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Isabelle Handy
Histoire de la musique
CHAPITRE 1 LE MOYEN AGE Plan du chapitre I. Instruments du Moyen Age et de la Renaissance A. Les instruments à vent B. Les instruments à cordes 1. Les cordes frottées 2. Les cordes frappées 3. Les cordes pincées C. Les instruments à clavier 1. Les claviers à cordes pincées 2. Les claviers à cordes frappées 3. Les claviers dotés de tuyaux D. Les percussions II. Qu’est-ce que le Moyen Age ? III. Le rôle de Charlemagne dans la musique A. Le chant grégorien 1. Caractéristiques musicales du chant grégorien 2. Les chants de la messe B. La messe des morts C. Comment est née l'écriture de la musique ? IV. Les chantres de l'amour A. Les troubadours B. Les trouvères C. Et la danse ? V. Les premières pièces de musique polyphonique VI. Les Carmina Burana VII. Musique et métier VIII. Lexique du chapitre IX. Ce qu'il faut retenir X. Quizz et QCM pour s'entraîner XI. Bibliographie, discographie, sites internet, films, vidéos
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I.
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Quelques instruments du Moyen Age et de la Renaissance
A. Les instruments à vent
Chalumeau : instrument à anche simple et perce conique, ancêtre de la clarinette sans clé du XVIe siècle. À l'origine, celui-ci est taillé dans un roseau (latin calamus). Chalémie (de Calamus = roseau en latin) : instrument à anche double dont le timbre est moins perçant que le Chalumeau. Appartient à la famille des bombardes et des "haut-bois" (plus aigus que les gros-bois tels les bassons). Ancêtre du hautbois. Bombarde (latin bombus = bruit sourd). Instrument à anche double de la famille des hautbois, plus grave que la chalémie (à l'origine, la bombarde est une basse ou un ténor de la chalémie). A la Renaissance, on compte jusqu'à 7 tailles de bombardes. Son timbre l'oppose à la douçaine. Cromorne dit tournebout (vieil allemand krumm = recourbé et horn = cor, corne : corne recourbée). Cet instrument en bois et à anche double (contenue dans une capsule) possède une sonorité douce. De forme courbe (qui est décorative), il apparaît à la fin du XVe siècle (5 instruments à la Renaissance : cromorne soprano, alto, ténor, basse, contrebasse).
Chalémie Cromorne
Bombarde Chalumeau
Douçaine (dolcesouno en italien = doux son) : son plus doux que la chalémie. Ancêtre du basson, cet instrument à anche double est un instrument "basse" de la famille bombarde. Cornemuse : probablement en usage depuis l'Antiquité. Un petit tuyau (dénommé chalumeau) permet de jouer la mélodie. Un autre, le plus long et sans trous de jeu, est désigné par le nom de bourdon. Il est tenu par-dessus l'épaule du sonneur (dès le XIVe siècle). Buisine (ou busine ; buccine chez les Romains). De ce terme est dérivé l'allemand posaune (= trombone). La buisine est une longue trompette naturelle droite en laiton et cuivre (parfois argent) recourbée. Comme l'iconographie l'atteste, le busine sonne par paire. Il est l'attribut des musiciens officiels du Moyen Age tels les "hérauts" aussi appelés "trompettes" à partir du XIIIe siècle. Lors des tournois, ils portent les couleurs de leur seigneur ou prince et l'instrument se pare d'une bannière. La buisine est pourvue d'une coulisse à la fin du Moyen Age : c'est la "saqueboute" (saquer = tirer ; bouter = pousser), ancêtre du trombone à coulisse.
Douçaine
Buisine
Saqueboute : utilisée en France jusqu'au XVIIIe siècle, elle apparaît au XVe siècle. Il en existe 3 tailles (alto, ténor, basse). Saqueboute
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Claron ou clarion : trompette plus courte à la sonorité claire et aiguë. Cornet à bouquin : successeur du cornet "muet". L'étymologie de bouquin est incertaine (bouquetin ? cornet à bouche ?). Il est appelé tout simplement "cornet" à la Renaissance. De forme courbe, il est muni d'une embouchure comme une trompette (le serpent en est une déclinaison plus grave en forme de S). Flûtes : elles sont traversières ou droites. Cornet à bouquin
Frestel (latin fistella = petit tuyau) : sorte de flûte de Pan (tubes en roseau assemblés). Jusqu'au XVIIIe siècle, il est connu pour détourner l'attention des malades soumis à l'opération chirurgicale de la taille (extraction des calculs urinaires). Fifre : petite flûte traversière aiguë en bois au son strident. Originaire de suisse allemande (pfif = tuyau/tube, latin pipare = pépier). Flajol (latin fabrum = souffle, vent) ou flageolet, terme apparu vers 1165. Sorte de flûte à bec populaire jouée d'une main car le musicien s'accompagne de l'autre d'un tambour. Flûte à bec : initialement taillée dans le roseau (environ 6 trous), elle évolue vers une facture plus élaborée (bois). Dès le XVe siècle sont répertoriées différentes sortes de flûtes (en 1511 un étui permet de ranger 4 à 6 flûtes). Au début du XVIIe siècle, 9 modèles différents sont en usage. La plus grave peut mesurer 2,50m. Flûte traversière (traverseinne, traversaine) : très ancienne, elle est utilisée en Allemagne aux XIe et XIIe siècles, se répand en France au XVe siècle. A la Renaissance, la flûte "d'allemand" est très appréciée.
Flûtes à bec
B. Les instruments à cordes 1. Les cordes frottées Vièle : petit instrument ovoïde originaire d'Orient comportant 3 ou 5 cordes au XIIIe siècle. Elle est détrônée au XVe siècle par la "lira", la viole, puis au XVIe siècle par le violon dont elle est une sorte d'ancêtre. Rebec (arabe rebab) : instrument en forme de demie poire d'origine arabo-andalouse et plus petit que la vièle (3 cordes). Gigue à 3 cordes : possède une caisse en forme de "8" et se joue assis da gamba (entre les genoux). Elle est utilisée dans un contexte liturgique ou paraliturgique pour soutenir les chants religieux mais disparaît au profit de l'orgue au XIIIe siècle.
Vièle
Rebec
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Viole : Instrument fondateur d'une famille comportant plusieurs tailles (da braccio, da gamba). Le premier exemple daterait de la fin du XVe siècle (Espagne). Les violes comportent entre 5 et 7 cordes (généralement 6 pour la viole de gambe). Le manche est muni de frettes (7 à 8) à la différence des violons. La plus petite taille est le "dessus de viole" (avant que n'apparaisse le "par-dessus de viole" à l'époque baroque). Chifonie (chifoine, cyfoine, sinfonie) : nom médiéval de la vielle à roue. Les cordes sont mises en vibration par une roue (actionnée par une manivelle). Un clavier (une dizaine de touches) permet d'actionner avec la main gauche des tangentes modifiant la longueur des cordes et donc la mélodie. Utile à la danse, elle est aussi l'attribut des interprètes ambulants, des gueux, des infirmes ou mendiants que l'on appelle parfois les "chifoniens" ou des aveugles. Son ancêtre est l'organistrum, premier instrument à cordes organisé (équipé d'une mécanique).
Chifonie
Crwth (crouth en Bretagne) : instrument à cordes frottées d'origine galloise ou irlandaise. 2. Les cordes frappées Crwth
Tympanon : originaire de Perse, cet instrument de forme trapézoïdale appartient à la famille des cithares (comme le Dulcimer médiéval, autre type de cithare à cordes frappées). Apparaissant en Europe dès le Xe siècle, il comporte de 10 à 20 "chœurs" (groupe de cordes permettant d'amplifier la sonorité de l'instrument) de cordes métalliques regroupées par 2, 3 ou 4 frappées au moyen de fines et légères baguettes en bois (appelées mailloches dès 1409). 3. Les cordes pincées
Tympanon
Harpe (harpa = griffe ; ancien français harper = saisir). Le nombre de ses cordes varie de 6 à 25 (généralement entre 21 et 28). Après sa vague d'épanouissement au XIIe siècle, elle connaît son âge d'or au XVe siècle. Rote : sorte de harpe-psaltérion en usage depuis le IXe siècle. Lira : sorte de lyre munie de 5 à 8 cordes apparue à la fin du XIVe siècle (imite la lyre de l'Antiquité). Elle accompagne le chant et au XVIe siècle, elle est dite da braccio. Elle est alors munie de 2 cordes de "bourdon" et de cordes mélodiques sur le manche.situées en dehors du manche (cordes graves ; comme l'insecte dont il porte le nom, il s'agit d'un son grave tenu comme sur la vielle à roue). Psaltérion (grec psallein = pincer une corde) : instrument appartenant à la famille des cithares sur table (caisse triangulaire, carrée, rectangulaire, en forme de T ou trapézoïdale) dont les cordes métal, or, argent ou bronze) sont pincées généralement au moyen d'un plectre (du grec pliktron
Lira da braccio
Psaltérion
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frappant un coup ; petite pièce en bois, écaille, métal, os, lamelle, pointe d'une plume, d'un style actionnée par le pouce et l'index ; équivalent du médiator actuel). La forme en "groin de porc" se généralise à partir du XIVe siècle. Citole : s'apparente à la guiterne et annonce le cistre de la Renaissance. Elle possède 4 cordes métalliques et une facture originale : son manche étroit, frettée, est ajouré (la main se cale dans cette ouverture). Cistre : cet instrument à fond plat et piriforme possède un manche assez allongé (XVIe-XVIIe siècles), 4 chœurs (6 parfois) de cordes métalliques généralement en laiton. Il est très à la mode au XVIe siècle.
Cistre
Luth (ud = bois, bâton) : introduit en Europe vers le Xe siècle après avoir transité en Perse, Egypte, Afrique romaine. En Occident, il se reconnaît par sa forme piriforme (demie poire), son fond bombé, son manche large, court, fretté, son chevillier renversé en angle presque droit. Sa table d'harmonie est ornée d'une rosace sculptée. Vers 1450, il comporte 5 chœurs (6 à la Renaissance) et possède une corde appelée "chanterelle" : c'est la corde la plus aiguë, la plus fine, souvent seule alors que les autres, dans le cas des cordophones à manches (luth, guiterne), sont montées en "chœur". Dès la fin du XVe siècle, la notation en tablature se généralise. Le luth annonce les grands instruments de la fin de la Renaissance à 13 ou 14 chœurs : archiluths, théorbes, chitarrones.
Luths
Mandore (dériverait du grec pandoura désignant un genre de petit luth à 3 cordes) : ancêtre de la mandoline, elle appartient à la famille des luths, comporte des frettes, 4 ou 5 cordes simples ou en chœur. Guiterne (ghiterne, guyterre, kitaire) : elle se développe au XIIIe siècle, possède de 3 à 5 cordes, un manche fretté, une caisse à fond plat, une table cintrée en C ou découpée en feuille de houx. A la Renaissance, le terme désigne ensuite la guitare à 4 chœurs (la guitare baroque possède 4 ou 5 chœurs et une corde simple pour la chanterelle).
Mandore
Morache ou guitare mauresque : instrument à manche long de type guitare sans frettes, joué au plectre, possédant 3 ou 5 cordes métalliques. Guiterne
Vihuela : un peu plus grande que la guitare, elle possède 6 ou 7 chœurs et un manche fretté. Elle aurait été inventée par les Espagnols.
Vihuela
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C. Les instruments à clavier 1. Les claviers à cordes pincées Ils appartiennent à la famille des cithares. Épinette : apparue au XVe siècle, elle est l'ancêtre du clavecin. Il existe à la Renaissance des épinettes pentagonales, des épinettes rectangulaires, des épinettes à côté courbe, des épinettes de forme trapézoïdale.
Epinette
Virginal : il est à la mode dès le XVe siècle, surtout en Angleterre et aux Pays-Bas. Son nom serait lié aux jeunes filles vierges qui en jouaient. Clavicymbalum : en usage dès le début du XVe siècle, son nom donne naissance à celui du clavecin (= clavicembalo ou cembalo en italien). 2. Les claviers à cordes frappées Clavicorde : apparu entre le XIVe et le XVe siècle en Italie (cordes en métal), il est le premier instrument dont les touches percutent les cordes par l'intermédiaire d'un marteau (ancêtre du piano). L'instrument est rectangulaire, petit, facilement transportable. La table porte une rose. Le chevalet est parallèle aux touches. Les cordes sont doubles (comme un chœur de luth ou de guitare) et perpendiculaires aux touches.
Clavicymbalum
Clavicorde
Manicordion : sorte de clavicorde à la sonorité très faible.
3. Les claviers dotés de tuyaux Orgue portatif : dès la fin du XIIe siècle, il se place dans le creux du bras, sur les genoux ou peut être porté en bandoulière. La main droite s'occupe du clavier, la gauche du soufflet. Il sert pour les processions ou pour un usage privé. A la fin du XVe siècle, il est détrôné par le positif. Orgue positif : il se nomme ainsi car il est destiné à être déplacé, à être "posé" sur une table ou un tréteau. De petite dimension, il nécessite l'intervention d'un souffleur activant le soufflet. Il peut être joué à l'église ou à la maison. Orgue régale : tout petit, il peut être par exemple placé dans la reliure d'un livre (on ouvre le livre et l'orgue sort…). Orgue hydraulique : il date de l'Antiquité. Introduit en Occident aux VIIIe et IXe siècles, il est encore rare à la tribune de l'église au XIVe siècle mais se développe au XVe siècle. Il est néanmoins admis à l'église depuis le Xe siècle.
Orgue positif, Orgue portatif, Régale
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D. Les percussions Elles rassemblent membranophones (type tambours), idiophones (type cloches). Parmi les plus originaux, citons : La cliquette ou claque-bois : sorte de xylophone rudimentaire, qui, comme la crécelle, est l'instrument des lépreux. Elle est aussi utilisée dans les "charivaris" (cérémonie où il s'agissait de faire le plus de vacarme possible au moyen de toutes sortes d'ustensiles : tambours, cliquettes, cornes, racleurs, pots de fer, casseroles…). Les cymbales : petites paires de disques métalliques telles les crotales. Carillons : ensemble de cloches accordées et de tailles croissantes, actionnées à la main ou de façon mécanique (au moyen d'automates comme on peut en voir dans les beffrois des villes du nord par exemple). Le tintinnabulum est une sorte de carillon. Nacaires : sorte de timbales ou 2 tambours frappés par deux baguettes et qui pouvaient se place autour de l'échine d'un cheval.
Carillon
Nacaires
II.
Qu'est-ce que le Moyen Age ?
Cette période de l'histoire s'échelonne du Ve siècle (années 400) au XVe siècle (années 1400) : elle dure ainsi environ 1000 ans (= 10 siècles) : - Le Ve siècle correspond à la chute de l'Empire romain d'Occident en 476 marquant la fin de l'Antiquité. Les barbares ont en effet envahi progressivement l'Empire et les pays européens commencent à se structurer. C'est le début du Moyen Age.
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La seconde partie du XVe siècle est l’époque des grandes découvertes, des progrès scientifiques ou artistiques : Gutenberg invente l'imprimerie ; Christophe Colomb découvre l’Amérique (en 1492), la facture instrumentale progresse... C’est la fin du Moyen Age.
Dans l'Antiquité, la langue officielle est le latin. Lorsque la religion chrétienne est reconnue officiellement dès 313 (Antiquité), les textes lus et chantés dans l'église sont en latin. Ceci explique pourquoi la musique d'église est composée - et parfois encore de nos jours - en latin. Progressivement, apparaissent des langues dites « vulgaires » c'est-à-dire locales (dès le IXe siècle). Celles-ci servent non seulement à parler quotidiennement mais également aux compositions musicales dites profanes (= non religieuses). Au XIIe siècle par exemple, les premières chansons profanes des troubadours sont ainsi écrites en langue d'Oc ou langue occitane (sud de la Loire) qui englobe, selon les régions, de nombreux dialectes (gascon, provençal, limousin, auvergnat, languedocien…). Ainsi, au Moyen Age, le peuple ne comprend-il pas toujours le latin. C'est pourquoi, dans les églises, les sculptures, les décorations, les vitraux sont conçus pour apprendre au peuple l'histoire de la religion (comme le ferait une bande dessinée). On comprend ainsi aisément pourquoi au Moyen Age le rôle de l'image est si important. Dans la religion chrétienne, la musique tient une place primordiale. Le chant, les sons, en s'élevant vers le ciel, permettent au chrétien de mieux atteindre Dieu. De la même façon, lorsque les architectes construisent les belles et hautes cathédrales gothiques (dès le XIIe siècle), ils sont imprégnés de cette idée : leurs édifices tendent à s’élever toujours plus haut vers Dieu. III.
Le rôle de Charlemagne dans la musique
Charlemagne est sacré empereur d'Occident en l'an 800 (il meurt en 814, au IXe siècle). Son père, Pépin le Bref, avait fondé la dynastie des Carolingiens (de Carolus = Charles). Cette dynastie s'éteint progressivement au cours du IXe siècle jusqu'à l'avènement du premier roi de France, Hugues Capet en 987. Le dernier descendant d'Hugues Capet sera Louis XVI (décapité au temps de la révolution française en 1789). Charlemagne a voulu convertir l'ensemble des chrétiens de son empire au christianisme. Sur un modèle déjà existant à Rome, il multiplie les écoles où la musique tient un rôle de premier plan. Ces écoles dépendent des églises, des monastères, des évêchés. Sur le plan musical, Charlemagne souhaite que tous les chrétiens chantent et lisent les mêmes pièces dans chaque église. Il entreprend ainsi de regrouper sous le nom de « chant grégorien » tous les chants religieux officiels. Ce nom de « grégorien » est inspiré du prénom du pape Grégoire Ier (pape en 590), un ancien préfet de Rome converti qui avait, le premier, entrepris une grande réforme de l'église. Le but de Charlemagne est politique. Il souhaite unifier l'Eglise, lutter contre les autres formes de religion, maintenir la paix. Mais avant tout, la religion lui permet de mieux dominer, de mieux contrôler son Empire et son peuple. A. Le chant grégorien Le chant grégorien désigne ainsi le chant en usage dans la chrétienté entre le VIe siècle (époque du pape Grégoire Ier) et le IXe siècle (époque de Charlemagne puis des derniers Carolingiens). L'officialisation de ce chant est très importante pour l’histoire de la musique. Elle a en effet permis aux moines et religieux de l'époque d'élaborer une première forme de notation musicale (dès le IXe siècle) et de donner naissance à l'écriture musicale (premières notes, première forme de portée). Bien sûr, l'écriture musicale ne concerne au départ que la seule musique religieuse. 1. Caractéristiques musicales du chant grégorien -
Le texte chanté est en latin. Il est interprété a cappella (= « comme à la chapelle » : cette expression tardive sous-entend qu'aucun instrument n'est autorisé par l'église de l'époque). Seuls les hommes peuvent interpréter ce chant dans les églises (cependant dans les couvents féminins, les femmes le chantent entre elles : les femmes moines se nomment les « moniales »).
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Le chant grégorien s'exécute à l'unisson (tout le monde, quel que soit le nombre d'exécutants, chante la même note). On dit que le chant est monodique ou monophonique (par opposition à « polyphonique » : voir ci-après).
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L'ambitus (distance entre la note la plus grave et la note la plus aiguë) est très réduit. Le chant grégorien est dénommé en latin Planus cantus (= chant linéaire, chant « plan ») que l'on traduit en français par « Plainchant » : ce chant est « plan » (planus ou plain) : on a parfois l'impression qu'il tourne en rond. Une syllabe est parfois prétexte à une longue vocalise (appelée mélisme : par exemple « salve » (= Salut) donne : « Saaaaaaaaalveeeeeeee ») on dit que la musique est mélismatique (Ecoute 1). Si la musique ne comporte pas de mélismes (ou si ceux-ci sont très courts : 2 ou 3 notes sur une seule syllabe), elle est dite syllabique (une note - ou environ - par syllabe). Un chant grégorien alterne ainsi des parties syllabiques avec des passages plus mélismatiques.
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Que chantait-on à la même époque en Orient ? L'Empire romain d'Orient (= l’Empire byzantin : actuels Liban, Turquie, Grèce…) n'avait pas chuté comme en Occident. Rappelons que la ville de Byzance en Turquie était devenue Constantinople au IVe siècle (du nom de l'Empereur romain Constantin qui en avait fait la capitale de l'Empire romain d'Orient). L'empire romain d'Orient se maintient donc très longtemps et ne chute qu'en 1453 (au début de la Renaissance) avec l'invasion des sultans Ottomans. C'est le début d'un nouvel Empire : l'empire Ottoman. Constantinople prend alors le nom d’Istanbul (aujourd'hui capitale de la Turquie). Au Moyen Age donc, la religion chrétienne est en vigueur et le chant byzantin (chant d'église) est l'équivalent du chant grégorien occidental mais s'en différencie un peu, peut-être par moins d'austérité (Ecoute 4).
Ecoute 1 Salve Regina (Salut Reine) : chant grégorien écrit en hommage à la Vierge Marie, mère du Christ.
Ecoutes 2 et 3 Alleluia Pascha Nostrum (Alleluia chanté le jour de Pâques). Très longue vocalise sur le « a » final du mot Alleluia. L'écoute 2 est grégorienne, l'écoute 3 propose une exécution soliste originale de ce chant exploitant les qualités acoustiques de l'Abbaye du Thoronet située dans le Var.
Ecoute 4 Alleluia byzantin par Sœur Marie Keyrouz (chanteuse libanaise). Une note grave est entendue en continu. Il s'agit d'un bourdon nommé « Ison ». Les 2 voix ne se croisent pas comme dans une polyphonie (= plusieurs voix chantent ensemble, s'entremêlant les unes les autres). La voix grave soutient les voix aigues en une sorte de bourdon vocal.
Chant grégorien et musique populaire Quelques groupes actuels se sont inspirés du chant grégorien : Gregorians, Master of Chants ; Enigma ; Era.
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2. Les chants les plus usités : les chants de la messe Au Moyen Age, la messe est une célébration très importante. Elle symbolise le moment où tous les chrétiens se réunissent pour affirmer leur foi. Quotidienne, elle est célébrée dans l'église. Celui qui se rend ainsi à la messe tous les jours chante toujours les 5 mêmes chants et toujours dans le même ordre : -
Kyrie (= Seigneur) Gloria (= Gloire) Credo (= Je crois) Sanctus (= Saint) Agnus Dei (= Agneau de Dieu : celui-ci est le fils de Dieu, donc Jésus-Christ)
Ecoutes 5, 6, 7, 8
Tous les compositeurs, du Moyen Age à nos jours, en passant par Jean-Sébastien Bach ou Mozart, mettent en musique ces 5 textes dans leurs messes en musique (Ecoutes 5, 6, 7, 8 ; les paroles du Kyrie sont : Kyrie Eleison ; Christe Eleison ; Kyrie Eleison = Seigneur prends pitié, Christ prends pitié, Seigneur prends pitié).
A découvrir : le compositeur argentin Ariel Ramirez (né en 1921). Il compose en 1963 une messe en musique appelée Missa Criolla. Il traduit les 5 textes latins de la messe en langue espagnole. Le premier texte Kyrie devient ainsi « Segnor ». Cette messe, outre l’accompagnement d’instruments traditionnels, utilise des thèmes musicaux populaires argentins. Vidéos 1, 2, 3, 4, 5.
La guitare charango Elle mesure de 50 à 60 cm, possède 5 paires de cordes (mi, sol, la, do, mi). Dérivée de la guitare, ses cordes sont en nylon (voire en métal). À l’origine, elle est construite à partir de la carapace d’un tatou (interdit aujourd’hui).
Kyrie d'une messe grégorienne (Ecoute 5) ; Kyrie de la Messe en Si mineur de Jean-Sébastien Bach (Ecoute 6) ; Kyrie de la Messe en Mi bémol Majeur de Franz Schubert (Ecoute 7). Kyrie de la Petite Messe solennelle de Gioacchino Rossini (Ecoute 8 ; musique utilisée par le chorégraphe Jean-Philippe Decouflé pour la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques d'Albertville en 1992 ; cette messe est accompagnée par un piano et un harmonium).
Vidéos 1, 2, 3, 4, 5 : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei de la Missa Criolla d'Ariel Ramirez. L'ensemble instrumental est composé d'une guitare Charango, d'une Queña (flûte rustique), d'un Siku (flûte de Pan bolivienne) et de nombreuses percussions.
À découvrir : la Missa Luba. Messe transcrite dans les années 50 par un missionnaire belge, Guido Haazen, à partir d’airs traditionnels congolais. Cette messe africaine présentée à l’Exposition universelle de 1958 à Bruxelles (Belgique) fut interprétée à l’époque par un chœur d’hommes et d’enfants, créé à Kinshasa par le même missionnaire.
B. La messe des morts
Elle est appelée Missa pro defunctis (messe pour les défunts) ou Messe de Requiem. Mais que veut dire « Requiem » ? Lors d'une cérémonie funèbre, le prêtre accueille le peuple dans son église par quelques mots introductifs : il souhaite le « Requiem aeternam » (= le repos éternel) au défunt. À la Renaissance, la messe
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des morts (Missa pro defunctis) prend ainsi le nom de Messe de Requiem (= littéralement « messe de repos »). Cette messe ne comporte pas de Gloria (trop gai). Celui-ci est la plupart du temps remplacé par le célèbre et terrifiant Dies Irae (= jour de colère), texte datant du XIIIe siècle et mis en musique à cette époque. Les paroles du Dies Irae font frémir les chrétiens de l'époque car ce poème apocalyptique mentionne le Jugement de Dieu après la mort : seul Dieu peut décider si le défunt accède au Paradis ou s'il brûle à jamais en enfer. C'est un très long texte (18 strophes). Certaines de ces strophes ont été rendues célèbres grâce au film de Milos Forman, Amadeus lorsque Mozart agonisant dicte à son collègue Antonio Salieri la musique du Requiem : Tuba mirum (strophe 3), Rex tremendae (strophe 8), Confutatis maledictis (strophe 16), Lacrimosa (strophe 18). Traduction : Jour de colère que ce jour-là, qui réduira le monde en poussière, comme l'attestent David et la Sibylle / Quelle terreur sera bientôt, quand le juge viendra strictement examiner.
Ecoutes 9 : musique médiévale du Dies Irae (fa-mi-fa-ré-mi-do-ré).
La musique médiévale du Dies Irae (fa-mi-fa-ré-mi-do-ré) est utilisée par de nombreux compositeurs, particulièrement à l’époque romantique (dont Hector Berlioz et Franz Liszt : Ecoutes 10 et 11).
Les compositeurs mettent en musique le texte du Dies Irae dès la fin de la Renaissance. À l'époque baroque, le vénitien Antonio Lotti, contemporain d'Antonio Vivaldi, met ainsi en musique ce texte et sa composition est très émouvante (Ecoute 12 : superbe vocalise sur la syllabe « Da » du prénom David : David était le second roi d'Israël, il est le père de Salomon, troisième roi).
Ecoutes 10 : Hector Berlioz, Symphonie fantastique (1830), 5e mouvement. Les ophicléides (type de cuivre remplacé ensuite par les trombones ou les tubas) jouent le thème du Dies Irae alors que sonne le glas (sur une cloche). Dans ce passage, Berlioz rêve qu'il est au Sabbat (réunion du diable et des sorcières) donc en enfer.
Ecoute 11 : Franz Liszt, Totendanz (1849, danse de la mort) pour piano et orchestre.
Ecoutes 12 et 13 :
On retrouve le thème médiéval du Dies Irae dans les films, les vidéos et la musique d'aujourd'hui. Citons, entre autres, le film de Stanley Kubrick, Shining.
Antonio Lotti (1667-1740), Messe de Requiem, Dies Irae (Ecoute 12) ; Mozart, Messe de Requiem, Dies Irae (Ecoute 13).
A découvrir : le compositeur actuel Karl Jenkins compose une messe de Requiem en 2000... (voir vidéo 6, sur des images de la trilogie Matrix).
Paroles des 2 premières strophes du Dies Irae : Strophe 1 : Dies irae, dies illa, solvet saeculum in favila teste David cum Sibylla Strophe 2 : Quantus tremor est futurus, quando judex est venturus, cuncta stricte discussurus.
Vidéo 6 : Montage réalisé à partir de la trilogie Matrix : Karl Jenkins, Messe de Requiem, Dies irae
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C. Comment est née l'écriture de la musique ? A partir du IXe siècle, la notation musicale fait son apparition. Elle apparaît très tardivement en Occident et seule la musique religieuse est notée. Elle est conservée dans des manuscrits (en parchemin puis en papier à la fin du Moyen Age). La musique profane (danses, chansons, musique instrumentale) ne faisait pas l'objet de notations. Mal considérée par le pouvoir religieux, elle était essentiellement basée sur l'improvisation. Il faut attendre le XIIIe siècle avant de voir apparaître les premières notations de chansons (troubadours et trouvères) et le XIVe siècle pour la musique purement instrumentale (fragments). L'impulsion donnée à la musique par Charlemagne encourage ses successeurs à conserver par écrit les textes chantés. Charlemagne est donc mort avant d'avoir véritablement connu l'écriture de la musique. Première étape : fin VIIIe-IXe siècle. La notation neumatique (grec neuma = signe). On indique le contour de la ligne mélodique par des signes : la « virga » (virgule) et le « punctum » (point). La virga (/ ou \), issue de l'accent aigu, indique la direction du son vers le grave ou l’aigu. Le punctum ( . ) issu du point, indique en quelque sorte que la hauteur du son ne bouge pas. Seconde étape : Xe et XIe siècle. Le chant grégorien devenant très mélismatique, il est difficile de noter les vocalises en notation neumatique. Une première ligne de portée apparaît. Elle représente un son fixe (fa par exemple) autour duquel toutes les autres notes s'organisent (par exemple sol-la-si au-dessus ; mi-ré-do au-dessous). C'est la notation diastématique (diastema = « intervalle » en latin) : on commence à se rendre compte de la nécessité de distinguer les intervalles. Très vite, une seconde ligne rejoint la première. Au XIe siècle, le moine italien Guido d'Arezzo fixe la portée à 4 lignes. Évolution de la notation musicale (figure ci-contre) : les partitions étant écrites sur des pages de manuscrit, il faut imaginer des lignes de portées épaisses car tracées à la plume. Le punctum doit donc être agrandi et devient non plus rond mais…carré : cela est en effet plus pratique, il est difficile de réaliser un rond avec une plume biseautée… Le punctum devient donc un petit carré et la virga commence à ressemble à la « noire » actuelle. Au XVe siècle, apparaîtront des notes évidées (les futures « blanches »). À la Renaissance, tous les principes régissant l'écriture musicale sont en place.
Ecriture neumatique
Notation neumatique diastématique (présence d’une ligne, future portée musicale)
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Isabelle Handy La voix humaine se servant de sons peu nombreux, chacun d’entre eux va recevoir un nom. Cette invention est attribuée là encore à Guido d’Arezzo. Celui-ci détermine combien de notes sont nécessaires à l’interprétation de la musique de son temps. Les six premières notes de notre alphabet musical (ut, ré, mi, fa, sol, la) sont ainsi issues des premières syllabes d'un chant religieux : l'hymne en l'honneur de l'apôtre Saint Jean-Baptiste Ut queant laxis. :
Histoire de la musique
Agnus Dei noté sur une portée de 4 lignes
Ut queant laxis / Resonare fibris / Mira gestorum / Famuli tuorum / Solve polluti / Labii reatum / Sancte Ioannes. Traduction : Pour que puisse résonner sur nos lèvres détendues les merveilles de ton histoire enlève le péché qui souille nos lèvres impures, O Saint Jean
Page de manuscrit médiéval
Vidéo 7 : chant grégorien chanté avec partition défilant : la partition présente des neumes sur une portée de 4 lignes mais n'ayant pas encore la forme carrée ci-contre.
IV.
Les chantres de l'amour
Au XIe siècle, l'Eglise impose la « Trêve de Dieu » dite aussi « Paix de Dieu ». Les seigneurs doivent ainsi faire l'effort de ne pas se battre du mercredi soir au lundi sous peine de sanctions sévères (dont l'exclusion de l'Eglise dite « excommunication »). Les chevaliers d'antan cherchent alors à se distraire… C'est l'époque où apparaît un art de cour raffiné, où se profilent les codes de la « courtoisie », où la séduction devient un art. Certains hommes de cour se passionnent ainsi pour la poésie et chantent parfois leurs vers en s'accompagnant d'un instrument. Ils chantent l'amour, la quête, des faits d'actualité, le printemps, la perte d'un ami... Mais l'amour est le sujet de bon nombre de chansons. C'est ainsi qu'apparaît un premier art profane noté : celui des troubadours. Issus des régions situées au sud de la Loire, ces poètes chanteurs sont donc surtout issus de la noblesse, contrairement aux idées reçues. Au nord de la Loire, les trouvères vont les imiter ; mais ceux-ci seront issus de milieux sociaux plus diversifiés.
A. Les troubadours (fin XIe siècle-milieu XIIIe siècle) Ils chantent en langue d'oc et vivent au sud de la Loire (Limousin, Auvergne, Aquitaine, Provence…). Ces nobles (mais quelques exceptions : hommes d'église, personnages populaires) pratiquent l'art du Trobar (« trobar » signifie « trouver » : c'est-à-dire « trouver des mots » ; ce sont avant tout des poètes). Leurs interprètes, ceux qui voyagent de château en château, sont les jongleurs. Quand les troubadours ou les jongleurs chantent des poésies, l'accompagnement instrumental est totalement improvisé, il ne reste
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aucune trace de celui-ci. Les interprètes d'aujourd'hui doivent donc recréer un accompagnement. Des consonances orientalisantes sont perceptibles à l'écoute des interprétations actuelles (n’oublions pas que ces chevaliers musiciens partent en croisade en Orient et côtoient donc la musique orientale). Elles sont également improvisées par les interprètes, selon la mode de l'époque. Il ne reste donc dans les manuscrits que les seules mélodies des chansons. Les troubadours aiment surtout chanter l'amour (sa quête, sa difficulté, ses obstacles) et nombreux sont ceux qui rêvent d'un amour idéal.
Ecoute 14 : chant du comte Guillaume IX de Poitiers (10711127), Companhon farai un vers qu'er covinen (compagnons je ferai un vers qui sera convenable). L'accompagnement à la vièle est totalement improvisé par l'interprète.
Guillaume IX de Poitiers est le grand-père d'Aliénor d'Aquitaine et l'arrière grand-père de Richard cœur de Lion. Il est considéré comme le premier grand troubadour de l'histoire.
Le grand troubadour Bernart de Ventadorn (vers 1130/40-vers 1190/1200) est le fils d'un serviteur du château de Ventadour (Limousin). Il reçoit une éducation car son maître, le vicomte Eble de Ventadour, avait remarqué ses dons alors qu’il était encore enfant.
Ecoute 15 : Bernart de Ventadour, chanson Can vei la lauzeta mover (quand je vois l'alouette se mouvoir).
Bernart de Ventadour
Ecoute 16 : Même chanson dans une version différente reflétant la difficulté pour les interprètes actuels de proposer une interprétation historiquement fiable.
Autre troubadour intéressant, Jaufré Rudel, comte de Blaye (près de Bordeaux) qui tomba amoureux fou d'une dame inaccessible, qu’il n’avait jamais vu, la comtesse de Tripoli (Empire romain d'Orient). Les généreuses actions de cette dame lui avaient été rapportées par des pèlerins. Jaufré Rudel chante son amour « de loin » dans sa chanson Lanquan li jorn son lonc en mai (lorsque les jours sont longs en mai). Des témoignages plus tardifs romancent son histoire : Jaufré aurait pris la mer pour rencontrer celle qui tourmentait son cœur mais il ne la vit que pour s’éteindre dans ses bras, emporté par une maladie contractée en chemin. La jeune comtesse, touchée par l’histoire du prince poète, aurait pris le voile et serait entrée en religion. Mais la réalité est moins romanesque. Le poète n'est probablement jamais revenu de la deuxième croisade à laquelle il prit part. La légende de Jaufré Rudel n’a pas été oubliée par l’histoire. Elle inspire la compositrice finlandaise Kaija Saariaho dont l’opéra L’amour de loin a été créé en août 2000 au festival de Salzbourg (livret de l’écrivain franco-libanais, journaliste et ancien rédacteur en chef de Jeune Afrique, Amin Maalouf).
Jaufré Rudel mourrant dans les bras de la comtesse de Tripoli.
Ecoute 17 : Jaufré Rudel, Lanquan li jorn.
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Sont également actives des femmes troubadours appelées Trobairitz. Ce sont des femmes cultivées, instruites qui savent « trobar » (= faire des poésies). Leurs œuvres célèbrent l'amour, le bonheur d'aimer et d'être aimée, louent le désir. Béatrix de Die (seconde moitié du XIIe siècle, début du XIIIe siècle) fut l'une d'entre elles. Elle se serait éprise du grand seigneur occitan Raimbaut, comte d'Orange, pour lequel elle compose bonas cansos (bonnes chansons).
Vidéo 7 : Trobairitz Beatrix, comtesse de Die, A chantar m'er. Dans cette poignante chanson, Béatrice se plaint de ne pas être aimée comme elle l’espérerait et chante son désarroi face à la trahison d’un homme méprisant sa beauté, sa valeur et son esprit.
Béatrix aurait siégé dans l’une de ces cours d’amour dont la spécificité était de trancher de curieux débats : -
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« Un chevalier ayant longtemps vainement sollicité une dame porte son regard sur une autre qui lui accorde un rendez-vous ; mais la première prévenue lui en assigne un aussi à la même heure : auquel doit-il se rendre ? » « Une dame assise entre trois soupirants gratifie l’un d’une œillade, le second d’un serrement de main, le troisième d’une pression du pied : lequel a été le plus favorisé ? » « Si vous aviez un rendez-vous la nuit avec votre maîtresse préféreriezvous me voir sortir de chez elle, vous y entrant, ou m’y voir entrer, vous sortant ? »
Le 10 août 1888 à Die, sur une petite place où coule une fontaine, un buste est érigé en l’honneur de la mystérieuse trobairitz. La sculptrice, Madame Clovis Hugues imagina pour cette occasion son visage.
B. Les trouvères (XIIe et XIIIe siècles) Les trouvères officient au nord de la Loire et chantent en langue d'oïl. Si les ménestrels (interprètes apparus au XIIIe siècle) chantent leurs chansons, certains trouvères se déplacent également sur les chemins et les routes. Ils proviennent en effet de milieux sociaux plus diversifiés et peuvent être issus du peuple ou aristocrates : comtes, ducs, rois (une chanson est attribuée à Saint-Louis ou Louis IX ; une autre à Richard cœur de Lion). Colin Muset (deuxième tiers du XIIIe siècle), était ainsi un ménestrel de condition modeste. Il s’éleva socialement en devenant trouvère et vécut ensuite confortablement, entretenant un valet et une servante.
Colin Muset
Ses compositions reflètent une bonne humeur et beaucoup d'humour. Homme du XIIIe siècle, joueur de vièle (voir manuscrit ci-dessus), il est itinérant aux beaux jours et parcourt le royaume, divertissant seigneurs, dames et villageois. Il chante son aspiration à mener « bonne vie », se régalant de chapons à l’ail, la gorge chauffée par le vin avant de s’assoupir dans une verdoyante prairie fleurie par le soleil de mai, la tête couverte d’un « chapel » de roses. Son ravissement est extrême lorsqu’il est accompagné d’une « gentille blondete » non avare de quelques baisers. Colin aime « muser » (flâner ou jouer de la cornemuse) mais s’il
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rentre avec une malle « farsie de vent » (= vide), une bourse non remplie d’espèces sonnantes et sur un « roncin » (= cheval) épuisé, sa femme l’accuse alors d’avoir mené débauche « aval la vile » (par la ville). Ce voyageur heureux est à l’origine d’une œuvre très originale.
Ecoute 18 : Colin Muset, Sire Cuens j'ai viélé.
Les chansons des troubadours et des trouvères sont monodiques jusqu'à l'arrivée du célèbre trouvère Adam de la Halle qui compose les premières pièces polyphoniques profanes de l'histoire. Ce trouvère compose également des pièces de théâtre en français où des refrains chantés sont intercalés entre les scènes (voir le « Jeu » de Robin et Marion).
Ecoute 19 : Adam de la Halle, Je muirs d'amourete (je meurs d'amour). Rondeau polyphonique à 3 voix (le rondeau est une forme musicale très simple alternant des couplets et un refrain).
C. Et la danse ? Avec l’apparition de la lyrique courtoise (ainsi appelle-t-on le répertoire des troubadours et trouvères) se diffusent également les premiers romans (tels ceux de Chrétien de Troyes racontant la quête du mythique Saint-Graal, ce calice où aurait été recueilli le sang du Christ). Les textes littéraires révèlent le nom de quelques danses cultivées en divers milieux et souvent d’origine très ancienne. Ces danses sont surtout collectives (rondes, chaînes), entraînantes et gaies : -
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Mentionnée dès le XIIe siècle mais probablement antérieure, la « charole » ou carole (du lat. chorus = danse en rond) est une danse populaire en forme de ronde accompagnée de chants (refrain dansé) et pouvant être intégrée au culte chrétien dans certaines circonstances exceptionnelles (départ pour une croisade, temps de Noël). Le bal est une autre chanson populaire à danser en usage au XIIe siècle très en vogue dans les milieux seigneuriaux. La « tresche » ou tresque - sorte de carole appréciée aux XIe et XIIe siècles (existant jusqu’au XVe siècle) - est exécutée en farandole croisée. Chaque danseur saute de temps à autre et se conforme à une gestique précise des bras (la tresche aurait inspiré l’entrechat en danse classique). D’autres danses dynamiques sont en usage aux XIIIe et XIVe siècles : l’Espringale (espringaller= danser ; issu de l’allemand springelen = sauter, bondir) et l’Estampie (accompagnée d’un frapper de pied ou de mains). Le rapide Trotto (= trot ; XIVe siècle) et la sautillante Saltarelle (saltare = sauter) sont d'origine italienne. Très à la mode en Italie, en Espagne, en Flandre et en France dès la seconde moitié du XIVe siècle et jusque vers 1550 environ, la très distinguée Basse-danse (tenant son nom de ses pas glissés ou marchés la cantonnant au rang de « bas » danse par opposition aux danses hautes agrémentées de sauts) est une danse solennelle et lente. Le Branle est d’origine française (danse paysanne introduite dans les milieux de cour). Il tire son nom du déplacement latéral des pieds « en branlant d’un pié sur l’aultre ». Il se danse en chaîne et de côté. Différents types de branles coexistent selon les régions, la profession, l’âge des danseurs (branle simple, gai, de Bourgogne, de Champagne, de Poitou, de Gascongne, de Malte, branle Tribory de Bretagne, d’Écosse, branle des lavandières, des sabots etc.). Le premier thème du Concerto en sol pour piano et orchestre de Maurice Ravel (1873-1937) serait inspiré du rythme d’un branle gai.
Les danses s’exécutent généralement par 2 (une danse lente ou modérée alternant avec une danse rapide). Cela ne sera pas sans incidence sur le développement de la « Suite » de danses dite « Suite instrumentale » à l'époque baroque.
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V.
Histoire de la musique
Les premières grandes œuvres religieuses polyphoniques
Les premières pièces polyphoniques, donc superposant plusieurs voix indépendantes les unes au-dessus des autres (comme dans une chorale), n'apparaissent qu'aux XIIe et XIIIe siècles (nous avons déjà précisé que le trouvère Adam de la Halle avait composé de la musique polyphonique profane, autrement dit des chansons polyphoniques, dans la seconde moitié du XIIIe siècle). La pratique polyphonique est certainement très ancienne mais il faut nous en tenir aux sources conservées. Ainsi en est-il des premières grandes pièces musicales et polyphoniques de l'histoire de la musique dont les auteurs sont identifiés. Elles datent du XIIe siècle et sont l'œuvre de Léonin (actif d’environ 1150 à 1201) et de son supposé disciple Pérotin (actif d’environ 1180 à 1230). Ces deux hommes sont des ecclésiastiques. Ils travaillent à la cathédrale NotreDame de Paris, alors considérée comme un grand centre de recherche pour l'élaboration de la musique polyphonique. Ils composent des Organa (un organum au singulier) : ce mot vient de « voix organale », voix qui était improvisée par un chanteur alors qu'un autre interprétait un chant grégorien. La voix organale donc improvisée - est uniquement composée de vocalises (Ecoutes 20 et 21).
Ecoute 20 : Organum à 2 voix de Léonin sur le chant grégorien « Alleluia Pascha nostrum ».
Ecoute 21 : Organum à 4 voix de Pérotin sur le chant grégorien « Viderunt omnes ».
L’improvisation au Moyen Age et à la Renaissance Témoignage recueilli auprès de John Potter, du Hilliard Ensemble « Les cultures orales peuvent atteindre un degré de raffinement extrême et ne se font généralement connaître qu’au moment où elles entrent en contact avec les genres savants qui doivent les remplacer. Qu’y avait-il avant le Magnus liber auquel Pérotin a ajouté ses organa « révolutionnaires » à 3 et 4 voix ? Ces merveilleux mélismes sont-ils les reliques d’une tradition d’improvisation qui se serait perdue ? Et les chants pré-grégoriens des moines, un demimillénaire avant, étaient-ils improvisés ? Quand le jazz est apparu, au début de ce siècle, il n’avait pas de nom ; pas plus que la polyphonie quand elle est apparue, environ mille ans plus tôt. Ces 2 événements historiques sans nom ont été les points de départ de deux des idées les plus importantes de la musique occidentale : l’improvisation et la composition ».
VI.
Les Carmina Burana
Carmina Burana est le titre d'un recueil manuscrit conservé à l'abbaye de Beuren (ou Bura) en Bavière (aujourd'hui ce recueil est conservé dans le fonds de la bibliothèque nationale de Munich). Ce manuscrit est une compilation réalisée aux XIIIe et XIVe siècles. Il regroupe des poésies très variées, d'époques différentes (les plus anciennes datent du XIe siècle). Les poèmes célèbrent l'amour, le printemps mais également le vin, la nourriture, les plaisirs de la vie. Certains sont même très paillards. Ces poésies ont été écrites par divers auteurs dont plusieurs ont pu être identifiés. Certains sont des personnalités connues tel l'archevêque de Canterbury Stephen Langton (ca 1150-1228). D’autres sont de simples « goliards » ou clercs « vagants ». Le terme « goliard » est utilisé aux XIVe et XVe siècles pour désigner un étudiant mendiant vivant en marge de l’église (lat. goliardus = étudiant vagabond). Les « vagants » (lat. vagus = errant) sont des clercs et des « escoliers » nomades se déplaçant de ville en ville, d’auberge en auberge, d’une université ou d’un monastère à l’autre. Ces goliards et vagants sont contrôlés par les pouvoirs locaux en raison de leur statut marginal. Mais pourquoi nous intéressons-nous aux Carmina Burana ? Tout simplement parce qu’une quarantaine de poèmes sont accompagnés d’une notation musicale et étaient donc destinés à être chantés.
Ecoute 21 In tabernam quando sumus (quand nous sommes dans la taverne) : chant célébrant le jeu, le bon vin (on boit en l'honneur de Bacchus, des chrétiens, des vivants, des prisonniers, des voyageurs, du pape, du roi etc.). La chanson raconte comment certains sont enfermés dans un sac, comment d'autres exposent sans pudeur leur nudité. Tous sont ivrognes et célèbrent le vin : la patronne, le patron, le prêtre, l'évêque, la servante, le paresseux, le blanc, le noir, le fou, le pauvre, le malade, l'exilé etc.
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Presque un siècle plus tard (1934), le professeur de composition munichois Carl Orff (1895-1982), subjugué par ce manuscrit qu’il découvre à la bibliothèque de Munich, entreprend la mise en musique d’une vingtaine de pièces qu’il agence en une sorte de grande cantate profane (œuvre chorale, de cantare = chanter) pour grand orchestre, chœur et solistes (il en existe une version pour chœur, 2 pianos et percussions). Cette œuvre est créée en 1937 à Francfort.
Histoire de la musique
Vidéo 9, Carl Orff, Carmina Burana, In taberna quando sumus. Orchestre philharmonique de Berlin dirigé par Seiji Ozawa.
Vidéo 8, Carl Orff, Carmina Burana, O Fortuna velut luna (O Fortune changeant comme la lune). Orchestre de Bordeaux Aquitaine.
VII.
Musique et métier
Une part de plus en plus importante de la population est concernée par le métier qualifié de « profession » (le terme apparaît au XIIe siècle). Au sein des villes importantes, les jongleurs et ménestrels se regroupent dans des quartiers spécifiques. À Paris, certains vivent dans l’ancienne vicus viellatorum, la rue des vielleux (XIIIe siècle ; la taille [impôt] de 1292 y comptabilise 63 habitants dont 19 « jugleeur », « trompeeur », « jugleresse ») qui devient la rue des jongleurs au XIVe siècle puis la rue des menestriers au XVe siècle (il subsiste aujourd’hui un « passage des ménétriers » près du centre Georges Pompidou). La clientèle se rend sur place pour s’enquérir d’un ou plusieurs instrumentistes ou chanteurs, selon ses besoins (une ou plusieurs journées), que ce soit pour un dîner, un souper ou un banquet de noces. A l’initiative de quelques jongleurs et ménestrels parisiens soucieux de régulariser leur situation face à la recrudescence de ménestrels dans la capitale du royaume, une organisation professionnelle régissant juridiquement les activités de ses membres voit le jour. Tous les corps de métiers sont ainsi représentés par ces associations corporatistes solidaires, syndicats avant l’heure défendant les intérêts légitimes de chacun notamment en réglementant les conditions de travail (horaires, concurrence, respect des règles et des droits, maintien du monopole d'une minorité de maîtres sur le marché urbain). Le 14 septembre 1321, le Prévôt de Paris ratifie un premier texte statutaire précisant dans l’un de ses 11 articles que la communauté doit veiller au recrutement de « bons ouvriers ». En 1330, une église dédiée à Saint Julien (premier évêque du Mans) et Saint Genès (d’Arles) est édifiée à proximité de la rue des Jongleurs pour protéger les membres malades, dans le besoin ou les hôtes de passage (la chapelle prend ensuite le nom de Saint-Julien des ménétriers). Un hospice est rattaché à cette église, siège de la confrérie (= patronage religieux du regroupement communautaire). Le jour de la Saint Julien, la taxe due par chacun, les dons ou aumônes de clients et mécènes sont recueillis par les maîtres. Véritable centre mutualiste en cas d’infirmité ou d’indisposition, la confrérie s’occupe également des orphelins, accueille les musiciens nomades. Les confrères malades sont rémunérés « comme s’ils avoyent travaillé et assisté avecq leurdicts compagnons » excepté en cas de maladie déshonorante comme la vérole, la peste, la syphilis. Les maîtres siègent en assemblées se réunissant périodiquement. Seule une vingtaine ou une trentaine d’entre eux « représentans la plus grande et seyne partie desdictz joueurs d’instrumens » sont autorisés à prendre part aux débats. Ils sont constitués en jurés (lat. jurare = qui a prêté serment) d’où le nom de « jurande » apparu au XVIe siècle (corps des jurés d’une corporation). L’organisation corporatiste est très hiérarchisée. Composée d’apprentis, de compagnons et de maîtres, l’ordonnance veut « qu’on soit 3 ans [souvent 6 dans les contrats d’apprentissage] aprenty sous un mesme maistre sans changer sur peine de recommencer l’apprentissage : puis on devient compagnon, qu’on appelloit anciennement bachelier, c’est-à-dire prétendant & aspirant à la maistrise & ayant esté encor 3 ans compagnon à travailler chez les maistres, on peut estre receu maistre, après avoir fait espreuve publique de sa suffisance qu’on appelle chef-d’œuvre & par icelui estté trouvé capable ». La corporation n’accepte pas n’importe quel tambourineur dans ses rangs. Le succès au brevet de maîtrise est indispensable mais il faut mériter ses galons : ce véritable concours - dont on ne connaît aucune des modalités organisationnelles - ne s’obtient pas aisément (il devait comporter des improvisations variées). Au sommet de la hiérarchie corporative prend place un singulier personnage, le
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« roi » des ménestrels. Sa fonction principale est de jauger avec les jurés, des aptitudes d’un candidat pour lui délivrer le brevet de maîtrise. Il s’occupe également de percevoir la taxe redevable par tout aspirant au métier, d’arbitrer les conflits et possède le pouvoir de retirer à certains le droit d’exercer le métier. La première charte mentionnant un « roi" des ménestrels comme « leader » de la corporation date de 1358 et précise que celui-ci est nommé par le roi de France. Ce titre confère à son détenteur d’importantes responsabilités appelées à se transformer : de simple coordinateur et médiateur au Moyen Age, ses pouvoirs ne cessent de croître dès le XVe siècle.
VIII.
Ce qu'il faut retenir
Le chant grégorien est un chant d'église, religieux, en latin, chanté a capella par des hommes (ou des femmes dans les couvents). Il est monodique et son autre nom est Plain-chant (planus cantus). Les premiers compositeurs de l'histoire de la musique sont Léonin et Pérotin. Ils officient à la cathédrale Notre-Dame de Paris et composent de la musique polyphonique. La première œuvre de musique polyphonique s'appelle Organum (Organa au pluriel). Les troubadours sont des poètes qui chantent leurs poésies. Ils officient au sud de la Loire, chantent en langue d'oc et sont généralement nobles. Leurs interprètes sont les jongleurs (puis les ménestrels). Les Trouvères sont aussi des poètes qui chantent leurs poésies. Ils officient au nord de la Loire, chantent en langue d'oïl et leur origine sociale est plus diversifiée. Ils sont parfois eux-mêmes ménestrels. Les premières pièces polyphoniques profanes (chansons avec ou sans instruments) ont été créée par un trouvère, Adam de la Halle (seconde moitié du XIIIe siècle). L'accompagnement instrumental des troubadours et des trouvères était improvisé, il n’en reste aucune trace aujourd’hui. Ces chanteurs chantent l'amour, la quête et également la mort d'un ami, les croisades, la guerre etc. En France, les instrumentistes du Moyen Age (ménestrels, jongleurs et autres « joueurs d'instruments ») se réunissent en corporation en 1321. Connaître ce que sont les Carmina Burana et les instruments représentatifs du Moyen Age et de la Renaissance notamment vièle, clavicorde, chalémie, chifonie, douçaine, cromorne etc.
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IX.
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Lexique du chapitre
Messe : cérémonie religieuse célébrant le culte catholique. Elle est constituée de « l'Ordinaire » (textes chantés tous les jours : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei) et du « Propre » (texte changeant suivant le jour de la célébration : une fête d'un Saint, Noël, Pâques…). Moine : homme lié par des vœux religieux et menant une vie essentiellement spirituelle, le plus souvent en communauté dans un monastère (à la différence du prêtre menant une vie publique). Le féminin de moine est « moniale ». Monodie, homophonie : « une seule voix », une seule ligne mélodique. On la trouve dans tout le cycle des chansons populaires, dans les chants à l'unisson des Grecs, dans le chant grégorien qui ne contient qu'une mélodie, même lorsque des voix nombreuses s'unissent pour le chanter. Organum : pièce polyphonique primitive mentionnée dans les traités dès le IXe siècle mais faisant l'objet d'œuvres musicales véritablement composées qu'à partir du XIIe siècle. Plain chant (planus cantus) : autre nom du chant grégorien. Polyphonique : entrelacement et superposition de plusieurs mélodies indépendantes. Profane : qui ne relève pas de la religion. En musique, une distinction est établie entre musique sacrée et musique profane. Messe de Requiem : messe des morts, jouée lors d'une cérémonie funèbre. Scribe : moine ou ecclésiastique qui rédigeait, au Moyen Age, toutes sortes de manuscrits. Ces scribes sont aussi appelés « copistes ». Les moines étaient les savants de l'époque, ils savent lire et écrire. Ces qualités sont inconnues d'un musicien profane jusqu'au XIIIe siècle environ.
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X.
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Quizz et QCM : testez vos connaissances
Les solutions sont proposées à la fin du test. L'évaluation des points pour chaque question vous permettra de vous attribuer une note sur 20. Question 1 (1 pt) D’où vient le mot grégorien ? (entourer la bonne réponse) a. Du nom du pape Grégoire Ier b. D'un empereur romain c. Du mot latin « gregorius » Question 2 (1 pt) Quel est le nom latin du chant grégorien ? Question 3 (1 pt) Chanter a cappella signifie : a. Chanter dans une chapelle b. Chanter sans accompagnement instrumental c. Chanter sans être dirigé par un chef Question 4 (3 pts) Citez 3 particularités historiques du chant grégorien. Question 5 (1 pt) Chasser l'intrus : Plain-chant
Monodique
Polyphonique
Question 6 (3 pts) Quelles différences y a-t-il entre un Troubadour et un Trouvère ? Question 7 (1 pt) Quels étaient les thèmes de prédilection des chansons des Troubadours et des Trouvères ? Question 8 (1 pt) Qu'est-ce qu'un ménestrel ? Question 9 (1 pt) Qui sont les 2 premiers compositeurs connus de l'histoire de la musique ? Question 10 (1 pt) Comment s'appelle la première pièce polyphonique de l'histoire de la musique ?
Question 11 (1 pt) Chasser l'intrus : Chopin
Mozart
Pérotin
Beethoven
Grégorien
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Question 12 (1 pt) Qu'est-ce qu'une « Chifonie » ? a. Une pièce de musique pour danser b. La salle d'un château fort c. Un instrument qui a précédé la vielle à roue d. Le ruban que portaient les chevaliers au cours d'un tournoi Question 13 (3 pts) Citez 3 instruments représentatifs du Moyen Age dont 2 instruments de votre spécialité. Question 14 : Charade (1 pt) Mon premier est la première voyelle Mon second se trouve dans la bouche Mon troisième est une préposition Mon quatrième est une note de musique emblématique pour l'accord Mon cinquième est un marché couvert Mon tout est le nom d'un célèbre trouvère. Solutions : 1/ a ; 2/ plain-chant ; 3/ b ; 4/ latin/hommes/a cappella/religieux/monodique ; 5/ polyphonique ; 6/ langue oc et oïl/sud et nord Loire/condition sociale ; 7/ amour/quête/guerre/croisades/printemps ; 8/ un interprète ; 9/ Léonin et Pérotin ; 10/ Organum ; 11/ Pérotin ; 12/ c ; 13/ vièle, chalémie, clavicorde, luth ; 14/ Adam de la Halle.
XI.
Bibliographie, Discographie, Sites internet
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Isabelle Handy
Histoire de la musique - Itemm
CHAPITRE 1 ............................................................................................................................. 1 LE MOYEN AGE ...................................................................................................................... 1 Plan du chapitre .......................................................................................................................... 1 I. Quelques instruments du Moyen Age et de la Renaissance........................................... 2 A. Les instruments à vent................................................................................................ 2 B. Les instruments à cordes ............................................................................................ 3 1. Les cordes frottées.................................................................................................. 3 2. Les cordes frappées ................................................................................................ 4 3. Les cordes pincées.................................................................................................. 4 C. Les instruments à clavier............................................................................................ 6 1. Les claviers à cordes pincées ................................................................................. 6 2. Les claviers à cordes frappées ................................................................................ 6 3. Les claviers dotés de tuyaux................................................................................... 6 D. Les percussions .......................................................................................................... 7 II. Qu'est-ce que le Moyen Age ?........................................................................................ 7 III. Le rôle de Charlemagne dans la musique................................................................... 8 A. Le chant grégorien...................................................................................................... 8 1. Caractéristiques musicales du chant grégorien ...................................................... 8 2. Les chants les plus usités : les chants de la messe................................................ 10 B. La messe des morts .................................................................................................. 10 C. Comment est née l'écriture de la musique ? ............................................................. 12 IV. Les chantres de l'amour ............................................................................................ 13 A. Les troubadours (fin XIe siècle-milieu XIIIe siècle)................................................. 13 B. Les trouvères (XIIe et XIIIe siècles) ......................................................................... 15 C. Et la danse ?.............................................................................................................. 16 V. Les premières grandes œuvres religieuses polyphoniques........................................... 17 VI. Les Carmina Burana................................................................................................. 17 VII. Musique et métier..................................................................................................... 18 VIII. Ce qu'il faut retenir................................................................................................... 19 IX. Lexique du chapitre .................................................................................................. 20 X. Quizz et QCM : testez vos connaissances .................................................................... 21 XI. Bibliographie, Discographie, Sites internet.............................................................. 22