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Introduction
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Des influences traditionnelles et patrimoniales sur les architectures du Maghreb contemporain
[« Architectures au Maghreb (XIXe-XXe siècles) », Myriam Bacha (dir.)] [ISBN 978-2-86906-260-3 Presses universitaires François-Rabelais, 2011, www.pur-editions.fr]
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Cet ouvrage collectif est né du constat qu’au Maghreb, un large courant de l’architecture contemporaine a été conçu par des maîtres-d’œuvre1 à partir de modèles de l’architecture traditionnelle et du patrimoine local. Si l’ensemble de la production architecturale des XIXe et XXe siècles ne fait toutefois pas systématiquement référence au passé maghrébin, le phénomène qui voit des maîtres-d’œuvre engager une réflexion sur le patrimoine des pays, des régions, des villes, dans lesquels ils interviennent, est resté une constante pendant près d’un siècle : il semble connaître ses premières manifestations en Algérie dès les années 1870-1880, notamment dans la production de l’architecte Benjamin Bucknall (J.-J. Jordi, J.-L. Planche, 101-107) et il est encore d’actualité aujourd’hui au Maghreb, où les revues d’architecture (Vies de Villes en Algérie, Architecture du Maroc ou encore Archibat en Tunisie) présentent des maîtres-d’œuvre qui revendiquent s’inspirer de leur patrimoine « national » pour créer une architecture « typiquement » algérienne, marocaine ou tunisienne. Comment comprendre cette posture qui consiste à introduire dans la production bâtie tel ou tel référent traditionnel ou patrimonial ? Cette appropriation s’apparenterait-elle à une revendication identitaire, à l’affirmation d’une idéologie ou serait-elle, plus simplement, le reflet de débats architecturaux visant à produire une architecture adaptée aux attentes et aux modes de vie des usagers ? Ce phénomène, qui se développe dans des contextes politiques, sociaux et culturels bien différents en fonction des époques et des géographies, ne semble pas, a priori, répondre aux mêmes finalités quand il a lieu dans un contexte colonial ou postcolonial. Peut-on lire ce processus de la même façon quand il concerne une société européenne coloniale, qui s’inspire de la culture locale du Maghreb, et quand il touche une société maghrébine contemporaine présidant à sa destinée politique, depuis qu’elle a accédé à son indépendance ? 1 Dans cet ouvrage, nous emploierons l’expression maître-d’œuvre, dans le sens où il est communément utilisé dans le milieu de l’architecture et dont Jean-Marie Pérouse de Montclos donne la définition dans son Architecture : vocabulaire (1989, 21) : « Celui qui conçoit et dirige la construction d’un édifice. Le maître-d’œuvre n’est pas toujours un homme de l’art : l’entrepreneur, par exemple, est quelquefois maître-d’œuvre ».
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[« Architectures au Maghreb (XIXe-XXe siècles) », Myriam Bacha (dir.)] [ISBN 978-2-86906-260-3 Presses universitaires François-Rabelais, 2011, www.pur-editions.fr]
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Après avoir évoqué cette problématique du point de vue historiographique, nous reviendrons dans une première partie sur la pratique qui consiste à s’inspirer de la tradition et du patrimoine dans la production architecturale, en montrant tout d’abord comment elle est, au même titre que le concept de patrimoine, importée par les sociétés coloniales au Maghreb. Cette partie débutera par une mise au point portant sur les phénomènes de patrimonialisation qui ont touché les différents pays du Maghreb ; puis nous analyserons les conditions de genèse et de développement d’une architecture pensée à partir de modèles traditionnels et patrimoniaux, en étudiant les logiques des acteurs qui recyclent le passé matériel dans un dessein politico-idéologique. Dans une deuxième partie, seront évoquées les modalités selon lesquelles, dans le cadre de l’entretien et de la réhabilitation des centres anciens protégés, maîtres-d’œuvre et maîtres-d’ouvrage, influencés par des contraintes touristiques et économiques, recréent et inventent une architecture en puisant dans un répertoire patrimonial imaginé. Enfin, dans la dernière partie de cet ouvrage, nous reviendrons sur une problématique qui fait depuis longtemps débat dans le milieu des praticiens de l’architecture et qui a rejailli sur celui de la recherche : nous nous demanderons si le fait de s’inspirer de l’ancien est une pratique qui a autorisé l’innovation, si la créativité des maîtres-d’œuvre en a été stimulée ou si, au contraire, leur inventivité s’en est trouvée bridée. L’analyse des trajectoires professionnelles de plusieurs architectes permettra d’aborder les différentes solutions constructives et décoratives expérimentées par les maîtres-d’œuvre ayant engagé une réflexion sur le renouvellement de l’architecture par le patrimoine. Dans cet ouvrage, notre objectif est d’éviter de tomber dans l’écueil dépeint par Edward Saïd dans son ouvrage Orientalism (1978) qui révèle que le savoir orientaliste participe de l’appareil idéologique de domination politique. Notre dessein vise à sortir de sa vision simplificatrice et partisane, (P.-R. Baduel, 2005, 190) en étudiant comment les sociétés maghrébines ont développé leurs propres pratiques constructives. En décryptant les tensions ou les complicités qui pouvaient opposer ou réunir les différents acteurs politiques, sociaux et artistiques de ces pays, nous essaierons de comprendre quel sens donnent les différentes sociétés actives au Maghreb aux XIXe et XXe siècles à la pratique qui consiste à faire référence à la tradition et au patrimoine. Cet ouvrage ambitionne ainsi de saisir les mécanismes selon lesquels plusieurs courants de l’architecture du Maghreb se sont constitués en s’appuyant sur des objets traditionnels et patrimoniaux porteurs de différents discours, de différentes mémoires. Ainsi, loin de concerner l’ensemble des architectures du Maghreb, cet ouvrage se focalise donc sur la production porteuse de référents traditionnels et patrimoniaux, tant pendant la période coloniale que postcoloniale2.
Perspectives historiographiques de la problématique Au Maghreb, les architectures élevées à l’époque coloniale par des maîtres-d’œuvre européens, pour beaucoup d’esthétique européenne, ont longtemps été considérées comme des produits d’importation. Tout un courant de l’architecture communément caractérisée de « coloniale » a, jusqu’aux années 1970-1980, été considérée par les chercheurs 2 Cette publication présente le résultat de travaux menés par une équipe de chercheurs maghrébins et européens réunis dans le cadre d’un programme initié par l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC) de Tunis, centre sous tutelle du ministère des Affaires étrangères et européennes et du CNRS (USR 3077).
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comme décontextualisée et intégrant de façon anecdotique des éléments faisant référence à la culture locale. Pourtant, les recherches entreprises depuis cette période, en resserrant la focale sur plusieurs villes du Maghreb et du Moyen-Orient (M. Culot et J.-M. Thiveaud, 1992 ; J.-L. Cohen, M. Eleb, 1998), ont proposé de nouvelles grilles d’analyse et de lecture de ces productions. Ces travaux ont révélé que l’architecture et l’urbanisme maghrébins des XIXe et XXe siècles ne pouvaient plus être envisagés uniquement sous le seul angle de rapports unilatéraux entre « colonisateur » et « colonisé », ni sous celui « des transferts de la métropole à la colonie (M. Volait, 2005b, 116) et que « les interactions entre les propositions de ces hommes et les réalités locales » constituent des outils d’analyse efficaces (C. Bruant, S. Leprun, M. Volait, 1996, 11). Ces travaux ont permis de réévaluer la part des savoir-faire locaux hérités et celle des modèles exogènes de cette production. Si la plupart des différents courants architecturaux qui ont vu le jour en Europe à l’époque coloniale se sont également développés au Maghreb (l’Art nouveau, l’Art déco, le modernisme), les spécimens nord-africains sont donc néanmoins porteurs de spécificités locales témoignant de l’histoire, de la formation et de l’expérience de leurs maîtres-d’œuvre. Toutefois, une autre partie de la production architecturale de l’époque coloniale, que l’on pourrait qualifier d’orientaliste, de régionaliste ou de méditerranéenne, s’est aussi référée à l’architecture maghrébine locale en intégrant des éléments constructifs ou décoratifs inspirés des différents courants architecturaux antérieurs à l’ère coloniale. Le développement de courants architecturaux, nés de l’observation et de l’intégration d’éléments constructifs et décoratifs du patrimoine local, est loin d’être un phénomène propre au Maghreb. Si cette pratique a été bien étudiée pour l’Europe où, depuis la Renaissance, et notamment au XIXe siècle, l’histoire de l’architecture s’est construite à partir d’une relecture de l’architecture et du patrimoine de l’Antiquité grecque, romaine, voire de l’époque médiévale (R. Middleton, D. Watkin, 2003), au Maghreb, la question a été abordée de façon dispersée, et jamais de façon diachronique. Hormis quelques exceptions, la recherche, qui a jusqu’à présent quasiment uniquement porté sur la période coloniale, a rarement abordé la question de la place du patrimoine dans l’architecture au sein des sociétés maghrébines indépendantes (K. Mechta, 1991). Les causes du développement d’une architecture s’inspirant du patrimoine ont connu un début de clarification pour l’époque coloniale mais l’on ignore comment cette pratique a été développée dans les sociétés maghrébines tant avant qu’après leur indépendance. L’historiographie, portant donc essentiellement sur l’époque coloniale, montre qu’à cette période le recours à un vocabulaire inspiré du patrimoine local s’apparente à un geste politique de domination comme le démontre l’ouvrage intitulé Arabisances de F. Béguin (1983), qui a largement participé à véhiculer ce paradigme. Plus largement, des travaux plus récents, notamment ceux de Zeynep Celik, ont eu tendance à développer des théories essentialistes sur l’ensemble de l’architecture et de l’urbanisme de production coloniale et à montrer comment, en Algérie, les formes architecturales et urbaines témoignent de la politique ségrégationniste coloniale (1997 ; 2009). Toutefois, d’autres travaux ont relativisé l’analyse de l’architecture par le politique en explorant d’autres causalités : ils ont mis en valeur de nouvelles approches et une nouvelle grille de lecture qui, appliquées à notre problématique, seraient susceptibles de remettre en question ce paradigme. Ils ont révélé que la recherche gagnerait à éviter d’aborder l’architecture et l’urbanisme coloniaux uniquement par le biais des grandes commandes officielles émanant des autorités politiques, coloniales, militaires voire civiles, en resserrant plutôt la focale sur les initiatives individuelles (H. Vacher, 2006, 7-26) ;
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ces récentes recherches nous incitent à ne pas analyser les modèles selon un système d’imposition de la métropole à la colonie mais dans le contexte plus large de la circulation transnationale maghrébine et méditerranéenne (J.-B. Minnaert, 2005 ; 2006) et à bien connaître la société locale précoloniale, celle de la métropole colonisatrice et, celle de la société coloniale elle-même, selon les termes de Jean-Louis Cohen (2005, 325) citant Antony King (2000).
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Une pratique importée
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La notion de patrimoine, dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui, est un objet de fabrication occidentale importé au Maghreb par les sociétés coloniales, qui diffère de la notion arabe de patrimoine sur laquelle elle prévaut désormais dans le monde arabe. Le terme patrimoine, dont la traduction arabe est « turâth », définit un héritage qui « présente un aspect beaucoup plus abstrait que concret, fondé sur l’essence des objets, les savoirs, les modes et les rythmes de vie » (N. Oulebsir, 2004, 14). D’après André Chastel qui définit la notion occidentale, « le terme romain de patrimonium concerne une légitimité familiale qu’entretient l’héritage » (1997, 1433) et se limite, dans sa définition première, à un bien d’héritage qui se transmet des pères et des mères aux enfants. « Il n’évoque pas a priori le trésor ou le chef-d’œuvre » (D. Poulot, 2006b, 7). Pourtant, la notion s’élargit jusqu’à concerner, au XIXe siècle, les monuments et monuments historiques (F. Choay, 2009, IV-V). Quand, dans les premiers temps de la colonisation, cette notion est introduite en Algérie par la communauté de colons, elle ne concerne au début que les vestiges de l’Antiquité majoritairement romaine. Cette notion se développe avec les premières tentatives d’inventaire des vestiges antiques, entreprises par les architectes français (N. Oulebsir, 2004, 14). En Tunisie, si elle est antérieure au protectorat, cette notion est également le fait de la communauté d’Européens installée sur le territoire puis, après l’établissement du protectorat, des autorités françaises de Tunisie qui ne patrimonialisent que les ruines de l’Antiquité (M. Bacha, 2005). C’est dans le dernier tiers du XIXe siècle qu’en Algérie, sous la houlette d’associations de particuliers, d’érudits et de savants européens, les premiers monuments de l’ère islamique seront élevés au rang de patrimoine par l’administration. En Tunisie, même si les temporalités sont assez proches, le phénomène est cependant plus tardif : il faut attendre le début du XXe siècle pour que soient protégés les premiers monuments islamiques, pour la plupart des mosquées. Comme si les expériences algériennes et tunisiennes en matière de préservation patrimoniale ont guidé les initiatives prises au Maroc, dès le début de la colonisation, vestiges antiques et monuments islamiques marocains sont immédiatement intégrés dans le champ patrimonial par les autorités françaises. Au Maghreb, la patrimonialisation de l’architecture, dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui, résulte donc en grande partie du regard porté par les savants européens à la culture maghrébine, celle du colonisé. La construction du patrimoine maghrébin engagée par les Français témoigne ainsi d’un phénomène de mise à distance, propre à tout processus de patrimonialisation, que décrit Françoise Choay. Celle-ci analyse la naissance de la notion de monument historique en Europe comme le fruit d’une évolution du regard porté par les humanistes aux témoins de l’Antiquité (F. Choay, 1992, 26-50). Cependant, cette mise à distance et le nouveau regard porté à la culture matérielle locale ne suffisent pas à expliquer la patrimonialisation des monuments du Maghreb. Tout comme en France, au Maghreb, les dégradations et les atteintes portées aux monuments participent du processus de patrimonialisation : le patrimoine se constitue dans des circonstances dramatiques (P. Nora, 1997).
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En France, en réaction aux importantes destructions engendrées pendant la période révolutionnaire, la société organise progressivement la protection des monuments du passé (D. Poulot, 1997). En Algérie, le processus de patrimonialisation fonctionne selon des modalités équivalentes : le traumatisme entrainé par les destructions massives de la première période de la colonisation3, contribue fortement à la patrimonialisation de l’architecture et des villes islamiques. À la fin du XIXe siècle, en réaction à ces atteintes, une frange de l’intelligentsia coloniale, crée le Comité du Vieil Alger pour empêcher les destructions de la Casbah et pour inciter les autorités à penser la préservation des centres anciens, désormais considérés comme porteurs d’une mémoire collective (N. Oulebsir, 2004, 240-247). Les ensembles urbains algériens sont dès lors intégrés dans le champ patrimonial qui s’élargit ainsi progressivement. La médina n’est plus uniquement un objet de la communauté algérienne musulmane, mais elle est désormais reconnue comme un objet universel, cependant constitutif de la mémoire coloniale. En Algérie, en Tunisie, comme au Maroc, monuments et ensembles urbains de l’ère islamique forment dès les années 1910 le patrimoine dans lequel les maîtres-d’œuvre européens puisent pour concevoir leurs projets architecturaux. La pratique, qui consiste à s’inspirer du patrimoine local pour concevoir de nouvelles constructions, est en conséquence également importée par les sociétés coloniales. Elle se développe dans la communauté de colons quand l’architecture maghrébine du passé commence à faire l’objet d’études plus approfondies (F. Béguin et al., 1983, 14) : dès la seconde moitié du XIXe siècle, une série d’explorations, de missions et d’études menées par des savants français sur les témoins du passé algérien permettent de développer une connaissance plus fine de la culture locale (N. Oulebsir, 2003 et 2004) et de transformer le statut des objets de l’ère islamique, auparavant vilipendés4, en monuments dignes d’intérêt. Ces études influencent indubitablement les maîtres-d’œuvre européens qui, dès lors, commencent à s’inspirer du patrimoine islamique dans leur propre production et participent à la naissance du mouvement orientaliste du tournant du siècle (N. Oulebsir, 1998b ; 2003, 2004). Si les maîtres-d’œuvre des sociétés locales utilisent des principes architectoniques et décoratifs ancestraux et continuent de produire les formes de leur propre architecture, c’est davantage parce qu’ils perpétuent leurs savoir-faire, selon la tradition constructive dont ils ont héritée. Le rapport aux monuments du passé des maîtres-d’œuvre locaux ne relève pas de la même approche que celle des maîtres-d’œuvre coloniaux. Si la pratique architecturale des architectes et des maâlmin-s maghrébins du XIXe siècle, et notamment
3 Au cours des premières décennies de la colonisation, les médinas algériennes, et notamment celle d’Alger, ont subi d’importantes destructions et ont été amputées d’une grande partie de leur tissu et de leurs monuments, à l’initiative des Français qui, à leur place, y ont installé leur ville nouvelle (A. Picard, 1996 ; J.-J. Deluz, 1988). 4 Pendant les premiers temps de la période coloniale, l’architecture et l’urbanisme maghrébins sont vus par les Européens comme inconsistants, ineptes et ils sont complètement dénigrés jusqu’aux années 1870 environ. À cela, plusieurs raisons, qu’il ne nous appartient pas de détailler ici, mais l’une d’elles tient au fait qu’ils étaient sous-étudiés. L’origine de ce déni est peut-être également à rechercher dans la formation des architectes officiant en Algérie, comme le suggère Marie-Laure Crosnier-Leconte (2009) : formés à l’École des Beaux-arts à Paris, la plupart des architectes n’échappent pas aux conceptions condescendantes des programmes d’enseignement et notamment à celui du concours de Rome. À titre d’exemple, pour cette fameuse épreuve, en 1860, on leur prescrit de concevoir un édifice officiel en Algérie en s’inspirant de la Grèce et de Rome plutôt que « d’imiter l’architecture incomplète des nations peu civilisées ».
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[« Architectures au Maghreb (XIXe-XXe siècles) », Myriam Bacha (dir.)] [ISBN 978-2-86906-260-3 Presses universitaires François-Rabelais, 2011, www.pur-editions.fr]
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pendant la période coloniale, n’est quasiment pas étudiée pour le Maghreb, le témoignage que donne l’architecte français Henri Saladin (1851-1923) sur la carrière d’un collègue tunisien prénommé Sliman Ennigro, nous fournit quelques minces éléments de réponse sur la perpétuation de motifs ancestraux par les maîtres-d’œuvre maghrébins. Ayant hérité sa charge d’architecte de ses ancêtres, Sliman Ennigro exerce sa profession dans la Tunisie coloniale au sein de la société tunisienne « indigène ». Surtout connu comme l’auteur, avec son collègue Tahar Ben Saber, de l’actuel minaret de la Grande Mosquée de Tunis, la Zitouna, Sliman Ennigro reconnaît que la pratique de nombre d’architectes tunisiens consiste à reproduire de façon mécanique les modèles anciens enseignés de façon traditionnelle (H. Saladin, 1902, 401). Alors que peu de témoignages similaires nous sont parvenus concernant le Maghreb, quelques exemples issus d’autres espaces géographiques, et plus précisément d’Égypte, nous éclairent sur le rapport au patrimoine des architectes égyptiens et sur leur utilisation des motifs traditionnels. Saber Sabri (?-1915), mathématicien et architecte vraisemblablement formé en Égypte, un temps sous-directeur de l’École polytechnique et architecte en chef de la direction générale des Waqf-s, dispose d’une profonde culture constructive arabe. Membre résident du Comité de conservation des monuments de l’Art arabe, Saber Sabri offre l’exemple d’un architecte égyptien investi dans la sauvegarde des monuments islamiques égyptiens. Quand il conçoit la mosquée Oulad-Enane au Caire, sa principale œuvre inaugurée en 1896, il y perpétue les traditions constructives et décoratives anciennes du domaine religieux (M. Volait, 2005a, 75). La question de son positionnement vis-à-vis de son modèle d’inspiration reste cependant ouverte : a-t-il perpétué les formes anciennes par tradition ou, au contraire, a-t-il intégré ces éléments locaux parce qu’ils les considéraient comme du patrimoine, dans le sens de son acception occidentale ? Rien ne permet aujourd’hui de répondre à cette question. Toutefois, le cas de Saber Sabri permet de poser la question du rapport des maîtres-d’œuvre à la tradition et au patrimoine. La confrontation de la pratique des maâlmin-s maghrébins à celle des architectes européens révèle comment les premiers reproduisent les formes anciennes par tradition et comment les seconds puisent aux sources de ce qui est désormais du patrimoine. Pierre Nora offre quelques éléments d’explication pour envisager la différence qui oppose tradition et patrimoine. La tradition relèverait d’une (1997, 24) : mémoire intégrée, dictatoriale et inconsciente d’elle-même, organisatrice et toute puissante, spontanément actualisatrice, une mémoire sans passé qui reconduit éternellement l’héritage. […] La mémoire est la vie, toujours portée par des groupes vivants et, à ce titre, elle est en évolution permanente, ouverte à la dialectique du souvenir et de l’amnésie, inconsciente de ses déformations successives, vulnérable à toutes les utilisations et manipulations […].
Alors que le patrimoine est une construction cognitive engendrée par un déchirement, suite à une mise à distance de l’objet et de la mémoire, la tradition s’apparente à la perpétuation inconsciente d’habitudes, de gestes et de savoir-faire qui peuvent néanmoins subir une évolution, toujours inconsciente. Ce qui caractérise la construction de l’objet patrimoine, c’est la conscience d’une distance qui engage la reconstruction intellectuelle de la mémoire disparue, selon un tri et une analyse critique (P. Nora, 1997). Tradition et patrimoine sont donc des constructions évoluant selon des rythmes différents – plus lent pour la tradition –, mais subissant néanmoins des transformations selon des modalités différentes.
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Les attitudes des maâlmin-s qui reproduisent des motifs par tradition et des architectes qui s’inspirent du patrimoine témoignent donc de positionnements bien différents. Si la question des architectes européens s’inspirant du patrimoine est l’objet de recherches, notamment dans cet ouvrage, celle concernant la position des maâlmin-s vis-à-vis de l’utilisation des motifs traditionnels est à déplorer dans notre champ d’étude. Au Maghreb, aucun exemple d’architecte dont les positionnements se rapprochent de ceux de Saber Sabri, n’a vraisemblablement été révélé par la recherche.
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Fabrications politiques et identitaires Quels sont les enjeux qui sous-tendent la posture des maîtres-d’œuvre qui, au Maghreb, se réfèrent à ce patrimoine dans leur propre construction ? Dans ce contexte colonial, quelles sont les logiques sociales, culturelles voire idéologiques auxquelles obéissent ceux qui recyclent le passé matériel dans la production architecturale ? Puisque « le patrimoine contribue traditionnellement à la légitimité du pouvoir, qui participe souvent d’une mythologie des origines » (D. Poulot, 2006b, 6), le recours au patrimoine dans l’architecture ne s’apparenterait-il pas à une volonté de « s’inscrire dans une filiation, de revendiquer une transmission » (D. Poulot, 2006a, 15) ? Cette mémoire ne serait-elle pas mobilisée pour servir un dessein idéologique et politique, comme le suggèrent les travaux de François Hartog et de Jacques Revel (2001), ou ceux d’Ève Gran-Aymerich sur l’archéologie (1999 ; 2001). Le recours au vocabulaire du patrimoine islamique algérien dans l’architecture du début du XXe siècle a été analysé par Nabila Oulebsir (2003 ; 2004) comme représentatif d’une volonté d’affirmer l’identité politique de l’Algérie française. Les recommandations du gouverneur Charles Jonnart, qui exhorte les architectes français à puiser dans le répertoire décoratif et constructif algérien de l’époque islamique pour concevoir leurs projets architecturaux, sont en effet révélatrices du dessein idéologico-politique des autorités françaises qui construisent alors l’identité politique et culturelle de l’Algérie française en souhaitant la distinguer de celle de la métropole. François Dumasy confirme que, dans le cas de la Libye coloniale, l’utilisation de référents patrimoniaux dans l’architecture élevée par le colonisateur, revêt une dimension politique et idéologique et participe de l’affirmation de l’entreprise coloniale. Il analyse les desseins politiques du pouvoir italien en Libye notamment quand ce dernier met en valeur le passé romain de la région dans le but de « hisser l’Italie au rang de grande puissance et légitimer son expansion » (cf. infra). Finalement, quand les acteurs de la construction en Libye finissent par sélectionner des référents de l’architecture islamique locale, c’est toujours pour construire une architecture représentative de « l’essence de la nouvelle Italie » coloniale. Un deuxième texte sur la Libye, celui de Federico Cresti, analyse comment, à une période postérieure débutant dans les années 1930, les architectes ne rechignent plus à prendre en compte l’architecture islamique dans leur projet et comment ils puisent également dans leur répertoire architectural italien dans le but de donner à leur nouvelle architecture libyenne une origine méditerranéenne. La question des référents à utiliser pour construire cette architecture méditerranéenne est largement débattue par les différents acteurs professionnels italiens, le but étant de définir une architecture officielle qui témoigne des origines italiennes voire byzantines de l’architecture libyenne et légitime ainsi l’entreprise coloniale. Ces discussions se matérialisent dans la construction des villages agraires, et notamment dans ceux élevés par Pelligrini, qui synthétisent les valeurs méditerranéennes et les débats de cette époque.
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Les textes de F. Dumasy et de F. Cresti confirment, qu’en situation coloniale, la définition d’une architecture s’appuyant sur le patrimoine des populations soumises, ne doit pas nécessairement être vue comme un geste d’apaisement social, mais comme une entreprise d’affirmation de la politique du colonisateur.
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À l’image de la France, où la construction de la mémoire a fait l’objet depuis la Révolution d’une instrumentalisation au profit de la nation (J.-M. Leniaud, 2002, 148), au Maghreb, les maîtres-d’œuvre en terrain colonial ont sélectionné et manipulé une catégorie de la mémoire bâtie pour servir l’idéologie identitaire du régime. Cette « assimilation du passé qui est toujours une transformation, métamorphose des traces et des restes, recréation anachronique » (D. Poulot, 1998, 10) « participe à la construction d’une généalogie essentielle à la légitimité politique ». Cet usage du patrimoine ne caractérise pas seulement les acteurs politiques et les praticiens de l’époque coloniale mais également ceux du Maghreb postcolonial. Les sociétés maghrébines n’ont en effet pas échappé à ce phénomène une fois qu’elles ont accédé à leur indépendance politique. Avoir recours au répertoire décoratif et constructif du patrimoine local, souvent de l’ère islamique, est une pratique qui a été adoptée par les sociétés maghrébines dans un objectif identitaire d’affirmation de la nation. Si les sociétés des différents États maghrébins n’ont pas adopté cette posture immédiatement après leur indépendance – le modernisme architectural est resté dominant jusque dans les années 1970 –, le patrimoine pourrait avoir constitué « un instrument pour se différencier, une arme identitaire » (M. Gravari-Barbas, S. Guichard-Anguis, 2003a, 11), dans un contexte mondialisant, vécu par beaucoup comme l’écrasement des spécificités locales. Cette pratique participe ainsi des mécanismes élaborés par les autorités pour construire leur propre mythe de nation politiquement indépendante. Eric Hobsbawm et Terence Ranger ont montré que les mécanismes de manipulation de l’histoire, d’invention de mythes et de traditions entrepris pour légitimer une politique ou une idéologie, se sont surtout développés dans des sociétés ayant connu d’importants bouleversements politiques et sociaux, dans le but de garantir et d’exprimer l’identité et la cohésion sociale (2006, 280). Le paradigme qui lie patrimoine et identité constitue un élément d’analyse fondamental pour appréhender les motivations des acteurs qui réutilisent les référents locaux dans leur production architecturale. Un ouvrage dirigé par Jean-Yves Andrieux, portant sur les liens qui unissent identité nationale et architecture en Europe (2006) et qui analyse le recours à un art folklorique local pour la fabrication d’un « style » représentatif du sentiment national, ouvre quelques pistes de réflexion pour le cas maghrébin. Dans des États tels que la Hongrie ou la Roumanie (C. Paupescu, 2004), une architecture dite « nationale » est construite et inventée par les sociétés locales à partir d’un recueil de références inspiré des répertoires décoratifs et constructifs populaires locaux, afin de servir le récit mythifié de l’histoire de leur nation. Dans l’esprit des conclusions de Benedict Anderson (1996), l’architecture inventée à partir d’un répertoire patrimonial serait la matérialisation de la communauté politique imaginaire et imaginée qu’est la nation. Manipulation, mythification, stratégies de contournement et d’oubli semblent donc également caractériser l’entreprise d’utilisation du patrimoine local, quand celle-ci est menée par des sociétés libres de leur destinée politique et engagées dans une entreprise d’affirmation de la nation. La quête d’identité de ces sociétés se traduirait donc par la création de modèles architecturaux qui constitueraient l’un des expédients de l’invention d’une tradition et d’un mythe national représentatif de leurs imaginaires5.
5 D’autres chercheurs ont abordé l’invention des traditions en architecture dans le cadre d’une entreprise d’affirmation identitaire d’un groupe. Daniel Le Couédic (2003) a étudié la quête d’identité des
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Les conceptions postmodernistes semblent avoir trouvé un terrain d’éclosion propice dans les sociétés maghrébines dont les aspirations identitaires nationalistes ont été mises au premier plan de la construction nationale depuis les luttes d’indépendance. Il faut replacer la naissance de ce mouvement maghrébin dans le contexte plus global du développement de l’architecture postmoderne en Europe et aux États-Unis pour laquelle des écrits comme ceux de Robert Venturi, Denise Scott-Brown et Steve Izenour (1977), ont joué un rôle important (D. Ghirardo, 1996). Ceux-ci ont en effet élevé la ville existante en modèle à reproduire ou à imiter, rompant ainsi avec l’idéologie moderniste : dénonçant « l’architecture héroïque et originale », ces auteurs ont plaidé pour la prise en compte du contexte urbain dans le projet architectural, participant indirectement au développement des conceptions du mouvement postmoderne et du New Urbanism – mouvement qui réhabilite la syntaxe et la composition classiques vernaculaire en puisant dans la ville ses solutions formelles. Dans un article de portée générale, Jean-Baptiste Minnaert analyse d’ailleurs (cf. infra) les pratiques urbaines à l’échelle mondiale au cours de la période 1960-1970, dans laquelle certains auraient pu être tentés de voir la fin de l’idéal moderniste et l’avènement d’un idéal patrimonial. J.-B. Minnaert montre qu’il serait illusoire de considérer qu’à cette période le projet architectural n’aurait plus fonctionné selon les théories d’un mouvement moderne moribond et qu’il aurait à sa place préféré une attitude plus culturaliste. Modernisme et culturalisme ayant en effet coexisté dans l’histoire architecturale et urbaine contemporaine dès le XIXe siècle, il serait donc vain de considérer que l’idéal moderniste a été remplacé par l’idéal patrimonial dans les pratiques urbaines et constructives au tournant des années 1960-70 ; cette apparente succession linéaire serait en fait imputable à une modification du regard et des représentations culturelles de la société et de ses historiens. Mais qu’en est-il au Maghreb des inventions et des reconfigurations architecturales au service une idéologie nationale, dans le contexte de la postmodernité ? Tandis qu’au lendemain de leur indépendance les nations maghrébines privilégient le modernisme architectural, offrant ainsi l’image d’une nation inscrite dans la modernité6, à partir des années 1970, nombre de maîtres-d’œuvre maghrébins préfèrent s’inspirer du patrimoine islamique local dans leurs projets pour penser un autre genre d’architecture nationale. Ils conçoivent leurs architectures, et notamment certains bâtiments officiels, en reprenant des motifs décoratifs de l’architecture domestique voire palatiale des villes anciennes patrimonialisées – voir le projet du quartier Bab-Souika-Halfaouine (J. Abdelkafi, 1989, 179-223), le nouvel hôtel de ville de Tunis à la Casbah, construit par W. Ben Mahmoud, l’Institut des sciences islamiques d’Hussein Dey à Alger signé par Abderahmane Bouchama ou encore le nouveau siège du ministère des Affaires étrangères à Alger par Halim Faïdi. Pour ce qui est de l’architecture privée, Wafae Belarbi analyse comment l’objet « médina » est utilisé
populations bretonnes, du début du XIXe siècle à nos jours, qui s’est cristallisée dans l’invention d’un type d’« habitat breton », un modèle inventé de toutes pièces selon les imaginaires de ce groupe. 6 Le modernisme est resté d’actualité au Maghreb au lendemain des indépendances, d’une part, car ce courant était encore majoritairement dominant sur la scène architecturale internationale et, d’autre part, car les architectes officiant au Maghreb à cette période, qu’ils aient été Européens ou Maghrébins, étaient formés dans les institutions européennes et notamment à l’École des Beaux-arts de Paris. L’historienne de l’architecture Leïla Ammar (2005) suggère que la création de l’École des Beaux-arts de Tunis (fondée en 1967) et de l’Institut technologique d’art, d’architecture et d’urbanisme de Tunis (Itaaut) (fondé en 1973), qui ont formé les premières générations d’architectes tunisiens actifs à partir de la fin des années 1960, a renouvelé l’approche des maîtres-d’œuvre tunisiens et leur production bâtie.
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comme un modèle de référence dans la construction d’un quartier, à juste titre baptisé « Kasbah », de la ville nouvelle de Tamesna (périphérie de Rabat). Ce recours au modèle de la médina, érigé depuis le début du XXe siècle comme « le » type urbain représentatif de la civilisation arabe, témoigne de la volonté, quelque peu caricaturale des concepteurs, de produire une architecture « typiquement » marocaine, qui réponde aux usages sociaux des éventuels acquéreurs. La puissante société Alomrane, le maître-d’ouvrage du projet de la ville de Tamesna et de sa « Kasbah », a ainsi joué sur les idéaux et les représentations mythifiées des acheteurs marocains pour concevoir un ensemble urbain spécifiquement marocain. Pour fabriquer la « Kasbah » de Tamesna, les concepteurs ont sélectionné et manipulé certains éléments architectoniques et décoratifs représentatifs de l’architecture marocaine censés symboliser la médina arabe – le mur d’enceinte, le patio, les zelliges – qu’ils ont adaptés à des procédés constructifs actuels pour recréer une « médina moderne ». L’aspect commercial de cette utilisation patrimoniale est une donnée fondamentale du processus de création de la « Kasbah » de Tamesna. Le texte de W. Belarbi témoigne des positionnements mercantiles des professionnels actuels de la construction au Maghreb qui manient l’argument « patrimoine » et le mettent en scène en jouant sur les imaginaires collectifs de la société maghrébine pour créer un produit identitaire « vendeur ». Objet flou en perpétuelle invention (A. de Biase, Cristina Rossi, 2006, 14), l’identité sur laquelle jouent ces acteurs est construite à partir de référents maghrébins élaborés et diffusés depuis la période coloniale qui tendent aujourd’hui à devenir des poncifs.
Créations et inventions touristiques Le courant orientaliste, né de la sélection et de la manipulation de référents patrimoniaux, qui voit le jour au Maghreb à la fin du XIXe siècle, est certes issu d’une volonté d’affirmer l’identité du territoire mais il est également très lié au développement du tourisme, tout comme le courant régionaliste français de métropole. En effet, si la portée politique du régionalisme se limite à affirmer « que le respect des diversités régionales contribuerait à mieux souder la nation » (J.-C. Vigato, 1994, 20), ce courant architectural se développe en France sous l’impulsion du tourisme naissant. Le créateur de la Fédération régionaliste française, Jean Charles-Brun n’écrivait-il pas (Id., 59) : Sans tourisme, je ne prétends point que le régionalisme n’existerait pas ; je suis assuré, du moins, que le régionalisme français n’aurait pas eu cette rapide et merveilleuse extension.
Dominique Jarrassé revient sur les conditions de développement de l’orientalisme maghrébin dans l’architecture thermale du Maghreb colonial. Il montre que, dès le XIXe siècle, les acteurs privés de la société coloniale investis dans la promotion du thermalisme, conçoivent l’architecture de leurs centres en sélectionnant les éléments architectoniques et décoratifs de l’architecture traditionnelle locale, susceptibles de plaire et d’attirer les curistes européens, afin « d’accroître la séduction touristique ». La construction de cette architecture thermale en terrain colonial fonctionne selon un mode opératoire proche de celui du régionalisme français : le référent architectural est sélectionné dans l’architecture locale en vue de fabriquer une identité, mais « le regard du touriste demeure primordial dans cette construction » (D. Jarrassé, infra). Les motifs sont triés par l’initiateur du projet en fonction des attentes supposées du récepteur, pour contenter son regard d’étranger en demande d’exotisme et d’authenticité et afin de l’inciter à choisir ce centre thermal plutôt qu’un autre.
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Les auteurs de ces architectures touristiques n’hésitent pas à présenter leurs produits comme « authentiques », terme qui apparaît très tôt dans le vocabulaire de ces acteurs. Pourtant, alors que la définition du terme « authentique » suggère « exactitude et incontestabilité de l’origine », dans la pratique, au Maghreb, le mot a au contraire été revendiqué pour des ensembles élaborés après sélection, manipulation de référents patrimoniaux. En Libye, sous domination italienne, la vieille cité de Tripoli offre des aspects peu séduisants (saleté et étroitesse des rues par exemple) pour le voyageur étranger au point que les autorités coloniales, qui souhaitent développer une politique touristique, préfèrent recréer de toutes pièces un « village indigène authentique » avec ses souks, vers lequel les visiteurs sont orientés plutôt que vers la « vraie » médina (F. Dumasy, infra). Le tourisme demeure donc une donnée fondamentale pour comprendre les enjeux de ces « inventions patrimoniales ». En effet, dès le début du XXe siècle, « l’insertion économique des monuments [du patrimoine] s’affirme » (V. Patin, 1997, 22). Les exemples de créations dans l’esprit du « village indigène » de Tripoli se sont généralisés dans nos sociétés contemporaines à l’échelle mondiale : c’est ce que Françoise Hamon appelle le « simulacre architectural » dans un article faisant le point sur l’authenticité et sur l’imitation en architecture dans le monde. En retraçant l’archéologie de la pratique de l’imitation et de la reconstitution en architecture – dont l’origine est à trouver dans l’exercice de restauration monumentale et dans les Expositions universelles du XIXe siècle –, Françoise Hamon analyse les logiques à l’origine de ces simulacres. Son texte met en perspective les phénomènes que nous avons observés pour le Maghreb, en les replaçant dans un contexte mondial plus large. Si les pratiques développées au Maghreb à l’époque actuelle témoignent de spécificités propres, elles sont cependant loin d’être isolées et subissent les effets de la globalisation. Selon F. Hamon (infra) : Ces nouvelles simulations ont plusieurs causes qui se télescopent, coexistent et qui s’observent sur tous les continents. Parmi les plus prégnantes : la reconstruction des territoires détruits par les guerres ; la sortie d’une occupation étrangère ou d’un colonialisme idéologique ; l’affirmation des identités nationales lors des migrations ; sans oublier aussi les projets nostalgiques exploités par le commerce.
« Si le tourisme est un acteur majeur du simulacre patrimonial » (F. Hamon, infra), c’est donc un phénomène universel. Toutefois, c’est dans le cas de la gestion des centres urbains anciens maghrébins, et notamment des médinas, que les récréations architecturales aux référents patrimoniaux, présentent, sous l’impulsion du tourisme, des développements inédits. Ces questionnements font l’objet de la deuxième partie de cet ouvrage qui aborde la question de la création et des inventions dans les espaces protégés du Maghreb. À l’image de ce qui se passe à l’échelle mondiale, au Maghreb, le tourisme guide les choix de restauration et de construction dans les ensembles urbains anciens. En Tunisie et au Maroc, ces phénomènes se développent très tôt par rapport à la chronologie internationale. Dès le début du protectorat marocain et, dès les années 1920 en Tunisie, la législation mise en place par les autorités françaises oblige les acteurs de la sauvegarde des médinas à concevoir des bâtiments dans l’esprit de l’esthétique et de l’architecture ancienne, élevée au rang de patrimoine. Dans les deux pays, les garants de l’application de ces législations sélectionnent, là encore, l’architecture ancienne à reproduire et excluent celle qui, non-conforme à leur imaginaire, ne doit pas servir de référence. Dans le cas de Tunis, les responsables contrôlant la construction de la médina, des archéologues de formation classique disposant de connaissances limitées sur l’architecture « islamique » qu’ils sont censés préserver, sont à l’origine d’un nouveau type de constructions domestiques : une architecture ordinaire hybride, résultat d’impératifs
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hygiénistes et de l’évolution des modes d’habiter. Cette nouvelle architecture, présentée comme conforme aux canons de l’architecture ancienne de la médina, n’a en réalité que peu de points communs avec son modèle (M. Bacha, infra). À Fès, au Maroc, Charlotte Jelidi montre comment, au début du protectorat, les autorités françaises tentent de conformer leur politique patrimoniale et constructive à une image idéale de « la » médina marocaine, image construite par leurs soins. Là encore, ces autorités sélectionnent les catégories de monuments dignes d’être élevés au rang de modèles à reproduire – les monuments islamiques médiévaux – et, parallèlement, excluent d’autres types de constructions esthétiquement éloignées de l’image qu’ils se font de l’art marocain – notamment celles élevées au XIXe siècle. Cela donne naissance à des constructions conformes à l’idée que les autorités coloniales se font de la « marocanité ».
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Au fil du XXe siècle, le patrimoine est progressivement instrumentalisé « à des fins de développement économique, de pacification sociale, de marketing territorial » (M. GravariBarbas, P. Violier, 2003b, 10). Dès les années 1980, le patrimoine est ainsi devenu une véritable industrie (F. Choay, 1992, 158-186). De nombreuses opérations de sauvegarde de médinas contemporaines, telle celle de Fès, sont « conçu[e]s dans une optique très conservatrice et normative où le “désordre” urbain, les excès de la vie quotidienne [… sont] gommés et/ou rejetés » (F. Navez-Bouchanine, 1996, 16), pour contenter le regard du touriste. De façon vraisemblablement plus nette que pendant la période coloniale, le tourisme reste donc aujourd’hui un paramètre déterminant du « lissage » de l’esthétique des médinas lors des projets de réhabilitation et donc de la fabrication d’architectures « bidonnées », selon l’expression de Françoise Hamon (cf infra). C’est ce que Muriel Girard démontre dans une étude qui porte sur les récentes réhabilitations de la médina de Fès, projets au cours desquels l’ancienne ville a été « orientalisée » selon une tradition inventée à l’époque coloniale, dans le cadre d’une entreprise de réhabilitation sociale aux objectifs touristiques. Dans le contexte actuel de « globalisation » mais aussi de « localisation », elle y observe néanmoins une uniformisation des pratiques de restauration et de fabrication en comparant le cas de Fès à celui d’une autre médina du monde arabe, celle d’Alep. Il est à noter que l’invention et la fabrication d’architectures « authentiques » dans les médinas sont autant pratiquées par les Français à l’époque coloniale que par les sociétés maghrébines après les indépendances, ces dernières travaillant néanmoins de concert avec des groupes d’experts des organismes internationaux. Les intérêts économiques liés à la restauration des médinas sont tels que les sociétés colonisatrices, colonisées ou indépendantes adoptent finalement des postures équivalentes pour conserver leur manne. La marchandisation dont fait l’objet le patrimoine (F. Choay, 1992, 158-186 et 2009, xxxix-xlii) et qui, en l’occurrence, est l’un des moteurs de la restauration des médinas, guide la politique économico-touristique des autorités marocaines actuelles. Anne-Claire Kurzac-Souali étudie un phénomène récent qui touche le Maroc : le renouvellement des arts décoratifs liés à l’architecture domestique traditionnelle (infra). Elle analyse comment, dans le cadre d’un mouvement de gentrification des médinas marocaines, les échanges entre les commanditaires souvent étrangers et les artisans locaux renouvellent l’artisanat lié à l’architecture. Si les créateurs conservent l’esprit des objets de cet artisanat traditionnel marocain, ils concilient les savoir-faire ancestraux aux techniques et aux matériaux modernes pour produire du mobilier, de la ferronnerie, du luminaire voire des moucharabiehs à l’esthétique novatrice et originale. Les autorités marocaines se sont approprié cette production contemporaine très récente et construisent un discours visant à présenter cet artisanat comme du patrimoine, dans l’objectif d’attirer les capitaux étrangers et d’encourager l’investissement, notamment touristique.
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Dans son texte consacré à l’actuel projet de réhabilitation du musée national du Bardo (Tunis), un ensemble urbain ancien patrimonialisé de longue date à forte valeur touristique, Soumaya Gharsallah-Hizem alimente le débat sur la question de la création contemporaine en contexte patrimonial. Dans le cadre de ce projet qui prévoit l’adjonction d’une nouvelle aile au musée du Bardo, selon un cahier des charges incitant au respect des bâtiments patrimonialisés du musée, le maître-d’œuvre français, la société des architectes Codou et Hindley, revendique s’être inspiré de la typologie de l’architecture domestique tunisoise (du patio notamment) et de l’organisation spatiale des anciens ensembles urbains tunisiens, pour concevoir les nouveaux espaces du musée. Les architectes ont davantage puisé leur inspiration dans le répertoire spatial et urbain tunisien que dans celui, plus identifiable, des arts décoratifs. Les référents, loin d’être cités de façon textuelle, ne se décryptent pas aisément sur la nouvelle aile dont l’esthétique rappelle davantage celle des projets contemporains internationaux décontextualisés. Ce texte, qui évoque la création récente de plusieurs autres musées tunisiens, apporte quelques éléments de réponse sur les différentes postures de leurs auteurs qui revendiquent s’être inspirés des éléments patrimonialisés traditionnels. Les références à l’ancien sont expérimentées par différents biais : par les matériaux et les techniques de construction (musée de Kesra) ou encore selon le principe la métonymie à Djerba (S. Gharsallah-Hizem, infra).
Trajectoires de professionnels et innovation Les textes réunis dans cette partie de l’ouvrage posent la question de la place de l’innovation dans la pratique étudiée ici : prendre comme modèle de référence une architecture patrimonialisée ou une architecture conservant son statut d’objet traditionnel pour concevoir des bâtiments, ne s’apparenterait qu’à une entreprise de reproduction du passé ? Cette pratique stimulerait-elle la créativité des auteurs, ou briderait-elle leur inventivité ? Comment cette posture, que l’on pourrait qualifier d’éclectique, consistant à penser un projet en puisant dans un répertoire patrimonial, peut-elle ouvrir la voie à des innovations constructives et formelles ? Cette question qui, à l’origine, occupe la critique architecturale, et notamment le milieu des professionnels de la construction, tant dans le monde arabe qu’à l’échelle internationale, est désormais l’objet d’une certaine attention dans le milieu de la recherche, encouragé par le monde des praticiens à s’en saisir. Ce questionnement a fait l’objet de débats dans l’Europe du XIXe siècle : Emmanuel Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), architecte, restaurateur et théoricien, a cherché à définir une architecture adaptée à son temps et a, très jeune, considéré l’architecture gothique comme la plus indiquée pour renouveler la production bâtie de son temps (J.‑M. Leniaud, 1994, 135-138). C’est d’ailleurs en analysant la composition des monuments médiévaux, notamment lors des campagnes de restauration dont il avait la charge, qu’il a construit sa théorie du rationalisme structurel qui a connu une large postérité dans une grande partie de la production architecturale du XXe siècle. Il a défendu l’idée que le gothique pouvait constituer un bon modèle pour la construction de son époque – et plus particulièrement pour les églises –, car mieux adapté aux mœurs, au climat, aux habitudes françaises (B. Foucart, 1997, 1641). La question de l’influence du milieu sur l’architecture a ainsi occupé les débats des architectes de son époque et a été également largement diffusée dans l’Europe du XXe siècle. Pourtant, le positionnement des architectes dits « éclectiques » du XIXe siècle, qui ont largement puisé dans les mouvements architecturaux du passé, a souvent été considéré au XXe siècle comme source de pastiches. La dépréciation de cette production a largement été inspirée par des
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architectes modernistes dogmatiques, farouchement opposés à l’éclectisme et à l’idée qu’il pouvait être source d’innovation7. Il est vrai que tous les spécimens « néos » du XIXe siècle étaient loin d’être conçus selon les conceptions rationalistes que les théoriciens du modernisme avaient adoptées par la suite. Pourtant, les positions modernistes sont courageusement discutées par André Chastel dès 1945 qui affirme que conservation et construction, envisagées ensemble, favorisent la créativité (1994, 31). Dans le contexte de la reconstruction d’après-guerre, dominée par des conceptions modernes, Chastel met en garde les architectes contre les risques inhérents au relèvement rapide des villes dévastées qui auraient tendance à vouloir « créer du neuf sans se laisser accabler par les servitudes historiques » (id., 32). Si les techniques et les matériaux modernes doivent être utilisés, les architectes doivent, selon lui, respecter l’esprit des lieux, du site, les souvenirs des monuments. « Il faut féconder et non annuler l’un par l’autre l’esprit d’initiative et le respect de la tradition » (id.).
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Que ce soit à l’époque coloniale comme après les indépendances, ce questionnement est aussi posé pour le Maghreb. Cette pratique du renouvellement de l’architecture par le patrimoine a-t-elle été effective au Maghreb ? Sous quelles modalités les professionnels actifs dans ces pays ont-ils puisé dans la tradition ou dans le patrimoine, pour imaginer des solutions constructives et décoratives innovantes ? L’idée de créer une architecture adaptée au climat et aux mœurs du pays en s’inspirant de l’ancien, n’a pénétré les praticiens européens du Maghreb, et plus particulièrement l’Algérie, qu’à partir des années 1870. Ces conceptions ne sont pas encore d’actualité au lendemain de l’installation des premiers Français en Algérie. L’architecture et les villes locales sont vilipendées et, jusqu’aux années 1870, les architectes européens officiant en Algérie n’imaginent pas s’en inspirer. Jusqu’à cette période, les Français importent à Alger les formes architecturales et urbaines alors à la mode dans la métropole, qui constituent le noyau de la nouvelle ville élevée à l’emplacement de l’ancienne cité algéroise, la Casbah. Le caractère improvisé de certaines opérations d’urbanisme n’a d’égal que l’absence de volonté de tirer un enseignement utile de l’architecture locale : au cours des premières décennies qui suivent la conquête, de nombreux édifices de qualité médiocre, non adaptés aux conditions climatiques du pays ni d’ailleurs aux normes d’hygiène modernes, sont élevés à Alger (F. Cresti, 2003, 64-66). Finalement, c’est à partir du moment où, aux yeux des Européens, le passé islamique atteint un certain niveau de respectabilité (grâce à une meilleure connaissance de la culture locale) que les professionnels européens envisagent la possibilité de penser une architecture contextualisée. Cette posture ne se limitera pas au « courant Jonnart » en Algérie, ni à la production impulsée par Lyautey au Maroc ; elle touchera également plus tard les architectes français convertis aux théories modernistes qui officieront en Tunisie dans les années 1940. Mais, dans le cas de l’architecture dite « Jonnart », on peut considérer le caractère innovant de cette production comme relativement limité. En effet, dans ce cas, les architectes se sont limités à apposer un répertoire décoratif inspiré de la production islamique locale sur des typologies et des modèles spatiaux occidentaux (Grande Poste d’Alger, anciennes Galeries de France, cf. Djermoune, Oubouzar, infra). En revanche, comme le montre Marc Breitman dans son ouvrage Rationalisme et tradition… (1985), les architectes
7 Toutefois, de nombreux architectes fondateurs du mouvement moderne, tels que Le Corbusier, ont construit leurs théories en se référant également à l’architecture méditerranéenne et notamment à ses volumes simples envisagés comme purs.
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adeptes du courant moderne, Jean Le Couteur, Jean Drieu La Rochelle, Paul Herbé, Jason Kyriacopoulos, Jacques Marmey et Jean-Pierre Ventre, réunis en Tunisie sous la houlette de Bernard Zehrfuss, ont mené des expériences inédites en puisant dans les savoir-faire constructifs traditionnels de l’architecture maghrébine et dans son organisation spatiale, tout en respectant l’esprit des conceptions modernistes, mais dans une attitude dépassant néanmoins les positions dogmatiques de leurs collègues français qui rencontraient des difficultés à faire dialoguer « tradition et modernité » (B. Huet, 1985, 8-9). Leur attitude a consisté à sélectionner certaines caractéristiques de l’architecture traditionnelle, comme les typologies et certains motifs constructifs élémentaires, dans le but de concevoir des équipements publics (écoles, lycées, marchés, contrôles civils, etc.) ainsi que de l’architecture domestique (destinée tant à des élites sociales qu’à une catégorie plus populaire de la société tunisienne) qui répondent aux attentes des usagers. Leur production tient en partie son caractère novateur du fait que, ne pouvant avoir accès aux matériaux modernes tels que l’acier ou le béton armé en raison d’une pénurie, ils ont privilégié l’utilisation de matériaux locaux comme la pierre. Ils ont ajusté leurs conceptions modernistes au terrain tunisien, produisant ainsi une architecture adaptée aux réalités économiques, sociales et architecturales locales du pays. L’étude des « interactions entre les propositions de ces hommes [les maîtres-d’œuvre] et les réalités locales » (C. Bruant, S. Leprun, M. Volait, 1996, 11) et l’examen minutieux des carrières des professionnels de la construction, permet de réévaluer la part des savoir-faire locaux hérités et celle des modèles exogènes dans leur production. Suivant cette méthode, Christophe Giudice revient sur une catégorie de professionnels actifs à l’époque coloniale dans la construction, des entrepreneurs et des architectes ayant fait leurs premières armes en Tunisie et en Algérie, et qui ont trouvé dans le Maroc colonial les conditions pour faire carrière. Dans le Maroc colonial, où la figure tutélaire de Lyautey encourage la profession à penser une architecture intégrant les motifs décoratifs du patrimoine bâti de l’époque médiévale, ces professionnels combinent dans une production originale les savoir-faire acquis dans d’autres pays du Maghreb aux techniques et matériaux traditionnels marocains. C’est parce que ces architectures traditionnelles marocaines sont érigées en patrimoine par l’administration coloniale que les maîtresd’œuvre, souvent de nationalité européenne, les prennent comme modèles et les reproduisent, participant ainsi à faire vivre des savoir-faire ancestraux en perte de vitesse et revitalisés par Lyautey. Dans le Maroc colonial français, les frontières entre patrimoine et tradition sont parfois brouillées par les actions d’une administration qui réinvente la tradition sous prétexte de préservation8. Cependant, les réflexions développées par ces professionnels par rapport à la tradition ne se limitent pas seulement à une démarche purement esthétique, touchant seulement la composition des façades. Ils ne se contentent pas de sélectionner des motifs décoratifs qu’ils agencent dans des configurations inédites. L’architecte Domenico Basciano s’inspire du bâti traditionnel marocain sous l’angle de ses usages domestiques ou sociaux. Si, dans sa démarche, le patrimoine domestique marocain est élevé en modèle, c’est parce qu’il y voit une justification sociale à la production d’une nouvelle architecture
8 À ce sujet, voir l’article de Muriel Girard (2006a) sur l’invention et l’introduction de nouveaux motifs décoratifs dans les arts traditionnels marocains sous la houlette de Prosper Ricard, recherche qui révèle comment l’administration du protectorat a participé à faire vivre l’artisanat local en le réinventant.
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domestique. En effet, si Basciano conçoit des logements sociaux autour du motif de la cour centrale selon des critères de flexibilité, dans la lignée des travaux de l’ATBAT-Afrique, c’est pour proposer un type d’habitat qui réponde aux usages des résidants musulmans marocains. En s’intéressant à la carrière de plusieurs entrepreneurs et architectes ayant migré entre la Tunisie, l’Algérie et le Maroc, et en revenant sur la complexité de leurs rapports avec leurs commanditaires, C. Giudice révèle l’importance d’acteurs professionnels dits « mineurs » dans le champ de l’architecture coloniale marocaine. Il leur redonne une place dans l’histoire de l’innovation en montrant comment leur parcours professionnel entre les différents pays a encouragé la pratique de la mixité de motifs locaux à des modèles exogènes. Nadir Djermoune et Leïla Oubouzar retracent à leur tour les expérimentations menées par des architectes de l’époque coloniale en Algérie qui s’appuient également sur la reproduction de typologies de l’habitat et de l’urbanisme algériens pour penser des logements adaptés aux usages sociaux des habitants musulmans. La typologie de la maison à patio semble avoir, comme au Maroc, inspiré les praticiens européens officiant en Algérie pendant toute la période coloniale. La typologie de la demeure à patio est par exemple adaptée au modèle de l’immeuble par des architectes de culture occidentale ne retenant que certains éléments jugés représentatifs d’un patrimoine domestique algérien, envisagé selon une conception parfois réductrice. Boussad Aïche analyse quant à lui des pratiques équivalentes à celles qu’étudient N. Djermoune et L. Oubouzar, à travers les cas de deux architectes français officiant en Algérie au XXe siècle, Marcel Lathuillière (1903-1984) et Paul Guion (1881-1972). Si leurs productions respectives se distinguent esthétiquement, les deux praticiens « ont adapté, chacun à leur manière, l’architecture au contexte en empruntant au patrimoine des référents pour construire des objets nouveaux » (B. Aïche, infra). Avec son texte, B. Aïche alimente la recherche portant sur la production des architectes modernistes en terrain colonial qui n’ont pas hésité à intégrer des motifs patrimoniaux et traditionnels dans leur production – questions soulevées par Marc Breitman (1985), mais aussi par Thierry Nadau dans un article sur la reconstruction d’Agadir (1992). Il participe à montrer que le clivage qui, dans d’autres aires géographiques a opposé modernisme et culturalisme, n’a pas lieu d’être dans le Maghreb colonial. L’œuvre de Marcel Lathuillière, qui associe en effet principes modernistes et recours à des formes traditionnelles, témoigne d’un classicisme inspiré de l’œuvre de Perret mais elle atteste néanmoins d’un ancrage local, puisqu’il s’est s’inspiré de l’organisation spatiale de l’habitat traditionnel algérien. Chez Paul Guion, dont la production ne témoigne pas des mêmes positionnements modernistes que chez Lathuillière, l’association de formes épurées et de motifs décoratifs empruntés aux arts traditionnels algériens – islamiques mais aussi berbères –, donne lieu à une architecture qui oblitère l’idée selon laquelle la production qualifiée de « néo-mauresque » n’aurait pas survécu au-delà des années 1930. Autant pendant la période coloniale qu’après les indépendances, les architectes ont puisé dans le patrimoine et dans l’architecture traditionnelle de l’ère islamique de leurs pays, élevés en modèles censés représenter leur identité. Pourtant, après les indépendances, les foyers de références de nombreux architectes maghrébins ont changé, révélant par là même qu’une société maghrébine ne se définit par uniquement par la référence au passé islamique mais aussi par des formes et une esthétique internationale. Si une partie de la production actuelle se rattache à une architecture mondialisée du type de celle qui voit le jour dans les pays du Golfe, une autre branche de la production maghrébine actuelle s’inspire de l’architecture élevée à l’époque coloniale, en partie patrimonialisée.
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[« Architectures au Maghreb (XIXe-XXe siècles) », Myriam Bacha (dir.)] [ISBN 978-2-86906-260-3 Presses universitaires François-Rabelais, 2011, www.pur-editions.fr]
Leïla Ammar conduit une étude sur la pratique architecturale savante actuelle en Tunisie, afin de comprendre comment les architectes tunisiens se sont approprié, font référence et réinterprètent l’architecture de l’époque coloniale, patrimonialisée par un pays indépendant depuis quelques décennies, au sein duquel le référent colonial ne va pas de soi. Les positions des praticiens intégrant les référents du patrimoine colonial témoignent de postures extrêmement variées et fluctuantes et surtout éminemment complexes. Si l’assimilation des leçons de l’architecture et de l’urbanisme coloniaux transparaît dans les compositions de certains d’entre eux, les références coloniales peuvent être conjuguées dans un même immeuble à plusieurs autres références allant de l’islamique au modernisme. Il est difficile de mettre en valeur une posture commune chez les architectes tunisiens faisant référence au patrimoine colonial mais c’est pourtant le plus souvent « sur les façades de ces immeubles que se cristallisaient les conceptions patrimoniales des architectes contemporains vis-à-vis du patrimoine bâti des XIXe et XXe siècles ». Quoi qu’il en soit, le maître-d’œuvre tunisien doit souvent composer son projet avec d’autres référents souvent imposés par le commanditaire, ce qui a donné naissance à un type d’immeuble contemporain tunisien de caractère hybride.
Conclusion Le patrimoine étant porteur d’une mémoire sélectionnée et recomposée par son locuteur, l’introduction de référents patrimoniaux dans l’architecture constitue un expédient de l’idéologie, des politiques économiques voire identitaires des acteurs institutionnels, tant pendant la période coloniale que postcoloniale. Lorsque le patrimoine est sollicité dans cette optique, son utilisation relève de l’affichage de référents symboliques censés transmettre un discours, une idéologie ou signifier l’appartenance à un groupe ou à une communauté. C’est ainsi qu’à l’époque coloniale, les autorités européennes ont puisé dans le patrimoine maghrébin dans le but de définir une architecture symbolisant les nouveaux régimes politiques dominants et d’incarner la nouvelle identité politique coloniale des pays du Maghreb. Dans une approche similaire, à partir des années 1970, les sociétés du Maghreb indépendant ont également pratiqué cet affichage de référents issus de leur patrimoine, souvent de l’ère islamique, pour affirmer l’« identité » du maître-d’ouvrage, selon des optiques qui ne sont souvent pas dénuées d’objectifs de marchandisation. Tant au sein des sociétés européennes coloniales que des sociétés maghrébines indépendantes, l’acte d’intégrer des référents patrimoniaux dans l’architecture est motivé par des objectifs mercantiles, surtout dans le cas des entreprises liées au tourisme. Pour contenter le regard de l’« autre », du touriste en attente d’authenticité et d’exotisme, les acteurs de la construction mais aussi ceux investis dans la sauvegarde des ensembles protégés (notamment des médinas) ont, à toutes les époques, conçu des architectures à partir d’un répertoire patrimonial élaboré après sélection, évacuation et recomposition de référents, mais toujours en fonction de leur propre imaginaire. En puisant dans un répertoire patrimonial souvent restreint, les acteurs de la construction et de la restauration des centres anciens protégés sont ainsi à l’origine d’architectures réinventées, présentées comme authentiques. Cependant, c’est également dans l’architecture traditionnelle maghrébine que les maîtresd’œuvre de l’époque coloniale et postcoloniale ont délibérément puisé, dans le but de comprendre les usages sociaux et domestiques des populations auxquelles ils destinaient
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leurs constructions. S’inspirer de l’architecture et des décors traditionnels ne semble pas avoir la même portée idéologique que s’inspirer d’un patrimoine, porteur d’une mémoire reconstruite a posteriori. Ainsi, c’est davantage en puisant aux sources de la tradition que les maîtres-d’œuvre – tant pendant la période coloniale que postcoloniale – ont cherché à produire des architectures répondant aux attentes et aux modes de vie des habitants auxquelles elles étaient destinées. Loin d’avoir généré des pastiches, de fades imitations, la pratique étudiée ici, qu’elle s’inspire du patrimoine ou de l’architecture traditionnelle, a donné naissance à des solutions constructives inédites au caractère hybride, combinant des solutions constructives et décoratives endogènes et exogènes. La mixité des modèles, qu’ils soient d’ordre spatial ou décoratif, pratiquée par des maîtres-d’œuvre européens à l’époque coloniale ou par des Maghrébins à l’heure actuelle, a de tout temps donné lieu à des créations originales, adaptées aux attentes et aux usages des commanditaires. Finalement, on peut se demander si les similitudes entre les pratiques des maîtresd’œuvre européens à l’époque coloniale et celles des Maghrébins après les indépendances ne plaideraient pas pour une recherche dépassant les grilles de lecture fondées sur les clivages colonial/postcolonial ou tradition/modernité, qui auraient parfois tendance à brouiller l’analyse.
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[« Architectures au Maghreb (XIXe-XXe siècles) », Myriam Bacha (dir.)] [ISBN 978-2-86906-260-3 Presses universitaires François-Rabelais, 2011, www.pur-editions.fr]
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