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Cathédrales, le verbe géométrique Concept spiritualiste des Maîtres d'oeuvre médiévaux LE TRACÉ RÉGULATEUR IRRATIONNEL, MYTHE OU RÉALITÉ? Aucun document écrit ou dessiné nous est jamais parvenu qui permette d'établir que les maîtres d'oeuvre de l'Antiquité ou de l'époque médiévale aient eu recours aux tracés régulateurs géométriques pour ordonner
leur architecture. En revanche, nombreuses sont les références aux nombres dans toutes les traditions et les textes sacrés. On pourrait en inférer que, tel le Temple de Salomon, tout édifice, fût-il sacré, n'a jamais été réglé que suivant un principe modulaire, intégrant les nombres impo-
sés par les prêtres en rythmes de travées, de piliers, d'arcades, ou en pieds, coudées, perches, ou en simples "modules", comme Vitruve à lépoque de la Rome antique ou Palladio, à la Renaissance, qui établira les rapports hauteur-largeur-profondeur de ses villas princières selon les rapports musicaux de tierce, de quarte, de quinte ou d'octave.
La proportion dorée, ou plus exactement le "partage en moyenne et extrême raison" est pourtant clairement énoncée par les Grecs dès Pythagore. En outre, de nombreux travaux de recherche ont mis en évidence l'utilisation dans l'Antiquité perse, grecque, égyptienne et romaine, de son principe fondamental d'enchaînement de proportions et de surfaces récurrentes. La Renaissance lui donnera ses heures de gloire, mais paradoxalement, selon certains auteurs qui font autorité, tel Matila Ghyka et Georges Jouven, le Moyen Age l'aurait totalement oubliée.
Je me suis par conséquent attaché pendant dix ans à démontrer à travers l'analyse précise de quatre façades de cathédrales que l'architecture gothique, comme toutes les architectures sacrées qui l'ont précédée, est d'abord réglée par la géométrie et le nombre. Il m'est alors apparu que cette géométrie était, de façon irréfutable, celle du Nombre d'Or. GÉNIE Il règne autour de l'arithmologie sacrée et du "Nombre d'Or" un parfum d'occultisme qui ne se justifie plus. Il est du devoir de l'historien d'examiner sans idée préconçue, sans tabou, tout ce qui peut éclairer l'Histoire.
L'époque médiévale, truculente ou spiritualiste, est celle des cathédrales romanes et gothiques Pour bien comprendre les élans qui ont présidé à l'édification des monuments .parmi les plus prestigieux du monde, on ne
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peut faire l'économie d'une analyse pénétrante des motifs qui ont si hautement inspiré leurs bâtisseurs, Le génie de ces bâtisseurs ne saurait trouver son explication dans la seule résolution technique remarquable des données propres à la mise en oeuvre de la pierre. Il ne saurait non plus être réduit à des seules considérations d'ordre esthétique ni comme seul prolongement de la pensée scolastique. On ne peut davantage avancer le seul moteur de la Foi, en notant bien, d'ailleurs, qu'à l'époque gothique les maîtres d'oeuvre et les corporations de bâtisseurs étaient laïques.
Ce génie est une somme, bien sûr. L'édification des cathédrales s'inscrit dans l'Histoire comme la culmination la plus occidentale, à travers plusieurs civilisations, d'une continuité culturelle qui, prenant racine dans l'Antiquité égyptienne, perse, hébraïque, grecque et romaine, s'enrichit
dans son parcours d'une chrétienté rayonnante et inspiratrice. Mais, remontant au delà de cette Chrétienté le fil du concept architectural des bâtisseurs médiévaux nous mène à la source de la spiritualité de l'humanité naissante et à un dieu créateur plus encore qu'un dieu rédempteur.
Il faut donc regarder la cathédrale comme une extraordinaire floraison du sacré éternel, exhalant des parfums plusieurs fois millénaires,
DIEU EST NOMBRE La cathédrale est un temple. Comme tous les temples, c'est le lieu du dia-
logue entre les hommes et leur ou leurs dieux. Comment ce dialogue s'établit-il? Par l'intermédiaire du prêtre. Mais aussi par l'intermédiaire du temple lui-même, dans ses dispositions, rythmes et mesures. Pourquoi? Parce qu'établir le dialogue avec le ou les dieux c'est d'abord choisir les termes d'un langage qui leur soit compréhensible. Or ce langage n'est-il
pas ce par quoi ces dieux eux-mêmes se sont exprimés, c'est-à-dire la CREATION?
Ainsi, qu'est-ce que la recherche de Dieu si ce n'est l'effort de l'homme pour se mettre en harmonie avec la création? Qu'est-ce que bâtir le temple, la cathédrale si ce n'est inscrire dans l'es-
pace en un rapport conforme aux lois du cosmos (ordre du Monde, Socrate; du tout à la partie et de la partie au tout, un lieu destiné à Dieu et à qui, de la sorte, il se trouve totalement et exactement consacré?
"Nous Pouvons croire que les dieux ont plaisir à voir briller dans le monde ce qui ressemble le plus à leur propre nature", écrira Nicomaque de Gérase au i siècle. Mais plus que cette citation, il est important de
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rappeler ici l'inscription portée au fronton, d'un temple de Kéops: "Ce temple est comme le ciel dans toutes ses proportions". De façon plus précise, et aussi loin que remonte l'Histoire, les hommes vont tenter de mettre en équation l'immense diversité d'un univers qui se révèle aussi à eux dans son incontestable et première unité. Ils découvriront (ou établiront) alors que la Création est régie par une loi incontournable, celle du NOMBRE, et de sa manifestation formelle, la GÉOMÉTRIE.
Qu'il s'agisse des rythmes et révolutions des astres comme des lois de croissance et d'épanouissement du monde végétal ou de la formation des cristaux, ou qu'il s'agisse de la verticale rectiligne du fil à plomb ou des ondes circulaires parfaites d'un plan d'eau troublé par la chute d'un corps, la géométrie, le nombre et leurs rythmes semblent constituer l'essence même de l'ordre naturel. Ainsi Pythagore établira-t-il les données de la gamme musicale à partir de la moyenne arithmétique entre deux longueurs comme il le fera pour le nombre d'or en prenant leur moyenne harmonique, découvrant que les secrets des combinaisons vibratoires primordiales de l'univers ainsi que les lois qui commandent à la croissance et la symétrie des végétaux tenaient à la combinaison des quatre premier nombres entiers. Il fondera au vie siècle avant JC une école philosophique qui durera mille
ans et développera une théorie d'organisation du Monde à partir du Nombre, dont certains de ses disciples énoncent ainsi les principes Nicomaque de Gérase: (i siècle) "Le chaos primitif, manquant d'ordre et de forme et de tout ce qui différencie suivant les catégories de la qualité de la quantité... fut organisé et ordonné d'après le nombre". Philolaos (vIe siècle avant J.- C.): "Toute chose possède un nombre et nous ne pouvons rien entendre ni connaître en dehors de celui-ci".
Nicornaque de Gérase: "Tout ce que la nature a arrangé systématiquement dans l'univers paraît dans ses parties comme dans l'ensemble avoir été déterminé et mis en accord avec le Nombre par la prévoyance et la pensée de celui qui créa toute chose. Car le modèle était fixé, comme une esquisse préliminaire, par la domination du Nombre préexistant dans l'esprit du dieu créateur
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I du monde. Nombre idée purement immatériel dans tout rapport, mais en même temps la vraie et l'éternelle essence, de sorte que d'accord avec le Nombre, comme d'après un plan artistique, furent créées toutes ces choses, et le temps, et le mouvement, les cieux, les astres et tous les cycles de toutes choses.
Platon (424 347 av. J.C.) "Dieu est géomètre". "Le nombre communique sa nature à toute chose".
"Et lorsque tout eut commencé de s'ordonner, tous ces éléments ont reçu de Dieu leur figure par l'action des idées et des nombres" (Timée). Et au fronton de son académie: "Nul n'entre ici s'il n'est géomètre".
Jusqu'à Socrate qui, dans Gorgias, s'adresse à Calliclès en ces termes: "Certains sages, Calliclès, disent que le Ciel, la Terre, les dieux et les hommes forment ensemble une communauté, qu'ils sont liés par l'ami-
tié, l'amour de l'ordre, le respect de la tempérance et le sens de la Justice.
C'est pourquoi le tout du monde, ces sages, mon camarade, l'appellent KOSMOS, ou ordre du monde et non pas désordre ou dérèglement. Mais toi, tu as beau être savant, tu ne sembles pas faire attention à ce genre de choses. Au contraire, tu n'as pas vu que l'égalité géométrique est toute puissante chez les dieux comme chez les hommes. En fait, tu ne fais pas attention à la GEOMETRIE".
Ainsi l'architecture sacrée, temples ou tombeaux, devra-t-elle être l'expression du cosmos et en intégrer les lois.
En 2800 avant J. C, à Saqqara, en Egypte, la pyramide de DJEZER nous offre déjà, dans les rythmes de son enceinte à redans, de lire l'année solaire vraie de 365 jours et un quart, et l'année lunaire exceptionnelle de 384 jours (six mois lunaires de 29 jours, plus six mois lunaires de 30 jours, plus un mois de 30 jours) qui venait s'intercaler toutes les trois années lunaires longues (354 jours) pour vérifier l'année solaire vraie. (Jean Rousseau, Mastabas et Pyramides d'Egypte, éditions l'Harmattan).
On sait encore la précision avec laquelle la pyramide de Kéops est orientée et les indications nombreuses qu'elle recèle dans ses dispositions et ses mesures angulaires de détail, en matière d'astronomie, ou mesures linéaires en matière d'arithmétique et de géométrie.
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I
Dans sa théorie sur la 'Géographie Sacrée du Monde Grec" (Editions Daniel), Jean Richer démontre que les temples de la Grèce antique ont été implantés et orientés de façon concertée les uns par rapport aux autres selon une relation étroite aux douze secteurs d'un zodiaque centré tour à tour sur les trois sites sacrés de Delphes, Delos et Sardes. Nos églises romanes, et par conséquent nos cathédrales, élevées pour la plupart sur l'emplacement des basiliques romanes qui les ont précédées, ont de même été implantées et mesurées dans un rapport étroit avec la direction du soleil levant et la longueur de l'ombre de la canne au soleil de midi, au jour de la dédicace. Double consécration, donc, au Saint Patron, ou à la Sainte Patronne, et à l'ordre cosmique. La cathédrale de Strasbourg porte, sur les axes et centres majeurs de sa façade occidentale les indications rigoureuses des solstices d'hiver, d'été, des équinoxes, et de l'inclinaison de l'équateur sur l'écliptique, à quoi s'ajoute une symbolique liée à ces repères solaires.
CERTITUDE ET SUBJECTIVITÉ Bien que n'étant pas historien, je me suis efforcé dans ma recherche de me situer au strict plan historique en ne construisant mes démonstrations que sur ce qui était vérifiable soit par la mesure, soit par l'observation de l'architecture et de la statuaire, soit par référence à des études existantes et dignes de foi. On objectera que ce pari est impossible dès lors que je me permets une interprétation de la géométrie comme langage symbolique. Je répondrai que la symbolique géométrique et arithmologique existant, elle constitue
en soi une donnée historique et ne peut de ce fait être ignorée. Son essence diffère, quoiqu'avec des constantes surprenantes, d'une civilisation à une autre; l'étude de ces différences est encore devoir d'historien. Mais il est vrai qu'en proposant une lecture des combinaisons géométriques, d'objective mon attitude devient subjective. Dès lors, j'accepte évidemment toute interprétation qui diffère de la mienne pourvu que ce soit avec pertinence. Mon étude m'a amené, en revanche, à mettre en évidence, sur les quatre façades étudiées, Amiens, Reims, Rouen et Strasbourg, une géométrie du Nombre d'or irréfutable, confirmée par une arithmologie qui vient en souligner les axes forts des nombres sacrés les plus éminents. Concernant les autres figures emblématiques de la géométrie: triangle équilatéral, sceau de Salomon, étoile à 7, 8, 9 branches, je n'ai jamais rien trouvé de probant sinon très ponctuellement. Il n'est pas possible, par conséquent d'en tirer une règle quelconque.
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Un argument m'a souvent été rapporté, auquel je réponds ici étant donné l'enjeu de l'hypothèse qu'il véhicule: non, telle architecture ne peut pas être réglée a posteriori par n'importe quelle figure de géométrie. C'est absurde au plan historique et c'est faux au plan logique. C'est absurde au plan historique car si toute géométrie est possible, cela revient à dire qu'il n'y en a aucune ou, en d'autres termes, que la géométrie n'a jamais réglé les architectures monumentales, et en particulier sacrées. Plus simplement, c'est nier la géométrie comme outil indispensable au tracé architectural. C'est nier l'existence de la règle, du compas et de l'équerre. C'est oublier par ailleurs que dès l'époque romane la géométrie comptait au rang des sept sciences majeures regroupées selon le "trivium", discipline de la parole, c'est-à-dire la grammaire, la dialectique
et la rhétorique, et le "quadrivium", disciple du nombre, regroupant l'arithmétique, la géométrie, l'astronomie et la musique.
Si l'on accepte néanmoins le principe et l'existence des tracés régulateurs, alors l'argument est faux au plan logique, car c'est accepter d'un côté la rigueur, et de l'autre l'approximation: rigueur d'exécution, précision dimensionnelle surprenante des temples d'Egypte ou de Grèce, exécutés à joints vifs et rectifiés au millimètre, comme le Parthénon, pour la correction optique des effets de perspective. Incroyable perfection des rosaces et des verrières flamboyantes. Equilibre savant des voûtes gothiques approximation de la pensée dans le recours à un tracé qui accepterait pêle-mêle les systèmes en V (triangle équilatéral), en V 2 (diagonale du carré) et V 5 (nombre d'or). Ou approximation dimensionnelle de la construction, rendue nécessaire à l'intégration de ces différents systèmes mathématiquement incompatibles entre eux. Ou enfin approximation du chercheur lui-même... Non, la distribution savante et harmonieuse des éléments d'architecture qui commande à la stabilité d'une cathédrale comme à sa beauté ne tolère pas n'importe quelle géométrie. La précision dans la concordance des schémas avec l'architecture qu'ils règlent est en moyenne de 1/1000è à 1/2000è, soit 1 cm pour 10 à 20 mètres. Si l'on se contente d'une pré-
cision de l'ordre du 1/100è ou du 1/200è ou qu'on ne respecte pas la hiérarchie des modénatures, on peut alors effectivement installer n'importe quelle géométrie, et par conséquent lui faire dire, en termes symboliques, ce que l'on veut.
C'est cette symbolique géométrique elle-même dont je vous propose maintenant un exemple de lecture sur la façade de la cathédrale de ROUEN.
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Cette façade, comme l'édifice entier et comme, sans doute, toutes les cathédrales gothiques, est réglée par la géométrie de Nombre d'Or dont on trouvera ci-après la définition géométrique et les aspects symboliques principaux.
ALEPH, 1, BETH, 2 ET LE NOMBRE D'OR Le NOMBRE D'OR, plus exactement la section dorée (sectio aurea) résulte du partage d'une longueur donnée en "moyenne et extrême raison", suivant deux segments a et b tels que: = b
b
a+h
Équation dont les deux racines sont
= I6i8
i/p = O6l8 Au plan géométrique la section dorée AO/OB s'obtient, entre autre, construction, en rabattant sur la diagonale AD d'un rectangle 1 sur 2, le, côté DC, en BD, puis en rabattant AB' en AB.
CD=1 AC
2
AB'=I5 I
-* A
B
J
AB/AC =
AD=5 L= L618
Le rectangle d'or ABCD s'obtient par rabattement de la diagonale du demi carré initial EBCF L
D(/(B= I +% 1618 AEFD est lui-même d'or:
AF=AB EB=I+
AD/AE = 2/1236
2=1236
1,618
Au plan symbolique on notera cette concordance intéressante que la section dorée résulte de la figure géométrique de Dieu en son temple!
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En effet, comme l'ont montré Georges Jouven, Matila Ghyka et d'autres,
le rapport 1 à 2 règle avec une constance surprenante les dimensions majeures des sanctuaires (ou leurs parties les plus sacrées) tant chez les Egyptiens, les Grecs, que pour nos édifices chrétiens, les cathédrales y comprises. Suivant la conception qui était déjà, dans l'Antiquité, celle d'une création universelle régie par l'idée du nombre, 1 et 2 représentaient, pour le premier, l'essence primordiale, l'unité divine, le principe masculin créateur, le Logos, le Verbe, et pour le second l'origine de la manifestation, la dyade, le dédoublement procréateur, le principe féminin. Dans les systèmes d'écriture issus des Sumériens, et particulièrement les alphabets de l'Antiquité: phénicien, grec, araméen, hébraïque, les lettres auront valeur de nombre et de symbole. Ainsi l'alpha, l'aleph, le Beta ou le Beth signifieront respectivement 1 et 2 mais aussi Taureau,
force, énergie (Aleph, 1) et maison, temple, matrice (Beth, 2, dont l'idéogramme est un rectangle horizontal, ouvert en bas, c'est-à-dire représentant une maison, avec son entrée). Ce rapport 1 à 2 devint, par extension, le rapport du Ciel à la Terre, de Dieu à son temple.
Géométriquement, donc, Dieu, nombre 1, étant la totalité point + cercle, son temple le double carré (la maison, le beth, nombre 2), Dieu en son temple sera figuré par le cercle centré dans le double
carré. La dimension sacrée du temple abritant son dieu sera la diagonale que le cercle coupe en segments en rapport d'or avec le diamètre du cercle.
Le rapport dimensionnel de Dieu à la diagonale, mesure sacrée du temple, est donc le rapport d'or.
Ce rapport trouve par ailleurs sa représentation la plus éclatante dans l'étoile à cinq branches et le triangle sublime qui en est la figure constitutive de base.
Ce triangle sublime, obtenu par rabattement des côtés verticaux du rectangle d'or sur son axe, a ceci de particulier que ses angles à la base mesurent le double (72°) de son angle au sommet (36°). 70
Et l'on retrouve ainsi à nouveau le rapport 1 à 2 du Ciel à la Terre, de Dieu à son temple, du monde divin au monde humain, de la spiritualité à la matérialité. Si, raisonnant dans le plan vertical, on observe que les deux angles de valeur 2, soit angle B et angle C, reposent au sol et représentent ainsi par analogie, la Terre, elle même de valeur 2, alors que l'angle au sommet de valeur 1, occupe la position du ciel, lui même de valeur arithmologique 1, on saisira toute l'importance qu'ont donné à ce triangle, au demeurant très élégant, les constructeurs de cathédrales. Quant au pentagramme étoilé, cette figure est incontestablement belle. Au delà de ses qualités graphiques, elle est le symbole de "l'homme réalisé" en tant que manifestation du premier nombre pair, 2, symbole de la féminité, de la fécondité (nombre de la Terre Mère), allié au premier nombre impair après "Dieu, 1 " c'est-à-dire 3, symbole de la masculinité. Mais aussi par sa silhouette, dont les branches hautes sont les bras, largement ouverts, les branches basses les jambes écartées, en position stable, et la branche centrale la tête, le triangle de l'esprit. Enfin, 5 représente le microcosme, la vie sur terre, dont l'homme est le représentant privilégié, il est également symbole de perfection.
Il était donc primordial que l'étoile à cinq branches, autrefois signe de reconnaissance des pythagoriciens fût intégrée comme symbole dans l'architecture chrétienne où elle représentera notamment le Christ luimême, par addition de l'idée de l'Homme, à celle de perfection, d'harmonie.
ROUEN
En conclusion de l'ensemble des enchaînements géométriques qui règlent la façade de la cathédrale de Rouen, on découvre deux séquences particulièrement remarquables.
La première nous montre que le triangle sublime dont la largeur au sol est donnée par la distance entre axes des portails latéraux, désigne le
sommet de la nef dont l'arc en ogive qui surmonte la rosace est la marque sur la façade. A ce triangle sublime vient se superposer une étoile dont le sommet n'est
autre que celui des quatre flèches marquées, à l'altitude précise de ce point, d'une bague, ou couronne symbolique, qui en indique, sans équivoque, le sommet géométrique exact, c'est-à-dire le prolongement de leurs faces. 71
Le calcul montre que ce sommet résulte, avec une précision du deux mil1ième (par rapport à la mesure de base donnée par la distance entre axes des portails latéraux), de la superposition de l'étoile par son centre inférieur, ou "sacrum", au triangle sublime initial sur les dimensions duquel elle est elle même construite.
Le triangle bas, inscrit dans la hauteur de la nef, vient désigner par ce geste la clef de voûte de l'harmonie intérieure, suprême conclusion de l'homme édifice, temple privilégié de Dieu.
Dès lors, l'élégante épure de l'ensemble se lit comme un précepte en syllabes géométriques, énoncé par séquences ascendantes pour réaffirmer sans doute le temple comme lieu d'initiation spirituelle (le triangle sublime reliant au sommet de la nef les seuils de l'accès à la cathédrale) et la spiritualité elle-même comme fondement du principe divin (le triangle sublime portant le Christ Etoile au plus haut de l'édifice).
La deuxième séquence nous montre que la largeur du portail central correspond rigoureusement à l'intersection avec le
sol des deux
droites qui joignent les extrémités des branches hautes et basses de notre étoile supérieure. Si l'on accepte la valeur symbolique de celle étoile, celle du Christ, ou de l'homme réalisé, telle que nous l'avons propo-
sée pour la séquence précédente, n'est-il pas
troublant de constater que le portail central, accès privilégié au temple, a pour mesure la
trace au soi des rayons marquant l'envergure même de ce Christ qui, tous bras ouverts, de làhaut, accueille le fidèle et l'appelle à entrer? 72
Gestuelle de la géométrie Appel à l'élévation spintuelle.
LMais ce portail central est aussi, traditionnellement, celui du Jugement Dernier. Représenté au
tympan de nos églises romane avec un art que aucune autre période, fût-ce même la période gothique, ne saura atteindre, cette
jamais
scène du Jugement ne nous montre-t-elle pas un
Christ solaire, Zénith du Ciel, bras ouverts, comme l'est ici, sur fond de ciel normand, l'étoile haute liée au portail par ces rayons mêmes que la peinture, la mosaïque ou la sculpture du Moyen Age font jaillir des mains et des pieds du Dieu fait homme et révélé "lumière de Dieu"?
Nous ne manquerons pas non plus de nous souvenir de la parole du Christ "Je suis la Porte". Enfin, et puisque le propre du symbole est d'au-
toriser plusieurs lectures nous pourrions in fine lui adjoindre, celle-ci (bien qu'anachronique si l'on s'en tient à une naissance de la FrancMaçonnerie au dix huitième siècle): il est de tradition qu'au terme de la perfection graduelle de lui-même qui l'a porté jusqu'aux responsabilités de Vénérable, celui-ci redevienne humblement couvreur.
AME GEOMETRIQUE Formulation matérielle et sensible des concepts nés d'une aspiration de notre esprit à résumer l'ordre du monde, la géométrie chaque fois s'impose, gestuelle, rituélique et symbolique, à l'instant d'ordonnancer le moindre de nos actes sacrés: le salut matinal, l'hôte qu'on accueille, comme la prière musulmane, la méditation bouddhiste, la messe chré-
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tienne, les rituels maçonniques, cérémonies modestes ou fastueuses auxquelles elle préside, relayant la parole et la pensée, réglant l'attitude et le geste par là même devenus sacrés, pour perpétuer traditions et messages de Sagesse des origines.
Réalisant dans la danse l'union de l'espace au mouvement qui est la vie et au temps qui en est la mesure, elle pouvait rejoindre l'idée de "Dieu" dans la culture antique, comme sont indissociables de la déité les danses sacrées ou rituelles des peuples d'Afrique, d'Amérique, d'Orient ou d'ailleurs, quels que soient leurs cultes, puisque le rythme est nombre.
La Géométrie, en d'autres termes, commande à ces instants privilégiés de sublimation de nous mêmes où gestes, perceptions, sentiments, raison, soudain résorbés en une seule et fondamentale unité, nous retrouvons notre identité au cosmos tel que posé par les grecs et nous entrons dans la Création même, renouant avec la force oubliée de ses pulsations et de ses lois. Ainsi naît notre rapport à l'Art, que nous en recevions les lumières, ou que nous en soyons le maître. Ainsi naît, l'Art lui-même. Ainsi, enfin, la Cathédrale est-elle sublimation géométrique.
Epanouissons notre géométrie intérieure.
Thierry de CHAMPRIS
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