Accompagner Avec LArbre de Vie. Une Pratique Narrative Pour Restaurer Lestime de Soi - Dina Scherrer (2021) (Thérapie) [PDF]

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Zitiervorschau

Illustration de couverture : ©jozefmicic-Fotolia.com © InterEditions, 2018, 2021 pour la nouvelle édition InterEditions est une marque de Dunod Éditeur, 11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff ISBN : 978-2-72-962244-2 Ce document numérique a été réalisé par PCA

« Seul l’arbre qui a subi les assauts du vent est vraiment vigoureux, car c’est dans cette lutte que ses racines, mises à l’épreuve, se fortifient. » Sénèque

À David Denborough et Ncazelo-Ncube, pour leur pratique si respectueuse des personnes À ma sœur Clara,

Table des matières Couverture Page de titre Copyright Exergue Dédicaces Préface de Pierre Blanc-Sahnoun Restaurer la fierté, engranger la résilience Introduction Ma rencontre avec l'Arbre de vie Première partie ACCOMPAGNER AVEC L'ARBRE DE VIE 1. LES RACINES DE L'ARBRE DE VIE Qu'est-ce que l'Arbre de vie ? L'objectif de l'Arbre de vie Intentions et éthique Honorer le « plein » Redonner le savoir aux personnes

Accueillir les personnes du côté de la vie Accueillir la peine des gens sans les retraumatiser

Les rites de passage La phase de séparation La phase de l'entre-deux La phase de ré-incorporation

Transparence, autorisations et sécurité Les bienfaits de l'Arbre de vie sur les personnes accompagnées L'espoir La fierté La résilience

2. ACCOMPAGNER EN INDIVIDUEL À quel moment proposer l'Arbre de vie ? L'accompagnement individuel Préparer la personne Faire dessiner l'arbre

Les racines Débriefing des racines

Le sol Débriefing du sol

Le tronc Débriefing du tronc

Les branches Débriefing des branches

Les feuilles Débriefing des feuilles

Les fruits Débriefing des fruits Débriefing de l'Arbre de vie dans sa globalité

Les témoins extérieurs Clôturer une mission avec l'Arbre de vie Faire l'Arbre de vie en fin de mission comme bilan Une séance de bilan avec les parents d'un enfant mineur Une réunion tripartite de fin de mission pour une organisation

Documenter l'histoire 3. ACCOMPAGNER EN COLLECTIF Préparer les personnes L'Arbre de vie La Forêt de vie Raconter son Arbre aux autres Résonner aux Arbres des autres

La Tempête de vie Aborder les Tempêtes de vie avec le groupe

Célébration et certificats Un exemple en accompagnement d'équipe en entreprise Un exemple avec une classe en milieu scolaire

Deuxième partie QUELQUES CHAMPS D'APPLICATION 4. L'ARBRE DE VIE EN ENTREPRISE Premier cas Contexte Objectif avec l'Arbre de vie Mission Conclusion

Deuxième cas Contexte Objectif Mission Déroulement Conclusion

Troisième cas Contexte Objectif Mission Conclusion

Quatrième cas Contexte Objectif avec l'Arbre de vie Mission Conclusion

5. L'ARBRE DE VIE EN MILIEU SCOLAIRE

Premier cas Contexte Objectif Mission Conclusion

Deuxième cas 6. L'ARBRE DE VIE EN MILIEU HOSPITALIER ET MÉDICAL Contexte Le déroulement d'une séance « Arbre de vie » au cours d'une semaine d'hospitalisation Deuxième cas Contexte Déroulement d'une séance Arbre de vie

7. L'ARBRE DE VIE DANS LE MILIEU DE L'INSERTION Contexte Objectif Mission Conclusion 8. L'ARBRE DE VIE SPÉCIAL « PÉRIODE CONFINEMENT ET COVID-19 » 1er protocole : l'Arbre de vie de vos ressources spécial « Confinement & Covid-19 » 1re étape : réaliser votre Arbre de vie 2e étape : identifier les tempêtes/freins qui pourraient se mettre entre vous et votre projet

3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience Arbre de vie

2e protocole : L'Arbre de vie spécial « enfants » 1re étape : réaliser votre Arbre de vie 2e étape : identifier les tempêtes/freins qui pourraient se mettre entre votre enfant et ses rêves 3e étape : ancrer les apprentissages de son expérience Arbre de vie

3e protocole : L'Arbre de vie pour se reconstruire Après la maladie 1re étape : réaliser votre Arbre de vie 2e étape : identifier les tempêtes qui pourraient vous faire perdre confiance en vous 3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience Arbre de vie

4e protocole : l'Arbre de vie de votre « Monde d'Après » 1re étape : réaliser votre Arbre de vie 2e étape : identifier les tempêtes qui pourraient se mettre entre vous et votre nouveau projet de vie 3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience Arbre de vie

Troisième partie L'ARBRE DE VIE ET LES PRATIQUES NARRATIVES 9. LES PRINCIPAUX CONCEPTS DES PRATIQUES NARRATIVES D'où viennent les Pratiques Narratives ? La posture de l'accompagnant : décentrée et influente La posture décentrée La posture influente

Le Club de vie Travailler avec des témoins extérieurs Le protocole d'invitation pour un témoin extérieur

10. D'AUTRES MÉTHODES MÉTAPHORIQUES AVEC LES IDÉES NARRATIVES Le Voyage de vie Une alternative à l'Arbre de vie Le protocole d'utilisation du Voyage de vie Un cas de Voyage de vie

L'Équipe de vie L'intention Le protocole d'utilisation de l'Équipe de vie

Conclusion Bibliographie Remerciements Cahier photos

Préface Restaurer la fierté, engranger la résilience

J’AI RENCONTRÉ L’ARBRE DE VIE pour la première fois avec David Denborough, Cheryl White et Jill Freedman au Rwanda en novembre 2010. J’étais parti en mission avec un groupe international de thérapeutes narratifs pour former des intervenants sociaux travaillant dans les villages, avec les survivants du génocide de 1994. J’avais été invité en tant que musicien narratif, pour documenter les paroles des survivants sous forme de chansons en français, l’une des langues parlées là-bas à l’époque. Un épisode particulièrement fort et émouvant de mon apprentissage de narrapeuthe. Parmi les techniques enseignées aux quelque 40 « conseillers en traumatismes » formés à Kigali lors de cette mission, figurait en bonne place l’Arbre de vie, issu du travail de David Denborough avec Ncazelo Ncube, psychologue pour enfants originaire du Zimbabwe, pour aider les enfants atteints du HIV. J’ai été immédiatement touché par cette approche simple et élégante, qui permet aux personnes traumatisées de parler de leur vie dans des termes qui les rendent plus forts au lieu de les retraumatiser à chaque étape du récit. De leurs « racines » à leurs « fruits » en passant par leur solide « tronc », ils peuvent se redessiner une vie droite et fière, avec des rêves, des espoirs, des compétences à diriger eux-mêmes leur vie, et les belles rencontres qui les soutiennent dans cette entreprise. J’ai pu travailler avec Caleb Wakhungu (Ouganda) qui a utilisé l’Arbre de vie pour revivifier sa communauté du Mont Elgon. C’est à la suite de ces rencontres et plein d’émerveillement face à ces approches poétiques, puissantes et extraordinairement respectueuses pour les communautés en difficulté, que j’ai ramené en France cette technique. Je l’ai partagée pour la

première fois fin 2010 avec un petit groupe de praticiens parmi lesquels Dina Scherrer. Dina a été depuis le début une militante instinctive des pratiques narratives, comme si l’esprit et la posture coulaient naturellement dans ses veines depuis bien avant sa rencontre avec les idées de Michael White et David Epston. Sa posture relève d’un mélange unique d’intuition, d’humour, d’optimisme et de bienveillance. Toutes celles et ceux qui ont travaillé avec elle ou ont bénéficié de son enseignement vous diront la même chose : avec Dina, tout devient possible et, sous son regard amusé, les sommets qui semblaient tragiquement inaccessibles la minute précédente deviennent très rapidement des « pourquoi pas ? » ponctués d’éclats de rire. Séduite par l’Arbre de vie, sa puissance métaphorique, son extrême simplicité, la diversité des contextes dans lesquels il trouve naturellement sa place, Dina en a fait l’un de ses territoires favoris. Depuis le temps qu’elle l’utilise et le perfectionne auprès de publics aussi différents que des jeunes gens de SEGPA (sections d’enseignement général et professionnel adapté) ou des dirigeants de multinationales, elle en a fait pousser, des forêts émouvantes ! Qui d’autre qu’elle pouvait restituer la diversité de l’Arbre de vie narratif sans en faire un « outil », mettre l’éthique et la responsabilité envers l’autre au premier plan et conserver la délicate poésie des ramures où chaque feuille est une personne rencontrée, une confiance accordée, une main fraternelle tendue ? Ce livre, le premier en français sur le sujet, offre la combinaison idéale de rigueur, d’émotion, de créativité et de respect que l’on retrouve en permanence dans les pratiques narratives australiennes et néo-zélandaises. Dix ans pile après la mort de Michael White, pouvait-on rêver un plus bel hommage à son inlassable ambition de rendre les personnes et les communautés auteures de leur vie ? Pierre Blanc-Sahnoun Cofondateur de la Fabrique Narrative

Introduction Ma rencontre avec l’Arbre de vie

LA PREMIÈRE FOIS QUE J’AI ENTENDU PARLER DE L’ARBRE DE VIE, c’était en 2010 à Bordeaux, lors d’un atelier d’approfondissement aux Pratiques Narratives animé par Pierre Blanc-Sahnoun. Pierre revenait d’un voyage en Afrique et partageait avec nous cette méthode d’accompagnement qu’il avait découverte là-bas comme il le raconte dans sa préface. Je me souviens parfaitement qu’en l’écoutant nous en parler, j’ai tout suite pensé que cela me serait très utile avec les jeunes que j’accompagnais à ce moment-là. C’étaient des jeunes en grande difficulté scolaire, avec très peu d’estime de soi, et qui devaient néanmoins trouver en eux la force d’avancer et de se projeter rapidement dans une voie professionnelle. Mon premier grand défi avec ces jeunes était d’arriver à leur donner l’envie de s’exprimer, de partager leurs expériences pour qu’ils se sentent moins seuls. C’était également de mettre en lumière les savoirs qu’ils détenaient à leur insu pour qu’ils regagnent en confiance et qu’ils aillent à la recherche de leur projet. Un projet au plus près de ce qu’ils aimaient dans la vie afin qu’ils retrouvent de l’espoir en l’avenir. Découvrir l’Arbre de vie a été une vraie révélation pour moi ce jour-là, car je pressentais que cette méthode allait être une réponse efficace pour aider ces jeunes sur tous les objectifs que j’avais à travailler avec eux. De plus c’est un outil très accessible car un arbre, c’est universel, tout le monde sait ce qu’est un arbre. Je n’avais qu’une hâte : le mettre en pratique très vite et valider mon intuition. Je n’ai pas été déçue. Le résultat a été au-delà de mes espérances, tant pour ces jeunes qu’avec différents publics auprès desquels je l’ai ensuite essayé.

À peine de retour chez moi, j’ai testé cette méthode sur les miens, comme je le fais souvent dès que je découvre une nouvelle technique. J’ai ainsi fait faire l’Arbre de vie en famille à mes enfants et à mon mari. Chacun a réalisé son arbre. Chacun a présenté son arbre aux autres. Un beau moment de partage qui donne la possibilité de redécouvrir sous un autre angle ceux que l’on connaît déjà très bien. L’angle de ce qui est précieux pour eux et qui fait leur identité préférée. Par exemple, pour les branches, j’avais donné comme consigne : « Qu’est-ce, pour toi, qu’une vie réussie ? » Une de mes filles avait noté entre autres : « que l’on me fasse confiance ». Je lui ai demandé : « Que signifie exactement pour toi « te faire confiance ? » » et on en avait ensuite discuté. On terminait chaque présentation en demandant aux autres : « Comment pourrait-on faire pour prendre soin de ce qui est précieux pour lui ou elle ? ». Alors que nous n’avions pas conscience d’avoir de telles choses à échanger, l’Arbre de vie a permis de créer un espace pour nous les dire, pour discuter et trouver des solutions en commun. Mes trois filles m’en parlent encore comme d’un des beaux moments que nous avons eu le privilège de vivre ensemble. Nos arbres trônent depuis sur un mur de la maison. C’est notre petite forêt familiale. J’ai ressenti aussi le besoin de tester l’Arbre de vie avec mes pairs. Chacune réalisait son Arbre de vie professionnelle et à tour de rôle on présentait notre arbre ou/et on questionnait l’arbre de l’autre. Je me souviens que nous l’avions utilisé pour travailler sur notre identité d’accompagnant. Car, l’avantage de l’arbre, c’est qu’il suffit d’avoir un objectif et d’adapter les questions. Lors de cette séance, nous avions décidé de travailler notre identité professionnelle. Chaque partie de l’Arbre est métaphorique et nourrie selon des consignes spécifiques. « Qu’est-ce qui fait l’accompagnant que je suis ? De quoi ai-je besoin pour avancer dans ma vie professionnelle ? Quels sont les forces, talents, qualités que l’on me reconnaît et que j’apprécie en moi ? Quels sont mes projets et espoirs pour mon avenir professionnel ? Quels sont mes modèles, alliés, personnesressources ? ». Cela nous a permis d’expérimenter l’Arbre de vie entre collègues avant de l’utiliser avec nos clients. C’est très important pour moi : je ne fais jamais vivre à mes clients ce que je n’ai pas expérimenté moi-même. Sans avoir d’abord éprouvé l’effet que cela produit sur soi. Sans avoir repéré ce sur quoi on peine un peu à répondre. Sans avoir discerné les risques

éventuels d’une méthode qui peut aller très en profondeur et réveiller des blessures. Ce qui n’est absolument pas l’objectif quand on utilise l’Arbre de vie, bien au contraire. L’objectif de l’Arbre de vie est de nous relier à nos forces. Donc en avoir fait auparavant l’expérience permet d’être très vigilant à ce qui pourrait se produire. Si je devais résumer l’intention de l’Arbre de vie en une phrase ce serait : « Vers quoi je me retourne quand j’ai besoin de force ». Je pense pouvoir dire que je suis une des premières en France à avoir utilisé, développé et adapté en accompagnement l’Arbre de vie avec les idées narratives. Depuis, j’ai grandi dans mon métier avec cette méthode que j’ai fait grandir avec moi. Je l’ai adaptée aux contextes dans lesquels j’évolue. L’Arbre de vie est devenu mon compagnon de route, il m’a accompagné sur tous mes champs d’intervention notamment les organisations, les écoles. Il m’aide au quotidien à accompagner en individuel ou en groupe toutes sorte de publics, les jeunes, les adultes, les cadres en entreprise, les équipes en souffrance, toutes les personnes qui ont besoin de retrouver du sens, de la force et de l’espoir. Avec l’expérience, je peux dire qu’il est particulièrement utile en individuel ou collectif pour accompagner les transitions de vie, l’orientation, l’estime de soi, la recherche de sens, la cohésion de groupe, pour sortir la personne de l’isolement et pour aller chercher les préférences du client. Après l’avoir utilisé plusieurs années et constaté son efficacité, j’ai tout naturellement eu l’envie d’en transmettre la méthode à tous ceux qui sont dans l’accompagnement d’une manière ou d’une autre. J’ai formé à l’Arbre de vie des éducateurs, des médiateurs, des conseillers de Missions locales, des psychologues conseillers d’orientation, des professeurs, des médecins, des coachs, des thérapeutes… Une des valeurs importantes qui m’anime est le partage d’expérience. Je n’aime pas garder ce que je sais pour moi. Surtout quand c’est aussi efficace que l’Arbre de vie. Ce livre est une manière de partager plus largement cette méthode d’accompagnement afin que le plus grand nombre de personnes puisse en bénéficier. En faire profiter le plus grand nombre, c’est exactement ce qu’il s’est passé récemment. Car depuis la première édition de ce livre en avril 2018,

le monde entier a été confronté au Covid-19 et aux confinements qui nous obligent tous à repenser nos manières de vivre, de travailler, de rester en lien. Comme dans tous grands bouleversements (guerres, séismes, tsunamis, épidémies…), on côtoie l’horreur mais aussi le meilleur, car c’est souvent dans ces situations extrêmes que se révèle le meilleur de nous-mêmes, où nous nous relions à l’essentiel, à la vie, à l’humain, à la solidarité. Cela fait naître en chacun de nous beaucoup de créativité pour continuer à rester du côté de la vie. Tous les jours, des initiatives nouvelles se mettent en place pour aider celles et ceux qui en ont le plus besoin – comme les jeunes qui viennent nourrir les plus anciens – des repas livrés gratuitement aux personnels soignants, des vidéos et histoires drôles qui circulent sans modération pour nous aider à garder le sourire. Alexandre, instituteur dans un quartier sensible de Marseille avec qui je suis en contact rencontrait de grandes difficultés à faire cours dans un fort climat d’indiscipline pendant sa classe, il m’a dit récemment que, lors du confinement, quand il faisait cours à distance, il avait observé beaucoup de changements positifs. Il voyait les jeunes sous un autre angle et vice versa. Cette nouvelle manière d’enseigner a fait émerger beaucoup de créativité, de liberté, de complicité avec les jeunes. Les jeunes sont tous beaucoup plus assidus et participatifs. Plus de problème de discipline. Comme ils sont chez eux, il me dit que c’est aussi comme s’il était invité à faire un peu connaissance avec leur quotidien. En ces temps de pandémie et de peur, ce qui m’aide à garder espoir, c’est ce type d’histoire où le merveilleux arrive à jaillir de toutes situations, même les plus difficiles. Dès le premier confinement, j’ai réfléchi à ce que pourrait être ma modeste contribution pour aider les personnes à dépasser leurs craintes et à s’accrocher à leurs ressources afin de faire face au mieux à cette pandémie. L’Arbre de vie, une fois de plus, a été une réponse efficace sur plusieurs points : se reconnecter à ses ressources, créer un espace pour aborder la Covid-19 avec ses enfants sans les traumatiser, se reconstruire après avoir été sérieusement atteint par le virus et repenser ses envies et priorités pour l’après Covid. J’ai donc créé quatre nouveaux protocoles d’Arbre de vie directement liés à la situation sanitaire dans laquelle nous sommes bien malgré nous plongés depuis mars 2020. J’ai pu expérimenter ces quatre protocoles

depuis plusieurs mois et je me propose de les partager avec vous un peu plus loin dans la partie II « Quelques champs d’application ».

Partie I

ACCOMPAGNER AVEC L’ARBRE DE VIE

1 LES RACINES DE L’ARBRE DE VIE

IL EST TOUJOURS IMPORTANT POUR MOI, quand on présente une méthode, de rendre avant tout hommage à toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à son élaboration. Pour vous évoquer la genèse de l’Arbre de vie, il faut parler tout d’abord d’un pédagogue brésilien : Paulo Freire (1921-1997). Paolo Freire est surtout connu pour ses efforts d’alphabétisation visant les personnes adultes de milieux défavorisés. Une alphabétisation militante, conçue comme un moyen de lutter contre l’oppression. Il est intervenu avec son approche au Brésil, au Chili et en Afrique. Son approche est arrivée aux oreilles du ministre de l’Éducation de l’époque en Centre Afrique qui l’a invité afin qu’il lui explique sa pratique et savoir s’il accepterait de venir former des personnes à son approche en lien avec la lutte contre l’illettrisme. Une première version de l’Arbre de vie a donc été publiée et utilisée dès 1984 par Sally Timmel et Anne Hope, deux éducatrices, membres du Mouvement International et Œcuménique des Femmes Engagées. Inspirées par le travail de Paulo Freire, elles ont utilisé la métaphore de l’Arbre de vie principalement avec des jeunes pour les aider à parler des différents aspects de leur vie. La version dont il est question aujourd’hui dans ce livre, « l’Arbre de vie avec les idées narratives », a été développée quant à elle par Ncazelo Ncube-Mlilo, de l’ONG REPSSI (Regional Psychosocial Support Initiative) et David Denborough, du Dulwich centre. Ncazelo Ncube-Mlilo est psychologue pour enfants en Afrique du Sud et travaille avec l’organisme REPSSI. REPSSI est une ONG fondée en 2001,

qui œuvre en Afrique de l’Est et du Sud, avec des partenaires, pour promouvoir le soin et le soutien psychosocial des enfants affectés par le HIV et le Sida, par la pauvreté et les conflits. En tant qu’ONG, REPSSI pense clairement que le soin et le soutien les plus appropriés pour les enfants sont fournis par les relations provenant de la vie quotidienne. À la maison, à l’école, dans la communauté. Et que l’assistance venant de l’extérieur doit soutenir et non saper ces systèmes naturels de soins. Les outils que développe REPSSI, comme l’Arbre de vie notamment, ont un objectif clair : renforcer chez les enfants le sens de l’appartenance et de la connexion à leurs familles et communautés. Et, également de réduire le sentiment d’isolement et de solitude dont beaucoup font l’expérience dans le contexte du HIV, du Sida, de la misère et des violences. Le travail de Ncazelo Ncube-Mlilo était d’organiser l’accueil et des groupes de parole dans les camps pour permettre à ces jeunes de partager leurs difficultés. Au départ, elle a utilisé l’Arbre de vie tel que conçu par Sally Timmel et Anne Hope, mais elle rencontrait des difficultés. Les jeunes pleuraient beaucoup en réalisant leur arbre. Il n’y avait pas de lien, de relais adaptés et satisfaisants quand ils quittaient le camp. Elle a donc cherché des solutions afin que les enfants puissent travailler sur des sujets traumatisants sans se remettre à l’intérieur du trauma. David Denborough, quant à lui, est un thérapeute et travailleur social australien. Il a participé à la fondation du Dulwich Center avec Michael et Cheryl White dans les années 1980. Il a développé au sein des Pratiques Narratives un ensemble de techniques et d’approches originales, issues de son travail inlassable tout autour du monde avec de multiples communautés en difficulté. La méthodologie de l’Arbre de vie avec des idées narratives telle que présentée dans ce livre répond à cette question, « Comment éviter la retraumatisation ? » et a été développée par Ncazelo Ncube-Mlilo et David Denborough. Ils ont travaillé ensemble pour mettre au point un outil en s’inspirant de l’Arbre de vie initial et en y injectant des questions et des idées issues des Pratiques Narratives. Ils ont ainsi développé un outil spécifique permettant de s’adapter à des enfants qui ne connaissent rien de leur histoire, car orphelins et vivant dans des orphelinats. Les questions sont adaptées à ceux qui ne savent pas d’où ils viennent, par exemple : « Une

chanson, une danse qui te donne de la force ? » ou encore : « À quoi ou vers qui reviens-tu quand tu as besoin de force ? »

QU’EST-CE QUE L’ARBRE DE VIE ? L’Arbre de vie dont il est question ici est un outil de soutien psychosocial basé sur les Pratiques Narratives. Cet outil utilise les différentes parties de l’arbre comme métaphore pour représenter les différents aspects de nos vies. L’utilisation des métaphores et de questions soigneusement formulées invite les enfants et d’autres personnes à raconter des histoires sur leur vie de façon à les renforcer, et augmente leur espoir dans l’avenir. Bien qu’il ne soit pas conçu comme un outil de deuil, il ouvre cette possibilité et a été utilisé largement avec des enfants dans différents contextes pour faciliter les conversations sur la perte. L’Arbre de vie permet de raconter, d’entendre et d’explorer des histoires de perte sans rester piégé par des expressions de chagrin et de deuil. En même temps, il ouvre des espaces et des opportunités pour raconter, entendre, explorer des histoires d’espoir, de valeurs partagées, de connexion avec ceux qui sont autour de nous aussi bien qu’avec ceux qui ne sont plus là.

L’OBJECTIF DE L’ARBRE DE VIE Le processus Arbre de vie se déroule en quatre parties. L’objectif des deux premières parties du processus (Arbre de vie et Forêt 1 de vie) est de construire et d’accueillir une histoire alternative pour chaque personne. Une histoire qui parle des habiletés, des espoirs, des rêves, des origines, etc. de la personne concernée. L’objectif de la troisième partie : « quand viennent les tempêtes », est de permettre aux personnes de parler de leurs difficultés.

L’objectif de la quatrième partie : « chants, certificats, célébrations » est de s’assurer que les personnes repartent avec une riche connaissance de ce qui les rend plus fortes et des liens qui les rattachent aux figures importantes de leur vie. Les Pratiques Narratives mettent l’accent sur la « garantie de sécurité ». La sécurité peut être compromise dans l’accompagnement quand on demande à ceux qui sont en butte à des problèmes de continuellement reraconter des histoires saturées de problèmes. Des histoires uniquement focalisées sur les problèmes et les souffrances. C’est dommageable et, potentiellement, peut recréer du traumatisme. Ces histoires qui sont dénuées d’espoir sont parfois appelées « l’histoire dominante ». L’outil Arbre de vie a été délibérément conçu pour soutenir les personnes dans l’exploration des histoires alternatives, des histoires qui parlent d’espoir, de compétences, des rêves qu’un individu a pour sa vie. Une histoire encourageante et dynamisante qui constitue une base ferme pour que la personne puisse poursuivre sa vie en dépit des problèmes auxquels elle est confrontée. L’Arbre de vie a donc été conçu pour éviter la « retraumatisation ». Il a été imaginé pour permettre aux personnes d’avoir un espace sécurisé où elles puissent revisiter certaines des difficultés dont elles ont fait l’expérience au cours de leur vie sans pour autant réactiver leurs traumatismes. Il évite délibérément de cibler les individus au sein d’un groupe. L’exercice de l’Arbre de vie est collaboratif : les problèmes sont partagés par le groupe et les solutions aux problèmes sont produites collectivement2.

INTENTIONS ET ÉTHIQUE « Les gens qui nous consultent sont toujours plus intéressants que ce qu’ils veulent bien nous faire croire ». Michael White

L’Arbre de vie est un outil directement issu des Pratiques Narratives, mais il est possible de l’utiliser sans pour autant avoir été formé à celles-ci. Chacun l’adaptera en fonction de sa pratique d’accompagnement et de ses besoins. Mais, avant de vous parler de toutes les manières de l’utiliser, je pense qu’il

est important que les praticiens et praticiennes qui l’utiliseront restent conscients des intentions initiales et de l’éthique qui le sous-tend. Vous aurez dans le dernier chapitre, détaillés un peu plus longuement, les principaux concepts des Pratiques Narratives évoqués dans ce livre. Notamment la « posture décentrée et influente ». En lien avec cette posture, je partage avec vous ci-dessous les principales idées avec lesquelles je me relie quand j’aborde l’Arbre de vie avec les personnes. Honorer le « plein » Honorer le plein, c’est avant tout un regard et une écoute particulière. Un regard que l’on pose sur la personne et qui à la fois la fait se sentir respectée et lui permet d’exister. Accueillir la personne en se disant que, quoi qu’il en soit, à sa place, on ne ferait pas mieux. Ce qui est tout simplement vrai, car on n’est pas à sa place. On ne vit pas ce qu’elle vit. Si on y arrive, cela devient une écoute sans jugement, une écoute d’une curiosité bienveillante. Une écoute qui donne la priorité au savoir, aux compétences, à l’expérience de la personne. Si elle est là devant nous, c’est qu’elle est déjà en mouvement vers son objectif. C’est avant tout une question de posture chez l’accompagnant. En Pratiques Narratives, la posture de l’accompagnant est appelée décentrée et influente. En tant que coach narratif, quand par exemple une personne vient me voir car elle n’a pas de travail depuis un moment et souhaite être aidée, j’ai le choix de la regarder comme une personne en manque de quelque chose : manque de travail, manque de diplômes, manque de motivation… ou j’ai le choix de la regarder comme une personne pleine de quelque chose : elle est mère de famille, elle a des valeurs, elle est peut-être membre d’une association ou autre… Regarder le plein va générer automatiquement un style de questionnement différent. Plutôt que de demander : « Depuis quand vous n’avez pas de travail ? Qu’est-ce que vous avez comme diplômes ? », je vais demander plutôt « Comment vous est venue l’idée de venir me voir ? Qu’est-ce que vous privilégiez en venant me voir ? Comment faites-vous pour résister à votre situation ? Qu’est-ce que cette situation vous a appris et qui vous sera utile pour demain ? ».

Voilà typiquement le type de questionnement qui honore le plein. C’està-dire les compétences, les intentions, les savoirs, l’expérience de la personne : « Construire, à travers nos questions, une personne digne » dit David Epston, initiateur des Pratiques Narratives avec Michael White. Dès la première rencontre, il s’agit d’engager avec la personne une conversation qu’elle n’a jamais eue auparavant, une conversation ressourçante pour elle. L’idée n’est pas de nier le problème ou l’objectif à travailler, l’idée est de construire avec elle une histoire qui va la rendre plus forte pour affronter les défis qu’elle a à affronter. Commencer par l’histoire du problème, c’est comme se retrouver face au versant infranchissable de la montagne. En revanche, si on commence par honorer le plein d’une personne, lorsque celle-ci se retourne vers son objectif, la pente de la montagne lui paraît moins abrupte et, surtout, elle se sent équipée pour la gravir. Faire l’Arbre de vie avec quelqu’un, c’est comme faire l’inventaire du matériel avant d’entamer l’ascension. Une bonne escalade se prépare. Et, si on est convenablement équipé, il ne risque rien de nous arriver. On sait que, en cas de nécessité, l’on a de quoi faire face. L’Arbre de vie est un outil merveilleux pour honorer le plein. Car on invite les personnes à parler d’elles à l’endroit du plein. Et chaque réponse vient nourrir l’arbre que l’on dessine, lui faisant des branches de plus en plus nombreuses, un feuillage de plus en plus dense. « D’où venez-vous ? De quoi avez-vous besoin pour avancer ? Quelles sont vos forces ? Vos rêves, vos projets ? Quelles sont les personnes importantes pour vous ? ». On se retrouve avec un arbre plein de mots. Et on va demander aux gens la signification de leurs mots, comment eux comprennent leurs mots car chaque mot à une histoire dans leur vie qu’ils vont nous raconter. Les gens qui viennent nous voir, surtout quand ils vivent des situations difficiles, ne sont plus tellement fascinés par leur vie. C’est comme si elle ne recelait plus rien. En leur faisant dessiner leur Arbre de vie, nous réveillons leur intérêt, leur curiosité, pour leur propre vie. Redonner le savoir aux personnes Cette idée n’est pas très éloignée et en lien avec honorer le plein. Les personnes saturées par les problèmes deviennent des personnes sans savoir. Elles ont l’impression de subir, de ne plus rien contrôler. Elles donnent

souvent une description très pauvre d’elles-mêmes. L’idée pour l’accompagnant est de remettre la personne au centre, là où se trouvent le savoir et l’initiative. Michael White disait : « les personnes possèdent toujours plus d’expérience réelle en elles, pour résoudre le problème, que toute autre personne ». C’est une manière de regarder les personnes comme les mieux placées pour savoir. Ce sont elles les expertes de leur vie et de leur survie. Ce point est important car il invite l’accompagnant à une pure posture de curiosité. Il ne fait quasiment que poser des questions. « Dites-moi… Racontez-moi… Comment faites-vous… Qu’est-ce qui vous a permis de… ». Une bonne question, c’est une question à laquelle on a réellement envie d’avoir la réponse. L’accompagnant questionne ce que la personne sait déjà. Elle va lui apprendre ce qu’elle sait sur sa vie. Si elle veut aller à un endroit, c’est qu’elle sait qu’il existe autre chose de mieux pour elle. Cette posture de pure curiosité permet de redonner à la personne son savoir et la conscience de son savoir. Elle reprend confiance. Mais redonner le savoir à la personne nécessite forcément que l’accompagnant abandonne le sien. Il devient un accompagnant « ignorant » mais il reste expert du processus. L’Arbre de vie permet la transformation d’une personne sans savoir en une personne pleine de savoirs. Tous ces mots posés sur l’arbre qui vont émerger et que l’on va pouvoir aller questionner sont autant de portes que l’on va ouvrir vers des savoirs que l’on va étoffer et qui permettront aux personnes de faire des descriptions plus riches d’elles-mêmes. Accueillir les personnes du côté de la vie Souvent les personnes qui viennent nous voir et qui vivent des difficultés ne sont plus dans la vie, elles sont dans la survie. Elles survivent à leurs difficultés. Quand on est dans la survie, on n’est plus dans la relation. Les problèmes isolent les gens qui ont alors une perception étroite d’euxmêmes. Le Dr Julien Betbèze3 parle de dissociation entre la tête et le corps. Les pensées tournent en rond dans la tête. On n’est plus tellement dans son corps. Les intentions ne sont plus en accord avec les actions. J’accompagnais un jeune qui avait frappé un camarade. Le jeune m’a dit : « Je ne voulais pas le faire, je vous assure c’était plus fort que moi ». Être

dissocié, c’est cela. Sa tête ne le voulait pas, mais il l’a fait quand même. À l’inverse quand on est dans la vie, pour le coup on est associé, relié. On est dans l’action plutôt qu’en réaction. On est en relation, dans la coopération. On est dans son corps, on accueille ses émotions. On a une perception plus large du monde et de soi. On ressent ce sentiment d’initiative personnel dont parle Michael White : « C’est un sentiment de soi associé à la perception que l’on est capable d’avoir un effet sur la forme de sa propre vie : un sentiment que l’on est capable d’intervenir dans sa propre vie en tant qu’agent de ce à quoi on donne de la valeur et en tant qu’agent de ses propres intentions, un sentiment que le monde répond au moins un peu au fait que l’on existe ». Une fois qu’une personne est dans sa vie, elle peut se retourner sur ses difficultés et voir comment leur faire face. À nouveau, elle a le choix. Être dans la vie c’est avoir le choix, et accompagner quelqu’un c’est réinjecter du choix dans sa vie. L’Arbre de vie est un moyen efficace pour accueillir les personnes du côté de la vie, car le basculement vient d’une perception enrichie de sa vie. La métaphore de l’Arbre de vie est comme un médiateur entre la personne et ce qu’elle a à dire. Il facilite grandement l’expression. On entre plus facilement dans les histoires et les expériences. On va lui faire raconter et re-raconter avec un maximum de détails ses expériences de vie pour qu’elle les revive. Et quand elle est dans l’expérience, elle est dans son corps, elle est dans la vie. Accueillir la peine des gens sans les retraumatiser Il arrive parfois que les personnes posent sur leur Arbre de vie des mots en lien avec des blessures, des ruptures, des traumatismes qu’elles ont vécus. Surtout au niveau des racines quand on leur demande : « Qu’elle est ton histoire ? À ton avis, qu’est-ce qui, dans ta vie, a fait la personne que tu es aujourd’hui ? », il n’est pas rare de retrouver des mots comme harcèlement, licenciement, burn-out, adoption… Des parents m’avaient envoyé leur fille de dix-neuf ans, Marie, étudiante en première année de médecine, pour ce qu’ils appelaient une « phobie sociale ». Marie ne sortait jamais seule dans la rue. Ils devaient encore se

relayer pour l’accompagner en cours. Elle est suivie depuis plusieurs années par un psy, me disaient-ils. L’objectif avec moi était qu’elle puisse gagner en confiance et en force pour affronter un peu plus l’extérieur. Quand je me suis retrouvée face à Marie, et comme elle ne parlait pas beaucoup, je lui ai demandé si elle accepterait de se présenter au moyen de l’Arbre de vie. De dessiner un arbre et, à travers cet arbre, de me parler un peu d’elle. Elle a accepté. Et, pour les racines, je l’ai invitée à mettre des mots en réponse à : « Quels mots tu pourrais écrire et qui pourraient m’aider à faire connaissance avec la jeune fille que tu es ? Comme : d’où viens-tu ? Qu’est-ce qui a fait la jeune fille que tu es aujourd’hui ? Qu’est-ce qui t’a construite ? ». Sur les racines de son arbre, Marie a posé quelques mots en lien avec son éducation, sa famille, le scoutisme, sa vocation depuis toujours pour la médecine et, subitement, sur une racine, elle a écrit le mot « Viol ». Après chaque mot qu’elle notait, je lui posais quelques questions pour en savoir un peu plus. Là, je l’ai juste remerciée pour la confiance qu’elle me faisait en posant ce mot. Je lui ai dit qu’en faisant cela elle m’aidait à l’aider. J’ai accueilli ce mot comme un élément important de compréhension du contexte. Retraumatiser les personnes c’est les ramener, avec nos questions, sur le lieu de l’agression. « Qu’est-ce qui s’est passé ?… Quand ? etc. »… Plutôt lui demander « Qu’est-ce que cela te fait de l’avoir posé ? Qu’est-ce que cela change ou pourrait changer pour toi de l’avoir posé ? ». L’histoire peut se raconter autrement ce qui permet de donner un autre sens à l’histoire. Quand son arbre fut terminé, nous nous sommes assises toutes les deux devant lui pour l’admirer. Chaque mot était comme un cadeau et nous les avons ouverts un à un pour regarder ce qu’il y avait dedans. Cet Arbre de vie parlait d’une jeune fille courageuse et extrêmement déterminée. Elle m’a raconté une multitude d’histoires qui illustraient cela. Cet arbre disait aussi qu’elle avait toujours voulu être médecin et qu’elle avait réussi sa première année de médecine du premier coup. Il parlait aussi de tous les projets et espoirs que Marie avait pour sa vie : devenir pédiatre, voyager, fonder une famille, être heureuse… Il évoquait également tous les gens formidables qui l’entouraient. Je me souviens qu’il nous a fallu plusieurs séances afin d’ouvrir tous les cadeaux qu’il y avait sur ce bel arbre. Et ce n’est qu’après avoir bien

exploré toutes ses forces que l’on s’est retourné vers son objectif. Je lui ai demandé : « En quoi le fait d’avoir créé ton arbre, de l’avoir exploré, va-til faire une différence pour toi dans les jours, les mois qui viennent ? Qu’est-ce que cela t’a appris sur toi ? Quand tu regardes ton objectif qui est d’arriver à être plus autonome, qu’est-ce que ton arbre t’a appris et qui pourrait t’aider ? Qu’est-ce qui pourrait se mettre entre toi et tes projets ? Qu’est-ce que ton arbre t’a appris qui pourrait t’aider si cela se produit ? Qu’est-ce que cet arbre te donne comme espoir ? ». Marie avait plein d’idées qu’elle n’aurait pas eues si nous n’avions pas exploré le « plein ». Avoir des idées, c’est être déjà dans l’action. Ensuite, nous avons cherché comment progressivement faire exister toutes ses idées. L’Arbre de vie permet d’anticiper et d’aborder les tempêtes sans nous les faire revivre et en se sentant plus fort pour les affronter.

LES RITES DE PASSAGE Je n’oublie jamais que les personnes qui viennent me voir ont le désir d’un changement pour leur vie et que, si elles viennent me voir, c’est que ce changement leur paraît difficile à initier, à accomplir. Elles ont peut-être l’impression qu’elles ne pourront pas y arriver toutes seules. Je me réfère souvent aux « Rites de passage » dont parle Michael White4 et qui facilitent les transitions de vie. Il parle de trois phases par lesquelles on passe pour chaque grand changement et il donne comme exemple des femmes qu’il accompagnait. Ce sont des femmes qui avaient décidé de quitter un mari violent. La phase de séparation Il y a un moment où la personne trouve la force en elle d’engager un changement pour sa vie. Dans ce cas de figure elle quitte le mari violent. En disant « stop », il y a l’envie d’une vie meilleure pour elle, pour ses enfants. C’est cet élan d’espoir qui lui donne la force de partir. Mais ce n’est pas toujours facile de s’accrocher à cet élan. Dans le cadre de cette séparation, les certitudes les plus assurées de la personne sont secouées. Ce qui était

considéré comme connu et familier ne l’est plus. Ces circonstances expédient les personnes concernées dans la deuxième phase. La phase de l’entre-deux Cette phase comprend des attentes très fortes, alternant avec des périodes de confusion et aussi une certaine désorientation. La personne se retrouve confrontée à de nouvelles difficultés. Ces femmes dont parle Michael White par exemple se retrouvent face à d’autres problèmes, d’ordre financier, les relances ou menaces du mari, ou autres. Parfois cela alimente le désespoir et la personne perçoit ce qui l’attend comme encore plus difficile que ce qu’elle vivait. C’est le moment où l’envie est grande de renoncer. Toutefois, lorsque cette période d’entre-deux peut être comprise comme appartenant à un parcours, un rite de passage, elle devient plus facile à surmonter. Comprendre ce rite de passage suppose de reconnaître qu’il y a toujours une distance entre la séparation d’avec le familier et le tenu pour acquis et le point d’arrivée en un autre lieu dans lequel certains aspects de l’existence et de l’identité sont vécus de manière nouvelle. En tant qu’accompagnant c’est souvent cet entre-deux que nous devons accompagner. La phase de ré-incorporation Enfin c’est la ré-incorporation lorsqu’on commence à réaliser que l’on va mener son existence dans un nouveau lieu dans lequel sont mises en exergue de nouvelles conceptions de l’existence et de l’identité, un changement dans l’image que l’on a de soi, un renouveau dans le plaisir de vivre, de nouvelles émotions et des propositions inédites sur la manière de conduire sa vie. Par le questionnement, ce point d’arrivée peut être richement connu et publiquement reconnu. Michael White parle de ces trois phases comme une migration d’identité. Ce type de changement, c’est bien plus que d’aller d’un point à un autre, c’est aussi de passer d’une identité à une autre. Pour ces femmes, c’est passer d’une identité « je ne vaux rien » à « je mérite mieux pour ma vie ».

Une migration d’identité, ce n’est pas changer d’identité, c’est plutôt retrouver son identité, comme si on s’était un peu perdu en route. Je ne travaille pas avec le même public, mais ce sont exactement les mêmes rites de passage auxquels sont confrontés mes clients quand ils décident de grands changements dans leur vie. Changer de métier, changer d’entreprise, s’installer à l’étranger, monter son entreprise, retourner travailler après un burn-out… Mon rôle en tant qu’accompagnant sera de soutenir l’élan initial qui amène souvent la personne à nous, en la ramenant constamment, par mon questionnement, à ses intentions. Si elle souhaite ce changement, c’est qu’elle sait que ce qui l’attend est mieux pour elle que ce qu’elle vit actuellement. Mon rôle est de l’aider à étoffer ce qu’elle sait de ce qui l’attend pour le rendre plus connu et familier. Mon rôle est de faire en sorte que mon client gère au mieux cet entredeux en lui rendant transparent toutes les étapes, en accueillant ses doutes et en le reliant à ses forces. J’ai un client qui voulait quitter sa fonction de cadre dans une entreprise où il travaillait depuis vingt ans, afin de reprendre un restaurant dans une région de la France qu’il connaît bien et qui lui tient particulièrement à cœur. C’était un grand changement pour lui qui gagnait bien sa vie. Il quittait un métier, une ville, une maison. Il avait réussi à convaincre sa femme. Plus le projet se précisait et plus il « flippait ». Quand il vient me voir sur les conseils d’un ami, il se trouve dans un entre-deux bien chahuté. Il me déclare : « Je veux être sûr que je ne fais pas une connerie ». Je lui ai proposé de faire l’Arbre de vie de son projet. Pour les racines, je lui ai demandé : « Comment l’idée de vouloir réaliser ce projet est-elle entrée dans votre vie ? » Il s’est rendu compte qu’il portait ce projet depuis bien plus longtemps qu’il ne l’imaginait. Le sol, en l’occurrence, était la réponse à : « De quoi avez-vous besoin pour réaliser le plus sereinement possible ce projet ? » La seule chose qu’il a notée à propos du sol est que ce soit un projet familial. Il avait besoin du soutien des siens. En en discutant, il m’a dit que sa femme le soutenait car elle avait très envie de quitter Paris pour pouvoir être plus présente auprès de ses enfants et que ceux-ci puissent évoluer dans un environnement plus sain. En ce qui concerne le tronc de son arbre, je lui ai demandé de noter les compétences et qualités qu’il se reconnaît et qui lui seront bien utiles. Il n’en manquait pas. Pour les

branches, le questionnement fut : « Imaginez que vous vous couchiez ce soir, et demain quand vous vous réveillez, vous êtes dans votre nouvelle vie, dans votre restaurant. Qu’est-ce que ce projet aura changé et rendu possible pour vous, pour votre famille ? Quelles sont les nouvelles possibilités qui s’ouvrent à vous ? Puis vint le tour des feuilles : « Qui autour de vous ne serait pas étonné et apprécierait de vous voir dans ce nouveau projet ? » Et enfin, les fruits : « Quelles valeurs importantes pour vous pourraient librement s’exprimer dans ce nouveau projet ? » Nous avons passé deux heures à explorer l’Arbre de vie de son projet. Nous avons eu trois autres séances ensemble et il m’a dit que l’Arbre de vie était ce qui l’avait le plus aidé à se réaligner avec son projet. L’Arbre de vie est un outil très pertinent pour accompagner cet « entredeux » que peut vivre une personne. Il lui permet de retrouver du sens et de la force pour se raccrocher à son élan de départ.

TRANSPARENCE, AUTORISATIONS ET SÉCURITÉ À chaque fois que, dans le courant de mon travail avec une personne, je propose l’Arbre de vie, je passe un certain temps à exprimer clairement mes intentions. C’est-à-dire en quoi cela va consister et pourquoi je pense que ce serait utile à ce moment de notre travail ensemble. Ensuite, je lui demande si cela lui convient. L’idée est que la personne est la mieux placée pour savoir ce qui lui convient. Accompagner une personne, c’est comme un voyage que l’on va partager avec elle. On ne part pas avec quelqu’un quand on ne sait pas exactement où il va nous amener. Ce ne serait pas rassurant. Il s’agit de tout dire, de rendre visible toutes les étapes du voyage à venir, afin que la personne accompagnée se sente suffisamment en sécurité pour s’y engager pleinement. Parfois, le voyage ne se fait pas. Notamment avec des jeunes : ils viennent aux séances mais n’investissent pas vraiment l’espace. Quand cela

se produit, je ne me dis jamais que c’est de la faute de la personne, mais plutôt que je ne l’ai pas assez rassurée. Ce n’est pas qu’elle ne veuille pas, c’est juste que le sens ne lui apparaît pas, ou elle ne se sent pas assez en sécurité pour s’engager. Créer cet espace sécurisant est de la seule responsabilité éthique de l’accompagnant. Et cela commence en rendant transparent tout ce que l’on fait et à ne rien engager sans avoir validé au préalable que cela convient à notre client. C’est un voyage aussi pour l’accompagnant. Car les personnes que nous accompagnons nous font aussi voyager. Elles nous amènent dans des pays et sur des territoires parfois pas encore visités. Je pense que l’accompagnant ne doit pas oublier que lui aussi est différent du fait d’avoir accompagné une personne. Il est nourri et grandi par chaque situation et chaque rencontre. Il n’est pas rare, quand je termine une mission, de dire à mon client tout ce que notre travail ensemble m’a apporté et en quoi ça va éclairer différemment mon chemin professionnel. On aide des personnes qui sans le savoir nous aident aussi. Autant le leur dire. Pour terminer, je dirais que, quel que soit notre statut – coach, thérapeute ou autre – quand une personne nous consulte, c’est qu’elle a un objectif, et notre travail est de l’accompagner vers cet objectif qui est le sien. Peu importe la manière dont on va s’y prendre : l’important est de ne jamais perdre de vue l’objectif du client. Une méthode ne remplace pas l’accompagnant, sa pratique, son intuition, ses questionnements. Une méthode ou un outil n’est là que pour soutenir les intentions de l’accompagnant. Il l’aide à accompagner son client. Et, quand on l’utilise, c’est toujours en lien avec l’objectif du client.

LES BIENFAITS DE L’ARBRE DE VIE SUR LES PERSONNES ACCOMPAGNÉES Ayant utilisé cette méthode une dizaine d’années sur différents publics, j’ai pu observer que réaliser son Arbre de vie, le raconter, l’explorer, le partager permettent globalement aux personnes que l’on accompagne de se sentir plus fortes, moins seules, de regagner en confiance, d’y voir plus clair dans

leurs projets ou de trouver un projet en lien avec ce qui est important pour elles dans la vie. Je pourrais résumer ces bienfaits en trois mots : espoir, fierté et résilience. L’espoir Tout d’abord, je dirais qu’utiliser l’Arbre de vie en individuel ou en collectif redonne énormément d’espoir aux personnes que l’on accompagne. Espoir dans leur projet, dans leur vie personnelle et/ou professionnelle, espoir en l’avenir. Avoir de l’espoir pour moi, c’est l’envie d’avancer dans la vie en confiance, c’est aussi traverser des changements ou des difficultés sans se laisser paralyser par eux, juste se sentir en mesure de les surmonter. C’est cette agréable sensation que nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise. L’Arbre de vie a vraiment été conçu pour explorer l’espoir chez les gens. Il y a différentes raisons qui amènent les personnes à nous. Elles ont un objectif, un désir pour leur vie. Et, si elles se retrouvent face à nous, c’est qu’elles ont besoin d’aide dans cette période de changement. Si elles ont besoin d’aide, c’est que le doute s’est invité et, quand le doute s’invite, il assombrit l’espoir qu’elles pourraient avoir pour ce changement désiré. En réalisant son Arbre de vie, la personne se voit proposer plusieurs façons de retrouver de l’espoir. Elle est invitée à redonner du sens à son parcours (les racines) en répondant aux questions : « Quelle est ton histoire ? Comment l’idée de faire ce métier est entrée dans ta vie ? ». En se reliant au sens, elle se relie à la motivation, à ses valeurs. Elle regagne également en confiance en revisitant ses forces et l’histoire de ses forces (le tronc) : « Quelles sont vos qualités, compétences, valeurs que l’on vous reconnaît, que vous appréciez chez vous ? De qui tenez-vous cette qualité ? Est-ce que vous avez une histoire où cette compétence vous a aidé dans la vie ? ». Elle sort de l’isolement et retrouve du soutien quand elle se relie à ses feuilles qui sont les personnes qui comptent ou ont compté dans sa vie, etc. L’espoir est là quand on se sent plus fort, quand ce que l’on fait a du sens, quand on se sent en relation avec les personnes.

Quand on explore sa vie de cette manière c’est l’espoir qui s’invite et qui assombrit le doute. La personne est à nouveau en mouvement, dans l’action. Elle a retrouvé de la curiosité et de l’intérêt pour sa vie et elle a envie d’écrire la suite de son histoire. La fierté Quand je pense à fierté, je pense à dignité. Être fière et digne pour moi, c’est tout le contraire d’avoir honte. Il m’est arrivé à différent moment de ma vie de ressentir de la honte. Notamment concernant mon parcours scolaire qui m’a conduit à me retrouver au collège dans une classe pour enfants en difficulté et fait sortir très tôt du système scolaire avec un CAP de sténodactylo. Avoir honte pour moi, c’est se sentir différent dans le sens « moins bien que les autres ». On se sent exclu ou on s’exclut soi-même de certains milieux. Cette honte s’est souvent invitée dans ma vie professionnelle et m’a fait douter, me sentir illégitime, même quand les choses se passaient plutôt bien pour moi. Cette honte m’obligeait à mentir parfois pour m’inventer des diplômes que je n’avais pas afin de me conformer aux autres et ceci pour certainement de ne pas être rejetée. Aujourd’hui après un beau parcours professionnel, un long travail personnel et ma formation d’accompagnante, je peux enfin être fière de moi et de mon parcours. Je peux enfin raconter ma vraie histoire en me sentant digne. Car j’ai appris à la regarder différemment. On peut donner plusieurs sens à une même histoire. Je l’ai regardé sous l’angle de comment j’ai survécu à cette histoire. Comment cette histoire ne m’a pas empêché d’avancer, d’évoluer professionnellement à un haut niveau, de reprendre des études à quarante ans et de changer de métier. Cela m’a permis de faire enfin connaissance avec la petite fille courageuse que j’ai été. Les personnes que l’on accompagne et qui se trouvent dans des situations difficiles sont familières de ce sentiment de honte et/ou d’exclusion. Un sentiment qui les fait se sentir seules et désarmées face à ce qu’elles vivent. Donner un autre sens à nos histoires, c’est ce que permet l’Arbre de vie. Avec cette méthode, on propose à la personne que l’on accompagne un espace pour se raconter différemment avec l’aide d’un questionnement qui

va s’intéresser à toutes les histoires de la personne et qui va mettre la lumière davantage sur leurs histoires qui parlent de compétences, de valeurs, de sens. En se racontant de la sorte, la personne va redécouvrir sa vie, redevenir curieuse voire fière de sa propre vie. La résilience J’entends par résilience la capacité qu’ont les personnes à triompher des traumatismes ou des difficultés de leur vie. Mon postulat de base est que si la personne est là, devant moi, à dessiner son arbre, à me le raconter, à explorer tous les moyens d’atteindre son objectif, c’est qu’elle a déjà triomphé de pas mal de choses dans sa vie. C’est qu’elle est déjà dans l’action, qu’elle a en elle toutes les ressources. À l’accompagnant d’aller questionner toutes ses ressources pour avoir un maximum de détails et que la personne puisse en avoir conscience et s’en nourrir. D’ailleurs, une des premières questions que je pose à une personne qui vient me voir est : Qu’elle est l’histoire de votre présence ici ? Racontez moi comment vous êtes arrivée jusqu’à moi ? Quels sont les obstacles que vous avez peut-être dû surmonter pour être là ? Dans l’idée que le réel n’a pas le monopole de la réalité. Ce qui se produit à un moment donné ne suffit pas à représenter la réalité. Pour que les personnes puissent être là, plein de choses se sont passées. Donc inviter les personnes à mettre des mots les aident à prendre conscience de leur réalité. De la richesse de leur réalité. C’est une manière d’aller chercher l’intention victorieuse, ce dont la personne a triomphé pour être là. Chaque action que nous avons menée si petite soit-elle pourrait être explorée de cette manière, sous l’angle de comment nous avons réussi à mener cette action. Quand la personne se raconte avec l’Arbre de vie, elle pose des mots et raconte l’histoire de ces mots. Tout ce qui constitue son histoire et qui fait qu’elle soit là avec son objectif. Tous les mots posés sur l’Arbre seront autant d’opportunités d’aller chercher les intentions victorieuses de chaque action ou épreuve qui ont jalonné sa vie.

La résilience est l’un des bienfaits que procure l’Arbre de vie car après avoir vécu cette expérience, la personne a pu revisiter sa vie en prenant conscience et en rendant hommage à tout ce qu’elle a mis en place pour avancer envers et contre tout. Ci-dessous, le témoignage de Christine, une de mes clientes, responsable Qualité d’une grande entreprise. Elle a vécu cette expérience de l’Arbre de vie et l’a racontée lors d’une interview à Psychologies Magazine en juin 2016 : « Il y a deux ans, je ne progressais plus professionnellement, et je ne m’épanouissais ni dans mon travail ni dans ma vie. Mon entreprise m’a proposé un coaching, j’ai accepté sans savoir ce que ça pourrait m’apporter. La femme qui m’a accompagné m’a tout de suite plu. Elle m’a demandé de représenter mon parcours professionnel sous la forme d’un « Arbre de vie », dont les racines étaient ma période scolaire, le tronc ma formation initiale, et les branches les différentes étapes de ma carrière. J’ai trouvé ça passionnant. Plus je construisais cet arbre et plus je me sentais fière de mon parcours : branche après branche, j’ai visualisé tout ce qu’il y avait de beau et de positif. Et, j’ai identifié les personnes importantes que j’ai croisées sur ma route et qui ont cru en moi, m’ont encouragée et ont facilité ma progression. À travers elles, j’ai vu se dessiner les valeurs auxquelles je crois, et quelque chose m’a sauté aux yeux : plus l’arbre avait grandi et plus je m’en étais éloignée. C’était flagrant : au fil des évènements de ma vie, je m’étais éloignée de moi-même au point de me perdre de vue… Séance après séance, j’ai élagué mon arbre, enlevé ses feuilles sèches, nettoyé ses racines, et je me suis rapprochée de moi. J’ai retrouvé l’enfant vive que j’étais, mes envies, ma capacité à toujours retomber sur mes pattes, que j’avais perdue. J’ai accepté d’affronter l’idée que j’avais été victime de situations que je subissais, mais que c’était terminé. Ma vie est devenue plus fluide, plus vivante ; j’ai recommencé à faire des projets qui me ressemblent, et j’ai à nouveau été valorisée dans mon entreprise. Je me suis re-aimée ! ».

2 ACCOMPAGNER EN INDIVIDUEL

« Chaque fois que nous posons une question, nous générons une version possible d’une vie ». David Epston L’ARBRE DE VIE PERMET AUX PERSONNES de parler de leur vie en utilisant ce qu’elles savent de leur connaissance sur les arbres. C’est un outil très accessible qui fait émerger compétences et ressources, qui permet de faire des liens et de donner du sens à son parcours, à sa vie, de sortir la personne de l’isolement, de libérer l’expression notamment avec les enfants.

À QUEL MOMENT PROPOSER L’ARBRE DE VIE ? Depuis que j’utilise l’Arbre de vie, il m’a été très utile pour aborder les objectifs suivants avec mes clients : • au début d’un accompagnement pour faire connaissance avec la personne ; • au début d’un accompagnement pour clarifier la demande, les objectifs à travailler ; • avec les jeunes pour libérer l’expression ;

• pour aller à la recherche du projet de la personne : orientation, transition de vie ; • pour travailler le manque de confiance ou d’estime de soi ; • pour sortir la personne de l’isolement ; • pour l’aider à retrouver du sens dans sa vie, dans son travail ; • pour l’aider à mieux se connaître dans une démarche de développement ; • pour travailler son identité professionnelle et dégager sa singularité ; • pour développer la cohésion d’une équipe ; • pour travailler la solidarité tout en honorant les différences ; • pour anticiper les obstacles qui pourraient se mettre entre nous et nos projets. • en cas de blocage dans un accompagnement, lorsqu’on n’avance plus, pour relancer la démarche et ouvrir de nouvelles pistes

L’ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUEL La méthode de l’Arbre de vie a été conçue pour accompagner les collectifs. Néanmoins, je l’ai tout de suite intégrée dans mes accompagnements individuels en gardant les mêmes principes, les mêmes intentions. Vous allez lire dans ce chapitre comment j’ai adapté cet outil collectif à l’accompagnement individuel. Préparer la personne Avant de commencer et pour instaurer une atmosphère de transparence totale, je dis à mon client : « Il y aura, tout au long de ce travail, une invitation à parler de vos forces. Vous allez faire l’expérience d’une autre manière de vous présenter. Est-ce que cela vous convient ? » Ensuite, je mets la personne en condition. Je lui décris tout le processus : « Vous allez commencer à dessiner un arbre nu. Un arbre qui a des racines, un sol, un tronc, des branches, des feuilles, des fruits. Toutes les parties de l’arbre

vont servir de support pour faire émerger des mots. À travers cet arbre, on va parler de vous. Nous allons passer à peu près dix minutes sur chaque partie de l’arbre pour la renseigner. Vous pouvez commenter vos mots au moment où vous les notez ou à la fin quand l’arbre sera terminé. À la fin, on verra ce que votre arbre vous apprend et vous ouvre comme nouvelles pistes pour votre projet. ». Faire dessiner l’arbre J’invite la personne à aller au paperboard et à dessiner son arbre. Les différentes parties de l’arbre seront utilisées comme métaphore pour représenter les différents aspects de sa vie. Je l’invite à se souvenir de choses qu’elle sait déjà, puisqu’il s’agit de sa vie, de ses expériences, mais auxquelles elle n’est plus tellement connectée au moment où elle vient nous voir. Certaines personne vont me dire : « Vous savez, je ne sais pas du tout dessiner ! » Je leur réponds « Cela tombe bien, car ce n’est pas un concours de dessin. C’est juste une manière d’honorer les mots, d’aller au secours des mots en les posant quelque part pour que l’on puisse les regarder et en discuter ». Dans cet exercice de l’Arbre de vie, on n’analyse pas du tout le dessin comme on pourrait le faire dans d’autres pratiques. On n’interprète rien. On fait juste émerger des mots que l’on va demander à la personne de développer. Sur le plan symbolique et physique, faire se lever quelqu’un pour dessiner son arbre est une belle façon de mettre la personne en mouvement et en action.

LES RACINES En général, on renseigne l’arbre du bas vers le haut. Une fois qu’il est dessiné, j’invite donc la personne à poser d’abord des mots sur les racines. Les racines sont une partie de l’arbre qui parlera plutôt du passé. Il s’agit de

se retourner sur sa vie et de regarder d’où elle vient. Les personnes qui viennent nous voir ont parfois l’impression de subir leur vie, d’avoir fait des choix par défaut, d’avoir un parcours incohérent, ou ne comprennent pas ce qui se rejoue souvent. L’intention, en renseignant cette partie de l’arbre, est de permettre à notre client de redécouvrir dans sa vie du sens et de la cohérence. C’est souvent le moment où il prendra conscience de ce qui conditionne sa vie : il fera des liens, ou bien il aura une meilleure compréhension de ce qui se passe pour lui. Pour l’accompagnant, c’est également très aidant, car, dépassant la demande initiale, la formulation du problème ou de l’objectif, il va avoir accès au contexte plus élargi dans lequel évolue ou a évolué son client. En fonction des personnes, les mots sont présentés un à un au moment où ils sont écrits, d’autres ont besoin de poser tous les mots sur leurs racines avant de pouvoir en parler. D’autres encore préfèrent terminer entièrement leur arbre avant de le présenter. Tout est bien pour moi dès lors que c’est le plus confortable pour la personne. Les questions de l’accompagnant pour faire émerger les mots des racines peuvent changer en fonction du public, de l’objectif que la personne vient travailler, si c’est un arbre professionnel ou personnel. Ce qui ne change pas, c’est que sur cette partie de l’arbre on va aller à la recherche de l’histoire et des origines, tout en ne perdant jamais de vue l’objectif que vient travailler avec nous la personne. Exemples de questions que je pose pour les racines – Quelle est votre histoire professionnelle ? – Si vous vous retournez sur votre parcours professionnel, qu’est-ce qui à votre avis fait que vous vous retrouviez à ce poste, dans ce secteur d’activité ? (Cela peut être des rencontres, des compétences, un style d’études, ou autres.) – Quelles sont les principales étapes de votre parcours professionnel ? – Qu’est-ce qui, à votre avis, il est intéressant pour moi de savoir de votre histoire professionnelle et qui m’aiderait à vous accompagner ? – Si vous vous retournez sur votre parcours professionnel, qu’est-ce qui, à votre avis, a guidé vos pas jusqu’à présent ?

Pendant qu’ils écrivent, je leur dis de prendre le temps dont ils ont besoin, de laisser venir les mots. « Mettez-les où vous voulez, sur les

racines, entre les racines ». « Tous les mots ont leur importance. Il y en a qui vous éclaireront peut-être un plus que d’autres. S’ils viennent c’est qu’ils ont leur place ». Certains, soucieux de bien faire, me demandent si tel mot convient, ou bien s’il y a un ordre particulier pour les noter. Je réponds toujours que, pour moi, cela n’a aucune importance, de faire comme ils le souhaitent, comme c’est le mieux pour eux. Débriefing des racines Lorsque la personne juge d’elle-même qu’elle a terminé, je l’invite à présenter ses racines. Je m’emploie à ce que chaque présentation de chaque partie de l’arbre ait le style d’une conversation entre nous. Elle me raconte librement, dans l’ordre qu’elle souhaite. J’écoute et je pose des questions de curiosité. J’aide mon client à préciser, à développer ou à établir des liens si nécessaire. Souvent, la personne fait les liens d’elle-même. Parfois, il arrive que certaines racines s’avèrent encombrantes pour la personne : des choses que, dans son histoire, elle a vécues de manière pas vraiment positive, une éducation trouvée trop rigide, une injonction familiale à faire tel type d’études au détriment d’une vocation initiale, etc. Dans ce cas de figure, il m’arrive souvent de proposer à mon client le concept du Musée1. Je lui dis : « Vous savez, dans les musées, on met souvent des choses anciennes que l’on peut aller voir ou pas selon qu’on en a ou non l’envie. Et si on imaginait d’avoir tous notre musée personnel ? Un musée où nous pouvons mettre ce qui dans notre histoire nous encombre, quelque chose qui, un jour, avait sa place mais ne l’a plus vraiment aujourd’hui, quelque chose que l’on voudrait mettre un peu à distance sans pour autant le jeter définitivement ? On peut aller le récupérer si on veut, on peut aller lui rendre visite de temps en temps, mais il n’est plus chez nous. Qu’en pensez-vous ? Et vous, il y a des choses de votre histoire que vous auriez envie de mettre dans votre musée personnel ? » J’invite ainsi la personne à se délester virtuellement de certaines de ses histoires qu’elle trouverait trop pesantes ou emprisonnantes. Une manière, pour elle, de décider de ce qu’elle veut garder près d’elle et de ce qu’elle a

envie d’éloigner plus ou moins, sans forcément le jeter. Une manière, aussi, de donner à mon client le pouvoir de décision. Quand la personne adhère à ma proposition, je garde le concept du musée à la disposition de toutes les parties de l’arbre et tout au long de l’accompagnement en général. Pour terminer, je préciserai qu’il m’arrive, dans certains cas précis, en fonction de ce que vit la personne, si j’ai l’intuition que commencer par les racines pourrait être inconfortable pour elle, de ne pas commencer par les racines mais directement par le tronc. Ensuite, en fonction du déroulement de la séance, de l’énergie de la personne, je décide de redescendre vers les racines ou non. C’est le cas, souvent, quand j’accompagne des jeunes. Il y en a qui connaissent des situations familiales difficiles, ils sont orphelins ou bien éloignés de leur famille. Quand je sens la situation fragile pour eux ou quand ils m’ont l’air tristes ou désabusés, je commence par le tronc pour leur redonner un peu de force et ensuite, en fonction du jeune et de ce que je sens de son énergie, je reviens aux racines.

LE SOL Avec les racines, nous étions plutôt dans le passé. Avec le sol, nous entrons dans le présent. Pour cette séquence-là, je me suis progressivement détachée de la version initiale proposée par Ncazelo Ncube-Mlilo et David Denborough. Je la sentais moins adaptée pour le type de travail que je fais en coaching avec mes clients. Sur le sol Ncazelo et David demandaient aux enfants : « Quelle est ta vie aujourd’hui ? Où tu vis ? Quelles sont tes activités au quotidien ? » Pour ma part, je relie cette séquence aux besoins de la personne que j’accompagne. Ceux qui souffrent, qui ne sont pas heureux au travail ou dans leur vie, souvent ne sont plus connectés à leurs besoins. L’intention que je mets dans cette séquence est donc de permettre à la personne accompagnée d’identifier ses besoins pour les faire vivre et en prendre soin. Je vais donc lui demander de quoi son arbre a besoin pour grandir et se déployer. De quoi il convient de nourrir le sol afin qu’il

développe un tronc solide, des branches robustes, un beau feuillage, de beaux fruits, et que la sève circule bien dans l’ensemble. Exemples de questions à poser pour le sol – Qu’est-ce qui nourrit ce sol ? – De quoi votre arbre a-t-il besoin pour grandir, s’épanouir ? – De quoi avez-vous besoin pour avancer dans la vie, dans votre métier ou votre emploi ? – Qu’est-ce qui n’est pas négociable : ce qui doit être absolument présent dans votre vie professionnelle, personnelle ?

Je demande aux personnes de ne pas mettre trop de mots, d’établir des priorités, car on ne peut pas forcément nourrir tous ses besoins, ne mettre que ce qui est important pour elles, ce qui n’est pas négociable. C’est un moment où il faut donner un peu de temps, car réfléchir à ses besoins n’est pas une pratique habituelle pour la plupart des gens. J’aide un peu si nécessaire en donnant quelques exemples ou en disant : « Vous voyez, c’est le genre de choses qui, si cela ne vit pas dans votre vie ou dans votre travail, vous rend les choses difficiles ». On se retrouve avec des mots comme : soutien, transparence, liberté, reconnaissance… Débriefing du sol La personne présente ses mots. Je vais alors questionner chaque mot. Si la personne a écrit le mot « liberté », je vais le lui faire expliciter. « C’est quoi, la liberté, précisément pour vous dans le travail ? Est-ce que vous pouvez me raconter une histoire qui m’aiderait à comprendre comment la liberté s’exprime dans votre travail ? À votre avis, d’où vous vient ce besoin de liberté ? Comment l’avez-vous acquis ? Qui autour de vous sait cela et apprécie cela de vous ? Quand la liberté s’exprime dans votre travail, qu’est-ce que cela rend possible pour vous ? » Ce qui est très important, c’est de faire s’exprimer l’abstrait par le concret. Pour cela, il convient de questionner et de faire raconter des histoires qui fournissent des illustrations « palpables ». Si je garde l’exemple de la liberté, elle ne vient pas de nulle

part et ce sont des expériences vécues qui la rendent perceptible et reconnaissable. C’est un moment important de l’accompagnement : la personne nous donne accès à ce qu’elle veut et à ce dont elle a besoin pour sa vie. On va s’apercevoir que, souvent, ce qui l’a amenée à venir nous voir est en relation avec le sol de l’arbre, car c’est à ce niveau que, dans sa vie, les choses ont du mal à s’exprimer. Quand une personne souffre, quand elle n’est pas pleinement satisfaite dans son travail, c’est souvent que des valeurs importantes pour elle ne sont pas honorées, voire sont bafouées. Dès lors que cela s’est exprimé, on peut travailler avec elle pour qu’elle énonce comment elle prendra désormais soin de son sol, comment elle peut faire en sorte de ne jamais perdre de vue ses besoins. Comment les faire exister, là où elle est ou ailleurs. Et, si elle envisage un nouveau projet, un projet alternatif à sa situation présente, on travaillera avec elle pour qu’elle définisse comment concilier son nouveau projet et ses besoins.

LE TRONC Avec le tronc on reste dans le présent. Dans le tronc, nous allons chercher les ressources de la personne. Nous allons l’inviter à se relier à ses forces, à identifier et à noter ses compétences, mais aussi toutes les ressources qu’elle a en elle, qu’elle a développées tout au long de sa vie, qu’on lui reconnaît, qu’elle-même apprécie chez elle. La personne peut tenir un discours de découragement voire d’impuissance. Nous devons lui faire prendre conscience que, si elle est là, en ce moment, à nous parler de ses difficultés, c’est qu’elle a encore la force de leur résister, et cela relève des forces qui habitent le tronc de son arbre. Pour certaines personnes en difficulté, c’est une étape un peu difficile car elles sont souvent plus ou moins déconnectées de leurs compétences. Par compétences, j’entends tout ce qui permet et a permis à une personne de se mettre debout, d’avancer, de s’adapter à des situations difficiles, de surmonter des épreuves, d’avoir des réussites et du bonheur. Ce sont souvent des compétences « clandestines » car la personne elle-même n’en a

pas conscience ou n’a pas conscience que ce sont des compétences. Je ne suis jamais inquiète : chaque personne a largement de quoi remplir son tronc. Mais, s’agissant de certaines, réaliser leur arbre constituera une marche un peu haute. C’est à moi de les aider, par mes questions, à retrouver les richesses et les ressources auxquelles elles ne sont plus connectées. Parfois, il m’arrive de suggérer des compétences que j’ai pu déjà discerner en elles. L’intention de cette partie de l’arbre est clairement d’honorer les savoirs les plus existentiels, les savoirs clandestins de la personne. Ce qu’elle met en œuvre tous les jours sans penser que c’est forcément une compétence. Comme si c’était juste « normal ». À nous, les accompagnants, de rendre un peu plus exceptionnel ce qui est vécu comme « normal », afin de permettre à la personne de s’en nourrir pour gagner en confiance et en estime de soi. Dans le cas d’un projet, l’intention est également de lui faire prendre conscience qu’elle est bien équipée et qu’elle ne part pas de rien. Il s’agit, en résumé, d’aller chercher ce qui, même caché, fait que leur tronc est solide. Ce qui fait que, malgré les tempêtes, l’arbre est toujours debout et vivant. Exemples de questions à poser pour le tronc – Quelles sont vos qualités, compétences, talents, habiletés que l’on vous reconnaît, et/ou que l’on apprécie chez vous ? – Qu’est-ce qui vous distingue professionnellement en termes de qualités, de compétences, de savoirs, savoir-faire, savoir être ? – Qu’est-ce que vos collègues reconnaissent et apprécient en vous en termes de talents, compétences, qualités ? – Quelles sont les valeurs qui vous animent et que vous aimez voir vivre dans votre travail au quotidien ? – Qu’est-ce que vous vous reconnaissez comme qualités, compétences ?

On se retrouve, en fonction des personnes, avec un tronc plus ou moins rempli. Pas de panique ! Une seule qualité peut être pleine de puissance et « faire plein de petits ». Par exemple, je vais rebondir sur un mot et demander : « C’est quoi exactement pour toi d’être quelqu’un de déterminé ? » et la personne en répondant énumérera plusieurs compétences : « Être déterminée, pour moi, c’est être tenace, ne pas lâcher le morceau, être persévérante… »

Débriefing du tronc La partie du tronc est une partie que j’explore en profondeur avec mes clients. Face aux défis qu’elles ont à relever, les personnes se sont plus ou moins éloignées de leurs compétences. Explorer le tronc, c’est les leur rappeler. Il y a trois temps différents quand une personne fait son Arbre de vie et les parties de l’arbre importent peu. Il y a : • un temps où elle fait émerger des mots, • un temps où elle me les « raconte », • un dernier temps, dont je parlerai un peu plus loin, où elle a la possibilité de les raconter à une autre personne qui deviendra ainsi un témoin de ses compétences. Le temps où je l’invite à me raconter ses mots est celui où les mots deviennent plus que des mots : ils deviennent conscience, conscience de ce qu’ils recouvrent. Afin de conduire tous ces mots à s’incarner, il faut questionner et faire raconter un maximum d’histoires qui ancreront l’abstrait dans la réalité. C’est souvent le moment où je peux ramener la personne à l’objectif qu’elle est venue travailler avec moi : « Parmi toutes les qualités, compétences que vous avez notées, lesquelles à votre avis vous seront utiles pour réaliser votre projet ? » « Comment ces qualités que vous venez de sélectionner vont-elles vous aider ? » En général toutes les qualités seront aidantes, mais c’est une manière de prioriser, de faire des familles de qualités, de sorte que la personne commence à réfléchir au « bon usage » de ses qualités. Si par exemple l’audace est l’une des qualités que la personne désigne comme une qualité qu’elle a et qui pourrait l’aider, je questionnerai un peu plus cette qualité : car dire que l’on est « audacieuse » ne suffit pas. La réalité est bien plus riche que ce qu’elle pense : • Est-ce que vous m’autorisez à vous poser quelques questions sur cette qualité ? • Qu’est-ce que cela signifie exactement pour vous d’être audacieuse ?

• Est-ce que vous pouvez partager avec moi une histoire où être audacieuse vous a aidé dans votre vie, dans votre travail ? • À votre avis, d’où vous vient que vous soyez une personne audacieuse ? Comment avez-vous acquis cette qualité ? • Qui, autour de vous, ne serait pas étonné et apprécierait que vous soyez audacieuse ? • Cette personne que vous désignez qui ne serait pas étonnée, c’est donc qu’elle vous a vue être audacieuse. Qu’est-ce qu’elle a pu voir, observer qui lui permet de savoir que vous êtes audacieuse ? Est-ce que vous pouvez me raconter une fois où elle a été témoin de votre audace ? • Qu’est-ce que cela signifie exactement pour vous, en termes de valeur d’être audacieuse ? • Quand vous évoquez ces valeurs, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit concernant l’espoir que vous avez par rapport à votre projet ? • Quand vous pensez à cet espoir, qu’est-ce que vous vous voyez accomplir en rapport à votre projet ? Parfois certaines personnes mettent une qualité sur leur arbre sans grande conviction : « On dit souvent de moi que je suis rassurante. Je ne vois pas trop pourquoi. » Notre travail d’accompagnant est d’arriver à faire vaciller le moindre doute en demandant : – Vous pouvez me dire qui dit ça de vous ? – Ma voisine, qui est aussi une amie, me dit souvent que je la rassure. – Comment s’appelle votre voisine et amie ? – Anna – Est-ce que vous avez une petite idée de pourquoi Anna dit cela de vous ? Est-ce que vous pouvez me raconter une situation que vous avez vécue avec Anna qui pourrait lui faire dire cela ? – C’est vrai qu’elle a traversé une période difficile ces derniers temps. Et elle venait souvent me voir. Elle disait que cela lui faisait du bien de me parler. – Vous pouvez me raconter la dernière fois où vous avez eu avec Anna une discussion qui lui a fait du bien ? Quand était-ce ?

Il est essentiel de faire sortir la personne de l’abstraction des mots pour appeler en quelque sorte l’expérience concrète à témoigner. C’est le meilleur moyen pour qu’elle reconnaisse et qu’elle s’approprie ses compétences. C’est ce que nous appelons « accueillir les personnes du côté de la vie ». C’est les ramener, avec nos questions, sur le lieu de l’expérience où la compétence s’est exprimée et cela avec les plus de détails possible, pour écarter le moindre doute qu’elle pourrait cultiver. Pour redonner à cette mémoire le goût du vécu, de la vie. Pour l’accompagnant, le défi est de ne pas lâcher tant que la personne n’a pas donné d’éléments palpables de l’expérience : où, quand, comment, etc. Si la personne n’y arrive pas, ce n’est jamais parce qu’elle ne veut pas, c’est qu’elle ne trouve plus le chemin. À nous de l’aider. Au besoin en reposant parfois la même question différemment. Souvent, je demande : « Ce qui m’aiderait à bien comprendre serait que vous me donniez un petit exemple ». À partir de là, si c’est nécessaire, je peux proposer à la personne un petit exercice supplémentaire afin d’ancrer davantage la qualité qui a été énoncée. C’est un exercice conçu par ma collègue et amie Élizabeth Feld. Je donne une feuille blanche et je demande à la personne de dessiner sa qualité. « Si vous deviez dessiner cette qualité, à quoi ressemblerait-elle ? » Une fois la qualité dessinée, je lui demande de noter sur la même feuille, autour du dessin, les mots qui lui viennent à l’esprit, tous les mots que le dessin lui inspire, les mots en lien avec sa qualité. Pour terminer, je lui demande de faire une phrase avec tous les mots qu’elle a notés. J’utilise souvent cet exercice avec les jeunes à l’approche des examens, quand ils ont besoin de s’accrocher à toutes leurs qualités. Une jeune fille m’a dit qu’elle avait accroché son dessin à la maison, sur le mur, devant son bureau, « pour ne pas oublier que je suis déterminée, que je ne lâche jamais ». Et de conclure : « Ça m’aide ! » Ce que j’ai pu observer, c’est que le moment où l’on explore ses compétences est toujours très ressourçant pour une personne.

LES BRANCHES

Une fois que l’on a exploré d’où l’on vient, que l’on s’est relié à nos besoins, à nos compétences, que l’on a pris le temps de retrouver du sens et de regagner en force, le ciel apparaît plus dégagé, ce qui paraissait inaccessible l’est un peu moins. Le moment est venu de se tourner vers l’avenir. C’est ce à quoi va nous servir la séquence consacrée aux branches de l’Arbre de vie. C’est comme un voyage que l’on fait dans sa propre vie. Chaque partie de l’Arbre, du fait de l’avoir explorée, nous rend différent et constitue une étape du voyage. Or, quand on voyage, il n’est pas rare de rapporter des souvenirs, des cartes postales qui rappellent les moments importants que l’on veut garder en mémoire. Après chacune des séquences, je demande à la personne que j’accompagne de noter ou de me dire ce qu’elle a appris, ce que cela change pour elle, en quoi elle est différente du fait d’avoir vécu cette étape, ce qu’elle a envie de garder et ce qu’elle a éventuellement envie de mettre dans son musée personnel. Avec la séquence des Branches, je propose à la personne de se projeter dans l’avenir et d’identifier ce qu’elle veut pour sa vie. Que ce soit concret ou totalement utopique, tout ce que l’on recueillera sur cette partie de l’arbre nous éclairera sur l’orientation qu’elle veut donner à sa vie. Sur les premières parties de l’Arbre ont émergé les conditions pour qu’elle y voie plus clair quant à la direction à prendre. Sur les branches de l’Arbre, elle va maintenant nous désigner les prochaines étapes du voyage, là où elle a très envie de se rendre, là où elle sait que ce sera bien pour elle. L’intention à l’œuvre ici est de se projeter plus sereinement vers l’avenir. De rendre la destination plus familière. De clarifier et d’affiner les objectifs. Exemples de questions à poser pour les branches – Quand vous regardez devant vous, quels les sont les rêves, les espoirs et les projets que vous avez pour votre vie personnelle ou professionnelle ? – Qu’est-ce pour vous qu’une vie réussie ? – Qu’est-ce que vous voulez pour votre vie ? – Tu ne sais pas encore ce que tu veux faire comme métier, mais tu as peut-être une petite idée de quelques éléments que tu voudras retrouver dans ton futur métier (être indépendant, voyager ou autres…) ?

Débriefing des branches Avant que la personne me présente ses branches, je lui demande souvent : « Est-ce que vous voyez un lien entre toutes vos branches ? Si vos branches pouvaient parler, quelle histoire nous raconteraient-elles sur ce qui est important pour vous ? » Qu’elle voit un lien ou pas n’a pas d’importance. Si j’en vois un, je peux le lui soumettre comme une hypothèse. C’est un moment important où l’on va accueillir tout ce qui manque à la personne pour être pleinement épanouie dans son travail, dans ses études ou dans sa vie, en fonction de ce que l’on travaille avec elle. C’est souvent le moment où apparaissent d’autres demandes, où s’invite en fait la vraie demande ou la demande cachée. C’est un bon moyen et un bon moment pour faire un point et revisiter la demande initiale, pour la clarifier, pour que nous ayons, et parfois notre client aussi, une meilleure compréhension de ce qu’elle souhaite et recherche. Je me souviens d’un homme qui était venu à moi après un burn-out qui l’avait tenu éloigné de son travail pendant deux mois. Il venait de reprendre son activité et son objectif était d’explorer la possibilité de se remobiliser, mais ailleurs, dans une autre entreprise, un autre milieu. Je lui ai proposé assez rapidement de faire son Arbre de vie. Après lui avoir dit en quoi cela consistait, je lui ai dit que l’intention était, s’il était d’accord, de se reconnecter à ses forces dans cette période de reprise de travail et que cela nous ouvrirait également des pistes pour sa remobilisation. Arrivé aux branches, quand j’ai posé la question : « Quels sont vos rêves, vos espoirs, vos projets pour votre vie professionnelle ? », il n’a pas écrit « se remobiliser ailleurs ». Il a mis : « Travailler sur des projets concrets qui se réalisent, être reconnu et apprécié pour ce que je suis et ce que je fais, travailler en équipe et en confiance avec les gens, modéliser et transmettre tout ce que j’ai initié pour améliorer le management au sein de mon entreprise ». Dans ses branches, il avait rassemblé tout ce qui était précieux pour lui, qui faisait sens et qu’il souhaitait retrouver dans un poste. En fait tout ce qu’il ne vivait plus dans son emploi. À partir de là, nous avons refait un point sur l’objectif à travailler en coaching. Il m’a raconté que cela faisait dix-sept ans qu’il était dans la même entreprise, une prestigieuse entreprise française, à un poste au sein des

Ressources Humaines. Il y avait été heureux pendant quinze ans. Mais, depuis deux ans, il avait une nouvelle chef de service qu’il n’estimait pas beaucoup, qui le faisait travailler sur des dossiers énormes qui ne voyaient jamais le jour. Quand, par hasard, un projet voyait le jour, c’était elle qui en retirait tous les lauriers. C’est ainsi qu’il s’était retrouvé de moins en moins visible au sein de l’entreprise et qu’il avait perdu toute confiance en lui et toute sa motivation. Souvenons-nous que, selon le déroulement normal de notre travail, avant d’en être aux branches nous avions nourri le tronc en explorant le sens et les forces. Il était maintenant un peu plus confiant et au clair avec ses objectifs. Il m’a dit : « Honnêtement dans l’absolu, j’aimerais beaucoup rester dans cette entreprise, mais pas dans le même service, et je ne sais pas trop si c’est possible pour moi de changer au sein même de l’entreprise ». Finalement, il a donc décidé de travailler deux pistes : rester mais en changeant de service, ou partir. Tout ce travail en coaching, et notamment avec l’Arbre de vie, a aidé mon client dans sa période difficile de reprise. L’Arbre de vie a contribué clairement à le faire gagner en force, a retrouver du sens et à clarifier ce qu’il souhaitait vraiment. Il a réussi à changer de service et, dans son nouveau poste, à faire vivre tout ce qu’il avait écrit sur les branches de son Arbre.

LES FEUILLES Avec l’Arbre de vie, on va crescendo. Parti des racines, on grimpe au tronc, puis dans les branches. On redonne du sens, on se relie à ses besoins, à ses forces, à ses projets. Chaque partie de l’Arbre a son rôle et va contribuer à construire avec nos clients une histoire qui les rend plus forts. Cependant, il n’est pas toujours facile pour eux de s’accrocher à leurs forces retrouvées. D’une séance sur l’autre, la personne peut à nouveau perdre espoir. N’oublions pas que nos clients sont dans ce fameux « entre-deux » où le doute s’invite souvent… À nous, à chaque séance, de trouver les moyens qu’ils s’accrochent un peu plus fermement à leurs intentions, à leurs forces. Les feuilles de l’Arbre vont nous y aider considérablement.

S’isoler est le comportement le plus commun d’une personne qui vit des difficultés. Même si elle est objectivement entourée, elle peut se sentir seule dans ce qu’elle vit. Or, les problèmes peuvent être résolus ou en tout cas être mis sur la voie des solutions dès lors qu’on se relie aux autres. D’où l’intérêt d’évoquer, voire d’impliquer des personnes de leur entourage pour consolider leurs ressources. De plus, une personne en difficulté devient aveugle à ses compétences. Elle ne se sent plus « capable de »… Il lui est donc nécessaire de trouver des témoins qu’un jour elle a su faire… Ces témoins porteront la mémoire de ses compétences, le temps qu’elle-même la retrouve et la réintègre dans leur histoire. Avec les feuilles, l’idée est de constituer le « Club de vie » de la personne. Son club de soutien en quelque sorte. Le Club de vie est également un des concepts issus des Pratiques Narratives. Il a pour intention d’intégrer et de revaloriser la contribution des personnages qui comptent dans la vie de quelqu’un. Il peut être virtuel, mais aussi réel. Chaque feuille de l’Arbre représentera donc une personne importante à qui on a envie de donner plus de voix dans notre vie. Une personne que l’on a envie de voir fréquenter plus souvent notre club. Cela peut être une personne réelle ou un personnage. Cela peut être une personne vivante ou décédée. Cela peut être un animal qui compte ou qui a compté pour nous. Cela peut être un auteur que l’on a lu et qui changé notre vie. Cela peut même être un lieu, un héros, un doudou pour les enfants. Bref, tous ceux qui nous font ou nous on fait du bien. La séquence des feuilles, c’est le moment où l’on invite la personne que l’on accompagne à se souvenir de tous ceux qui ont contribué positivement à sa vie. Une personne, une feuille ! Là, encore, il convient d’éviter le piège de l’abstraction. Certains, par exemple, vont être tentés de regrouper sur une seule feuille une communauté de personnes. Ils vont écrire, par exemple, « famille » sur une feuille, « amis » sur une autre… Mais l’exercice n’est puissant qu’à la condition d’identifier individuellement des personnes, donc d’avoir une seule personne par feuille, et de bien noter son nom ou son prénom. Parfois, il faut aussi donner un coup de pouce. Dans ces cas-là, je leur dis quelque chose comme : « Vous savez, il faut mériter d’être sur votre arbre. On ne choisit pas toujours les personnes avec qui on vit, avec qui on évolue

professionnellement. Mais, là où l’on a encore le choix, c’est de donner plus de voix et de crédit à certaines personnes qu’à d’autres. Comme une radio dont on baisse le son quand le programme ne nous plaît pas, et on l’augmente quand il nous plaît ». Tout cela est virtuel, mais c’est une belle manière de se positionner et de reprendre le pouvoir sur nos relations. L’intention de cette partie de l’arbre est de sortir la personne de l’isolement, de lui faire recréer du lien en allant à la rencontre de qui lui a donné de la valeur, qui lui a donné la conscience de son droit à exister. Exemples de questions à poser pour les feuilles – Quelles sont les personnes, les personnages qui ont eu une influence positive dans votre vie ? – Quelles sont les personnes qui t’ont fait grandir, qui t’ont soutenu, encouragé à différents moments de ta vie ? – Qui sont vos alliés dans l’entreprise ? – Si tu réfléchis à toutes les communautés de ta vie, famille, travail, amis, quels sont ceux qui font que, lorsqu’ils te regardent, tu te sens plus forte ? – Qui autour de toi ne serait pas étonné et apprécierait que tu réalises ton projet ? – Vers qui te retournes-tu quand tu as besoin de force ? – De quelle personne pourrais-tu dire : je suis heureux qu’elle existe ou qu’elle ait existé dans ma vie ? – Quels sont tes héros, tes mentors, les personnes qui t’inspirent dans la vie ?

Débriefing des feuilles Quand la personne constitue son Club de vie et s’y relie, que progressivement elle met des noms sur les feuilles, c’est toujours pour elle un moment émouvant et ressourçant. Un nom souvent en amène un autre. Selon les arbres, on se retrouvera avec plus ou moins de feuilles, mais toutes seront précieuses. J’invite la personne à me présenter les feuilles de son Arbre, à me dire quelques mots sur chacune des feuilles. Quand elle a terminé, je reviens à l’objectif qu’elle est venue travailler avec moi et je lui demande : « Si vous deviez me présenter un peu plus longuement une ou deux de vos feuilles, lesquelles choisiriez-vous ? Cela pourrait-il être des feuilles représentant des personnes qui n’auraient aucun doute sur votre capacité à atteindre

votre objectif ? » En général, toutes les personnes représentées sur l’arbre n’auraient aucun doute sur les capacités de mon client, mais c’est ma manière de toujours lui laisser le choix de qui il veut parler. Une fois la personne identifiée, en imaginant que celle-ci s’appelle Michel, je pose les questions suivantes : • Est-ce que vous pouvez m’en dire un peu plus sur Michel ? Depuis quand vous connaissez-vous ? Où vous êtes-vous rencontrés ? Etc. • Qu’est-ce que Michel sait de vous ou vous a vu faire qui vous fait penser qu’il n’aurait aucun doute sur vos capacités à atteindre votre objectif ? Avez-vous un exemple précis de ce dont il a été le témoin ? • Vous avez choisi de mettre Michel sur votre arbre, qu’est-ce que vous appréciez chez Michel particulièrement ? Qu’est-ce que Michel a apporté dans votre vie ? • Et, à votre avis, qu’est-ce que Michel apprécie chez vous ? Quelles sont les qualités qu’il a vues que les autres ne voyaient peut-être pas ? • Est-ce que le fait de connaître Michel vous a permis de faire des choses que vous n’auriez peut-être jamais faites si vous ne l’aviez pas rencontré ? • Et Michel, à votre avis, qu’est-ce qui a été différent pour lui aussi du fait de vous connaître ? • En imaginant que Michel soit là avec nous, que nous dirait-il sur votre capacité à atteindre votre objectif ? • Quel serait le message qu’il pourrait vous transmettre ? • Qu’est-ce que cela vous fait de parler de Michel comme on vient de le faire ? • Est-ce que vous pensez que vous souvenir de votre lien avec Michel pourrait vous aider ou vous ouvrir de nouvelles possibilités par rapport à votre projet professionnel ? • En imaginant que Michel soit là avec nous que nous dirait-il sur votre capacité à atteindre votre objectif ? Le moment où la personne évoque ses feuilles est toujours un moment important et fort pour elle, car elle prend conscience qu’elle n’est pas seule devant les défis qu’elle doit affronter. C’est aussi un moment important, car elle s’aperçoit qu’elle-même contribue positivement à la vie de ces

personnes. Il n’est pas rare alors que la personne se mette à pleurer. Ce ne sont pas des larmes de tristesse, ce sont des larmes d’émotion et de soulagement. Les larmes d’une personne qui s’était égarée et qui vient de retrouver sa tribu. Derrière ces larmes, il y a aussi des mots que l’on peut questionner. Michael White interrogeait les larmes en demandant à la personne : « Si chaque larme était un message, qu’est-ce qu’il y aurait écrit ? ». C’est également un moment fort pour l’accompagnant, car lui aussi se sent un peu moins seul maintenant pour aider son client. Quand la personne désigne une Feuille et parle de la relation qu’elle y a inscrite, comme « Michel », il est judicieux de prononcer le plus souvent possible, dans nos échanges, le nom en question. Comme vous pouvez le constater dans les questions que j’ai données en exemple, le prénom Michel apparaît chaque fois. Je ne dis pas : « Qu’est-ce que cette personne apprécie chez vous ? » Je dis : « Qu’est-ce que Michel apprécie chez vous ? » Il faut que la personne que nous accompagnons entende le plus souvent possible le nom de la personne citée afin que celle-ci soit le plus présente possible, qu’elle s’incarne au maximum. Quand quelqu’un me parle plus longuement d’une de ses feuilles, on sent la personne dont il est question s’incarner de plus en plus. C’est comme si elle était là avec nous. Ce n’est pas n’importe qui, c’est « Michel ». À partir de ce moment, si tout se passe bien, « Michel » aura une place particulière et aidante dans la vie de notre client qui pourra se relier à « Michel » quand il en sentira le besoin. Si la personne désigne comme feuille, un héros, comme c’est souvent le cas avec les jeunes, on va questionner un peu différemment. Sur les arbres des jeunes, il n’est pas rare de trouver des noms comme Zizou, Sexion d’Assaut ou autres… Je vais d’abord les questionner sur ce que représente ce héros pour la personne, les qualités, les valeurs qu’elle lui reconnaît. Et je vais ensuite questionner la personne pour voir si elle se reconnaît dans certaines de ces compétences et valeurs. Si elle me dit par exemple que le courage est une valeur qu’elle reconnaît aussi chez elle, je vais explorer cela avec elle en lui demandant une histoire qui illustre ça et en allant chercher des témoins dans la vraie vie qui savent qu’elle est courageuse. Clara m’avait spontanément désigné l’écrivain Albert Camus comme une feuille importante de son arbre car, elle ne savait pas trop pourquoi, il lui

faisait du bien, elle était contente qu’il existe. Comme elle aime l’écriture, je lui ai demandé si elle voulait bien écrire quelque chose autour de sa relation avec cet écrivain et en quoi cet écrivain est une personne ressource pour elle d’une certaine manière dans sa vie. Clara a écrit ce joli texte cidessous. Dans ce texte, en me parlant d’Albert Camus, Clara me parlait d’elle, de tout ce qui fait sens pour elle et de toutes ses compétences que son humilité empêche de s’approprier directement : « Ma rencontre avec Albert Camus Si je fouille dans mes souvenirs, j’avoue que je suis bien embarrassée quand il s’agit d’évoquer quelqu’un qui, à travers un regard bienveillant posé un jour sur moi, aurait soudainement coloré ma vie autrement. Mon univers professionnel passé et présent est jalonné d’hommes et de femmes qui font partie de mes souvenirs. Il m’est cependant difficile, parmi ces personnes, d’en distinguer une, plutôt qu’une autre, porteuse à un moment donné de ce regard singulier, de cette attention particulière dont je pourrais me souvenir agréablement. De même, parmi mes souvenirs d’enfance, je ne repère pas clairement quelqu’un ayant un jour rempli ce rôle. Bien sûr, sur cette route d’enfance, j’ai souvent décelé à travers un sourire ou une attention, la gentillesse ou la bonté de certaines personnes, la gentillesse ne s’oublie pas. Par la suite, il m’est bien sûr arrivé de recevoir un compliment sur un travail fait ou une façon d’être. Comme j’ai toujours été assez sensible à ce que l’on pouvait dire sur moi, cela m’a touchée, forcément. Mais puis-je dire pour autant que cela ait bousculé ma vie … ? Je laisse volontairement ici de côté ma famille (mes sœurs, mes frères, ma mère…). D’une bienveillance inconditionnelle, elle ne connaît pas le rejet. Elle est, du plus loin que je me souvienne, de mon côté, comme je suis du sien. C’est une tribu (ce mot me plaît) étrangère aux querelles, dont l’histoire commune a resserré les liens. Vers qui donc me tourner, l’objet de ce récit étant d’élire en quelque sorte un personnage clé. Pourquoi pas alors quelqu’un que je n’aurais pas connu mais qui indirectement m’aurait apporté quelque chose, un auteur par exemple, et je pense à Albert Camus…

Auparavant, ce choix ne me serait pas venu à l’esprit car je suis restée longtemps à distance du monde des auteurs. Je n’y étais pas indifférente, j’évoluais juste en parallèle, je ne le connaissais pas encore. Je ne le choisis pas par hasard. Il se trouve qu’en dehors du fait que c’est un grand écrivain, il rejoint quelque part ma propre histoire. Quand je dis cela, je pense à l’Algérie, terre natale de mes parents, je pense au quartier populaire d’Alger où nous avons habité (pour ma part de l’âge de 3 à 5 ans environ). La famille de colons pauvres et modestes dont est issu Albert Camus, c’est aussi mon père et ma mère, ils ne possédaient rien… L’exil, c’est aussi le nôtre. Cette résonance, je l’ai découverte au fur et à mesure que j’apprenais des choses sur sa vie à travers ses écrits ou ceux de ses amis, ou encore à la faveur d’une actualité qui venait (et vient toujours d’ailleurs) le remettre sur le devant de la scène. Ce qui me touche en lui, ce n’est pas tant le journaliste, l’homme de théâtre ou encore le philosophe qui analysait si finement l’actualité et les grandes questions auxquelles les hommes sont depuis toujours confrontés, ce qui me touche le plus c’est l’homme avec toute sa sensibilité, le romancier. On ne peut rester insensible au fait qu’il ait obtenu le prix Nobel de Littérature alors que sa mère était analphabète, quel beau cadeau il lui a fait ! En réalité, il n’y a pas si longtemps que j’ai découvert l’univers de cet auteur, cela ne date pas de mes lointaines années de lycée durant lesquelles, à vrai dire, je n’ai pas l’impression d’avoir retenu grand-chose. Je crois qu’à cette époque, rien ne s’est réellement imprimé, j’étais là sans y être, ni une bonne, ni une mauvaise élève, plutôt moyenne en tout. Sitôt le lycée terminé, je suis entrée dans le monde du travail. J’ai souvent changé de domaine tout en faisant le même métier, secrétaire, celui que j’avais appris sans trop de conviction mais qui m’a finalement ouvert pas mal de portes. Tout au long de ce parcours professionnel, et bien que n’ayant jamais été une grande lectrice, les livres n’étaient jamais bien loin, dès que je sentais leur proximité, cela me faisait du bien. C’est ainsi qu’un jour, j’ai lu « Le Premier homme ». J’avais déniché ce livre dans une librairie ancienne jadis proche de chez moi, tenue par une vieille dame et sa fille.

J’ai beaucoup aimé ce livre. Il y aurait beaucoup à en dire ainsi que sur le long chemin qui a mené ce livre inachevé jusqu’à sa parution… Pour l’auteur, c’est un retour par l’écriture sur la terre natale, l’Algérie, une terre qu’il n’a jamais quittée par la pensée. C’est un livre infiniment romanesque, très touchant, puisé aux sources de l’enfance, mêlant autobiographie et quête d’identité. C’est aussi un livre d’une grande humilité, un hommage de l’auteur rendu aux siens, au milieu très modeste d’où il vient. Il dit d’ailleurs en parlant d’eux : « ils sont plus grands que moi ». Je connaissais déjà un peu Albert Camus. Sans doute que ce livre m’a plu car il est très personnel et sincère. On découvre un enfant qui grandit dans un milieu très pauvre, proche d’une mère aimante qui n’entendait pas bien, avait des problèmes d’élocution et ne savait ni lire ni écrire. Elle faisait des ménages pour faire vivre sa famille (Albert Camus et son frère). Ils habitaient chez la grand-mère maternelle dans un quartier populaire d’Alger. Je ne peux pas dire que cette rencontre m’a permis de faire des choses concrètes. Il est parfois difficile de faire vraiment ce que l’on aime dans la vie, à l’heure où beaucoup de portes se ferment au lieu de s’ouvrir. Je dirais que cette rencontre a plutôt pris la forme d’un lien invisible, celui qui me relie à une terre, une famille culturelle et finalement à l’enfance. Albert Camus, par ses mots et par son amour de la terre natale, me ramène à une part de moi-même et de mon histoire. C’est comme un frère de soleil (titre d’un livre d’Emmanuel Roblès, l’un de ses amis). Albert Camus n’a pas radicalement changé ma vie mais son goût contagieux du bonheur a distillé quelques notes d’espoir sur mon chemin. » Cette partie de l’exercice peut être un peu délicate pour certaines personnes, car elles vont avoir du mal à se connecter à des personnes ressources. Elles peuvent avoir l’impression de n’être pas très entourée. À nous de les aider. Ma manière de le faire est au niveau du tronc. Quand la personne me présente sa compétence, je vais lui demander : « Tu as dit que tu es une personne déterminée. Qui sait que tu es une personne déterminée et apprécie cela de toi ? » Si la personne arrive à donner un nom, il y a une

forte chance que ce nom devienne une feuille. Si elle n’y pense pas, je peux le lui proposer. Il m’est arrivé une fois, une seule fois, qu’un jeune homme de seize ans que j’accompagnais n’aie aucune feuille à mettre sur son arbre. Idriss vivait dans un foyer. Il était seul en France. Il venait d’un pays en guerre. Il avait vécu des situations très difficiles. Je devais l’aider à trouver un projet professionnel et je l’avais déjà vu quatre fois. Comme je craignais de le retraumatiser en insistant ou en évoquant les membres de sa famille, je lui ai seulement demandé : « Idriss, est-ce que le travail que l’on fait ensemble t’aide ? ». Il m’a répondu : « Un peu ». Alors je lui ai dit : « Tu sais, c’est ton arbre, donc tu en fais ce que tu veux, mais sache que je serais très honorée d’être une feuille de ton arbre ». Il m’a regardé un peu interloqué, et il m’a mis sur son arbre. Quand je l’ai revu, deux autres feuilles avaient poussé. Il m’a dit : j’ai rajouté mon éducatrice, Laura, et Maxime, le surveillant du soir, parce qu’ils sont cools. Il m’a un peu parlé d’eux. Il y avait désormais trois feuilles sur l’Arbre de vie d’Idriss. Et ce n’était que le début. Le « Club de vie » peut aussi sortir du virtuel pour devenir un vrai Club. On peut faire appel aux feuilles concrètement, dans la « vraie vie » comme disent les internautes. On peut leur écrire, les inviter à une séance. Parfois, je me retrouve bloquée dans un accompagnement. Je ne sais plus trop quoi faire avec mon client. C’était le cas avec Soulaymane un jeune homme de quinze ans, en « classe Relais », c’est-à-dire une classe de collège où l’on met tous les jeunes qui ont des problèmes de comportement. Soulaymane était perçu comme un jeune homme violent envers ses camarades. Mon travail avec lui, initialement, était de l’aider à trouver son projet. Je ne fais pas différemment avec les jeunes dans les écoles et les cadres en entreprise. Je fais émerger une demande, puis, ensemble, nous travaillons la demande. Or, la demande de Soulaymane était très claire mais n’avait rien à voir avec son projet. Il m’a dit : « Je veux changer de réputation ». Je lui ai demandé : « Qu’est-ce que tu attends de moi ? Comment puis-je t’aider à changer de réputation ? » Il m’a répondu : « Je veux que ça se voie que j’ai changé ». « Ok. Et, à ton avis, comment verra-t-on que tu as changé ? » « Ben, on s’en prendra plus toujours à moi. C’est vrai que j’ai fait pas mal

de conneries depuis deux ans, mais depuis cette année j’ai changé, je me suis calmé, mais personne ne voit que j’ai changé ». Soulaymane vivait comme une grande injustice le fait qu’il faisait des efforts dont personne ne s’apercevait. Cela le bloquait pour se motiver sur son projet. Je lui ai demandé le type d’efforts qu’il faisait pour m’aider à comprendre. Il m’a dit « Avant, je tapais dès que l’on venait m’embêter. Maintenant je ne tape pas toujours, pas tout de suite. J’essaie de parler un peu ». En fait je ne savais pas trop comment aider Soulaymane au début. C’est une fois de plus l’Arbre de vie qui a débloqué la situation. Sur son Arbre, il y avait deux feuilles : sa mère et un éducateur de son foyer. Entre deux séances, j’ai écrit à ses deux feuilles, la même lettre qui disait à peu près cela : « Bonjour, Je suis coach. J’accompagne le jeune Soulaymane. Soulaymane veut changer de réputation. Il reconnaît qu’il a fait pas mal de conneries ces deux dernières années, mais il dit qu’il a décidé de changer cette année et qu’il fait des efforts, mais que personne ne voit qu’il a changé. Nous avons réalisé dans le cadre de notre travail avec Soulaymane son Arbre de vie où il a noté ses compétences, notamment qu’il est direct, qu’il aime dire franchement ce qu’il pense et qu’il aime bien rendre service. Il a noté aussi ses projets de retourner dans une classe « normale », d’avoir un métier où il gagne bien sa vie et de vivre à nouveau avec sa maman quand ce sera possible. Il vous a mis sur son arbre comme deux personnes importantes dans sa vie. Est-ce que vous pourriez envoyer une lettre à Soulaymane pour lui dire si, vous, vous avez remarqué qu’il avait changé en donnant des exemples précis. Merci pour votre aide. Dina Scherrer » Quand j’ai revu Soulaymane, je lui ai donné les deux lettres en lui demandant s’il voulait bien les remettre à ses deux feuilles. Il les a lues et m’a dit « Vous êtes sûre Madame ? ». Je lui ai répondu « Tu fais comme tu

veux, comme tu le sens. Tu veux que l’on voit que tu as changé, je pense que c’est bien de commencer à demander aux personnes avec qui tu vis et qui te connaissent le mieux ». Soulaymane a donné les lettres à ses feuilles. Quand nous nous sommes revus, il était très content de me montrer les deux belles lettres qu’il avait reçues. Je lui ai demandé s’il voulait bien me les lire. De mémoire, son éducateur le remerciait de l’avoir mis sur son Arbre. Il confirmait qu’il aimait rendre service en donnant comme exemple que c’était le seul qui l’aidait à ranger le local le soir. Et il a minutieusement listé tous les efforts qu’il avait pu remarquer et dont il pouvait témoigner : « Il se bat beaucoup moins, je l’ai même vu séparer deux camarades qui se battaient en les raisonnant, il est plus calme, plus ouvert à la discussion; d’ailleurs on a de grandes discussions tous les deux. Il m’a même dit que quand il sentait monter la violence, il allait faire du sport pour se défouler… ». Quant à sa maman, elle a commencé par me remercier. Elle a écrit : « Merci Madame de me donner la possibilité d’aider mon fils, oui j’ai vu qu’il avait changé. Il me répond moins, il est plus gentil avec son petit frère, il m’aide un peu à la maison… » La séance d’après, Soulaymane a voulu que l’on travaille son projet d’orientation. J’ai supposé que, pour lui, « changer de réputation » n’était plus un sujet.

LES FRUITS Avec les fruits, on aborde la dernière séquence de l’Arbre de vie. Les fruits constituent une belle opportunité de recueillir encore de l’information avant de passer à la séquence de synthèse. Les fruits sont les cadeaux que l’on a reçus. J’invite ainsi les personnes à se souvenir des cadeaux que la vie leur a apportés, à se reconnecter à ces moments. Car les fruits révèlent notre capacité à percevoir qu’il y a des moments où nous avons reçu des cadeaux. Cela peut être des petites choses, une parole réconfortante, une aide imprévue, un geste de soutien. Ou bien un

évènement plus important, comme une promotion professionnelle, une rencontre décisive… Tout ce que les personnes concernées identifient, qui leur paraît être une chance, un cadeau dans leur vie. Sur le moment, souvent, les personnes que nous accompagnons ont un peu de mal à les retrouver. Il nous faut les aider un peu, par nos questions ou en leur proposant des exemples. J’évoque souvent ce que j’ai moi-même inscrit comme cadeaux sur mon propre Arbre de vie. Je leur dis : « Moi, par exemple, sur mon Arbre, j’ai mis « l’optimisme » qui est une de mes qualités. Car c’est un vrai cadeau pour moi d’avoir cette qualité qui m’aide beaucoup dans ma vie, dans mon travail ». L’intention de cette partie de l’arbre est double. D’abord il s’agit de mettre aux commandes cette capacité de voir les petits moments lumineux de nos vies, qui passent parfois inaperçus. C’est aussi, pour certains, de découvrir qu’une épreuve que l’on a vécue à son corps défendant peut parfois devenir un cadeau. Exemples de questions à poser pour faire apparaître les fruits – Qu’est-ce que vous avez vécu dans votre vie personnelle, dans votre vie professionnelle, comme une chance, un cadeau ? – À propos de quel évènement de votre vie pourriez-vous dire que c’est un beau cadeau que la vie vous a donné ? – À propos de quel évènement de votre vie pourriez-vous dire qu’après coup, avec le recul, c’est une chance de l’avoir vécu ? – Y a-t-il des évènements de votre vie qui se sont transformés en cadeaux ? – De quels évènements de votre vie pouvez-vous dire que vous avez eu de la chance ?

Débriefing des fruits Comme je l’ai fait pour les autres parties de l’arbre, j’invite la personne à me présenter les fruits de son Arbre. Il se peut qu’un même mot se retrouve sur plusieurs des parties de l’Arbre de vie, et c’est très bien. Un jeune garçon avait mis sa maman dans les Racines, sur une Feuille et sur un Fruit. Cela montre juste l’importance de ce mot et de la personne qu’il représente dans sa vie.

Si une personne me parle de la chance qu’elle a d’avoir été recrutée dans l’entreprise où elle est, comme pour tous les mots de l’arbre, je l’incite à explorer autour de cela en posant quelques questions : • Qu’est-ce qu’on a vu en vous qui a donné envie de vous recruter ? À votre avis, qu’est-ce qui a fait la différence ? • Qu’est-ce que vous avez mis en œuvre de votre côté pour que ça marche ? Comment vous êtes-vous préparée ? L’idée, ici, est d’aller dénicher, dans les cadeaux qu’elle a reçus, la contribution de la personne : il est important de faire prendre conscience aux personnes que nous accompagnons qu’elles n’ont pas eu seulement de la chance mais qu’elles ont aussi joué un rôle, qu’elles ont su être l’attracteur de cette chance, de leurs succès. Un de mes clients avait mis un prénom sur un Fruit de son Arbre : « Nathan ». Quand il a présenté son cadeau, il m’a dit : « Nathan est mon neveu. Il a seize ans. Il est trisomique. Quand il est arrivé dans notre famille ç’a d’abord été comme un cataclysme. Puis, petit à petit, cet enfant s’est révélé tellement attachant, tellement naturel et spontané, tellement tendre, qu’il a totalement transformé positivement notre famille. Nous étions une famille pas très unie et nous avons fini par nous souder autour de lui et devenir meilleurs. Il nous a ouvert à la tolérance et à bien d’autres choses ». Quand un cadeau a été tout d’abord une épreuve comme un burn-out ou un cancer, comme j’ai pu le voir dans les cadeaux, on invite la personne à verbaliser la transformation de l’épreuve en cadeau. Elle est prête pour cela, car, en le notant, elle a déjà fait la moitié du chemin. « Qu’est-ce que cette expérience vous a appris ? En quoi êtes-vous différent du fait de l’avoir vécue ?En quoi cela vous aide-t-il aujourd’hui ou vous aidera demain ? ». Les fruits sont les cadeaux mais ils peuvent devenir ce que l’on a besoin de faire émerger en fonction de la personne. Si les cadeaux ne parlent pas à la personne, ils peuvent devenir « les souvenirs agréables ». Dans ces cas-là je demande : « Quels sont les bons souvenirs professionnels que vous emporterez avec vous à l’avenir ? Quand et comment vous remémorez-vous ces souvenirs ? Qui a joué un rôle dans ces souvenirs ? Pourquoi ces souvenirs sont-ils si précieux pour vous ? Qu’ont-ils à vous offrir ? Qu’est-

ce qu’ils continueront de vous offrir dans l’avenir ? À quels moments serait-ce utile de vous remémorer ces souvenirs ? ». Débriefing de l’Arbre de vie dans sa globalité Quand l’Arbre est achevé, je propose qu’on prenne le temps de bien regarder dans son ensemble toutes les informations recueillies. Il faut savoir que, sans l’Arbre de vie, il faudrait au minimum cinq séances pour obtenir autant d’informations. Car l’un des avantages non négligeable de l’Arbre de vie est d’obtenir un maximum d’informations en un minimum de temps. J’invite ensuite son auteur à le commenter, en lui demandant par exemple : « Quelles sont vos premières impressions, les réflexions qui vous viennent, en regardant votre Arbre ? Comment vous êtes-vous senti en le faisant ? Y a-t-il eu des moments plus difficiles que d’autres ? Comment vous sentez-vous après l’avoir réalisé ? » C’est ensuite le moment de revenir à l’objectif de la personne et de voir quel éclairage nouveau l’arbre lui apporte : « Qu’est-ce que votre arbre vous a appris et qui vous sera utile pour mener à bien votre projet ? Qu’est-ce qui, peut-être, vous a surpris ? Qu’est-ce que le fait d’avoir réalisé votre arbre vous ouvre comme nouvelles possibilités ? À votre avis, en quoi cela pourra-t-il être différent demain pour vous, du fait d’avoir fait cet arbre ? Qu’est-ce que cet arbre vous donne comme espoir par rapport à votre projet ? Quelles nouvelles idées cela vous donne pour la réalisation de votre projet ? » Après avoir passé ce temps à se reconnecter à ses forces, la personne peut maintenant anticiper les tempêtes sans se sentir totalement démunie ou vulnérable. C’est le moment de lui demander : « Qu’est-ce qui pourrait se mettre sur votre chemin entre vous et votre projet ? Qu’est-ce qui pourrait vous empêcher d’aller au bout de votre projet ? Qu’est-ce que le fait d’avoir réalisé votre arbre fera que ce sera différent, que vous saurez faire face si cela se produit ? ». C’est le moment où la personne prend conscience qu’elle est équipée pour aller vers son projet, pour surmonter ce qui pourrait se mettre sur son

chemin, qu’elle n’est pas toute seule. Les idées sont plus claires pour elle. Elle reprend espoir en l’avenir. Pour l’accompagnant, il y a des pistes qui se sont peut-être ouvertes et que la personne n’a pas forcément vues. Il pourra les explorer avec elle. Ce que je propose à ce stade, c’est de garder l’arbre jusqu’à la fin de la mission et, chaque fois que la personne revient, je l’affiche devant elle. Même si l’on ne travaille plus sur l’arbre, si dans le travail que l’on fait ensemble une nouvelle compétence ou une nouvelle personne-ressource apparaît, je demande à mon client s’il souhaite les rajouter à son arbre. Pour que, lorsque la mission sera terminée, son Arbre soit bien nourri. S’il ne souhaite pas me laisser son arbre, ce n’est pas un souci, il peut le rapporter à la prochaine séance, ou pas, selon ce qui lui convient. Il n’est pas rare que des personnes arrivent et me disent : « J’ai une nouvelle feuille sur mon arbre » et de m’en parler. Ou l’inverse, souvent avec les jeunes, ils ont vite fait de retirer des feuilles de leur arbre si on n’est plus copains avec eux. Je suis ravie pour eux, car ils ont compris comment cela fonctionne et c’est que le travail se fait sans moi. C’est à eux de décider de qui mérite ou ne mérite pas d’être sur leur arbre. Avoir le choix, c’est cela, et c’est l’exercice de ce choix qui fait que l’on apprend à redevenir auteur de sa vie.

LES TÉMOINS EXTÉRIEURS Avec leur Arbre, les personnes nous disent qui elles sont fondamentalement, ce qu’elles ont envie d’être, là où elles ont envie de se développer davantage. Elles nous montrent ce qui est précieux pour elles, ce qu’elles veulent pour leur vie. L’Arbre les invite à se présenter sous leur versant le plus lumineux. Le moment où nous faisons la synthèse de l’Arbre est propice pour proposer à mes clients : « À qui aimeriez-vous montrer cette partie de vousmême ? À qui voudriez-vous, ou à qui serait-il utile pour vous de présenter votre arbre ? À qui aimeriez-vous rendre visible tout ce qui est si important pour vous ? »

De fait, je propose à la personne d’inviter, si elle le souhaite, physiquement, une personne ou plusieurs à une de nos séances, et de leur présenter son arbre. En l’invitant à faire cela, je donne évidemment mes intentions à la personne : faire rayonner à un plus haut niveau ce qui est précieux pour elle, recueillir des témoignages sur l’image que cet arbre renvoie d’elle, rassembler des témoins de ses forces retrouvées. Ce concept « travailler avec des témoins extérieurs » est également issu des Pratiques Narratives. C’est une pratique extrêmement puissante qui va venir étoffer encore davantage l’identité préférée de la personne. Ces personnes que l’on invite peuvent être celles mentionnées sur les feuilles de l’Arbre ou bien d’autres. Je peux aussi proposer d’inviter un de mes anciens clients qui a surmonté une histoire un peu similaire. Il faut que cela ait du sens pour la personne et pour l’accompagnant. Si la personne ne souhaite pas le faire, il nous appartient de respecter son choix, sinon nous irions à l’encontre d’un des objectifs que nous recherchons en tant qu’accompagnant : remettre la personne en puissance, aux commandes de sa vie. J’ai accompagné Lucas, un jeune homme qui était en prépa. Son rêve était d’être professeur de français. Il avait fait un parcours scolaire sans faute. Brillant élève, il était toujours en tête de classe. Sauf qu’arrivé en prépa, comme c’est souvent le cas, ses notes se sont effondrées et, lui qui aimait tant parler des auteurs et partager son point de vue, s’est retrouvé face à des professeurs qui lui disaient « Ton point de vue, on s’en f… Tu es là pour emmagasiner du savoir. » Cela n’intéressait pas Lucas d’apprendre comme cela. Il voulait comprendre, discuter, partager, et comme ce n’était pas ce qu’on attendait de lui, il manquait cruellement de reconnaissance. La prépa et ce type d’enseignement avaient bousculé toutes ses certitudes. Alors, il n’allait plus en cours, il ne voulait plus être professeur de français, et il ne voulait même pas d’un autre projet. Son rêve de vie s’écroulait. Les parents de Lucas étaient très inquiets pour lui. Notre objectif de travail avec Lucas était donc qu’il se remobilise sur son projet – ou sur un autre. À un moment donné de l’accompagnement de Lucas, je lui ai demandé de faire son Arbre de vie. Cela lui a permis, en premier lieu, de me raconter comment l’envie de devenir professeur de Français était entrée dans sa vie. L’amour de la littérature lui venait à la fois de sa maman et d’une

professeure de français qu’il avait eue au collège et qui, selon lui, était « formidable ». Il m’a dit « Les cours avec elle étaient comme une conversation. Quand on parlait avec elle, on avait l’impression que ce que l’on disait était intéressant ». En me parlant d’elle, il me parlait du professeur qu’il voulait être. Sur les feuilles de son Arbre, il y avait du beau monde. Tous les auteurs qui avaient influencé ses goûts et sa pensée. On aurait pu faire une séance pour chaque feuille tant Lucas était inépuisable à parler de ce qui l’animait. Il y eut une étape importante dans notre travail quand j’ai proposé à Lucas d’inviter à l’une de nos séances un professeur de français que j’avais croisé dans un établissement scolaire où j’intervenais. J’avais pensé à lui, car il était adoré de ses élèves, ses cours étaient rien moins qu’orthodoxes : par exemple il pouvait emmener ses élèves dans un musée pour faire ses cours ou bien il avait pris l’initiative de ne plus les noter afin de supprimer une source de démotivation. Je me suis toujours demandé comment ce professeur faisait pour être ce qu’il était au sein de l’Éducation nationale. Lucas fut un peu intrigué, mais il me donna son accord, et le professeur a gentiment accepté. Quand nous nous sommes retrouvés tous les trois dans mon bureau, j’ai fait les présentations et j’ai posé un cadre. J’ai dit à notre témoin que son rôle était d’être sur le ressenti, d’écouter la conversation que j’allais avoir avec Lucas et qu’ensuite je lui poserais quelques questions notamment sur l’image que cela lui aurait donnée de Lucas et de ce qui est important pour lui. Quand le professeur prendrait la parole, ce serait au tour de Lucas de devenir témoin, avant de réagir sur ce qu’il aurait entendu. J’ai rappelé pourquoi Lucas avait souhaité être accompagné et les grandes lignes du travail que nous faisions ensemble, puis Lucas a présenté son arbre. Je me suis ensuite tournée vers notre témoin et nous avons eu une petite discussion tous les deux devant Lucas. À notre témoin j’ai posé cinq questions : • Quels sont les mots, les expressions que Lucas a employés et qui vous ont particulièrement touché ? • Ces mots que vous avez retenus, qu’est-ce que cela vous dit de ce qui est important pour Lucas ?

• Qu’elle image cela vous donne-t-il de Lucas ? Est-ce que vous avez une image, une métaphore qui vous vient ? • Comment expliquez-vous que ce sont ces mots-là qui ont retenu (rappeler les mots) votre attention ? À quelle partie de votre propre histoire cela fait-il écho ? • Le fait d’avoir été témoin de l’histoire de Lucas, en quoi cela pourraitil éclairer votre propre chemin ? Notre témoin a été extrêmement touché par l’histoire de Lucas. Globalement, il lui a renvoyé l’image d’un épicurien du savoir, de quelqu’un qui aime apprendre dans le plaisir. Il a relevé que, pour Lucas, apprendre c’est apprendre ensemble. Quant à l’image qui lui venait en pensant à Lucas, c’était celle d’un martien. Qui est, en prépa, sur une planète qui n’est pas la sienne. Notre témoin était ému car, lui aussi, parfois, s’était senti comme un martien dans le système scolaire. D’avoir rencontré et écouté Lucas lui faisait se sentir un peu moins seul ! Je suis ensuite revenue à Lucas pour lui demander ce qu’il retenait de ce qu’avait dit notre témoin et en quoi cela allait éventuellement l’aider, et quel espoir cela pouvait lui donner pour la suite de son projet. En fait, Lucas a été bouleversé par cette rencontre et cet entretien. Il retenait principalement qu’il y avait d’autres martiens comme lui et que c’était possible de faire autrement. À l’issue de cet exercice, leur conversation s’est un peu poursuivie. Je me souviens que notre témoin lui a dit aussi qu’en général les personnes qui acceptent le système sont souvent celles qui vont le reproduire, et que sa souffrance était une réaction saine de rejet. Que le manque de reconnaissance est légitime, mais que tout le monde n’exprime pas la souffrance liée au manque de reconnaissance. Qu’il y a malheureusement de fortes chances qu’autour de lui d’autres souffrent comme lui, mais sans rien dire. Il lui a même proposé qu’ils restent en contact, s’il le souhaitait. Cet entretien a eu un effet considérable sur Lucas. La séance a été le moment de basculement pour Lucas du côté de l’espoir. Peu de temps après, Lucas a décidé de reprendre ses études et de persister dans son projet.

CLÔTURER UNE MISSION AVEC L’ARBRE DE VIE L’Arbre de vie nous permet d’ouvrir une multitude de pistes que nous pourrons explorer avec nos clients. Une fois que l’on en a compris l’esprit et les intentions éthiques, on peut se donner la liberté d’être créatif, d’innover, d’utiliser notre intelligence des situations pour faire pleinement notre métier qui est de donner à notre client la capacité de déployer les possibles qui l’attendent. Quand j’arrive en fin de mission avec un client, je peux utiliser l’Arbre de vie pour clôturer notre travail. Voici trois exemples de ce que l’on peut faire à ce stade. Faire l’Arbre de vie en fin de mission comme bilan Si je n’ai pas fait faire l’Arbre de vie pendant la mission, ce qui arrive parfois, je peux le proposer à la fin pour aller récolter et présenter tout ce que l’on a semé au cours de nos rencontres. En quelque sorte, l’Arbre de vie de mon client devient son bilan de notre accompagnement. Une manière pour la personne de passer en revue tout ce que l’on a fait ensemble et de se remémorer toutes ses avancées. Elle repartira avec son Arbre de vie, qui sera là pour lui rappeler si elle en ressent le besoin ses forces et ses soutiens. Pour réaliser l’Arbre à ce moment-là, les questions pourront être : 1. Racines : « Qu’est-ce que vous avez découvert pendant cet accompagnement et qui est fondamentalement important pour vous et cela peut-être depuis toujours ? » 2. Sol : « Quels sont vos besoins, dont vous allez devoir prendre soin ? » 3. Tronc : « Sur quelles compétences, qualités allez-vous pouvoir compter ? » 4. Feuilles : « Quelles sont les personnes qui constituent votre club de soutien ? » 5. Branches : « Qu’est-ce que cet accompagnement vous donne comme espoir, projets, envies ? »

6. Fruits : « Quelles vont être les premières actions que vous allez poser ? » Ces questions sont les miennes sur le moment. À vous de créer les vôtres, celles qui vous paraîtront pertinentes en fonction du travail que vous aurez fait avec votre client. Il est primordial que nos questions soient toujours en lien avec nos intentions. On ne fait pas l’Arbre de vie juste pour faire l’Arbre de vie. Si mon intention est de faire un bilan, mes questions seront des questions pour nourrir un bilan. Si je me permets de préciser cela, c’est que des collègues que je forme parfois sont séduits par l’outil « Arbre de vie ». Ils l’utilisent donc très vite, mais oublient parfois pourquoi ils l’ont utilisé. Et ils me disent ensuite, en supervision : « Une fois que j’ai fait l’Arbre de vie avec mon client, je ne sais plus quoi faire après ! » Je leur demande alors : « Quel est l’objectif que vous étiez en train de travailler avec votre client ? » « Quelle était votre intention en utilisant l’Arbre de vie ? » En général l’accompagnant s’aperçoit effectivement qu’il avait perdu de vue à la fois l’objectif et l’intention. Une séance de bilan avec les parents d’un enfant mineur Une seconde utilisation de l’Arbre de vie en clôture concerne la séance de bilan avec les parents qui m’ont confié un enfant mineur. Plutôt que d’organiser une séance classique, du genre « Comment ça s’est passé, etc. », je propose au jeune : « Et si tu présentais ton Arbre de vie à tes parents ? Ce serait une manière de te présenter à eux différemment, sous l’angle de ce qui est précieux pour toi ». Et, le jour du bilan, comme pour Lucas dont j’ai parlé plus haut, le jeune raconte son arbre, les parents sont en posture de témoins bienveillants et je leur pose exactement les mêmes questions qu’au témoin de Lucas. Souvent, les parents qui me confient leur enfant sont inquiets : il a perdu confiance, ou bien il n’a pas de projet, ou encore il a décroché scolairement. En outre, ce peut être une période de tension où les relations sont difficiles voire conflictuelles avec lui. Au surplus, en me confiant leur enfant, c’est comme s’ils avouaient leur impuissance devant le problème. Ils peuvent se sentir « dégradés » dans leur statut de parents. Dans cette situation complexe, ce type de bilan présente pour moi des avantages importants pour tout le monde. D’abord, il permet au jeune de rendre visible à ses

parents d’autres facettes de lui que celles qui nourrissent le caractère délicat de la situation. Ces facettes parlent de compétences, de projets, de valeurs. Les parents, souvent, complètent l’Arbre de leur enfant en lui rajoutant des qualités qu’ils lui reconnaissent. Spontanément ou en réponse à mon questionnement, ils illustrent ces qualités d’histoires concrètes. Ainsi, ils peuvent se retrouver avec leur enfant à l’endroit du « plein ». Cela va contribuer à restaurer leur relation. L’Arbre de vie est un magnifique support pour déployer un espace où d’autres histoires que celles des problèmes pourront être vécues. Une fois que les parents ont eu l’agréable surprise de voir qu’ils étaient souvent sur l’Arbre de leur enfant, parmi les feuilles ressources, une fois qu’ils ont entendu les besoins, espoirs et projets de leur enfant, je peux leur demander : « Comment pourriez-vous vous y prendre dorénavant pour aider votre enfant à faire exister, vivre ses besoins, ses espoirs et ses projets ? ». Cela devient des besoins, des espoirs et des projets dont tous devront prendre soin. Cela leur permet de devenir actifs au sein du processus d’accompagnement de leur enfant. Cela leur permet de se sentir, si besoin est, « réhabilités » dans leur statut de parents. Une réunion tripartite de fin de mission pour une organisation Une troisième manière d’animer la clôture avec l’Arbre de vie concerne les organisations, les entreprises, et consiste en la réunion Tripartite de fin de mission. Un grand opérateur français de télécommunications avait lancé un plan de départ volontaire, et l’un des chefs de service hésitait à en bénéficier. Son supérieur hiérarchique lui a alors proposé un accompagnement afin de l’aider à prendre sa décision, et j’ai été retenue pour cette mission. Le travail que nous avons fait ensemble, en nous appuyant notamment sur l’Arbre de vie, l’a rapidement convaincu de rester. La suite de la mission consista à faire vivre ses besoins et ses espoirs au sein de l’entreprise. Le travail était terminé. Nous préparions la réunion tripartite de fin de mission qui devait avoir lieu le lendemain avec son supérieur hiérarchique, quand mon client m’a proposé de lui-même : « Et si je lui présentais mon Arbre de vie ?. Il y a tout sur mon Arbre, tout ce qu’il doit savoir. Mes espoirs, mes besoins… ». Nous nous sommes donc retrouvés tous les trois. Je n’ai

absolument rien eu à faire. Mon client a pris les choses en main. Il a affiché son Arbre. A raconté à travers son arbre sa décision de rester, les raisons, les besoins et espoirs qu’il avait. Le tout devant son supérieur hiérarchique un peu amusé de la forme, mais content de constater qu’il y avait une feuille à son nom sur l’arbre. Il a rajouté un certain nombre de compétences qu’avait son collaborateur et s’est engagé à soutenir ses espoirs et ses besoins. Pour un supérieur hiérarchique, la posture de témoin est intéressante. Elle n’est pas différente de celle que j’ai exposée à propos de Lucas. C’est une manière de regarder et d’écouter son collaborateur sous un angle nouveau. Le processus mis en œuvre permet d’ouvrir un espace où échanger des messages différents de ceux un peu formels, par exemple ceux des bilans d’évaluation de fin d’année. Avec le support de l’Arbre de vie, on se retrouve dans une relation féconde d’humain à humain.

DOCUMENTER L’HISTOIRE Pour terminer sur la méthodologie de l’Arbre de vie tel que je le pratique en accompagnement individuel, j’évoquerai le concept de « documentation », issu comme les autres des Pratiques Narratives. L’Arbre de vie est une des manières de « documenter » les conversations que nous avons avec nos clients. Documenter, c’est faire en sorte que le travail que l’on fait avec les personnes laisse des traces sur lesquelles elles pourront revenir. C’est, par exemple, trouver une forme poétique – chanson, dessin, poème – pour honorer les évènements les plus marquants de la vie des gens. Quand la personne parle, ses propos s’évanouiront si on ne les note pas. L’Arbre de vie est une des manières de ne pas laisser se perdre ce qui est dit. Les lettres écrites aux personnes figurant sur les feuilles de l’Arbre de vie de Soulaymane sont également une forme de documentation. Écrites par l’accompagnant, mais avec les mots de la personne, sans aucune réinterprétation de ses mots. Elles rappelleront à Soulaymane ses efforts et ses soutiens. Afin de fortifier une histoire, les Pratiques narratives proposent de lui donner de la densité. On densifie une histoire en y revenant, en se la

racontant, en revoyant et en écoutant ceux qui en sont les témoins. Le fait de documenter, de garder son Arbre de vie et de pouvoir s’en nourrir quand nous en ressentons le besoin est une belle manière de densifier nos histoires préférées.

3 ACCOMPAGNER EN COLLECTIF

« Permettre à ceux qui luttent contre les effets des épreuves de faire des contributions significatives dans la vie d’autres personnes qui luttent également. Le fait de vivre une expérience de contribution augmente le sentiment d’initiative personnelle et collective. » David Denborough L’ARBRE DE VIE EST UNE MÉTHODE qui vient initialement de l’accompagnement collectif. Dans ce cadre, il se décline en quatre étapes : l’Arbre de vie, la Forêt de vie, la Tempête de vie et les Certificats & Célébrations. L’intention des deux premières étapes « Arbre de vie » et « Forêt de vie » est de relier les personnes à leurs intentions, à leurs forces, au sens qu’il leur appartient de donner à ce qui se passe dans leur vie. La troisième partie « Tempête de vie » est de permettre aux personnes de parler de leurs difficultés ou d’anticiper ce qui pourrait se mettre en travers de leur chemin. La quatrième partie « Certificats & Célébrations » est de s’assurer que les personnes repartent avec une riche reconnaissance de ce qui les rend plus forts. Pour ma part, j’ai utilisé l’Arbre de vie en collectif avec différents publics et dans divers milieux en respectant toujours ces quatre étapes, mais en les adaptant en fonction des publics et des objectifs de ma mission. J’aime beaucoup travailler avec les groupes surtout avec ce type de méthode qui favorise les attitudes collaboratives, rend hommage aux différences et crée des espaces efficaces de solidarité et de reconnaissance.

En premier lieu, pour moi, il s’agit que chaque personne trouve sa place et que soient honorées à la fois l’unité du groupe et sa diversité. L’Arbre de vie m’a par exemple accompagnée dans les établissements scolaires, collèges et lycées, pour travailler avec des classes entières sur différents objectifs : • accompagner les élèves dans la recherche de leur projet d’orientation ; • honorer les différences au sein de leur classe ; • les aider à gagner en confiance et en estime de soi ; • développer la cohésion de la classe. L’Arbre de vie m’a aussi accompagnée dans les entreprises pour travailler avec des groupes transversaux ou des équipes, sur des thèmes tels que : • la cohésion d’équipe ; • la gestion de conflits ; • la gestion de projets ; • la création d’entreprise. J’ai eu aussi à travailler sur des cas délicats, tels que des équipes en souffrance, et, là aussi, malgré les difficultés de la situation, nous avons tous expérimenté la puissance des Pratiques Narratives en général et de l’Arbre de vie en particulier. Celui-ci m’a également accompagnée pour travailler dans différents secteurs et avec des publics très variés : • les retraités sur le thème de la mémoire ; • les travailleurs sociaux, éducateurs, médiateurs, conseillers d’orientation, conseillers des missions locales, professeurs des collèges et lycées difficiles, sur des thèmes comme retrouver du sens, se réaligner, se ressourcer, se relier à ses forces, accueillir sa singularité ; • en groupe de supervision que j’anime pour travailler sur l’identité professionnelle et le ressourcement.

PRÉPARER LES PERSONNES

Tout comme l’Arbre de vie en individuel, la transparence est de mise. Quand je dois intervenir auprès d’une équipe, d’un groupe, je ne mets jamais les gens au pied du mur en leur demandant, le jour même, de réaliser leur Arbre de vie. Une quinzaine de jours avant la session, j’envoie d’abord un courrier aux personnes concernées afin de confirmer notre rendez-vous, d’en rappeler les objectifs, les intentions. Dans ce courrier, je présente le programme de l’Arbre de vie dans toutes ses étapes. Voici ci-dessous un exemple d’une lettre type pour une équipe en milieu professionnel : « Bonjour, Vous êtes conviés à participer le XX à une journée de cohésion d’équipe que j’aurais le plaisir d’animer. L’objectif de cette journée est de vous permettre de (re)faire connaissance et de vous découvrir sous un jour différent en réalisant chacun individuellement votre « Arbre de vie professionnelle ». Vous aurez ainsi l’opportunité de découvrir d’autres éléments de la sphère professionnelle de vos collègues, « l’Arbre de vie professionnelle » invitant les participants à mettre en évidence : • leurs racines professionnelles, leur histoire professionnelle… ; • leurs ressources, ce qui les nourrit dans leur travail… ; • leurs aptitudes, compétences, qualités et talents… ; • leurs buts, rêves ou espoirs professionnels… ; • les personnes qui ont compté ou qui comptent sur le plan professionnel… ; • les cadeaux, les soutiens, les présents reçus dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions… L’intention est de mieux se connaître pour mieux coopérer : les informations échangées entre les participants ne sauraient être utilisées à d’autres fins que celle-ci. Les participants comme l’animatrice conviennent d’observer la plus stricte confidentialité au sujet des informations échangées à l’occasion de cet exercice. Ils sont libres de la forme et du contenu de ce qu’ils confient.

L’animatrice a elle-même expérimenté « l’Arbre de vie » et accorde une attention particulière au respect des besoins de chacun, notamment en matière de respect de la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle. Dans un souci de transparence, la présente proposition est envoyée aux participants qui disposent du temps nécessaire pour en prendre connaissance et se préparer à la pratique de l’exercice. Bien à vous » De plus, comme pour tout accompagnement collectif, à l’ouverture de la session, je co-construis avec le groupe quelques principes de base. Pour cela, je demande tout simplement : « De quoi avez-vous besoin pour être bien ensemble, pour vous sentir en sécurité de dire ce que vous avez à dire ? ». En fonction des groupes, on dispose de plus ou moins de temps. À l’accompagnant d’adapter la méthode au temps qui lui est accordé. En général, il faut un minimum de quatre heures pour dérouler tout le processus avec un groupe, c’est-à-dire pour que chacun réalise son Arbre de vie, le partage avec les autres membres du groupe et pour prendre le temps de clôturer. Quand j’interviens dans le milieu scolaire, je n’ai parfois pour chaque séance que la durée d’un cours, soit une heure. Je suis donc obligée de découper le processus : à la première séance on se limite à dessiner et renseigner l’Arbre de vie ; à la séance suivante, je le fais partager, etc. En amont, une phase importante : préparer le matériel nécessaire. Il faut prévoir de grandes feuilles blanches, des feutres de toutes les couleurs, de la pâte à fixe, des Post-It de toutes les couleurs et de toutes les formes. Je dessine également un arbre sur une feuille de paperboard, avec les consignes correspondant à chaque partie de l’arbre, afin que les personnes puissent s’y référer si elles en ont besoin en plus des consignes que j’aurai données verbalement. Il n’est pas rare, évidemment en fonction du temps imparti, que j’engage avec le groupe, avant de commencer, une conversation sur les arbres. « Quelle est votre histoire avec les arbres ? Qu’est-ce que vous connaissez des arbres ? Est-ce que vous avez une histoire avec certains arbres ? »

Ensuite, globalement, je rappelle : « Comme vous le savez, vous allez réaliser votre Arbre de vie. Cette première partie est un travail que vous allez faire individuellement, sur mes indications. À travers cet arbre c’est de vous qu’il s’agit, du professionnel que vous êtes, de ce qui fait votre singularité, votre force, votre valeur ajoutée. Nous passerons à peu près dix minutes sur chacune des parties de votre arbre : sol, racines, tronc, branches, feuilles et fruits. Ensuite, je vous inviterai à afficher vos arbres au mur. Ce sera le moment du partage, celui ou celle qui le souhaitera pourra présenter son arbre aux autres, les espoirs ou les souhaits que son arbre exprime, ce qui lui paraît utile que les autres membres du groupe sachent. Ensuite, ceux qui l’auront écouté s’exprimeront sur l’image que cela leur a donné de la personne ».

L’ARBRE DE VIE Une fois que les personnes se sont confortablement installées, avec sous la main tout ce dont elles auront besoin, je les invite à dessiner leur Arbre de vie, d’abord nu. Chacun va faire le sien, mais on est tous dans la même pièce. Quand tout le monde a achevé son dessin, chacun peut commencer à poser des mots sur les différentes parties de l’arbre. Les personnes vont renseigner chaque partie de leur arbre sur les indications que donne l’intervenant. Lorsque l’on pratique l’Arbre de vie en groupe, il est important de s’assurer à chaque étape que le groupe avance, tout en respectant le rythme de chacun. Certaines personnes ont besoin de moins ou de plus de temps que d’autres. En groupe, on n’échange pas sur son arbre pendant qu’on le réalise. Le débriefing se fait uniquement à la fin, quand la personne est invitée à prendre la parole. Les questions à poser pour chaque partie de l’arbre sont 1 les mêmes que pour l’accompagnement individuel. . En fonction des groupes, des équipes, des objectifs que l’on travaille avec les personnes, les questions peuvent varier. Si, par exemple, je travaille sur le thème de la cohésion d’équipe avec des personnes qui travaillent ensemble, donc qui se connaissent déjà, mon questionnement pourra être :

• Les racines : « Quelle est votre histoire professionnelle ? Qu’est-ce qui fait que vous vous retrouvez dans ce secteur d’activité, à ce poste ? » Ils se connaissent, mais ne connaissent pas forcément les histoires professionnelles des uns et des autres. Dans quelles autres entreprises ontils travaillé ? Quels types d’études ont-ils fait ? L’idée est de se découvrir mutuellement plus largement. • Le sol : « De quoi avez-vous besoin pour vous épanouir professionnellement dans cette équipe ? » On va ainsi chercher de l’information qu’il sera utile de partager avec ses collègues pour le bien-vivre ensemble. • Le tronc : « Quelles compétences, valeurs, qualités professionnelles vous reconnaît-on, apprécie-t-on chez vous ? » Là, on va honorer la singularité et la valeur ajoutée de chacun. Si, au sein d’une équipe où tout le monde se connaît, quelqu’un peine à se trouver des qualités, je peux demander à ses collègues de lui suggérer des qualités qu’ils voient en lui. Cela fonctionne toujours, car souvent on est plus à même de voir les qualités chez les autres que chez soi. En outre, pour la personne qui accueille les qualités que lui renvoient ses collègues, c’est très puissant. • Les branches : « Quels sont vos projets, espoirs, rêves pour votre équipe et pour vous au sein de votre équipe ? » Comme pour le sol, on va chercher de l’information qui sera utile à partager. • Les feuilles : « Quelles sont les personnes qui ont croisé votre route professionnelle et qui vous ont fait grandir ? Qui ont eu une influence positive sur votre vie professionnelle ? Quels sont les personnes, les personnages qui ont marqué votre parcours professionnel ? » Une manière d’identifier et de rendre hommages aux mentors, témoins, modèles ou alliés dans le domaine professionnel. Et, de se regarder à travers les yeux de ceux qui ont cru en nous, qui nous ont fait grandir. • Les fruits : « Qu’est-ce que vous vivez dans votre vie professionnelle et/ou dans votre équipe comme une chance, un cadeau ? » En fonction de ce que vit l’équipe et de nos objectifs, je peux poser des questions différentes. Les fruits peuvent devenir : « Quelles sont les

promesses et les audaces que j’ai en moi pour l’équipe ? » ou bien : « Quelles sont les actions que j’ai envie de semer au sein de mon équipe ? » Dans le cadre d’un Arbre de vie en milieu professionnel et comme vous avez pu le constater dans mon questionnement, je rajoute le mot « professionnel » à chacune de mes questions. Cela afin que la personne ne vive pas cet exercice comme trop intrusif. C’est une manière de délimiter le professionnel et le personnel. Ensuite, si la personne pose néanmoins des mots en lien avec sa vie personnelle, comme par exemple son compagnon sur une feuille, ou ses origines dans les racines, c’est en toute conscience. J’accueille toujours en confiance ce que les personnes ont choisi de noter sur leur Arbre. Si elles posent des mots, sachant avec quel public elles se trouvent et dans le cadre qui est le nôtre, c’est que cela leur convient ainsi. Une fois les Arbres de vie renseignés, je précise qu’il sera toujours possible de les compléter à n’importe quel moment de l’intervention si un mot leur revient. Un Arbre n’est jamais figé. Ce qu’on y met est la photographie d’un moment. On peut rajouter et enlever des mots dès lors qu’on le souhaite. Passer dix minutes sur chaque partie de l’Arbre peut paraître à la fois court et long selon les personnes. Il est important de laisser des moments de silence pour que les personnes puissent aller chercher en elles les réponses. Ce temps permet aussi à l’intervenant d’observer ce qui se passe et éventuellement de passer un peu de temps avec une personne qui peinerait un peu à faire émerger ses mots. Quand chacun a la sensation d’avoir terminé, j’invite tout le monde à aller coller les Arbres aux murs. En général j’utilise des feuilles de paperboard qui sont assez grandes. Aussi, en fonction de la taille du groupe, je fais toujours en sorte que la pièce comporte des surfaces suffisantes pour accueillir tous les Arbres.

LA FORÊT DE VIE Les uns après les autres, dans un ordre aléatoire, les Arbres de vie se retrouvent sur le mur. Des arbres ensemble, cela fait une forêt. C’est la Forêt de vie du groupe, de l’équipe. C’est le moment du partage.

Avant que chacun présente son Arbre, je propose que l’on prenne tous un moment pour se promener dans la Forêt de vie qui a été ainsi constituée. Que chacun aille à la découverte des Arbres des autres. Tandis que tout le monde admire la Forêt, j’en profite pour poser quelques questions : • Quelles sont vos premières impressions ? • Comment vous sentez-vous ? • Qu’est-ce que l’on peut déjà dire de cette forêt ? • Qu’est-ce que vous avez pu observer de commun et de différent à tous ces arbres ? En général, ce qui ressort, c’est qu’aucun arbre n’est semblable à un autre, que la forêt est belle de couleurs et riche de mots. Selon les secteurs d’activité, on peut retrouver des qualités identiques sur le tronc de certains Arbres. Si, par exemple, je fais l’Arbre de vie avec des coachs, on retrouvera souvent des qualités comme « écoute » et « empathie ». D’être allé chercher au fond d’elles-mêmes toutes ces informations, certaines personnes peuvent ressentir un peu de fatigue. Il est important d’accueillir les ressentis et de faire en fonction de l’énergie du groupe. C’est d’ailleurs souvent le moment opportun pour proposer une pause avant le partage sur les Arbres. Raconter son Arbre aux autres Avant d’inviter les personnes à présenter leur arbre, je dis au groupe : « C’est le moment pour celui ou celle qui le souhaite de présenter son Arbre aux autres. Vous n’êtes pas obligés de tout présenter. Sentez-vous libres de ne présenter que ce que vous souhaitez, ce qu’il vous paraît utile que les autres sachent de vous. Quant à ceux qui écoutent, soyez attentifs aux mots et aux expressions qu’utilise celui ou celle qui présente son arbre, et qui viennent vous toucher tout particulièrement. À l’issue de la présentation, vous serez invité à témoigner de ce qui vous a touché et de l’image que cela vous donne de la personne qui vous a présenté son Arbre et de ce qui est important pour elle ». Quand une personne s’est portée volontaire, je lui donne le temps dont elle dispose pour présenter son arbre. Ce temps est très variable, il peut aller de cinq à vingt minutes par personne. Tout dépend de la taille de l’équipe

et/ou du temps qu’on a choisi de consacrer à cette séquence. Quoi qu’il en soit, l’accompagnant sera vigilant à ce que le temps de présentation soit réparti équitablement. La personne qui a proposé de présenter son Arbre de vie le fera dans l’ordre qu’elle souhaite, à partir du sol ou des fruits, du tronc ou des feuilles. En général, j’interviens peu. Je laisse la personne dire au groupe ce qu’elle souhaite dire sur elle-même. Si elle s’exprime peu ou n’utilise pas tout son temps, je peux lui poser quelques questions afin qu’elle développe un peu plus. J’orienterai mes questions en fonction du travail que je dois faire avec le groupe. Si je reprends mon exemple de l’accompagnement en cohésion d’équipe, je ferai en sorte que la personne qui présente son Arbre n’oublie pas d’exprimer ses besoins pour être bien dans l’équipe, et les projets et les espoirs qu’elle a pour l’équipe : tout ce qui est utile de partager et de faire vivre compte tenu de l’objectif poursuivi. Résonner aux Arbres des autres Quand quelqu’un vient de terminer la présentation de son Arbre, je demande à l’équipe : « Vous venez d’entendre votre collègue présenter son histoire professionnelle. Qu’est-ce que vous avez entendu et qui vous a particulièrement touché ? Quelle image cela vous donne-t-il d’elle et de ce qui est important pour elle ? Si vous le souhaitez, vous pouvez l’exprimer et/ou noter les mots sur des post-it et venir les coller sur son arbre comme des mots de soutien ». Selon la taille de l’équipe, la personne va se retrouver avec un Arbre plus ou moins constellé de post-it où sont notés des mots en résonance comme : humaine, généreuse, déterminée, battante, etc. : tout ce que ses collègues ont vu d’elle à travers son Arbre, les mots qu’elle a écrits, ce qu’elle dégage. Les mots de ses collègues vont lui faire l’effet d’un miroir où elle va pouvoir se regarder à travers les yeux de ses collègues. Nous sommes en présence de quelque chose de très puissant pour la personne et pour l’équipe, qui met en lumière le rôle singulier qu’elles ont les uns envers les autres. L’équipe redécouvre ce qui fait la force de sa dimension collective. Chacun a sa place et contribue à la force de l’ensemble. En outre, comme dans tout accompagnement de cohésion d’équipe, la mise en commun des Arbres de vie de chacun invite à une meilleure

connaissance réciproque, à partager et à s’apprécier davantage. L’Arbre de vie a pour avantage de recueillir des informations sur les besoins et les espoirs des membres de l’équipe, informations qui peuvent faire l’objet d’un travail complémentaire. Souvent, par exemple, en aval de la Forêt de vie, j’organise des sous-groupes qui recueilleront les idées sur les différentes manières d’améliorer la vie de l’équipe, en termes de satisfaction de chacun et de cohésion de l’ensemble. L’intention des deux premières étapes « Arbre de vie » et « Forêt de vie » est de reconnecter chacun à ses forces, à sa valeur ajoutée, à son unicité au sein d’un collectif. L’intention est également d’honorer les différences, de se rendre visible aux autres sous l’angle de ce qui, pour nous, fait sens et est important.

LA TEMPÊTE DE VIE Après les deux premières étapes qui ont permis aux personnes que nous accompagnons de se reconnecter à leurs forces et de retisser du lien au sein de leur équipe, il est possible maintenant de se confronter aux difficultés qu’elles vivent ou pourraient être amenées à vivre sans se sentir impuissantes ou submergées. Cette troisième étape va donner la possibilité d’évoquer les difficultés déjà présentes ou de les anticiper tout en se sentant suffisamment forts ensemble pour les surmonter. Après avoir recueilli toutes ces histoires de « force » dont la Forêt de vie porte le témoignage, l’histoire des difficultés, qui aurait pu écraser toutes les autres, se retrouve à sa place : elle n’en est plus qu’une parmi les autres. La première idée à mettre en relief est que l’équipe est différente du fait d’avoir vécu l’expérience de l’Arbre de vie et de la Forêt de vie. D’où mes questions à ce moment-là : « Qu’est-ce que notre Arbre de vie, notre Forêt de vie nous a appris sur nous, sur l’équipe et qui fera que demain sera différent si une tempête survient ? » Pour cette étape, il est important que l’intervenant reste connecté au principe selon lequel rien n’est jamais de la faute des personnes. Quand on

aborde les tempêtes que pourrait subir l’équipe, on ne parle jamais des expériences individuelles. On ne cible personne. On invite les personnes à parler d’une seule voix. On crée un espace où il devient possible de parler des difficultés, un espace pour échanger des messages qui peuvent être même des messages de survie. Ce que dit l’un va aider l’autre. Chacun contribue à la vie des autres en partageant ses savoirs sur la façon d’aborder et de surmonter les difficultés. Aborder les Tempêtes de vie avec le groupe En fonction du public et de l’intuition de l’accompagnant, il y a plusieurs manières d’aborder les Tempêtes de vie. Je trouve, en ce qui me concerne, que les lieux et les changements de lieux véhiculent une dimension symbolique dont la puissance peut être une ressource à utiliser. Si c’est possible et si l’équipe est d’accord, je trouve donc judicieux que, pour la séquence suivante, on change de lieu et que l’on reforme la Forêt de vie du groupe dans une autre salle. Ensuite, si je garde l’exemple de mon accompagnement en cohésion d’équipe, je demande à chaque participant de se rapprocher de son Arbre. Chacun est donc debout près de son arbre et je dis à l’équipe : « Vous venez de faire l’expérience de votre Arbre de vie professionnelle, vous avez constitué la Forêt de vie de votre équipe, vous vous y êtes promenés, dans la forêt, vous avez chacun présenté vos Arbres et résonné aux Arbres de vos collègues. C’est comme un voyage que vous avez fait ensemble. Un voyage au pays de la redécouverte de vos collègues, de vos forces, de vos valeurs et de vos espoirs. Vous êtes différents du fait d’avoir fait ce voyage. Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons anticiper les tempêtes que pourrait traverser l’équipe, ce qui pourrait se mettre au travers de votre chemin professionnel et vous empêcher de bien avancer ensemble ». Ensuite, je demande à l’équipe : • « À votre avis, quelles sont les tempêtes auxquelles votre équipe pourrait avoir à faire face ? » • « Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, empêcher cette équipe de bien fonctionner ? »

• « Qu’est-ce qui pourrait se mettre entre vous et vos espoirs, besoins et projets ? » Il s’agit là d’aller chercher le savoir que détient l’équipe. Ses membres sont les mieux placés pour savoir ce qui pourrait leur arriver ou ce qui leur arrive parfois déjà. C’est un moment où il est important de noter leurs propres mots. Quand il y a deux intervenants, c’est plus facile. L’un pose les questions, l’autre note les réponses. Là, en général, on n’a plus qu’à recueillir les savoirs de l’équipe. Et, si ses membres savent identifier les tempêtes, c’est qu’ils savent aussi comment les empêcher ou les surmonter. Il ne reste à l’intervenant qu’à les questionner pour qu’ils puissent exprimer tout ce qu’ils savent. À aller récolter ce que l’Arbre de vie, la Forêt de vie et la Tempête de vie ont permis de semer. On continue le travail, en les questionnant sur les idées qu’ils ont pour faire face : « Quelles sont vos idées pour faire face aux tempêtes qui pourraient survenir ? Qu’est-ce que ce travail que l’on a fait ensemble vous ouvre comme perspectives si cela devait se produire ? Qu’est-ce que l’Arbre et la Forêt vous ont appris, qui fera que ce sera différent pour vous si cela arrive ? En quoi le fait d’avoir créé votre Arbre de vie professionnelle et la Forêt de vie de l’équipe va-t-il faire une différence dans les jours, les mois qui viennent ? ». Toutes ces idées qui vont être recueillies peuvent faire l’objet d’un travail complémentaire en sous-groupes sur le thème de « Comment faire vivre les actions concrètes que nous avons imaginées ». Notre travail est d’accompagner le changement jusqu’au bout du processus. Ces trois premières parties de l’Arbre de vie auront créé un contexte favorable à l’envie de faire ensemble, en respectant les différences, en ne jugeant personne, en identifiant collectivement les difficultés auxquelles on peut être exposé, en co-construisant les solutions et les actions à mener. On est mieux à même de faire vivre des idées quand elles viennent de nous. C’est ce que j’appelle : « Rendre le savoir aux gens ». Nous avons parcouru l’Arbre de vie, la Forêt de vie, les Tempêtes de vie. Nous voici parvenus à la fin de la troisième partie du processus. C’est le moment de tirer les enseignements du voyage que l’on vient de faire ensemble, sous la forme d’une réponse à la question ; « Que gardez-vous de

ce parcours qui pourrait aider d’autres personnes ou d’autres équipes dans la même situation ? » Formulé autrement : « Repensez à tout ce que vous avez vécu pendant ce parcours. S’il y avait quelque chose à partager avec une nouvelle personne qui intègrerait l’équipe ou une autre équipe qui vivrait une situation similaire à la vôtre, qu’est-ce que ce serait ? Quelle serait la leçon apprise pendant ce parcours que vous souhaiteriez transmettre ? ». Réaliser une synthèse et expérimenter une posture de transmission, et non plus seulement de demande ou de production, renforce tout le processus mis en œuvre depuis le début de la séance. Recueillir cette information à transmettre permet à l’équipe d’ancrer plus profondément ses apprentissages et ouvre également la possibilité de les partager autour d’elle. Ce qui, pour l’équipe, signifie qu’elle va contribuer à la vie des autres plus largement. Pour appuyer cette dynamique, il n’est pas rare que je demande aux membres de l’équipe s’ils me permettent de partager leurs idées avec d’autres équipes que j’accompagne. Une autre manière, plus métaphorique, d’aborder les Tempêtes de vie, notamment avec les groupes de jeunes en grande difficulté scolaire, consiste à rester au plus près de la métaphore des arbres et de la forêt, en faisant un parallèle constant entre ce qui peut arriver aux arbres pendant la tempête et ce qui peut leur arriver à eux. Je les fais ainsi réfléchir en leur posant les questions suivantes : • Que peut-il arriver de pire à une forêt quand il y a une tempête ? • Quels effets cette tempête a-t-elle sur la forêt ? • Comment la forêt fait-elle pour se défendre ? • Comment les animaux de la forêt font-ils pour se protéger de la tempête ? • Qu’y a-t-il de commun entre ce qui peut arriver à un arbre et ce qui peut vous arriver ? • Quelles sont les tempêtes que vous pourriez avoir à affronter ? • Quels effets la tempête a-t-elle sur vous ? • Est-ce de la faute des arbres, la tempête ? • Est-ce votre faute ?

• Que font les jeunes quand des tempêtes surviennent dans leur vie ? • Comment les jeunes peuvent-ils répondre aux tempêtes qui surviennent dans leur vie ? • Comment pouvez-vous garder le lien avec les espoirs pendant la tempête ? • Les tempêtes sont-elles dans nos vies en permanence ? • Y a-t-il des moments où la tempête n’est pas là ? • Que fait-on une fois que la tempête est passée ? J’engage ainsi une discussion sur les malheurs que les Forêts peuvent connaître, puis je fais faire le parallèle avec les jeunes et leur vie. Toujours avec cette même idée qu’il ne faut jamais viser qui que ce soit individuellement. De parler d’une seule voix. De partager et mutualiser le savoir détenu par les individus. De recueillir les compétences existentielles qu’ont ces jeunes face aux tempêtent qui les affectent. De faire comprendre que, « si je parle », cela peut aider l’autre. L’histoire de la Forêt, la métaphore, sont là pour leur donner la possibilité de le faire. Notre responsabilité et notre éthique, à nous, intervenants, est de proposer un contexte où tout cela pourra se passer. À défaut d’avoir suivi dans sa progressivité tout le processus que je viens de décrire, à nos questions directes des jeunes par exemple répondraient : « Mais, Madame, on voit pas de quoi vous parlez ! Nous, on a pas de problème. C’est les autres qui ont des problèmes. La prof qui est nulle et qui m’aime pas ». Ou bien, ils se mureraient dans le silence. C’est à l’intervenant surgi subitement de l’extérieur dans leur vie qu’il appartient de mériter leur ouverture. Proposer la métaphore de l’Arbre de vie avec les idées narratives est un moyen de la mériter. Non pour notre satisfaction, mais parce que c’est dans le mouvement de s’ouvrir à nous qu’ils vont s’ouvrir les uns et les autres. De quelque public qu’il s’agisse, des jeunes dans leurs collèges, ou des cadres dans leur entreprise, le parcours de l’Arbre de vie permet de créer l’espace de sécurité où peut être dit ce que les personnes ont à dire, un espace qui leur redonne le savoir et la confiance et qui leur permet de rester dignes.

CÉLÉBRATION ET CERTIFICATS Nous arrivons à la fin du parcours. C’est la quatrième et dernière étape de l’Arbre de vie. Le moment où l’on va achever et célébrer l’ancrage des avancées et des apprentissages. C’est le moment où l’on a la possibilité – et où il est souhaitable – d’inviter des témoins à qui on a envie de rendre visibles nos nouveaux développements. En fonction des contextes et du temps dont nous disposons, cette séquence de clôture peut prendre plusieurs formes. Dans tous les cas, elle reprend en général les concepts de Témoins Extérieurs et de Documentation que j’ai évoqués dans le chapitre 3 sur l’accompagnement individuel. L’intention de cette dernière partie de l’Arbre de vie est de s’assurer que les gens repartent avec une riche connaissance et reconnaissance de ce qui les rend plus forts ainsi que des liens qui les rattachent aux figures importantes de leur vie. Les rituels, dans certains cas, sont importants. Ils permettent d’acter profondément ce qui a émergé au fil du parcours. A minima, à la fin de l’intervention, je recommande d’organiser une remise de certificats, comme une remise de diplômes, et cela non à la sauvette mais au contraire de manière très formelle. Le certificat se présentera comme un document personnalisé. Sa fonction est d’être évocateur du parcours et des forces de son titulaire pour lui permettre de continuer à faire vivre son histoire. En général les certificats se remettent en fin d’intervention, au moment de clôturer. Les intervenants auront pris soin de les préparer à l’avance. En fonction du temps que l’on a et du public, ce certificat peut contenir plusieurs informations. Ci-dessous, voici deux cas dans deux contextes différents. Un exemple en accompagnement d’équipe en entreprise Nous avions une journée entière pour réaliser tout le parcours de l’Arbre de vie. Arrivé en fin de journée, avec l’accord de l’équipe, nous avons invité son manageur pour la clôture. Il s’est promené un peu dans la Forêt de vie de ses collaborateurs. Un représentant a été désigné par l’équipe pour lui faire une synthèse du travail que nous avions réalisé ensemble et pour

présenter notamment ce que l’équipe avait décidé de mettre en place pour son bon fonctionnement. Le manageur s’est engagé à les soutenir et à favoriser leurs initiatives. La remise des certificats s’est faite en sa présence, de manière un peu originale mais quand même formelle. Chaque membre de l’équipe devait remettre un certificat à un autre collègue choisi au hasard. En lui remettant le certificat, il devait lui dire quelques mots – ce qu’il voulait – en lien avec ce que qu’il avait pu observer de ce collègue au cours de la journée. Cela donnait par exemple : « Je te remets ce certificat en l’hommage de cette journée passée ensemble à réfléchir à comment bien fonctionner ensemble. Il pourra te rappeler que nous sommes une forêt unie et solidaire ». Après chaque passage, l’équipe applaudissait. À la fin de la journée, chaque participant repartira avec son Arbre de vie professionnelle constellé de Post-It de soutien, son certificat personnalisé, la liste de toutes les idées d’actions recueillies, les engagements de l’équipe et du manageur qui ont émergé et que l’intervenant aura pris soin de noter. Un exemple avec une classe en milieu scolaire En général, quand j’interviens avec des jeunes en milieu scolaire, je viens les voir une dizaine de fois au cours de l’année. Nous travaillerons plusieurs objectifs en lien avec leur actualité. S’ils doivent trouver un stage par exemple, nous ferons une séance autour des entretiens, des secteurs qui pourraient les intéresser, des qualités personnelles qu’ils peuvent mettre en avant dans leur lettre de motivation, etc. L’Arbre de vie interviendra assez tôt dans le parcours, car il sera le support fondateur sur lequel nous reviendrons chaque fois que l’on travaillera un thème. Par exemple, quand le jeune rédigera sa lettre de motivation, il ira voir dans son Arbre quelles qualités il avait écrites sur son tronc et qui sont en résonance avec le style de stage qu’il souhaite. Lorsque nous arrivons au moment de la clôture, nous avons évidemment fait bien davantage que l’Arbre de vie. Lors de mon avant-dernière intervention, lorsque les jeunes ont repris confiance, qu’ils ont un projet, je les prépare à cette séance de clôture en leur demandant : « Que diriez-vous si, pour notre dernière séance, on invitait des personnes, celles que vous voulez, à venir fêter avec nous vos

projets. À qui vous auriez envie de rendre visible tout ce que l’on a produit ensemble ? ». En général, les jeunes sont partants et ravis. Ils invitent souvent les professeurs qu’ils aiment bien, des camarades d’autres classes, des patrons de stage quand cela s’est bien passé. C’est une séance qu’avec eux j’essaye de rendre festive. On décide de tout ensemble. Qui ils veulent inviter mais aussi ce qu’ils ont ou non envie de partager parmi toutes les productions, et sous quelle forme. Souvent, ils proposent également de préparer des spécialités de leurs pays et, en ce qui me concerne, je fournis les jus de fruits. Le jour J, nous avons affiché tous les Arbres de vie au mur ainsi que nos autres productions. Les jeunes accueillent leurs invités et les emmènent se promener dans leur Forêt de vie. Ils présentent leurs projets pour l’année à venir. Je questionne les invités sur l’image que cela leur donne des jeunes, sur ce qu’ils ont pu observer de leurs avancées. Pour l’intervenant, c’est aussi une occasion de présenter concrètement ce qui se fait au cours de ses séances avec les jeunes. Les certificats sont remis à cette occasion, devant les invités, comme une remise de diplômes officielle. L’intervenant aura pris soin de les préparer et de les personnaliser en amont. Je complète chaque certificat avec les qualités principales du jeune qui ont émergé pendant les séances. Les jeunes repartent avec leur Arbre de vie, les autres productions du parcours et leur certificat qui sera là pour leur rappeler leurs ressources. Ils repartent aussi avec le souvenir de cette dernière séance où ils ont pu se montrer devant des témoins dans la lumière de ce qu’ils sont profondément, c’est-à-dire des jeunes plein de ressources, de valeur, de projets.

Partie II

QUELQUES CHAMPS D’APPLICATION

4 L’ARBRE DE VIE EN ENTREPRISE

APRÈS VOUS AVOIR PARLÉ DE L’HISTORIQUE de l’Arbre de vie, après vous avoir délivré la méthodologie en individuel et en groupe, je vous propose maintenant, dans ce chapitre, de découvrir des cas concrets, détaillés et en situation de certains de mes accompagnements dans différents domaines et avec différents publics, en entreprise, dans les écoles. Je vous propose ici cinq témoignages de cinq professionnels différents que j’ai formés à cette méthode et qui depuis ont intégré l’Arbre de vie dans leur pratique quotidienne. Il s’agit d’un médecin chef de service en diabétologie, d’un psychologue conseiller d’orientation auprès d’adolescents, d’une conseillère d’insertion en Mission Locale et de deux coachs. L’intention, en vous présentant ces cas concrets, est de partager avec vous l’expérience de l’Arbre de vie en situation dans différents domaines afin de vous montrer l’étendue des possibilités de son utilisation et de lever les freins que vous pourriez éventuellement vous mettre si vous souhaitez utiliser cette méthode. Quand je suis devenue coach en 2007, après une vingtaine d’années en entreprise, ma première idée était tout naturellement d’accompagner les hommes et les femmes dans leur vie au travail. Au début j’acceptais un peu toutes les missions car il fallait que je développe mon activité mais très vite je me suis aperçue que, là où j’étais efficace et où ça avait du sens pour moi d’être, c’était d’accompagner ce qui m’avait cruellement manqué dans ma vie professionnelle.

Je suis autodidacte. Je suis arrivée un peu par hasard dans le secteur de la communication et j’ai grandi assez rapidement dans ce secteur. J’ai commencé au plus bas niveau comme secrétaire et j’ai terminé Directrice du développement et de la communication du plus grand groupe de publicité mondial. Sans jamais être accompagnée moi-même. J’apprenais en faisant mais j’ai perdu beaucoup de temps à essayer de comprendre ce qui se passait ou se jouait dans les relations avec les gens. Cela générait chez moi beaucoup de stress, d’incompréhension et parfois des conflits avec les personnes avec lesquelles je travaillais. J’aurai aimé avancer plus sereinement dans ma vie professionnelle et surtout en me sentant moins seule face aux histoires que je me racontais. Donc aujourd’hui mes principales missions tournent autour du bien-être des personnes au travail aussi bien en accompagnement individuel qu’en groupe. Lever les dysfonctionnements dans les équipes, gérer les conflits, accompagner la cohésion d’équipe et la souffrance au travail. Quand j’ai découvert l’Arbre de vie et que j’ai compris les intentions de cette méthode qui étaient initialement d’accompagner des collectifs, de les reconnecter au sens, à leurs forces, de créer un espace sécurisant pour qu’ils puissent affronter les tempêtes, les sortir de l’isolement, je me suis dit que ça allait beaucoup m’aider à aider mes clients. Je vais partager avec vous, ci-dessous, trois de mes expériences d’accompagnement en entreprise ainsi que le cas d’une collègue coach.

PREMIER CAS « L’Arbre de vie pour aider un groupe d’assistantes de direction d’une grande entreprise à changer le regard que leur Direction porte sur elles. »

Il y a quelques mois, Christine Lelong, une collègue coach m’a proposé de co-animer avec elle une journée d’accompagnement de huit assistantes de direction sur le thème « Changer de regard sur nous et changer le regard de l’entreprise sur nous ». Christine connaît bien cette entreprise dans laquelle elle intervient régulièrement. Elle connaît bien également ce

groupe d’assistantes de direction pour avoir déjà commencé son intervention auprès d’elles. Contexte C’est une grande entreprise qui comporte huit Directions. À la tête de ces huit Directions, huit personnes qui dirigent cette entreprise et qui composent le comité de direction. Chacune des huit assistantes travaille avec l’une de ces personnes. Elles se connaissent toutes, travaillent ensemble, pour certaines depuis plusieurs années, s’apprécient, s’entraident, se soutiennent. Bien qu’elles fassent un travail considérable et qu’elles se sachent indispensables à leur Direction, les assistantes ne se sentent pas valorisées et prises en compte par l’entreprise dans un contexte de grand changement. Elles ont besoin de s’autoriser à prendre leur place et à se faire entendre de façon constructive pour se sentir reconnues et entendues. La Direction leur a proposé cet accompagnement pour qu’elles se positionnent de façon satisfaisante pour elles et qu’elles trouvent de nouveaux repères. Nous avons pris le temps de créer un espace de parole et de réflexion, où les assistantes ont pu prendre un peu de hauteur et repenser leur fonction. Nous les avons incitées à s’exprimer avec authenticité en parlant de leurs besoins et en formulant des demandes claires, et nous avons consacré une journée d’accompagnement à les rassembler autour de leurs forces, de leurs ressources, de leurs valeurs. À cette occasion, nous avons choisi de leur faire réaliser en commun l’Arbre de vie de leur communauté de métier. Objectif avec l’Arbre de vie Clôturer ce parcours d’accompagnement en recensant sur un Arbre de vie professionnelle commun toutes les forces, les besoins, les objectifs de ce groupe d’assistantes de direction. Et trouver comment faire connaître cet Arbre de vie à leurs différentes directions. Mission

Pour cette dernière journée d’accompagnement, deux temps, globalement, étaient prévus. Un temps le matin pour aborder « l’histoire du problème » et un temps pour imaginer comment faire vivre ce qui est précieux pour elles dans leurs fonctions. Pour « l’histoire du problème », nous avons utilisé le photolangage, nous leur avons demandé d’exprimer tout ce qui pose problème pour elles dans ce qu’elles vivent professionnellement. Ensuite nous avons exploré avec elles ce qui pouvait bien appeler l’attention derrière chaque plainte. L’idée est que derrière chaque problème il y a une valeur importante pour la personne et que cette valeur est bafouée ou qu’elle ne trouve pas sa place. Nous avons donc fait une « chasse au trésor » : celle de leurs valeurs. Au final ce n’étaient plus des « femmes avec des problèmes », mais des femmes pleinement conscientes et fières des valeurs qui leurs sont précieuses et qu’elles veulent assumer. Ces valeurs une fois décelées et reconnues, le deuxième temps a consisté à leur faire rechercher ensemble comment faire vivre tout ce qui est précieux pour elles, en recensant les actions concrètes qui pourraient leur permettre de mieux se positionner dans l’entreprise. C’est là que l’Arbre de vie entre en jeu et il nous a été très utile. Nous les avons invitées à réaliser leur Arbre de vie professionnelle commun. Un seul arbre qui allait représenter ce groupe d’assistantes de direction dans la lumière de ce qu’elles sont et de ce qu’elles ont envie d’être. Elles ont commencé à dessiner un bel arbre sur une feuille de paperboard. Ensuite elles ont regroupé et mis en forme leurs mots, identifiés à travers le partage de récits d’expériences personnelles, et les ont répartis sur l’Arbre de vie. Les consignes étaient : • Racines : des mots qui reflètent les raisons qui sous-tendent leur présence dans cette fonction et dans cette entreprise. « Quelle est votre histoire professionnelle avec cette entreprise ? Qu’est-ce qui dans votre histoire professionnelle fait que vous vous retrouviez à ce poste, dans cette d’entreprise ? ». • Sol : des mots qui expriment leurs besoins pour exercer leur fonction et pour bien réaliser leur mission. « De quoi vous avez besoin pour bien faire votre travail ? ».

• Tronc : des mots qui traduisent leurs valeurs, leurs talents, leurs ressources, leurs qualités professionnelles. « Quels sont vos talents, habiletés, compétences, qualités, valeurs professionnels ? ». • Branches : des mots qui expriment leurs rêves, leurs espoirs, leurs projets pour améliorer leur situation. « Quels sont vos rêves, projets, espoirs pour votre emploi ? ». • Feuilles : des mots qui décrivent les idées qui permettraient de réaliser leur projet. « Quelles sont vos idées pour faire vivre vos besoins, vos projets ? » • Fruits : des actions concrètes et réalistes qu’elles sont prêtes à mettre en œuvre pour faire évoluer leur situation et nourrir leurs besoins. « Quelles actions vous vous sentez prêtes à mettre en place pour y arriver ? ». Ce travail collectif les a incitées à se concerter et se mettre d’accord sur les idées et actions à mener afin que leurs valeurs et leurs souhaits prennent forme dans leur contexte professionnel et qu’elles prennent l’initiative d’agir autrement. Nous nous sommes retrouvées avec un bel arbre bien nourri d’idées et d’actions très concrètes à mettre en place. Ensuite, nous leur avons demandé à qui il serait utile de présenter leur arbre. Elles se sont vite mis d’accord sur l’importance de faire remonter toutes ses informations auprès de leurs directions respectives. La décision a été prise qu’elles se fassent inviter, lors du prochain comité de direction, pour présenter leur Arbre de vie professionnelle commun. Elles n’ont eu aucune difficulté à se retrouver devant le comité de direction. À travers leur Arbre, elles se sont présentées à des personnes qui les connaissent déjà mais sous un angle nouveau. Celui de leurs forces, de ce qui les anime, de leurs valeurs pas toujours exprimées. Et, surtout, elles ont pu dire de quoi elles avaient besoin et les projets qu’elles nourrissaient pour leur fonction. Tout cela a été exprimé sous le regard bienveillant du comité de direction qui s’est engagé à soutenir certaines des actions proposées. Aujourd’hui, les assistantes sont en phase de concrétisation et de mise en œuvre de celles-ci. Elles deviennent auteures – et non seulement actrices – de leur vie professionnelle.

Conclusion L’Arbre de vie a été utilisé pour répondre à leur objectif spécifique « Changer de regard sur nous » et aussi « Reprendre l’initiative et faire changer le regard de l’entreprise ». Comme je le disais en méthodologie, les questions peuvent varier en fonction du travail que l’on fait avec les personnes. L’Arbre a servi in fine de support poétique pour diffuser des messages essentiels. Le fait de ne faire qu’un seul arbre a permis à ces assistantes de parler d’une seule voix, ce qui créait un cadre plus sécurisant pour elles.

DEUXIÈME CAS « L’Arbre de vie pour permettre à cinquante élus d’un groupe de banques régionales coopératives de se reconnecter à leurs forces, valeurs et missions afin de relever les défis à venir. »

Contexte Je suis intervenue en clôture de l’université d’été qu’organise tous les deux ans un groupe de banques régionales coopératives du Grand Ouest. Cette unité rassemblait cette année-là cinquante membres de leurs conseils d’administration respectifs et concluait un parcours de réflexion commencé deux ans auparavant. L’université d’été était organisée autour de deux temps forts, d’abord, sur une journée, une synthèse des scénarios prospectifs explorés au long de ce parcours, puis, en conclusion, sur une demi-journée, un travail sur le rôle, les valeurs et la mission des membres des conseils par rapport aux enjeux que ce travail de prospective avait fait émerger. J’étais en charge de cette conclusion, les organisateurs ayant été intéressés par le caractère original et global de l’approche narrative. Je n’ai pas assisté à la journée de synthèse prospective qui précédait mon intervention, mais je sais qu’à travers un panel d’experts étaient rappelées les questions les plus brûlantes qu’il convenait de se poser dans six

domaines d’observation : les nouvelles technologies, les valeurs et les comportements collectifs, l’économie et la finance, les concurrences, la réglementation et enfin les comportements de consommation. Objectif En ce qui me concerne, mon objectif était donc de ramener les membres du groupe in fine sur leurs responsabilités, leurs ressources et leurs valeurs face aux avenirs possibles qu’ils venaient d’explorer. C’est pourquoi j’avais choisi que l’on consacre cette demi-journée qui m’était confiée à travailler, individuellement d’abord, puis collectivement, sur l’Arbre de vie professionnelle. Mission Mon défi était de faire réaliser à cinquante personnes, en trois heures trente, l’Arbre de vie, la Forêt de vie et une synthèse finale. J’ai donc conçu un programme spécifique qui prenne en compte les objectifs et les contraintes. Nous avions prévu une vaste salle avec des tables rondes, chacune pouvant accueillir huit personnes. Un premier temps a été consacré à la réalisation des Arbre de vie individuels. Ensuite, ces cinquante Arbres de vie ont été affichés aux murs de la salle afin de constituer une belle et grande Forêt de vie où chacun a pu aller à la découverte des Arbres des autres. Après une courte pause, les participants se sont réinstallés autour des tables et chacun a présenté les éléments significatifs de son Arbre. Pour terminer, une personne par table a été désignée pour exprimer en plénière les points forts de cette mutualisation. Déroulement • Chaque élu dessine et renseigne son « Arbre de vie professionnelle » sur les indications de l’animatrice. • Une fois réalisés, les Arbres de vie sont affichés aux murs de la salle et les participants se promènent dans « la Forêt de vie des élus de la banque coopérative ».

• Par groupes de huit, à tour de rôle, chacun présente son arbre aux participants de son groupe. • Un rapporteur par groupe vient partager en plénière une synthèse sur les valeurs et les espoirs qui ont émergé dans son groupe. Les consignes, pour réaliser les arbres, étaient en lien avec le thème et les objectifs spécifiques de ce séminaire. Nous les avions travaillés avec le responsable de la manifestation, un responsable de formation, afin que l’Arbre de vie réponde spécifiquement à ses attentes. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec, en plus de ce que nous faisions d’habitude, les fleurs et les graines de l’arbre. En voici le détail : • Racines : les valeurs qui m’ont incité à devenir un élu et que je voulais honorer et exprimer en devenant élu. • Sol : le territoire ou nous vivons, notre territoire, qui ne peut nous enrichir que si nous l’enrichissons. C’est un écosystème. • Tronc : le corps social de ma banque coopérative, les « ressources humaines » dans leur ensemble, dirigeants, salariés et élus. J’inscris au niveau du tronc les compétences, les talents, les ressources que j’apporte à ma banque, en savoir, en savoir-faire et en relations. • Branches : les projets, les espoirs que je nourris en tant qu’élu de ma banque coopérative. • Feuilles : les personnes qui ont compté ou qui comptent sur le plan professionnel, les autres élus, salariés, dirigeants, avec lesquels entreprendre. • Fruits : les résultats au présent, les bons exemples, les exemples inspirants. • Fleurs : les promesses et les audaces que j’ai en moi pour ma banque. • Graines : les actes que j’ai envie de semer afin que demain soit fécond pour ma banque et nos territoires. Conclusion Cette demi-journée de clôture avec l’Arbre de vie a été très appréciée des membres de ce groupe. Ce fut, aux dires des participants, un moment

ludique, convivial et ressourçant pour eux. Un temps où ils ont pu se réaligner et échanger sur le sens et les valeurs de leurs missions.

TROISIÈME CAS « L’Arbre de vie pour permettre à une équipe et sa nouvelle Direction de commencer à écrire une histoire ensemble. »

Contexte C’est l’histoire d’un magazine qui, en deux ans, a connu deux grands bouleversements : son patron fondateur est parti et l’a cédé à un grand groupe de presse, et une nouvelle formule a été tentée sans succès, ce qui a fait chuter les ventes de manière spectaculaire. Depuis deux ans, une nouvelle direction a été nommée. L’énergie de tous a été mobilisée afin de stopper l’hémorragie des ventes en remettant le magazine dans son identité première. Le tout s’est fait sans que les collaborateurs soient accompagnés d’une manière ou d’une autre. Le magazine a été sauvé, mais la nouvelle direction n’est toujours pas légitimée. Les équipes se sentent abandonnées entre les mains d’un groupe dont les intérêts et les valeurs viennent se heurter aux leurs. Les conséquences sont multiples et dommageables sur les plans humains et matériels : • un syndrome général du genre : « c’était mieux avant » ; • une équipe de direction qui tente, sans succès, d’imposer de nouveaux process ; • une équipe de rédaction en résistance au changement, de moins en moins motivée : les propositions de sujets lui échappent de plus en plus et, parfois, le magazine est presque exclusivement rédigé par des pigistes ;

• l’esprit d’équipe n’est plus assez développé. Chacun écrit dans son coin, personne ne lit les articles des autres, etc. Objectif Lever les incompréhensions et les résistances au changement. Retrouver de la motivation, de la créativité et de l’envie de faire ensemble. Mission J’ai conçu un accompagnement en trois temps. Dans un premier temps, je suis allée à la rencontre de chaque acteur de l’entreprise, direction comprise. Le dialogue à ce moment-là entre équipe de rédaction et direction était inenvisageable. J’ai mis en place des entretiens individuels, couverts par la confidentialité, afin que chacun se sente libre d’exprimer ses plaintes et ses besoins. Une synthèse anonyme de ces entretiens a été rédigée scrupuleusement, de sorte que chacun y retrouve ses mots, et analysée de manière à faire ressortir ce qui est précieux pour les personnes et qui ne vit plus pour elles. Ceci afin que les personnes se sentent entendues et reconnues dans ce qu’elles vivent. La synthèse a été restituée en plénière à l’ensemble des personnes concernées. Aux dires des participants, à l’issue de ce premier temps de recueil, tout a été dit et posé. Ils se sont sentis entendus et reconnus. C’était la première fois où ils étaient tous d’accord sur ce qui n’allait pas et sur ce qui manquait pour que cela aille mieux. Dans un second temps, je les ai fait travailler en sous-groupes sur le thème « Comment faire vivre nos besoins ? » et « Quelles idées, quelles actions concrètes pouvons-nous poser ? ». Une fois qu’ils eurent recouvré le sentiment d’être entendus et compris dans ce qu’ils vivaient, une fois qu’ils eurent énoncé des actions concrètes pour avancer ensemble, il leur devint possible de commencer à écrire une nouvelle histoire à vivre ensemble. Ensemble, car, sous le coup des évènements, ils étaient en quelque sorte partis dans des histoires de différences et il n’y avait plus guère de collaboration entre eux.

C’est là qu’intervient, dans un troisième temps, l’Arbre de vie. J’ai organisé une journée de séminaire autour du thème : « Mobiliser notre énergie collective ». L’idée pour moi était d’utiliser l’exercice de l’Arbre de vie comme médiateur vers cette histoire partagée qui leur faisait défaut, de sorte que la rencontre se fasse enfin entre la nouvelle direction et la Rédaction. J’ai donc invité chacun à réaliser son Arbre de vie professionnelle. Les consignes furent sensiblement les mêmes que pour le cas précédent. C’està-dire : • Racines : « Quelle est votre histoire professionnelle ? » • Sol : « De quoi avez-vous besoin pour avancer professionnellement ? » • Tronc : « Quels sont vos compétences, talents, habiletés ? » • Branches : « Quels projets et espoirs est-ce que je nourris professionnellement ? » • Feuilles : « Quels sont, dans le cadre professionnel, les personnes, personnages, auteurs, modèles qui m’ont influencé positivement ? » • Fruits : « Quels sont les actes que j’ai envie de semer pour que ce travail fait ensemble perdure ? » Ensuite, tous les Arbres ont été rassemblés de façon à former la Forêt de vie du magazine. Comme dans les cas précédents, chacun a été invité à présenter son arbre aux autres, direction comprise. Ce fut un grand moment. On aurait dit qu’ils se découvraient, qu’ils faisaient enfin connaissance, surpris, curieux et enchantés parfois des parcours des uns et des autres. Nous avons également abordé les Tempêtes de vie mais, comme il y avait eu déjà les deux temps dont j’ai parlé pour aborder les problèmes et les solutions, cette partie a été une manière de revisiter et de confirmer ce qui avait déjà été dit. Néanmoins, le fait d’avoir vécu l’expérience de l’Arbre de vie, qui relie les personnes à leurs forces, les avait mis en condition pour avoir encore plus d’idées pour surmonter leurs difficultés. Leurs commentaires à l’issue de la journée Arbre de vie : • « Nous avons découvert des espoirs communs avec la Direction, notamment : rester libres – garder notre identité au sein du groupe – être solidaires – rester curieux et ouverts sur ce qui nourrit notre métier – ne jamais oublier pour qui on écrit…

• Nous sommes tous différents. • Nous avons tous un parcours riche d’expériences. • Nous avons chacun une histoire qui nous a guidés vers ce magazine, cela a du sens pour chacun d’entre nous d’être là. • Nos compétences, talents et valeurs sont variés et complémentaires. • Cela fait de bien de se remémorer les personnes qui ont jalonné notre vie professionnelle. » En clôture de cette journée, un certificat leur a été remis de manière officielle pour rappeler et signifier l’importance de la place singulière et précieuse de chacun au sein de cette forêt. Conclusion L’Arbre de vie a permis à ces personnes de se rencontrer et de commencer une histoire ensemble. Il a contribué à leur faire retrouver de la motivation, de la solidarité et de l’intérêt les uns pour les autres.

QUATRIÈME CAS « Clôturer un cursus de formation et amorcer un plan d’action. » Par Fabiola Ortiz, Coach Consultant Formateur.

Dans cet exemple, l’Arbre de vie a été utilisé à la fin d’un programme de formation pour concrétiser le projet professionnel de chacun des participants et définir un début de plan d’action. Coach en entreprise depuis quatre ans, j’ai été formée à l’outil de l’Arbre de Vie en mars 2017 par Dina Scherrer. Bien que je ne sois pas formée aux Pratiques Narratives, l’outil m’a tout de suite séduite par sa simplicité ainsi que par sa puissance. J’ai commencé à l’appliquer, tout de suite après la formation, dans des coachings individuels avec de très bons résultats.

Préparant une intervention de clôture de formation, je me suis naturellement dit que ce serait l’outil idéal pour résumer le parcours des participants et pour amorcer un plan d’action applicable après la formation. Contexte J’interviens au Maroc, depuis deux ans, au sein d’un programme de formation continue adressé aux managers. Ce programme, Manager Coach, est proposé par l’École de Commerce ISCAE aux managers souhaitant intégrer des techniques de coaching dans leur pratique managériale. Les modules animés par mon cabinet se déroulent sur quatre mois, comprenant quatre séminaires de trois jours de formation et un séminaire résidentiel de clôture. La formation étant très demandée, nous avons eu cette année un groupe de 32 personnes. La richesse et le challenge résidaient dans l’hétérogénéité de ce groupe constitué de profils très divers ainsi que de projets différents selon les participants : améliorer sa pratique managériale, travailler sur le développement personnel, envisager une reconversion dans le coaching… Le challenge du séminaire de clôture était, entre autres, de donner aux participants un espace personnalisé pour réfléchir et clarifier leur projet individuel tout en capitalisant sur l’élan collectif. Objectif avec l’Arbre de vie Après ma formation et mes premières expériences avec l’outil, l’Arbre de Vie m’a semblé l’atelier idéal pour remplir plusieurs objectifs : • valoriser son parcours professionnel ; • clôturer la formation et lui donner une place dans son propre projet global ; • se projeter dans le futur avec les nouvelles compétences acquises lors du programme ; • poser les premiers jalons d’un plan d’action pour donner une continuité et application à la formation ; • capitaliser sur la réflexion collective pour la valorisation des projets.

Mission La mission s’est déroulée en mai 2017 à Marrakech avec 32 participants. Étant en clôture de la formation, le séminaire avait une double vocation : • faire une synthèse et une capitalisation des connaissances ; • permettre aux participants de clôturer avec un plan d’action personnalisé. Le client avait demandé des formats ludiques et interactifs pour réaliser ces objectifs. Ainsi, l’atelier de synthèse de concepts théoriques s’est déroulé sous forme d’une chasse au trésor comportant des questions théoriques. À chaque question répondue, les participants gagnaient une pièce du « trésor ». Avec toutes les pièces, les participants devaient reconstituer le Trésor : une Mind Map mettant en relation une centaine de concepts vus lors des quatre séminaires de formation. L’atelier Arbre de Vie s’est déroulé dans cet esprit ludique et collaboratif. Étant donné la taille du groupe, nous avons travaillé en sous-groupe de six personnes. L’Arbre de Vie était dessiné en individuel (feuille en format A3), focalisé sur l’objectif de capitaliser sur la formation de Manager Coach et regroupant les éléments suivants : • Racines : des mots reflétant tout ce qui a contribué par le passé à forger leur sensibilité de Manager Coach et les ayant menés à s’inscrire dans ce programme de formation. « Qu’est-ce qui vous a construit dans le passé dans votre identité de Manager Coach ? » • Sol : deux ou trois mots exprimant leurs besoins pour mettre en application leurs nouvelles compétences. « De quoi vous avez besoin pour appliquer vos compétences de Manager Coach ? » • Tronc : des mots traduisant les valeurs et les talents leur permettant de mener à bien leur projet professionnel. « Quels sont les valeurs et talents sur lesquels vous vous appuierez pour réaliser votre projet ? » • Branches : des mots traduisant leur projet professionnel ou personnel de mise en application des concepts appris. « Quels sont les projets et actions que vous pensez entreprendre pour capitaliser et mettre en application de cette formation ? ». • Feuilles : le Club de vie consistant en des personnes ou des figures d’inspiration pour mener à bien le plan d’action formulé dans les

branches. « Sur qui allez-vous vous appuyer pour chercher de l’aide, soutien et inspiration vous permettant la réalisation de votre projet ? » • Fruits : des mots traduisant les accomplissements visés. « Quels sont les bienfaits et cadeaux que vous apportera la réalisation du projet ? ». En plénière, et à titre d’exemple, nous avons débriefé sur un des Arbres. L’étape suivante étant un partage en sous-groupe. Le sous-groupe évoluait dans sa propre Forêt d’arbres en partageant les expériences et récits et valorisant les arbres des autres participants. Conclusion L’atelier Arbre de Vie s’est avéré très pertinent pour atteindre les objectifs recherchés. Il a permis aux participants de mener une réflexion de clôture de la formation en se projetant dans leur futur professionnel. L’exercice leur a permis de clarifier leur démarche personnelle et d’augmenter leur motivation à poursuivre un objectif. Lors de cet atelier, j’ai vu un avantage supplémentaire à cet outil. Dans la mesure où l’Arbre de vie est construit à partir de son parcours et de son expérience personnelle, chaque projet gagnait en congruence pour la personne. La posture de non-jugement et de partage collectif a été renforcée par cette congruence individuelle. De ma courte expérience dans son application, je peux dire que c’est un outil puissant. Le caractère visuel et global de la démarche favorise l’association d’idées avec une quantité importante de données. Il permet de donner du sens et de la cohérence à ses projets et aspirations, qui se présentent comme une prolongation logique de ses racines et ses talents.

5 L’ARBRE DE VIE EN MILIEU SCOLAIRE

DEVENUE COACH ET COMME J’AIME L’IDÉE que le coaching ne soit pas exclusivement réservé aux cadres et aux patrons des entreprises, je me suis très vite demandée vers quel autre public je pourrais me tourner. Et, tout naturellement mes pas m’ont guidée vers les écoles. Comme je le disais plus haut, je suis autodidacte. J’ai une histoire douloureuse avec l’école. J’ai été très tôt cataloguée comme une enfant qui avait des problèmes d’apprentissage. Je me suis retrouvée après le primaire dans une section pour enfants en difficulté que l’on appelait à l’époque « classe de transition ». Et j’ai quitté très tôt le système scolaire avec un CAP de sténodactylo. C’est une fois dans le milieu professionnel que je me suis découverte et que je me suis réalisée. J’ai grandi très vite et j’ai finalement eu un très beau parcours professionnel. Puis, à quarante ans, attirée par la dimension humaine que j’avais commencé à découvrir dans mes postes successifs de manager, j’ai repris mes études pour être coach et j’ai aujourd’hui un diplôme d’études supérieures universitaire en « Ressources Humaines et Coaching ». En devenant coach, j’ai répondu à la question que l’on m’avait posée à seize ans et à laquelle j’étais incapable de répondre : « Qu’est-ce que tu veux faire comme métier ? ». Au cours de ma carrière professionnelle, j’ai vu des portes s’entrouvrir devant moi et je les ai poussées. Mais le coaching est le premier métier que j’ai vraiment choisi d’exercer, la bifurcation, la rupture dans ma vie professionnelle que j’ai décidée. Et je suis revenue à

l’école, je me suis formée afin d’exercer le métier que j’avais choisi. J’ai adoré cette formation qui m’amenait vers ce métier désiré. J’ai enfin été cette bonne élève vive et curieuse d’apprendre. J’ai pu prendre conscience de cette dynamique vertueuse qui se met en place pour peu que l’on puisse choisir pleinement sa voie. Aller à la rencontre des jeunes en souffrance dans les écoles, c’est, de ma part, leur dire : « Regardez-moi, c’est possible d’y arriver ». Je pense que tout aurait été différent pour moi à l’époque si quelqu’un m’avait regardé autrement et aidé à reprendre confiance. Heureusement, tout ne se joue pas à l’école, j’en suis la preuve. Cependant, c’est quand même mieux de pouvoir en tirer le meilleur profit au cours des années qu’on y passe. Pour moi, il est très important d’avoir conscience des raisons pour lesquelles on s’est destiné à l’accompagnement, et de savoir pourquoi on a choisi d’exercer auprès de tel public, comme les jeunes notamment en ce qui me concerne. Quand on parvient à répondre à cette question, on se relie à notre légitimité, à ce qui nourrit notre force. D’avoir survécu à l’école fait de moi une personne qui sait qu’il est possible de passer de l’échec à la réussite, de l’humiliation à l’épanouissement. Face aux jeunes, tout dans mon histoire et ma posture porte cet espoir pour eux. Tel est l’espace que je propose aux jeunes quand je vais à leur rencontre. Un espace pour être regardés de telle sorte qu’ils se sentent exister, compris, respectés. Un espace où ils peuvent discerner, reconnaître et honorer leurs savoirs et leurs ressources. L’Arbre de vie est une méthode très efficace dans ce contexte-là, avec des jeunes, car il facilite l’expression et permet à lui seul d’aborder tous les sujets que j’ai à travailler avec eux : orientation, confiance, honorer les différences, se sortir de l’isolement… J’ai été la première coach à entrer dans les collèges et les lycées publics. C’était en 2008. Cela n’a pas été facile, au début, de proposer mes services et d’être acceptée au sein des établissements scolaires. Il m’a fallu faire mes preuves. J’ai dû consacrer du temps à expliquer à tout l’encadrement éducatif qui je suis et ce que je peux apporter en plus de ce qu’ils font déjà très bien. Depuis lors, j’accompagne chaque année deux classes sur toute l’année scolaire. Cela fait environ 10 séances par classe. C’est une Fondation qui

depuis plusieurs années sollicite mes services. Elle a à cœur que les jeunes en grande difficulté, qui souvent sont amenés à quitter le système scolaire assez tôt, soient acteurs de leur avenir et puissent décider au mieux de leurs projets d’orientation. Et, à partir du moment où on a réussi à faire émerger des projets, de vrais projets que les jeunes ont à cœur, tout peut être travaillé : la confiance, le conflit entre eux ou avec les enseignants, les freins à l’apprentissage etc. Tout ce qui pourrait leur barrer la route. N’accompagner que des jeunes dans les établissements scolaires, c’est comme leur dire : « Le problème, c’est vous ! C’est à vous de bouger, de changer ». C’est pourquoi, avec la Fondation, nous avons décidé d’accompagner également tous les acteurs du système. Nous avons proposé aux établissements dans lesquels nous intervenons des ateliers à destination des professeurs et de tout l’encadrement éducatif. Nous partageons avec eux les techniques et les concepts d’accompagnement que nous avons utilisés avec les jeunes, de sorte qu’ils pourront les utiliser eux-mêmes s’ils le souhaitent. Je me propose de partager avec vous deux cas.

PREMIER CAS « L’Arbre de vie avec une classe de jeunes en difficulté, pour travailler l’estime de soi et les projets. »

Contexte Une classe de 4e dans un collège de Seine Saint-Denis. Une classe spécialement adaptée à des jeunes que l’on a détectés en difficulté pendant les deux premières années de collège. Un professeur principal volontaire et très impliqué porte le projet. Un programme est conçu spécifiquement pour ces élèves, afin qu’ils reprennent des forces, qu’ils retrouvent confiance, qu’ils rattrapent leurs lacunes. Ils sont moins nombreux dans la classe, ils bénéficient d’un soutien personnalisé, ils vont à la découverte de

l’entreprise avec un stage d’observation d’une semaine. Ils ont des professeurs très à l’écoute et une dizaine de séances de coaching avec moi. À la fin de l’année, deux choix s’offrent à eux : passer en 3e générale pour ceux qui le souhaitent et qui se sont remobilisés ou passer en 3e prépa pro qui prépare à une filière professionnelle. Les jeunes vivent toujours très mal de devoir se retrouver dans cette classe, car c’est un marqueur d’inaptitude. Objectif Créer un espace où les jeunes pourront reprendre espoir et confiance en l’avenir et mettre à jour un projet. Cela, il faut le préciser, dans un contexte qui ne facilite pas les choses : conflits entre filles et garçons, entre ethnies, et j’en passe. Mission Globalement, avec ces jeunes, mon accompagnement se développe en trois temps : • un premier temps où je vais consacrer deux ou trois séances à « créer l’alliance » : c’est-à-dire à faire en sorte qu’ils comprennent bien ce que je viens faire avec eux, de sorte qu’ils se réapproprient la démarche que l’on a voulu pour eux, et afin qu’ils expriment des demandes – leurs demandes ; • un second temps pour travailler concrètement les demandes exprimées : confiance, freins, projets etc. • un temps de clôture, après chaque séance et à la fin de la mission, pour célébrer et ancrer les avancées et les apprentissages. Concernant la classe dont je vais parler, ma mission était principalement axée sur l’estime de soi. À chaque séance, ces jeunes étaient plutôt contents de me voir, mais comme ils manquaient de confiance en eux, ils avaient du mal encore à prendre la parole devant la classe. Il y avait aussi des clans, et très peu de solidarité entre eux au sein de la classe, notamment entre filles et garçons. J’avais donc choisi de placer assez tôt l’Arbre de vie dans le

parcours afin de leur permettre de gagner en confiance, de se connaître mieux les uns les autres et de s’apprécier davantage. J’ajoute que plusieurs professeurs assistaient aux séances. Je n’ai pas choisi au hasard d’évoquer le cas dont je vais parler. Je l’ai choisi parce qu’il montre comment je me suis retrouvée moi-même en difficulté en utilisant l’Arbre de vie, et comment mettre en lumière la solution quand elle vient du jeune. Le moment venu, j’ai distribué à cette classe de grandes feuilles de papier et j’ai demandé que chacun dessine un arbre, puis mette des mots sur les diverses parties de l’arbre. Sur les racines, les mots devraient être la réponse aux questions : « D’où je viens ? », « Qu’est-ce qui me caractérise, qui fait ce que je suis ? » – mes origines, mon éducation, mes particularités, mes passions. Sur le tronc, les mots répondraient à : « Qu’est-ce qui fait que, quoi qu’il arrive, mon arbre reste droit ? – mes qualités, mes valeurs, mes ressources, ce que j’aime faire, ce que l’on me reconnaît de bien. Quelles sont également les actions que j’aime bien mener ? ». Sur les branches, il s’agissait d’exprimer : « Quels sont les projets, les rêves et les espoirs que j’ai pour ma vie ? ». Enfin, les feuilles correspondraient à : « Quels sont les gens qui me rendent heureux, qui croient en moi, que je suis content de connaître ? ». Ils travaillaient donc tous ensemble dans la même salle, mais chacun réalisait son propre Arbre de vie. Quand ils eurent terminé, nous avons affiché toutes leurs feuilles aux murs de la classe. C’était donc « la Forêt de vie » de la classe. Jusque-là tout allait à peu près bien, même si se trouver des qualités leur avait été un peu difficile, au point que j’avais dû solliciter leurs professeurs pour qu’ils leur soufflent quelques qualités qu’ils reconnaissaient en eux. J’ai ensuite invité chacun d’eux à présenter son Arbre aux autres, afin de se découvrir davantage et de faire rayonner au niveau collectif ce qui est important pour eux. Et, là, le processus s’est enrayé : aucun des jeunes ne voulait présenter son arbre « publiquement ». Il me restait une bonne heure de séance et c’était la panne ! J’ai un peu insisté, précisant qu’ils n’étaient pas obligés de tout présenter, qu’ils pouvaient se limiter à ce qu’ils souhaitaient, que le seul objectif était de mieux se connaître, d’honorer les différences, d’apprécier les talents, les projets et les qualités de chacun… Rien n’y fit. Au contraire, il y avait un grand silence qui menaçait de s’éterniser. Les

professeurs commençaient à s’agacer du comportement des jeunes, et je craignais qu’ils ne finissent par induire l’inverse de l’effet que je recherchais. Je me demandais comment surmonter cela, quand, subitement, est parvenue à moi une petite voix, à peine un souffle ! Ce fut comme une bouée au milieu de la mer ! « Ben, moi, j’veux bien présenter mon arbre si vous voulez ». C’était Teddy, l’un des jeunes les plus en difficulté de la classe. Timidement, Teddy a présenté son arbre. Cela a aussitôt transformé l’atmosphère. La pression est retombée et la dynamique de la classe a redémarré. Les autres jeunes ont trouvé l’envie de présenter eux aussi leur arbre. Au final, grâce à Teddy, ce fut une belle séance. J’ai voulu honorer ce « Ben, moi, j’veux bien ». Avant de donner la parole aux autres, j’ai dit publiquement à Teddy : « Tu sais, quand tout à l’heure personne ne voulais présenter son arbre, j’étais un peu perdue, je ne savais plus trop quoi faire. Mais quand tu as dit : ‘Ben, moi, j’veux bien’, je me suis sentie soutenue. Je voudrais te remercier pour cela. Comme je suis curieuse, j’aimerais bien que tu me dises pourquoi tu as dit : ‘Ben, moi, j’veux bien’? Qu’est-ce qui, chez toi, a permis cela ? ». Teddy a répondu : « Mais, M’dame, vous faisiez pitié ! » Alors j’ai demandé à Teddy : « Qu’est-ce que cela dit de toi que tu aies eu pitié de moi ? » Teddy m’a répondu « Ben, j’sais pas, vous venez pour nous aider, ça s’fait pas, c’est tout ». Alors je me suis tournée vers les autres jeunes et je leur ai demandé : « Qu’est-ce que ça nous dit de Teddy son : ‘Ben, moi, j’veux bien’ » ? Ils ont tous répondu : « Il est courageux », « Il a du cœur », « C’est un mec bien », « Il montre le bon exemple »… Les professeurs ont dit qu’ils étaient à la fois étonnés et fiers de lui. J’ai demandé à Teddy ce que cela lui faisait d’entendre cela sur lui, ce qu’il avait entendu d’important pour lui. Il a principalement retenu qu’il avait du cœur et cela lui faisait plaisir de l’entendre. Je lui ai demandé : « À ton avis, de qui tiens-tu cela, d’avoir du cœur ? » Il m’a répondu qu’il tenait cela de son éducatrice qui était très gentille avec lui et qui lui avait toujours dit qu’il fallait toujours venir en aide à ceux qui en avaient besoin. Il nous a raconté d’autres histoires où il avait eu du cœur. Notamment, une fois, il avait sauvé une personne qui allait se faire écraser en la poussant sur le côté.

Cette séance a contribué à redonner confiance à Teddy et à changer le regard des autres sur lui. Ce « Ben, moi, j’veux bien », c’est ce que l’on appelle en Pratiques Narratives « une fine trace ». Une fine trace, ce n’est pas quelque chose qui est là en quantité infinitésimale, c’est le signe discret de quelque chose de bien caché mais qui ne demande qu’à être reconnu et à se fortifier. Derrière le « Ben, moi, j’veux bien » de Teddy, il y avait une très belle histoire de compétences et de valeurs qui révélait une facette de son identité. Une facette qui vient contredire tout ce que l’on peut entendre en général sur ce jeune, du genre « Il ne fait rien, il ne s’intéresse à rien, il ne participe jamais », etc. Il est important d’être attentif à ces fines traces, de les relever et de les étoffer. Un des moyens que j’ai trouvé pour ne pas passer à côté d’elles, c’est d’être attentive à mes émotions. Quand Teddy a dit : « Ben, moi, j’veux bien », j’ai été bouleversée car je sentais qu’il voulait davantage m’aider que présenter son arbre. D’où l’importance d’entendre ce que le jeune dit et ce qu’il ne dit pas, qui permet de percevoir ce moment souvent infiniment fugace où une âme a décidé de se livrer, et alors il s’agit d’avoir la réactivité de donner à voir ce qu’elle révèle de précieux. L’Arbre de vie a permis à Teddy et à cette classe de se connaître et de s’apprécier davantage. Les jeunes ont écouté respectueusement chaque présentation d’arbre. Après chaque passage je demandais à ceux qui écoutaient : « Quelle image cela vous donne-t-il de lui ? ». Ils collaient des Post-It de soutien du style : « Tiens bon », « Trop beau ton arbre », « T’es le meilleur »… Quand on travaille les projets, après que le jeune a présenté son arbre, je demande aussi à ceux qui ont écouté : « Qu’est-ce que cela nous dit de lui ? Dans quel métier vous le verriez bien ? ». Souvent le jeune n’a pas d’idée pour lui et en a pour les autres… Toujours utiliser le groupe comme une ressource. À chaque séance, nous affichions les arbres et nous revenions vers eux pour les consulter ou les compléter. Par exemple quand je les faisais se préparer en vue de trouver un stage, ils se référaient au tronc de leur arbre pour se souvenir de leurs qualités à mettre en avant.

Ou bien, quand ils avaient besoin de soutien, on regardait qui dans les feuilles pouvait les aider. Une des jeunes filles de cette classe m’avait gentiment dit : « Quand on est en panique pendant les contrôles et qu’on a besoin de soutien, ça marche pas car on n’a pas l’Arbre de vie à côté de nous pour se souvenir de nos feuilles ». À travers ce qu’elle me disait, je comprenais qu’ils avaient besoin à chaque instant de pouvoir se reconnecter à leurs personnes ressources. J’ai alors imaginé un exercice que l’on a appelé « Perles de vie », qui venait compléter les feuilles des Arbres, afin que les jeunes que j’accompagne puissent se souvenir plus facilement et au quotidien du lien qui les unit avec leurs personnes ressources ou leurs histoires préférées. Je leur ai demandé de lister individuellement toutes les personnes importantes, celles qui ont une influence positive dans leur vie, dans toutes les communautés de leur vie : à la maison, à l’école, etc. Pour les aider, je leur ai dit : « vous savez : ces personnes qui, lorsqu’elles vous regardent, font que vous vous sentez plus forts ». Chacun a ainsi reconstitué son club de soutien. Ensuite, j’avais prévu un grand saladier rempli de perles de toutes les couleurs et de toutes les formes. Je leur ai demandé de venir choisir une perle pour chacun des membres de leurs clubs de soutien respectifs, de prendre bien le temps de penser à la personne en choisissant la perle afin que celle-ci lui soit à jamais associée. Ils se sont ainsi tous retrouvés avec une poignée de perles. J’ai alors donné à chacun du fil pour relier ses perles. J’avais prévu tout le matériel nécessaire afin qu’ils aient le choix de faire un collier, un bracelet, un porte-clés, etc. À la fin, j’ai invité chacun des jeunes à présenter au reste de la classe une de ses perles. J’ai demandé : « Est-ce que tu peux nous présenter une de tes perles, celle de ton choix ? Nous dire ce que tu veux sur elle ? » Et ensuite : « À ton avis, en quoi garder cette perle près de toi, pourrait t’aider ? À quel moment pourrais-tu en avoir besoin ? Que pourrait-elle te donner comme espoir ? » Ils avaient magnifiquement compris l’exercice et nous avons eu de très jolies histoires de perles : « Cette perle, c’est ma petite nièce. C’est la seule qui arrive à me redonner le sourire. Je pense que cela pourra m’aider de regarder cette perle quand je serais triste ». « Cette perle, c’est ma professeur de français en 6e. Elle m’aimait bien et moi aussi je l’aimais

bien. Avec elle je n’avais pas de problème, j’y arrivais. Je pense que cela pourra m’aider au moment des contrôles, quand je panique, de penser à elle. »… Le professeur principal qui assistait à la séance et moi-même avons été très touchés de voir que certaines perles parlaient de nous. Et nous étions ravis à l’idée que l’aide que nous leur apportions allait, grâce aux perles, se poursuivre au-delà de notre mission. À la fin de notre mission, nous avons célébré leurs avancées, comme nous le faisons toujours, en organisant une séance avec des invités qu’ils avaient choisis. Pour cette célébration, ils avaient affiché leurs Arbres de vie et toutes les autres productions de nos rencontres. Nous leur avons aussi remis un certificat personnalisé qui leur rappellerait leurs forces et leurs personnes ressources. Conclusion L’Arbre de vie a été l’exercice fondateur de notre mission. Il en a été le fil conducteur. À travers lui, nous avons pu aborder des sujets fondamentaux : la confiance, les qualités personnelles, la cohésion de classe, les projets, le club de soutien.

DEUXIÈME CAS « L’Arbre de vie avec des jeunes déscolarisés en vue d’une réinsertion en formation. » Par Federico Durante, Psychologue conseiller en orientation et coach, Lausanne, Suisse.

Ayant été formé aux pratiques narratives au sein de la Fabrique Narrative à Paris, j’ai utilisé la méthode de l’Arbre de vie dans mon activité de psychologue conseiller en orientation et coach avec une population de jeunes (15-25 ans) déscolarisés ou en risques de déscolarisation. Nous visions la réinsertion en formation.

Employant l’Arbre de vie dans le cadre d’entretiens individuels, je vais me concentrer ici à raconter comment mes collègues et moi avons proposé cette métaphore narrative à des groupes. Nous animions, durant les vacances scolaires estivales, des ateliers d’aide à l’élaboration de projet et à la remobilisation pour des élèves quittant la scolarité obligatoire (terminant à quinze ans en Suisse) sans débouchés de formation. Lors de ces journées, nous abordions des aspects de connaissance de soi (intérêts professionnels, qualités, personnalité, compétences), de découverte des métiers et des formations, ainsi qu’une introduction aux techniques de recherche d’emploi. L’inscription était volontaire, mais souvent fortement suscitée par les parents. Les étés précédents, les participants avaient plutôt profité des joies des sorties à la piscine ou d’autres activités sociales de plein-air. Lors de leur inscription à notre atelier, ils se trouvaient souvent un peu déprimés, enfermés durant une semaine, malgré les activités les plus attrayantes possibles que nous essayions de leur proposer. Leur sortie du système scolaire sans perspective de formation était également très souvent vécue comme un échec. La plupart des jeunes visaient une entrée en apprentissage en entreprise ou en études secondaires qui n’avait pas abouti. Leurs premiers pas dans le monde de la formation commençaient donc par un échec. Voilà plusieurs raisons qui les amenaient à se trouver démobilisés, découragés et démotivés en participant à nos ateliers. Nous ressentions de la résistance passive, parfois un peu de provocations, lors de nos animations. Mes collègues et moi avons alors décidé de colorer l’animation de nos ateliers des Pratiques Narratives. Nous avons utilisé l’Arbre de vie comme fil rouge, afin de synthétiser les différentes activités que nous proposions, de la manière suivante. Les jeunes dessinent leur arbre le premier jour et nous affichons « la forêt » sur un mur de la salle, après chaque journée. Les racines émergent lors de la présentation de soi en début d’atelier : « d’où je viens, quelles sont mes origines, quels sont les métiers exercés dans ma famille… ». Le sol est lié aux : « valeurs importantes pour les jeunes ». Le tronc accueille les résultats des activités identifiant : « les ressources, les compétences et les qualités ». Les branches poussent lors de l’élaboration : « d’objectifs et de projets personnels et professionnels, ainsi que de formation ». Celles-ci recueillent également : « les rêves et les espoirs ». Finalement, les feuilles

sont constituées « des personnes importantes » pour les participants. Les jeunes demandent à leurs personnes importantes de leur dire leurs qualités, compétences et ressources. Chaque participant garde l’arbre à ses côtés durant l’atelier et est libre de le compléter suivant ce qui ressort des différentes activités. En fin de journée, les arbres sont affichés et chacun peut coller des Post-It sur les arbres des autres, commentant de manière bienveillante ses appréciations et ses réactions. L’utilisation de l’Arbre de vie, dans le cadre de nos ateliers d’été ainsi que d’autres activités inspirées des Pratiques Narratives, a redynamisé le climat de notre travail. Les jeunes disposaient d’un fil rouge permettant d’expliciter de manière simple la cohérence de nos animations. Ils ont ainsi raconté sur un même document leur histoire alternative préférée, en lien avec leur projet professionnel. En commentant les arbres des autres participants, ils ont également renforcé leur sentiment d’appartenance à un groupe, celui de l’atelier, et peut-être à celui de jeunes temporairement sans formation. En tant qu’animateurs de l’atelier, la perspective narrative que nous avons choisie nous a soutenus. Même si, lorsque nous présentions le concept aux participants et qu’ils devaient représenter leur arbre, ils se plaignaient de ne pas savoir dessiner et qu’ils ne voyaient pas le sens de l’activité, au fur et à mesure des journées, leurs compétences et leurs projets se sont révélés, de manière positive et sincère. Ils ne répondaient pas aux activités selon un principe de désirabilité sociale du monde adulte, comme nous avions parfois pu l’observer. Ils pouvaient s’exprimer comme ils étaient, même si cela sortait parfois du cadre. Je pense donc que l’Arbre de vie les a aidés dans la construction d’un projet professionnel et dans une augmentation de leur sentiment d’espoir par rapport à l’avenir. Dans ma pratique, je vois se dresser des Arbres de vie, qui permettent à mes consultants d’enraciner leurs origines, de consolider le tronc de leurs ressources et de déployer les branches de leurs espoirs et projets, qui se verront ornées des feuilles de leurs soutiens personnels. Grâce à cette métaphore narrative (et à d’autres), mon accompagnement se trouve fortifié, fluidifié et poétisé.

6 L’ARBRE DE VIE EN MILIEU HOSPITALIER ET MÉDICAL

PREMIER CAS « L’Arbre de vie avec un groupe de jeunes patients hospitalisés, souffrant d’un diabète de type 1. » Par le Dr Dominique Seret-Bégué, Endocrinologue, Diabétologue au CH Général de Gonesse

Contexte Lorsqu’au cours d’une formation avec Dina, j’ai expérimenté l’Arbre de vie, j’ai eu l’intuition qu’il trouverait sa place dans mon activité médicale avec des personnes ayant un diabète de type 1 (DT1). Je suis diabétologue dans un hôpital général, à Gonesse, dans le val d’Oise, et de nombreux jeunes ayant cette pathologie sont suivis dans le service. La particularité de ce diabète est qu’il s’agit d’une maladie chronique potentiellement grave si on ne la soigne pas, ce qui nécessite au quotidien l’implication du patient : mesurer sa glycémie, l’interpréter, faire trois à quatre injections d’insuline par jour, en sachant que ces doses peuvent varier en fonction de ce que l’on mange, de comment on bouge dans la journée, du stress… Cela demande donc d’acquérir un certain nombre de

compétences d’auto-soin, pour savoir résoudre au quotidien les problèmes posés par la maladie et son traitement. Au-delà des problèmes purement « biomédicaux », il y a le bouleversement psychique que fait vivre l’irruption de la maladie dans la vie, l’injustice que cela représente pour un jeune au seuil de l’âge adulte, de ressentir sa vulnérabilité jusqu’à éprouver le sentiment de finitude… Les soignants doivent donc à la fois favoriser les apprentissages liés au traitement et comprendre ce que la maladie fait vivre à nos patients et ce, dans toutes les dimensions de la vie personnelle, affective, familiale, professionnelle, avec les changements qu’elle leur impose et qui deviennent le prix de leur santé. Pourtant, la lassitude de ces gestes de soins quotidiens vient aggraver la situation, et les patients, au risque de leur santé, relâchent leur attention et le soin qui peut être fait a minima. Une spirale de prise de risque s’amorce. C’est au cours d’une semaine d’hospitalisation, pendant laquelle on fait le point sur l’état de santé et le traitement, que l’on propose des activités qui favorisent les compétences d’auto-soin, où l’on crée, grâce à la posture empathique de l’ensemble des soignants et à la présence d’une psychologue, les conditions d’une relation de confiance qui permet au patient de trouver l’espace où il peut exprimer et partager avec d’autres son expérience et son vécu de la maladie. L’Arbre de vie permet d’emmener encore plus loin. Le patient va aller regarder cette fois du côté de ce qui va bien. Du côté de la vie plutôt que de la survie, de la force plutôt que de la fragilité, de la réussite plutôt que de l’échec. Il va chercher ce qui motive, fait levier pour ne pas abandonner. Honorer les forces, les compétences, les valeurs, parler des projets, des gens aimés… Le déroulement d’une séance « Arbre de vie » au cours d’une semaine d’hospitalisation • Participants : jeunes ayant un diabète de type 1, groupe de six en moyenne, dont certains dans un contexte social difficile • Durée de la séance : une heure et demie à deux heures.

• Lieu : une salle avec des tables modulables, des feuilles, des feutres, des Post-It, un mur libre pour l’affichage. • Règles de base : confidentialité et respect. • C’est le jeudi après-midi, le groupe se connaît depuis le lundi, les consignes sont explicitées. • L’objectif de la séance : • parler de sa vie en utilisant la métaphore de l’arbre ; • faire émerger les compétences et les ressources des jeunes ; • faire des liens, donner du sens au parcours de vie de chacun ; • permettre aux jeunes de se projeter dans l’avenir. Chacun va dessiner son Arbre. Pour ceux qui sont en difficulté avec l’écrit, les professionnels apportent une aide : • Les racines : « Quelle est votre histoire ? Quelles sont vos origines ? Les personnes qui ont pris soin de vous ? Qu’est-ce qui fait que vous êtes devenu ce que vous êtes ? » • Le sol : « De quoi avez-vous besoin pour que votre arbre pousse ? » • Le tronc : « Quelles sont vos qualités, compétences, les choses où vous êtes bon, vos talents, vos aptitudes, forces, habiletés professionnelles, valeurs ? » • Les branches : « Quels sont vos rêves, vos projets, vos espoirs ? » • Les feuilles : « Quelles sont les personnes qui comptent, les personnes importantes, les ressources, les gens qui rendent heureux, qui vous soutiennent, sur qui vous pouvez compter ? ». Une fois réalisés, les arbres sont tous accrochés au mur, chacun peut contempler l’ensemble. Ensuite, chaque personne qui le souhaite va présenter une partie de son arbre et c’est là qu’intervient le « questionnement narratif » qui va être le moyen d’ancrer dans l’expérience et l’histoire de vie ces mots qui pourraient rester abstraits, de leur donner du sens. Chacun à son tour va présenter d’abord une qualité dont il accepte de parler. Questions narratives : « Depuis quand ? De qui vous tenez ça ? Qui sait cela ? Qui pourrait témoigner de cela ? Racontez une histoire, une anecdote qui l’illustre ».

Puis ; le jeune fait le choix d’une personne parmi les feuilles. Questionnement : « Avez-vous des bons souvenirs avec cette personne ? Qu’y a-t-il de spécial entre vous ? Qu’est-ce que le fait de la connaître vous a permis ? Et inversement : qu’est-ce que ça lui a permis de vous connaître ? Parler de ce lien de cette manière renforce ce projet. Que dirait cette personne de ta capacité, pour ce projet ? ». Quand tous les volontaires se sont exprimés, chacun vient poser sur les arbres un Post-It sur lequel il exprime ce qui qualifie d’après lui le mieux la personne et son arbre : « Voilà ce qui m’a touché ». Les jeunes qui ont participé à cet atelier ont toujours été volontaires. Chaque fois, ils ont respecté les prises de parole de chacun, et cela s’est toujours déroulé dans le calme, l’écoute et l’attention à l’autre avec un climat très empathique et respectueux. Ils ont été très surpris, tous, de devoir se trouver des qualités, des forces, des compétences. Ils étaient très émouvants dans les histoires qu’ils rapportaient. Ce que je retire de cette expérience : • Ils sont tous ressortis de la salle avec un large sourire même si parfois il y eut beaucoup d’émotion au cours des deux heures. • Je n’ai pas fait une évaluation de l’impact de ces séances sur leur santé, mais, ce qui est sûr, c’est qu’ils se sont pour la plupart sentis renforcés à l’issue du séjour. Une hospitalisation dont on ressort plus fort ! Plus motivé à se soigner ! • Pour nous, les soignants, cette activité a été très importante. Elle nous a mis en mouvement en nous faisant porter notre attention non plus uniquement sur la maladie, sur les difficultés que rencontrent nos patients et les souffrances qu’elle leur fait vivre. L’Arbre de vie nous a fait déplacer notre regard et faire un pas de plus dans leur monde, mais cette fois du côté de « la force », de ce qui va bien pour eux. En reprenant leurs mots : là où ils sont « débrouillards », « ambitieux », « battants », « courageux », « serviables », « volontaires », « responsables », « déterminés », « altruistes », « nerveux mais avec un bon cœur », « créatifs »… Cela leur permet d’aller chercher l’énergie dont ils ont besoin plus que tout autre pour prendre soin d’eux au quotidien.

• Leur image des soignants a aussi changé, au point qu’un groupe nous a dédié un Arbre de vie dessiné pour nous.

DEUXIÈME CAS « L’Arbre de vie dans le cadre d’un atelier de groupe destiné à développer des ressources pour apprivoiser son stress. » Par Véronique Vittet, conseillère en Développement et coach. Élaboration et animation : Véronique Vittet ainsi qu’une partenaire.

Contexte Cet atelier a été développé à l’intention de professionnels du secteur de la Santé (directeurs, managers et médecins), afin de les aider à développer ou à s’approprier des ressources dans les situations réelles de leur environnement de travail et de vie. Les trois journées espacées d’environ un mois, permettent aux participants d’ouvrir des perspectives pour agir dans leur vie, retrouver des marges de manœuvres, accéder à davantage de confort dans l’exercice de leurs fonctions dans un contexte extrêmement contraint. L’atelier est conçu comme un processus progressif de coaching individuel en groupe, tout en favorisant de nombreux échanges. Il est ponctué d’exercices corporels et de réflexion sur ses propres situations. Au fur et à mesure du déroulement, les professionnels identifient de nombreuses ressources et les collectent dans un carnet personnel. L’Arbre de vie introduit à la fin de la dernière journée est l’aboutissement de tout ce qui a précédé en permettant de rassembler toutes ces ressources. Ces dernières sont de différentes natures : des personnes, des qualités ou des compétences, des pratiques, des actions, des valeurs, des motivations, des engagements, un état d’esprit. Tout cela peut être consigné dans l’arbre. La métaphore de l’arbre est d’autant plus appropriée qu’il s’agit de développer sa propre écologie. Elle permet d’y dessiner à la fois ce qui est

déjà ancré et ce qui est destiné à grandir. Chacun peut facilement s’identifier avec l’arbre. Il est relié à la fois à la terre et au ciel et la circulation de la sève, symbole de vie, est aussi ce qui relie le haut et le bas. Il est aussi le miroir de certaines pratiques corporelles qui ont accompagné les personnes pendant les trois journées. Déroulement d’une séance Arbre de vie Le fil conducteur de l’atelier est également construit autour d’une intention que chacun se fixe pour lui-même le premier jour afin de se donner une direction. Cette intention est placée au centre de l’arbre. Chaque participant dispose d’une feuille de papier posée sur une table individuelle et est invité à dessiner, à noter des mots ou à ajouter plus tard des images et des photos. La réalisation de l’arbre est guidée pour l’ensemble du groupe sur un rythme respectant le travail de chacun. Cela prend environ trente minutes. La voix est plutôt hypnotique afin de permettre aux personnes de relâcher le mental et de rentrer dans leur univers intérieur. Les participants sont invités à dessiner selon la proposition suivante : • Racines : ce qui relie à la terre et qui donne de la force et permet à l’arbre d’être debout : les pratiques déjà bien ancrées, les valeurs ; les motivations qui les soutiennent pour pratiquer ou qui les guident pour réaliser leur intention. Les ancêtres qui les portent. • Sol : ce qui nourrit l’arbre, ce dont l’arbre a besoin pour grandir, ce avec quoi il est arrosé pour lui donner toutes ses qualités ; les autres ressources et les activités intégrées dans leur quotidien actuel. • Tronc : là où circule la sève, entre ciel et terre, ce qui caractéristique l’arbre (couleur, aspect de l’écorce, ancienneté de l’arbre…) ; les capacités et qualités qui les accompagnent dans l’utilisation de leurs ressources pour apprivoiser leur stress et installer plus de sérénité dans leur vie ; celles qui vont faciliter la mise en place de plus de tranquillité et qui vont les aider à aller dans le bon sens. • Branches : ce qui participe à la forme de l’arbre, là où s’attachent les feuilles, ce qui permet à l’arbre de communiquer avec le ciel, avec les autres arbres : tous les engagements, les actions, ce qu’ils ont

l’intention de mettre en place ou de développer pour cette écologie d’eux-mêmes. • Feuilles : elles sont vivantes, en ce sens que de nouvelles peuvent pousser, d’autres peuvent tomber, ou encore s’envoler vers d’autres arbres : toutes les personnes qui les soutiennent ou les encouragent dans leur intention, leurs pratiques de ressourcement ; les enseignants, amis, animaux, auteurs, personnes symboliques ou inspirantes, héros. Les professionnels sont invités au-delà de l’atelier à afficher leur arbre quelque part afin de continuer à le nourrir et à le faire grandir. C’est un temps important, apprécié clôturé par la réalisation d’un blason avec une devise.

7 L’ARBRE DE VIE DANS LE MILIEU DE L’INSERTION

UN CAS « L’Arbre de vie avec une jeune fille de vingt ans pour définir et valider son projet professionnel. » Par Martine Fradet, conseillère à la mission locale Insertion Formation Emploi du Grand Amiénois (MLIFE GA) à Amiens (80).

Je suis depuis 34 ans dans l’insertion et depuis 6 ans conseillère à la MLIFE. Ma mission consiste à permettre aux jeunes, de 16 à 25 ans que j’accompagne d’accéder à l’emploi. Cet accès à l’emploi peut passer par différentes phases, en fonction du jeune accompagné et de son itinéraire. En effet, certains peuvent être diplômés, voire posséder une petite expérience professionnelle et être proches de l’emploi, d’autres, plus nombreux, n’ont pas de qualification, ou ne veulent pas exercer le métier que leur qualification leur permettrait d’exercer. Enfin, d’autres encore n’ont pas de projet professionnel clairement défini et toute la difficulté avec eux est de leur permettre de faire émerger un projet qui leur ressemble et dans lequel ils puissent s’épanouir. Je suis amenée à intervenir avec eux plus largement sur d’autres dimensions comme le manque de confiance ou d’estime de soi, le sentiment de honte ou d’isolement. Certains vivent des situations difficiles dans leurs

familles. Se projeter dans l’avenir dans ces conditions peut s’avérer difficile pour eux. Nous sommes formés à l’insertion mais pas forcément à accompagner ces autres dimensions qu’il est essentiel de prendre en compte pour que les jeunes reprennent confiance et se donnent toutes les chances de réussir dans l’élaboration de leur projet et/ou leur recherche d’emploi. Quand j’ai découvert l’Arbre de vie lors d’une formation avec Dina Scherrer, je me suis dit que j’avais peut-être trouvé l’outil qui allait me permettre d’aider ces jeunes plus efficacement. Contexte J’ai choisi de vous parler du cas de Delphine, 20 ans, que j’accompagne depuis 6 mois à la MLIFE. C’est une jeune fille charmante, sérieuse et volontaire, même si elle dit manquer de confiance en elle. Elle vit chez ses parents. Elle souhaite depuis toujours travailler en lien avec les animaux qu’elle affectionne particulièrement. Elle n’envisage pas d’autres projets pour elle. Elle a déjà fait deux stages chez un toiletteur et dans une animalerie qui se sont bien passés en terme d’intégration mais n’ont pas été satisfaisants par rapport à ses attentes. Le choix des métiers diminue au fur et à mesure que j’avance avec Delphine car elle aime les animaux mais n’aime pas que l’on en fasse le commerce (donc, impossible de travailler en animalerie). Elle ne veut ni les voir malades, ni souffrir, et encore moins les voir mourir (elle aurait pourtant certainement pu être une excellente assistante vétérinaire). Elle est devenue végétarienne dès qu’elle a pris conscience de tout ça… Je tournais un peu en rond avec Delphine et me sentais parfois démunie pour l’aider. J’ai donc décidé d’utiliser l’Arbre de vie pour débloquer la situation et pouvoir travailler simultanément sur plusieurs thèmes avec elle. Objectif Déterminer son projet professionnel en lien avec les animaux. Gagner en confiance. Sortir de l’isolement. Mieux se connaître pour ouvrir

éventuellement d’autres possibilités de projets professionnels. Mission J’ai commencé par proposer un bilan à Delphine où j’ai récapitulé nos six mois de travail ensemble en mettant en lumière ses avancées. Car, même si Delphine n’avait pas encore trouvé d’emploi dans son domaine, elle avait été extrêmement assidue à nos séances. Elle avait exploré pas mal de pistes qu’elle avait finalement repoussées après ses stages. Je lui ai proposé, à ce stade, l’exercice de l’Arbre de vie en étant totalement transparente avec elle. Lui disant que nous tournions un peu en rond et qu’il fallait trouver de nouvelles idées pour avancer. Je lui ai expliqué qu’à travers l’Arbre de vie, elle allait me parler d’elle, de son histoire avec les animaux, de ses forces, de ses projets et des personnes importantes et soutenantes dans sa vie. En six mois nous avons su créer une belle alliance entre nous, donc c’est en toute confiance que Delphine a réalisé son Arbre de vie. Une fois son arbre dessiné, j’ai invité Delphine à mettre des mots en réponse à : • Racines : « Quelle est ton histoire avec les animaux ? Comment l’amour des animaux est-il entré dans ta vie ? Qu’est-ce qui te caractérise depuis toujours ? » • Sol : « De quoi as-tu besoin pour avancer dans ton projet ? » • Tronc : « Quelles sont les qualités, compétences, valeurs qui te caractérisent ? Quelles sont les qualités, compétences, valeurs nécessaires pour exercer un métier en lien avec les animaux ? » • Branches : « C’est quoi une vie professionnelle réussie pour toi ? Quand tu te vois exercer un métier en lien avec les animaux, qu’est-ce que cela ouvre comme possibilités pour toi ? Qu’est-ce que tu te vois concrètement faire ? » • Feuilles : « Quels sont les personnes, personnages, modèles, mentors qui ont influencé positivement ta vie ? Qui seraient fiers de te voir exercer un métier en lien avec les animaux ? »

• Fruits : « Qu’est-ce que tu vis dans ta vie comme une chance, un cadeau ? » Delphine a renseigné scrupuleusement son Arbre de vie. Quand elle me l’a présenté, j’ai eu l’impression de la redécouvrir. Les personnes qui cherchent depuis longtemps un travail ont le sentiment de stagner, que rien ne bouge. Là, Delphine était debout, en mouvement et animée. Les racines ont permis de révéler une partie de la personnalité de Delphine que je ne connaissais pas. Elles parlaient d’une Delphine engagée, prête à tout pour défendre ses valeurs de justice, d’équité. Elle si réservée habituellement m’a raconté des histoires où elle n’a pas hésité à s’affirmer pour lutter contre l’injustice. Cela donnait beaucoup de relief à sa personnalité. Les racines ont aussi mis en lumière l’origine de son intérêt pour les animaux qui, quand elle était petite, étaient ses seuls compagnons de jeux. Ceux sur qui elle pouvait compter. Son tronc a permis de faire émerger de nouvelles qualités comme sensibilité, gentillesse, serviabilité et disponibilité pour les autres. Surtout l’Arbre de vie nous a permis d’avoir une conversation que nous n’avions jamais eue auparavant. Très ressourçante pour Delphine comme pour moi. Chaque mot était comme un fil que nous tirions et qui nous faisait découvrir ou redécouvrir sous un jour nouveau une compétence, une valeur, un projet, une expérience que Delphine développait. Tout cela rendait sa vie très riche. À la fin de la séance, j’ai recentré la conversation sur son objectif qui était de définir son projet professionnel. Je lui ai demandé où elle en était, ce qu’elle gardait de cette séance et ce que cela lui donnait comme espoir pour la suite. Cette séance avait reboosté Delphine. Elle se sentait plus forte et moins seule. Et surtout cela lui donnait de nouvelles idées, notamment de travailler pour la SPA. Ce qui reliait son engagement et l’amour des animaux. Nous décidons, donc, d’un commun accord, qu’il faudrait qu’elle fasse un stage à la SPA, pour confirmer ou infirmer ce projet.

Delphine a, très rapidement, réussi à décrocher un stage au refuge SPA. Quand je la revois pour faire le bilan de cette immersion en entreprise, elle est radieuse. Elle s’est totalement investie dans les différentes tâches qui lui ont été confiées, en a adoré la diversité, s’est parfaitement intégrée à l’équipe… et ne souhaite qu’une chose : y retourner pour s’occuper des chiens, elle était en effet affectée à la chatterie. Cette expérience lui a permis d’être complètement en accord avec ses valeurs, donc de se sentir « à sa place » Elle n’a pas osé questionner les dirigeants du refuge sur les possibilités d’embauche, mais je pense qu’elle le fera quand elle y retournera Conclusion Tout d’abord, l’Arbre de vie m’a permis de sortir de l’impasse dans laquelle je me trouvais avec Delphine. Il nous a ouvert de nouvelles perspectives. Il a permis à Delphine de regagner en confiance, de redonner du sens et de l’épaisseur à son projet professionnel. Cette confiance retrouvée lui a vraiment donné l’envie d’explorer d’autres horizons et d’envisager d’autres possibles avec sérénité.

8 L’ARBRE DE VIE SPÉCIAL « PÉRIODE CONFINEMENT ET COVID-19 »

DEPUIS L’ARRIVÉE DU COVID-19, j’ai dû adapter ma pratique afin qu’elle réponde aux nouveaux besoins liés à cette pandémie. Cela générait de nouvelles demandes d’accompagnement comme : trouver des ressources en soi, se réinventer et s’adapter personnellement et professionnellement, gérer la peur et le stress engendrés par cette situation, se reconstruire après avoir été durement touché, repenser son monde d’après Covid. Dès le premier confinement, je me suis demandé comment contribuer modestement à aider les personnes d’abord autour de moi et ensuite plus largement à garder espoir. L’Arbre de vie s’est à nouveau imposé à moi. Il faut savoir qu’à l’origine, l’Arbre de vie a été conçu pour accompagner des populations, en Afrique, confrontées à des traumas comme la guerre, le sida, la pauvreté. Donc, j’ai tout naturellement pensé que cette méthode pourrait être une réponse efficace pour aider les personnes confrontées au Covid-19. J’ai commencé par concevoir un premier protocole d’Arbre de vie spécial « confinement » pour se reconnecter à ses ressources afin de gérer au mieux cette période. Tout au long de ce premier confinement, et en collaboration avec mes collègues et amis de la Fabrique Narrative Pierre Blanc-Sahnoun et Andrée Zerah, nous avons organisé 5 visioconférences ouvertes à tous pour partager ce protocole avec toutes celles et ceux qui en ressentaient le besoin. Ces visioconférences, outre de ressourcer les personnes, ont permis

un espace pour se sortir de l’isolement, se relier les uns aux autres, échanger des messages de soutien. Forte de cette belle expérience, j’ai continué sur ma lancée en créant un deuxième protocole d’Arbre de vie spécial « enfants » répondant au besoin de certains parents qui était : comment aborder la Covid-19 avec nos enfants sans les traumatiser. Un nouvel Arbre de vie spécial « confinement pour les enfants » est né. Je l’ai d’abord expérimenté autour de moi avec mes jeunes voisins et ensuite partagé avec celles et ceux qui le souhaitaient. Cette expérience m’a confirmé que chaque âge a ses savoirs et expériences sur la vie qu’il est utile de partager. François, le mari d’une de mes amies, a été l’un des premiers très lourdement touché par ce virus. Il a fini par gagner courageusement la bataille. J’ai pu observer par la suite sa difficulté à retrouver une vie à peu près normale auprès des siens. Il m’a inspiré le 3e protocole d’Arbre de vie que j’ai intitulé « Se reconstruire après la maladie ». Je l’ai expérimenté récemment avec François. Cela lui a permis de revisiter son expérience sous l’angle de la résilience, des apprentissages, des nouvelles priorités pour sa vie. Depuis l’apparition du Coronavirus et de ses effets physiques et psychologiques sur les gens, j’ai de plus en plus de demandes d’accompagnements sur le thème « du monde d’après ». Cette période si particulière et nouvelle pour beaucoup d’entre nous a créé chez certains une prise de conscience de leurs besoins fondamentaux qui les relient à la vie, à l’essentiel, au précieux. En général, ça commence par une demande de Transition de vie professionnelle qui s’avère être au final une transition de vie plus globale. C’est repenser sa vie pour qu’elle reflète au mieux ce qui fait sens pour la personne. J’ai donc conçu ce 4e protocole pour réfléchir à son monde d’après. Ces quatre protocoles, je me propose de les partager avec vous cidessous. Ils ont été conçus pour la Covid-19 mais ils vous seront utiles pour tous autres traumas ou maladies auxquels vous pourriez être confrontés.

1ER PROTOCOLE : L’ARBRE DE VIE DE VOS RESSOURCES SPÉCIAL « CONFINEMENT & COVID-19 » Vous commencez par dessiner sur une grande feuille un arbre avec des racines, un tronc, des branches, des feuilles, des fruits et un petit oiseau sur une branche. Ensuite, pour chaque partie de l’arbre, vous répondrez aux questions ci-dessous. L’arbre se déroulera en trois parties : on réalise son arbre, on identifie les tempêtes, on ancre les apprentissages. 1re étape : réaliser votre Arbre de vie Les racines On va commencer par les racines. Les racines symbolisent les ancrages. L’histoire de notre vie, ce que la vie nous a déjà appris. Avec les racines, on va revisiter un peu son histoire et identifier les principaux défis que nous avons déjà relevés dans notre vie, dans tous les domaines de notre vie. Mettez des mots au niveau des racines en réponse à : • Quand vous vous retournez sur votre vie personnelle et/ou professionnelle, quels sont les principaux défis que vous avez déjà dû relever ? • Quelles sont les principales actions que vous êtes content, voire fier, d’avoir mené jusqu’ici ? • Quels sont les principaux objectifs que vous vous étiez fixés et que vous avez réussi à atteindre jusqu’à présent ? Vous réfléchissez à ces questions et vous notez au niveau des racines tous les mots qui vous viennent à l’esprit. Cela peut être des mots, des phrases, des personnes, tout ce que vous voulez sans vous censurer. Prenez le temps qu’il vous faut. Vous pouvez aussi faire cet exercice avec une personne de votre choix pour qu’elle vous pose les questions et vous challenge un peu sur les réponses. Quand vous avez fini, prenez un petit temps pour vous demander ce que vous retenez de cette partie de l’exercice, ce que cela vous

fait d’avoir déjà accompli tout cela, ce que cela dit de vous et de votre capacité à agir. L’intention, pour cette partie de l’arbre, est de conscientiser que – peu importe l’âge que nous avons – nous avons de l’expérience sur notre vie et avons déjà dû relever certains défis. Le sol Avec les racines, on était plutôt dans le passé. Avec le sol, on entre dans le présent et on va aller identifier ce qui est précieux pour vous, quoi que vous fassiez. Pour que son arbre pousse, il faut l’arroser. C’est le moment où on va identifier et noter sur le sol les deux ou trois valeurs qui guident notre vie. Elles sont votre boussole et vous montrent le chemin, et si on s’en éloigne, on risque de se perdre. Il est important de se relier à elles et d’en prendre soin. Mettez des mots au niveau sol en réponse à : • Qu’est-ce qui est très important pour vous et que vous souhaitez voir vivre dans tous les domaines de votre vie ? • Qu’est-ce qu’il est important de faire vivre même dans les moments les plus difficiles pour vous ? • De quoi avez-vous besoin pour traverser plus facilement cette période particulière ? Prenez un temps pour vous relier à vos besoins et valeurs et posez vos mots sur le sol de chaque côté du tronc. Il est recommandé de ne pas mettre plus de 4 mots. L’idée est de prioriser. On ne peut pas toujours honorer tous ses besoins mais il est bien d’identifier les principaux. Quand vous avez fini, prenez un temps pour vous demander d’où vous viennent ces choses précieuses, ces valeurs que vous avez notées. Qui vous les a transmises ? Comment arrivez-vous à les faire vivre déjà dans votre vie actuelle ? L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de voir comment prendre soin ou faire vivre ce qui est précieux pour nous, même dans les moments difficiles. Le tronc

Avec le tronc, nous allons rester dans le présent et identifier vos ressources. Nous allons poser des mots dans le tronc. Le tronc symbolise la force de l’arbre. Qu’est-ce qui fait la force de votre arbre et qui fait que, quoi qu’il arrive, il reste fort et droit ? Mettez des mots au niveau du tronc en réponse à : • Quelles sont les qualités, compétences, talents, habiletés, valeurs que vous avez, que l’on vous reconnaît, que l’on apprécie particulièrement chez vous ? • Qu’est-ce que les défis que vous avez déjà relevés vous ont appris et fait développer comme nouvelles compétences ? • Quelles sont les activités que vous aimez faire et qui vous ressourcent, vous font du bien ? • Qu’est-ce que cette situation de confinement a révélé en vous comme qualités, compétences que vous ne soupçonniez pas ? Une fois que vous avez listé vos principales qualités, compétences, choisissez une ou deux qualités qui vous aident particulièrement et approfondissez un peu pour qu’elles s’incarnent davantage en répondant aux questions suivantes : De qui tenez-vous ces qualités, comment les avez-vous acquises ? Repensez à une expérience où cette qualité s’est exprimée. Qu’est-ce que cela vous a permis de réaliser d’avoir cette qualité ? Qui, autour de vous, vous reconnaît cette qualité et apprécie cela de vous ?

Pareil pour les actions que vous aimez mener et qui vous ressourcent. Mêmes questions. L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de vous reconnecter à vos forces, vous montrer que vous êtes équipé pour affronter vos défis. Les branches Les branches poussent, montent vers le ciel et se fortifient. Avec les branches, on se transporte dans l’avenir. On regarde devant et on identifie ce que l’on souhaite concrètement pour sa vie. C’est quoi une vie réussie pour nous ? Qu’est-ce qui m’attend de beau et qui me donne envie d’avancer dans la vie ?

Mettez des mots au niveau des branches en réponse à : • Quels sont les rêves, les projets, les espoirs que vous nourrissez pour votre vie ? • Quand vous vous projetez dans l’avenir, qu’est-ce que vous vous voyez réaliser concrètement ? • Qu’est-ce que le confinement a généré en vous comme nouvelles envies pour votre vie, pour l’avenir ? • Dans quels projets vous avez envie dorénavant de mettre votre énergie ? • Qu’est-ce que cette période si particulière que nous fait vivre la Covid19 vous a appris sur ce que vous voulez pour votre vie d’après ? • Quelle est la première chose que vous auriez envie de mettre en place ou de réaliser quand le confinement sera levé ? Vous notez vos réponses le long des branches, des mots, des phrases. Cela peut être très concret ou tout simplement une intention. Tout est bon et va vous renseigner sur la destination. Le doute s’invite quand la destination n’est pas très claire. Cette partie de l’arbre permet de rendre la destination plus connue et familière. Nous sommes des êtres intentionnels, si nous avons le désir de prendre un chemin, c’est que nous avons l’idée que cela pourrait être bien pour nous mais ce n’est pas toujours conscient. Cette partie de l’arbre aide à conscientiser nos intentions. Une fois que vous avez bien renseigné vos branches, relisez ce que vous avez écrit et posez-vous cette question : Si mes branches pouvaient parler, qu’est-ce qu’elles me diraient sur la direction que je veux donner à ma vie ?

Essayez de synthétiser vos branches en une ou deux phrases. L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de trouver la motivation et le sens pour avoir envie d’écrire la suite de notre histoire. Un oiseau sur une branche Un oiseau, ça chante. Pensez à une chanson que vous aimez écouter et qui vous donne de l’énergie, du courage. Notez près de l’oiseau le ou les titres de ces chansons et posez-vous les questions suivantes :

Quelle est l’histoire de cette chanson ? Qui vous l’a fait découvrir ? Quand vous l’écoutez, qu’est-ce que cela rend possible ? À quel moment ce serait utile pour vous de l’écouter ?

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est un ancrage vers des ressources. Les feuilles Les feuilles de l’arbre poussent, tombent, se renouvellent. C’est la partie de l’arbre où l’on va recréer du lien, se sortir de l’isolement si nécessaire. Les feuilles vont symboliser votre club de soutien. On va identifier vos alliés. Mettez des mots au niveau des feuilles en réponse à : • Qui sont les personnes importantes de votre vie, que vous êtes heureux de connaître ou d’avoir connues ? • Quelles sont les personnes qui, quand vous vous reliez à elles, vous font du bien, vous apaisent ? • Quels sont les héros, les personnages, les auteurs ou autres qui ont ou ont eu une influence positive dans votre vie et ou qui vous inspirent dans leur manière de dépasser courageusement les obstacles ? • Est-ce qu’il y a un lieu (une maison, une ville, un pays) que vous aimez, où vous avez passé de beaux moments, qui a une jolie histoire dans votre vie ? Un lieu « sécure », comme on dit en hypnose. Un lieu où on a l’impression que rien ne peut nous arriver. Vous allez noter sur chaque feuille les noms qui vous viennent. Chaque feuille, une personne. Cela peut être des personnes ou des personnages, des personnes que vous connaissez ou avez connues. Des héros, des modèles, des mentors. Quand vous avez fini, faites comme pour les qualités, choisissez une ou deux personnes et approfondissez un peu pour qu’elles s’incarnent un peu plus et deviennent aidantes pour vous. Une fois la personne choisie, répondez aux questions suivantes : Si c’est une personne que vous connaissez personnellement, pourquoi avez-vous choisi cette personne ? Qu’est-ce que vous appréciez particulièrement chez elle ? À votre avis, qu’est-ce que cette personne apprécie chez vous ? Est-ce que le fait de connaître cette personne vous a permis de faire des choses que vous n’auriez peut-être jamais faites si vous ne l’aviez pas rencontrée ? Et cette personne, à votre avis, qu’est-ce qui a été différent aussi pour elle du fait de vous connaître ? En imaginant que cette personne soit là avec vous, que vous diraitelle sur votre capacité à rester mobilisé face à cette pandémie ? Quel serait peut-être le

message qu’elle pourrait vous transmettre ? Est-ce que vous souvenir de votre lien avec cette personne pourrait vous aider à garder espoir ? Si c’est une personne que vous ne connaissez pas mais qui vous inspire, qu’est-ce que représente cette personne pour vous ? Quelles sont les qualités, les valeurs que vous lui reconnaissez ? Est-ce que ces qualités et valeurs que vous lui reconnaissez ont aussi une histoire dans votre vie ? Comment cette personne réagirait-elle, à votre avis, si elle apprenait qu’elle vous a inspiré pour votre vie ? Quel message elle pourrait vous glisser à l’oreille ?

Quand vous avez terminé, demandez-vous juste qu’est-ce que cela vous a fait d’évoquer ces personnes. Qu’est-ce que vous retenez ? L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de sortir de l’isolement, de créer son club de soutien, ancrer les ressources. Les fruits Les fruits sont les cadeaux que l’arbre produit quand il va bien. Les fruits vont incarner les cadeaux de la vie. Qu’est-ce que la vie m’a offert ? L’idée étant que, même dans les moments difficiles, peuvent arriver de belles surprises qu’il est utile d’identifier : Pensez à une situation ou à un moment avec une personne ou un proche pendant cette pandémie qui vous a surpris, fait du bien. Ce genre de moment que vous n’auriez peut-être pas vécu sans ce confinement.

Notez ce qui vous vient. Votre arbre est maintenant renseigné. On peut passer à la deuxième étape. 2e étape : identifier les tempêtes/freins qui pourraient se mettre entre vous et vos ressources Après avoir exploré votre arbre et vous être reconnecté à vos forces, rêves, personnes-ressources et défis déjà réalisés, vous devez vous sentir plus équipé et plus fort face à cette période de confinement. Il est donc possible maintenant pour vous d’anticiper ce qui pourrait s’inviter à vous et vous empêcher de traverser cette période au mieux. Posez-vous les questions suivantes : • Qu’est-ce qui pourrait, à votre avis, vous empêcher de traverser au mieux cette période ?

• Qu’est-ce qui pourrait se mettre entre vous et vos projets ? • Qu’est-ce que votre Arbre de vie vous a appris qui fait que, si cela se produit, vous saurez faire face ? L’idée étant que l’on est différent du fait d’avoir réalisé notre Arbre de vie. Nous allons ancrer davantage cette différence en passant par les apprentissages de la 3e étape. 3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience Arbre de vie Dans cette dernière partie, je vais vous inviter à synthétiser ce que vous retenez de votre expérience Arbre de vie et ce que cela vous donne envie concrètement de mettre en place. C’est la partie où, si tout se passe bien, on peut commencer à se projeter sereinement dans l’avenir. • Qu’est-ce que votre arbre vous a appris sur vous, vos ressources et qui vous sera utile pour avancer dans la vie et garder espoir face à la situation actuelle ? • Qu’est-ce qui, peut-être, vous a surpris ? • Qu’est-ce que le fait d’avoir réalisé votre arbre vous ouvre comme nouvelles possibilités pour vous, pour cette période, pour votre vie ? • Qu’est-ce que votre arbre vous donne comme espoir par rapport à votre vie, vos résistances face aux difficultés, vos projets ? • Quelles nouvelles idées cela vous donne pour résister à la situation actuelle et pour la réalisation de vos projets ? • Quelles sont les premières actions, projets que vous vous sentez de mettre en place demain pour vous permettre d’agir face à la situation que nous vivons et pour vous rapprocher de vos projets ? Listez les actions et, pour chaque action, notez une ou deux idées pour la concrétiser. Vous venez de vivre l’expérience de réaliser votre Arbre de vie pour vous reconnecter à vos ressources. Cela vous a permis de réfléchir en profondeur à la richesse de votre vie, à vos ressources et projets pour savoir s’ils répondent à ce qui fait sens pour vous, à vos valeurs et vos espoirs.

Ce protocole peut être utilisé avec une équipe ou en famille. Si vous faites l’Arbre de vie en famille par exemple, chacun fait l’arbre de ses ressources. Ensuite, on affiche les arbres sur un même mur de la maison, cela fait la forêt de vie de la famille. Chacun présente son arbre aux autres membres de la famille. Ceux qui écoutent peuvent proposer d’enrichir l’arbre de celui qui raconte en lui donnant des qualités qu’ils reconnaissent en lui ou elle ; ceux qui écoutent peuvent aussi noter sur des post-it des mots de soutien qu’ils viendront coller sur l’arbre après présentation, comme : j’ai confiance en toi, ne lâche pas… Une jolie manière d’honorer les ressources et la singularité de chaque membre de la famille et de se sentir plus fort ensemble.

2E PROTOCOLE : L’ARBRE DE VIE SPÉCIAL « ENFANTS » Au sein des familles, chacun vit la pandémie à sa manière, avec des hauts et bas, en cherchant les moyens de garder espoir. Dans ce contexte-là, les parents de jeunes enfants doivent, dans la même journée, jongler entre leur travail à distance, les repas, surveiller le travail scolaire, pallier le manque d’activité lié au confinement, en redoublant d’imagination pour occuper leurs jeunes enfants une grande partie de la journée. Ce protocole d’accompagnement métaphorique aura plusieurs bienfaits pour les enfants comme pour les parents. Il permettra aux parents de partager un moment agréable et ludique avec leurs enfants tout en permettant de leur offrir, dans cette période déstabilisante et anxiogène également pour eux, l’opportunité de créer un espace de parole pour aborder la Covid-19 sous l’angle de : comment eux-mêmes résistent courageusement à la situation, quels talents et forces ils développent pendant cette période, les idées qu’ils ont pour faire face, les personnes sur qui ils peuvent compter, les jolis projets pour leur vie de demain. L’idée étant de proposer une activité qui à la fois occupe les enfants et la famille mais permet aussi d’aller à la rencontre des ressources de chaque

membre de la famille pendant cette période, de consolider les liens et de garder espoir. Pour commencer, demandez à vos enfants de dessiner sur une grande feuille un arbre avec des racines, un tronc, des branches, des feuilles et des fruits. Ensuite, pour chaque partie de l’arbre, vous leur demandez de répondre aux questions ci-dessous. L’arbre se déroulera en trois parties : on réalise son arbre, on identifie les tempêtes, on ancre les apprentissages. Les parents peuvent bien évidemment réaliser eux aussi leur arbre en même temps que leurs enfants. Après avoir dessiné son arbre : 1re étape : réaliser votre Arbre de vie Les racines On va commencer par les racines. Les racines symbolisent l’histoire de notre vie, ce que la vie nous a déjà appris et cela, peu importe l’âge que nous avons. Avec les racines, on va revisiter un peu son histoire et identifier les petites victoires, les jolis moments que nous avons déjà vécus dans notre vie, dans tous les domaines de notre vie. Mettez des mots au niveau des racines en réponse à : • Quelles sont les petites ou grandes victoires que tu as déjà connues (victoires scolaires, sportives ou personnelles) ? • Est-ce que tu as un exemple de quelque chose que tu as fait et qui t’a rendu fier et/ou content ? • Quels sont les plus jolis souvenirs de toute ta vie que tu gardes précieusement dans ta tête et dans ton cœur (souvenirs scolaires, familiaux, sportifs, amicaux…) ? Les enfants notent au niveau des racines tous les mots qui leur viennent à l’esprit. Cela peut être des mots, des phrases, des personnes, tout ce qu’ils veulent sans se censurer. Prenez le temps qu’il faut. Vous pouvez aider votre enfant à répondre aux questions en le challengeant un peu sur les réponses. Quand votre enfant a fini cette étape, prenez un petit temps et demandez-lui

ce qu’il retient de cette partie de l’exercice, ce que cela dit de lui, de ce qui est important pour lui. L’intention, pour cette partie de l’arbre, pour votre enfant, est qu’il prenne conscience que, peu importe l’âge qu’il a, il a de l’expérience sur sa vie et que ses petites victoires sont déjà des défis qu’il a dû relever. Le sol Avec les racines, on était plutôt dans le passé. Avec le sol, on entre dans le présent et on va aller identifier les besoins de vos enfants pendant cette période. Pour que son arbre pousse, il faut l’arroser. C’est le moment où on va identifier et noter sur le sol les deux ou trois besoins importants pour votre enfant afin qu’il passe au mieux cette période de crise sanitaire. Mettez des mots au niveau sol en réponse à : • De quoi as-tu le plus besoin en ce moment pour être bien ? • Qu’est-ce qui t’aide tous les jours à te sentir bien malgré la situation ? Prenez un temps avec votre enfant pour entendre ses besoins et voyez ensemble comment arriver à faire vivre ses besoins dans le contexte qui est le vôtre. Comment chacun pourrait s’y prendre et quelles sont les idées de chacun pour arriver à faire vivre ses besoins ? L’intention, dans cette partie de l’arbre, pour votre enfant, est de voir comment prendre soin ou faire vivre ce qui l’aide dans cette situation. Le tronc Avec le tronc, nous allons rester dans le présent et identifier les ressources de vos enfants. Nous allons poser des mots dans le tronc. Le tronc symbolise la force de l’arbre. Qu’est-ce qui fait la force de l’arbre de votre enfant et qui fait que, quoi qu’il arrive, il reste droit ? Mettez des mots au niveau du tronc en réponse à : • Qu’est-ce que tu sais bien faire (ex. : dessin, foot) ? Qu’est-ce que tu aimes bien faire ?

• Quelles sont les forces, talents que tu as, que tes amis te reconnaissent, que l’on apprécie chez toi ? Les parents peuvent suggérer des qualités qu’ils reconnaissent à leurs enfants. • Qu’est-ce que les petites victoires que tu as déjà réalisées t’ont appris sur toi ? • Quelles sont les activités que tu aimes faire et qui te font du bien en ce moment ? • Est-ce que cette période particulière t’a fait découvrir des choses sur toi que tu ignorais (en termes de force) ? Une fois que votre enfant a listé ses principales forces, demandez-lui de choisir une ou deux de ses principales qualités qui l’aident particulièrement et posez-lui les questions suivantes : De qui tu tiens ces qualités à ton avis ? Comment tu les as acquises ? Astu une autre histoire où cette qualité s’est exprimée, t’a aidé ? Pareil pour les actions qu’il aime mener et qui lui font du bien. Mêmes questions. L’intention, dans cette partie de l’arbre, pour votre enfant, est de le reconnecter à ses forces, lui montrer qu’il est équipé pour affronter la situation qu’il vit actuellement. Les branches Les branches poussent, montent vers le ciel et se fortifient. Avec les branches, on se transporte dans l’avenir. On regarde devant et on va aller identifier ce que votre enfant souhaite concrètement pour sa vie. C’est quoi une vie réussie pour lui ? Qu’est-ce qui m’attend de beau et qui me donne envie d’avancer dans la vie ? Mettez des mots au niveau des branches en réponse à : • Quels sont les rêves, les projets pour ta vie plus tard ? • C’est quoi pour toi une vie réussie ? À quoi tu verras que tu as réussi ta vie ? • Quels sont les métiers qui te font rêver et que tu aimerais exercer ? Pourquoi ?

• Quelle sera la première chose que tu auras envie de faire quand la vie aura repris son cours et que l’on pourra à nouveau sortir normalement ? • Qu’est-ce que cette période de confinement t’a appris ? Qu’est-ce qui sera différent pour toi demain ? Est-ce que tu penses que tu auras de nouvelles envies ? Les enfants notent les réponses le long des branches, des mots, des phrases. Cela peut être très concret ou tout simplement une intention. Tout est bon et va renseigner l’enfant sur tout ce qui est important pour lui. Tous les projets, envies qui lui tiennent à cœur et qui lui donnent envie d’avancer dans la vie. Cette partie de l’arbre va aider votre enfant à retrouver de l’espoir et avoir envie d’avancer. L’intention, dans cette partie de l’arbre, pour votre enfant, est de trouver la motivation et le sens pour avoir envie d’écrire la suite de son histoire. Un oiseau sur une branche Demandez à votre enfant de dessiner un petit oiseau sur une des branches. Un oiseau, ça chante. Demandez à votre enfant de penser à une chanson ou une musique qu’il aime écouter, qui lui fait du bien et qui lui donne de l’énergie, du courage. Demandez-lui, si c’est possible, qu’il vous fasse écouter cette musique. Posez-lui quelques questions en lien avec cette musique ou chanson : Quelle est l’histoire de cette chanson ? Qui te l’a fait découvrir ? Quand tu l’écoutes, qu’est-ce que cela te fait ? Qu’est-ce que cela rend possible pour toi ? Comment cette chanson t’aide ? Est-ce qu’écouter cette chanson en ce moment pourrait t’aider ?

Les feuilles Les feuilles de l’arbre poussent, tombent, se renouvellent. C’est la partie de l’arbre où l’on va recréer du lien, sortir votre enfant de l’isolement si nécessaire. Les feuilles vont symboliser son club de soutien. Il n’est pas tout seul pour traverser cette période particulière. On va l’aider à identifier toutes les personnes importantes de sa vie, celles sur qui il peut compter. Mettez des mots au niveau des feuilles en réponse à :

• Quels sont les personnes, les personnages que tu aimes le plus dans ta vie (à la maison, dans la famille, à l’école, les amis…) ? • Quelles sont les personnes à qui tu aimes penser quand ça ne va pas bien pour toi et que ça te fait du bien de penser à elles ? • Quels sont tes héros dans la vie ? Ceux dont tu admires le courage ? • Est-ce que tu as un ami secret, peut-être imaginaire, depuis toujours ou une peluche, un doudou ou autres que tu aimes garder près de toi parfois, à qui tu dis tout, qui te protège ? Votre enfant va noter sur chaque feuille les noms qui lui viennent. Chaque feuille, une personne, un personnage. Quand il a fini, faites comme pour les qualités, demandez-lui de choisir une ou deux personnes et approfondissez un peu pour qu’elles s’incarnent un peu plus et deviennent aidantes pour lui. Une fois la personne choisie, posez-lui les questions suivantes : Si c’est une personne qu’il connaît vraiment : Pourquoi as-tu choisi cette personne ? Qu’est-ce que tu aimes chez elle ? À ton avis, qu’estce que cette personne aime chez toi ? En imaginant que cette personne soit là avec nous, que dirait-elle sur toi et ton courage pendant cette période de confinement ? Est-ce que te souvenir de cette personne pourrait t’aider dans ce moment de confinement ?

Si c’est une personne que votre enfant ne connaît pas mais qui l’inspire, comme un héros, demandez-lui : Qu’est-ce que représente cette personne pour toi ? Quels sont les pouvoirs que tu lui reconnais ? Est-ce que ces pouvoirs sont aussi importants pour toi ? Comment cette personne réagirait-elle, à ton avis, si elle apprenait qu’elle était importante pour toi ? Quel message pourrait-elle te glisser à l’oreille dans les moments difficiles pour toi ?

Quand votre enfant a terminé, demandez-lui ce que cela lui fait d’évoquer ces personnes. L’intention, dans cette partie de l’arbre, pour votre enfant, est de le sortir de l’isolement, de créer son club de soutien. Les fruits Les fruits sont les cadeaux que l’arbre produit quand il va bien. Les fruits vont incarner les cadeaux de la vie. Qu’est-ce que la vie m’a offert ?

Mettez des mots au niveau des fruits en réponse à : • Qu’est-ce que tu vis, dans ta vie, comme une chance, un cadeau ? • Quels sont les souvenirs agréables de ta vie que tu as envie de garder en mémoire comme un cadeau ? L’arbre de votre enfant est maintenant fini. On peut passer à la deuxième étape. 2e étape : identifier les tempêtes/freins qui pourraient se mettre entre votre enfant et ses rêves Après avoir exploré l’Arbre de vie de votre enfant, après l’avoir reconnecté à ses forces, ses rêves, ses personnes-ressources, il doit se sentir plus équipé et plus fort face à cette pandémie. Il est donc possible maintenant pour lui d’anticiper les petites tempêtes qui pourraient s’inviter et l’empêcher de garder espoir et confiance. Posez-lui les questions suivantes : • À ton avis, qu’est-ce qui pourrait t’empêcher de vivre bien cette période ? • À ton avis, qu’est-ce qui pourrait te rendre triste ou te faire perdre patience pendant cette période que nous traversons ? • Qu’est-ce que ton Arbre de vie t’a appris qui fait que, si cela se produit, tu sauras faire face ? L’idée étant que votre enfant est différent du fait d’avoir réalisé son Arbre de vie. Vous allez, avec lui, ancrer davantage cette différence en passant par les apprentissages de la troisième étape. 3e étape : ancrer les apprentissages de son expérience Arbre de vie Dans cette dernière partie, vous allez inviter votre enfant à synthétiser ce qu’il retient de son expérience Arbre de vie et ce que cela lui donne envie concrètement de mettre en place. C’est la partie où, si tout se passe bien, il peut commencer à se projeter sereinement dans l’avenir.

• Qu’est-ce que tu retiens de ton Arbre de vie ? • Qu’est-ce que ton Arbre de vie t’a appris sur toi, ton courage ? • Comment ça va t’aider pour supporter cette période particulière ? • Qu’est-ce qui, peut-être, t’a surpris ? • Qu’est-ce que ton arbre te donne comme envie par rapport à la famille, tes études ? • Quelles nouvelles idées cela te donne pour résister encore plus à la situation actuelle ? • Quelle est la première chose que tu vas faire quand tu sortiras du confinement ? Pour clôturer cette activité avec votre enfant, vous pouvez lui poser les deux questions suivantes : • Si tu devais donner un nom à ton Arbre de vie, quel nom tu lui donnerais ? • Si tu apprenais que l’un de tes copains ou l’une de tes copines avait du mal à vivre cette situation actuelle, quelles idées ou quels conseils pourrais-tu lui donner pour l’aider ? Votre enfant vient de vivre l’expérience de réaliser son Arbre de vie pour se reconnecter à ses forces. Cela lui aura permis de donner un autre sens à cette situation qu’il est amené à vivre en réfléchissant en profondeur à la richesse de sa vie, à ses rêves d’avenir.

3E PROTOCOLE : L’ARBRE DE VIE POUR SE RECONSTRUIRE APRÈS LA MALADIE Notre parcours de vie met parfois sur notre chemin quelques épreuves qu’il nous faut relever courageusement, comme la maladie. Dernièrement, certains ont été confrontés de manière violente au Corona Virus Hospitalisés de longues semaines, ils reviennent chez eux affaiblis. Il leur faudra un peu de temps pour récupérer physiquement et moralement, tout

comme ceux qui ont eu un cancer ou d’autres maladies et qui ont dû gérer pendant des mois les hospitalisations, les traitements, leur angoisse et celle de leurs proches. Ils doivent également faire face aux absences et au retour professionnels sous le regard de collègues qui ne savent pas toujours comment se comporter avec eux. Souvent, ce type d’épreuve révèle en nous des forces insoupçonnées, modifie notre manière de regarder le monde et change radicalement nos priorités. La vie devient précieuse. C’est à ce renouveau que nous allons nous intéresser ici. Ce protocole peut être vécu en famille, car c’est souvent toute la famille qui est impactée quand un de ses membres est touché. Dans ce cas, chaque membre de la famille fait son arbre et répond aux mêmes questions. À la fin, chacun présente son arbre aux autres. Cela permet à chacun de partager son histoire et son vécu de la maladie. 1re étape : réaliser votre Arbre de vie Les racines On va commencer par les racines. Les racines symbolisent les ancrages. Ce que la vie vous a déjà appris. Avec les racines, on va revisiter un peu votre histoire sous l’angle de votre capacité à relever les défis et votre histoire avec la résilience. Mettez des mots au niveau des racines en réponse à : • Quels sont les principaux défis que vous avez déjà relevés dans votre vie, dans tous les domaines de votre vie ? • Quelle place a la résilience dans votre vie ? Où à quel moment vous êtes-vous senti résilient ? • Qu’est-ce que cette expérience de la maladie que vous venez de traverser vous a appris fondamentalement sur la vie, sur vous ? • Quels sont vos valeurs et principes de vie que cette expérience a mis en lumière, révélés, développés ? • Qu’est-ce que vous avez su mettre en place, instinctivement, pour vous ressourcer, vous changer les idées, vous aider à tenir le coup ?

Vous réfléchissez à ces questions et vous notez au niveau des racines tous les mots qui vous viennent à l’esprit. Quand vous avez fini, prenez un petit temps pour vous demander ce que vous retenez de cette partie de l’exercice, ce que cela dit de vous. L’intention, pour cette partie de l’arbre, est de revisiter son expérience de la vie, de la maladie sous l’angle des ressources, des apprentissages. Le sol Avec les racines, on était plutôt dans le passé. Avec le sol, on entre dans le présent et on va aller identifier ses nouveaux besoins. Pour que son arbre pousse, il faut l’arroser. L’expérience que vous venez de vivre a fait naître en vous de nouveaux besoins. C’est le moment où on va identifier et noter sur le sol, de chaque côté de l’arbre, les deux ou trois besoins fondamentaux. Ils seront dorénavant votre boussole de vie et vous guideront pour rester du côté de la vie. Mettez des mots au niveau sol en réponse à : • Qu’est-ce que cette expérience de la maladie vous a appris en termes de besoins fondamentaux pour vous ? • Qu’est-ce qui est important pour vous et qui vous aide à prendre soin de vous ? Prenez un temps pour vous relier à vos besoins et poser vos mots sur le sol de chaque côté du tronc. Quand vous avez fini, prenez un temps pour vous demander : Comment vous pourriez faire pour ne pas vous éloigner de vos besoins ? Qu’est-ce qui pourrait vous aider à les garder présents en vous ? Quelles sont les idées que vous avez pour les faire vivre dans votre vie de tous les jours ?

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est d’identifier ce qui vous permet de prendre soin de vous au quotidien. Le tronc Avec le tronc, nous allons rester dans le présent et identifier vos ressources. Le tronc symbolise la force de l’arbre. Qu’est-ce qui fait la force de votre

arbre et qui fait que, quoi qu’il arrive, il reste fort et droit ? Chaque expérience que nous vivons, que nous dépassons, nous renseigne sur nos capacités, nous rend plus fort. Nous allons poser des mots dans le tronc. Mettez des mots au niveau du tronc en réponse à : • Quelles sont les qualités, compétences, talents, habiletés, valeurs que vous avez, que l’on vous reconnaît, que l’on apprécie particulièrement chez vous en général ? • Qu’est-ce que votre expérience de la maladie vous a appris et fait développer comme nouvelles compétences ? Qu’est-ce que cette expérience a révélé en vous comme nouvelle force, compétences que vous ne soupçonniez pas ? • Quelles sont les activités que vous aimez faire et qui vous ressourcent, vous font du bien ? Une fois que vous avez listé vos principales qualités, compétences, choisissez une ou deux qualités qui vous aident particulièrement et approfondissez un peu pour qu’elles s’incarnent davantage. Demandezvous : Comment cette compétence pourra m’aider demain ? Dans quel autre domaine elle pourra m’être utile ? Si vous deviez, à partir de cette compétence, donner une image à la personne que vous êtes, vous diriez quoi (ex. : une femme résiliente, un homme déterminé…) ?

Nous sommes tous multi-histoires. Chacune de vos compétences dit de vous quelque chose de différent. L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de vous reconnecter à vos forces, vous montrer que vous êtes équipé pour affronter les défis et que chaque expérience nous rend encore plus fort. Les branches Les branches poussent, montent vers le ciel et se fortifient. Avec les branches, on se transporte dans l’avenir. On regarde devant et on identifie ce que l’on souhaite concrètement pour sa vie demain. Mettez des mots au niveau des branches en réponse à : • Quels sont les rêves, les projets, les espoirs que vous nourrissez pour votre vie demain ?

• Qu’est-ce que l’expérience de la maladie a généré en vous comme nouvelles envies pour votre vie, pour l’avenir ? • Dans quels projets vous avez envie dorénavant de mettre votre énergie ? • Quelles sont les premières choses que vous auriez envie de mettre en place ou de réaliser concrètement ? Vous notez vos réponses le long des branches, des mots, des phrases. Cela peut être très concret ou tout simplement une intention. Tout est bien et va vous renseigner sur la destination que vous voulez donner à votre vie. Une fois que vous avez bien renseigné vos branches, relisez ce que vous avez écrit et posez-vous cette question : Si mes branches pouvaient parler, qu’est-ce qu’elles me diraient sur la direction que je veux donner à ma vie ? Essayez de synthétiser vos branches en une ou deux phrases.

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de trouver le sens que l’on veut donner à notre vie, celui qui nous stimule dans l’action et qui nous donne envie d’écrire la suite de notre histoire. Un oiseau sur une branche Dessinez un petit oiseau sur l’une de vos branches. Imaginez que cet oiseau chante. Pensez à une ou plusieurs chansons que vous aimez particulièrement, chansons ou musiques que vous aimez écouter et qui vous donnent de la joie, de l’énergie, du courage. Faites votre playlist et posezvous les questions suivantes : Quelle est l’histoire de cette ou ces chansons ? Qui vous l’a fait découvrir ? Quand vous l’écoutez, dans quel état cela vous met ? Quelles sont les émotions qui vous traversent ? Quand je l’écoute, qu’est-ce que cela rend possible ?

L’intention de cette partie de l’arbre est un ancrage fort sur nos ressources. Ne pas hésiter à enregistrer votre playlist et à écouter ces chansons dans des situations où vous avez besoin de retrouver rapidement de l’énergie et de l’espoir en l’avenir. Les feuilles

Les feuilles de l’arbre poussent, tombent, se renouvellent. C’est la partie de l’arbre où l’on va recréer du lien, se sortir de l’isolement si nécessaire et honorer les personnes importantes de votre vie. Les feuilles vont symboliser votre club de soutien. Mettez des mots au niveau des feuilles en réponse à : • Quelles sont les personnes ou personnages importants de votre vie, celles sur qui vous avez toujours pu compter ? • Quelles sont les personnes qui, quand vous vous reliez à elles, vous font du bien, vous apaisent ? • Quels sont vos héros, modèles qui vous inspirent dans leur manière de vivre et/ou de dépasser courageusement les épreuves ? • Quelles sont les personnes que vous auriez envie de remercier particulièrement pour ce qu’elles ont pu vous apporter d’une manière ou d’une autre pendant votre expérience de la maladie ? • Est-ce qu’il y a un lieu (une maison, une ville, un pays) que vous aimez, où vous avez passé de beaux moments, qui a une jolie histoire dans votre vie ? Un lieu « sécure », comme on dit en hypnose, un lieu où on a l’impression que rien ne peut nous arriver. • Pensez aussi à une partie de votre corps que vous sentez soutenante et que vous voulez remercier particulièrement pour l’aide, l’apaisement, soutien qu’elle vous apporte ou vous a apporté dans les moments difficiles ? Vous allez noter sur chaque feuille les noms qui vous viennent. Chaque feuille, une personne. Cela peut être des personnes ou des personnages. Quand vous avez terminé, demandez-vous juste qu’est-ce que cela vous a fait d’évoquer ces personnes, qu’est-ce que vous retenez. L’intention, dans cette partie de l’arbre, est d’honorer les personnes importantes de votre vie, de créer votre club de soutien, d’ancrer vos ressources. Les fruits Les fruits sont les cadeaux que l’arbre produit quand il va bien. Les fruits vont incarner les cadeaux de la vie. Ce que la vie nous réserve comme

surprises et cela, malgré les situations difficiles. Cela peut être ce que vous voulez, des rencontres, des évènements… Pensez à un moment exceptionnel lors d’une situation ou avec une personne pendant votre expérience de la maladie qui vous a surpris dans le bon sens du terme, ce genre de moment que vous n’auriez peut-être pas vécu sans cette expérience de la maladie.

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de voir que, malgré les épreuves que nous pouvons vivre, la vie nous offre aussi des cadeaux. Votre arbre est maintenant renseigné. Vous pouvez passer à la deuxième et troisième étape. 2e étape : identifier les tempêtes qui pourraient vous faire perdre confiance en vous Après avoir réalisé et exploré votre arbre et vous être reconnecté maintenant à vos forces, nouveaux projets, personnes-ressources, vous devez vous sentir plus fort et équipé pour vous projeter sereinement dans l’avenir. Il est donc possible maintenant pour vous d’anticiper ce qui pourrait s’inviter à vous et vous faire douter. Posez-vous les questions suivantes : • Qu’est-ce qui pourrait, à votre avis, vous empêcher de vous projeter sereinement dans l’avenir ? • Qu’est-ce qui pourrait se mettre entre vous et vos nouvelles envies ? • Qu’est-ce que votre Arbre de vie vous a appris qui fait que, si cela se produit, vous saurez faire face ? L’idée étant que l’on est différent et plus fort du fait d’avoir réalisé notre Arbre de vie. Nous allons ancrer davantage cette différence en passant par les apprentissages de la troisième étape. 3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience Arbre de vie Dans cette dernière partie, je vais vous inviter à synthétiser ce que vous retenez de votre expérience Arbre de vie et ce que cela vous donne envie concrètement de mettre en place.

• Qu’est-ce que votre arbre vous a appris sur vous, vos ressources, votre famille et qui vous sera utile pour avancer sereinement dans la vie ? • Qu’est-ce qui, peut-être, vous a surpris ? • Qu’est-ce que le fait d’avoir réalisé votre arbre vous ouvre comme nouvelles possibilités pour vous ? • Quelles sont les premières actions, projets que vous vous sentez de mettre en place demain afin de rendre hommage à ce qui est important pour vous aujourd’hui ? • Qu’est-ce que votre parcours de vie et votre expérience de la maladie vous ont enseigné et que vous pourriez transmettre à une personne qui s’apprête à vivre l’épreuve de la maladie ? Vous venez de vivre l’expérience de réaliser votre Arbre de vie pour vous projeter sereinement dans l’avenir après avoir vécu l’expérience de la maladie. Cela vous a permis de réfléchir en profondeur à la richesse de votre vie, aux personnes précieuses pour vous et à vos nouvelles envies afin de valider que cela répond à la nouvelle direction que vous voulez donner à votre vie. Pour terminer sur ce protocole, je voudrais vous présenter, en quelques mots, un complément à ce protocole. Face la maladie d’un proche, l’entourage se sent parfois impuissant à l’aider. L’Arbre de vie peut devenir le lien entre la famille et la personne qui vit l’expérience de la maladie. Pendant que François, atteint du COVID 19, était hospitalisé, intubé depuis de longues semaines et que son pronostic vital était engagé, sa femme et ses enfants ont cherché le moyen d’être en lien avec lui afin qu’il sente leur amour et présence et que cela l’aide à rester du côté de la vie. Ils ont utilisé pour cela l’Arbre de vie. Sa femme, ses enfants et leurs conjoints se sont réunis pour réaliser l’arbre de François. Ils ont dessiné un bel arbre (voir photo à la fin du livre) et chacun a mis des mots sur chaque partie de l’arbre en réponse à : Racines : Qu’est-ce qui caractérise François pour moi ? Une belle histoire partagée avec François ? Sol : Les valeurs que l’on connait et que l’on apprécie chez François ? Tronc : Qu’est-ce que l’on sait des forces, compétences de François qui vont l’aider à s’accrocher ? Branches : Qu’est-ce que l’on a envie de partager avec lui demain quand il reviendra ? Feuilles : Tous ceux que l’on connaît qui aiment François et qui attendent son retour avec impatience ?

François est resté du côté de la vie et quand il est rentré chez lui, plusieurs semaines plus tard, cet arbre lui a été offert. Il en a été très touché et l’a complété pour mélanger ses mots avec ceux de sa famille.

4E PROTOCOLE : L’ARBRE DE VIE DE VOTRE « MONDE D’APRÈS » Tous les grands évènements de notre vie bousculent nos certitudes et remettent en jeu nos priorités. Par exemple, avoir eu des enfants a toujours généré en moi de nouvelles forces et de nouvelles envies. Je n’ai jamais été aussi productive qu’après la naissance de chacun de mes trois enfants. C’était le moment idéal pour opérer des changements – changements professionnels, changement de lieu et de mode de vie… – côté priorités, les cartes étaient tout naturellement redistribuées. Le travail qui tenait une place importante dans ma vie avait désormais une adversaire de taille, la famille. Il en va de même pour tous changements importants, aussi bien positifs que négatifs. J’accompagne des personnes qui viennent à moi après avoir vécu un Burn-out professionnel. Elles doivent reprendre leur travail mais sont désorientées car les choses ont considérablement bougé en elles. Dans un premier temps, elles doivent retrouver la force et l’énergie de réintégrer leur entreprise mais surtout, ce qu’elles ont vécu les a amenées à repenser à un monde plus juste pour elles. Donc, le travail que je leur propose est de les aider à construire leur monde d’après Burn-out, celui où elles redeviennent auteurs de leur vie, c’est-à-dire réinjecter du choix dans sa vie et vivre en accord avec ses valeurs, principes. Depuis l’apparition du coronavirus et de ses effets physiques et psychologiques sur les gens, j’ai de plus en plus de demandes d’accompagnement sur ce thème du « monde d’après ». Cette période si particulière et nouvelle pour beaucoup d’entre nous a créé chez certains une prise de conscience de leurs besoins fondamentaux qui les relient à la vie, à l’essentiel, au précieux. En général, cela commence par une demande de transition de vie professionnelle qui s’avère être au final une transition de

vie plus globale. C’est repenser sa vie pour qu’elle reflète au mieux à ce qui fait sens pour la personne. J’ai donc conçu ce quatrième protocole que j’ai beaucoup expérimenté ces derniers mois, et que je partage avec vous ci-dessous, pour répondre à cette nouvelle demande spécifique. 1re étape : réaliser votre Arbre de vie Les racines On va commencer par les racines. Les racines symbolisent les ancrages. L’histoire de votre vie, ce que la vie vous a déjà appris. Avec les racines, on va revisiter un peu son histoire et ses expériences personnelles et professionnelles pour aller y puiser de l’inspiration et redonner du sens à son parcours de vie. Mettez des mots au niveau des racines en réponse à : • Quand vous vous retournez sur votre parcours professionnel et/ou personnel, quelles sont les expériences qui vous ont le plus marqué ? • Quand vous vous retournez sur votre parcours professionnel et/ou personnel, quels sont les moments où vous vous êtes senti bien, à votre juste place ? Qu’est-ce qui fait, à votre avis, que vous vous sentiez bien ? • Qu’est-ce que ces quelques mois que nous venons de vivre en lien avec la pandémie, vous ont déjà appris sur vous, ce qui est précieux pour vous ? • Quels sont les moments que vous avez déjà vécus où vous avez dû vous réinventer d’une manière ou d’une autre ? • Quel métier rêviez-vous de faire étant plus jeune ? Ou est-ce qu’il y a un métier que vous vouliez faire et que vous n’avez pas pu faire pour X raison ? • Quelles sont les valeurs et principes que vous aimez incarner quoi que vous fassiez ou voir incarner autour de vous ? • Quels sont les endroits où vous avez aimé vivre ? Qu’est-ce qui fait que ces endroits étaient précieux pour vous ?

• Quelles croyances, quels principes guident votre vie ? Ces croyances sont-elles les vôtres ou viennent-elles de votre éducation ? D’où viennent-elles à votre avis ? Est-ce qu’elles vous conviennent aujourd’hui ? Vous répondez aux questions qui vous parlent le plus. Vous réfléchissez à ces questions et vous notez au niveau des racines tous les mots qui vous viennent à l’esprit. Quand vous avez fini, prenez le temps de relire chaque réponse et demandez-vous, concernant les expériences professionnelles qui vous ont marqué : Pourquoi elles vous ont marqué ? Si c’étaient de belles expériences à vos yeux, demandezvous : Qu’est-ce qui rendait ces expériences belles ? (Ex. : le collectif, l’ambiance, la confiance que l’on vous a accordée…).

Si vous avez connu des moments de ruptures professionnelles, demandez-vous : Qu’est-ce qui vous a permis de rebondir ? Comment vous vous y êtes pris ? Qu’est-ce que vous privilégiez en changeant de cap ? Et, si vous rêviez d’un métier que vous n’avez pas pu exercer, demandez-vous : Comment, d’une certaine manière, vous vous êtes rapproché de ce métier dans vos différentes expériences ? (Ex. : une personne qui rêvait d’être médecin et qui, finalement, est devenue manager dans la grande distribution, peut s’apercevoir qu’elle était un manager qui prenait particulièrement soin des gens).

L’intention, pour cette partie de l’arbre, est de donner du sens à votre parcours, chercher, si nécessaire, la constance dans l’inconstance, vous faire prendre conscience que vous ne démarrez pas une nouvelle vie mais que vous êtes en chemin depuis longtemps vers cette nouvelle vie. L’intention également est de faire émerger les ingrédients qui vous montrent le chemin d’un nouveau projet de vie. Le sol Avec les racines, on était plutôt dans le passé. Avec le sol, on entre dans le présent et on va aller identifier vos besoins, ce qui est précieux pour vous, quoi que vous fassiez. Pour que son arbre pousse, il faut l’arroser. C’est le moment où on va identifier et noter sur le sol les deux ou trois valeurs

fondamentales qui guident votre vie professionnelle et personnelle. Elles sont votre boussole et vous montrent le chemin, et si on s’en éloigne, on risque de se perdre. Il est important de se relier à elles et d’en prendre soin. Mettez deux ou trois mots au niveau du sol en réponse à : • Qu’est-ce qui est très important pour vous et que vous souhaitez voir vivre dans tous les domaines de votre vie ? • Quels sont vos besoins fondamentaux et non négociables professionnellement et personnellement ? Prenez un temps pour vous relier à vos besoins et valeurs et poser vos mots sur le sol de chaque côté du tronc. Il est recommandé de ne pas mettre plus de 3-4 mots, l’idée est de prioriser. L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de voir comment prendre soin ou faire vivre ce qui est précieux pour vous afin de retrouver de la fluidité et du confort dans votre nouvelle vie. Le tronc Avec le tronc, nous allons rester dans le présent et identifier vos ressources. Le tronc symbolise la force de l’arbre. Qu’est-ce qui fait la force de votre arbre et qui fait que, quoi qu’il arrive, il reste fort et droit ? On va identifier tout ce que votre parcours déjà réalisé vous a fait développer comme qualités, compétences. •

• • •

Mettez des mots au niveau du tronc en réponse à : Quelles sont les qualités, compétences, talents, valeurs que vous avez, que l’on vous reconnaît, que l’on apprécie particulièrement chez vous ? Qu’est-ce que votre parcours professionnel et/ou personnel vous a fait développer comme compétences ? Quelle est, selon vous, votre valeur ajoutée, votre singularité professionnelle et/ou personnelle ? Qu’est-ce que votre parcours professionnel vous a appris sur ce qui donne du sens en général à votre travail ou sur ce qui vous rend la vie plus agréable professionnellement ?

• Qu’est-ce que cette période particulière liée au coronavirus a révélé en vous comme force, qualité que vous ne soupçonniez peut-être pas ? Concernant votre singularité, le sens, et ce qui rend agréable votre travail, relisez bien vos réponses et demandez-vous ce que cela dit de vous fondamentalement, de l’être humain que vous êtes, essayez de faire une phrase qui commencerait par « Je suis… » et qui synthétiserait ce que cela dit de vous, comme par exemple : « Je suis une personne qui aime rendre service et qui est douée pour entendre les besoins des gens ». L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de vous reconnecter à vos forces, vous montrer que vous êtes bien équipé pour un nouveau projet. L’intention est aussi d’aller chercher ce que votre parcours de vie vous a appris sur vous, votre vocation. Les branches Les branches poussent, montent vers le ciel et se fortifient. Avec les branches, on se transporte dans l’avenir. On regarde devant et on identifie ce que l’on souhaite concrètement pour sa vie demain. Certains ont une idée précise de leur nouveau projet, d’autres non. C’est le moment où on va rendre la destination plus connue et familière. C’est quoi une vie professionnelle et personnelle réussie pour vous ? Mettez des mots au niveau des branches en réponse à : • Quels sont les rêves, les projets, les espoirs que vous nourrissez pour votre nouveau projet de vie ? • C’est quoi une vie réussie pour vous ? • Qu’est-ce que votre parcours professionnel vous a appris sur ce qui est important pour vous de retrouver dans votre nouveau projet ? • Quand vous vous projetez dans l’avenir, qu’est-ce que vous vous voyez réaliser concrètement ? • Qu’est-ce que vous voulez privilégier dorénavant dans votre vie professionnelle et personnelle ? • Qu’est-ce que cette situation particulière liée à la pandémie a généré en vous comme nouvelles envies et projets ? • Où avez-vous envie de mettre votre énergie dorénavant ?

Vous notez vos réponses le long des branches, des mots, des phrases. Cela peut être très concret ou tout simplement une intention. Tout est bien et va vous renseigner sur la destination que vous voulez donner à votre vie demain. Une fois que vous avez bien renseigné vos branches, relisez tranquillement ce que vous avez écrit et posez-vous cette question : Si mes branches pouvaient parler, qu’est-ce qu’elles me diraient sur la direction que je veux donner à ma vie ? Essayez de synthétiser vos branches en une ou deux phrases. Exemple : « Je veux une vie professionnelle qui me permette d’être indépendante, qui me donne la possibilité d’harmoniser ma vie privée et ma vie professionnelle, et qui me fasse être en contact avec les gens… »

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de clarifier votre nouveau projet et voir plus largement tout ce que ce nouveau projet vous permettra de réaliser. Les feuilles Les feuilles de l’arbre poussent, tombent, se renouvellent. C’est la partie de l’arbre où l’on va recréer du lien, se sortir de l’isolement si nécessaire. Les feuilles vont symboliser votre club de soutien. On va identifier vos alliés, vos personnes-ressources. Mettez des mots au niveau des feuilles en réponse à : • Qui, dans votre vie professionnelle et personnelle, vous a accordé de la valeur, a cru en vous, vous a fait confiance, vous a fait grandir ? • Quelles sont les personnes, proches de vous, quand elles vous regardent, vous vous sentez plus fort ? • Qui, autour de vous, ne serait pas étonné et apprécierait de vous voir prendre cette nouvelle direction pour votre vie ? • Quels sont les personnes ou personnages qui vous inspirent dans la vie (héros, mentors…) ? Vous allez noter sur chaque feuille les noms qui vous viennent. Chaque feuille, une personne. Quand vous avez terminé, demandez-vous juste : Qu’est-ce que cela vous a fait d’évoquer ces personnes. Qu’est-ce que vous retenez ?

Si c’est une personne que vous ne connaissez pas mais qui vous inspire, demandez-vous : Quelles sont les qualités, les valeurs que vous lui reconnaissez ? Est-ce que ces qualités et valeurs que vous lui reconnaissez ont aussi une histoire dans votre vie ?

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de sortir de l’isolement, de créer son club de soutien, de vous regarder à travers les yeux des personnes qui comptent ou ont compté dans votre vie. Les fleurs L’arbre fleurit avant de faire des fruits. Les fleurs vont représenter les promesses et les audaces que vous avez en vous pour votre nouveau projet de vie. Quelles sont les promesses et/ou les audaces que j’ai en moi pour mon nouveau projet ?

Une promesse, une audace par fleur. Quand vous avez fini de recenser toutes vos audaces et promesses, demandez-vous : D’où elles vous viennent ? Quels sont peut-être les autres moments de votre vie où vous avez fait appel à elles ? Qu’est-ce qui mérite, dans votre vie en général, que vous alliez puiser dans ces ressources-là ?

L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de conscientiser que nous sommes capables, quand un projet nous tient à cœur, de nous dépasser. Les fruits Les fruits sont les cadeaux que l’arbre produit quand il va bien. Les fruits vont incarner toutes les idées que vous avez pour faire vivre votre projet. Mettez des mots au niveau des fruits en réponse à : • Quelles sont toutes les idées que j’ai pour me rapprocher de mon nouveau projet ? • Quels sont les actes que j’ai envie de semer pour faire avancer mon nouveau projet ? • Quelle pourrait être la première chose que je pourrais mettre en place ?

Notez ce qui vous vient sans vous censurer. Quand on a des idées, on est déjà dans l’action. Pour chaque idée, essayer de noter comment faire vivre cette idée concrètement. L’intention, dans cette partie de l’arbre, est de commencer à réfléchir concrètement à comment avancer sur mon nouveau projet. Votre arbre est maintenant renseigné. Vous pouvez passer à la deuxième et troisième étape. 2e étape : identifier les tempêtes qui pourraient se mettre entre vous et votre nouveau projet de vie Après avoir réalisé et exploré votre arbre, et vous être reconnecté maintenant à vos forces, projets, personnes-ressources, vous devez vous sentir plus fort et équipé pour aller vers votre nouveau projet. Il est donc possible maintenant pour vous d’anticiper ce qui pourrait s’inviter à vous et vous faire douter. Posez-vous les questions suivantes : • Qu’est-ce qui pourrait, à votre avis, vous empêcher d’aller vers votre nouveau projet de vie ? • Qu’est-ce qui pourrait se mettre entre vous et votre envie de nouvelle vie professionnelle ou/et personnelle ? • Qu’est-ce que votre Arbre de vie vous a appris qui fait que, si cela se produit, vous saurez faire face ? L’idée étant que l’on est différent et plus fort du fait d’avoir réalisé notre Arbre de vie. Nous allons ancrer davantage cette différence en passant par les apprentissages de la troisième étape. 3e étape : ancrer les apprentissages de votre expérience Arbre de vie Dans cette dernière partie, je vais vous inviter à synthétiser ce que vous retenez de votre expérience Arbre de vie et ce que cela vous donne envie concrètement de mettre en place. C’est la partie où, si tout se passe bien, on peut commencer à se projeter sereinement dans l’avenir.

• Qu’est-ce que votre arbre vous a appris sur vous, vos besoins, vos ressources et qui vous sera utile pour avancer vers votre nouveau projet de vie ? • Qu’est-ce qui, peut-être, vous a surpris ? • Qu’est-ce que le fait d’avoir réalisé votre arbre vous ouvre comme nouvelles possibilités pour vous ? • Qu’est-ce que votre arbre vous donne comme espoir par rapport à votre nouveau projet de vie ? • Quelles nouvelles idées cela vous donne pour la réalisation de votre projet ? • Quelles sont les premières actions, projets que vous vous sentez de mettre en place demain afin de rendre hommage à ce qui est important pour vous dans la vie ? • Si vous rencontrez une personne qui se cherche, qu’est-ce que votre parcours de vie vous a enseigné et que vous auriez envie de lui transmettre ? Vous venez de vivre l’expérience de réaliser votre Arbre de vie pour opérer une transition de vie. Cela vous a permis de réfléchir en profondeur à la richesse de votre vie, à vos expériences et à votre nouveau projet pour savoir s’il répond à ce qui fait sens pour vous, à vos valeurs et vos espoirs.

Partie III

L’ARBRE DE VIE ET LES PRATIQUES NARRATIVES

9 LES PRINCIPAUX CONCEPTS DES PRATIQUES NARRATIVES

DANS CE CHAPITRE, je vous propose de découvrir un peu plus les principaux concepts narratifs évoqués dans ce livre.

D’OÙ VIENNENT LES PRATIQUES NARRATIVES ? Les Pratiques Narratives ont vu le jour en Australie, il y a un peu plus de trente ans. Michael White (1948-2008), thérapeute australien, et David Epston, thérapeute néo-zélandais, en sont les deux chefs de file. L’introduction des Pratiques Narratives dans notre pays est plus récente : elle date de 2004, quand Isabelle Laplante et Nicolas De Ber, les fondateurs de Médiat Coaching, ont invité Michael White pour la première fois en France. C’est une approche issue de l’accompagnement collectif. Elle a été mise au point et éprouvée par des travailleurs sociaux. Ce n’est pas un hasard si elle est née en Australie. Ce continent a été le lieu d’une colonisation particulièrement violente. La population d’origine y a été la victime d’un double génocide. La quasi-totalité des Aborigènes a été éliminée physiquement et, dans ce qui restait de leurs communautés, la pratique systématique a été d’enlever les enfants à leur famille pour les placer chez des colons afin de les détacher de leur culture ancestrale.

Depuis lors, des problèmes dramatiques se sont multipliés au sein des communautés aborigènes, notamment l’alcoolisme, la violence, l’inceste. La déscolarisation fait aussi partie des maux endémiques de cette société. Des psychologues et thérapeutes blancs ont été sollicités. Parmi eux, Michael White qui s’est démarqué par une posture originale. Il a dit aux Aborigènes : « On nous demande de vous aider à résoudre des problèmes que nous avons créés. C’est un peu compliqué pour nous. Nous ne connaissons rien à votre culture, à vos traditions. Donc, tout ce que nous pouvons faire pour vous aider est de vous demander de nous expliquer comment, dans votre culture et vos traditions qui ont 50 000 ans, vous pensez le monde, et d’y rechercher si, par hasard, elles proposeraient des solutions qui ont déjà été élaborées pour résoudre les problèmes de la communauté. » Pour moi, le fondement même des Pratiques Narratives est là, dans cette posture modeste que Michael White adopte face aux Aborigènes. C’est l’autre qui sait, qui est expert de sa vie. C’est l’autre, en nous parlant de ce qu’il vit, en répondant à notre invitation de nous aider à l’aider, qui va s’aider lui-même. Individu ou communauté, chacun possède en lui la ressource de développer les histoires qui le rendront plus fort. L’Approche Narrative est une pratique engagée. Elle a été initiée pour accompagner les minorités, les gens qui souffrent, pour restaurer les identités abîmées. Globalement, c’est une pratique fondée sur l’idée que les récits que nous produisons en permanence sur notre vie peuvent soit nous enfermer, soit nous libérer, et qu’une situation, une personne ou un groupe ne se résument pas au regard que certains peuvent porter sur eux. Fondée sur des techniques de conversation sophistiquées, l’Approche Narrative ne se focalise pas sur les problèmes mais, au contraire, sur les compétences déployées par les personnes et les groupes lorsqu’ils résolvent eux-mêmes leurs problèmes. Tout tourne autour d’un principe fondateur : la personne est Auteur. Elle est l’auteur de sa vie. Être Auteur de sa vie, c’est avoir la perception qu’on a le choix. C’est vivre en accord avec ses valeurs, ses espoirs, ses principes. C’est se rapprocher de ce qui est important pour nous dans la vie. En général, on dit que l’accompagnant de l’Approche Narrative n’a aucune intention pour son client. Je dirais quant à moi que le praticien narratif a une intention, une seule, pour la personne qu’il accompagne et peu importe ce

qu’elle vient travailler avec lui : c’est qu’elle redevienne Auteur de sa vie. Telle est la finalité d’un accompagnement narratif. Et, pour redevenir auteur de sa vie, les Pratiques Narratives proposent à l’accompagnant une posture spécifique, des concepts dont certains ont été évoqués dans ce livre et que je vous propose de développer un peu plus dans ce chapitre.

LA POSTURE DE L’ACCOMPAGNANT : DÉCENTRÉE ET INFLUENTE La posture de l’accompagnant est l’un des principes de base des Pratiques Narratives qui intègre à lui seul à peu près toutes les intentions de cette pratique. L’accompagnant est invité à adopter une posture spécifique que l’on dit « décentrée et influente ». La posture décentrée La posture décentrée pourrait se résumer en trois points. • La personne que l’on accompagne constitue le centre du dispositif narratif. Elle est le lieu du savoir. L’accompagnant pose des questions afin de faire apparaître – de libérer – ce savoir. • La personne que l’on accompagne a le statut d’Auteur principal de sa vie. Si elle est insatisfaite de ce qu’elle vit, c’est qu’elle sait pourquoi, c’est que, de manière implicite, elle sait ce qui pourrait être mieux pour elle. Elle est « l’expert de sa vie ». Ce point est très important, car il nous invite à adopter une posture de pure curiosité, comme un journaliste d’investigation, sans préjugé, sans idée préconçue. L’accompagnant narratif ne fait que poser des questions. Il va questionner ce que la personne sait de sa vie : « Dis-moi, racontemoi… Comment as-tu fais ? Qu’est-ce qui t’a permis de… ». Ce point est important également, car il permet à l’accompagnant d’abandonner son savoir et le protège ainsi de toute interprétation. • La capacité essentielle du praticien narratif est de donner la priorité aux savoirs, compétences, connaissances, expériences de la personne. Il

s’agit pour lui de développer une double écoute : écouter l’histoire du problème mais aussi et surtout la façon dont la personne réagit face à ses difficultés, comment elle tente de se protéger, tout ce qu’elle a mis en place sans nous attendre. Et pour cela il faut une écoute particulière. David Epston parle d’une « écoute engagée ». Il dit : « On peut écouter pour juste recueillir de l’information, et c’est une écoute plutôt passive. Ou, bien on peut écouter pour une autre histoire ». Il s’agit alors d’entendre tout ce qui est en contradiction, en porte-à-faux avec l’histoire du problème, afin d’utiliser ce matériau pour construire avec notre client une histoire alternative. Une histoire qui parle de la manière dont la personne surmonte son histoire de problème, qui parle des moments où la personne a eu le dessus sur cette histoire, qui parle des fois où le problème est carrément absent. Là, nous sommes dans l’écoute active, engagée. Cela demande d’être « hyper présent » pour ne rien perdre de ces pépites dissimulées au sein du « discours sur le problème ». Stephan Madigan, thérapeute canadien, tout premier élève et collaborateur de Michael White et David Espton, a partagé avec nous sa technique pour développer cette écoute. Une technique que j’utilise moimême aujourd’hui et qui consiste pour l’accompagnant à noter ce que dit son client en partageant sa feuille en deux dans le sens de la longueur. Il note à gauche tout ce qu’il entend et qui a trait à l’histoire du problème, par exemple : « je suis perdue, je n’y arrive pas… », et il note à droite tout ce qu’il entend et qui pourrait être la porte d’entrée d’une autre histoire, d’une histoire alternative qui parle de compétences, de valeurs, d’exceptions, de résistance au problème : « Des fois, pas toujours, il m’arrive, j’essaie, pourtant je fais des efforts… ». Dans mon travail, aujourd’hui, ma principale mission face à un client que j’écoute, est d’avoir le plus de choses possible dans la colonne de droite. Et quand, je reformule ce qu’il m’a dit, je reformule aussi bien ce qui est à gauche qu’à droite, mais j’explore principalement ce qui est à droite. Je vais lui dire, par exemple : « Parmi tout ce que vous m’avez dit, j’ai entendu que vous faisiez des efforts, pouvez-vous me donner un exemple d’efforts que vous faites et qui m’aiderait à comprendre ? ». Et, là, on sort un moment de l’histoire du problème. On prend une autre route qui va nous conduire

ailleurs, à un endroit plus ressourçant pour notre client. Ce qui fait que, lorsqu’on reviendra à l’endroit du problème, il se sentira moins démuni. La posture influente La posture influente pourrait quant à elle se résumer en deux points : • C’est une posture qui permet de construire au moyen de questions un contexte où la personne peut décrire plus richement d’autres histoires de sa vie que celle du problème, des histoires au contraire en accord avec ses intentions, ses espoirs, ses valeurs, ses buts… Dire juste qu’elle fait des efforts ne suffit pas. On va poser un maximum de questions pour enrichir, ancrer l’expérience : « Comment cette idée de faire ce type d’effort vous est-elle venue ? Qu’est-ce que cela dit de vous en termes de compétence ? Cette compétence, comment l’avezvous acquise ? Qui sait cela de vous ? Qu’est-ce que cette personne vous a vu faire, qui lui permet de reconnaître cette compétence en vous ? » Etc. C’est cela, décrire plus richement d’autres histoires. Et, pour notre client, les raconter est aussi revivre ces moments où il est dans l’action, où il ne subit pas. Plus on enrichit, plus on développe, et plus cela permet à d’autres expériences – et aux ressources – de refaire surface. C’est une posture influente, car l’accompagnant sait qu’avec ses questions il amène son client ailleurs que sur le terrain du problème et qu’il aide la personne à renforcer d’autres histoires qui la rendront plus forte. • C’est une posture qui induit la personne accompagnée à entrer dans des territoires qu’elle a laissés à l’écart. C’est-à-dire qu’on l’amène à aller explorer d’autres histoires de sa vie, oubliées ou délaissées au profit de l’histoire du problème. Une personne envahie par une histoire de problème est comme si elle habitait une seule pièce de sa maison. Avec ses questions, l’accompagnant va l’inviter à redécouvrir les autres pièces. La maison est une métaphore de la vie : il s’agit d’habiter pleinement sa vie, de se rapprocher de ce qui est important.

LE CLUB DE VIE

Sans l’autre, nous serions invisible à nous-même. Le Club de vie est en quelque sorte le club de soutien de la personne. Une personne qui vit des difficultés peut vite se sentir seule face à ce qu’elle vit. D’où l’importance de recréer du lien pour la sortir de l’isolement. Les problèmes s’aggravent quand on est isolé. D’où l’importance de créer des communautés de soutien. De plus, quand on accompagne une personne et qu’une nouvelle histoire, plus séduisante, commence à émerger, le praticien narratif va chercher comment aider la personne à s’y cramponner, à rester en lien avec cette histoire. Rester connecté à l’histoire préférée émergente peut constituer pour beaucoup un sacré défi. Une des façons d’y arriver est de trouver des témoins qui serviront de public. Ce concept narratif consiste à considérer sa vie comme un club. Tous les gens qui sont associés à notre vie courante en sont les adhérents. Dans certains cas, nous les avons sciemment invités ; dans d’autres, nous n’avons pas eu le choix. Certaines voix peuvent se voir attribuer davantage d’autorité quant à notre identité personnelle et cela a pour effet de disqualifier d’autres voix. Pour ce faire, les Pratiques Narratives proposent les conversations de regroupement que l’on appelle aussi les conversations de re-membering1 qui engagent les personnes à choisir délibérément qui elles souhaitent voir fréquenter plus souvent leur Club de vie. C’est un processus puissant qui intègre et revalorise la contribution des personnages importants dans la vie de la personne. Dans l’idée de : « Qui nous a donné de la valeur ? Quel est le grand-père, la grand-mère, le parent, le professeur, le frère, l’ami, qui nous a donné la conscience de notre droit à exister ? ». Les conversations de re-membering sont présentées par Michael White comme un antidote à l’hyper individualisme qui maintient les gens qui souffrent dans leur isolement. Les conversations de re-membering favorisent le développement d’une conception de l’identité qui met la relation au centre de la vie et permet une compréhension vivante de soimême. La personne est dans la vie quand elle est en relation avec les autres. C’est comme la double écoute où l’on donne la priorité aux savoirs, aux compétences de la personne. Dans les relations qui entourent la personne,

on va aussi donner la priorité et mettre en lumière toutes celles qui ont ou ont eu une influence positive dans sa vie. Les conversations de re-membering permettent de prendre conscience qu’il y a des personnes qui contribuent ou qui ont contribué positivement à notre vie, mais que nous aussi nous contribuons positivement à leur vie. Le Club de vie peut se travailler de différentes manières. Avec l’Arbre de vie, ce seront les feuilles. Dans une conversation classique de coaching, le type de questions qui aide à faire émerger les personnes ressources : • En présence de qui le problème n’est jamais là ? • Si je voulais en savoir plus sur cette nouvelle compétence que vous avez, qui d’autre que vous pourrait m’en parler ? • Est-ce qu’il y a quelqu’un à qui tu aurais envie de raconter ta nouvelle direction ? • Qui autour de toi serait content d’apprendre ces nouveaux développements dans ta vie ? • Parmi toutes les personnes que tu as connues ces dernières années, qui ne serait pas étonné que tu aies pris cette nouvelle direction ? • Qui sont tes alliés dans l’entreprise ? • Qui partage tes idées ? • Sur qui tu peux compter ? Les objectifs du processus : • Reprendre contact avec des figures oubliées, avec lesquelles on a partagé des expériences positives. • Remanier les appartenances : réintégrer des personnages, en exclure d’autres, modifier l’importance de chacun d’entre eux. • Fournir une compréhension bilatérale des relations, insister sur la mutualisation des apports. • Encourager un réengagement délibéré avec les personnages significatifs. Tout ce qui est important pour une personne a une histoire et cette histoire est portée par des gens. Notre vie est reliée à celle des autres autour de thèmes partagés et précieux. Les conversations de re-

membering invitent des personnes à se remémorer ce qui est important pour elles et à faire venir au premier plan des personnes qui ne seraient pas étonnées de cela. L’objectif étant de permettre à la personne de se reconnecter à ses définitions identitaires préférées. Quand un nom émerge enfin, avant de l’intégrer au Club de vie, on va poser quelques questions pour que cette personne s’incarne un maximum et qu’elle puisse devenir ressource le moment venu. Questions : • Est-ce que tu peux me parler de cette personne ? Qui est-elle, quel est son nom, comment vous vous êtes rencontrés, depuis quand ? qu’est-ce qui fait que vous vous êtes captés ? • À ton avis, en quoi ta vie a-t-elle été influencée par elle ? • Qu’est-ce que tu apprécies particulièrement chez elle ? • Qu’est-ce qu’elle apprécie chez toi ou qu’est-ce qu’elle a vu que peutêtre personne d’autre n’a vu ? • Donnes-tu beaucoup d’importance à la manière dont elle contribue à ta vie ? • En quoi ton existence a-t-elle été différente du fait de la connaître ainsi ? Terminer toujours en demandant : • Qu’est-ce que cela te fait de parler de toi et d’elle comme on vient de le faire ? • Est-ce que tu penses que de te souvenir de ton lien avec elle pourrait t’ouvrir de nouvelles possibilités dans ta vie, ton travail ? • Y a-t-il autre chose que tu aimerais rajouter avant que nous arrêtions ?

TRAVAILLER AVEC DES TÉMOINS EXTÉRIEURS Pourquoi inviter des témoins extérieurs ?

Les gens deviennent des gens grâce à d’autres gens. Quand on accompagne une personne et qu’elle avance vers ce qu’elle veut pour sa vie, l’idée est d’inviter à nos séances des témoins judicieusement choisis, afin de faire rayonner et de rendre visible à un plus grand nombre ses avancées. Cela permet d’apparaître devant les autres et recueillir des témoignages sur sa valeur, sa vitalité, son être. C’est la reconnaissance de ses histoires préférées. Le travail avec des témoins extérieurs permet de contribuer aux développements des histoires riches et l’épanouissement durable des orientations préférées de la vie des gens. Il permet de sortir de l’isolement et de traiter les problèmes d’invisibilité et de marginalité. Il favorise une « Définition collective de soi ». Michael White parle de la pertinence d’un auditoire pour le développement des histoires riches, pour le maintien et le développement des buts préférés dans la vie des gens. Ce concept a été inspiré par Barbara Myerhoff et son travail au projet identitaire d’une communauté de personnes âgées juives à Venice, Los Angeles, au milieu des années 1970. Beaucoup des membres de cette communauté avaient quitté les camps d’Europe de l’Est et émigré en Amérique du Nord alors qu’ils étaient enfants. Plus tard à l’âge de la retraite, ils avaient été attirés par la douceur du climat de la Californie du Sud, bonne pour leur santé et par les bas prix du logement pratiqués à Venice, un quartier balnéaire de Los Angeles. Un grand nombre d’entre eux étaient relativement seuls du fait de la disparition pendant l’Holocauste de leur famille élargie et aussi du fait d’avoir survécu à leurs propres enfants. Pour beaucoup d’entre eux, l’isolement les avait conduits à l’incertitude concernant leur existence. Un sentiment d’invisibilité aux yeux de la communauté au sens large, aux yeux de leur environnement immédiat et à leurs propres yeux. Grâce au travail de Barbara Myerhoff, ces personnes ont pu récupérer et redonner de l’énergie à leur sentiment d’existence. Dans tout ce qui a été mis en place, c’est le travail avec des témoins extérieurs qui a joué le rôle le plus puissant. Concrètement l’idée consiste, à un moment de l’accompagnement, quand la personne a bien avancé vers son projet, quand elle a mis à jour ce qui est important pour elle, à lui demander : « Que diriez-vous d’une séance où nous inviterions une ou plusieurs personnes à qui vous pourriez rendre

visible vos projets, vos avancées, ce qui est important pour vous ? À qui souhaiteriez-vous et/ou à qui ce serait utile de rendre visible tout ce qui a émergé lors de nos séances et qui est précieux pour vous ? ». Le protocole d’invitation pour un témoin extérieur Si elle d’accord, elle va me désigner une personne. Je peux aussi lui proposer une personne qui me paraît judicieuse pour elle, comme un ancien client qui a connu à peu près les mêmes difficultés qu’elle et qui viendra partager son expérience avec elle. Je lui rends transparentes toutes les étapes du protocole. Je négocie avec elle ce qu’elle a envie de partager et ce qu’elle ne souhaite pas partager avec le témoin extérieur. Je prépare le témoin quand il arrive sur son rôle, ce que l’on attend de lui : « Je vous invite à écouter et à être sur le ressenti. Qu’est-ce que cela me fait d’être là et d’entendre cela ? Qu’est-ce qui me touche particulièrement ? Quelle image cela me donne de la personne ? Qu’est-ce que cela fait écho en moi ? Et ce qui sera différent pour du fait d’avoir été témoin de cette histoire ? ». Le travail avec les témoins extérieurs nécessite un protocole très spécifique pour éviter au témoin d’être dans l’interprétation, le jugement même positif. L’intention n’est pas de recueillir des feedbacks ni des félicitations, ni des conseils. L’intention pour le témoin est plutôt de le faire parler de son propre vécu. On le guidera en posant des questions très précises. Quand le client parle, il s’adresse à l’accompagnant pour que le témoin puisse rester dans sa posture d’accueil de ce qui est dit. Quand c’est au tour du témoin de s’exprimer, il va s’adresser à l’accompagnant pour également laisser le client accueillir ce qui est dit. Ce protocole se déroule en trois étapes. Étape 1 : narration par la cliente dont la vie est au centre

L’accompagnant interroge son client tandis que le témoin écoute. Il rappelle les grandes lignes de l’accompagnement. Il questionne son client sur ses projets, ses valeurs, tout ce qui fait sens pour lui. C’est le moment où il peut également présenter son Arbre de vie. L’accompagnant pose des questions qui encouragent la narration, qui soient pertinentes en termes d’identité personnelle et relationnelle. Le témoin écoute et se prépare en entrer en re-narration de ce qu’il a entendu. Étape 2 : la re-narration du témoin À un moment qui paraît juste pour l’accompagnant, le témoin échange sa position avec le client dont la vie est au centre. C’est le client qui est maintenant en position de témoin. Questions au témoin : • « Quels sont les mots, les expressions exprimés par le client qui ont retenus particulièrement votre attention ? » Intention : permettre à la personne de se sentir écoutée. • « Qu’est-ce que ces mots, expressions que vous avez retenus disent de ce qui est important pour la personne ? » • « Quelle image cela vous donne de la personne, de ce qui est important pour elle ? Est-ce qu’il y a une image qui vous vient ? » Intention : aider la personne à entendre ce qui est important pour elle par une tierce personne (effet miroir). • « Ces mots, expressions que vous avez retenus, à quelle partie de votre propre histoire cela fait-il écho ? » Intention : se sentir relié au témoin, donc moins seule. • « Le fait d’avoir été témoin de cette histoire, en quoi cela va venir éclairer peut-être différemment votre propre chemin ? » Intention : permettre à la personne de prendre conscience qu’elle a une influence sur la vie des autres. Donc je suis utile à l’autre. • « Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ? »

Étape 3 : la re-narration de la re-narration par le client On termine toujours en revenant au client, en lui posant sensiblement les mêmes questions qu’au témoin : Questions au client : • « Quels sont les mots, les expressions que vous avez entendus et qui vous ont particulièrement touchés ? » • « Qu’est-ce que ces mots disent de ce qui est important pour vous ? » • « D’avoir entendu le témoignage du témoin, qu’est-ce que cela vous donne comme espoir concernant votre vie, vos projets ? » • « En lien avec ces espoirs, qu’est-ce que vous vous voyez faire concrètement en lien avec vos projets ? » • « Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ? » Il ne faut jamais perdre de vue que quand l’un parle, l’autre écoute, ne jamais perdre de vue que c’est son client que l’on accompagne, pas le témoin même si, dans le meilleur des cas, c’est profitable aux deux. Pour terminer, je dirais que l’accompagnant a la responsabilité éthique des conséquences de la participation d’un témoin extérieur. D’où le questionnement et le cadre spécifique qui permet au témoin de penser audelà de ce qu’il pense habituellement.

10 D’AUTRES MÉTHODES MÉTAPHORIQUES AVEC LES IDÉES NARRATIVES

DANS LE MÊME ESPRIT QUE L’ARBRE DE VIE, je partage avec vous d’autres exemples de méthodes métaphoriques issues également des Pratiques Narratives et conçues par David Denborough. David développe toujours des méthodes en fonction des personnes, des contextes, des pays, des cultures et elles sont toutes aussi simples et concrètes que l’Arbre de vie. Il y en a deux que j’utilise aussi très souvent dans mes accompagnements, il s’agit du Voyage de vie et de l’Équipe de vie. Je vais vous en parler plus succinctement. Ces deux méthodes s’utilisent avec la même posture, les mêmes intentions et éthique que pour l’Arbre de vie.

LE VOYAGE DE VIE C’est une méthode d’accompagnement que l’on doit également à David Denborough, tiré de son livre Retelling the stories of our lives (reraconter les histoires de nos vies). Le chapitre concerné s’intitule « Life as a Journey : Migrations of Identity » (La vie comme un voyage : migrations d’identité). Une alternative à l’Arbre de vie

J’ai découvert le Voyage de vie plus récemment. Tout comme l’Arbre de vie, il y a quelques années, j’ai tout de suite été séduite par cette nouvelle métaphore qui est un beau moyen d’aborder la vie comme un voyage. Et comme tous les voyages, il y a des chemins parcourus et des chemins encore à parcourir. Il y a les compagnons de route, les lieux que nous avons envie de visiter, réels ou symboliques, les obstacles qui se sont mis sur notre chemin, des souvenirs que nous allons garder, les chansons qui nous ont accompagnés, etc. J’ai tout de suite eu envie de l’utiliser, ce que j’ai fait depuis, notamment avec les personnes en transition de vie, avec une jeune fille déscolarisée, avec un groupe classe sur la confiance et l’orientation. Et je suis fascinée par la richesse que cela a produit à chaque fois. L’Arbre de vie tout comme le Voyage de vie restent un moyen d’engager une conversation ressourçante avec la personne que l’on accompagne. Ce sont des moyens très efficaces pour libérer l’expression, faire raconter et reraconter des histoires et entrer de plain-pied dans les expériences de vie très rapidement. Parfois, c’est difficile d’entrer dans l’expérience et de faire raconter des histoires. Le Voyage de vie est une métaphore propice pour évoquer des histoires de vie. Chronologiquement, elles viennent toutes seules, toutes les histoires de vie, les belles et les moins belles. Mais quand on évoque les moins belles, c’est toujours sous l’angle de : « comment les at-on surmontées, contournées, dépassées ? ». Quant aux belles expériences, elles vont nous renseigner sur les valeurs, les espoirs et le sens qu’elles ont pour les personnes. On remplit au fur et à mesure son Kit de survie qui regroupe tout ce que l’on a appris, développé en chemin et qui nous a aidés. Ce que permet le Voyage de vie, c’est d’entrer très rapidement dans les expériences/histoires de vie. Les compétences, qualités, valeurs sont immédiatement illustrées par les expériences racontées. On sort la personne de l’isolement car on a accès automatiquement à ceux qui ont croisé notre chemin, aux témoins de ces expériences, donc au club de soutien. On remplit son Kit de survie en route et, quand on a fini la conversation, on a abordé beaucoup de sujets de manière fluide et naturelle. De plus, ce je que j’ai pu constater, c’est que c’est dynamique ; la métaphore du chemin met les personnes en mouvement et ça ajoute une notion de temporalité très intéressante.

Une fois le Kit de survie et le club de soutien bien remplis, on peut se retourner vers le chemin à parcourir et voir ses rêves et projets plus accessibles. On peut anticiper les obstacles qui peuvent survenir en se sentant plus fort pour les surmonter. C’est une belle alternative à l’Arbre de vie. Avec l’Arbre de vie, on est principalement dans l’histoire préférée de la personne, il a clairement pour intention de recenser tout ce qu’il y a de précieux pour la personne pour pouvoir se sentir plus fort face aux épreuves de la vie. Le Voyage de vie a cette même intention mais aborde plus de sujets et notamment les moments difficiles. Il permet également d’intégrer de multiples métaphores liées au voyage. Il faut dire qu’une mission d’accompagnement avec une personne, c’est déjà un voyage que l’on fait ensemble et qui nous amène d’un endroit à un autre, vers un désir, un objectif. Donc c’est très naturel, pertinent et évident dès que l’on parle de voyage, de chemin. Et puis, quand on voyage, on peut prendre plusieurs chemins : le chemin professionnel, le chemin scolaire, le chemin de vie, etc. Je dirais presque que, si j’avais une seule séance à faire avec une personne, je lui ferais faire son Voyage de vie car il permet d’aborder : passé, présent, futur, ressources, problèmes, rêves, projets, club de soutien… On documente et on repart avec son voyage de vie que l’on va pouvoir raconter et partager, si on le souhaite, quand on le fait en groupe. Le protocole d’utilisation du Voyage de vie On invite tout d’abord, la personne à prendre une grande feuille de papier et à dessiner un chemin sinueux ; au milieu du chemin, dessiner un cercle. Ce sera le cercle de soutien. À gauche du cercle, le chemin correspond au « chemin parcouru » ; à droite, le « chemin à parcourir ». La personne inscrit ces mentions sur le schéma. Elle dessine également à un endroit de la feuille une valise qui sera le Kit de survie qui accueillera toutes les compétences développées en chemin. Partie 1 : se tourner vers le passé • Le chemin parcouru : « D’où venez-vous ? »

• Le voyage de vie professionnelle : « Au tout début du chemin, inscrivez d’où vous venez. Notez chronologiquement tous les évènements et expériences significatifs de votre parcours professionnel. Racontez chaque expérience ou évènement. En cas d’expérience positive, qu’est-ce qui a permis la réussite de cette expérience ? Quelle compétence avez-vous développé ? Quelles valeurs se sont exprimées ? Quels sont les témoins de ces réussites ? Qui ne serait pas étonné de cette réussite ? Après chaque exploration d’expérience on remplit le kit de survie et le cercle de soutien. • Les obstacles dépassés et les rivières traversées : « Tout au long du chemin parcouru, dessinez des rochers (ou une montagne) et une rivière pour symboliser les obstacles que vous avez surmontés, au cours de votre vie professionnelle. Indiquez comment vous avez réussi à surmonter ou à contourner ces obstacles et comment vous avez traversé la rivière. Comment y êtes-vous parvenu ? Qui vous a aidé ? » Après chaque exploration, on remplit le kit de survie et le cercle de vie. « Autour du cercle de soutien, écrivez les valeurs clés, les croyances, les principes qui ont guidé votre voyage de vie professionnelle. Ces valeurs sont comme notre boussole. Elles nous guident sur notre chemin. D’où viennent ces valeurs ? Qui nous les a transmises ? • Les lieux favoris : « Tout au long du chemin parcouru, listez ou dessinez les lieux favoris où vous vous êtes déjà rendus : Lieux géographiques et/ou symboliques (entreprises, secteurs, pays…) ». Chaque expérience racontée doit permettre à la personne de remplir son kit de survie et son cercle de soutien de compétences et de témoins bienveillants. Partie 2 : aller de l’avant C’est le moment de se diriger vers l’avenir, le chemin à parcourir : • Vers où vous vous dirigez : « Sur le chemin à parcourir, inscrivez vos espoirs, vos rêves, vos vœux, vos projets professionnels. Ils peuvent vous concerner ou être destinés à votre équipe. Depuis combien de temps avez-vous ces espoirs, rêves, projets ? Comment êtes-vous restés attachés à ces espoirs, rêves, projets ? Qui vous a aidé ? Qu’est-ce qui

dans votre kit de survie va pouvoir vous aider ? Sur qui dans votre Cercle de vie vous allez pouvoir compter ? » • Les lieux que vous souhaitez voir, visiter : « Tout au long du chemin à parcourir, nommez des lieux que vous souhaitez visiter (seul ou avec des personnes de votre cercle de soutien) au cours de votre vie professionnelle : lieux réels ou symboliques (secteurs, entreprises…). » • Les cadeaux que vous souhaitez offrir : « Considérez les cadeaux que vous avez reçus et notez sur le chemin à parcourir des cadeaux que vous souhaitez offrir ou partager. Il peut y avoir des cadeaux non reçus que vous voulez transmettre. » • Les obstacles à dépasser et les rivières à traverser : « Sur le chemin à parcourir dessinez un rocher ou une montagne pour symboliser un obstacle professionnel que vous pourriez avoir à surmonter et une rivière que vous pourriez avoir à traverser. Comment saurez-vous identifier les moments où ces challenges surviendraient ? Comment est-ce que vous et votre cercle de soutien ferez pour empêcher, contourner, et dépasser ces difficultés ? Écrivez ces réponses à côté des obstacles dessinés sur le parcours à venir. Comment resterez-vous fort face aux problèmes ? Regardez votre kit de survie. Est-ce que vous vous servirez des mêmes outils ? Ou (quoi) d’autres ? Si vous allez vous servir d’autres, ajoutez-les à votre kit de survie. » • Les chansons du voyage : « Quelles sont les chansons que vous entendrez et qui vous soutiendront au cours du voyage ? Notez sur le côté les chansons que vous prendrez avec vous. Pourquoi ces chansons en particulier ? Quel sens leur donnez-vous ? » Partie 3 : regarder son voyage d’en haut, comme un aigle • Les souvenirs agréables : « Tout en longeant le chemin à parcourir, quels sont de bons souvenirs professionnels que vous emporterez avec vous dans l’avenir ? Dessinez des étoiles le long du chemin pour les représenter. Décrivez ces bons souvenirs. Incluez les bruits, les visions, les goûts, les sensations tactiles, les odeurs associés. Qui a joué un rôle dans ces souvenirs ? Comment et quand vous remémorerez-vous ces souvenirs ? Pourquoi ces souvenirs sont-ils

précieux pour vous ? Qu’ont-ils à vous offrir ? Qu’est-ce qu’ils continueront d’offrir dans l’avenir ? Inscrivez vos réponses à l’intérieur et à côté des étoiles. » • Un nom pour votre Voyage : « Donnez un nom à votre schéma chemin qui symbolise le sens que vous donnez à votre « Voyage de Vie » professionnelle. » • Un message à autrui : « Repensez à tout ce dont vous avez parlé. S’il y avait quelque chose à partager avec une jeune personne positionnée au tout début de son propre parcours professionnel, un message, un proverbe, qu’est-ce que ce serait ? Quelle serait une leçon apprise que vous souhaiteriez lui transmettre ? » Un cas de Voyage de vie « Trouver en soi les ressources pour retourner en cours après deux années de phobie scolaire. »

Margaux a 17 ans. C’est une jeune fille extrêmement intelligente, vive et pleine de projets pour sa vie. Elle a une famille aimante qui la soutient, des amis fidèles. Tout pourrait aller super bien pour elle si « Crise d’angoisse » ne s’était pas invitée dans sa vie brutalement quand elle était en 3e. En seconde, cela a eu pour effet qu’elle s’est retrouvée déscolarisée malgré elle. Cette année, elle en a redoublé sa 1re. Margaux arrive parfois à retourner en cours comme récemment quand son ami Dylan est venu la chercher. • Nom du voyage : Chemin de l’épanouissement. • Cercle de soutien, mes compagnons de voyage, ceux sur qui je peux compter : papa et maman (très présents, ouverts, très à l’écoute), Aliénor, Dylan qui prend régulièrement mes cours, Capucine, Zayat, famille au sens large, Shana, Mme Z. (ma professeur de maths que j’adore), Fabrice (un surveillant qui m’a soutenue), Mme L., les mangas… • Les valeurs qui me guident (comme une boussole, elles éclairent mon chemin) : combativité (même quand j’étais mollusque à la maison, j’ai

toujours fait des choses), éducation, famille, amitié, honnêteté, sincérité. • Mon kit de survie : sophrologie qui a contribué à apaiser mes angoisses, rêveuse, pâtisserie, mangas, musique, coloriage, sport, autonomie (étudier seule à la maison), amitiés, guitare, motivation personnelle, force d’argumentation et de conviction (quand on a voulu me renvoyer du lycée et que j’ai argumenté pour qu’ils me gardent), sincère, courageuse, sensible, moi-même, un fond de confiance, combative, expressive, savoir demander de l’aide (parler, dire ce que je ressens à ma famille…). • Les lieux que je veux visiter, mes rêves, mes projets : être heureuse, voyager, faire la fête, avoir le bac S, intégrer l’Insa de Strasbourg, avoir mon permis. • Les bons souvenirs, les cartes postales de mon voyage : la découverte du monde des mangas, la pâtisserie (quand je fais de la pâtisserie je ne pense à rien d’autre, j’aime que ce soit bon et beau), l’amitié (ceux qui sont restés, qui m’ont aidée, Dylan qui m’amène tous les jours mes leçons et qui passe me prendre quand je sens que j’ai la force d’aller en cours, cela a renforcé notre amitié), le rapprochement avec les personnes (ce voyage de vie m’a fait grandir et cela m’a rapprochée des autres, je suis plus attentive aux autres, j’ai des discussions plus profondes avec eux). • Un message que j’aurais envie de transmettre sur ce que m’a appris ce voyage : mon expérience, ce que j’ai réussi à mettre en place qui pourrait peut-être aider d’autres jeunes. Ne jamais rester seule, savoir aller chercher de l’aide. Conclusion : Margaux a changé d’image sur elle-même. Elle est passée de l’image d’une jeune fille qui a un problème, qui n’arrive pas à sortir de chez elle, qui n’y arrive pas, à l’image d’une jeune fille qui a résisté courageusement à sa situation, qui avance et qui sait rebondir. Elle a gagné en confiance et a pu progressivement trouver sa solution pour avancer vers ses projets. Aujourd’hui elle a eu son bac avec mention et continue ses études en province.

L’ÉQUIPE DE VIE David Denborough raconte dans son livre, L’Approche narrative collective, qu’il a été amené à rencontrer il y a plusieurs années, près de la frontière soudanaise, un groupe de jeunes réfugiés soudanais, anciens enfants soldats. Quand David est arrivé, les jeunes étaient sur un terrain à jouer au football. David a pu observer leurs rires. Ils étaient animés, en action, à marquer des buts et à se féliciter en se tapant sur l’épaule. Ils étaient unis dans la joie et le plaisir. Quand ces mêmes jeunes ont été invités par un travailleur social à venir s’asseoir en cercle pour évoquer les souffrances et difficultés qu’ils ont rencontrés dans leur vie, les visages se sont fermés, leurs têtes si fières et droites quand ils étaient sur le terrain de foot ont commencé à se baisser et l’énergie est complètement retombée. Cette expérience a inspiré David qui a imaginé une nouvelle approche de travail orientée vers des jeunes victimes d’un trauma. Comment répondre aux traumas en se fondant sur les talents et savoirs dont font preuve les jeunes sur un terrain de football. L’intention Utiliser la métaphore du foot et la richesse du sens véhiculé par la culture du sport et les expériences sportives pour permettre aux jeunes qui ont vécu des expériences difficiles de parler de leur propre vie autrement. David a conçu une méthode en cinq étapes : • Ce que l’on aime dans le jeu. • Créer ses équipes de vie. • Célébrer les buts. • Tacler les problèmes. • Éviter les obstacles et aider les autres. Le protocole d’utilisation de l’Équipe de vie

L’endroit le plus favorable pour tenir des conversations d’Équipe de vie, c’est idéalement un terrain de foot. Cela peut se passer autour d’un match de foot et profiter des mi-temps pour parler. Je parle de foot mais on peut bien évidemment utiliser tous les sports en toile de fond. Chaque étape peut convenir aussi bien à des groupes qu’en individuel. Étape 1 : ce que l’on aime dans le jeu La discussion commence autour de l’amour du jeu. Exemples de questions : • Depuis combien de temps aimez-vous le football ? • De qui tenez-vous cet amour du foot ? • Qui vous a amené à ce sport ? • Qu’est-ce que vous préférez dans ce jeu (par exemple, ce que je préfère c’est le collectif, le jeu, le talent…) ? • Est-ce que vous pouvez me raconter une histoire qui illustre ça ? • Est-ce que le collectif, le jeu, le talent sont des choses également importantes pour vous dans d’autres moments de la vie ? • Selon vous, qui vous a appris que le talent, le collectif… étaient des choses importantes ? • Avez-vous un joueur préféré ? Lequel ? Qu’est-ce que vous appréciez chez lui qui fait que c’est votre joueur préféré ? • Parmi les compétences, les valeurs que vous appréciez chez lui, lesquelles vous parlent le plus ? • Vous reconnaissez-vous particulièrement dans certaines compétences, valeurs ? • Vous identifiez-vous avec certaines qualités de votre joueur préféré ? L’idée est que si le jeune apprécie tel aspect du joueur, il y a de fortes chances que ce soit une qualité à laquelle il accorde lui-même de la valeur. Étape 2 : créer son Équipe de vie

Dans le même esprit que les feuilles de l’Arbre de vie, on invite chaque jeune à constituer sa propre équipe de vie. On lui fait dessiner sur une grande feuille un terrain de foot, avec les buts, positionner les joueurs à tous les postes et faire le parallèle entre une équipe de foot et son équipe dans la vie, dans l’idée de recenser toutes les personnes qui ont le plus d’influence positive dans sa vie. Celles qu’il souhaite intégrer dans leur équipe de vie. Constituer en quelque sorte son club de soutien. On utilise la métaphore de tous les postes d’une équipe de foot pour aider à identifier au plus près ceux qui sont ressources pour nous dans la vraie vie. La discussion vise à donner un nom à tous les membres de l’équipe de vie. Exemples de questions : • Gardien de but : « Qui t’aide à garder ce qui est important pour toi dans ta vie ? » • En défense : « Qui t’aide à protéger ou à défendre ce qui est précieux pour toi dans la vie ? » • Les attaquants : « Qui t’aide à réaliser tes objectifs ou à atteindre tes buts ? » • Le coach : « Sur qui peux-tu compter pour te soutenir, te motiver, te conseiller ? » • Banc des remplaçants : « Qui t’aide parfois et parfois pas ? » • Etc. Étape 3 : Célébrer les buts • Quel est le meilleur but que tu as vu marqué en vrai ou à la télé ? Ensuite l’idée est de s’intéresser aux buts que les participants ont marqués dans leur propre vie : • Est-ce que tu peux me citer un but que tu as été personnellement capable d’accomplir cette année ? • Cela faisait combien de temps que tu y pensais quand tu y es parvenu ? • Comment t’es-tu entraîné et préparé pour atteindre ce but ?

Étape 4 : tacler les problèmes Le but est de permettre aux jeunes de parler des talents particuliers qu’ils ont pour tacler les problèmes. On commence par parler du foot et on continue en parlant d’eux. • Il y a plusieurs manières de faire des tacles au football, quelles sont les différentes façons que tu connais de faire des tacles au foot ? • Quelle est la façon que tu préfères ? Pourquoi ? Si on est sur un terrain de foot, le jeune peut montrer concrètement comment il fait. Ensuite on passe sur des exemples de tacles portés aux problèmes dans la propre vie des participants : • Y a-t-il un problème que tu as réussi à tacler cette année ? • Comment t’y es-tu pris ? Étape 5 : éviter les obstacles et aider les autres Il arrive, même aux meilleures équipes, en s’entraînant beaucoup et en faisant de son mieux, d’être confrontées à des obstacles au moment de marquer des buts. Il s’agit d’aider les participants à identifier ces obstacles. • Quels types d’obstacles imprévus peuvent rencontrer les équipes de foot ? - la pluie, - un joueur qui triche, - le terrain en pente, - le public hostile, - etc. Après avoir identifié ces obstacles, le groupe explore ensuite les conséquences de ces obstacles sur les équipes : • Est-ce de la faute de l’équipe si elle ne marque pas dans ces cas-là ? • Qu’est-ce que les équipes peuvent faire pour essayer de réagir à des circonstances injustes ?

C’est ensuite le moment de faire le parallèle avec les jeunes : • Et vous, quels sont les obstacles que vous rencontrez et qui vous empêchent d’atteindre vos buts ? • Est-ce la faute des jeunes s’ils n’arrivent pas à atteindre les buts fixés ? • Comment font les jeunes pour réagir face à ces obstacles ? L’objectif clairement est de recueillir leurs savoirs à partir de ce qu’ils aiment et qu’ils connaissent, de créer un contexte où cela devient possible de parler de leurs difficultés et de réfléchir ensemble à comment les surmonter. J’ai utilisé cette méthode avec des groupes de jeunes déscolarisés pour différentes raisons : problèmes dans leur famille, problèmes de comportement… L’Équipe de vie m’a permis de créer l’alliance en commençant avec eux sur un terrain qu’ils connaissent, qu’ils apprécient et où ils sont experts, du moins plus que moi. L’Équipe de vie a permis à ces jeunes d’avoir une double vision de leurs expériences de vie : une qui reconnaît leurs difficultés et une qui reconnaît toutes les manières richement nuancées avec lesquelles les jeunes et ceux qu’ils aiment répondent aux difficultés.

Conclusion Avez-vous une histoire à raconter avec un arbre ?

QUAND JE PROPOSE L’ARBRE DE VIE à une personne que j’accompagne je commence souvent en lui demandant : « Quelle histoire avez-vous avec les arbres ? Est-ce qu’il y a un arbre que vous aimez particulièrement ? Que représentent les arbres pour vous ? Est-ce que vous avez une histoire à raconter avec un arbre ? ». Pour ma part, j’avoue que je ne me suis jamais vraiment posé la question. Mais, au moment d’écrire ce livre, il me vient l’envie d’y répondre moimême. Sur le moment j’ai comme l’impression de ne pas avoir d’histoires avec les arbres. J’en parle à mon amie Véronique qui m’aide en me posant quelques questions et, petit à petit quelques souvenirs me reviennent, ils ne me paraissent d’abord pas si importants. Le premier souvenir qui me vient est un pique-nique avec ma mère et mes frères et sœurs au pied d’un prunier. C’est l’été, il fait chaud. Ma mère a choisi cet endroit de verdure pas très loin de chez nous pour étaler une grande nappe par terre. Elle nous regarde courir dans tous les sens autour de l’arbre. Avec mes frères et sœurs nous grimpons sur l’arbre et cueillons des prunes. J’ai 6 ans et je suis fascinée qu’un arbre produise des fruits que l’on puisse manger. C’est comme de la magie. Ce jour-là la magie a tourné court car un homme est venu nous chasser violemment en nous insultant. Nous traitant de voyous, de voleurs. Nous avons eu très peur. Visiblement ce terrain et cet arbre lui appartenaient. Ma mère si timide et si douce habituellement se transforme dès qu’elle sent ses enfants menacés. Je pense qu’il s’est souvenu longtemps des mots d’oiseaux qu’il a reçus. Le pire, c’est qu’elle pensait vraiment que l’espace était ouvert pour tous. Rien ne disait que ce terrain était privé. Ce jour-là

j’ai appris que les arbres n’appartenaient pas à tout le monde comme les forêts, comme le soleil ou la mer. Quand j’y pense, c’est vrai que j’ai une affection particulière pour les arbres fruitiers. Pruniers, cerisiers, pommiers. Ces arbres magiques qui produisent des fruits et qui changent d’aspect avec les saisons. L’hiver ils sont nus et ils font au fil des saisons des bourgeons, des feuilles, des fleurs, des fruits. Ensuite leurs feuilles changent de couleurs et tombent. C’est toujours miraculeux pour moi que les arbres revivent tous ces cycles. Je me souviens qu’enfants nous aimions déguster les fruits que la nature nous offrait. Aller cueillir des mûres, des fraises sauvages, ramasser des châtaignes qui nous ramenions à la maison et que ma mère faisait cuire sur le vieux poêle à charbon. Aujourd’hui, l’odeur des marrons chauds vendus à la sortie du métro me ramène systématiquement à ces moments de mon enfance. Pour moi, ce sont des souvenirs heureux et émouvants d’abord car ils évoquent la beauté de la nature qui a été mon environnement enfant et que ces moments sont des moments partagés et heureux avec ma famille. Et pour terminer, je dirais que les arbres pour moi représentent la force, l’immortalité. Ils me rassurent depuis toujours. Ils sont les témoins silencieux de nos histoires de vie car souvent centenaires. Ils rythment les saisons avec leurs différents ramages. Ils sont des messagers de la paix avec la branche d’olivier dans le bec d’une colombe symbole du pacifisme. Et puis ils sont les ancêtres du SMS car, avant de s’envoyer des mots d’amour et des cœurs par texto, c’est sur les arbres que s’écrivaient les histoires d’amour. Des cœurs avec des initiales comme un tatouage ineffaçable, comme un pacte pour un amour éternel. Jeune, je n’ai pas échappé à ce rite romantique et, quelque part sur un des arbres d’un jardin public de banlieue parisienne, existe peut-être encore un cœur gravé avec comme initiales D & S barré d’une flèche qui est le souvenir de ma première histoire d’amour. Quand j’ai commencé à réfléchir à mon histoire avec les arbres, sur le moment rien ne venait, le grand vide un peu déstabilisant et, dès qu’un souvenir émerge, il en invite un autre et j’ai l’impression au final d’avoir des tonnes d’histoires avec les arbres à raconter, que je pourrais en écrire un livre entier. De plus, évoquer toutes ces histoires donne un sens puissant à mon travail et mon intérêt pour cette méthode qui un jour m’a séduite et que je développe depuis.

En conclusion, je dirais que c’est exactement ce qui se passe quand on accompagne une personne avec l’Arbre de vie. Au départ elle n’a pas grand-chose à dire sur elle, sur sa vie et peu à peu, les mots se gravent sur l’arbre, sont racontés et petit à petit s’invitent d’autres mots jusqu’à se repassionner par sa vie riche et pleine de sens.

Bibliographie

Ouvrages

Besnard-Péron Catherine & Dameron Béatrice (sous la direction de) – Pistes narratives pour faire face au sentiment d’échec personnel et professionnel », Hermann/L’Entrepôt, 2011. Blanc-Sahnoun Pierre – Le Roi qui croyait à la solitude, Lulu.com, 2012. Blanc-Sahnoun Pierre – L’Art de coacher, 3e édition, InterEditions, 2014. Blanc-Sahnoun Pierre & Dameron Béatrice (sous la direction de) – Comprendre et pratiquer l’Approche Narrative, InterEditions, 2009. Blanc-Sahnoun Pierre (sous la direction de) – Les Pratiques de l’Approche Narrative – Des récits multicolores pour des vies renouvelées, InterEditions, 2017. Denborough David – L’Approche Narrative collective, Lulu.com, 2011. Epston David – Down Under et Up Over, Lulu.com, 2012. Morgan Alice – Qu’est-ce que l’Approche Narrative ?, InterEditions, 2015. Nassif Pierre – Rechercher un emploi autrement, L’Harmattan, 2013. Scherrer Dina – Échec scolaire, une autre histoire possible, L’Harmattan, 2011. Scherrer Dina – La magie de la bienveillance, Leduc Editions, 2021. White Michael – Cartes des Pratiques Narratives, Ed. Le Germe/Satas, 2009. White Michael & Epston David – Les moyens narratifs au service de la thérapie, Ed. Satas, 2009.

DVD

Ncazelo Ncube – Tree of life – An approach to working whith vulnerable children Sites narratifs

https://www.dulwichcentre.com.au/ http://www.lafabriquenarrative.org/blog/

Remerciements

Merci tout d’abord aux enfants africains pour qui cette méthode a été conçue. Grâce à eux, d’autres enfants et adultes dans le monde peuvent en bénéficier. Merci à Ncazelo Ncube-Mlilo, Repssi et David Denborough – Dulwich centre qui ont mis au point l’Arbre de vie avec les idées narratives. Merci à Pierre Blanc-Sahnoun d’avoir fait voyager l’Arbre de vie jusqu’en France et jusqu’à moi. Merci toujours à Pierre de m’inciter et de m’encourager à écrire. Merci à tous mes amis et collègues de la Fabrique Narrative avec qui je suis heureuse de diffuser les idées narratives : ma co-équipière Elizabeth Feld ainsi que Catherine Mengelle, Pierre Blanc-Sahnoun, Fabrice Aimetti, Catherine Roulin et Andrée Zerah. Merci à mes amis et collègues avec qui j’aime échanger, travailler et qui m’inspirent : Bertrand Hénot, Stéphane Kovacs, Véronique Vittet, Stéphane Einhorn, Pierre Nassif, Thierry Groussin, Éric Mercier, Jean-Marc Gabon, Michel Radulovic… Merci à Fabiola Ortiz, Dominique Seret-Bégué, Véronique Vittet, Martine Fradet, Christine Lelong et Federico Durante d’avoir accepté de partager leur expérience de l’Arbre de vie dans ce livre. Un merci particulier pour Jacques Vincent/Fondation Acteur de mon avenir, Bouchra Aliouat, Laurence Fajner et Camille Plançon/Fondation KPMG pour leur confiance et les missions qu’ils me confient depuis des années auprès des jeunes. Merci à tous les responsables RH et dirigeants d’entreprises qui ont fait le choix de me faire travailler en connaissant ma pratique et ma posture Narrative.

Merci à mon mari et à mes trois filles de me soutenir et d’accepter d’être mes cobayes parfois quand je découvre une nouvelle méthode.

1. . Les Pratiques Narratives distinguent « l’histoire du problème ou histoire dominante » qui enferme la personne, la rend aveugle à ses potentialités, de « l’histoire alternative ou histoire préférée » qui va lui permettre de retrouver confiance en soi et désir d’avancer. 2. . Ce chapitre sur les racines de l’Arbre de vie est librement inspiré du guide REPSSI à destination de tous ceux qui souhaitent utiliser l’Arbre de vie et rédigé par Ncazelo Ncube-Mlilo et David Denborough. 3. . Le Dr Julien Betbèze est psychiatre, pédopsychiatre, psychothérapeute et chef de service du service d’Accueil familial thérapeutique de Loire-Atlantique (SISMLA). 4. . Narrative practice and exotic life, p. 51-52. Au sujet du rite de passage, il se réfère à V. Turner (1969) « The ritual process ».

1. . Ce concept m’a été inspiré par Thomas Will, psychiatre et psychothérapeute FMH (Fédération des médecins helvétiques).

1. . Cf. les propositions de questions plus haut dans la partie accompagnement individuel.

1. . Le terme re-membering est un jeu de mots entre re-member (redevenir membre) et remember (se souvenir), créé par Barbara Myerhoff (anthropologue culturelle). Elle a beaucoup influencé le travail de Michael White et David Epston notamment sur les concepts du Re-membering, travailler avec des témoins extérieurs et les Cérémonies définitionnelles.