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Master droit des affaires
La sentence arbitrale et les voies de recours
Réalisé par : SOUHAILA EL LAHLAH CHAIMAE MKHANTAR DOHA MARZOUGUI AFAF EL KODMIRI HOUDA ER RAFAS
Encadré par : Pr MAZOUZ
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Année universitaire 2020/2021
Sommaire : Introduction…………………………………………………….. 3 Chapitre I : régime juridique de la sentence arbitrale …….. 5 Section 1 : les conditions de validité de la sentence arbitrale …. 5 Section 2 : les effets de la sentence arbitrale ………………….. 8 Chapitre II : les voies de recours ……………………………. 10 Section 1 : les voies de recours ordinaires…………………….. 10 Section 2 : Les voies de recours extraordinaires ……………… 14 Bibliographie………………………………………………………… 16
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Introduction Le développement du commerce international a mis fin aux barrières entre les peuples, les marchés, les capitaux, les marchandises mais aussi les actes juridictionnels. En effet, par le biais de la marchandise, de nombreux contentieux économiques opposant des sociétés ou des individus d’horizon différents et de culture juridique différente, ont vu le jour. L’Etat, par le biais de l’institution judiciaire, devrait être le garant de la justice, de l’équité et partant de la paix sociale. Mais les juridictions étatiques n’arrivent plus à satisfaire les justiciables et ce à cause des procédures plus langue et des conditions défavorisant la justice et le règlement étanche des litiges. De ce fait, les parties au litige préfèrent de se recourir aux règlements des litiges d’une manière pacifique qui est l’arbitrage, soit pour préserver leurs relations commerciales et trancher leur différents dans un délai convenable. La mission de l’arbitre s’achève donc par le prononcé de la sentence arbitrale qui fixe les droits et les obligations de chacun. Cette sentence est la décision par laquelle les arbitres, conformément aux pouvoirs que leur confère la convention d’arbitrage, tranchent les questions litigieuses qui leur ont été soumises par les parties. Elle est l’aboutissement de la procédure d’arbitrage. Etant donné le caractère juridictionnel de l’arbitrage, beaucoup de sentences arbitrales ont l’apparence d’un jugement ; mais, cette apparence est trompeuse, car la sentence arbitrale est rendue des juges privés. La distinction est essentielle ; elle intéresse la question de l’exécution forcée, dotée de la juridiction par l’effet de la convention d’arbitrage, les arbitres peuvent dire le droit entre les parties et leur décision aura de l’autorité de la chose jugée. Mais les arbitres ne peuvent pas conférer à la sentence la qualité qui permettrait son exécution forcée. Il faudra pour cela recourir à la justice étatique par le moyen de la procédure ‘’d’exequatur ‘’ La sentence arbitrale est toujours susceptible de faire l’objet d’un système de voies de recours fortement aménagé. Comme les décisions judiciaires, les sentences arbitrales peuvent être de plusieurs types. On distingue ainsi les sentences définitives des sentences avantdire-droit qui se subdivisent elles-mêmes en sentences préparatoires, destinées à 3
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ordonner une mesure d’instruction, et en sentences provisoires, par lesquelles sont ordonnées des mesures qui tranchent un point préliminaire. La sentence arbitrale est dominée par des formalités essentielles à respecter, il est important de s’interroger sur ce que doit être sa forme et son contenu ; le fait pour les arbitres de rendre la sentence, produit les mêmes effets qu’un jugement. Pour devenir exécutoire, cette sentence doit être revêtue de l’exequatur accordé par le président du tribunal de première instance dans le ressort duquel elle a été prononcée.
Plan : Chapitre I : régime juridique de la sentence arbitrale Section 1 : les conditions de validité de la sentence arbitrale Section 2 : les effets de la sentence arbitrale Chapitre II : les voies de recours Section 1 : les voies de recours ordinaires Section 2 : Les voies de recours extraordinaires
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Chapitre I : régime juridique de la sentence arbitrale La sentence se définit comme la décision par laquelle les arbitres tranchent les questions conflictuelles qui leur ont été soumises par les parties conformément aux pouvoirs que leur confère la convention. Malgré son caractère juridictionnel, la sentence conserve un caractère contractuel sous certains aspects car elle procède d’un contrat entre ceux qui ont convenu de l’arbitrage. De ce fait, l’instance arbitrale s’achève par la sentence, qui doit être rendue en respect des dispositions juridiques.
Section 1 : les conditions de validité de la sentence arbitrale Rédigée sous la forme d'un jugement, la sentence est soumise à des conditions de validité sans lesquelles elle ne produit aucun effet Conditions de fonds : La sentence arbitrale est rendue, après délibération du tribunal arbitral, à la majorité des voix. Tous les arbitres doivent se prononcer en faveur ou contre le projet de sentence 1. Une sentence arbitrale doit toujours être rendue d’une façon impartiale, et la délibération est de ce point de vue un processus essentiel afin d’arriver à une décision de fond, juste et mesurée. Cette règle est d’ordre public car elle vise à protéger les droits des plaideurs. Les arbitres sont donc astreints à une véritable obligation de résultat. Selon la Cour d’appel de Paris, « une garantie morale ou psychologique que leur point de vue sera entendu, même s’il n’est pas adopté… ; l’obligation d’instruire et de juger ensemble est reconnue de manière unanime, la force du principe de collégialité reposant à la fois sur la volonté des parties et sur la nécessité d’un tribunal arbitral impartial et indépendant »2 . Le délibéré permet aux arbitres d’échanger des idées, de faire connaissance mais aussi de détecter le défaut d’impartialité s’il existe. Il s'agit d'une œuvre commune des arbitres à laquelle tous doivent participer, sinon la majorité d'entre eux. Une fois que les arbitres ont valablement délibéré et qu’ils sont d’accord sur la solution à apporter, ils signent tous la sentence Ainsi, les délibérations des arbitres sont secrètes.3 En principe, comme pour les juges, les délibérations des arbitres sont secrètes et ont lieu à huis clos de sorte qu'elles ne peuvent être dévoilées ni à des tiers ni aux parties à la connaissance 1
Article 327-22 de la loi 08-05. https://www.lepetitjuriste.fr/le-delibere-arbitral/ 3 Article 327-22 de la loi 08-05 2
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desquelles ne sera portée que la seule sentence arbitrale. Une atténuation au secret du délibéré des arbitres consiste en ce que les arbitres de la minorité ont droit d'exprimer et éventuellement de motiver leur opinion dissidente à l'encontre de la décision arbitrale, la pratique des opinions dissidentes s'est maintenue à l'époque contemporaine. La pratique des opinions dissidentes s'est maintenue à l'époque contemporaine. A ce sujet, un débat a été ouvert et certains auteurs ont soutenu que l'opinion dissidente trahirait le secret du délibéré. Pour d'autres, l'expression de l'opinion dissidente ne violerait point le secret du délibéré. Ils trouvent cet argument peu probant dans la mesure où cette violation n'est pas cause d'annulation de la sentence, ensuite parce qu'elle n'exprime qu'une opinion discordante sans révéler celle des autres arbitres. Il faut noter que le droit moderne de l'arbitrage ne tend pas à aborder expressément la question. De nombreux pays, tels par exemple la France, l'Allemagne et l'Autriche, considèrent que la nécessité de garder le secret sur les délibérations des juges ou des arbitres est d'une importance fondamentale. Mais il semble que dans ces mêmes pays, la violation de ce principe n'est pas susceptible d'entrainer la violation de la sentence, ni exposer l'arbitre dissident à des sanctions pénales ou à des poursuites civiles.4 Conditions de forme : La sentence, qui doit faire l’objet d’un écrit, est soumise à des conditions précises prévues par les articles 327-23 à 327-25 du CPC, Elle doit viser la convention d'arbitrage et contenir l'exposé succinct des faits, des prétentions des parties et leurs moyens respectifs, les pièces, l'indication des questions litigieuses résolues par la sentence ainsi qu'un dispositif statuant sur ces questions.5 La sentence arbitrale doit être motivée, L’obligation de motivation des décisions suppose, en principe, un exposé succinct des motifs. De même, ce sont les moyens de fait et de droit sur lesquels se base une décision qui vont être examinés en toute équité et justesse. Une bonne motivation est un gage de la rationalité et de l’équité de la décision rendue6. La motivation permet aussi de comprendre la décision objet du conflit et constitue une véritable piste pour les parties qui leur facilite l’exercice d’un éventuel recours. Motiver, c’est éviter l’arbitraire.
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https://www.memoireonline.com/07/12/6022/m_Portee-d-une-sentence-arbitrale-en-Droit-international23.html#:~:text=R%C3%A9dig%C3%A9e%20sous%20la%20forme%20d,de%20fond%20et%20de%20forme. 5 Article 327-23 de la 08-05 6 6 Jawad AMAHMOU, Procédure civile, Imprimerie Sijelmassa, première édition, 2009, Meknès, p 30
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L’obligation de motivation est prescrite par la Constitution de 2011 dans son article 125 qui dispose : « Tout jugement est motivé », puis confirmée par l’article 50 du CPC marocain qui exige que les jugements doivent toujours être motivés. La formule utilisée par les deux articles précités renvoi à un devoir à la charge du juge. Sans doute, la motivation des décisions est un élément indispensable du procès équitable. Ce dernier a aussi une valeur constitutionnelle. L’article 120 de la Constitution de 2011 dispose : « Toute personne à droit à un procès équitable ». De même, l’article 10 de la déclaration universelle des droits de l’homme édicte : « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » La Cour de cassation dans un arrêt fondateur confirme l’importance de la motivation : « Les jugements doivent être datés, doivent mentionner les noms des juges, les conclusions des parties, le sommaire de leurs moyens et pièces produites par elles. Ils doivent être suffisamment motivés et préciser s’ils ont été rendus contradictoirement ou par défaut »7. Plus tard, la Cour de cassation n’a pas hésité d’annuler un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rabat pour défaut de motifs8. Cette décision confirme la sensibilité du sujet. La sentence arbitrale doit en plus comporter un certain nombre de mentions obligatoires selon l’article 327-24 : 1 - du nom, nationalité, qualité et adresse des arbitres qui l'ont rendue ; 2 - de sa date ; 3 - du lieu où elle est rendue ; 4 - des noms, prénoms ou dénomination sociale des parties, ainsi que de leur domicile ou siège social. Le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties. Ainsi, La sentence arbitrale doit fixer les honoraires des arbitres, les dépenses d'arbitrage et les modalités de leur répartition entre les parties. Ou cas où, les parties et les arbitres ne se mettent pas d'accord sur la fixation des honoraires des arbitres, lesdits honoraires sont fixés par décision indépendante du tribunal arbitral. 7
6 Chambre civile de Cour de cassation, 19/11/1958, n° de décision : 26, Gazette des Tribunaux du Maroc, n°1, p 8. Cité dans (http://www.jurisprudence.ma/) 8 Chambre pénale Cour de cassation, 06/02/1990, n° de décision : 1092, Gazette des Tribunaux du Maroc, n°63, p 97) : « Tout jugement ou arrêt rendus, doivent obligatoirement être motivés tant sur les faits qu’en droit, à défaut la décision serait nulle. » Cité dans (http://www.jurisprudence.ma/)
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Par la suite, La sentence arbitrale est signée par chacun des arbitres. Et en cas de pluralité d'arbitres, si la minorité refuse de signer, les autres arbitres en font mention avec indication des motifs du refus de signature et la sentence a le même effet que si elle avait été signée par chacun des arbitres.
Section2 : les effets de la sentence arbitrale Etant un acte juridictionnel, la sentence arbitrale a les mêmes effets qu’une décision judiciaire, sauf en ce qui concerne son exécution qui est soumise à des règles particulières. Dès son prononcée, cette sentence jouit de l’autorité de la chose jugée et la force probante attachée aux actes authentiques ; le fait pour les arbitres de rendre la sentence entraine leur dessaisissement. Force probante et autorité de chose jugée La sentence arbitrale a la force probante d’un acte authentique puisque les énonciations qu’elle contient font preuve jusqu’à inscription de faux. Elle est en cela assimilée à un jugement rendu par une juridiction d’Etat. Mais le caractère authentique ne trouve sa source que dans la volonté des parties à la convention d’arbitrage de sorte qu’il ne concerne qu’elles. Quant à l’autorité de la sentence, le législateur a pris une position contraire à celle de la juridiction qui considérait que la sentence arbitrale ne jouissait de l’autorité de la chose jugée qu’après avoir été revêtue de l’exequatur par la juridiction de l’Etat. La nouvelle loi dispose en effet que la sentence acquiert l’autorité de la chose jugée dès qu’elle est rendue. Toutefois, les sentences avant-dire-droit ou ordonnant une mesure provisoire n’ont pas l’autorité de la chose jugée. Les effets de cette autorité de chose jugée pour les sentences arbitrales sont les mêmes que ceux qu’elle produit en droit commun. Ce qui a été jugé par les arbitres, sous réserve du triple identité, ne peut plus être rejugé par d’autres arbitres ou par une juridiction d’Etat. La décision n’a d’autorité qu’à l’endroit des parties à l’instance arbitrale. De ce fait, la sentence n’est pas opposable aux véritables tiers ni ayants cause dont le droit est né avant le prononcé de la sentence. L’autorité de la chose jugée est relative ; Elle ne s’applique que s’il y a identité d’objet, de fondement juridique et de parties. De ce point de vue, la sentence est assimilée à un jugement rendu par une juridiction d’Etat. Comme lui, elle met fin au litige. Mais, à a différence de celui-ci, elle n’a pas la force 8
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exécutoire, c’est-à-dire, que si le perdant ne s’exécute pas spontanément, le recours à la force publique, notamment pour opérer des saisies, ne sera possible qu’après un exequatur ou une reconnaissance de la sentence. Dessaisissement des arbitres L’article 327 du CPC, dispose que : « la sentence dessaisit le tribunal arbitral de la contestation qu’elle tranche.
Après le prononcé de la sentence, si celle-ci présente un caractère définitif et non seulement préparatoire, l’arbitre a complétement accompli sa mission. Il en résulte qu’il perd les pouvoirs qui lui avaient été conférés dans ce but. Il est dessaisit du litige, ce qui lui interdirait, même avec l’accord des parties, de revenir sur sa décision pour le rectifier. Au contraire, les sentences et notamment les ordonnances de la procédure ne produisent pas cet effet car elles préparent la sentence définitive. Toutefois, le principe du dessaisissement supporte 3 exceptions : Tout d’abord, les arbitres peuvent interpréter leur sentence, à la demande de l’une des parties, autrement, d’expliciter un élément du dispositif qui manquerait de clarté, ce qui peut se produire lorsque le style juridique n’est pas maitrisé. En second lieu, les arbitres ont la possibilité de rectifier les erreurs matérielles qui ont pu se glisser dans la sentence, notamment les erreurs de calcul. Mais ces rectifications ne doivent pas modifier le fond de la décision. Enfin, le tribunal arbitral peut combler une omission de statuer sur un chef de demande. La requête à cette fin doit être notifiée à l’autre partie qui disposera d’un délai de 15jours pour présenter, le cas échéant, ses conclusions. Pour autant la réparation de l’omission doit respecter deux conditions : ne pas porter atteinte à la chose jugée pour les autres parties de la sentence et intervenir dans délai d’un an au plus tard après que la décision soit passée en force de chose jugée.
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Chapitre II : Les vois de recours La question des voies de recours contre les sentences arbitrales était, avant la loi n°08-05, l'une des plus touffues de la matière. La plus grande nouveauté du nouveau texte sur l'arbitrage réside, selon plusieurs spécialistes, dans la force exécutoire de la sentence arbitrale. Toutefois, la décision de la justice privée reste susceptible d'être attaquée à la fois par des voies de recours ordinaire, t des voies de recours considérées comme extraordinaires.
Section1 : les voies de recours ordinaires : Le Code de Procédure Civile organise également les voies de recours pour la partie adverse. La sentence arbitrale n’est susceptible d’aucun recours, c’est-àdire que les Juges marocains ne peuvent pas en réviser le contenu, mais l’ordonnance d’exequatur elle-même peut être attaquée par voie d’appel si la demande est refusée et dans certains cas si celle-ci est accordée. Par ailleurs et en parallèle ou de manière autonome, la sentence arbitrale étrangère peut donner lieu à une action en annulation devant la Cour d’Appel notamment au cas où « la reconnaissance ou l’exécution de la sentence sont contraires à l’ordre public international ou national ». En pratique, nous constatons que les parties au litige usent et abusent le plus souvent de ces voies de recours afin de retarder le plus longtemps possible, voire empêcher la mise en exécution des termes de la sentence et tenter, de faire dévier le procès en leur faveur par l’annulation notamment de cette sentence. D’autant plus que le recours en annulation permet au Juge marocain d’exercer un contrôle judiciaire important et a permis jusqu’à une date récente aux Tribunaux de parfois outrepasser leurs prérogatives en vérifiant notamment les attendus et motivations de la sentence arbitrale internationale. Un important Arrêt de la Cour de Cassation Marocaine datant de juin 2014, rendu dans un cas d’exequatur d’un jugement étranger (mais qui aura un impact sur les sentences arbitrales internationales par extension), est venu limiter de manière claire et précise la compétence du Juge marocain afin de simplifier et raccourcir cette procédure.
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Le Juge marocain est désormais limité selon cet Arrêt dans ses prérogatives et ne doit prendre en considération que les trois conditions cumulatives évoquées par le Code de Procédure Civile : ● Que le Juge étranger soit compétent (on peut étendre à l’arbitre) ● Que la loi appliquée au litige soit la loi adéquate ● Que cette loi ne porte pas atteinte à l’ordre public S’agissant de sentences arbitrales, on peut considérer que cette limitation sera également de mise et que le Juge de l’exequatur devra se contenter de vérifier que la sentence n’est pas entachée d’un vice trop grave, en vérifiera la régularité formelle, la validité de la convention d’arbitrage et la conformité de la sentence à l’ordre public. La procédure du recours : Le régime procédural du recours en annulation est considéré un élément essentiel pour demander l’annulation d’une sentence arbitrale, car la sentence arbitrale exige un respect rigoureux de la procédure pour qu’elle soit annulée. La poursuite de cette procédure exige également un délai légal et devant une juridiction compétente en matière de l’annulation. La compétence d’exercer le recours : La compétence avec ses différents types se considère comme une question juridique complexe, elle pose plusieurs problèmes en matière de procédure devant les juridictions. En effet, La compétence de statuer sur le recours en annulation de la sentence arbitrale connait deux aspects, l’un qui est lui spécifique et l’autre général dans lequel le recours aux règles générales de la compétence sera exigé. La compétence territoriale Concernant la compétence territoriale, l’analyse de l’esprit de la loi devrait conduire à l’attribuer à la cour d’appel dans le ressort de laquelle se situe la juridiction du premier degré qui aurait connu de l’affaire s’il n’y avait pas eu de convention d’arbitrage. Il conviendrait par conséquent de lui appliquer, en matière de compétence rationne loi, la solution prescrite par le législateur concernant les deux autres voies de recours pouvant être exercées à l’encontre de la sentence arbitrale, à savoir la rétractation et la tierce opposition. 11
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Toutefois, le législateur n’a pas jugé opportun de suivre le raisonnement précité, et a préféré conférer la compétence territoriale, de manière expresse, à la cour d’appel dans le ressort de laquelle la sentence arbitrale a été rendue. Précisons par ailleurs que la même règle a été retenue en matière d’arbitrage international, un auteur en a déduit, à bon droit, que « le législateur marocain n’a permis d’exercer le recours en annulation qu’à l’encontre des sentences arbitrales internationales rendues au Maroc. Si elles ont été rendues à l’étranger, elles ne sont donc pas susceptibles de recours en annulation au Maroc ». A la vérité, la loi 08-05, qui a inséré cet article au sein du CPC, s’est contenté de formaliser la construction jurisprudentielle antérieure à son adoption. La revue des décisions qui s’étaient prononcées à ce sujet sous l’empire de l’ancienne réglementation relative à l’arbitrage révèle en effet que la jurisprudence marocaine était orientée en ce sens, même si elle se fondait sur une assise textuelle différente, en l’occurrence la convention de New York. L’on peut ainsi lire sous la plume des magistrats de la cour d’appel de commerce de Casablanca : « la compétence pour connaitre de la demande d’annulation d’une sentence arbitrale internationale appartient à l’Etat dans le ressort duquel ladite sentence a été rendue, et ceci conformément à la convention de New Yourk qui prévaut sur la législation nationale, ce qui rend inapplicables les dispositions des articles 306 et suivant du CPC ». A cet égard, la cour de cassation Marocaine a précisé que les règles de la compétence territoriale sont soumises à la volonté des parties. Autrement dit : les parties ont le droit de se mettre d’accord sur le lieu où la sentence sera rendue. Mais il se peut qu’une sentence arbitrale s’observe par l’inexistence de cette condition ni aucune mention prouvant le lieu où elle a été rendue, dans un tel cas une autre jurisprudence affirme que le lieu est celui où l’ordonnance de l’exéquatur a été rendu. La Compétence d’attribution A s’en tenir à la lettre des articles précités, le recours en annulation exercé contre la sentence arbitrale interne devrait être porté devant la première juridiction. D’aucuns pourraient en revanche soutenir qu’il convient d’attribuer compétence aux cours d’appel de commerce, en prenant notamment appui sur l’article 312 qui prescrit qu’il faut entendre par « le président de la juridiction », le président du tribunal de commerce. Nous sommes d’avis qu’il faudrait plutôt privilégier la position médiane, en ayant égard à la nature du différend tranché par le tribunal arbitral, et identifier
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ainsi la juridiction qui aurait été compétente, s’il n’y avait pas eu de convention d’arbitrage. La nature du litige commandera, dès lors, en ce qui a trait au recours en annulation, de saisir la cour d’appel – prise dans son acception générale, à savoir la juridiction du second degré compétente pour statuer sur les appels formés à l’encontre des jugements des tribunaux civils ou sociaux – ou la cour d’appel de commerce, voire la cour d’appel administrative, au regard des dispositions légales régissant la compétence en raison de la matière et des applications jurisprudentielles y relatives. A ce niveau la jurisprudence précise également que selon la nature de l’affaire, cela veut dire que la cour d’appel de commerce est compétente si la nature de l’affaire est commerciale, de même que la cour d’appel administrative si la nature du litige est administrative [. Il faut préciser par ailleurs que cette compétence est d’ordre public, la juridiction soulève sa violation d’office surtout en matière administrative. La situation est différente en matière d’arbitrage international. La combinaison des articles 327-46, 327-49, 273-50, 327-51, 327-52] de la loi 08-05 commande d’attribuer compétence à la cour d’appel de commerce, et ceci en adoptant un raisonnement par analogie. Observons tout d’abord que l’article 327-46 accorde au président de la juridiction commerciale compétente le pouvoir de revêtir la sentence arbitrale internationale de l’exequatur. L’appel de cette ordonnance ne saurait de ce fait être soumis qu’à la cour d’appel de commerce, quand bien même l’article 32750 ne fait état que de la cour d’appel de manière générale. Force est de connaitre qu’en l’absence d’une disposition expresse conférant la compétence – pour connaitre des recours en annulation exercés à l’encontre des sentences arbitrales internationales – aux cours d’appel de commerce, il n’est guère exclu que les juridictions marocaines s’en tiennent à la lettre de l’article 327-52 de la loi 08-05, ou qu’elles se réfèrent à la nature du litige pour déterminer la juridiction d’appel compétente pour statuer sur le recours précité. Soulignons enfin que dans un souci de célérité, l’article 327-36 de la loi 0805dispose : « la cour d’appel statue selon la procédure d’urgence ». Contrairement à l’impression qui se dégage de cet article, lequel édicte de manière péremptoire un devoir mis à la charge des conseillers de la cour d’appel, l’aspect contraignant de cette règle n’est en vérité qu’un leurre. La pratique judiciaire démontre en effet que des « obligations »similaires, imposées aux magistrats dans d’autres contextes, ne sont que rarement 13
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respectées lorsque nulle sanction n’y est attachée. L’encombrement des tribunaux prend alors le pas, et l’instance qui devait se dérouler avec célérité dégénère en une procédure ordinaire, et devient aussi fastidieuse que cette dernière. A ce niveau la cour d’appel de commerce de Marrakech dans un arrêt rendu le 5/2/2015 affirme que la cour d’appel qui reste uniquement l’organe compétent pour trancher la question de l’annulation de la sentence arbitrale et même elle peut déterminer la loi applicable au litige. Le délai du recours en annulation : L’article 327-36 de la loi 08-05 prévoit dans son paragraphe 2 que « le recours en annulation est recevable dès le prononcé de la sentence ; il cesse de l’être s’il n’a pas été exercé dans les quinze jours de la notification de la sentence revêtue de l’exequatur ». Et les mêmes dispositions prévues par l’article 327-52 concernant la sentence arbitrale internationale. D’après ces deux textes, le délai du recours en annulation d’une sentence arbitrale nationale ou internationale est unique. Mais pour mettre en exergue ce délai, il convient d’étudier la date à laquelle il commence à courir et sa nature juridique. Les effets du recours en annulation de la sentence arbitrale Il est incontestable que les sentences arbitrales acquièrent la force de la chose jugée dès qu’elles soient prononcées, sauf dans le cas d’une sentence arbitrale dont l’une de ses parties est une personne de droit public qui doit être revêtue de l’exequatur pour acquérir cette force. Mais dès que le recours en annulation est exercé, l’exécution de la sentence sera suspendue. Cette suspension peut être se fait soit de plein droit, comme elle peut être également avoir lieu sur la demande de la partie qui en a l’intérêt.
Section 2 : les voies de recours extraordinaires Ces voies de recours, qui sont au nombre de trois, ont des caractéristiques communes. Elles ne sont ouvertes que dans les cas prévus par la loi, elles n’ont pas d’effet suspensif et constituent des garanties particulières, tant pour les parties que pour les tiers. Nous examinerons successivement le recours en révision (A), la tierce opposition (B) et le recours en cassation. A. Le recours en révision Il est envisagé par l’art. 1491 qui en prévoient l’ouverture dans les mêmes cas et les mêmes conditions que pour un jugement. Connaît de ce recours la cour
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d’appel qui aurait été compétente pour connaître des autres recours contre la sentence. B. La tierce opposition Cette voie de recours ne peut être exercée que par une personne qui éprouve un préjudice ou la menace d’un préjudice et qui n’a été ni partie, ni représentée à l’arbitrage. Le recours en tierce opposition est porté devant la juridiction qui aurait été compétente si les parties n’avaient pas eu recours à l’arbitrage. C. Le pourvoi en cassation L’art. 1481 al. 1 N.C.P.C. prévoit que le pourvoi en cassation, de même d’ailleurs que L’opposition, ne peut pas être exercée contre une sentence arbitrale. Toutefois, il est possible de se pourvoir en cassation contre les arrêts rendus par la cour d’appel suite aux recours en appel ou en nullité. Il existe deux voies de recours contre les sentences arbitrales. -La première est le recours en révision devant la Cour d’appel. Dans ce cas-là, la sentence sera considérée comme un jugement prononcé par un tribunal. -La seconde est la tierce opposition, plus rare et qui ne peut être exercée que par une personne qui éprouve un préjudice ou la menace d’un préjudice, mais qui n’a été ni partie, ni représentée à l’arbitrage. Les praticiens, en ce qui concerne la possibilité donnée aux parties à l’arbitrage d’exercer des recours contre la décision ordonnant l’exequatur, critiquent cette possibilité qui va à l’encontre de la finalité de l’arbitrage, et proposent de supprimer tout recours contre l’ordonnance d’exequatur comme l’a d’ailleurs fait le législateur français», indique le Centre marocain d’arbitrage.
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Bibliographie : Dahir n° 1-07-169 du 19 kaada 1428 (30 novembre 2007) portant promulgation de la loi n° 08-05 abrogeant et remplaçant le chapitre VIII du titre V du code de procédure civile
Dahir n° 1-11-91 du 27 chaabane 1432 (29 juillet 2011) portant promulgation du texte de la constitution La déclaration universelle des droits de l’homme
Jawad AMAHMOU, Procédure civile, Imprimerie Sijelmassa, première édition, 2009, Meknès https://fdv-srv.univlyon3.fr/moodle/file.php/1/FPV2/Droit_des_affaires/kr_arbitrage_sentenc e_arbitrale.pdf
https://www.memoireonline.com/11/17/10190/m_L-arbitrageen-droit-marocain-et-ses-evolutions40.html https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02547079/document https://www.lepetitjuriste.fr/le-delibere-arbitral/
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