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Le recouvrement de créances
008 Note Ce dossier s’adresse aux indépendants, dirigeants de petites et moyennes entreprises, ainsi qu’à leurs conseillers. Les termes abordés ont été volontairement vulgarisés et simplifiés, afin d’utiliser un langage clair et pratique. Les différents raisonnements exposés dans ce texte peuvent connaître des exceptions ou devront être relativisés selon les situations. Ce dossier est réservé à un usage exclusivement documentaire. En utilisant ce dossier, vous renoncez à mettre en cause la responsabilité de l’Agence pour l’Entreprise & l’Innovation, de ses auteurs ou de l’auteur du texte, même en cas de faiblesse ou d’inexactitude, flagrante ou non, de son contenu. --------------------------------------------------1/
Introduction.
De plus en plus d’entreprises commerciales sont, en raison notamment de l’environnement économique général, confrontées à un problème récurrent : le non-paiement de leurs factures. En pratique nous pouvons constater que beaucoup de commerçants restent très négligents par rapport à ce problème de « recouvrement de créances » ! Lorsque le montant facturé n’est pas très élevé, nombreux sont ceux qui laissent tomber, pensant à tort que les frais à débourser pour tenter de récupérer la créance seront plus importants que la créance elle-même. Par contre dans les cas où la facture est relativement élevée et que le client ne paie pas, alors seulement l’entreprise se pose la question de la procédure à suivre ou des protections qui existent en la matière … malheureusement à ce stade, il est parfois déjà trop tard ! Il est impératif pour les entreprises commerciales de mettre en place des procédures de recouvrement de créance avant l’apparition du problème, si elles veulent un jour récupérer les sommes qui leur sont dues par les clients « mauvais payeurs ». La notion de « recouvrement de créances » peut se diviser en plusieurs étapes : -
préparation ; facturation ; récupération
La récupération proprement dite n’est finalement que la dernière étape du processus.
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Première étape du processus : La préparation. « Un bon chef d’entreprise est un chef d’entreprise qui prévoit et anticipe les difficultés ! »
Dans le cadre de son activité, le chef d’entreprise doit sans cesse anticiper les problèmes qu’il pourrait rencontrer et prévoir, à l’avance, les solutions à apporter.
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Il est donc impératif d’établir à l’avance les règles à appliquer pour affronter les « mauvais payeurs ». La procédure de recouvrement de créances peut aboutir à une procédure longue et coûteuse (frais de justice, frais de défense, etc.). Afin de réduire un maximum ces frais, il est indispensable de rédiger des conditions générales de vente ou conditions générales dans le cadre de son activité. a)
Rédiger des conditions générales de vente.
« Les conditions générales de vente sont les clauses préalablement établies par le vendeur d'un produit ou d'un service et qui définissent les droits et obligations des parties au contrat ». La loi ne prévoit pas pour un commerçant une obligation de rédiger des conditions générales de vente. S’il n’y en a pas, ce sont les dispositions légales (Code civil, Lois particulières, …) qui s’appliqueront supplétivement. Il est plus que recommandé de rédiger des conditions générales de vente qui doivent indiquer de manière claire et précise les sanctions applicables dans les cas où le client ne paye pas sa facture à l’échéance. Plusieurs types de clauses peuvent apparaître : •
Une clause prévoyant « le délai de contestation des factures ».
Une fois qu’une facture est émise, elle peut être contestée. Afin d’éviter de rester dans l’insécurité, il est important d’indiquer le délai que le client doit impérativement respecter s’il souhaite contester la facture. Le commerçant pourra librement fixer ce délai, tout en restant raisonnable. En effet, si le délai est trop court (par exemple 1 jour) il pourrait être considéré comme abusif et un juge pourra constater la nullité de la clause. En pratique, un délai de 15 jours à dater de l’envoi de la facture sera considéré comme « raisonnable ». Il est bien entendu impératif de fixer la sanction applicable en cas de dépassement du délai, dans le cas contraire la clause perdrait toute son utilité. Il faudra par exemple indiquer que : « les contestations introduites après ce délai ne seront plus acceptables, la facture étant présumée acceptée par son destinataire sans renversement possible de cette présomption ».
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Une clause prévoyant « l’application d’intérêts de retard ».
Les intérêts de retard permettent au « vendeur » d’obtenir des intérêts lorsqu’une facture n’est pas payée à temps, c'est-à-dire à l’échéance. Les intérêts moratoires (étant la somme d’argent destinée à réparer le préjudice subi par un créancier découlant du retard de paiement de son débiteur) ne peuvent, en principe, être calculés qu’à partir de la première mise en demeure de paiement. Cette règle n’est pas impérative, ce qui signifie qu’il est possible d’y déroger en prévoyant clairement que : « les intérêts de retard seront dus de plein droit, sans mise en demeure préalable ». Il faudra également fixer le taux des intérêts de manière raisonnable (par exemple 10 % l’an).
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La clause pénale.
Une clause pénale a nécessairement un caractère indemnitaire, son but est de réparer le dommage subi par le créancier suite au non-paiement du débiteur. En pratique, le montant demandé est de 10 % du montant de la facture. Force est de constater que si le montant de la facture n’est pas très élevé, cette indemnité sera plus que dérisoire. C’est la raison pour laquelle il est important de prévoir un montant minimum indemnitaire : par exemple entre 50 et 75 euros (même si le montant principal de la facture est proche de ce montant). •
Principe de réciprocité
Prévoir « une clause pénale », c'est-à-dire la possibilité pour le vendeur d’obtenir une indemnité forfaitaire de la part de l’acheteur si celui-ci manque à ses obligations, n’est permis que si une indemnité semblable est prévue à charge du vendeur qui n’exécuterait pas ses obligations. Il s’agit du principe de « réciprocité ». Ce principe s’applique aux relations entre vendeur et consommateur. Il faudra donc insérer une clause indiquant par exemple que : « La même indemnité sera due par le vendeur à l’acheteur en cas de manquement à ses obligations contractuelles ». Cela a pour conséquence que si le vendeur ne respecte pas ses délais de livraison par exemple, l’acheteur pourra réclamer une indemnité. •
La clause d’attribution de compétence en cas de conflit.
En cas de conflit, le Code judiciaire prévoit que le défendeur peut être assigné devant le juge de son domicile. Le demandeur a le choix entre le domicile du défendeur, le lieu de livraison effective de la chose ou le lieu d'exécution de la prestation de service. Cela peut avoir des conséquences importantes : imaginons que le défendeur soit domicilié à Anvers, la procédure devra être introduite devant un tribunal anversois et les débats devront se faire en néerlandais (les pièces du dossier qui seront en langue française devront faire l’objet d’une traduction en néerlandais par un traducteur juré, ce qui a un coût relativement important). A cet égard, il est tout à fait possible de prévoir une clause « d’attribution de compétence » en stipulant que le tribunal compétent en cas de conflit sera toujours celui du lieu d’exécution de la prestation caractéristique du contrat ou encore de préciser que « seules les juridictions du siège social du créancier seront compétentes ». Dans cette hypothèse peu importe que le défendeur soit domicilié en Flandre ou à l’étranger, si l’entreprise (le créancier) a son siège social à Bruxelles, les juridictions bruxelloises seront compétentes. •
La clause de réserve de propriété.
En cas de vente (de meuble ou d’immeuble), il s’avère parfois très utile de prévoir une clause de réserve de propriété. Cette clause permet au vendeur de reprendre possession du bien vendu si le client ne paie pas. Il suffit pour cela d’indiquer clairement par écrit au plus tard lors de la livraison des biens que « le bien vendu reste la propriété du vendeur jusqu’au paiement intégral du prix ».
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L’opposabilité des conditions générales de vente.
Pour une entreprise, posséder de bonnes conditions générales de vente est une chose, mais encore faut-il les rendre opposables, c'est-à-dire applicables, aux cocontractants. Il arrive fréquemment que les entreprises se bornent à faire apparaître leurs conditions générales de vente au verso de leurs factures … C’est donc au moment de la facturation que le client prend pleinement connaissance de celles-ci. C’est souvent trop tard. La loi sur la pratique de commerce prévoit que : « pour que les conditions générales de vente soient applicables, elles doivent être rentrées dans le champ contractuel ». Cela signifie qu’elles ne pourront être opposables au client que s’il a pu préalablement en prendre connaissance et qu’il les a acceptées. En pratique, il suffira de faire signer au client un document reprenant le texte complet des conditions générales de vente, par exemple un bon de commande ou encore un devis sur lequel apparaît la mention suivante : « le client reconnaît par le seul fait de sa signature, avoir pris connaissance des conditions générales de vente reproduites au verso et les avoir acceptées ». Dans le cas où cette démarche n’a pu être réalisée, l’entreprise devra envoyer le plus rapidement possible (le jour même ou le lendemain) un courrier confirmant au client de manière précise sa commande et indiquant que les conditions générales de vente annexées seront pleinement applicables. A défaut, elles ne seront pas applicables et l’entreprise ne pourra les revendiquer (sauf à prouver l’existence d’un courant d’affaires entre les parties et l’acceptation régulière de ces conditions générales entre les parties pour de nombreuses opérations équivalentes). En conclusion, nous pouvons affirmer que la phase de préparation est primordiale et indispensable pour, en cas de conflit, avoir une chance de récupérer sa créance. Si, au sein de l’entreprise, personne ne possède de connaissance juridique suffisante, il est vivement conseillé de confier cette tâche à un avocat. 3/
Deuxième étape du processus : La facturation.
La facturation est, bien entendu, une étape obligatoire. Ce document doit mentionner : 1° 2° 3° 4° 5° 6° 7° 8° 9° 10° 11° 12° 13°
Le mot « facture » Le numéro d’ordre de la facture La date de la facture La dénomination exacte de l’entreprise et sa raison sociale Le siège de l’entreprise Le numéro B.C.E. de l’entreprise Le numéro d’identification à la TVA (qui est en fait un numéro unique) L’identité complète du client L’adresse du client Le numéro d’identification à la TVA du client La date de la livraison ou de la prestation L’identification du produit ou du service Le prix HTVA
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Le taux et le montant de la TVA Le prix TVAC Le numéro de compte de l’entreprise et le nom de la banque Idéalement, l’entreprise devra conserver une preuve que le client a bien reçu la facture
Un envoi par e-mail est souvent utile. Enfin, la facture devra impérativement être rédigée dans la langue du siège de l’entreprise. A défaut, la facture sera considérée comme nulle et cette nullité pourra être soulevée d’office par le juge. 4/
Troisième étape : La récupération.
Quelles sont les étapes à suivre si le débiteur (le client) ne paie pas sa facture à l’échéance ? L’entreprise devra procéder à un premier rappel dans un délai de 15 jours ou d’un mois après l’échéance. Il est possible que le client soit de bonne foi. Il a pu simplement oublier de payer. Dans ce cas, inutile de procéder au premier envoi par lettre recommandée (ne fût-ce que pour ne pas perdre le client). Un envoi, si possible, par fax pourra être conseillé afin de se ménager la preuve de la réception du rappel par le client. Si ce premier rappel reste lettre morte, une seconde mise en demeure devra être envoyée, sans pour autant se montrer menaçant. La pratique nous apprend que les juges n’apprécient que moyennement les techniques d’intimidation. Il est néanmoins important de rappeler à ce stade que vos conditions générales de vente sont pleinement applicables, par conséquent la somme due doit être majorée des intérêts de retard ainsi que de la clause pénale. Si ce second rappel n’engendre aucune réaction de la part du client, dans ce cas, une mise en demeure officielle devra être introduite. A cet égard, trois grandes possibilités s’offrent à vous : soit l’envoi par lettre recommandée d’une mise en demeure de paiement par vos soins, soit faire intervenir un organisme de recouvrement de créance, soit faire adresser votre mise en demeure par le biais d’un avocat. -
Les sociétés de recouvrement de créances sont mandatées pour faire pression sur les débiteurs (les clients). Il s’agit en fait d’intermédiaires entre les créanciers et les débiteurs, s’occupant essentiellement du côté administratif du recouvrement (mise en demeure, rappel téléphonique, etc.). Ce type de structure n’a pas de pouvoir spécifique. Elle se borne à effectuer les démarches normales d’un créancier, mais avec l’expérience et les moyens techniques adéquats. Elles peuvent s’occuper de la phase amiable du recouvrement de créances. Elles peuvent aussi introduire une action judiciaire, si elles ont racheté les créances litigieuses. Elles passeront par un avocat pour les représenter devant les juridictions compétentes.
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Les avocats ont, quant à eux, un véritable pouvoir de représentation. Ils seront votre mandataire et agiront en ce sens pour récupérer les créances litigieuses. Concrètement, l’avocat commencera par mettre à son tour le débiteur (le client) en demeure de payer le montant dû en principal, les intérêts ainsi que la clause pénale. En cas d’inaction du débiteur, l’avocat introduira une procédure contre ce dernier dans les formes prévues par la loi. Il vous appartiendra dans un premier temps de payer les frais de cette procédure (citation, requête, frais de mise au rôle, …).
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Par la suite, si vous gagnez votre procédure, l’adversaire devra vous rembourser ces frais, augmentés d’une indemnité de procédure calculée selon la loi.
Si un jugement est prononcé et que votre client ne paye toujours pas sa dette, vous pourrez vous adresser directement à un huissier de justice afin de faire procéder à l’exécution forcée de la décision. Sauf les exceptions prévues par la loi ou si le juge en décide autrement et qu’il a spécialement motivé sa décision, les jugements sont exécutoires par provision. Cela veut dire que vous pouvez faire exécuter le jugement par un huissier, même si l’adversaire fait appel de la décision. La prudence reste de rigueur, car si l’huissier procède à une saisie et que le client introduit un recours en appel et qu’il gagne, vous serez redevable à son égard de dommages et intérêts. Par contre, en cas d’opposition de l’adversaire (c’est le recours ouvert à la personne qui n’a pas pu être présente à l’audience et donc n’a pas pu se défendre), l’exécution est suspendue, sauf si le juge a spécialement accordé l’exécution provisoire. Si votre client (débiteur) est insolvable, il est évident que même en possession d’un jugement, vous ne récupérerez pas votre argent. Cependant, votre démarche ne restera pas inutile, car elle vous permettra de récupérer la TVA et de faire passer votre facture (créance) en « créance irrécupérable ». Il existe donc un véritable intérêt fiscal dans cette démarche de recouvrement de créances. De plus, les établissements bancaires exigent souvent, en cas de demande de crédits, de prouver que vous avez fait le nécessaire pour récupérer vos factures en souffrance. En résumé, nous pouvons dire qu’en matière de recouvrement de créances, la préparation et la facturation sont aussi deux étapes indispensables et primordiales afin de mettre toutes les chances de son côté face à un client « mauvais payeur ».
Fiche mise à jour avec la collaboration de Maître Geoffroy GALOPPIN – Barreau de Mons
Version du 17/02/2016
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