parle pas de toute la végétation… Par conséquent, l’affirmation que, d’après ce récit (Genèse 2:4-5), l’homme a été créé d’abord et la végétation ensuite est manifestement absurde.43 Seuls ceux qui le veulent bien voient dans ce récit une contradiction, et donc une erreur. On peut faire une bonne exégèse de ce texte sans en voir une.
B. La femme de Caïn La question de savoir où Caïn trouva sa femme laisse de nombreux partisans de l’inerrance biblique indifférents. En revanche, les adversaires de cette doctrine se servent souvent de cette question pour démontrer qu’on ne peut se fier aux affirmations de la Bible: comment peut-elle dire qu’Adam et Eve, les deux premiers êtres humains, eurent deux fils, dont l’un tua l’autre, et déclarer que nos premiers parents furent à l’origine d’une race nombreuse? La Parole de Dieu dit effectivement et clairement qu’Adam et Eve furent les premiers êtres humains créés. Le Seigneur le confirme dans Matthieu 19:3-9. La généalogie de Christ remonte jusqu’à Adam (Luc 3:38). Pour Jude, Hénoc fut bien le septième depuis Adam (Jude 14). Il peut difficilement s’agir du septième homme de la race humaine: cette
interprétation ne serait nécessaire que si Adam n’était pas un individu précis, ce que prétendent d’ailleurs certains. La Bible relate le meurtre d’Abel par Caïn, mais aussi la naissance de nombreux descendants d’Adam et Eve. Où Caïn trouva-t-il sa femme? Nous savons qu’Adam et Eve eurent d’autres fils et filles, en plus d’Abel, de Caïn et de Seth (Genèse 5:4). S’il n’y avait qu’une seule famille à l’origine, les premiers mariages durent se faire entre frères et sœurs. Ces mariages consanguins ne furent pas gênants au commencement. L’inceste est devenu dangereux parce que les gènes mutants qui entraînent des enfants infirmes, chétifs ou débiles se retrouvent plus facilement chez les enfants lorsque les deux parents les transmettent. Il est certain qu’Adam et Eve, sortis de la main créatrice de Dieu, ne possédaient aucun gène mutant. Les mariages entre frères et sœurs, ou entre cousins et cousines, n’étaient pas dangereux dans les deux générations postérieures à Adam et Eve.
C. Le nombre de victimes à Baal-Peor La plaie qui frappa les Israélites après l’adoration idolâtre de Baal-Peor provoqua la mort de 24 000 personnes d’après Moïse. Pourtant Paul ne mentionne que 23 000 victimes dans 1 Corinthiens 10:8. S’agit-il d’une erreur? Pas nécessairement. En effet Paul précise qu’il y eut 23 000 morts «en un seul jour». D’après le récit de Nombres 25, Moïse chargea des juges d’exécuter la sentence; le nombre de victimes peut donc très bien inclure les personnes qui moururent les jours suivants. Autrement dit, ils n’ont pas forcément terminé leur besogne le même jour. Les deux récits ne sont donc pas incompatibles, grâce à la précision de Paul «en un seul jour». Par ailleurs, ce n’est pas faire violence au principe de l’inerrance que de considérer les deux chiffres comme des approximations. Dans ce cas, le nombre de victimes se serait situé entre 23 000 et 24 000. Si Moïse ou Paul avaient dit qu’il y eut «exactement» ou «seulement» 24 000 ou 23 000 morts, leurs comptes rendus auraient été contradictoires. Mais ce n’est pas le cas.
D. Qui incita David à procéder au dénombrement d’Israël? 2
Samuel
24:1
dit
que
c’est
l’Eternel
qui
incita
David
à
dénombrer
Israël,
1 Chroniques 21:1 que c’est Satan. Faut-il pour autant voir une contradiction entre ces deux versions du même récit? Dieu et Satan ne pourraient-ils pas être impliqués tous les deux dans l’initiative de David? Ils l’ont été dans d’autres cas. Paul déclare que le Seigneur lui a envoyé un ange de Satan pour l’empêcher de s’enfler d’orgueil (2 Corinthiens 12:7). Le Seigneur et Satan sont aussi actifs dans les événements qui aboutiront à Harmaguédon. Pourquoi ne le seraient-ils pas dans le cas présent? Une explication aussi simple rend
même impensable la suggestion d’une possible contradiction. Ce n’est pas une façon d’éluder la difficulté. Un adversaire de l’inerrance biblique dit ceci: «Les deux récits ne peuvent être exacts. Mais du point de vue de l’intégrité biblique, ils enseignent la même leçon, à savoir que ce que David fit était mal…»44
E. Qui tua Goliath? Est-ce David qui tua Goliath (1 Samuel 17:50), ou un certain Elchanan (2 Samuel 21:19)? Avant de prétendre que les deux textes se contredisent, et que par conséquent l’un est faux, posons-nous quelques questions: (1) Se pourrait-il que David ait porté deux noms, l’autre étant «Elchanan»? Salomon en avait bien deux (2 Samuel 12:24-25). (2) N’y aurait-il pas pu y avoir deux «Goliath»? Le contexte immédiat mentionne un autre géant à Gath (2 Samuel 21:20). (3) Des mots comme «le frère de» n’auraient-ils pas pu être omis du verset 2 Samuel 21:19? Toutes ces explications sont plausibles, et rien n’oblige donc à conclure à une erreur dans le compte rendu de la mort de Goliath. Elles sont d’autant plus plausibles lorsqu’on songe à l’exactitude dont la Bible fait preuve par ailleurs.
F. Certains nombres dans 2 Samuel 24 et 1 Chroniques 21 Les récits parallèles de 2 Samuel et 1 Chroniques font état de nombres sensiblement différents, ce qui incite les adversaires de l’inerrance biblique à parler d’erreurs. Ainsi 2 Samuel 24:9 parle de 800 000 hommes dénombrés en Israël et 500 000 en Juda. Dans 1 Chroniques 21:5, ces chiffres sont respectivement de 1 100 000 et 470 000. Pour expliquer ce désaccord, on peut penser que les 800 000 Israélites de 2 Samuel ne comprenaient pas les 300 000 mentionnés dans 1 Chroniques 27. Quant à la différence de 30 000 hommes de Juda entre les deux récits, il s’agit peut-être de l’élite dont il est question dans 2 Samuel 6:1. Quand Dieu laissa à David le choix du châtiment, il lui proposa sept années de famine d’après 2 Samuel 24:13 et seulement trois d’après 1 Chroniques 21:12. La traduction de la Septante indique trois ans dans les deux cas. Il se pourrait donc que les sept ans indiqués dans le récit de 2 Samuel soient dus à une erreur de copiste. Bien que des soins très minutieux aient été apportés à la copie des manuscrits, des erreurs s’y sont inévitablement glissées. C’est probablement le cas ici, mais l’erreur ne figurait pas dans le texte original. Celui-ci était sans erreur, mais la doctrine de l’inerrance ne s’applique pas aux copies. Relevons encore une différence dans les deux comptes rendus: selon 2 Samuel 24:24, David paya cinquante sicles d’argent pour acquérir l’aire d’Aravna, alors que 1 Chroniques 21:25 parle de six cents sicles d’argent. La différence entre ces deux prix est
trop importante pour être imputée à l’inflation! Mais que dire si les cinquante sicles ne payaient que l’aire de battage proprement dite alors que les six cents auraient permis l’acquisition de l’ensemble de la propriété?
G. La cuve d’airain de 2 Chroniques 4:2 La description de cette cuve indique un diamètre de dix coudées et une circonférence de trente coudées. Or, nous savons que la circonférence d’un cercle s’obtient en multipliant le diamètre par X (pi = 3,14159). La circonférence aurait donc dû être de 31,4 coudées. Un auteur résout la difficulté en disant que «dans la culture de l’époque, ces mesures n’étaient pas seulement suffisamment précises, mais également ‘exemptes d’erreur’.»45 Il y a cependant une meilleure explication, qui ne fait pas intervenir un tour de passe-passe: il est dit que le diamètre était mesuré entre les bords extérieurs. 2 Chroniques 4:5 indique que l’épaisseur de la cuve était d’une palme, soit environ 9,2 centimètres. La coudée valant 55 centimètres, le diamètre intérieur de la cuve n’était plus que de (10 x 0,55) – (2 x 0,092) = 5,31 mètres et la circonférence de 4,58 x 3,14159 soit 16,7 mètres. La longueur indiquée dans la Bible est de 30 x 0,55 soit 16,5mètres, soit une valeur approchée à 1% environ. Tels sont les principaux passages sur lesquels les adversaires de l’inerrance biblique s’appuient pour illustrer la présence d’erreurs dans l’Ancien Testament. Sans entrer dans le détail, nous avons montré qu’il existait des explications simples et plausibles aux difficultés constatées. Rien ne nous oblige à conclure à la présence d’erreurs dans le texte (en dehors d’erreurs de copistes). La valeur qu’on accorde à ces explications reflète le degré de confiance qu’on accorde à la Bible elle-même.
II. Quelques difficultés dans le Nouveau Testament Les adversaires de l’inerrance biblique s’appuient aussi sur un certain nombre de passages néotestamentaires. D’après eux, ces passages mettent à mal la doctrine de l’inerrance, ou tout au moins exigent de la redéfinir d’une manière si large qu’elle perd tout son sens. Un auteur cite 2 Chroniques 4:2; Nombres 25:9; Marc 2:26 et Matthieu 22:42 comme exemples «d’une inerrance loin de la conformité parfaite avec les propos réellement tenus» et de problèmes auxquels seules des explications «hautement fantaisistes» peuvent être apportées.46 Un autre auteur est troublé par Matthieu 13:31-32 et par des difficultés dans Actes 7 qui, d’après lui, ne peuvent s’accommoder de la doctrine de l’inerrance47. Un autre encore cite Matthieu 27:9 comme exemple d’erreur et ajoute qu’il existe «des centaines d’autres cas
semblables»48. Il est évidemment exclu que nous passions en revue des «centaines» d’exemples, mais nous en examinerons quelques-uns qui reviennent souvent sous la plume de ceux qui n’acceptent pas le principe d’une inerrance absolue.
A. Prendre un bâton ou non? Marc 6:8 relate que Jésus permit à ses disciples de prendre un bâton avec eux, alors que, d’après Matthieu 10:9-10 et Luc 9:3, il le leur aurait interdit. Ce constat amène un adversaire de l’inerrance biblique à déclarer: «Je ne connais aucun moyen de concilier cette incohérence. Il me semble donc que la seule conclusion qui s’impose est celle-ci: les récits ne sont pas cohérents, et l’un des Evangiles au moins se trompe.»49 Or, il n’est pas impossible de concilier les différents récits. En rassemblant les données des différents textes, on s’aperçoit que le Seigneur permit à ses disciples de prendre avec eux un bâton s’ils le possédaient déjà (Marc), mais leur demanda de ne pas en emporter s’ils n’en avaient pas ou s’ils pouvaient s’en passer pour marcher (Luc); en aucun cas, ils ne devaient s’en procurer un nouveau (Matthieu utilise un autre verbe que Marc et Luc, un verbe qui signifie «acquérir» ou «recevoir»). L’idée principale de l’instruction donnée par le Seigneur est limpide: ne pas s’encombrer de choses inutiles pour cette mission.
B. La graine de moutarde Dans sa parabole de la graine de sénevé ou de moutarde, le Seigneur déclare que cette semence est la plus petite de toutes les semences (Matthieu 13:32). S’est-il vraiment trompé? En effet, il est manifeste que ce n’est pas la plus petite des graines. Avant de nous précipiter vers cette conclusion, rappelons que cette phrase a été prononcée par JésusChrist, et que s’il a dit un mensonge, il peut difficilement être reconnu sans péché. Il ne s’agit pas d’une simple imprécision occasionnelle; si l’affirmation est erronée, elle révèle quelque chose de grave au sujet de celui qui l’a prononcée, et cela pose un sérieux problème doctrinal. On ne peut séparer ce récit historique de ses prolongements doctrinaux. Comment comprendre alors les paroles du Seigneur? Il y a de nombreuses années, Trench a déclaré ceci: «Cette semence, une fois jetée en terre est ‘la plus petite de toutes les semences’, un propos qui a souvent troublé les commentateurs, étant donné que d’autres semences, comme la graine de pavot ou de rue, sont plus petites. Il ne vaut cependant pas la peine de s’appesantir sur ce genre de difficultés. Il suffit de savoir que l’expression ‘aussi petit qu’une graine de moutarde’ était proverbiale parmi les Juifs pour désigner quelque chose de très petit (cf. Luc 17:6). Dans son enseignement populaire, le Seigneur se servait du langage populaire.»50
Précisons encore que l’adjectif «la plus petite» est en fait un comparatif et non un superlatif; il devrait donc être traduit par «plus petite» et non par «la plus petite». Autrement dit, le Seigneur ne prononçait pas une déclaration absolue (la graine de moutarde est vraiment la plus petite de toutes), mais il range cette graine dans la catégorie des plus petites. On peut sans doute combiner les deux explications. Jésus a placé, d’un point de vue technique, la graine de moutarde parmi les plus petites et s’est appuyé sur un proverbe pour accentuer l’idée qu’elle ne représentait pratiquement rien. En tout cas, il n’a pas commis d’erreur d’ordre agronomique ou scientifique.
C. Le nombre d’aveugles à Jéricho Les divers récits de la guérison des aveugles de Jéricho (dont Bartimée) contiennent des différences de détail. Les considérant comme inexplicables, certains en ont donc déduit que l’un ou l’autre des récits était entaché d’erreur. Matthieu 20:29-34 raconte que le Seigneur guérit deux aveugles en sortant de Jéricho. Les autres évangélistes (Marc 10:46-52; Luc 18:35-43) ne mentionnent qu’un aveugle et relatent que le miracle se produisit lorsque Jésus entra dans Jéricho. En ce qui concerne le nombre, si Marc ou Luc avaient précisé qu’il n’y avait «qu’un aveugle», l’un des témoignages serait erroné. Mais si Bartimée se tenait plus en avant, on peut comprendre qu’un évangéliste ait focalisé son attention sur lui, du fait qu’il était au premier plan, alors qu’un autre a raconté ce qui était arrivé aux deux. L’affirmation qu’ils étaient deux n’empêche pas l’accent mis sur un seul d’entre eux. Il n’y aurait contradiction que si l’un des Evangiles précisait «un seul aveugle». Or, ce n’est pas le cas. Quant au moment où Jésus accomplit ce miracle, on a fait deux suggestions. (1) Les aveugles auraient supplié Jésus à l’entrée de la ville, mais n’auraient été guéris qu’à la sortie. (2) Comme il y avait deux «Jéricho» (la vieille ville et la nouvelle), la guérison a pu se produire alors que le groupe quittait la vieille ville de Jéricho et s’approchait de la ville nouvelle. Dans ce cas, Matthieu parlerait de la vielle ville que Jésus et la foule venaient de quitter, alors que Marc et Luc mentionneraient la ville nouvelle dont Jésus s’approchait. Quelle que soit la bonne explication, il n’est pas nécessaire de diagnostiquer une contradiction insoluble entre les récits.
D. Le père de Zacharie Dans Matthieu 23:35, il est dit que Zacharie (un sacrificateur, et non le prophète du même nom) est fils de Barachie, alors que dans 2 Chroniques 24:20, il est présenté comme le fils de Jehojada. Il faut savoir que le terme «fils» ne désigne pas nécessairement la génération qui suit immédiatement. C’est dans un sens beaucoup plus large qu’il est employé, par exemple, par Laban qui considère ses petits-enfants comme ses fils et ses filles
(Genèse 31:28), ou dans le cas de Christ, décrit comme fils de David et d’Abraham (Matthieu 1:1). Il est probable que Jehojada était le grand-père de Zacharie et qu’il est cité dans le livre des Chroniques à cause de sa notoriété.
E. Zacharie ou Jérémie? La citation de l’Ancien Testament présente en Matthieu 27:9-10 est tirée pour l’essentiel de Zacharie 11:12-13, mais Matthieu semble l’attribuer à Jérémie. N’est-ce pas une erreur évidente? Avant d’en arriver à cette conclusion, sachons que Jérémie était placé en tête des écrits prophétiques de l’Ancien Testament dans le Talmud babylonien. Matthieu a donc très bien pu se servir du nom de Jérémie pour désigner toute cette section de l’Ancien Testament, d’où est tirée la citation de Zacharie. C’est comme si nous disions: «Dans un livre de Gallimard, Durant dit…». En fait, Durant écrivit un livre édité par Gallimard. (Attention toutefois: nous ne sommes cependant pas en train d’affirmer que Jérémie aurait édité les prophéties de Zacharie.) Cette même préférence accordée à Jérémie s’observe aussi dans Matthieu 16:14, où il est le seul prophète nommément désigné, alors que d’autres sont sous-entendus. C’est probablement l’explication la plus plausible. D’autres pensent que Matthieu avait surtout à l’esprit les événements qui se déroulèrent dans la maison du potier (Jérémie 18– 19), d’où la mention de ce prophète.
F. Esaïe ou Malachie? Les versets de Marc 1:2-3 posent problème, car les mots «selon ce qui est écrit dans Esaïe, le prophète», sont immédiatement suivis d’une citation de Malachie, puis d’une autre tirée, elle, d’Esaïe. Certains voient là une erreur manifeste, même si elle ne porte pas à conséquence. Il faut toutefois comprendre que le chapitre est construit de manière à présenter le «commencement de l’Evangile» en soulignant le ministère de Jean-Baptiste dans le désert. Cela explique que, dans l’esprit de Marc, la citation d’Esaïe était la principale, puisque c’était lui qui avait prédit l’activité du précurseur dans le désert. Son attention étant focalisée sur la prophétie d’Esaïe, cela explique pourquoi il ne mentionne que ce prophète à Marc 1:2.
G. Abiathar ou Achimélec? Marc 2:26 indique que, lorsque David mangea les pains de proposition, le souverain sacrificateur
se
nommait
Abiathar;
or,
l’Ancien
Testament
parle
d’Achimélec
(1 Samuel 21:1-6). L’incident se produisit effectivement alors qu’Achimélec était le souverain sacrificateur en exercice, mais celui-ci fut mis à mort peu après et remplacé par
Abiathar. Ce dernier exerçait déjà le sacerdoce, et sa renommée fut supérieure à celle de son prédécesseur. Marc ne dit pas qu’Abiathar était souverain sacrificateur lorsque David prit les pains; il situe simplement l’événement à son époque. Quelqu’un pourrait, par exemple, parler d’un événement survenu alors que Charles de Gaulle était président du Conseil en disant «sous de Gaulle…», alors que celui-ci n’était pas encore président de la République, mais allait seulement le devenir. Ces exemples tirés de l’Evangile selon Marc montrent bien que celui qui aborde la Bible avec l’arrière-pensée d’y trouver des erreurs trouvera de quoi alimenter son idée préconçue. En revanche, celui qui l’aborde en la pensant inerrante s’efforcera de trouver des explications plausibles; et même s’il n’en trouve pas ou ne peut en toute honnêteté accepter celles proposées, il peut continuer de croire que la Bible est exempte d’erreur et que nous ne disposons pas d’assez de données pour résoudre les difficultés apparentes.
H. La mort de Judas Dans Actes 1:18, Pierre décrit la mort de Judas en ces termes: «Cet homme… est tombé, s’est rompu par le milieu du corps, et toutes ses entrailles se sont répandues.» Matthieu relate que Judas se pendit (Matthieu 27:5). Les deux récits sont vraisemblablement authentiques: Judas s’est pendu, mais quelque chose a fait que son corps est tombé et s’est éventré. Telle est l’explication qui est donnée depuis l’époque d’Augustin. La comparaison des deux récits présente une autre difficulté: Matthieu affirme que c’est le souverain sacrificateur qui acheta le champ du potier, alors que Pierre en attribue l’acquisition à Judas. La solution la plus simple consiste à penser que les deux récits sont vrais: les sacrificateurs ne pouvaient pas reprendre l’argent que Judas voulait leur restituer; ils acquirent donc le champ en son nom, car ils ne voulaient pas être compromis par cet argent.
I. Le discours d’Etienne Sans contredire la doctrine de l’inerrance, on peut admettre qu’Etienne ait dit quelque chose d’erroné dans son discours d’Actes 7, à condition que Luc l’ait rapporté fidèlement. Mais l’interprète sérieux aimerait toutefois bien savoir ce qu’Etienne a bien voulu dire. Une difficulté surgit au verset d’Actes 7:6 où Etienne fixe à 400 ans la durée du séjour d’Israël en Egypte, alors qu’Exode 12:40 parle de 430 ans. Par ailleurs, dans Galates 3:17, Paul écrit que la loi fut donnée 430 ans après la promesse faite à Abraham. Ces chiffres mettent deux difficultés en évidence: (a) la différence entre 400 et 430 ans; (b) l’erreur apparemment monumentale de Paul, car le temps qui s’est écoulé entre Abraham et le don de la loi est bien supérieur à 430 ans. Beaucoup considèrent simplement que la différence entre 400 et 430 ans est due à une
approximation: 400 ans, c’est 430 ans arrondis. En ce qui concerne les 430 ans de Galates 3:17, ils ne renvoient pas au laps de temps écoulé entre Abraham et le don de la loi (Genèse 12–Exode 20), mais couvrent plutôt la période qui s’étend de la fin de la période patriarcale (Genèse 31:11-12) au don de la loi dans Exode 20. D’autres considèrent que les 400 ans marquent la durée de l’esclavage en Egypte et que les deux autres mentions de 430 ans renvoient au temps écoulé entre la dernière confirmation à Jacob de la promesse abrahamique et le don de la loi. Reconnaissons humblement que nous n’avons pas assez de faits pour tirer une conclusion décisive. C’est donc l’attitude a priori qui est déterminante: nous pouvons croire qu’il y a des erreurs ou penser que si nous avions suffisamment de faits connus, les difficultés se résoudraient facilement. Le verset d’Actes 7:14 soulève un autre problème. Il y a en effet une contradiction entre les chiffres. Etienne indique une famille composée de soixante-quinze personnes, alors que Genèse 46:27 n’en compte que soixante-dix. Etienne suit la traduction de la Septante, qui inclut cinq personnes supplémentaires (le fils et le petit-fils de Manassé ainsi que deux fils et un petit-fils d’Ephraïm). Le compte rendu de la Genèse ne les mentionne pas. Quoi qu’il en soit, les deux nombres indiqués ne concernent qu’un groupe restreint de personnes, car la famille de Jacob était déjà beaucoup plus nombreuse si on compte les épouses des fils et des petits-fils de Jacob, ainsi que les maris de ses filles et de ses petites-filles. Quiconque voudrait dresser la liste des membres d’une famille si étendue arriverait facilement à plusieurs nombres sans qu’ils se contredisent forcément. Telles sont les principales difficultés que le Nouveau Testament contient. Tout au long de l’histoire de l’Eglise, des hommes se sont servis de certains de ces problèmes pour démontrer que la Bible contient des erreurs. Parallèlement, d’autres hommes, convaincus de l’inerrance biblique, ont proposé des explications raisonnables. Quelques difficultés ont été montées en épingle plus récemment. Sur la base de chacune de ces contradictions apparentes, on peut certes conclure que la Bible contient des erreurs, mais on peut aussi faire confiance aux explications plausibles avancées. Il suffit d’une erreur pour que la Bible ne soit plus inerrante. Il peut s’agir d’une «petite» erreur, une erreur sans conséquence, une erreur historique ou doctrinale, mais dès lors que la Bible contiendrait une seule erreur, nous n’aurions plus un texte inerrant. 43 H.C. Leupold, Exposition of Genesis, Columbus, Wartburg, 1942, pp. 112-113. 44 Ray Summers, «How God Said It», dans The Baptist Standard, 4 février 1970, p. 12. 45 Robert Mounce, «Clues to Understand Biblical Accuracy», dans Eternity, juin 1966, p. 18. 46 Ibid.
47 Daniel P. Fuller, «Evangelicalism and Biblical Inerrancy», non publié, pp. 18-19. 48 Berkeley Mickelsen, «The Bible’s Own Approach to Authority», dans Biblical Authority, ed. Jack B. Rogers, Waco, Texas, Word, 1977, p. 86. 49 Stephen T. Davis, The Debate About the Bible, Philadelphie, Westminster, 1977, p. 106. 50 R.C. Trench, Notes on the Parables of Our Lord, New York, Revell, s.d., p. 91.
15. Le canon Traiter du canon, c’est traiter du nombre de livres que contient la Bible. Le canon désigne donc la liste, une liste qui fait autorité, des livres qui font partie des Ecritures. Certes, ces livres furent écrits sur une longue période et par différents auteurs humains. Comment furent-ils rassemblés, et qui décida de ceux qui devaient être inclus dans le canon?
I. Quelques considérations préliminaires A. Le sens du mot canon 1. L’origine du mot. Le mot vient du grec kanon, qui désigne un instrument de mesure. Il en vint donc à désigner une règle de conduite ou d’action (Galates 6:16; Philippiens 3:16). 2. L’historique du mot. L’Eglise primitive utilisait le terme canon à propos des credo ou confessions de foi. Vers le milieu du quatrième siècle, on l’employa pour la Bible, plus précisément pour indiquer la liste des livres acceptés et reconnus comme formant la Bible. 3. Le sens du mot. Le terme est chargé de deux sens. Il désigne la liste des livres qui répondirent à certains critères ou certaines règles, et qui furent donc considérés comme revêtus d’autorité et canoniques. Mais le vocable canon signifie aussi que la collection des livres canoniques doit représenter notre règle de vie.
B. Quelques considérations sous-jacentes liées à la détermination de la canonicité 1. L’auto-authentification. Il est essentiel de se rappeler que la Bible s’authentifie elle-même, puisque Dieu a inspiré sa rédaction (2 Timothée 3:16). Autrement dit, les livres de la Bible étaient canoniques lorsqu’ils furent écrits. Il n’était pas nécessaire, pour cela, d’attendre que des conciles successifs les aient examinés afin de déterminer s’ils étaient acceptés ou non. Leur canonicité est inhérente à eux-mêmes, puisqu’ils viennent de Dieu. Les humains et les conciles ne purent simplement que reconnaître et accepter ce qui était vrai compte tenu de l’inspiration intrinsèque des livres au moment de leur rédaction. Aucun livre de la Bible n’est devenu canonique par la décision d’un quelconque concile. 2. Les décisions humaines. Il fallut néanmoins que des hommes et des conciles examinent attentivement quels livres devaient être reconnus comme faisant partie du canon, car d’autres écrits étaient sur les rangs. Ils durent prendre des décisions; Dieu dirigea les groupes pour qu’ils fassent les bons choix (non sans directives) et rassemblent les différents écrits dans les canons de l’Ancien et du Nouveau Testaments.
3. Les controverses à propos de la canonicité. Dans le processus qui consistait à faire des choix et à rassembler, il était inévitable que des discussions surgissent à propos de certains livres. Mais elles n’affaiblissent nullement l’authenticité des livres vraiment canoniques et ne confèrent pas le statut de canonique aux écrits non inspirés par Dieu. 4. La clôture du canon. Depuis 397 apr. J.-C., l’Eglise considère que le canon de la Bible est complet; il est donc clos. Nous ne devons par conséquent pas nous attendre à ce que d’autres livres, découverts ou écrits depuis, viennent rouvrir le canon et s’ajouter aux soixante-six livres de la Bible. Même si l’on découvrait une lettre de Paul, elle ne serait pas canonique. Après tout, au cours de sa vie, il a écrit d’autres lettres en plus de celles contenues dans le Nouveau Testament; l’Eglise ne les a cependant pas incluses dans le canon des Ecritures. Tout ce qu’un apôtre écrivait n’était pas forcément inspiré, car ce n’est pas l’écrivain qui était inspiré, mais ses écrits, et même pas nécessairement tous. Les livres plus récents que des sectes mettent sur le même plan que la Bible ne sont pas inspirés et n’ont aucun droit de figurer dans le canon biblique. Certaines paroles ou visions prophétiques que certains affirment d’origine divine ne peuvent être considérées comme inspirées et faisant partie de la révélation divine, ni comme revêtues d’une autorité comparable à celle des livres canoniques.
II. Le canon de l’Ancien Testament A. Les indices tirés de l’Ancien Testament lui-même 1. La loi. Plusieurs textes vétérotestamentaires reconnaissent la loi de Moïse comme revêtue
d’autorité.
En
voici
quelques-uns:
Josué
1:7-8;
23:6;
1
Rois
2:3;
2 Rois 14:6; 21:8; 23:25; Esdras 6:18; Néhémie 13:1; Daniel 9:11; Malachie 4:4. Ces passages authentifient la nature inspirée des écrits de Moïse dans les cinq premiers livres de l’Ancien Testament, qui contiennent la loi. 2. Les prophètes. Les prophètes attestaient communiquer la Parole de Dieu, et leurs prophéties étaient considérées comme revêtues d’autorité. Voici quelques références à ce sujet: comparer Josué 6:26 avec 1 Rois 16:34; Josué 24:29-33 avec Juges 2:8-9; 2 Chroniques 36:22-23 avec Esdras 1:1-4; Daniel 9:2 avec Jérémie 25:11-12. 3. Malachie 4:5. Ce verset indique que le témoignage prophétique prendra fin avec Malachie et ne réapparaîtra qu’avec la venue d’un prophète semblable à Elie (c’est-à-dire JeanBaptiste, Matthieu 17:11-12).
B. Les indices tirés des manuscrits de la mer Morte 1. Leur importance. Les manuscrits de la mer Morte révèlent quels étaient les livres reconnus
comme sacrés dans la période intertestamentaire. 2. Leur nombre. Environ 175 des manuscrits de la mer Morte, sur les 500 découverts, sont bibliques. Parmi eux figurent plusieurs copies d’un même livre de l’Ancien Testament; tous les livres de l’Ancien Testament y figurent, à l’exception d’Esther. 3. Leur témoignage. La présence de livres bibliques parmi les manuscrits de la mer Morte ne prouve pas leur canonicité, puisque des écrits non canoniques s’y trouvent aussi. Toutefois, de nombreux manuscrits ne sont que des commentaires de livres bibliques, et tous à propos de livres canoniques. Cela donne à penser qu’on faisait une distinction entre les livres canoniques et ceux qui ne l’étaient pas. En outre, vingt des trente-neuf livres de l’Ancien Testament sont présentés comme «Ecriture». En somme, les manuscrits de la mer Morte plaident en faveur de la canonicité de tous les livres vétérotestamentaires, à l’exception de 1 et 2 Chroniques, Esther et le Cantique des cantiques.
C. Les autres indices 1. Prologue de l’Ecclésiastique. Ce livre non canonique fait allusion à une division en trois parties de l’Ancien Testament, à savoir «la loi, les prophètes et les autres livres» (hymnes et préceptes pour la conduite humaine), connue déjà du temps du grand-père de l’auteur, donc aux alentours de l’an 200 av. J.-C. 2. Philon. Ce philosophe mentionne la même division en trois parties vers 40 apr. J.-C. 3. Flavius Josèphe. Cet historien (37-100 apr. J.-C.) déclare que les Juifs considéraient comme sacrés seulement vingt-deux livres, c’est-à-dire les trente-neuf de notre Ancien Testament actuel, mais regroupés différemment. En effet, Josèphe dénombre les cinq premiers livres (Pentateuque), treize livres prophétiques (Josué, Juges-Ruth comme un seul livre, Samuel, Rois, Chroniques, Esdras-Néhémie, Esther, Job, Esaïe, JérémieLamentations, Ezéchiel, les 12 petits prophètes comme un seul livre, et Daniel), ainsi que quatre livres d’«hymnes à Dieu et de préceptes pratiques pour les hommes» (Psaumes, Cantique des cantiques, Proverbes, Ecclésiaste). 4. La rencontre de Jamnia. Dans la ville de Jamnia s’est tenu un concile de rabbins juifs, en l’an 90 apr. J.-C., pour discuter de la canonicité des livres de l’Ancien Testament. Certains doutaient du bien-fondé d’accepter dans le canon des écrits comme Esther, Ecclésiaste et le Cantique des cantiques. Ces discussions tournaient autour d’un canon existant. 5. Les Pères de l’Eglise. Les Pères de l’Eglise acceptèrent les trente-neuf livres de l’Ancien Testament. La seule exception fut Augustin (vers 400): il y incluait des livres apocryphes (des écrits que certaines Bibles continuent de conserver). Mais il ne les reconnaissait pas comme revêtus de la même autorité que les autres. Ce n’est qu’au concile de Trente (en 1546) que les livres apocryphes furent officiellement inclus dans le canon, et seulement par
l’Eglise catholique romaine.
D. Les indices tirés du Nouveau Testament 1. Les citations de l’Ancien Testament dans le Nouveau. Le Nouveau Testament cite environ 250 fois les livres de l’Ancien, mais il ne renvoie jamais aux apocryphes (Jude 14 cite le livre non
canonique
d’Hénoc,
toutefois
il
s’agit
d’un
ouvrage
considéré
comme
pseudépigraphique, et non comme un apocryphe). Tous les livres de l’Ancien Testament sont cités, à l’exception d’Esther, d’Ecclésiaste et du Cantique des cantiques. 2. Matthieu 5:17. Le Seigneur affirme que la loi et les prophètes avaient une autorité parce que leur accomplissement était certain. Cette division en deux parties couvre cependant tout l’Ancien Testament. 3. Luc 11:51. Dans ce verset, le Seigneur révèle de manière décisive l’étendue du canon de l’Ancien Testament qu’il acceptait. En condamnant les chefs du peuple juif pour avoir tué les messagers de Dieu tout au long de son histoire, il leur reproche le sang versé depuis Abel le juste jusqu’à Zacharie. Le meurtre d’Abel est rapporté dans Genèse 4, et celui de Zacharie dans 2 Chroniques 24. Or, il faut savoir que, dans la disposition des livres de la Bible hébraïque, les livres des Chroniques étaient les derniers du canon (comme Malachie dans nos Bibles). C’est comme si le Seigneur disait: «Depuis le premier meurtre relaté dans l’Ancien Testament jusqu’au dernier.» Les apocryphes font état d’autres messagers mis à mort, mais Jésus n’en parle pas. Il ne considérait manifestement pas les apocryphes comme revêtus d’une autorité égale à celle des livres qui vont de la Genèse à 2 Chroniques.
III. Le canon du Nouveau Testament A. Les tests de canonicité 1. Le test de l’autorité. Pour l’Ancien Testament, il fallait que les écrits puissent revendiquer l’autorité d’un législateur, d’un prophète ou d’un chef en Israël. Dans le cas du Nouveau Testament, les écrits acceptés dans le canon devaient être capables de faire valoir l’autorité d’un apôtre. Cela signifiait que le livre en question devait avoir été écrit par un apôtre ou validé par lui, si bien que, dans l’un comme dans l’autre cas, il jouissait de l’autorité apostolique. Ainsi, Pierre est considéré comme l’apôtre qui a veillé sur la rédaction de l’Evangile selon Marc, et Paul de même pour Luc. 2. Le test de la spécificité. Pour être admis dans le canon, un livre devait présenter des preuves internes de son caractère unique comme marque de son inspiration. 3. Le test de l’acceptation par les Eglises. Les Eglises devaient accepter les livres, puisqu’ils
circulaient entre elles. En fait, le canon n’inclut aucun livre sur lequel un certain nombre d’Eglises auraient émis des réserves.
B. Le processus de reconnaissance du canon du Nouveau Testament Rappelons que les livres furent inspirés au moment de leur rédaction et qu’ils étaient donc canoniques. L’Eglise n’a fait qu’entériner un fait en reconnaissant ce qui était déjà vrai en soi. 1. Le témoignage de la période apostolique. Les auteurs attestèrent que leurs écrits étaient la Parole de Dieu (Colossiens 4:16; 1 Thessaloniciens 4:15). Ils reconnurent aussi que les autres livres du Nouveau Testament avaient ce statut. Dans le judaïsme, le terme «Ecriture» désignait les livres canoniques, si bien qu’utilisé dans le Nouveau Testament à propos d’autres écrits néotestamentaires, il qualifie ces écrits de canoniques. C’est dans ce sens qu’il est employé dans deux textes probants. Le premier est 1 Timothée 5:18, qui place côte à côte une citation de Deutéronome 25:4 et une autre de Luc 10:7, les deux étant présentées comme «Ecriture». Il ne fait aucun doute que la pensée de Luc 10:7 se trouve dans l’Ancien Testament, mais sous cette forme textuelle elle n’apparaît que dans l’Evangile. Le deuxième texte est celui de 2 Pierre 3:16, où Pierre associe les écrits de Paul aux autres «Ecritures». C’est un témoignage d’autant plus précieux et important qu’il s’était écoulé un laps de temps relativement court entre le moment où Paul écrivit ses lettres et celui où Pierre les reconnut comme Ecriture. 2. Le témoignage de la période 70-170 apr. J.-C. Au cours de cette période, on trouve des citations des livres néotestamentaires dans d’autres écrits; dans leur ensemble, les Pères de l’Eglise reconnurent les vingt-sept livres comme canoniques. Chacun n’admettait pas forcément tous les vingt-sept livres. De plus, l’hérétique Marcion (140) ne reconnaissait comme canoniques que l’Evangile selon Luc et dix des épîtres de Paul, ce qui a au moins le mérite de prouver qu’à cette époque, il existait une collection des lettres de Paul. 3. Le témoignage de la période 170-350 apr. J.-C. Trois documents importants datent de cette époque, et tout d’abord le canon de Muratori (170 apr. J.-C.), qui ne comprend pas Hébreux, Jacques, 1 et 2 Pierre. Mais comme le manuscrit n’est pas complet, on ne peut affirmer avec certitude que ces livres ne figuraient pas sur la liste. Ce texte rejette en revanche certains livres comme Le berger d’Hermas, qui ne fut pas inclus dans le canon. Deuxième document, la version du Nouveau Testament en syriaque (fin du deuxième siècle), qui ne comprend pas 2 Pierre, 2 et 3 Jean, Jude et l’Apocalypse. Mais elle ne contient aucun autre livre pour arriver au nombre de vingt-sept. Enfin, dans la Vieille Latine (200 apr. J.-C.), il manque 2 Pierre, Jacques et Hébreux, mais
elle n’inclut aucun livre non canonique. Les livres qui étaient candidats à l’entrée dans le canon
pendant
cette
période
furent
donc
tous
rejetés;
la
plupart
des
livres
néotestamentaires furent acceptés; seuls quelques-uns faisaient l’objet de discussions. 4. Le concile de Carthage (397). On admet généralement que ce concile ecclésiastique fixa les limites du canon du Nouveau Testament. On y retrouve les vingt-sept livres, tels que nous les connaissons aujourd’hui. 5. Remarque sur l’opinion de Luther à propos de l’épître de Jacques. On prétend parfois que Luther rejeta l’épître de Jacques comme non canonique. C’est inexact. Voici ce qu’il écrit dans sa préface du Nouveau Testament où il attribue aux livres néotestamentaires une valeur doctrinale différente: «L’Evangile selon Jean et sa première épître, les épîtres de Paul, notamment celles aux Romains, aux Galates, aux Ephésiens, et l’épître de Pierre, ce sont là les livres qui te font voir Christ et qui t’enseignent tout ce que tu dois savoir, même si tu ne voyais ou n’entendais rien des autres livres de doctrine. C’est pourquoi l’épître de Jacques est une vraie épître de paille comparée à celles-ci, car elle ne possède rien qui soit évangélique.» Luther comparait la valeur doctrinale des livres du Nouveau Testament, et non leur valeur canonique.
IV. Les apocryphes A. L’histoire des apocryphes Quatorze ou (selon les numérotations) quinze livres écrits après la fin de la période de l’Ancien Testament son appelés «les apocryphes». Il s’agit à strictement parler des «apocryphes de l’Ancien Testament», car il existe aussi un apocryphe du Nouveau Testament. Rédigés entre 300 av. J.-C. et 100 apr. J.-C., ces écrits n’ont jamais fait partie du canon hébreu de l’Ancien Testament, et les Juifs leur ont de manière unanime nié tout statut canonique. Les manuscrits de la Septante (traduction grecque de l’Ancien Testament effectuée au 3e siècle av. J.-C.) les introduisent sous forme d’addendum à l’Ancien Testament, suivis en cela par les Bibles latines traduites à partir du grec. Lorsque Jérôme traduisit l’Ancien Testament d’hébreu en latin (390-405 apr. J.-C.), il y inclut les livres apocryphes en les appelant «livres ecclésiastiques», par opposition aux «livres canoniques», et leur assigna un statut inférieur. Plusieurs Bibles protestantes placent les apocryphes dans une section à part, tandis que les Bibles catholiques les dispersent parmi les livres canoniques de l’Ancien Testament. Les premières Bibles imprimées en français, anglais et allemand les incluaient. Tout en les incluant lui aussi, Luther nota que ces écrits étaient sans égal avec l’Ecriture mais étaient utiles et bons à lire.
La première Bible française complète fut l’œuvre de Jacques Lefèvre d’Etaples (1530), un prêtre catholique romain. Les apocryphes y étaient dispersés parmi les autres livres de l’Ancien Testament. Quant à la première édition française protestante de la Bible, traduite par Pierre Robert Olivétan (1535), elle en faisait une section à part placée entre Malachie et Matthieu. Lors du concile de Trente (1546), l’Eglise catholique romaine reconnut officiellement les apocryphes (à l’exception de 1 et 2 Esdras et de la Prière de Manassé) comme canoniques (d’où leur appellation, dans les rangs catholiques, de «deutérocanoniques») et lança l’anathème contre toute personne qui ne se plierait pas à cette décision. Le texte du concile dit: «Si quelqu’un ne reçoit pas ces livres, dans leur entier et dans toutes leurs parties, comme sacrés et canoniques, qu’il soit anathème.» Les apocryphes sont des œuvres à caractère historique (comme 1 Maccabées qui fournit des informations sur l’histoire des Juifs durant le deuxième siècle av. J.-C.), des écrits de fiction religieuse (Tobit et Judith), des écrits prophétiques (2 Esdras, Sagesse de Salomon) et des textes de piété ou d’éthique (Ecclésiastique). Certains passages du Nouveau Testament contiennent des parallèles avec des textes apocryphes, mais ils n’en proposent aucune citation directe. Certains croient, à tort, que la citation de Jude 1:14-15 provient des apocryphes. En réalité, elle est tirée de 1 Hénoch, qui fait partie d’un groupe de livres appelés pseudépigraphes (litt. «qui portent faussement un titre») parce qu’ils sont faussement attribués à des personnages célèbres de l’Ancien Testament: Adam, Hénoch, Moïse, etc. Cette citation fait certes partie du texte biblique inspiré, mais cela ne signifie pas que sa source (1 Hénoch) soit inspirée ou canonique! Paul a aussi cité des écrivains païens en Actes 17:28, 2 Timothée 3:8 et Tite 1:12 sans que cela constitue une preuve de leur caractère inspiré ou canonique. Ainsi donc, même s’il y avait dans le Nouveau Testament une citation d’un écrit apocryphe, cela ne conférerait pas le statut de texte inspiré ou canonique à sa source.
B. Les erreurs doctrinales tirées des livres apocryphes 1. La prière pour les morts. «Si, en effet, il n’avait pas espéré que les soldats tombés ressusciteraient, il eût été superflu et sot de prier pour des morts» (2 Maccabées 12:44). 2. Le purgatoire. Les catholiques romains et les orthodoxes grecs enseignent que les chrétiens qui meurent dans la communion de l’Eglise doivent traverser une période de purification de leurs péchés avant d’arriver au ciel. La durée de leur séjour au purgatoire peut varier, mais ils souffriront jusqu’à ce que tout péché soit purifié. Ce séjour peut être abrégé grâce aux dons faits à l’Eglise, aux prières pour les morts et aux actes de piété. Le deuxième livre des Maccabées rapporte que Judas Maccabée rassembla 2000 drachmes et les envoya à Jérusalem afin qu’on offre un sacrifice pour le péché en faveur des soldats
morts, de sorte qu’ils puissent participer à la résurrection. «Voilà pourquoi il fit faire pour les morts ce sacrifice expiatoire, afin qu’ils fussent absous de leur péché» (2 Maccabées 12:45). Il est intéressant de relever qu’un autre livre apocryphe reconnu par l’Eglise catholique contredit le concept de purgatoire en déclarant: «Les âmes des justes, elles, sont dans la main de Dieu et nul tourment ne les atteindra plus» (Sagesse de Salomon 3:1). 3. L’expiation des péchés par l’aumône. «Comme l’eau éteint le feu qui flambe, ainsi l’aumône efface les péchés» (Siracide 3:30). «L’aumône délivre de la mort et elle purifie de tout péché» (Tobit 12:9).
C. Les erreurs historiques des apocryphes 1. En Judith 1:1, Holopherne est présenté comme le général de Nebucadnetsar «qui régna sur les Assyriens à Ninive, la grande ville». En réalité, Holopherne était un général perse, et Nebucadnetsar roi des Babyloniens à Babylone. 2. Tobit 1:15 suppose que Sanchérib était le fils de Salmanatsar au lieu de Sargon II. 3. Le livre de Baruch est présenté comme écrit par l’homme qui était le compagnon de Jérémie durant l’exil babylonien mais a en réalité été écrit bien plus tard.
D. Les pseudépigraphes Le terme de pseudépigraphes désigne les écrits juifs qui ont été exclus du canon de l’Ancien Testament et n’ont pas trouvé place non plus parmi les apocryphes. La plupart d’entre eux sont présentés comme ayant été écrits par des personnages célèbres (Salomon, Job, Moïse, Hénoch), mais cela ne correspond pas à la réalité. Personne n’a jamais pensé sérieusement que ces livres pourraient être inclus dans le canon de l’Ancien Testament.
E. Le canon de l’Ancien Testament selon Jésus Dans la précédente section relative à la canonicité, il a été relevé que, lorsqu’il a accusé le peuple d’avoir tué les prophètes envoyés par Dieu, le Seigneur a parlé d’une période qui courait «depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie» (Luc 11:51), c’est-à-dire du début à la fin du canon de l’Ancien Testament. Le premier de ces événements est en effet rapporté dans la Genèse, le second en 2 Chroniques, qui est le dernier livre dans l’ordre du canon hébreu. Après sa résurrection, dans ses entretiens avec les disciples, il leur a rappelé que ses souffrances et sa résurrection étaient annoncées «dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes» (Luc 24:44). Ces trois termes correspondent aux divisions de l’Ancien Testament traditionnellement en usage chez les Juifs (le livre des Psaumes est le premier
de la section appelée aussi «écrits»). Ces trois sections sont aussi désignées comme «les Ecritures» (Luc 24:45). A cette époque, le mot «Ecriture» était le terme technique pour désigner les livres canoniques de l’Ancien Testament. Le Seigneur, une nouvelle fois, n’inclut aucun livre apocryphe dans ses déclarations. Certains écrits apocryphes peuvent représenter une source d’informations utile lorsque l’on cherche des renseignements sur l’histoire du peuple juif durant la période intertestamentaire (entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament); ils peuvent aussi fournir d’intéressants exemples de piété; mais aucun d’entre eux ne fait partie du canon des Ecritures. Ils n’ont jamais appartenu au canon hébreu, et les traducteurs leur ont clairement assigné un statut inférieur, lorsqu’ils les incluaient, en en faisant une section à part. Ils contiennent des erreurs doctrinales et historiques. Aucun écrivain du Nouveau Testament ne les a cités, et notre Seigneur ne les a pas inclus dans ses références à l’Ancien Testament.
16. L’interprétation de la Bible I. Les principes herméneutiques A. Une définition de l’herméneutique L’herméneutique est l’étude des principes d’interprétation. L’exégèse désigne l’interprétation de la Bible, la découverte de sa signification, alors que l’herméneutique pose les principes sur lesquels se fonde l’exégèse. Dans les faits, consciemment ou non, tout interprète de la Bible a un système herméneutique. Son exégèse révèle son herméneutique, même si la plupart des interprètes n’en ont jamais fait un système. Peu de commentateurs commencent par établir un système herméneutique avant de procéder à l’exégèse d’un texte. Beaucoup semblent ne penser à leur herméneutique qu’après plusieurs années d’interprétation de la Bible. Mais la réflexion sur le sujet de l’herméneutique poursuit un objectif important, car elle force l’interprète à examiner les fondements de son exégèse et à vérifier la cohérence de ses pratiques d’interprétation.
B. Quelques systèmes herméneutiques Je crois (pour des raisons encore à démontrer) que le système herméneutique correct est celui qu’on peut qualifier de normal, évident ou littéral. Mais des exemples d’autres systèmes qui ne prônent pas l’interprétation normale ou évidente (en tout cas pas de façon cohérente) peuvent servir à illustrer ce que nous entendons par interprétation normale et les principes herméneutiques sur lesquels elle repose. Disons encore que pratiquement personne n’a un système herméneutique «pur». La plupart combinent plusieurs systèmes. 1.
L’herméneutique
allégorique.
L’allégorie
est
une
représentation
symbolique.
L’herméneutique allégorique s’oppose à l’herméneutique littérale et intervient généralement lorsque le sens littéral semble inacceptable à l’interprète. Celui-ci ne donne pas aux mots utilisés leur sens normal, mais un sens symbolique, ce qui confère au texte une signification différente, dont il n’était pas porteur à strictement parler. L’utilisation systématique de l’herméneutique allégorique réduit pratiquement la Bible à un ouvrage de fiction, puisque le sens normal de ses mots ne convient pas et est remplacé par celui que l’interprète donne aux symboles. L’herméneutique allégorique n’est cependant pas pratiquée de façon systématique ou constante. Les évangéliques qui s’en servent la cantonnent au domaine de la prophétie, mais ils appliquent l’herméneutique normale ou littérale dans les autres domaines de l’interprétation biblique.
F.W. Farrar indique où cette méthode allégorique a pris naissance: En aucun cas l’allégorie n’a surgi de la piété spontanée; elle est l’enfant du rationalisme et doit sa naissance aux théories païennes de Platon. Elle mérite bien son nom, car elle fait dire à l’Ecriture quelque chose d’autre que ce qu’elle veut réellement dire… Origène emprunta aux platoniciens païens et aux philosophes juifs une méthode qui transforme toute l’Ecriture, aussi bien le Nouveau Testament que l’Ancien, en un ensemble d’énigmes maladroites, variables et incroyables. L’allégorie lui permit de se défaire du millénarisme, de la littéralité superstitieuse et des «antithèses» des Gnostiques, mais elle ouvrit la porte à des maux plus mortels.51 2. L’interprétation littérale. L’interprétation littérale se situe à l’opposé de l’interprétation allégorique «pure» ou systématique. Comme le mot «littéral» a des connotations qui sont mal comprises ou comprises de façon subjective, il vaut mieux qualifier cette herméneutique de «simple», «évidente» ou «normale». L’adjectif «littéral» semble interdire les figures de style (ce qui n’est pas le cas). On pense généralement que l’interprétation littérale va de pair avec la croyance en l’inspiration verbale et plénière. Ce n’est pas forcément vrai, car certains exégètes pratiquent l’herméneutique littérale sans pour autant défendre une haute notion de l’inspiration. 3. L’interprétation semi-allégorique ou semi-littérale. Au moins parmi les évangéliques, il n’existe pratiquement pas de partisans d’une herméneutique allégorique pure. C’est pourquoi est apparue une méthode d’interprétation qu’on peut qualifier de semi-allégorique. On peut aussi l’appeler semi-littérale, surtout si elle met fortement l’accent sur l’interprétation littérale dans la plupart des domaines de la théologie. Comme je l’ai déjà dit, on renonce généralement à l’interprétation littérale dans la sphère prophétique. Dans son commentaire sur l’Apocalypse, Robert Mounce s’appuie ainsi sur une exégèse semi-littérale. Il déclare que la bataille d’Harmaguédon doit être prise au sérieux, mais pas de façon littérale. «[Cette bataille] décrit la défaite eschatologique de l’Antichrist… mais [le texte] n’exige pas que nous acceptions de façon littérale les images spécifiques qui décrivent l’événement.»52 A propos du millénium, il défend l’idée que «Jean a enseigné un millénium littéral, mais sa signification essentielle peut résider dans autre chose qu’un accomplissement temporel… Pour Jean, le millénium n’est pas l’âge messianique annoncé par les prophètes de l’Ancien Testament»53. Oswald T. Allis tente d’exposer les raisons légitimes qui plaident en faveur d’une herméneutique semi-allégorique. Affirmant qu’aucun partisan de l’interprétation littérale ne
prend tout au sens littéral, il s’efforce d’expliquer pourquoi il convient de fixer des limites à l’interprétation littérale. Il avance les raisons suivantes: (a) la présence de figures de style montre qu’on ne peut pas prendre toute la Bible de façon littérale; (b) le fait que le thème principal de la Bible est spirituel impose une herméneutique spirituelle (il préfère le terme «spirituelle» à «allégorique»); (c) l’Ancien Testament constitue un préliminaire et une préparation au Nouveau, dans lequel nous trouvons des significations plus profondes54. Evidemment, personne ne nie que la Bible utilise des figures de style, mais elles communiquent des vérités littérales, souvent plus vivantes et plus littérales que si elle ne s’en était pas servie. Elles rehaussent, plutôt qu’elles ne changent, la signification limpide derrière les images. Le thème principal de la Bible est certes spirituel (la rédemption), mais le contenu ne détermine pas les principes herméneutiques. L’herméneutique fournit les principes permettant de comprendre le contenu. Bien sûr, l’Ancien Testament prépare la révélation plus complète du Nouveau, mais cela ne signifie pas que le Nouveau Testament doive être interprété de façon allégorique ou spirituelle. Dieu s’est exprimé clairement dans les deux Testaments. Même en acceptant (ce que je ne fais pas) les limitations qu’Allis impose à l’herméneutique littérale, une question importante reste: comment savoir quand il faut se servir de l’interprétation littérale et quand il faut privilégier l’interprétation allégorique? Pour y répondre, Allis propose trois pistes. (1) L’obligation d’interpréter un passage de façon figurative ou littérale dépend uniquement de ce qui confère au passage sa vraie signification55. Il s’agit là évidemment d’un raisonnement qui se mord la queue! (2) Une prophétie peut s’interpréter littéralement seulement si son sens littéral est clair et évident56. Mais comme pour Allis, la prophétie peut être «indéfinie», «énigmatique» et «trompeuse», il ne reste plus beaucoup de cas où elle pourrait être interprétée de façon littérale! (3) L’interprétation d’une prophétie, quelle qu’elle soit, dépend de son accomplissement. En d’autres termes, si elle s’accomplit littéralement (comme les prophéties relatives à la première venue de Christ), il faut l’interpréter littéralement. Mais le système théologique d’Allis veut que les prophéties de la seconde venue de Christ ne s’accomplissent pas littéralement; pour celles-ci il se sert donc de l’herméneutique allégorique. Portons cependant au crédit de cet auteur le fait qu’il a tenté de systématiser son herméneutique, même si nous pouvons nous interroger sur le succès de cet effort. L’exposé de sa position met de nouveau en évidence le fait que de nombreux évangéliques sont partisans de l’herméneutique littérale, sauf dans le domaine de la prophétie. Cette attitude débouche sur l’amillénarisme, alors que l’interprétation littérale des prophéties mène au prémillénarisme. 4. L’interprétation théologique. Dans un sens, on peut considérer l’amillénarisme, comme
l’illustre la discussion d’Allis, non seulement comme le résultat d’une herméneutique semiallégorique, mais aussi comme l’aboutissement d’une interprétation théologique: le système théologique n’admettant pas l’existence d’un royaume terrestre avec Christ à sa tête, certains passages ne peuvent être interprétés de façon littérale. On trouve une autre illustration de l’interprétation théologique dans les écrits de Daniel Fuller. Afin de préserver l’unité de la Bible, il déclare que nous devons adopter le principe de «l’interprétation théologique», c’est-à-dire une interprétation qui ne s’accommode pas de deux desseins de Dieu dans l’Ecriture (l’un pour Israël, l’autre pour l’Eglise). L’interprétation littérale systématique conduit à une distinction entre Israël et l’Eglise, contrairement à l’interprétation théologique.57
C. Quelques arguments en faveur d’une herméneutique littérale 1. La finalité du langage. La raison d’être du langage exige l’interprétation littérale. Dieu a donné le langage à l’homme pour pouvoir communiquer avec lui. Il a créé l’homme à son image, ce qui incluait la capacité de dialoguer; dans cet échange, Dieu révèle sa vérité à l’homme pour qu’en retour celui-ci puisse l’adorer et le prier. Cette notion entraîne deux conséquences. Premièrement, Dieu a créé le langage en vue de la communication. Si Dieu est parfaitement sage, croyons qu’il a veillé à ce que le moyen (le langage) soit suffisant pour atteindre la fin (la communication). Deuxièmement, on pouvait s’attendre à ce que Dieu lui-même se serve du langage dans son sens normal et demande à l’homme d’en faire autant. Les Ecritures n’appellent pas à une utilisation spéciale du langage qui serait nécessaire pour communiquer à un niveau plus profond ou particulier, inconnu des autres moyens de communication. 2. Le besoin d’objectivité. Si on n’utilise pas l’interprétation normale, on perd l’objectivité dans la mesure où on fait fi systématiquement de l’herméneutique littérale. L’aller-retour incessant de l’herméneutique littérale à l’herméneutique allégorique, semi-allégorique ou théologique aboutit inévitablement à des interprétations différentes, incohérentes et souvent contradictoires. 3. L’exemple de la Bible. Les prophéties relatives à la première venue de Christ se sont toutes accomplies littéralement. Cette constatation, évidente et de la plus haute importance, plaide en faveur de la validité et du bien-fondé de l’herméneutique littérale dans toute interprétation biblique. On estime que plus de trois cents prophéties concernant la venue de Christ se sont accomplies à la lettre. En voici quelques exemples: Michée 5:1; Malachie 3:1; Esaïe 8:23–9:1; 42:1; 53:5; 61:1; Psaumes 16:9-10; 22:2, 16-17, 19; 31:6; 34:21; 68:19; Zacharie 13:7. Nous devons certes reconnaître que certaines prophéties de l’Ancien
Testament ont eu un accomplissement d’ordre typologique, mais sur les vingt-quatre concernées, seules sept sont citées comme exemples d’une herméneutique non littérale (il va de soi que tous ne s’accordent pas pour dire que ces sept exemples prouvent la nécessité
d’une
interprétation
non
littérale).
Les
sept
exemples
avancés
sont:
Matthieu 2:15, 18, 23; 11:10; Actes 2:17-21; Romains 9:24-26 et Galates 4:21-31. Rappelons qu’il ne s’agit pas de sept cas sur vingt-quatre, mais de sept sur plusieurs centaines de prophéties, car presque toutes les prophéties de l’Ancien Testament se sont visiblement accomplies de façon littérale dans le Nouveau. Certes, le Nouveau Testament peut renvoyer à l’Ancien Testament en d’autres termes qu’en termes d’accomplissement, mais je parle ici des prophéties et de leurs réalisations, qui plaident en faveur d’une herméneutique littérale.
D. Les principes d’une herméneutique normale 1. Interpréter en fonction de la grammaire. Puisque les mots véhiculent des pensées et que le sens de tout passage dépend de l’étude des mots qui le composent et de leurs relations dans les phrases, la recherche du sens grammatical du texte doit marquer le point de départ d’une interprétation normale. 2. Interpréter en fonction du contexte. Les mots et les phrases ne constituent pas des éléments isolés; il faut donc étudier le contexte dans lequel ils se trouvent pour connaître le lien de chaque verset avec ce qui le précède et ce qui le suit. Il faut donc tenir compte du contexte immédiat, ainsi que du thème et de l’ensemble du livre concerné. 3. Comparer l’Ecriture avec elle-même. La double paternité littéraire de la Bible exige de l’interprète qu’il ne se contente pas de saisir la signification que l’auteur humain attachait au texte, mais cherche aussi à comprendre ce que Dieu voulait dire. Il se peut que la pensée divine ne soit pas pleinement révélée dans l’écrit original de l’auteur humain, mais qu’elle devienne claire quand on compare le passage particulier de l’Ecriture avec l’Ecriture dans son ensemble. Nous devons tenir compte du sensus plenior, c’est-à-dire de la signification plus complète (quoique étroitement associée) que le divin auteur de l’Ecriture avait à l’esprit. Nous ne pouvons pas affirmer que les auteurs humains ont toujours compris les pleines implications de leurs propres paroles. C’est en comparant l’Ecriture avec elle-même que nous découvrons l’intention plus complète de l’auteur divin. S. Lewis Johnson résume bien ce constat: Le travail de l’interprète humain n’est pas nécessairement terminé quand il a découvert le sens de ce que l’auteur humain voulait dire… Il a besoin du contexte complet pour une compréhension correcte; il faut donc que l’intention de l’auteur subalterne soit assujettie à celle de l’Auteur supérieur, Dieu lui-
même. Le principe biblique de l’analogia Scripturae [l’analogie de l’Ecriture] devrait nous avoir enseigné que Scriptura ex Scriptura explicanda est [l’Ecriture doit être expliquée à partir de l’Ecriture] ou que Scriptura sui ipsius interpres [l’Ecriture est interprète d’elle-même]; ce sont là des expressions traditionnelles de l’importance de l’analogie; elles enseignent que notre tâche première et ultime consiste à discerner l’intention de Dieu dans le texte de l’Ecriture. Après tout, la Bible n’est-elle pas la Parole de Dieu?58 4. Reconnaître le caractère progressif de la révélation. Pour être en mesure d’interpréter avec cohérence la Bible selon l’herméneutique normale, il est absolument nécessaire de tenir compte du fait que la révélation a été donnée de façon progressive. Il s’ensuit que, dans la révélation de son message aux hommes, Dieu peut, à un moment donné, apporter des ajouts ou des modifications à ce qu’il avait dit précédemment. Manifestement, le Nouveau Testament ajoute quantité de choses qui n’étaient pas révélées dans l’Ancien. Dieu peut aussi abroger à une époque ce qu’il avait révélé comme obligatoire à une autre. Ainsi, l’interdiction de consommer du porc ou d’autres aliments qualifiés d’impurs, imposée autrefois au peuple de Dieu, est devenue caduque (voir 1 Timothée 4:3). Celui qui ne tient pas compte de la progression dans la révélation se trouvera inévitablement face à des contradictions insolubles entre des passages qu’il interprète littéralement. Notons les paires de passages suivants qui se contredisent si on les interprète littéralement sans tenir compte des changements introduits par le caractère progressif de la révélation: Matthieu 10:5-7 et Matthieu 28:18-20; Luc 9:3 et Luc 22:36; Genèse 17:10 et Galates 5:2; Exode 20:8 et Actes 20:7. Remarquons aussi le changement décisif indiqué en Jean 1:17; 16:24; 2 Corinthiens 3:7-11. Ceux qui, dans l’interprétation, refusent de prendre en compte le principe de la révélation progressive sont obligés de mettre en avant une interprétation figurative ou parfois même de ne pas du tout tenir compte des témoignages.
E. Une objection à l’herméneutique normale L’objection la plus fréquente des évangéliques à l’encontre de l’interprétation normale est la suivante: puisque le Nouveau Testament recourt à l’Ancien Testament dans un sens non littéral, nous devons faire de même et interpréter les prophéties de l’Ancien Testament (celles rattachées au millénium par exemple) dans un sens non littéral. Autrement dit, puisque le Nouveau Testament spiritualise l’Ancien, nous le pouvons nous aussi. Cet argument pourrait sembler à première vue constituer une objection solide contre le recours systématique à l’herméneutique normale. Rappelons-nous pourtant que le Nouveau Testament cite le plus souvent les prophéties de l’Ancien de façon littérale et ne les spiritualise pas. On ne compte au maximum que sept cas où le Nouveau Testament
pratique une herméneutique non littérale des prophéties de l’Ancien. Le Nouveau Testament utilise aussi l’Ancien de façon figurative (Romains 9:9-12), analogique (1 Corinthiens 1:19), comme une application (Romains 12:19), de manière rhétorique (Jacques 4:6); mais généralement, il le considère comme accompli de façon directe, eschatologique ou typologique (Actes 2:25-29; Jean 13:18). Les auteurs du Nouveau Testament ne se servent pratiquement jamais de l’Ancien dans un sens autre que le sens historico-grammatical (qui tient évidemment compte des figures de style). La règle pour eux, c’est l’interprétation claire et évidente; les cas d’interprétation typologique correspondent aux exceptions, et sont rares (bien que, dans un sens, l’Ancien Testament tout entier ne soit qu’un type de la révélation plus complète intervenue dans le Nouveau Testament). Le nœud du problème est celui-ci: en tant qu’interprètes, pouvons-nous suivre l’exemple des auteurs bibliques dans les rares cas, les exceptions, où ils ont utilisé l’Ancien Testament d’une façon qui semble non littérale? Bien sûr, nous le pouvons si nous le voulons! Mais alors, c’est sans l’autorité apostolique, et uniquement sous notre autorité personnelle, que nous le faisons, c’est-à-dire avec une autorité quasi nulle. Dans tous leurs recours à l’Ancien Testament, les auteurs du Nouveau Testament étaient sous l’inspiration divine, et leur manière de faire était appropriée et revêtue d’autorité. Si nous nous éloignons du sens premier du texte, nous le faisons à tort et sans pouvoir revendiquer l’autorité apostolique. Ce que les auteurs écrivirent était infaillible; le travail de tous les interprètes est faillible. Résumons: c’est Dieu qui a émis le désir de donner sa Parole aux hommes. C’est aussi Dieu qui leur a fait don du langage pour réaliser son désir. Il nous a donné sa Parole pour communiquer avec nous, et non pour nous plonger dans la perplexité. Cherchons par conséquent à comprendre cette communication dans son sens clair et évident, car c’est la méthode de communication normale.
II. Les doctrines de l’illumination A. La signification de l’illumination Le Nouveau Testament emploie le verbe phôtizein à propos de l’illumination que Christ apporte à tout être humain, en particulier par l’Evangile (Jean 1:9; 2 Timothée 1:10), de l’expérience illuminante de la conversion (Hébreux 6:4), de la compréhension de la vérité chrétienne (Ephésiens 1:18; 3:9) et de la mise en lumière de toutes choses lors du jugement à venir (1 Corinthiens 4:5). En théologie, le terme d’illumination a été appliqué à plusieurs concepts. L’Eglise primitive
décrivait souvent le baptême comme une illumination (notamment Justin, Première apologie, chap. 61). Appliquée à l’inspiration, la théorie de l’illumination considère que les auteurs bibliques bénéficièrent de perceptions plus intenses et plus élevées. Mais en général, on la lie au ministère du Saint-Esprit qui aide le croyant à comprendre les vérités de la Bible.
B. Les moyens Deux passages principaux décrivent le ministère d’illumination de l’Esprit: Jean 16:12-15 et 1 Corinthiens 2:9–3:2. Ils enseignent les vérités suivantes à propos de l’illumination: 1. L’Esprit est l’enseignant, et sa présence dans le croyant garantit l’exercice de ce ministère d’enseignement à tous les chrétiens. 2. Les incroyants ne peuvent donc pas compter sur ce ministère. Même s’ils parviennent à une connaissance approfondie de la Bible, fondamentalement ils considèrent ce qu’ils savent comme une folie. 3. L’enseignement de l’Esprit concerne «toute la vérité», y compris «les choses à venir», c’est-à-dire la doctrine chrétienne, prophétie incluse. 4. La nature charnelle du chrétien peut contrecarrer le ministère de l’Esprit. 5. En exerçant son ministère, l’Esprit cherche à glorifier Christ. 6. L’Esprit se sert de ceux qui ont le don de l’enseignement pour accomplir son ministère (Romains 12:7; 1 Jean 2:27). Cela comprend les écrits de ceux qui, actuellement décédés, ont couché sur le papier les résultats de l’œuvre de l’Esprit dans leur vie. L’expérience de l’illumination n’emprunte pas le canal de la «révélation directe». Le canon est clos. L’Esprit illumine la signification du canon, lui-même déjà complet, et il le fait par le moyen de l’étude et de la méditation. L’étude fait appel à tous les outils permettant d’établir le sens d’un texte. La méditation, elle, réfléchit aux faits authentiques du texte, elle les associe en un tout harmonieux et les applique à la vie personnelle. Le but final du ministère d’illumination de l’Esprit est de glorifier Christ dans la vie du chrétien ou de promouvoir une saine doctrine, c’est-à-dire un enseignement qui procure la santé spirituelle dans la vie du croyant. L’illumination ne concerne pas seulement la compréhension des faits, mais aussi l’utilisation de ces faits pour produire la ressemblance à Christ.
51 F.W. Farrar, History of Interpretation, Londres, Macmillan, 1886, pp. 193-194, 196. 52 Robert Mounce, The Book of Revelation, Grand Rapids, Eerdmans, 1977, p. 349. 53 Ibid., p. 359. 54 Oswald T. Allis, Prophecy and the Church, Philadelphie, Presbyterian and Reformed, 1945, pp. 16-19. 55 Ibid., p. 18. 56 Ibid., pp. 28-30. 57 Daniel P. Fuller, «The Hermeneutics of Dispensationalism», thèse de doctorat, Northern Baptist Theological Seminary, 1957, en particulier p. 188, et Gospel and Law: Contrast or Continuum? Grand Rapids, Eerdmans, 1980. 58 S. Lewis Johnson, The Old Testament in the New, Grand Rapids, Zondervan, 1980, p. 51.
Section IV Les anges: des esprits exerçant un ministère
17. L’existence des anges S’il est des domaines de la théologie qui sont dédaignés, celui des anges en est assurément un, en tout cas dans la plupart des ouvrages de théologie classiques. Il suffit de considérer la place réservée à l’angélologie dans le domaine théologique pour s’en rendre compte. Les dernières années du vingtième siècle ont cependant vu un intérêt grandissant pour le sujet des anges, de Satan et des démons. Des articles, des livres et des programmes télévisés représentant des anges, généralement plus mielleux et flous que théologiquement exacts, ont contribué à cet élan d’intérêt pour l’angélologie. Mais seule la Bible nous fournit une information exacte sur eux. Même Calvin aborda ce sujet avec une extrême prudence59. Le déni néo-orthodoxe de l’existence objective des anges a été contrecarré par la large publicité faite autour des démons et de leur activité. Même si les hommes peuvent nier, d’un point de vue théologique, l’existence d’un ordre d’êtres supérieurs appelés anges (et démons), ils ont beaucoup de mal à la nier sur le plan de l’évidence, tellement l’activité de ces créatures est manifeste. Ainsi, d’un côté les préjugés de l’homme contre tout ce qui est surnaturel lui font bannir de son esprit la notion d’existence des anges, mais d’un autre côté, leur activité qu’il ne peut expliquer rationnellement rend leur existence nécessaire.
I. La connaissance humaine L’homme ne dispose pas du savoir qui lui permettrait de porter un jugement sur la composition de l’univers. Il n’a aucun moyen a priori de savoir si l’univers inclut ou non un ordre de créatures telles que les anges. De plus, il n’a pas de prédisposition à supposer la présence des anges, car il est naturellement enclin à nier le surnaturel. Par ailleurs, son expérience ne l’incite pas à croire à leur existence possible, et la confiance qu’il place en son intelligence le pousse à chercher d’autres explications aux phénomènes qu’il ne peut saisir facilement. Ramm a très intelligemment posé le doigt sur les limitations du savoir humain. «L’humanité ne possède pas de manuel intitulé Guide de toutes les créations possibles. Elle ne dispose d’aucune information sur la création, en dehors de celles que cette création elle-même lui fournit.»60 En d’autres termes, la connaissance limitée de l’homme ne lui permet pas de conclure qu’il n’existe pas de telles créatures qui seraient des anges.
II. La révélation biblique Pour celui qui accepte la révélation biblique, l’existence des anges ne pose aucun
problème. Cette révélation est riche de trois caractéristiques significatives. Premièrement, elle est étendue. L’Ancien Testament parle plus d’une centaine de fois des anges, et le Nouveau Testament les mentionne environ cent soixante-cinq fois. Il suffit certes qu’une vérité soit affirmée une seule fois dans la Bible pour que nous la reconnaissions comme telle, mais à partir du moment où un sujet est mentionné aussi souvent que les anges, il devient d’autant plus difficile à nier. Deuxièmement, les anges sont évoqués dans toute la Bible. La vérité les concernant ne se limite pas à une période de l’histoire, à une partie de la Bible ou à quelques auteurs. Ils ne font pas partie d’une période primitive. Trente-quatre livres de la Bible parlent de leur existence, depuis le premier (Genèse ou Job) jusqu’au dernier. Troisièmement, l’enseignement du Seigneur inclut les anges comme des êtres réels. Par conséquent nier leur existence équivaut à mettre en doute la véracité de ses paroles. Les détails concrets de la révélation biblique sont évidemment importants, mais dans leur examen, il ne faut pas perdre de vue ces trois caractéristiques de la nature de la révélation. Nous examinerons d’abord le nombre et l’étendue des faits bibliques, puis l’enseignement de Christ.
A. Dans l’Ancien Testament L’Ancien Testament présente toujours les anges comme des créatures réelles, objectives, existantes. Il n’en parle jamais comme des illusions ou le produit de l’imagination. Le mot figure trente-quatre fois dans les écrits de Moïse; il décrit toujours des êtres réels chargés d’accomplir des choses spéciales en rapport avec leurs fonctions de messagers de Dieu. D’ailleurs, en hébreu comme en grec, le mot ange signifie «messager». Ainsi, Abraham mange et converse avec des anges (Genèse 18). Le Pentateuque et le livre des Juges font souvent allusion à l’ange de l’Eternel, qui semble être divin. C’est un ange qui exécute le jugement divin contre Israël, après que David a procédé au dénombrement du peuple (2 Samuel 24:16; il peut difficilement s’agir d’une illusion!). Esaïe cite les séraphins (Esaïe 6:2) et Ezéchiel les chérubins (Ezéchiel 10:1-3). Daniel mentionne Gabriel (Daniel 9:20-27) et Michel (Daniel 10:13; 12:1). Zacharie parle fréquemment des anges comme agents de Dieu (Zacharie 1) et interprètes de visions (Zacharie 1–6). Les Psaumes décrivent les anges comme des serviteurs de Dieu qui l’adorent et délivrent le peuple de Dieu du danger (Psaumes 34:8; 91:11; 103:20).
B. Dans le Nouveau Testament En plus de ce que le Seigneur lui-même enseigne à propos des anges, les auteurs néotestamentaires confirment leur existence réelle. Les rédacteurs des Evangiles évoquent leur ministère lors de la naissance de Christ, de sa résurrection et de son ascension
(Matthieu 2:19; Marc 1:13; Luc 2:13; Jean 20:12; Actes 1:10-11). Dans le livre des Actes, les anges viennent au secours des serviteurs de Dieu, ouvrent les portes de la prison pour en faire sortir les apôtres (Actes 5:19; 12:5-11), indiquent à Philippe et à Corneille ce qu’ils doivent faire (Actes 8:26; 10:1-7) et encouragent Paul lors de la tempête dans son voyage vers Rome (Actes 27:23-25). Paul (Galates 3:19; 1 Timothée 5:21), l’auteur de l’épître aux Hébreux (Hébreux 1:4), Pierre (1 Pierre 1:12) et Jude (Jude 6) affirment tous l’existence des anges dans leurs écrits. L’Apocalypse les mentionne de façon claire environ soixante-cinq fois; c’est davantage que n’importe quel autre livre de la Bible. Visiblement, le Nouveau Testament fournit des preuves abondantes, claires et irréfutables de l’existence des anges.
C. Dans les enseignements de Christ Les anges sont venus servir Christ dans le désert après que Satan l’avait tenté (il n’y avait évidemment aucun témoin présent lors de cette tentation; il faut donc faire confiance au témoignage de Jésus dans ce récit). Le Seigneur a enseigné que la condition de résurrection des êtres humains serait la même que celle des anges: ils ne procréeront plus (Matthieu 22:30). A la fin des temps, des anges sépareront les justes des méchants (Matthieu 13:39) et accompagneront le Seigneur lors de son retour (Matthieu 25:31). Sans même évoquer les nombreuses mentions de l’activité du Christ en rapport avec les démons, nous avons assez de preuves que le Seigneur croyait à la réalité des anges. En général, la dernière chose à laquelle les critiques consentent à renoncer, c’est aux paroles de Christ. Que font-ils alors des preuves selon lesquelles Christ croyait à l’existence des anges? Certains prétendent qu’il s’est trompé. Il aurait cru que les anges existaient, alors qu’en réalité ce n’est pas le cas. D’autres affirment que Jésus a adapté son langage aux croyances de ses contemporains; comme ceux-ci croyaient aux anges (et aux démons), il aurait inclus ces créatures dans son enseignement, tout en sachant qu’elles n’existaient pas. Certains de ses propos ne peuvent cependant pas s’expliquer ainsi (voir Matthieu 18:10; 26:53). Pour d’autres théologiens encore, ce sont les auteurs des Evangiles qui auraient ajouté ces allusions aux anges, car eux y croyaient. Qu’est-ce qui empêche cette sorte de critique littéraire de nous priver des autres enseignements de Christ, et même de tous, après tout? Il existe évidemment une autre possibilité, la plus simple et la plus évidente: Christ savait que les anges existaient, et ses enseignements reflètent la connaissance qu’il en avait. 59 Calvin, Institution, I.xiv.3. 60 Bernard Ramm, «Angels», dans Basic Christian Doctrines, ed. Carl F.H. Henry, New York, Holt, Rineheart and Winston, 1962, p. 64.
18. La création des anges I. La réalité de leur création Les anges sont des êtres créés (Psaume 148:2-5). Ils n’ont donc pas évolué à partir d’une forme de vie inférieure ou moins complexe. Le fait que les anges ne procréent pas renforce cette idée (Matthieu 22:30). Lors de leur création, ils ont été créés en tant qu’anges.
II. L’agent de leur création Toutes choses ont été créées par Christ (Jean 1:1-3). Il a créé en particulier les anges (Colossiens 1:16).
III. Le moment de leur création La Bible ne précise pas le moment de la création des anges. Toutefois, nous savons qu’ils étaient présents lorsque Dieu a formé la terre (Job 38:6-7). Leur création est donc antérieure à celle de la terre.
IV. Les conditions de leur création A. Des êtres saints A l’origine, toutes les créatures angéliques ont été créées saintes. Dieu a jugé sa création bonne (Genèse 1:31); il va de soi qu’il n’a pas pu créer le péché. Même après l’entrée du péché dans le monde, les anges de Dieu qui ne se sont pas rebellés contre lui sont qualifiés de saints (Marc 8:38). Ce sont les anges élus (1 Timothée 5:21), par opposition aux anges déchus qui ont suivi Satan dans sa révolte contre Dieu (Matthieu 25:41). Outre le fait qu’ils ont été créés saints, les anges sont entourés de sainteté. Leur créateur est absolument saint. Jusqu’à l’introduction du péché par Satan, l’atmosphère dans laquelle ils vivaient et le servaient était dénuée de toute imperfection et de toute trace de péché.
B. Des êtres créés Les anges sont des créatures. Toutefois, ils constituent un ordre séparé parmi les créatures de Dieu; ils sont distincts, par exemple, des hommes (1 Corinthiens 6:3; Hébreux 1:14). En tant que créatures, les anges sont limités en pouvoir, en connaissance et en activité (1 Pierre 1:11-12; Apocalypse 7:1). Comme toutes les créatures responsables, ils sont passibles de jugement (1 Corinthiens 6:3; Matthieu 25:41).
19. La nature des anges I. Des êtres personnels La notion de personnalité implique celle d’une existence personnelle; dire que les anges sont des êtres personnels, c’est indiquer qu’ils ont une existence personnelle et possèdent la qualité ou l’état de personnes. En général, on estime que la notion de personnalité implique l’exercice de l’intelligence, des émotions et de la volonté. Les anges ont toutes les caractéristiques de la personnalité, car ils possèdent une intelligence, éprouvent des émotions et ont une volonté. Cela est vrai des anges restés fidèles, mais aussi des anges déchus. Les bons anges, tout comme Satan et les démons, possèdent une intelligence (Matthieu 8:29; 2 Corinthiens 11:3; 1 Pierre 1:12). Ils ressentent des émotions (Luc 2:13; Jacques 2:19; Apocalypse 12:17). Ils font preuve d’une volonté (Luc 8:28-31; 2 Timothée 2:26; Jude 6). On peut donc affirmer qu’ils sont des personnes. Le fait qu’ils ne possèdent pas de corps ne les prive pas de leur personnalité (pas plus qu’il n’en prive Dieu). Certes, parce qu’ils sont des créatures, les anges ont une connaissance limitée. Ils ne savent pas tout au même titre que Dieu (Matthieu 24:36); toutefois ils semblent posséder un savoir supérieur à celui des hommes. Cela peut s’expliquer par trois raisons. (1) Les anges ont été créés dans l’univers selon un ordre supérieur à celui des êtres humains. Ils possèdent donc naturellement une connaissance supérieure. (2) Les anges en savent davantage sur Dieu que les hommes (Jacques 2:19; Apocalypse 12:12). (3) Les anges ont acquis leur savoir par une longue observation des activités humaines. Contrairement aux hommes, ils n’ont pas besoin d’étudier le passé: ils l’ont vécu. Ils savent comment les autres humains ont agi et réagi dans certaines situations, et peuvent donc prédire avec un plus grand degré d’exactitude comment nous réagirions dans les mêmes circonstances. Leur longue expérience leur confère une connaissance accrue. Bien que dotés d’une volonté, les anges n’en sont pas moins soumis à la volonté de Dieu, comme toutes les créatures. Dieu envoie ceux d’entre eux qui sont restés fidèles pour secourir les croyants (Hébreux 1:14). Bien que plus puissant et plus rusé pour accomplir ses desseins dans le monde, Satan est limité par la volonté divine (Job 2:6). Les démons ont dû se plier à la volonté de Christ (Luc 8:28-31). Etant des personnes, les anges ne représentent pas de simples personnifications du bien ou du mal abstraits, comme certains le pensent. Cette remarque s’applique aussi à Satan: il est une personne, et non la personnification de la conception collective humaine du mal.
II. Des êtres spirituels Les anges, les démons (en présupposant qu’il s’agit d’anges déchus) et Satan appartiennent à une catégorie d’êtres que l’on peut qualifier de spirituels. Les anges sont décrits comme des esprits au service de Dieu (Hébreux 1:14). Les démons sont appelés esprits mauvais ou impurs (Luc 8:2; 11:24, 26), et Satan est présenté comme l’esprit qui agit maintenant dans les fils de la rébellion (Ephésiens 2:2). En tant qu’êtres spirituels, ils sont immatériels et incorporels. Les hommes se sont longtemps débattus avec la signification et les conséquences d’un tel concept. Certains Juifs et quelques Pères de l’Eglise imaginaient que les anges possédaient une sorte de corps éthéré ou flamboyant, mais au Moyen Age on a conclu qu’ils étaient de purs esprits. La tendance à conférer une forme de corps aux anges procédait de la prétendue impossibilité de concevoir une véritable créature sans un corps. Il est manifeste que les anges ne sont pas omniprésents et qu’ils ont des limitations spatiales. Certains hommes ont même aperçu de tels êtres. Tout cela a incité certains à conclure que les anges devaient posséder un corps. Or, dans Matthieu 8:16; Luc 7:21; 11:26; Actes 19:12; Ephésiens 6:12 et Hébreux 1:14, l’Ecriture affirme clairement que les anges et les démons sont des esprits (pneumata). Bien que Dieu soit aussi un être spirituel, il ne faut pas en déduire que les anges sont comme lui, c’est-à-dire qu’ils posséderaient une nature infinie. Ils sont des êtres spirituels finis. Toutefois, leur nature spirituelle ne les empêche pas d’apparaître aux hommes. Ils apparaissent généralement sous la forme masculine (mais il est possible que les femmes de la vision de Zacharie 5:9 soient des anges). Ils sont apparus dans des rêves et des visions (Matthieu 1:20; Esaïe 6:1-8), par un dévoilement spécial de leur présence (2 Rois 6:17) ou à des personnes qui étaient dans un état normal de conscience et d’éveil (Genèse 19:1-8; Marc 16:5; Luc 2:13). Dans les visions célestes, ils sont décrits sous des traits différents de ceux qu’ils prennent lors de leurs apparitions aux hommes (Daniel 10:5-7; Apocalypse 10:1-3; 15:6; 18:1). Certains anges sont décrits avec des ailes (Esaïe 6:2, 6; Ezéchiel 1:5-8).
III. Des êtres immortels, qui ne se reproduisent pas Le nombre des anges est immuable. Le Seigneur a enseigné que les anges ne donnent pas naissance à des bébés anges (Matthieu 22:30) et qu’ils ne meurent pas (Luc 20:36). Mais les anges mauvais seront punis dans un lieu éloigné de la présence de Dieu
(Matthieu 25:41; Luc 8:31).
IV. Des créatures supérieures aux hommes L’auteur de l’épître aux Hébreux déclare que, lors de son incarnation, le Seigneur est devenu pour un temps inférieur aux anges (Hébreux 2:7-9). En dépit des questions que soulève l’usage fait par l’auteur du Psaume 8 dans ce passage, il semble évident que l’incarnation a placé Christ dans une position inférieure à celle des anges (ce n’était vrai que de façon temporaire, pendant le temps de son humiliation sur la terre). L’homme, créé à l’image de Dieu est, par nature, inférieur à Dieu. Il est aussi inférieur aux anges, car ceux-ci appartiennent à une catégorie d’êtres surhumains (elohim) qui sont plus forts que l’homme par nature et non sujets à la mort, contrairement à l’homme.61
V. Des êtres saints à l’origine La Bible donne peu d’indications claires sur l’état originel des anges, mais nous savons qu’après avoir achevé son œuvre de création, Dieu a porté sur elle un jugement approbateur (Genèse 1:31). Jude 6 décrit par ailleurs les anges comme des créatures saintes à l’origine. Certains étaient élus (1 Timothée 5:21), d’autres ont péché (2 Pierre 2:4). Tous auraient sans doute pu conserver leur état initial de sainteté, et ceux qui ne se sont pas rebellés ont été à jamais confirmés dans leur sainte condition. Autrement dit, ceux qui ont subi avec succès l’épreuve probatoire resteront éternellement saints. Ceux qui ont échoué sont désormais confirmés dans leur état de perversité et de rébellion. Résumons. Malgré leurs ressemblances avec la divinité d’une part, et avec les hommes d’autre part, les anges constituent une catégorie d’êtres à part. Comme Dieu, mais contrairement aux hommes, ils ne meurent pas; ils n’ont cependant pas la même toutepuissance que Dieu (2 Pierre 2:11). Comme Dieu et comme les hommes, ils ont une personnalité. Comme Dieu, ils sont des esprits, mais pas omniprésents comme lui, tandis que les hommes sont à la fois esprit et matière (Jacques 2:26). Les anges, contrairement aux hommes, ne procréent pas (Matthieu 22:30). L’homme a été créé de peu inférieur à eux, mais, dans son corps ressuscité et glorifié, il les jugera (1 Corinthiens 6:3). 61 Pour une discussion plus complète quant à l’utilisation du Psaume 8 dans Hébreux 2, voir C. Fred Dickason, Angels, Elect and Evil, Chicago, Moody, 1995, pp. 55-57; et Donald R. Glenn, «Psalm 8 and Hebrews 2», dans Walvoord: A Tribute, ed. par Donald K. Campbell, Chicago, Moody, 1982, pp. 39-51.
20. L’organisation des anges I. Le nombre des anges Les anges sont si nombreux qu’on ne peut les compter. C’est le sens du mot myriades utilisé pour décrire leur nombre dans Hébreux 12:22 et Apocalypse 5:11. Ce dernier verset parle même de myriades de myriades. La Bible ne précise pas ce que ce nombre représente. Certains commentateurs ont suggéré qu’il doit y avoir dans l’univers autant d’anges que d’êtres humains ayant existé sur la terre au cours de toute l’histoire (ce que pourrait donner à penser Matthieu 18:10). Quel que soit le nombre des anges, il n’augmente ni ne diminue.
II. La réalité de leur organisation Les Ecritures parlent de «l’assemblée» des anges (Psaume 89:6, 8), de leur organisation pour la bataille (Apocalypse 12:7) et d’un roi sur les démons-sauterelles (Apocalypse 9:11). Il est aussi question d’une hiérarchie gouvernementale, ce qui indique une organisation et différents niveaux d’autorité (Ephésiens 3:10 pour les anges fidèles, Ephésiens 6:12 pour les anges rebelles). Il ne fait aucun doute que Dieu a voulu une organisation structurée parmi les saints anges, et Satan a fait de même pour les anges déchus. Tirons-en une application pratique. Les saints anges respectent une organisation, les démons aussi. Mais les chrétiens, pris individuellement ou en groupes, ne jugent pas nécessaire de s’organiser. C’est surtout regrettable quand il s’agit de combattre le mal. Les croyants estiment généralement qu’ils peuvent s’en sortir tout seuls, et ils comptent triompher sans s’être préalablement organisés et formés. C’est aussi vrai quand il s’agit de promouvoir le bien: les chrétiens passent souvent à côté du meilleur parce qu’ils ne planifient pas leurs bonnes œuvres et négligent toute organisation propre à une meilleure efficacité.
III. Les hiérarchies angéliques A. L’archange Le titre d’archange n’est explicitement conféré qu’à Michel (Jude 9; 1 Thessaloniciens 4:16). Même si la Bible ne parle nulle part ailleurs d’autres archanges, il est manifeste qu’il existe d’autres anges de rang supérieur (Daniel 10:13). Quand Paul déclare qu’à la voix d’un archange l’Eglise sera enlevée, il n’éprouve pas le besoin de préciser son nom, ce qui permet de supposer qu’il n’en existe qu’un.
Dans
l’Ancien
Testament,
Michel
apparaît
comme
l’ange
gardien
d’Israël
(Daniel 10:21; 12:1); il viendra surtout secourir Israël lors des temps difficiles à venir qui attendent ce peuple. Il conduit les armées d’anges célestes contre Satan et ses légions d’anges mauvais (Apocalypse 12:7). L’allusion à Michel qui dispute à Satan le corps de Moïse (Jude 9) indique que cet archange a eu une responsabilité particulière dans l’ensevelissement de Moïse, qu’il n’a pas le pouvoir par lui-même de prononcer un jugement contre Satan et qu’en tant que créature, même puissante, il doit dépendre de la puissance supérieure de Dieu.
B. Les principaux chefs L’expression «les principaux chefs» (Daniel 10:13), qui renvoie à un groupe d’anges supérieurs, souligne la réalité d’une hiérarchie parmi les anges. Au sein de ce groupe des principaux chefs, Michel occupe visiblement une place prépondérante parce qu’il est archange. Le livre apocryphe de 1 Hénoch mentionne Michel, Gabriel, Raphaël et Uriel comme les principaux anges qui ont le privilège de se tenir autour du trône de Dieu (9:1; 40:962). Il mentionne aussi le chiffre de sept archanges (20:1-863; cf. Tobit 12:1564).
C. Les positions dirigeantes 1. Autorités ou dominations. Ces termes désignent un ordre d’anges, bons ou mauvais, qui interviennent dans le gouvernement de l’univers (Romains 8:38; Ephésiens 1:21; 3:10; 6:12; Colossiens 1:16; 2:10, 15). 2. Dignités ou puissances. Ces mots soulignent l’autorité surhumaine que les anges et les démons exercent dans les affaires du monde (Ephésiens 1:21; 2:2; Colossiens 1:16; 1 Pierre 3:22). 3. Puissances. Ce vocable souligne le fait que les anges et les démons détiennent un pouvoir supérieur à celui des hommes (2 Pierre 2:11). Voir Ephésiens 1:21 et 1 Pierre 3:22. 4. Le lieu d’exercice de leur pouvoir. Un passage biblique indique que les démons sont les princes de ce monde de ténèbres (Ephésiens 6:12). 5. Gloires. Ce mot met en relief la dignité et l’autorité des princes angéliques dans la fonction qu’ils remplissent au sein du gouvernement divin (2 Pierre 2:10; Jude 8).
D. Les chérubins Les chérubins constituent un autre ordre d’anges, apparemment de rang supérieur puisque Satan était un chérubin (Ezéchiel 28:14, 16). Ils semblent préposés comme gardiens de la sainteté de Dieu; ce sont eux qui ont été désignés pour garder le chemin de l’arbre de vie dans le jardin d’Eden (Genèse 3:24). La représentation de chérubins dans la décoration du
tabernacle et du temple peut confirmer ce rôle de gardiens (Exode 26:1; 36:8; 1 Rois 6:2329). Ils portent le trône en forme de chariot qu’Ezéchiel aperçoit (Ezéchiel 1:4-5; 10:15-20). Certains exégètes identifient les quatre êtres vivants d’Apocalypse 4:6 à des chérubins, tandis que d’autres voient dans ces créatures les attributs de Dieu. Le temple du millénium comporte également des représentations de chérubins (Ezéchiel 41:18-20).
E. Les séraphins Tout ce que nous savons de cet ordre d’êtres angéliques se trouve dans Esaïe 6:2-7. L’ordre des séraphins semble être proche de celui des chérubins. Dans la vision d’Esaïe, ils agissent comme gardiens du trône de Dieu et agents purifiants. Ils ont aussi pour mission de célébrer Dieu. Leur description fait penser à un être de forme humaine avec six ailes. Le nom «séraphin» dérive soit d’une racine qui signifie «brûler» soit d’une autre signifiant «être noble».
IV. Quelques anges particuliers A. Gabriel Michel a déjà été mentionné à cause de son rang élevé. Gabriel semble, lui aussi, occuper une position prééminente, bien qu’il ne soit pas désigné comme un archange. Son nom signifie «héros de Dieu», et il a eu pour mission de communiquer des messages importants de Dieu à différents individus (à Daniel dans Daniel 8:16; 9:21; à Zacharie dans Luc 1:19; à Marie dans Luc 1:26). Dans le Targum araméen, il est chargé de retrouver les frères de Joseph, d’enterrer Moïse et de mettre à mort l’armée de Sanchérib.
B. Des anges aux responsabilités spéciales Certains anges sont présentés avec des fonctions particulières. Un ange détient le pouvoir sur le feu (Apocalypse 14:18); il existe l’ange des eaux (Apocalypse 16:5), l’ange de l’abîme (Apocalypse 9:11), un ange chargé de lier Satan (Apocalypse 20:1-2).
C. Des anges associés aux jugements à venir Deux des trois séries de jugements annoncées dans l’Apocalypse le sont par des anges. Les jugements d’Apocalypse 8–9 commencent au moment où des anges sonnent de la trompette. Au chapitre d’Apocalypse 16, ce sont des anges qui déversent les sept fléaux sur la terre.
D. Les anges des sept Eglises de l’Apocalypse Chacune des lettres d’Apocalypse 2–3 est adressée à «l’ange» de l’Eglise. Dans sa vision
(Apocalypse 1:16, 20), Jean voit ces anges dans la main droite du Christ ressuscité. On ignore s’il s’agit d’êtres angéliques ou des responsables humains des Eglises concernées. Bien que le mot «ange» signifie clairement «messager», il peut s’appliquer à un être surhumain, une sorte d’ange gardien pour chaque Eglise. On peut aussi supposer qu’il s’agit d’un messager humain, c’est-à-dire du responsable (pasteur) de chaque Eglise (voir Marc 1:2; Luc 9:52 et Jacques 2:25 qui emploient le mot grec traduit normalement «ange» à propos d’êtres humains).
E. L’ange de l’Eternel Comme nous le verrons au chapitre 40, l’ange de l’Eternel est une christophanie, c’est-àdire une apparition de Christ avant son incarnation. Il parle comme Dieu, s’identifie à Dieu et revendique des prérogatives de Dieu (Genèse 16:7-12; 21:17-18; 22:11-18; Exode 3:2; Juges 2:1-4; 5:23; 6:11-24; 13:3-22; 2 Samuel 24:16; Zacharie 1:12; 3:1; 12:8). Les apparitions de l’ange de l’Eternel ont cessé après l’incarnation de Christ, ce qui donne à penser qu’il s’agissait bien de lui avant son incarnation. 62 «Alors Michel, Sariel (var. Ouriel), Raphaël et Gabriel jetèrent un regard depuis le sanctuaire céleste» (9:1). «Le premier est Michel, l’ange miséricordieux et lent à la colère; le second est Raphaël, préposé à toutes les maladies et à toutes les plaies des humains; le troisième est Gabriel, préposé à toute puissance; le quatrième est préposé à la repentance riche d’espérance pour ceux qui hériteront la vie éternelle, il se nomme Phanouël» (40:9). 63 «Voici les noms des anges des puissances: Ouriel, l’un des saints anges, est préposé au monde et au Tartare. Raphaël, l’un des saints anges, est préposé aux esprits des humains. Ragouël, l’un des saints anges, châtie le monde des luminaires. Michel, l’un des saints anges, est préposé aux hommes de bien et au peuple. Sariel, l’un des saints anges, est préposé aux esprits qui pèchent contre l’esprit. Gabriel, l’un des saints anges, est préposé au paradis, aux dragons et aux Chérubins. Remiel, l’un des saints anges, est chargé par Dieu du soin des ressuscités. Tels sont les noms des sept archanges.» Le livre apocryphe de IV Esdras 4.36 mentionne l’archange Jérémiel (qui pourrait être assimilé à Remiel). 64 «Je suis Raphaël, l’un des sept anges qui se tiennent devant la gloire du Seigneur et pénètrent en sa présence.» (Traduction Œcuménique de la Bible)
21. Le ministère des anges Les bons anges sont fondamentalement et essentiellement des serviteurs (Hébreux 1:14). Dieu les envoie pour exercer un service ou apporter une aide (diakonia); dans leur service, ils agissent comme des messagers sacerdotaux (leitourgika pneumata) dans l’univers-temple de Dieu.
I. Vis-à-vis de Dieu Vis-à-vis de Dieu, la première fonction des anges consiste à l’adorer et à le louer. A. Ils le louent (Psaume 148:1-2; Esaïe 6:3). B. Ils l’adorent (Hébreux 1:6; Apocalypse 5:8-13). C. Ils se réjouissent de ses œuvres (Job 38:6-7). D. Ils le servent (Psaume 103:20; Apocalypse 22:9). E. Ils se présentent devant lui (Job 1:6; 2:1). F. Ils sont les instruments de ses jugements (Apocalypse 7:1; 8:2).
II. Lors de nouvelles ères Les anges semblent plus particulièrement affairés lorsque Dieu inaugure une nouvelle époque dans le déroulement de l’histoire. A. Ils poussaient des cris de joie quand la terre a été créée (Job 38:6-7). B. Ils étaient présents quand Dieu a donné la loi mosaïque (Galates 3:19; Hébreux 2:2). C. Ils étaient actifs lors de la première venue de Christ (Matthieu 1:20; 4:11). D. Ils étaient actifs dans les premiers temps de l’Eglise (Actes 8:26; 10:3; 12:11). E. Ils seront impliqués dans les événements qui entoureront la seconde venue de Christ (Matthieu 25:31; 1 Thessaloniciens 4:16).
III. Au cours du ministère de Christ A. Lors de la naissance de Christ 1. Prédire. Gabriel a prédit sa naissance (Matthieu 1:20; Luc 1:26-28). 2. Annoncer. Un ange a annoncé sa naissance aux bergers, avant qu’une multitude d’anges ne se joigne à lui pour louer Dieu (Luc 2:8-15).
B. Durant la vie de Christ
1. Avertir. Un ange a averti Joseph et Marie et leur a ordonné de fuir en Egypte pour échapper à la colère d’Hérode (Matthieu 2:13-15). 2. Diriger. Un ange a dirigé le retour de la famille en Israël après la mort d’Hérode (Matthieu 2:19-21). 3. Servir. Des anges sont venus servir le Seigneur après sa tentation (Matthieu 4:11) et le réconforter lors de son agonie dans le jardin de Gethsémané (Luc 22:43). 4. Défendre. Christ a déclaré que des légions d’anges étaient prêtes à venir à son secours s’il le leur demandait (Matthieu 26:53).
C. Après la résurrection de Christ 1. La pierre. Un ange a roulé la pierre qui obstruait l’entrée du tombeau (Matthieu 28:1-2). 2. L’annonce. Des anges ont annoncé la résurrection de Christ aux femmes le matin de la Pâque (Matthieu 28:5-6; Luc 24:5-7). 3. L’ascension. Des anges étaient présents lors de son ascension (Actes 1:10-11).
D. Lors du retour de Christ 1.
L’enlèvement.
La
voix
de
l’archange
marquera
le
départ
de
l’Eglise
(1 Thessaloniciens 4:16). 2. La seconde venue. Des anges accompagneront le Seigneur lors de son retour (Matthieu 25:31; 2 Thessaloniciens 1:7). 3. Le jugement. Des anges sépareront le blé de l’ivraie lors de la parousie (Matthieu 13:3940).
IV. Vis-à-vis des nations du monde A. Vis-à-vis du peuple d’Israël L’archange Michel est particulièrement préposé à la garde d’Israël (Daniel 12:1).
B. Vis-à-vis des autres nations Des anges veillent sur les chefs et sur les nations (Daniel 4:17) et cherchent à influencer leurs dirigeants humains (Daniel 10:21; 11:1). Durant la tribulation à venir, les anges seront chargés d’exécuter les jugements de Dieu (Apocalypse 8–9; 16).
V. Vis-à-vis des hommes impies
A. Des anges annoncent les jugements imminents qui vont frapper les impies (Genèse 19:13; Apocalypse 14:6-7; 19:17-18). B. Des anges châtient les injustes (Actes 12:23; Apocalypse 16:1). C. Des anges sépareront les justes des méchants (Matthieu 13:39-40).
VI. Vis-à-vis de l’Eglise A. Un ministère fondamental Les anges secourent les croyants (Hébreux 1:14).
B. Un ministère d’arrière-plan Des anges sont intervenus dans la communication et la révélation du sens de la vérité, et l’Eglise en tire profit aujourd’hui (Daniel 7:15-27; 8:13-26; 9:20-27; Apocalypse 1:1; 22:6, 8).
C. Des ministères spécifiques 1. Requêtes. Ils apportent des réponses aux prières (Actes 12:5-10). 2. Salut. Ils aident à gagner des gens à Christ (Actes 8:26; 10:3). 3. Observation. Ils sont témoins de l’ordre qui règne parmi les chrétiens, de leur travail et de leurs souffrances (1 Corinthiens 4:9; 11:10; Ephésiens 3:10; 1 Pierre 1:12). 4. Encouragement. Ils encouragent les chrétiens exposés à de graves dangers (Actes 27:2324). 5. Présence à la mort des justes. Ils prennent soin du croyant au moment de sa mort (Luc 16:22). Nous ignorons si les anges accomplissent toutes ces tâches encore de nos jours. Mais ils s’en sont acquittés et peuvent très bien s’en acquitter encore aujourd’hui, même si nous n’en avons pas conscience. Certes, Dieu n’est pas tenu de faire appel aux anges, il peut agir directement dans tous ces domaines. Mais il semble qu’il ait décidé de se servir de ces agents intermédiaires en plusieurs occasions. Le croyant reconnaît néanmoins que c’est le Seigneur qui accomplit ces œuvres, que ce soit directement ou par l’entremise des anges (remarquons le témoignage de Pierre qui déclare avoir été délivré de sa prison par Dieu, alors que le Seigneur a utilisé un ange pour venir à son secours; comparer Actes 12:7-10 avec les versets Actes 12:11; 17). Une inscription que j’ai lue un jour dans une vieille église en Ecosse concilie bien les deux aspects: Bien que Dieu ait un pouvoir suffisant pour nous gouverner de façon personnelle, il a établi
des anges pour veiller sur nous à cause de notre infirmité bien réelle. Toutes les remarques précédentes concernant l’intérêt que les anges prennent à observer le comportement des hommes peuvent nous surprendre. Leur intérêt peut découler du fait que, ne pouvant pas eux-mêmes faire l’expérience du salut, ils observent ses effets dans la vie des êtres humains sauvés. Nous sommes donc en quelque sorte des acteurs d’une pièce dont le monde, les hommes et les anges sont les spectateurs (1 Corinthiens 4:9). Veillons par conséquent à bien tenir notre rôle devant ces spectateurs comme devant Dieu, aux yeux de qui tout est à nu et à découvert.
Section V Notre adversaire le diable
22. Satan: un être réel? Ceux qui refusent de considérer Satan comme un être bien réel estiment généralement que le «satan» («l’adversaire») désigne la personnification du mal, mais pas un être doué d’une existence personnelle séparée. Selon cette position, la conception de Satan comme une personne se serait davantage développée à l’époque du Nouveau Testament, ce qui aurait nécessité de réinterpréter les «légendes» de l’Ancien Testament, puisque celles-ci ne contenaient pas l’idée d’un personnage démoniaque distinctif. De plus, on prétend que le dualisme perse a contribué au développement de l’idée juive d’un Satan personnel pendant la période gréco-romaine65.
I. Les indices tirés du texte Si l’on accepte les Ecritures comme révélation de Dieu, et non comme un simple compte rendu des pensées de l’homme concernant Dieu, on ne peut nier la réalité de Satan. Celuici n’est pas devenu un être personnel au terme d’une longue évolution; il existait et agissait comme tel dès les premiers livres de la révélation divine jusqu’aux derniers. Sept livres de l’Ancien Testament enseignent qu’il est un être bien réel (Genèse, 1 Chroniques, Job, Psaumes, Esaïe, Ezéchiel, Zacharie). Tous les auteurs du Nouveau Testament l’affirment aussi et relatent son activité. L’enseignement de Christ présuppose et confirme l’existence et l’activité de Satan. Le Seigneur Jésus s’exprime lui-même dans vingt-cinq des vingt-neuf passages des Evangiles qui parlent de lui. Dans certains de ces textes, il est indéniable que Christ n’accommode pas son enseignement à la prétendue ignorance de la foule ou aux concepts erronés que le dualisme perse aurait répandus sur Satan. Notons tout particulièrement les passages suivants: Matthieu 13:39; Luc 10:18; 11:18.
II. Les indices du caractère personnel de Satan A. Les caractéristiques d’une personne Comme les anges, Satan possède une personnalité. Il témoigne d’une intelligence (2 Corinthiens 11:3), affiche des émotions (de l’irritation dans Apocalypse 12:17; un désir dans Luc 22:31) et fait preuve de volonté (Esaïe 14:12-14; 2 Timothée 2:26).
B. Les pronoms personnels d’une personne L’Ancien et le Nouveau Testaments présentent Satan comme une personne (Job 1;
Matthieu 4:1-12). Remarquons d’ailleurs que le récit de la tentation a forcément dû être rapporté par le Seigneur lui-même; en utilisant des pronoms personnels, il confère une personnalité à Satan.
C. La responsabilité morale d’une personne Si Satan n’était qu’une personnification imaginée par les hommes pour exprimer leur notion du mal, il pourrait difficilement être tenu pour responsable de ses actes, puisqu’il faut être une personne pour pouvoir rendre des comptes. Or le Seigneur Jésus le considère comme responsable (Matthieu 25:41). D’après ce passage, nier la réalité de Satan, c’est nier la véracité des paroles de Christ.
III. La nature de Satan A. Une créature Si le passage d’Ezéchiel 28:11-19 s’applique bien à Satan (point que nous examinerons plus tard), il affirme clairement que celui-ci a été créé (Ezéchiel 28:15). Il ne possède donc pas les attributs que Dieu seul détient, comme l’omniprésence, l’omnipotence et l’omniscience. Bien qu’étant un être puissant, il a les limitations inhérentes à toute créature. A ce titre, il a des comptes à rendre à son créateur.
B. Un être spirituel Satan appartient à l’ordre des anges appelé chérubins (Ezéchiel 28:14). Il était apparemment l’ange le plus élevé dans la hiérarchie (Ezéchiel 8:12). C’est sans doute la raison pour laquelle l’archange Michel a refusé de porter contre lui un jugement injurieux (Jude 9) quand il lui disputait le corps de Moïse. On peut dire que Satan est l’archange de tous les anges mauvais. Même dans son état présent de déchéance, il conserve un pouvoir redoutable (cependant tributaire du bon vouloir de Dieu). C’est pourquoi il est appelé le dieu de ce siècle et le prince de la puissance de l’air (2 Corinthiens 4:4; Ephésiens 2:2).
IV. Les noms de Satan Le nombre et la diversité des noms attribués à Satan confirment la réalité de son existence. Le nom «Satan» (utilisé cinquante-deux fois) est la transcription de l’hébreu satan, qui signifie «adversaire» ou «opposant» (Zacharie 3:1; Matthieu 4:10; Apocalypse 12:9; 20:2). Le mot «diable» (qui revient environ trente-cinq fois) dérive du grec diabolos, qui signifie «calomniateur» (Matthieu 4:1; Ephésiens 4:27; Apocalypse 12:9; 20:2). Jean le désigne comme «le malin» (1 Jean 5:18-19). Son caractère pervers, reflété par ce
nom, imprègne le monde entier, qui est sous son contrôle. Mais le malin ne peut pas posséder le croyant. Satan est tout d’abord apparu sous la forme d’un serpent (Genèse 3:1). Ce reptile illustre bien sa nature profonde, révélée dans le Nouveau Testament (2 Corinthiens 11:3; Apocalypse 12:9): le serpent est rusé et malin. Satan est aussi présenté comme un grand dragon rouge (Apocalypse 12:3, 7, 9). Cette image souligne sa férocité, surtout dans le conflit. Notons qu’il possède une queue, si bien que les caricatures qu’on présente de lui ne sont pas très loin de la réalité! Voici un exemple destiné à justifier ce jugement. Si un étudiant est interrogé par un nouveau venu, curieux de savoir quel genre de professeur est Monsieur X., il peut répondre: «C’est un ours!» Ce terme décrit le comportement de l’enseignant, à savoir celui d’un homme rude. En faisant de Satan le portrait d’un dragon, l’Ecriture indique qu’il est féroce dans ses attaques contre les croyants. L’une des activités de Satan consiste à accuser les «frères» (Apocalypse 12:10). Il le fait continuellement, jour et nuit. De quoi accuse-t-il les enfants de Dieu? Des péchés qu’ils commettent. Ce faisant, il a évidemment le beau rôle, car les chrétiens pèchent, et tout péché pourrait compromettre notre salut. Mais le Seigneur, notre avocat, assure notre défense. Il a un argument imparable: par sa mort, il a déjà payé pour tous nos péchés (1 Jean 2:1-2). Certains, sans doute inconsciemment, font une distinction entre les péchés qui pourraient nous faire perdre le salut et les autres, les «petits» péchés qui, eux, ne le peuvent pas. En réalité, n’importe quel péché serait suffisamment grave pour nous priver du salut, si le Seigneur n’intercédait pas constamment pour contrer les accusations de notre adversaire, Satan. Il y a des années, j’ai eu H.A. Ironside comme professeur. Il nous considérait toujours comme des jeunes gentlemen. Lorsqu’il abordait Apocalypse 12:10, il avait coutume de dire: «Jeunes gentlemen, Satan est l’accusateur des frères. Laissons-lui ce sale travail.» Satan est aussi le tentateur (Matthieu 4:3; 1 Thessaloniciens 3:5). La tentation a été son fort depuis sa première rencontre avec les êtres humains (Genèse 3:1). Il a proposé à Eve d’accepter le plan contrefait qu’il lui proposait et qui n’exigeait pas la privation du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Il a proposé à Christ de recevoir la gloire qui lui était due sans passer par les souffrances de la croix. Il a incité Ananias à mentir en n’indiquant pas la somme totale que la vente de son champ lui avait rapporté (Actes 5:3). Il tente les chrétiens par l’immoralité (1 Corinthiens 7:5). Différents titres conférés à Satan soulignent la position qu’il occupe dans ce monde. Il est «le prince de ce monde» (Jean 12:31), «le dieu de ce siècle» (2 Corinthiens 4:4), «le prince de la puissance de l’air» (Ephésiens 2:2), «le prince de l’esprit qui agit maintenant dans les fils de la rébellion» (Ephésiens 2:2). Il séduit toute la terre (Apocalypse 12:9; 20:3). Il a sa
demeure dans l’air (l’équivalent des «lieux célestes« d’Ephésiens 6:12) et gouverne notre monde et notre siècle. Le monde (kosmos) désigne le système organisé de choses dans lequel l’humanité vit et se meut, et qui s’oppose à Dieu en le bannissant et en le contrefaisant. Le siècle (aiôn) présent (dont Satan est le dieu) correspond à «toute la masse de pensées, d’opinions, de maximes, de spéculations, d’espoirs, d’impulsions, de buts et d’aspirations présente à tout instant dans le monde, qu’il est impossible de saisir et de définir avec précision, mais qui constitue un pouvoir très réel et très efficace, aussi bien moral qu’immoral, l’atmosphère que nous inspirons à chaque instant de notre vie et que nous soufflons, tout cela est inclus dans l’aiôn, l’esprit subtil qui imprègne le cosmos, ou le monde des hommes aliénés de Dieu»66. Ce type de gouvernement qui s’exerce sur le monde et l’atmosphère dans laquelle nous baignons sont épouvantables et terrifiants. Heureusement, celui qui est en nous est plus grand que celui qui est dans le monde (1 Jean 4:4). Le nom Béelzébul s’applique à Satan en tant que chef des démons (Luc 11:15). Lorsque les adversaires de Jésus l’ont accusé d’être à sa solde, ils se sont rendus coupables du pire blasphème qui soit. Paul se sert du nom «Bélial» pour désigner Satan (2 Corinthiens 6:15). Le nom signifie «absence de toute valeur» ou «méchanceté» et convient bien au caractère du diable. Les différents noms et désignations de Satan ne confirment pas seulement la réalité de son existence, ils révèlent aussi les multiples aspects de sa nature et de son œuvre. Le nom donne souvent des indications utiles sur l’arrière-plan de l’individu (Moïse = sauvé des eaux), sur son apparence (Esaü = roux), sur ses caractéristiques (Salomon = homme de paix) ou ses activités (Josué = sauveur). Il en va de même pour Satan: ses divers noms décrivent son arrière-plan (adversaire, accusateur, tentateur), son apparence (dragon, serpent), ses caractéristiques (menteur, meurtrier, prince) et ses activités (accusateur, tentateur). Il est une créature puissante, intelligente, rusée; nous ne devons jamais oublier ni sous-estimer la réalité de notre ennemi. 65 Voir T.H. Gaster, «Satan», dans The Interpreter’s Dictionary of the Bible, New York, Abingdon, 1976, 4:224-228. 66 R.C. Trench, Synonyms of the New Testament, Londres, Kegan Paul, 1886, p. 218.
23. La création et le péché de Satan I. La création de Satan A. Le moment de sa création Si Satan n’était pas un être créé, il devrait être éternel ou existant par lui-même, et l’on déboucherait sur un dualisme incompatible avec le monothéisme. L’Ecriture déclare que Dieu a créé toutes choses en Christ et que rien de ce qui existe n’a été créé sans lui (Jean 1:3; Colossiens 1:16-17). Toutefois, elle ne précise pas quand Satan a été créé. Si Ezéchiel 28:13 s’applique à lui et au jardin terrestre d’Eden, alors il a dû être créé avant que Dieu ne plante ce jardin (Genèse 2:8).
B. Les caractéristiques de sa création Beaucoup doutent qu’Ezéchiel 28:11-19 concerne Satan, mais si tel est bien le cas, ce passage fournit de nombreux détails précieux quant aux caractéristiques de la condition originelle de Satan lors de sa création. Tous les exégètes s’accordent à dire que les versets Ezéchiel 28:1-9 parlent du jugement qui va fondre sur Tyr et sur son prince. La question qui se pose est la suivante: les versets Ezéchiel 28:11-19 désignent-ils quelqu’un qui se profile derrière le prince humain de Tyr et cherchent-ils à révéler des vérités importantes à propos de quelqu’un d’autre ou de quelque chose d’autre? Qui peut désigner ce quelqu’un ou ce quelque chose appelé roi de Tyr? On a proposé les réponses suivantes: (a) un symbole tiré de la mythologie païenne; (b) un être primitif qui vécut dans le jardin d’Eden et en fut chassé à cause de son orgueil; (c) un être mythologique irréel présent dans la mythologie phénicienne, puis incorporé et considéré comme le roi de Tyr dans ce récit; (d) une personne idéale, quoique non réelle; (e) l’homme idéal, c’est-à-dire Adam, le premier homme de l’histoire, avec le même parcours que lui (les mêmes privilèges et le même péché); (f) le sinistre personnage de Satan; (g) l’Antichrist, le chef-d’œuvre de Satan. Les quatre premières opinions (a à d) sont incompatibles avec les principes de l’interprétation normale, car rien ne justifie l’introduction de la mythologie dans le texte. La cinquième suggestion (e), quoique possible, semble ne pas pouvoir cadrer entièrement avec la nature sinistre du personnage qui se cache derrière le roi de Tyr. Les deux dernières explications (f et g) peuvent se combiner: Satan est celui qui se profile derrière tous ces personnages, y compris derrière l’Antichrist, qui marque le point culminant de tous ceux en qui Satan aura habité tout au long de l’histoire. Il a fait sa demeure dans le roi de Tyr autrefois, et il fera sa demeure dans l’Antichrist un jour prochain. Cette prophétie peut parfaitement faire allusion à Satan, même si Ezéchiel prophétise
contre un prince historique précis qui a régné sur Tyr. La question est de savoir s’il ne visait qu’un prince humain ou s’il pensait aussi à un être plus grand, par exemple Satan. Le langage très imagé et hautement figuratif permet les deux conclusions. Ceux qui pensent que le prophète n’avait en vue qu’un chef humain estiment que le langage est conforme à la manière typique et exagérée d’autrefois pour parler d’un monarque oriental. Ceux qui discernent Satan derrière le roi de Tyr affirment que le texte contient trop de superlatifs et d’images pour pouvoir s’appliquer seulement à un roi terrestre, quelle qu’ait pu être sa splendeur. Il semble difficile, par exemple, d’appliquer les versets Ezéchiel 28:14, 15 à un roi terrestre, quel qu’il soit.67 Il ne serait évidemment pas inhabituel qu’un passage prophétique s’applique à la fois à un personnage local et à un autre qui l’accomplit plus complètement. C’est vrai d’un certain nombre de textes qui concernent simultanément le roi David et le Seigneur Jésus-Christ. C’est aussi le cas du prince du royaume de Perse, dans Daniel 10:13, qui renvoie aussi à un être surhumain lié au royaume de Perse. Affirmer qu’Ezéchiel fait allusion à un roi de Tyr qui régnait à l’époque et à Satan, ce n’est pas tirer une conclusion basée sur une interprétation exceptionnelle. Il semble même que ce soit la conclusion qui s’impose! Le roi historique de Tyr n’était qu’un instrument de Satan, peut-être était-il même habité par lui. En décrivant ce roi, Ezéchiel soulève un coin du voile cachant le personnage surhumain qui, s’il ne demeurait pas en lui, le manipulait. En supposant que l’auteur décrit bien Satan dans ces versets, que pouvons-nous apprendre de ce qui le caractérisait lors de sa création? Ce passage laisse clairement entendre que Satan détenait des privilèges uniques, qu’il était le sommet de la création de Dieu et qu’il occupait une position tout à fait particulière dans l’univers. 1. Satan possédait une sagesse et une beauté incomparables (Ezéchiel 28:12). Satan se tenait au firmament des créatures de Dieu, plein de sagesse et parfait en beauté. 2. Satan habitait un lieu incomparable (Ezéchiel 28:13). Il peut s’agir d’un Eden céleste ou de l’Eden terrestre. Dans les deux cas, c’était avant l’introduction du péché. L’endroit était unique. 3. Satan était vêtu de façon incomparable (Ezéchiel 28:13). La description éblouissante de ses vêtements révèle quelque chose de la gloire qui reposait sur lui. 4. Satan remplissait une fonction incomparable (Ezéchiel 28:14). Il appartenait à l’ordre des créatures angéliques connues sous le nom de chérubins. Ces êtres étaient affectés à la protection de la sainteté de Dieu (Genèse 3:24), associés à son trône (Ezéchiel 1:5), et se tenaient donc en sa présence. Satan se trouvait sur la sainte montagne de Dieu et marchait au milieu des pierres étincelantes, c’est-à-dire devant la présence de Dieu lui-même. Satan était apparemment le gardien suprême de la sainteté et de la majesté divines.
5. Satan possédait une perfection incomparable (Ezéchiel 28:15). Il était parfait dans le sens qu’il était parfaitement sain et possédait une totale intégrité morale. Comme Ezéchiel 28:13, Ezéchiel 28:15 rappelle que Satan est un être créé et qu’à ce titre il devra un jour rendre des comptes devant son créateur. A tous égards, Satan était le sceau de la création de Dieu. Il s’est réveillé au premier instant de son existence, dans la beauté et la puissance parfaites de sa position élevée, environné de toute la magnificence dont Dieu l’avait paré. Il se voyait supérieur à tous les hôtes célestes en puissance, en sagesse et en beauté. Ce n’est que devant le trône de Dieu qu’il pouvait découvrir davantage que ce que lui-même possédait; il est d’ailleurs possible que cela n’ait pas été pleinement visible à ses yeux de créature… Avant sa chute, Satan a pu en quelque sorte faire fonction de premier ministre aux ordres de Dieu, gouvernant peut-être l’univers entier, mais certainement ce monde.68
II. Le péché de Satan A. L’origine du péché de Satan «L’iniquité a été trouvée chez toi» (Ezéchiel 28:15). Nous avons ici le seul verset de la Bible qui indique exactement l’origine du péché. Les caractéristiques particulières du péché de Satan sont précisées ailleurs, mais son origine n’est spécifiée qu’ici. Barnhouse le définit comme «une génération spontanée au plus profond de cet être en qui se combinait une telle splendeur de puissance et de beauté et auquel Dieu avait conféré une telle autorité et autant de privilèges»69. Ce péché était certainement inclus dans le plan éternel de Dieu. Pourtant, Dieu n’endosse jamais la moindre responsabilité de quelque péché commis que ce soit. Il n’est pas responsable du péché de Satan. J.O. Buswell livre des propos prudents en la matière: D’après la Bible, le péché trouve son origine dans un acte de libre arbitre par lequel la créature a délibérément choisi, de façon responsable et en connaissant les conséquences de son acte, de corrompre la nature sainte de piété dont Dieu avait revêtu sa création… C’est à juste titre que Dieu est en colère contre tout péché… Le rejet du libre arbitre semble n’être dû qu’à un dogmatisme philosophique purement arbitraire, contraire à l’enseignement de la Bible. Si Dieu est légitimement irrité contre le péché, il s’ensuit que le pécheur mérite d’être blâmé du point de vue cosmique, de façon ultime et absolue… Le péché doit être inclus dans les décrets éternels de Dieu, sans
pour autant que celui-ci en soit l’auteur… Dans les décrets divins figure la permission de choses dont Dieu n’est pas l’auteur. Cela n’a rien à voir avec la simple acceptation de l’inévitable.70 Le péché a été trouvé en Satan; pourtant, celui-ci avait été créé parfait. On ne peut donc pas reprocher à Dieu ce péché, même s’il était inclus dans son plan.
B. La nature du péché de Satan Le Nouveau Testament assimile le péché caractéristique de Satan à l’arrogance, la vanité ou l’orgueil dont il s’enfle (1 Timothée 3:6). Il est comparé à la suffisance dont le nouveau converti peut faire preuve lorsqu’il est prématurément poussé en avant ou qu’il propose luimême ses services trop tôt et commence à s’attribuer la gloire qui revient à Dieu. Ezéchiel 28:16 attribue la chute de Satan à l’importance de son commerce. Autrement dit, Satan a profité de sa position pour en tirer des avantages personnels, pour asservir ses activités à sa propre promotion. Esaïe livre d’autres détails sur le péché de Satan (Esaïe 14:12-17). Comme dans le cas d’Ezéchiel 28:11-19, on peut se demander si le prophète vise Satan. (1) Certains considèrent le passage d’Esaïe comme s’appliquant à la chute du roi de Babylone, mentionnée au verset Esaïe 14:4. (2) Pour d’autres, ce passage ne décrit que la chute de Satan. (3) Pour ceux qui privilégient ces deux premiers points de vue, la chute du roi de Babylone ou de Satan peut aussi préfigurer celle de l’Antichrist à venir. (4) Il est vraisemblable que la vérité englobe ces différentes explications, à savoir que la chute du roi de Babylone soit l’antitype de la chute antérieure de Satan, et le type71 de la chute future de l’Antichrist. Delitzsch le dit de façon concise: «Le prophète jette un coup d’œil rétrospectif sur l’autodéification du roi de Babylone, lequel représente l’antitype du diable et le type de l’Antichrist.»72 Le passage d’Esaïe transcende tout ce qu’on pourrait dire d’un roi terrestre; depuis les temps les plus reculés, il a été compris comme renvoyant aussi à la chute de Satan, décrite en Luc 10:18. Satan est appelé «astre brillant» dans Esaïe 14:12. L’équivalent latin de cette expression est Lucifer, qui est devenu un nom de Satan. L’attribution de cette appellation à Satan donne une indication de la nature fondamentale de son complot contre Dieu: comme la même expression est appliquée à Christ dans Apocalypse 22:16, la Bible nous avertit que le plan de Satan est de contrefaire le plan de Dieu; c’est ce que le diable a toujours fait et continue de faire. Les détails de son plan ressortent des verbes au futur dans Esaïe 14:1314. 1. Je monterai au ciel. En tant que protecteur de la sainteté de Dieu, Satan avait accès au ciel, mais sa déclaration exprime un désir d’occuper le ciel et de s’y établir sur une base
d’égalité avec Dieu. 2. J’élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu. Le sens de cette phrase dépend de celui du terme «étoiles». Si ce mot désigne les anges (Job 38:7; Jude 13; Apocalypse 12:3-4), alors Satan veut régner sur tous les anges. En revanche, si le vocable désigne les corps lumineux célestes, alors le diable ambitionne de régner dans les cieux. 3. Je m’assiérai sur la montagne de l’assemblée, à l’extrémité du septentrion. Ce projet indique son ambition de gouverner l’univers, comme les divinités babyloniennes étaient supposées le faire. 4. Je monterai sur le sommet des nues. Satan aspirait à la gloire qui appartenait à Dieu seul (les nues sont souvent associées à la présence divine, cf. Exode 16:10; Esaïe 19:1). 5. Je serai semblable au Très-Haut. La contrefaçon est claire comme de l’eau de roche: Satan désire être comme Dieu, et non différent de lui. Le nom Elyon attribué à Dieu souligne sa force et sa souveraineté (Genèse 14:18). Satan voudrait acquérir la même puissance que Dieu, exercer l’autorité et la mainmise sur ce monde. Or ce sont des prérogatives qui n’appartiennent en droit qu’à Dieu seul. Son péché est d’avoir défié en face le pouvoir et l’autorité divines. Le péché de Satan est d’autant plus horrible qu’il possédait de grands privilèges et une vive intelligence et qu’il occupait une position de choix. Son péché a été très dévastateur dans ses effets. Il a touché d’autres anges (Apocalypse 12:7) et tous les êtres humains (Ephésiens 2:2), et a fait de lui le prince de ce monde, sur lequel il s’appuie pour instaurer son royaume et ainsi contrefaire celui de Dieu (Jean 16:11); il touche tous les peuples de ce monde, car il agit pour les séduire (Apocalypse 20:3). Tout péché est grave, et tout péché a des répercussions sur les autres. Mais le péché commis en haut lieu est plus grave, et ses prolongements plus vastes et plus étendus. Le péché de Satan devrait constamment nous servir de rappel et d’avertissement. 67 Pour une discussion plus complète, voir Charles L. Feinberg, The Prophecy of Ezekiel, Chicago, Moody, 1969, pp. 158-163. 68 Donald Grey Barnhouse, The Invisible War, Grand Rapids, Zondervan, 1965, pp. 26-27. 69 Ibid., p. 30. 70 J. Oliver Buswell, «The Origin and Nature of Sin», Basic Christian Doctrines, Carl F.H. Henry, éditeur, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1962, pp. 107-109. 71 Le type est la figure préparatoire qui annonce l’antitype. L’antitype est la forme réalisée de ce qui est préfiguré par le type. (N.d.E.) 72 Franz Delitzsch, Biblical Commentary on the Prophecies of Isaiah, Edimbourg, T. & T. Clark, 1875, 1:312.
24. Les activités de Satan La variété des noms attribués à Satan laisse penser qu’il peut s’attaquer à ses adversaires de plusieurs manières. Entre la férocité du dragon (Apocalypse 12:3) et l’attrait de l’ange de lumière (2 Corinthiens 11:14), il adapte sa stratégie à la personne et aux circonstances qu’il rencontre. Il a ses manières favorites d’agir, mais il est prêt à rencontrer les êtres là où ils sont et à mettre en œuvre les moyens adéquats pour les vaincre dans leur situation particulière. Bien que n’étant pas omniscient, il a pu observer beaucoup d’humains qui se trouvaient dans la même situation que nous, et il peut donc prédire avec beaucoup d’exactitude la tactique qui a le plus de chances de nous vaincre.
I. En relation avec Christ Peu après la chute d’Adam et Eve dans le péché, Dieu a annoncé l’animosité qui régnerait entre Satan et Christ: Genèse 3:15 prédit l’inimitié entre la descendance spirituelle de Satan et la famille de Dieu. Un membre de la postérité de la femme (Christ) portera un coup fatal à Satan (écrasera sa tête) alors que celui-ci blessera son talon (un coup non fatal, mais qui entraînera de grandes souffrances). Cet échange de coups a eu lieu à la croix. Lorsque le Seigneur est venu sur la terre, Satan a déployé tous ses efforts pour contrer sa mission: mourir pour expier les péchés du monde. Il ne fait aucun doute que la décision prise par Hérode de mettre à mort tous les enfants de Bethléhem âgés de moins de deux ans était d’inspiration satanique (Matthieu 2:16). Christ a déclaré lui-même, plus tard, que Pierre avait épousé le plan de Satan en rejetant l’idée qu’il devait mourir à Jérusalem (Matthieu 16:21-23). Le tranchant de la réprimande de Christ souligne le fait que son objectif central en venant sur la terre était de mourir. Quand Judas était sur le point de livrer Jésus, Satan est entré en lui (Jean 13:27). Mais c’est la tentation du Seigneur qui marque l’assaut principal et le plus direct de Satan contre le Seigneur (Matthieu 4:1-11). Le mot «tentation» ou «test» comprend deux idées: mettre à l’épreuve et inciter au mal. On retrouve ces deux aspects dans la tentation de Christ. Par le refus de Jésus de céder aux sollicitations de Satan qui l’invitaient à commettre le mal, Dieu prouvait que Christ était indemne de péché. Dieu et Satan étaient tous deux concernés par cette mise à l’épreuve. C’est l’Esprit qui a poussé Jésus dans un lieu désert pour y être tenté par le diable. Pendant quarante jours, Satan a tenté le Seigneur de plusieurs manières (Luc 4:2), et pendant toute cette période, Jésus a jeûné. Cette discipline l’a rendu plus sensible à toutes les formes de tentation, et plus spécialement aux trois attaques que Satan a lancées contre lui à la fin des quarante jours. Ces trois tentations incluent tous les domaines dans lesquels nous pouvons être tentés: la convoitise de la
chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie (1 Jean 2:16). Ces mises à l’épreuve convenaient particulièrement au Dieu-homme. Seul lui pouvait changer les pierres en pain, pas nous. Lui seul pouvait sauter du pinacle du temple et toucher terre sans se blesser, pas nous. Lui seul pouvait revendiquer la possession de tous les royaumes de la terre, pas nous. La tentation de Christ avait pour but de démontrer qu’il était apte à être le Sauveur exempt de péché. Satan s’est efforcé de faire dévier le Seigneur du sentier qu’il était venu emprunter et du but qu’il s’était fixé en venant dans le monde; le diable cherchait aussi à le rendre indépendant de Dieu et de son plan en lui offrant une gloire sans souffrance. Le Seigneur aurait ainsi pu s’épargner sa mort substitutive. En somme, Satan a essayé de faire tomber Jésus dans l’indépendance (Matthieu 4:3-4), dans une vie de plaisirs (Matthieu 4:57) et dans l’idolâtrie (Matthieu 4:8-10). Il est indéniable que, dans l’esprit de Satan, Christ était bien le libérateur promis. Mais il voulait que le Seigneur affirme son indépendance vis-à-vis du Père en transformant les pierres en pain. Tout comme la manne dans le désert était venue de Dieu, ainsi Christ attendait du Père la nourriture dont il avait besoin et s’en remettait à son temps et à sa manière de le lui donner. En changeant les pierres en pain, il aurait affirmé son indépendance vis-à-vis de la volonté de son Père. «Même s’il avait faim et qu’il aurait été normal qu’il mange, il ne voulut pas le faire indépendamment de la volonté du Père. Satan n’avait pas tenté de l’éloigner du pain spirituel, mais du Père, et l’avait incité à faire du pain au sens littéral, un pain obtenu indépendamment de la volonté du Père.»73 Satan continue, aujourd’hui encore, d’inciter les disciples de Christ à prendre eux-mêmes les choses en main plutôt que de s’en remettre à la volonté du Père. Se jeter du sommet du temple pour atterrir 150 ou 200 mètres dans la vallée en contrebas sans la moindre égratignure aurait certainement constitué un signe fort de la messianité du Seigneur. Mais en agissant ainsi, il aurait pris un raccourci et fait preuve d’un manque de foi. La témérité, les signes ou la présomption ne remplacent jamais la foi constante, et Satan se délecte de voir les chrétiens rechercher cette voie du spectaculaire. Satan a provisoirement reçu l’autorité sur ce monde (kosmos), mais en fin de compte, c’est Christ qui le gouvernera. Satan avait donc le droit d’offrir au Seigneur tous les royaumes de la terre, mais si Christ les avait acceptés, il aurait amputé le plan de Dieu et supprimé l’œuvre expiatoire qui passait par sa mort. Satan continue de nous tenter par ce qui est visible et immédiat. Comme il n’a pas réussi à empêcher la croix, Satan attaque l’Evangile, les disciples de Christ et tout ce qui subsiste du plan de Dieu pour ce monde.
II. En relation avec Dieu La tactique principale dont Satan se sert pour attaquer Dieu et son programme en général consiste à proposer une contrefaçon du royaume et du programme divins. Cette manœuvre se discerne dès l’origine, dès le moment où Satan a péché en voulant se rendre semblable à Dieu. On assiste à la première contrefaçon proposée à l’humanité lorsque Satan propose à Eve de devenir l’égale de Dieu grâce à la connaissance du bien et du mal (Genèse 3:5). La tentation de Christ procédait elle aussi d’un désir de contrefaçon. La contrefaçon ressemble le plus possible à l’authentique, à quelques détails fondamentaux près. Satan offrait donc au Seigneur de recevoir la gloire qui lui revenait sans passer par l’élément essentiel: sa mort. Satan propose aujourd’hui une forme de piété qui en renie la force (2 Timothée 3:5). Pour y parvenir, il déguise ses serviteurs en ministres de la justice (2 Corinthiens 11:15). Il favorise le développement d’un système doctrinal propagé par des démons qui se servent des humains pour promouvoir un faux ascétisme ou une vie de débauche (1 Timothée 4:1-3; Apocalypse 2:24). La contrefaçon ultime sera l’apparition de l’Antichrist, dont les activités seront tout à fait conformes à la volonté de Satan et qui répandra le mensonge dans l’humanité (2 Thessaloniciens 2:9-11).
III. En relation avec les nations En ce qui concerne les nations, la principale activité de Satan consiste à les séduire (Apocalypse 20:3). Comment? Apparemment en leur faisant croire qu’elles peuvent gouverner selon la justice et établir la paix dans le monde sans la présence et le règne de Christ. On se trouve de nouveau devant une contrefaçon. Il se sert visiblement des démons pour parvenir à ses fins (Daniel 10:13, 20) et peut utiliser les gouvernements pour freiner les progrès de l’Evangile (1 Thessaloniciens 2:18). Au cours de la grande tribulation à venir, Satan séduira les nations pour qu’elles accueillent l’Antichrist comme leur sauveur. Il lui donnera son pouvoir, et le monde entier lui prêtera allégeance (Apocalypse 13:2-4). A la fin de cette tribulation, ses démons et lui inciteront les armées des nations à courir à leur perte à la bataille d’Harmaguédon (Apocalypse 16:1316). Selon ma compréhension des choses, pendant le règne de mille ans de Christ, Satan sera enchaîné, mais à la fin de cette période, il sera relâché et tentera de soulever le monde entier contre le règne de Christ. Après l’échec de cette insurrection, il sera jeté pour toujours dans l’étang de feu (Apocalypse 20:7-10).
IV. En relation avec les non-croyants Satan aveugle l’intelligence des non-croyants pour qu’ils n’acceptent pas l’Evangile (2 Corinthiens 4:4). Il le fait souvent en leur faisant croire qu’il existe de nombreux chemins qui mènent au ciel. C’est une nouvelle contrefaçon. Cette cécité frappe l’esprit des êtres humains. Les incroyants ont le sentiment de réfléchir et de raisonner, mais il faut une puissance supérieure à celle de Satan pour supprimer cet aveuglement. Le raisonnement et les arguments convaincants des hommes ont certes une valeur, mais seule la puissance de Dieu peut faire disparaître l’aveuglement causé par le diable. Il arrive aussi que, pour empêcher les hommes de croire, Satan vienne et ôte la Parole qu’ils ont entendue (Luc 8:12). Pour favoriser l’aveuglement spirituel, Satan utilise la religion contrefaite (mentionnée dans la section précédente). Il fait ainsi feu de tout bois, se servant notamment de l’ascétisme comme de la débauche, du théisme (le fait d’être théiste ne signifie pas forcément que l’on soit sauvé) comme de l’occultisme. Autrement dit, Satan s’appuie sur tous les aspects du système du monde qu’il dirige pour empêcher les hommes de réfléchir à ce qui pourrait les introduire dans le royaume de Dieu et d’agir en conséquence (Colossiens 1:13; 1 Jean 2:15-17).
V. En relation avec les croyants A. Satan, le tentateur De même qu’il a tenté le Seigneur, Satan tente les croyants. Son but est de leur faire commettre le mal. Dieu peut parfois se servir de lui pour éprouver la solidité de notre foi par notre résistance à la tentation. Les mises à l’épreuve peuvent poursuivre trois buts: (1) nous tester (1 Pierre 1:6-7); (2) nous enseigner une leçon (1 Pierre 4:12-13; cf. Hébreux 5:8); (3) augmenter notre amour pour Dieu (Jacques 1:12). Le seul but que se fixe Satan est de pousser le croyant au mal. Satan tente les croyants dans trois domaines au moins. Premièrement, il cherche à les assujettir aux pressions et aux structures de la société (1 Thessaloniciens 3:5). Rappelons que Paul avait été contraint de quitter Thessalonique après un mois à peine de ministère dans cette ville (Actes 17:5-10). En outre, Satan a utilisé une certaine forme de bannissement gouvernemental pour empêcher l’apôtre d’y revenir (1 Thessaloniciens 2:18). Il a donc envoyé là-bas Timothée, qui n’était pas frappé par cette interdiction de séjour, pour voir si les convertis n’avaient pas succombé aux tentations de Satan. De quelles tentations pouvait-il s’agir? Il était encore trop tôt pour que Paul puisse songer à une persécution ouverte des autorités romaines. Les tentations auxquelles étaient exposés les chrétiens
devaient donc plutôt être de nature non officielle, sociale et personnelle. Peut-être Satan incitait-il les chrétiens à revenir au style de vie qui était le leur avant leur conversion. Beaucoup de ces nouveaux chrétiens étaient d’origine païenne; à ce titre, Satan les tentait peut-être par l’orgueil de l’intellectualisme. Deuxièmement, Satan tente les chrétiens par l’égoïsme. L’histoire d’Ananias et Saphira en est une illustration classique. Ils avaient désiré conserver une partie du produit de la vente de leur champ tout en étant bien vus des autres chrétiens pour leur contribution financière. Pierre s’est rendu compte que Satan avait rempli leur cœur pour les inciter à mentir (Actes 5:1-11). Ils avaient le droit de posséder et de vendre un champ, ils n’étaient pas obligés de remettre toute la somme perçue de cette vente. Mais ils n’avaient pas le droit de faire semblant d’être généreux et d’entretenir en même temps leur égoïsme en conservant une partie du produit de la vente. Troisièmement, Satan pousse les croyants à l’immoralité (1 Corinthiens 7:5). Dieu a créé le mariage pour la satisfaction des besoins et des relations physiques légitimes, et il demande aux maris comme aux épouses d’assumer leurs responsabilités respectives et mutuelles. Lorsqu’ils refusent de le faire, Satan saisit l’occasion pour inciter les croyants à commettre des péchés sexuels illicites ou pervertis.
B. Satan, l’adversaire En tant qu’adversaire, Satan accuse les croyants dans différents domaines et s’oppose à eux. Il s’oppose à ce que nous rendions témoignage à l’Evangile en nous troublant lorsqu’il sème l’ivraie parmi le blé (Matthieu 13:38-39), en ôtant la semence qui vient d’être semée (Marc
4:15),
en
dressant
les
autorités
gouvernementales
contre
les
croyants
(1 Thessaloniciens 2:18) ou encore en faisant emprisonner les chrétiens, comptant ainsi empêcher l’expansion de leur témoignage ou les apeurer pour qu’ils se taisent (Apocalypse 2:10). Satan met aussi en lumière nos péchés (Apocalypse 12:10). Il nous accuse devant Dieu quand nous péchons, croyant ainsi nous faire perdre notre salut. Mais Christ, notre avocat, défend notre cause et rappelle constamment au Père qu’il a payé pour tous nos péchés en mourant sur la croix (1 Jean 2:1-2). Enfin, Satan lutte contre le croyant en l’accablant de fardeaux qu’il est incapable de porter. Nous en avons deux exemples dans le Nouveau Testament. L’un concerne le croyant mis sous discipline dans 1 Corinthiens 5. Il semble que la mesure disciplinaire qui lui avait été imposée ait porté ses fruits, et qu’il ait confessé son péché d’inceste. L’Eglise devait donc le réintégrer en son sein. Apparemment, certains étaient favorables à son retour dans l’assemblée, d’autres non. Paul exhorte l’Eglise à accueillir de nouveau le chrétien repentant, non seulement pour empêcher le développement de toute division parmi eux,
mais afin que cet homme ne soit pas accablé par une tristesse excessive. Il avait besoin de goûter au pardon de ses frères et sœurs (2 Corinthiens 2:5-11). Le refus de l’accueillir dans l’Eglise aurait laissé l’avantage à Satan. Le second exemple est celui des femmes devenues veuves à un jeune âge (1 Timothée 5:14-15). Paul les exhorte à se remarier, à avoir des enfants et à mener une vie utile, car quelques-unes avaient succombé à l’oisiveté, bavardaient à tort et à travers et faisaient ainsi le jeu de Satan. D’une manière générale, on peut dire que dans son rôle d’adversaire, le diable cherche à paralyser le témoignage du croyant. Pour y parvenir, il rôde comme un lion rugissant cherchant qui dévorer (1 Pierre 5:8). Le verbe «dévorer» est le même que celui qui décrit la manière dont la mer Rouge a englouti les Egyptiens lancés à la poursuite des Hébreux (Hébreux 11:29). Il dépeint de façon pittoresque le but ultime de Satan: anéantir complètement le témoignage et l’utilité du croyant. Comme je l’ai mentionné précédemment, le diable préfère certaines manières d’opérer à d’autres, mais il fera tout pour faire réussir ses plans et réaliser ses programmes. Rappelons-nous qu’il est puissant, qu’il a de l’expérience et qu’il peut compter sur des légions de démons pour l’aider. C’est pourquoi le chrétien ne peut lui tenir tête victorieusement qu’en s’appuyant sur la force et la puissance de Dieu qui demeure en lui. Nous aborderons dans un chapitre ultérieur d’autres moyens de défense dont le chrétien dispose. 73 S. Craig Glickman, Knowing Christ, Chicago, Moody, 1980, p. 41.
25. Le monde de Satan Comme déjà signalé, Satan est appelé à la fois «le dieu de ce siècle» (aiôn, 2 Corinthiens 4:4) et «le prince de ce monde» (kosmos, Jean 12:31). Ce chapitre étudiera les rapports de Satan et du chrétien avec le kosmos.
I. La signification du mot kosmos Le mot kosmos revient 185 fois dans le Nouveau Testament, dont 105 dans les écrits de Jean. Fondamentalement, il évoque un ornement ou de l’ordre; de ce point de vue-là, le cosmos s’oppose au chaos. Pierre emploie le terme dans le premier sens en 1 Pierre 3:3; il a donné le mot «cosmétique». L’univers, c’est-à-dire le ciel et la terre, est appelé kosmos parce qu’il est un ornement de relations harmonieuses (Actes 17:24). Le mot désigne aussi la terre habitée (Romains 1:8) ainsi que les gens qui y vivent (Jean 3:16; 12:19). Ce sont les habitants de la terre que Dieu aime et pour qui Christ est mort (Jean 3:16; 1 Jean 2:2). Mais le Nouveau Testament considère généralement le kosmos comme un système ordonné qui fonctionne indépendamment de Dieu. Ce concept d’un monde opposé à Christ est un sens nouveau que le mot acquiert dans le Nouveau Testament, par opposition à celui dont il est revêtu dans les écrits grecs, où il désigne toujours une réalité attrayante. B.F. Westcott résume son opinion ainsi: Il est facile de voir comment l’idée d’un tout ordonné relatif à l’homme et indépendant de l’homme a pu évoluer en un tout ordonné séparé de Dieu. L’homme déchu imprime sa marque sur l’ordre qui est sa sphère d’activité… Au lieu de rester la véritable expression de la volonté de Dieu dans les conditions de sa création, le monde devient son rival.74 La seule donnée qui manque à la déclaration de Westcott, c’est la position de Satan comme chef du système du monde. Toute définition du monde doit donc comporter trois facettes: l’idée d’un système ordonné, ses liens avec Satan, et la notion de son hostilité envers Dieu. Nous suggérons la définition suivante: le monde kosmos est le système organisé par Satan, instauré par lui et gouverné par lui, qui exclut Dieu et se pose en rival de Dieu.
II. Satan et le kosmos A. L’autorité de Satan sur le monde Les Ecritures enseignent clairement que Satan exerce l’autorité suprême sur le monde. Celle-ci s’inscrit évidemment dans le contexte du dessein souverain de Dieu et s’exerce
avec sa permission. L’usurpation de l’autorité par Satan sur le monde n’en est pas moins complète. Le Seigneur le reconnaît lorsqu’il décrit Satan comme le prince de ce monde (Jean 12:31; 16:11) et lorsqu’il ne conteste pas son pouvoir de lui donner tous les royaumes de la terre, lors de la tentation (Matthieu 4:8-9). L’apôtre Jean est sur la même longueur d’onde que Christ quand il écrit que le monde entier est sous la puissance du malin (1 Jean 5:19).
B. L’objectif de Satan dans le monde Le but de Satan est de créer un système qui se pose en rival du royaume de Dieu mais qui l’exclue. Il cherche à promouvoir un ordre contrefait. Fondamentalement, le monde est mauvais parce qu’il est indépendant de Dieu. Certes, on peut y découvrir de beaux éléments qui côtoient la grande quantité d’éléments mauvais, mais il est foncièrement mauvais parce qu’il est indépendant et rival de Dieu. Cette rivalité très nette se voit dans des versets comme Jacques 1:27, qui exhorte le croyant à se garder des souillures du monde, Jacques 4:4, qui présente l’amitié du monde comme équivalant à de l’hostilité envers Dieu, et 1 Jean 2:16 où l’apôtre déclare que tout ce qui est dans le monde ne vient pas du Père. Pour atteindre son objectif, Satan doit s’efforcer de rendre attrayantes les valeurs de son système sans Dieu. Il agit donc pour que les hommes s’accordent à eux-mêmes la priorité numéro un et considèrent l’ici et le maintenant comme ce qu’il y a de plus important. Quand l’apôtre Jean affirme que tout ce qui est dans le monde ne vient pas du Père, il prend soin de préciser ce qu’il entend par «tout» sous la forme de trois expressions épexégétiques (c’est-à-dire explicatives, 1 Jean 2:16). Elles soulignent toutes que le «moi» ou l’«ego» occupe la première place dans l’échelle des priorités. Satan pousse à la roue: «Satisfais la convoitise de la chair. Ne te prive pas des désirs démesurés de tes yeux, et cultive une attitude arrogante qui résulte de ta fierté à posséder des biens en grand nombre.» Cet égoïsme correspond bien à la philosophie dominante dans le monde; Satan en est l’auteur, lui qui l’a proposée dès le commencement de l’humanité. Satan cherche par ailleurs à focaliser l’attention des hommes sur le présent plutôt que sur l’éternité. Jean nous le rappelle en 1 Jean 2:17 où il déclare que le monde passe, mais que celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. Satan s’efforce donc d’atteindre ses buts en changeant l’ordre de nos priorités (moi d’abord) et notre perspective (ici et maintenant sont plus importants). En réalité, la vérité, c’est que Dieu vient en premier et que l’éternité l’emporte sur le présent.
III. Dieu et le kosmos
A. La fin programmée Dieu a déjà annoncé que le monde serait jugé et prendrait fin. Le système rebelle de Satan cessera. Nebucadnetsar a entrevu cette fin dans le songe dont Daniel lui a donné l’explication: la pierre (le royaume de Christ) a renversé la statue et rempli la terre entière (Daniel 2:34-35, 44). Cet événement est décrit en Apocalypse 17–19 et résumé en 1 Jean 2:17. Quand le Seigneur reviendra, le royaume de Satan cédera sa place au royaume de Christ qui régnera sur toute la terre. Il est important de noter que Christ remportera la victoire sur le terrain même que Satan avait occupé, c’est-à-dire la terre. Christ triomphera là où Satan a régné.
B. Permission et tolérance Entre-temps, Dieu permet à la rébellion de subsister et au monde de s’épanouir. Son plan laisse le mal se poursuivre, et grâce à sa patience, beaucoup viennent à la vérité (Romains 2:4).
IV. Le chrétien et le kosmos A. Séparation d’avec le monde Jacques écrit que la religion pure consiste à se préserver des souillures du monde (Jacques 1:27). Pierre applique l’expression «sans souillure» ou «sans tache» à Christ (1 Pierre 1:19). Pour le croyant, se séparer du monde signifie ressembler à Christ dans sa vie ici-bas, c’est-à-dire adopter la même perspective que lui, se conformer aux mêmes critères, poursuivre le même but (faire la volonté du Père) et accomplir les mêmes œuvres que le Seigneur lorsqu’il vivait parmi les hommes. C’est pouvoir dire qu’il fait toujours ce qui plaît au Père (Jean 8:29). Voilà ce qu’est la vraie séparation au sens biblique.
B. Insertion dans le monde Il va de soi que tout en étant séparé du cosmos, le croyant doit cependant y vivre. Nous sommes donc au contact de choses et de personnes mauvaises. La seule façon d’éviter ce contact serait de «sortir du monde» (1 Corinthiens 5:10). Paul ne recommande évidemment pas cette «séparation par le suicide»! Dans ces conditions, comment nouer des relations correctes avec le monde dans lequel nous sommes placés? Voici deux principes directeurs. (1) User sans abuser (1 Corinthiens 7:31). Cette formule lapidaire s’inscrit dans le contexte où Paul mentionne le mariage et le célibat, les larmes et les joies, la possession et la
privation de biens matériels. Il est légitime d’user de toutes ces choses, mais pas d’en abuser. Ne pas faire du mariage la priorité numéro un; ne pas vivre trop longtemps dans les larmes; ne pas se réjouir au point de perdre son sérieux; ne pas placer sa confiance dans les choses qu’on peut valablement acheter. L’attitude déconseillée, voire proscrite, reviendrait à abuser du monde. Il vaut mieux adopter un comportement détaché qui permet d’accepter ces biens mais aussi de s’en séparer facilement. (2) Jouir des biens de ce monde mais ne pas les aimer (1 Timothée 6:17; 1 Jean 2:15). Ces deux principes pourraient sembler contradictoires, mais ils ne le sont pas, puisqu’ils sont tous les deux clairement affirmés dans l’Ecriture. Nous pouvons jouir légitimement de tout ce que Dieu nous accorde dans ce monde, à condition de bien nous rendre compte que toutes choses ici-bas sont incertaines et que nous devons rester dépendants de Dieu, qu’il nous donne beaucoup ou peu (Philippiens 4:12; 1 Timothée 6:17). A quel moment la jouissance légitime devient-elle amour coupable? C’est impossible à dire d’une manière générale. Chaque croyant doit examiner ses propres circonstances particulières. Il est certain que si nous aimons quelque chose à tort, nous en faisons une idole. Une idole, c’est ce qui, à tout moment, s’intercale entre le croyant et son amour pour Dieu.
C. Un bagage pour vivre dans le monde Le croyant peut vivre victorieusement dans le monde de Satan par sa foi en Christ qui a luimême triomphé de l’Ennemi (1 Jean 5:4-5). Aucune condition n’est attachée à cette promesse. Chaque chrétien, néophyte ou expérimenté, possède la victoire simplement parce qu’il est croyant. La terminologie de Jean met en garde contre plusieurs erreurs. La proposition initiale de 1 Jean 5:4 montre que cette victoire n’est pas quelque chose qui s’ajoute au salut. En effet, quiconque «est né [gegennêmenon, temps parfait en grec qui indique une condition existante, résultat d’un acte accompli] de Dieu triomphe [nika, forme verbale au présent, qui indique une façon de vivre permanente] du monde». La seconde proposition, qui utilise le verbe à l’aoriste, nikêsasa (ayant triomphé), montre que la victoire d’aujourd’hui est basée sur celle d’hier, autrement dit que notre victoire découle de celle de Dieu. Finalement, Jean combat l’erreur qui prétend qu’une foi abstraite (c’est-à-dire sans un objet correct) serait efficace… La foi qui triomphe implique la foi en Jésus (l’homme), le Fils de Dieu.75 Cette victoire implique que le chrétien adopte certaines habitudes et moyens de défense, qu’il déploie certaines activités, mais c’est sa foi en Jésus qui fait de lui un croyant et donc
un vainqueur. Cette foi est suffisante pour mener une vie semblable à celle de Christ dans le cosmos satanique. 74 B.F. Westcott, The Gospel According to St. John, Londres, John Murray, 1908, 1:64-65. 75 W. Robert Cook, The Theology of John, Chicago, Moody, 1979, p. 115n.
Section VI Les démons: esprits impurs
26. Les démons: des êtres réels? On a assisté au vingtième siècle à un changement radical d’attitude vis-à-vis des démons. Dans la première partie du siècle, l’homme niait généralement leur existence; dans la deuxième
partie,
leur
réalité
était
spontanément
et
universellement
reconnue.
L’augmentation du nombre de médiums et d’astrologues ainsi que le développement des ventes d’objets magiques et de porte-bonheur (y compris de revues spécialisées) ont indiscutablement
contribué
à
ce
changement.
Des
films
et
des
livres
traitant
d’extraterrestres ont créé un climat plus favorable à la croyance dans le caractère bien réel des démons.
I. Le témoignage de l’Ecriture L’Ecriture atteste sans le moindre doute de la réalité du monde démoniaque, même si tous ceux qui professent la foi chrétienne ne considèrent pas comme valables les preuves avancées. Notons que pour esquiver la force de quelques enseignements scripturaires, certains font la pirouette suivante: «Les démons survivent souvent comme objets de discours (par exemple les lutins) longtemps après avoir cessé d’être des objets de croyance. Il s’ensuit que la mention du nom d’un démon dans un texte biblique n’est pas automatiquement le témoignage d’une croyance réelle en son existence.»76
A. Le témoignage de Christ Au cours de son ministère terrestre, le Seigneur a plusieurs fois eu l’occasion de chasser des démons qui avaient pris possession de diverses personnes. Ces exemples confirment évidemment qu’il croyait en leur existence réelle (Matthieu 12:22-29; 15:22-28; 17:14-20; Marc 5:1-16). Il conféra aussi à ses disciples le pouvoir de chasser les démons. Et contrairement à ce que certains prétendent, il ne l’a pas fait par condescendance pour leur foi prétendument naïve en leur existence (Matthieu 10:1). Jamais le Seigneur n’a reproché à quelqu’un sa croyance en l’existence des démons (Luc 10:17), alors qu’il n’hésitait pas à reprendre tel ou tel pour sa théologie erronée. Si nous n’acceptons pas le témoignage du Seigneur, nous sommes alors obligés de conclure: (a) qu’il a menti, (b) qu’il adaptait son enseignement aux croyances erronées de son public (ce qui le rend coupable d’avoir propagé l’erreur), ou (c) que ce sont les auteurs néotestamentaires qui ont ajouté les parties relatives à ses enseignements sur les démons.
B. Le témoignage des autres parties du Nouveau
Testament A l’exception de l’auteur de la lettre aux Hébreux, tous les autres auteurs du Nouveau Testament mentionnent les démons plus d’une centaine de fois. Voir par exemple 1 Corinthiens 10:20-21; Jacques 2:19; Apocalypse 9:20. Tous ces passages utilisent le terme daimonion. D’autres textes qui parlent des démons se servent des mots «anges» et «esprits». Remarquons encore que les démons sont mentionnés dans le premier écrit, du point de vue chronologique, du Nouveau Testament (Jacques) et dans le dernier (Apocalypse).
C. Le témoignage de l’Ancien Testament L’Ancien Testament fait bien moins souvent que le Nouveau allusion aux démons. Les schedim dont parlent Deutéronome 32:17 et Psaume 106:37 étaient des idoles que les Hébreux considéraient comme les symboles visibles de démons. Les seirim, mentionnés dans Lévitique 17:7; 2 Chroniques 11:15; Esaïe 13:21; 34:14, désignaient aussi des démons. Nier l’existence des démons, c’est ne pas tenir compte de la vérité enseignée dans de nombreux passages de l’Ecriture ou la nier.
II. L’origine des démons Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer l’origine des démons.
A. Les esprits des défunts mauvais Cette conception semble tirer son origine d’une ancienne croyance grecque qui voyait dans les démons les esprits désincarnés de personnes décédées, et plus particulièrement de celles qui avaient été mauvaises pendant leur vie. Cette idée n’a évidemment aucun appui biblique; en effet, la Bible situe les défunts non sauvés dans un lieu de tourments et les présente comme incapables de venir errer sur la terre (Psaume 9:18; Luc 16:23; Apocalypse 20:13).
B. Les esprits désincarnés d’une race pré-adamique Pour les tenants de cette thèse77, Satan aurait gouverné une terre parfaite peuplée d’une race pré-adamique. Lorsqu’il pécha contre Dieu, il entraîna cette race dans sa rébellion. Les gens furent dépouillés de leur corps et devinrent des esprits désincarnés ou démons. Cette conception établit une distinction entre les anges, bons et mauvais, et les démons. Le fait que les démons cherchent à s’incarner tendrait à indiquer qu’il s’agit d’esprits désincarnés. Mais là encore, on ne trouve aucun texte biblique qui cautionne une telle idée; il n’y a dans
la Bible pas la moindre trace d’une race qui aurait vécu avant Adam. Le Seigneur lui-même a déclaré qu’Adam fut le premier homme (Matthieu 19:4), et l’Ecriture n’indique nulle part que les défunts seraient libres de revenir sur la terre.
C. Les enfants des unions décrites dans Genèse 6:1-4 Pour justifier cette thèse, il faut au préalable supposer deux choses: (a) que les fils de Dieu mentionnés en Genèse 6:1-4 sont des anges; (b) que la descendance engendrée n’était pas humaine. Il est possible que l’expression «les fils de Dieu» désigne des anges, mais il est peu probable que ces unions aient donné naissance à des démons. Dans cette conception des choses, ces unions auraient engendré des bâtards, mi-hommes, mi-anges (les nephilim ou géants mentionnés dans Genèse 6:4), qui auraient été détruits lors du déluge et dont les esprits désincarnés seraient devenus des démons.
D. Des anges déchus Les promoteurs de cette thèse affirment que les démons sont les anges qui se sont rebellés en prenant le parti de Satan. Plusieurs arguments sont avancés en faveur de cette idée. Satan est appelé le prince des démons (Matthieu 12:24); puisque leur chef est un ange, les démons doivent aussi être des anges, mais des anges déchus comme lui. Nous savons que Satan peut s’appuyer sur une hiérarchie angélique pour accomplir ses desseins. Nous connaissons deux niveaux de cette hiérarchie: les dominations et les autorités, qui font le pendant aux deux classes d’anges restés fidèles, les dominations et les autorités (Ephésiens 3:10; 6:12). Cela donne à penser que ce sont des êtres de même type qui occupent ces positions, et par conséquent que les démons sont bien des anges déchus. En plusieurs endroits de la Bible, les démons sont appelés «esprits» (mais des esprits impurs), ce qui les relie au monde spirituel des anges, et non à celui des humains. Ainsi, le démon de Matthieu 17:18 est présenté comme un esprit impur dans le récit parallèle de Marc 9:25. On retrouve cette même équivalence entre démon et esprit dans Luc 10:17-20. De plus, il est dit en Matthieu 8:16 que le Seigneur guérit plusieurs démoniaques en chassant les esprits impurs. Reconnaissons-le cependant, nulle part l’Ecriture n’affirme que les démons sont des anges déchus. Les arguments que nous venons de citer semblent toutefois conduire à la conclusion qu’ils le sont bel et bien.
III. L’enchaînement de certains anges déchus Les Ecritures enseignent clairement qu’il existe deux groupes d’anges déchus: certains anges ont toute liberté d’accomplir les plans de Satan, les autres sont enchaînés. Parmi ces
derniers, les uns le sont de façon temporaire, les autres de façon définitive dans le Tartare (selon le terme grec utilisé en 2 Pierre 2:4; cf. Jude 6). Les Grecs considéraient le Tartare comme un lieu de châtiment pire que l’Hadès. Ceux qui sont temporairement enchaînés le sont dans l’abîme (Luc 8:31; Apocalypse 9:1-3, 11); certains d’entre eux y sont en attendant le jugement final, tandis que d’autres seront relâchés pour agir sur la terre (Apocalypse 9:13, 11, 14; 16:14). Pourquoi certains se trouvent-ils dans le Tartare? Si c’est le résultat de leur péché initial de révolte avec Satan, pourquoi tous les anges déchus n’y sont-ils pas? Et pourquoi Satan ne s’y trouve-t-il pas? L’enchaînement dans le Tartare doit sanctionner un péché autre que la révolte originelle, un péché unique. Certains pensent qu’il s’agit du péché contre nature de Genèse 6:2-4 commis par certains des anges déchus (appelés «fils de Dieu» dans ce passage). Bien que les anges ne se reproduisent pas selon leur espèce, c’est-à-dire qu’ils n’engendrent pas de bébés anges, il se peut qu’ils aient eu la permission en cette occasion de s’unir à des femmes humaines pour donner une descendance humaine. Mais la nature exceptionnelle de cette permission, qui est contraire à tout ce que nous savons concernant les anges et le mariage, constitue le point faible de cette thèse. Si une telle union fut permise en cette seule occasion, elle souligne le caractère unique de ce péché monstrueux qui entraîna l’enchaînement définitif des anges coupables dans la prison du Tartare. Les partenaires humains de ces unions périrent évidemment dans le déluge. Mais l’expression «fils de Dieu» dans le passage de Genèse 6:2-4 est susceptible d’autres interprétations. Elle peut désigner (a) la lignée pieuse de Seth, qui s’unit aux femmes de la lignée impie de Caïn; (b) les princes issus de Caïn. L’interprétation (a) présente une faiblesse: elle oblige à croire que les lignes saintes et impies demeurèrent distinctes jusqu’aux événements rapportés en Genèse 6. La faiblesse de l’explication (b) (défendue dans les targums araméens) réside dans l’absence de toute preuve relative à un système monarchique dans la lignée de Caïn à cette époque. Même si je penche personnellement pour la thèse d’anges déchus, je reconnais que nous sommes en face d’un problème d’interprétation que nous ne pouvons pas résoudre. Quels qu’en soient les auteurs, quelle était la nature exacte du péché commis? (1) S’il s’agit d’anges, leur faute était la cohabitation angélique avec des humains. (2) Si les fils de Dieu étaient des hommes, leur péché consistait à avoir conclu des unions sans prendre en compte leur condition spirituelle (s’il s’agit de descendants de Seth) ou leur condition royale (dans le cas de descendants royaux de Caïn). (3) C’était aussi le péché de polygamie, car Genèse 6:2 indique qu’ils prirent toutes les femmes qu’ils choisirent (cf. Genèse 4:9). Les enfants qui naquirent de ces unions furent des hommes forts et capables de grandes prouesses militaires (les nephilim vécurent sur terre probablement avant ces mariages, et
n’en furent donc pas la progéniture). Pour résumer l’existence, l’origine et l’enchaînement de certains anges déchus, on peut tracer le schéma suivant:
76 T.H. Gaster, «Demon», dans The Interpreter’s Dictionary of the Bible, New York, Abingdon, 1976, 1:818. 77 G.H. Pember, Earth’s Earliest Ages, New York, Revell, vers 1900, pp. 72-73.
27. Que sont les démons? Puisque les démons appartiennent à la même catégorie d’êtres que les anges et Satan, toutes ces créatures ont beaucoup de choses en commun.
I. Leur nature personnelle A. D’authentiques personnes Les démons ne sont pas des forces ni des concepts qui n’existeraient que dans notre esprit, ils existent bel et bien. Leur réalité ne dépend pas de l’existence et de la capacité des êtres humains à les imaginer. 1. L’intelligence. Ils possèdent une intelligence, savaient qui était le Seigneur lors de sa vie sur terre (Marc 1:24) et connaissent leur propre sort final (Matthieu 8:29). Ils adhèrent au monothéisme (Jacques 2:19). 2. Les émotions. Ils sont capables d’émotions, surtout lorsqu’ils sont face à un jugement (Luc 8:28; Jacques 2:19). 3. La volonté. Ils peuvent faire connaître leur volonté (Luc 8:32). 4. La personnalité. Ce sont des pronoms personnels qui leur sont appliqués (Luc 8:27-30).
B. Des êtres spirituels Par opposition aux êtres de chair et de sang, les démons sont des êtres spirituels (Ephésiens 6:12). Ils sont cependant limités spatialement, car en tant que créatures, ils ne sont pas infinis comme Dieu. En général, ils sont invisibles aux regards humains, mais en certaines occasions, ils ont rendu leur présence apparente par divers moyens (Actes 19:15; Apocalypse 9:1-12; 16:13).
II. Leur nature intellectuelle Les démons font preuve d’une grande intelligence, comme on peut d’ailleurs s’y attendre de la part de créatures appartenant à un ordre aussi élevé. Ils savaient qui était Jésus (Marc 1:24). Ils connaissent le sort final qui les attend (Matthieu 8:29). Ils savent qu’il n’y a qu’un seul Dieu (Jacques 2:19). Ils conçoivent et développent des systèmes de doctrine (1 Timothée 4:1-3), une activité sans doute appelée à se développer à mesure que l’on s’approche de la fin des temps. L’intelligence peut s’améliorer grâce à l’expérience. Chaque démon existe depuis l’origine de l’humanité. Même s’ils n’ont pas tous pu observer tout ce qui s’est déroulé au cours de
l’histoire, leur longévité ajoute une dimension à leur intelligence innée. Ils ont observé les êtres humains dans pratiquement toutes les situations imaginables; c’est pourquoi ils peuvent prédire avec exactitude ce que les individus feront dans telle ou telle circonstance.
III. Leur nature immorale A. Dans leur être Les démons sont décrits comme des «esprits impurs» (Matthieu 10:1), des «esprits malins» (Luc 7:21), des «esprits de démons impurs» (Luc 4:33), les «esprits méchants dans les lieux célestes» (Ephésiens 6:12). Ces différentes expressions ne laissent planer aucun doute quant à la nature immorale des démons.
B. Dans leurs objectifs Est immoral tout ce qui n’est pas en accord avec le bien; encore faut-il définir ce bien en rapport avec la volonté de Dieu. Les activités immorales des démons incluent donc tout ce qui s’oppose à la volonté de Dieu. Voici quelques remarques d’une personne qui était très engagée dans le spiritisme. Les esprits que je rencontrais lors de mes séances étaient pour la plupart très moraux. Ils nous encourageaient à ne pas boire, à ne pas fumer et à ne rien faire qui puisse nuire à notre esprit ou à notre corps. Ils incitaient les pasteurs à prêcher la morale, les bonnes manières et l’esprit civique. Je connaissais des pasteurs qui recevaient des messages des esprits par l’intermédiaire de leurs secrétaires, et qui les délivraient du haut de la chaire! Les esprits parlaient souvent d’un Jésus éthique, mais jamais du Sauveur qui est mort en sacrifice pour expier le péché. J’ai été témoin des accents moraux et éthiques des séances de spiritisme qui se déroulaient chez nous, mais j’ai aussi assisté à des séances tenues ailleurs et où les esprits étaient blasphémateurs et sensuels.78 Les objectifs immoraux des démons les amènent à encourager les hommes à pratiquer l’immoralité qui saute d’emblée aux yeux comme mauvaise ainsi que l’immoralité qui paraît plus inoffensive, mais qui est néanmoins de l’immoralité parce que contraire à la volonté de Dieu. Cette tactique est en plein accord avec celle du diable et avec son désir de contrefaire ce qui est bien.
IV. Leurs pouvoirs
A. Leur force A certains moments, les démons font preuve d’une force surhumaine en se servant d’êtres humains. Le Gadarénien possédé d’un esprit impur était capable de briser les fers aux pieds et les chaînes qui le liaient (Marc 5:3). Un démon parvint à se rendre maître des fils de Scéva et à les maltraiter (Actes 19:16).
B. Leur intelligence J’ai déjà évoqué l’intelligence supérieure des démons, mais une question subsiste: connaissent-ils l’avenir? Ils peuvent évidemment comprendre le plan de Dieu pour l’avenir, puisqu’il est contenu dans la Bible. D’après Actes 16:16, peuvent-ils vraiment prédire l’avenir? Evidemment pas, car le verbe «deviner», qui n’apparaît qu’ici dans le Nouveau Testament, doit se comprendre dans un sens négatif, c’est-à-dire «qui prétendait deviner l’avenir». Lorsque la Septante l’emploie, c’est toujours en liaison avec les paroles des prophètes de mensonge ou de ceux qui pratiquent les arts magiques interdits par la loi.
C. Leur présence Les démons ne sont pas infinis; ils sont limités et ne sont que des créatures, mais des créatures surhumaines. Ils ne sont apparemment pas présents partout en même temps; ils ne connaissent cependant pas les mêmes barrières spatiales que les humains (Luc 8:30: une légion de démons avait élu domicile dans un homme). Le simple fait qu’ils peuvent pénétrer dans un corps humain ou animal montre qu’ils franchissent des barrières qui arrêtent les hommes. Le très grand nombre de démons peut faire croire qu’ils sont partout, mais tel n’est pas le cas. Satan se sert cependant de ce grand nombre pour tenter d’imposer son plan partout. Résumons. Les démons ne sont pas des êtres humains; ils ne sont pas Dieu non plus. Ce sont des êtres surhumains dotés d’une intelligence supérieure et de grands pouvoirs; de plus ils ont une vaste expérience. Nier l’existence des démons n’est pas faire preuve de scepticisme, c’est faire preuve d’une grande ignorance. Et manquer de réalisme quant à leur pouvoir, c’est se montrer bien téméraire. 78 Victor H. Ernest, I Talked with Spirits, Wheaton, Tyndale, 1970, p. 38.
28. Que font les démons? I. En rapport avec Satan Les démons agissent en général comme émissaires de Satan pour réaliser son plan, qui consiste à contrecarrer celui de Dieu. Bien que Satan connaisse les limitations d’une créature, les démons contribuent à étendre considérablement son champ d’action. Parfois, on peut même avoir l’impression qu’il est omniscient et omnipotent, ce qu’il n’est évidemment pas. Mais les démons prolongent si bien son action qu’on pourrait croire que c’est Satan lui-même qui accomplit tout (Ephésiens 6:11-12).
II. En rapport avec Dieu A. Ils s’opposent au plan de Dieu Ayant décidé de se révolter contre Dieu et de prendre le parti de Satan, les démons continuent de s’opposer aux desseins de Dieu dans ce monde (Daniel 10:10-14; Apocalypse 16:13-16).
B. Dieu peut les utiliser pour mener à bien ses desseins Il arrive que Dieu se serve des démons pour faire aboutir ses projets. Il envoya un mauvais esprit pour soulever les habitants de Sichem contre Abimélec (Juges 9:23). Il se servit d’un mauvais esprit pour infliger à Saül des troubles mentaux proches de la folie (1 Samuel 16:14). Il envoya un esprit de mensonge pour égarer tous les prophètes et donner de mauvais conseils à Achab (1 Rois 22:21-23). Il utilisa un démon pour affliger Paul afin qu’il ne s’enfle pas d’orgueil (2 Corinthiens 12:7). Comme les démons sont des créatures, ils ont des comptes à rendre à Dieu, qui peut les utiliser comme bon lui semble.
III. En rapport avec la religion A. Ils favorisent l’idolâtrie Dans leur opposition résolue à Dieu, les démons tentent activement de pousser les hommes à adorer des idoles. C’était vrai à l’époque de l’Ancien Testament (Lévitique 17:7; Deutéronome
32:17;
Psaume
106:36-38),
c’est
encore
vrai
aujourd’hui
(1 Corinthiens 10:20), et le culte des démons ira en se développant considérablement lors de la tribulation à venir (Apocalypse 9:20).
B. Ils favorisent une fausse religion 1. Ils présentent un sauveur sans valeur. Jean avertit ses lecteurs et les invite à éprouver les esprits, car les démons influencent les faux prophètes humains (1 Jean 4:1-4). L’affirmation de la réalité de l’incarnation était un test important de l’orthodoxie (quoique pas le seul); en effet, si Christ n’avait pas revêtu un corps humain, il n’aurait pas pu mourir et donc devenir notre Sauveur. Paul lui aussi dénonce les attaques contre l’incarnation dans ses enseignements sur les démons (1 Timothée 3:16-4:3). Si 1 Timothée 3:16 est un résumé de la vérité contenu dans ce qui semble être un hymne chrétien ancien, il laisse entendre que les démons ne s’en prenaient pas seulement à l’incarnation du Seigneur, mais aussi à l’historicité de sa résurrection et de son ascension. 2. Ils présentent un salut par les œuvres. C’est ce que Paul semble combattre en 1 Timothée 4:3-4. En promouvant l’ascétisme comme une bonne œuvre, les démons remplaçaient la grâce de Dieu par un programme d’œuvres en vue du salut. 3. Ils présentent une éthique libertine. Les «profondeurs de Satan» (Apocalypse 2:20-24), enseignées sans aucun doute par ses démons, voulaient faire croire aux hommes que le mal était bien.
IV. En rapport avec les nations Daniel 10:13 rapporte que le chef du royaume de Perse résista à l’ange fidèle venu apporter un message à Daniel. L’archange Micaël résista à son tour au chef, ce qui donne à penser que celui-ci était un démon puissant. Juste avant la bataille d’Harmaguédon, les démons interviendront pour inciter les chefs des nations à se préparer pour une grande campagne militaire (Apocalypse 16:13-16). Il semble qu’il y ait entre les anges et les démons une guerre qui a des répercussions sur les affaires des nations terrestres. Le grand projet de Satan est de séduire les nations; pour le mener à bien, il s’appuie sur les démons. Ce que cela signifie au niveau de la politique internationale confond l’imagination, car nous n’avons aucune raison de croire que les démons n’agissent pas aujourd’hui dans cette sphère.
V. En rapport avec les êtres humains A. Tourmenter Les démons sont capables d’infliger des maladies physiques (la mutité, Matthieu 9:33; la cécité et la mutité, Matthieu 12:22; l’humeur lunatique, Matthieu 17:15-18). Ils peuvent aussi être à l’origine de troubles mentaux (Marc 5:4-5; 9:22; Luc 8:27-29; 9:37-42) ou causer la
mort des hommes (Apocalypse 9:14-19). Il faut bien sûr se garder d’attribuer la cause de toutes les maladies physiques ou mentales à l’activité démoniaque; la Bible différencie bien les maladies naturelles de celles qui sont d’origine démoniaque (Matthieu 4:24; Marc 1:32, 34; Luc 7:21; 9:1).
B. Pervertir Le fait que les démons sont aussi qualifiés d’esprits «impurs» montre que, quoi qu’ils fassent, ils pervertissent ce qui est pur, noble et bien. Ils cherchent à pervertir les hommes en les éloignant du plan de Dieu pour leur faire adopter celui de Satan. Ils le font parfois en proposant aux hommes un système dénaturé de doctrine ou de conduite qui leur semble bon (1 Timothée 4:1-3). A d’autres moments, ils parviennent à leur but en encourageant le mal et des activités impures (Deutéronome 32:17; Psaume 106:37-39). L’immoralité des Cananéens semble avoir été imputable à l’activité démoniaque (Lévitique 18:6-30; Deutéronome 18:9-14).
C. Prendre possession 1. Définition de la possession. On appelle possession démoniaque le contrôle direct d’un individu par un ou plusieurs démons qui résident en lui. Tout le monde, aussi bien les croyants que les autres, subit l’influence de l’activité démoniaque et en est affecté à des degrés divers, mais tous ne sont pas possédés par des démons. Pour établir une analogie, l’influence démoniaque est à la possession démoniaque ce que la providence générale est aux miracles spéciaux. Les individus possédés ne peuvent s’affranchir tout seuls du contrôle démoniaque. Le terme «démoniaque» (ou «sous l’emprise d’un démon», Bible du Semeur) revient treize fois dans le Nouveau Testament, et uniquement dans les Evangiles (p. ex. Matthieu 4:24; 12:22; Marc 5:15-18; Luc 8:36; Jean 10:21). Le même phénomène est souligné par l’ordre «sors!» donné au démon et le résultat «le démon sortit» (Marc 1:2526; 9:25). Après la Pentecôte, seul le livre des Actes mentionne encore des cas de possession démoniaque et d’exorcisme (Actes 5:16; 8:7; 16:16-18; 19:12). Le don spirituel du discernement des esprits (1 Corinthiens 12:10) désigne très probablement la capacité de savoir si la révélation surnaturelle, lorsqu’elle était communiquée oralement, était d’origine divine ou démoniaque. Ce don ne concernait pas la possibilité de chasser les démons. 2. Caractéristiques de la possession. Les types de possession peuvent être aussi variés que les activités des démons, et aller de la possession à peine perceptible à la possession extrême accompagnée de comportements bizarres. Les cas de possession rapportés dans les récits des Evangiles ne font pas état de beaucoup de symptômes, mais ils mentionnent les
anomalies
physiques
suivantes:
la
mutité,
la
cécité
et
les
convulsions
(Matthieu 9:32; 12:22; Luc 9:39), des tendances à l’automutilation (Marc 5:5; Luc 9:42), la folie (on croyait en tout cas que les démons pouvaient en être la cause, Jean 10:20), une force surhumaine (Marc 5:3-4) et des pouvoirs occultes (Actes 16:16-18). Bien que les démons puissent provoquer ces infirmités et ces comportements chez les êtres humains, nous aurions tort de penser que toute maladie ou infirmité est leur œuvre. Luc, le médecin, distingue nettement les maladies d’origine démoniaque de celles qui ont des causes naturelles (Actes 5:16). Voici une description d’un cas de possession vaudou en Haïti: Le sujet entre dans ce qui ressemble à une transe (généralement après une longue suite de convulsions), au cours de laquelle l’un des démons entre dans son corps et le «chevauche». La personnalité humaine s’efface devant le surhumain; les caractéristiques humaines sont remplacées par celles de l’esprit (masculin ou féminin, bon ou mauvais, vieux ou jeune, rusé ou honnête); la gorge de l’être humain profère les paroles du démon, dont certaines sortent dans une langue totalement inintelligible. La possession peut durer des minutes, des heures, et même plusieurs jours. Pendant tout ce temps, la personne occupée par l’esprit se nourrit des aliments et des breuvages préférés de l’esprit (qu’un être humain non possédé ne pourrait pas consommer) et exécute ses distractions préférées. Au terme de cette crise, l’être humain ne se rappelle rien de son comportement en tant que divinité.79 3. Responsabilité humaine. L’Ecriture est très peu explicite sur ce point. Les avertissements nous invitant à être sur nos gardes et à résister aux attaques du diable donnent à penser que toute négligence à cet égard nous expose à la possibilité d’une prise de contrôle par Satan et ses démons. En cédant devant les assauts du diable, l’individu peut donc porter une certaine responsabilité dans ce qui peut aboutir à une possession démoniaque. Pourtant, le cas de l’enfant démoniaque depuis son enfance semble indiquer que le garçon n’était nullement responsable de sa condition (Marc 9:21), et Paul n’était certainement pas responsable de l’écharde dans sa chair; c’était Dieu qui se servait d’un démon pour l’affliger (2 Corinthiens 12:7). 4. Etendue de la possession. La possession démoniaque ne concerne-t-elle que les incroyants ou peut-elle également frapper les croyants? Autrement dit, un chrétien peut-il être sous l’emprise d’un démon de nos jours? Le raisonnement avancé contre toute possibilité pour le chrétien d’être possédé d’un démon repose sur la présence du Saint-Esprit en lui: puisque l’Esprit habite déjà dans le cœur du croyant, il serait impossible que Satan ou un démon y établissent aussi leur demeure. Le croyant ne pourrait être sous l’emprise simultanée de l’Esprit et de Satan. Mais à cela on peut rétorquer: L’Esprit et la chair ne cohabitent-ils pas
dans le chrétien (Galates 5:16-17)? Si l’on se réfugie derrière le fait que le vieil homme a déjà été jugé (Romains 6:6), sachons que Satan a lui aussi déjà été jugé (Jean 12:31). Par conséquent, si l’Esprit et la chair, le vieil homme et l’homme nouveau peuvent être simultanément présents dans le croyant, pourquoi l’Esprit et Satan (ou les démons) ne pourraient-ils pas se trouver simultanément en lui? Les versets cités à l’appui de l’idée d’une possible possession démoniaque des croyants sont
généralement
les
suivants:
1
Samuel
16:14;
Luc
13:11-16;
Actes
5:3;
1 Corinthiens 5:5; 2 Corinthiens 11:4; 12:7. Pourtant, un examen attentif de ces versets ne prouve pas que les croyants peuvent être sous l’emprise d’un démon. Il convient donc de formuler la question autrement: au lieu de nous demander si le croyant peut être démoniaque, cherchons à savoir si Satan ou les démons peuvent agir sur le chrétien aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. En d’autres termes, Satan peut-il lancer ses attaques contre le croyant de l’intérieur comme de l’extérieur de celui-ci? Le texte de 1 Samuel dit qu’un mauvais esprit tourmentait Saül, mais il ne précise pas d’où partaient ses attaques. Par ailleurs, nous ignorons quelles étaient les dispositions de Saül vis-à-vis de Dieu. Luc attribue l’infirmité d’une femme à un démon; or, Jésus qualifie cette femme de «fille d’Abraham». Certains s’appuient sur cet exemple pour affirmer qu’un démon peut prendre possession d’un enfant de Dieu. Reconnaissons toutefois que l’expression «fille d’Abraham» ne signifie pas forcément «croyante». Elle peut tout simplement indiquer que cette femme appartenait à Israël, le peuple élu de Dieu. En tout cas, elle n’était pas chrétienne au sens que ce terme a pris après la Pentecôte. Le frère coupable d’un grave péché dans 1 Corinthiens 5 avait été puni en étant livré à Satan (voir aussi 1 Timothée 1:20). Mais il est difficile de savoir si cette sanction impliquait que désormais Satan ou les démons pouvaient prendre possession de sa vie et agir de l’intérieur de sa personne, ou si ce chrétien avait simplement été privé de la communion fraternelle et de la protection de l’Eglise pour entrer dans le domaine de Satan. L’expression «un autre esprit» en 2 Corinthiens 11:4 ne désigne pas davantage un démon que l’expression «un autre Jésus» dans le même verset. Il s’agit d’un évangile différent, qui asservit. Le texte de 2 Corinthiens 12:7 ne précise pas le lieu d’où opérait l’ange de Satan (un démon) que Dieu envoya pour affliger Paul. L’expression «une écharde dans la chair», qui résulte de cette action satanique ne signifie nullement que le démon habitait en Paul. Actes 5:3 affirme clairement que Satan avait rempli le cœur d’Ananias pour l’inciter à mentir à l’Esprit. Le verbe «remplir» est le même que celui utilisé dans Ephésiens 5:18 à propos de la plénitude de l’Esprit. Comme rien ne nous permet de penser qu’Ananias n’était pas un croyant, nous avons là un exemple clair de la possibilité, pour Satan, de remplir le cœur d’un chrétien. Il n’est pas parlé de démons ici, mais il va de soi que si Satan a pu remplir le cœur d’un croyant, les démons auraient aussi pu le faire.
Quel poids accorder à cet exemple? Voici deux suggestions. Premièrement, rejetons les expressions «possession démoniaque» ou «emprise démoniaque» dans le cas de croyants. En effet, nous sommes alors enclins à y voir un parallèle avec la présence de l’Esprit, c’està-dire une habitation permanente. Or, ni Satan ni les démons ne peuvent demeurer en permanence dans le chrétien, ni avoir sur lui la victoire ultime, même s’ils peuvent l’assujettir et le contrôler un certain temps. Un croyant peut être livré à Satan pour la destruction de la chair, mais son esprit sera sauvé au jour du Seigneur Jésus (1 Corinthiens 5:5). Quoi que Satan ou les démons puissent faire contre le croyant, et qu’ils lancent leurs attaques contre lui de l’intérieur ou de l’extérieur de son être, leur emprise ne peut être permanente et éternelle. Jean affirme clairement que le malin ne peut «toucher» celui qui est né de Dieu (1 Jean 5:18). Le verbe «toucher» a ici le sens de nuire: Satan ne peut nuire au croyant. Jean utilise ce verbe une seule fois ailleurs (Jean 20:17); là, il ne signifie pas un contact superficiel, mais un geste fort qui consiste à saisir quelqu’un, à l’empoigner, à s’accrocher à lui. Satan ne peut jamais s’accrocher au croyant au point de lui faire du tort, car il appartient éternellement et irrévocablement à Dieu. Satan et les démons peuvent l’affliger et exercer un contrôle temporaire sur lui, mais jamais de façon permanente ou éternelle. Deuxièmement, le manque d’indications précises du Nouveau Testament quant à la base d’où les démons lancent leurs attaques contre les chrétiens et l’absence de commandements directs (après la Pentecôte) en matière d’exorcisme peuvent constituer des indices sur la manière dont nous devons nous y prendre pour combattre l’ennemi. Nous ne devons pas considérer l’exorcisme comme la principale façon de lutter contre les démons. Utilisons plutôt les armes normales dans notre guerre contre Satan et ses légions. Le chrétien doit faire face aux maux que lui inflige le démon de la même façon qu’il lutte contre les tentations ou les œuvres de la chair: s’examiner pour voir s’il y a en lui des domaines dans lesquels il s’oppose à la loi ou à la volonté de Dieu, confesser tout péché connu, s’appuyer sur la puissance de l’Esprit qui demeure en lui et qui est plus grand que Satan (1 Jean 4:4) et se revêtir de toutes les armes de Dieu (Ephésiens 6:13-18). Même si l’exorcisme se justifie dans certains cas extrêmes, l’exorciste ne peut empêcher les démons de revenir à l’attaque contre la même personne, car aucun être humain ne peut garantir être capable de lier les démons ou de les envoyer dans l’abîme. Paul rappelle que nous luttons toute notre vie contre les puissances des ténèbres. C’est pourquoi le chrétien doit être sur ses gardes (1 Pierre 5:8), se revêtir de toutes les armes de Dieu et mettre à profit tout ce qui contribue à une saine spiritualité (Romains 12:2; 2 Corinthiens 10:5; Philippiens 4:8). Un mot d’avertissement encore: les difficultés, les maladies physiques, les troubles psychiques, les péchés n’ont pas tous pour cause les démons. Certaines de ces choses ont des causes naturelles, d’autres résultent de la chair. Dans de tels cas, il ne sert
à rien de vouloir chasser les démons; en revanche, le chrétien a tout avantage à mener le bon combat de la foi. 79 Carter Harman, «The West Indies», Life World Library, New York, Time, Inc., 1963, pp. 53-54.
Section VII L’homme: à l’image de Dieu
29. L’évolution et les origines Aucun sujet n’est peut-être autant débattu aujourd’hui dans les nombreux forums que celui de l’origine de l’homme. La veille du jour où j’ai écrit ces mots, notre télévision locale a accordé plusieurs minutes de parole à deux créationnistes qui cherchaient à montrer que la découverte de quelques ossements humains rendait impossible la théorie de l’évolution naturelle. Les décisions des tribunaux à propos de l’enseignement du «créationnisme scientifique» dans les écoles publiques aux Etats-Unis ont fait beaucoup de publicité à cette question. Les débats concernant l’inerrance ont à juste titre inclus des discussions sur l’historicité du récit de la Genèse à propos de la création. Plusieurs thèses rivalisent, même parmi les évangéliques.
I. Thèses concernant les origines A. L’évolutionnisme Le terme évolutionnisme dérive du mot «évolution» qui indique simplement un changement, dans quelque direction que ce soit. Il existe donc un usage tout à fait légitime de ce terme, comme dans la phrase suivante: «Ce siècle a vu une évolution considérable dans le domaine des communications.» Mais lorsque ce terme est utilisé en liaison avec l’origine de l’homme, il signifie davantage qu’un simple changement ou développement; il comprend l’idée d’une origine liée à un processus naturel, aussi bien en ce qui concerne la substance vivante originelle que l’apparition de nouvelles espèces. La théorie de l’évolution enseigne qu’il y a des milliards d’années, sous l’effet du soleil et de l’énergie cosmique, des substances chimiques présentes dans les mers se sont transformées par hasard en un ou plusieurs organismes monocellulaires qui, par le jeu de mutations bénéfiques et de la sélection naturelle, se sont transformés en plantes, animaux et êtres humains. Personne ne nie le fait que la création est caractérisée par le changement et le développement dans plusieurs de ses domaines. Mais pour les évolutionnistes, ce développement inclut aussi la production de nouvelles espèces plus complexes, aux formes plus complexes et plus élaborées, à partir de substances moins développées. La notion et l’activité de Dieu sont totalement exclues de ce processus. Charles Darwin a déclaré: «Je ne ferais aucun cas de la théorie de la sélection naturelle si elle requérait des interventions miraculeuses à une étape ou l’autre du processus.»80 Julian Huxley affirma pour sa part qu’il «est à la fois inutile et illogique de postuler une interférence divine dans les échanges entre matière et énergie à un moment particulier de l’histoire de la terre»81. En ce qui concerne l’origine de l’homme, l’évolutionnisme enseigne que, sous l’action des
mutations et de la sélection naturelle au cours de très longues périodes, celui-ci a évolué depuis des formes plus simples et plus grossières, elles-mêmes résultant d’autres formes, le tout remontant à une créature originelle monocellulaire. Il apparaît nettement que la théorie de l’évolution naturelle repose sur deux piliers: la science et une forme de foi.
B. L’évolutionnisme théiste Les partisans de l’évolutionnisme théiste maintiennent que Dieu a dirigé, utilisé et contrôlé le processus de l’évolution naturelle pour «créer» le monde et tout ce qu’il renferme. Ce point de vue assimile les jours de Genèse 1 à des ères et inclut la «création» d’Adam dans le mécanisme de l’évolution; on considère que la terre et les formes préhumaines sont très anciennes. Pour Darwin, l’évolutionnisme se dispensait de l’intervention du surnaturel. Le créationniste insiste sur le fait que sa vision des choses exclut l’évolution naturelle. L’évolutionnisme théiste enfourche donc deux chevaux à la fois: celui de l’évolutionnisme et celui du créationnisme, mais ces deux montures vont dans des directions opposées! La création d’Eve soulève un problème particulier pour les adeptes de l’évolutionnisme théiste. Ils affirment qu’Adam résulte d’une forme préexistante dans laquelle Dieu insuffla le souffle de vie, mais Eve ne procède pas d’une forme de vie préexistante. Elle résulte d’un acte créateur particulier. On peut alors se demander: pourquoi pas Adam? Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), un prêtre et paléontologue jésuite catholique romain, a milité en faveur d’une synthèse entre la théorie évolutionniste et la théologie chrétienne traditionnelle. La théorie de l’évolution constituait son thème central, bien que ses idées s’apparentent aussi, par différents aspects, à la philosophie du process82. A strictement parler, pour que l’évolutionnisme puisse arborer l’étiquette «théiste», il suffit qu’un Etre surnaturel soit la force invisible qui a mis le processus de l’évolution en mouvement. On retrouve cette conception parmi les penseurs catholiques romains, chrétiens libéraux et néo-orthodoxes. Beaucoup de ceux qui entrent dans la catégorie générale des évolutionnistes théistes estiment cependant que Dieu n’est pas seulement intervenu au début du processus, mais aussi à différents moments de son déroulement. Il serait intervenu pour créer aux grandes phases de l’histoire géologique (par exemple les vertébrés, les oiseaux, les mammifères et l’homme), mais il aurait aussi permis le déroulement du processus de l’évolution tout au long des grandes périodes du temps géologique et s’en serait servi. Cette conception est connue sous le nom de créationnisme progressif ou d’évolution par seuil; elle est souvent associée à l’idée que les jours de Genèse 1 désignent en fait des ères géologiques. Bien
que je sois personnellement enclin à classer le créationnisme progressif dans la catégorie générale de l’évolutionnisme théiste, certains évangéliques, qui préfèrent l’expression «créationnisme progressif», objectent qu’il appartient au courant créationniste. Mais le type d’évolution envisagé par le créationnisme progressif est naturaliste, et son étendue est très vaste; voilà pourquoi, selon moi, il usurpe son titre. Je considère ce courant de pensée comme une forme d’évolutionnisme théiste. Ce courant s’appuie à la fois sur la Bible et sur la science.
C. Le créationnisme En dépit de la diversité d’opinions que l’on note au sein du créationnisme, la principale caractéristique de cette thèse est qu’elle ne s’appuie que sur la Bible. On considère que la science peut faciliter notre compréhension des choses, mais qu’elle ne doit pas dicter ni changer notre interprétation de l’Ecriture pour faire coïncider ses découvertes avec les données bibliques. En ce qui concerne l’être humain, le créationnisme enseigne que Dieu a créé le premier homme à son image à partir de la poussière de la terre et de son propre souffle de vie (Genèse 1:27; 2:7). Il n’est pas question de créatures préhumaines ni d’un processus évolutif. Les créationnistes ont des opinions différentes quant à la durée des jours de la création, mais pour revendiquer l’appartenance au mouvement créationniste, il faut nécessairement croire que le récit biblique des origines relate des faits historiques et qu’Adam a été le premier homme. Certains créationnistes enseignent que le récit biblique de la création d’Adam et Eve ne concerne que ce qui s’est déroulé dans le jardin d’Eden et ne dit rien de ce qui s’est passé sur le reste de la terre. C’est pourquoi, si Adam résulte d’un acte créateur spécifique de Dieu, dans d’autres parties de la terre, des créatures ont évolué au cours de longues périodes. Autrement dit, Adam représente un îlot de créationnisme au milieu d’un océan d’évolutionnisme. Je ne classe personnellement pas ce point de vue sous la rubrique générale «créationnisme», puisque Adam n’est pas considéré comme le premier homme d’où toute la race humaine descend.
II. Les affirmations de l’évolutionnisme Examinons de plus près les affirmations détaillées de la thèse évolutionniste concernant les origines, avant d’aborder certains des problèmes que cette thèse soulève. De nombreux ouvrages de qualité ont été écrits sur le sujet, et le lecteur peut s’y référer avec profit83.
A. Les principes de l’évolution
La thèse évolutionniste repose sur plusieurs principes fondamentaux; les théories peuvent varier, mais ce qui suit représente quelques idées communes. 1. Les planètes et les étoiles résultent du big-bang, une explosion de protons et neutrons comprimés. Cette masse initiale extrêmement dense et comprimée continue de s’éloigner du noyau originel à une vitesse fantastique (expansion de l’univers). Il existe une variante à cette explication: la théorie de l’état constant, qui dit qu’il y a création constante de matière aux limites de l’espace et que ce phénomène se produit depuis des temps infinis. 2. La vie est apparue par hasard avec l’apparition de la première cellule à partir de matière dénuée de vie. 3. Nés du hasard, tous les autres organismes vivants se sont développés à partir de la première cellule et des formes simples de vie qui l’ont suivie, vers des formes de vie de plus en plus compliquées. Ce développement a également produit l’homme.
B. Le mécanisme de l’évolution Si l’on devait réduire le processus de l’évolution à une formule, celle-ci pourrait être: (M + SN) x T = E, c’est-à-dire (mutations + sélection naturelle) x temps = évolution. Cette formule exprime le mécanisme de l’évolution. Les mutations constituent l’explication essentielle de l’évolution. Il s’agit de petites modifications soudaines de l’ADN (code génétique) qui se transmettent à la descendance, ce qui la rend différente des parents par des caractéristiques bien prononcées. Ainsi, un petit changement dans l’organisme se transmet à la descendance. Au bout d’un certain temps, et de manière fortuite, une autre modification se produit, et ainsi de suite. Si un nombre suffisant de ces changements se produit et se conserve, l’organisme modifié devient plus complexe et devient un organisme différent. C’est ainsi que toutes les formes actuelles de vie tireraient leur origine d’un organisme monocellulaire originel. On ne saurait trop souligner l’importance des mutations pour expliquer le mécanisme de l’évolution. Julian Huxley écrit: «Ce n’est pas seulement l’agent efficace de l’évolution; c’en est le seul agent.»84 La sélection naturelle désigne le mécanisme qui préserve les changements provoqués par les mutations. Quand un changement se produit et qu’il est avantageux pour l’organisme, la sélection naturelle le conserve, simplement parce qu’il est bénéfique. En revanche, elle ne conserve pas les changements nuisibles; elle les élimine comme inutiles. (Une mutation bénéfique est celle qui augmente la complexité de l’organisme.) Il importe de se rappeler que la sélection naturelle est bien ce qu’elle prétend, c’est-à-dire naturelle. Il ne s’agit pas d’une sélection opérée en laboratoire ou dans une serre. C’est un phénomène de la nature qui élimine les mutations nuisibles et conserve les utiles. Moyennant assez de temps, ce
processus améliore la souche. L’évolution a donc besoin de temps, et même de beaucoup de temps. Puisque les mutations ne se produisent pas fréquemment, il faut un temps considérable pour que se produisent assez de mutations avantageuses, puis que la sélection naturelle les préserve, transformant ainsi des organismes simples en organismes plus complexes. Afin de réduire l’échelle du temps, certains évolutionnistes parlent «d’explosions» de mutations qui se seraient produites simultanément; elles auraient eu pour effet d’opérer presque instantanément un nombre plus important de changement bénéfiques. Cette explication permet de raccourcir le temps nécessaire pour que les changements puissent s’opérer.
III. Les problèmes que soulève l’évolution A. Le problème des mutations Les mutations peuvent-elles vraiment accomplir tout ce qu’elles sont supposées faire? Examinons les faits avérés suivants. 1. Les mutations sont rares et presque toujours nuisibles. On a produit des mutations chez la drosophile85 par des moyens artificiels, mais on estime qu’une drosophile sur un million seulement conserve en permanence la mutation opérée. De plus, Theodosius Dobzhansky, qui est à l’origine de nombreuses expérimentations sur cet insecte, reconnaît que «la plupart des espèces mutantes… sont plus ou moins désavantagées par rapport aux espèces stables» et que «le caractère délétère de la plupart des mutations semble constituer une très sérieuse difficulté»86. 2. D’où les nouveaux gènes viennent-ils? Aucune mutation n’a jamais produit de nouvelles espèces, ni même un seul organe ou un seul système, dans les espèces existantes. Or, cela aurait dû être le cas si l’évolution était un fait. Ainsi, les protozoaires n’ont pas de dents. Si nous avons évolué à partir des protozoaires, d’où proviennent les gènes qui ont donné naissance aux dents? Les mutations concernent des changements dans des organismes existants; elles n’en produisent pas de nouveaux. Pourtant, il a bien fallu, à un moment donné et d’une certaine manière, que de nouvelles espèces apparaissent dans la lignée, et même de nouveaux systèmes (comme le système circulatoire ou le système auditif) à l’intérieur d’espèces existantes. Voici un exemple de la façon dont les défenseurs de la thèse évolutionniste répondent à cette question. Si la mutation, qui est la seule forme de changement héréditaire dont nous avons des preuves certaines, est un changement dans les gènes déjà présents, il semblerait à première vue que nous ne disposions d’aucune base
pour comprendre l’évolution de nouveautés dans l’organisation du corps. Pour leur évolution, nous avons besoin de nouveaux facteurs héréditaires, et non de changements dans ceux déjà présents. Rappelons-nous cependant que les conditions dans le corps et dans le matériau héréditaire sont extrêmement complexes. Il se pourrait que des changements introduits dans la répartition des enzymes dans le corps puissent entraîner des modifications dans le rythme de croissance de certaines parties du corps, comme les os frontaux, par exemple, et donc expliquer les protubérances qui annoncent les cornes et leur évolution ultérieure. Il est difficile de voir comment la mutation d’un gène pourrait affecter la distribution des enzymes, mais compte tenu de la complexité du corps, c’est une possibilité qu’on ne peut exclure. Il n’est pas impossible non plus que de nouveaux gènes évoluent. On sait que des gènes peuvent se dupliquer à l’intérieur des chromosomes et que, lorsque cela se produit, un membre d’une paire peut être tellement altéré par la mutation qu’il débouche sur un nouveau gène du point de vue fonctionnel. Ces suggestions sont purement hypothétiques. Dans l’état actuel des choses, nous pouvons juste affirmer que l’évolution s’accompagne indubitablement de nouveautés d’organisation, que celles-ci sont essentielles à la complexité croissante qui est associée au processus de l’évolution, et que nous n’avons aucune connaissance précise des détails de leur évolution.87 Cette explication fait davantage appel à une forme de foi qu’à des faits avérés!
B. Le problème de la sélection naturelle 1. La sélection naturelle garantit-elle réellement une amélioration? Elle le doit! Si la mutation débouche sur un organisme plus faible, celui-ci meurt, et on ne peut plus parler d’évolution. La question est de savoir si la sélection naturelle entraîne des améliorations. La sélection opérée en laboratoire le fait, mais est-ce le cas de la sélection naturelle? Un évolutionniste reconnaît la difficulté: «En fait, on n’a observé une sélection naturelle avec des conséquences sur l’évolution que là où l’homme a créé des conditions nouvelles et drastiques qui provoquaient une forte pression sélective.»88 2. Les mutations simples. La sélection naturelle reconnaîtrait-elle la valeur d’une mutation simple alors qu’elle doit attendre l’intervention d’autres mutations, nécessaires à la production d’un nouveau système dans l’organisme? Ainsi, dans l’évolution de l’œil, à supposer que la mutation qui a abouti à la formation du canal lacrymal soit apparue en premier, la sélection naturelle l’aurait-elle conservé dans l’organisme en attendant que d’autres mutations produisent les cils, la fente, la cornée, le cristallin, etc.? Ou bien aurait-
elle éliminé l’organisme doté d’un canal lacrymal mais ne possédant aucun autre élément du système optique, tout simplement parce qu’elle l’aurait jugé inutile tout seul? 3. Un raisonnement circulaire. Pour expliquer l’évolution, on fait intervenir les mutations et la sélection naturelle; or ces deux facteurs constituent un raisonnement circulaire. Julian Huxley l’admet clairement: «Sur la base de nos connaissances actuelles, la sélection naturelle doit produire des adaptations génétiques; et celles-ci sont supposées servir de preuves de l’efficacité de la sélection naturelle.»89
C. Le problème des longues périodes requises Bien que les mutations soient rares et généralement régressives et que la sélection naturelle ait plutôt tendance à éliminer les mutants, les non-initiés estiment que, moyennant un temps assez long, tout peut se produire, y compris l’évolution. Voici ce que déclare Huxley: «Tout ce qui vit a le même âge, on peut tout faire remonter à 2 milliards d’années. Sur une telle durée, de petits ajustements peuvent se produire qui aboutissent à des adaptations miraculeuses. Et les légers glissements de fréquence génétique qui s’opèrent entre une génération et la suivante peuvent se multiplier pour aboutir à des améliorations radicales et à de tout nouveaux types de créatures.»90 On peut cependant contester cette affirmation en l’analysant sérieusement. La probabilité qu’une seule protéine utilisable soit produite par hasard sur toute la terre est de 1 sur 10161, à partir de tous les atomes appropriés de la terre. C’est donc une chance sur 10 suivi de 161 zéros! Il vaut la peine de rappeler que, même si l’on avait ainsi pu obtenir une molécule, cela ne servirait strictement à rien d’avoir une deuxième molécule de protéine semblable s’il n’existait pas en même temps un procédé de duplication précis. Et à supposer que cette condition soit remplie, beaucoup d’autres types de protéines seraient nécessaires avant qu’un organisme vivant puisse apparaître. Dans la cellule minimale de Morowitz, les 239 molécules de protéine nécessaires incluent au moins 124 espèces de protéines.91 D’autres sont arrivés à des conclusions semblables concernant la probabilité qu’une molécule de protéine se forme par hasard. Le savant français Lecomte du Nouy estime cette probabilité à 1 sur 10243. Pour le mathématicien suisse Charles E. Guye, elle est de 1 sur 10160. Murray Eden, du Massachusetts Institute of Technology (MIT), et Marcel Schutzenberger, de l’Université de Paris, ont conclu tous les deux que leurs ordinateurs digitaux ont montré l’impossibilité de l’évolution.92 Si la probabilité s’exprime par une fraction et que celle-ci est aussi faible que celle calculée
pour la production d’une molécule de protéine, le mathématicien estime que la probabilité qu’elle se réalise est voisine de zéro. L’évolutionniste maintient qu’il existe une chance, aussi infinitésimale soit-elle, que l’évolution se produise, grâce aux durées considérables de temps. Pourtant, les milliards d’années n’augmentent pas de façon sensible la probabilité pour la transformer en une possibilité raisonnable. Davidheiser a contesté l’affirmation selon laquelle, si un million de singes pouvaient taper sur un millions de claviers de machines à écrire pendant un million d’années, ils pourraient par hasard reproduire une pièce de théâtre de Shakespeare. En s’appuyant sur une expérience contrôlée qui consistait à taper uniquement sur les lettres majuscules et à une vitesse constante, il a montré qu’un million de singes n’auraient jamais pu écrire Genèse 1:1, encore moins une pièce de théâtre de Shakespeare, même en tapant pendant des milliards d’années.93 Même pour reproduire par hasard la première ligne de Hamlet (Ber: Qui est là?), il faudrait 284 trillions d’années d’expériences répétées. Cette période est considérablement plus longue que celle au cours de laquelle l’évolution est censée avoir accompli tout ce qu’on lui prête. Les considérations précédentes nous amènent à tirer une conclusion: il faut une dose de foi incroyable pour croire que l’évolution a pu, par le jeu du hasard, aboutir aux formes de vies qui existent aujourd’hui. La vie a-t-elle pu apparaître par hasard? La probabilité qu’une molécule de protéine se forme par hasard est de 1 sur 10243, c’est-à-dire 1 sur 10 suivi de 243 zéros! 1 sur 1 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000.
D. La deuxième loi de la thermodynamique Selon la deuxième loi de la thermodynamique, bien que l’énergie à l’intérieur du cosmos demeure constante, la quantité disponible pour un travail utile décroît (et l’entropie, la mesure de l’énergie inutilisable, croît). Par conséquent, tout converge vers moins d’ordre ou vers davantage de chaos. Ce principe s’oppose directement à la théorie de l’évolution. J’ai eu l’occasion de participer à un débat au cours duquel un évolutionniste a déclaré avec désinvolture que «l’évolution était la grande exception à la deuxième loi». Comment les évolutionnistes réagissent-ils face au problème insoluble que semble poser la deuxième loi de la thermodynamique? Certains affirment que les temps considérablement longs depuis les débuts permettent à tout de se produire, y compris l’évolution. Mais pendant ces milliards d’années, l’entropie n’a pas cessé de croître; la loi n’a pas été suspendue.
D’autres soulignent que la loi en question semble souffrir d’exceptions. C’est peut-être vrai, mais elles ne peuvent qu’être temporaires et compensées par une augmentation de l’entropie ailleurs dans l’univers. D’autres encore déclarent que la terre est un système ouvert qui tire son énergie du soleil. Mais l’apport d’énergie solaire est inutile s’il n’existe pas, à l’intérieur des éléments sur lesquels le soleil brille, une sorte de moteur capable de convertir l’énergie pour inverser la deuxième loi. Ainsi, le soleil peut darder ses rayons sur des blocs de béton pendant des milliers d’années sans créer du béton supplémentaire ni du béton mutant, parce qu’il n’existe à l’intérieur du béton aucun mécanisme capable de transformer cette énergie. Il faut un système adéquat avec un gabarit programmé d’avance pour convertir l’énergie, avant que l’énergie solaire puisse inverser la deuxième loi. Ou, comme l’a demandé un évolutionniste: «Comment, avant l’apparition de toute vie, des substances qui sont aujourd’hui absolument essentielles aux systèmes vivants ont-elles pu exister, alors qu’elles ne peuvent être formées que par ces systèmes?»94
IV. Le tableau de l’évolution On prétend que les fossiles prouvent la réalité du processus de l’évolution. Ils n’expliquent pas comment les choses se sont passées; ils disent simplement ce qui s’est produit sur de longues périodes de temps, grâce aux mutations et à la sélection naturelle. Les évolutionnistes affirment que puisque les formes de vie les plus simples se trouvent dans les couches rocheuses inférieures (jugées les plus anciennes), et les formes plus complexes dans les couches supérieures, les formes de vie plus élaborées sont issues des plus primaires. A vrai dire, l’argument du fossile est circulaire: les strates sont datées d’après les fossiles qu’elles renferment, et les fossiles sont datés d’après les strates dans lesquelles ils sont emprisonnés! Les évolutionnistes affirment que ce cercle vicieux est brisé par des méthodes de datation extérieures. Or celles-ci se basent sur une vitesse uniforme de décroissance de la radioactivité des éléments. Une bougie se consume régulièrement, à moins qu’une fenêtre ouverte ne laisse entrer une brise qui accélère provisoirement la combustion de la mèche. La disparition d’une couche de vapeur qui enveloppait la terre ou les très fortes pressions dues au déluge ont pu agir comme une fenêtre ouverte et modifier momentanément la vitesse de décroissance de la radioactivité. Si tel était le cas, cela aurait pour effet de fausser les résultats auxquels les évolutionnistes arrivent. La datation par le carbone 14 serait fortement affectée par ces événements. La méthode de datation potassium-argon part du principe que les échantillons de roches testées ne contenaient aucune trace d’argon 40 lorsqu’elles furent formées, ce qui est très discutable. Des couches
de basalte sous-marin du volcan Kilauea, à Hawaï, qui est âgé de quelques milliers d’années au plus, datent d’entre 100 000 et 40 millions d’années d’après cette méthode, ce qui donne à penser que l’âge mesuré peut être considérablement faussé par de fortes pressions hydrostatiques, entre autres facteurs.95 Le tableau des fossiles présente une autre grande lacune: l’absence de formes intermédiaires. Parmi les millions de fossiles mis au jour, pas un n’appartient à des organismes intermédiaires. Si la théorie de l’évolution était vraie, on aurait dû en découvrir au moins une. En fait, les plus anciens fossiles de chaque groupe possèdent toutes les caractéristiques du groupe auquel ils appartiennent et ne suggèrent aucune graduation d’une forme vers une autre. Certains évolutionnistes présentent l’archéoptéryx comme un exemple de maillon manquant, car il ressemble à la fois à un oiseau et à un reptile. On peut toutefois le considérer tout à fait comme un oiseau, même s’il est étrange. De toute façon, il est apparu de façon soudaine, et on ne lui connaît pas d’ancêtres qui auraient pu former une transition. Soulevons encore une autre difficulté. On trouve des formes de vie plus simples dans des couches rocheuses supérieures, où il ne devrait y avoir que des formes de vie plus élaborées. On connaît des centaines de ces cas; ils vont tous à l’encontre du tableau que la thèse évolutionniste cherche à présenter. Nous pourrions nous étendre bien plus longuement sur ce sujet. J’ai simplement essayé de relever les principaux arguments évolutionnistes et de souligner leurs faiblesses essentielles. Personne ne peut se souvenir des détails de tous les arguments avancés. Je résume donc l’essentiel des failles de cette théorie: des mutations en réalité rares et désavantageuses, une sélection naturelle qui élimine ces mutations régressives, un temps pas assez long pour que tout puisse se produire par hasard, une entorse à la deuxième loi de la thermodynamique, des vides embarrassants dans le tableau des fossiles. En fin de compte, nous devons encore souligner un point essentiel dans cette théorie, à savoir la foi. Certains croient à l’évolution, comme d’autres croient à la création. Deux scientifiques l’ont bien exprimé en disant: En fait, les biologistes sont aussi éloignés que jadis dans leurs efforts pour expliquer l’origine du premier protoplasme. Les preuves de ceux qui veulent expliquer l’origine de la vie par une combinaison fortuite d’éléments chimiques convenables ne sont pas plus tangibles que celles des hommes qui placent leur foi dans une création divine pour expliquer le développement de la vie. De toute évidence, la croyance de ces derniers se justifie bien mieux que celle des premiers.96 80 R.E.D. Clark, Darwin: Before and After, Londres, Paternoster Press, 1948, p. 86.
81 Julian Huxley, Evolution in Action, New York, New American Library, 1964, p. 20. 82 Philosophie du process: courant de pensée pour qui les êtres et les choses ne sont pas des substances fixes, immuables, stables ni permanentes, et qui affirme le caractère essentiellement fluide et mouvant de la réalité. (N.d.E) 83 Je recommande en particulier les ouvrages de Henry M. Morris (plusieurs livres); Bolton Davidheiser, Evolution and Christian Faith, Philadelphie, Presbyterian and Reformed, 1969; A.E. Wilder Smith, Man’s Origin, Man’s Destiny, Wheaton, Illinois, Harold Shaw, 1968; Phillip E. Johnson, Darwin on Trial et Reason in the Balance, Downers Grove, Illinois, InterVarsity 1991 et 1995; Michael J. Behe, Darwin’s Black Box, New York, Free Press, 1996. N.d.E.: auteur disponible en français Phillip E. Johnson, Comment penser l’évolution? Ligue pour la Lecture de la Bible France, 2003. 84 Huxley, Evolution in Action, p. 35. 85 Ou mouche du vinaigre. 86 Theodosius Dobzhansky, Evolution, Genetics and Man, New York, John Wiley and Sons, 1955, p. 150. 87 G.S. Carter, A Hundred Years of Evolution, New York, Macmillan, 1958, pp. 184-185. 88 J.B.S. Haldane, Nature, 14 mars 1959, p. 51. 89 Huxley, Evolution in Action, p. 43. 90 Ibid., p. 41. 91 James F. Coppedge, Evolution: Possible or Impossible?, Grand Rapids, Zondervan, 1973, pp. 109-110. 92 Mathematical Challenges to the Neo-Darwinian Interpretation of Evolution, édité par P.S. Moorhead et M.M. Kaplan, Philadelphie, Wistar Institute Press, 1967; Lecomte du Nouy, Human Destiny, Londres, Longmans, Green et C°, 1947, p. 34. 93 Davidheiser, Evolution and Christian Faith, pp. 362-363. 94 Harold F. Blum, Time’s Arrow and Evolution, Princeton, Princeton University Press, 1968, p. 170. 95 Science, 1968, 161:1132; cf. Journal of Geophysical Research, 1968, 73:4603. 96 Harry J. Fuller et Oswald Tippo, College Botany, New York, Holt, Rinehart & Winston, 1961, p. 25.
30. La Bible et les origines Il est vrai que la Bible n’est pas un manuel de science, mais cela ne signifie pas qu’elle contienne des inexactitudes quand elle révèle des faits qui appartiennent au domaine de la science. Quoi qu’elle révèle, dans quelque domaine que ce soit, cela est vrai, exact et fiable. La Bible ne répond pas à tout ce que nous aimerions savoir concernant les origines, mais nous devons reconnaître comme vrai ce qu’elle révèle. Et dans ce domaine, elle en dit plus que beaucoup ne l’imaginent.
I. Quelques présupposés nécessaires A. La foi L’auteur de la lettre aux Hébreux le rappelle, c’est la foi qui nous permet de reconnaître que l’univers a été formé par la Parole de Dieu et que le visible ne procède pas de choses visibles (Hébreux 11:3). Le mot traduit par «univers» englobe toutes les ères géologiques et ce qu’elles renferment. Comme il n’y avait évidemment aucun spectateur humain lors de la création, et que le premier homme fut placé dans un univers déjà existant, nous devons accepter par la foi tout ce que Dieu a révélé concernant la création. Autrement, nous ne saurons rien avec certitude à ce sujet. Les évolutionnistes devraient modifier Hébreux 11:3 ainsi: «Par la foi, nous, évolutionnistes, comprenons que l’univers n’a pas été formé par la parole d’un dieu, si bien que ce qu’on voit procède de choses qui existaient déjà d’avance et de choses visibles de formes moins complexes, grâce à des mécanismes naturels s’étendant sur des milliards d’années.»97
B. Les faits Seule la Bible dit la vérité concernant la création. Quelles que soient les vérités que la science puisse découvrir, elles ne sauraient être acceptées comme vérité absolue. Les faits que Dieu a révélés dans la Bible sont fiables, même ceux qui sont contenus dans les premiers chapitres de la Genèse. Il s’ensuit que les événements ont pris place dans le temps et l’espace une fois qu’ils ont été créés. En d’autres termes, la séquence des actes de la création ainsi que les événements relatifs à la tentation et au péché d’Adam et Eve s’inscrivent dans le temps et dans l’espace. Ils pourraient donc figurer sur un calendrier et sur une carte de géographie. La Genèse relate des faits, et non des mythes ou des légendes. D’autres passages bibliques le confirment (p. ex. Exode 20:9-11; Matthieu 19:46). C’est Moïse qui a consigné ces faits par écrit. Quelles que soient les sources dont il
disposait en plus de l’œuvre surnaturelle de Dieu qui surveillait ses écrits et lui révélait la vérité, il était un homme instruit et capable. Certains nient que la révélation des événements ait pu avoir lieu à des époques si reculées, car les récits nous auraient été communiqués par des «sauvages» incultes. Cette accusation établit une confusion regrettable entre primitif et sauvage et discrédite le pouvoir efficace de l’inspiration. Si les paroles de Moïse ne signifient pas ce qu’elles disent clairement, même si elles concernent une période très reculée de l’histoire, comment pouvons-nous faire confiance aux paroles de Christ (Jean 5:47)?98
II. Le Dieu de la création Genèse 1:1 désigne Elohim comme le Créateur. Elohim est à la fois un terme générique qui désigne la divinité et un nom propre du vrai Dieu. Il signifie le Fort, le Chef puissant, le Dieu suprême. La forme plurielle du nom indique sa plénitude de puissance et de majesté. L’identification d’Elohim au Créateur réfute plusieurs hérésies majeures. (1) Elle nie l’athéisme. (2) Elle combat le polythéisme, car le verbe qui suit le nom est au singulier. (3) Elle réfute le panthéisme, car Dieu est présenté comme séparé de sa création.
III. La création ex nihilo L’expression ex nihilo signifie que Dieu ne s’est servi d’aucun matériau préexistant pour créer. C’est ce que soulignent Hébreux 11:3 et le récit de Genèse 1. Avant le «fiat» («qu’il y ait») créateur, il n’existait aucune sorte d’existence phénoménologique. Cette remarque exclut que la matière puisse être éternelle et s’oppose à l’idée d’un dualisme. Le verbe bara utilisé dans Genèse 1:1, 21, 27 n’exclut pas, en soi, l’utilisation d’un matériau préexistant (voir Esaïe 65:18), même si aucun matériau n’est présent ou implicite dans le récit. Il a le même sens que asa, «faire» ou «réaliser» (Genèse 1:25; Exode 20:11; Néhémie 9:6). Un troisième verbe est utilisé pour parler de l’activité créatrice de Dieu, c’est le verbe yatsar, «former» (Genèse 2:7). La création ex nihilo est un concept utile «si nous le comprenons comme signifiant que les entités physiques ont été créées à partir des ressources non physiques de l’omnipotence divine. Techniquement, cette expression ne s’applique qu’à la création de substances non organiques, car Dieu utilisa du matériau inorganique préexistant pour former le corps des choses vivantes»99.
IV. L’époque de la création
Le «commencement» dont il est question en Genèse 1:1 renvoie apparemment au commencement de la création du monde. Le premier verset constitue une affirmation absolue, et non une proposition qui dépend du verset Genèse 1:2100. Cette déclaration n’indique nullement quand Dieu a commencé son activité créatrice. Ussher fixe le début de la création à 4004 av. J.-C. Quant aux évolutionnistes, ils remontent 4 milliards et demi d’années plus tôt. 1. Certains créationnistes sont partisans d’une création récente, aussi bien pour la terre que pour l’homme. 2. D’autres estiment que la création de l’homme est récente, mais pas celle de la terre. L’interprétation restitutionniste (ou théorie de l’intervalle, en anglais «Gap Theory») et l’identification des jours à des ères vont de pair avec cette thèse. 3. D’autres encore font une distinction entre les hommes de l’époque des fossiles, des hommes qui vécurent il y très longtemps et moururent avant Adam, et Adam lui-même qui serait une création plus récente. 4. Pour certains, Adam constitue un îlot de créationnisme dans un océan d’évolutionnisme qui comprenait des formes sous-humaines. 5. Les évolutionnistes théistes considèrent que l’homme est ancien et résulte d’un processus évolutif au cours duquel des êtres préhumains et sous-humains aboutirent à l’être humain. 6. Pour une minorité, Genèse 1:1 ne décrit pas «la création initiale ex nihilo, celle que les anges célébrèrent (Job 38:7; Esaïe 45:18), mais la recréation ultérieure d’une terre vouée au jugement, en préparation d’un nouvel ordre de création avec l’homme au centre»101. Les tenants de cette interprétation considèrent que la création originelle est intervenue avant Genèse 1:1. Il est clair que peu de gens partagent la même idée quant au moment de la création. Il semble cependant bien établi que le récit biblique fait remonter l’apparition de l’homme à une date assez récente. Même si on identifie les jours de la Genèse à des ères géologiques, Adam a été créé le sixième jour, c’est-à-dire à une période relativement récente. Les listes généalogiques de Genèse 5; 11 (malgré certains trous) plaident elles aussi en faveur d’une date récente. Avant de pouvoir tirer des conclusions valables des données bibliques, nous devons examiner quelques interprétations et considérations pertinentes.
V. L’interprétation restitutionniste
A. Description La théorie de l’intervalle (appelée aussi théorie de la reconstruction sur une ruine et théorie restitutionniste) propose un moyen de concilier le récit de la Genèse avec les longues ères que nécessite la géologie (une science apparue au début du dix-neuvième siècle). D’abord popularisée par Thomas Chalmers d’Ecosse en 1814, cette théorie a été développée par George H. Pember102, puis intégrée dans les notes de la Scofield Reference Bible (1909) et défendue notamment par Eric Sauer103 et Arthur C. Custance104. Selon cette théorie, la création originelle de Genèse 1:1 était non seulement parfaite et splendide, mais elle était aussi recouverte de plantes et peuplée d’animaux (certains vont même jusqu’à inclure des êtres humains pré-adamiques). Puis, dans l’intervalle qui sépare les versets Genèse 1:1, 2, Satan s’est révolté contre Dieu, introduisant du même coup le péché dans l’univers. Dieu a alors frappé la terre d’un déluge universel suivi d’une période de ténèbres et d’une ère glaciaire durant laquelle toute vie végétale, animale et humaine (si elle existait) a été détruite. Les fossiles que l’on trouve aujourd’hui proviennent de ce jugement divin sur la création originelle à cause du péché de Satan. Le verset Genèse 1:2 décrirait donc la situation qui a résulté du jugement. Les six jours de la création décriraient en fait une recréation, une restauration ou une restitution, et non la création originelle.
B. Appuis bibliques 1. Le texte de Genèse 1:2 pourrait être traduit «la terre devint informe et vide», ce qui signifierait qu’elle le devint à cause du jugement catastrophique porté sur Satan. 2. L’expression «informe et vide» désigne une condition mauvaise qui ne pouvait être celle de la création divine originelle parce que Dieu n’a pas fait la terre informe (Esaïe 45:18). 3. Les ténèbres ne peuvent pas être qualifiées de bonnes; Genèse 1:2 ne peut donc pas décrire la création originelle faite par Dieu. 4. L’ordre divin adressé à Adam de repeupler la terre (compréhension possible de Genèse 1:28) donne à penser que celle-ci était déjà habitée précédemment. 5. L’emploi du verbe bara dans Genèse 1:1 indique une création d’un autre type que celle indiquée dans le texte biblique qui suit.
C. Faiblesses 1. Genèse 1:2 débute par ce qu’on appelle un waw disjonctif (signifiant «maintenant» plutôt que «et»), qui introduit une proposition circonstancielle avec le verbe à l’imparfait: «Maintenant, la terre était…» La traduction: «La terre était devenue informe et vide», avec
la conjonction waw introduisant une proposition séquentielle et traduit par «et» aurait exigé un verbe au plus-que-parfait. Certes, la grammaire permet de traduire «était devenue» et l’usage montre que le verbe «être» peut signifier «devenir» (comme dans Genèse 19:26; Juges 11:39; 2 Rois 17:3), mais le verbe sert normalement de lien («être» et non «devenir»), comme dans Genèse 2:25; 3:1 où il ne peut se traduire par «devenir». Le texte semble requérir le waw disjonctif, car l’auteur attire apparemment l’attention du lecteur sur ce qui va se produire sur la terre (»Or, la terre était informe et vide…»). On trouve d’ailleurs une construction parallèle à celle de Genèse 1:2 dans Jonas 3:3 et Zacharie 3:1-3, où le waw est disjonctif et traduit par «or», et où le verbe ne peut se traduire par «devenir».105 En fait, la théorie restitutionniste repose essentiellement sur une explication grammaticale particulière et sur la traduction qui lui correspond; comme, dans le meilleur des cas, cette interprétation est fragile, nous pouvons raisonnablement affirmer que la théorie est dépourvue d’un solide fondement exégétique dans le texte. La construction que soutient la théorie restitutionniste soulève aussi un problème de logique. Si le verbe signifie «était devenue» (au plus-que-parfait), Genèse 1:2 voudrait dire que la terre était devenue informe et vide avant la création mentionnée au verset Genèse 1:1. Or, la théorie en question exige que la terre soit devenue informe et vide après sa création. 2. L’expression «informe et vide» n’implique pas nécessairement qu’un jugement ait frappé la création; elle ne sous-entend pas non plus quelque chose de mauvais en soi. Le terme tohu (informe) est appliqué à l’espace (Job 26:7) et au désert (Deutéronome 32:10) sans la moindre connotation négative. Mais pour les défenseurs de la théorie restitutionniste, la condition «informe» de la terre ne saurait décrire l’état originel de la planète, puisque le prophète Esaïe déclare que l’intention ultime de Dieu n’était pas que la terre soit informe et vide (Esaïe 45:18). Autrement dit, Dieu aurait créé une terre informe et vide à l’origine, mais comme cet état ne correspondait pas à son désir suprême pour elle, il aurait décidé de la remplir d’êtres vivants, notamment de l’homme. 3. Il est vrai que les ténèbres sont souvent le symbole du jugement et du mal, mais s’ensuitil que l’obscurité soit intrinsèquement mauvaise? Je ne le pense pas. Elle a été créée pour le bien de la création, au même titre que la lumière (Psaume 104:19-24). Le fait que Dieu a déclaré la lumière «bonne» (Genèse 1:4) et ne dit rien à propos des ténèbres permet-il de déduire que la nuit n’était pas bonne? Je ne le crois pas. Si nous insistons trop sur l’argument du silence, nous devrons conclure que la création de l’étendue n’était pas bonne, puisque Dieu ne la déclare pas telle de façon spécifique (Genèse 1:6-8). 4. Les défenseurs de la théorie restitutionniste déclarent que Dieu ordonna à Adam de repeupler la terre (Genèse 1:28), ce qui sous-entendrait que la création initiale avait déjà été
peuplée. En réalité, cette interprétation repose sur une traduction erronée proposée par la King James Version. Le verbe hébreu parle seulement de «remplir» la terre. 5. Rien ne permet d’échafauder une théorie sur la mention du verbe bara en Genèse 1:1, ainsi que nous l’avons d’ailleurs signalé au point III. 6. Mentionnons encore un autre point faible de cette théorie: il n’existe aucune preuve biblique que la chute de Satan ait entraîné le jugement de la terre. En revanche, la chute d’Adam dans le péché a bien attiré le jugement divin sur notre planète (Genèse 3:17-19). Résumons. La théorie dite «de l’intervalle» ne repose pas sur un fondement exégétique solide. Le fait qu’elle est devenue populaire lors de l’apparition des sciences géologiques donne à penser qu’elle a acquis du crédit parce qu’elle s’harmonisait bien avec la géologie uniformitariste (l’actualisme).
VI. Des jours solaires ou des ères? Quatre conceptions s’opposent au sujet de la longueur des «jours» de Genèse 1. (1) Les jours de la création sont des jours solaires, c’est-à-dire des journées de vingt-quatre heures. (2) Ils désignent de longues périodes ou ères. Cette interprétation s’accorde plus facilement avec les ères géologiques. (3) Il s’agit de jours solaires séparés par de longs intervalles de temps. Autrement dit, la Genèse parle bien de journées de vingt-quatre heures, mais qui ne se suivent pas immédiatement; de longues périodes les séparent. Cette explication s’accorde avec l’actualisme, la «doctrine géologique qui fonde l’explication de la géologie du passé sur l’étude des phénomènes géologiques effectifs actuels» (Grand Larousse). (4) Ce sont des jours qui n’ont rien à voir avec la création; ils correspondent à ceux au cours desquels Dieu révéla ces choses à Moïse; ce sont donc les jours où certaines choses furent révélées, et non ceux au cours desquels elles furent accomplies.106 Bien que ces différentes interprétations cohabitent, nous nous limiterons à l’examen des deux premières conceptions: s’agit-il de jours solaires ou de longues périodes?
A. Arguments en faveur des «jours solaires» 1. Le mot «jour» accompagné d’un adjectif numéral dans le Pentateuque désigne toujours un jour solaire. Pourquoi le premier chapitre de la Genèse 1 ferait-il exception? Cette remarque vaut d’ailleurs pour tous les usages du mot «jour» avec un adjectif numéral ou ordinal dans l’Ancien Testament. Les seules exceptions possibles pourraient être 2 Chroniques 21:19 et Osée 6:2, bien que ces passages puissent aussi être compris comme renvoyant à des jours solaires. Il est vrai que le mot «jour» est utilisé dans plusieurs sens, mais chaque fois qu’il est accompagné d’un adjectif numéral ou ordinal, il désigne un jour solaire (Genèse 1:5, 8, 13, 19, 23, 31). Dans Genèse 1:5, 14, 16, 18, il désigne le jour
par opposition à la nuit. Là encore, le terme ne peut que s’appliquer à la durée d’un jour solaire. Cela n’aurait aucun sens d’opposer le jour (dans le sens de clarté) d’une ère à la nuit d’une ère. 2. Les termes «soir» et «matin» associés à chacun des six jours de la création confirment qu’il s’agit de jours de vingt-quatre heures. Ceux qui pensent que les jours de la création désignent de longues périodes interprètent les termes «matin» et «soir» comme signifiant début et fin d’une période considérée. Chaque «soir» correspond alors à l’achèvement de l’œuvre au cours de l’ère en question; il est suivi du «matin» d’une nouvelle activité. Mais l’Ancien Testament utilise plus de 100 fois les termes «soir» et «matin», toujours dans le sens littéral de fin ou de début d’une journée solaire. Notons en particulier l’expression qui figure dans Daniel 8:26. 3. Les textes d’Exode 20:11; 31:17 affirment que Dieu a créé toutes choses en six jours et s’est reposé le septième. C’est le modèle qui doit régir le cycle hebdomadaire humain. Dans ces deux passages, Dieu s’adresse directement à Moïse. S’il voulait parler d’ères au lieu de jours, pourquoi ne s’est-il pas servi des mots dor ou olam, qui signifient ère, ou n’a-t-il pas ajouté l’adjectif rab au mot «jour» pour bien spécifier un jour très long?
B. Arguments en faveur des «ères» 1. Le mot «jour» désigne parfois une période plus longue, indéfinie, de temps. Dans Genèse 2:4, le terme s’applique à toute la période de la création; dans Job 20:28, il s’agit du temps de la colère de Dieu et dans Psaume 20:2, le terme indique un temps de détresse. Quand il est au pluriel, le mot a parfois le sens de «du temps de», «à l’époque de» (Genèse 26:18). L’emploi du mot yom («jour») en Genèse 2:4 («au jour où le Seigneur fit le ciel et la terre», Nouvelle Bible Segond) constitue l’argument le plus fort en faveur de cette interprétation. En effet, dans ce verset, le mot semble renvoyer à une période non spécifiée, mais longue, probablement plus longue que six jours solaires. «Puisque le chapitre précédent a clairement indiqué qu’il avait fallu au moins six jours pour la création du ciel et de la terre, il va de soi que le mot hébreu yom de Genèse 2:4 ne peut signifier une journée de vingt-quatre heures, à moins que l’Ecriture ne se contredise!»107 Mais cette expression ne reconnaît pas que l’expression «au jour où» est simplement une formule hébraïque qui a le sens de «lorsque», «du temps où». Le mot jour n’est précédé d’aucun article. Il veut donc dire «un jour», «à l’époque». 2. Puisque le soleil n’a pas été créé avant le quatrième jour, on peut supposer que les trois premiers jours avaient une longueur indéfinie. Faut-il en déduire que seuls les quatre jours suivants étaient des jours solaires? Les défenseurs du sens «jour solaire» répondent que Dieu a dû fournir une autre source de lumière le premier jour, puisque le texte dit qu’il y eut
de la lumière; la rotation de la terre sur elle-même fit qu’il put y avoir nuit et jour, soir et matin, comme le texte le dit à propos des trois premiers jours. 3. Puisque le septième jour, celui où Dieu se repose, a plus de vingt-quatre heures, les six premiers sont eux aussi plus longs. La manière dont l’auteur de la lettre aux Hébreux parle du repos de Dieu renforce cette conclusion. En disant que pour le Seigneur un jour est comme mille ans (2 Pierre 3:8), Pierre apporte de l’eau au moulin des partisans de cette théorie. Mais avant d’accepter cette conclusion, faisons une remarque: même si le repos de la vie chrétienne (Hébreux 4) est comparé au repos bienfaisant dont Dieu jouit au septième jour de la semaine de création, nulle part l’auteur de la lettre aux Hébreux ne déclare que pour Dieu le septième jour était un jour d’une autre longueur que les six premiers. Si le mot désigne des ères, tous les jours sont des ères; s’il s’applique à une journée solaire, tous sont des journées de vingt-quatre heures. L’auteur dit simplement que Dieu se reposa le septième jour, et non «se repose». Et Pierre ne dit évidemment pas que mille ans et un jour sont identiques! Résumons. Du point de vue exégétique, c’est aux défenseurs de la théorie des ères qu’il appartient d’apporter les preuves de ce qu’ils avancent. L’interprétation normale du passage, avec le mot «jour» accompagné d’adjectifs numéraux, la mention d’un «soir» et d’un «matin», ainsi que les deux textes de l’Exode sont autant d’arguments tirés du texte biblique lui-même en faveur de jours solaires. Si Dieu voulait vraiment communiquer l’idée de jours solaires, comment pouvait-il le faire plus clairement?
VII. Une apparence d’histoire Tout acte de création entraîne forcément avec lui une apparence d’histoire. Même si Dieu n’avait à l’origine créé que les formes les plus simples, elles auraient nécessairement eu une apparence d’histoire. La première source lumineuse, les eaux, la première végétation (même au stade de semence), le soleil et la lune, les créatures, et même Adam et Eve paraissaient tous avoir une histoire dès leur apparition. En fait, c’est quelque chose de normal pour les miracles. Plusieurs des miracles du Seigneur impliquent une histoire apparente. Le vin créé à partir de l’eau à Cana donnait l’impression d’avoir derrière lui tout le cycle de la transformation naturelle qui aboutit normalement à la fabrication du vin. Or, en réalité, il n’avait pas cette histoire (Jean 2:1-11). La nourriture multipliée pour les cinq mille hommes ou celle que Jésus a multipliée pour les quatre mille à une autre occasion donnait l’apparence d’avoir été semée, moissonnée en tant que céréales, puis transformée en pain, mais en réalité, elle n’avait aucune histoire chronologique.
Le fait que Dieu a créé les choses en leur donnant une apparence d’histoire dans le passé semble incontestable. La seule question, c’est de savoir jusqu’où il est allé dans ce domaine. La réponse est: pas plus qu’il ne le fallait et sans rien qui puisse nous tromper. Dieu a livré sa propre appréciation sur son œuvre: tout était bon. Les miracles de Christ avaient pour but de manifester sa gloire (Jean 2:11). Les perfections et la gloire de Dieu ne laissent aucune place à une quelconque tromperie.
VIII. Quelques observations pour conclure 1. Il y a eu une création réelle, factuelle, historique, surnaturelle des cieux, de la terre et de l’homme. Dieu en est l’auteur. Nier cette réalité, la corriger ou la compromettre en laissant planer un doute sur la fiabilité du récit de la Genèse, cela ne supprime pas cette vérité, car l’Ecriture réaffirme ailleurs l’activité créatrice originelle de Dieu (Exode 20:11; 31:17; 1 Chroniques 1:1; Job 38:4-7; Matthieu 19:4-5; 1 Corinthiens 11:7-8). Si la Genèse n’est pas fiable, d’autres parties de la Bible ne le sont pas non plus. 2. Du temps de Noé, il s’est produit un déluge universel. Son caractère universel est attesté environ une douzaine de fois dans Genèse 6–11 ainsi que dans 2 Pierre 2:5; 3:6. Le Seigneur a confirmé la réalité du déluge dans Matthieu 24:38-39 et Luc 17:26-27. Là encore, si l’on rejette la véracité du déluge ou si l’on réduit son étendue à une catastrophe locale, on rejette le témoignage du Seigneur et de Pierre (voir aussi Hébreux 11:7). On ne peut accuser le récit du déluge, comme celui de la création, d’être une exagération ou une falsification due au caractère «primitif» de la révélation de la Genèse. La notion d’un déluge universel a plusieurs prolongements. La quantité d’eau impliquée peut indiquer l’existence d’une enveloppe de vapeur qui s’est condensée au moment du déluge, entraînant ainsi de fortes pluies pendant quarante jours (Genèse 1:6-8; cf. Genèse 7:11-12). Cette catastrophe a pu provoquer des modifications considérables dans le climat du monde après le déluge, ainsi que d’autres changements108. Il va de soi que ces changements ont pu affecter l’uniformitarisme (ou actualisme) sur lequel sont basées les méthodes de datation. Le déluge a détruit toute forme de vie qui n’était pas préservée dans l’arche construite par Noé, ce qui explique la présence de fossiles sur la terre. 3. Il est possible qu’il y ait eu une création originelle antérieure à Genèse 1:1, mais cela me semble peu vraisemblable. Si c’était cependant le cas et si cette création abritait une vie végétale et animale, il se pourrait que les fossiles en soient les vestiges. 4. La théorie d’un intervalle de temps entre les deux premiers versets de la Genèse ne repose pas sur des preuves exégétiques solides.
5. De même, l’identification des jours de Genèse 1 à des ères géologiques ne jouit pas de preuves assez solides pour être acceptée. La Bible parle de jours solaires. Le verset Genèse 1:3 rapporte le début des événements intervenus le premier jour (à cause de la formule: «Dieu dit: Qu’il y ait…», qui se retrouve au début des jours subséquents). Cela signifie que nous ignorons combien de temps la terre resta informe et vide (Genèse 1:2) avant le commencement des jours. Mais que cette période ait été longue ou brève, il n’y avait alors aucune vie végétale, animale ou humaine pré-adamique sur la terre (Matthieu 19:4; 1 Corinthiens 15:45). Il se peut donc que l’origine de la terre informe originelle soit très ancienne, mais que celle de la terre formée et peuplée de plantes, d’animaux et de l’homme, qui ont tous été créés au cours des six jours de la création, ne remonte pas plus loin que les jours solaires et que les listes généalogiques. Résumons. En fin de compte, nous devons croire ce que Dieu a révélé au sujet de la création. Aucun être humain n’était présent quand ces choses se sont produites. Mais Dieu, qui est véridique, en a donné la révélation à Moïse, un écrivain instruit et fiable. Bien que le récit ne contienne pas tous les détails, il relate cependant de nombreux faits qui doivent faire l’objet de la même exégèse que les autres parties de l’Ecriture. Par ailleurs, on trouve dans d’autres parties de la Bible et dans la bouche du Seigneur confirmation des vérités révélées dans la Genèse. 97 John C. Whitcomb, The Early Earth, Grand Rapids, Baker, 1972, p. 42. 98 Voir W.H. Griffith Thomas, The Principles of Theology, Londres, Church Book Room Press, 1945, xix. 99 Whitcomb, The Early Earth, p. 21. 100 Voir la discussion de John J. Davis, Paradise to Prison, Grand Rapids, Baker, 1975, pp. 39-40. 101 Merrill F. Unger, «Rethinking the Genesis Account of Creation», Bibliotheca Sacra, janvier 1958:28. 102 George H. Pember, Earth’s Earliest Ages, Grand Rapids, Kregel, 1975. 103 Eric Sauer, The King of the Earth, Londres, Paternoster Press, 1962. 104 Arthur C. Custance, Without Form and Void, Brockville, Canada, Author, 1970. 105 Pour plus de détails à ce sujet, voir Weston W. Fields, Unformed and Unfilled, Nutley, N.J. Presbyterian and Reformed, 1976, pp. 81-86. 106 Voir Bernard Ramm, The Christian View of Science and Scripture, Grand Rapids, Eerdmans, 1954, pp. 214ss. 107 Gleason L. Archer, Encyclopedia of Bible Difficulties, Grand Rapids, Zondervan, 1982, p. 63. 108 Voir Joseph C. Dillow, The Waters Above, Chicago, Moody, 1980.
31. La création de l’homme I. Les caractéristiques de la création de l’homme Seule la narration biblique livre une information exacte sur l’origine de l’humanité. Le texte précise quelques caractéristiques de cet acte.
A. Dieu avait planifié de créer l’homme La création de l’homme résulte d’une décision délibérée de Dieu (Genèse 1:26). Tout ce qu’il avait fait lors de la création avait beau être «bon» à ses yeux, la création était incomplète sans l’homme. Celui-ci n’est pas le résultat d’une idée après coup, mais le fruit d’une volonté éternelle de la part de la divinité. Ce n’est qu’après avoir créé l’homme que Dieu a pu prononcer le jugement «très bon» sur son œuvre (Genèse 1:31).
B. La création de l’homme a été directe, spéciale et immédiate La création de l’homme (Genèse 1:27) n’a pas fait appel à un processus d’évolution qui rattacherait l’homme à une forme sous-humaine, non humaine ou préhumaine quelconque109. Cette théorie voudrait que, dans sa nature physique, l’homme dérive d’une forme animale non humaine dans laquelle Dieu aurait insufflé le souffle de vie. Genèse 2:7 n’appuie pas du tout cette thèse. Au contraire, le texte de la Genèse souligne fortement l’idée d’une création spéciale à partir d’éléments matériels non organiques; la Bible ne laisse nullement entendre que l’homme dériverait d’une forme vivante antérieure. Quand bien même on pourrait admettre la théorie selon laquelle Adam aurait été créé à partir d’une forme préorganique, ce ne fut certainement pas le cas d’Eve. Son corps résulte d’une création directe, spéciale et immédiate. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est illogique d’admettre ce fait dans le cas d’Eve et de le nier dans celui d’Adam. Par ailleurs, la poussière dont le corps de l’homme a été tiré ne peut constituer une référence allégorique à une forme animale quelconque; en effet, lorsque Dieu dit que l’homme retourne à la poussière à sa mort, celui-ci ne retourne pas à un état animal (Genèse 3:19).
C. La création de l’homme s’est faite en deux volets Dieu a utilisé la poussière du sol dans laquelle il a insufflé le souffle de vie. Par ce geste, il a
fait de l’homme un être vivant. L’expression «être vivant» est aussi appliquée aux animaux (Genèse 1:21, 24; 2:19), mais comme ceux-ci n’ont pas été créés à l’image de Dieu, il existe une distinction nette entre l’animal et l’homme. Dans le cas d’Eve, Dieu a d’abord pris une côte et de la chair dans le corps de l’homme, puis il en a formé une femme (Genèse 2:21-23). Il a façonné Eve après avoir prélevé des éléments dans le côté d’Adam. «Le verbe ‘former’ s’applique à la construction d’une structure d’une certaine importance; il implique un effort constructif.»110
II. Un modèle pour la création de l’homme Dieu a créé l’homme à son image et selon sa ressemblance (Genèse 1:26-27). D’autres passages de l’Ecriture confirment cette doctrine. Mentionnons Genèse 5:1, 3, qui parle de la transmission de l’image de Dieu par Adam à sa postérité; Genèse 9:6, qui relie ce concept à la peine capitale; 1 Corinthiens 11:7, qui fonde sur ce principe la doctrine de l’autorité; Colossiens 3:10, qui exhorte les chrétiens à revêtir l’homme nouveau, selon l’image de leur créateur; Jacques 3:9, qui établit un lien entre l’image de Dieu et l’usage correct de la langue. Bien que le Psaume 8 ne contienne pas l’expression «image de Dieu», il décrit de façon poétique la création de l’homme et l’étendue de sa domination.
A. Le sens des mots «image» et «ressemblance» Genèse 1:26-27 emploie les mots hébreux tselem et demouth (traduits par imago et similitudo dans la Vulgate). Les termes équivalents dans le Nouveau Testament grec sont eikôn et homoiôsis. Certains ont essayé d’établir une distinction entre les deux termes pour en déduire deux aspects de l’image de Dieu, mais du point de vue linguistique, on ne peut séparer clairement le sens de ces deux vocables. Tselem désigne une image façonnée, un personnage formé et représentatif, une image dans un sens concret (2 Rois 11:18; Ezéchiel 23:14; Amos 5:26). Demouth renvoie aussi à la notion de similitude, mais plutôt dans le domaine abstrait de l’idée. En utilisant les deux mots ensemble, l’auteur biblique «semble vouloir exprimer une idée très difficile; il désire faire comprendre clairement que l’homme est d’une certaine manière le reflet concret de Dieu, mais en même temps il invite le lecteur à spiritualiser cette idée vers l’abstraction»111. Les Pères grecs et latins faisaient une distinction entre l’image et la ressemblance; ils associaient la première à la partie physique de l’image de Dieu, et la seconde à la partie éthique. Pour Irénée, l’image désignait la liberté et l’intelligence de l’homme, tandis que la ressemblance concernait la communion spirituelle avec Dieu, qui fut perdue lors de la chute. Mais on ne peut justifier ces distinctions sur la base des termes. Notons encore que les prépositions («à» et «selon») sont utilisées de façon interchangeable dans Genèse 1:26-
27; 5:1-3.
B. La signification du concept On a beaucoup écrit pour tenter d’expliquer ce que signifie être créé à l’image de Dieu. Voici quelques-unes des explications avancées. 1. La conception de la ressemblance corporelle. Cette conception rapporte l’image de Dieu à la totalité de l’être humain, y compris à son aspect corporel. A vrai dire, cette interprétation inclut les éléments matériels et immatériels de son être, mais du fait qu’elle intègre le corps matériel de l’homme dans l’image de Dieu, il est possible de l’intituler comme je l’ai fait. L’homme est représenté par son être tout entier, car la pensée israélite envisage toujours l’homme dans sa totalité, aussi bien dans son être physique que dans ses fonctions spirituelles; d’ailleurs, s’il fallait opérer un choix entre les deux aspects, nous pourrions dire que l’apparence extérieure est peut-être plus importante que la ressemblance spirituelle. D’après L. Koehler, l’image de Dieu peut désigner la position verticale de l’homme…, mais la solennité avec laquelle l’auteur sacerdotal parle de l’imago Dei semble prouver qu’il ne la limitait pas à ce seul aspect… C’est également vers un sens plutôt physique que nous sommes orientés dans le passage de la Genèse qui associe l’image de Dieu à la vengeance du sang (Genèse 9:6).112 Deux obstacles s’opposent à cette interprétation. (1) Puisque Dieu est esprit et n’a pas de corps, comment l’image de Dieu selon laquelle l’homme a été créé pourrait-elle être corporelle? (2) Les animaux possèdent un corps, mais ils ne sont pas décrits comme créés à l’image de Dieu. Il n’est donc pas nécessaire de rattacher l’aspect corporel à l’image de Dieu. 2. La conception de la ressemblance non corporelle. Cette conception rattache l’image de Dieu aux facettes de la personnalité. Beaucoup d’auteurs présentent le jugement moral, la domination, l’exercice de la volonté et les facultés intellectuelles (capacité de parler, d’organiser, etc.) comme des aspects spécifiques de l’image non corporelle de Dieu. 3. Une conception qui combine les deux précédentes. Je suggère de combiner les deux interprétations précédentes. Genèse 1:27 affirme que l’être humain, homme et femme, a été créé à l’image de Dieu. Or, personne n’attribue un sexe à Dieu sur la base de ce verset. Pourtant, la masculinité et la féminité indiquent le genre. De même, le fait que l’homme, créé à l’image de Dieu, possède un corps, n’oblige pas à attribuer un corps à Dieu. L’homme a manifestement été créé comme un être complet, à la fois matériel et immatériel; et cet être entier a été créé à l’image de Dieu. C’est pourquoi (1) le corps de l’homme est inclus dans l’image de Dieu.
Même si Dieu n’est d’aucune manière physique, dans un certain sens, le corps de l’homme est inclus dans l’image de Dieu, car l’homme est un être unitaire constitué d’un corps et d’une âme. Son corps est l’instrument adéquat pour que l’âme, faite pour être en communion avec le Créateur, puisse s’exprimer; il est également adéquat d’un point de vue eschatologique pour devenir un «corps spirituel» (1 Corinthiens 15:44)… [Le corps] d’Adam n’était pas une entité séparée de son vrai moi; il était essentiellement un avec lui.113 (2) Parce qu’il est créé à l’image de Dieu, l’homme est un être vivant. C’est ce que Paul souligne dans son discours à l’Aréopage (Actes 17:28-29). Condamnant la croyance qui veut que des idoles inanimées puissent représenter le Dieu vivant, il explique que, puisque l’humanité est la postérité de Dieu et que les hommes sont des êtres vivants, Dieu lui-même doit l’être. (3) L’homme n’est pas seulement un être vivant, mais un être vivant qui ressemble à Dieu; il est doté d’une intelligence et d’une volonté qui lui permettent de prendre des décisions et de dominer sur le monde (Genèse 1:28). (4) Adam n’était pas seulement un être vivant bien défini, intelligent et volontaire, il était aussi capable d’entretenir avec Dieu une communion sans obstacle. Comment qualifier la condition originelle d’Adam? Certains se servent de l’adjectif innocent, mais Adam était plus qu’innocent, car cette vertu ne semble indiquer que l’absence de mal. Adam possédait une sainteté positive, même si elle n’était évidemment pas égale à celle de Dieu, puisqu’elle appartenait à l’ordre de la créature. Comme elle était sujette à la mise à l’épreuve, elle n’était pas absolue. Elle lui conférait l’immortalité, car à moins d’un échec lors de la mise à l’épreuve, il n’était pas soumis à l’inévitable loi de la mort à cause du péché. Résumons. L’image de Dieu en laquelle Adam a été créé englobait la totalité de son être, à savoir sa vie, son intelligence, sa volonté et son sens moral. 4. La conception catholique romaine. La conception catholique fait une distinction entre l’image et la ressemblance. L’image est celle qui est naturelle et qui appartient à l’homme en tant qu’être créé; elle inclut la spiritualité, la liberté et l’immortalité. La ressemblance désigne l’image morale qui n’appartenait originellement pas à l’homme, mais qui lui fut très tôt et très rapidement ajoutée. Cet ajout fut rendu nécessaire à cause de la concupiscence, le penchant naturel vers les appétits inférieurs, même s’ils ne sont pas coupables en euxmêmes et par eux-mêmes. La ressemblance ajoute donc à l’homme la justice et la sainteté originelles. Lorsque l’homme pécha, il perdit la ressemblance mais conserva l’image. Par les sacrements, l’Eglise romaine restaure la justice initiale perdue lors de la chute. 5. La conception néo-orthodoxe. Parmi les auteurs néo-orthodoxes, Brunner développe un
concept assez proche de celui de l’Eglise catholique romaine. Il enseigne que l’homme possédait une image formelle qu’il ne pouvait pas perdre lors de la chute, car c’est elle qui fait que l’homme est homme. Il conçoit aussi une image matérielle qui fut perdue lors de la chute. Barth rejeta l’idée d’une image formelle parce qu’il croyait l’homme totalement corrompu par le péché.
C. Les implications du concept Quand le péché est entré dans la race humaine, il n’a pas supprimé l’image de Dieu selon laquelle l’homme a été créé. On peut dire qu’elle a été dégradée, mais non effacée. Si cette image a bien été décrite correctement, la perdre totalement aurait signifié, pour l’homme, ne plus être un être vivant rationnel. L’usage que l’Ecriture fait de cette image après la chute prouve qu’elle n’est pas perdue. La peine capitale repose sur le fait que l’homme a été créé à l’image de Dieu (Genèse 9:6). De même, c’est parce que l’homme a été créé à l’image de Dieu qu’il peut occuper une place d’autorité (1 Corinthiens 11:7). Jacques met en garde contre la tentation de maudire un semblable parce que celui-ci a été créé à l’image de Dieu (Jacques 3:9). Tous ces passages n’auraient aucun sens si la chute avait totalement effacé l’image de Dieu. La régénération et la sanctification renouvellent le croyant selon l’image de Christ; c’est d’ailleurs à son image qu’un jour nous ressemblerons parfaitement (Romains 8:29; 2 Corinthiens 3:18). Seule la grâce peut accomplir cette œuvre.
III. La transmission de la nature humaine Quand Adam a engendré Seth, il est devenu père d’un fils à sa ressemblance, selon son image (Genèse 5:3). Si Adam a directement été créé à l’image de Dieu, ses enfants, eux, ont été engendrés à son image à lui qui, même après la chute, continuait de porter l’image de Dieu (cf. 1 Corinthiens 11:7). La transmission de la nature humaine s’est donc faite, et continue de se faire, par l’engendrement naturel. Personne ne met ce principe en doute en ce qui concerne l’aspect physique et matériel de l’être humain. Notre corps vient de celui de nos parents qui tiraient le leur de celui de leurs parents, et ainsi de suite. Mais comment l’élément immatériel de l’être humain passe-t-il d’une génération à la suivante? Plusieurs réponses ont été proposées.
A. La préexistence Selon la thèse de la préexistence des âmes, au commencement Dieu créa toutes les âmes humaines, qui furent confinées dans des corps physiques en guise de punition. Les âmes
passent par une succession d’incarnations au cours de l’histoire; dans ce processus, elles deviennent pécheresses. Platon et les Grecs enseignaient cette transmigration des âmes; dans les débuts de l’Eglise, Origène (env. 185-254 apr. J.-C.) partageait ce point de vue. De nos jours, on retrouve cette doctrine dans la théosophie, l’hindouisme et chez le philosophe F.R. Tennant. Le christianisme orthodoxe ne l’a jamais adoptée, car elle ne repose sur aucune base biblique. En outre, l’aspect «réincarnation» de cette doctrine s’oppose directement à l’enseignement biblique sur la vie éternelle – ou le châtiment éternel – qui attend toute personne née en ce monde.
B. Le créationnisme Tel qu’il est défendu par Charles Hodge, le créationnisme enseigne que Dieu crée l’âme lors de la conception ou de la naissance et l’unit immédiatement au corps114. L’âme est pécheresse, non en raison de sa création, mais à cause de son contact avec la culpabilité qui se transmet à elle par le corps. Hodge présente trois arguments en faveur du créationnisme. (1) Cette explication s’accorde avec des passages bibliques comme Nombres 16:22 et Hébreux 12:9, qui déclarent que l’âme vient de Dieu (contrairement au corps qui vient des parents). (2) Puisque l’âme est immatérielle par nature, elle ne peut pas se transmettre par un engendrement naturel. (3) Chez Christ, l’absence de péché n’est vraie que si son âme a été créée (et que, bien évidemment, elle n’a pas été unie à un corps entaché de péché, condition pour que sa personne soit indemne de péché). Les catholiques romains et de nombreux théologiens réformés privilégient le créationnisme.
C. Le traducianisme Le traducianisme affirme que l’âme de l’enfant est engendrée par ses parents, comme son corps. William G.T. Shedd cite trois arguments en faveur de cette thèse115. (1) Argument scripturaire: Hébreux 7:10 fait état d’un acte rationnel et moral de la part de Lévi qui n’était pas encore né; par ailleurs, Genèse 2:1-3 déclare que Dieu s’est reposé le septième jour, une fois son œuvre de création achevée. Il n’est donc pas question de nouveaux actes tels la création d’âmes; par ailleurs, Genèse 2:7 exclut que Dieu ait insufflé le souffle de vie en qui que ce soit d’autre qu’Adam. (2) Argument théologique: le créationnisme oblige Dieu à créer des âmes parfaites (sa nature ne lui permet pas d’en créer des pécheresses), puis les faire chuter chaque fois qu’un enfant vient au monde. Le cas du Christ exempt de péché représente une exception et ne constitue pas la règle dans ce domaine. (3) Argument physiologique: l’homme est toujours envisagé comme l’union de l’âme et du corps; il vaut donc mieux considérer que les aspects psychiques et physiques de l’être humain se développent ensemble. Il me semble, personnellement, que le traducianisme fournit une explication plus naturelle
que le créationnisme. Je partage l’opinion de J.O. Buswell qui déclare: Pour trancher entre ces deux thèses, il me semble qu’on a négligé un fait évident dans les discussions qui ont émaillé l’histoire: c’est l’uniformité et la régularité parfaites de l’arrivée de l’âme chaque fois qu’une vie humaine commence. Dans notre façon de penser habituelle, lorsque nous observons une telle perfection d’uniformité et de régularité dans d’autres domaines, nous en attribuons le résultat aux forces secondaires que Dieu a créées et qu’il maintient par sa providence divine. Pour cette raison, et pour cette raison seulement, je suis enclin à adopter le traducianisme, mais je ne pense pas qu’on puisse le faire reposer fermement sur le terrain d’un enseignement scripturaire explicite quelconque.116 109 Contrairement à A.H. Strong, Systematic Theology, Philadelphie, Judson, 1907, pp. 465476. 110 H.C. Leupold, Exposition of Genesis, Columbus, Wartburg, 1942, p. 135. 111 Addison H. Leitch, «Image of God», dans The Zondervan Pictorial Encyclopedia of the Bible, Grand Rapids, Zondervan, 1975, 3:256. 112 Edmond Jacob, Theology of the Old Testament, New York, Harper & Row, 1958, pp. 168169. «Imago Dei» signifie «image de Dieu». 113 Ralph E. Powell, «Image of God», dans Wycliffe Bible Encyclopedia, Chicago, Moody, 1975, 1:832. 114 Charles Hodge, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1940, 2:70ss. 115 William G.T. Shedd, Dogmatic Theology, New York, Scribner, 1891, 2:7ss. 116 J. Oliver Buswell, A Systematic Theology of the Christian Religion, Grand Rapids, Zondervan, 1962, p. 252.
32. Les facettes de l’homme I. La nature de l’homme A. Une unité bipartite Quand Dieu a créé Adam, il a pris de la poussière du sol et lui a insufflé le souffle de vie pour en faire un être vivant (Genèse 2:7). L’acte de création s’est déroulé en deux étapes, mais le résultat en a été une personne vivante, unique et une. Les particules de terre ont fourni le matériau, mais le souffle divin lui a donné vie. Le matériel et l’immatériel se sont unis pour produire une entité bien définie. Le matériel recèle beaucoup de caractéristiques (artères, cerveau, muscle, cheveux, etc.), et dans l’immatériel on peut ranger l’âme, l’esprit, les sentiments, la volonté, la conscience, etc. Mais sans l’unité fusionnelle de l’être humain, cette diversité ne pourrait pas fonctionner. «La conception biblique de l’homme le présente dans une diversité impressionnante, sans jamais perdre de vue l’unité de l’homme tout entier; au contraire elle la fait ressortir et l’accentue.»117 Il est indiscutable que l’homme est de nature bipartite. Il est une entité matérielle et immatérielle, et ces deux aspects sont reconnaissables. La Bible décrit la mort physique comme la séparation du corps et de l’esprit (Jacques 2:26). La dichotomie biblique diffère de l’enseignement de Platon qui disait que le corps était périssable, mais que l’âme existait dans le monde céleste de pures formes ou d’idées avant son incarnation dans un corps humain; selon lui, elle était donc incréée et immortelle, et représentait une partie de la divinité. C’est un fait avéré, la Bible n’enseigne pas que le corps serait la prison de l’âme ni qu’à la mort l’âme retournerait dans le monde céleste ou se réincarnerait dans un autre corps. La dichotomie biblique est radicalement différente du dualisme platonique.
B. Pas une trichotomie Aristote développa la division de l’homme en deux, enseignée par Platon, en divisant l’âme en (a) l’âme animale (l’aspect respiratoire) et (b) l’âme rationnelle (l’aspect intellectuel). Thomas d’Aquin développa davantage cette distinction dans la doctrine catholique romaine. Les premiers auteurs chrétiens, influencés par les Grecs, pensaient que certains passages néotestamentaires apportaient de l’eau au moulin de la conception trichotomiste («divisé en trois parties») de l’être humain, comme le croient d’ailleurs des auteurs contemporains. Pour la trichotomie populaire (l’homme est composé d’un corps, d’une âme et d’un esprit), l’esprit prime sur l’âme, et l’esprit et l’âme priment sur le corps. Le corps relie l’être à luimême, l’âme le relie au monde, et l’esprit à Dieu. Ce qui est du domaine de l’esprit doit être
cultivé, ce qui appartient à la sphère de l’âme et à celle du corps est déprécié. Cette hiérarchisation est incompatible avec le parallèle que la conception trichotomiste de l’homme veut tracer entre les natures tripartites de Dieu et de l’homme. En effet, au sein de la Trinité, les personnes sont égales, alors que les composantes de l’homme ne le sont pas. A quelle personne de la Trinité faire correspondre le corps? La trichotomie, aussi bien celle qui est adoptée par les masses populaires que celle qui occupe les cercles intellectuels, ne repose sur aucun appui logique, analogique ou scripturaire. Comment comprendre les passages bibliques fréquemment avancés en faveur de la conception trichotomiste de l’homme? Hébreux 4:12 semble séparer l’âme et l’esprit, et donc favoriser une idée de l’être humain en trois parties. Toutefois, le texte original ne dit pas que la Parole sépare l’âme et l’esprit, mais qu’elle traverse l’être humain en profondeur jusqu’à diviser âme et esprit, mettant ainsi en lumière les recoins les plus retirés de la nature humaine. L’auteur veut simplement dire que la Parole ne laisse rien de caché. Dans 1 Thessaloniciens 5:23, Paul semble accréditer l’idée que la composante immatérielle de l’homme est formée de l’âme et de l’esprit. Les partisans de la trichotomie considèrent que ce verset décrit l’homme comme formé d’un esprit, d’une âme et d’un corps. Pour les défenseurs de la dichotomie, ces termes brossent simplement le portrait de l’homme dans sa globalité. Si ces trois termes incluent tous les aspects constitutifs de l’homme, où placer le cœur (sentiments), la raison, la volonté et la conscience? Pourquoi Paul ne les inclut-il pas dans cette liste? En fait, ce verset insiste sur une sanctification qui embrasse la totalité de l’être humain. Dans 1 Corinthiens 15:44, l’apôtre semble enseigner une différence entre le corps actuel (corps psychique, c’est-à-dire le corps de l’âme) et le corps de résurrection (corps spirituel). Cela ne signifie pas que l’esprit soit supérieur à l’âme. Jean affirme avoir vu des «âmes» dans le ciel (Apocalypse 6:9; 20:4). La souillure peut atteindre aussi bien la chair que l’esprit (2 Corinthiens 7:1). Or, dans la perspective trichotomiste, la souillure ne devrait atteindre que la chair et l’âme, et non l’esprit. Les désirs charnels font la guerre à l’âme (1 Pierre 2:11). Là encore, dans la conception trichotomiste de l’homme, c’est contre l’esprit que les convoitises charnelles ou l’âme devraient faire la guerre. Comment le Seigneur peut-il nous ordonner de l’aimer de toute notre âme, si celle-ci est tournée vers le monde et non vers Dieu (Marc 12:30)? Conformément à la doctrine trichotomiste, le commandement aurait dû inclure «de tout ton esprit», mais celui-ci n’est pas mentionné du tout. Dans Hébreux 10:38, il est question de l’âme de Dieu. L’homme comprend deux substances, l’une matérielle, l’autre immatérielle. Chacune abrite une grande diversité en son sein. Les multiples facettes du matériel et les multiples facettes
de l’immatériel s’associent pour former l’entièreté de la personne humaine. L’homme est riche de diversité dans son unité.
II. Les facettes de l’aspect immatériel de l’homme L’homme est comme un diamant aux multiples facettes. Celles-ci ne sont pas des entités séparées, mais elles reflètent les différents aspects du tout. Elles peuvent exercer les mêmes fonctions et même se chevaucher, mais elles sont reconnaissables. Ce ne sont pas des parties indépendantes, mais des aspects, des facettes, des faces du tout.
A. L’âme Dans son sens le plus fondamental, le mot hébreu nephesch signifie «vie». Il désigne l’homme créé originellement comme un être vivant (âme, Genèse 2:7), mais aussi d’autres formes de vie (Genèse 1:20-21, 24, 30; Lévitique 17:11; voir aussi Exode 21:23 et Josué 2:13). Tel est le sens que revêt le mot âme pour désigner un individu. Ce principe de vie quitte le corps au moment de la mort (Genèse 35:18; Jérémie 15:2). Pourtant, le corps est aussi appelé âme (Lévitique 21:1-3; Nombres 6:6; 9:6). Dans l’Ancien Testament, l’âme n’a pas d’existence en dehors du corps, ce qui souligne l’unité de l’être humain. «Aussi riche et abondant que soit l’usage du mot nephesch (âme) pour désigner la vie, force est de reconnaître qu’il ne désigne jamais la partie profonde et indestructible de l’être humain, par opposition à la vie physique; par ailleurs, la nephesch n’a pas la capacité de vivre lorsqu’elle est séparée de la vie physique.»118 L’âme est aussi le centre d’expériences spirituelles et émotionnelles variées de l’être humain. Mentionnons la pitié (Job 30:25), l’abattement (Psaume 43:5), l’amertume (2 Rois 4:27), la haine (2 Samuel 5:8), l’amour (Cantique 1:7; 3:1-4) et le chagrin (Jérémie 13:17). L’emploi du mot «âme» (psychê) dans le Nouveau Testament présente à la fois des ressemblances et des différences par rapport à son usage dans l’Ancien. Il désigne l’être individuel complet (Actes 2:41; 27:37), mais il s’applique aussi à la seule partie immatérielle de l’homme (Matthieu 10:28). Il désigne encore l’être humain dans son état intermédiaire entre la mort et la résurrection du corps (Apocalypse 6:9). L’âme semble être l’objet principal de la rédemption (bien que le corps profite évidemment aussi
de
ses
effets).
Remarquons
en
particulier
les
passages
suivants:
Hébreux 10:39; 13:17; Jacques 1:21; 1 Pierre 1:9, 22; 2:11, 25. Résumons en disant que l’âme peut désigner la personne tout entière, vivante ou après sa
mort; elle décrit la partie immatérielle de la personne avec ses multiples sentiments et émotions; elle est enfin au centre de la rédemption et de la croissance spirituelles.
B. L’esprit L’esprit (ruach et pneuma) ne désigne que la partie immatérielle de l’homme, contrairement à l’âme qui peut désigner l’homme tout entier, avec ses composantes matérielle et immatérielle. L’homme est une âme, mais il n’est jamais décrit comme étant un esprit: il possède un esprit. L’esprit procède de Dieu, et tout le monde en possède un (Nombres 16:22; Hébreux 12:9). Il n’est pas biblique de prétendre que l’homme est dépourvu d’esprit aussi longtemps qu’il n’a pas reçu le Saint-Esprit au moment de son salut (cf. 1 Corinthiens 2:11; Hébreux 4:12; Jacques 2:26). En tant que facette de la partie immatérielle de l’homme, l’esprit est le centre de caractéristiques, émotions et activités diverses. Elles incluent notamment l’intelligence (Esaïe 29:24), la réflexion (Psaume 77:8), l’humilité (Matthieu 5:3),
l’amertume
(Genèse 26:35), le trouble (Jean 13:21), la jalousie (Nombres 5:14), l’arrogance (Proverbes 16:18) et l’abattement (Psaume 34:19). Parce qu’il peut faire montre d’émotions indésirables, il faut porter une grande attention à l’esprit dans la vie spirituelle (Psaume 51:12; 2 Corinthiens 7:1). Bien que l’âme et l’esprit puissent intervenir dans les mêmes activités et les mêmes émotions, la pensée paulinienne semble faire une distinction entre eux. C’est ce qui ressort de l’accent que l’apôtre fait porter sur le spirituel (1 Corinthiens 2:14; 3:1; 15:45; Ephésiens 1:3; 5:19; Colossiens 1:9; 3:16). Pourquoi? Lorsque Paul se convertit, l’expérience de Dieu en Christ devint le facteur déterminant non seulement de sa conception de Dieu, mais aussi de tout. Parce que Paul était juif, son rapport avec Dieu influençait et déterminait toutes ses pensées. Dans l’expérience chrétienne, la psychê, la réalité qui décrit la vitalité purement humaine, perd de son importance. Le pneuma, qui a son origine en Dieu et a été donné à l’homme, est devenu central. L’emploi peu fréquent du terme psychê chez Paul en facilite la compréhension… La connaissance que Paul avait du Saint-Esprit sert de fondement à son anthropologie, dans laquelle le pneuma assume un rôle dirigeant.119 Pour résumer, disons que l’esprit ne désigne pas toute la personne, mais uniquement sa partie immatérielle avec ses fonctions et sentiments variés. Dans la pensée de Paul, il occupe une place prééminente dans la vie spirituelle.
C. Le cœur Le cœur est un concept très large, aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau. Utilisé environ 955 fois, il se présente comme le siège de la vie physique et de la vie psychique. Il ne désigne l’organe physique que très rarement (2 Samuel 18:14; 2 Rois 9:24). Dans l’immense majorité des cas, il renvoie à l’homme intérieur, l’essence des nombreuses facettes de sa personnalité. 1. Le cœur est le siège de la vie intellectuelle. Il reconnaît (Deutéronome 8:5), acquiert la connaissance de la Parole (Psaume 119:11), il est la source des mauvaises pensées et des mauvaises actions (Matthieu 15:19-20); il a des sentiments et des pensées (Hébreux 4:12); il peut être tortueux (Jérémie 17:9). 2. Il est le siège de la vie émotionnelle. Il aime (Deutéronome 6:5); il fait des reproches (Job 27:6), il se réjouit (Psaume 104:15; Esaïe 30:29); il est chagriné (Néhémie 2:2; Romains 9:2); il a des désirs (Psaume 37:4); il peut s’aigrir (Psaume 73:21). 3. Il est le siège de la vie volitive. Il cherche (Deutéronome 4:29); il peut changer de dispositions (Exode 14:5), s’endurcir (Exode 8:11; Hébreux 4:7), choisir (Exode 7:22-23); il peut être circoncis (Jérémie 9:26; Actes 7:51). 4. Il est le siège de la vie spirituelle. L’homme parvient à la justice en croyant dans son cœur (Romains 10:9-10). Dans le cas du croyant, le cœur est la demeure du Père (1 Pierre 3:15), du Fils (Ephésiens 3:17) et du Saint-Esprit (2 Corinthiens 1:22). Le cœur du chrétien doit être pur (1 Timothée 1:5; Hébreux 10:22) et circoncis (Romains 2:29).
D. La conscience La conscience joue le rôle de témoin dans l’homme pour lui dire de faire ce qu’elle estime juste et refuser d’accomplir ce qu’elle croit être mal. Elle ne dit pas ce qui est bien ou mal, mais incite l’homme à faire ce qui lui a été enseigné comme étant bien. On peut commettre le mal en toute bonne conscience, parce qu’on a été mal enseigné sur ce qui est bien et ce qui est mal (Actes 23:1). On ne trouve mention de la conscience que dans le Nouveau Testament. Les fonctions qu’il lui attribue étaient assignées au cœur dans l’Ancien Testament (par exemple 1 Samuel 24:6; Job 27:6). Dans le Nouveau Testament, c’est Paul qui fait le plus souvent allusion à elle. (Jean se sert du mot cœur pour désigner la même réalité, 1 Jean 3:19-21.) La conscience d’une personne non régénérée peut être un bon guide (Jean 8:9; Romains 2:15) ou non, même si elle semble le guider correctement (Actes 23:1; 1 Timothée 4:2; Tite 1:15; Hébreux 10:22). On peut la comparer aux freins peu fiables d’une voiture. Par moments, elle accomplit bien son devoir, mais à d’autres, on ne peut pas
compter sur elle. La conscience du chrétien l’incite à faire ce qui est bien dans les différents types de relations qu’il cultive au cours de sa vie. (1) Elle l’exhorte à obéir au gouvernement du pays dans lequel il vit (Romains 13:5). (2) Elle lui conseille de se soumettre à un employeur injuste (1 Pierre 2:18-19). (3) Le frère fort doit tenir compte du fait que la conscience d’un frère faible ne lui permet pas de manger de la viande d’animaux sacrifiés aux idoles (1 Corinthiens 8:7, 10, 12). (4) La conscience peut être appelée à témoigner de la profondeur
et
de
l’authenticité
d’un
engagement
spirituel
(Romains
9:1-2;
2 Corinthiens 1:12; 4:2).
E. L’intelligence Comme la conscience, l’intelligence est un concept plus spécifiquement néotestamentaire. Dans l’Ancien Testament, c’est le cœur qui correspond le mieux à la notion d’intelligence. L’intelligence inclut les facultés de perception et de compréhension; en outre, elle ressent, juge et détermine. Phronein, nous et sunesis sont les principaux mots que le Nouveau Testament utilise pour exprimer ce concept. L’intelligence (l’entendement, le sens) de l’homme qui n’est pas sauvé est qualifiée de réprouvée (Romains 1:28), vaine (Ephésiens 4:17), souillée (Tite 1:15), aveuglée (2 Corinthiens 4:4) et obscurcie (Ephésiens 4:18). De plus, il est privé de la faculté critique que représente la sunesis (Romains 3:11). L’intelligence du croyant occupe une place de choix dans son développement spirituel. Dieu l’utilise pour lui faire comprendre la vérité (Luc 24:45; 1 Corinthiens 14:14-15). La vie de consécration implique une intelligence renouvelée (Romains 12:2). L’intelligence intervient dans les décisions relatives aux choses incertaines (Romains 14:5), dans la poursuite de la sainteté (1 Pierre 1:13), dans la compréhension de la volonté du Seigneur (Ephésiens 5:17), dans notre amour de sa personne (Matthieu 22:37). Toute pensée doit être amenée captive à l’obéissance de Christ (2 Corinthiens 10:5).
F. La chair La chair désigne parfois les tissus (Luc 24:39) ou toute la partie matérielle de l’être humain (1 Corinthiens 15:39; Hébreux 5:7). Quand le terme est employé pour parler d’une facette de la nature immatérielle de l’homme, il désigne son penchant à pécher et à s’opposer à Dieu (Romains 7:18; 1 Corinthiens 3:3; 2 Corinthiens 1:12; Galates 5:17; Colossiens 2:18; 2 Pierre 2:10; 1 Jean 2:16). Le croyant et l’incroyant possèdent tous deux cette capacité.
G. La volonté La Bible parle davantage de la volonté de Dieu que de celle de l’homme, et ce qu’elle dit ne
suit pas un plan ordonné. Le croyant peut vouloir accomplir ce qui est bien ou ce qui est mal (Romains 7:15-25; 1 Timothée 6:9; Jacques 4:4). La volonté peut correspondre davantage à une expression de l’être humain par le biais des autres facettes de sa personnalité qu’à une faculté distincte en soi. Telles sont les parties immatérielles constitutives de l’être humain, grâce auxquelles il peut rechercher sa propre gloire ou, au contraire, chercher à glorifier et servir son Seigneur. 117 G.C. Berkouwer, Man – The Image of God, Grand Rapids, Eerdmans, 1952, p. 200. 118 Hans Walter Wolff, Anthropology of the Old Testament, Philadelphie, Fortress, 1974, p. 20. 119 W. David Stacey, The Pauline View of Man, Londres, Macmillan, 1956, pp. 126-127.
33. La chute de l’homme Les opinions concernant la validité du récit de la chute de l’homme (Genèse 3) se classent en trois catégories. (1) Pour certains, il s’agit d’une légende; autrement dit, les faits ne sont pas vrais. «Le style du récit montre à l’évidence que cette esquisse ne peut posséder la valeur d’une narration historique. Il s’agit d’un tableau général de la religion et de la morale à la lumière d’une époque ultérieure. Mais ce compte rendu n’est certainement pas dénué de toute valeur pour nous communiquer une certaine connaissance de ces premiers jours.»120 (2) D’autres tiennent à préserver la «vérité» du récit sans devoir accepter sa fiabilité historique. C’est pourquoi A.M. Hunter parle d’un «mythe vrai». «A moins d’être des fondamentalistes irréductibles, nous savons que Genèse 3 doit être considéré comme un ‘mythe vrai’. Même si Eden ne figure sur aucune carte et si la chute d’Adam n’est mentionnée dans aucun calendrier historique, ce chapitre témoigne d’une dimension de l’expérience humaine qui est aussi présente aujourd’hui qu’elle l’était à l’aube de l’histoire, à savoir que nous sommes des créatures déchues et que l’histoire d’Adam et Eve est votre histoire et la mienne.»121 (3) Beaucoup, cependant, croient que ce récit est factuel et historique. «Le récit de la création, ses débuts, ses étapes et son achèvement, tout porte la marque d’un document historique, aussi bien dans sa forme que dans son fond, un document qui exige que nous acceptions comme vraies non seulement la déclaration introductive selon laquelle Dieu créa les cieux et la terre, avec tout ce qui vit et se meut sur la terre, mais aussi la description de la création elle-même avec toutes ses étapes.»122 D’autres passages de l’Ecriture valident l’historicité de la chute. Notons en particulier 1 Corinthiens 15:21-22 et 1 Timothée 2:14. Mais remarquons plus spécialement l’insistance de Paul sur l’historicité du péché d’Adam dans Romains 5:12-21. Il le met constamment en parallèle avec l’œuvre de Christ sur la croix. Beaucoup de ceux qui considèrent Genèse 3 comme une légende, un poème, un mythe vrai, ou quoi que ce soit d’autre, ne nient pas l’historicité de la mort de Christ (même s’ils ne sont pas d’accord sur sa signification). La comparaison contrastée que Paul établit entre le péché d’Adam et la mort de Christ exige que l’action d’Adam et celle de Christ soient vraies toutes les deux ou légendaires ou mythiques toutes les deux. Si nous acceptons la mort de Christ comme un fait historique, mais pas le péché d’Adam, nous rompons le fil du raisonnement de Paul dans ce passage. C’est précisément ce que font les barthiens. Non seulement ils acceptent l’historicité de la mort de Christ, mais ils la considèrent comme le point culminant de la révélation. En
revanche, ils n’acceptent pas l’historicité du récit de Genèse 3, tout en admettant la vérité et la réalité du péché. Or, dans la logique de ce passage biblique, si Christ et son œuvre appartiennent à la sphère du fait réel, il faut qu’Adam et son œuvre lui appartiennent aussi.
I. L’être à tenter Quelles étaient la nature d’Adam et ses relations avec Dieu avant son péché?
A. Ses capacités Nous savons qu’Adam possédait la faculté de comprendre et de raisonner. Elle lui permit de donner des noms aux animaux et de préciser ses relations avec Eve (Genèse 2:19-23). Dieu lui accorda aussi la capacité d’utiliser le langage, si bien qu’une communication put s’établir entre eux (Genèse 2:16, 20, 23).
B. Sa nature morale Quelle que soit la description que nous pouvons donner de la nature morale d’Adam avant la chute, une chose est claire: il était sans péché. Pour certains, cela signifie qu’Adam possédait une sorte de sainteté passive, puisqu’il était innocent de tout mal. La sainteté lui permettait de jouir d’une communion parfaite avec Dieu. Il est peut-être exagéré de dire qu’il possédait une sainteté positive, puisqu’il fut capable de choisir le péché. Je préfère décrire la condition d’Adam de la façon suivante: il possédait une sainteté (car il était davantage que simplement «innocent») de créature (car sa sainteté n’était pas la même que celle de Dieu) non confirmée (car elle n’avait pas encore été mise à l’épreuve et ne s’était donc pas encore révélée faillible). Adam était doté d’un libre arbitre, et sa raison lui permettait de soupeser ses choix. Ainsi Adam pouvait demeurer debout s’il l’eût voulu, vu qu’il n’est trébuché que de sa volonté propre; mais parce que sa volonté était ployable au bien et au mal, et que la constante de persévérer ne lui était pas donnée, voilà pourquoi il est si tôt et si légèrement tombé. Toutefois il y a bien eu élection du bien et du mal: et non seulement cela, mais il y avait tant en son intelligence qu’en sa volonté une parfaite droiture; même toutes les parties organiques étaient enclines et promptes à obéir chacune à tout bien, jusqu’à ce qu’en se perdant et en ruinant, il a corrompu tous ses biens.123
C. Ses responsabilités 1. Dominer sur la terre (Genèse 1:26, 28). Pour les théonomistes124, ce «mandat culturel» autorise l’homme à amener toutes les structures du monde sous la seigneurie de Christ et à
renverser toute forme d’opposition à Dieu. Les auteurs réformés partagent cette conception, mis à part qu’ils n’insistent pas pour imposer à la société de nos jours la loi de l’Ancien Testament dans tous ses aspects. Remarquons cependant que l’ordre d’assujettir la terre ne fait pas partie du mandat confié à Noé et à ses descendants (dont nous faisons partie) après le déluge (Genèse 9:1). Précisons aussi que le verbe «assujettir» dans Genèse 1:28 vient d’une racine qui signifie «pétrir» ou «fouler le sol», c’est-à-dire cultiver la terre pour que la race humaine puisse se multiplier. Adam était chargé d’administrer la terre et ce qui y vivait (vie végétale et animale) pour qu’elle puisse nourrir les gens qui la rempliraient. Tel était le contexte dans lequel il a reçu l’ordre de cultiver et de garder le jardin d’Eden (Genèse 2:15). On peut penser que la vie végétale et animale se serait multipliée de façon désordonnée si Adam n’avait pas correctement pris soin du jardin. 2. Jouir des fruits des soins dispensés au jardin (Genèse 2:16-17).
II. Le test La mise à l’épreuve, lors de la chute, consistait à savoir si Adam et Eve obéiraient à Dieu ou non. Ils prouveraient leur obéissance en ne mangeant pas du fruit de l’un des arbres du jardin, l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Dans un sens, cette interdiction était minime, comparée au nombre d’arbres dont ils pouvaient manger les fruits. Mais dans un autre sens, elle revêtait une importance énorme, puisque c’était le moyen pour eux de prouver leur obéissance ou leur désobéissance à Dieu. Par rapport à eux, de combien de façons pouvons-nous faire preuve de notre obéissance ou de notre désobéissance à Dieu au cours d’une seule journée? En incluant cette possibilité de test, Dieu montrait qu’il tenait à ce que les hommes s’engagent volontairement à lui obéir et à le servir. Il ne voulait pas avoir affaire à des automates.
III. Le tentateur Satan se sert habilement d’une créature familière à Eve au lieu de se présenter directement, ce qui aurait éveillé son attention et l’aurait mise sur ses gardes. Il se met dans la peau d’un serpent réel, ce qui explique pourquoi, en plus de Satan, cette espèce de reptiles a été maudite après la chute. Pour une raison qui nous échappe, Eve n’est pas troublée par le fait que le serpent lui parle. «Le tentateur s’adressa lui-même à Eve, probablement parce que la femme n’avait pas entendu personnellement l’interdiction de Dieu, contrairement à Adam; voir Genèse 2:16-17.»125
IV. La tentation A. La contrefaçon satanique Une contrefaçon s’efforce évidemment de ressembler le plus possible à l’authentique, tout en faisant l’économie de ce qui est le plus coûteux. Passé maître dans l’art de la contrefaçon, Satan avait déjà voulu se faire l’égal de Dieu et ne plus être différent de lui (Esaïe 14:14). Il aborde Eve en lui faisant croire que son plan est très proche de celui de Dieu, mais qu’il ne requiert pas une obéissance totale. Quand il demande si Dieu leur a interdit tous les arbres du jardin, Eve répond aussitôt qu’elle et Adam peuvent manger de tous, à l’exception d’un seul. Et elle mentionne cette exception comme si cette pensée lui était venue après coup. Satan a laissé entendre que Dieu leur avait imposé des restrictions trop sévères, et Eve se met à cultiver cette idée. Ensuite, Satan présente son propre plan qui ne comporte pas cette restriction. «La femme agit en se disant que Dieu ne se montre pas amical envers eux, alors que Satan est animé du désir de favoriser leur bien-être.»126 En somme, Satan cherchait à contrefaire la bonté de Dieu. On peut considérer cette tentation sous la forme d’un syllogisme. La prémisse majeure déclare que les restrictions ne sont pas bonnes. Selon la prémisse mineure, le plan divin prévoit une restriction. Par conséquent, le plan de Dieu n’est pas bon. A l’opposé, le plan de Satan n’inclut aucune restriction; il s’agit donc d’un bon plan. La validité de cette conclusion dépend de la vérité de la prémisse majeure. Or, dans le cas présent, elle n’est pas vraie: les restrictions ne sont pas forcément mauvaises ni indésirables. Qui plus est, l’interdiction faite à Adam et Eve dans le jardin d’Eden était bonne, puisque c’était pour eux le principal moyen de prouver leur obéissance à Dieu. Le plan contrefait de Satan supprimait la restriction et offrait à Eve l’espoir d’être comme Dieu si elle mangeait du fruit défendu.
B. Le raisonnement d’Eve On peut imaginer qu’Eve a raisonné ainsi pour savoir ce qu’elle devait faire: en examinant la proposition de Satan, elle se dit que le fruit serait bon à manger; or, sa responsabilité d’épouse consiste notamment à donner de bonnes choses à son mari; de plus, il est étonnant que Dieu leur interdise un fruit beau à voir, alors qu’il leur permet de jouir de tant d’autres belles choses; Dieu serait certainement d’accord qu’ils acquièrent davantage de sagesse; c’est pourquoi il est souhaitable, et même nécessaire, qu’elle mange de ce fruit. A ce moment-là, l’interdiction de Dieu est sortie de sa tête. Oubliés tous les bienfaits qu’il leur a accordés! L’esprit d’Eve semble suivre sa logique: le fruit renouvellera leurs forces physiques, développera leurs goûts esthétiques et augmentera leur sagesse. Après avoir
ainsi justifié ce qu’elle est sur le point de faire, elle prend du fruit de l’arbre défendu et en mange.
V. Les sanctions A. Contre la race humaine (Genèse 3:7-13) 1. Un sentiment de culpabilité, comme le prouve la confection d’un vêtement de fortune (Genèse 3:7). 2. La perte de la communion avec Dieu, mise en évidence par le besoin de se cacher loin de lui (Genèse 3:8). Cette rupture de la relation avec Dieu a entraîné la mort spirituelle et physique de la race humaine. La mort est toujours une séparation: Adam et Eve se sont aussitôt rendu compte qu’ils s’étaient coupés l’un de l’autre, et ils ont aussitôt découvert le mécanisme de dégénérescence et de décomposition de leur corps, qui devait aboutir à leur mort physique (Romains 5:12).
B. Contre le serpent (Genèse 3:14) Le serpent a été condamné à ramper. C’est soit un symbole de dégradation, soit le signe que l’animal était une créature qui se tenait verticalement avant ce châtiment. Même sous le millénium, le serpent continuera de ramper (Esaïe 65:25). La chute a eu des répercussions sur tout le règne animal, pour que l’homme puisse continuer d’exercer sa domination sur lui malgré sa condition d’être déchu (Romains 8:20).
C. Contre Satan (Genèse 3:15) 1. La postérité de Satan et celle de la femme. Une hostilité opposera la postérité de Satan (tous les perdus, Jean 8:44; Ephésiens 2:2) à celle de la femme (toute la famille de Dieu). 2. La mort pour Satan, la blessure pour Christ. Sur la croix, un individu issu de la postérité de la femme (Jésus-Christ) donnera un coup mortel à la tête de Satan (Hébreux 2:14; 1 Jean 3:8); dans ce combat, Satan infligera une grande souffrance («tu lui blesseras le talon») à Christ. Les Juifs d’avant l’ère chrétienne «acceptaient de façon voilée l’idée d’une signification messianique de Genèse 3:15»127.
D. Contre Eve et les femmes (Genèse 3:16) 1. La grossesse. Dieu augmentera la souffrance des grossesses. Désormais, l’accouchement se fera dans la douleur. 2. La femme portera ses désirs sur son mari. Pour certains, Dieu accorderait une compensation à la souffrance des grossesses et de l’accouchement: en dépit de ses douleurs, la femme
éprouvera un désir sexuel prononcé vers son mari et voudra donc avoir des enfants. D’autres comprennent que la femme aura le désir de dominer sur son mari, contrairement à l’ordre créationnel établi par Dieu. Le même mot pour «désir» apparaît avec le même sens dans Genèse 4:7.128 3. L’instauration d’une hiérarchie. Les femmes seront gouvernées par les hommes. Une telle hiérarchie est nécessaire dans un monde pécheur. Le Nouveau Testament n’abroge pas cette disposition (1 Corinthiens 11:3; 14:34; Ephésiens 5:24-25; Tite 2:3-5; 1 Pierre 3:1, 56).
E. Contre Adam et les hommes (Genèse 3:17-24) 1. La malédiction prononcée contre le sol. A cause du péché d’Adam, Dieu maudit le sol pour qu’il produise des épines et des ronces, augmentant ainsi la peine de l’homme pour le rendre fertile. Le travail d’Adam, autrefois agréable et gratifiant, devient désormais pénible et vain. 2. La mort. Adam et toute l’humanité retourneront à la poussière à leur mort. 3. Expulsion. Adam est chassé du jardin; cet acte géographique et spirituel symbolise la rupture de la communion avec Dieu.
VI. Les implications En plus de ces sanctions spécifiques, mentionnons encore deux répercussions importantes du péché d’Adam et Eve. Premièrement, tout péché affecte autrui. Le péché d’Eve a atteint Adam, et celui d’Adam s’est répercuté sur toute la race humaine. Aucun péché n’est totalement privé et dépourvu de conséquence sur les autres. Tout ce que nous faisons ou négligeons de faire affecte peu ou beaucoup de gens, d’une manière ou d’une autre. Deuxièmement, une fois commis, le péché ne peut être défait. Le coupable peut obtenir le pardon, et la relation entre l’offenseur et l’offensé peut être rétablie, mais on ne peut modifier ou supprimer le vécu. Une fois chassés du jardin, Adam et Eve n’ont pu y retourner. De même, Esaü n’a pu récupérer le droit d’aînesse qu’il avait vendu (Hébreux 12:16-17). Moïse n’a pu entrer dans le pays promis; il n’a pu l’apercevoir que de loin à cause de son péché (Nombres 20:12; Deutéronome 3:27). Le royaume a été arraché à Saül et à ses descendants parce qu’il n’avait pas attendu la venue de Samuel et avait luimême offert les sacrifices (1 Samuel 13:13-14). Voilà quelques exemples des implications du péché; il y a là matière à réflexion. Mais nous ne devons pas passer sous silence un autre aspect de ces implications. Si le
péché d’une personne touche les autres, c’est aussi le cas de la grâce et de la bonté. Certes, on ne peut supprimer le passé, mais on peut changer et améliorer l’avenir si l’on sait tirer les leçons de l’histoire. Paul estimait que la conduite de Jean, surnommé Marc, lors du premier voyage missionnaire le disqualifiait pour le deuxième voyage (Actes 15:38). Mais Marc a sans doute tiré les leçons de son expérience, car plus tard, Paul a réclamé son concours dans le ministère (2 Timothée 4:11). La chute affecte tous les êtres humains, apportant dépravation et mort; elle marquera toujours l’heure la plus sombre de toute l’histoire humaine; mais là où le péché a abondé, la grâce a surabondé, et celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement (Romains 5:20; 1 Jean 2:17). 120 Hermann Schultz, Old Testament Theology, Edimbourg, T. & T. Clark, 1895, 1:89. 121 A.M. Hunter, Interpreting Paul’s Gospel, Londres, SCM, 1954, p. 77. 122 C.F. Keil et F. Delitzsch, The Pentateuch, Edimbourg, T. & T. Clark, 1:137. 123 Jean Calvin, Institution, I.xv.8, Editions Kerygma & Farel. 124 Théonomistes: ou reconstructionnistes, mettent l’accent sur l’application de la loi de Moïse (considérée comme normative pour aujourd’hui) à tous les domaines de la société. (N.d.E.) 125 Geerhardus Vos, Biblical Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1948, p. 45. 126 Ibid., p. 47. 127 David Baron, Rays of Messiah’s Glory, Winona Lake, Indiana, BMH Books, 1979, pp. 4445. 128 Voir Susan T. Froh, Women and the Word of God, Nutley, N.J., Presbyterian and Reformed, 1980, pp. 67-69.
Section VIII Le péché
34. La conception biblique du péché Pour définir la conception biblique du péché, il est utile de procéder à une étude des termes utilisés dans les deux Testaments pour le désigner. On compte beaucoup plus de mots associés à l’idée de péché qu’à celle de la grâce. Trois mots seulement servent à exprimer le concept de grâce (chen et chesed dans l’Ancien Testament, charis dans le Nouveau). En revanche, il y a au moins huit termes fondamentaux qui désignent le péché dans l’Ancien Testament, et une douzaine dans le Nouveau. Tous ces mots ensemble précisent les notions de base de la doctrine du péché.
I. Dans l’Ancien Testament A. Chata Sous ses diverses formes, ce terme revient 522 fois dans l’Ancien Testament. Dans son sens de base, il signifie «manquer la cible» et correspond au grec hamartia. Mais rater la cible, c’est aussi en atteindre une autre. Lorsqu’un tireur rate sa cible, son projectile frappe un autre objet. De la même façon, celui qui pèche et passe à côté de l’objectif fixé par Dieu atteint une autre cible. Le mot n’est donc pas chargé simplement d’une connotation passive, celle d’une cible manquée, il exprime aussi une œuvre active, celle de frapper à tort. L’Ancien Testament l’utilise pour parler du mal moral, de l’idolâtrie et des péchés rituels. Parmi les passages importants, signalons Exode 20:20; Juges 20:16 («manquer»); Proverbes 8:36; 19:2.
B. Ra Utilisé environ 444 fois, ce terme, qui équivaut à kakos et ponêros dans le Nouveau Testament, a le sens fondamental de rupture ou de ruine. Il signifie souvent calamités et est fréquemment traduit par «méchant». Il peut aussi bien indiquer quelque chose de nuisible qu’une chose moralement fausse (Genèse 3:5; 38:7; Juges 11:27). Dans Esaïe 45:7, il est dit que Dieu crée la lumière et les ténèbres, la prospérité et l’adversité (ra). Pour certains, ra désigne ici les calamités, pour d’autres le mal. Dans ce dernier cas, le verset signifie que tout, y compris le mal, est inclus dans le plan de Dieu, même si la responsabilité des péchés commis incombe à la créature, jamais au Créateur.
C. Pescha Le terme contient l’idée d’une rébellion, et il est généralement traduit par transgression. Voir 1 Rois 12:19; 2 Rois 3:5; Proverbes 28:21 et Esaïe 1:2.
D. Awon Le terme associe les idées d’iniquité et de faute, souvent très proches en hébreu (1 Samuel 3:13). Remarquons son emploi à propos du serviteur souffrant (Esaïe 53:6) et du péché délibéré (Nombres 15:30-31).
E. Schagag L’idée est celle d’errer ou de s’égarer, comme dans le cas d’une brebis, ou de chanceler, comme dans le cas d’un homme ivre (Esaïe 28:7). Le mot évoque l’erreur dont l’auteur est responsable. C’est pourquoi, la loi condamne celui qui, involontairement, s’écarte de ses préceptes; elle l’estime responsable de son péché puisqu’il savait ce qu’elle ordonnait (Lévitique 4:2; Nombres 15:22).
F. Ascham Ce terme est exclusivement employé en relation avec les rites associés au tabernacle, puis, plus tard, au temple (Lévitique, Nombres et Ezéchiel). Il s’agit principalement de culpabilité vis-à-vis de Dieu. Il désigne aussi les sacrifices d’expiation et englobe la faute involontaire aussi bien que la faute volontaire (Lévitique 4:13; 5:2-3).
G. Rascha Rarement utilisé avant l’exil, ce mot revient souvent dans les Psaumes, chez Ezéchiel et dans la littérature sapientiale. Il s’applique au méchant, le contraire du juste (Exode 2:13; Psaume 9:17; Proverbes 15:9; Ezéchiel 18:23).
H. Taah Ce terme signifie s’égarer, s’éloigner. Il s’agit d’un péché délibéré et non accidentel, même si celui qui le commet n’est pas pleinement conscient de l’étendue de sa faute. Voir à ce propos Nombres 15:22; Psaume 58:4; 119:21; Esaïe 53:6 et Ezéchiel 44:10, 15. Cette étude des termes nous permet de tirer quelques conclusions concernant l’enseignement vétérotestamentaire sur le péché: 1. Le péché peut prendre plusieurs formes; à cause de la variété des mots utilisés, l’Israélite prenait mieux conscience de la forme particulière que revêtait son péché. 2. Le péché est ce qui est contraire à une norme; en fin de compte, il est désobéissance à Dieu. 3. Bien que la désobéissance se caractérise aussi bien par son aspect positif que par son aspect négatif, l’accent porte sur le mal commis, et pas simplement sur le bien omis. Pécher, ce n’est pas simplement manquer le bon but, c’est aussi atteindre un mauvais but.
II. Dans le Nouveau Testament Le Nouveau Testament utilise au moins une douzaine de mots fondamentaux pour décrire le péché et sa sphère.
A. Kakos Quand il est utilisé comme adverbe, le mot, qui signifie «mauvais», désigne parfois ce qui est mauvais physiquement, c’est-à-dire la maladie (Marc 1:32), mais employé le plus souvent comme adjectif, il s’applique au mal moral (Matthieu 21:41; 24:48; Marc 7:21; Actes 9:13; Romains 12:17; 13:3-4, 10; 16:19; 1 Timothée 6:10).
B. Ponêros Ce terme fondamental pour le mal concerne presque toujours le mal moral (Matthieu 7:11; 12:39; 15:19; Actes 17:5; Romains 12:9; 1 Thessaloniciens 5:22; Hébreux 3:12; 2 Jean 11). Il désigne aussi Satan (Matthieu 13:19, 38; 1 Jean 2:13-14; 5:18; et peut-être Matthieu 6:13 et Jean 17:15), ainsi que les démons, appelés des esprits mauvais (Luc 11:26; Actes 19:12).
C. Asebês Signifiant «impie», ce terme apparaît principalement dans 2 Pierre et dans Jude. Il s’applique aux apostats. Ceux qui ne sont pas sauvés sont qualifiés d’impies (Romains 4:5; 5:6). On le retrouve occasionnellement associé à d’autres termes décrivant le péché (Romains 1:18; 1 Timothée 1:9; 1 Pierre 4:18).
D. Enochos C’est un terme qui signifie «coupable» et qui s’applique généralement à quelqu’un dont le crime mérite la peine capitale (Matthieu 5:21-22; Marc 14:64; 1 Corinthiens 11:27; Jacques 2:10).
E. Hamartia C’est le mot le plus fréquemment utilisé pour le péché; il revient environ 227 fois, sous différentes formes. Quand un auteur voulait un terme qui englobe tous les péchés, il se servait de celui-ci. La métaphore qui se cache derrière lui est celle d’une cible manquée; mais, comme dans l’Ancien Testament, à la notion négative d’une cible manquée, autrement dit d’un bien omis, s’ajoute la notion positive d’une autre cible atteinte, c’est-àdire d’un mal commis. Dans les Evangiles, il est toujours utilisé dans le contexte du pardon ou du salut (Matthieu 1:21; Jean 1:29). Parmi les autres références instructives,
mentionnons Actes 2:38; Romains 5:12; 6:1; 1 Corinthiens 15:3; 2 Corinthiens 5:21; Jacques 1:15; 1 Pierre 2:22; 1 Jean 1:7; 2:2; Apocalypse 1:5.
F. Adikia Ce nom décrit toute conduite injuste, dans le sens le plus large. Il s’applique aux gens qui ne sont pas sauvés (Romains 1:18), à l’argent (Luc 16:9), aux membres du corps humain (Romains 6:13; Jacques 3:6) et aux actions (2 Thessaloniciens 2:10).
G. Anomos Cet adjectif signifie étymologiquement «sans loi». Il caractérise la transgression de la loi dans son sens le plus large (Matthieu 13:41; 24:12; 1 Timothée 1:9). D’un point de vue eschatologique, il désigne l’Antichrist, l’impie par excellence (2 Thessaloniciens 2:8).
H. Parabatês Signifiant «transgresseur», ce mot concerne des violations spécifiques de la loi (Romains 2:23; 5:14; Galates 3:19; Hébreux 9:15).
I. Agnoein Ce verbe peut désigner le culte offert par ignorance à quelqu’un d’autre que le vrai Dieu (Actes 17:23; Romains 2:4), mais cette ignorance rend la personne coupable. De ce fait, elle a besoin de l’expiation (Hébreux 9:7).
J. Planan Ce verbe signifie «errer» de façon coupable (1 Pierre 2:25). Certains peuvent séduire les autres en les égarant (Matthieu 24:5-6), mais ils peuvent aussi se séduire eux-mêmes (1 Jean 1:8). Satan égare le monde entier (Apocalypse 12:9; 20:3, 8).
K. Paraptôma Ce mot désigne l’offense, et dans la plupart des cas une offense volontaire. Paul l’utilise à six reprises dans Romains 5:15-20.
L. Hypocrisis Ce mot contient trois idées: interpréter faussement comme pourrait le faire un oracle, jouer un rôle comme un acteur, accorder du crédit à une interprétation pourtant reconnue comme fausse. Ces différents sens semblent se conjuguer dans le péché de Pierre que Paul dénonce en Galates 2:11-21. Les faux docteurs de la fin des temps donneront de fausses interprétations et se feront passer pour ce qu’ils ne sont pas, et beaucoup suivront leur
enseignement (1 Timothée 4:2). Les hypocrites se séduisent d’abord eux-mêmes en changeant le bien en mal; ensuite, ils séduisent les autres. Telle est la terrible nature du péché. Nous pouvons tirer plusieurs conclusions de l’étude du péché dans le Nouveau Testament. 1. Le péché enfreint toujours une règle claire. 2. En fin de compte, tout péché est une révolte ouverte contre Dieu et une transgression de ses normes. 3. Le mal peut revêtir une grande variété de formes. 4. La responsabilité de l’homme est certaine et clairement énoncée.
III. Une définition Il est possible de définir correctement le péché en se servant de tous les termes qui servent à le décrire dans ses diverses formes, aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau. Une telle définition serait certainement exacte, mais longue. Il est possible de le décrire de la façon suivante: cible manquée, méchanceté, rébellion, iniquité, égarement, perversion, errance, impiété, crime, anarchie (refus de toute autorité), transgression, ignorance, offense. D’une façon plus concise, le péché a été défini comme la transgression de la loi (d’après 1 Jean 3:4). Cette définition est correcte dans la mesure où la loi est conçue dans son sens le plus large; le péché représente alors tout écart par rapport aux normes fixées par Dieu. Strong en donne un exemple en le définissant comme «le manque de conformité à la loi morale de Dieu, que ce soit en acte, en disposition ou en état»129. D’après Romains 3:23 (qui présente la gloire de Dieu comme reflétant sa personne), on peut définir le péché comme tout ce qui est contraire à la nature divine. Buswell en donne la définition suivante: «Finalement, le péché peut se définir comme étant tout ce qui, dans la créature, n’exprime pas la sainte nature de Dieu, ou qui lui est contraire.»130 Il est clair que la principale caractéristique du péché est de s’opposer directement à Dieu. (Cette opposition peut aussi s’exercer contre la loi de Dieu.) Toute définition qui ne tient pas compte de cette opposition n’est pas conforme à l’Ecriture. Le cliché qui présente diverses catégories de péché: contre soi, contre les autres ou contre Dieu, omet le fait qu’en fin de compte, c’est contre Dieu qu’il est dirigé (Psaume 51:6; Romains 8:7). Que notre étude du mot et notre définition ne nous fassent pas perdre de vue combien le péché est terrible aux yeux d’un Dieu saint. Habakuk le dit bien: «Tes yeux sont trop purs pour voir le mal, et tu ne peux pas regarder l’iniquité» (Habakuk 1:13). Le péché est si dévastateur que seule la mort du Fils de Dieu peut l’ôter (Jean 1:29).
129 A.H. Strong, Systematic Theology, Philadelphie, Judson, 1907, p. 269. 130 J. Oliver Buswell, A Systematic Theology of the Christian Religion, Grand Rapids, Zondervan, 1962, 1:264.
35. L’enseignement de Christ concernant le péché Lorsqu’on survole l’enseignement du Seigneur à propos du péché, deux faits ressortent clairement. Le premier a trait au nombre élevé d’allusions qu’il a faites à ce thème, aussi bien dans son enseignement direct que dans ses paraboles. Malgré cela, nous ne considérons pas toujours le péché comme l’un des principaux sujets abordés par Christ. Or, il l’est manifestement. La deuxième caractéristique, c’est l’extrême précision de son enseignement à propos du péché, comme nous le verrons. Autrement dit, Christ avait beaucoup à dire sur le thème du péché, et il l’a fait d’une manière détaillée.
I. Quelques péchés spécifiques Le Seigneur s’est servi de tous les termes principaux qui décrivent le péché; ce faisant, il a mis un certain nombre de péchés particuliers en évidence. Voici une liste de ceux qu’il a mentionnés dans son enseignement.
A. Le sacrilège (Marc 11:15-18) En purifiant le temple par l’expulsion des vendeurs d’animaux et des changeurs de monnaie, il expose et dénonce leur péché de sacrilège. Ils ont en effet profané le temple consacré à Dieu et fait preuve d’un manque évident de respect pour les choses sacrées. Christ purifie le temple au début et à la fin de son ministère terrestre (voir aussi Jean 2:1216).
B. L’hypocrisie (Matthieu 23:1-36) Dans sa véhémente condamnation de l’hypocrisie des sadducéens, des scribes et des pharisiens, le Seigneur met clairement en relief différentes manières par lesquelles ils se rendaient coupables d’hypocrisie. 1. Ils ne faisaient pas ce qu’ils prêchaient (Matthieu 23: 1-4). 2. Ils cherchaient à s’élever en incitant les gens à les aduler (Matthieu 23: 5-12). 3. Ils trouvaient moyen de ne pas honorer leurs vœux en établissant une différence entre le fait de jurer par le temple et celui de jurer par l’or du temple (Matthieu 23: 16-22). 4. Ils observaient scrupuleusement la dîme, mais négligeaient de promouvoir la justice (Matthieu 23: 23). 5. Ils paraissaient justes, mais ce n’était qu’apparence: c’étaient des hypocrites
(Matthieu 23: 25).
C. L’avarice (Luc 12:15) Sachant que c’est là le fond du problème de l’homme qui lui a demandé de régler le différend qui l’oppose à son frère, le Seigneur met la foule en garde contre le péché d’avarice.
D. Le blasphème (Matthieu 12:22-37) En attribuant à Satan les miracles que Jésus opérait, les pharisiens blasphémaient. Ils auraient cependant pu rectifier leur situation en reconnaissant à juste titre le Christ pour ce qu’il était vraiment (Matthieu 12: 33-37; voir le chapitre 61 de ce livre pour une discussion plus approfondie sur le sujet).
E. La transgression de la loi (Matthieu 15:3-6) Pour ne pas devoir prendre soin de leurs parents âgés, les scribes avaient imaginé le stratagème suivant: ils consacraient au temple l’argent qui aurait dû revenir à leurs parents, afin de le récupérer ultérieurement. Le Seigneur indique fermement que cette pratique constitue une violation flagrante du commandement d’honorer ses parents.
F. L’orgueil (Matthieu 20:20-28; Luc 14:7-11) La recherche d’une position élevée ou de places de choix ne devrait pas venir à l’esprit du vrai serviteur.
G. Le fait d’être une occasion de chute (Matthieu 18:6) Faire quoi que ce soit qui incite autrui à pécher, c’est déjà commettre un péché.
H. La déloyauté (Matthieu 8:19-22) Faire passer son confort, et même ses devoirs légitimes, avant Christ, c’est pécher.
I. L’immoralité (Matthieu 5:27-32) Ce péché peut se commettre dans le corps, dans le cœur et dans le mariage.
J. La stérilité spirituelle (Jean 15:16) Comme les croyants sont appelés à porter du fruit, son absence serait contraire à la volonté divine.
K. La colère (Matthieu 5:22) Le Seigneur met en garde contre la colère qui peut conduire au meurtre.
L. Les péchés de parole (Matthieu 5:33-37; 12:36) Le Seigneur souligne le danger du parjure, qui consiste à ne pas tenir un engagement pris sous serment. Il avertit aussi que nous serons jugés pour toute parole inutile que nous aurons prononcée.
M. La vantardise (Matthieu 6:1-18) Afficher une prétendue piété, c’est pécher. C’est le piège que représentent certaines bonnes œuvres, comme l’aumône, la prière et le jeûne, lorsqu’elles sont pratiquées dans le but de gagner les louanges des hommes plutôt que l’approbation de Dieu.
N. Le manque de foi (Matthieu 6:25) L’anxiété à propos des besoins personnels traduit un manque de foi dans la providence divine.
O. Une gestion irresponsable (Matthieu 25:14-30; Luc 19:11-27) Les deux paraboles illustrent le besoin d’une gestion responsable de la part des disciples de Christ. Les talents représentent les différentes aptitudes confiées à différents individus, alors que les mines dont chaque personne reçoit la même quantité représentent les occasions que la vie elle-même offre. Les serviteurs qui ne font pas un bon usage des talents et des mines sont châtiés pour leur conduite irresponsable.
P. La négligence dans la prière (Luc 18:1-8) Nous devons prier en tout temps et ne jamais nous relâcher. Je suis sûr qu’on pourrait allonger cette liste, mais elle met déjà clairement en relief le grand nombre de péchés que le Seigneur a dénoncés.
II. Quelques catégories de péchés On peut regrouper les péchés mentionnés plus haut en catégories.
A. Les violations de la loi mosaïque Le «corban» illustre bien les péchés de cette catégorie (Marc 7:9-13). Le mot «corban» est la transcription d’un terme hébreu qui signifie «don». Lorsqu’un fils déclarait corban la somme d’argent nécessaire au soutien de ses parents, les scribes l’exemptaient de ses devoirs à leur égard; or la loi imposait aux enfants de pourvoir aux besoins des parents
âgés. Il semblerait même que le fils n’était pas obligé de donner au temple toute la somme dévouée par corban, et qu’il pouvait l’utiliser pour lui-même.
B. Les péchés manifestes Bien que tous les péchés soient coupables, ils ne sont pas tous d’égale ampleur. Certains péchés sont visiblement plus graves que d’autres. Le Seigneur met clairement ce principe en évidence lorsqu’il enseigne à propos de la paille et de la poutre (Matthieu 7:1-5) et lorsqu’il déclare que le péché de Caïphe, qui le livre à Pilate, est plus grave que celui de Pilate (Jean 19:11). Les péchés manifestes les plus graves incluent ceux de la langue, notamment ceux qui contestent les affirmations de Christ (Matthieu 12:22-37), ainsi que l’opposition déclarée aux messagers de Dieu et leur rejet (Matthieu 21:33-46).
C. Les mauvaises attitudes intérieures Les actions extérieures ne font que traduire les attitudes intérieures et la vraie nature de l’être humain. Le Seigneur a souvent mis le doigt sur le fait que le péché prend généralement racine dans le cœur de l’homme. Voir à ce propos Luc 12:13-15 et Matthieu 20:20-22.
D. Le levain Partout dans la Bible, le levain symbolise la présence de l’impureté ou du mal. La seule exception pourrait être Matthieu 13:33, où il représenterait la croissance du royaume par la puissance de l’Evangile. Quoi qu’il en soit, lorsque Christ met en garde contre le levain des pharisiens, des sadducéens ou des hérodiens, il pense au mal. 1. Le levain des pharisiens. Ceux-ci cherchaient surtout à parader. En apparence, ils étaient justes (Matthieu 5:20),
ils
étaient
versés
dans
la
connaissance
des
Ecritures
(Matthieu 23:2), ils s’acquittaient de la dîme (Luc 18:12), ils jeûnaient (Matthieu 9:14) et priaient (Luc 18:11); en réalité, intérieurement, ils étaient impurs, et le Seigneur dénonçait le levain de leur hypocrisie (Matthieu 23:14, 26, 29; Marc 8:15; Luc 12:1). 2. Le levain des sadducéens. C’était leur enseignement erroné. Leur croyances étaient fondées sur leurs sens; c’est pourquoi ils ne croyaient pas à l’existence des anges ni à la résurrection. Le Seigneur dénonçait ce péché moins souvent que celui des pharisiens, car la fausse doctrine est en soi quelque chose qui est plus apparent, parce que plus difficile à masquer (Matthieu 16:6). 3. Le levain des hérodiens. C’était leur matérialisme et leur mondanité. En tant que parti, ils soutenaient Hérode et le gouvernement romain qui l’avait placé sur le trône d’Israël. Ils utilisaient le pouvoir terrestre à des fins «spirituelles». Christ mettait en garde contre ce
piège (Marc 8:15). Ces trois péchés – à savoir une piété uniquement extérieure, la fausse doctrine et les méthodes mondaines – se retrouvent manifestement dans certains groupes de nos jours. L’avertissement du Seigneur n’a donc rien perdu de sa pertinence.
III. Quelques sources de péché A. Satan Christ était bien informé sur le pouvoir, le programme et les méthodes de Satan. Certains ont voulu insinuer qu’il ne croyait pas à son existence réelle et qu’il tenait simplement compte de l’ignorance de ses contemporains en parlant de lui. Or, il lui est arrivé de parler du diable à des occasions où les circonstances ne l’obligeaient pas à le faire (par exemple Luc 10:18). Le Seigneur a qualifié Satan de prince de ce monde (Jean 12:31), de chef de son propre royaume (Matthieu 12:26), de père d’un peuple rebelle (Jean 8:44), de père du mensonge (Jean 8: 44), de malin qui empêche les hommes de recevoir l’Evangile (Matthieu 13:19), d’ennemi qui sème l’ivraie au milieu de la bonne semence (Matthieu 13: 39). Il incite les hommes à faire le mal qu’il leur suggère.
B. Le monde Le monde placé sous la coupe de Satan s’oppose au peuple de Dieu et accomplit les desseins du diable. Le système du monde est donc une source de péché chaque fois que l’on se conforme à lui (Jean 15:18-19).
C. Le cœur Le Seigneur a souvent souligné le fait que le comportement extérieur d’un individu reflète ce qu’il y a dans son cœur (Matthieu 15:19).
IV. L’universalité du péché Dans une déclaration limpide, le Seigneur a affirmé que seul Dieu est bon, et qu’aucune créature humaine ne l’est (Matthieu 19:17). Il a même dit que les disciples qu’il avait choisis étaient méchants (Luc 11:13), tout en reconnaissant leur capacité à faire le bien. Le péché sépare les hommes de Dieu; tous sont pécheurs.
V. Quelques conséquences du péché A. Le péché affecte la destinée
Le péché entraîne la perdition de l’homme (Matthieu 18:11; Luc 15:4, 8, 24). A moins d’être pardonné, il provoque leur mort (Jean 3:16). Il attire le jugement sur les êtres humains (Luc 12:20).
B. Le péché affecte la volonté Le Seigneur a clairement montré que les pharisiens étaient esclaves des désirs du diable (Jean 8:44). Quand il a exposé sa mission dans la synagogue de Nazareth, il a indiqué qu’elle consistait, en particulier, à libérer les captifs (Luc 4:19). Cette promesse concernait évidemment ceux qui étaient des captifs spirituels, car le Seigneur n’a pas ouvert les portes des prisons matérielles. (Sinon, il aurait fait sortir Jean-Baptiste de sa geôle.)
C. Le péché affecte le corps Il n’est évidemment pas possible d’imputer toute maladie à un péché précis (Jean 9:3), mais pour certaines c’est bien le cas. Le Seigneur a établi un tel lien en rapport avec le paralytique de Béthesda (Jean 5:14). Voir aussi Matthieu 8:17.
D. Le péché affecte les autres Les péchés des scribes avaient des répercussions sur les veuves et sur ceux qui suivaient leurs traditions (Luc 20:46-47). Il est clair que le péché du fils prodigue avait des effets sur son père (Luc 15:20). Les péchés contre lesquels le Seigneur met en garde dans le Sermon sur la montagne ont tous des prolongements sur autrui. Personne ne pèche sans que son péché n’atteigne quelqu’un, d’une manière ou d’une autre.
VI. Le pardon du péché A. La base du pardon Au début du ministère de Christ, Jean-Baptiste a annoncé que le but de la venue de Jésus était d’ôter le péché du monde (Jean 1:29). Le Seigneur lui-même a clairement déclaré que sa mort serait le fondement du pardon (Matthieu 20:28; 26:28).
B. Ce qu’implique le pardon reçu Ceux qui ont été pardonnés doivent aussi pardonner aux autres. C’est là un thème récurrent dans l’enseignement du Seigneur (Matthieu 6:14-15; 18:21-35; Luc 17:3-4).
VII. L’eschatologie du péché Dans son grand discours eschatologique, le Seigneur a mis en relief les effets du péché au cours de la tribulation qui doit venir sur la terre (Matthieu 24:1-28).
A. Dans les affaires internationales Le péché sera à l’origine de guerres durant la tribulation (Matthieu 24:6-7).
B. Dans les affaires personnelles Le péché incitera les hommes à se trahir et à se haïr les uns les autres (Matthieu 24:10, 12).
C. Dans les affaires spirituelles La tribulation marquera un temps d’intense séduction spirituelle. De nombreux chefs de fausses religions séduiront beaucoup d’hommes par les signes miraculeux qu’ils auront le pouvoir d’accomplir (Matthieu 24:5, 11, 24); l’Antichrist lui-même conduira la fausse religion à son apogée quand il s’assiéra dans le temple de Jérusalem et réclamera l’adoration (Matthieu 24:15-21). Pendant cette période, le mal sera plus officiel et plus destructeur qu’à toute autre période de l’histoire. Résumons. L’enseignement du Seigneur couvre plusieurs aspects du péché et met en exergue sa diversité et ses spécificités. Il souligne constamment la responsabilité personnelle de l’être humain. Dans son enseignement, il aborde les prolongements pratiques du péché.
36. L’héritage du péché I. Définition Le péché hérité désigne la nature pécheresse que possède tout être humain dès sa naissance. Les théologiens se sont servis de différentes expressions pour définir ce concept. (1) Certains parlent du «péché hérité», ce qui met en avant le fait que tous les êtres humains héritent cet état pécheur de leurs parents, qui, eux-mêmes, le tiennent des leurs. On remonte ainsi jusqu’à Adam et Eve. (2) D’autres préfèrent évoquer la «nature pécheresse» et insistent sur le fait que le péché a corrompu notre nature tout entière. Cette façon de parler établit un contraste clair entre la racine du péché et ses fruits (qui sont les actes pécheurs particuliers). (3) D’autres encore penchent pour l’expression «péché originel», car c’est le péché d’Adam, à l’origine, qui a entraîné la corruption morale de la nature humaine qui s’est ensuite transmise par héritage à toutes les générations suivantes.
II. Le témoignage scripturaire La Bible affirme clairement que tous les aspects de l’être humain sont corrompus. «Par nature», nous sommes des enfants de colère, c’est-à-dire les objets de la colère de Dieu (Ephésiens 2:3). Nos actions font également de nous des objets de cette colère, mais le verset indiqué renvoie à quelque chose d’inné. D’après le Psaume 51:7, nous possédons ce travers dès notre conception; ce n’est donc pas quelque chose que nous acquérons au cours de notre vie en raison de nos actions. Tous les aspects de l’être humain sont souillés par sa nature pécheresse. (1) Son intelligence est aveuglée (2 Corinthiens 4:4), réprouvée ou désapprouvée (Romains 1:28), obscurcie, étrangère à la vie de Dieu (Ephésiens 4:18). (2) Ses sentiments sont avilis et corrompus (Romains 1:21, 24, 26; Tite 1:15). (3) Sa volonté est esclave du péché et s’oppose donc à Dieu (Romains 6:20; 7:20).
III. Une dépravation totale Le témoignage scripturaire a servi d’appui à ce qui a généralement été appelé la «dépravation (ou corruption) totale». Le Petit Robert définit ainsi la dépravation: «Attitude dénuée de sens moral et de sensibilité morale.» Les versions françaises de la Bible n’utilisent généralement pas ce terme. Il correspond au grec adokimos de Romains 1:28 qui signifie: «qui échoue à l’examen» ou «ne satisfait pas aux conditions de l’épreuve». Ce
sens donne un indice quant à la définition du concept de dépravation: la dépravation signifie que l’homme ne répond pas aux conditions fixées par Dieu pour lui être agréable, elle traduit l’absence de quoi que ce soit de méritoire en lui aux yeux de Dieu. C’est un échec sur toute la ligne, car (a) la dépravation concerne tous les aspects de l’être humain et (b) elle s’étend à tous les hommes. Envisagé sous son angle négatif, le concept de dépravation totale ne signifie cependant pas (a) que chaque être humain serait aussi dépravé qu’on puisse l’être; (b) que les pécheurs n’auraient pas de conscience ni de sens inné de Dieu; (c) que les pécheurs se complairaient dans toutes les formes possibles et imaginables de péchés; (d) que les hommes dépravés seraient incapables d’accomplir des actions bonnes aux yeux des hommes ou même de Dieu. Dans une formulation positive, affirmer que l’être humain est totalement dépravé, c’est reconnaître (a) que la corruption s’étend à tous les domaines de sa nature et de ses facultés; (b) qu’il ne possède rien qui puisse le faire subsister devant un Dieu juste. La doctrine de la dépravation totale de l’être humain doit toujours être examinée à la lumière de la sainteté de Dieu. Les hommes possèdent une bonté relative. Ils peuvent accomplir de belles actions, que d’autres apprécient. Mais rien de ce que l’être humain peut faire n’a un quelconque mérite salvateur aux yeux d’un Dieu saint ni ne peut lui valoir sa faveur.
IV. La sanction liée au péché hérité La sanction qui frappe tout particulièrement le péché hérité, c’est la mort spirituelle. La mort est toujours une séparation; la mort spirituelle est donc la séparation d’avec la vie de Dieu au cours de l’existence présente (Ephésiens 2:1-3). Si cet état perdure tout au long de la vie, il débouche sur la mort éternelle ou seconde mort (Apocalypse 20:11-15). Des fleurs coupées illustrent bien ce que sont les êtres humains vivants: ils font de belles choses, mais sont néanmoins morts spirituellement. Le bouton qui a été coupé de la plante est-il vivant ou mort? A première vue, il s’épanouit et exhale son parfum; au milieu d’autres fleurs coupées, il embellit la maison ou l’église et agrémente les grandes occasions. Il semble vivant, il sert à quelque chose; mais en réalité, il est mort, car il a été coupé de la plante qui lui communiquait la sève, c’est-à-dire la vie. La comparaison s’arrête toutefois là, car il est impossible de communiquer à la fleur une vie nouvelle et éternelle, ce que Dieu, et lui seul, peut accomplir pour celui qui croit au Seigneur Jésus.
V. La transmission du péché hérité L’appellation elle-même indique bien comment se transmet le péché hérité: nous l’avons reçu de nos parents qui l’avaient eux-mêmes reçu des leurs, et ainsi de suite jusqu’à Adam
et Eve. Après avoir péché, ceux-ci ne pouvaient se reproduire que selon leur espèce, c’est dire que leurs enfants étaient pécheurs par naissance (Genèse 4:1; Psaume 51:7; Romains 5:12). Il s’ensuit que quiconque vient au monde est pécheur. Personne ne naît bon; aucun être humain entré dans ce monde n’est partiellement bon et partiellement pécheur. Tous sont également pécheurs aux yeux de Dieu. Si ce n’était pas le cas, celui qui serait moitié bon et moitié pécheur n’aurait besoin que de la moitié du salut de Dieu.
VI. Le remède au péché hérité Le remède au péché hérité est double. (1) La rédemption inclut le jugement sur la nature pécheresse, si bien que le croyant n’est plus tenu d’être l’esclave du péché (Romains 6:18; 8:1; Galates 5:24). Tout ce qui est du domaine de la vie ancienne a été crucifié avec Christ. La mort signifiant toujours séparation, la mort de Christ nous a arrachés à la tyrannie du péché originel. (2) Toutefois l’ancienne nature ne sera entièrement éradiquée qu’à la résurrection; c’est pourquoi Dieu nous a donné le Saint-Esprit pour nous permettre de triompher du péché dans la vie de tous les jours. La mort de Christ nous affranchit de la domination du péché, et le Saint-Esprit nous libère de sa puissance sur nous.
VII. Quelques attaques contre cette doctrine A. Le pélagianisme Pélage, un moine irlandais réfugié à Rome vers l’an 400 apr. J.-C., estimait que, puisque Dieu ne pouvait exiger l’impossible et qu’il avait ordonné aux hommes d’être saints, chacun était donc apte à mener une vie exempte de péché. Il enseignait que l’homme avait été créé neutre, c’est-à-dire ni pécheur ni saint, et qu’il avait la possibilité de choisir librement soit de pécher, soit de faire le bien. Selon lui, tout être humain vient au monde avec la nature d’Adam antérieure à la chute, mais il a désormais l’inconvénient d’avoir devant les yeux le mauvais exemple d’Adam. Pour Pélage, Adam n’a nullement transmis la nature pécheresse ni la faute à sa descendance. L’homme possède une volonté qui est libre; le péché ne vient que des actes ponctuels de sa volonté. Il est donc capable de bonnes œuvres; elles procèdent toutes des capacités de sa nature et n’ont besoin d’aucune assistance extérieure à lui. Le pélagianisme exagère donc le mérite des œuvres et leur efficacité dans le salut.
B. Le semi-pélagianisme L’enseignement de Pélage s’opposait à celui d’Augustin, son contemporain, qui insistait sur l’incapacité totale de l’homme d’atteindre la justice et sur son besoin de la grâce souveraine
seule. Le semi-pélagianisme se situe entre l’augustinisme (avec sa forte insistance sur la prédestination et l’incapacité de l’homme) et le pélagianisme (avec son insistance sur la totale capacité humaine). Il enseigne que l’homme possède une certaine liberté qui lui permet de coopérer avec la grâce divine. La volonté humaine a certes été affaiblie par le péché, et sa nature a été corrompue, mais pas totalement dépravée. Dans la régénération, l’homme choisit Dieu, et celui-ci ajoute sa grâce. Le semi-pélagianisme correspond à l’enseignement de l’Eglise catholique romaine et de certains groupes protestants. Pour eux, l’eau baptismale ôte le péché originel.
C. Le socinianisme Nommé d’après ses initiateurs, Lelio Sozzini (1525-1562 apr. J.-C.), dit Socin en français, et son neveu Fausto, ce mouvement était annonciateur de l’unitarisme131. Il niait la divinité de Christ, la prédestination, le péché originel, l’incapacité totale de l’homme et la substitution pénale.
D. L’arminianisme Les idées de Jacobus Arminius (1560-1609 apr. J.-C.) ne divergeaient pas tellement de celles de la théologie réformée traditionnelle, mais celles de ses successeurs s’en différencièrent de plus en plus. L’arminianisme enseigne qu’Adam fut créé innocent, mais non saint, que le péché résulte des actes de la volonté, que nous héritons d’Adam la pollution, mais non la faute ni une nature du péché, que l’homme n’est pas totalement dépravé, que l’être humain a la capacité de vouloir le bien et de se conformer à la volonté de Dieu durant sa vie, d’atteindre ainsi la perfection, et que la volonté humaine est l’une des causes de la régénération. La théologie wesleyenne132, parfois qualifiée d’arminianisme évangélique, partage ces idées en ce qui concerne le péché d’Adam et la capacité de l’homme, mais elle s’en éloigne sur d’autres points.
E. La néo-orthodoxie En général, la néo-orthodoxie prend le péché très au sérieux. Elle le définit comme l’attitude centrée sur soi au lieu d’être centrée sur Dieu. Cependant, elle ne considère pas comme historique le récit que Genèse 3 livre du péché d’Adam, autrement dit elle ne conçoit pas ce péché comme un événement qui s’est produit à un moment donné dans un lieu donné. Pour ce courant de pensée, Adam n’est pas un individu réel ayant vécu sur cette terre; il est plutôt le type de l’homme aux différentes étapes de son développement. L’histoire de la chute d’Adam est celle de notre propre chute. Cette notion de l’histoire biblique ne permet évidemment pas d’établir un lien entre le péché d’Adam et sa postérité. 131 Le terme unitarisme désigne les doctrines qui récusent la doctrine de la Trinité. (N.d.E.)
132 Wesleyenne: de John Wesley (1703-1791 apr. J.-C.), pasteur issu de l’Eglise anglicane et fondateur du méthodisme avec son frère Charles. (N.d.E.)
37. L’imputation du péché I. La signification de l’imputation Imputer, c’est attribuer quelque chose à quelqu’un, le mettre sur son compte, incriminer quelqu’un, le charger (Petit Robert). Ce qui est donc au cœur du concept de l’imputation du péché, ce n’est pas une influence, mais un acte objectif. L’Ancien Testament présente plusieurs exemples d’imputation. Dans Lévitique 7:18; 17:4, il est dit que l’absence de bénédiction était imputable aux Israélites qui avaient refusé de se conformer aux rites prescrits pour les offrandes. Dans 1 Samuel 22:15 et 2 Samuel 19:19, des hommes supplient de ne pas être chargés de leur iniquité. Au Psaume 32:2, David parle du bonheur de celui à qui Dieu n’impute pas son péché. Dans tous ces exemples, il est question d’une mesure concrète, et non d’un simple élan du cœur. Le Nouveau Testament fait plusieurs fois allusion au principe de l’imputation pratiqué dans l’Ancien Testament. Paul déclare que le péché n’est pas imputé comme une violation spécifique d’une règle morale là où il n’y a pas de loi (Romains 5:13). Il cite aussi le cas de la justice que Dieu a imputée à Abraham lorsque celui-ci a cru, ou celle dont Dieu a revêtu David quand le roi a confessé son péché (Romains 4). De même, Jacques mentionne la justice divine imputée à Abraham (Jacques 2:23). La mort de Christ permet à Dieu de ne pas imputer aux hommes leurs péchés contre lui (2 Corinthiens 5:19). Mais c’est la lettre à Philémon qui contient ce qui est peut-être la plus belle illustration de l’imputation. Paul invite Philémon, le maître d’Onésime, à porter sur son compte tout ce que son esclave lui doit. Autrement dit, toutes les dettes qu’Onésime aurait pu contracter doivent être portées au compte de l’apôtre, qui s’engage à les rembourser. Il en va de même pour nous: nos péchés ont été portés sur le compte de Christ; il en a été chargé et a totalement payé notre dette.
II. Trois imputations fondamentales Les théologiens discernent généralement trois imputations de base. (1) L’imputation du péché d’Adam à la race (Romains 5:12-21). C’est celle qui nous occupe le plus dans cette section sur le péché, et nous y reviendrons plus longuement. (2) L’imputation à Christ du péché de l’homme (2 Corinthiens 5:19; 1 Pierre 2:24). (3) L’imputation aux croyants de la justice de Christ (2 Corinthiens 5:21).
III. L’imputation du péché d’Adam
A. Le passage central (Romains 5:12) L’idée de péché imputé est liée à l’interprétation de l’expression «tous ont péché», à la fin de Romains 5:12. Pour certains, ces mots signifient que chaque individu pèche personnellement, et qu’il meurt à cause de ces péchés: «Le verbe ‘ont péché’ désigne des péchés réels (cf. Romains 3:23) considérés comme l’expression individuelle et l’endossement de l’acte représentatif d’Adam.»133 Or, des nourrissons meurent sans avoir commis personnellement de péchés. Par ailleurs, l’expression «tous ont péché» est liée à un seul homme, Adam, par qui le péché est entré dans le monde. Le verset ne dit pas qu’Adam a péché et que les autres hommes ont péché eux aussi. A cinq reprises dans le passage (Romains 5:15-19), Paul affirme que la condamnation et la mort s’étendent sur tous à cause du seul péché d’Adam, et non à cause des nombreux péchés commis par les hommes. Pour d’autres, les mots «tous ont péché» signifient «tous sont des pécheurs» ou «tous ont une nature pécheresse». Il faut alors préciser que Paul utilise le verbe dans sa forme active (tous ont fait quelque chose); il n’emploie pas le nom (des pécheurs) ni l’adjectif (pécheresse). Certes, il est vrai que tous sont pécheurs, mais tel n’est pas le sens que revêt l’expression «tous ont péché» dans ce verset. Les objections de Shedd revêtent tout leur sens dans ce contexte. Il fait remarquer que l’interprétation «tous sont pécheurs» est contraire à l’usage invariable de la voix active du verbe et nécessiterait l’adjonction du verbe «être»134. Pour les barthiens, Paul voudrait dire que le péché fait partie de l’expérience de tout être humain. Comme ils ne croient pas qu’Adam est un individu ayant réellement existé, ni que son péché est un événement spatio-temporel, il n’existe aucun lien entre Adam et la race humaine. Dans la théologie barthienne, ce verset ne dit rien du péché originel ni du péché imputé. Selon une autre interprétation, tous ont péché quand Adam a péché. Il semble que ce soit la seule explication qui rende justice au verbe employé et à son lien avec la partie précédente du verset. «Le temps du verbe indique une apparition historique précise… La mort physique a atteint tous les hommes, mais non parce qu’ils ont tous péché à titre individuel. Tous les hommes ont péché (sauf les nouveau-nés qui meurent en bas âge) de façon expérimentale. Mais ce n’est pas de cela que Paul parle ici. Le péché de tous est inclus dans celui du seul Adam.»135
B. Le lien entre Adam et la race humaine Paul affirme clairement que, lorsque Adam a péché, tous les hommes ont péché. On peut
alors se poser la question: Comment ont-ils fait? Quelle est le lien entre Adam et la race humaine? Au cours de l’histoire, les théologiens ont proposé deux réponses: (1) l’explication fédérale ou représentative et (2) l’explication séminale, réaliste ou augustinienne. 1. L’interprétation qui fait d’Adam le représentant de l’humanité. Ses tenants considèrent Adam comme le représentant de toute la race humaine, si bien que lorsqu’il a péché, son péché est devenu la raison de la condamnation de toute sa race. Personne d’autre qu’Adam n’a commis le premier péché, mais comme Adam représente tous les hommes, Dieu les considère tous comme impliqués dans sa faute, et donc condamnés. L’adjectif «fédéral» évoque un lien d’alliance et indique qu’Adam a été désigné pour représenter toute la race dans une alliance appelée «alliance des œuvres». Comme le chef de file de cette alliance a péché, la faute de son péché a été imputée à chacun de ses descendants. Les défenseurs de cette thèse citent Osée 6:7 comme renvoyant à cette alliance. 2. L’interprétation qui voit l’humanité comme séminalement présente en Adam. Dans cette optique, Adam contenait en semence toute sa postérité, si bien que lorsqu’il a péché, toute sa descendance a péché avec lui. La race humaine n’est pas simplement représentée en Adam, mais organiquement associée à lui. «L’idée paulinienne de solidarité raciale semble une extension du concept hébreu de la solidarité familiale. Josué 7:16-26 présente un cas tragique de cette solidarité familiale où la défaite d’Israël devant Aï a pour cause la désobéissance d’Acan… Acan ne s’en prit à personne d’autre… Mais dans la sanction, tout ce qui était associé à Acan fut effacé d’Israël.»136 L’auteur de l’épître aux Hébreux donne un autre exemple du concept séminal dans la race humaine: dans Hébreux 7:9-10, il déclare clairement que Lévi, qui ne naîtrait que deux cents ans plus tard, a payé la dîme à Melchisédek à travers son arrière-grand-père Abraham. Abraham, l’ancêtre, contenait Lévi, le descendant. De même, Adam, notre ancêtre commun, nous contenait nous tous, ses descendants. C’est pourquoi, au même titre que Lévi est directement impliqué dans le paiement de la dîme par Abraham, nous sommes, nous aussi, directement impliqués et avons péché en Adam. Le péché d’Adam est donc imputé à chaque membre de la race humaine, parce que chacun a réellement péché lorsqu’Adam a péché. Voici une illustration de l’imputation que fit un étudiant au cours d’une expérience regrettable. L’homme en question, que nous appellerons Pierre, accepta l’offre de Jacques. Celui-ci, qui habitait dans la même ville que Pierre, lui proposa de rentrer chez lui en voiture pour les vacances de Noël en partageant les frais de voyage. En cours de route, ils eurent un accident: une voiture, qui avait brûlé un stop, emboutit la voiture de Jacques. Au moment de l’accident, Jacques conduisait, et Pierre dormait à l’arrière. Comme celui-ci fut
gravement blessé et souffrit de séquelles permanentes, il attaqua en justice le conducteur de l’autre voiture pour obtenir des dommages et intérêts. Mais le chauffeur incriminé (ou sa compagnie d’assurance) tenta de prouver que Jacques était en tort au moment de l’accident. L’avocat de Pierre écrivit à son client: «S’il s’avère que Jacques a fait preuve de négligence, celle-ci vous sera certainement imputée, et vous ne pourrez prétendre à aucun dédommagement. Je ne pense pas que nous puissions faire quoi que ce soit pour remédier à cette situation actuellement.» Qu’est ce qui liait Pierre à Jacques et à sa négligence? Simplement le fait qu’ils avaient partagé les dépenses du trajet. L’argent rendait Pierre solidaire de Jacques et de ses actes. La nature humaine nous rend tous solidaires d’Adam et de son péché. Nous sommes tous associés activement au péché d’Adam et à sa culpabilité. Nous partageons la même culpabilité et avons tous besoin d’un remède à notre péché.
IV. La transmission du péché imputé Le péché imputé est directement transmis d’Adam à chaque individu de chaque génération. Comme j’étais en Adam, le péché d’Adam m’a été imputé directement. Je ne le tiens pas de mes parents qui, eux, le tinrent des leurs. Le péché imputé résulte d’une imputation immédiate et directe, et non d’une imputation qui passerait par les divers intermédiaires entre Adam et moi. Il y a donc un contraste saisissant avec la manière dont se transmet la nature pécheresse héritée. J’hérite ma nature pécheresse de mes parents qui, eux, la tiennent des leurs, et on remonte ainsi jusqu’à Adam. Le péché hérité résulte d’une transmission médiate puisqu’il me vient à travers la chaîne de toutes les générations depuis Adam. Le schéma suivant montre bien la différence de transmission entre le péché hérité et le péché imputé. La transmission du péché hérité et celle du péché imputé
V. La sanction liée au péché imputé La mort physique est la sanction particulière associée au péché imputé (Romains 5:13-14). Rappelons que la sanction particulière qui frappe le péché hérité est la mort spirituelle.
VI. Le remède au péché imputé La justice de Christ qui nous est imputée constitue le remède au péché d’Adam qui nous est imputé. Au moment où une personne croit, elle est créditée de la justice de Christ. De même que tous les humains sont en Adam, tous les croyants sont en Christ. Notre inclusion en Christ signifie que sa justice devient la nôtre. Un fait marquant du temps de mes études illustre ce principe. Un criminel se trouvait dans un centre pénitentiaire et attendait sa prochaine exécution. L’histoire de cet homme suscitait une vive émotion dans le public. En effet, l’individu avait exprimé le désir que la cornée de ses yeux soit utilisée pour une transplantation, une technique qui en était alors à ses débuts. Le bénéficiaire de ce don d’organe fut désigné avant l’exécution du criminel, si bien que le donneur et le receveur se rencontrèrent avant la mort du premier. Cette entrevue fit la une des journaux. Puis le criminel fut mis à mort. On préleva sa cornée qui, par le miracle de la médecine, fut transplantée dans les yeux d’un aveugle qui put ainsi voir. Imaginons qu’un policier ait tenté d’arrêter l’homme qui avait reçu la cornée d’un meurtrier et ait voulu le faire condamner à mort à cause de cela. N’importe quel juge aurait déclaré: «La cornée qui était autrefois dans le corps d’un meurtrier est désormais dans celui d’un homme juste devant la loi. La cornée est aussi juste que l’homme.» C’est exactement ce qui se passe dans mon expérience de chrétien. J’étais en Adam, et, à ce titre, fort justement condamné à mourir parce que j’ai péché quand Adam a péché. Mais par un miracle plus sublime que n’importe quelle procédure chirurgicale, j’ai été greffé sur Jésus-Christ. Je suis désormais juste parce que lui est juste; je peux donc me tenir devant un Dieu saint, en étant quitte de toute condamnation. Etre en Christ après avoir été en Adam: voilà toute mon histoire par le miracle de la grâce divine. 133 Leslie C. Allen, «Romans», dans A New Testament Commentary, éd. Howley, Bruce et Ellison, Grand Rapids, Zondervan, 1969, p. 352. 134 William G.T. Shedd, Dogmatic Theology, New York, Scribner, 1891, 2:183-185. 135 A. Berkeley Mickelsen, «Romans», dans The Wycliffe Bible Commentary, éd. Pfeiffer et Harrison, Chicago, Moody, 1962, p. 1197. 136 Ibid., pp. 1197-1198.
38. Les péchés personnels Quand les gens parlent du péché, ils pensent probablement avant tout au péché personnel. Ils reconnaissent la réalité du péché parce qu’ils voient les hommes pécher. Mais le péché est tout aussi réel quand on l’envisage sous son aspect de nature pécheresse héritée ou sous celui du péché d’Adam qui nous est imputé. Il n’en demeure pas moins que nos péchés personnels confirment avec force la réalité du péché.
I. Quelques témoignages scripturaires Dans Romains 3:9-18, Paul démontre que tous les êtres humains sont condamnés à cause des péchés qu’ils ont commis personnellement. Cette condamnation est universelle et se fonde sur le mal commis, aussi bien en paroles qu’en actes. Les hommes sont corrompus, trompeurs, impitoyables, blasphémateurs, meurtriers, tyranniques, querelleurs et impies. Plusieurs passages bibliques énumèrent des péchés précis. Ainsi, Jean dénonce le mensonge (1 Jean 1:6), Jacques la partialité (Jacques 2:4), Paul les œuvres de la chair (1 Corinthiens 3:1-4). Dans sa liste de Galates 5:19-21, le même apôtre mentionne en outre la sorcellerie, l’immoralité, les divisions et l’envie.
II. Quelques caractéristiques des péchés personnels A. Leur universalité A l’exception des nouveau-nés, tous pèchent personnellement. Jacques l’affirme sans l’ombre d’un doute quand il déclare que nous bronchons tous de plusieurs manières (Jacques 3:2). Juste avant d’énumérer différents péchés, Paul affirme que tous, Juifs et non-Juifs, sont sous l’empire du péché (Romains 3:9). Et, à la fin de sa liste, il réitère l’affirmation que tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (Romains 3: 23).
B. Leur manifestation Les péchés personnels ne se limitent pas à ceux qui sont commis ouvertement; les péchés de pensée en font également partie. L’immoralité, l’envie, la cupidité et l’idolâtrie sont des exemples de péchés qui se commettent dans nos pensées (et qui peuvent ensuite se traduire par des actes spécifiques). Voir Matthieu 5:27-28; 2 Corinthiens 10:5; Colossiens 3:5-6. En outre, les péchés par omission, qui ne sont donc pas manifestes, sont aussi coupables
que les péchés commis (Jacques 4:17).
C. Leur classification Le Seigneur a jugé le péché de Caïphe, qui le livrait à Pilate, plus grand que le péché de Pilate. Cela n’excusait cependant pas le gouverneur romain, car s’il existe des péchés plus grands (celui de Caïphe), il y en a nécessairement de plus petits (celui de Pilate). En tant qu’agent du gouvernement, Pilate ne pouvait accomplir que ce que Dieu permettait à son gouvernement de faire. En tant que souverain sacrificateur, Caïphe bénéficiait de davantage de lumière; sa responsabilité était donc plus grande. L’Ancien Testament établit une distinction entre les péchés commis par ignorance et ceux commis volontairement. L’Ecriture parle de ces derniers comme des péchés commis «la main levée». C’est comme si le coupable dressait le poing contre Dieu et ses commandements (Nombres 15:30-31). Le récit qui suit ce passage cite l’exemple d’un homme qui viole la loi du sabbat en connaissance de cause, en ramassant du bois ce jourlà. Il défie ouvertement le commandement divin. Les sacrifices d’expiation couvraient les péchés commis involontairement, par faiblesse ou par égarement (Lévitique 4:2). Parmi ces péchés figurent le refus de l’homme de dire ce qu’il a vu alors qu’il est sous serment comme témoin, la souillure provoquée par le contact avec le cadavre d’un animal ou d’une personne et l’incapacité d’accomplir un vœu hâtif (Lévitique 5:1-4). Le Nouveau Testament, pour sa part, distingue les péchés commis par ceux qui ont beaucoup de lumière de ceux commis par ceux qui ont peu de lumière (Luc 12:47-48). Il est encore question du péché impardonnable (Matthieu 12:31-32) et d’un péché qui conduit à la mort (1 Jean 5:16). L’Eglise catholique romaine fait une différence entre les péchés véniels (pardonnables) et les péchés mortels (méritant la mort). Un individu commet un péché véniel chaque fois qu’il transgresse la loi de Dieu dans un domaine sans importance. Ce péché lui est facilement pardonné, même sans confession. En revanche, seul le sacrement de la pénitence peut accorder le pardon d’un péché mortel. Il va de soi que cet enseignement n’est pas scripturaire. Ceux qui croient que l’enfant de Dieu peut perdre son salut font, eux aussi, une distinction entre les péchés qui ne sont pas très graves, que les chrétiens commettent souvent et qui ne peuvent pas entraîner la perte du salut, et les péchés qui sont suffisamment graves pour provoquer la perte du salut. Mais la définition des péchés qui entrent dans ces deux catégories est généralement très subjective.
III. La transmission des péchés personnels
A vrai dire, les péchés personnels ne se transmettent pas d’un individu à un autre ou d’une génération à une autre. Chaque être humain commet ses propres péchés. Si l’on peut cependant parler de transmission ou d’impact des péchés personnels, c’est seulement dans le sens où ils touchent autrui, mais chacun porte les conséquences de ses propres péchés.
IV. Le résultat des péchés personnels S’il nous fallait une notion pour décrire le résultat des péchés personnels, nous pourrions dire que c’est la perte de communion. Le non-croyant n’a aucune communion avec Dieu à cause de ses péchés personnels, et le croyant qui a été introduit dans la famille de Dieu perd la jouissance de cette communion quand il pèche. Il n’est pas exclu de la famille spirituelle, quoiqu’il puisse être privé de certains privilèges attachés à la qualité de membre de cette famille. Dès lors qu’il confesse son péché et qu’il reçoit le pardon, il est réintégré dans la communauté.
V. Le remède aux péchés personnels Le remède aux péchés personnels, c’est le pardon. Pour le non-croyant qui reçoit Christ dans sa vie, le pardon recouvre la culpabilité de tous ses péchés (Ephésiens 1:7). Dans le cas du croyant, le pardon rétablit le bienfait de la communion au sein de la famille de Dieu (1 Jean 1:9). Disons-le autrement: le pardon juridique fait entrer le non-croyant dans la famille de Dieu, alors que le pardon familial restaure la relation momentanément interrompue au sein de la famille spirituelle. Les différents aspects du péché
39. Le chrétien et le péché I. La norme pour le croyant Le fait de devenir chrétien n’empêche pas l’être humain de pécher et ne le dispense pas d’obéir à la loi de Christ. Prétendre cela, c’est tomber dans l’une des deux erreurs courantes concernant le chrétien et le péché. La première correspond à un faux perfectionnisme, et la seconde à l’antinomisme. Le perfectionnisme non biblique enseigne que le croyant ne pèche plus du tout, car il a éradiqué le principe du péché. En réalité, aucun croyant ne peut parvenir à ce stade de perfection indemne de péché avant sa résurrection, car c’est seulement à ce moment-là qu’il sera totalement affranchi du principe du péché en lui. Une forme modifiée de ce faux perfectionnisme ne prône pas l’éradication complète du péché, mais affirme cependant que le chrétien peut vivre un certain temps sans commettre de péchés. Or, ne pas pratiquer le péché signifie non seulement ne pas commettre de péchés, mais aussi pratiquer la volonté de Dieu et s’y conformer parfaitement. Une perfection exempte de péché implique davantage que l’absence de péché. La doctrine biblique de la perfection sous-entend la maturité, l’état d’homme fait, la plénitude et la complétude. La perfection au sens biblique ne s’oppose pas à la nature pécheresse mais à l’immaturité; elle est même un objectif que le croyant est censé atteindre déjà sur cette terre.137 L’antinomisme enseigne que le chrétien n’est plus sous la loi. Le concept antinomien de liberté par rapport à la loi conduit souvent à la licence. On identifie parfois l’antinomisme à la liberté chrétienne, ce qui est faux. Le contraire de la liberté, c’est l’esclavage; or, le croyant a été arraché à l’esclavage et amené à la liberté en Christ. Le contraire de l’antinomisme, c’est l’obéissance à la loi. Mais de quelle loi, puisqu’il y en a eu plusieurs au cours de l’histoire biblique? Pour le chrétien d’aujourd’hui, c’est la loi de Christ (Galates 6:2). Quelle est la norme biblique pour le chrétien? Ce n’est ni une perfection exempte de péché ni l’antinomisme. C’est la marche dans la lumière (1 Jean 1:7). Dieu est lumière, ou sainteté. Le chrétien a toujours cette norme absolue en point de mire. Mais au cours de sa vie, aucun croyant ne peut être sans péché, comme Dieu. Dieu se joue-t-il de nous? Pas du tout. Au contraire, il adapte ses exigences au niveau spirituel que chacun de nous a atteint. Cette exigence taillée à nos mesures, c’est la marche à la lumière de sa sainteté. Si nous disons que nous sommes libres par rapport au principe du péché (comme le prétend le perfectionnisme), nous mentons (1 Jean 1:8). De même, si nous disons n’avoir pas péché pendant un certain laps de temps (comme le prétend ce perfectionnisme modifié), nous faisons Dieu menteur (1 Jean 1:10). Si nous marchons dans la lumière, nous ne tomberons
pas dans l’erreur de l’antinomisme, car nous garderons les commandements divins (1 Jean 2:4, 6; 3:24). Tout croyant peut remplir la condition d’une marche dans la lumière. La quantité de lumière accordée à chacun peut différer, mais l’ordre de marcher dans la lumière à disposition est le même pour tous. Au fur et à mesure de notre croissance, le cercle lumineux s’agrandit. Plus nous marchons à la lumière disponible, plus nous recevons de lumière. Mais à chaque stade, l’ordre est le même: marcher dans la lumière. Résumons. La norme divine est la sainteté. Ce qui nous est demandé, c’est de marcher dans la lumière. Notre expérience devrait toujours aller dans le sens de la croissance, d’un développement dans la maturité. Voilà ce qu’est le véritable perfectionnisme biblique.
II. Les ennemis du croyant Le croyant se heurte constamment à l’opposition du monde, de la chair et du diable.
A. Le monde Nous avons déjà abordé de façon détaillée le concept du monde dans la section consacrée à Satan et à son activité. Le lecteur pourra s’y reporter (chap. 25). Contentons-nous d’ajouter quelques détails. 1. Sa description. Satan est le chef et la puissance agissante du monde. Son arme de prédilection est la contrefaçon. Il est toutefois prêt à se servir de tous les moyens pour vaincre le croyant. Celui-ci a souvent beaucoup de mal à voir clair dans des questions ambiguës et à prendre les bonnes décisions. 2. Notre moyen de défense. Le chrétien dispose de plusieurs armes pour déjouer les contrefaçons du monde: l’armure de Dieu (Ephésiens 6:13-18), la connaissance des ruses de Satan (2 Corinthiens 2:11), la sobriété, la vigilance (1 Pierre 5:8). Peut-être conviendraitil de placer la foi au sommet ou en bonne position sur cette liste. C’est en effet notre foi qui triomphe du monde (1 Jean 5:4-5), la foi qui nous associe à l’œuvre de Christ sur la croix. Comme tout croyant possède nécessairement cette foi, il possède un système de défense approprié contre le monde. Mais il doit constamment l’exercer pour remporter la victoire (1 Timothée 6:12).
B. La chair 1. Le concept. La chair désigne le principe du péché qui est en chacun de nous. Certains identifient la nature pécheresse à la chair. Celle-ci produit des œuvres (Galates 5:19), se caractérise par ses désirs et ses passions (Galates 5:24; 1 Jean 2:16), et peut asservir le croyant (Romains 7:25). Il n’y a rien de bon en elle (Romains 7:18). La présence de la vie
nouvelle en Christ rend obsolète et inutile tout ce qui est associé à la chair. Cela inclut les choses manifestement mauvaises, mais aussi ce qui est tout simplement amoral, et parfois même ce qui semble bon mais ne procure aucun plaisir à Dieu parce qu’il s’agit d’œuvres de la chair. 2. La maîtrise de la chair. Le chrétien ne peut maîtriser la chair qu’en vivant au jour le jour sa condition de crucifié avec Christ. Nous avons crucifié la chair; notre identification à Christ dans sa mort au péché nous a affranchis de sa domination (Galates 5:24). Nous remportons la victoire, non en éradiquant la chair, mais en marchant dans la dépendance de l’Esprit. Cette façon de vivre nous empêche d’accomplir les désirs de la chair (Galates 5:16).
C. Le diable Comme nous avons déjà longuement examiné la personne et l’œuvre de Satan, je ne rappellerai ici que quelques traits de ses attaques contre les croyants. 1. Sa stratégie est planifiée. Satan conçoit des méthodes, se sert d’artifices et utilise toute l’habileté d’une créature surhumaine pour piéger le chrétien (2 Corinthiens 2:11; Ephésiens 6:11). 2. Sa stratégie est tenace. Il rôde constamment autour du chrétien, guettant le moment favorable pour fondre sur lui (1 Pierre 5:8). 3. Sa stratégie est puissante. Le chrétien est engagé dans un combat au corps à corps contre Satan, et ne doit jamais sous-estimer sa puissance (Ephésiens 6:12; 1 Jean 4:4; Jude 9).
III. Les sanctions liées aux péchés A. Pour le non-croyant Le non-croyant qui meurt sans avoir été pardonné de ses péchés devra souffrir éternellement dans l’étang de feu (Apocalypse 20:15).
B. Pour le croyant qui pèche 1. La perte de la communion. Le péché entraîne une perte de communion dans le domaine où il a été commis (1 Jean 1:3, 6-7). 2. La perte de la joie. Le péché prive le chrétien de la joie (Jean 15:11; Galates 5:22). 3. La marche dans les ténèbres. Le chrétien qui pèche marche dans l’obscurité (1 Jean 1:6; 2:10). 4. Une vie de prière affaiblie. Le péché entraîne une perte de confiance dans la prière (1 Jean 3:19-22).
C. Pour le croyant qui persiste dans le péché Lorsque le croyant persévère dans un péché donné, il s’expose à d’autres conséquences. 1. La punition. Dieu peut le frapper d’un certain châtiment (Hébreux 12:5-11). La maladie représente une de ses formes possibles (1 Corinthiens 11:30). 2. L’excommunication. L’exclusion de l’assemblée locale s’impose parfois (Matthieu 18:17; 1 Corinthiens 5). 3. La mort physique. Dans certains cas, la mort physique est la sanction qui frappe le croyant qui s’obstine dans le péché (1 Corinthiens 11:30; 1 Jean 5:16). Notre Père céleste riche en compassion fait souvent preuve d’une grande patience envers nous lorsque nous péchons, et il ne nous punit pas selon nos fautes. N’oublions cependant jamais que le péché réclame son dû, sous quelque forme que ce soit, aussi bien interne qu’externe, même si aucun châtiment évident ne nous atteint. Au jugement dernier, lorsque nous comparaîtrons devant le tribunal de Christ, le Seigneur examinera toutes nos œuvres (1 Corinthiens 5:10).
IV. Les moyens de prévention contre le péché Prévenir vaut toujours mieux que guérir. Dieu a prévu les moyens qui nous préservent du péché. Ils agissent à la manière de vaccins qui nous empêchent de succomber à la maladie.
A. La Parole de Dieu La Parole de Dieu dans notre cœur nous incite fortement à ne pas pécher, car elle nous prodigue avertissements, rappels, encouragements, force et directives lorsque nous sommes tentés de pécher (Psaume 119:11).
B. L’intercession de Christ Le Seigneur vit éternellement pour intercéder en notre faveur (Hébreux 7:25). Il prie en particulier pour que nous ne péchions pas. Le cas de Pierre dans Luc 22:32 et la déclaration limpide de Jean 17:15 en sont la preuve. Nous ne saurons sans doute jamais ici-bas tout ce que cela implique, et il se peut même que nous ne le sachions pas complètement lorsque nous serons au ciel.
C. La présence de l’Esprit en nous Plusieurs aspects de l’œuvre de l’Esprit en nous aujourd’hui visent à freiner le péché dans notre vie. En voici les principaux.
1. Le rappel de notre position en Christ. Nous avons mis à mort la chair avec ses désirs et ses passions, mais nous avons besoin de marcher par l’Esprit pour traduire cette vérité dans notre expérience (Galates 5:16-24). 2. L’enseignement. L’enseignement des vérités profondes de la Parole nous rend capables de discerner le bien du mal (1 Corinthiens 2:10; Hébreux 5:14). Une connaissance superficielle peut nous mettre en garde contre des péchés manifestes, mais une connaissance approfondie nous empêche de pécher davantage. 3. Les directives dans la prière. En nous conduisant dans la prière, l’Esprit nous amène à réfléchir aux moyens de lutter contre le péché dans notre vie (Matthieu 6:13; Romains 8:34; Ephésiens 6:18). 4. L’équipement pour le service. En nous rendant aptes pour le service (Jean 7:37-39), l’Esprit nous empêche de consacrer notre temps, notre argent et nos forces au péché (Apocalypse 12:11).
V. Le remède au péché Un mot résume le remède que le chrétien doit utiliser pour son péché: la confession (1 Jean 1:9). Il ne s’agit évidemment pas d’une simple confession des lèvres ni d’une récitation machinale des fautes commises; il s’agit de voir ces péchés comme Dieu les voit. Cette attitude suscite la repentance et le désir sincère de changer. Si les mêmes péchés reviennent toutefois, le même remède s’impose.
VI. En guise de conclusion Quand nous considérons les péchés des non-croyants, il ne nous paraît pas si difficile de voir toute l’horreur du péché, car nous savons que sa sanction sera la séparation éternelle d’avec Dieu. Mais quand nous envisageons les péchés des croyants, nous sommes enclins à minimiser leur gravité. Ne nous trompons pas: tout péché attriste Dieu. Christ a dû donner sa vie pour les péchés que nous avons commis avant d’être sauvés et pour ceux que nous avons commis depuis. Sa mort a représenté le châtiment pour tous les péchés. De plus, il se peut que, du fait que nous sommes membres de la famille de Dieu, notre Père céleste soit d’autant plus attristé quand nous péchons. Nous devrions nous comporter autrement. Nous devrions nous appuyer sur la force qu’il nous donne pour lutter contre le péché. Nous devrions chercher à lui plaire. Nous devrions combattre avec plus d’acharnement le péché en utilisant toutes les armes que Dieu a mises à notre disposition. Par-dessus tout, notre façon de vivre devrait témoigner de progrès dans ce domaine, et d’une croissance visible. Prenons courage si nous connaissons des luttes et des conflits dans notre être intérieur. Ce
combat est le compagnon attitré de l’authentique sainteté chrétienne… Sentons-nous gronder un combat spirituel au plus profond de nous-mêmes? Sentons-nous les désirs de la chair s’opposer à ceux de l’Esprit, et l’Esprit faire la guerre à la chair, au point que nous ne pouvons pas faire ce que nous voudrions? Avons-nous pleinement conscience de la présence en nous de deux principes qui luttent pour le pouvoir? La guerre fait-elle rage dans notre être intérieur? Alors, rendons-en grâces à Dieu! C’est un bon signe. C’est la preuve la plus évidente de la grande œuvre de sanctification… Il n’y a rien de tel que l’apathie, la stagnation, la torpeur et l’indifférence.138 Compagnons, membres de la famille de Dieu, tendons vers la maturité (Hébreux 6:1)! 137 Un excellent exposé de la doctrine biblique, écrit par W.H. Griffith Thomas, figure dans «The Biblical Teaching Concerning Perfection», The Sunday School Times, du 22 juillet 1944, pp. 515-516. 138 J.C. Ryle, Holiness, Londres, Hunt, 1839, p. 82.
Section IX Jésus-Christ notre Seigneur
40. Le Christ préincarné La doctrine du Christ pourrait se composer d’une étude de sa personne et de son œuvre. Mais comme son œuvre principale est celle de l’expiation, on sépare souvent la sotériologie (doctrine du salut) de la christologie (doctrine de Christ). Toutes ses œuvres autres que celles liées au salut sont normalement examinées dans le cadre de la christologie. Cette doctrine peut être abordée dans un ordre plus ou moins chronologique. Il y a d’abord l’étude du Christ préincarné, suivie de l’étude du Christ dans son humiliation, c’est-à-dire pendant sa vie terrestre (il serait faux d’intituler cette partie «le Christ incarné», puisque son incarnation se poursuit même après sa vie terrestre). Ensuite devrait venir l’étude de ses ministères actuel et futur. Les problèmes théologiques majeurs apparaissent dans la période de l’humiliation de Christ, alors qu’il était dans un corps terrestre. Mentionnons, dans ce cadre-là, la signification de la kénôse (du grec kenôsis), le lien entre ses deux natures et son impeccabilité, c’est-à-dire son impossibilité totale de pécher. La doctrine de la personne de Christ est cruciale pour la foi chrétienne. Elle sert de fondement à la sotériologie, car si le Seigneur n’était pas ce qu’il affirmait, son expiation serait une rançon déficiente et insuffisante pour le péché.
I. La préexistence du Christ préincarné A. La signification de la préexistence La préexistence de Christ signifie qu’il existait avant sa naissance. Certains auteurs estiment qu’il existait avant la création et avant le temps. Mais à strictement parler, la préexistence n’est pas synonyme d’éternité, même si, d’un point de vue pratique, les deux concepts sont quasi équivalents; en effet, nier la préexistence de Christ revient presque toujours à nier son éternité, et vice-versa.
B. L’importance de la préexistence 1. En lien avec la naissance. Si Christ est venu à l’existence lors de sa naissance, il n’existe pas de Trinité éternelle. 2. En lien avec la divinité de Christ. Si Christ n’était pas préexistant, il ne pouvait pas être Dieu, car parmi les attributs divins figure celui de l’éternité. 3. En lien avec la véracité de Christ. Si Christ n’était pas préexistant, il a menti, car il a affirmé sa préexistence. On peut alors se demander avec raison s’il n’a pas menti dans d’autres domaines.
C. Les indices de la préexistence 1. L’origine céleste de Christ. Les versets qui parlent de l’origine céleste de Christ attestent qu’il existait avant sa naissance. C’est notamment le cas de Jean 3:13, 31. 2. Son œuvre de créateur. Si Christ était actif dans la création, il fallait évidemment qu’il existe avant elle. Voir Jean 1:3; Colossiens 1:16 et Hébreux 1:2. 3. Sa relation avec Dieu. Christ a revendiqué l’égalité de nature avec Dieu (Jean 10:30). Il a affirmé avoir possédé la même gloire que le Père avant le commencement du monde (Jean 17:5). Paul aussi déclare que Christ possède la même nature que Dieu (Philippiens 2:6). Tous ces passages prouvent en même temps l’éternité de Christ. 4. Ses attributs. Il a lui-même revendiqué la pleine divinité, et d’autres l’ont attestée. Nous reviendrons ultérieurement plus longuement sur ces affirmations, mais contentons-nous pour l’instant de rappeler Colossiens 2:9 qui déclare de la façon la plus nette possible que la plénitude de la divinité habitait en Christ. 5. Ses rapports avec Jean-Baptiste. Bien que né avant Jésus, Jean-Baptiste a reconnu que celui-ci existait avant lui (Jean 1:15, 30; littéralement, Jésus est «devant» Jean et «premier» par rapport à lui, mais il y a là une allusion à la préexistence de Christ, car c’est elle qui explique sa supériorité sur Jean).
II. L’éternité du Christ préincarné A. La signification de l’éternité Le Christ n’existait pas seulement avant sa naissance ou avant la création, il a toujours existé. Il est de toute éternité. L’éternité et la préexistence vont généralement de pair; l’une entraîne l’autre, bien qu’Arius ait enseigné la préexistence du Fils, mais non son éternité. Il insistait sur le fait que si le Fils unique a été engendré, il a dû avoir un commencement. Aujourd’hui, les Témoins de Jéhovah adoptent une christologie proche de celle d’Arius, car ils nient l’éternité du Logos (Christ la Parole).
B. L’importance de l’éternité La négation de l’éternité entraîne les conséquences suivantes: (a) la Trinité n’existe pas, (b) Christ ne possède pas la pleine divinité, (c) il a menti.
C. Les indices de l’éternité Le fait que Christ a la même nature, la même essence que Dieu, prouve son éternité, puisque Dieu est éternel. L’auteur de l’épître aux Hébreux présente Christ comme
l’empreinte de la personne de Dieu (Hébreux 1:3), ce qui indique qu’il est l’exacte représentation de la nature ou de l’essence divine. La possession des attributs divins par Christ implique qu’il possède nécessairement celui de l’éternité. Les prophètes de l’Ancien Testament affirmaient l’éternité du Messie. Michée fait remonter l’origine du Messie «aux jours de l’éternité» (Michée 5:1; cf. Habakuk 1:12). Même si l’expression peut signifier «aux jours d’autrefois», c’est-à-dire à une époque très reculée, elle a aussi le sens d’éternité. Esaïe parle du Messie comme du «Père éternel» (Esaïe 9:5). Christ est de tout temps le Père de son peuple (même si l’expression s’applique à l’éternité à venir davantage qu’à l’éternité passée). Christ lui-même a défendu son éternité quand il a déclaré: «Avant qu’Abraham fût, je suis» (Jean 8:58). Il n’a pas dit «j’étais», ce qui aurait indiqué une existence limitée, en quelque sorte une venue à l’existence quelques siècles avant Abraham, mais «je suis» (eimi), le verbe de l’existence absolue, sans commencement ni fin. Jean affirme clairement que Christ est Dieu: «La Parole était Dieu» (Jean 1:1). Il n’écrit pas que la Parole était divine (contrairement à ce que traduisent les versions anglaises de Moffat et Goodspeed), car il aurait alors employé l’adjectif theios (comme dans Actes 17:29 et 2 Pierre 1:3). Il n’écrit pas non plus que la Parole était un dieu (comme le traduisent les Témoins de Jéhovah). En effet, les noms définis qui font office d’attribut sont généralement privés de l’article défini en grec, comme c’est le cas ici139.
III. L’activité du Christ préincarné A. L’activité de Christ en tant que Créateur 1. L’étendue de cette activité. Christ est intervenu dans la création de toutes choses (Jean 1:3; Colossiens 1:16; Hébreux 1:2). Cette œuvre démontre son pouvoir (sa capacité de créer toutes choses). 2. L’objectif de cette activité. Tout a été créé pour Christ (Colossiens 1:16) et vise à atteindre son objectif dans la création. Cela démontre ses prérogatives (la création doit servir ses desseins). 3. La pérennité de cette activité. Christ soutient encore aujourd’hui toutes choses, car toutes choses subsistent en lui (Colossiens 1:17), ce qui démontre sa présence (il continue à soutenir sa création).
B. L’activité de Christ en tant qu’ange 1. L’identification de Christ à l’ange de l’Eternel. L’ange de l’Eternel est manifestement une
révélation de l’Eternel, car il s’exprime en tant que Dieu, se définit comme Dieu et revendique les prérogatives de Dieu (Genèse 16:7-14; 21:17-18; 22:11-18; 31:11-13; Exode 3:2; Juges 2:1-4; 5:23; 6:11-22; 13:3-22; 2 Samuel 24:17; Zacharie 1:12; 3:1; 12:8). Il est cependant distinct de l’Eternel (Genèse 24:7; Zacharie 1:12-13). Le fait que les apparitions de l’ange de l’Eternel ont cessé après l’incarnation de Christ montre qu’il est un membre de la Trinité. L’Ancien Testament affirme qu’il a accompagné les Israélites lorsqu’ils ont quitté l’Egypte (Exode 14:19; cf. Exode 23:20), et le Nouveau révèle que Christ était le rocher qui suivait le peuple (1 Corinthiens 10:4). 2. Ses ministères en tant qu’ange de l’Eternel. (1) Il a souvent fait fonction de messager auprès de diverses personnes (Genèse 16:7-14; 22:11-18; 31:11-13). (2) Il a guidé et protégé Israël (Exode 14:19; 23:20; 2 Rois 19:35). (3) Il a été l’instrument du jugement divin quand Dieu a envoyé la peste sur Israël (1 Chroniques 21:1-27). (4) Il est intervenu auprès d’Elie pour le fortifier (1 Rois 19:5-7).
C. Les autres activités de Christ L’Ecriture ne mentionne aucune autre activité historique accomplie par Christ avant l’incarnation. Même si l’œuvre du Messie était annoncée dans l’Ancien Testament, elle a nécessité l’incarnation, tout comme son œuvre de Sauveur. L’Ancien Testament ne présente pas de révélation spéciale de la deuxième personne de la Trinité en tant que Sauveur, mais se contente de décrire Dieu comme tel. Pour pouvoir présenter une telle révélation, il aurait fallu que la Trinité soit aussi révélée. Or, Paul décrit cette période comme «des temps d’ignorance» (Actes 17:30). Même si notre Seigneur était loin d’être inactif avant l’incarnation, ses œuvres les plus grandes requéraient l’incarnation. Il apparaît dans sa magnificence en tant que Dieu éternel, mais sa personne reste en quelque sorte dans l’ombre, en attendant que le projecteur de l’incarnation révèle sa gloire et sa grâce (Jean 1:17; Tite 2:11). 139 Voir Leon Morris, Commentary on the Gospel of John, Grand Rapids, Eerdmans, 1971, p. 77n.
41. L’incarnation de Christ I. La signification de l’incarnation Bien que le mot «incarnation» ne figure pas dans l’Ecriture, ce qui le compose s’y trouve («in», c’est-à-dire «dans», et «chair»). Jean écrit que la Parole s’est faite chair (Jean 1:14), que Jésus-Christ est venu en chair (1 Jean 4:2; 2 Jean 7). Il indique ainsi que la deuxième personne éternelle de la Trinité s’est revêtue de l’humanité. Christ ne possédait pas la nature humaine avant sa naissance, puisqu’il est devenu chair (egeneto, Jean 1:14, par opposition au verbe «était», ên, de Jean 1:1-2). Son humanité était toutefois exempte de péché; c’est pourquoi Paul prend bien soin d’écrire qu’il est venu «dans une chair semblable à celle du péché» (Romains 8:3).
II. Les annonces de l’incarnation A. L’annonce du Dieu-homme Dans sa prophétie relative au Messie (Esaïe 9:5-6), Esaïe annonce l’union en lui du divin et de l’humain. Il prédit la naissance d’un enfant (allusion à l’humanité), dont la nature sera telle qu’il sera appelé Dieu puissant (el gibbor, allusion à la divinité). Esaïe n’utilise la particule el que pour Dieu (voir Esaïe 31:3); le mot gibbor désigne un héros. L’expression donne à penser que le personnage ainsi désigné sera un héros dont la principale caractéristique sera d’être Dieu. Ce verset prédit donc à la fois la nature humaine et la nature divine du Seigneur.140 Le nom Emmanuel révèle la même vérité (Esaïe 7:14). Il signifie plus que la simple présence de Dieu au milieu de son peuple dans ses rapports avec lui. La présence de cet enfant né d’une vierge ne correspond à rien d’autre qu’à la présence même de Dieu au sein de son peuple.141
B. L’annonce de la naissance virginale Dans sa prophétie d’Esaïe 7:14, Esaïe révèle que l’incarnation se fera par le moyen d’une naissance virginale. Les libéraux ont contesté la traduction «vierge» pour l’hébreu almah, en déclarant que le prophète aurait impérativement dû employer le mot bethoulah s’il avait vraiment voulu parler d’une vierge. Il est vrai qu’almah désigne une jeune fille sexuellement mature, en âge de se marier, et que bethoulah correspond à une femme différente, habituellement vierge, mais ce n’est pas toujours le cas (Esther 2:17; Ezéchiel 23:3;
Joël 1:8). Contrairement à ce que les critiques avancent, il n’est donc pas vrai que le terme bethoulah aurait été plus adéquat pour une vierge. Almah n’est apparemment pas un terme technique pour désigner une vierge, mais il s’applique à une jeune femme dont la virginité est l’une des caractéristiques (Genèse 24:43). Il n’existe aucun exemple où l’on puisse prouver qu’il désigne une jeune femme non vierge. Dans deux des sept passages où ce terme hébreu apparaît, la Septante le traduit par parthenos, comme le fait aussi Matthieu 1:23. Le mot désigne donc incontestablement une jeune femme nubile, dont l’une des caractéristiques est la virginité. C’était nécessairement le cas dans l’accomplissement de la prophétie de la naissance de Christ. Qui est la vierge annoncée dans la prophétie? Les interprétations entrent dans trois catégories principales. (1) Selon l’interprétation non messianique, la prophétie a été accomplie par une femme inconnue du passé, vierge ou non. Mais comment alors expliquer Matthieu 1:23? (2) L’interprétation strictement messianique croit que cette prophétie s’applique exclusivement à Marie, et à aucune jeune fille contemporaine d’Esaïe. L’annonce concerne indubitablement Marie (Matthieu 1:23), mais est-elle seule concernée par ce passage? Là est toute la question. Si cette prophétie n’avait pas concerné aussi une jeune fille du temps d’Esaïe, en quoi cette annonce aurait-elle pu servir de signe pour Achaz? (3) La prophétie concerne à la fois une jeune fille contemporaine d’Esaïe et, plus tard, Marie. Selon cette troisième interprétation, qui est la jeune fille contemporaine d’Esaïe? On a proposé trois réponses: (a) la femme d’Achaz; (b) une vierge inconnue au sein du peuple d’Israël; (c) la deuxième femme d’Esaïe, qu’il n’avait pas encore épousée lorsqu’il prononça cette prophétie. Dans le premier cas, le fils en question est Ezéchias. Dans le deuxième, il est inconnu. Dans le troisième, il s’agit de Maher-Schalal-Chasch-Baz (Esaïe 8:3) ou d’un autre fils du prophète, non mentionné. Dans cette hypothèse, la première femme d’Esaïe, la mère de Schear-Jaschub (Esaïe 7:3), serait déjà morte. Pour Matthieu, il ne fait aucun doute que la prophétie d’Esaïe s’est accomplie en Christ. L’interprétation qui envisage un accomplissement strictement messianique et celle qui considère un double accomplissement adoptent le même point de vue.
III. Le moyen de l’incarnation A. Les preuves textuelles L’incarnation s’est opérée au moyen d’une naissance virginale. Une fois intervenue, l’incarnation demeure l’état permanent du Seigneur: elle a commencé à sa naissance et se
poursuit éternellement (certes dans un corps de résurrection). Contrairement à l’incarnation, la naissance virginale est un événement qui n’a duré que quelques heures. Quand Gabriel a annoncé à Marie qu’elle mettrait au monde le Messie, elle a rétorqué qu’elle aurait besoin d’un mari pour cela. L’ange lui a répondu qu’elle n’aurait pas besoin d’un mari, car le Saint-Esprit viendrait sur elle et la puissance du Très-Haut la couvrirait de son ombre (Luc 1:35). Les paroles de Gabriel mettent davantage l’accent sur la réalité de l’engendrement divin de l’enfant que sur la méthode. Matthieu prend bien soin de souligner la naissance virginale dans sa généalogie du Seigneur (Matthieu 1:16). Il indique que Joseph est l’époux de Marie, mais que c’est de Marie seule que Jésus est né. L’expression «de laquelle» est au féminin singulier et montre clairement que Jésus est né de Marie seule, et non de Marie et Joseph. Rien ne prouve que l’expression «né d’une femme» (Galates 4:4) renvoie à la naissance virginale. Paul peut tout simplement vouloir dire que Christ a endossé l’humanité, de la même manière qu’il a assumé sa position sous la loi, comme le précise la suite du verset. On peut cependant penser qu’il y a allusion à la naissance virginale, car l’apôtre n’emploie pas le verbe classique pour désigner la naissance: il reprend celui qui figure dans Jean 1:14 et qui s’applique à l’incarnation, quoique pas nécessairement par le moyen d’une naissance virginale. Les textes d’Esaïe, de Matthieu et de Luc sont assez clairs sur ce point. Quel était l’objectif de la naissance virginale? Ce n’était pas nécessairement de garder Christ sans péché, car Dieu aurait pu couvrir de son ombre les deux parents et protéger ainsi l’enfant de tout péché, s’il l’avait voulu. Cette naissance très spéciale devait servir de signe quant au caractère unique de la personne née. Nous ignorons à partir de quand et dans quelle mesure ce fait a été connu des contemporains de Christ. Mais il va de soi qu’il l’était lorsque Matthieu et Luc ont composé leur récit de la vie de Jésus. L’Eglise primitive en a fait très tôt une doctrine fondamentale, solidement établie dès le deuxième siècle142.
B. Les généalogies Matthieu et Luc retracent tous deux la généalogie de l’enfant né d’une vierge. Matthieu mentionne une sélection de quarante-deux noms, alors que Luc n’en cite que vingt-sept. Le premier fait remonter la généalogie du Roi jusqu’à Abraham; Luc remonte jusqu’à Adam. On considère généralement que Matthieu mentionne la lignée de Joseph, et Luc celle de Marie. La question de savoir si la généalogie que Luc trace de Jésus passe par Marie, la mère, a donné lieu à de nombreuses discussions. Alfred Plummer a soulevé l’objection suivante à cette idée: «Il est probable qu’une solution aussi évidente, à savoir qu’une généalogie est celle de Joseph et l’autre celle de Marie, aurait été remarquée d’emblée s’il y avait eu une bonne raison de l’adopter. Or, personne n’en parle; il faudra attendre Amnnius de Viterbo,
qui la proposera vers 1490.»143 De son côté, F. Godet défend la généalogie qui passe par Marie; il s’appuie pour cela sur le fait que Luc ne met pas d’article devant Joseph (Luc 3:23) et relie directement Jésus à Héli, supprimant ainsi apparemment Joseph de la lignée généalogique.144 Différentes explications ont été proposées pour montrer que les deux généalogies passent toutes deux par Joseph. On a ainsi prétendu que les noms Matthat et Matthan désignaient la même personne; il s’ensuit que Jacob et Héli seraient des frères. Joseph serait le fils d’Héli et le neveu de Jacob. Jacob mort sans héritier, ce serait son neveu Joseph qui serait devenu son héritier, puisque Héli (en supposant que sa femme soit décédée) aurait épousé la veuve de Jacob, conformément à la loi du lévirat.145 Mais ceux qui pensent que Luc fait remonter la généalogie de Christ par Marie disposent d’un solide argument: la malédiction qui frappait Jojakin (ou Jéconias). Jérémie avait annoncé que cet homme serait privé d’enfants (Jérémie 22:30), c’est-à-dire, comme le précise la suite du verset, qu’aucun de ses descendants biologiques ne réussirait à s’asseoir sur le trône de David. (Il eut bien sept fils, mais il se peut qu’ils aient été adoptifs, 1 Chroniques 3:17-18). Si Jésus avait eu dans les veines du sang de Joseph, qui était un descendant de Jéconias, il n’aurait pas pu devenir roi (alors qu’il en avait le droit d’un point de vue légal). La naissance virginale était donc nécessaire pour l’arracher à la lignée maudite146. Toutefois, cette condition était aussi remplie si Jésus était rattaché à Joseph (qui n’était évidemment pas son père naturel) grâce à une lignée généalogique passant par Nathan plutôt que par Salomon (ce que Luc semble indiquer). On a aussi suggéré que la malédiction qui pesait sur Jéconias avait été levée par le choix et l’exaltation de Zorobabel par Dieu (Aggée 2:23). En faisant de lui «un sceau», Dieu lui conférait une position d’autorité, et il le plaçait, avec sa famille, parmi les descendants de David bénéficiaires de la promesse messianique. Le nom de Zorobabel figure à la fois dans la généalogie de Luc et dans celle de Matthieu. Quoi qu’il en soit, Luc a soigneusement évité de donner l’impression que Jésus serait le fils naturel de Joseph; mais il a aussi préservé ses droits royaux en ne le rattachant pas seulement à Marie, sa mère (la succession royale passait en effet par les hommes). Du vivant de Jésus, jamais personne n’a contesté ses prétentions au trône de David.
IV. Les objectifs de l’incarnation Pourquoi Dieu a-t-il envoyé son Fils dans une chair semblable à celle du péché? Les Ecritures proposent plusieurs explications.
A. Nous révéler Dieu Bien que Dieu se révèle de plusieurs manières, y compris par les merveilles de la nature qui nous entoure, seule l’incarnation du Fils révèle l’essence divine, même si c’est de façon voilée (Jean 1:18; 14:7-11). Le seul moyen pour les hommes de voir le Père, c’est de connaître le Fils; la seule façon, pour nous aujourd’hui, de le connaître, c’est d’étudier le déroulement de sa vie telle que nous la rapportent les Ecritures. Comme Christ est Dieu venu en chair, sa révélation est personnelle; comme il est Dieu, cette révélation est parfaitement fiable.
B. Nous donner un exemple à suivre La vie terrestre du Seigneur nous est proposée comme un modèle à imiter (1 Pierre 2:21; 1 Jean 2:6). Sans l’incarnation, nous n’aurions pas cet exemple. En tant qu’homme, Christ a connu toutes les vicissitudes de la vie et nous laisse un exemple que nous pouvons suivre, grâce à la force que Dieu donne.
C. Pourvoir à un sacrifice efficace pour le péché Sans l’incarnation, nous n’aurions pas de Sauveur. Le péché requiert la mort pour salaire. Or, Dieu ne meurt pas. Il fallait donc que le Sauveur soit humain pour pouvoir mourir. Mais la mort d’un homme ordinaire n’aurait pas représenté un prix suffisant pour ôter éternellement le péché. C’est pourquoi, il fallait aussi que le Sauveur soit Dieu. Nous avions besoin d’un Sauveur qui soit à la fois Dieu et homme. C’est précisément ce qu’est le Seigneur (Hébreux 10:1-10).
D. Accomplir l’alliance davidique Gabriel a annoncé à Marie que son fils recevrait le trône de David (Luc 1:31-33). Le règne invisible de Dieu dans les affaires des hommes n’accomplit pas cette promesse. Il fallait que celui qui s’assiérait sur le trône de David soit un être humain. Voilà pourquoi le Messie devait être un homme. Mais pour pouvoir occuper ce trône à jamais, il fallait que le roi ne meure jamais. Seul Dieu répond à cette exigence. Ainsi, celui qui accomplit parfaitement la promesse faite à David devait être Dieu et homme.
E. Détruire les œuvres du diable La destruction des œuvres du diable s’est opérée par l’apparition de Christ. On aurait pu s’attendre à ce que cette victoire soit liée à sa résurrection. En fait, elle l’est à sa venue (1 Jean 3:8). Pourquoi fallait-il l’incarnation pour vaincre Satan? Pour que celui-ci soit défait dans le domaine de son règne, c’est-à-dire le monde. Dieu a envoyé Christ dans le monde pour détruire les œuvres de Satan.
F. Devenir un souverain sacrificateur compatissant Notre souverain sacrificateur est en mesure de comprendre nos faiblesses parce qu’il a été tenté en toutes choses comme nous (Hébreux 4:14-16). Or Dieu ne peut être tenté; il fallait donc que Dieu devienne homme pour connaître les tentations et devenir un souverain sacrificateur compatissant.
G. Etre un juge qualifié La plupart des gens pensent que c’est Dieu le Père qui sera le juge devant qui nous comparaîtrons; en vérité, c’est Jésus qui sera ce juge. Tout jugement est remis entre ses mains «parce qu’il est Fils de l’homme» (Jean 5:22, 27). C’est le titre qui le rattache à la terre et à sa mission terrestre. Pourquoi faut-il que le juge soit humain et qu’il ait vécu icibas? Pour pouvoir réfuter toutes les excuses que les hommes pourraient invoquer. Pourquoi faut-il qu’il soit aussi Dieu? Pour pouvoir juger de façon juste et équitable. Ainsi, l’incarnation a des implications dans le domaine de notre connaissance de Dieu, de notre salut, de notre vie quotidienne, de nos besoins et de notre avenir. Elle est véritablement un fait central de l’histoire.
140 Voir Edward J. Young, The Book of Isaiah, Grand Rapids, Eerdmans, 1964, 1:335-338. 141 Ibid., 1:289-291. 142 Ignace d’Antioche, Lettre aux Smyrniotes I.1, par exemple; voir aussi Hans von Campenhausen, The Virgin Birth in the Theology of the Ancient Church, Studies in Historical Theology, Naperville, Allenson, 1964, 2:10-20. 143 Alfred Plummer, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Luke, ICCC, Edimbourg, T. & T. Clark, 1910, p. 103. 144 F. Godet, Commentaire sur l’Evangile selon Luc. 145 Voir J.G. Machen, The Virgin Birth of Christ, New York, Harper, 1930, pp. 207-209. 146 Voir Robert Gromacki, The Virgin Birth of Christ, Grand Rapids, Baker, 1981, pp. 150159.
42. La personne du Christ incarné Le christianisme orthodoxe considère comme définitive la doctrine formulée par le concile de Chalcédoine (en 451 apr. J.-C.) concernant la personne de Christ: Suivant donc les saints Pères, tous à l’unanimité, nous enseignons de confesser notre Seigneur Jésus-Christ un seul et le même Fils, le même parfait en divinité et le même parfait en humanité, vraiment Dieu et le même vraiment homme composé d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité et le même consubstantiel à nous selon l’humanité, en tout semblable à nous à l’exception du péché; avant les éons, d’une part, engendré du Père selon la divinité, dans les derniers jours, d’autre part, le même engendré, à cause de nous et de notre salut, de Marie la vierge, la Mère de Dieu selon l’humanité; un seul et le même Christ, Fils, Seigneur, Unique, connu en deux natures sans qu’il y ait confusion, transformation, division, séparation entre elles, la différence des natures n’étant nullement supprimée à cause de l’union, mais la propriété de chaque nature étant plutôt sauvegardée et concourant dans une seule personne et une seule hypostase; aussi nous confessons un Fils non pas divisé ou séparé en deux personnes, mais un seul et le même Fils unique, Dieu Verbe, Seigneur Jésus-Christ, selon ce que, dès le commencement, les prophètes ont dit à son sujet, selon ce que Jésus-Christ lui-même nous a enseigné et selon ce que le Symbole des Pères nous a transmis.147 D’une façon plus concise, on pourrait décrire la personne du Christ incarné comme l’union à jamais en une seule personne de la pleine divinité et de la parfaite humanité, une union sans mélange, ni transformation, ni division, ni séparation. Les composants clés de cette description sont «pleine divinité» (aucune diminution de quelque attribut divin que ce soit), «parfaite humanité» («parfaite» plutôt que «pleine» pour souligner l’absence de péché), «une seule personne» (et non deux) et «à jamais» (car il continue de posséder un corps, même s’il s’agit d’un corps ressuscité, Actes 1:11; Apocalypse 5:6).
I. La pleine divinité du Christ incarné A. Il possède des attributs que seul Dieu détient 1. L’éternité. Il a affirmé exister de toute éternité (Jean 8:58; 17:5). 2. L’omniprésence. Il a affirmé être présent partout (Matthieu 18:20; 28:20). 3. L’omniscience. Il a fait preuve d’une connaissance de choses qu’il ne pouvait connaître qu’en possédant l’omniscience (Matthieu 16:21; Luc 6:8; 11:17; Jean 4:29). 4. L’omnipotence. Il a affirmé posséder la puissance d’un être omnipotent, et il en a donné la preuve (Matthieu 28:18; Marc 5:11-15; Jean 11:38-44).
Les auteurs néotestamentaires lui attribuent d’autres attributs divins (comme l’immutabilité, Hébreux 13:8); je me suis volontairement limité à ceux qu’il a revendiqués lui-même.
B. Il accomplit des œuvres qui ne sont que du ressort de Dieu 1. Le pardon. Il pardonne éternellement les péchés. Les hommes peuvent aussi pardonner, mais seulement de façon temporaire. Christ, lui, accorde un pardon éternel (Marc 2:1-12). 2. La vie. Il accorde la vie éternelle à qui il veut (Jean 5:21). 3. La résurrection. Il ressuscitera les morts (Jean 11:43). 4. Le jugement. Il jugera tout le monde (Jean 5:22, 27). J’ai, là encore, choisi de ne mentionner que ce qu’il a accompli ou dit, et non ce que d’autres ont rapporté concernant ses œuvres ou ses paroles.
C. Il a reçu les noms et les titres de la divinité 1. Fils de Dieu. Le Seigneur s’est désigné ainsi, même si cela s’est produit rarement (Jean 10:36), et il a reconnu le bien-fondé de ce titre quand les autres le lui appliquaient (Matthieu 26:63-64). Que signifie-t-il? Bien que l’expression «fils de» puisse avoir le sens de «descendant de», elle désigne aussi quelqu’un qui est «de l’ordre de». Ainsi, dans l’Ancien Testament, les «fils des prophètes» appartenaient à la classe ou à l’ordre des prophètes (1 Rois 20:35). De même, «les fils des chantres» (Néhémie 12:28) constituaient la catégorie des chantres. Appliqués au Seigneur, les mots «Fils de Dieu» indiquent qu’il est du même ordre que Dieu; c’est donc une affirmation claire et forte de sa pleine divinité. Selon l’usage juif, l’expression «fils de…» n’implique généralement aucune subordination, mais souligne l’égalité et l’identité de nature. Ainsi, le nom de Bar-Kochba, qui prit la tête de la révolte juive contre les Romains entre 132 et 135 de notre ère, sous le règne de l’empereur Hadrien, signifie «fils de l’étoile». On pense qu’il s’attribua ce titre pour indiquer qu’il était l’étoile annoncée dans Nombres 24:17. Le nom «fils d’exhortation» (Actes 4:36) signifie «celui qui encourage». De même, quand le Seigneur qualifia Jacques et Jean de «fils du tonnerre» (Marc 3:17), il soulignait vraisemblablement leur caractère impétueux. Le nom «fils de l’homme», appliqué spécialement au Messie dans Daniel 7:13, avant de l’être de façon régulière dans le Nouveau Testament, signifie fondamentalement «l’homme représentatif». Quand Christ déclara: «Je suis le Fils de Dieu» (Jean 10:36), ses contemporains comprirent qu’il s’identifiait à Dieu, qu’il se considérait comme l’égal du Père, sans aucune ambiguïté de langage.148 2. Seigneur et Dieu. Le Nouveau Testament applique à Jésus les passages de l’Ancien Testament relatifs à l’Eternel (Yahvé), ce qui souligne sa pleine divinité (comparer Luc 1:76
et Malachie 3:1; Romains 10:13 et Joël 2:32). Il l’appelle aussi «Dieu» (Jean 1:1; 20:28; Hébreux 1:8), «Seigneur» (Matthieu 22:43-45), «Roi des rois et Seigneur des seigneurs» (Apocalypse 19:16).
D. Il a affirmé être Dieu C’est à la fête de la Dédicace que Jésus a fait la déclaration la plus claire et la plus forte à propos de sa divinité, quand il a dit: «Moi et le Père nous sommes un» (Jean 10:30). La forme neutre de l’adjectif «un» exclut catégoriquement le sens qui voudrait que lui et le Père auraient été «une personne». Le Seigneur soulignait qu’ils étaient parfaitement d’accord dans leur nature et leurs actions, ce qui n’était possible que si Jésus était aussi divin que le Père. Du reste, les Juifs qui ont entendu cette revendication l’ont comprise dans ce sens, puisqu’ils ont aussitôt cherché à le lapider pour blasphème. Ils avaient bien compris qu’il s’était fait Dieu (Jean 10:33). Comment peut-on prétendre que Jésus de Nazareth n’a jamais déclaré être Dieu et que c’est ses disciples qui ont revendiqué ce statut pour lui? La plupart des passages cités plus haut sont de la bouche de Christ lui-même. Ou bien Jésus a dit la vérité, ou bien il mentait. Il n’existe pas d’autres solutions. Il a clairement défendu sa divinité pleine et complète, à laquelle rien n’a fait défaut pendant sa vie sur la terre.
II. La parfaite humanité du Christ incarné On nie moins souvent l’humanité de Christ que sa divinité. La raison en est simple: tant qu’on n’injecte pas le facteur divin dans la personne de Christ, il n’est qu’un homme, aussi brillant et noble soit-il; et de ce fait, ses affirmations ne troublent pas autant les hommes que s’il était vraiment le Dieu-homme. Même ceux qui croient à son humanité ne sont pas toujours prêts à lui reconnaître une humanité parfaite. Ils voient en lui un homme bon (le serait-il encore s’il mentait?) ou un grand homme (le serait-il vraiment s’il induisait les autres en erreur?), mais non un homme parfait (car ils seraient alors obligés de prêter attention à ses paroles, même s’ils ne le reconnaissent pas comme Dieu).
A. Il possédait un corps humain Bien que sa conception ait été surnaturelle, Christ est né avec un corps humain qui a grandi et s’est développé (Luc 2:52). Il s’est lui-même appelé «homme» (Jean 8:40: «Vous cherchez à me faire mourir, moi», littéralement «moi, un homme»).
B. Il possédait une âme et un esprit humains L’humanité parfaite du Seigneur incluait une nature immatérielle aussi bien qu’une nature matérielle. Il serait faux de dire que la nature humaine lui conférait un corps et que la nature
divine lui conférait l’âme et l’esprit: son humanité était totale, avec ses aspects matériel et immatériel (Matthieu 26:38; Luc 23:46).
C. Il avait les caractéristiques de l’être humain Le Seigneur a eu faim (Matthieu 4:2) et soif (Jean 19:28). Il a connu la fatigue (Jean 4:6). Il a éprouvé de l’amour et de la compassion (Matthieu 9:36). Il a pleuré (Jean 11:35). Il a été tenté (Hébreux 4:15). C’est là le lot de tout être humain authentique.
D. Il a été désigné par des noms humains Le nom par lequel Jésus aimait plus particulièrement se désigner était celui de «Fils de l’homme» (plus de quatre-vingts fois). Ce titre le rattachait à la terre et à sa mission terrestre. Il souligne son abaissement et son humanité (Matthieu 8:20), ses souffrances et sa mort (Luc 19:10) ainsi que son règne futur en tant que Roi (Matthieu 24:27). Jésus est aussi le «fils de David», un titre qui le rattache à son ancêtre David et aux promesses royales destinées à se réaliser dans la personne du Messie. Paul le qualifie tout simplement d’homme dans 1 Timothée 2:5.
III. L’union du divin et de l’humain dans le Christ incarné Le concept de l’union hypostatique, l’union des natures divine et humaine en une seule personne, est probablement l’un des plus difficiles à saisir dans le domaine théologique. Aucun d’entre nous n’a jamais vu la divinité, en dehors de ce que les Ecritures révèlent de Dieu, et aucun d’entre nous n’a jamais vu une humanité parfaite en dehors de ce que les Ecritures révèlent de l’état d’Adam avant la chute et de la condition du Seigneur. Essayer de relier ces deux concepts à la personne de Christ ne fait qu’ajouter des difficultés à des idées qui sont déjà suffisamment difficiles à comprendre en elles-mêmes.
A. La signification du mot «nature» Bien qu’en français les termes «nature» et «substance» puissent être synonymes et désigner l’essence, nous devons établir une distinction entre eux pour des raisons théologiques. Si l’on conçoit la nature comme un être subsistant, alors la nature et la substance désignent la même chose; cela impliquerait que le Christ incarné se composerait de deux substances et serait essentiellement deux personnes, comme l’enseignaient les nestoriens. Si l’on considère la «nature» comme un «complexe d’attributs»1493, il est plus facile d’éviter de tomber dans cette erreur. La seule personne du Christ incarné contenait tout le complexe des attributs divins et possédait tout le complexe des attributs humains qui
sont essentiels à un être humain parfait.
B. Le caractère de cette union Le symbole de Chalcédoine affirme que les deux «natures» étaient unies sans confusion, sans transformation, sans division et sans séparation. Il s’ensuit que le complexe entier des attributs de la divinité et celui de la parfaite humanité étaient constamment présents en Jésus-Christ depuis son incarnation. Il n’y a pas eu de mélange d’attributs divins avec des attributs humains (comme l’enseignait l’eutychianisme), ni de changement dans l’un des deux complexes (comme l’enseignait l’apollinarisme), ni de division entre eux ou de séparation entre eux, ce qui aboutirait à deux personnes (comme l’enseignait le nestorianisme). La position orthodoxe déclare que Jésus possède à jamais deux natures en une personne ou hypostase. Il est juste de caractériser le Christ comme une personne «théoanthropique», mais faux de parler de natures «théoanthropiques» (cela reviendrait à mélanger les attributs divins et humains). Le calvinisme maintient que cette union n’implique aucun transfert d’attributs d’une nature vers l’autre. Le luthéranisme enseigne l’ubiquité du corps de Christ, qui nécessite un transfert de l’attribut d’omniprésence dans l’humanité de Christ. Concrètement, cette position soutient que dans sa nature humaine, Christ est partout présent en même temps. Luther développa cette doctrine en 1527-1528 pour appuyer sa croyance dans la présence réelle du Christ dans la cène.
C. La communication des idiomes L’expression «communication des idiomes» est une simple règle de langage liée au fait que la personne de Christ possédait les attributs de ses deux natures, mais sans mélange des natures ni division de la personne. Concrètement, Christ a paru faible, alors qu’il était omnipotent, ignorant, alors qu’il était omniscient, limité, alors qu’il était infini. J’ai dit qu’il n’y avait pas de transfert d’attributs d’une nature vers l’autre. En effet, un tel transfert changerait la composition de chaque complexe d’attributs, et, par voie de conséquence, la nature. Si l’infinité peut être transférée à l’humain, le divin perd son infinité et n’est donc plus pleinement divin. Il faut cependant que la personne de Christ exprime les attributs de ses deux natures. Elle donne ainsi l’impression d’un «transfert» continuel d’expression entre les deux natures, bien que les attributs eux-mêmes doivent rester fermement attachés à la nature à laquelle ils appartiennent en propre. Les théologiens ont donc imaginé un système de classification des actions de la personne de Christ en tenant compte de leur origine. Hodge opte pour quatre catégories, et Walvoord pour sept1504. En voici trois exemples: (a) certaines actions mettent en œuvre la personne tout entière; c’est le cas de la rédemption (les deux natures y participent); (b) d’autres ne sont imputables qu’à
la nature divine (même si la personne tout entière en est le sujet); c’est le cas de la préexistence (qui n’est vraie que de la nature divine); (c) d’autres enfin ne peuvent concerner que la nature humaine, par exemple le fait d’avoir soif. Quelle que soit l’aide qu’une telle classification puisse apporter, il importe de se rappeler que c’est la personne qui accomplit ce que Christ accomplit, qu’elle révèle l’attribut de la nature que lui révèle. C’est la personne qui a eu soif; c’est la personne qui savait toutes choses; c’est encore elle qui ignorait le jour et l’heure de son retour; et c’est elle qui est morte. Certes, le divin ne meurt pas et ne souffre pas de la soif, mais la personne JésusChrist, le Dieu-homme, a connu la mort et la soif.
D. La conscience que Christ avait de lui-même On peut se demander si Christ avait constamment conscience de sa divinité et de son humanité. La personne de Christ a toujours eu cette conscience de soi quant à sa divinité, et elle a connu un développement de la conscience de soi quant à son humanité (Luc 2:52; Jean 8:56-58).
E. Les volontés de Christ Christ possédait-il une volonté ou deux? En affirmant que le Christ possédait deux natures unies en une personne, le concile de Chalcédoine impliquait qu’il avait deux volontés. Au septième siècle, les monothélites affirmèrent que Christ n’avait qu’une volonté, mais le concile de Constantinople, en 680 apr. J.-C., déclara cette opinion hérétique. Si la volonté est définie comme «un complexe comportemental» (ainsi que le fait Buswell), on peut alors dire que le Seigneur adoptait un modèle comportemental divin en même temps qu’un modèle comportemental humain parfait, d’où deux volontés. Mais si l’on définit la volonté comme une décision résultante morale, comme le fait Walvoord, alors la personne de Christ a toujours pris une décision morale unique; il n’avait par conséquent qu’une seule volonté. Il me semble personnellement que toute décision résultait soit de la volonté de sa nature divine, soit de celle de sa nature humaine ou d’un mélange des deux, ce qui milite en faveur de deux volontés.
IV. L’histoire ancienne de la doctrine du Christ incarné A. Le docétisme Dans le courant des deux premiers siècles, Marcion et les gnostiques enseignaient que Christ n’avait que l’apparence d’un homme (le verbe dokein, en grec, d’où vient le terme
docétisme, signifie «sembler» ou «paraître»). L’apôtre Jean fait allusion à une fausse doctrine de ce genre dans 1 Jean 4:1-3. Elle sape non seulement la réalité de l’incarnation, mais aussi la validité de l’expiation et la résurrection corporelle.
B. L’ébionisme Au deuxième siècle, l’ébionisme niait la divinité de Christ et considérait Jésus comme le fils naturel de Joseph et de Marie, choisi pour être Fils de Dieu lors de son baptême. C’est à ce moment-là qu’il aurait été uni au Christ éternel.
C. L’arianisme Apparu au quatrième siècle, l’arianisme niait l’éternité de Jésus en tant que Logos. Pour Arius, puisque Jésus avait été engendré, il avait dû avoir un commencement. Les ariens soutenaient que la nature divine de Christ était semblable à celle de Dieu (homoiousios, de semblable essence), mais non la même (homoousios, de même essence). Le concile de Nicée condamna cette doctrine en 325 en affirmant que Jésus possédait la même nature que Dieu.
D. L’apollinarisme Apollinaire le Jeune (mort vers 390) chercha à éviter une séparation inutile entre les natures de Christ. Il enseignait que Christ avait un corps humain et une âme humaine, mais qu’il possédait le Logos divin à la place d’un esprit humain (ce qui suppose une vision trichotomiste de l’homme). Ce Logos aurait eu préséance sur les éléments passifs humains, à savoir le corps et l’âme. Cette erreur portait atteinte à l’humanité de Christ.
E. Le nestorianisme Les nestoriens scindaient Christ en deux personnes (mais il n’est pas sûr que Nestorius luimême ait clairement enseigné cela). Le nestorianisme expliquait que Jésus-Christ était le prosôpon (forme ou apparence) de l’union de deux natures. Selon lui, l’humanité avait la forme de la divinité dont elle était recouverte, et la divinité avait revêtu la forme d’un serviteur, ce qui avait abouti à l’apparence de Jésus de Nazareth. Dans cette conception, les deux natures étaient séparées et débouchaient sur deux personnes. Cette hérésie fut condamnée par le concile d’Ephèse en 431.
F. L’eutychianisme Eutychès (vers 378-454) réagit contre le nestorianisme et enseigna qu’il n’y avait qu’une seule nature en Christ. Cette erreur est aussi connue sous le nom de monophysisme. Selon lui, la nature divine n’était pas pleinement divine, ni la nature humaine authentiquement
humaine. Le résultat était une nature unique mélangée. Le concile de Chalcédoine condamna cette hérésie en 451. Une fausse doctrine comparable se développa après Chalcédoine; elle enseignait que Christ ne possédait qu’une volonté, même si les défenseurs de cette doctrine acceptaient du bout des lèvres l’existence de deux natures. C’est la controverse monothélite. Le monothélisme fut condamné au troisième concile de Constantinople en 680. L’étude de ces erreurs permet de clarifier la vérité et nous rend plus prudents dans notre façon de l’exprimer. La sémantique est très importante dans les affirmations théologiques.
147 Traduction française de Héfélé-Leclercq (Histoire des Conciles). (N.d.E.) 148 J. Oliver Buswell, A Systematic Theology of the Christian Religion, Grand Rapids, Zondervan, 1962, 1:105. 149 Ibid., 1:54. 150 Charles Hodge, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1960, 2:78ss; John F. Walvoord, Jesus Christ Our Lord, Chicago, Moody, 1974, pp. 116-117.
43. Christ: prophète, sacrificateur et roi L’œuvre de Christ est quelquefois envisagée sous l’angle des trois offices: prophète, sacrificateur et roi. Eusèbe (vers 260-340) évoquait déjà cette triple division; elle est donc très ancienne.151 Du reste, on peut établir un lien entre le fait que le Messie est l’Oint et le fait que les prophètes (1 Rois 19:16; Esaïe 61:1), les sacrificateurs (Exode 30:30; 40:13) et les rois (1 Samuel 10:1; 15:1; 1 Rois 19:15-16) prenaient leur fonction après avoir été oints.
I. Christ comme prophète A. La désignation de Christ comme prophète Moïse avait annoncé que Dieu susciterait un prophète comme lui (Deutéronome 18:15). Cette promesse s’est accomplie dans la succession des prophètes de l’Ancien Testament, mais c’est Jésus-Christ qui en est l’accomplissement ultime, car il est considéré comme ce prophète (Actes 3:22-24). Les membres ordinaires du peuple contemporains de Jésus l’acclamaient comme prophète avec un tel enthousiasme que les principaux sacrificateurs et les pharisiens craignaient des représailles s’ils sévissaient contre lui (Matthieu 21:11, 46; Jean 7:40-53). Par ailleurs on l’appelait Rabbi (Jean 1:38; 3:2), non parce qu’il avait reçu la formation classique pour cela, mais parce qu’on reconnaissait la qualité de son enseignement. Le Seigneur a lui-même affirmé être un prophète (Matthieu 13:57; Marc 6:4; Luc 4:24; 13:33; Jean 4:44), venu ici-bas pour faire l’œuvre d’un prophète, à savoir délivrer aux hommes le message de Dieu (Jean 8:26; 12:49-50; 15:15; 17:8).
B. La façon d’agir de Christ en tant que prophète L’une des principales activités du Seigneur quand il était sur terre a été de proclamer le message de Dieu par sa prédication (Matthieu 4:17) et son enseignement (Matthieu 7:29). Sa manière de prêcher et d’enseigner incluait les caractéristiques intéressantes suivantes. 1. C’était une activité occasionnelle. Cela ne signifie pas que Christ enseignait peu souvent, mais plutôt qu’il saisissait chaque occasion pour le faire. Il était à l’affût des occasions et des situations variées qui se présentaient. Quand c’était possible, il se servait du service tenu dans la synagogue (Marc 1:21). Il prêchait dehors quand il n’avait pas la possibilité de le faire à l’intérieur d’une maison ou d’un bâtiment (Marc 4:1). Il saisissait chaque occasion.
2. Elle n’était pas systématique. Cela tient au fait que Jésus saisissait l’occasion qui se présentait à lui, au lieu de suivre un schéma préétabli. Pensez par exemple aux circonstances que le Seigneur a mises à profit pour délivrer ses enseignements sur le péché. Vous trouvez cet enseignement dans différents passages liés à des situations particulières, si bien qu’il a délivré son message parfois sous forme didactique, parfois sous forme parabolique. L’interprète de l’Ecriture doit classer les enseignements de Christ de façon systématique. 3. Elle était pleine d’illustrations. Les illustrations étaient elles-mêmes variées et adaptées au public (notons l’illustration choisie pour les hommes et les femmes, dans Matthieu 24:4041 et Luc 15:4, 8). 4. Elle laissait une grande part aux questions. C’était surtout le cas lors des controverses (Matthieu 22). 5. Elle était revêtue d’autorité. C’était sans doute la caractéristique dominante du ministère prophétique de Christ: son autorité contrastait fortement avec l’enseignement des scribes et des pharisiens (Marc 1:22), parce que sa façon de parler s’enracinait dans les profondeurs de la réalité et de la vérité.
C. Les prophéties prononcées par Christ Bien que les enseignements prophétiques de Christ soient disséminés dans les Evangiles, quatre passages principaux nous ont été conservés: (1) le Sermon sur la montagne, (2) les paraboles concernant les mystères du royaume, (3) les entretiens avec quatre de ses disciples sur le mont des Oliviers, le mardi de la semaine sainte, (4) le discours aux disciples dans la chambre haute, le jeudi soir. Les enseignements de Christ figurent certainement parmi les plus difficiles de toute la Bible à interpréter correctement. Pourquoi? Parce que le Seigneur a vécu sous la loi de Moïse et l’a parfaitement respectée; mais il s’est aussi présenté à Israël comme son Roi; quand il a été rejeté en tant que tel, il a inauguré la nouvelle partie du programme de Dieu, l’Eglise, et donné quelques enseignements à ce sujet. Autrement dit, il a vécu à la charnière de trois aspects du programme de Dieu pour ce monde: la loi, l’Eglise et le royaume. Il n’est pas toujours facile de distinguer la substance spécifique de chacun de ces enseignements sans les confondre. 1. Le Sermon sur la montagne (Matthieu 5–7). Certains voient dans ce discours un exposé du chemin du salut. L’ennui, c’est que les mots majeurs de rédemption et de justification n’apparaissent pas du tout dans ces chapitres. Par ailleurs, si telle est l’interprétation correcte du sermon, alors il est clair que le salut s’obtient par les œuvres! Pour d’autres, le Sermon sur la montagne constitue la charte de la vie chrétienne. Pour en
arriver là, il faut rejeter le caractère littéral d’une bonne partie de l’enseignement afin de pouvoir y obéir dans ce monde d’injustice. De plus, si cette interprétation est vraie pour l’Eglise, pourquoi le Seigneur n’a-t-il pas mentionné le Saint-Esprit, si important pour la vie chrétienne, ni même l’Eglise? D’autres encore considèrent que ce discours se rattache au message de Christ quant à son royaume. Jean, le précurseur, avait annoncé le royaume (Matthieu 3:2). Christ lui-même a commencé à faire connaître le message du royaume (Matthieu 4:17); dans le Sermon sur la montagne, il explique ce qu’implique la vraie repentance. Le royaume que Jean-Baptiste et Christ annonçaient, celui que le peuple attendait, était le royaume messianique, le royaume de David, le millénium promis dans l’Ancien Testament. Christ n’a donné aucune indication qui aurait incité le peuple à comprendre autrement le royaume dont il parlait. Mais les Juifs avaient fondé beaucoup d’espoirs sur un royaume politique, au point d’oublier que ce dernier comportait néanmoins des exigences spirituelles. C’est pourquoi le Seigneur a expliqué en quoi consistait la préparation spirituelle en vue du royaume davidique. Prêché dans l’optique du royaume, ce discours semble principalement dire comment s’y préparer. Pour être suivies, certaines des conditions nécessiteraient l’établissement du royaume avec son gouvernement juste (Matthieu 5:38-42), bien que les principes généraux puissent être appliqués en tout temps. Le Sermon est donc un appel à la repentance à l’adresse de ceux qui avaient supprimé l’idée d’un changement intérieur des conditions pour l’établissement du royaume. Il est par conséquent valable et pertinent pour toutes les époques où le royaume est imminent. Il l’était du temps où Christ l’a prêché, il l’est encore pour le temps de la tribulation à venir. Il décrit par ailleurs les conditions en vigueur lorsque le royaume sera établi. Mais, comme pour toute l’Ecriture, les disciples de tous les temps peuvent en tirer un grand profit, puisqu’il constitue l’un des codes éthiques les plus détaillés de la Bible. 2. Les paraboles concernant les mystères du royaume (Matthieu 13). Le jour même où les scribes et les pharisiens avaient porté des accusations blasphématoires contre lui (Matthieu 12:2237), le Seigneur s’est adressé à ses disciples et leur a révélé les caractéristiques du royaume dans l’intervalle de temps séparant sa mort de son retour. On parle de «mystères», car ces choses n’étaient pas connues dans l’Ancien Testament mais sont révélées à ceux qui entretiennent avec Christ une relation correcte (Matthieu 13:11). Ces caractéristiques du royaume de Dieu diffèrent de celles du royaume davidique – aussi bien de celui d’autrefois que de celui à venir – et elles concernaient une époque encore à venir au moment où le Seigneur les a révélées (Matthieu 13:24, le verbe «est semblable» est un aoriste utilisé de façon proleptique, c’est-à-dire en anticipation d’une chose à venir); elles prendront fin avec les événements qui marqueront le retour du Seigneur (Matthieu 13:3950).
Entre autres choses, ces paraboles rapportent la réaction de différentes catégories de personnes au message biblique, signalent la présence de contrefaçons sataniques dans le royaume, sa rapide croissance, le mal qui s’y infiltre, sa valeur et la présence d’impies dans son sein. Cette forme du royaume est temporaire, jusqu’au retour de Christ. 3. Le discours sur le mont des Oliviers (Matthieu 24–25). Au moment où Jésus a fait ce discours, vers la fin de sa vie terrestre, il était manifeste que les chefs juifs avaient rejeté son royaume. Christ lui-même avait donc inauguré l’Eglise comme prochaine étape dans le programme de Dieu (Matthieu 16:18). Cela signifie-t-il que le royaume était à jamais supprimé du plan divin? Pas du tout. Le discours sur le mont des Oliviers détaille certains événements qui aboutiront au retour de Christ pour inaugurer son royaume messianique, davidique et millénaire. Matthieu 24:4-14 fournit des détails sur ce qui se produira au cours de la première partie de la tribulation à venir. Les versets Matthieu 24:15-28 révèlent ce qui marquera la deuxième partie de cette période. Ensuite, Christ reviendra sur la terre pour monter sur le trône (Matthieu 24:30; 25:31, 34). Le fait que cela ne s’est pas produit du vivant des apôtres, comme ils s’y attendaient, ne supprime en rien la certitude qu’un jour Christ régnera dans son royaume (Actes 1:6). 4. Le discours dans la chambre haute (Jean 13–16). La nuit qui a précédé sa crucifixion, le Seigneur a révélé à ses disciples de façon condensée un certain nombre de choses concernant l’ère nouvelle de l’Eglise, qui était sur le point d’être inaugurée. Il s’est exprimé ainsi parce que ses disciples n’étaient pas en mesure de bien comprendre ce qui allait réellement se dérouler (Jean 16:12). Quel est le contenu de certaines de ces révélations? (1) Le Seigneur donne un commandement nouveau: nous aimer les uns les autres comme il nous aime (Jean 13:34). (2) Il communique une espérance nouvelle: un lieu qu’il va préparer pour y accueillir les croyants (Jean 14:1-3). (3) Il promet un autre Consolateur qui agira de plusieurs façons nouvelles: avertir, exhorter, consoler, intercéder, convaincre, enseigner, etc. (Jean 14:16). (4) Il dévoile une relation nouvelle: le Saint-Esprit sera en eux et non seulement avec eux, les croyants seront en Christ, et lui en eux (Jean 14:17, 20). (5) Il définit une base nouvelle pour la prière: elle se fera en son nom (Jean 16:24, 26). Toutes ces données révèlent des différences énormes entre l’économie dans laquelle les disciples vivaient alors et la nouvelle dispensation à venir, celle de l’Eglise.
D. L’authentification de Christ comme prophète La loi ordonnait la lapidation des faux prophètes (Deutéronome 13:5, 10). Il va de soi que si le prophète vivait jusqu’à l’époque où sa prophétie devait se réaliser, il était facile de dire s’il s’agissait d’un vrai prophète ou d’un faux. Mais s’il ne vivait pas assez longtemps, c’était plus difficile. Le ministère prophétique du Seigneur a été authentifié de deux manières: certaines de ses prophéties se sont réalisées de son vivant, et les miracles qu’il a opérés
attestaient pour ses contemporains qu’il était un vrai prophète. La prédiction détaillée que Christ a livrée de sa mort constitue un exemple saisissant: Jésus a annoncé qu’un proche le trahirait (Matthieu 16:21), que sa mort serait décidée par les chefs juifs (Matthieu 16:21), qu’il mourrait crucifié et qu’il ressusciterait trois jours plus tard (Matthieu 20:19). Seul un authentique prophète pouvait donner ce genre de détails concernant sa mort, des détails qui se sont révélés exacts. De plus, certains miracles de Christ attestaient directement qu’il était un vrai prophète (Luc 7:16; Jean 4:19; 9:17). Oui, dans ces derniers temps, Dieu nous a vraiment parlé par son Fils (Hébreux 1:1-2).
II. Christ comme sacrificateur Le prophète parlait aux hommes de la part de Dieu; le sacrificateur parlait à Dieu au nom des hommes. Le fait d’être issu de la tribu de Juda empêchait Jésus d’exercer le sacerdoce lévitique. Mais Dieu avait instauré, avant sa venue, un autre ordre sacerdotal, celui de Melchisédek. Christ est sacrificateur selon l’ordre de Melchisédek, aussi bien en ce qui concerne sa personne que son œuvre. Il existe cependant aussi des ressemblances entre la personne et l’œuvre des sacrificateurs lévitiques et celles de Christ en tant que sacrificateur.
A. Sacrificateur selon l’ordre d’Aaron Le sacrificateur selon l’ordre d’Aaron devait être un homme choisi par Dieu et apte à ce service (Lévitique 21; Hébreux 5:1-7). Choisi, incarné, mis à l’épreuve, notre Seigneur répondait aux conditions pour être un sacrificateur authentique. Les prêtres lévitiques avaient pour mission de représenter le peuple devant Dieu, en particulier en offrant les sacrifices prescrits. Les sacrifices étaient nombreux, répétitifs et ne possédaient aucune efficacité éternelle en eux-mêmes. Ils faisaient l’expiation des péchés dans le contexte de la théocratie, mais l’auteur de la lettre aux Hébreux dit clairement que, s’ils avaient été capables d’obtenir une satisfaction éternelle, il n’aurait pas été nécessaire de les répéter chaque année (Hébreux 10:2-3). En revanche, le Seigneur a offert pour le péché de l’humanité un seul sacrifice une fois pour toutes, celui de sa propre personne. Son immense œuvre de rédemption était préfigurée par les sacrificateurs lévitiques, bien que luimême n’ait pas été sacrificateur selon l’ordre d’Aaron.
B. Sacrificateur selon l’ordre de Melchisédek Le portrait de Melchisédek dans Genèse 14:18-20 et dans Hébreux 7:1-3 semble volontairement limité aux caractéristiques qui le rapprochent de Christ. La forme verbale
«rendu semblable» (Hébreux 7:3) n’a pas la valeur d’un adjectif – cela indiquerait que Melchisédek était comme Christ dans son être (et cela apporterait du poids à l’interprétation qui voit en lui une théophanie) – mais d’un participe: c’est l’auteur biblique qui, par son affirmation, souligne la ressemblance entre les deux personnages. Les points de comparaison sont d’ailleurs limités pour mettre cette ressemblance davantage en relief. Plusieurs traits caractérisaient le sacerdoce de Melchisédek: (1) C’était un sacerdoce royal. Melchisédek était à la fois roi et sacrificateur. Cette fusion des deux offices en une seule personne n’existait pas dans le sacerdoce d’Aaron, mais elle a été annoncée comme devant se réaliser dans le Messie (Zacharie 6:13). (2) Ce n’était pas un sacerdoce héréditaire. Les mots «sans père, sans mère» ne signifient pas que Melchisédek n’avait pas de parents, ni qu’il n’avait pas connu la naissance et la mort. Simplement, par leur silence sur ces données généalogiques, les Ecritures permettent d’établir une ressemblance plus frappante avec Christ. Les sacrificateurs issus d’Aaron devaient prouver leur appartenance à la lignée sacerdotale pour pouvoir exercer leurs fonctions. (3) C’était un sacerdoce non limité dans le temps. L’Ecriture ne parle ni de son institution, ni de sa fin. De ce point de vue aussi, Melchisédek ressemble à Christ, qui est sacrificateur pour l’éternité. (4) L’ordre de Melchisédek était supérieur à celui d’Aaron. Abraham, d’où est issu l’ordre sacerdotal d’Aaron, a reconnu la supériorité de Melchisédek sur lui, puisqu’il lui a donné la dîme du butin de guerre (Genèse 14:20). Quoique pas encore né, Lévi et tous les sacrificateurs issus de lui étaient en quelque sorte impliqués dans cet acte. En quoi le sacerdoce de Christ ressemble-t-il à celui de Melchisédek? Comme lui, Christ est roi; il a droit à notre allégeance. Il nous bénit. Et de même que Melchisédek a offert du pain et du vin à Abraham pour renouveler ses forces après la bataille, en tant que sacrificateur, le Seigneur renouvelle et fortifie les siens. Il l’a fait notamment pour Etienne au moment de son martyre. Le Seigneur se tenait debout pour l’encourager (Actes 7:55). Il le fait encore aujourd’hui dans les Eglises locales lorsqu’il marche au milieu des chandeliers d’or (Apocalypse 2:1). Il a achevé l’œuvre de la rédemption et peut donc rester assis, indiquant par là qu’il n’a plus besoin de se lever pour recommencer ou ajouter quoi que ce soit à cette œuvre (Hébreux 1:3). Toutefois, son ministère d’aide et de soutien se poursuit; c’est pourquoi il se lève pour l’accomplir. Nous avons un souverain sacrificateur debout, prêt à voler au secours de ceux qui sont éprouvés (Hébreux 2:18) et désireux de répandre sa grâce sur ceux qui sont dans le besoin (Hébreux 4:16).
III. Christ comme roi
La qualité de roi s’accompagne de toute une gamme de prérogatives. En Israël, le roi détenait les pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire, économique et militaire. La royauté de Christ peut se résumer en cinq mots: promis, annoncé, offert, rejeté, intronisé. L’alliance de grâce conclue par Dieu avec David stipulait que la dynastie davidique conserverait à jamais le droit de régner. Dieu n’avait pas promis un règne ininterrompu; du reste, la captivité babylonienne a mis fin pour un temps à la monarchie en Israël (2 Samuel 7:12-16). Esaïe avait annoncé qu’un enfant né d’une vierge monterait sur le trône de David (Esaïe 9:6); Gabriel a annoncé à Marie que son enfant occuperait le trône de David et régnerait sur la maison de Jacob (Luc 1:32-33). Durant tout son ministère terrestre, Jésus a offert à Israël son règne davidique (Matthieu 2:2; 27:11; Jean 12:13), mais le peuple l’a rejeté: les Gadaréniens ont refusé qu’il exerce ses droits sur eux (Matthieu 8:34); les scribes ont nié son droit à pardonner les péchés et son pouvoir de le faire (Matthieu 9:3); les habitants de nombreuses villes se sont opposés à lui (Matthieu 11:20-30; 13:53-58); les pharisiens l’ont rejeté (Matthieu 12; 15:1-20; 22:15-23); Hérode, Ponce Pilate, les païens et les Juifs, tous l’ont repoussé en le crucifiant (Jean 1:11; Actes 4:27). Le roi ayant été rejeté, l’établissement du royaume davidique messianique a été (d’un point de vue humain) différé. Bien que Christ n’ait jamais cessé d’être roi et qu’il le soit effectivement aujourd’hui comme toujours, il n’est jamais désigné comme roi de l’Eglise (Actes 17:7 et 1 Timothée 1:17 ne font pas exception). Même s’il est roi aujourd’hui, il ne gouverne pas en tant que tel. Pour cela, il faut attendre son retour. Alors il inaugurera le royaume davidique (Matthieu 25:31; Apocalypse 19:15; 20). Alors le souverain sacrificateur s’assiéra sur son trône, apportant à la terre l’âge d’or après lequel elle soupire depuis si longtemps (Psaume 110). 151 Eusèbe, Histoire ecclésiastique I.3.8-9: «Nous avons appris également que, par l’onction, certains prophètes eux-mêmes sont devenus des ‘christs’ en figure; de la sorte tous ceux-ci ont eu une ressemblance avec le vrai Christ, le Verbe divin et céleste, le seul grand prêtre de l’univers, le seul roi de toute la création, le seul grand prophète des prophètes du Père. Cela est démontré par le fait que personne de ceux qui jadis ont été symboliquement oints prêtres, rois, ou prophètes n’a possédé une puissance de vertu divine telle que celle qu’a manifestée notre Sauveur et Seigneur Jésus, le seul vrai Christ.» (Traduction de Gustave Bardy, Editions du Cerf)
44. Le dépouillement volontaire de Christ I. L’origine du concept La question du dépouillement volontaire de Christ, ou kénôse (d’après le verbe grec qui apparaît en Philippiens 2:7), a fait l’objet d’âpres discussions tout au long de l’histoire de l’Eglise. Le synode d’Antioche en 341 déclara que Christ s’est dépouillé «de son égalité avec Dieu», tout en maintenant sa pleine divinité. Lors de la Réforme, les discussions s’articulèrent autour de la possibilité pour Christ de se dépouiller des attributs d’omnipotence, d’omniscience et d’omniprésence sans porter atteinte à sa divinité essentielle. Au dix-septième siècle, certains ont osé affirmer que Christ était moins que divin. Le dix-neuvième siècle a vu apparaître une nouvelle forme de christologie avec la propagation d’idées fausses concernant la kénôse. Cela s’explique par le fait que ce siècle a vu naître plusieurs nouvelles théories scientifiques, comme l’évolution et la critique radicale. Cette époque a aussi fortement insisté sur la redécouverte de la réelle humanité de Jésus et, avec elle, de l’ampleur de son renoncement et de son dépouillement volontaires. Il ne fait aucun doute qu’il existe une vraie kénôse, puisqu’elle est enseignée dans Philippiens 2:7. Cette affirmation ne saurait contredire les autres vérités que l’Ecriture révèle au sujet du Seigneur. En fait, la Bible n’élabore pas une doctrine de la kénôse, bien qu’elle en révèle des éléments fondamentaux pour une formulation correcte. Le but de ce chapitre est de rassembler ce que l’Ecriture dit à ce sujet et d’éviter les hérésies.
II. La véritable signification du concept A. Le passage central Philippiens 2:5-11, le texte central relatif à la kénôse, commence par une exhortation à l’humilité de cœur, à l’exemple de Christ qui a renoncé à la gloire pour les souffrances de la croix. Suit alors une déclaration concise concernant le Christ préincarné et incarné (Philippiens 2:6-8): 6 Existant en forme de Dieu, il n’a point regardé son égalité avec Dieu comme une proie à arracher, 7 mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; et il a paru comme un vrai homme,
8 il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix. 1. L’éternelle existence de Christ (Philippiens 2:6). Cette vérité est clairement affirmée par le participe présent huparchôn (qui contraste singulièrement avec les aoristes, c’est-à-dire les temps passés, qui suivent); il souligne la continuité indéfinie de l’être de Christ. Le choix de ce mot (à la place du verbe être traditionnel, eimi) suggère un être déjà présent (comme en Actes 7:55); c’est donc l’affirmation de son existence éternelle. Cette existence infinie était en morphê («forme») de Dieu, la forme essentielle comprenant la totalité de la nature et de l’essence de la divinité. Si l’expression «forme de Dieu» désigne une réalité inférieure à la pleine divinité, alors l’expression qui suit, à savoir «forme de serviteur» (Philippiens 2:7) devrait signifier que sur terre, Christ était moins qu’un serviteur. Or le passage en question s’évertue justement à démontrer la pleine réalité de sa nature de serviteur. Il s’ensuit que les mots «forme de Dieu» (Philippiens 2:6) décrivent la pleine réalité de la divinité du Seigneur. Après avoir procédé à une étude fouillée de morphê dans la philosophie grecque, chez Platon et dans le Nouveau Testament, J.B. Lightfoot conclut que le terme désigne ce qui est intrinsèque et essentiel à la chose en question. Dans le cas présent, il indique que dans son état de préincarnation, le Seigneur possédait l’essence de la divinité152. Paul met ensuite l’accent sur la réalité de la divinité de Christ en déclarant que l’égalité avec le Père n’était pas une chose à conquérir, puisqu’il la possédait de tout temps. Il ne la convoitait pas; il n’avait pas besoin de lorgner sur cette égalité, puisqu’elle était sienne de toute éternité. Il ne s’y est pas accroché de toutes ses forces; il a au contraire accepté de s’en dépouiller. 2. Le dépouillement volontaire (Philippiens 2:7-8). Relevons d’abord ceci: quoi que puisse recouvrir ce dépouillement, il était volontaire. Personne n’a contraint Christ à venir dans le monde et à mourir sur une croix pour expier notre péché. On trouve ailleurs des emplois du verbe traduit ici par «dépouiller». Dans Romains 4:14 et 1 Corinthiens 1:17, il est rendu par «rendre vain», dans 1 Corinthiens 9:15 par «enlever», et par «réduire à néant» dans 2 Corinthiens 9:3. Il faut reconnaître que ces passages ne contribuent pas à rendre notre texte plus compréhensible. En quoi résidait le dépouillement de Christ? Il impliquait tout ce qui a finalement été englobé dans sa mort sur la croix. Le dépouillement est allé jusqu’à prendre la forme (morphê) d’un esclave. Pourtant, dans cette forme, Christ n’était pas moins en forme de Dieu, même si sa gloire était voilée au maximum (voir cependant Jean 1:14). Pour prendre la forme d’un serviteur, il lui fallait devenir humain. C’est ce que décrivent précisément les deux expressions suivantes de Philippiens 2:7-8. Il est devenu «semblable aux hommes». La
ressemblance (grec homoiôma) implique deux choses: d’abord il était réellement comme les hommes, ensuite il était différent d’eux. Son humanité l’a assujetti aux vicissitudes et aux limitations humaines, mais le terme «semblable» nous empêche de conclure qu’il était entièrement identique aux hommes. Il se démarquait d’eux par le fait qu’il était sans péché (voir Romains 8:3). D’ailleurs, il «a paru (grec schêma) comme un vrai homme». Ce terme indique ce qu’il était en apparence: dans ses actions, sa façon de s’habiller, ses manières, son aspect, il était visiblement un homme. C’est ainsi qu’il s’est humilié lui-même et s’est rendu obéissant jusqu’à la mort sur une croix, le comble de l’humiliation et de la honte. Le passage part de la gloire de Christ avant son incarnation et se poursuit par sa mort ignominieuse sur la croix. Pour pouvoir mourir, il devait manifestement devenir homme. Pour en arriver à ce stade, il a dû se dépouiller de sa position antérieure à l’incarnation, sans cependant porter atteinte à sa personne. Il n’existait aucun moyen pour lui de devenir homme en conservant sa position d’avant l’incarnation. Mais il a pu devenir un homme tout en conservant les attributs de sa personne avant l’incarnation, c’est-à-dire tous les attributs de la divinité. Ce dépouillement a permis qu’il endosse l’humanité sans retrancher la moindre parcelle de sa divinité ni lui supprimer l’usage de ses attributs divins. Il y a eu changement de forme, mais pas du contenu de l’être divin. Il n’a pas renoncé à sa divinité ni à l’usage de ses attributs; il a simplement ajouté l’humanité, et ce afin de pouvoir mourir. Esaïe le déclare ainsi: «Il s’est livré lui-même à la mort» (Esaïe 53:12). Il me semble que même les évangéliques passent à côté du point essentiel du passage en s’efforçant de mettre en relief les limitations auxquelles Christ s’est astreint dans son état terrestre. Il est certain que le Dieu-homme a connu des limitations, mais il est non moins certain que le Dieu-homme a manifesté les prérogatives de la divinité. C’est pourquoi, pour les conservateurs, la kénôse signifie que la gloire du Christ d’avant son incarnation a été voilée, ce qui n’est vrai que dans un sens relatif (voir Matthieu 17:1-8; Jean 1:14; 17:5). Ils l’expliquent aussi comme le refus par Christ de se servir de certains de ses attributs divins. C’était vrai dans certaines occasions, mais certainement pas tout au long de sa vie terrestre (voir Jean 1:48; 2:24; 16:30). Le Seigneur n’a pas toujours accompli ses miracles par la puissance de l’Esprit; il s’est parfois servi de sa propre puissance (Luc 22:51; Jean 18:6). Ainsi donc, si notre connaissance de la kénôse découle de Philippiens 2, c’est de là que nous devons tirer notre définition du concept. Or, ce passage ne précise pas du tout de quelle manière la gloire du Christ était voilée, ni dans quelle mesure elle l’était. Il ne dit rien non plus de l’usage ou du non-usage des attributs divins. Paul déclare simplement que le dépouillement a permis à Christ de devenir un homme afin de pouvoir mourir. La kénôse est donc l’abandon par Christ de sa condition antérieure à l’incarnation pour revêtir celle d’un serviteur humain.
B. Une définition Dans la kénôse, Christ s’est dépouillé lui-même; il n’a pas conservé ni exploité son statut au sein de la divinité et s’est revêtu de la nature humaine afin de pouvoir mourir.
III. Les mauvaises compréhensions de la kénôse A. Christ aurait abandonné certains de ses attributs, voire tous Selon cette fausse conception, la kénôse signifie que le Seigneur a renoncé à ses attributs divins, ou au moins à ceux d’omniprésence, d’omnipotence et d’omniscience. Cette idée est bibliquement insoutenable, et elle est théologiquement impossible. En effet, si Christ a renoncé à l’une des qualités divines, quelle qu’elle soit, il a cessé d’être Dieu pendant sa vie terrestre. Il ne pouvait pas alors déclarer, comme il l’a fait dans Jean 10:30, que lui et le Père étaient un quant à l’essence. Christ ne s’est défait d’aucun aspect de sa divinité.
B. Christ serait apparu comme un homme en masquant sa divinité Cette idée semble a priori moins hérétique que la précédente, mais elle aussi nie la pleine divinité de Christ. En effet, le masque ou déguisement implique un changement dans le mode d’existence de Christ. Ce point de vue rejette le fait que Christ était Dieu tout en étant homme. S’il est correct, comment Jésus pouvait-il affirmer que celui qui l’avait vu avait vu le Père (Jean 14:9)? Le problème se simplifie si nous nous souvenons que la relation entre les deux natures du Seigneur et la question de leurs activités concernent la doctrine de l’union hypostatique (chap. 42). La doctrine de la kénôse se focalise davantage sur le fait que l’incarnation de Christ était nécessaire pour qu’il puisse mourir. 152 J.B. Lightfoot, St. Paul’s Epistle to the Philippians, Londres, Macmillan, 1913, pp. 127133.
45. L’absence de péché en Christ I. La signification de l’absence de péché en Christ Le Seigneur Jésus n’a jamais rien fait qui déplaise à Dieu; il n’a jamais violé la loi mosaïque, sous le régime duquel il a vécu sur la terre; il n’a jamais manqué la moindre occasion dans sa vie de manifester la gloire de Dieu (Jean 8:29). Cette absence de péché ne l’a pas empêché de connaître les limitations de la condition humaine. Ainsi, il a connu la fatigue (Jean 4:6), la faim (Matthieu 4:2; 21:18), la soif (Jean 19:28); il a dormi (Matthieu 8:24). Mais à chaque étape de sa vie, que ce soit dans sa petite enfance, son enfance, son adolescence ou à l’âge adulte, il a toujours été saint et sans péché.
II. Les témoignages de l’absence de péché en Christ A. Les preuves textuelles Les Ecritures affirment de façon irréfutable l’absence de péché en Christ. Le Seigneur a été annoncé comme un saint enfant (Luc 1:35). Il a mis ses adversaires au défi de prouver qu’il était pécheur, et ils en ont été incapables (Jean 8:46); ils ont systématiquement échoué dans leurs efforts pour le prendre au piège de ses propres paroles (Matthieu 22:15). Il a toujours affirmé faire ce qui plaisait à son Père (Jean 8:29). Il a déclaré avoir gardé les commandements du Père (Jean 15:10). Au cours de son procès et de la crucifixion, il a été déclaré innocent à onze reprises (une fois par Judas, dans Matthieu 27:4; six fois par Pilate, dans Matthieu 27:24; Luc 23:14, 22; Jean 18:38; 19:4, 6; par Hérode Antipas, dans Luc 23:15; par la femme de Pilate, dans Matthieu 27:19; par le malfaiteur repentant, dans Luc 23:41; par le centenier romain, dans Matthieu 27:54). Par ailleurs, les Ecritures ne mentionnent aucun sacrifice offert par le Seigneur, alors qu’il fréquentait le temple. Ce silence donne à penser qu’il n’avait pas besoin d’en offrir parce qu’il était sans péché. Paul déclare que le Seigneur «n’a point connu le péché» (2 Corinthiens 5:21). Pierre émet la même opinion lorsqu’il écrit que Christ n’a commis aucun péché, qu’aucune fraude ne s’est trouvée dans sa bouche (1 Pierre 2:22), qu’il était «un agneau sans défaut et sans tache» (1 Pierre 1:19).
Jean énonce la même vérité en affirmant qu’il n’y avait pas de péché en Christ (1 Jean 3:5). L’auteur de la lettre aux Hébreux souligne à plusieurs reprises l’absence de péché chez notre Seigneur: il était sans péché (Hébreux 4:15); il était saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs (Hébreux 7:26), dispensé de toute nécessité d’offrir des sacrifices pour lui-même (Hébreux 7:27). Christ et les auteurs du Nouveau Testament sont unanimes: le Seigneur était sans péché.
B. Le débat Si les conservateurs sont d’accord pour dire que Christ était sans péché, ils ne le sont plus quand il s’agit de déterminer s’il aurait pu pécher. L’Ecriture affirme qu’il n’a pas péché; on peut se demander s’il aurait pu pécher. L’«impeccabilité», ou impossibilité de pécher (non posse peccare), signifie que Christ ne pouvait pas pécher. La «peccabilité», ou possibilité théorique de pécher (posse non peccare), exprime le fait qu’il aurait pu pécher, même si en réalité il ne l’a pas fait. Les libéraux sont évidemment d’avis que non seulement Christ aurait pu pécher, mais qu’il l’a effectivement fait. La peccabilité est ici liée à une nature pécheresse. Toutefois, le concept de peccabilité n’implique pas forcément celui de nature pécheresse, et les conservateurs ne l’incluent pas.
III. La mise à l’épreuve de l’absence de péché en Christ A. Le lien entre la tentation et la possibilité / l’impossibilité de pécher La question de la possibilité ou l’impossibilité de pécher chez Christ est étroitement liée à celle de la tentation. Ceux qui pensent que Christ pouvait pécher déclarent que, s’il ne pouvait pas pécher, alors ses tentations n’étaient pas réelles, et il ne peut donc pas officier comme souverain sacrificateur compatissant. Autrement dit, la peccabilité exigerait que Christ ait possédé une aptitude constitutionnelle à pécher. A l’inverse, les partisans de son impeccabilité mettent l’accent sur l’union des natures humaine et divine en une personne et soulignent que, même si la nature humaine de Christ avait la possibilité de pécher, sa personne, elle, n’en avait pas la possibilité. Il ne pouvait en être autrement pour une personne qui possédait tout pouvoir et une volonté divine. Hodge défend le point de vue de ceux qui pensent que Christ pouvait pécher. «La tentation implique la possibilité de pécher. Si, de par la constitution de sa personne, Christ ne pouvait pas pécher, alors sa tentation n’était pas réelle, n’entraîne aucun effet, et Christ ne peut
compatir avec son peuple.»153 Défenseur de l’autre point de vue, Shedd écrit: On objecte à la doctrine de l’impeccabilité de Christ le fait qu’elle ne s’accorde pas avec la possibilité d’être tenté. On prétend qu’une personne qui ne peut pécher ne peut pas être tentée par le péché. Ce n’est pas exact, tout comme il n’est pas juste de dire que, parce qu’une armée ne peut être vaincue, elle ne peut pas être attaquée. La faculté d’être tenté dépend de la prédisposition constitutionnelle, alors que l’impossibilité de pécher appartient au domaine de la volonté… Les tentations du Seigneur furent fortes, mais comme l’autodétermination de sa sainte volonté était encore plus forte qu’elles, elles ne purent l’inciter à pécher. Il était incapable de pécher, tout en étant pleinement exposé à la tentation.154
B. La nature de la tentation de Christ Il va sans dire que les tentations auxquelles Christ a été soumis étaient réelles. Elles se sont vraiment produites, elles étaient donc vraiment réelles. En fait, les épreuves particulières que Christ a dû surmonter convenaient à un Dieu-homme. Aucun homme ordinaire n’aurait été tenté d’essayer de changer des pierres en pain, le Dieu-homme oui. Aucun homme sain d’esprit n’aurait été tenté de prouver sa messianité en sautant d’un sommet élevé avec l’espoir d’arriver indemne en bas. Aucun homme n’aurait pris au sérieux l’offre de Satan de lui offrir tous les royaumes de la terre (tout au plus une petite parcelle d’un royaume, mais pas tous). Les tentations avaient donc pour but de soumettre le Dieuhomme à une épreuve que jamais aucun homme ne connaîtrait. Même si ces tests se situaient hors du champ d’expérience du commun des mortels, ils s’inscrivent dans des domaines communs à tous les humains: tous les désirs coupables peuvent découler de la convoitise des yeux, de la convoitise de la chair, de l’orgueil des richesses ou d’une combinaison de ces éléments (1 Jean 2:16). Les épreuves auxquelles Satan a soumis Christ (Matthieu 4:1-11) se rangent dans ces trois catégories. Quand l’auteur de l’épître aux Hébreux déclare que Christ a été tenté en toutes choses (kata panta), il ne veut pas dire que le Seigneur a connu toutes les tentations auxquelles les humains peuvent être exposés (Hébreux 4:15). Ainsi, Jésus n’a pas été tenté par un mauvais usage de la télévision. Mais il a connu des tentations taillées à la mesure d’un Dieu-homme, et ces tentations entrent dans les catégories qui englobent toutes les tentations, y compris les nôtres. D’ailleurs, s’il a pu être tenté, c’est parce qu’il possédait une nature humaine, car Dieu ne peut être tenté par le mal (Jacques 1:13). L’auteur d’Hébreux poursuit en ajoutant que Christ a été tenté en toutes choses «comme nous»
(littéralement «selon une ressemblance»). En d’autres termes, le fait qu’il est apparu dans une chair semblable à celle du péché lui a permis d’être tenté. Mais une grande différence sépare son humanité de la nôtre: il a été tenté «sans commettre de péché» (littéralement «sans péché»). Il ne possédait pas une nature pécheresse, et il n’a jamais commis aucun péché. Cela ne veut cependant pas dire que sa nature humaine ne pouvait pas pécher: elle le pouvait, même si elle ne l’a jamais fait. La personne du Dieu-homme, elle, ne pouvait pas pécher. Shedd fait remarquer avec raison: Il s’ensuit que, tout en possédant une nature humaine capable de pécher de par sa constitution, Christ était une personne incapable de pécher. L’impeccabilité caractérise le Dieu-homme dans sa globalité, tandis que la peccabilité est une propriété de son humanité.155
C. Le résultat des tentations de Christ 1. La sensibilité. Christ est devenu sensible à la pression de l’épreuve. Il l’a expérimentée avec des émotions et une force que nous ne pouvons pas saisir. 2. L’exemple. Il nous laisse un exemple de victoire possible sur les pires tentations. 3. La compréhension. Il nous comprend et compatit lorsque nous sommes tentés. 4. La grâce et la puissance. Il peut nous accorder la grâce et la force qui nous sont nécessaires dans les moments de tentation. Les hommes qui ont connu les mêmes tentations que nous peuvent nous témoigner compassion et sympathie, mais le plus souvent, ils ne peuvent rien faire pour aider. Le Seigneur, lui, le peut, et il nous offre sa grâce pour nous secourir dans nos besoins (Hébreux 4:16). Seul un souverain sacrificateur à la fois Dieu et homme peut, d’une part, avoir compassion de nous parce que lui aussi a été authentiquement tenté, et, d’autre part, nous revêtir de force, parce qu’il est Dieu.
D. Une illustration Dès que j’ai commencé à enseigner au niveau universitaire, j’ai été décontenancé par le nombre de fautes d’orthographe que j’ai découvertes dans les épreuves des étudiants. Au début, je donnai à une classe d’une vingtaine d’étudiants un test qui comportait, entre autres réponses, le mot Gethsémané. Que vous me croyiez ou non, les étudiants orthographièrent ce mot de huit manières différentes! On aurait du mal à le faire exprès! Parmi les autres mots mal orthographiés figuraient les termes divinité et millénium. Rappelez-vous que les étudiants en question étaient pourtant des universitaires! Lorsque je revins à la maison pour les premières vacances de Noël, je me retrouvai un soir en compagnie d’enseignants de l’école publique. Pendant des années, ils avaient été les
élèves de mon père dans une classe biblique, et plusieurs d’entre eux avaient été mes enseignants au début de ma scolarité. Ils furent évidemment curieux de savoir si je me plaisais dans ma tâche d’enseignant. Lorsque je me plaignis de l’orthographe défectueuse des élèves, je rencontrai chez presque tous beaucoup de sympathie. Je citai le cas du mot Gethsémané, que les étudiants orthographiaient si mal. Eux se plaignirent de ce que leurs élèves ne sachent plus écrire des mots beaucoup plus simples, des mots que les étudiants en théologie ne sont jamais tentés de mal écrire. Les difficultés que mes étudiants rencontraient se situaient dans le domaine théologique. Le type de mots concernés par l’orthographe défectueuse dépendait du niveau des étudiants, mais le fond du problème était le même: une mauvaise orthographe de mots que chaque groupe d’étudiants aurait dû savoir correctement écrire. Comme nous étions devant le même problème, nous avons pu sympathiser les uns avec les autres. On pourrait dire que chaque étudiant de ma classe se trouvait devant une réelle tentation quant à l’orthographe du mot Gethsémané. Ceux qui la connaissaient surmontaient l’épreuve, mais tous étaient obligés de l’affronter. Nous avons un souverain sacrificateur qui peut sincèrement compatir à nos faiblesses parce qu’il a vraiment été tenté, avec un niveau de tentation adapté à sa qualité de Dieu-homme. Il n’a pas péché et ne pouvait pas pécher. Il était et est saint, innocent, et sans souillure, l’agneau de Dieu sans défaut. 153 Charles Hodge, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1960, 2:457. 154 William G.T. Shedd, Dogmatic Theology, New York, Scribner, 1891, 2:336. 155 Ibid., 2:333.
46. La résurrection et l’ascension de Christ I. La résurrection A. L’importance de la résurrection de Christ 1. Pour sa personne. Si Christ n’était pas ressuscité d’entre les morts, il aurait été un menteur, car il avait annoncé qu’il ressusciterait (Matthieu 20:19). Aux femmes venues au tombeau et se demandant où il était passé, l’ange a déclaré: «Il n’est point ici; il est ressuscité, comme il l’avait dit» (Matthieu 28:6). La résurrection confirme que Jésus était un vrai prophète. Sans elle, tout ce qu’il a dit resterait sujet à caution. 2. Pour son œuvre. Si Christ n’était pas ressuscité, il n’aurait pas été vivant pour accomplir ses œuvres postérieures à la résurrection. Son ministère aurait pris fin avec sa mort. Nous n’aurions donc pas de souverain sacrificateur, d’intercesseur, d’avocat ou de tête de l’Eglise. De plus, il n’y aurait pas de personne vivante qui demeure en nous et nous revête de puissance (Romains 6:1-10; Galates 2:20). 3. Pour l’Evangile. Le passage classique de 1 Corinthiens 15:3-8 présente la mort et la résurrection de Christ comme étant de première importance («avant tout»). L’Evangile repose sur deux faits majeurs: un Sauveur est mort, et il vit. L’ensevelissement prouve la réalité de sa mort: il ne s’est pas simplement évanoui pour reprendre conscience ultérieurement, il est réellement mort. La liste des témoins prouve la réalité de sa résurrection: il est mort et a été enseveli; il est ressuscité et a été aperçu. Dans Romains 4:25, Paul insiste sur ces deux mêmes aspects: Christ a été livré pour nos offenses, et il est ressuscité pour notre justification. Sans résurrection, pas d’Evangile. 4. Pour nous. Si Christ n’est pas ressuscité, alors notre témoignage est faux, notre foi sans contenu significatif, et notre avenir des plus sombres (1 Corinthiens 15:13-19). Si Christ n’est pas ressuscité, les croyants qui sont morts le sont dans le sens le plus absolu, sans aucun espoir de résurrection. Et nous qui vivons, nous sommes la risée d’autrui pour avoir cru que les morts ressusciteront un jour.
B. Les preuves de la résurrection de Christ 1. Ses apparitions après la résurrection. Le nombre et la diversité des personnes qui ont vu le Seigneur après sa résurrection ainsi que la variété des circonstances de ses apparitions constituent des preuves solides et abondantes qu’il est vraiment ressuscité d’entre les
morts. Ainsi, quand, au jour de la Pentecôte, Pierre fonde la fiabilité de son message sur le fait qu’il y a des témoins oculaires de la résurrection de Christ, il le fait dans la ville même où la résurrection s’est produite deux mois plus tôt et devant un public qui peut interroger les témoins en question et vérifier ainsi le bien-fondé des affirmations de l’apôtre (Actes 2:32). Les apparitions de Christ entre sa résurrection et son ascension semblent s’être produites dans l’ordre suivant: (a) à Marie de Magdala et à d’autres femmes, le matin (Matthieu 28:810; Marc 16:9-10; Jean 20:11-18); (b) à Pierre, vraisemblablement dans l’après-midi (Luc 24:34; 1 Corinthiens 15:5); (c) aux disciples sur le chemin d’Emmaüs, dans la soirée (Marc 16:12; Luc 24:13-32); (d) aux disciples, à l’exception de Thomas, dans la chambre haute (Luc 24:36-43; Jean 20:19-25); (e) aux disciples, Thomas étant cette fois-ci présent, le dimanche soir suivant (Marc 16:14; Jean 20:26-29); (f) à sept disciples sur les rives de la mer de Galilée (Jean 21:1-24); (g) aux apôtres et à plus de cinq cents frères, ainsi qu’à Jacques, le demi-frère du Seigneur (1 Corinthiens 15:6-7); (h) à ceux qui étaient présents lors de son ascension (Matthieu 28:18-20; Marc 16:19; Luc 24:44-53; Actes 1:3-12). 2. Les effets qui ont nécessairement une cause (la résurrection). Certains faits surprenants méritent une explication; il est inconcevable qu’ils puissent être expliqués autrement que par la résurrection de Christ. Qu’est-ce qui est à l’origine de la tombe vide? Les disciples l’ont vue vide. Les gardes ont rapporté aux principaux sacrificateurs que le tombeau était vide, et ils ont été soudoyés pour ne pas ébruiter ce fait (Matthieu 28:11-15). Si l’histoire qu’ils ont reçu l’ordre de colporter avait été vraie (à savoir que les disciples étaient venus et avaient volé le corps), ils auraient dû être punis ou même exécutés pour avoir laissé faire les disciples, alors qu’ils étaient précisément là pour les en empêcher. Certains ont avancé l’explication que les disciples se seraient trompés de tombeau, mais la présence des gardes sur les lieux rend cette hypothèse inconcevable. Le tombeau était vide (l’effet) parce que Christ était ressuscité (la cause). Qu’est-ce qui est à l’origine des événements de la Pentecôte? La fête juive de la Pentecôte était célébrée chaque année, mais l’année où Christ est ressuscité, elle a été marquée par la venue du Saint-Esprit, comme le Seigneur l’avait promis (Actes 1:5). Dans son sermon, Pierre attribue la descente de l’Esprit au fait que le Christ ressuscité l’a envoyé (Actes 2:33). La venue de l’Esprit (l’effet) devait avoir une cause suffisante (le Christ ressuscité). Qu’est-ce qui explique le changement du jour du culte? Les premiers chrétiens étaient d’origine juive, habitués à adorer Dieu le jour du sabbat. Soudain et de façon uniforme, ils se sont mis à célébrer Dieu le dimanche, qui était un jour ouvré (Actes 20:7). Pourquoi? Ils ont déplacé leur jour de culte parce qu’ils voulaient commémorer la résurrection de leur Seigneur, qui avait eu lieu un dimanche. Le culte dominical (l’effet) découle de la résurrection de Christ (la cause).
C. Les conséquences de la résurrection de Christ 1. Un corps nouveau. Avec la résurrection de Christ est apparu pour la première fois dans l’histoire un nouveau genre de corps: celui de la résurrection; en effet, le Seigneur est ressuscité avec un corps éternel, qui ne connaîtra plus jamais la mort. Avant cet événement, toutes les résurrections n’étaient que le retour à la vie de l’ancien corps terrestre. Le corps de résurrection de Christ n’était pas sans liens avec son corps d’avant la résurrection. Les gens ont en effet reconnu le Seigneur (Jean 20:20); les blessures qui lui avaient été infligées lors de la crucifixion avaient laissé des cicatrices (Jean 20:25-29; Apocalypse 5:6). Il avait la possibilité (mais non le besoin) de manger (Luc 24:30-33, 4143); il a soufflé sur ses disciples (Jean 20:22). Ce corps possédait de la chair et des os, prouvant ainsi qu’il n’était pas un pur esprit prenant une apparence humaine (Luc 24:39-40). Mais en même temps, ce corps nouveau se différenciait radicalement de l’ancien: il pouvait entrer dans une pièce alors que les portes étaient fermées (Luc 24:36; Jean 20:19); il apparaissait et disparaissait à volonté (Luc 24:15; Jean 20:19); il n’était apparemment pas limité par des besoins physiques, comme ceux de dormir ou de manger. La description la plus détaillée du Christ ressuscité et remonté au ciel se trouve dans Apocalypse 1:12-16. Jean rapporte sa vision du Christ glorifié: il ressemble à un fils d’homme, ce qui le lie à son ancienne apparence terrestre, mais en même temps, il rayonne de gloire par ses yeux, ses pieds, sa voix et son visage. C’est ainsi que nous le contemplerons un jour. La résurrection de Christ sert aussi de prototype de la résurrection de tous les croyants. A deux reprises, il est qualifié de premier-né d’entre les morts (Colossiens 1:18; Apocalypse 1:5). Cela signifie qu’il a été le premier à revêtir pour toujours un corps de résurrection. A l’image du sien, notre corps de résurrection sera différent de notre corps terrestre actuel. Interrogé sur le corps de résurrection des croyants, Paul répond qu’il ne s’agira pas de la simple reconstitution du corps qui a été déposé dans la tombe; les croyants auront un nouveau corps qui présentera cependant des similitudes avec l’ancien (1 Corinthiens 15:35-41). Dans leur état éternel, les croyants seront «semblables à lui» (1 Jean 3:2). Qu’est-ce que cela signifie? Jean l’explique dans les versets qui suivent: être comme lui, c’est être pur (1 Jean 3:3), sans péché (1 Jean 3:5) et juste (1 Jean 3:7). Voilà ce qui caractérisera non seulement notre corps, mais notre être tout entier. 2. La preuve de la fiabilité des affirmations de Christ. J’ai déjà indiqué que la résurrection de Christ prouvait sa fiabilité en tant que prophète (Matthieu 28:6). Elle authentifie aussi ses revendications d’être le Seigneur et le Messie, et c’est un argument sur lequel Pierre
s’appuie dans son sermon de la Pentecôte (Actes 2:36). Pour Paul, la résurrection prouve que Christ est le Fils de Dieu (Romains 1:4). 3. Un préalable à ses ministères subséquents. Si Christ n’est pas ressuscité, sa vie et son ministère ont pris fin à la croix; depuis lors, il n’accomplit plus rien. En réalité, parce qu’il est ressuscité et monté au ciel, le Seigneur a été investi de ministères présents et futurs, que nous aborderons au chapitre suivant. La résurrection a toujours été une vérité joyeuse, captivante et motivante pour l’Eglise. L’une des prières les plus simples, qui est aussi l’un des credo les plus anciens, était «Maranatha!», c’est-à-dire «Seigneur, viens!» (1 Corinthiens 16:22). Aucun de ceux qui niaient la résurrection n’aurait pu prononcer une telle exclamation. Elle montre de la façon la plus claire que Jésus est le Seigneur vivant et qui vient. Maranatha!
II. L’ascension A. Les affirmations relatives à l’ascension 1.
Dans
l’Ancien
Testament.
Deux
passages
annoncent
l’ascension
du
Messie
(Psaume 68:19, cité dans Ephésiens 4:8, et Psaume 110:1, cité dans Actes 2:34-35). 2. Dans les propos de Christ. Le Seigneur a parlé de retourner vers son Père (Jean 7:33; 14:12, 28; 16:5, 10, 28); il a aussi clairement évoqué son ascension (Jean 6:62; 20:17). 3. Dans les écrits du Nouveau Testament. La fin controversée de Marc rapporte l’ascension (Marc 16:19); Luc en parle à deux reprises dans son Evangile (Luc 9:51; 24:51), mais sa principale description de l’événement se trouve dans Actes 1:6-11. D’autres passages du Nouveau Testament y font allusion (Ephésiens 4:10; 1 Timothée 3:16; Hébreux 4:14; 1 Pierre 3:22), et d’autres encore, qui décrivent l’exaltation présente de Christ, la présupposent (comme Colossiens 3:1).
B. Une description de l’ascension 1. Le lieu. L’ascension a eu lieu «vers Béthanie» (Luc 24:50), plus précisément sur le versant du mont des Oliviers qui conduisait à Béthanie (Actes 1:12). 2. Le déroulement. Christ s’est élevé comme s’il était emporté par une nuée (Actes 1:9). L’ascension n’a donc pas été synonyme de disparition brutale, mais a constitué un mouvement ascendant graduel qui a duré peu de temps. 3. La promesse. Tandis que les disciples regardaient vers le ciel, deux anges leur sont apparus et leur ont promis que celui qu’ils avaient vu monter au ciel devant leurs yeux en
redescendrait «de la même manière» (Actes 1:11).
C. Les problèmes que pose l’ascension 1. L’ascension est contraire aux lois naturelles. C’est sans aucun doute vrai, mais le corps de résurrection de Christ n’était plus nécessairement soumis aux lois de la nature; de plus, en tant que Dieu, Christ pouvait enfreindre les lois qu’il avait lui-même établies. 2. Christ est-il monté au ciel avant son ascension? Certains pensent que Jean 20:17 indiquerait qu’il y a eu une ou plusieurs ascensions avant celle décrite dans Actes 1. Il est cependant plus vraisemblable que le verbe «je monte» est un présent ayant valeur de futur et désigne l’ascension publique rapportée dans Actes 1, la présentant comme une certitude. C’est comme si le Seigneur disait à Marie: «Cesse de t’agripper à moi. Tu n’as vraiment pas besoin de le faire, car je ne suis pas encore sur le point de monter définitivement. Tu auras des occasions de me voir. Mais il ne fait aucun doute que je monterai vraiment vers mon Père.»156
D. La portée de l’ascension L’ascension a marqué la fin de la période d’humiliation de Christ et son entrée dans son état d’exaltation. Même les quarante jours qui se sont écoulés entre sa résurrection et son ascension s’accompagnaient de certaines restrictions. Ainsi, le Seigneur n’a pu manifester sa gloire dans tout son éclat. Relevons aussi que les disciples n’ont pas particulièrement été frappés par l’aspect de son corps de résurrection. Mais la vision que Jean a eue du Christ déjà remonté au ciel l’a davantage impressionné, si l’on en croit la description qu’il en donne. L’ascension s’étant produite, Christ était désormais prêt à exercer d’autres ministères en rapport avec son peuple et avec le monde. 156 Voir Leon Morris, Commentary on the Gospel of John, Grand Rapids, Eerdmans, 1971, pp. 840-841.
47. Les ministères de Christ postérieurs à son ascension La résurrection et l’ascension de notre Seigneur ont marqué son entrée dans le ciel et le début de nouveaux ministères de sa part. L’un est déjà accompli, les autres sont en voie d’accomplissement durant la période qui s’étend de son ascension à son retour, d’autres sont encore entièrement à venir. Nous survolerons brièvement ces ministères ici, car plusieurs sont liés à d’autres domaines de la théologie.
I. Un ministère passé de Christ Avant sa mort, le Seigneur a promis qu’il n’abandonnerait pas ses disciples, mais qu’il leur enverrait un autre Consolateur (grec paraklêtos, Jean 14:16-18, 26; 15:26). Jean 16:7 déclare ouvertement que la venue du Saint-Esprit dépendait du retour de Christ auprès de son Père. Pierre revient sur cette promesse le jour de la Pentecôte, en déclarant que c’est le Christ ressuscité et remonté au ciel qui a envoyé le Saint-Esprit et l’a fait accompagner des signes dont ses auditeurs sont les témoins ce jour-là (Actes 2:33). Pierre mentionne la résurrection (Actes 2:32) et l’ascension (Actes 2:34) comme des conditions préalables à l’envoi de l’Esprit.
II. Les ministères actuels de Christ A. Il est la tête de son corps Par sa résurrection et son ascension, le Seigneur s’est placé dans une position d’honneur à la droite du Père pour être la tête de l’Eglise, son corps (Ephésiens 1:20-23). De cette fonction découlent un certain nombre de ministères que Christ exerce en faveur de son corps. 1. Il a formé le corps. Il l’a fait en envoyant l’Esprit le jour de la Pentecôte pour baptiser les croyants en les faisant entrer dans le corps (Actes 1:5; 2:33; 1 Corinthiens 12:13). Si l’œuvre de l’Esprit est l’agent immédiat qui intègre les croyants au corps, le Christ remonté au ciel en est l’agent ultime, car c’est lui qui a envoyé l’Esprit. Cette nouvelle position du chrétien a des effets pratiques: il renonce à sa vie d’autrefois pour s’engager dans une nouvelle façon de vivre (Romains 6:4-5). 2. Il prend soin de son corps de plusieurs façons. Il le sanctifie. Ephésiens 5:26 renvoie au
processus complet de sanctification qui débute à la conversion et se poursuit jusqu’à ce que nous soyons devenus parfaits en sa présence dans le ciel. Les expressions «en la lavant par l’eau» et «la parole» font certainement allusion à la conversion, la première expression désignant apparemment le baptême, la seconde la confession publique du baptisé. Christ sanctifie son corps en le nourrissant et en en prenant soin (Ephésiens 5:29). Nourrir, c’est faire grandir et amener à la maturité (comme dans Ephésiens 6:4). Prendre soin signifie littéralement maintenir au chaud, c’est-à-dire aimer la personne et veiller sur elle (le seul autre emploi de ce mot se trouve dans 1 Thessaloniciens 2:7). 3. Il distribue ses dons. Ephésiens 4:7-13 précise que Christ est d’abord descendu «dans les régions inférieures de la terre». Dans ce verset, le mot «terre» est certainement un génitif d’apposition; il conviendrait donc de traduire «dans les régions inférieures, c’est-à-dire la terre». Ensuite, il est «monté dans les hauteurs». En montant, il a emmené une armée de captifs. Ici, Paul s’inspire d’une illustration du Psaume 68:19. Le psalmiste décrit le guerrier triomphant qui fait l’objet des acclamations de la foule lorsqu’il revient à la tête de ses prisonniers. Il reçoit des dons de la part des peuples conquis et les donne à son propre peuple. Au cours de son ministère terrestre, Christ a vaincu le péché et la mort; désormais, durant son ministère céleste, il accorde des dons à ses disciples. Dans 1 Corinthiens 12:5, l’apôtre Paul déclare aussi que c’est le Seigneur qui préside à la distribution des dons. 4. Il revêt son corps de puissance. La métaphore bien connue du cep et des sarments (Jean 15:1-10) indique clairement que, sans la puissance du Christ vivant coulant à travers nous, nous ne pouvons rien faire. Il s’agit bien entendu de la puissance de résurrection qui se manifeste lorsque nous demeurons en Christ, et lui en nous (Jean 14:17). Une telle relation n’existait pas avant son retour auprès du Père. Ce ministère prend la forme de la correction ou de l’encouragement (Jean 15:2, tout dépend de l’interprétation donnée au verbe «retrancher»: il peut avoir le même sens que dans Jean 11:39, mais peut aussi signifier «prendre en élevant», comme en Jean 8:59) ainsi que de la purification (Jean 15:3). De notre côté, il implique que nous demeurions en lui, autrement dit que nous gardions ses commandements (Jean 15:10; 1 Jean 3:24).
B. Il est le sacrificateur de son peuple En tant que sacrificateur fidèle, notre Seigneur remonté au ciel sympathise avec son peuple, l’assiste et lui fait grâce (Hébreux 2:18). Dans Hébreux 4:14-16, l’auteur lie ce ministère de Christ à son ascension en disant qu’il «a traversé les cieux». En tant que sacrificateur fidèle, le Seigneur intercède pour les siens (Hébreux 7:25). L’auteur rattache ce ministère au fait que, contrairement aux sacrificateurs de l’Ancien Testament, notre souverain sacrificateur n’est plus sujet à la mort mais reste sacrificateur pour l’éternité afin d’intercéder en faveur de son peuple. Quant à la forme exacte que ce
ministère prend dans la communication ou la mention de nos besoins, nous ne pouvons la connaître pleinement. Il se concentre vraisemblablement sur deux aspects: il demande au Père de nous épargner certaines situations (Luc 22:32) et de nous purifier du péché (1 Jean 2:1-2). Nous ne découvrirons qu’au ciel ce que le ministère de notre souverain sacrificateur aura signifié dans notre vie, dans ces deux aspects. En tant que souverain sacrificateur, le Seigneur est un précurseur; il nous donne l’assurance que nous aussi, nous entrerons dans les cieux, comme lui-même y est entré (Hébreux 6:19-20). Le mot «précurseur» s’applique à l’éclaireur qui part en reconnaissance ou au héraut qui annonce l’arrivée du roi; il implique donc que d’autres le suivent. Christ est actuellement au ciel en tant que sacrificateur des siens; c’est la garantie qu’ils l’y rejoindront un jour.
C. Il nous prépare une place Peu avant sa mort, le Seigneur a informé ses disciples qu’il allait partir prochainement pour leur préparer une place, puis qu’il reviendrait les chercher pour les y conduire (Jean 14:1-3). La «maison de mon Père» désigne le ciel, et celui-ci contient de nombreuses «demeures». Le mot n’est employé que dans les versets Jean 14:2, 23 et s’applique à des résidences permanentes. Une partie du ministère actuel de Christ consiste à préparer ces demeures pour les siens. Pour entreprendre ce travail, il a d’abord fallu qu’il remonte vers le Père, par le chemin (Jean 14:6) de la mort et de la résurrection.
III. Les ministères encore futurs Bien que la discussion détaillée de ce qui se produira dans l’avenir appartienne à proprement parler au domaine de l’eschatologie, j’estime opportun de mentionner ici au moins trois aspects des ministères à venir du Seigneur.
A. Il ressuscitera les morts Un jour, tous les êtres humains entendront la voix de Christ qui les ressuscitera d’entre les morts (Jean 5:28-29). Certains seront appelés à entrer dans la vie éternelle, les autres iront à la condamnation éternelle. Nous savons par l’Ecriture que ces deux catégories de personnes ne ressusciteront pas en même temps; c’est néanmoins sa voix qui sera à l’origine de la résurrection de toutes. Les croyants de la dispensation de l’Eglise seront ressuscités lors de l’enlèvement de l’Eglise (1 Thessaloniciens 4:13-18). Il semble que les saints de l’Ancien Testament ressusciteront lors de la seconde venue de Christ (Daniel 12:2). Les défunts non croyants de tous les temps ne reviendront à la vie qu’après le millénium (Apocalypse 20:5).
B. Il rétribuera tout le monde La plupart des gens pensent que c’est Dieu (le Père) qui sera le juge de tous; or, le Seigneur Jésus a bien précisé que le Père lui avait remis le jugement (Jean 5:22, 27). Comme dans le cas de la résurrection, tous ne seront pas jugés en même temps, néanmoins Christ jugera tous les humains. Les croyants comparaîtront devant le tribunal de Christ (1 Corinthiens 3:11-15; 2 Corinthiens 5:10), après l’enlèvement de l’Eglise. A l’issue du jugement, tous entreront au ciel, mais avec des récompenses différentes. Tous recevront une certaine louange de Dieu (1 Corinthiens 4:5). Les incroyants passeront en jugement devant le grand trône blanc à la fin du règne de mille ans (Apocalypse 20:11-15). Tous recevront le salaire de leurs œuvres en étant jetés dans l’étang de feu. Aucun ne sera jugé digne des cieux. Mais quel que soit le moment du jugement, c’est bien Christ qui jugera tous les humains.
C. Il régnera sur ce monde Lorsque le Seigneur reviendra, il prendra les rênes du gouvernement mondial, et il dominera toutes les nations de ce monde en monarque bienveillant (Apocalypse 19:15). Alors, et alors seulement, le monde connaîtra une ère de droiture, de justice, de bien-être social, de prospérité économique et de connaissance spirituelle. Christ se présentera comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs là même où a été fomentée la révolte de l’homme contre Dieu.
Section X Un si grand salut
48. Quelques considérations préalables I. L’étendue du sujet La sotériologie, ou doctrine du salut, constitue l’un des thèmes majeurs de l’Ecriture. Elle embrasse tous les temps, de l’éternité passée à celle à venir. D’une manière ou d’une autre, elle concerne tous les humains sans exception. Elle touche même les anges. Elle est le thème de l’Ancien et du Nouveau Testaments. Elle est individuelle, nationale et cosmique. Elle se focalise sur la plus grande des personnes, le Seigneur Jésus-Christ. Dans la perspective de Dieu, le salut inclut toute l’œuvre divine qui consiste à faire passer les êtres de la condamnation à la justification, de la mort à la vie, de l’aliénation à la filiation. Dans la perspective de l’homme, il inclut toutes les bénédictions que le privilège d’être en Christ procure dans cette vie et dans celle à venir. L’étendue du salut ressort de l’examen des trois temps qui le composent. (1) Lorsqu’un individu croit, il est sauvé de la condamnation du péché; cela correspond à un moment défini dans le passé (Ephésiens 2:8; Tite 3:5). (2) Le croyant est aussi sauvé de la tyrannie du péché, il est sanctifié et préservé; c’est une œuvre en cours de réalisation durant sa vie (Hébreux 7:25). (3) Au ciel, il sera sauvé pour toujours de la présence même du péché; c’est une réalité à venir (Romains 5:9-10).
II. Les raisons du salut Quel intérêt Dieu avait-il de sauver des pécheurs? Pourquoi a-t-il accepté la souffrance de devoir livrer son Fils unique à la mort pour des êtres qui s’étaient révoltés contre sa bonté? Que pouvait bien représenter pour Dieu la possession d’une famille d’êtres humains? La Bible donne au moins trois raisons pour lesquelles Dieu a voulu sauver des pécheurs. (1) C’est la plus sublime et la plus concrète démonstration de son amour. Aussi grands que soient les dons merveilleux qu’il nous offre dans la nature et par ses soins providentiels, ils sont très loin d’égaler la valeur du don de son Fils comme Sauveur. Jean 3:16 rappelle que ce don révèle son amour, et Romains 5:8 ajoute que Dieu a démontré de la façon la plus nette qu’il nous aime en livrant son Fils à la mort. (2) Le salut démontre l’étendue de la grâce dans toute l’éternité (Ephésiens 2:7). Chaque être humain sauvé est pour toujours un trophée
particulier de la grâce divine. Seuls des êtres rachetés peuvent offrir ce spectacle. (3) Dieu voulait aussi un peuple qui soit zélé pour les bonnes œuvres dans cette vie, pour donner au monde un aperçu, quoique imparfait, de son être qui est plein de bonté (Ephésiens 2:10). Sans le salut apporté par Christ, ces objectifs n’auraient jamais pu être atteints.
III. L’importance du salut Il n’existe que deux cas où le Nouveau Testament prononce une malédiction sur des chrétiens pour une négligence particulière: la première, c’est l’absence d’amour pour le Seigneur (1 Corinthiens 16:22), l’autre, c’est la prédication d’un autre évangile que celui de la grâce de Dieu (Galates 1:6-9). Une mauvaise compréhension de la doctrine du salut peut conduire à la proclamation d’un évangile faux ou perverti; de nombreuses affirmations entendues de nos jours pourraient bien tomber sous cette malédiction. Heureusement, la grâce de Dieu surmonte nos présentations défectueuses, si bien que des hommes sont sauvés, non à cause de la proclamation d’un évangile falsifié ou édulcoré, mais malgré elle. Envisagée de façon positive, la doctrine du salut est cruciale, parce qu’il est de la responsabilité de tout croyant d’être un témoin de l’Evangile. C’est encore plus important pour le prédicateur, car il fait le lien entre Dieu et la personne non régénérée; il faut donc que sa prédication soit claire (Romains 10:14-15). Chafer, qui débuta son ministère par l’évangélisation, estimait encore à la fin de sa vie: «Dans un ministère bien équilibré, l’annonce de l’Evangile devrait remplir les trois quarts du temps de parole du haut de la chaire. Le reste servira à l’édification de ceux qui sont sauvés.»157 Ce témoignage souligne l’importance d’étudier et de bien comprendre le grand thème de la sotériologie. 157 Lewis Sperry Chafer, Systematic Theology, Grand Rapids, Zondervan, 1981, 3:9.
49. La terminologie biblique I. Dans l’Ancien Testament Dans l’Ancien Testament, la racine hébraïque la plus importante liée au salut est yascha’ («sauver»). Dans son sens originel, ce terme évoque ce qui est spacieux ou vaste, par opposition à ce qui est étroit ou oppressant. Il indique donc l’affranchissement de ce qui asservit ou restreint, et il en est venu à signifier délivrance et libération; il caractérise ce qui donne de l’ampleur ou de la largeur à quelque chose. La délivrance en question était parfois le
résultat
de
l’intervention
humaine,
comme
dans
le
cas
des
juges
(Juges 2:18; 6:14; 8:22; 12:2) ou des rois (1 Samuel 23:2), et parfois de l’intervention de Yahvé (Psaume 20:7; 34:7; Esaïe 61:10; Ezéchiel 37:23; Zacharie 3:4). Le salut est parfois individuel (Psaume 86:1-2), parfois collectif, comme dans le cas de la nation (Esaïe 12:2, même si le monde entier y aura part, Esaïe 45:22; 49:6). Il ne désigne pas seulement la délivrance par rapport à une difficulté, mais aussi une libération visant à accomplir le dessein particulier du Seigneur (Esaïe 43:11-12; 49:6). La foi est la condition nécessaire au salut dans l’Ancien Testament, tout comme dans le Nouveau. Abraham a cru en Dieu, qui le lui a imputé à justice (Genèse 15:6). La préposition hébraïque be («en») indique que le patriarche a placé avec détermination sa confiance en Dieu (cf. Exode 14:31; Jonas 3:5). Dans la relation d’alliance établie par la loi mosaïque, l’Israélite devait, lui aussi, placer sa foi dans le Dieu de l’alliance s’il voulait lui être agréable et ne pas être retranché. L’objet de la foi était toujours le vrai Dieu (Nombres 14:11; 20:12; 2 Rois 17:14; Psaume 78:22; Jonas 3:5). Ce Dieu Sauveur était la seule source de salut (Psaume 3:9; Jonas 2:10). La foi dans les idoles était non seulement inefficace, mais aussi insensée, car le salut ne vient que du Seigneur.
II. Dans le Nouveau Testament Dans la Septante et dans le Nouveau Testament, le verbe grec sôzô («sauver») et ses dérivés sôter («sauveur») et sôtêria («salut») traduisent généralement yasha’ et les noms qui lui sont associés. Mais dans un certain nombre de cas, les termes dérivés de sôzô traduisent le mot schalom, qui signifie «paix» ou «santé», et ses dérivés. Le salut peut donc désigner guérison, santé, remède, secours, rédemption ou bien-être. Il peut s’appliquer à la protection contre le danger, la maladie ou la mort (Matthieu 9:22; Actes 27:20, 31, 34; Hébreux 5:7). Mais dans sa pleine acception chrétienne, le terme désigne la délivrance de
la mort éternelle et le don de la vie éternelle (Romains 5:9; Hébreux 7:25). A l’instar de l’Ancien Testament, le Nouveau Testament décrit le salut comme étant entièrement l’œuvre de Dieu (Jean 3:16). La mort du Seigneur Jésus-Christ sur la croix constitue le seul fondement du salut (Actes 4:12; Hébreux 5:9). Ainsi que je l’ai signalé au chapitre précédent, ce salut comporte un aspect passé (le moment où nous avons cru), un aspect présent et une consommation future. Toutefois, l’usage de ce terme particulier est loin d’épuiser tout ce que la Bible révèle concernant le salut; des concepts comme le sacrifice, le rachat, la réconciliation, la propitiation et la justification sont vitaux pour une pleine compréhension de la sotériologie. Nous y reviendrons ultérieurement, mais je les mentionne ici afin que personne ne s’imagine que cette doctrine se limite aux seuls mots relatifs au salut dans son sens strict. Le salut a des effets sur notre personne tout entière. Si le remplacement de la nature humaine déchue et le don d’un corps de résurrection sont encore à venir, ils font cependant partie intégrante de notre salut (Romains 8:23). En outre, la malédiction qui frappe le monde sera supprimée (Romains 8:18-23), et l’univers tout entier bénéficiera des effets de l’œuvre de réconciliation accomplie par Christ (Colossiens 1:20).
50. La Passion de Christ Le fait historique de la mort de Christ sur la croix sert évidemment de fondement à tous les aspects, toutes les conséquences et tous les bienfaits de cette mort. Le mot «passion» signifie «souffrance» et désigne plus particulièrement les souffrances que Christ a endurées entre la nuit de l’institution de la cène et la crucifixion.
I. La nécessité de la Passion Etant donné son péché et son impuissance, il fallait que quelqu’un intervienne et aide l’être humain pour qu’il puisse être accepté d’un Dieu saint et retrouver la communion avec lui. Le péché a éloigné l’homme de Dieu, et il continue de le faire. A cause de sa dépravation, l’homme ne peut absolument rien faire pour mériter ou gagner la faveur ou la considération de Dieu en vue de son salut. Je ne répéterai pas ce qui a déjà été souligné à propos de la doctrine du péché (chap. 34 à 39), mais il vaut la peine de souligner les points essentiels. Tout être humain qui vient au monde est déjà condamné à cause (a) du péché d’Adam (Romains 5:12) et (b) de la nature pécheresse avec laquelle il naît (Ephésiens 2:3). De plus, (c) tous pèchent, ce qui est le fruit inévitable de la nature pécheresse (Romains 3:9-23). Ces faits justifient non seulement la condamnation universelle, mais aussi le besoin universel d’un salut qui soustraie au châtiment que mérite le péché. Quiconque vient au monde est incapable de faire quoi que ce soit pour mériter la faveur salvatrice de Dieu. Rappelons-nous: la dépravation ne signifie pas que l’homme soit incapable d’accomplir des actions bonnes aux yeux des hommes et de Dieu, ou qu’il n’en accomplisse pas; elle ne signifie pas non plus que l’homme soit dénué de conscience pour juger entre le bien et le mal, ni que les êtres humains se complaisent dans tous les péchés, ou qu’ils se vautrent avec délectation dans un péché particulier. Selon la doctrine de la dépravation totale, l’homme est corrompu dans son être tout entier, si bien qu’il ne peut jamais accomplir quoi que ce soit pour mériter la faveur du salut divin. Pour être sauvé, il a besoin d’être secouru par quelqu’un qui n’a pas été atteint par la corruption, quelqu’un qui soit sans péché.
II. Le personnage central de la Passion C’est le Dieu-homme qui s’est offert en sacrifice d’expiation. Lui seul pouvait opérer notre salut. Là encore, sans répéter ce qui a déjà été affirmé précédemment dans le domaine de la christologie (chap. 40 à 47), permettez-moi de rappeler les caractéristiques essentielles
de Christ qui ont un lien avec son œuvre expiatoire. Bien que l’Ecriture indique plusieurs raisons à l’incarnation, la principale semble être celle d’offrir à Dieu la possibilité de sauver son peuple de ses péchés (Matthieu 1:21). Pour cela, il fallait l’incarnation du Fils de Dieu, c’est-à-dire la venue de Dieu en chair. Dieu avait déclaré que le châtiment du péché serait la mort. Comme lui-même ne peut pas mourir, il fallait qu’il s’incarne pour que, dans sa nature humaine, il puisse connaître la mort et subir ainsi la sanction que mérite le péché. Le moyen choisi par Dieu pour s’incarner a été la naissance virginale. Quant à savoir s’il aurait pu procéder autrement afin de préserver la nature sans péché de Christ, cela appartient purement au domaine de la conjecture. Le fait est qu’il a choisi la voie de la naissance virginale. Le pronom relatif féminin «de laquelle» dans Matthieu 1:16 rattache indiscutablement Christ à un seul parent, sa mère. Il s’agissait bien d’une naissance virginale. Une vierge a donc donné naissance au Dieu-homme. Dieu existe de toute éternité. La nature humaine entière de Christ a été conçue par le Saint-Esprit dans le sein de Marie, si bien que le bébé qui est né était à la fois pleinement Dieu et parfaitement humain, deux natures à jamais unies en une seule personne. C’est ce qu’on appelle l’union hypostatique. Seul ce Dieu-homme, unique dans toute l’histoire, répond aux conditions nécessaires pour être le Sauveur qui convient. Il fallait qu’il soit humain pour pouvoir mourir, car Dieu ne peut connaître la mort; mais il devait aussi être Dieu pour que sa mort soit une rançon suffisante et efficace pour le péché. Quand un pécheur meurt, il meurt à cause de ses propres péchés. Seule une personne sans péché peut expier les péchés d’autrui. Remarquons cette vérité dans les premiers versets de Romains 1: quand Paul décrit l’Evangile (Romains 1:1), il déclare qu’il concerne le Fils de Dieu (Romains 1:3), que ce Fils était humain (de la postérité de David, Romains 1:3) et divin (déclaré Fils de Dieu, Romains 1:4). En d’autres termes, nous avons un Evangile parce que nous avons un Dieuhomme-Sauveur qui, en tant qu’homme, est sujet à la mort et, en tant que Dieu, fait de cette mort un paiement satisfaisant pour le péché du monde. Aucun autre type de Sauveur ne peut sauver.
III. Les souffrances de la Passion La théologie protestante classique a parlé d’obéissance passive à propos des souffrances de Christ liées à sa mort, par contraste avec son obéissance active, celle qu’il a affichée pendant sa vie. Toute sa vie a été marquée par l’obéissance, à commencer par l’acceptation volontaire de l’incarnation (Hébreux 10:5-10) pour se poursuivre tout au long de sa vie terrestre (Luc 2:52; Jean 8:29). Il a appris l’obéissance par les souffrances
(Hébreux 5:8). Les souffrances de Christ durant sa vie, quoique bien réelles, n’avaient aucune valeur expiatoire. Néanmoins, le mérite de sa mort expiatoire est inséparable de la perfection sans péché de sa vie, une vie d’obéissance. Ainsi, la distinction opérée par des théologiens entre les souffrances que Christ a connues durant sa vie et celles qui étaient liées à sa mort (obéissance active ou passive) est très peu significative. En effet, ce sont les souffrances liées à sa mort et son obéissance, qui l’a amené à accepter d’être l’agneau du sacrifice, qui comptaient pour l’expiation. A strictement parler, seules les souffrances de la croix avaient une portée expiatoire: c’est durant les trois heures de ténèbres, au moment où Dieu a chargé Christ des péchés du monde, que l’expiation a eu lieu. Les violences et mauvais traitements physiques qui ont précédé la croix sont à ranger dans les souffrances de sa vie.
IV. Le déroulement de la Passion Comme relevé au début de ce chapitre, on range habituellement sous le terme de Passion les événements qui vont de l’institution de la cène à la crucifixion de Christ. Ci-après vient une description de ces événements et de la nature de leurs implications.
A. Les procès On situe généralement l’institution de la cène dans une chambre haute, à l’angle sud-ouest de Jérusalem. De là, le groupe de disciples a traversé la ville et s’est rendu au jardin de Gethsémané (sur les pentes du mont des Oliviers, à l’est de Jérusalem) où le Seigneur a été trahi et arrêté, et où il a guéri l’oreille de Malchus. Cela s’est produit vers trois heures du matin. De retour dans Jérusalem, le Seigneur a été conduit dans la maison d’Anne pour y subir un interrogatoire. Les maisons d’Anne et de Caïphe étaient toutes deux situées au sud-ouest de la ville, pas très loin du lieu où le Seigneur et ses disciples avaient partagé le dernier repas pascal. Ensuite, la troupe s’est dirigée vers le tribunal qui se tenait dans la maison de Caïphe; une partie du sanhédrin y était réunie et a condamné le Seigneur. Le matin venu, le sanhédrin réuni dans sa totalité a confirmé la sentence prononcée quelques heures plus tôt. Le Seigneur a ensuite été présenté à Pilate, car les Juifs n’avaient pas le droit de procéder à une exécution. Le tribunal du gouverneur romain était proche de l’angle nord-ouest du temple, presque à l’opposé de la maison de Caïphe. Il y a encore eu un interrogatoire devant Hérode, dont le palais se trouvait près du mur
ouest de Jérusalem. Une fois de plus, le Seigneur a dû traverser la ville. De retour devant Pilate, après une nouvelle traversée de Jérusalem, le Seigneur a été condamné à la crucifixion. Le lieu de la crucifixion fait l’objet de désaccords. Les deux lieux traditionnellement retenus sont l’Eglise du Saint-Sépulcre, à l’ouest du tribunal de Pilate, et le calvaire de Gordon, à son nord-ouest. Quoi qu’il en soit, il fallait traverser de nouveau une bonne partie de la ville. On évalue à 4 à 5 kilomètres la distance parcourue par le Christ, alors qu’il était déjà affaibli.
B. Le jour de la crucifixion L’idée généralement acceptée que la crucifixion eut lieu un vendredi a tout en sa faveur et rien pour la contredire. Les quatre Evangiles affirment que le lendemain de la crucifixion était le sabbat (Matthieu 27:62; 28:1; Marc 15:42; Luc 23:56; Jean 19:31). Tous déclarent que les femmes se rendirent au tombeau le lendemain du sabbat, c’est-à-dire le premier jour de la semaine, le dimanche (Matthieu 28:1; Marc 16:2; Luc 24:1; Jean 20:1). La pratique juive voulait que toute partie du jour ou de la nuit soit considérée comme un jour entier (Genèse 42:17-18; 1 Samuel 30:12-13; 1 Rois 20:29; 2 Chroniques 10:5, 12; Esther 4:16; 5:1). Pour accomplir les «trois jours et trois nuits» de Matthieu 12:40, il fallait que le Seigneur soit dans le tombeau une partie du vendredi avant le coucher du soleil (1er jour), toute la journée du samedi (2e jour) et la partie qui allait du coucher du soleil le samedi jusqu’à la résurrection (3e jour). L’Ecriture affirme que le Seigneur est ressuscité «le troisième jour» (1 Corinthiens 15:4).
C. La méthode de mise à mort La crucifixion est un châtiment qui trouve son origine en Orient. Les Perses la pratiquaient, et Alexandre le Grand semble l’avoir adoptée à leur suite. La Phénicie, célèbre pour ses pratiques barbares, avait souvent recours à elle. Rome l’a importée de Carthage et l’a «perfectionnée» pour en faire un moyen d’exécution capitale. Le grand usage que Rome en a fait confond l’imagination. Après avoir été condamné, l’individu était fouetté à l’aide d’un fouet dont les lanières se terminaient par des pointes métalliques ou des bouts d’os. Ensuite, il devait se charger de la poutre horizontale de la croix jusqu’au lieu de l’exécution. Cette poutre mesurait environ deux mètres de long et pesait une quinzaine de kilos. Elle était fixée sur le pieu vertical déjà fiché en terre. Des clous à tête (pour empêcher que les membres ne glissent) de près de 20 centimètres étaient enfoncés dans les mains et les pieds du condamné. Parfois, il était encore attaché par des cordes pour maintenir son corps solidement arrimé à la croix. Les Romains avaient appris à fixer les pieds sur un petit socle sur lequel la victime pouvait prendre appui et se redresser de temps en temps pour pouvoir mieux respirer, ce qui ne
faisait que prolonger son agonie. La mort survenait rarement en moins de trente-six heures, et la plupart des suppliciés agonisaient pendant deux ou trois jours avant de mourir. Une soif insatiable, la douleur des coups reçus, des crampes, les vertiges, la honte publique et l’horreur de savoir ce qui les attendait avant le repos de la mort, tout cela se combinait pour faire de la crucifixion un supplice horrible. C’est ce châtiment que les hommes ont infligé au Seigneur, et Dieu l’a chargé de toutes nos fautes. Il est mort pour porter la sanction de notre péché. Il l’a fait pour vous et pour moi.
51. La signification de la mort de Christ S’il est vrai qu’on ne peut saisir toute la signification de la mort de Christ à travers une ou deux affirmations en forme de slogan, il n’en demeure pas moins qu’on peut résumer sa portée fondamentale en plusieurs idées essentielles. Ces quatre doctrines de base sont les suivantes: en ce qui concerne les pécheurs, la mort de Christ a été une substitution; en ce qui concerne le péché, une rédemption; en ce qui concerne l’homme, une réconciliation; en ce qui concerne Dieu, une propitiation. Ne pas souligner ces quatre aspects ou ne pas insister sur leur importance fondamentale pour une compréhension correcte du sens de la mort de Christ, c’est atténuer ou fausser le concept biblique. Ainsi, il est certes juste et biblique de considérer la mort de Christ comme une manifestation sublime de l’amour de Dieu ou comme un exemple qui nous encourage au sacrifice volontaire (ce sont des vérités bibliques, Jean 15:13 et Romains 5:8), mais si la mort de Christ ne signifiait que cela, elle ne contiendrait aucune valeur éternelle. Elle doit comporter une substitution et une rançon pour le péché, sinon l’exemple ne correspond pas à grand-chose. Nous devons donc d’abord bien saisir ces vérités de base, car elles contiennent la signification salvatrice et éternelle de la mort du Seigneur.
I. La substitution: une nécessité pour les pécheurs A. Le concept d’expiation substitutive 1. La signification de l’expiation par la substitution. L’expiation substitutive, ou vicariale (du mot latin signifiant «remplaçant»), signifie simplement que Christ a souffert en tant que victime à notre place; nous bénéficions donc du fait qu’il a payé la dette de nos péchés. L’homme aurait pu expier ses propres péchés à condition de subir éternellement le châtiment que ce péché attire sur lui. Il n’aurait évidemment jamais pu le faire; c’est pourquoi, dans son amour et sa compassion, Dieu est intervenu dans une situation sans espoir et a proposé un vicaire, un remplaçant, dans la personne de Jésus-Christ. C’est lui qui a satisfait à jamais les exigences de la justice divine vis-à-vis du péché.
2. Les objections à l’expiation substitutive. Plusieurs objections ont été soulevées contre ce concept. (a) L’idée d’expiation substitutive ferait de Dieu un Dieu injuste, puisqu’il aurait condamné son Fils à porter les péchés de l’humanité. L’objection pourrait être valable si ce n’était pas un Dieu trinitaire qui était impliqué dans le projet rédempteur et si le Fils n’avait pas accepté volontairement d’assumer la substitution. En d’autres termes, si l’objection revêt une certaine validité sur le plan du fini, elle ne le peut pas sur celui de l’infini, puisque sur ce plan-là, ce ne sont pas trois parties séparées qui sont impliquées. (b) L’expiation substitutive ferait souffrir un Christ innocent pour des méchants. C’est absolument vrai, et c’est même essentiel à l’expiation. Cette vérité est foncièrement scripturaire (1 Pierre 3:18). Présenter ce fait biblique comme une objection, c’est remettre en question le plan et le dessein de Dieu. (c) Un agent moral ne pourrait être tenu pour responsable d’un péché à moins de l’avoir commis lui-même. Or, ce n’est pas le cas dans la sphère humaine; il n’est donc pas nécessaire qu’il en soit ainsi dans la sphère divine. Les directeurs peuvent être considérés comme responsables des erreurs et malversations de leurs cadres. Les négligences du personnel scolaire peuvent entraîner des poursuites pénales contre la direction.
B. Les indices bibliques de l’expiation substitutive La Bible enseigne clairement que Christ n’est pas mort pour exprimer sa sympathie aux pécheurs, mais pour se substituer à eux. 1. L’Ancien Testament. Les règles du système sacrificiel de l’Ancien Testament exigeaient que celui qui présentait un sacrifice pose ses mains sur l’animal sacrifié. Ce geste signifiait transmission et délégation; il incluait l’idée de représentation. Il annonçait donc le remplacement du sacrifiant par le sacrifié… Si le sacrifice était offert par plusieurs personnes, chacune posait ses mains sur l’animal. On ignore si les gens posaient une main ou les deux, mais on s’accorde à dire qu’ils devaient le faire «de toutes leurs forces» comme pour faire peser tout leur poids sur la victime de substitution.158 La mort de l’animal remplaçait la mort que méritait celui qui offrait le sacrifice. Le système sacrificiel enseignait sans l’ombre d’un doute le principe de la substitution. 2. L’emploi de la préposition «anti». La préposition grecque anti, qui se retrouve vingt-deux
fois dans le Nouveau Testament, dérive d’une racine signifiant «face à face», «opposé», comme deux objets placés l’un en face de l’autre et dont l’un est pris à la place de l’autre. Les adversaires de l’expiation substitutive qualifient ce mécanisme de «transaction grossière». Il n’empêche que l’emploi de la préposition anti milite en faveur de la substitution. (a) Dans le grec classique, anti a immanquablement le sens de «à la place de» et n’est jamais chargé d’une signification plus large comme «dans l’intérêt de».159 (b) Dans le grec de la période néotestamentaire, Moulton et Milligan n’indiquent aucun exemple où la préposition anti signifierait «dans l’intérêt de». Le sens courant est celui de «au lieu de». On retrouve ce sens, et seulement celui-ci, chez Polybe (vers 200-118 av. J.C.), Philon et Flavius Josèphe. (c) Dans la Septante, parmi les 318 occurrences de cette préposition, aucune n’a le sens de «dans l’intérêt de». Anti a toujours le sens de «à la place de» et correspond à l’hébreu tachath (Genèse 44:33. (d) Dans le Nouveau Testament, on trouve (dans Matthieu 2:22
et Luc 11:11) des
exemples où anti signifie clairement «au lieu de», «à la place de». Dans Jean 1:16, Romains 12:17, 1 Thessaloniciens 5:15, Hébreux 12:16 et 1 Pierre 3:9, ce qui est mis en avant, c’est l’idée d’échange, par exemple la notion de rendre le mal pour le mal. Dans Matthieu 17:27, qui traite du paiement de l’impôt pour le temple, la préposition semble comporter l’idée de substitution; il s’agissait en effet d’une taxe correspondant au rachat des personnes (Exode 30:11-16). L’idée d’équivalence apparaît dans Matthieu 5:38 et 1 Corinthiens 11:15. Dans ce dernier texte, certains estiment que la préposition anti indique que la coiffure de la femme lui a été donnée à la place du voile. Mais cette interprétation semble aller à l’encontre de l’enseignement de Paul dans les versets précédents. Je penche donc plutôt vers l’idée d’équivalence: la chevelure est au domaine naturel ce que le voile est au domaine spirituel.160 Il est manifeste que dans aucun de ces cas, la préposition grecque ne signifie «dans l’intérêt de». Le verset crucial est celui de Marc 10:45: «Car le Fils de l’homme est venu… pour servir et donner sa vie comme la rançon de (anti) beaucoup» (voir aussi Matthieu 20:28). La préposition anti requiert l’interprétation suivante: le Seigneur est venu mourir à notre place, en tant que notre substitut. Le texte ne peut se comprendre autrement. Telle est d’ailleurs l’interprétation que Christ a donnée du sens de son sacrifice. Anti se retrouve encore comme préfixe du mot composé antilutron («rançon»), dans 1 Timothée 2:6. Christ a été notre rançon de substitution. 3. L’emploi de la préposition «huper». Dans son sens original, la préposition huper signifie «sur», «au-dessus de» et «au profit de». Elle exprime la position d’une personne qui se tient
au-dessus d’une autre pour la protéger et recevoir les coups à sa place. On retrouve donc les idées fondamentales de bénéfice et de substitution. En effet, agir au profit de quelqu’un ou dans son intérêt, c’est souvent agir à sa place. Ces deux idées se retrouvent dans l’usage néotestamentaire de la préposition, comme nous le verrons plus loin. (a) Dans le grec classique, les auteurs utilisent la préposition dans ses deux sens, à savoir «pour le profit de» quelqu’un et «à sa place»161. (b) Dans le grec de la période néotestamentaire, comme dans le cas précédent, on trouve la préposition chargée des deux sens. Huper était souvent appliqué à une personne qui écrivait une lettre à la place d’une illettrée. Il y a bien substitution. (c) Dans la Septante, traduction grecque de l’Ancien Testament, la préposition est utilisée dans ses deux acceptions, mais en matière de sotériologie, il importe particulièrement de souligner le fait que des passages bibliques comme Deutéronome 24:16 et Esaïe 43:3-4 comportent, fortement mise en relief, l’idée de substitution. (d) Dans le Nouveau Testament, personne ne conteste le fait que huper signifie «au profit de». En revanche, les exégètes débattent pour savoir si la préposition peut aussi signifier «à la place de». Ceux qui nient l’expiation vicariale cherchent naturellement à exclure ce sens-là. Ils prétendent que la mort de Christ n’était en aucun cas un paiement de substitution pour le monde, mais seulement un bienfait pour l’humanité. Ceux qui défendent l’œuvre expiatoire par la substitution peuvent s’appuyer non seulement sur le sens de la préposition anti, mais aussi sur l’idée de substitution que comporte huper. Ils peuvent d’ailleurs être confortés dans leur position, car huper est manifestement chargé d’un sens de substitution dans au moins trois passages qui ne concernent pas l’expiation. (1) Dans Romains 9:3, Paul exprime le désir d’être maudit à la place de ses frères de race («séparé de Christ pour mes frères»). Il souhaitait pouvoir prendre leur place sous la malédiction divine. (2) Dans 1 Corinthiens 15:29 («ceux qui se font baptiser pour les morts»), Paul fait probablement allusion à ceux qui, en se faisant baptiser, veulent montrer qu’ils ont rejoint les rangs des chrétiens à la place de ceux qui sont morts; ils se sont donc fait baptiser à la place des défunts, ils se sont substitués à eux. (3) En admettant qu’on puisse tergiverser à propos des deux cas précédents, toute contestation est vaine dans le cas de Philémon 13, où huper est clairement utilisé dans le sens de «à la place de». Onésime, esclave converti, se trouvait à Rome avec Paul et s’apprêtait à retourner à Colosses auprès de son maître Philémon. Dans sa sublime lettre d’intercession en faveur d’Onésime, Paul déclare à Philémon qu’il aurait bien aimé le garder près de lui pour l’aider dans sa tâche à la place de Philémon («pour qu’il me serve à ta place», huper sou). Le sens est clair: il fallait que quelqu’un soit à Rome avec Paul, soit
Philémon lui-même, soit son esclave Onésime en tant que substitut. Certes, l’idée d’une chose avantageuse est aussi présente dans la lettre, mais la seule façon pour Paul de tirer un bénéfice de cette situation était qu’Onésime reste auprès de lui à Rome en tant que remplaçant de Philémon. Si huper est chargé des deux idées – celle d’une chose bénéfique et celle d’un remplacement – dans des passages qui n’ont rien à voir avec l’expiation, il peut aussi les avoir dans des textes relatifs à l’expiation. C’est d’ailleurs le cas. Parmi les textes bibliques dans lesquels huper comporte l’idée de substitution, mentionnons Jean 11:50-51; Romains 5:6-8; 2 Corinthiens 5:21; Galates 3:13; Tite 2:14 et 1 Pierre 3:18. Résumons: anti comporte toujours l’idée d’équivalence, d’échange ou de substitution et jamais celles d’une chose faite seulement «dans l’intérêt de»; huper possède les deux significations,
et
par
conséquent
l’idée
de
substitution,
dans
les
passages
néotestamentaires relatifs à l’expiation.
C. Le rejet de l’expiation substitutive Ceux qui tentent de nier la force des indices textuels le font généralement de l’une des deux manières évoquées ci-après. Certains déclarent que, même s’il y substitution, il ne faut pas la considérer comme un élément déterminant de la mort de Christ. L’idée de substitution est alors noyée au milieu d’autres significations de la mort du Sauveur, au point d’en devenir un aspect tellement mineur qu’il finit par disparaître. En voici un exemple: La mort de Jésus dépasse toute définition, elle est plus profonde et plus vaste que tout ce que la raison peut concevoir… Elle est soulignée par une grande variété de termes et d’analogies, sans jamais pouvoir être complètement saisie par quelque réseau verbal que ce soit… Même si en définitive aucune raison n’explique la croix, nous devons constamment en chercher le sens.162 D’autres s’efforcent de donner systématiquement aux prépositions anti et huper le sens de «au profit de». En voici un exemple: Le fait est qu’il [Paul] présente ce que nous pourrions qualifier de vision «représentative» de la mort de Christ. Quand l’apôtre écrit que Christ est mort «pour» moi, il veut en général dire «pour mon profit» et non «à ma place»… Il ne peut donc être question de substitution ou de bouc émissaire. Il est vrai que, dans un autre contexte, Paul s’appuie sur l’analogie de la rançon versée pour la libération d’un captif et (plus rarement) sur l’offrande sacrificielle, ce qui fait penser à une substitution. Mais cette raison… est largement dominée par l’idée générale de notre participation avec Christ dans sa mort au péché et à la loi.163 Cet auteur néglige complètement de prendre en compte les preuves solides que j’ai
avancées en m’appuyant sur le sens des prépositions et sur les versets de l’Ecriture. Il est manifeste que, d’après son propre enseignement et celui du reste du Nouveau Testament, Christ est mort en substitution pour les pécheurs.
II. La rédemption: une nécessité à cause du péché Racheter, c’est libérer à la suite du paiement d’un certain prix. Pour les croyants, le concept de rédemption (rachat) revêt une signification particulière du fait que le prix payé a été la mort du Seigneur lui-même.
A. L’enseignement vétérotestamentaire Trois racines hébraïques constituent la base lexicale de la notion de rachat dans l’Ancien Testament: g’l, pdh, et kopher. L’idée première de g’l, c’est l’obligation familiale de payer le prix d’un rachat. Le plus proche parent était responsable de racheter la propriété familiale qui avait changé de propriétaire et d’épouser la veuve d’un frère décédé sans laisser de postérité, afin de susciter une descendance au défunt. Lorsque celui-ci n’avait pas de frère, l’obligation incombait au plus proche parent (Ruth 3:9). Le sens de la racine pdh est celui du paiement d’une somme fixée, comme dans le cas d’une transaction commerciale, sans aucune considération de liens familiaux (Exode 13:1213; Nombres 18:15-17). Ce terme a plus de connotation de grâce que g’l, tout simplement parce que celui qui rachète n’est pas obligé de le faire. Kopher renvoie à la somme versée pour le rachat d’une vie perdue (Exode 21:28; 30:12). Tous ces mots parlent de délivrance par le paiement d’un prix. Les circonstances varient selon qu’il s’agit d’un prisonnier de guerre, d’un esclave, d’un article en gage ou de la nation d’Israël, mais il est toujours question d’un prix à payer. L’Ancien Testament évoque peu le lien entre le rachat et le péché (voir cependant Psaume 130:8; Esaïe 59:20). L’absence de déclaration formelle à propos de ce lien tient certainement au fait qu’il est manifeste et constamment présent dans le système sacrificiel, qui associe rédemption et péché. Comme il se voyait continuellement, il n’y avait aucun besoin de le rappeler avec des mots.
B. La terminologie néotestamentaire 1. Agorazô. L’idée de base de ce verbe grec, c’est celle de fréquenter la place publique. Il prit ensuite le sens d’y acheter ou d’y acquérir quelque chose. Le Nouveau Testament
utilise vingt-quatre fois ce terme dans le sens d’acheter (par exemple, Matthieu 13:44; Luc 9:13). La Septante l’emploie dans le même sens, celui d’une simple transaction commerciale (comme dans Genèse 41:57; 42:5, 7). L’usage que le Nouveau Testament fait du verbe agorazô en rapport avec le salut inclut trois idées fondamentales: (1) dans son œuvre de rédemption, Christ a payé le prix du rachat pour toute l’humanité (2 Pierre 2:1); (2) le prix est clairement indiqué quant à sa nature: c’est le sang de Christ (Apocalypse 5:9-10); (3) comme nous avons été rachetés à ce prix, nous devons servir celui qui l’a payé (1 Corinthiens 6:19-20; 7:22-23). 2. Exagorazô. Ce verbe composé ajoute simplement au précédent l’idée d’acquérir quelque chose en l’extrayant de la place publique. Deux passages où il figure sont particulièrement significatifs. Galates 3:13 souligne bien la nature substitutive de la mort de Christ: nous étions sous une malédiction, et il s’en est chargé; nous en avons donc été libérés. Dans Galates 4:5, Paul déclare que les chrétiens ont été complètement affranchis de la tutelle de la loi. Signalons en passant un usage de ce verbe dans un texte qui ne traite pas du tout de l’expiation. Il s’agit d’Ephésiens 5:16 où l’apôtre exhorte les croyants à racheter le temps, c’est-à-dire à ne pas le consacrer à des activités futiles. 3. Peripoioumai. Ce verbe grec n’apparaît qu’une fois dans le contexte de l’expiation, dans Actes 20:28. Il signifie «garder» ou «préserver». Utilisé dans ce verset à la voix moyenne, il signifie «garder pour soi», «préserver pour soi», «s’acquérir» ou «conserver la possession de». L’idée est la suivante: Dieu a acquis l’Eglise par le sang de son Fils au titre de possession personnelle. Là encore, l’idée du prix est fortement soulignée: ce n’est rien moins que la mort de Christ. 4. Lutroô. Dérivé de la racine luô, ce verbe était employé pour parler d’ôter des vêtements, de détacher un animal ou de libérer un prisonnier, mais toujours dans le cadre d’un prix payé comme exigence de libération. Il signifie donc libérer après le versement d’une rançon. (a) Dans la Septante: avant la construction du tabernacle, le demi-sicle payé correspondait à la valeur de rachat de tout Israélite âgé de vingt ans et plus (Exode 30:11-16). L’année du jubilé s’accompagnait du rachat des terres (Lévitique 25:31-32). La différence entre le nombre élevé de premiers-nés et celui, plus faible, de Lévites était compensée par le paiement d’une somme de cinq sicles par premier-né excédentaire (Nombres 3:46-51). Dans ces différents cas, la liberté dépendait du paiement d’une certaine somme. (b) Dans le grec classique: dans tous les cas recensés, la libération était liée au paiement d’une rançon. Le mot était souvent utilisé dans le contexte du rachat des esclaves et des prisonniers de guerre. (c) Dans le Nouveau Testament: le verbe lutroô apparaît dans Luc 24:21 (à propos de la
délivrance nationale d’Israël), dans Tite 2:14 et 1 Pierre 1:18-19 (à propos de la rédemption individuelle). Notons dans ce dernier passage que le prix payé est celui du sang de l’Agneau. Le substantif lutron («rançon») ne figure que dans Matthieu 20:28 et Marc 10:45. Comme déjà souligné dans notre étude de la préposition anti, ce verset enseigne on ne peut plus clairement la substitution, ainsi que le prix à payer, à savoir la mort de Christ. Quant au mot lutrôsis («rachat»), il est utilisé à propos de la délivrance nationale d’Israël dans Luc 1:68; 2:38. Dans Hébreux 9:12, où il est aussi employé, le système sacrificiel de l’Ancien Testament sert d’arrière-plan au sacrifice de Christ offert une fois pour toutes, et le prix est clairement précisé: «son propre sang». Le mot composé apolutrôsis revient dix fois dans les écrits néotestamentaires: une fois pour désigner la libération dans un contexte non chrétien (Hébreux 11:35), une fois dans le sens général de la rédemption chrétienne (1 Corinthiens 1:30), trois fois en lien avec l’eschatologie (Luc 21:28; Romains 8:23; Ephésiens 4:30) et cinq fois à propos de la délivrance vécue par les nouveaux croyants (Romains 3:24; Ephésiens 1:7, 14; Colossiens 1:14; Hébreux 9:14). A l’évidence, la mort de Christ en constitue le prix. Le cas du mot antilutron (1 Timothée 2:6) a déjà été examiné dans la partie consacrée à la substitution (partie I.B. 2 de ce chapitre). La mort de Christ a représenté le paiement d’une rançon en substitution pour tous.
C. Un résumé de la doctrine On peut résumer la rédemption en trois idées de base: (1) les êtres humains sont rachetés de quelque chose, à savoir de l’esclavage du péché; (2) ils sont rachetés par quelque chose, par le paiement d’un prix, à savoir le sang de Christ; (3) ils sont rachetés pour quelque chose, à savoir pour être libres. Une fois libérés, ils sont invités à se rendre esclaves du Seigneur qui les a rachetés.
III. La réconciliation: une nécessité pour le monde La réconciliation désigne un changement de relation qui passe de l’hostilité à l’harmonie et à la paix entre deux parties. Les hommes peuvent se réconcilier entre eux (Matthieu 5:24 diallassô; 1 Corinthiens 7:11 katallassô), et ils ont été réconciliés avec Dieu (Romains 5:1-11; 2 Corinthiens 5:18-21 katallassô; Ephésiens 2:16; Colossiens 1:20, apokatallassô).
A. La nécessité d’une réconciliation: pourquoi? La réconciliation est nécessaire parce que, à cause du péché, Dieu et l’homme
entretiennent des rapports d’hostilité et d’inimitié. Ce fait n’est pas mentionné dans 2 Corinthiens 5, mais il l’est clairement dans Romains 5. Nous étions ennemis de Dieu (Romains 5:10). S’agit-il de l’hostilité de la race humaine vis-à-vis de Dieu, ou de celle de Dieu vis-à-vis de l’humanité? Je penche pour la deuxième hypothèse: Dieu nous considère comme ses ennemis. C’est le même sens que le terme revêt dans Romains 11:28, où Dieu considère les Israélites comme ses ennemis. En mentionnant la colère de Dieu en Romains 5:9, Paul appuie cette interprétation; en effet, ce sont les ennemis de Dieu qui sont l’objet de son courroux. Notre état d’aliénation n’aurait pas pu être plus grave ni le besoin d’un changement relationnel, à savoir une réconciliation, plus urgent.
B. Le moyen de la réconciliation: comment? Le témoignage du Nouveau Testament est sans ambiguïté: la réconciliation passe par la mort du Seigneur Jésus (Romains 5:10). Dieu l’a fait devenir péché pour nous afin que nous devenions justice de Dieu en lui. La mort de Christ a radicalement changé notre ancien état d’hostilité en un état de justice et de complète harmonie avec un Dieu juste.
C. L’objet de la réconciliation: qui? La question de l’objet de la réconciliation a trois réponses principales: Dieu est réconcilié avec l’homme, l’homme est réconcilié avec Dieu, les deux sont réconciliés l’un avec l’autre. Shedd insiste sur le fait que Dieu s’est réconcilié avec l’homme. Il explique ainsi le verset Romains 5:10 qui déclare que l’homme a été réconcilié avec Dieu: «Il ne s’agit pas de la réconciliation subjective du pécheur avec Dieu, mais de la réconciliation objective de Dieu avec le pécheur.»164 Pour pouvoir affirmer cela, il raisonne ainsi: puisque c’est la colère de Dieu qui a été supprimée, c’est bien Dieu qui s’est réconcilié. On peut cependant objecter qu’envisager un changement dans les dispositions de Dieu semblerait s’opposer à son immutabilité165. A l’inverse, Walvoord166 et d’autres affirment avec la même conviction que la réconciliation ne concerne que l’homme. Le passage de 2 Corinthiens 5:19 semble très clair: en Christ, Dieu a réconcilié le monde avec lui-même. C’est manifestement le monde des humains qui est l’objet de la réconciliation. Romains 5:10 confirme ce point de vue en disant que nous avons été réconciliés avec Dieu. Dieu est celui qui agit dans la réconciliation (2 Corinthiens 5:18-19), et les hommes sont déclarés réconciliés (Romains 5:10; 2 Corinthiens 5:20); autrement dit, ils ont été mis au bénéfice de l’œuvre divine. C’est pourquoi il est dit que les croyants ont reçu la réconciliation. Ils sont les bénéficiaires d’une relation de paix et d’harmonie offerte par Dieu.167
D’autres encore estiment que la réconciliation fait intervenir Dieu et l’homme. Berkhof enseignait que l’expiation avait réconcilié Dieu avec le pécheur: C’est là certainement l’idée primordiale, mais celle-ci ne nous empêche pas d’affirmer que le pécheur s’est réconcilié avec Dieu… Si nous disons toutefois que le pécheur a été réconcilié avec Dieu, nous devons bien comprendre que c’est secondairement. Le Dieu réconcilié justifie le pécheur qui accepte la réconciliation…168 Leon Morris qui, lui aussi, défend l’idée que l’homme et Dieu sont tous deux réconciliés, fait prudemment remarquer: Lorsque nous disons qu’on peut considérer Dieu comme réconcilié avec l’homme, cela ne signifie pas qu’il modifie complètement son attitude vis-à-vis de l’homme et de ses diverses imperfections. C’est au contraire notre façon tâtonnante d’exprimer notre conviction qu’il agit de la façon la plus forte qui soit contre le péché sous toutes ses formes et que sa condamnation frappe l’homme; mais une fois la réconciliation opérée, une fois la paix conclue entre l’homme et Dieu, alors la condamnation est ôtée, et Dieu ne considère plus l’homme comme un objet de sa sainte et juste colère, mais comme celui de son amour et de sa bénédiction.169 Les passages centraux du Nouveau Testament affirment clairement que l’homme a été réconcilié avec Dieu. L’être humain est l’objet de la réconciliation. Mais dans un certain sens, on peut aussi dire que, une fois que l’homme a personnellement reçu la réconciliation, les deux parties sont réconciliées, dans la mesure où elles se sont rencontrées. Il n’en demeure pas moins que c’est Dieu qui était irrité contre l’homme et que c’est lui qui a eu l’initiative du changement; il a agi sur l’homme pour que celui-ci se réconcilie avec lui.
D. L’étendue et l’application de la réconciliation La réconciliation est universelle dans son étendue. A cause de la mort de Christ, la position du monde a changé: les êtres humains ont désormais la possibilité d’être sauvés. Mais cette possibilité ne suffit pas à elle seule à sauver qui que ce soit; il faut que le ministère de la réconciliation soit fidèlement porté à la connaissance du monde par la proclamation du message de l’Evangile. Quand un individu croit, il reçoit la réconciliation que Dieu offre par la mort de Christ (2 Corinthiens 5:18-21). Le monde a été réconcilié, encore faut-il que les êtres humains le soient. La réconciliation universelle change la situation du monde: il passe d’un état de salut impossible à celui de salut possible. La réconciliation individuelle par la foi apporte cette réconciliation universelle dans les conditions de vie de l’individu et modifie sa situation: de non sauvé, il devient sauvé. Alors, mais seulement alors, ses péchés sont
pardonnés, bien que Christ en ait déjà payé le prix sur la croix. [L’homme] a été réconcilié avec Dieu parce que la réconciliation de Dieu avec des hommes pécheurs, opérée pour tous une fois pour toutes en Christ, a des effets permanents. Elle ne s’applique pas simplement à une période ni à un groupe particulier d’individus, mais au monde entier. Chaque fois que la parole de la réconciliation est annoncée par ceux à qui Dieu l’a confiée, et chaque fois qu’un pécheur se l’approprie, qui qu’il soit et où qu’il soit, il est réconcilié avec Dieu; cette réconciliation signifie que Dieu ne lui impute plus ses fautes, c’est-àdire qu’il ne lui reproche plus ses péchés.170 Résumons. Le besoin de réconciliation découle de l’inimitié de Dieu envers l’humanité pécheresse. Dieu a pris l’initiative et a réconcilié le monde avec lui-même. Cette œuvre a été accomplie par la mort de Christ, mesure qui a fait passer le monde dans une position de salut possible devant Dieu. Mais bien que le monde ait été réconcilié avec Dieu, l’homme a besoin, personnellement, d’être réconcilié avec Dieu en changeant d’attitude à l’égard de Christ. Alors, et seulement alors, sa condition devant Dieu change.
IV. La propitiation: une nécessité pour Dieu La propitiation est un acte destiné à rendre quelqu’un propice, c’est-à-dire à calmer sa colère, par le moyen d’une offrande. Dans le contexte de la sotériologie, la propitiation est l’acte d’apaiser ou détourner la colère de Dieu grâce au sacrifice expiatoire de Christ.
A. La nécessité de la propitiation: la colère de Dieu La réalité de la colère de Dieu exige que cette colère soit apaisée, autrement dit qu’il y ait propitiation. Les libéraux jugent cette idée païenne, mais il ne fait aucun doute que l’Ancien et le Nouveau Testaments enseignent tous deux la réalité du courroux divin. 1. Dans l’Ancien Testament. Plus d’une vingtaine de mots différents, qui reviennent environ 580 fois, expriment la colère de Dieu (2 Rois 13:3; 23:26; Job 21:20; Jérémie 21:12; Ezéchiel 8:18; 16:38; 23:25; 24:13). C’est toujours le péché qui attise la colère de Dieu, notamment l’idolâtrie (Deutéronome 6:14; Josué 23:16; Psaume 78:21; Esaïe 66:15-17). Parmi les effets de la colère de Dieu, mentionnons l’affliction générale (Psaume 88:8), la peste (Ezéchiel 14:19), le massacre (Ezéchiel 9:8), la destruction (Ezéchiel 5:15), l’abandon entre les mains de l’ennemi (2 Chroniques 28:9), la sécheresse (Deutéronome 11:17), les plaies (2 Samuel 24:1), la lèpre (Nombres 12:10) et l’exil (2 Rois 23:26-27; Ezéchiel 19:12). Parmi les moyens d’apaiser la colère de Dieu figurent l’éradication du péché (Deutéronome 13:15-17), la repentance (Jonas 3:7, 10), l’intercession (Psaume 106:23;
Jérémie 18:20) et la décision personnelle de Dieu de la retenir (Psaume 78:38; Esaïe 48:9). Mais, parallèlement, l’Ancien Testament dépeint un Dieu qui aime son peuple et soupire après lui. Le concept néotestamentaire de la colère divine n’a donc rien à voir avec la conception païenne d’un dieu excessif qui exige d’être apaisé; l’Ancien Testament présente plutôt un Dieu juste qui ne peut voir le péché mais qui propose cependant au pécheur des moyens d’entretenir une relation avec lui. 2. Dans le Nouveau Testament. Même si le Nouveau Testament mentionne la colère de Dieu moins souvent que l’Ancien, elle n’en constitue pas moins un de ses concepts fondamentaux, qui montre le besoin d’une propitiation. Les auteurs néotestamentaires se servent de deux termes principaux pour parler de la colère. Le terme orgê désigne une colère générale (Jean 3:36; Romains 1:18; Ephésiens 2:3; 1 Thessaloniciens 2:16; Apocalypse 6:16), tandis que thumos s’applique à une colère plus enflammée, une fureur (Apocalypse 14:10, 19; 15:1, 7; 16:1; 19:15). Ces deux termes décrivent ensemble l’hostilité que Dieu manifeste personnellement vis-à-vis du péché. Sa colère n’est pas simplement le résultat inévitable et impersonnel d’une loi de cause à effet, elle représente vraiment une question personnelle. L’apaisement de cette colère n’est pas une question de vengeance, mais de justice; il a donc nécessité l’offrande sacrificielle du Fils de Dieu.
B. Le moyen de la propitiation: le sacrifice de Christ Dans Romains 3:25, Paul rattache indiscutablement la propitiation à la mort de Christ. Son sang, autrement dit sa mort, a fait de lui la victime propitiatoire. Une question d’interprétation se pose à propos du sens du mot hilastêrion17114 dans ce verset. Comme il est utilisé sous la même forme dans Hébreux 9:5, beaucoup pensent qu’il désigne Christ comme le lieu où s’est effectuée la propitiation: le propitiatoire (couvercle de l’arche de l’alliance). Pour d’autres, le terme signifie que Christ a été la victime propitiatoire, comme l’indiquent Hébreux 2:17, 1 Jean 2:2; 4:10. Peut-être faut-il associer les deux sens dans ce passage de la lettre aux Romains: le Seigneur a été le sacrifice satisfaisant la justice de Dieu quant au péché, et en quelque sorte le «lieu» où s’est opérée la propitiation. Notons bien l’interconnexion entre les notions de péché, de sacrifice, de sang et de propitiation dans ces passages. Les textes de 1 Jean 2:2; 4:10 soulignent que Christ est l’offrande qui a détourné la colère de Dieu. Il n’est pas appelé «propitiateur» (notons que Jean l’appelle «Sauveur» dans 1 Jean 4:14), comme s’il avait pu utiliser un autre moyen de propitiation que lui-même. Il est l’offrande.
C. La négation de la propitiation: l’enseignement de
C.H. Dodd 1. L’arrière-plan de C.H. Dodd. Dodd (1884-1978) était un pasteur congrégationaliste britannique et un spécialiste du Nouveau Testament. Il fut professeur à Manchester et à Cambridge; après sa retraite, il fut nommé directeur général du projet de traduction New English Bible. Il est surtout connu pour ses travaux dans le domaine de l’«eschatologie réalisée» et du kêrygma («proclamation») apostolique. 2. Sa conception de la propitiation. Il fit connaître ses idées dans un article du Journal of Theological Studies (1931, 32:352-360) intitulé «Hilaskesthai, Its Cognates, Derivatives, and Synonyms»172. Son point de vue se réduit essentiellement à ce qui suit: «La traduction ‘propitiation’ induit en erreur, car elle suggère l’apaisement d’un Dieu en colère; cette idée s’accorde certes avec l’usage païen, mais elle est totalement étrangère à l’usage biblique.»173 Bien qu’il s’appuie sur de nombreux arguments philologiques et exégétiques, sa conclusion est éminemment théologique. Il estime qu’il est indigne, de la part du chrétien, d’imaginer que Dieu puisse être courroucé et ait donc besoin d’être apaisé. Il faut par conséquent définir la propitiation autrement. Il propose de remplacer le mot et le concept de propitiation par ceux d’expiation. 3. Les preuves qu’il avance. Dodd s’appuie sur les considérations qui suivent. (1) Au moins deux contextes païens fournissent des exemples montrant que le verbe signifiait expier; dans l’usage païen, les mots expiation et propitiation étaient équivoques. (2) La Septante traduit kipper (littéralement «couvrir») par sanctifier, purifier, annuler, pardonner, et non par «faire la propitiation». Il s’ensuit que le mot grec hilaskesthai doit, lui aussi, comporter ces sens. (3) Hilaskesthai traduit d’autres mots hébreux, comme «purifier» et «pardonner», dans la Septante. (4) Lorsque le mot traduit kipper, il ne signifie pas apaiser, mais supprimer la faute. 4. La réponse. C’est Roger Nicole qui a fourni la réponse la plus complète et la plus convaincante aux arguments de Dodd174. Il souligne les faits suivants: (a) le choix de preuves que Dodd avance est sélectif et arbitraire, puisqu’il omet de prendre en considération un certain nombre d’autres mots qui auraient mérité un examen attentif; (b) Dodd omet de citer Philon et Flavius Josèphe qui, tous deux, assimilent la propitiation à un apaisement; (c) il ne tient pas souvent compte du contexte des passages cités; s’il les avait mieux étudiés, il aurait vu qu’ils ne confirmaient pas ses conclusions; (d) il adopte une logique erronée en prétendant que la signification de la racine d’un mot est altérée ou perdue simplement parce que ce mot sert aussi à traduire d’autres termes que les équivalents directs. Manifestement, Dodd n’admet pas l’idée que Dieu puisse être en colère. Il cherche donc à
éliminer cette notion par le biais de longs raisonnements de nature philologique. En réalité, il n’y parvient pas, ni sur le plan philologique ni sur le plan biblique. Personne, pas même Dodd, ne peut supprimer l’idée de colère dans des textes comme Romains 1:18; 2:5; Colossiens 3:6; 1 Thessaloniciens 1:10; 2 Thessaloniciens 1:7-9 et Apocalypse 6:16. Mais Dodd a exercé une profonde influence sur des hommes comme T.W. Manson, D.M. Baillie, Vincent Taylor, C.K. Barrett, et sur certaines traductions de la Bible.
D. La distinction entre expiation et propitiation Comme nous l’avons vu, la propitiation consiste à rendre Dieu propice, favorable, c’est-àdire à apaiser sa colère personnelle. L’expiation, c’est la suppression d’une colère, d’une faute ou d’une culpabilité impersonnelles. L’expiation s’intéresse à la réparation d’un tort; la propitiation comporte en plus l’idée d’apaiser la personne offensée et cherche donc à savoir pourquoi celle-ci a été offensée. En d’autres termes, la propitiation s’inscrit sur la toile de fond de la colère de Dieu, alors que l’expiation n’en tient pas nécessairement compte. Si nous voulons utiliser les deux termes en les reliant de façon correcte, nous pouvons dire que Christ a fait propitiation pour la colère de Dieu en faisant l’expiation pour nos péchés.
E. Un aspect pratique important Si Dieu est satisfait grâce à la mort de Christ, que peut encore faire le chrétien pour le satisfaire? Rien. Dieu a tout accompli lui-même. Le pécheur peut et doit accepter le don de la justice que Dieu lui offre. Avant la mort de Christ, il était normal de prier comme le publicain: «O Dieu, sois apaisé (ou propice) envers moi, qui suis un pécheur!» (Luc 18:13). Même si, sous la loi, Dieu avait déjà prévu le moyen, pour le pécheur, de cultiver une relation avec lui, il ne pouvait pas compter sur un sacrifice éternel offert pour le péché et capable d’apaiser Dieu une fois pour toutes. Il avait donc raison de faire sienne la prière du publicain. Mais depuis, Christ est mort, et les exigences de justice de Dieu ont été satisfaites. Il n’y a donc plus de raison de le supplier d’être apaisé. Il est apaisé, adouci, satisfait pour l’éternité. Nous pouvons annoncer au monde perdu: «Acceptez le Sauveur qui, par sa mort, a apaisé la colère de Dieu!» 158 Alfred Edersheim, The Temple, Its Ministry and Service, Grand Rapids, Eerdmans, 1950, pp. 113-114. 159 Voir l’analyse détaillée de R. E. Davies, «Christ in Our Place – The Contribution of the Prepositions», Tyndale Bulletin 21(1970):71-91. 160 Voir Colin Brown, éditeur, The New International Dictionary of New Testament Theology, Grand Rapids, Zondervan, 1971, 3:1179. 161 Comparer avec Davies, «Christ in Our Place», p. 82. 162 Frank Stagg, New Testament Theology, Nashville, Broadman, 1962, pp. 135-136.
163 Amos N. Wilder, New Testament Faith for Today, New York, Harper, 1955, p. 134. 164 William G.T. Shedd, Dogmatic Theology, New York, Scribners, 1891, 2:396. 165 Voir le traitement de l’immutabilité au chapitre 6, point III.C. (N.d.E.) 166 John F. Walvoord, Jesus Christ Our Lord, Chicago, Moody, 1974, pp. 179-186. 167 A. Berkeley Mickelsen, «Romans», dans Wycliffe Bible Commentary, Chicago, Moody, 1962, p. 1197. 168 L. Berkhof, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1941, p. 373. 169 Leon Morris, The Apostolic Preaching of the Cross, Grand Rapids, Eerdmans, 1956, p. 221. 170 R.V.G. Tasker, The Second Epistle of Paul to the Corinthians, Grand Rapids, Eerdmans, 1958, p. 89. 171 Mot traduit «victime propitiatoire» dans la version Segond Nouvelle Edition de Genève 1979. 172 C’est-à-dire «Hilaskesthai, les mots apparentés, ses dérivés et ses synonymes». Hilaskesthai est la forme infinitive passive du verbe grec auquel est apparenté le nom hilastêrion. (N.d.E.) 173 C.H. Dodd, The Epistle of Paul to the Romans, Londres, Hodder et Stoughton, 1935, p. 55. 174 Roger Nicole, «C.H. Dodd and the Doctrine of Propitiation», Westminster Theological Journal, mai 1955, 17:127-148.
52. Quelques effets du salut La liste des effets ou des bienfaits du salut pourrait évidemment inclure des centaines de points. Je me limiterai dans ce chapitre à examiner quelques-unes des œuvres essentielles que Dieu a accomplies, est en train d’accomplir ou accomplira encore, sur la base du sacrifice parfait du Christ.
I. La justification La justification n’est pas seulement l’un des immenses bienfaits de la mort de Christ, elle représente aussi une doctrine cardinale de la foi chrétienne, parce qu’elle fait de celle-ci une «religion» caractérisée par la grâce et la foi. Grâce et foi constituent les pierres angulaires de la doctrine de la justification.
A. La signification de la justification Justifier, c’est déclarer juste. Les termes hébreu (tsadaq) et grec (dikaioô) signifient tous deux annoncer ou prononcer un verdict favorable, déclarer juste. L’idée n’est pas celle de rendre juste, mais de reconnaître quelqu’un comme tel. Il s’agit d’un concept juridique. Le tribunal déclare que le prévenu est juste. Notez le contraste entre justifier et condamner dans Deutéronome 25:1; 1 Rois 8:32 et Proverbes 17:15. De même que la décision qui condamne une personne ne la rend pas mauvaise ou coupable, celle qui la justifie ne la rend pas juste ou innocente. La condamnation et la justification indiquent simplement le statut véritable et réel de la personne jugée. La personne mauvaise est déjà mauvaise au moment où le tribunal prononce sa condamnation. De même, celle qui est juste est déjà juste lorsque le tribunal la déclare juste.
B. Le problème de la justification Comme il s’agit d’un terme emprunté au domaine juridique, la justification est liée au concept de Dieu comme juge. Ce thème traverse toute la Bible. Abraham a confessé que Dieu était juge de toute la terre et qu’il exerçait la justice (Genèse 18:25). Dans son cantique, Moïse souligne que Dieu est juste et droit (Deutéronome 32:4). Paul qualifie Dieu de juste juge (2 Timothée 4:8). L’auteur de l’épître aux Hébreux appelle Dieu le juge de tous (Hébreux 12:23), et Jacques rappelle à ses lecteurs que le juge se tient à la porte (Jacques 5:9). Si Dieu, le juge, est exempt de toute injustice et parfaitement juste dans toutes ses décisions, comment peut-il déclarer juste un pécheur? Et pécheurs, nous le sommes tous. Face aux pécheurs qui se tiennent devant lui au tribunal, Dieu n’a que trois solutions: les
condamner, compromettre sa justice en les acceptant tels qu’ils sont ou les transformer en justes. S’il peut choisir cette dernière solution, il peut les déclarer justes, et c’est précisément en quoi consiste la justification. Mais toute justice reconnue au pécheur doit être réelle et non fictive, authentique et non imaginaire, totalement acceptable selon les critères divins et non entachée de la moindre imperfection. Si ces conditions sont remplies, alors, mais alors seulement, Dieu peut justifier. Job a bien posé le problème en soulevant la question: «Comment l’homme serait-il juste devant Dieu?» (Job 9:2).
C. Le processus de la justification Dieu a effectivement choisi la troisième solution: il transforme les pécheurs que nous sommes en êtres humains justes. Comment? En nous faisant justice de Dieu en Christ (2 Corinthiens 5:21), en rendant justes beaucoup d’hommes (Romains 5:19), en accordant à ceux qui croient le don de la justice (Romains 5:17). Le passage central de Romains 3:2126 détaille les cinq étapes du processus de la justification. 1. Le plan. «Sans la loi est manifestée la justice de Dieu» (Romains 3:21). Le plan divin qui vise à accorder la justice nécessaire est centré sur Jésus-Christ, il est indépendant de la loi. Dans le texte original, le mot loi n’est pas précédé de l’article défini, ce qui indique que la justification n’a rien à voir ni avec la loi de Moïse, incapable de procurer la justice (Actes 13:39), ni avec aucune des prescriptions légales. La justice est manifestée (notons la forme passive du parfait175) lors de l’incarnation de Christ, et les effets de cette importante intervention dans l’histoire se prolongent. La loi et les prophètes, qui ont attesté la venue du Messie, rendent constamment témoignage à cet événement (1 Pierre 1:11). Ainsi, le plan divin se focalise sur une personne. 2. La condition. «…justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ pour tous ceux qui croient» (Romains 3:22). La justice s’obtient par la foi en Jésus-Christ, désormais révélé. Le Nouveau Testament ne dit jamais que nous sommes sauvés à cause de la foi (ce qui nécessiterait que la préposition dia soit suivie d’un accusatif), il fait de la foi le canal par lequel nous recevons le salut (dia est alors suivie du génitif et signifie «à travers»). Il faut évidemment que la foi soit placée dans le bon objet pour être efficace, et l’objet de la foi qui sauve est précisément Jésus-Christ. 3. Le prix. «…ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ. C’est lui que Dieu a destiné à être, par son sang pour ceux qui croiraient, victime expiatoire» (Romains 3:24-25). Il est clair que le prix payé a été le sang de Christ. Pour Dieu, le sacrifice a été des plus coûteux, pour nous les biens qui en découlent sont «gratuits». Le même mot est traduit par «sans cause» dans Jean 15:25; on
ne peut trouver aucune raison en nous qui puisse expliquer la justification; elle est donc bien le pur résultat de la grâce divine. 4. La position. Quand un individu accepte Christ, il est placé en lui, et c’est ce qui le rend juste. Nous sommes faits justice de Dieu en Christ. Cette justice surmonte notre condition pécheresse et désespérée et répond à toutes les exigences de la sainteté de Dieu. 5. La déclaration. «…de manière à être juste tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus» (Romains 3:26). Non seulement la justice de Christ, qui nous est imputée, satisfait les exigences de Dieu, mais elle exige à son tour que Dieu nous justifie. Nous sommes justes de façon réelle et non virtuelle. C’est pourquoi le Dieu saint reste juste tout en justifiant celui qui croit au Seigneur Jésus. Plus personne ne peut donc accuser les élus de Dieu, car, en Christ, ils sont justes aux yeux de Dieu. C’est la raison pour laquelle Dieu peut les justifier.
D. La preuve de la justification La justification se démontre par la pureté personnelle. «Celui qui est mort est libre (littéralement ‘justifié’) du péché» (Romains 6:7). Nous sommes quittes du péché, si bien qu’il ne nous domine plus. La justification acquise devant le tribunal de Dieu se démontre par une sainteté de vie ici-bas devant le tribunal des hommes. C’est ainsi que Jacques envisageait les choses en écrivant que nous sommes justifiés par les œuvres (Jacques 2:24). Une foi stérile n’est pas une foi authentique; c’est pourquoi, ce que nous sommes en Christ se voit à ce que nous sommes devant les hommes. La foi et les œuvres constituent un billet à deux coupons pour l’entrée au ciel: le coupon des œuvres n’est pas valable pour l’entrée, et le coupon de la foi n’est pas valable s’il est détaché de celui des œuvres. Une dernière pensée: la justification nous vaut la paix avec Dieu (Romains 5:1). Nos rapports avec lui sont justes, légaux et éternels. Cela suffit pour constituer un solide fondement à notre paix avec Dieu.
II. Le jugement de la nature pécheresse Un deuxième bienfait très important qui découle de la mort de Christ, c’est le jugement de la nature pécheresse du croyant (Romains 6:1-14). Comme déjà dit, la justification se voit à la vie de sainteté; et, comme la justification, une vie de sainteté est possible grâce à la mort de Christ. Au cinquième chapitre de sa lettre aux Romains, Paul utilise l’expression surprenante de «don de la justice» (Romains 5:17), et c’est ce qui soulève la question de Romains 6:1: si la justice est un don, ne vaudrait-il pas mieux continuer de pécher pour que la grâce puisse
abonder de façon plus visible? Si le salut s’obtenait par les œuvres, cette question serait hors de propos, puisque l’être humain devrait persévérer dans la pratique des bonnes œuvres pour mériter son salut. En revanche, si le salut est accordé par grâce, l’homme ne pourrait-il pas pécher autant qu’il lui plaît? L’ampleur de son péché ne ferait-elle pas davantage encore ressortir l’étendue de la grâce? Paul répond par un non emphatique. Il donne deux réponses qui expliquent pourquoi la personne justifiée ne peut continuer à vivre dans le péché: le jugement nous arrache au domaine du péché (Romains 6:2-10), et il nous affranchit de la domination du péché (Romains 6:11-14).
A. Arrachés au domaine du péché 1. L’opération. «…nous qui sommes morts au péché… baptisés en Jésus-Christ… ensevelis avec lui par le baptême en sa mort» (Romains 6:2-4). Notre union avec Christ dans sa mort et sa résurrection opère un transfert qui nous fait quitter le domaine de la vie ancienne pour nous introduire dans celui de la vie nouvelle. La mort au péché devient non un espoir, mais une réalité, parce que Christ est vraiment mort au péché et que nous sommes unis à lui dans cette mort par le baptême. La mort signifie séparation, et non extinction. Dans ce passage, la mort au péché désigne donc la séparation d’avec son domaine ou son royaume, mais non la disparition complète de sa présence. Le baptême exprime l’association avec quelqu’un ou quelque chose, ou l’identification à quelqu’un ou à quelque chose. Dans le cas présent, il correspond à notre identification avec Christ dans sa mort, qui fait que nous avons été soustraits à la puissance du péché. Ici, le baptême ne peut désigner une cérémonie ni un sacrement, mais renvoie plutôt à une relation avec le Seigneur (tout comme lors de la traversée de la mer Rouge, les Israélites furent unis de façon relationnelle à Moïse, 1 Corinthiens 10:2). Le rite ou le baptême d’eau illustre cette union, mais ne peut l’opérer. Ainsi, le baptême dont il est question nous unit à Christ dans sa mort au péché (pour nous arracher à son domaine), dans son ensevelissement (démonstration convaincante que sa mort était réelle) et dans sa résurrection (pour nous faire vivre en nouveauté de vie). 2. Ses fruits. «…nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection, sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit réduit à l’impuissance… car celui est mort est libre du péché…» (Romains 6:5-10). L’identification à Christ dans sa mort au péché entraîne (a) notre identification à lui dans sa vie de résurrection (Romains 6:5), (b) la réduction à l’impuissance de la vieille nature (Romains 6:6) et (c) la libération de la tyrannie du péché (Romains 6:7). Le futur employé au verset Romains 6:5 indique ce qui doit encore inévitablement se produire (comme dans Galates 6:5). Il est ainsi question de notre résurrection à une nouvelle vie spirituelle, et non de notre future résurrection corporelle. Le «vieil homme» fait allusion à notre place dans l’ancienne
création, sous la domination du péché et de la mort. Bien que nous ayons été arrachés à la tutelle du péché, l’ordre ancien cherche à établir sa domination par le biais du vieil homme (Ephésiens 4:22) qui tente de se manifester en se servant du corps comme instrument de péché (c’est vraisemblablement ce que signifie l’expression «corps du péché»). Pour un usage semblable et instructif de «détruit» ou «réduit à l’impuissance», voir Hébreux 2:14, qui rattache la mort de Christ à la destruction du pouvoir de Satan.
B. Affranchis de la domination du péché Paul invite maintenant le croyant à s’affranchir de la tyrannie du péché en s’appuyant sur le fait que Christ est mort au péché. Cette exhortation inclut un examen («regardez-vous comme», Romains 6:11), un refus («n’obéissez pas», Romains 6:12) et le don de soi («donnez-vous vous-mêmes à Dieu», Romains 6:13). «Nous regarder comme», c’est calculer, admettre le bien-fondé de la vérité des faits présentés dans les versets Romains 6:1-10, et agir en conséquence. De plus, nous devons refuser d’obéir aux mauvais désirs du péché et nous présenter volontairement pour servir Dieu, avec tous les membres de notre corps. Ces différentes exhortations indiquent une rupture décisive et urgente avec l’ancienne vie. Godet rassemble toutes ces idées en écrivant: La rupture du chrétien avec le péché, quoique graduelle dans sa réalisation, est absolue et tranchée dans son principe. Comme, pour rompre réellement avec un ancien ami dont on a subi l’influence malfaisante, les demi-mesures sont insuffisantes, et que le moyen efficace est de recourir à une explication franche, suivie d’une rupture complète qui demeure comme une barrière élevée à l’avance contre toute nouvelle sollicitation, ainsi pour rompre avec le péché il faut un acte décisif et radical, un fait divin s’emparant de l’âme et s’interposant désormais entre la volonté du croyant et le péché. Ce fait divin et humain s’opère sous l’action de la foi au sacrifice de Christ (Galates 6:14).176
III. Le fondement d’une communion familiale Aucun passage n’est plus fondamental que 1 Jean 1:5-10 pour bien comprendre la nature de la communion du croyant avec ses frères et sœurs dans la foi. Cette relation passe, elle aussi, par la mort de Christ («le sang de Jésus», 1 Jean 1:7). Ainsi, la mort du Seigneur procure un autre bienfait au croyant: la jouissance de la communion au sein de la famille de Dieu. Il ne fait aucun doute que ce passage traite de la communion fraternelle au sein de la famille de Dieu, et non de la justification. En effet, dans le texte grec, le pronom personnel
«nous» et les verbes conjugués à la première personne du pluriel reviennent 21 fois dans les versets 1 Jean 1:5-10. Et 1 Jean 2:1 poursuit sur la même lancée en s’adressant visiblement à des croyants. Le salut procure un pardon parfait, complet et éternel (Ephésiens 1:7), mais les chrétiens pèchent encore et ont donc constamment besoin du pardon pour jouir de la communion au sein de la famille spirituelle. Certains nient cette nécessité; pour eux, puisque les chrétiens sont déjà pardonnés, ils n’ont pas besoin de demander ce qu’ils possèdent déjà177. Or, les chrétiens ont besoin de pardonner et de demander pardon (voir Luc 11:4; 2 Corinthiens 2:10; Ephésiens 4:32; Colossiens 3:13). Quelles conditions faut-il remplir pour jouir de la communion familiale? Elles sont au nombre de deux: marcher dans la lumière et confesser le péché. Dieu est lumière. Etre lumière serait une condition impossible à remplir par des êtres revêtus d’un corps mortel; heureusement, ce n’est pas ce qui nous est demandé. Ce qui est demandé, c’est de marcher dans la lumière. Faire cela nous situe dans le même domaine moral que le Père, si bien que nous pouvons être en communion avec lui. Cette exigence est taillée à la mesure de chaque croyant; en effet, quel que soit son niveau de maturité, il reçoit de la Parole une certaine dose de lumière à laquelle il doit répondre. S’il réagit positivement, il reçoit plus de lumière, et, avec elle, plus de responsabilités. La communion se développe au fur et à mesure que le cercle de lumière s’étend. Il est évident que nous ne répondons pas toujours positivement. Nous péchons, ce qui rend la confession nécessaire afin de rétablir la communion. Qu’est-ce que confesser? C’est dire la même chose que Dieu au sujet du péché, c’est avoir sur le péché la même perspective que lui. C’est plus que simplement dénoncer le péché, car, dans la perspective divine, il doit aussi être abandonné. La confession inclut donc le renoncement au péché. La confession privée à Dieu est toujours indispensable pour le rétablissement de la communion. Qu’en est-il de la confession publique? Nous avons des exemples bibliques qui encouragent une telle confession (Jacques 5:16 énonce un principe général, et Actes 19:18 donne un exemple particulier). Le péché public réclame normalement une confession publique. Il y a des années, je discutais de la confession publique avec un chrétien âgé et expérimenté. Il me donna deux lignes directrices fondamentales à ce sujet. (1) Soyez certain que c’est Dieu qui vous pousse à faire une confession publique. Satan, les émotions et la pression de la communauté peuvent aussi vous pousser à faire quelque chose qui ne vient pas du Seigneur. (2) Avant d’ouvrir la bouche, demandez-vous si, oui ou non, ce que vous allez dire édifiera vos auditeurs, car dans l’assemblée tout doit être fait pour l’édification. Lorsque nous confessons notre péché au Père, il est fidèle et juste pour nous pardonner et nous réintégrer dans la communion familiale (1 Jean 5:9). Ce fait est vrai, que nous le sentions ou non. Sachons que Dieu l’accomplit à cause de la mort de Christ, qui a été
propitiation pour nos péchés (1 Jean 2:1-2).
IV. La fin de la loi Un autre bienfait important de la mort de Christ a été l’inauguration du principe de la justification par la foi en remplacement de celui de la justification par les œuvres de la loi. On peut comprendre l’affirmation de Paul selon laquelle Christ est la fin de la loi (Romains 10:4) comme signifiant qu’il a mis un terme à la loi ou bien que la raison de sa venue était d’accomplir la loi (Matthieu 5:17). Ici, il semble bien que l’idée avancée par l’apôtre soit celle d’un point final à la loi. C’est ce que met en évidence le contraste (qui commence dans Romains 9:30) entre la loi et la justice de Dieu. Paul ne dit pas qu’il manquait quelque chose au Juif et qu’il avait besoin de la venue de Christ pour améliorer sa position devant Dieu, mais plutôt que le Juif adoptait une attitude erronée sous le principe des œuvres de la loi, car il cherchait à établir sa justice par ses efforts humains au lieu d’accepter le don de la justice de Dieu. Il est certes vrai que le Seigneur a accompli la loi, mais ce n’est pas ce que l’épître aux Romains enseigne ici. L’apôtre déclare que Christ a mis un terme à la loi et a ouvert un nouveau chemin vivant vers Dieu.
A. La nature de la loi La loi dont le Seigneur est la fin, c’est évidemment la loi de Moïse, à en juger d’après le contraste souligné dans le passage lui-même. Pour pouvoir prendre toute la mesure de ce bienfait de l’œuvre de Christ, il convient de relever quelques caractéristiques de la loi de Moïse. 1. La loi de Moïse constituait une unité. On divise généralement la loi en trois parties: morale, cérémonielle et juridique. Le décalogue constitue la partie morale (Exode 34:28). Les jugements commencent dans Exode 21:2 et incluent une liste des différentes responsabilités assorties des sanctions qui frappent le coupable. La partie cérémonielle est exposée à partir d’Exode 25:1 et définit la vie religieuse en Israël. La théologie chrétienne accepte presque universellement cette division de la loi en trois parties; les Juifs, eux, ne la reconnaissaient pas ou, du moins, n’insistaient pas sur cet aspect. Ils étaient plutôt enclins à diviser les 613 commandements de la loi en douze familles de commandements, ellesmêmes divisées en douze familles de commandements positifs (ce qu’il fallait faire) et douze familles de commandements négatifs (ce qu’il ne fallait pas faire). Les commandements qui entraient dans ces différentes catégories étaient tirés de plusieurs endroits de la loi, car celle-ci était considérée comme formant une unité. Remarquons d’ailleurs que les sanctions liées à certains commandements soulignaient l’unité de la loi. Lorsqu’un homme transgressa le sabbat (l’un des «commandements») en
ramassant du bois ce jour-là, la sanction qui le frappa fut la mise à mort par lapidation (Nombres 15:32-36). Quand le peuple enfreignit le commandement concernant l’année sabbatique pour le pays (l’un des «jugements»), Dieu le fit déporter en captivité où beaucoup d’Israélites moururent (Jérémie 25:11). Quand Nadab et Abihu offrirent un feu étranger à l’Eternel (l’une des «ordonnances»), ils furent frappés sur-le-champ et périrent (Lévitique 10:1-7). Il est manifeste que ces commandements tirés des différentes parties de la loi étaient contraignants et que la sanction qui frappait les contrevenants était la même. La loi constituait un tout. Jacques considère la loi comme une unité. Il dénonce la partialité parce qu’elle porte atteinte à la règle de l’amour du prochain, qu’il faut aimer comme soi-même. La transgression de ce seul commandement rend les hommes coupables de transgresser toute la loi (Jacques 2:8). Il n’aurait pas pu tirer cette conclusion si celle-ci ne formait pas un tout. 2. La loi a été donnée à Israël. L’Ancien et le Nouveau Testaments sont unanimes à ce sujet (Lévitique 26:46; Romains 9:4). D’ailleurs, Paul oppose les Juifs, qui avaient la loi, aux païens, qui ne l’avaient pas (Romains 2:14).
B. La fin du joug de la loi Le concile de Jérusalem a abordé très tôt et de façon claire la question du rôle de la loi (Actes 15). S’agissant de savoir si la circoncision était nécessaire au salut, les chrétiens réunis en cette occasion ont répondu par un non catégorique. Pierre a décrit la loi comme un joug insupportable. Quand les responsables ont écrit aux croyants d’origine païenne qu’ils devaient limiter leur liberté dans des domaines qui risquaient d’offenser les croyants d’origine juive, ils n’ont pas cherché à placer les chrétiens sous la loi (ce qui aurait facilement résolu le problème), car ils savaient qu’elle était parvenue à son terme. Dans 2 Corinthiens 3:7-11, Paul va jusqu’à déclarer que la partie de la loi qui était écrite sur des tables de pierre (les dix commandements) est désormais caduque. Il ose qualifier la partie morale de la loi de ministère de mort et de condamnation: grâce à Dieu, elle a été remplacée par la nouvelle alliance, qui apporte vie et justification. Dans Hébreux 7:11-12, l’auteur de l’épître démontre la supériorité du sacerdoce de Melchisédek sur celui d’Aaron. Il conclut en disant que, si le sacerdoce d’Aaron ou de Lévi avait été capable d’amener le peuple à la perfection, il n’y aurait pas eu besoin de le remplacer par un nouveau sacerdoce, selon l’ordre de Melchisédek. Le changement de sacerdoce s’accompagnait nécessairement d’un changement de loi. Autrement dit, si la loi n’avait pas été annulée, le sacerdoce lévitique ne l’aurait pas été non plus, et Christ ne serait pas notre souverain sacrificateur aujourd’hui. Mais si Christ est bien notre souverain sacrificateur, la loi n’a plus cours et ne peut plus s’appliquer à nous.
C. Le problème soulevé Si Christ est la fin de la loi, pourquoi le Nouveau Testament inclut-il dans son éthique certains commandements de la loi mosaïque? Comment la loi dans son ensemble a-t-elle pu devenir caduque, alors que certaines de ses parties restent contraignantes pour le chrétien? Si le Nouveau Testament avait conservé tout le décalogue, la réponse serait simple: la loi morale resterait valable, alors que les autres parties seraient devenues obsolètes. Or, le Nouveau Testament ne rappelle que neuf des dix commandements; de plus, il rend improbable une solution simple en conservant certaines parties de la loi qui se trouvent ailleurs que dans la partie dite «morale» (Romains 13:9; Jacques 2:8).
D. Les solutions proposées 1. La solution de Calvin. Jean Calvin enseignait que l’abrogation de la loi visait à libérer la conscience de la peur et faisait cesser les anciennes cérémonies juives. Il distinguait entre la loi morale qui, selon lui, n’avait été abrogée que dans ses effets de condamnation des êtres humains, et la loi cérémonielle qui, toujours d’après lui, avait été abrogée aussi bien dans ses effets que dans son usage. Dans le passage de 2 Corinthiens 3, il ne distingue qu’une différence générale entre la mort caractéristique de l’Ancien Testament, et la vie dont le Nouveau est porteur. Il présente un exposé subtil sur les dix commandements, mais ne considère pas le dimanche comme la continuité du sabbat (contrairement à la Confession de Westminster). Autrement dit, Calvin, ainsi que les nombreux exégètes qui l’ont suivi, estimait qu’une partie de la loi seulement était devenue caduque, et non la loi dans son ensemble, et que le décalogue s’imposait encore aux chrétiens, à l’exception du commandement relatif au sabbat, un commandement qu’il ne fallait pas prendre à la lettre178. Il est clair qu’il n’apporte pas une solution satisfaisante au problème posé. 2. La solution de Murray. John Murray affirme ouvertement que les dix commandements ont été abolis, néanmoins il les voit comme applicables dans un sens plus profond, sans préciser lequel. Il écrit: «C’est pourquoi, l’abolition de ces règles coïncide avec une compréhension plus profonde de la sainteté des commandements. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre le quatrième commandement. Abolition de certaines règles mosaïques? Certainement! Mais cela n’affecte en aucun cas la sainteté du commandement ni sa stricte observance, qui est le complément de cette sainteté.»179 3. La solution que je propose. La seule solution (qu’à mon avis personne n’a proposée jusqu’ici) qui rende pleinement justice au sens clair de ces différents textes de l’Ecriture consiste à distinguer entre un code et les commandements qu’il renferme. La loi de Moïse n’était qu’un code parmi plusieurs codes de conduite éthique que Dieu avait donnés au
cours de l’histoire humaine. Ce code particulier comptait 613 commandements. Mais il y a eu encore d’autres codes. Adam a vécu sous des lois, dont l’ensemble pourrait constituer le code d’Adam ou le code d’Eden. Noé a dû, lui aussi, obéir à des lois divines; il y a donc eu un code de Noé. Nous savons que Dieu a révélé plusieurs commandements et lois à Abraham (Genèse 26:5); on peut à ce propos parler d’un code abrahamique. Le code mosaïque contenait toutes les ordonnances de la loi. Et aujourd’hui, nous vivons sous la loi de Christ (Galates 6:2) ou la loi de l’Esprit de vie en Christ (Romains 8:2). Ce code contient les centaines de commandements rapportés dans le Nouveau Testament. La loi de Moïse est devenue caduque en tant que code. Elle a été remplacée par la loi de Christ. Celle-ci contient quelques commandements nouveaux (1 Timothée 4:4), certains commandements anciens (Romains 13:9) et d’autres qui ont été modifiés (Romains 13:4 au sujet de la peine capitale). Toutes les lois du code de Moïse ont été abolies parce que le code lui-même l’a été. Les commandements typiquement mosaïques qui font partie du code chrétien ne sont pas la continuité d’une partie de la loi de Moïse; ils n’y figurent pas non plus pour faire l’objet d’un respect plus profond. Ils ont spécialement été incorporés dans le nouveau code et, à ce titre, ils s’imposent aux croyants aujourd’hui. Telle loi du code mosaïque est devenue caduque; inscrite dans le code chrétien, cette même loi est valable pour nous de nos jours. Il faut enseigner les deux vérités pour ne pas avoir à nous appuyer sur une interprétation non littérale de 2 Corinthiens 3 ou Hébreux 7, et pour ne pas devoir faire des contorsions théologiques afin de conserver certaines parties de la loi de Moïse. Illustrons cette idée. Au fur et à mesure que leurs enfants grandissent, les parents les soumettent à différents codes de lois. Certains commandements peuvent figurer dans différents codes. Mais à partir du moment où un nouveau code entre en vigueur, l’ancien est supprimé. C’est ce qui s’est passé avec la loi mosaïque: quand le Seigneur est venu, il a mis fin à la loi pour la justification de tous ceux qui croient.
V. L’adoption Notre adoption dans la famille de Dieu constitue un autre bienfait apporté par la mort de Christ.
A. La signification de l’adoption L’adoption est l’acte divin qui place le croyant dans la famille de Dieu en tant qu’adulte. En revanche, la notion de nouvelle naissance souligne le fait que le croyant entre dans la famille de Dieu en tant que nouveau-né, et qu’il a besoin de grandir et de se développer (Jean 1:12; 3:3). La notion d’adoption met davantage en avant l’idée de l’adulte et de ses pleins privilèges dans la famille de Dieu. Avec elle vient la suppression de toutes les
relations et responsabilités dans les relations familiales d’autrefois. L’adoption et la nouvelle naissance interviennent toutes deux au moment où l’individu place sa foi en Christ, mais elles désignent des aspects différents de son rapport avec la famille de Dieu.
B. La toile de fond de l’adoption La plupart des cultures ont des pratiques proches de celle de l’adoption. Moïse, un esclave hébreu, fut adopté par la fille du pharaon en Egypte. Les tablettes de Nuzu révèlent une coutume qui voulait qu’un couple sans enfant puisse adopter un fils qui s’occupe d’eux pendant leur vie et soit leur héritier à leur mort. Les lois hébraïques ne comportaient aucun article relatif à l’adoption, et le mot grec qui désigne ce concept ne figure pas dans la Septante. Un tel silence sur le sujet peut s’expliquer par la loi du lévirat dont les dispositions permettaient à un couple stérile ou sans enfant de trouver des héritiers pour conserver les biens familiaux. La polygamie était un autre moyen de surmonter le handicap de la stérilité féminine. L’adoption était un aspect important de la vie gréco-romaine, et c’est là que se situe l’arrière-plan du concept néotestamentaire. Les couples sans enfant adoptaient souvent un fils qui devenait leur héritier. Même si les parents biologiques du fils adoptif étaient encore en vie, ils n’avaient plus aucun droit sur lui, une fois l’adoption conclue. S’ils consentaient à une telle adoption, c’était généralement car cela signifiait pour leur enfant des conditions de vie meilleures.
C. La doctrine paulinienne de l’adoption La doctrine de l’adoption est exclusivement paulinienne. L’apôtre utilise cinq fois le terme (Romains 8:15, 23; 9:4; Galates 4:5; Ephésiens 1:5). 1. L’adoption d’Israël sur un plan national. Voir Romains 9:4. Voir aussi Exode 4:22. 2. L’adoption des croyants sur un plan individuel. Cet acte de Dieu a été prédestiné (Ephésiens 1:5) pour qu’il puisse être dit que le plan prédéterminé de Dieu incluait notre destinée d’enfants adoptés. L’adoption a été possible grâce à la mort de Christ (Galates 4:5). Elle s’est opérée au moment où nous avons cru et sommes devenus membres de la famille de Dieu (Romains 8:15), mais elle sera pleinement réalisée lorsque nous revêtirons notre corps de résurrection (Romains 8:23).
D. Les implications de l’adoption 1. L’adoption nous fait entrer dans une famille à laquelle nous n’appartenions pas naturellement. Cf. Ephésiens 2:3. Des enfants de colère deviennent des fils et des filles de Dieu. 2. L’adoption nous affranchit de tous les liens antérieurs, notamment ceux de la loi. Voir
Galates 4:5. En d’autres termes, l’autre face de l’adoption est la libération de la tutelle de la loi. 3. L’adoption n’est possible que par une décision volontaire de celui qui, seul, décide d’adopter. Notre adoption était déjà prévue dans le plan divin avant la création du monde (Ephésiens 1:5). 4. L’adoption signifie que nous possédons de plein droit tous les privilèges de l’appartenance à la famille de Dieu. Voir Romains 8:15. La jouissance de ces privilèges dépend évidemment de notre croissance spirituelle, mais tout croyant les possède de plein droit dès lors qu’il est sauvé. Tout cela est vrai grâce à la rédemption opérée par Christ (Galates 4:5). 175 Parfait: temps du verbe grec qui exprime le résultat présent d’une action passée. 176 F. Godet, Commentaire sur l’épître aux Romains, Editions Labor et Fides, Genève, 1968, tome II, p. 16. 177 Pour une excellente réfutation de ce concept, voir Zane Hodges, «Fellowship and Confession in 1 John 1:5-10», Bibliotheca Sacra, 129 (janvier 1972):48-60. 178 Jean Calvin, Institution chrétienne, Livre II, chapitre XI, 4, et livre II, chapitre VIII, 33. 179 John Murray, Collected Writings, Carlisle, Pa, Banner of Truth Trust, 1976, 1:212.
53. Les théories de l’expiation Comme on pouvait s’y attendre, différentes notions de l’expiation ont été proposées tout au long de l’histoire de l’Eglise; certaines sont justes, d’autres fausses. Leur étude, même sommaire, poursuit deux buts: nous empêcher de tomber dans les erreurs commises par certains et nous aider à formuler la vérité de façon plus précise en tenant compte des erreurs du passé.
Rançon payée à Satan Concepteur: Origène (185-254) Enseignement: La mort de Christ fut une rançon payée à Satan pour satisfaire ses revendications à l’égard de l’humanité. Mais en fin de compte, Satan fut trompé. La Bible ne précise pas à qui la rançon fut versée.
Récapitulation Concepteur: Irénée (130-202) Enseignement: Christ récapitula en lui-même toutes les étapes de la vie, y compris ce qui nous appartient en tant que pécheurs. Son obéissance remplaça la désobéissance d’Adam; cette substitution a pour effet de transformer notre vie.
Satisfaction Concepteur: Anselme (1033-1109) Cur deus homo Enseignement: L’homme pécheur priva Dieu de son honneur. Dieu récompensa la mort de Christ en la considérant comme une oeuvre surérogatoire180, si bien qu’il peut nous créditer de tous ses mérites. Mais la foi est indispensable pour leur appropriation.
Influence morale Concepteur: Abélard (1079-1142), puis Schleiermacher, Ritschl, Bushnell Enseignement: La mort de Christ n’expia pas le péché, mais représenta une communion à la souffrance des créatures pour leur prouver l’amour de Dieu. Cet amour qui souffre devrait provoquer chez le pécheur un amour en réponse et entraîner des changements éthiques en lui. C’est ainsi qu’il sera libéré de la puissance du péché.
Valeur d’exemple Concepteur: Socin (1539-1604)
Enseignement: La mort de Christ n’opéra pas l’expiation du péché, mais révéla la foi et l’obéissance comme chemin d’accès à la vie éternelle et comme incitation à mener une vie semblable à celle de Christ.
Nécessité gouvernementale Concepteur: Grotius (1583-1645), puis Wardlaw, Miley Enseignement: Le gouvernement divin exigeait la mort de Christ pour bien montrer à quel point Dieu était irrité contre le péché. Christ ne subit donc pas le châtiment prévu par la loi, mais Dieu accepta ses souffrances à la place de cette sanction.
Drame Concepteur: Aulen (1879-1978) Enseignement: Par sa mort, Christ remporta la victoire sur les puissances du mal.
Conception barthienne Concepteur: Barth (1886-1968) Enseignement: La mort de Christ fut principalement une révélation de l’amour de Dieu et de sa haine envers le péché.
Substitution pénale Concepteur: Calvin (1509-1564) Enseignement: Le Christ exempt de péché prit sur lui le châtiment qui aurait dû frapper les hommes et les autres.
Conclusion On peut classer ces différentes conceptions dans trois grandes catégories: (1) celles qui considèrent que la mort de Christ est une rançon payée à Satan (Origène, le Suédois Gustav Aulen); (2) celles qui estiment que la mort de Christ constitue un puissant exemple capable d’influencer les hommes (Abélard, Socin, le Hollandais Hugo de Groot dit Grotius, Barth); (3) celles qui présentent la mort de Christ comme un châtiment réclamé par la justice de Dieu et une substitution (peut-être Anselme, quoique son explication soit insuffisante, et les réformateurs). Les interprétations qui n’incluent pas la substitution pénale peuvent être partiellement vraies, mais il importe de rappeler que cette vérité, si elle existe, ne peut sauver éternellement. Seule la mort substitutive de Christ peut procurer ce que la justice de Dieu réclame et servir ainsi de base au don de la vie éternelle pour ceux qui croient. 180 Surérogatoire: c’est-à-dire allant au-delà de ce qui est dû. (N.d.E.)
54. La doctrine de l’élection La doctrine de l’élection constitue l’une des bases du salut, sans toutefois être la seule. D’autres doctrines, comme celles de la mort de Christ, de la foi, de la grâce efficace et de la régénération peuvent aussi être considérées comme fondamentales pour le salut. Toutes sont nécessaires pour l’aboutissement du plan de Dieu relatif au salut des hommes.
I. Les principaux points de vue concernant l’élection A. L’élection par prescience divine Les défenseurs de cette conception affirment que Dieu élit en fonction de la foi qu’il voit d’avance. «Par élection, nous désignons l’acte souverain de Dieu par lequel, dans sa grâce, il choisit pour le salut en Jésus-Christ tous ceux dont il sait d’avance qu’ils l’accepteront.»181 Il est sans doute vrai qu’une grande majorité d’évangéliques, consciemment ou non, partagent ce point de vue sur l’élection: Dieu a parcouru d’avance toute l’échelle du temps, a vu ceux qui accepteraient Christ et les a élus pour le salut. Une telle conception de l’élection, qui s’appuie sur la prescience divine, c’est-à-dire sur le fait que Dieu connaît d’avance toutes choses, exclut toute action élective de sa part avant l’origine du temps.
B. L’élection communautaire Karl Barth a défendu une forme de cette théorie. Il enseignait que l’élection avait consisté d’abord à élire Christ, puis la communauté, enfin les individus. Pour ce théologien, tous sont élus en Christ, bien que les incroyants ne le sachent pas. C’est pourquoi, à cause de sa doctrine de l’élection, Barth a été accusé d’universalisme182. Selon une forme évangélique de ce même concept (influencée par Barth dans certains cas, pas dans d’autres), l’élection correspondrait au choix, en Christ, d’un groupe, à savoir l’Eglise, mais non à celui d’individus tant qu’ils ne sont pas devenus membres de ce groupe par la foi. Cette forme évangélique ne suggère pas l’universalisme, bien que l’idée d’élection communautaire soit partagée par les deux courants. Il n’est en tout cas pas question de parler d’individus élus avant la fondation du monde; c’est l’Eglise qui a été élue en Christ (Ephésiens 1:4). Lorsqu’un individu croit en Christ, il se place dans ce groupe et peut alors affirmer être élu. «Qu’a donc choisi Dieu avant la fondation du monde? L’Eglise. Pas des individus, mais le corps de Christ.»183
C. L’élection individuelle avant l’origine du temps Pour les tenants de cette interprétation, l’élection est «l’acte éternel par lequel, selon son bon plaisir souverain, Dieu choisit un certain nombre de personnes, chez lesquelles il ne discerne aucun mérite prévisible, pour être les bénéficiaires de la grâce spéciale et du salut éternel»184. L’élection est donc inconditionnelle (rien dans la créature ne conditionne le choix de Dieu), prétemporelle (avant la fondation du monde), imméritée (opérée par pure grâce) et constitue le fondement du salut. Les partisans de ce point de vue reconnaissent que l’élection se fait en Christ, mais ils entendent par là qu’il est le fondement, la cause et le garant de l’élection d’individus. Ils rejettent le concept d’une élection communautaire et insistent plutôt sur le fait que Dieu élit des individus (mais pas en fonction de sa connaissance anticipée de ce qu’ils feront ou seront) et qu’ensuite, ces individus élus forment le groupe, l’Eglise.
II. La terminologie de l’élection Une compréhension correcte d’un certain nombre de termes liés de façon directe ou indirecte à l’élection permettra de formuler cette doctrine de manière plus biblique. Le fait que, souvent, l’on ne prend pas suffisamment de ses facettes en compte constitue l’obstacle majeur à sa bonne définition. Aucun esprit humain ne parviendra jamais à concilier de façon pleinement satisfaisante la souveraineté de Dieu et la liberté de l’homme, mais vouloir occulter ces difficultés ou les opposer l’une à l’autre au profit d’une prétendue harmonie ne résout rien.
A. La terminologie à l’arrière-plan Certains termes et concepts forment la toile de fond sur laquelle s’inscrit l’élection. 1. Omniscience. Dieu a une connaissance innée de toutes choses, réelles ou possibles. C’est pourquoi ses choix ont été faits avec la plus grande connaissance possible. 2. Décret, plan, dessin. Le décret de Dieu désigne son projet pour toutes choses. Un décret en contient beaucoup d’autres. Décréter et prédestiner sont des concepts théologiques synonymes, mais ils insistent manifestement davantage sur l’aspect de souveraineté que sur celui de libre arbitre. Le terme «plan» a moins la connotation de souveraineté; quant au mot «dessin», il revêt un sens assez neutre. L’Ecriture enseigne clairement que le plan de Dieu inclut toutes choses (Ephésiens 1:11), mais elle montre aussi que Dieu intervient dans le cours d’événements spécifiques de façon plus ou moins forte et plus ou moins directe. Parfois il intervient de façon péremptoire (Deutéronome 32:39; Actes 5:1-11), le plus souvent il agit par le biais des lois naturelles
qu’il a établies et n’en modifie pas le cours pour faire exception, même pour les croyants (Philippiens 2:30). Parfois, il laisse les humains donner la pleine mesure de leur nature pécheresse sans bornes (Romains 1:24, 26, 28), parfois il s’attend simplement à ce que nous fassions certains choix en fonction de ce qui nous paraît juste ou selon nos désirs (1 Corinthiens 10:27). Compte tenu de cette gamme variée de possibilités, il me semble personnellement qu’un autre mot que «décret» traduirait mieux l’ensemble de ces aspects. Le mot «plan» semble mieux convenir. Le terme «dessin» est trop neutre et donnerait à penser que Dieu a en quelque sorte fait l’ébauche, le travail initial, puis qu’il a confié la suite à d’autres. Le plan présuppose un architecte, un concept fort utile dans l’élaboration de la doctrine de l’élection. Dieu est l’architecte d’un projet qui inclut toutes choses, mais dans une grande variété de relations entre elles. Les plans d’un architecte sont très détaillés, ceux de Dieu aussi. Dans un projet de construction d’immeuble, les experts peuvent prédire combien d’ouvriers se blesseront, et même statistiquement combien risquent de perdre la vie. De telles statistiques sont incluses dans le plan de construction, mais cela ne nous permet pas de tenir l’architecte pour responsable des blessures et des accidents mortels (en supposant qu’il a pris toutes les mesures de sécurité). Les accidents ont généralement pour causes la négligence des ouvriers, leur insouciance, le non-respect des règles. A qui la faute? A ceux qui font preuve de légèreté et de négligence. Le plan de Dieu a été établi de telle sorte que la responsabilité du péché incombe aux individus, même si Dieu a inclus en toute connaissance de cause le péché dans son plan. 3. Souverain, libre. Ces synonymes ne peuvent s’appliquer qu’à Dieu dans leur sens absolu. Lui seul est souverain et libre. Nous ne connaissons l’usage qu’il fait de cette souveraineté et de cette liberté que par la révélation de son plan tel que nous l’avons examiné au paragraphe précédent. Il va de soi que, lorsqu’il décide de lui-même de se limiter, il n’en reste pas moins souverain et libre. Etre souverain, c’est être suprême; Dieu a toujours été, est encore et sera à jamais le Souverain qui a librement choisi son plan.
B. La terminologie directe 1. Election. Le terme d’élection souligne le libre choix, effectué par Dieu, d’individus pour le salut (nous ne considérons pas ici l’élection de Christ, d’Israël ou des anges). Quand Paul utilise le verbe (eklegomai), il le fait à la voix moyenne185, pour indiquer clairement que le choix de Dieu est libre et qu’il sert ses projets (1 Corinthiens 1:27-28; Ephésiens 1:4). Les chrétiens individuels de Thessalonique avaient été choisis (2 Thessaloniciens 2:13); beaucoup de ceux qui avaient été mis à part (antérieurement à leur conversion ) dans le groupe de ceux qui auraient la vie éternelle ont cru (Actes 13:48); Paul était un instrument
choisi (pour le salut et pour le service, Actes 9:15; Galates 1:15); le nom de certains individus n’a pas été écrit avant la fondation du monde dans le livre de vie (Apocalypse 13:8; 17:8), ce qui doit signifier que le nom d’autres l’a été. L’élection est inconditionnelle et personnelle. Les élus de l’ère présente n’ont pas été choisis parmi les gens en vue de ce monde (1 Corinthiens 1:27-28; Jacques 2:5). Ils l’ont été avant la fondation du monde (Ephésiens 1:4), et parce qu’ils ont été choisis, ils sont tenus de mener une vie de sainteté (Colossiens 3:12; 2 Pierre 1:10). 2. Prédestination. Prédestiner, c’est fixer d’avance la destinée. Le verbe proorizô signifie délimiter d’avance. Dieu a prédestiné la mort de Christ et sa signification (Actes 4:28; 1 Corinthiens 2:7). Les élus de Dieu sont prédestinés à l’adoption (Ephésiens 1:5), à un héritage (Ephésiens 1:11) et à la ressemblance finale à Christ (Romains 8:28-29). Bibliquement parlant, la prédestination ne concerne que les élus et leur garantit à la fois leur position présente et leur destinée future. Dans le langage théologique, le terme en est venu à inclure pratiquement toutes choses et est en quelque sorte devenu synonyme du plan global de Dieu. A partir de cette définition théologique il a été facile, pour une certaine forme de calvinisme, de faire un pas de plus et de parler aussi de la prédestination de ceux qui n’ont pas été élus. Cela a donné naissance à la doctrine de la double prédestination. Sachons qu’il s’agit là d’une déduction logique qui ne repose pas sur des textes bibliques. La Bible déclare formellement que les élus ont été prédestinés, mais elle ne suggère jamais qu’un décret similaire élit certaines personnes à la condamnation. Les Ecritures semblent laisser planer un voile de mystère sur cette question, n’essayons pas de le percer. 3. Prescience. Le verbe proginôskô est utilisé à propos (a) d’une connaissance antérieure d’un point de vue temporel (Actes 26:5; 2 Pierre 3:17), (b) de la relation de Dieu avec Israël (Romains 11:2), (c) du sacrifice de Christ (Actes 2:23; 1 Pierre 1:20) et (d) de la relation de Dieu avec son peuple actuel (Romains 8:29; 1 Pierre 1:2). Le débat s’articule principalement autour de la question: jusqu’où s’exerce la prescience? Ce concept signifie-t-il que Dieu connaissait d’avance dans le sens qu’il prévoyait (prévoyait), mais sans qu’aucune relation ne soit rattachée à ce fait? Selon une variante de cette idée, prévoyait-il la foi, mais non les personnes? Ou, comme l’affirme le calvinisme, cette prescience signifie-t-elle que Dieu s’est lié à certaines personnes avant l’apparition du temps, d’une manière telle que cette relation est causative et que la prescience signifie pratiquement prédestination ou prédétermination? Manifestement, ce qui est connu d’avance, c’est les êtres humains, pas leur foi (Romains 8:28-29). Manifestement aussi, la prescience en tant que simple perception n’est pas le fondement de l’élection, car 1 Pierre 1:2 fait intervenir une décision de Dieu. L’élection est en harmonie («selon», kata) avec la
prescience, et celle-ci inclut le mécanisme qui produit le choix. La notion d’une certaine relation et/ou décision fait donc partie intégrante de la notion de prescience. Le 1 Pierre 1:20 comporte ces deux idées, sinon il ne dirait rien du sacrifice de Christ. On retrouve cette note de décision et de certitude dans Actes 2:23 et Romains 11:2. Un usage apocryphe du terme intègre aussi le caractère de certitude: «Tes jugements [sont] portés avec prévoyance» (Judith 9:6, Bible de Jérusalem). Il est certain que le mot n’exprime pas clairement l’idée d’élection, mais il ne peut se réduire à un concept neutre de simple perception. Il comporte l’idée d’une décision qui implique une assurance découlant d’une certitude.
C. La terminologie opposée J’entends par l’expression «terminologie opposée» les idées présentes dans les concepts de rétribution et de prétérition. La rétribution se définit comme le châtiment mérité, alors que la prétérition, au sens théologique du terme, désigne l’omission de ceux qui n’ont pas été élus au salut. Les deux termes évitent le concept, présent dans la double prédestination ou dans la notion de réprobation, de la prédestination à la perdition. Aucun de ces vocables n’apparaît dans l’Ecriture, bien que l’idée soit clairement enseignée dans Romains 9:18, 21; 1 Pierre 2:8 et Apocalypse 17:8. On peut donc dire que les Ecritures présentent une doctrine de la prétérition, même s’il n’existe pas un décret en vue de la condamnation dans le même sens qu’il existe un décret en vue de l’élection. A vrai dire, l’idée même d’élection doit comprendre l’idée d’un grand nombre du milieu duquel les élus ont été choisis, et ceux qui n’ont pas été élus ont certainement été ignorés. Cela ne permet en aucun cas de penser que Dieu se réjouisse du sort des méchants, ni que ceux-ci soient exclus contre leur volonté, ni que la doctrine de l’élection rende caduc le «quiconque» de l’Evangile, ni qu’un individu puisse savoir qu’il n’est pas élu et que, par conséquent, son rejet de Christ soit excusé. Dieu tient tous les êtres humains pour responsables de leur attitude à l’égard de Christ.
III. La doctrine de l’élection en résumé A. Enracinée dans l’être de Dieu Si l’élection opérée par Dieu s’enracine dans son être, il s’ensuit que l’acte par lequel il élit des êtres humains doit être compatible avec tous ses attributs. Cet acte repose sur son omniscience, si bien que nous pouvons être totalement assurés que, lorsqu’il a élu, il l’a fait en connaissant parfaitement toutes les autres possibilités. Il découle de l’exercice de sa volonté souveraine, si bien que rien ne l’a contraint à agir comme il l’a fait. Il est l’œuvre d’un Dieu qui est amour, de sorte que la prédestination a été décidée dans son amour
(Ephésiens 1:4-5). Il traduit sa compassion; autrement, comment Dieu aurait-il aimé Jacob (Romains 9:15)? Il démontre sa grâce incomparable (Ephésiens 2:7-8) et a pour objectif suprême la manifestation de la gloire de Dieu (Ephésiens 1:6, 12, 14). Nous avons tendance à insister sur le fait que Dieu élit. Nous devons aussi nous rappeler que c’est Dieu qui élit. Il ne peut rien accomplir qui soit dénué d’amour ou de justice.
B. Touchant des individus Comme déjà précisé, Dieu a choisi des individus qui, rassemblés, constituent son peuple.
C. Pas fondée sur la prescience divine L’élection divine ne se fonde pas sur la prescience, au sens de fait de connaître d’avance. La prescience divine n’est pas un concept neutre, mais elle implique un certain type de relation.
D. Antérieure à la fondation du monde Dieu ne nous a pas choisis après que nous-mêmes l’aurions choisi (Ephésiens 1:4).
E. Insuffisante pour le salut Certes, l’élection garantit que ceux qui ont été élus seront sauvés, mais l’élection seule ne les sauve pas: les hommes sont sauvés par la foi dans la mort substitutive de Christ. Il faut évidemment qu’ils aient, d’une certaine manière, connaissance de cette mort pour que leur foi ait un contenu. Ainsi, l’élection, la mort de Christ, le témoignage rendu à cette mort et la foi personnelle sont autant d’éléments nécessaires au salut de l’individu. La seule élection ne sauve pas.
F. Un objectif en vue L’élection poursuit un but et n’est pas aléatoire. Le but de l’élection pour nous, c’est le service et les œuvres bonnes (Jean 15:16; Galates 1:15-16; Ephésiens
2:10;
1 Thessaloniciens 1:4-10). Pour Dieu, son but est la manifestation de la gloire divine (Ephésiens 1:6, 12, 14). C’est pourquoi la doctrine de l’élection est très stimulante et ne devrait jamais former un oreiller de paresse pour la vie spirituelle du chrétien (Colossiens 3:12).
IV. Les objections à la doctrine de l’élection L’élection ne représente évidemment qu’une partie de l’ensemble du décret, du plan ou de la souveraineté de Dieu. Les objections suivantes sont celles qui sont le plus souvent soulevées contre cette doctrine.
A. Synonyme de fatalisme On prétend parfois que la doctrine de l’élection équivaut à du fatalisme. Cette objection revêt la forme populaire suivante: «Ce qui doit arriver arrivera, et je ne peux rien contre.» Or, il y a entre la doctrine biblique du décret divin et un faux enseignement qui ferait équivaloir l’élection à la fatalité deux différences très importantes: (1) derrière le décret divin se trouve un être intelligent et rempli d’amour, alors que la fatalité résulte d’un hasard impersonnel et aveugle; (2) la fatalité ne laisse aucune place à l’importance des moyens, elle n’insiste que sur la fin, alors que le décret de Dieu comprend tous les moyens permettant d’arriver aux fins. Ils sont d’ailleurs essentiels pour y parvenir. C’est pourquoi la doctrine biblique accorde sa juste place à la responsabilité humaine. Ce qui doit arriver arrivera par certains moyens, mécanismes et actes responsables de l’homme. Ephésiens 1:11 met en lumière l’aspect «toutes choses» et pas seulement les fins.
B. Incompatible avec la liberté humaine La notion d’élection serait incompatible avec celle de liberté humaine. C’est la même objection que celle soulevée dans Romains 9:19: pourquoi Dieu condamnerait-il, puisque personne ne peut résister à sa volonté, si tout est inscrit dans son plan? S’il est vrai que Dieu a le droit de faire tout ce qui est conforme à sa nature, il est aussi vrai qu’il a choisi d’exercer ses droits en faisant intervenir les actes responsables et relativement libres des hommes (Philémon 14; Apocalypse 17:13 associé avec Apocalypse 17:17). Je dis bien «actes relativement libres» parce que personne ne jouit de la liberté absolue, ne serait-ce qu’à cause des limitations qu’implique notre état de créatures déchues. Dieu nous a créés responsables, de sorte que si nous négligeons d’agir de façon responsable, nous sommes condamnés à juste titre. Voici une illustration. Dieu connaît-il le jour de votre mort? Bien sûr! Pourriez-vous mourir un jour plus tôt? Certainement pas. Alors pourquoi mangez-vous? Pour vivre. L’acte par lequel vous vous nourrissez est un moyen essentiel de rester en vie jusqu’au jour fixé de votre mort. On peut facilement transposer cette illustration dans le domaine de l’hypothétique. Supposons que je ne m’alimente pas: je signe mon arrêt de mort. Le jour de ma mort correspond-il alors à celui que Dieu a prévu pour ma mort? Ce sont là des questions qui ne se posent pas et qui n’appellent pas de réponse. Contentez-vous de manger. Changeons d’illustration. Dieu a-t-il décidé d’exaucer mes prières? Oui. Alors pourquoi prier? Parce que Dieu me répond quand je prie. Dieu connaît-il ceux qui sont élus? Bien sûr, puisque c’est lui qui les a élus. L’un d’eux peutil se perdre? Non. Alors pourquoi prier et témoigner? Parce que Dieu a choisi ces moyens pour qu’ils soient sauvés. Se pourrait-il qu’un élu néglige de croire? Non. Alors pourquoi
faut-il qu’il croie? Parce que c’est le seul moyen pour lui d’être sauvé. A moins de croire, les élus ne seront pas sauvés. Ne torturez pas votre esprit par des questions purement théoriques et inutiles. Efforcez-vous plutôt de tout votre être de faire ce qui est la volonté de Dieu et assurez-vous que vous agissez de façon responsable.
C. Dieu auteur du péché La doctrine de l’élection fait de Dieu l’auteur du péché, affirme-t-on. Nous devons certes reconnaître que Dieu a conçu un plan qui inclut le péché et que l’apparition du péché ne l’a pas pris au dépourvu. Nous devons cependant nous en tenir fermement à l’Ecriture qui affirme que Dieu hait le péché (Psaume 5:6), qu’il n’est jamais responsable des péchés que nous commettons (Jacques 1:13) et que la présence du péché dans le plan de Dieu ne rend pas le péché moins détestable, ni nous moins coupables. Tout ce que la Bible déclare concernant l’apparition concrète du péché, c’est qu’il a été trouvé chez Satan (Ezéchiel 28:15). D’après Esaïe 45:7, on peut penser que Dieu a inclus le mal dans son plan; certains pensent toutefois que ce verset s’applique aux conséquences du péché, comme les calamités. Proverbes 16:4 enseigne que Dieu a tout inclus dans son plan. Adoptons une attitude équilibrée à propos de cette vérité et acceptons de vivre avec des questions sans réponse. Supposons un instant que toutes choses ne soient pas, d’une manière ou d’une autre, incluses dans le plan de Dieu. Cela signifierait qu’il existe des choses qui échappent à son contrôle. Voilà une idée terrifiante! Ecoutons Calvin: Or en cet endroit on peut voir une singulière félicité des fidèles. La vie humaine est environnée, et quasi assiégée de misères infinies. Sans aller plus loin, puisque notre corps est un réceptacle de mille maladies, et même en nourrit en soi les causes, quelque part où aille l’homme il porte plusieurs espèces de mort avec lui, tellement qu’il traîne sa vie quasi enveloppée avec la mort. Car que dirons-nous autre chose, quand on ne peut avoir froid ni suer sans danger? Davantage, de quelque côté que nous nous tournions, tout ce qui est à l’entour de nous non seulement est suspect, mais nous menace quasi ouvertement, comme s’il nous voulait intenter la mort. Montons en un bateau: il n’y a qu’un pied à dire entre la mort et nous. Que nous soyons sur un cheval: il ne faut sinon qu’il chope d’un pied pour nous faire rompre le col. Allons par les rues: autant qu’il y a de tuiles sur les toits, autant sont-ce de dangers pour nous. Tenons une épée, ou que quelqu’un auprès de nous en tienne: il ne faut qu’un rien pour nous en blesser. Autant que nous voyons de bêtes, ou sauvages, ou rebelles, ou difficiles à gouverner, elles sont toutes armées contre nous.
Enfermons-nous en un beau jardin, où il n’y ait que tout plaisir: un serpent y sera quelquefois caché. Les maisons où nous habitons, comme elles sont habituellement sujettes à brûler, de jour nous menacent de nous appauvrir, de nuit de nous accabler. Quelques possessions que nous ayons, en tant qu’elles sont sujettes à grêles, gelées, sécheresse, et autres tempêtes, elles nous dénoncent
stérilité,
et
par
conséquent
famine.
Je
laisse
là
les
empoisonnements, les embûches, les violences desquelles la vie de l’homme est partie menacée en la maison, partie accompagnée aux champs. Entre telles perplexités, ne faudrait-il pas qu’un homme fût plus que misérable? A savoir, d’autant qu’en vivant il n’est qu’à demi en vie, s’entretenant à grand’ peine en langueur et détresse, tout comme s’il se voyait le couteau à la gorge à chaque heure. Quelqu’un dira que ces choses adviennent peu souvent, ou pour le moins qu’elles n’adviennent pas toujours, ni à tout le monde; d’autre part qu’elles ne peuvent advenir jamais toutes en un coup. Je le confesse: mais parce que par l’exemple des autres nous sommes avertis qu’elles peuvent nous advenir, et que notre vie ne doit pas être exemptée de nulle d’entre elles, il ne se peut faire que nous ne les craignions comme si elles nous devaient advenir. Quelle misère pourrait-on imaginer plus grande, que d’être toujours en tel tremblement et angoisse? Davantage, cela ne serait point sans l’opprobre de Dieu, de dire qu’il eût abandonné l’homme, la plus noble de ses créatures, à la témérité de fortune.186 Joignons-nous ensuite à Paul dans la magnifique doxologie qui termine son exposé détaillé sur l’élection: «O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles! Car qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller? Qui lui a donné le premier, pour qu’il ait à recevoir en retour? C’est de lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses. A lui la gloire dans tous les siècles! Amen!» (Romains 11:33-36). 181 Henry C. Thiessen, Introductory Lectures in Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1959, p. 344. Signalons toutefois que, dans sa révision de l’ouvrage en 1981, Doerksen ne conserva pas cette définition (p. 258). 182 Universalisme: conception qui affirme que Christ est mort pour tous et que tous sont sauvés. (N.d.E.) 183 Dan Esterline, «The Doctrine of Predestination», Moody Monthly, février 1979, p. 86. Voir aussi Roger T. Forster et V. Paul Marston, qui partagent ce point de vue, God’s Strategy in Human History, Wheaton, Illinois, Tyndale, 1975, ainsi que Robert Shank, Elect in the Son, Springfield, Mo, Westcott, 1970, pp. 48-49. 184 L. Berkhof, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1941, p. 114.
185 Voix moyenne: voix du verbe grec de forme passive mais de sens actif; elle désigne une action qui est faite dans l’intérêt du sujet. (N.d.E.) 186 Jean Calvin, Institution chrétienne, livre I, chapitre XVII, 10.
55. L’étendue de l’expiation I. La question L’idée d’une «expiation limitée» ou d’une «rédemption particulière» pourrait difficilement être considérée comme une doctrine cardinale. Elle fait néanmoins souvent l’objet de débats houleux. Berkhof est de ceux qui défendent ce point de vue et qui posent le problème ainsi: «Est-ce dans le dessein ou le but de sauver uniquement les élus ou tous les hommes que le Père a envoyé le Fils et que Christ est venu dans le monde pour faire l’expiation des péchés? C’est bien la question et la seule question.»187 Si effectivement la question est bien posée, la réponse est claire: l’expiation était limitée, car Christ n’est pas venu dans le monde pour sauver tous les hommes. Notre compréhension de l’élection ne peut déboucher sur une autre réponse. Mais la question de Berkhof est-elle bien posée? Je réponds par la négative. Il est faux de dire que «c’est la question et la seule question». Il est plus juste de formuler le problème autrement: en venant dans le monde, Christ avait-il l’intention de pourvoir au salut de tous les humains, en sachant que le Père attirerait à lui les élus et permettrait aux autres de rejeter l’offre du salut accompli? Le fait que certains rejettent le salut ne le rend pas caduc et ne signifie pas que l’offre ne les concernait pas. En disant qu’un père pourvoit à une nourriture suffisante pour sa famille, nous n’excluons pas la possibilité pour certains membres de refuser de prendre ce qui a été acquis. Mais leur refus ne signifie pas que la quantité de nourriture suffisait juste pour les besoins de ceux qui ont accepté de s’en nourrir. De même, la mort de Christ couvre les péchés de tous les êtres humains, de ceux qui l’acceptent comme une rançon pour leurs péchés, comme de ceux qui la refusent. Le refus d’accepter ne limite pas la provision faite. Pourvoir et posséder sont deux choses différentes.
II. Les divers points de vue Les arminiens acceptent le principe de la rédemption universelle ou de l’expiation illimitée (en plus de l’idée que la grâce suffisante est offerte à tous, de sorte que tous peuvent croire). Parmi les calvinistes, certains optent pour la rédemption universelle (les calvinistes «des quatre points», ou amyraldistes, disciples de Moïse Amyraut, 1596-1664), tandis que d’autres enseignent la rédemption particulière (les ultra-calvinistes ou calvinistes «des cinq points»188). Selon ces derniers, Christ est mort pour obtenir le salut des élus; les effets de sa mort se limitent donc aux élus (expiation limitée). Les calvinistes modérés estiment, eux,
que la mort de Christ représente une substitution suffisante pour tous; sa portée est donc illimitée. Ces points de vue sont liés à la question de l’ordre des décrets divins. La discussion s’articule davantage autour de la logique que de la révélation, et elle ne sert qu’à mettre en lumière les différentes perspectives possibles lorsqu’on tente de déterminer un ordre entre les différentes parties du décret unique de Dieu, avec un accent particulier sur la relation entre l’élection et la chute (lapsus en latin). Les supralapsariens placent l’élection en premier (supra, «au-dessus») et la font suivre des décrets consistant à créer, permettre la chute et pourvoir au salut des élus. Les infralapsariens (infra, «au-dessous») classent les décrets de la façon suivante: création, chute, élection et provision du salut pour les élus. Les sublapsariens (sub, «en bas») adoptent un autre ordre encore: création, chute, provision du salut pour tous, élection de quelques-uns au salut. Certains théologiens gomment la différence entre infra et sub. Je constate, personnellement, qu’aucun de ces schémas ne confirme quoi que ce soit. On ne peut fixer, ni même tant soit peu éclairer, l’objet de la discussion – l’étendue de l’expiation – en décidant d’un ordre des décrets.
III. Quelques affirmations importantes Dans l’examen de la question de la portée de l’expiation, il importe de garder certaines vérités clairement présentes à l’esprit. (1) Les partisans d’une rédemption universelle ne sont pas des universalistes: ils ne croient pas au salut final de tous les humains. Leur conception ne débouche pas nécessairement ni logiquement sur une telle conclusion hérétique. (2) Tous les hommes sont perdus, y compris les élus. Le fait qu’un individu est élu ne le rend en aucune manière moins perdu qu’un individu non élu. (3) Quiconque sera sauvé doit croire. Le Père attirera cette personne, mais elle devra venir à lui (Jean 6:37, 44). (4) Certains passages de l’Ecriture lient tout particulièrement l’expiation aux élus – voir des exemples évidents dans Jean 10:15 et Ephésiens 5:25 – et des partisans de l’expiation illimitée le reconnaissent. Mais la question n’est pas là. Le vrai problème, le voici: y a-t-il des passages bibliques qui étendent la portée de l’expiation au-delà des élus? Les partisans de l’expiation limitée disent que non et tentent d’expliquer autrement les passages qui semblent étendre l’expiation. Autrement dit, les partisans d’une expiation illimitée reconnaissent que l’expiation est à la fois limitée et illimitée; ceux d’une expiation limitée
affirment mordicus que l’expiation est strictement limitée, et pensent qu’aucun passage biblique qui donne l’impression d’enseigner l’expiation illimitée ne l’enseigne vraiment.
IV. Quelques considérations exégétiques A. 2 Pierre 2:1 On admet généralement que le verset le plus difficile à harmoniser avec la conception de l’expiation limitée est celui de 2 Pierre 2:1. Apparemment en effet, le Seigneur a payé le prix de la rédemption des faux docteurs (qui ne figurent pas parmi les élus), puisque leur enseignement renie le maître qui les a rachetés (agorazô). Autrement dit, Pierre semble accréditer l’idée que, par son sacrifice, Christ a payé le prix de la rédemption de ces êtres non élus. Selon certains tenants de la rédemption particulière, Pierre ne ferait que rapporter ce que les faux docteurs enseignaient: ils affirmaient que le Seigneur les avait rachetés, mais en réalité il ne l’avait pas fait, puisqu’il n’est mort que pour les élus. Pierre se contenterait donc de reconnaître ce qu’ils déclaraient sans cautionner leurs propos, qui ne correspondaient pas à la vérité (cela va de soi pour les partisans de l’expiation limitée). Toutefois, il faut reconnaître que, même si une parole est prononcée par des faux docteurs, elle peut être vraie; on ne peut donc pas considérer des propos comme faux simplement parce qu’ils sortent de leur bouche. Le plus probable, c’est que Pierre soulignait la gravité de leur défection en insistant sur le fait qu’ils reniaient le Seigneur qui les avait rachetés. On appelle parfois cette conception celle de la «charité chrétienne». D’autres comprennent la parole de Pierre ainsi: en tant que Créateur, le Seigneur a racheté ces hommes non élus dans la mesure où, au titre de Créateur, il les possédait. Dans cette interprétation, le verbe agorazô («acheter», «racheter») en vient à signifier ktizô («créer»). Le Seigneur les aurait possédés au même titre qu’il posséda Israël lorsqu’il le délivra, pour une délivrance non éternelle, des Egyptiens (Deutéronome 32:6). A l’appui de cette interprétation, les tenants d’une rédemption particulière avancent trois arguments: (1) Lorsque le Nouveau Testament utilise, comme dans 2 Pierre 2:1, le mot grec despotês pour «Seigneur» ou «maître», il l’applique à Dieu, et non à Christ (voir par exemple Actes 4:24; Apocalypse 6:10); or, pour que ce verset parle d’un rachat sotériologique, le terme devrait désigner Christ. On peut rétorquer que, si le terme s’applique généralement au Père quand il concerne la divinité, Jude 4 l’utilise manifestement à propos de Christ. Si tel est bien le cas, il n’y a aucune raison pour que ce vocable ne puisse pas désigner Christ dans
2 Pierre 2:1. (2) Dans d’autres cas néotestamentaires où le verbe agorazô renvoie à la rédemption sotériologique, le contexte mentionne toujours le prix. Puisque 2 Pierre 2:1 n’évoque aucun prix, le verbe ne s’y applique par conséquent pas à la rédemption-salut, mais à la possession de la créature par le Créateur. On peut objecter que, dans Apocalypse 14:4, le contexte ne mentionne aucun prix à propos de la rédemption des 144000. Il est donc possible que 2 Pierre 2:1 renvoie à la rédemption au sens du salut bien qu’il ne mentionne aucun prix particulier. (3) Le verbe agorazô est toujours utilisé dans des contextes où l’achat correspond à une transaction bien réelle. Comme les faux docteurs de 2 Pierre 2:1 n’étaient pas effectivement sauvés, le verbe agorazô ne peut s’appliquer à un rachat en vue du salut, puisque l’acquéreur potentiel n’a pas véritablement pris possession des faux docteurs. A quoi on peut répondre que Luc 14:18-19 relate une authentique opération commerciale d’achat sans même que l’acquéreur n’ait encore vu le bien acquis. Les défenseurs d’une rédemption illimitée prétendent que, de la même manière, Christ a vraiment racheté les faux docteurs (autrement dit, il est mort pour eux) même s’il ne les a jamais possédés (c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas sauvés).189
B. 1 Jean 2:2 1 Jean 2:2 semble aussi affirmer de façon plutôt claire que Christ est mort pour le monde entier, puisqu’il présente Christ comme une «victime expiatoire pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier». Le possessif «nôtres» s’applique vraisemblablement à ceux qui sont ou seront sauvés, par opposition à l’expression «ceux du monde entier» qui désigne ceux qui ne le sont pas. Comment les adeptes de l’idée d’une expiation limitée peuvent-ils concilier ce verset avec leur position? Ils font trois suggestions. Dans les trois, le «nous» sous-entendu par le possessif «nôtres» et l’expression «le monde entier» s’ajoutent pour former la totalité des élus. (1) Pour certains, le «nôtres» s’appliquerait aux élus vivant en Asie Mineure où se trouvait Jean, et «le monde entier» désignerait les élus vivant en dehors de cette province romaine d’Asie. En somme, il s’agirait d’une distinction géographique. (2) D’autres y voient une distinction raciale: le «nôtres» concernerait le péché des élus membres du peuple juif, et «le monde entier» les élus d’origine païenne.
(3) D’autres encore établissent une distinction chronologique: le «nôtres» désignerait les élus qui vivaient au premier siècle, «le monde entier» les élus des siècles suivants. En résumé, pour les tenants d’une expiation limitée, ce verset parle d’une expiation universelle sur le plan géographique, ethnique ou chronologique, mais n’inclut toujours que les élus, et non tout le monde.190 Il est certain que le mot «monde» ne désigne pas toujours «tout le monde» (voir Jean 12:19), mais aucun dictionnaire ne lui attribue le sens d’élus seulement. Par ailleurs, le seul autre cas où l’expression «le monde entier» revient dans les écrits de Jean se trouve dans 1 Jean 5:19, et là, il ne fait aucun doute qu’elle désigne bien tous les individus. On peut donc raisonnablement penser qu’elle a le même sens en 1 Jean 2:2. Il s’ensuit que Christ est mort pour tout le monde, même si les êtres humains ne sont finalement pas tous sauvés.
C. 1 Timothée 2:4-6; 4:10 Généralement, pour les défenseurs de l’expiation limitée, les «tous» de 1 Timothée 2:4-6 signifient «toutes sortes d’hommes». Christ serait mort pour toutes sortes de pécheurs (parmi les élus), et Dieu voudrait que toutes sortes de gens (parmi les élus) soient sauvés. Dans 1 Timothée 4:10, certains estiment qu’en tant que Sauveur, Christ accorde les bienfaits généraux de sa providence à tous les hommes, et en particulier aux croyants. Pour eux, le terme «Sauveur» n’a pas de connotation sotériologique. La logique qui sous-tend ces interprétations est la suivante: si Christ est le Sauveur de tous dans un sens absolu, tous doivent être sauvés; comme tous ne le sont pas, il ne peut donc pas être Sauveur dans le sens sotériologique habituel. On peut objecter ceci: Dieu n’est-il pas littéralement le Père de tous les peuples (Actes 17:29)? Pourtant, tous ne sont pas inclus dans la famille de ses rachetés (Galates 3:26). Par comparaison, on peut dire que Christ est le Sauveur de tous les hommes, sans que tous soient nécessairement sauvés.191
D. Hébreux 2:9 Dans Hébreux 2:9 encore, le texte semble clairement indiquer que l’expiation a une portée universelle. Autrement, comment l’auteur aurait-il pu affirmer que Christ a souffert la mort pour tous? Remarquons d’ailleurs que dans les versets qui précèdent, il utilise le mot «homme» dans son sens général, et pas pour désigner seulement les élus.
E. Jean 3:16 Les tenants d’une rédemption limitée sont obligés de dire que, d’après Jean 3:16, Dieu n’a
aimé que le monde des élus. L’un d’entre eux estime que ce texte souligne l’intensité de l’amour de Dieu; il met l’accent sur le fait que c’est un monde de pécheurs que Dieu a aimé. Il n’empêche qu’il limite l’amour de Dieu aux seuls pécheurs élus. Si Jean 3:16 revêt une signification aussi limitée, aucun partisan de la rédemption limitée ne peut déclarer à ses jeunes enfants que Dieu les aime, puisqu’il ne peut pas encore savoir à leur âge s’ils font partie des élus ou non. Or, dans Marc 10:21, il est manifeste que le Seigneur a témoigné son amour agapê envers un homme non sauvé (et donc non élu).
F. Actes 17:30 Actes 17:30 est on ne peut plus clair: Dieu ordonne à tous les hommes en tous lieux de se repentir. Faire dire à ce verset qu’il s’agit de tous les hommes sans distinction de race ou de rang qui habitent la terre et font partie des élus (comme il faudrait l’interpréter pour justifier la théorie d’une rédemption limitée) ne représente certainement pas l’exégèse la plus sûre! Une saine compréhension de ce texte va dans le sens d’une rédemption illimitée.
V. Quelques considérations théologiques A. La prédication universelle de l’Evangile Les avocats d’une rédemption illimitée s’appuient sur le fait que, pour prêcher la bonne nouvelle à tous, il faut que Christ soit mort pour tous. L’idée d’une rédemption illimitée semble plus compatible avec la prédication universelle de l’Evangile. Il faut cependant reconnaître qu’il y a des évangélistes partisans d’une rédemption limitée qui ne ménagent pas leurs efforts pour faire connaître l’Evangile. C’était le cas de Spurgeon, notamment. A l’inverse, il y a des chrétiens qui défendent le principe d’une rédemption illimitée et qui négligent leur responsabilité de témoigner à tous.
B. La valeur de la mort de Christ La mort de Christ perd-elle une partie de sa valeur si ceux pour lesquels il a donné sa vie ne sont pas tous sauvés? Les tenants de la rédemption limitée répondent que oui, et c’est pourquoi ils concluent que Christ n’est mort que pour les élus. Toutefois, si Dieu a décidé que la mort de son Fils aurait une valeur en tant que sacrifice universel donnant la possibilité au monde entier d’être sauvé, outre la valeur salvatrice réelle qu’il a pour les croyants, alors toute la valeur de cette mort est préservée, même si c’est de différentes façons.
C. Les péchés des non-élus payés deux fois? Certains défenseurs d’une rédemption limitée déclarent que, si Christ est mort pour tous,
alors les péchés de ceux qui ne sont pas élus subissent un double châtiment. En effet, ils ont déjà été payés une fois à la croix par la mort de Christ, et ils le seront une nouvelle fois lors du jugement par leur condamnation à l’étang de feu. Logiquement, il faudrait donc soit que la mort de Christ n’étende pas ses bienfaits aux hommes non élus, soit que ceux-ci ne soient pas jetés dans l’étang de feu. On peut soulever une question analogue: le péché de l’Israélite qui refusait d’asperger du sang de l’agneau pascal le montant de la porte de sa maison était-il frappé deux fois? La mort de l’agneau pascal couvrait ses péchés. Or, s’il n’aspergeait pas de son sang la porte de sa demeure, il mourait. Etait-ce un deuxième paiement pour ses péchés? Certainement pas, mais le premier paiement, pleinement suffisant, n’était pas crédité à cette maison particulière. La mort était une juste rétribution pour l’Israélite qui ne s’était pas approprié un sacrifice par ailleurs suffisant. L’expiation opérée par Christ est une rançon suffisante pour les péchés du monde entier, encore faut-il que l’individu s’approprie ce paiement par la foi. Le monde a été réconcilié avec Dieu (2 Corinthiens 5:19), mais les êtres réconciliés ont besoin de se réconcilier avec Dieu (2 Corinthiens 5:20). Voici une illustration. Dans une école où j’ai enseigné, le système d’entraide pour les étudiants fonctionnait ainsi: des gens faisaient des dons pour alimenter la caisse d’aide aux étudiants; ceux d’entre eux qui se trouvaient dans le besoin formulaient une demande d’aide; un comité décidait de l’identité du bénéficiaire et du montant alloué; l’étudiant recevait alors un chèque qu’il devait endosser et remettre à l’école, qui inscrivait cette somme sur son compte. Le montant de l’aide n’était pas crédité directement au compte de l’étudiant. Celui-ci recevait le chèque et devait le porter sur son compte. Supposons que vous fassiez un don qui couvre les frais de scolarité de l’étudiant pour un an. Vous pouvez à juste titre dire que vous avez payé ses frais pour son année d’étude. Mais tant que le comité n’aura pas sélectionné l’étudiant, que celui-ci n’aura pas reçu le chèque, ne l’aura pas endossé et placé sur son compte, ses frais de scolarité ne seront pas couverts. Si, par exemple, il oublie d’endosser le chèque, il ne lui sera jamais crédité, quand bien même il a été dûment établi! La mort de Christ paie pour tous les péchés de tous les êtres humains. Mais le montant ne sera crédité sur le compte d’aucun individu tant que celui-ci n’aura pas cru. S’il ne croit jamais, ses péchés ne seront jamais pardonnés, même si le prix du pardon a été pleinement payé. On peut comparer la mort de Christ à un généreux bienfaiteur qui paie les frais de scolarité de tous les étudiants de toutes les écoles. Si tel était le cas, que devrionsnous dire aux étudiants? Nous devrions leur communiquer la bonne nouvelle que leur scolarité est entièrement payée. Christ est mort pour tous. Que devons-nous dire au monde? 187 L. Berkhof, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1941, p. 394.
188 Les cinq points essentiels du calvinisme sont les suivants: (1) la nature humaine est totalement corrompue par le péché (dépravation totale); (2) l’élection divine est inconditionnelle; (3) la réconciliation donnée par Dieu en Jésus-Christ est effectivement restreinte aux seuls élus (expiation limitée); (4) la grâce est irrésistible; (5) les élus persévéreront jusqu’au salut final (persévérance des saints). (N.d.E.) 189 Voir John Owen, The Death of Death in the Death of Christ, Londres, Banner of Truth Trust, 1959, pp. 250-525; Gary Long, Definite Atonement, Nutley, N.J., Presbyterian and Reformed, 1976, pp. 67-82. 190 Voir John Murray, Redemption – Accomplished and Applied, Grand Rapids, Eerdmans, 1961, pp. 82-85. 191 Voir Owen, Death of Death, p. 235.
56. L’application du salut Dans ce chapitre, nous allons examiner les différents ministères qui interviennent dans l’application du salut. Au cours de l’histoire, cet examen s’est appelé ordo salutis, c’est-à-dire l’économie du salut; il s’efforce de présenter de manière logique (pas forcément chronologique) les activités mises en œuvre dans l’application du salut à l’individu. Mais comme dans le cas de l’ordre des décrets dans le lapsarianisme192, l’ordo salutis n’éclaire pas beaucoup le sujet. La question la plus controversée est celle de la relation entre la régénération et la foi. Nous y reviendrons ultérieurement. Au lieu de vouloir établir un ordre, il est plus utile de faire la distinction entre les ministères qui sont l’œuvre de Dieu uniquement (vocation, régénération) et ceux qui font aussi intervenir l’homme (conviction, conversion).
I. Conviction A. Qu’est-ce que la conviction? Comme le déclare Jean (Jean 16:8-11), le Seigneur a promis qu’après la Pentecôte le Saint-Esprit convaincrait le monde de péché, de justice et de jugement. A quoi correspond cette conviction? Ce n’est pas la même chose que la conversion. La conviction décrit les efforts entrepris pour convaincre un adversaire ou réfuter ses arguments afin de lui présenter le sujet en pleine lumière, libre à lui ensuite d’accepter ou de rejeter les preuves. L’idée de «conviction» est complexe. Elle sous-entend un examen qui fait autorité, une preuve irréfutable, un jugement décisif, un pouvoir de châtiment. Quelle que puisse être l’issue finale, celui qui «convainc» autrui expose clairement devant lui la vérité qui fait l’objet de la discussion, pour qu’elle soit perçue et reconnue comme telle. Celui qui, ensuite, rejette la conclusion à laquelle aboutit l’exposé, la rejette en pleine connaissance de cause et à ses risques et périls. La vérité perçue comme telle entraîne avec elle la condamnation de celui qui refuse de l’accepter.193 Notons l’emploi de ce mot (traduit «reprendre») dans Matthieu 18:15. L’homme repris et convaincu peut accepter l’exposé de sa faute et s’en repentir; il peut aussi s’endurcir dans son refus, ce qui nécessite une nouvelle confrontation. La conviction avance donc des preuves, mais elle ne garantit pas que la vérité soit acceptée, ce qui est indispensable pour la conversion.
B. Qui est convaincu? C’est le monde qui est convaincu, d’après Jean 16. S’agit-il uniquement des élus? Non, puisque le ministère de conviction s’attend à ce que certains n’acceptent pas la vérité. S’agit-il de tous les êtres humains? Probablement pas, puisque cette conviction concerne le péché, la justice et le jugement; il ne peut s’agir d’une conviction générale qui serait l’œuvre de la révélation naturelle. Les êtres convaincus sont donc plus nombreux que les élus, mais n’englobent pas tous les individus (cf. Jean 12:19).
C. De quoi est-on convaincu? La conviction s’opère dans les domaines du péché, de la justice et du jugement. La conjonction grecque hoti (traduite «parce que») peut signifier «parce que», «à savoir que» ou un mélange des deux, dans les trois domaines envisagés. Si l’on opte pour le sens «parce que», le monde est convaincu de péché à cause de son incrédulité. Si l’on choisit le sens «à savoir que», le monde est convaincu du péché d’incrédulité. La justice en question est celle que Christ a acquise sur la croix, authentifiée par son ascension auprès du Père. Quant au jugement, il peut s’agir du futur jugement du pécheur, rendu certain par le jugement déjà prononcé sur Satan; il peut aussi désigner le jugement de Satan à la croix (Jean 12:31). L’ordre des choses est logique: l’homme doit d’abord percevoir son état de péché, avoir une preuve de la justice que Christ lui offre et savoir que, s’il refuse d’accueillir ce Sauveur, il s’expose à une condamnation certaine.
D. Comment s’opère la conviction? La conviction s’opère vraisemblablement de plusieurs manières. Le Saint-Esprit peut s’adresser directement à la conscience de l’homme; bien que susceptible d’être endurcie, celle-ci peut réagir. Il peut aussi parler par la Parole écrite. Il peut encore se servir du témoignage oral ou de la prédication de la Parole. Mais que des êtres humains soient impliqués ou non dans ce ministère de conviction, pour que l’individu soit convaincu, il faut que le Saint-Esprit intervienne. Nous sommes souvent prêts à reconnaître que la régénération est l’œuvre du Saint-Esprit, mais nous nous surprenons parfois à penser que notre présentation habile ou persuasive de l’Evangile peut convaincre les non-croyants. C’est faux. Même cela, c’est Dieu qui doit l’accomplir.
II. Vocation A. L’appel général
Seuls un ou deux textes du Nouveau Testament utilisent le mot «appel» ou le verbe apparenté dans le sens d’un appel général concernant ceux qui sont élus et ceux qui ne le sont pas. Matthieu 22:14 appuie manifestement cette idée, et Matthieu 9:13 sans doute aussi. L’idée est clairement exprimée dans des passages comme Luc 14:16-24 et Jean 7:37. Il s’agit de l’invitation générale que Dieu adresse aux hommes à venir à lui.
B. L’appel efficace L’appel efficace, c’est celui auquel seuls les élus répondent par la foi et qui leur procure le salut (Romains 8:30; 1 Corinthiens 1:2). Il est l’œuvre de Dieu, bien que celui-ci se serve de la proclamation de sa Parole (Romains 10:17). C’est un appel à la communion (1 Corinthiens 1:9), à la lumière (1 Pierre 2:9), à la liberté (Galates 5:13), à la sainteté (1 Thessaloniciens 4:7) et à son royaume (1 Thessaloniciens 2:12).
III. Régénération A. La signification de la régénération Le terme de régénération, que le Nouveau Testament grec n’utilise qu’à deux reprises («renouvellement» dans Matthieu 19:28 et Tite 3:5), signifie «nouvelle naissance». On trouve dans Jean 3:3 l’idée de naître d’en haut (anôthen), et il inclut probablement aussi celle de naître de nouveau (voir l’usage du même anôthen, «encore», dans Galates 4:9). La régénération est l’œuvre de Dieu qui donne la vie nouvelle à celui qui croit.
B. Le moyen de la régénération Dieu régénère (Jean 1:13) selon sa volonté (Jacques 1:18), par le Saint-Esprit (Jean 3:5), lorsqu’une personne croit (Jean 1:12), c’est-à-dire accepte l’Evangile tel qu’il est révélé dans la Parole (1 Pierre 1:23).
C. La relation entre régénération et foi Dans la conception réformée de l’ordo salutis, la régénération précède la foi, car, dit-on, le pécheur doit recevoir la vie nouvelle pour être en mesure de croire. Même si cette affirmation s’appuie sur un ordre logique, il ne serait pas sage d’insister trop lourdement sur une telle déduction. En effet, on pourrait tout aussi bien tenir le raisonnement suivant: si un pécheur a reçu la vie nouvelle par la régénération, pourquoi a-t-il encore besoin de croire? Il peut bien sûr n’y avoir aucun ordre chronologique: la régénération et la foi doivent intervenir simultanément. Il est d’ailleurs certain que la foi fait partie du salut, qui est un don de Dieu (Ephésiens 2:9); elle est pourtant réclamée à l’homme pour qu’il soit sauvé (Actes 16:31). Ces deux aspects sont vrais.
D. Le fruit de la régénération La vie nouvelle portera un fruit nouveau. Dans 1 Jean 2:29; 3:9; 4:7; 5:1, 4, 18, les fruits de la vie nouvelle incluent la justice, le refus de pratiquer le péché, l’amour mutuel et la victoire sur le monde.
IV. Foi A. La signification de la foi Avoir la foi, c’est faire confiance, s’appuyer sur, considérer comme vrai. La foi doit évidemment avoir un contenu. La confiance se place en quelqu’un ou quelque chose. Posséder la foi salvatrice en Christ, c’est vivre dans la confiance qu’il peut supprimer la culpabilité consécutive au péché et garantir la vie éternelle.
B. La nécessité de la foi Le salut s’obtient toujours au moyen de la foi, mais non à cause d’elle (Ephésiens 2:8). Elle est le canal par lequel nous recevons le don divin de la vie éternelle; elle n’en est pas la raison ni la cause. Il en est ainsi pour que l’homme ne se glorifie jamais, pas même de sa foi. Elle est cependant l’unique et indispensable canal (Jean 5:24; 17:3). D’une façon générale, le terme néotestamentaire pisteuô, traduit par «croire», est suivi de la préposition eis (Jean 3:16) pour désigner l’objet sur lequel se porte la foi ou la confiance. Dans certains cas, le verbe est suivi de epi pour faire comprendre que la foi s’empare de l’objet qu’elle vise (Romains 9:33; 10:11). Il arrive aussi que le substantif ou le verbe soit suivi d’une proposition qui précise le contenu de la foi (Romains 10:9). Dans tous les cas, la foi exprime la confiance en quelqu’un ou en quelque chose.
C. Les différents types de foi Les Ecritures semblent distinguer quatre types de foi. 1. La foi intellectuelle ou historique. Elle saisit la vérité par l’intelligence et résulte de l’éducation, de la tradition, de l’environnement, etc. Elle est purement humaine et ne sauve pas (Matthieu 7:26; Actes 26:27-28; Jacques 2:19). 2. La foi dans le miracle. Il s’agit de la foi nécessaire pour accomplir un miracle ou en bénéficier; elle peut ou non être suivie du salut (Matthieu 8:10-13; 17:20; Actes 14:9). 3. La foi temporaire. Luc 8:13 illustre ce genre de foi: elle ressemble à la foi intellectuelle, mais elle exprime un intérêt personnel plus prononcé. 4. La foi qui sauve. C’est la confiance dans l’Evangile tel qu’il est révélé dans la Parole de
Dieu.
D. Les facettes de la foi 1. La facette intellectuelle. Par cet aspect, la foi reconnaît de façon factuelle et positive la vérité de l’Evangile et l’historicité de la personne de Christ. 2. La facette émotionnelle. La foi perçoit la vérité et la personne de Christ de façon plus intéressée et plus passionnée. 3. La facette volitive. A ce stade, l’individu s’approprie la vérité et la personne de Christ en qui il place désormais sa confiance. Bien qu’il puisse être commode de distinguer ces trois facettes, elles doivent se combiner pour qu’il y ait une foi salvatrice. L’individu croit en Christ de tout son être, et non seulement avec son intelligence, ses émotions ou sa volonté. L’une des déclarations les plus limpides sur le contenu nécessaire à la foi qui sauve se trouve dans l’entretien du Seigneur avec la femme samaritaine. Il lui dit: «Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire! tu lui aurais toi-même demandé à boire, et il t’aurait donné de l’eau vive» (Jean 4:10). Il faut d’abord connaître le don et la personne, ensuite demander et recevoir la vie éternelle. 192 Lapsarianisme: tentative humaine de déterminer l’ordre des décrets de Dieu en rapport avec la chute de l’homme. (N.d.E.) 193 B.F. Westcott, The Gospel According to St. John, Londres, Murray, 1908, 2:219.
57. La sécurité du croyant I. Définitions et distinctions Le titre de ce chapitre n’a pas été choisi au hasard. Dans certains ouvrages de théologie et dans quelques dictionnaires, cette partie est intitulée «assurance» du croyant, dans d’autres «persévérance», dans d’autres encore «préservation» du chrétien. Quelles sont les différences entre ces termes, et pourquoi avoir choisi celui de sécurité? La sécurité éternelle est l’œuvre de Dieu qui garantit que le don du salut, une fois reçu, est accordé pour toujours et ne peut se perdre. Ce concept souligne l’activité dont Dieu fait preuve pour garantir la possession éternelle du don de la vie éternelle. Il concerne ceux que le Saint-Esprit régénère; sa réalité ne repose pas sur les sentiments ou les expériences. Le terme «préservation» revêt un sens très proche de celui de «sécurité» en mettant en relief l’œuvre de Dieu qui préserve le croyant dans son salut. Le terme de «persévérance», habituellement utilisé dans le calvinisme, correspond au cinquième point de la théologie calviniste194: la «persévérance finale» des saints. Il signifie que les croyants «ne peuvent déchoir de l’état de grâce ni entièrement, ni définitivement; mais ils y persévéreront certainement jusqu’à la fin et seront éternellement sauvés» (Confession de Westminster, XVII.1). Ce terme semble faire porter l’accent sur le croyant: c’est lui qui persévère (quoique par la vertu du décret et de la puissance de Dieu). L’idée de sécurité insiste davantage sur Dieu, car c’est lui qui garantit notre salut. Elle n’exclut pas qu’il puisse y avoir des moments de relâchement et d’égarement spirituels, mais elle met en évidence la nécessité d’un fruit visible tout au long de la vie chrétienne. Il arrive que ceux qui envisagent cette doctrine sous l’angle de la persévérance nient la possibilité pour un chrétien d’être charnel. Bien que les termes de sécurité éternelle, de préservation et de persévérance enseignent en réalité la même conclusion (à savoir que le chrétien authentique ne peut pas perdre son salut), celui d’assurance concerne autre chose: il définit la prise de conscience que produit la vérité de la sécurité ou de la persévérance éternelles. Le salut est un fait certain, que le bénéficiaire en prenne conscience ou non; le chrétien possède donc une sécurité, sans nécessairement en avoir l’assurance.
II. La doctrine de l’assurance du croyant L’assurance est la prise de conscience que l’on possède la vie éternelle. Le manque d’assurance entraîne souvent des tourments inutiles mais terribles dans la vie d’une
personne. Pourquoi les gens manquent-ils d’assurance? On peut avancer quatre raisons. (1) Certains doutent de la réalité de leur attachement à Christ. C’est notamment le cas de ceux qui ne peuvent indiquer le moment précis de leur conversion. La régénération s’opère à un instant précis de la vie. A n’importe quel moment, l’individu est soit sauvé, soit perdu. Personne ne passe progressivement de l’état de perdu à celui de sauvé. En revanche, nous connaissons tous un développement de notre compréhension du mécanisme de la conversion. Si donc, aux yeux de Dieu comme dans notre propre expérience, il y a bien eu un moment précis où nous avons été sauvés, il se peut fort bien que nous-mêmes soyons incapables de le situer dans notre souvenir ou dans notre compréhension. Dans certains cas, ce doute ne concerne pas seulement le moment du salut, mais le chrétien se demande: «Ai-je vraiment placé ma confiance en Christ?» Il peut dissiper ce doute en invoquant le nom du Seigneur (et en le faisant autant de fois que nécessaire). Certes, personne ne peut naître de nouveau plus d’une fois, mais il est possible de confier honnêtement ses doutes au Seigneur et de s’appuyer sur lui pour le salut. (2) Certains manquent d’assurance parce qu’ils mettent en doute la validité du processus par lequel ils sont passés quand ils ont exprimé leur foi en Christ: «Je ne me suis pas avancé. Suis-je réellement sauvé? Ai-je formulé la prière qui convenait? J’ai accepté Christ de façon secrète. Est-ce suffisant, ou dois-je témoigner publiquement?» Cette difficulté, cruciale pour beaucoup plus de personnes qu’on ne le pense, a été aggravée par la valeur excessive accordée ces dernières années à la forme de l’appel, qui est presque devenu le moyen du salut. (3) Celui qui ne croit pas à la sécurité du croyant manquera d’assurance plus d’une fois dans sa vie. (4) Lorsque le croyant commet un péché, et en particulier un péché grave, il arrive que le doute s’empare de lui après une telle expérience. Certes, la doctrine de la sécurité éternelle du croyant ne constitue pas une autorisation à pécher; toutefois pour conserver notre assurance, nous avons besoin de comprendre que le chrétien reste pécheur, mais que son péché ne lui fait pas perdre son salut. L’expérience chrétienne normale ne correspond jamais à une vie exempte de péché, car «nous bronchons tous de plusieurs manières» (Jacques 3:2). Cela n’excuse évidemment pas le péché, car le croyant est censé grandir en sainteté, toujours est-il que l’expérience du péché ne le prive pas du salut.
III. La conception arminienne de la sécurité du croyant
Jacob Arminius (1560-1609) fut formé à une théologie réformée stricte. Appelé à défendre les supralapsariens contre les sublapsariens195, il finit par se ranger du côté de ces derniers. Ses écrits, rassemblés en trois volumes, regroupent principalement les traités consécutifs aux controverses dans lesquelles il fut engagé. Simon Bischop dit Episcopius (1583-1643) forgea le système connu sous le nom d’arminianisme et le propagea. Parmi les principaux enseignements de l’arminianisme, mentionnons les suivants. 1. La prescience. Les décrets de Dieu s’appuient sur sa prescience (dans le sens de connaissance à l’avance). Ainsi, l’élection repose sur le fait que Dieu sait d’avance quels sont ceux qui auront la foi, et la rétribution sur le fait qu’il connaît d’avance ceux qui résisteront à la grâce. Bien qu’Arminius ait aussi assimilé la prescience à une connaissance par avance, il déclara néanmoins que «Dieu décréta de sauver certaines personnes particulières et d’en condamner certaines autres»196. 2. Une pollution, mais pas une culpabilité. D’Adam, l’homme n’a pas hérité la culpabilité imputée, mais seulement la pollution. Sa dépravation n’est pas totale, car il peut incliner sa volonté vers le bien. 3. La perfection. Le croyant peut vivre dans une telle conformité à la volonté de Dieu qu’il peut être qualifié de parfait. 4. La perte du salut. L’arminianisme enseigne clairement que le croyant peut perdre son salut. Arminius lui-même déclara: «Je n’ai jamais enseigné qu’un croyant pouvait s’éloigner entièrement ou définitivement de la foi et périr; je ne peux cependant pas cacher qu’il existe des passages de l’Ecriture qui me semblent aller dans ce sens.»197 Sur un plan plus populaire, les arminiens estiment que la notion de sécurité éternelle équivaut à une autorisation de pécher. Il est certain que des calvinistes commettent le péché et l’excusent, mais des arminiens le font aussi. Notre façon de vivre devrait appuyer notre doctrine, mais, qu’elle soit bonne ou mauvaise, elle ne peut jamais suffire à valider ou invalider une doctrine. D’un point de vue pratique, en prônant la perte possible et réelle du salut, la conception arminienne en arrive parfois à cataloguer les péchés. Dans une première catégorie figurent les péchés qui peuvent conduire à la perte du salut, dans une autre ceux qui ne le peuvent pas. Or, il est vrai que certains péchés sont plus graves que d’autres (Matthieu 7:1-5; Jean 19:11), mais si un péché peut entraîner la perte du salut, n’importe quel péché le peut. Le refus d’admettre cette conclusion peut expliquer l’enseignement du perfectionnisme dans l’arminianisme.
IV. Les raisons de la sécurité éternelle du
croyant Fondamentalement, la sécurité du croyant repose sur la grâce de Dieu et sur le fait que la vie éternelle est un don de Dieu, et un don éternel. Lorsqu’une personne croit en Christ, elle entre dans une relation avec Dieu qui lui garantit que son salut est assuré. Cela n’est évidemment vrai que pour ceux qui sont véritablement nés de nouveau. En effet, il existe des hommes qui font profession de foi sans pour autant posséder la vie d’en haut. Nous sommes parfois en mesure de dire si telle personne professe seulement avoir la vie ou si elle la possède vraiment, mais ce n’est pas toujours possible. Le salut de la personne régénérée est sûr à cause du rapport qu’elle entretient avec Dieu par la foi.
A. Les raisons liées au Père 1. Son but. Dieu destine à la gloire ceux-là mêmes qu’il a prédestinés, appelés et justifiés (Romains 8:30). La Parole de Dieu ne pourrait pas formuler cette affirmation audacieuse si un seul membre de ce groupe pouvait perdre son salut. En effet, si tel était le cas, le nombre des justifiés ne correspondrait pas à celui des glorifiés. Or, le texte dit clairement qu’il est identique. 2. Sa puissance. La plupart admettent que, par sa puissance, Dieu est capable de garder le croyant (il l’est réellement, Jude 24), mais certains prétendent que celui qui renonce à sa foi peut contrecarrer cette puissance. Le Seigneur a dit que nous sommes en sécurité dans la main du Père, au point que nul ne peut nous en arracher (Jean 10:28-29). «Personne», c’est vraiment personne, pas même l’individu concerné. La promesse ne dit pas que personne, à l’exception du croyant lui-même, ne peut arracher de la main du Père. Elle déclare: personne, sans exception.
B. Les raisons liées au Fils 1. Sa mort. Dans Romains 8:33, Paul pose deux questions: Qui accusera les élus de Dieu, et qui les condamnera? En sous-entendant «personne», l’apôtre s’appuie sur la mort, la résurrection, l’intercession et le rôle d’avocat de Christ (Romains 8:34). Si un péché peut annuler le salut du croyant, si celui-ci peut effectivement perdre son salut, alors la mort de Christ n’a pas représenté le paiement de ce péché. Paul s’insurge contre cette idée. D’ailleurs, le Seigneur lui-même a déclaré qu’il ne perdrait aucun de ceux que le Père lui avait donnés (Jean 6:39-40). Quiconque croit en lui ressuscitera au dernier jour. Il n’est pas dit: «celui qui croit et persévère». 2. Ses prières. Le ministère qu’exerce actuellement Christ dans les cieux, celui de la prière en faveur des siens, comporte deux aspects: un ministère préventif (l’intercession) et un ministère curatif (le plaidoyer). Sa prière dans Jean 17 souligne l’aspect préventif. En effet,
le Seigneur y prie pour que nous soyons préservés du malin (Jean 17:15), que nous soyons sanctifiés (Jean 17:17), que nous soyons un (Jean 17:21), que nous soyons avec lui dans le ciel (Jean 17:24) et que nous puissions contempler sa gloire (Jean 17:24). A cause de son intercession incessante en notre faveur, il est capable de nous sauver complètement et éternellement (Hébreux 7:25). Le plaidoyer intervient lorsque nous avons péché (1 Jean 2:1). Si un péché quelconque peut annuler notre salut (n’importe lequel le pourrait), Satan dispose d’un argument solide contre tout croyant qui pèche (Apocalypse 12:10). Il peut exiger la condamnation éternelle du chrétien; si nous n’avions pas d’avocat, nous serions condamnés. Mais le Seigneur met en avant son œuvre sur le Calvaire, où il a ôté la culpabilité de tous nos péchés, ceux commis avant notre conversion et ceux commis depuis. Cela suffit à réduire à néant les accusations de Satan.
C. Les raisons liées à l’Esprit 1. Il régénère. Nous naissons de nouveau par la vertu de l’Esprit au moment où nous croyons. Si nous pouvons renoncer à notre foi pour perdre notre salut, cela signifie que la nouvelle naissance peut être supprimée. 2. Il établit sa demeure en nous. Si le chrétien peut perdre son salut, il faut que l’Esprit qui habite dans le croyant puisse sortir de celui-ci et le laisser inhabité. 3. Il baptise. Au moment où une personne croit, l’Esprit l’ajoute au corps de Christ (1 Corinthiens 12:13). Par conséquent, si le salut peut se perdre, le chrétien doit pouvoir être détaché du corps de Christ. 4. Il scelle. L’Esprit scelle le croyant pour le jour de la rédemption (Ephésiens 4:30). Si le salut peut se perdre, cela signifie que le sceau ne tient pas jusqu’au jour de la rédemption mais seulement jusqu’au jour d’un grave péché, de l’apostasie ou de l’incrédulité. Il n’y a évidemment dans l’Ecriture aucun indice permettant d’affirmer que le chrétien pourrait être privé de sa nouvelle naissance, que le Saint-Esprit pourrait le déserter, que le croyant pourrait être détaché du corps de Christ (ce qui rendrait le corps infirme) ou que l’Esprit pourrait effacer la marque de son sceau. Le salut est assuré de façon éternelle et complète pour tous ceux qui croient. Il est certain que les croyants pèchent, que la Parole nous met en garde contre la simple profession des lèvres et contre l’immaturité, mais jamais Dieu ne reprend le don de son salut une fois que nous l’avons reçu. Les croyants ne persévèrent pas toujours dans la piété: les exemples de Pierre (Galates 2:11), de nombreux chrétiens d’Ephèse (Actes 19:18) et de Lot (2 Pierre 2:7) sont là pour le prouver. Devant le tribunal de Christ, certains verront leurs œuvres consumées par les flammes, et ils seront eux-mêmes sauvés
comme au travers du feu (1 Corinthiens 3:15). Même si tout croyant porte du fruit, il est difficile, voire impossible, de le quantifier ou de préciser la nature du fruit que chacun portera, et donc de porter un jugement sur la condition spirituelle d’une personne (1 Corinthiens 4:5).
V. Quelques passages problématiques Certains passages donnent parfois l’impression d’invalider la doctrine de la sécurité éternelle du croyant. Nous allons les passer en revue pour montrer qu’il existe une interprétation raisonnable de ces textes qui ne contredit pas la doctrine de la sécurité.
A. Les passages qui mettent en garde contre le risque de substituer la loi à la grâce Deux textes mettent sérieusement en garde contre la tentation de remplacer la grâce par la loi. Dans Galates 5:4, Paul déclare que ceux qui cherchent la justification par la loi sont «déchus de la grâce». S’appuyer sur la loi comme moyen de justification, c’est déchoir de la grâce, le seul moyen pour l’homme d’être justifié. Le même avertissement se trouve dans Hébreux 10:26-31. L’auteur avertit l’individu que, s’il rejette la vérité de la mort de Christ pour le péché, il n’existe aucun autre sacrifice pour le péché, ni aucun autre moyen d’arriver à Dieu. Une telle incrédulité se caractérise par les trois attitudes décrites au verset Hébreux 10:29.
B. Les passages qui mettent en garde contre la perte de la récompense Paul envisage clairement la possibilité d’une perte de récompense (mais pas du salut) dans le passage où il parle de la course du chrétien (1 Corinthiens 9:24-27). L’athlète se lance dans la course pour remporter le prix, et Paul lui-même ressentait le besoin de s’astreindre à une discipline rigoureuse pour ne pas être disqualifié ni éliminé de la course et ne pas perdre sa couronne à la fin de sa vie. En se servant de la métaphore du cep et des sarments (Jean 15:1-17), le Seigneur enseigne la même vérité de base. Les sarments en question sont en lui; ce sont des croyants. Christ les exhorte à demeurer en lui pour porter du fruit, c’est-à-dire à garder ses commandements (Jean 15:10 et 1 Jean 3:24). Le croyant qui ne demeure pas en lui, bien qu’étant en Christ et donc sauvé, gaspille les occasions et perd sa récompense, dans sa vie présente et devant le tribunal de Christ. Quand le Seigneur parle de couper le sarment qui se dessèche et est jeté dans le feu, il ne renvoie pas à la perte du salut, mais à l’inefficacité
du témoignage présent du croyant et à la perte de sa récompense future.
C. Hébreux 6:1-8 Le passage très controversé d’Hébreux 6:1-8 a fait l’objet de plusieurs interprétations. (1) Selon le point de vue arminien, les personnes en question sont des chrétiens qui ont perdu leur salut (ils «sont tombés»). Si telle est la leçon qui se dégage de ce passage, il faut aussi croire que ceux qui ont perdu leur salut ne peuvent pas être sauvés une deuxième fois, «car il est impossible… qu’ils soient encore renouvelés et amenés à la repentance.» (2) D’autres estiment que ce texte s’applique à ceux qui ne sont chrétiens que de nom, qui s’écartent de la connaissance de la vérité à laquelle ils ont eu part, mais qu’ils n’ont jamais acceptée personnellement. Dans ce cas de figure, on ne peut pas parler de sécurité, puisque les personnes concernés n’étaient pas sauvées. (3) Je crois personnellement que ce passage décrit des personnes nées de nouveau. Les expressions des versets Hébreux 6:4-5 évoquent clairement une expérience de conversion (cf. «éclairés» dans Hébreux 6:4; 10:32, «goûté» et «eu part» dans Hébreux 2:4, 5; 12:8). Mais il s’agit de croyants qui s’entêtent dans l’immaturité (cf. Hébreux 5:11-14). L’auteur les met en garde: comme il est impossible de repartir à zéro (pour cela il faudrait d’abord perdre son salut et tout recommencer), ils n’ont que deux possibilités: demeurer dans leur état d’immaturité ou aller de l’avant et tendre vers la maturité (Hébreux 6:1). Comme il n’était pas souhaitable qu’ils demeurent dans leur situation présente, l’auteur les exhorte fortement à aller de l’avant dans la vie chrétienne. On peut comparer cet avertissement à celui qu’un enseignant donne à ses élèves: «Une fois que vous êtes inscrits dans ce cours, vous ne pourrez plus revenir en arrière et régresser (ce qui est impossible mais devrait se faire si vous pouviez repartir à zéro). C’est pourquoi, persévérez dans l’acquisition de nouvelles connaissances.» Les avertissements contre l’immaturité et l’absence de fruit sont sévères, et leurs conséquences importantes. Mais elles ne vont pas jusqu’à précipiter dans l’enfer pour cause de perte de la vie éternelle. Paul tressaille d’allégresse à la pensée que rien de ce qui appartient au domaine du créé, pas même l’intéressé, ne peut nous séparer de l’amour de Dieu en Christ (Romains 8:38-39). Ailleurs il rappelle: «Si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même» (2 Timothée 2:13). La constance de la nature de Dieu garantit la sécurité du salut. 194 Les cinq points essentiels du calvinisme sont les suivants: (1) la nature humaine est totalement corrompue par le péché (dépravation totale); (2) l’élection divine est inconditionnelle; (3) la réconciliation donnée par Dieu en Jésus-Christ est effectivement restreinte aux seuls élus (expiation limitée); (4) la grâce est irrésistible; (5) les élus persévéreront jusqu’au salut final (persévérance des saints). (N.d.E.)
195 Voir le chapitre 55, point II. 196 The Works of James Arminius, Auburn, Derby et Miller, 1853, 1:248. 197 Ibid., 1:254.
58. Qu’est-ce que l’Evangile? Une grande confusion entoure le contenu et la présentation de l’Evangile de la grâce de Dieu. Certains ne l’exposent pas dans sa pureté, d’autres ne le présentent pas clairement, d’autres encore ne le font pas sincèrement. Mais comme Dieu est plein de grâce, il accorde cependant lumière et foi, en dépit de l’imprécision de notre témoignage.
I. Quelques erreurs relatives à la présentation de l’Evangile A. L’Evangile aurait pour préoccupation principale autre chose que le péché Il ne peut exister de bonne nouvelle pour l’individu qui n’en ressent pas le besoin, et il ne peut en éprouver le besoin sans une certaine prise de conscience de son péché. Certes, le péché s’accompagne de nombreux symptômes qui éveillent l’attention de l’individu sur son problème fondamental, à savoir le péché lui-même. C’est pourquoi une présentation de l’Evangile peut porter sur l’absence de joie ou de paix, ou sur le besoin d’aide pour surmonter les difficultés, mais ce ne sont là que les symptômes du péché qui sépare de Dieu. L’être humain n’a pas besoin d’être sauvé pour éprouver la joie ou la paix, ni pour trouver une solution à ses problèmes. En revanche, il doit être sauvé s’il veut que ses péchés soient pardonnés. Ce n’est pas l’absence de joie qui barre l’accès au ciel, mais le péché. La foi en l’Evangile résout le problème que pose le péché.
B. Il existerait des Evangiles différents selon les classes d’âge Il n’y a pas un Evangile pour les enfants, un autre pour les jeunes, un troisième pour les adultes, un quatrième pour ceux qui ne fréquentent plus les églises, un autre encore pour ceux qui ont un arrière-plan religieux; il n’y a qu’un Evangile. Il existe certes différentes façons de le présenter aux différents groupes de population, mais si les différentes présentations n’ont pas le même contenu, elles correspondent à différents évangiles. Il est évidemment indiqué d’utiliser un vocabulaire adapté à chaque groupe, mais les différents termes doivent communiquer le même Evangile.
C. On pourrait trouver la vérité ailleurs que dans la
Parole de Dieu L’expérience peut confirmer ou démentir la vérité, mais elle ne crée pas une vérité infaillible, l’archéologie non plus, ni l’accomplissement des prophéties, car les prophéties de la Bible étaient vraies avant même qu’elles ne se réalisent. L’apologétique non plus ne peut susciter la vérité. Toutes ces approches ont leur place légitime, mais c’est uniquement dans la Parole de Dieu que nous avons la vérité absolue. Comme les apôtres, nous devons prêcher la Parole (Actes 13:5) et argumenter d’après elle (Actes 17:2).
D. Il serait possible de convaincre par le biais de l’intelligence Si le ministère de conviction du Saint-Esprit consiste à exposer devant une personne perdue la vérité de l’Evangile d’une manière tellement lumineuse qu’elle ne peut faire autrement que la reconnaître comme vérité (qu’elle y croie ou non), il faut que ce soit l’œuvre de l’Esprit, et non celle de l’intelligence. Il va de soi que notre présentation doit être réfléchie, bien préparée et bien exposée, mais cela ne garantit nullement que notre interlocuteur sera convaincu. C’est Dieu qui doit le convaincre.
E. Il serait possible d’obtenir des résultats en séduisant Dans la mesure où nous sommes maîtres de la situation, nous devons veiller à ne pas scandaliser par notre tenue vestimentaire, notre langage ou notre culture, mais sachons qu’à partir du moment où nous annonçons l’Evangile, nous nous chargeons du scandale de la croix (Galates 5:11). Si le message est une occasion de scandale, le messager ne doit pas l’être. Mais même s’il ne l’est pas, rien ne garantit le résultat de sa présentation de l’Evangile. Ce n’est pas le charme qui convertit les auditeurs.
F. Il existerait des stratégies pour aboutir à des conversions Il est vrai que les techniques mises en œuvre peuvent aboutir à des résultats, mais il ne faut pas les confondre avec des conversions. L’exercice de pressions peut déboucher sur des résultats: la musique peut hypnotiser, le cadre peut griser et les histoires peuvent émouvoir, mais aucun de ces éléments ne produit nécessairement une conversion. Voici un bon test pour apprécier tout message de l’Evangile: l’orateur doit donner à ses auditeurs quelque chose à croire, et non quelque chose à faire.
II. Quelques erreurs relatives au contenu de
l’Evangile A. L’ajout du baptême Bien qu’il constitue une ordonnance chrétienne importante, le baptême ne fait pas partie de l’Evangile. L’y inclure, c’est ajouter une œuvre à la grâce de Dieu. Il y a cependant des gens pour penser que certains versets font du baptême une condition du salut. 1. Marc 16:16. La fin de l’Evangile selon Marc fait l’objet de nombreuses discussions. Il est peu probable que le verset Marc 16:16 du dernier chapitre ait fait partie du texte original. Il serait d’ailleurs peu sage de fonder quelque doctrine que ce soit sur le contenu des versets Marc 16:9-20, absents de certains manuscrits anciens. Mais si Marc 16:16 faisait vraiment partie du texte inspiré, on peut aussi penser qu’il renvoyait au baptême de l’Esprit. Le Seigneur a pu prononcer les paroles de Marc 16:16 en même temps que celles d’Actes 1:5 et ainsi parler du ministère imminent de baptême du Saint-Esprit. 2. Actes 2:38. Pour les partisans de la régénération baptismale, ce verset enseigne que la repentance et le baptême aboutissent au pardon des péchés. Il est indéniable que, dans le Nouveau Testament, le baptême constituait une preuve évidente de la conversion, qu’il s’agisse de la conversion au judaïsme, au message de Jean-Baptiste ou au christianisme. Le refus du baptême amenait légitimement à mettre en doute la sincérité de la profession de foi du candidat. C’est pourquoi, lorsque les Juifs demandent à Pierre ce qu’ils doivent faire, l’apôtre leur répond tout naturellement qu’ils doivent se repentir (changer d’opinion à l’égard de Jésus de Nazareth) et se faire baptiser (donner des preuves de ce changement). Si, du point de vue exégétique, il est vrai que le texte peut être compris comme signifiant que le baptême est en vue du (eis) pardon des péchés, il est tout aussi vrai de dire que le baptême n’est pas administré dans le but d’obtenir le pardon des péchés, mais à cause du pardon (déjà accordé à la repentance). Eis a clairement ce sens-là dans Matthieu 12:41: les Ninivites se sont repentis à la suite ou à cause de la prédication de Jonas. Il est évidemment exclu de faire dire à ce passage qu’ils se sont repentis en vue de la prédication de Jonas! Actes 2:38 peut donc très bien signifier que les Juifs devaient d’abord se repentir, ensuite se faire baptiser parce que leurs péchés étaient pardonnés198. 3. Actes 22:16. Le verset comprend quatre parties: (a) lève-toi (c’est un participe présent dans le texte original: «te levant»), (b) sois baptisé (impératif) et (c) lavé de tes péchés (autre impératif), (d) en invoquant le nom du Seigneur (autre participe présent). Prétendre que ce verset enseigne la nécessité du baptême pour le salut impose de relier les parties (b) et (c), être baptisé et lavé de ses péchés. En réalité, chacun de ces impératifs est associé à un participe présent. Il faut se lever avant de se faire baptiser, et il faut invoquer le
nom du Seigneur avant d’être lavé de ses péchés. On devrait donc lire ce verset ainsi: «Te levant, sois baptisé; lave-toi de tes péchés en invoquant le nom du Seigneur.» Compris de cette manière, il ne prône pas la régénération baptismale.
B. Une mauvaise compréhension de la repentance La repentance désigne un véritable changement de manière de penser qui affecte la vie d’une certaine manière. Comme d’autres termes théologiques, celui de repentance doit être défini en posant une autre question: à propos de quoi faut-il changer de pensée? Des hommes qui ne sont pas sauvés peuvent vraiment se repentir sans pour autant être sauvés. Ils peuvent par exemple changer d’idée à propos d’une mauvaise habitude et renoncer à celle-ci. Les chrétiens peuvent se repentir de certains péchés et cesser de les commettre (Apocalypse 2:5; 2 Corinthiens 7:9; notons dans ce dernier cas que la tristesse conduit à la repentance, mais qu’elle n’est pas forcément synonyme de repentance). A l’inverse, des êtres perdus peuvent se repentir en vue du salut. Cette repentance salvatrice doit entraîner un changement d’attitude à l’égard de Jésus-Christ: quoi que l’individu ait pu penser de Christ auparavant, il doit revoir son jugement, lui faire confiance comme étant son Sauveur. C’est la seule repentance ou le seul contenu de la repentance qui sauve (Actes 2:38; 17:30; 2 Pierre 3:9). Mais la repentance qui sauve peut être précédée d’une repentance par rapport au péché (qui développe chez l’individu un sentiment de besoin du pardon) ou d’une repentance devant Dieu (parce qu’il a pris conscience qu’il a offensé un Dieu saint et qu’il doit nécessairement l’apaiser). Cet aspect de la repentance (cf. Jean 16:8-11) ne sauve pas, tant qu’il n’est pas accompagné de la foi en Christ (Actes 20:21).
C. L’ajout du renoncement à soi 1. La question. La question qui se pose est simple: faut-il faire de Christ le Seigneur de sa vie, ou être disposé à le faire, pour être sauvé? Voici comment s’exprime quelqu’un qui prône une réponse affirmative: La conception qui insiste sur la seigneurie prône la nécessité de reconnaître Christ comme Seigneur et Maître de la vie lorsqu’on le reçoit comme Sauveur. Il ne s’agit pas de deux actes différents, séquentiels (ou deux étapes successives), mais d’un seul acte d’une foi pure et confiante. Point n’est besoin de beaucoup de connaissance théologique pour discerner les différences fondamentales entre une présentation de l’Evangile qui insiste sur la seigneurie de Christ et une qui ne le fait pas.199 Dans la même veine, Arthur Pink écrit: Il faut quelque chose de plus que simplement «croire» pour le salut. Un cœur
qui est blindé dans sa révolte contre Dieu ne peut pas croire de façon salvatrice; il doit d’abord être brisé… Personne ne peut recevoir Christ comme son Sauveur tout en le rejetant comme Seigneur! Le prédicateur a raison d’ajouter que celui qui accepte Christ doit aussi se soumettre à lui comme Seigneur, mais il anéantit la portée de cette affirmation en disant que, même si le converti ne s’abandonne pas à Christ, l’entrée au ciel lui est assurée. C’est là un des mensonges du diable.200 Posons la question de façon simple: le manque de consécration ou son déclin au fil des ans signifie-t-il l’absence de la foi qui sauve? Ou, comme Boice l’exprime: «Est-ce que la ‘foi’ sans consécration est une véritable foi biblique?»201 Il répond par la négative. Remarquons que la question n’est pas de savoir si le chrétien continue de pécher ou s’il portera du fruit. Tous les chrétiens portent un certain fruit dans leur vie. Il ne s’agit pas non plus de savoir si le chrétien doit décider qui tiendra les rênes de sa vie. Cette question est importante pour la croissance spirituelle, et certains la règlent au moment où ils croient, d’autres non. Le vrai problème est celui-ci: la consécration fait-elle partie de la foi, et par conséquent de l’Evangile? 2. Quelques exemples. La Bible donne quelques exemples de personnes qui étaient sauvées mais qui manquaient de consécration. Il ne s’agit pas de personnes qui ont commis des péchés après leur conversion (même si c’est vrai pour certaines), mais de personnes qui ont fait preuve de la foi qui sauve sans avoir mené une vie d’obéissance. Rappelons la vie de Lot. On peut difficilement le considérer comme un exemple de vie consacrée à Dieu. Le Nouveau Testament le qualifie cependant de «juste» (2 Pierre 2:7). Si nous n’avions que l’Ancien Testament, nous pourrions nous demander avec raison s’il était vraiment juste devant Dieu. Considérons encore la condition des croyants d’Ephèse. Paul avait travaillé dans cette ville pendant plus de deux ans. Certains des habitants de la ville avaient cru au début de son ministère, d’autres plus tard. Avant leur conversion, ils avaient touché aux arts magiques et cru aux formules écrites sur la statue de Diane dans le temple qui lui était dédié. Après avoir cru au Seigneur, beaucoup de ces croyants, peut-être même la plupart d’entre eux (d’après Actes 19:18, il est indéniable qu’il s’agissait de croyants), ont continué dans leurs pratiques superstitieuses. On a du mal à croire qu’ils ignoraient, au moment où ils ont accepté Christ, que ces pratiques étaient condamnables, au point de ne pas les abandonner pendant deux ans. C’est seulement vers la fin du ministère de Paul à Ephèse que beaucoup ont renoncé à ces pratiques occultes et brûlé leurs livres de magie. Du point de vue théologique, cela signifie qu’il y avait à Ephèse des gens qui se sont tournés vers Christ en sachant qu’ils auraient dû abandonner leurs pratiques païennes mais qui ne l’ont pas fait (pendant deux
ans pour certains d’entre eux) et qui étaient néanmoins nés de nouveau. Leur salut ne dépendait pas de leur foi plus leur soumission à la seigneurie de Christ qui aurait dû s’exercer sur leur exercice de la magie. 3. Quelques observations. L’enseignement qui insiste sur la seigneurie de Christ confond le salut et la vie de disciple, et il fait des exigences de la vie de disciple une condition du salut. Le Seigneur a clairement différencié ces deux aspects (Luc 14:16-33). On met en exergue l’un des aspects de la personne de Christ (maître de la vie du croyant) et on l’intègre dans l’Evangile. Pourquoi ne pas faire de même avec sa royauté? Ou pourquoi ne pas insister autant sur sa qualité de juge de tous ou de créateur que sur celle de Seigneur? Bien que ma conception ait été qualifiée de «croyance facile», je maintiens qu’il n’est pas facile de croire, parce que ce que nous demandons à l’individu perdu de croire n’est pas facile: nous lui demandons de faire confiance à une personne qui a vécu il y a deux mille ans, que nous ne pouvons connaître qu’à travers la Bible, pour lui pardonner ses péchés; nous lui demandons de lier son sort éternel à cette confiance! Considérons Jésus dans son rôle d’évangéliste: il n’a pas demandé à la femme samaritaine de mettre sa vie en ordre, ni même de promettre de le faire, pour être sauvée. Il ne lui a pas exposé tous les changements qu’il attendait de sa part si elle croyait en lui. Il lui a dit simplement qu’elle avait besoin de savoir qui il était et de lui demander la vie éternelle comme un don (Jean 4:10).202 198 Voir A.T. Robertson, Word Pictures in the New Testament, New York, Harper, 1930, 3:3536. 199 K.L. Gentry, «The Great Option: A Study of the Lordship Controversy», Baptist Reformation Review 5, printemps 1976, 5:52. 200 Arthur W. Pink, Present-Day Evangelism, Swengel, Pa, Bible Truth Depot, s.d., pp. 1415. 201 James M. Boice, «The Lord Christ», Tenth, octobre 1980, 10:8 et «The Meaning of Discipleship», Moody Monthly, février 1986, pp. 34-37. 202 Voir Charles Ryrie, Balancing the Christian Life, Chicago, Moody, 1969, pp. 169-181 et So Great Salvation, Chicago, Moody, 1997.
Section XI Le Saint-Esprit
59. Qui est le Saint-Esprit? Beaucoup ont intitulé le vingtième siècle «siècle de l’Esprit». L’émergence et l’expansion du pentecôtisme avec son insistance sur les ministères de l’Esprit ainsi que l’épanouissement du dispensationalisme qui met l’accent sur les œuvres de l’Esprit ont marqué le siècle écoulé. Le souci de l’évangélisation du monde a fait mieux ressentir le besoin de la puissance de l’Esprit pour mener cette tâche à bonne fin. Si l’attention accrue portée au Saint-Esprit a été une bonne chose, elle n’a cependant pas toujours été inspirée par l’Ecriture. Il existe donc aujourd’hui une nécessité plus grande encore d’apporter un enseignement biblique sur le sujet.
I. L’Esprit: une personne Le refus de croire que le Saint-Esprit est une personne prend souvent une forme insidieuse: on fait de lui la personnification de la puissance, à la manière dont certains voient dans Satan la personnification du mal. Tout au long de l’histoire de l’Eglise, il s’est trouvé des gens pour nier la personnalité de l’Esprit, à commencer par les monarchiens, les ariens, les sociniens et, aujourd’hui, les unitariens, les libéraux ou certains théologiens néoorthodoxes. Nous avons cependant un grand nombre de preuves qu’il est bien une personne.
A. Les attributs d’une personne 1. L’Esprit possède une intelligence.
Il
connaît
et
sonde
les
choses
de
Dieu
(1 Corinthiens 2:10-11); il possède une pensée (Romains 8:27), et il est capable d’enseigner (1 Corinthiens 2:13). 2. Il éprouve des sentiments. Les chrétiens peuvent l’attrister par leurs actions coupables (Ephésiens 4:30; on ne peut attrister une influence). 3. Il fait preuve de volonté. Il s’en sert pour faire la répartition des dons spirituels au sein du corps de Christ (1 Corinthiens 12:11). Il dirige les activités des chrétiens (Actes 16:6-11). Comme une personnalité possède une intelligence, des sentiments et une volonté, et que l’Esprit les possède aussi, il doit être une personne.
B. Les actes d’une personne 1. L’Esprit nous conduit dans la vérité en écoutant, en parlant et en révélant. Voir Jean 16:13. 2. Il convainc de péché. Voir Jean 16:8. 3. Il opère des miracles. Voir Actes 8:39.
4. Il intercède. Voir Romains 8:26. Ce sont là des activités qu’une influence ou une personnification ne peut accomplir; l’Ecriture montre que l’Esprit les a accomplies.
C. Les abords d’une personne 1. Il faut obéir à l’Esprit. Voir Actes 10:19-21. 2. On peut lui mentir. Voir Actes 5:3. 3. On peut lui résister. Voir Actes 7:51. 4. On peut l’attrister. Voir Ephésiens 4:30. 5. On peut blasphémer contre lui. Voir Matthieu 12:31. 6. On peut l’outrager. Voir Hébreux 10:29. Prétendre qu’on pourrait agir ainsi vis-à-vis d’une influence serait pour le moins incongru.
D. Des relations personnelles 1. Avec les apôtres. Il a entretenu avec les apôtres des rapports qui révèlent sa personnalité distincte (Actes 15:28). Il est autant une personne qu’ils l’étaient eux-mêmes; il est distinct d’eux et identifiable. 2. Avec Jésus. Ses liens avec le Seigneur Jésus sont tels que si le Seigneur a une personnalité, alors lui aussi en possède une. Il est distinct de Christ (Jean 16:14). 3. Avec les autres membres de la Trinité. Ses rapports avec le Père et le Fils montrent qu’il est une personne au même titre qu’eux (Matthieu 28:19; 2 Corinthiens 13:13). 4. Avec sa propre force. L’Esprit est associé à sa force, mais il en est distingué, ce qui interdit de conclure qu’il ne serait qu’une simple personnification de la puissance (Luc 4:14; Actes 10:38; 1 Corinthiens 2:4).
E. Un argument grammatical A plusieurs reprises, les auteurs néotestamentaires utilisent un pronom personnel masculin pour désigner l’Esprit, mot habituellement neutre. Nous trouvons un exemple très clair de cette exception à l’usage grammatical normal dans Jean 16:13-14, où Jésus utilise le pronom démonstratif masculin à propos de l’Esprit mentionné au verset Jean 16:13. Les autres exemples sont moins convaincants, puisque le pronom personnel masculin remplace le mot Consolateur (qui, lui, est masculin, Jean 15:26; 16:7-8). Toutefois, l’exception évidente de Jean 16:13-14 à l’usage normal suffit à démontrer que l’Esprit a une vraie personnalité. Toutes ces preuves scripturaires convergent vers une conclusion: bien qu’étant un être
spirituel, le Saint-Esprit est une personne aussi réelle que le Père, le Fils ou nous-mêmes.
II. L’Esprit: Dieu Le Saint-Esprit n’est pas simplement une personne, il est une personne unique puisqu’il est Dieu. Les preuves de sa personnalité ne suffisent pas à dire qu’il est divin, mais celles de sa divinité prouvent aussi sa personnalité. Si Dieu est une personne et si l’Esprit est Dieu, il s’ensuit qu’il est une personne.
A. Ses noms et titres Les noms divins attribués à l’Esprit révèlent sa divinité. A seize reprises, son nom le rattache aux deux autres personnes de la Trinité (Actes 16:7: «l’Esprit de Jésus» et 1 Corinthiens 6:11: «l’Esprit de notre Dieu»). Par ailleurs, dans la promesse faite par le Seigneur d’envoyer «un autre consolateur» (Jean 14:16), l’adjectif «autre» désigne quelqu’un de même substance203. Si donc Christ est Dieu, alors le Saint-Esprit, un consolateur de même nature, l’est aussi.
B. Ses attributs divins Comme nous l’avons vu plus haut, l’Esprit possède des attributs qui révèlent sa personnalité. Mais il possède aussi des attributs qui sont la prérogative de Dieu seul, ce qui prouve qu’il est Dieu. Ces attributs sont l’omniscience (Esaïe 40:13; 1 Corinthiens 2:12), l’omniprésence (Psaume 139:7) et l’omnipotence en vertu de son œuvre dans la création (Job 33:4; Psaume 104:30). Il est aussi vérité, amour, source de vie, mais l’homme peut également afficher ces attributs, bien que dans un sens relatif seulement.
C. Ses actes divins L’Esprit accomplit des actes qui ne sont accomplis que par Dieu. 1. Il a été l’agent de la naissance virginale. Voir Luc 1:35. 2. Il a inspiré les Ecritures. Voir 2 Pierre 1:21. 3. Il était à l’œuvre dans la création du monde. Voir Genèse 1:2. Ici, comme dans d’autres cas où l’Ancien Testament utilise l’expression «l’Esprit de Dieu», on peut se demander s’il s’agit de la troisième personne de la Trinité ou de Dieu en tant qu’esprit (ce qu’il est). Dans son commentaire de ce verset, Leupold répond de façon on ne peut plus claire à la question: Il ne peut absolument pas être question de quelqu’un d’autre que du Saint-
Esprit… Il nous faut certes la pleine lumière de la révélation néotestamentaire pour nous permettre de discerner que l’Esprit de Dieu dont il est question ici est le même que celui que le Nouveau Testament présente comme le Saint-Esprit. Mais une fois que nous avons cette lumière, n’hésitons pas à croire qu’elle éclaire l’usage de l’expression dans l’Ancien Testament… N’est-il pas raisonnable de penser que l’Esprit de l’inspiration a lui-même présidé au choix des mots relatifs à son activité, de sorte qu’avec la venue de la pleine révélation néotestamentaire, toutes les déclarations concernant l’Esprit soient en parfaite harmonie avec cette révélation ultérieure?204
D. L’association avec les personnes de la Trinité 1. L’Esprit est identifié à Yahvé. Le Nouveau Testament identifie l’Esprit au Yahvé de l’Ancien Testament, notamment quand il cite un passage de l’Ancien Testament où Dieu parle et qu’il l’attribue à l’Esprit (comparer Actes 28:25-27 avec Esaïe 6:8-10, et Hébreux 10:15-17 avec Jérémie 31:31-34). C’est une preuve éloquente que les auteurs du Nouveau Testament considéraient l’Esprit comme Dieu. 2. L’Esprit est assimilé à Dieu. Blasphémer contre l’Esprit et lui mentir reviennent à agir de même vis-à-vis de Dieu (Matthieu 12:31-32; Actes 5:3-4). 3. L’Esprit est l’égal des autres. L’Esprit est associé au Père et au Fils sur une base d’égalité (Matthieu 28:19; 2 Corinthiens 13:13). Dans le passage de Matthieu, la preuve de l’égalité est renforcée par l’emploi du mot «nom» au singulier («au nom du Père, du Fils et du SaintEsprit»). Le Saint-Esprit est une personne, et il est Dieu. 203 C’est le sens que revêtirait ce mot dans l’expression «une autre pomme» que le commerçant ajoute à celles déjà achetées. Le mot «autre» se charge d’un autre sens dans la phrase: «Il a attrapé une autre maladie», c’est-à-dire une maladie différente. (N.d.T.) 204 H.C. Leupold, Exposition of Genesis, Columbus, Wartburg, 1942, pp. 49-50.
60. Le Saint-Esprit dans l’Ancien Testament Les quelque cent références à l’Esprit de Dieu dans l’Ancien Testament prouvent qu’il était déjà à l’œuvre en ce temps-là. Mais les exégètes ne voient pas tous dans ces passages la troisième personne de la Trinité. Ainsi, P.K. Jewett estime que, dans l’Ancien Testament, le Saint-Esprit ne désigne jamais «une personne distincte du Père et du Fils», mais plutôt «la nature divine envisagée comme énergie vitale»205. Il est vrai que l’Ancien Testament ne révèle pas la doctrine de la Trinité, mais il semble néanmoins contenir l’idée que l’Esprit est une personne, et non une énergie vitale seulement (Psaume 104:30). Leon Wood fait remarquer avec justesse: «Il importe de reconnaître que la question de l’identité du SaintEsprit dans l’Ancien Testament consiste moins à savoir ce que les gens de l’époque pensaient de ce membre de la divinité que de découvrir l’intention de Dieu lui-même qui a inspiré les auteurs.»206 Nous savons par le Nouveau Testament que c’était le Saint-Esprit qui était à l’œuvre au temps de l’Ancien Testament (Actes 7:51; 2 Pierre 1:21).
I. L’œuvre de l’Esprit dans la création A. Les témoignages textuels Sept versets traitent des aspects variés de l’œuvre de l’Esprit dans la création. Ce sont: Genèse 1:2; Job 26:13 (?);Job 27:3; 33:4; Psaumes 33:6; 104:30 et Esaïe 40:12-14. Bien que pour certains il ne s’agisse pas de références claires à l’Esprit, nous n’avons pas de raisons valables de ne pas les considérer comme telles (même si, dans certains versets, les traducteurs ont mis «souffle» au lieu d’Esprit).
B. Son activité L’Esprit a eu son mot à dire dans la conception générale de l’univers (Esaïe 40:12-14). Il était aussi à l’œuvre dans la création des étoiles du ciel (Psaume 33:6). L’Esprit a participé à la création de la terre (Genèse 1:2). Le verbe «se mouvait» (qui ne se retrouve que dans Deutéronome 32:11 et signifie littéralement «planait») indique que l’Esprit «couvait» en quelque sorte la création et veillait sur la terre encore informe et inhabitée. Il était en outre à l’œuvre dans la création des animaux (Psaume 104:30) et dans celle de l’homme (Job 27:3; 33:4). Son activité recouvre donc tous les aspects fondamentaux de la création.
II. L’œuvre de l’Esprit dans la révélation et dans l’inspiration L’Ancien et le Nouveau Testaments enseignent clairement tous deux que l’Esprit était l’agent qui révélait et rapportait à l’homme le message de Dieu dans l’Ancien Testament. Pierre en fournit la preuve la plus explicite dans 2 Pierre 1:21: les prophéties n’ont pas été apportées par la volonté de l’homme. Le même verbe (littéralement «porté» ou «poussé») se trouve dans les deux parties du verset, indiquant par là que ce n’était pas la volonté de l’homme qui portait le message prophétique, mais l’Esprit de Dieu. Les hommes qui écrivaient étaient certes des agents, mais leur volonté n’exerçait aucun contrôle sur ce que Dieu voulait communiquer et n’interférait nullement avec le message divin. C’était le SaintEsprit qui les guidait. Des versets particuliers comme 2 Samuel 23:2 et Michée 3:8 indiquent clairement que les prophètes parlaient par le moyen de l’Esprit. D’ailleurs, le Nouveau Testament attribue à l’Esprit la paternité de certaines citations de l’Ancien Testament. Lorsqu’il discute avec les pharisiens, Christ cite le Psaume 110, qu’il reconnaît écrit par David mais donné par l’Esprit (Matthieu 22:43-44). De son côté, Pierre s’appuie sur un texte du Psaume 41 à propos du remplacement de Judas et déclare que, par la bouche de David, le Saint-Esprit a annoncé d’avance ce qui concernait Judas (Actes 1:16-17). Plus tard, il déclare que dans le Psaume 2, c’est «le Saint-Esprit» qui s’exprime «par la bouche de notre père… David» (Actes 4:25). Paul aussi cite un passage de l’Ancien Testament et présente le Saint-Esprit comme son auteur (Actes 28:25-27 qui reprend Esaïe 6:9-10). L’auteur de l’épître aux Hébreux fait de même en deux endroits (Hébreux 3:7-11; 10:15-16). Ces références néotestamentaires décrivent donc clairement l’Esprit comme actif dans la communication de la vérité divine à l’époque de l’Ancien Testament.
III. L’œuvre de l’Esprit en rapport avec les hommes Dans l’Ancien Testament, l’Esprit exerçait un ministère différent de celui qu’il exerce depuis la Pentecôte. Le Seigneur a clairement révélé que, quel qu’ait été ce ministère autrefois, il serait différent après la Pentecôte. Relevons la mention répétée de la «venue» de l’Esprit (qui était pourtant déjà présent) dans l’entretien que Jésus a avec ses disciples dans la chambre haute (Jean 15:26; 16:7-8, 13). Il s’ensuit que, d’une part, l’Esprit était déjà à l’œuvre à ce moment-là, mais que, d’autre part, son œuvre prendrait une nouvelle forme
après la Pentecôte. Quand le Seigneur résume ce contraste, il déclare que l’Esprit «demeure (présent) avec (grec para) vous, et il sera (futur) en (grec en) vous» (Jean 14:17). Même si une variante dans les manuscrits permet de traduire le deuxième verbe par un présent («est en vous»), la plupart des commentateurs penchent pour un futur. Cette parole définit bien le contraste entre le ministère de l’Esprit au moment où le Seigneur prononce ces mots et son ministère après la Pentecôte. Buswell, cherchant à gommer ce contraste, traduit la préposition grecque en par «parmi». Tout en reconnaissant que la parole de Jésus peut signifier «en vous individuellement»207, il préfère y voir la promesse d’une présence de l’Esprit au sein de la compagnie des disciples. De nombreux commentateurs semblent tout simplement ne pas avoir remarqué la distinction faite par le Seigneur. Voici ce que Godet déclare à ce sujet: L’action préparatoire de l’Esprit sur les disciples est exprimée par les mots: «Il demeure avec vous»; et la relation plus intime qu’il contractera avec eux dès la Pentecôte, par ceux-ci: «Il sera en vous». Il ne faut donc ni lire, dans la première proposition, menei (au futur), demeurera, avec la Vulgate, ni lire dans la seconde, esti, est, avec le Vaticanus et le Cantabrigiensis. Tout le sens de la phrase est précisément dans l’antithèse entre le présent demeure (comparer menôn, Jean 14:25) et le futur sera. Ce contraste des temps est complété par celui des deux régimes: avec vous (comparer avec par’humin de Jean 14:25) et en vous.208 Avec ce contraste clairement à l’esprit, nous pouvons délimiter et présenter sous une forme systématique l’œuvre que l’Esprit accomplissait vis-à-vis des hommes à l’époque de l’Ancien Testament.
A. La nature de son œuvre Trois expressions semblent expliquer le ministère de l’Esprit auprès des êtres humains à l’époque de l’Ancien Testament. 1. Il était présent dans certains individus. Le pharaon a reconnu que l’Esprit de Dieu était en Joseph (Genèse 41:38). Il est probable qu’il n’ait pas compris qu’il s’agissait du SaintEsprit, mais la révélation ultérieure semble le prouver clairement. L’Esprit était en Josué, c’est pourquoi Dieu l’a choisi (Nombres 27:18). Il était aussi en Daniel (Daniel 4:8; 5:11-14; 6:3). Dans ces exemples, la préposition hébraïque utilisée est be, «dans». 2. L’Esprit saisissait quelqu’un. La préposition hébraïque qui décrit cette intervention est al. Plusieurs individus ont fait l’expérience de l’Esprit qui était sur eux (Nombres 24:2;
Juges 3:10; 11:29; 2 Chroniques 15:1), les a revêtus (Juges 6:34), les a agités (Juges 13:25) ou les a saisis (1 Samuel 10:10; 16:13). Tel a été le cas de certains juges, de Saül, des prophètes Balaam et Azaria. 3. L’Esprit a rempli Betsaleel. Il s’agissait apparemment pour l’Esprit de conférer une aptitude particulière permettant aux artisans de bien accomplir leurs travaux de construction du tabernacle (Exode 31:3; 35:31).
B. L’étendue de son œuvre 1. Son œuvre était limitée quant aux personnes. Dès lors que Dieu a choisi Israël, le ministère de l’Esprit s’est limité principalement, voire exclusivement, à ce peuple. Israël formait une nation qui comptait des croyants et des non-croyants. L’Esprit a cependant veillé sur le peuple tout entier en étant présent au milieu de lui et en le conduisant (Néhémie 9:20; Esaïe 63:10-11, 14). On peut donc parler d’une relation générale. Il semble toutefois qu’il entretenait des rapports plus étroits avec certaines personnes parmi le peuple (voir cidessus et Nombres 11:29). En ce qui concerne le ministère de l’Esprit en dehors d’Israël, nous ne savons pas grandchose. Si Genèse 6:3 déclare qu’il a jugé l’humanité pour sa méchanceté aux jours de Noé, on peut considérer ce verset comme une exception. Mais il peut aussi représenter un avertissement par rapport à l’esprit humain, que Dieu a placé dans l’homme: il ne subsistera pas toujours, puisque l’humanité sera exterminée par le déluge. Nous n’avons aucune preuve que l’Esprit convainquait le monde de péché dans l’Ancien Testament (contrairement à ce qu’il fait de nos jours, Jean 16:8). Aucune autre nation n’a bénéficié de sa présence générale comme Israël. Autant que l’on sache, son ministère se limitait à Israël et à certains individus en Israël. 2. Son œuvre était limitée quant aux aspects de son ministère. Comme déjà dit, nous ne trouvons aucun ministère de conviction générale, aucune présence à demeure dans l’être humain, aucun revêtement de puissance, comme cela a été le cas après la Pentecôte (Jean 7:3739); l’Esprit ne scellait pas, il ne baptisait certainement pas (cet acte est envisagé comme futur dans Actes 1:5). L’Ancien Testament ne mentionne pas spécifiquement la régénération par l’Esprit, même si certains commentateurs estiment qu’il régénérait bien sous l’ancienne alliance, étant donné que des croyants donnaient des signes d’une lutte intérieure due à la présence simultanée de la vieille nature et de la nouvelle. 3. Son œuvre était limitée quant à sa durée. L’Esprit a revêtu Samson de puissance, mais plus tard, il l’a abandonné (Juges 13:25; 16:20). L’Esprit est venu sur Saül, puis il l’a quitté (1 Samuel 10:10; 16:14). Dans l’Ancien Testament, il n’y avait aucune garantie de présence permanente de l’Esprit.
On pourrait tracer un parallèle entre le ministère de l’Esprit et celui de la grâce dans l’Ancien Testament: les deux étaient présents à cette période, mais l’Esprit qui était déjà à l’œuvre dans l’Ancien Testament allait venir exercer des ministères nouveaux et plus complets après la Pentecôte; de même, les manifestations de la grâce dans l’Ancien Testament étaient voilées, comparées à celles que le monde allait connaître avec la venue de Christ (Jean 1:17; Tite 2:11). 205 P.K. Jewett, «Holy Spirit», dans The Zondervan Pictorial Encyclopedia of the Bible, Grand Rapids, Zondervan, 1975, 3:184. 206 Leon Wood, The Holy Spirit in the Old Testament, Grand Rapids, Zondervan, 1976, p. 19. 207 J. Oliver Buswell, A Systematic Theology of the Christian Religion, Grand Rapids, Zondervan, 1962, 1:115. 208 F. Godet, Commentaire sur l’Evangile de Saint Jean, Editions de l’Imprimerie Nouvelle, L.A. Monnier, Neuchâtel, 1970, tome 2, p. 282.
61. Le Saint-Esprit dans la vie de Jésus-Christ I. La naissance de Christ Le Saint-Esprit était à l’œuvre dans la conception du Seigneur dans le sein de la vierge Marie. Cette intervention a été à l’origine de l’incarnation de Christ.
II. La vie de Christ A. Les aspects du ministère de l’Esprit 1. Christ était rempli de l’Esprit. L’expression utilisée en Luc 4:1 indique que c’était une caractéristique de sa vie (comme dans Actes 6:3, 5). Il ne s’agissait pas d’une expérience momentanée, mais d’une relation que le Seigneur a entretenue toute sa vie. 2. Christ a été oint de l’Esprit. Cette onction (Luc 4:18; Actes 4:27; 10:38; Hébreux 1:9) indiquait que Christ était le Messie (l’Oint) et que l’Esprit le revêtait de puissance en vue de son ministère prophétique. 3. Christ a tressailli de joie par l’Esprit. C’était une preuve qu’il était rempli de l’Esprit (Luc 10:21). 4. Christ a été revêtu de la puissance de l’Esprit tout au long de sa vie. Esaïe l’avait annoncé (Esaïe 42:1-4; 61:1-2), et Jésus de Nazareth en a fait l’expérience quand il prêchait (Luc 4:18) et faisait des miracles (Matthieu 12:28).
B. L’étendue du ministère de l’Esprit 1. Le ministère de l’Esprit dans la vie du Seigneur était lié à l’office prophétique de Christ. Au début de son ministère public, Christ a déclaré que l’Esprit du Seigneur était sur lui pour proclamer une année de grâce du Seigneur (Luc 4:18). 2. Le ministère de l’Esprit l’a rendu capable d’accomplir certains de ses miracles. Le Seigneur a incontestablement accompli certains de ses miracles par la puissance de l’Esprit. Il s’est appuyé sur ce fait avéré pour parler du péché impardonnable (Matthieu 12:28, 31). Il a rendu la vue aux aveugles parce que l’Esprit était sur lui (Luc 4:18-19). Dans l’Ancien Testament, le don du recouvrement de la vue était une prérogative de Dieu (Exode 4:11; Psaume 146:8); l’Ancien Testament l’annonçait aussi comme une œuvre que le Messie accomplirait (Esaïe 29:18; 35:5; 42:7). C’est pourquoi, en rendant la vue aux aveugles,
Christ déclarait ouvertement qu’il était le Messie qu’Israël attendait depuis longtemps. On pouvait s’attendre à ce que le ministère de l’Esprit (onction et revêtement de puissance) soit associé à ce genre de miracle qui démontrait que Jésus était le Messie oint. Il n’y a dans l’Ancien Testament aucun cas d’aveugle ayant recouvré la vue. Aucun des disciples du Seigneur n’a jamais rendu la vue à quelqu’un. Il n’y a que l’intervention d’Ananias auprès de Paul qui puisse se rapprocher d’une telle guérison. Ce qu’Ananias a fait est cependant différent de ce qu’accomplissait le Seigneur: il rendait l’usage de leurs yeux à des gens qui n’avaient jamais vu. C’est pourquoi, lorsque Christ est apparu sur la scène de l’histoire et a guéri de nombreux aveugles, il donnait des preuves solides et évidentes de sa messianité. Les Evangiles contiennent davantage de récits de guérison d’aveugles que d’autres miracles. Matthieu rapporte la guérison de deux aveugles particuliers (Matthieu 9:27-31), la guérison générale d’aveugles (Matthieu 11:5), la guérison d’un aveugle qui débouche sur la question du péché impardonnable (Matthieu 12:22), la guérison d’un certain nombre d’aveugles anonymes (Matthieu 15:30), la guérison d’aveugles le dimanche des Rameaux (Matthieu 21:14). Marc raconte que Jésus a ouvert les yeux d’un aveugle à Bethsaïda (Marc 8:22-26), et il rapporte le recouvrement de la vue par Bartimée et son ami à Jéricho (Marc 10:46-52, miracle relaté aussi par Matthieu et Luc). Jean raconte en détails la guérison de l’homme né aveugle (Jean 9). Tous ces miracles ont été opérés par la puissance de l’Esprit. Le Seigneur a toutefois accompli d’autres miracles par sa force innée de Dieu-homme. Il a guéri par sa propre force la femme atteinte d’une perte de sang (Marc 5:30). La foule a attribué à la puissance du Seigneur la guérison du paralytique que des amis avaient descendu aux pieds de Jésus par une ouverture pratiquée dans le toit de la maison (Luc 5:17-26). La guérison d’une multitude après le choix des disciples a résulté de la force qui sortait de lui (Luc 6:19). Ceux qui sont venus l’arrêter dans le jardin de Gethsémané ont reculé et sont tombés par terre sous l’effet de sa force divine quand il a déclaré: «C’est moi» (ou «Je suis», Jean 18:6). Selon certains, ces miracles attribués à Christ étaient en fait accomplis par l’Esprit en lui. C’est possible, mais il ne semble pas que cela corresponde à la lecture normale des textes. Il vaut donc mieux reconnaître qu’il a accompli certains de ses miracles par la puissance de l’Esprit (notamment les miracles qui prouvaient sa messianité, à savoir le recouvrement de la vue des aveugles) et d’autres par sa force personnelle.
C. La querelle au sujet du ministère de l’Esprit (Matthieu 12:22-37) et (Marc 3:22-30) relatent l’incident survenu en Galilée à propos de la puissance de l’Esprit, tandis que (Luc 11:14-23) rapporte un incident semblable survenu en
Judée environ un an plus tard. En guérissant un homme qui était à la fois aveugle et muet (probablement sourd aussi), le Seigneur a déclenché la discussion que décrivent Matthieu et Marc. En réalité, la cause profonde des ennuis du Seigneur était la question de la possession démoniaque. Les exorcistes juifs réussissaient aussi à chasser les démons, mais le cas présent leur posait certainement un grave problème. En effet, comment communiquer avec une personne aveugle, muette et de surcroît probablement sourde? Lorsque le Seigneur a guéri tous les malades d’un coup, la foule a été stupéfaite et a commencé à se dire qu’il était peut-être le Messie promis. Cette idée a poussé les pharisiens à une accusation blasphématoire: selon eux, c’était Satan en personne qui rendait son allié Jésus capable de chasser les démons et de se faire ainsi passer pour le Messie. Qui voudrait suivre un individu qui était l’ami de Satan, comme Jésus l’était visiblement, d’après eux? La réplique du Seigneur comprend trois parties. (1) Une maison ou un royaume divisé contre lui-même ne peut subsister. En d’autres termes, Satan n’allait tout de même pas détruire son propre royaume en s’alliant au royaume de Jésus! Il est vrai qu’il permettait aux exorcistes juifs de chasser les démons, mais cela ne créait pas dans son royaume une brèche comparable à celle causée par l’intervention de Jésus, si celui-ci opérait par la puissance de Satan. (2) L’accusation portée contre lui était absurde. En effet, si les pharisiens reconnaissaient que les exorcistes juifs ne s’appuyaient pas sur la puissance de Satan pour chasser les démons, pourquoi serait-ce le cas de Jésus? (3) La seule conclusion logique à tirer de ces faits, c’était que le royaume de Dieu était venu, puisque Christ triomphait de Satan en lui arrachant ses victimes et en le faisant par la puissance de l’Esprit de Dieu. En accusant Jésus d’être complice de Satan, les pharisiens se mettaient eux-mêmes du côté de celui-ci. En outre, ils portaient des accusations contre le Saint-Esprit, dont la puissance permettait à Christ de chasser les démons. Que voulait donc dire le Seigneur en déclarant que tout péché contre le Fils de l’homme était pardonnable, mais pas celui contre l’Esprit? Il leur faisait comprendre que leur méprise sur ses intentions, qui traduisait leur ignorance, bien que regrettable, était pardonnable. Mais se méprendre sur le pouvoir du Saint-Esprit était impardonnable puisque la puissance et l’œuvre du Saint-Esprit étaient déjà connues dans l’Ancien Testament. Parler contre l’Esprit ne traduisait pas simplement un péché de la langue. Les pharisiens n’avaient pas péché en paroles seulement: leur péché se nichait dans le cœur, et les lèvres ne faisaient que l’exprimer. De plus, c’était un péché commis en face de Christ. Pour se rendre coupable de ce péché particulier, il fallait que la présence de Christ sur la terre soit personnelle et visible. Il est donc impossible de le commettre aujourd’hui. Toutefois, la
méchanceté du cœur est impardonnable à toutes les époques pour celui ou celle qui meurt en persistant dans son rejet de Christ. La destinée éternelle de l’individu se détermine dans cette vie présente, mais aucun péché n’est impardonnable tant que l’individu conserve un souffle de vie. D’ailleurs, dans le passage en question, le Seigneur exhorte vivement les pharisiens à être pour lui plutôt que contre lui (Matthieu 12:30), à témoigner d’une véritable repentance du cœur (Matthieu 12:33-35) et à prononcer des paroles qui sont le fruit d’un cœur juste et non des propos qui entraîneraient leur condamnation (Matthieu 12:36-37). Paul est lui-même un exemple qui montre que le blasphème est pardonnable (1 Timothée 1:13).
D. La portée du ministère de l’Esprit 1. Le développement de l’humanité. Nous pouvons raisonnablement supposer que l’Esprit a joué un rôle dans le développement de l’humanité de Christ (Luc 2:52; Hébreux 5:8). La croissance du Seigneur devait dépendre de l’Esprit qui le remplissait et l’oignait. 2. La dépendance de Christ par rapport à lui. Jésus-Christ dépendait de l’Esprit pour être conduit et revêtu de puissance, au moins dans certains de ses miracles. Si le Fils de Dieu, qui était exempt de péché, a compté sur ces ministères du Saint-Esprit, comment pouvons-nous espérer vivre indépendamment de sa puissance?
III. La mort de Christ On cite habituellement Hébreux 9:14 comme preuve que le Seigneur s’est livré lui-même à la mort par l’Esprit. Mais les commentateurs ne sont pas tous d’accord pour affirmer qu’il s’agit bien d’une allusion au Saint-Esprit, si bien qu’il est pour le moins risqué de tirer une conclusion définitive. Ceux qui voient dans ce texte une mention du Saint-Esprit raisonnent ainsi: l’absence de l’article (littéralement «par Esprit éternel») plaide en faveur de l’identification au Saint-Esprit, tout comme l’absence de l’article dans Hébreux 1:2 (littéralement «dans Fils» ou «en Fils») ne laisse planer aucun doute sur le fait qu’il s’agit bel et bien de Christ. D’un point de vue théologique, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’Esprit, qui a joué un rôle décisif dans la naissance et la vie de Christ, soit aussi impliqué dans sa mort. Mais le camp adverse, pour qui il n’est pas question du Saint-Esprit mais de l’esprit personnel de Christ, s’appuie sur le raisonnement suivant: l’absence de l’article pousse plus naturellement à penser que ce n’est pas le Saint-Esprit, puisque sa mention est habituellement accompagnée de l’article. Si l’auteur parle de l’esprit éternel de Christ, il ne dit pas que la nature divine a offert la nature humaine, mais que la personne tout entière s’est elle-même offerte à Dieu par
l’action de l’élément spirituel puissant en elle. L’esprit divin de Christ est intervenu dans l’offrande du Dieu-homme. Un autre verset, 1 Pierre 3:18, peut désigner une action de l’Esprit en lien avec la mort de Christ. On admet cependant généralement que ce verset associe l’œuvre de l’Esprit à la résurrection de Christ. L’exégèse du texte soulève deux problèmes majeurs. L’un concerne l’identité de l’esprit en question: s’agit-il du Saint-Esprit ou de l’esprit personnel et éternel de Christ? Si c’est le premier, l’expression est instrumentale, «par l’Esprit» ou «quant à l’Esprit»; si c’est le second, il est question du lieu: «dans l’esprit de Christ». Le parallèle avec «chair» pourrait donner à penser qu’il s’agit de l’esprit de Christ. Dans ce cas, nous n’aurions aucune indication d’un ministère du Saint-Esprit en rapport avec la mort de Christ (à moins que Hébreux 9:14 ne s’y applique) ni avec sa résurrection. Même en supposant que Pierre parle du Saint-Esprit, une autre difficulté surgit, à savoir l’emploi d’un participe aoriste, «rendu vivant par l’Esprit». Habituellement, le participe aoriste indique une action simultanée ou antérieure à celle du verbe principal, mais jamais postérieure. (Le texte d’Actes 25:13 dans l’original grec ne fait pas exception, car l’arrivée du roi et de sa femme peut désigner toute la période au cours de laquelle ils saluèrent Festus; d’ailleurs, les visiteurs faisaient saluer avant leur arrivée.) Si le verbe principal de 1 Pierre 3:18 est «a été mis à mort», alors la mention «rendu vivant» ne peut pas désigner la résurrection, qui était évidemment postérieure à la mort de Christ. L’expression pourrait s’appliquer à une action revigorante de l’Esprit au moment de la crucifixion (action simultanée). Mais si le verbe principal est «amener», alors l’expression «rendu vivant» peut convenir à la résurrection, car celle-ci est antérieure à notre «mise au contact» de Dieu. Autrement dit, dans le premier cas, Pierre ferait allusion à la résurrection; dans le second, à une action vivifiante ou fortifiante survenue à la croix. Toutefois, dans les deux cas, il n’est pas évident que ce soit le Saint-Esprit qui soit mentionné. Il pourrait tout aussi bien s’agir de l’esprit de Christ. Finalement, certains avancent encore le texte de Romains 1:4 pour montrer que le SaintEsprit a participé à la résurrection de Christ. Là encore, nous devons mentionner deux difficultés exégétiques. L’une concerne l’identification de «l’Esprit de sainteté»: le parallélisme avec l’expression «selon la chair» (Romains 1:3) incite à penser plutôt à l’esprit de Christ qu’au Saint-Esprit. Le second problème est de savoir à quelle résurrection Paul fait allusion. Littéralement, il est question d’«une résurrection de morts». L’expression pourrait s’appliquer (a) à la résurrection de Christ d’entre les morts ou (b) aux résurrections qu’il a opérées pendant qu’il était sur la terre, ou encore (c) à toutes les résurrections, y compris la sienne. Quoi qu’il en soit, l’intervention directe du Saint-Esprit est moins que certaine. Tout compte fait, il n’existe aucun texte prouvant l’intervention directe de l’Esprit dans la
mort ou la résurrection du Seigneur. Toutefois, dans la mesure où toutes ces activités concernent la deuxième personne de la divinité, il est évident que toutes les personnes étaient à l’œuvre.
62. L’habitation de l’Esprit dans le croyant Comme déjà relevé au chapitre précédent à propos de Jean 14:17, depuis sa venue lors de la Pentecôte, l’Esprit accomplit certaines œuvres nouvelles et spéciales. Au cœur de ces ministères distinctifs se trouve la présence à demeure de l’Esprit dans le croyant, car elle conditionne toutes ses activités en faveur des chrétiens à notre époque.
I. Ceux qui sont habités Pour bien exprimer l’idée d’habitation, Paul n’utilise pas seulement la préposition grecque en, mais aussi le verbe oikeô, habiter (Romains 8:9; 1 Corinthiens 3:16, il lui arrive toutefois aussi de n’employer que la préposition, comme dans 1 Corinthiens 6:19). Il applique ce ministère de l’Esprit à tous les croyants.
A. L’Esprit à tous les croyants L’habitation de l’Esprit est un don de Dieu à tous les croyants. Plusieurs passages enseignent clairement qu’il est donné à tous les croyants, et non à une sélection d’entre eux (Jean 7:37-39; Actes 11:16-17; Romains 5:5; 1 Corinthiens 2:12; 2 Corinthiens 5:5). On pouvait s’attendre à ce qu’il en soit ainsi, puisqu’un don n’est pas une récompense et que l’acceptation d’un don n’implique aucun mérite.
B. Pas d’Esprit, pas de salut Paul déclare que ne pas avoir l’Esprit revient à ne pas appartenir à Christ (Romains 8:9). Jude aussi décrit les apostats comme des gens qui n’ont pas l’Esprit (Jude 19), des gens «sensuels», mot traduit par «naturel» dans 1 Corinthiens 2:14, qui s’applique à une personne non sauvée. Etre «naturel», c’est ne pas être sauvé, ne pas avoir l’Esprit. La possession de l’Esprit est donc une caractéristique commune à tous les gens nés de nouveau.
C. L’Esprit dans des croyants qui pèchent Le test décisif pour savoir si l’Esprit demeure dans tous les croyants consiste à voir s’il vit dans les chrétiens qui pèchent. Manifestement oui. 1 Corinthiens 6:19 a été écrit à un groupe de gens très divers sur le plan spirituel; certains étaient des croyants spirituels remarquables, mais beaucoup étaient charnels et mondains; l’apôtre Paul ne dit cependant pas que l’Esprit est seulement dans le groupe des spirituels. Un homme, que Paul
considère comme un croyant (1 Corinthiens 5:5), vivait dans un péché flagrant. D’autres s’intentaient mutuellement des procès (1 Corinthiens 6). Cela n’empêche pas Paul d’affirmer que l’Esprit est «en» eux tous (1 Corinthiens 6:19). Non seulement il n’apporte aucune exception à sa déclaration, mais de plus il s’appuie sur la réalité de l’habitation de l’Esprit dans ces croyants pour les exhorter à mener une vie sainte. Par conséquent, l’Esprit établit sa demeure dans tous les croyants, et seulement en eux.
II. Une habitation permanente Parmi ceux qui s’accordent à dire que l’Esprit est donné à tous les croyants, quelques-uns pensent qu’il peut se retirer de ceux qui commettent certains péchés. Ils reconnaissent qu’il habite dans les croyants, mais nient la permanence de son habitation en eux. Si des péchés pouvaient inciter l’Esprit à se retirer du croyant, il faudrait qu’ils soient plus graves que la débauche sexuelle de 1 Corinthiens 5 ou que les querelles judiciaires de 1 Corinthiens 6, puisque Paul n’exclut aucun de ces croyants de sa déclaration relative à la présence de l’Esprit en eux (1 Corinthiens 6:19). En outre, si l’Esprit se retirait du chrétien qui pèche, celui-ci ne serait plus un chrétien, d’après Romains 8:9. L’Esprit ne peut pas abandonner un croyant sans le plonger du même coup dans une condition d’individu perdu, privé de salut. Si l’Esprit désertait l’homme, celuici perdrait son salut, et vice-versa: la perte du salut imposerait le retrait de l’Esprit. La sécurité du croyant et la présence permanente de l’Esprit en lui sont donc des doctrines inséparables. Nous pouvons aussi nous appuyer sur la promesse positive du Seigneur qu’il prierait le Père de nous donner un autre consolateur «afin qu’il demeure éternellement» avec nous (Jean 14:16). Il ne fait aucun doute que le péché a des effets sur l’efficacité de l’Esprit dans la vie du croyant, mais il ne le chasse pas.
III. Problèmes liés à cette habitation A. La condition de l’obéissance Pierre parle du Saint-Esprit «que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent» (Actes 5:32). Fautil en déduire que l’obéissance est une condition pour que Dieu donne le Saint-Esprit et que, par conséquent, seuls certains chrétiens (ceux qui obéissent) ont l’Esprit? Oui, si l’on entend par obéissance la même réalité que Pierre. En effet, il s’adresse aux membres incroyants du sanhédrin et conclut son argumentation en mettant en doute leur obéissance. L’obéissance à quoi? Celle des membres du sanhédrin n’avait évidemment rien à voir avec l’obéissance en matière de vie chrétienne, puisqu’ils n’étaient pas chrétiens. Pierre les
exhorte à obéir, c’est-à-dire à croire en la vérité qui affirme que Jésus est leur Messie. Peu après, certains sacrificateurs de Jérusalem ont cru, et Luc précise qu’«une grande foule de sacrificateurs obéissaient à la foi» (Actes 6:7). Deux autres passages utilisent le terme d’obéissance comme synonyme de salut reçu. Paul déclare que son ministère consiste «à amener en son nom à l’obéissance de la foi tous les païens» (Romains 1:5). Et l’auteur de l’épître aux Hébreux dit que Christ «est devenu pour tous ceux qui lui obéissent l’auteur d’un salut éternel» (Hébreux 5:9). Si donc on définit l’obéissance comme l’obéissance à l’Evangile, alors oui, elle est une condition pour recevoir le don de l’Esprit.
B. Les cas d’habitation temporaire N’y a-t-il pas des cas qui plaident en faveur d’une habitation seulement temporaire de l’Esprit? La réponse est oui, mais ces cas sont tous antérieurs à la Pentecôte (1 Samuel 16:14; peut-être Psaume 51:13; Luc 11:13; Jean 20:22). Il n’existe aucun exemple semblable après la venue de l’Esprit lors de la Pentecôte. Comme, avant cet événement, les rapports des êtres humains avec le Saint-Esprit obéissaient à une autre économie, ils ne peuvent servir de preuves indiquant que les mêmes phénomènes peuvent se reproduire après la Pentecôte, une fois que l’Esprit est venu établir sa demeure permanente dans les croyants.
C. Le cas des Samaritains Le temps qui s’est écoulé entre la conversion des Samaritains et leur réception de l’Esprit (Actes 8:14-17) ne prouve-t-il pas que le don de l’Esprit est postérieur au salut, et donc sélectif? Il ne fait pas l’ombre d’un doute que Dieu a reporté le don de l’Esprit aux Samaritains. La question est de savoir pourquoi. Pour certains, cela prouve que l’Esprit ne vient habiter dans le croyant qu’après le salut, et pas nécessairement en tous. D’autres identifient ce don de l’Esprit avec sa plénitude. D’autres encore disent que Dieu n’a pas suivi la procédure habituelle avec les Samaritains, parce qu’ils représentaient le premier groupe non juif à entrer dans l’Eglise. Cette dernière remarque est juste: les Samaritains étaient partiellement juifs et partiellement païens. Le cas du don de l’Esprit à une population entièrement païenne figure dans Actes 10:44. Là, l’Esprit est accordé à Corneille et aux membres de sa maison dès l’instant où ils croient. La meilleure explication du délai entre la conversion des Samaritains et la venue du SaintEsprit sur eux tient peut-être à la nature schismatique de la religion samaritaine. Leur culte rivalisait avec le culte juif à Jérusalem; Dieu a donc pu tenir à leur démontrer que leur foi chrétienne nouvelle n’avait pas à se poser en rivale de celle de l’Eglise de Jérusalem. La meilleure façon de prouver indubitablement que les chrétiens samaritains appartenaient au
même groupe que ceux de Jérusalem (et vice-versa, de prouver aux dirigeants chrétiens de Jérusalem que les Samaritains étaient véritablement sauvés) consistait à surseoir au don du Saint-Esprit en attendant que Pierre et Jean viennent de Jérusalem à Samarie. Ce délai et l’envoi par Dieu de Pierre et de Jean pour communiquer le don de l’Esprit ont préservé l’Eglise primitive de la séparation en deux Eglises mères rivales.
D. Le cas des disciples de Jean-Baptiste L’incident rapporté dans Actes 19:1-6 ne prouve-t-il pas que la présence à demeure de l’Esprit est consécutive au salut? Pour répondre par l’affirmative à cette question, il faut admettre que les douze disciples de Jean-Baptiste étaient déjà chrétiens avant leur rencontre avec Paul à Ephèse. Or, cela ne semble pas du tout être le cas. Ils ne sont pas devenus chrétiens en acceptant le message et le baptême de Jean; ils le sont devenus seulement après que Paul leur a expliqué la différence entre Jean et Jésus. Le contexte semblerait même accréditer l’idée qu’ils n’avaient pas bien compris le message de Jean. Quand ils ont compris et accepté ce que Paul venait de leur expliquer, ils ont aussitôt reçu l’Esprit par l’imposition des mains de l’apôtre. Il n’y a donc eu aucun temps mort entre leur conversion et le don de l’Esprit. La procédure classique concernant la réception de l’Esprit par les païens est celle qui est appliquée dans la maison de Corneille: l’Esprit vient sur les païens au moment où ceux-ci croient, ce qui ce produit alors que Pierre leur expose la Parole et avant leur baptême d’eau (Actes 10:44, 47).
E. Le rapport entre habitation et onction Dans l’Ancien Testament, l’onction était un geste solennel qui rendait la personne ou l’objet saint, consacré (Exode 40:9-15). Elle était associée au Saint-Esprit et à l’équipement en vue d’un service (1 Samuel 10:1, 9; Zacharie 4:1-14). Dans le Nouveau Testament, Christ a été oint (Luc 4:18; Actes 4:27; 10:38; Hébreux 1:9), et tous les croyants le sont (2 Corinthiens 1:21; 1 Jean 2:20, 27). En ce qui concerne l’onction des croyants, les passages mentionnés enseignent que ce n’est pas quelque chose qui se répète, mais qui subsiste. Bien que, dans l’Ancien Testament, l’onction ait été associée à un service (comme dans le cas de Christ), l’onction du croyant dans le Nouveau Testament lui permet de saisir la vérité. L’onction vétérotestamentaire se rapproche davantage de l’idée de plénitude, alors que l’onction des croyants dans le Nouveau Testament est proche de la notion d’habitation permanente de l’Esprit. Dans l’Ancien Testament, tous les croyants n’en faisaient pas l’expérience; dans le Nouveau, si. L’expérience pouvait se répéter dans l’Ancien Testament; elle est partagée de façon permanente par tous les croyants dans le Nouveau. Le Nouveau Testament enseigne clairement que le Saint-Esprit habite de façon permanente
dans tous les croyants. Ne banalisons pas ce fait remarquable. Le ministère universel et permanent de l’Esprit dans le croyant contraste singulièrement avec son ministère auprès de certains fidèles dans l’Ancien Testament (Jean 14:17): que nous en ayons conscience ou non, Dieu le Saint-Esprit vit constamment en nous. Cela devrait (a) nous communiquer un sentiment de sécurité dans notre relation avec Dieu, (b) nous motiver à cultiver la présence de Dieu et (c) nous sensibiliser davantage à nos péchés contre Dieu.
63. Le sceau de l’Esprit Trois passages du Nouveau Testament mentionnent un ministère particulier du Saint-Esprit: celui par lequel il scelle les croyants. Le premier, 2 Corinthiens 1:22, déclare que Dieu «nous a marqués d’un sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit». Ephésiens 1:13-14 précise que nous avons été «scellés du Saint-Esprit» (to pneumati) quand nous avons cru, et que celui-ci est un «gage de notre héritage». Ephésiens 4:30 parle de l’Esprit «par lequel» ou «avec lequel» (grec en, «dans») nous avons été scellés pour le jour de la rédemption. L’Ancien Testament ne mentionne nulle part ce ministère spécifique du Saint-Esprit. Leon Wood tente de prouver qu’il accomplissait déjà cette œuvre dans l’Ancien Testament en raisonnant ainsi: puisque le sceau est lié à la sécurité du croyant ainsi qu’à l’habitation de l’Esprit en lui, et puisque les saints d’autrefois jouissaient de ces deux éléments, ils devaient nécessairement être scellés209. Si cette affirmation est vraie, elle ne correspond cependant qu’à une déduction; elle n’est jamais explicitement énoncée dans l’Ancien Testament. Le sceau de l’Esprit semble plutôt correspondre à ce que Dieu a accompli pour les croyants depuis la Pentecôte seulement.
I. Les personnes scellées Comme dans le cas de l’habitation de l’Esprit, le sceau de l’Esprit n’est apposé que sur les chrétiens, et sur eux tous. Dans 2 Corinthiens 1:22, Paul ne procède à aucune discrimination, alors qu’il écrit à un groupe d’individus parmi lesquels une telle distinction aurait pu se justifier. Tous sont scellés. Si ce n’était pas le cas, sur quoi l’apôtre aurait-il pu s’appuyer pour exhorter les croyants à ne pas attrister l’Esprit (Ephésiens 4:30)? Il aurait dû préciser que seuls ceux qui étaient scellés du Saint-Esprit devaient veiller à cela.
II. Le moment du scellement Comme dans le cas de l’habitation de l’Esprit, le croyant est scellé au moment de sa conversion. La conjonction «et» dans 2 Corinthiens 1:22 lie expressément l’action de Dieu par laquelle il scelle le croyant et le don de l’Esprit. Or l’Esprit est donné au moment où nous croyons (Actes 2:38). On peut interpréter Ephésiens 1:13 de deux manières, chacune aboutissant à une réponse différente quant au moment où l’individu est scellé. Le verbe principal est «vous avez été scellés». Le participe aoriste qui l’accompagne est «ayant cru» (traduit par «vous avez cru»). Le participe aoriste peut exprimer une action antérieure à celle du verbe principal.
Dans ce cas, le croyant a cru avant d’être scellé. Il s’est donc écoulé un certain temps entre le moment où il s’est converti et celui où il a été scellé. Mais le participe peut aussi exprimer une action simultanée à celle du verbe principal. Dans ce cas, l’individu a cru et a été scellé en même temps. Du point de vue exégétique, les deux interprétations sont correctes. Mais du point de vue théologique, l’être humain croit et reçoit simultanément le sceau de l’Esprit. Autrement, il existerait des croyants qui n’auraient pas été scellés du Saint-Esprit.
III. Celui ou ceux qui scellent C’est manifestement Dieu qui scelle les croyants (2 Corinthiens 1:22). Il est moins facile de savoir si l’Esprit aussi accomplit cela. Ephésiens 4:30 semble faire aussi de l’Esprit un agent de cette œuvre, compte tenu de l’expression «par lequel». Mais celle-ci pourrait signifier «avec lequel». Ephésiens 1:13 est ambigu, puisque Paul n’utilise aucune préposition. L’Esprit pourrait être l’agent de cette œuvre ou la sphère du scellement ou les deux. Nous sommes scellés par l’Esprit et dans l’Esprit. Si ces deux affirmations sont vraies, cela revient à dire: «Je suis allé au magasin en voiture.» Cela peut signifier «par le moyen de ma voiture», si vous considérez la voiture comme l’agent qui vous a conduit au magasin. Vous pouvez aussi sous-entendre «en étant assis dans ma voiture»; dans ce cas, vous concevez la voiture comme l’habitacle dans lequel vous avez été conduit au magasin. En fait, les deux sens sont justes: la voiture a servi d’agent qui vous a transporté et de sphère dans laquelle vous avez été transporté. Il en va de même pour l’Esprit: il est l’agent qui nous a scellés, et nous sommes scellés en lui.
IV. La durée du sceau Nous sommes scellés «pour le jour de la rédemption» (Ephésiens 4:30), c’est-à-dire le jour où notre rédemption sera entièrement accomplie, celui où nous recevrons notre corps de résurrection (cf. Romains 8:23). Le sceau de l’Esprit garantit donc la réalisation complète des promesses que Dieu nous a faites, et aucun croyant ne peut perdre ce sceau sur sa route vers le ciel.
V. Les implications du sceau A. La sécurité Le concept du sceau inclut les idées d’appartenance à quelqu’un qui a autorité sur nous, exerce ses responsabilités à notre égard et nous procure avant tout la sécurité. Le sceau atteste que Dieu tiendra fidèlement ses promesses envers nous, notamment en matière de salut. Nous avons la certitude (a) que c’est lui qui nous possède, (b) que notre salut est
assuré parce que nous sommes scellés par l’Esprit et dans l’Esprit, et (c) qu’il a la ferme intention de nous garder jusqu’au jour de notre pleine rédemption. Autrefois, le courrier important était scellé, et cette pratique fournit un bel exemple de la notion de sécurité liée au sceau. L’objet scellé faisait l’objet de soins particuliers. Le sceau de l’expéditeur devait être clairement apposé sur l’objet pour que l’on puisse le différencier de toute contrefaçon en cours d’acheminement. Seules deux personnes avaient le droit de rompre le sceau: le destinataire et l’expéditeur (si l’objet lui revenait). Dans le cas des croyants, Dieu est l’expéditeur et le destinataire final; il est aussi celui qui appose le sceau. Lui seul est habilité à le briser, et il a promis de ne pas le faire jusqu’au jour de notre rédemption. Les textes de 2 Corinthiens 1:22 et Ephésiens 1:13-14 présentent le don du Saint-Esprit comme un sceau et un héritage. Le lien est tout à fait logique: le sceau garantit que nous recevrons tout ce que Dieu nous a promis, sachant qu’une partie des promesses concerne notre rédemption future; la présence de l’Esprit dans notre vie sert de gage ou d’arrhes de tout ce qui nous sera accordé. Dans les affaires humaines, lorsqu’un acquéreur a versé un acompte sur l’achat d’un objet, lui et le vendeur sont liés jusqu’à ce que le prix total soit versé et que l’objet revienne à l’acheteur. De même, l’Esprit sert d’acompte qui garantit que Dieu ne reprendra aucune des promesses qu’il nous a faites.
B. La pureté La pensée du jour de notre pleine rédemption, jour où nous serons rendus parfaits, devrait nous faire rougir de honte à cause du péché qui marque notre vie présente. De plus, le fait que nous entretenons une relation avec le Saint-Esprit que notre péché attriste devrait nous inciter à la pureté. Quels sont les péchés qui attristent l’Esprit? Tout péché et tous les péchés. Mais le contexte immédiat (les deux versets qui encadrent Ephésiens 4:30) semble désigner plus particulièrement les péchés de la langue. Certes, ce qui sort de notre bouche révèle ce qu’il y a dans notre cœur, mais la pensée que Dieu nous a scellés par l’Esprit et dans l’Esprit devrait nous encourager à surveiller en particulier nos lèvres. 209 Leon Wood, The Holy Spirit in the Old Testament, Grand Rapids, Zondervan, 1976, pp. 70-71.
64. Le baptême de l’Esprit Depuis la Pentecôte, l’Esprit exerce encore un autre ministère distinct: il baptise dans le corps de Christ tous ceux qui croient. Aucun passage de l’Ancien Testament n’annonçait ce ministère; Jean-Baptiste a été le premier à le prédire (Matthieu 3:11 et passages parallèles). Mais, durant la vie du Seigneur sur terre, personne n’a jamais fait l’expérience de ce baptême. En effet, après sa résurrection et juste avant son ascension, le Seigneur a dit à ses disciples qu’ils seraient baptisés du Saint-Esprit «dans peu de jours» (Actes 1:5). Ce ministère poursuivait un but particulier: ajouter des personnes au corps de Christ. Comme ce corps est une particularité de la période néotestamentaire, le baptême de l’Esprit l’est aussi.
I. La confusion régnante Une certaine confusion règne dans le domaine de la pneumatologie (doctrine de l’Esprit), provoquant des divisions parmi les croyants et obscurcissant cette grande vérité. Pourquoi en est-il ainsi? Une des raisons de cette confusion s’explique par la conception floue qui entoure le corps de Christ. Si on pense que l’Eglise a commencé avec Abraham ou avec Jean-Baptiste, il est évidemment plus difficile de voir le caractère distinctif du ministère baptismal de l’Esprit dans l’économie présente. On fait alors de l’expérience du baptême un synonyme de la conversion210. Mais si l’on reconnaît que le corps de Christ est une œuvre de Dieu qui remonte à la Pentecôte, alors on comprend mieux pourquoi l’Esprit baptise les individus dans ce corps. Une insistance excessive sur le baptême d’eau, notamment sur le baptême par immersion, obscurcit souvent, et masque parfois même complètement, la doctrine du baptême de l’Esprit. Si l’on ne différencie pas les deux vérités, c’est généralement la doctrine du baptême de l’Esprit qui en fait les frais, car elle est considérée comme une autre façon d’envisager le baptême d’eau. E.Y. Mullins, un théologien baptiste d’une génération précédente, identifiait le baptême de l’Esprit au baptême dans l’Eglise (locale); il en déduisait que le baptême littéral (le baptême d’eau) est une activité guidée par l’Esprit, selon 1 Corinthiens 12:13211. Dale Moody, un théologien baptiste contemporain, affirme que «Dieu communique l’Esprit dans le baptême»212. En associant le baptême de l’Esprit à une seconde bénédiction et/ou à l’expérience du parler en langues censée prouver que l’intéressé a été baptisé dans l’Esprit, le mouvement pentecôtiste n’a fait qu’ajouter à la confusion.
On omet parfois de faire la différence entre le baptême de l’Esprit et la plénitude de l’Esprit. Il en découle l’idée que la «plénitude-baptême» est postérieure à la conversion et ne concerne pas tous les croyants. Cette conception n’implique pas forcément le parler en langues. Elle considère qu’en baptisant l’Esprit remplit d’une puissance spéciale. Le manque de clarté est d’autant plus entretenu que de grands hommes comme R.A. Torrey et D.L. Moody n’avaient pas de vues claires sur la question. Le premier enseignait qu’une personne pouvait ou non être baptisée de l’Esprit au moment de son salut213. Dans sa biographie de Moody, Torrey rapporte que Moody concevait le baptême de l’Esprit comme une expérience qui se produisait après la conversion214. Il faut reconnaître que, parfois, ce manque de clarté est innocent, mais il arrive aussi que des conceptions erronées soient propagées de façon délibérée. Dans tous les cas, les croyants sont privés d’une vérité importante qui met en jeu leur union avec Christ et constitue une base solide pour une vie sainte.
II. Les caractéristiques de ce baptême A. Propre à la dispensation présente Comme nous l’avons déjà signalé, l’Ancien Testament ne contient aucune prédiction concernant ce baptême, et notre Seigneur a déclaré qu’il se produirait pour la première fois lors de la venue de l’Esprit le jour de la Pentecôte (Actes 1:5). Plus tard, en évoquant ce jour-là, Pierre a parlé du «commencement» (Actes 11:15-16). La raison d’être de ce baptême – unir les croyants au corps de Christ – et le caractère de ce corps, propre à la dispensation présente, amènent à conclure que le baptême de l’Esprit est un ministère valable uniquement pour cette dispensation-ci.
B. Propre à tous les croyants Le baptême de l’Esprit est une expérience commune à tous les croyants de cette dispensation. Trois éléments vont dans le sens de cette conclusion. (1) Le texte central de 1 Corinthiens 12:13 affirme clairement que tous ont été baptisés, de même que tous ont été abreuvés de l’Esprit (par sa présence constante en eux). Or Paul fait cette déclaration à une Eglise, celle de Corinthe, dans laquelle se côtoyaient des chrétiens de tous niveaux spirituels. Il s’ensuit que même les chrétiens charnels n’étaient pas exclus de ce ministère. (2) On ne trouve nulle part dans les Ecritures une parole exhortant le chrétien à être baptisé de l’Esprit. Cela signifie que tous ont été mis au bénéfice de cette œuvre de l’Esprit. (3) Si l’expression «un seul baptême» (Ephésiens 4:5) désigne le baptême de l’Esprit (ce qui est le plus vraisemblable), elle s’applique au groupe qui confesse «un seul Seigneur» et
possède «une seule foi», autrement dit à tous les croyants.
C. Au moment du salut Le baptême de l’Esprit se produit au moment du salut et n’est jamais répété après. S’il ne se produisait pas au moment du salut, il existerait des personnes réellement sauvées qui, n’ayant pas été baptisées de l’Esprit, n’appartiendraient pas au corps de Christ. Le baptême est justement ce qui fait entrer le croyant dans le corps. Si quelqu’un pouvait être sauvé sans être baptisé de l’Esprit, il serait un croyant extérieur au corps de Christ. Si le baptême nécessitait d’être répété, il faudrait que le croyant ait été disjoint ou séparé du corps de Christ et qu’il ait donc besoin de lui être de nouveau uni. Puisque le baptême de l’Esprit, concomitant de la conversion, fait entrer dans le corps, toute répétition de ce baptême supposerait que le chrétien a été ôté du corps entre les deux baptêmes.
III. Les conséquences de ce baptême A. L’union au corps de Christ Le baptême de l’Esprit nous unit au corps de Christ. Cette œuvre ne peut être détachée des grandes vérités déterminantes qui suivent. Faire partie du corps de Christ, c’est être ressuscité avec lui en nouveauté de vie (Romains 6:4) et exercer nos dons pour le bon fonctionnement du corps (le contexte de 1 Corinthiens 12:13). L’expérience de ce baptême unique justifie l’exhortation de maintenir l’unité du corps (le contexte d’Ephésiens 4:5). L’inutilité d’un second baptême nous garantit la sécurité de notre position dans le corps de Christ.
B. La concrétisation de notre crucifixion L’union à Christ dans sa mort, son ensevelissement et sa résurrection sert à nous faire comprendre que nous ne sommes plus sous la puissance du péché qui demeure en nous et que nous devons marcher en nouveauté de vie (Romains 6:1-10; Colossiens 2:12).
IV. La doctrine des deux baptêmes Comme 1 Corinthiens 12:13 enseigne clairement le baptême de tous les croyants et que certains enseignants contemporains tentent de justifier l’idée d’un baptême spécial pour un revêtement de puissance (seconde bénédiction), on a vu apparaître une doctrine des deux baptêmes qui, autant que je sache, est un enseignement nouveau. Alors que le pentecôtisme ancien considérait le baptême de l’Esprit comme un revêtement de
puissance, dont le parler en langues était la preuve, le pentecôtisme plus récent distingue deux baptêmes: l’un est celui de 1 Corinthiens 12:13, dont tous les croyants font l’expérience, qui est accompli par l’Esprit et fait entrer les convertis dans le corps de Christ; l’autre est le baptême pratiqué dans le livre des Actes et accompli par Christ pour plonger les croyants dans l’Esprit et les revêtir de puissance. Le premier s’opérerait à la conversion et déterminerait notre position; le second interviendrait plus tard, pourrait se répéter et revêtirait de puissance. Le premier n’exigerait pas la pratique du parler en langues, le second si, dans sa forme idéale. On ne trouve que sept fois dans le Nouveau Testament l’expression baptiser «avec, dans ou par» l’Esprit (Matthieu 3:11; Marc 1:8; Luc 3:16; Jean 1:33; Actes 1:5; 11:16; 1 Corinthiens 12:13). Ces sept cas peuvent se classer en trois groupes: (1) les prédictions faites dans les Evangiles, (2) l’annonce de la Pentecôte ainsi que son rappel dans les deux textes des Actes et (3) l’explication doctrinale dans 1 Corinthiens. Dans les Evangiles, il semble plus naturel de considérer Christ comme celui qui baptise, et l’Esprit comme la sphère dans laquelle les hommes sont baptisés. Dans Actes et Corinthiens, il paraît plus naturel de considérer l’Esprit comme l’agent qui baptise, et le corps de Christ comme la sphère dans laquelle les hommes sont baptisés. Mais ces distinctions ne sont pas rigides: Christ et l’Esprit sont tous deux agents; l’Esprit et le corps sont tous deux des sphères. Christ est l’agent suprême, car c’est lui qui a envoyé l’Esprit, lequel fait pour ainsi dire fonction d’agent intermédiaire (Actes 2:33). Il est manifeste que le corps est une sphère, et l’Esprit une autre. Cette œuvre ressemble donc beaucoup à celle par laquelle l’Esprit scelle: il est à la fois l’agent qui scelle et la sphère dans laquelle nous sommes scellés. Le néopentecôtisme éprouve cependant le besoin de marquer des distinctions tranchées. Pour ses adeptes, les références au baptême de l’Esprit dans les Evangiles et dans les Actes présentent Christ comme l’agent du baptême, et l’Esprit comme la sphère qui communique la puissance au croyant; ce serait le baptême dans l’Esprit. Dans 1 Corinthiens, l’Esprit est l’agent, et le corps de Christ la sphère; ce serait le baptême par l’Esprit. Tous les croyants auraient été baptisés par l’Esprit, mais tous n’auraient pas fait l’expérience du baptême dans l’Esprit. Il est intéressant de faire remarquer que les ultra-dispensationalistes s’appuient sur le même raisonnement des deux baptêmes pour justifier leur doctrine des deux Eglises durant la période des Actes: l’Eglise dite «de Pierre», ou Eglise «juive», qui s’étendrait de la Pentecôte au ministère de Paul, et l’Eglise-corps qui commencerait avec Paul. L’Eglise juive aurait reçu sa puissance par le baptême dans l’Esprit, et l’Eglise paulinienne, ou corps de Christ, devrait son existence au baptême par l’Esprit215. L’usage aussi peu fréquent et visiblement technique d’une expression incline à penser
qu’elle désigne la même activité dans toutes ses occurrences. La doctrine de deux baptêmes séparés et distincts repose sur des appuis pour le moins fragiles. En revanche, l’idée de deux agents est biblique car elle s’appuie sur Actes 2:33, et elle est normale car des personnes différentes de la Trinité interviennent souvent dans la même œuvre. De plus, dans Ephésiens 4:5, Paul est formel: il n’y a qu’un seul baptême. Ce baptême est l’œuvre de Christ par le moyen du ministère de l’Esprit et vise à faire entrer dans l’Eglise, le corps de Christ, tous ceux qui croient, avec tous les privilèges et les devoirs attachés à cette position.
210 Donald Guthrie, New Testament Theology, Downers Grove, InterVarsity, 1981, p. 564. 211 E.Y. Mullins, International Standard Bible Encyclopedia, Grand Rapids, Eerdmans, 1943, 1:399-401. 212 Dale Moody, The Word of Truth, Grand Rapids, Eerdmans, 1981, p. 447. 213 R.A. Torrey, The Baptism with the Holy Spirit, Minneapolis, Bethany House, 1972, pp. 13-14. 214 R.A. Torrey, Why God Used D.L. Moody, New York, Revell, 1923, pp. 51-55. 215 Charles F. Baker, A Dispensational Theology, Grand Rapids, Grace Bible College Publications, 1971, p. 503.
65. Les dons de l’Esprit La doctrine des dons spirituels est presque exclusivement une doctrine paulinienne. En effet, le seul autre verset où apparaît une expression similaire est 1 Pierre 4:10. Ephésiens 4 attribue l’initiative des dons au Christ ressuscité et remonté au ciel. 1 Corinthiens 12 présente l’Esprit comme celui qui distribue les dons. L’autre texte majeur, celui de Romains 12, ne précise pas qui est l’agent dans cette œuvre. Comme, dans le chapitre consacré à la christologie, nous n’avons qu’effleuré le ministère de Christ en rapport avec la distribution des dons à son corps, nous nous intéresserons plus en détail à cette doctrine dans le présent chapitre.
I. La définition des dons A. Ce qu’elle inclut Le mot grec traduit par «dons spirituels» est charisma. Il est tiré du mot «grâce» (charis) et désigne quelque chose qui est dû à la grâce de Dieu. Le Nouveau Testament utilise ce terme à propos du salut («don gratuit» Romains 6:23), des soins providentiels de Dieu («grâce» 2 Corinthiens 1:11), mais l’usage le plus fréquent est celui des dons de grâce au croyant. Dans ce dernier cas, je suggère de définir charisma comme désignant une aptitude accordée par Dieu en vue du service. Dans la définition ainsi proposée, le don est synonyme d’aptitude; un don spirituel est une aptitude ou une capacité. La précision «donnée par Dieu» indique que Christ et l’Esprit sont la source des dons; enfin le but, «en vue du service», résume les passages essentiels qui indiquent que le chrétien doit mettre ses dons au service du corps de Christ. Même s’il existe une analogie étroite entre les dons spirituels et les talents (tous deux sont donnés par Dieu, 1 Corinthiens 4:7), il y a aussi une différence importante: les talents peuvent, ou non, être utilisés au service du corps.
B. Ce qui est exclu 1. Le don spirituel ne correspond pas à un lieu de service. Le don est l’aptitude, et non le lieu où elle s’exerce. L’enseignement peut se donner à l’intérieur ou à l’extérieur d’une salle de classe, et n’importe où dans le monde. Le don de secourir peut s’exercer dans l’Eglise comme dans le voisinage. 2. Le don spirituel ne correspond pas à un office ou une fonction. Le don est une aptitude et peut être exercé aussi bien par celui qui remplit une fonction dans une Eglise locale que par celui qui n’occupe aucune charge ecclésiastique. A ce propos, une grande confusion entoure la
question du don pastoral: ce don est la capacité de faire paître ou de prendre soin des gens; cette tâche peut être accomplie par celui qui, dans notre ecclésiologie moderne, exerce la fonction pastorale, mais aussi par le directeur ou la directrice d’une école, voire par l’épouse et la mère dans un foyer. 3. Le don spirituel ne correspond pas à un ministère particulier auprès d’un groupe d’âge. Il n’existe pas de don d’ouvrier spécialisé parmi la jeunesse ou parmi les enfants. Ceux qui ont le don de diriger une Eglise, d’enseigner, d’administrer et de secourir doivent pouvoir exercer leur don auprès de toutes les tranches d’âge. 4. Le don spirituel ne correspond pas à une aptitude technique particulière. Il n’y a pas de don spirituel d’écrivain, d’instructeur ou de musicien chrétien. Ce sont là des techniques qui peuvent servir à canaliser les dons spirituels. 5. Le don spirituel correspond à autre chose qu’à un talent naturel. J’ai déjà signalé qu’un talent peut, ou non, être mis au service du corps de Christ, alors que le don spirituel l’est nécessairement. Notons encore d’autres différences entre les dons spirituels et les talents naturels.
Le don spirituel est donc une aptitude conférée par Dieu pour le service du corps de Christ, là où Dieu le veut et quand il le veut.
II. La distribution des dons A. Par le Christ ressuscité Les dons spirituels sont distribués par le Christ ressuscité et remonté au ciel (Ephésiens 4:10-11). Le fait que c’est la tête du corps qui communique les dons à son corps fait de l’exercice des dons une activité noble et sainte. Il s’agit des dons du Seigneur; c’est lui qui nous les confie, car il a besoin que nous les utilisions pour édifier son corps. De quelle dignité est ainsi revêtu ce qui pourrait sembler le service le plus humble!
B. Par le Saint-Esprit Les
dons
spirituels
sont
distribués
par
le
Saint-Esprit
comme
il
le
veut
(1 Corinthiens 12:11, 18). Pourquoi accorde-t-il tel don particulier à un croyant? Parce qu’il sait le mieux ce dont le corps a besoin et ce qui convient le mieux à chacun pour son
service. Si nous comprenons ce principe, nous cesserons de nous plaindre parce que nous ne possédons pas le même don qu’un autre chrétien, et nous chercherons à utiliser au mieux le don que Dieu nous a confié. Quand l’Esprit nous accorde-t-il ses dons? Probablement à notre conversion. S’il s’agit bien de dons de l’Esprit, et si nous ne possédons pas l’Esprit avant notre nouvelle naissance, alors il est probable qu’il nous communique ses dons au moment où nous croyons. Il se peut cependant que nous ne découvrions pas tous nos dons lors de notre salut, mais je suis enclin à croire que nous les possédons déjà tous à ce moment-là. Au fur et à mesure de notre croissance spirituelle, d’autres dons peuvent se manifester pour que nous les exercions à d’autres moments de notre vie, mais il est probable que nous les possédons déjà dès notre conversion. Nous ne pouvons sans doute préciser quelle combinaison particulière de dons nous avons reçue qu’à partir du moment où, jetant un regard sur notre vie écoulée, nous découvrons ceux que Dieu a utilisés tout au long de nos journées.
C. A tous les croyants Il n’existe aucun croyant qui ne possède pas au moins un don spirituel. Pierre est formel: tous les croyants en ont reçu au moins un (1 Pierre 4:10). Chaque croyant est soit marié, soit
célibataire,
et
ces
deux
états
correspondent
déjà
à
des
dons
spirituels
(1 Corinthiens 7:7). De nombreux chrétiens ont aussi probablement reçu le don de secourir ou de servir. Toutefois, aucun chrétien ne possède tous les dons. Si tel était le cas, la métaphore de 1 Corinthiens 12:12-27 n’aurait plus aucun sens. Si un croyant avait tous les dons, il n’aurait pas besoin des autres croyants. Il serait tout à la fois main, pied, œil et oreille, bref le corps dans son intégralité, ce qui est impossible. Les croyants ont besoin des autres croyants tout simplement parce qu’aucun d’eux ne détient tous les dons.
D. Au corps de Christ Les dons spirituels sont distribués au corps de Christ dans son ensemble. Je veux dire par là qu’une assemblée locale ne devrait pas s’attendre à ce que tous les dons spirituels soient obligatoirement présents en son sein. Son niveau de développement et de maturité ne requiert pas forcément la totalité des dons spirituels. Dieu sait ce dont chaque groupe a besoin, et il pourvoira en conséquence. Je veux également dire qu’une génération de chrétiens ne doit pas nécessairement s’attendre à posséder tous les dons. Un don a pu être accordé une fois à l’ensemble du corps de Christ. Ainsi, Dieu a donné au commencement le fondement des apôtres et des prophètes (Ephésiens 2:20). Une fois les fondations posées par ceux qui avaient ces dons, l’édifice spirituel a eu besoin d’autres dons. Toutefois en notre vingt et unième siècle, nous
bénéficions encore des dons initiaux et nous construisons dessus. Ils ont été accordés au premier siècle pour le corps de Christ de tous les temps. Aucune génération n’a été lésée. L’Esprit revêt l’Eglise comme il veut, et il sait exactement ce dont chaque croyant, chaque assemblée, chaque génération a besoin.216
III. La découverte et le développement des dons Le risque de polarisation existe aussi à propos des dons spirituels. A une extrémité du spectre des positions se trouve l’idée que les dons spirituels ne sont plus applicables au service chrétien d’aujourd’hui, car ils n’ont été accordés qu’à l’Eglise primitive et qu’aujourd’hui, ce qui compte, c’est d’atteindre la maturité et non d’exercer les dons spirituels. A l’extrémité opposée figurent ceux qui insistent sur le fait qu’on ne peut pas exercer le moindre service si l’on n’est pas sûr de ses dons spirituels. Si les dons spirituels n’ont été accordés qu’à l’Eglise primitive, ou s’ils ne nous concernent plus aujourd’hui, pourquoi apparaissent-ils dans des livres du Nouveau Testament écrits pour la deuxième génération de chrétiens et à ceux qui vivaient dispersés dans l’Empire romain (Ephésiens et 1 Pierre)? Par ailleurs, puisque les dons sont nécessaires au bon fonctionnement du corps de Christ, comment l’Eglise pourrait-elle fonctionner correctement si elle ne les possédait pas? Quant à la position extrême opposée, si le croyant doit connaître son ou ses dons spirituels avant de commencer à servir, pourquoi ne trouve-t-on pas dans le Nouveau Testament de commandement de découvrir ses dons? Ce qui nous est ordonné, c’est de les utiliser (1 Pierre 4:10, «mettre au service des autres le don reçu»). Aucun texte ne dit que nous devrions savoir quel don nous avons reçu avant d’envisager de nous mettre au service du corps de Christ. Je vais néanmoins me risquer à utiliser le verbe «découvrir», qui découle du titre de cette section, pour encourager le croyant à exercer ses dons.
A. Chercher à connaître l’ensemble de nos dons Toute vie chrétienne se caractérise par trois sortes de dons. 1. Les aptitudes naturelles. Elles sont conférées par Dieu à la naissance et englobent des choses comme le quotient intellectuel, une certaine mesure de santé et de force, des talents musicaux, un don pour les langues, des compétences dans le domaine mécanique, etc. 2. Les aptitudes acquises. Mentionnons dans ce domaine l’art culinaire, la couture, la conduite d’une voiture, l’apprentissage d’une langue étrangère, la maîtrise d’un
instrument de musique, etc. Bien que nous considérions parfois ces choses comme allant de soi, soyons conscients que beaucoup d’hommes et de femmes, dans le monde, n’ont jamais eu l’occasion d’acquérir une quelconque compétence dans de tels domaines. 3. Les dons spirituels. Le croyant devrait chercher à discerner la totalité des aptitudes diverses que Dieu lui a accordées. En d’autres termes, nous devrions faire l’inventaire de tout ce que nous avons «en stock» pour savoir ce que nous pourrons mettre au service du Seigneur. En procédant périodiquement à cet exercice, nous serons amenés à définir de nouveaux domaines de service.
B. Nous préparer en saisissant toutes les occasions Ce principe s’applique aux trois catégories d’aptitudes. Améliorons nos talents naturels, acquérons des compétences et développons nos dons spirituels. Si quelqu’un pense avoir le don d’enseigner, qu’il s’adonne à l’étude. Il est possible que l’art de la communication lui ait été donné (bien qu’il puisse aussi être amélioré et affiné par l’instruction), mais le contenu doit nécessairement être appris. Si quelqu’un estime avoir le don de la générosité, qu’il s’exerce à être un bon gérant dans tous les domaines de la vie (1 Corinthiens 4:2). La propension à donner lui est certainement accordée par Dieu, mais la connaissance de ce qu’il faut donner et de ceux qui en ont le plus besoin exige une certaine discipline dans les affaires financières. Le don de l’évangélisation dans l’Eglise primitive ne se limitait pas à la prédication de la Parole de Dieu, car l’évangéliste menait généralement une vie d’itinérant pour apporter la bonne nouvelle ailleurs. Pour être en mesure d’effectuer ces déplacements, l’évangéliste devait veiller à sa santé, condition nécessaire pour avoir l’énergie de voyager en répandant l’Evangile. Si quelqu’un a le don d’exhorter, celui-ci doit forcément s’appuyer sur une bonne connaissance biblique. La seule exhortation valable et utile doit s’enraciner dans les vérités bibliques. Et pour acquérir cette connaissance, il faut évidemment étudier.
C. Etre actifs dans l’œuvre du Seigneur L’activité permet de découvrir et de développer les dons. La pratique aide à percevoir l’étendue des dons que l’on possède, et elle favorise leur développement. Si vous tenez vraiment à découvrir vos dons, ne négligez pas les occasions qui vous sont offertes de servir, même si vous estimez a priori que le service proposé n’entre pas dans le cadre de vos aptitudes. Dieu essaie peut-être de vous montrer que vous avez des dons que vous ignorez. Si nous nous employons à faire ce que nous pouvons, d’autres occasions de service
pourront se présenter, et elles mettront en évidence d’autres dons spirituels. Prenons un exemple. La première fois que le livre des Actes parle de Philippe, il est occupé à la distribution quotidienne du secours destiné aux veuves indigentes (Actes 6:5). Il est peu probable qu’avant d’accomplir ce service, il se soit demandé passivement s’il avait le don pour le remplir! L’occasion de servir s’est présentée, et il l’a saisie. Il s’est montré fidèle dans l’accomplissement de cette humble tâche. C’est pourquoi le Seigneur lui en a confié une autre, celle de l’évangélisation des Samaritains (Actes 8:5) et, plus tard, celle d’annoncer la bonne nouvelle à l’eunuque éthiopien. Sa fidélité dans cette mission lui a valu d’être connu comme «Philippe l’évangéliste» (Actes 21:8). Il avait d’abord été Philippe, le serviteur des veuves. On retrouve le même principe dans la vie d’Etienne. Il se tenait d’abord aux côtés de Philippe dans le service en faveur des veuves négligées. Mais c’était aussi un homme aux fortes convictions chrétiennes (Actes 6:5) et un témoin courageux (Actes 7:1-53). La fidélité dans un service lui a ouvert des portes pour d’autres missions. Permettez-moi d’établir une comparaison intéressante entre certains des dons spirituels et les commandements qui sont adressés à tous les croyants. Le but de cette comparaison est de montrer simplement que nous sommes exhortés à travailler dans de nombreux domaines, que nous pensions ou non avoir les dons spirituels correspondants nécessaires.
Tous les croyants ont donc reçu l’ordre d’accomplir des ministères variés, qu’ils possèdent ou non le don spirituel correspondant. Si nous obéissons fidèlement à cet ordre, nous découvrirons probablement nos dons spirituels particuliers.
D. Bien gérer notre état civil Si les deux états – célibat et mariage – sont des dons spirituels (1 Corinthiens 7:7), il est indispensable de se montrer fidèle dans l’administration du don qui accompagne chaque état. Le célibat et le mariage sont des dons spirituels qui doivent se cultiver. Les chrétiens, célibataires et mariés, doivent se conduire en fidèles administrateurs (1 Corinthiens 4:2). Ils doivent tous progresser dans la sanctification (1 Thessaloniciens 4:3). Les uns et les autres doivent racheter le temps (Ephésiens 5:16). Le célibataire doit accorder une attention particulière à la pureté, à une gestion financière
rigoureuse, au bon usage de son temps libre pour étudier la Parole, et mettre à profit sa situation, par exemple en servant le Seigneur au loin dans le cadre d’une mission pour un séjour à court terme. Il doit se soucier des choses du Seigneur et chercher à lui plaire en tout (1 Corinthiens 7:32). La personne mariée doit veiller sur sa famille tout en faisant passer d’abord le Seigneur (1 Corinthiens 7:29, 33). L’exercice correct et le développement de ces dons peuvent être des facteurs importants pour l’exercice d’autres dons dans la vie.
E. Etre disponibles pour Dieu En fait, la consécration, ou la disponibilité pour le Seigneur quoi qu’il demande, est plus importante que la découverte des dons spirituels. Le passage sur les dons dans Ephésiens 4 commence par une exhortation à mener une vie digne de la vocation que le chrétien a reçue et à marcher humblement (Ephésiens 4:1-2). L’exposé détaillé des dons dans 1 Corinthiens 12 est précédé de plusieurs exhortations à la consécration (1 Corinthiens 3:16; 9:19-20; 10:31). Et dans le passage important de Romains 12, Paul commence par inviter solennellement le chrétien à offrir sa vie tout entière à Dieu (Romains 12:1-2). Celui qui ne se consacre pas au Seigneur ne découvrira jamais les aptitudes que Dieu lui a accordées, et il ne développera pas celles qu’il a découvertes.
IV. La description des dons A. Apostolat Voir 1 Corinthiens 12:28; Ephésiens 4:11. Dans son sens général, le terme d’apôtre désigne celui qui est envoyé (comme dans le cas d’Epaphrodite, Philippiens 2:25). Mais dans son acception technique, il s’applique aux douze disciples, et parfois à quelques autres comme Paul et Barnabas (Actes 14:14). Ce don a été accordé pour la fondation de l’Eglise et confirmé par des signes spéciaux (2 Corinthiens 12:12; Ephésiens 2:20). Dieu n’accorde plus ce don aujourd’hui.
B. Prophétie Voir Romains 12:6; 1 Corinthiens 12:10; 14:1-40; Ephésiens 4:11. Comme l’apostolat, la prophétie revêt un sens général et un sens technique. Dans le premier cas, le terme désigne la proclamation de l’Evangile, et donc la prédication. Mais techniquement, le prophète était aussi capable de prédire l’avenir. Tous ses messages, aussi bien la prédication que la prédiction, venaient directement de Dieu par une révélation spéciale. Ce don était vraisemblablement très répandu à l’époque néotestamentaire, même si seuls quelques prophètes sont mentionnés (Agabus, Actes 11:27-28; des prophètes dans l’Eglise d’Antioche, Actes 13:1; les quatre filles de Philippe, Actes 21:9; les prophètes de l’Eglise de
Corinthe, 1 Corinthiens 14). Il a aussi été accordé pour la fondation de l’Eglise, mais il est devenu inutile après ces débuts, une fois la révélation consignée par écrit dans le Nouveau Testament.
C. Miracles et guérisons Voir 1 Corinthiens 12:9, 28, 30. Il s’agit de la capacité d’accomplir des signes spéciaux, y compris la guérison physique. Paul a exercé ce don à Ephèse (Actes 19:11-12), mais il n’a pas pu le mettre au service d’Epaphrodite (Philippiens 2:27), de Timothée (1 Timothée 5:23) et de Trophime (2 Timothée 4:20). Le don de guérison semble être inclus dans un don plus vaste, celui d’accomplir des miracles. Ainsi, lorsque Paul demande au Seigneur de frapper de cécité Elymas le magicien (Actes 13:11), il exerce son don de faire des miracles, mais ce n’est évidemment pas une guérison. Nous reconnaissons par ailleurs que Dieu peut opérer un miracle ou une guérison sans l’intermédiaire d’une personne possédant le don spirituel correspondant. C’était d’ailleurs le cas lorsque la terre a tremblé au moment où les disciples ont été remplis de l’Esprit (Actes 4:31). Dans ce cas, si quelqu’un estime que les dons d’opérer des miracles et des guérisons étaient limités dans le temps, il ne dit pas pour autant que Dieu n’accomplit plus de miracles ou de guérisons aujourd’hui. Il déclare simplement que ces dons n’existent plus aujourd’hui parce qu’ils ne sont plus nécessaires pour authentifier le message de l’Evangile. De nos jours, le croyant ne doit pas s’attendre à être nécessairement guéri. Il n’est pas dans la volonté de Dieu de donner une bonne santé à tous ses enfants. Prenons le cas de Paul: malgré ses suppliques ardentes et répétées, Dieu n’a pas voulu guérir l’apôtre de l’écharde dans sa chair (2 Corinthiens 12:8-9). Si Dieu avait la volonté de guérir tous les croyants, aucun d’eux ne mourrait, car même sa dernière maladie serait guérie. Les guérisseurs reconnaissent leurs limitations, car ils n’affirment pas pouvoir réparer une dent cariée ou ressouder instantanément des os brisés. Mépriser les moyens humains de guérison qui sont accessibles et prier pour une guérison miraculeuse équivaut à prier pour une moisson abondante, puis s’asseoir dans son fauteuil et refuser de cultiver la terre et de semer.
D. Les langues et leur interprétation Voir 1 Corinthiens 12:10. Le don des langues est une aptitude que Dieu confère pour parler une langue humaine inconnue de l’orateur. L’interprétation des langues est la capacité de communiquer ce message dans une langue comprise par les auditeurs. La première mention des langues dans Actes 2 concerne indubitablement des langues humaines existantes (notez les expressions «sa propre langue» au Actes 2:6 et «notre langue
maternelle» au Actes 2:8). On peut donc supposer que les langues pratiquées à Corinthe étaient aussi des langues humaines existantes. L’interprétation des langues avait deux objectifs: communiquer la vérité de Dieu et authentifier la vérité du message chrétien, surtout pour le public juif (1 Corinthiens 14:5, 2122). Comme les Corinthiens faisaient un usage abusif de ce don, Paul a imposé des règles strictes pour son usage: deux ou trois personnes seulement étaient autorisées à parler lors d’une réunion; personne ne pouvait parler en langues si son message ne pouvait être interprété; priorité était donnée à la prophétie; et les femmes devaient garder le silence (1 Corinthiens 14:27-34). Les langues qui ne sont pas interprétées, en particulier la prière privée en langues, sont stériles (1 Corinthiens 14:14), tout simplement parce que celui qui prie ne sait pas ce qu’il exprime. C’est pourquoi il est préférable de prier avec son intelligence, ce qui suppose l’emploi d’un langage que l’intéressé comprend. Que l’on croie ou non que le don biblique des langues est encore actuel, l’enseignement pentecôtiste sur la nécessité de la glossolalie comme preuve du baptême du Saint-Esprit est
faux.
Paul
est
formel:
tous
les
croyants
de
Corinthe
étaient
baptisés
(1 Corinthiens 12:13), mais tous ne parlaient pas en langues (1 Corinthiens 12:30).
E. Evangélisation Voir Ephésiens 4:11. Cette aptitude à communiquer le message de l’Evangile avec une clarté exceptionnelle incluait également l’idée d’un ministère d’évangéliste itinérant. L’évangéliste était envoyé par l’Eglise, mais il exerçait son ministère en dehors d’elle, aussi bien en privé qu’en public. Même si tous les croyants n’ont pas le don d’évangéliste, tous sont appelés à être des témoins de l’Evangile.
F. Pastorat Voir Ephésiens 4:11. Le don de pasteur désigne l’aptitude à faire paître le troupeau du Seigneur, à prendre soin des membres de l’assemblée locale, à les protéger et à les nourrir spirituellement. A Ephésiens 4:11, le don de pasteur est associé à celui de docteur, c’est-àdire d’enseignant; dans Actes 20:2, il implique la fonction de direction.
G. Service Voir Romains 12:7; 1 Corinthiens 12:28; Ephésiens 4:12. Il s’agit de l’aptitude à secourir ou à aider dans le sens le plus large du terme.
H. Enseignement Voir Romains 12:7; 1 Corinthiens 12:28; Ephésiens 4:11. Le don d’enseigner désigne
l’aptitude à exposer la vérité de Dieu aux hommes. Il semble que ce don était parfois accordé seul, parfois en relation avec celui du pastorat.
I. Foi Voir 1 Corinthiens 12:9. Il s’agit de l’aptitude à croire en Dieu pour qu’il réponde à des besoins particuliers. Tout chrétien doit marcher par la foi, et chacun possède une certaine mesure de foi, mais tous n’ont pas le don spirituel de la foi.
J. Exhortation Voir Romains 12:8. Ce don comprend la capacité d’encourager, de consoler et de reprendre les autres croyants.
K. Discernement des esprits Voir 1 Corinthiens 12:10. Il s’agissait de la capacité de distinguer entre la vraie source et de fausses sources de la révélation surnaturelle, lorsque celle-ci était communiquée sous forme orale, avant la formation complète du canon.
L. Miséricorde Voir Romains 12:8. Comme le don du service, le don de la miséricorde comprend la capacité de secourir, plus particulièrement les malades et les affligés.
M. Libéralité Voir Romains 12:8. Ce don semble désigner la capacité de se montrer très généreux avec les moyens dont on dispose. Il doit s’exercer avec simplicité, c’est-à-dire sans ostentation ni espoir de gain en retour.
N. Présidence Voir Romains 12:8; 1 Corinthiens 12:28. Il s’agit de la capacité à diriger l’Eglise locale.
O. Parole de sagesse et de connaissance Voir 1 Corinthiens 12:8. Comme d’autres dons accordés à l’Eglise primitive, celui-ci désigne la capacité de comprendre et de communiquer la vérité de Dieu aux hommes. Cette liste compte dix-huit dons séparés (j’en ai regroupé certains). Est-ce la totalité? Nulle part, il n’est suggéré qu’il existe d’autres dons; ceux que nous avons énumérés semblent être suffisants pour l’édification du corps de Christ. 216 L’une des études les plus équilibrées et les plus concises de cette doctrine est celle de William J. McRae, The Dynamics of Spiritual Gifts, Grand Rapids, Zondervan, 1976.
66. La plénitude de l’Esprit L’idée selon laquelle l’Esprit remplit des croyants revient une quinzaine de fois dans le Nouveau Testament, dont quatre avant la Pentecôte. Cette expression semble comporter deux idées fortes, et ses prolongements sont très importants pour la vie et l’activité chrétiennes.
I. Plénitude de l’Esprit et spiritualité A. Une définition de la spiritualité Dans 1 Corinthiens 2:15, nous avons ce qui se rapproche le plus d’une définition de la spiritualité, et ce n’est en fait qu’une description: «L’homme spirituel… juge de tout, et il n’est lui-même jugé par personne.» Si le croyant spirituel est capable de juger, d’examiner et de discerner toutes choses, tout en étant lui-même incompris d’autrui, alors la spiritualité désigne une relation avec Dieu caractérisée par la maturité, mais qui s’approfondit encore. Cela exige au moins trois choses: (a) la régénération; (b) les ministères de Dieu dans la vie du croyant; (c) le temps nécessaire à la croissance en maturité.
B. Le rôle de l’Esprit dans la spiritualité Si la maturité est un élément clé de la spiritualité, le Saint-Esprit doit jouer un rôle majeur dans son apparition et dans son développement. Pour pouvoir faire preuve de discernement, il faut connaître la volonté et la perspective de Dieu. C’est ce que l’Esprit produit par son ministère d’enseignement (Jean 16:12-15). La maturité conduit aussi le croyant à prier selon la volonté divine; une telle prière est dirigée par l’Esprit (Romains 8:26; Ephésiens 6:18). En outre, le chrétien spirituel exercera certainement les dons spirituels que l’Esprit lui a confiés et pour l’exercice desquels il le revêt de puissance (1 Corinthiens 12:7). Cet enfant de Dieu apprend à lutter victorieusement contre la chair par la puissance de l’Esprit (Romains 8:13; Galates 5:16-17). En somme, la plénitude de l’Esprit est le facteur déterminant qui produit la spiritualité chez le croyant.
C. Quelques implications de ce concept Si la spiritualité est liée à la maturité, il doit exister des degrés dans la spiritualité, puisqu’il existe divers degrés de maturité. Paul s’attendait visiblement à ce que les chrétiens de Corinthe aient atteint un niveau de maturité leur permettant d’être considérés comme spirituels après cinq ou six ans de vie chrétienne. Il avait prêché l’Evangile à Corinthe lors de son deuxième voyage missionnaire (vers l’an 50 de notre ère); on estime habituellement
qu’il a écrit en 55 sa première lettre à cette Eglise, dans laquelle il reproche aux chrétiens de ne pas être encore mûrs. Il semble qu’une personne peut régresser en matière de spiritualité sans perdre tout ce qu’elle a acquis au fil des ans. Certains péchés ont des répercussions plus graves que d’autres sur la vie de l’individu et sur sa communion avec ses frères et sœurs. Si la plénitude de l’Esprit a un lien étroit avec la manière dont l’Esprit contrôle la vie d’un chrétien, un jeune chrétien peut évidemment être dirigé par l’Esprit dans tous les domaines qui lui sont connus. Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit spirituel, car il ne s’est pas écoulé un temps assez long pour qu’il grandisse en maturité. Plus le croyant de fraîche date va vers la maturité, plus il découvre des domaines dans lesquels l’Esprit doit asseoir son contrôle. Plus il répond de façon positive aux sollicitations de l’Esprit qui désire étendre son emprise sur sa vie, plus il progresse en maturité. Et ainsi de suite. Le nombre d’années de vie chrétienne d’un individu ne fait pas pour autant de lui un chrétien spirituel, car il peut très bien avoir empêché l’Esprit d’exercer son emprise sur lui pendant plusieurs années. Il existe différents niveaux de maturité. Après avoir acquis une certaine maturité, on peut tendre vers une maturité supérieure. La spiritualité définit une relation de maturité avec Dieu, mais une relation qui se développe sans cesse.
II. La plénitude de l’Esprit La plénitude de l’Esprit semble comporter deux aspects. Le premier peut se décrire comme l’acte souverain par lequel Dieu prend entièrement possession de quelqu’un pour une activité spéciale. Tel est le sens de l’expression grecque pimplêmi pneumatos hagiou («remplir du Saint-Esprit»), qui souligne l’action de l’Esprit lorsqu’il remplit plutôt que le résultat de cette action, à savoir la plénitude. On trouve cette expression dans Luc 1:15 (JeanBaptiste), Luc 1:41 (Elisabeth), Luc 1:67 (Zacharie); dans Actes 2:4 (le groupe de disciples rassemblés le jour de la Pentecôte); Actes 4:8 (Pierre), Actes 4:31 (les croyants); Actes 9:17 (Paul) et Actes 13:9 (Paul). Remarquons que certaines personnes ont fait plus d’une fois l’expérience de cet aspect de l’œuvre de l’Esprit, sans qu’il soit fait mention d’un péché qui aurait nécessité le renouvellement de la plénitude. La répétition s’explique par un nouveau besoin lié à un service spécial, et non par un péché survenu entre-temps (Actes 2:4; 4:8, 31). Dieu a pris l’initiative de cette action de façon souveraine, sans imposer quelque condition que ce soit au bénéficiaire de la plénitude. Le deuxième aspect de la plénitude peut se décrire comme l’aboutissement de l’influence et de la maîtrise de l’Esprit dans la vie d’un chrétien. Cela souligne le caractère permanent de
la plénitude plutôt que l’événement ponctuel: elle produit un certain type de vie et semble équivaloir à la spiritualité. C’est ce qu’indiquent les expressions grecques plêrês («rempli») ou plêroô pneumatos hagiou («remplir du Saint-Esprit»). On les retrouve dans Luc 4:1 (Christ); Actes 6:3, 5 (les premiers assistants des apôtres); Actes 7:55 (Etienne); Actes 11:24 (Barnabas); Actes 13:52 (les disciples) et Ephésiens 5:18 (les croyants). Cet aspect de la plénitude de l’Esprit définit le plus beau témoignage que l’on puisse rendre au chrétien. Il s’agit d’une réalité que chaque croyant peut expérimenter (Actes 13:52), mais que tous n’expérimentent pas (Actes 6:3). Bien que les contextes ne mentionnent aucune exigence spéciale, la croissance chrétienne normale impose des conditions pour atteindre ce niveau de spiritualité. La seule fois où Paul parle de plénitude de l’Esprit (Ephésiens 5:18), il souligne justement cet aspect. Comme il en fait un commandement, il semble supposer que tous ses lecteurs n’en ont pas encore fait l’expérience. L’interprétation de ce verset soulève deux questions. La première concerne le sens qu’il faut donner au mot «esprit». S’agit-il du Saint-Esprit ou de l’esprit humain? Dans ce dernier cas, Paul exhorterait les chrétiens à utiliser l’esprit humain dans le culte communautaire (mais aucune autre référence néotestamentaire ne parle de plénitude de l’esprit humain). Les autres occurrences de l’expression grecque en pneumati dans (Ephésiens 2:22; 3:5; 6:18) et (Colossiens 1:8) renvoient clairement au SaintEsprit. On peut donc raisonnablement penser que dans Ephésiens 5:18, Paul y fait aussi allusion. Notons d’ailleurs que le verbe plêroô est appliqué à Dieu (Ephésiens 3:19) et au Fils (Ephésiens 4:10). Pourquoi l’apôtre changerait-il soudain de sujet et évoquerait-il l’esprit humain dans Ephésiens 5:18?217 La seconde question concerne l’usage de la préposition grecque en (littéralement «dans»): signifie-t-elle «avec» ou «par» l’Esprit? Autrement dit, l’Esprit correspond-il à ce qui nous remplit ou à celui qui nous remplit? Les deux significations sont possibles. Romains 1:29 et 2 Corinthiens 7:4 peuvent plaider en faveur du sens de «contenu», mais peut-être convientil de retenir les deux idées: l’Esprit est l’agent qui nous remplit de lui-même218. Pour résumer, disons que la plénitude de l’Esprit est à la fois l’action souveraine de Dieu qui nous revêt de puissance pour une activité spéciale et celle de l’Esprit qui nous remplit de sa propre nature.
III. Les caractéristiques de la plénitude de l’Esprit A. La ressemblance à Christ
Lorsque l’Esprit exerce le contrôle sur une vie, il y produit son fruit. La description du fruit de l’Esprit (Galates 5:22) correspond à l’image de Christ. Il faut toutefois considérer ces caractéristiques dans tous leurs aspects, et non seulement dans celui qui cadre avec l’idée que nous nous faisons de la ressemblance à Christ. Il est certain que beaucoup de chrétiens conçoivent la ressemblance à Christ comme un reflet de leur propre personnalité. Une personne introvertie sera tentée de voir dans le Seigneur une personne réservée et effacée, tandis qu’un individu extraverti le verra plus volontiers sous les traits d’un chef agressif. Pour nous faire une idée équilibrée, complète et juste de l’image de Christ, il convient de bien définir les neuf termes qui décrivent le fruit de l’Esprit. Ainsi, l’amour ne se limite pas seulement à un sentiment de tendresse, il s’exprime aussi par la sévérité. Lorsque Christ a abordé les enfants, il leur a témoigné beaucoup de tendresse; quand il a chassé les changeurs de monnaie, il a fait preuve de sévérité. Mais dans les deux cas, l’approche était inspirée par l’amour, car Christ est Dieu, et Dieu est amour. La joie ne se manifeste pas nécessairement par le bonheur; elle existe aussi quand le chrétien est attristé (1 Pierre 1:6). La paix peut s’accompagner de calme mais aussi de difficultés dans les relations humaines (Matthieu 10:34). La patience évoque la constance et l’égalité d’humeur, mais elle peut aussi se manifester dans la provocation (comme dans la parole de Jésus à Philippe, Jean 14:9). La bonté et la bienveillance s’appliquent à des pensées et des actions bénéfiques; elles n’ont cependant pas empêché le Seigneur de précipiter un troupeau de porcs dans la mer de Galilée, comme preuve de sa bonté à l’égard des gens qui pratiquaient une activité contraire à la loi mosaïque (Matthieu 8:28-34). La foi (ou la fidélité) suppose évidemment un service régulier et fiable, mais elle peut aussi s’appliquer à une action exceptionnelle. La douceur est synonyme de bonté, mais certainement pas de faiblesse. La maîtrise de soi intervient dans tous les domaines de la vie (1 Corinthiens 9:27).
B. L’engagement dans l’évangélisation Quand le livre des Actes mentionne la plénitude de l’Esprit, il l’associe à des conversions. La plénitude de l’Esprit le jour de la Pentecôte (Actes 2:4) aboutit à la conversion de trois mille personnes (Actes 2:41). Lorsque les disciples sont remplis de l’Esprit (Actes 4:31), une grande multitude d’hommes et de femmes se tourne vers le Seigneur (Actes 5:14). Les apôtres exigent de leurs premiers assistants qu’ils soient remplis de l’Esprit (Actes 6:3). Luc rapporte que peu après beaucoup de sacrificateurs se convertissent (Actes 6:7). Après sa conversion, Paul est rempli de l’Esprit, et chacun connaît le fruit de sa vie. Quand Barnabas, également rempli de l’Esprit, arrive à Antioche, beaucoup se convertissent (Actes 11:24).
Ceux qui priaient (Actes 4:24) et ceux qui donnaient (Actes 4:34) étaient certes aussi engagés dans l’évangélisation que ceux qui ont obtenu des conversions à la suite de leur témoignage direct.
C. Louange, adoration, actions de grâces, soumission Paul énumère ces quatre attitudes (Ephésiens 5:19-21) aussitôt après avoir exhorté les chrétiens d’Ephèse à être remplis de l’Esprit (Ephésiens 5:18). Elles sont donc des indices d’une telle plénitude. La louange s’exprime ouvertement par la récitation de psaumes, d’hymnes et de cantiques spirituels. Le chant et la célébration de tout cœur traduisent les dispositions intérieures d’adoration. Les actions de grâces englobent le maximum de choses possibles; n’oublions pas que cette recommandation émane d’un homme qui était prisonnier à Rome et attendait d’être traduit en justice. La soumission dans les relations (entre mari et femme, parents et enfants, maîtres et esclaves) caractérise, elle aussi, la plénitude de l’Esprit. Notons qu’il s’agit là d’attitudes ordinaires de la vie de tous les jours, et non de faits marquants traduisant une grande force spirituelle.
IV. Comment être remplis de l’Esprit Après la Pentecôte, le Nouveau Testament ne donne aucun exemple de prière pour réclamer la plénitude du Saint-Esprit. Il ne semble donc pas que prier, même avec ferveur, représente le moyen d’être rempli de l’Esprit. Si la plénitude est liée au contrôle que l’Esprit exerce sur la vie du croyant (sous la forme d’une mainmise souveraine de Dieu qui s’empare de l’individu comme sous celle d’une influence continue croissante qui transforme le caractère de la personne), elle dépend forcément de la soumission active de l’intéressé. Si je suis disposé à laisser l’Esprit accomplir ce qu’il veut, il peut faire de moi ce qui lui plaît. Je peux lui soumettre ma volonté, mais pas manipuler ses activités. Au fur et à mesure que le chrétien grandit en maturité, sa connaissance et ses perspectives s’approfondissent et s’élargissent. De nouveaux domaines qu’il doit soumettre à l’Esprit apparaissent. C’est pourquoi des croyants remplis de l’Esprit doivent continuer d’être remplis tandis qu’ils progressent dans le Seigneur. Mais aucun chrétien ne peut se permettre de ne pas être rempli à chaque étape de sa croissance spirituelle.
217 Pour l’opinion de quelqu’un qui voit dans ce passage la mention de l’esprit humain, voir S.D.F. Salmond, «The Epistle to the Ephesians», dans The Expositor’s Greek Testament, Grand Rapids, Eerdmans, 1952, 3:362. 218 Tel est le point de vue de C.J. Ellicott, St. Paul’s Epistle to the Ephesians, Londres, Longmans, 1868, p. 124.
67. Autres ministères du Saint-Esprit I. Enseigner L’une des dernières promesses de Christ avant sa crucifixion concerne le ministère d’enseignement de l’Esprit. Il déclare à ses disciples: J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera. Tout ce que le Père a est à moi; c’est pourquoi j’ai dit qu’il prend de ce qui est à moi, et qu’il vous l’annoncera. Jean 16:12-15
A. Le moment Ce ministère particulier de l’Esprit était encore à venir lorsque le Seigneur a prononcé ces paroles. Il n’a débuté que le jour de la Pentecôte et se poursuit tout au long de notre ère. La compréhension claire que Pierre a eue des événements qui venaient de se dérouler, révélée dans son sermon de la Pentecôte, marque bien le commencement de ce ministère.
B. Le contenu D’une façon générale, le contenu du ministère de l’Esprit inclut «toute la vérité» (l’article défini figure dans le texte biblique). Il s’agit bien évidemment de la révélation concernant Christ lui-même, mais d’une révélation fondée sur la Parole écrite (car nous ne disposons d’aucune information sur lui en dehors de la Bible). C’est pourquoi l’Esprit enseigne au croyant le contenu de l’Ecriture, ce qui lui permet de comprendre la prophétie («les choses à venir»). Cet aspect particulier de la promesse générale relative à l’enseignement devrait encourager tout enfant de Dieu à étudier la prophétie. Notons encore que le message ne trouve pas son origine dans l’Esprit, mais dans le Seigneur.
C. Les résultats Le but du ministère d’enseignement de l’Esprit, c’est de glorifier Christ. Si le Seigneur n’est pas glorifié, l’Esprit n’a pas rempli son ministère. Remarquons que ce n’est pas l’Esprit qui est glorifié ou qui devrait être glorifié au cours d’un culte, mais Christ. Si Christ n’est connu que par la Parole écrite, il est glorifié lorsque cette Parole est exposée avec la puissance de
l’Esprit.
D. Le processus Comment l’Esprit procède-t-il pour enseigner le croyant? Jean déclare: Pour vous, l’onction que vous avez reçue de lui demeure en vous, et vous n’avez pas besoin qu’on vous enseigne; mais comme son onction vous enseigne toutes choses, qu’elle est véritable, et qu’elle n’est point un mensonge, demeurez en lui selon les enseignements qu’elle vous a donnés. 1 Jean 2:27 Cette parole ne veut évidemment pas dire que les enseignants humains seraient inutiles pour expliquer la Parole. En effet, si tel était le cas, à quoi servirait le don spirituel d’enseignement (Romains 12:7)? Jean écrivait au sujet des antichrists présents parmi ses destinataires. Après avoir exprimé sa propre conviction à propos de ces hérésies, il ajoute que personne n’a besoin de leur enseigner la vérité, car le Saint-Esprit la leur confirmera. Les enseignants humains forment les maillons nécessaires dans la chaîne qui aboutit à l’instruction des croyants, même si le bien-fondé ultime de l’enseignement découle de l’Esprit.
II. Conduire «Car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu» (Romains 8:14). Le fait d’être conduit par l’Esprit confirme la qualité de fils et de fille, car ce sont les enfants de Dieu qui sont ainsi conduits. Cette œuvre incombe tout particulièrement à l’Esprit. Romains 8:14 le déclare, et le livre des Actes l’illustre abondamment (Actes 8:29; 10:1920; 13:2, 4; 16:6-7; 20:22-23). Ce ministère de l’Esprit est l’un des plus sécurisants pour le chrétien. L’enfant de Dieu n’a jamais besoin de marcher dans une sombre incertitude; il a toujours la liberté de demander et de recevoir les directives de l’Esprit.
III. Donner une assurance L’Esprit est aussi celui qui donne au chrétien l’assurance qu’il est un enfant de Dieu. «L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu» (Romains 8:16). Le mot grec traduit par «enfants» est tekna (par opposition à huioi, «fils»); il souligne le fait que l’enfant partage la vie du Père. A cause de sa qualité d’enfant, celui-ci est aussi héritier des biens du Père. Toute cette assurance résulte de l’œuvre de l’Esprit dans le cœur de tout chrétien. Cette assurance procède en outre, sans aucun doute, d’une compréhension grandissante de certaines des choses que l’Esprit a accomplies pour le croyant. Ainsi, l’assurance
s’approfondit au fur et à mesure que le chrétien comprend que le privilège d’être scellé de l’Esprit est synonyme pour lui de garantie d’une rédemption complète (Ephésiens 1:13-14). Cette assurance se nourrit aussi d’une meilleure compréhension de tout ce qu’implique l’intégration du croyant au corps ressuscité et immortel de Christ. La prise de conscience plus aiguë de toutes ces œuvres de l’Esprit fait évidemment partie de son ministère d’enseignement, si bien que le Saint-Esprit intervient de plusieurs façons dans l’assurance de l’enfant de Dieu.
IV. Prier A. L’affirmation biblique Bien que nous ne comprenions sans doute pas ce qu’implique l’intercession de l’Esprit en faveur du croyant, la réalité de sa prière est clairement établie: De même aussi l’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables. Romains 8:26
B. Le besoin Nous avons besoin de l’intercession de l’Esprit à cause de notre faiblesse (au singulier dans les plus anciens manuscrits). L’esprit vole au secours de toutes nos faiblesses, mais plus particulièrement de celle qui handicape notre vie de prière et nous rend incapables de savoir pour quoi prier le moment venu. Dans l’attente de notre rédemption complète, nous avons besoin d’être guidés dans les méandres de la prière.
C. La méthode La manière dont l’Esprit répond à nos besoins est décrite de façon générale par le verbe «aider» qui signifie littéralement «se mettre à l’ouvrage en collaboration avec nous»219. Cette aide prend la forme de «soupirs inexprimables», dont on ne peut saisir la signification, qui ne trouvent pas d’expression formulée adéquate. Nous savons cependant une chose: ils sont conformes à la volonté de Dieu. Dans Ephésiens 6:18, il est dit que l’Esprit guide et dirige nos prières. Il s’agit alors plus d’orienter les sentiments et les pensées du croyant que de faire monter vers Dieu ses propres soupirs inexprimables.
D. Le résultat De cette pratique de la prière découle pour le croyant l’assurance de sa pleine rédemption
future (Romains 8:23). Ce ministère de l’Esprit est en quelque sorte un gage qui garantit la rédemption. Une telle vie de prière nous procure le contentement dans le monde présent, en attendant la consommation de notre rédemption. Le ministère de l’Esprit ne consiste donc pas seulement à répondre à la prière, mais aussi à cultiver notre assurance et notre contentement dans cette vie.
V. Sanctifier A. Le concept de sanctification Le verbe sanctifier signifie fondamentalement «mettre à part». Il est de la même racine que l’adjectif saint. Pour le croyant, la sanctification comprend trois aspects. (1) Le premier aspect, c’est la sanctification de position ou définitive; elle définit le statut de tout chrétien en vertu de sa mise à part comme membre de la famille de Dieu par la foi en Christ. Elle est le privilège de tous les rachetés, quel que soit leur niveau de croissance spirituelle. Paul considère que les chrétiens charnels qui figurent parmi les destinataires de sa lettre sont sanctifiés (et donc saints, 1 Corinthiens 1:2; voir aussi 1 Corinthiens 6:11 où les verbes désignent des faits accomplis et non un état à atteindre), malgré les péchés qu’ils commettent. (2) Le deuxième aspect de la sanctification, c’est l’œuvre présente, expérimentée et progressive, qui nous maintient à part pendant toute notre vie chrétienne. Tous les commandements et les exhortations à mener une vie sainte concernent la sanctification progressive (1 Pierre 1:16). (3) Le troisième aspect, c’est ce qu’on appelle en général la sanctification ultime que nous atteindrons au ciel, lorsque nous serons complètement et éternellement mis à part pour notre Dieu (Ephésiens 5:26-27; Jude 24-25).
B. Les agents de la sanctification Les trois personnes de la Trinité ont une part active dans la sanctification, et les chrétiens aussi. Dans la sanctification de position, qui nous est accordée au moment où Dieu nous sauve, c’est le Saint-Esprit qui nous sanctifie, notre rôle consistant à croire à la vérité (2 Thessaloniciens 2:13). La mort de Christ sert de fondement à notre position de sanctifiés (Hébreux 10:10). Dans la sanctification ultime, c’est Dieu qui nous fait paraître irréprochables et sans défaut en sa présence. La sanctification progressive fait intervenir plusieurs agents. Le Seigneur a prié le Père de nous sanctifier par la vérité (Jean 17:17 et 1 Thessaloniciens 5:23). La Bible constitue donc un fondement indispensable pour notre sanctification. Comment pourrions-nous savoir ce
qui plaît à un Dieu saint, s’il ne nous le disait pas dans sa Parole? Par sa mort (qui l’a sanctifié ou mis à part), Christ rend nos progrès possibles (Jean 17:19; Romains 6:1-13). C’est toutefois le Saint-Esprit qui est l’agent déterminant dans notre sanctification progressive: c’est par lui que nous faisons mourir les actions du corps (Romains 8:13); il répand l’amour dans notre cœur (Romains 5:5); par l’Esprit nous sommes transformés de gloire en gloire pour ressembler de plus en plus à Christ (2 Corinthiens 3:18); et c’est le fruit de l’Esprit en nous qui produit l’image de Christ, objectif de notre sanctification (Galates 5:22). Le chrétien doit néanmoins assumer ce qui est de sa responsabilité dans la sanctification. Lorsque nous nous livrons comme esclaves à la justice, nous favorisons la sanctification (Romains 6:19; voir aussi Romains 6:13; 2 Corinthiens 7:1; 1 Pierre 2:11). Nous devons tenir compte des commandements et des exhortations que la Parole nous adresse pour notre vie chrétienne afin de progresser dans ce domaine. Si nous soustrayons des secteurs de notre vie à la sanctification que Dieu désire, nous serons assujettis à la chair plutôt qu’à l’Esprit. Dans les parties de son être qui ne sont pas abandonnées à Dieu ou qui restent rebelles à sa volonté, le chrétien sera charnel (1 Corinthiens 3:1-5). La chair manifeste les caractéristiques d’une vie non sauvée, parce que c’est une vie soumise à la chair (Galates 5:16-21). L’abandon total à Dieu, la plénitude de l’Esprit et le processus de sanctification concourent à nous transformer de plus en plus en l’image de Christ. 219 R. St. John Parry, «Romans», dans Cambridge Greek Testament, New York, Cambridge University Press, 1912, p. 120.
68. Histoire de la doctrine du SaintEsprit I. Jusqu’au concile de Nicée A. Les témoignages d’orthodoxie La formulation doctrinale de la foi chrétienne ne s’est pas faite en une fois à un moment précis de l’histoire de l’Eglise, et les différentes doctrines chrétiennes n’ont pas toujours été l’objet des mêmes préoccupations. Parfois, c’était telle doctrine qui occupait le devant de la scène, parfois c’en était une autre. En ce qui concerne sa formulation doctrinale, la doctrine du Saint-Esprit n’a pas suscité beaucoup d’intérêt au cours des premiers siècles. L’Eglise ancienne nous a légué ce que nous appelons l’expression orthodoxe de la doctrine de l’Esprit dans sa formule baptismale, le symbole des Apôtres, et dans sa dénonciation de l’erreur chaque fois qu’elle se manifestait. L’emploi de l’expression trinitaire Père, Fils et Saint-Esprit montre qu’implicitement et en pratique l’Eglise des premiers temps reconnaissait la divinité et la personnalité de l’Esprit. La période qui suivit celle des apôtres vit l’Eglise s’intéresser davantage à l’expérience de l’Esprit qu’à sa doctrine. Cette insistance est particulièrement perceptible dans Le berger d’Hermas. A l’époque des apologistes (IIe siècle), l’Esprit passait au second plan dans la littérature, car l’accent portait sur le Logos. Il faut ajouter qu’en ce temps-là, malgré l’absence de définition doctrinale, il ne semble pas y avoir eu d’expérience erronée de l’Esprit.
B. Le montanisme (170 apr. J.-C.) C’est le montanisme qui a mis en lumière la personne du Saint-Esprit. Le mouvement est né à l’origine en réaction contre la rigidité et la frigidité croissantes de l’Eglise officielle. Appelé aussi «hérésie phrygienne», il est apparu en Phrygie vers 170, initié par Montanus et deux femmes, Priscilla et Maximilla. Ceux-ci se présentaient comme des prophètes et annonçaient l’âge du Paraclet («consolateur») qui apporterait de nouvelles révélations de Dieu. Ils soulignaient l’imminence de la fin du monde et imposaient des normes morales très élevées à leurs disciples. C’est cette moralité qui leur attira la sympathie de Tertullien et d’autres. Le montanisme représentait aussi une réaction au gnosticisme, avec son intellectualisme
qui semblait dresser un rempart contre la communication de l’âme avec Dieu. Pour beaucoup, le montanisme prônait une présence et un ministère actifs de l’Esprit dans l’Eglise ainsi qu’un type de vie ecclésiale plus spirituel, mais il fut finalement rejeté officiellement à cause de son insistance sur les révélations additionnelles. Avec cette prise de position, l’Eglise réaffirmait sa conviction que l’Esprit n’accordait pas de nouvelles révélations en dehors des Ecritures. En dépit de l’insistance sur l’expérience de l’Esprit à cette époque, la doctrine est généralement demeurée dénuée de toute formulation.
C. Le sabellianisme (215 apr. J.-C.) Le monarchianisme a été le précurseur du sabellianisme. Dans sa forme modaliste, il enseignait que le Fils n’était qu’un autre mode d’expression du Père. Noët et Praxéas furent les instigateurs de ce mouvement; on les appelait aussi patripassiens parce qu’ils disaient que le Père avait été crucifié. A partir du moment où les monarchiens enseignèrent que le Fils était un autre mode d’expression de Dieu, l’Eglise fut obligée de considérer la relation de l’Esprit avec le Fils et avec le Père. Pour Sabellius, Dieu était un, mais il s’était révélé sous trois formes ou modes différents. Ces trois formes n’étaient pas trois hypostases mais trois rôles ou trois parties joués par le Dieu unique. Le sabellianisme fut la première grande erreur trinitaire qui se répandit largement dans l’Eglise.
D. L’arianisme (325 apr. J.-C.) La controverse arienne doit son nom à Arius, un prêtre d’Alexandrie qui professait des vues antitrinitaires. Le principe monothéiste du monarchianisme était un concept dominant dans ses idées. Il distinguait cependant le Dieu éternel du Fils qui avait été engendré par le Père et qui avait eu un commencement. Il croyait aussi que le Saint-Esprit était la première création du Fils, puisque toutes choses ont été créées par lui. Arius fut contré par Athanase, et le concile de Nicée fut convoqué pour examiner cette question. La principale affirmation du concile concerna la divinité de la deuxième personne et conclut que Christ était «de même substance» que le Père. Le concile porta davantage son attention sur le Fils que sur l’Esprit. Le symbole de Nicée se contente de mentionner le Saint-Esprit en affirmant: «Nous croyons… en l’Esprit-Saint.» Cette déclaration ne fait que sous-entendre la divinité et la personnalité de l’Esprit à cause de son lien avec la déclaration particulière à propos du Fils. Quant à savoir pourquoi le concile ne s’est pas prononcé de manière aussi précise au sujet de l’Esprit, nous l’ignorons. On peut penser que l’Eglise ne voulut pas provoquer la naissance d’une hérésie ni aller au-delà de la question à l’ordre du jour. Dans son enseignement, Athanase était cependant beaucoup plus précis et maintenait que l’Esprit, comme le Fils, était de même essence que le Père.
II. De Nicée à la Réforme A. Le concile de Constantinople (381 apr. J.-C.) Le concile de Nicée ne résolut pas tous les problèmes. Même si l’enseignement d’Athanase était clairement orthodoxe et détaillé au sujet de l’Esprit, le symbole adopté à Nicée manquait de précision à ce sujet. Une nouvelle controverse éclata, et plusieurs déclarèrent ne pas croire en la divinité de l’Esprit-Saint. Macedonius, patriarche de Constantinople, affirmait par exemple que l’Esprit était une créature subordonnée au Fils. Son parti fut surnommé «les pneumatomaques» («ceux qui combattent le Saint-Esprit»). Quant à l’enseignement orthodoxe dominant, il affirmait que le Saint-Esprit était divin, autrement le Fils ne l’était pas non plus. Basile de Césarée, Grégoire de Naziance et Grégoire de Nysse furent de fervents défenseurs de la doctrine orthodoxe et préparèrent le concile de Constantinople. La controverse prit de telles proportions que l’empereur Théodose fut obligé de convoquer un concile à Constantinople, concile auquel ne participèrent que 150 évêques qui acceptaient le symbole de Nicée et représentaient seulement l’Eglise d’Orient. Le concile se réunit en 381 sous la présidence de Grégoire de Naziance et formula ainsi la doctrine relative au Saint-Esprit: «Nous croyons… en l’Esprit-Saint, le Seigneur qui vivifie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est conjointement adoré et glorifié, qui a parlé par les prophètes.» Cette formulation fait preuve de modération en évitant l’expression «de même substance» (qui figure dans le symbole de Nicée) pour exprimer l’unité de l’Esprit avec le Père et avec le Fils. En fait, le Saint-Esprit n’est même pas appelé Dieu, mais les termes qui décrivent son œuvre ne peuvent en aucun cas s’appliquer à un être créé, quel qu’il soit. Cette confession de foi s’opposait aux partisans de l’hérésie macédonienne, même si elle ne mentionnait pas la consubstantialité de l’Esprit et du Père et ne définissait pas la relation de l’Esprit avec le Père et avec le Fils. Le concile de Constantinople résolut la question de la divinité de l’Esprit, comme le concile de Nicée avait résolu celle de la divinité de Christ.
B. Augustin (354-430 apr. J.-C.) 1. Le «De Trinitate» (vers 426). Dans l’Eglise d’Occident, le concept de Trinité trouva sa formulation finale dans l’écrit d’Augustin sur le sujet. L’intérêt que ce théologien portait à l’œuvre de la grâce devait nécessairement le conduire à prendre en considération l’Esprit, car ses propres expériences lui avaient appris à quel point sa force est nécessaire au croyant. Dans son traité, Augustin affirme que chacune des personnes de la Trinité possède dans sa totalité l’essence divine, et que toutes sont interdépendantes. Il reconnaît que le
terme de «personne» ne le satisfait pas pleinement pour exprimer les trois hypostases, mais qu’il s’en sert tout de même «pour ne pas garder le silence». Dans la conception augustinienne de la Trinité, l’Esprit procède à la fois du Père et du Fils. 2. La controverse pélagienne (431). Augustin insistait fortement sur la grâce efficace comme œuvre de l’Esprit. Cette conviction influençait non seulement sa doctrine de l’homme et du péché, mais aussi sa doctrine de l’Esprit. Pélage, son adversaire dans la controverse, niait pratiquement le péché originel et mettait en avant la faculté de l’homme de faire le bien, même sans l’intervention de l’Esprit. Le concile d’Ephèse en 431 se pencha sur cette question; il condamna Pélage et ses idées et ratifia celles d’Augustin. Mais bien que condamné officiellement, le pélagianisme ne disparut pas de l’Eglise, car le pélagianisme et le semi-pélagianisme (tout comme l’augustinisme) se sont perpétués jusqu’à nos jours.
C. Le concile de Chalcédoine (451 apr. J.-C.) En 451, le concile de Chalcédoine, qui représentait les vues de Rome, Constantinople, Antioche et Jérusalem, confirma les décisions prises à Nicée et à Constantinople. Il déclara explicitement que le symbole de Nicée était suffisant comme expression adéquate de la doctrine trinitaire et que les clauses ajoutées par le concile de Constantinople en 381 avaient eu pour but de clarifier le symbole de Nicée, non de le modifier. Ainsi fut fortement établie la doctrine de la divinité du Saint-Esprit.
D. Le synode de Tolède (589 apr. J.-C.) Bien que la question de la divinité de l’Esprit ait été résolue à Constantinople et à Chalcédoine, une question importante et mystérieuse subsistait: celle de la relation précise de l’Esprit avec le Père et avec le Fils. Ce sujet préoccupa surtout l’Eglise d’Occident (comme celui de la divinité de l’Esprit avait surtout intéressé l’Eglise d’Orient). Le terme «engendrement» fut employé pour caractériser la relation entre le Fils et le Père, tandis que celui de «procession» servit à préciser la relation de l’Esprit. La grande question était: l’Esprit procède-t-il seulement du Père, ou du Père et du Fils? Le concile de Constantinople n’avait pas dit clairement que l’Esprit procédait du Père et du Fils, mais cela correspondait à la conviction de beaucoup de responsables ecclésiastiques. Ils estimaient indispensable de le croire, car si l’Esprit ne procédait que du Père, ils avaient le sentiment de porter atteinte à l’unité essentielle entre le Père et le Fils. Il n’y avait cependant pas unanimité sur la question. En effet, d’autres estimaient que si l’Esprit procédait du Père et du Fils, cela signifiait qu’il dépendait du Fils, et cela empiétait sur sa divinité. Les théologiens occidentaux soutinrent que l’Esprit procédait du Père et du Fils; c’est pourquoi, au synode de Tolède, ils ajoutèrent le célèbre «filioque» («et du Fils») au symbole de Constantinople. L’article stipule donc désormais que l’Esprit «procède du Père et du
Fils». La manière dont le filioque fut introduit dans la confession de foi fait l’objet de discussions. Certains pensent que ce fut une erreur de copiste. Toujours est-il que cet ajout ne souleva aucune contestation et fut répété comme doctrine orthodoxe au fil des synodes. Les responsables de l’Eglise d’Orient estimèrent que l’Eglise d’Occident avait trafiqué la confession de foi établie à Constantinople et n’acceptèrent jamais l’ajout du filioque, le déclarant même hérétique jusqu’à ce jour. Ainsi trois vérités concernant la Trinité furent fermement et clairement énoncées, du moins dans l’Eglise d’Occident. Le concile de Nicée enseigna la divinité du Fils; celui de Constantinople se prononça sur la divinité de l’Esprit, et le synode de Tolède affirma que l’Esprit procède du Père et du Fils. C’est la présence de l’hérésie qui contraignit l’Eglise à statuer sur les grandes questions doctrinales.
E. Abélard (1079-1142 apr. J.-C.) L’abbé Pierre Abélard fut accusé de sabellianisme à cause des propos qu’il tenait sur la Trinité. Il disait que le nom du Père est synonyme de puissance, celui du Fils synonyme de sagesse et celui de l’Esprit synonyme de bonté. Il semblait parfois enseigner une réelle distinction des personnes au sein de la Trinité, mais ses illustrations et ses formulations étaient de type modaliste à d’autres moments.
F. Thomas d’Aquin (1225-1274 apr. J.-C.) A l’époque de ce théologien, on peut dire que l’Eglise avait adopté la définition orthodoxe du dogme trinitaire. En fait, les siècles qui précédèrent la Réforme protestante n’ajoutèrent pratiquement rien à la doctrine du Saint-Esprit, car Augustin l’avait bien systématisée. En Occident, malgré l’influence augustinienne bien implantée, l’Eglise devint semi-pélagienne (en minimisant le péché originel et en insistant sur le libre arbitre de l’homme). Cette évolution, ajoutée au développement de la prêtrise (qui conférait des pouvoirs spéciaux au clergé), tendit à éloigner les gens de nouvelles études sur le Saint-Esprit. Malgré les tendances mystiques notées chez certains, il n’y eut guère d’étude nouvelle sur l’Esprit avant la Réforme.
III. De la Réforme à nos jours A. La Réforme protestante (1517 apr. J.-C.) Jusqu’à la Réforme, l’Eglise n’avait porté son attention que sur la personne de l’Esprit; la Réforme mit l’accent sur son œuvre. En ce qui concerne la personne de l’Esprit, toutes les confessions de foi réformées s’en tinrent à la doctrine orthodoxe quant à ses liens avec les autres personnes de la Trinité. La Réforme insista toutefois sur la nécessité de l’œuvre de
l’Esprit dans la régénération de l’être humain, car elle reprit l’accent augustinien sur la dépravation totale de l’homme. Une autre contribution importante des réformateurs fut leur insistance sur la nécessité de l’illumination de l’Esprit. L’Eglise romaine enseignait que seul le prêtre était habilité à interpréter la Parole de Dieu, alors que les réformateurs encourageaient ouvertement l’étude de la Bible par tous, déclarant que, par son ministère, l’Esprit pouvait enseigner les vérités bibliques à tous les croyants. L’importance que Luther accorda à la justification par la foi poussa le réformateur à s’exprimer sur de nombreux aspects de l’œuvre de l’Esprit dans ce domaine. Calvin souligna les aspects de l’œuvre de l’Esprit associés à la Trinité et à son ministère dans le cœur et la vie des croyants. Les nombreux documents et confessions de foi publiés lors de la Réforme sont unanimes dans leur orthodoxie. La Confession d’Augsbourg, la Formule de concorde, la Confession de Genève et la Confession de Westminster affirment toutes la divinité de l’Esprit, conformément au symbole de Chalcédoine. Elles incluent le filioque et quelques aspects particuliers mis en lumière par la Réforme elle-même. En fait, on peut dire que ce n’est qu’à cette époque-là que l’Eglise posséda une doctrine aboutie du Saint-Esprit.
B. Les sociniens et les arminiens Presque tout mouvement religieux est suivi d’excès et de réactions, et la Réforme ne fit pas exception. Certains protestants versèrent dans un enthousiasme et un mysticisme excessifs, d’autres penchèrent vers un rationalisme qui passait complètement sous silence l’œuvre de l’Esprit dans la vie. Au seizième siècle, les sociniens déclaraient fausse la croyance selon laquelle les personnes de la Trinité possédaient une essence unique. De ce point de vue, ils reprenaient à leur compte les idées ariennes, et ils allaient même au-delà puisqu’ils niaient la préexistence du Fils et définissaient le Saint-Esprit comme «une vertu ou une énergie s’écoulant de Dieu vers l’homme». Au sein même de l’Eglise réformée surgit un problème majeur avec l’émergence de la théologie arminienne (Arminius, 1560-1609 apr. J.-C.). Cette doctrine mettait l’accent sur l’effort et la volonté de l’homme, faisant ainsi du salut davantage une œuvre humaine qu’une œuvre divine, puisque la volonté humaine remplaçait l’œuvre de l’Esprit dans la régénération. Le synode de Dordrecht (1618-1619) se réunit pour traiter de la question; il condamna la théologie arminienne, soulignant de la manière la plus véhémente possible la nécessité de l’œuvre et de la puissance du Saint-Esprit. Mais ce synode n’éradiqua pas l’arminianisme, qui continue de se répandre de nos jours. Le mouvement puritain en Angleterre fit beaucoup pour contrecarrer l’arminianisme par son insistance sur la doctrine de la grâce.
C. John Owen (1616-1683 apr. J.-C.) Le livre de John Owen, Discourse Concerning the Holy Spirit (littéralement «discours concernant le Saint-Esprit»), constitue l’une des contributions puritaines les plus importantes dans ce débat d’idées. Certains pensent que son œuvre n’a jamais été surpassée. Elle développe les grands principes de la Réforme à propos du Saint-Esprit et de la vie chrétienne.
D. Abraham Kuyper (1837-1920 apr. J.-C.) L’œuvre de Kuyper est aussi un classique dans ce domaine, surtout à la lumière du rationalisme qui s’était répandu en Europe. Swedenborg (1688-1772 apr. J.-C.) niait la Trinité. Tout en s’opposant au rationalisme dominant en insistant sur le besoin et la réalité de la foi personnelle, Schleiermacher (1768-1834 apr. J.-C.) niait les réalités objectives de l’incarnation, de la croix et de la venue de l’Esprit. Sa doctrine de la Trinité s’inspirait de celle de Sabellius, car il considérait les personnes de la divinité comme des modes de manifestation. Il niait la personnalité distincte de l’Esprit et définissait son œuvre comme «l’esprit collectif de la nouvelle vie communautaire initiée par Christ.» Ritschl (1822-1889 apr. J.-C.) ressuscita le monarchianisme de Paul de Samosate. Sa théologie excluait toute métaphysique, ce qui eut évidemment des effets sur sa conception de l’Esprit.
E. Les Frères de Plymouth220 (1825 apr. J.-C.) C’est aux Frères de Plymouth que nous devons une compréhension correcte du ministère baptismal de l’Esprit et de la nature distincte de l’Eglise néotestamentaire. Ils insistaient beaucoup sur l’importance de la parole de Dieu, l’illumination de l’Esprit et la position que tout croyant a en Christ grâce à l’œuvre de l’Esprit. Il y eut des schismes déplorables dans leur groupe, mais les Frères rendirent un témoignage essentiel à la présence, à la puissance et aux directives de l’Esprit dans l’Eglise.
F. La néo-orthodoxie La néo-orthodoxie est un mouvement du vingtième siècle issu de la théologie de Karl Barth (1886-1968 apr. J.-C.). Ce mouvement naquit en réaction contre le libéralisme, dominant jusqu’à la Première Guerre mondiale. Les atrocités de cette guerre obligèrent les hommes à réfléchir plus sérieusement au péché et à leur incapacité de résoudre leurs problèmes. Le mouvement néo-orthodoxe se présentait comme une nouvelle réforme appelant les hommes à revenir à la Bible. C’est ce qu’il fit, mais il n’appela pas à revenir à la Bible des réformateurs, car les théologiens néo-orthodoxes avaient rapidement embrassé les enseignements du libéralisme concernant l’exactitude et la véracité de la Bible, tout en
s’efforçant de proclamer le message biblique. La néo-orthodoxie a autant de variantes que de théologiens néo-orthodoxes, mais on peut dire qu’en général ses conceptions sur le Saint-Esprit laissent à désirer. La plupart des auteurs de ce mouvement nient la personnalité distincte du Saint-Esprit et n’affirment sa divinité que dans la mesure où il représente une manifestation divine de Dieu. Le SaintEsprit est davantage perçu comme une activité de Dieu que comme une personne de la divinité. On a qualifié de modaliste la conception barthienne de la Trinité, mais Karl Barth lui-même aurait certainement refusé ce terme; il rejetait la conception prônée communément par le modalisme, à savoir celle qui veut que Dieu se manifeste sous trois formes, car pour lui, elle n’exprimait pas assez bien la doctrine de la Trinité. Il rejetait par ailleurs le terme de «personne» appliqué aux membres de la Trinité, car il estimait qu’il impliquait le trithéisme ou l’existence de trois Dieux. Pour Barth, semble-t-il, la Trinité représentait un triple mode de manifestation, plutôt que trois personnes. Contrairement à la plupart des théologiens néo-orthodoxes, il croyait à la divinité de l’Esprit.
G. Le néolibéralisme L’apparition et la large acceptation de la théologie néo-orthodoxe obligèrent le libéralisme à revoir ses propres affirmations. Il en résulta un nouveau libéralisme qui n’est que l’ancien libéralisme avec une tendance à prendre le péché plus au sérieux et à se montrer moins optimiste. Il a peut-être une manière différente d’aborder les problèmes mondiaux, mais ses enseignements diffèrent peu de ceux de l’ancien libéralisme. Le néolibéral se désintéresse rapidement et complètement de la doctrine orthodoxe du Saint-Esprit, simplement parce qu’il ne croit pas à la divinité de la deuxième personne de la Trinité. Il n’y a en réalité pas de Trinité pour lui, et donc pas de troisième personne divine. L’Esprit n’est qu’une fonction de Dieu et ne possède aucune qualité personnelle distincte.
H. Le pentecôtisme Il ne fait aucun doute que le pentecôtisme moderne est le fruit d’une réaction contre la stérilité qui commençait à caractériser les Eglises établies. Il présente le baptême de l’Esprit comme une deuxième œuvre de grâce destinée à revêtir le croyant de puissance; il prône en outre un retour à l’exercice de tous les dons spirituels accordés et exercés à l’époque néotestamentaire. S’il accepte la doctrine orthodoxe concernant la personne de l’Esprit, il met l’accent, et pas toujours de façon correcte, sur son œuvre dans la vie des chrétiens. Dans ce survol de l’histoire de l’Eglise, nous avons d’abord vu la formulation progressive de ce qui est devenu la doctrine orthodoxe de l’Esprit, puis la définition de cette doctrine par les premiers conciles et son développement lors de la Réforme. A chaque étape qui a vu se
définir et se développer cette vérité, il y a eu des mouvements qui s’en éloignaient, soit par leur froideur rationaliste, soit par leur enthousiasme et leur mysticisme exagérés. L’histoire devrait nous apprendre que la doctrine orthodoxe n’est pas seulement importante pour la foi, mais qu’elle est aussi fondamentale pour la vie. Et c’est peut-être dans la doctrine relative au Saint-Esprit que ce mariage de la vérité et de la vie pratique est le plus important. 220 Dès 1825, des rencontres réunirent des chrétiens de diverses Eglises à Dublin pour partager la cène, prier et étudier la Bible. Ces rencontres informelles se développèrent; une assemblée importante naquit à Plymouth, en Angleterre, et elle édita un journal qui la fit connaître, d’où le nom du mouvement. Celui-ci donna naissance aux actuelles assemblées de frères. (N.d.E.)
Section XII Je bâtirai mon Eglise
69. Qu’est-ce que l’Eglise? On peut difficilement exagérer l’importance de l’Eglise: c’est elle que Dieu a rachetée par le sang de son Fils (Actes 20:28); c’est elle que Christ aime et nourrit, elle dont il prend soin (Ephésiens 5:25, 29) et qu’il fera paraître un jour devant lui irréprochable et dans toute sa gloire (Ephésiens 5:27). L’édification de son Eglise constitue l’œuvre principale de Christ dans le monde aujourd’hui (Matthieu 16:18), au moyen des dons spirituels qu’il accorde (Ephésiens 4:12). En exerçant leurs dons, les croyants participent donc à l’œuvre actuelle de Christ.
I. La signification du mot «Eglise» Le terme français «Eglise» vient du grec ekklêsia, présent dans l’Ancien et le Nouveau Testaments grecs.
A. Le mot hébreu Le terme hébreu généralement rendu par ekklêsia dans la Septante est qahal, qui désigne tout simplement une assemblée. Il ne s’applique pas nécessairement à une assemblée religieuse (Genèse 28:3; 49:6; Psaume 26:5), ni même à un rassemblement d’êtres humains (Psaume 89:6, les «saints» peuvent être ici des êtres célestes). Le plus souvent, toutefois, il renvoie à l’assemblée d’Israël.
C. Le mot grec Le terme grec ekklêsia désignait une assemblée. Il avait le plus souvent une connotation politique, et non religieuse. Il ne s’appliquait pas aux individus mais à leur rassemblement; autrement dit, lorsque les gens n’étaient pas rassemblés de façon formelle, le terme ekklêsia ne pouvait pas les désigner. Le Nouveau Testament utilise à deux reprises le terme dans son sens profane (Actes 19:32, 40). Dans les autres passages où le Nouveau Testament utilise ce mot grec, il ajoute à sa signification fondamentale profane un sens beaucoup plus riche et plus complet. Ainsi, les individus eux-mêmes, rassemblés ou non, forment l’ekklêsia. Néanmoins, tel qu’il est employé dans le Nouveau Testament, le mot conserve son sens fondamental d’assemblée. Il ne revêt pas sa prétendue signification théologique de gens «appelés hors de» (fondée sur la décomposition du mot en deux parties: ek, «hors de», et kaleô, «appeler»). S’il fallait traduire le mot selon son étymologie, il faudrait le rendre par «appelés ensemble» et non «appelés hors de».
II. Les emplois du mot dans le Nouveau Testament Si le terme Eglise désigne un groupe assemblé, les différents emplois du terme dans le Nouveau Testament doivent nous renseigner sur (a) le caractère ou la nature du groupe en question et (b) les raisons qui lient entre elles les personnes du groupe.
A. Actes 19:39, 40 Le groupe est ici composé de païens rassemblés pour faire valoir un privilège politique. Les habitants de cette ville libre avaient le droit de se réunir en assemblée législative, ce qu’ils faisaient trois fois par mois. Mais l’assemblée en question était illégale, et Rome risquait de ne pas l’apprécier; c’est pourquoi le secrétaire de la ville encouragea vivement ses concitoyens à se disperser.
B. Actes 7:38 Il s’agit, dans ce cas, d’Israélites rassemblés pour recevoir la loi de Dieu par l’intermédiaire de Moïse. Ce groupe présentait un caractère spirituel hétérogène; en effet, certains Israélites entretenaient individuellement et personnellement des relations justes avec Dieu, d’autres non. Il est vrai que, dans un certain sens, ils entretenaient tous un rapport avec lui, puisqu’il possédait la nation comme héritage, mais cela ne suffisait pas à garantir le salut spirituel de chaque personne. Cette vocation nationale était la raison du rassemblement au pied du mont Sinaï.
C. Ephésiens 1:22-23 Ici, l’assemblée désigne l’Eglise, le corps de Christ. La caractéristique de ce groupe est qu’il est entièrement composé de personnes régénérées; la raison de son existence réside dans l’œuvre baptismale de l’Esprit, qui incorpore au corps de Christ tous ceux qui croient (1 Corinthiens 12:13). Cette Eglise est universelle; elle comprend tous les croyants de tous lieux encore sur la terre ainsi que ceux qui sont déjà au ciel (Hébreux 12:23). A strictement parler, elle n’est pas invisible, car beaucoup de ses membres sont parfaitement visibles. Il vaut donc mieux garder l’expression «Eglise universelle» sans ajouter «invisible».
D. Romains 16:5; 1 Corinthiens 16:19; Colossiens 4:15; Philémon 2 Ces textes parlent de groupes beaucoup plus localisés: des Eglises de maison. Ces personnes
présentaient
une
caractéristique
commune
(du
moins
à
l’époque
néotestamentaire): elles avaient toutes professé avoir accepté Christ comme Sauveur. Dans certaines Eglises locales figuraient des individus qui avaient professé la foi chrétienne sans être réellement sauvés (1 Jean 2:19; Apocalypse 3:20), mais pour constituer des Eglises, il fallait que les personnes confessent leur foi en Christ. Quelles étaient les caractéristiques de ces Eglises locales? Leur localisation géographique, la profession de foi en Christ, la pratique du baptême et la célébration de la cène. Mentionnons encore l’exercice de responsabilités de groupe, comme l’enseignement.
III. La conception néotestamentaire de l’Eglise La coutume veut que l’on conçoive l’Eglise dans ses deux aspects d’Eglise universelle et d’Eglise locale. On ajoute parfois que la première est invisible et la seconde visible, mais c’est une erreur. Il semble toutefois que même les adjectifs «universel» et «local» ne suffisent pas à couvrir toutes les facettes du concept. Si l’adjectif «universel» décrit bien le corps de Christ, qu’il soit sur la terre ou au ciel (Hébreux 12:23), l’adjectif «local» mérite d’être précisé davantage: dans quelle mesure l’Eglise locale est-elle vraiment locale? Comme nous l’avons vu, le terme «local» désigne parfois l’Eglise qui se réunit dans une maison. Il s’agit d’une unité locale telle que le Nouveau Testament la décrit. Mais l’Eglise de Corinthe (1 Corinthiens 1:2) incluait certainement plusieurs assemblées de maison. Elle était pourtant «locale» dans le sens où elle se limitait à la ville de Corinthe et ne comprenait pas d’autres Eglises établies en Grèce, comme celle de Thessalonique, par exemple (1 Thessaloniciens 1:1). Le singulier «Eglise» sert cependant à désigner plusieurs Eglises d’une même région. Dans Actes 9:31, il inclut les groupes chrétiens disséminés dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie. Lorsque, avant sa conversion, Paul persécutait l’Eglise, il ne se limitait pas à une assemblée locale particulière (1 Corinthiens 15:9). Résumons. Le vocable «Eglise» peut désigner un groupe dans une maison particulière, plusieurs groupes dans une ville et même plusieurs groupes au sein d’une région. Pourtant 1 Corinthiens 10:32 ne semble correspondre à aucune de ces catégories. L’expression «ne pas être en scandale à l’Eglise de Dieu» suppose qu’il s’agit de groupes visibles, mais pas nécessairement de tous ceux que compte la région. Elle doit désigner tout aspect de l’Eglise visible avec laquelle le croyant entre en contact. Nous devons donc apparemment dépasser la stricte catégorisation de l’Eglise en deux aspects, universel et local. (1) Il y a l’Eglise universelle: tous les croyants au ciel et sur la terre. (2) Il y a l’Eglise visible: les assemblées locales de différentes régions, principalement
celles de ma connaissance. (3) Il y a enfin l’Eglise locale: l’assemblée particulière avec laquelle j’entretiens une relation principale et suivie. Tout croyant appartient de fait à ces trois aspects de l’Eglise. 1 Corinthiens 10:32 s’applique à l’Eglise avec laquelle il entretient un contact à un moment donné.
IV. Autres conceptions de l’Eglise A. La conception catholique romaine Dans la conception romaine, «l’Eglise catholique est la société ou la réunion de tous les baptisés qui, vivant sur la terre, professent la même foi et la même loi de Jésus-Christ, participent aux mêmes sacrements et obéissent aux mêmes pasteurs légitimes, principalement au Pontife romain»221.
B. La conception anglicane L’anglicanisme déclare que «l’Eglise visible de Christ est une communauté d’hommes fidèles, dans laquelle la pure Parole de Dieu est annoncée et les sacrements valablement administrés conformément aux ordonnances de Christ…»222 L’Eglise anglicane est soumise à la direction temporelle du roi ou de la reine d’Angleterre.
C. La conception réformée La Confession de foi de Westminster affirme ceci: «L’Eglise catholique ou universelle, qui est invisible, comprend la totalité des élus… L’Eglise visible, qui est, elle aussi, catholique ou universelle sous l’Evangile, comprend tous ceux qui, dans le monde entier, professent la vraie religion, ainsi que leurs enfants…» (chapitre XXV).
D. La conception baptiste La confession de foi baptiste de 1646 dit que «l’Eglise est une compagnie de saints visibles, appelés et séparés du monde par la Parole et l’Esprit de Dieu, sur la profession visible de la foi de l’Evangile, et qui ont été baptisés dans cette foi» (article XXXIII). Certains baptistes contemporains admettent la réalité de l’Eglise universelle, d’autres non. 221 Jacques Blocher, Le Catholicisme à la lumière de l’Ecriture Sainte, Institut Biblique de Nogent, 1997, p. 30. 222 Article XIX des Trente-neuf articles de l’Eglise d’Angleterre.
70. La particularité de l’Eglise L’Eglise occupe une place unique dans le dessein de Dieu. Même s’il a entretenu des relations avec d’autres groupes, son activité à l’égard de l’Eglise demeure distincte. «Je bâtirai mon Eglise», a dit le Seigneur, et c’est précisément ce qu’il fait actuellement. Ces paroles de Christ soulignent quelques caractéristiques de l’Eglise: (a) elle était à venir au moment où il tenait ces propos; (b) elle était autre chose que le royaume dont il parlait; (c) elle était différente de la théocratie pratiquée en Israël. Nous allons examiner ces distinctions et d’autres encore.
I. L’Eglise et le royaume La négligence dont on a fait preuve quand il s’est agi de définir avec précision l’Eglise et le royaume, de les différencier et de les comparer explique la grande confusion qui entoure cette question. Fondée sur la Cité de Dieu d’Augustin, l’identification de l’Eglise au royaume a abouti à la conception qui veut revêtir l’Eglise de l’autorité absolue sur la terre. Les postmillénaristes fondent leur royaume terrestre sur le développement et la réussite de l’Eglise. La conception théonomique des choses considère que l’Eglise a pour mission d’établir la loi de l’Ancien Testament dans les royaumes du monde contemporain. La théologie réformée, qui adopte une attitude moins radicale, développe l’idée de la seigneurie de Christ sur toutes les structures du monde et considère l’Eglise comme l’agent principal pour y parvenir. Quelle est donc la relation entre l’Eglise et le royaume?
A. La signification du mot royaume Le dictionnaire définit le royaume comme une société politiquement organisée dans laquelle se trouvent un ou des gouvernants, des sujets et une étendue où s’appliquent les lois. Pour définir un royaume particulier, il faut se poser plusieurs questions: Qui est le gouvernant? Qui sont les sujets? Quand et où le royaume existe-t-il? C’est la réponse à ces interrogations qui permet de distinguer les différents royaumes mentionnés dans l’Ecriture.
B. Les différentes formes de royaume 1. Le royaume universel. Les Ecritures présentent Dieu comme le souverain du monde entier (1 Chroniques 29:11; Psaume 145:13). A ce titre, il exerce son pouvoir sur les nations du monde, établit les autorités de son choix et juge le monde (Psaume 96:13; Daniel 2:37). Dans la pensée juive, ce règne commença avec Adam, fut dénaturé par l’entrée du péché, mais s’est néanmoins poursuivi jusqu’à Abraham qui rappela les nations au royaume avec
une réussite partielle (voir la rébellion de Sodome et Gomorrhe). Quand Israël accepta la loi de Moïse, ce royaume fut rétabli, bien que la révolte ait éclaté presque aussitôt (avec le veau d’or) et se soit répétée tout au long de l’histoire d’Israël. Il n’y eut que le reste fidèle qui assura sa pérennité. Seul le Messie pouvait instaurer pleinement ce royaume. La théologie chrétienne admet l’idée d’un royaume universel (en y incluant généralement les anges, contrairement au judaïsme). Dieu est le Souverain des nations (Apocalypse 15:3) qui devront répondre devant lui lorsqu’il les appellera en jugement (Psaume 110:6). En bref, dans le royaume universel, Dieu est le roi; il règne sur tous; il le fait pour le temps et l’éternité. 2. Le royaume davidique / messianique. Le judaïsme et la théologie chrétienne prémillénariste accordent une place importante à cette conception du royaume. Il est davidique dans le sens où les promesses concernant le royaume furent incluses dans l’alliance conclue entre Dieu et David (2 Samuel 7:12-16). Il est messianique puisque c’est le Messie qui en sera le roi. Il trouvera son accomplissement lors du retour de Christ qui viendra établir son règne et réaliser les promesses faites à David. (Pour plus ample information, se reporter à la partie consacrée à l’eschatologie, à partir du chap. 77). En résumé, Christ est le souverain du royaume davidique / messianique; il dominera sur la terre et ses habitants pendant les mille ans de règne qui suivront sa deuxième venue. 3. La forme mystérieuse du royaume. Dans Matthieu 13, Christ révéla des mystères concernant le concept de royaume (Matthieu 13:11). Conformément au sens du mot «mystère», il dévoila aux disciples certains aspects du royaume inconnus auparavant. Ce royaume inédit débuta avec l’enseignement du Seigneur et prendra fin lors de son retour (Matthieu 13:3940). En d’autres termes, cette forme de royaume couvre toute la période qui s’écoule entre les deux venues de Christ. Dieu en est le souverain; les sujets en sont tous ceux qui, sur la terre, adoptent vis-à-vis de la «chrétienté» une attitude positive, neutre ou négative (ce qui inclut les vrais croyants, les chrétiens de nom, les apostats et même des adversaires). Ce royaume existe entre les deux venues de Christ. 4. Le royaume spirituel. Le terme «spirituel» n’est peut-être pas celui qui convient le mieux223, mais il semble qu’aucun autre ne caractérise mieux ce type de royaume. Il s’agit du royaume dans lequel tous les vrais chrétiens ont été transportés (Colossiens 1:13), dans lequel ils sont entrés par la nouvelle naissance. Christ en est le souverain, et son autorité ne s’exerce que sur les croyants. Il existe actuellement.
C. L’Eglise et ces royaumes 1. L’Eglise et le royaume universel. Comme l’Eglise est dans le monde, elle est incluse dans le royaume universel de Dieu. Il l’a conçue, appelée à l’existence, la gouverne, comme il le fait
à l’égard de tous les aspects de l’univers. 2. L’Eglise et le royaume davidique / messianique. L’Eglise ne fait absolument pas partie de ce royaume. Lorsque celui-ci sera instauré, elle aura été ressuscitée, et elle régnera avec Christ pendant les mille ans de son règne. 3. L’Eglise et la forme mystérieuse du royaume. Comme l’Eglise fait partie de la chrétienté, elle est incluse dans cette forme de royaume. 4. L’Eglise et le royaume spirituel. L’Eglise véritable, le corps de Christ, correspond à ce royaume. Si nous devions tenter de résumer les rapports entre l’Eglise et le royaume, nous pourrions dire qu’elle cultive des liens avec certaines formes de royaume sans leur être équivalente, qu’il n’existe aucun lien entre elle et telle forme de royaume, et qu’elle se confond avec un autre type de royaume. Il faut préciser de quel royaume on parle avant de déterminer le lien entre l’Eglise et lui.
II. L’Eglise et Israël L’Eglise est distincte d’Israël; elle n’a vu le jour qu’à la Pentecôte et n’existait donc pas sous l’Ancien Testament. Plusieurs faits confirment la distinction entre Israël et l’Eglise. (1) Le Nouveau Testament oppose
nettement
l’Israël
naturel
aux
païens
après
la
fondation
de
l’Eglise
(Actes 3:12; 4:8, 10; 5:21, 31, 35; 21:19). (2) L’Israël naturel se différencie clairement de l’Eglise, montrant ainsi que celle-ci n’est pas Israël (1 Corinthiens 10:32). La distinction que souligne l’apôtre224 n’aurait aucun sens si Israël était identique à l’Eglise. (3) Galates 6:1516 n’apporte aucune preuve claire qu’on puisse identifier l’Eglise à Israël. C’est seulement si la conjonction grecque kai (littéralement «et») est explicative que l’assimilation de l’Israël de Dieu à la nouvelle création, c’est-à-dire à l’Eglise, est possible. Mais le kai peut avoir un sens emphatique pour souligner qu’une partie particulièrement importante (les Juifs croyants) participe à la bénédiction de toute l’Eglise (comme le kai dans Marc 16:7 et Actes 1:14). Il peut aussi tout simplement rattacher les chrétiens d’origine juive à la nouvelle création. Le contenu de l’épître aux Galates milite contre le sens explicatif de la préposition (seul sens qui permettrait d’identifier l’Eglise à Israël). Comme Paul s’en est pris violemment aux légalistes juifs, on peut penser avec raison qu’il a ensuite voulu mentionner les Juifs qui avaient renoncé au légalisme pour suivre Christ, et invoquer sur eux une bénédiction particulière.
III. L’Eglise et l’ère actuelle
L’Eglise n’existait pas à l’époque de l’Ancien Testament, et elle n’a été fondée qu’à la Pentecôte. Elle est caractéristique de l’âge actuel. Cette conclusion repose sur quatre considérations. (1) Le Seigneur a déclaré: «Je bâtirai mon Eglise» (Matthieu 16:18). Il n’a pas dit qu’il ajouterait à quelque chose de déjà existant, mais qu’il entreprendrait une œuvre qui n’avait pas encore commencé. (2) L’Eglise ne pouvait pas avoir de chef (tête) en fonction avant la résurrection de Christ; elle ne pouvait donc exister qu’après sa résurrection d’entre les morts (Ephésiens 1:20). (3) L’Eglise ne pouvait pas être une entité capable de fonctionner avec des dons spirituels avant l’ascension de Christ (Ephésiens 4:7-12). (4) Le caractère mystérieux d’un corps unique était inconnu dans l’Ancien Testament (Ephésiens 3:5-6; Colossiens 1:26). En grec classique, mustêrion désigne quelque chose de secret ou de caché. On employait ce terme à propos des rites sacrés des religions grecques à mystères; il s’agissait de secrets que seuls les initiés pouvaient connaître. Dans les rouleaux de la mer Morte, les mots associés désignaient moins quelque chose d’inconnu que la sagesse infiniment supérieure à toute compréhension finie. L’Ancien Testament n’utilise le mot correspondant que dans Daniel 2:18-19, 27-30, 47; 4:9. Le mystère est un secret que seuls les initiés percent. Deux idées y sont attachées: (a) un temps où le secret n’était pas connu suivi d’un temps où il fut révélé et (b) une sagesse plus profonde ou plus élevée révélée à ceux qui sont initiés. Quel est le contenu du mystère dans ces passages? Le voici: les païens sont cohéritiers des Juifs, forment un corps avec eux et participent à la même promesse qu’eux en JésusChrist par l’Evangile. L’intégration des païens au plan divin de rédemption était déjà révélée dans l’Ancien Testament (Genèse 12:3; Esaïe 42:6-7). Cette vérité n’était donc pas un mystère. En revanche, l’existence d’un corps dans lequel les Juifs et les païens seraient inclus sur un pied d’égalité n’y était pas révélée. Il suffit d’examiner le mort «corps» dans une concordance pour s’apercevoir rapidement et nettement que l’idée du corps de Christ ou d’un autre corps dans lequel les rachetés seraient placés ne figure nulle part dans l’Ancien Testament. Paul utilise pour la première fois le mot «corps» pour désigner le corps de Christ dans son exposé détaillé de ce concept en 1 Corinthiens 12:12-25. Il y revient ensuite dans Romains 12:4-5. Toutes les autres allusions à cette réalité figurent dans Ephésiens
et
Colossiens.
Le
synonyme
de
«corps»
est
«homme
nouveau»
(Ephésiens 2:15-16). Manifestement ce mystère était inconnu dans l’Ancien Testament, et comme ce corps est l’homme nouveau, il ne représente pas la continuité d’Israël ni son remodelage. Bien qu’il y ait une certaine continuité entre les rachetés de tous les temps (tout simplement
parce qu’ils sont rachetés et qu’ils partagent la même destinée, à savoir le ciel), il existe aussi une discontinuité entre eux, car les rachetés d’aujourd’hui sont intégrés au corps de Christ et non à un Israël quelconque. De même, les rachetés d’avant Abraham (comme Hénoc et Noé) n’appartenaient pas à Israël, tout en faisant partie de la famille de Dieu. Il y a donc des rachetés pré-Israël (les saints antérieurs à Abraham) et des rachetés post-Israël (les chrétiens dans le corps de Christ). Quel est le sens du «comme» dans Ephésiens 3:5? Signifie-t-il que le mystère du corps unique n’était que «relativement» inconnu dans l’Ancien Testament? Remarquons alors qu’aucune idée d’un «plus ou moins connu» ne se trouve dans le passage parallèle de Colossiens 1:26. Ce passage contraste clairement «caché» et «révélé». Pour que les affirmations pauliniennes d’Ephésiens 3:5 et de Colossiens 1:26 puissent s’harmoniser, il faut exclure tout sens de comparaison dans le «comme» du verset d’Ephésiens. D’ailleurs la conjonction comme peut revêtir d’autres significations. Elle peut introduire une proposition qui ajoute une nouvelle information (c’est visiblement le cas dans Actes 2:15: les disciples n’étaient pas simplement moins ivres que la foule le pensait). Avec un antécédent négatif, le mot peut signifier «mais» (cf. 1 Corinthiens 7:31). Autrement dit, le nouveau corps n’était pas connu aux autres époques, mais il est désormais révélé. Et comme l’Eglise est le corps de Christ, que ce corps n’était pas révélé ni actif avant la période néotestamentaire, l’Eglise est caractéristique de cette époque.
IV. L’Eglise et Jésus-Christ Au cours de son ministère terrestre, le Seigneur a annoncé qu’il ferait une chose nouvelle en bâtissant son Eglise (Matthieu 16:18). Le verbe «je bâtirai» est au futur. Il s’agissait donc d’une œuvre que Christ n’avait pas encore réalisée à ce moment. En fait, l’Eglise n’a commencé à exister comme une entité capable de fonctionner qu’avec la venue de l’Esprit à la Pentecôte. Quel était alors le rapport que le Seigneur entretenait avec l’Eglise, étant donné que celle-ci n’existait pas encore durant sa vie terrestre? Il en est le fondateur. C’est son Eglise (Matthieu 16:18). Il en est le fondement (1 Corinthiens 3:11). (1) En tant que fondateur, il a choisi les disciples qui joueraient aussi un rôle dans la fondation de l’édifice (Ephésiens 2:20). (2) En tant que fondateur, il a enseigné aux disciples ce dont ils auraient besoin au moment où l’Eglise commencerait à fonctionner. Il leur a donné l’essentiel de cet enseignement dans son discours de la chambre haute (Jean 13–17). Certains des enseignements de Christ avaient un lien avec la loi de Moïse sous laquelle il vivait, d’autres concernaient le futur règne de mille ans, d’autres encore s’appliquaient à la future Eglise. Le discours prononcé
dans la chambre haute sert de pépinière de l’enseignement que l’on trouve par la suite dans les épîtres. Parmi les choses nouvelles enseignées figurent un commandement nouveau (Jean 13:34), un nouvel espoir, celui de l’enlèvement de l’Eglise (Jean 14:1-3), une nouvelle relation (vous en moi et moi en vous, Jean 14:20) et un nouveau fondement pour la prière (Jean 16:24). (3) Le fondateur est aussi devenu la pierre angulaire de cet édifice par sa mort et sa résurrection (Actes 4:11; Ephésiens 2:20). Il a acquis l’Eglise par son propre sang (Actes 20:28). Par sa résurrection et son ascension, il en est devenu la tête (Ephésiens 1:20-23), ce qui lui confère la capacité, entre autres choses, de faire des dons aux membres de son corps (Ephésiens 4:8). (4) En tant que fondateur, il est aussi celui qui a envoyé le Saint-Esprit; celui-ci anime l’Eglise et fait d’elle un corps qui fonctionne harmonieusement (Actes 2:33). Quel est le «roc» sur lequel l’Eglise est bâtie (Matthieu 16:18)? Certains pensent que c’est Pierre. Dans ce cas, Christ aurait joué sur les mots petros (Pierre) et petra (roc). Le premier est masculin et s’applique à une pierre, le second est féminin et désigne un roc imposant. Compte tenu de la différence de mots et de genres, il est peu probable que Christ ait voulu faire allusion à Pierre. Certains craignent qu’on rejette une telle interprétation simplement parce qu’elle semble apporter de l’eau au moulin de la doctrine catholique romaine selon laquelle Pierre est le roc sur lequel l’Eglise est fondée (comme l’indique l’inscription latine sur la base du dôme de la basilique Saint-Pierre à Rome, mais en latin, les mots et les genres ne permettent pas de dissiper l’ambiguïté de l’expression). Il est vrai que les apôtres sont le fondement de l’Eglise (Ephésiens 2:20), mais Pierre, aussi prééminent qu’il ait été, ne détenait certainement aucune primauté papale (Actes 2:14; 10:34; Galates 2:11). Pour d’autres, c’est Christ qui est le roc dans ce verset, comme il l’est dans d’autres passages de l’Ecriture (1 Corinthiens 3:11; 1 Pierre 2:5-9). Cette explication semble toutefois dissocier les deux rocs, alors que le texte les rapproche. D’autres encore voient le roc dans la confession que Pierre fait à propos de Christ (Matthieu 16:16). La vérité se trouve peut-être dans l’association de ces deux idées: le roc désigne Pierre qui manie les clés du royaume (Matthieu 16:19; Esaïe 22:22) en proclamant aux Juifs et aux païens la vérité concernant Christ. Christ est le fondateur de l’Eglise: il l’a assise sur le fondement des apôtres, lui a communiqué l’enseignement fondamental sur les relations en son sein, a donné sa vie pour devenir pierre angulaire de l’édifice et a finalement envoyé le Saint-Esprit pour la vivifier, le jour de la Pentecôte.
V. L’Eglise et le Saint-Esprit
La Pentecôte marque le début de l’Eglise en tant que corps en état de fonctionner, grâce à l’effusion de l’Esprit ce jour-là. Avant son ascension, le Seigneur a promis à ses disciples qu’ils seraient très prochainement baptisés du Saint-Esprit (Actes 1:5). Bien que le mot «baptême» n’apparaisse pas dans le récit de la Pentecôte au chapitre 2, il saute aux yeux, d’après Actes 11:15-16, que c’est bien cet événement qui se produisit pour la première fois ce jour-là. Puisque, d’après Paul (1 Corinthiens 12:13), le baptême de l’Esprit intègre les convertis au corps de Christ, et puisque celui-ci forme l’Eglise (Ephésiens 1:22-23), il apparaît que l’Eglise est née lorsque les premiers individus ont été baptisés, lors de la Pentecôte. Plusieurs autres événements se sont produits ce même jour. Les disciples ont été remplis de l’Esprit (Actes 2:4). Trois mille personnes ont reçu le baptême d’eau (Actes 2:41). L’Eglise visible date de ce jour (Actes 2:42-47). Non seulement le Saint-Esprit baptise ceux qui croient pour les intégrer dans le corps de Christ, mais il habite de plus dans les chrétiens individuels (1 Corinthiens 6:19), dans les Eglises locales (1 Corinthiens 3:16) et dans le corps de Christ tout entier (Ephésiens 2:22). L’Esprit revêt de puissance, dirige, console et distribue ses dons à l’Eglise (Actes 1:8; 9:31; 1 Corinthiens 12:4). C’est de manière très réelle qu’il est la vie, l’énergie et la puissance de l’Eglise. 223 J’emprunte ce terme à J. Oliver Buswell, A Systematic Theology of the Christian Religion, Grand Rapids, Zondervan, 1962, 2:346. 224 «Ne soyez en scandale ni aux Grecs, ni aux Juifs, ni à l’Eglise de Dieu.»
71. Principes ou modèles? Avant de considérer l’enseignement biblique relatif à l’organisation, à l’ordre et aux sacrements de l’Eglise locale, une question essentielle mérite l’attention: le Nouveau Testament énonce-t-il dans ces domaines des principes généraux qu’il faut adapter en fonction des cultures et des époques, ou bien présente-t-il le modèle qu’il faut reproduire aujourd’hui dans toutes les cultures? Le Nouveau Testament enseigne-t-il des principes de gouvernement de l’Eglise susceptibles d’être adaptés de multiples façons, ou bien expose-til un modèle particulier de gouvernement qu’il faut impérativement respecter? Beaucoup estiment que, dans ce domaine, la souplesse est permise. L’Eglise doit avoir des conducteurs, mais peu importe qu’ils soient appelés anciens ou diacres, ou qu’une assemblée ait les deux. On pourrait même les appeler administrateurs ou gérants et tout de même suivre les principes néotestamentaires de gouvernement. Prenons un autre exemple. Le Nouveau Testament enseigne le principe du rassemblement des croyants. Mais, à cette époque, les chrétiens se réunissaient dans les maisons. Pouvons-nous nous permettre aujourd’hui de construire des bâtiments, ou faut-il suivre le modèle néotestamentaire et nous réunir dans les maisons? La plupart des chrétiens optent pour la souplesse à cet égard. Considérons encore un autre cas. Dans son principe, le baptême d’eau montre que le baptisé renonce à son ancien mode de vie et entre dans un nouveau. Existe-t-il un moyen de suivre ce principe sans s’appuyer sur le baptême d’eau? La plupart répondront non. Mais pourquoi ne pas construire un petit cabinet sur l’estrade, y faire entrer le candidat revêtu de ses anciens habits et le voir sortir avec des vêtements nouveaux après qu’il s’est changé? Cela n’illustrerait-il pas la même vérité que le baptême? Est-ce que cela ne correspond pas à une illustration scripturaire (Colossiens 3:9-12)? En matière de gouvernement de l’Eglise, nous nous permettons souvent une certaine flexibilité. A propos des lieux de rassemblement, nous acceptons une grande différence. Quand il s’agit du baptême d’eau, nous refusons toute souplesse. Quelles que soient les convictions théoriques d’une personne ou d’un groupe sur ces questions, je me demande si elles sont toujours parfaitement cohérentes en pratique. Les arguments en faveur d’une adaptation en souplesse des principes sont généralement d’ordre historique et analogique. Historiquement, puisque l’Eglise primitive a été influencée par sa culture, qui lui a inspiré ses formes, pourquoi ne ferions-nous pas de même aujourd’hui? Il est certain que la structure de gouvernement par des anciens vient de l’organisation de la synagogue (mais les sociétés païennes en avaient aussi). En revanche, il est moins évident que l’idée de diacres ait été empruntée à la synagogue. Le judaïsme et
les religions à mystères imposaient le baptême à leurs prosélytes. Quant à la cène, elle est une nouveauté de l’Eglise, bien qu’elle découle du repas pascal juif. L’Eglise a pratiqué le même
type
d’enseignement
que
la
synagogue.
Les
deux
groupes
incluaient
l’excommunication dans leur discipline. Indéniablement, de nombreuses pratiques de l’Eglise trouvaient leur antécédent dans le judaïsme. On pouvait s’y attendre. Mais cela ne répond pas à la question: quand l’Eglise a-t-elle adopté ces pratiques, celles-ci ont-elles été reçues comme des commandements divins (et donc normatifs pour aujourd’hui) ou simplement comme des exemples divins (qui ne s’imposent pas forcément jusque dans le détail pour nous aujourd’hui)? L’argument historique ne résout pas le problème. On s’appuie souvent sur les analogies pour justifier une certaine souplesse entre la notion de principe à respecter et celle de modèle à suivre. Ainsi, l’Evangile est un principe inviolable, mais il existe de nombreuses manières de le présenter. Le salut est un absolu, mais les expériences de conversion varient à l’infini. On en arrive donc à admettre que si l’Eglise est bien un absolu, ses formes et ses fonctions peuvent varier. Comme ce raisonnement n’est pas d’ordre exégétique, il est faible. Ceux qui estiment que les pratiques ecclésiales doivent se conformer de près aux principes et aux modèles du Nouveau Testament s’appuient sur la déclaration de l’Ecriture, qui se considère elle-même suffisante pour toute bonne œuvre, y compris celle de l’Eglise locale (2 Timothée 3:16-17). D’ailleurs, Paul a donné dans 1 Timothée beaucoup de détails concernant la vie et le gouvernement de l’Eglise locale pour que Timothée sache comment se conduire dans la maison de Dieu et comment livrer aux autres les mêmes instructions (2 Timothée 3:15). Dans la même épître, Paul rejette le conditionnement culturel de la vérité (2 Timothée 2:11-14). En outre, il s’attend à ce que les Eglises suivent les «traditions», qui incluent à la fois les principes et les modèles (1 Corinthiens 11). Peut-on régler cette question une fois pour toutes? Probablement pas de manière définitive (et personne n’est parfaitement cohérent avec lui-même). Pourtant, en guise de conclusion, disons qu’un excès de souplesse semble ne pas tenir compte des modèles détaillés présentés dans le Nouveau Testament. C’est une chose d’admettre une différence d’interprétation sur un certain détail, c’en est une autre de dire que ce détail est sans importance. Personnellement, je suis d’avis que nous devons conserver autant de détails que possible des modèles de la vie ecclésiale telle qu’elle est révélée dans le Nouveau Testament. Autrement, il n’existe pas de réponse satisfaisante quant à la raison d’être de ces modèles. Puisqu’ils y sont, je veux les utiliser aujourd’hui.
72. Les modes de gouvernement de l’Eglise Qu’est-ce qui constitue une Eglise locale? L’Eglise locale existe-t-elle chaque fois que deux ou trois chrétiens sont assemblés au nom de Christ? Dans ce cas, pratiquement tous les foyers chrétiens seraient des Eglises. Quelle organisation faut-il pour constituer une Eglise locale? Certains prônent une organisation minimale, d’autres sont favorables à une organisation poussée à l’extrême. Le Nouveau Testament ne contient pas de définition formelle de l’Eglise locale; il décrit cependant les caractéristiques normales d’une telle assemblée. A partir de ces caractéristiques, nous pouvons formuler une définition de l’Eglise locale: c’est l’assemblée de ceux qui professent croire en Christ, ont été baptisés et s’organisent pour accomplir la volonté de Dieu. Notons les aspects importants de cette définition: (1) Ceux qui ne font pas profession de foi sont exclus. Cette profession de foi peut n’être pas sincère, mais elle doit être faite. (2) Sans entrer dans le détail concernant le mode de baptême, le Nouveau Testament ne connaît pas de membres d’Eglise qui n’ont pas été baptisés. (3) Une Eglise possède toujours une certaine forme d’organisation; dans le Nouveau Testament, l’Eglise s’est très rapidement dotée d’une organisation (Actes 14:23). (4) L’Eglise a une raison d’être: faire la volonté de Dieu. Cela comprend plusieurs aspects: observer les sacrements, évangéliser, édifier les croyants, adorer Dieu, soutenir financièrement l’œuvre de Dieu, enseigner tous les groupes d’âge, etc. Un ministère qui ne s’intéresse qu’à une tranche d’âge de la population ne peut constituer une Eglise, même s’il présente des caractéristiques et des activités identiques à celles de l’Eglise. Comme il n’ouvre pas ses portes à tous les croyants, il n’est pas une Eglise. La définition ci-dessus peut paraître étriquée à certains; elle conserve cependant une certaine latitude. Le mode de baptême pour être membre de l’Eglise peut faire l’objet de discussions, mais pas le fait du baptême en soi (si l’on veut suivre le modèle du Nouveau Testament). La définition ne précise pas le type d’organisation, qui peut être débattu, mais la nécessité d’une organisation est fermement soulignée. La définition proposée ne dit rien du lieu de réunion, du nombre des rencontres, de la fréquence des sacrements ni des structures pour exercer le ministère. Compte tenu des discussions passées et présentes sur l’organisation de l’Eglise, il existe
plusieurs types d’organisation. Mais le fait même que l’Eglise primitive était organisée est indiscutable. Dès le commencement (plus par la suite), les chrétiens se sont dénombrés (Actes 2:41; 4:4). Ils ont rapidement dû choisir des assistants pour les apôtres (Actes 6:1-7). Très tôt, ils ont dû prévoir un système d’entraide en faveur des pauvres (Actes 4:32-37). Les anciens ont été reconnus comme conducteurs (Actes 11:30). De retour de son premier voyage missionnaire, Paul a établi des anciens dans les Eglises nouvellement fondées (Actes 14:23).
I. Le gouvernement minimal A. Les caractéristiques de ce courant En général, les adeptes d’une organisation minimale sont dirigés par un petit groupe d’anciens, insistent sur l’exercice des dons spirituels par tous les membres, minimisent le concept de membre et accordent beaucoup d’importance à la seigneurie de Christ sur l’assemblée.
B. Quelques remarques De tels groupes ne sont évidemment pas dépourvus d’organisation. Ainsi, ils exercent souvent une discipline ecclésiastique plus rigoureuse que des groupes beaucoup plus structurés. Ils s’appuient donc sur une activité organisée. Ils penchent vers un système fédéral de gouvernement, même si l’assemblée locale a probablement une part moins importante dans la prise de décision. Ces groupes n’ont généralement pas un pasteur unique. Une telle forme d’organisation n’existe pas seulement dans des groupes restreints; on la trouve aussi dans des assemblées nombreuses. Quelques groupes Quakers et les assemblées de Frères sont favorables à ce type de gouvernement.
II. Le gouvernement national A. Les caractéristiques de ce courant Une Eglise nationale est un groupe d’Eglises organisées sous l’autorité de l’Etat ou dans ses limites géographiques. Sa structure organisationnelle inclut le droit de l’Etat d’intervenir dans les affaires internes des assemblées et d’exercer un contrôle sur elles. La limite de ces droits varie d’un pays à un autre. Il peut, ou non, tolérer l’existence d’Eglises libres à côté de l’Eglise nationale. Il peut, ou non, convoquer des conciles ou des synodes. Il peut, ou non, intervenir dans l’exercice ou la ratification des mesures disciplinaires. Il peut, ou non, prélever l’impôt du culte et soutenir financièrement les Eglises. Quelles que soient les caractéristiques particulières des rapports entre l’Eglise nationale et l’Etat, il existe un lien
formel qui est la marque distinctive fondamentale de cette forme de gouvernement ecclésiastique. L’Eglise anglicane, en Angleterre, et l’Eglise luthérienne, en Allemagne, sont des Eglises nationales.
B. Quelques passages bibliques pertinents Les arguments en faveur de la séparation de l’Eglise et de l’Etat reposent sur plusieurs textes bibliques. Comme le rapporte Matthieu 22:21, Christ distingue deux sphères de responsabilité (César et Dieu) et les rapports que ses disciples doivent entretenir avec chacune. D’autres passages précisent les devoirs du chrétien vis-à-vis de l’Etat (Romains 13:1-7; 1 Pierre 2:13-17; Tite 3:1). Quand un conflit se produit entre ces deux sphères et que l’Etat cherche à enfreindre la loi de Dieu, la Bible présente des exemples de désobéissance civique (Daniel 3:6; Actes 5:29). Nous avons aussi au moins un exemple de résistance passive (pas illégale) pour obliger le pouvoir séculier à reconnaître ses torts (Actes 16:37). Le Nouveau Testament exclut toute intervention de l’Etat dans la discipline ecclésiastique (Matthieu 18:17; 1 Corinth