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French Pages 134 [139] Year 1937
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UNE ÉNIGME ET UN MIRACLE HISTORIQUE : LE PEUPLE ROUMAIN
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DU MRME AUTEUR : Actes des notaires génois de Péra et de Caffa de la fin du XIII° siècle (Acad. Roumaine, Etudes et Recherches, II, 1927). Recherches sur le commerce génois dans la mer Noire au XIII' siècle, Paris, Geuthner, 1929. Recherches sur Vicina et Cetatea Alba, Bucarest, 1935. Privilèges et franchises municipales dans l'empire byzantin, Geuthner Cultura Nationalä, 1936.
Le problème des frontières russo-roumaines pendant de
guerre de 1877-78 et au congrès de Berlin, Bucarest, 1928. Napoléon III et les nationalités, Droz., Fondations Royales, 1934.
Le
present ouvrage est édité par les soins de l'Institut d'Histoire ginérale de l'Université de I ass y.
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G. I. BRATIANU Professeur è l'Université de Jassy Membre &ranger de la Société Royale des Lettres et des Sciences de Bohérne
UNE ÉNIGME ET UN MIRACLE HISTORIQUE : LE PEUPLE ROUMAIN A PROPOS DU LIVRE DE M. FERDINAND LOT SUR LES INVASIONS BARBARES ET DE QUELQUES OUVRAGES RECENTS SUR LES ORIGINES DU PEUPLE ROUMAIN
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LE PEUPLE ROUMAIN
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Romains et Daces, d'après la colomm Trajane
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INTRODUCTION
« Une énigme el un miracle historique : le peuple
roumain », c'est le titre d'une section de l'ouvrage que M. Ferdinand Lot, le maitre des études médiévales dont j'ai été l'élève, vient de consacrer aux invasions barbares et au peuplement de l'Europe, considérées comme introduction A l'intelligence des
derniers traités de paix 1). Nous ne saurions assez nous féliciter de l'initiative du savant auteur de la Fin du monde antique el des débuts du Mogen Age ; nul n'était plus qualifié par ses travaux antérieurs, pour éclairer le problème des origines historiques de l'Europe nouvelle, et de ses raisons politiques et nationales, contestées depuis quelques années par une propagande habile et persévérante, qui se plait invoquer, en faveur des thèses qu'elle soutient, des arguments scientifiques, qu'elle s'efforce de Paris, Payot, 1937, I, III° partie, troisième section, pp. 278-300.
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présenter avec une apparence de parfaite objectivité.
Nul n'était mieux préparé aussi, your comprendre l'importance d'une évolution qui échappe encore A la plupart de nos contemporains, pour démontrer A l'opinion facilement égarée par des traditions historiques mal comprises, que les traités de paix du vingtième siècle ont rétabli, en fait, un ordre national et politique qui remonte au Moyen Age, et qu'ils ont achevé de fermer la parenthèse des impérialismes de l'ére moderne, en Europe centrale et orientale. C'est ainsi que l'écroulement de l'empire ottoman a été pour les peuples balkaniques sans en excepter le peuple turc lui-méme la cause, non d'une création artificielle d'états nouveaux, mais d'une renaissance nationale. L'effondrement de la double monarchie des Habsbourg et la chute de l'empire des tsars ont été les conditions nécessaires
de la résurrection de la Pologne, de l'unité roumaine et yougoslave, de la fondation de l'état tchécoslovaque. Montrer que les traités de 1919 et 1920 n'ont pas été, dans cette partie de l'Europe, le résultat injuste d'une volonté arbitraire des vain-
queurs, qu'ils n'ont pas détruit sans raison des traditions monarchiques plusieurs fois séculaires, mais qu'il ont rétabli au contraire, avec des imperfections inévitables de détail, l'équilibre des nations que le peuplement du Moyen Age avait créé jadis dans ces régions, c'est contribuer non seulement
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INTRODUCTION
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A l'intelligence des pactes internationaux qui fon&rent le nouvel ordre européen, mais c'est aussi faire ceuvre de justice et de Write. Quoique l'on puisse penser de l'instabilité des choses humaines,
il est nécessaire de répéter qu' « il est des lumières qu'on n'éteint pas »1). Je n'ai pas l'intention d'analyser l'ensemble de cet ouvrage, qui fait suite, si j'ai bien compris le dessein de l'auteur, A son beau livre sur les invasions
germaniques, et qui complete le volume consacré par la collection Glotz aux destinées de l'empire en Occident. Ce que je voudrais examiner ici, ce sont les deux chapitres consacrés au « miracle historique » du peuple roumain, completes par quelques pages sur
Vlaques » des Balkans et leurs rapports avec Slavo-Bulgares 2). L'abondance de la matière m'a oblige A &passer les proportions d'un compterendu; certaines des opinions de M. Lot devaient are rapprochées de celles de quelques ouvrages récents, das A des historiens et des philologues de l'Europe centrale et orientale, dont lui-meme n'a pu prendre connaissance avant l'impression de son livre: je me hate d'ajouter que ce rapprochement les les
«
Ouvr. cité, II, p. 292.
2) Ibid., pp. 229, 233-34, 270-72. Le chapitre sur la Roumania du II' volume (pp. 173-182) concerns l'époque contemporaine. V. là-dessus plus loin, p. 121.
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ne concerne que les conclusions, non les tendances et les méthodes entièrement différentes. J'ai été amené ensuite A examiner A nouveau les deux arguments essentiels de mon maitre, les problèmes tant
de fois discutés de l'évacuation de la Dacie et de l'unité linguistique primitive des principaux dialectes roumains, et A considérer, A la lumière de ces
recherches nouvelles, les observations que j'avais faites, il y a quelques années, sur le sens géo-
graphique des noms ethniques, dans la plupart des sources de l'histoire du Sud-Est de l'Europe au Moyen Age. J'espère que ces contributions ne seront pas inutiles. Depuis quelques années, des historiens qui ne sont pas roumains, ont pose nouveau devant l'opinion européenne une « question roumaine », que nous avions crue résolue. Il est done temps de faire connaltre notre point
de vue dans ce procès que d'autres ont soulevé, et le meilleur hommage que je puisse rendre A l'enseignement de nos maitres de la Sorbonne, c'est d'aborder ce débat dans un esprit d'objectivité scientifique qui est le leur, mais qui n'est pas celui des nos adversaires.
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I. L'OPINION DE M. LOT SUR LES ORIGINES DU PEUPLE ROUMAIN
C'est en considérant le problème tant de fois débattu, des origines du peuple roumain, que M. Lot
a été amené à prendre parti dans la grande controverse qui, depuis plus d'un siècle, oppose les partisans de la continuité daco-romaine à ceux de l'immi-
sgration. Les -principaux arguments de l'Une et de l'autre these sont rapidement passes en revue, mais des le début, ceux en faveur de la seconde théorie. paraissent l'emporter dans le jugement de l'historien: faible colonisation latine de la Dacie apres les conquetes de Trajan, témoignage formel de la bio-
graphie d'Aurélien par Vopiscus et de l'abrégé d'Eutrope pour l'évacuation complete de la Dacie dans la deuxième moitié du III' siècle, destruction totale de la romanisation au Nord du Danube après cette époque, et plus particulièrement en Transylvanie :
« Jamais, entre la fin du IV° et le XIII'
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il n'est question d'une population romaine vivant dans l'ancienne Dacie. Ce mutisme de dix siècles est impressionnant » i). Il est vrai qu'un siècle,
témoignage formel n'est pas nécessairement irrécu-
sable et que le silence des écrivains byzantins, « les seuls qui entrent en ligne de compte peut étre dA à leur manque d'intéret pour une « plebe miserable et silencieuse », alors qu'ils réservent toute
leur attention aux conquérants barbares qui occupent successivement ces contrées. Esprit essentiel-
lement objectif, l'auteur a compris l'arrière-pensée politique des historiens hongrois et autrichiens, qui, depuis Hunfalvy et Rcessler, voudraient prouver que les Valaques ne sont pas autochtones en Transylvanie et qu'ils y ont immigré en masses compactes
après la conquete magyare, qui a colonise un pays desert; « nous devons laisser de côté ce qu'il peut y avoir de tendancieux dans cette théorie. Meme fond& historiquement, elle n'en serait pas moins injustifiable politiquement. Nul peuple en Europe n'est installé de toute éternité sur le sol qu'il occupe actuellement. Les Roumains n'ont pas plus A ceder la Transylvanie que les Anglais la Grande Bretagne ou les Hongrois la vallée de la Theiss, pour retourner,
les premiers en Allemagne, les seconds en Sibérie. 1) Ouvr. cité, p. 282.
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Il faut peser les arguments en presence sans aucune consideration de politique contemporaine »1).
Mais ceci étant pose et bien pesé, l'historien constate que les indications fournies par les arguments d'ordre linguistique sont nettement contraires à la théorie de la continuité. Vocabulaire slave abondant en termes d'église et d'état, relations très anciennes des églises roumaines avec la metropole d'Ohrida 2), presence des mots albanais dans la langue roumaine, tout semble pencher en faveur de l'hypothèse de la formation du peuple roumain
au Sud du Danube, dans un milieu balkanique. Ce milieu aurait été également bien plus favorable A la latinisation que la Dacie, trop imparfaitement
romanisée et sans doute vidée de sa population après la grande crise des invasions barbares du III' siècle. L'unité méme de la langue roumaine qui se remarque jusque dans des dialectes aussi éloignés que le macédo-roumain du Sud, ne peut s'expliquer que par une separation relativement récente des deux idiomes, « peut-ètre vers le X° siècle? » 3).
Il faut donc supposer l'existence de deux migrations: l'une déterminée par l'évacuation de la Dacie et le retrait des derniers colons romains au-delA du Ibid., p. 283. Cf. 1h-dessus plus loin, p. 103-4. Ibid., p. 287.
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Danube, dans les deux « Dacies », constituées par Aurélien en Mésie, après l'année 271; l'autre, en sens inverse, effectuée par les Valaques transdanubiens vers le Nord, sans doute déjà avant le X' siècle, migration lente et progressive qui aurait eu pour effet le repeuplement de la Transylvanie, mais sans traverser la Bulgarie danubienne et la Valachie livrée à l'occupation slave et A l'invasion des Comans. « L'installa-
tion des « Valaques » n'a pu commencer par la Valachic moderne. La Valachie a été repeuplée par des Valaques descendus des Carpathes. Ce qui revient A dire que les Valaques ont dû préalablement occuper la Transylvanie, et s'ils sont en cette region des immigrés venus du Sud, ils ont nécessairement
passé le grand fleuve à l'Ouest des Portes-de-Fer. La date peut are approximativement déterminée par diverses considerations. Le « daco-roumain » était détaché de l'« aroumln » parle par les Illyroromains de Serbie et de Croatie, des le X° siècle, si bien que des concordances linguistiques entre l'albanais et le daco-roumain ne se trouvent pas en « aroumin ». Cette constatation implique que les futurs « Roumains » s'étaient éloignés des futurs «
Morlaques » déj A A cette époque » '). D'au LIT part,
il résulte clairement du térnoignage des chartes des rois des Hongric et de la chronique russe, dite de ') Ibid., pp. 288-89.
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Nestor que « les Roumains étaient en Transylvanie des le X° et XI° siècle ou même le IX° ».
En somme, M. Lot a adopté, dans ses lignes essentielles, mais avec un écart de trois ou quatre siècles, la théorie soutenue plus récemment par Alexandre Philippide dans son volumineux ouvrage sur l'Origine des Ronmains, livre qui est évidemment plus d'un philologue que d'un historien. On ne peut s'empêcher de remarquer la difference entre les deux migrations : l'une, fond& sur un texte précis, l'abrégé d'Eutrope et concernant des regions exactement délimitées par la géographie politique de l'empire romain ; l'autre, basée au contraire sur
le silence des sources historiques, établie sur des faits d'ordre linguistique et suivant tout de meme un itinéraire plus compliqué que ceux &finis par les textes. Il s'agit en effet d'un veritable voyage
en zig-zag des ancétres du peuple roumain: les « Daco-Illyriens » auraient traverse d'abord le Banat, gagné la Transylvanie et se seraient répandus de IA,
par une nouvelle expansion du Nord au Sud et l'Est, en Valachie et en Moldavie. De toutes les nations A l'humeur voyageuse, les Roumains, énigme
et miracle du Moyen Age, détiendraient certainement le record de l'instabilité territoriale I Mais ce serait anticiper sur les conclusions de cet essai, que de commenter des A present celles de l'éminent auteur des « invasions barbares ». La www.dacoromanica.ro
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question a été si souvent discutée qu'il serait oiseux d'étaler A nouveau une bibliographic trop connue ou de résumer les opinions contradictoires des parti-
sans de la continuité et de l'immigration. Ce qu'il nous faut retenir ici, c'est que cette seconde théorie, avec des variantes sur lesquelles nous nous proposons
de revenir, gagne depuis quelques années touj ours plus de terrain: elle a été admise en partie par des savants roumains, comme Philippide et elle a em-
porté la conviction d'un médiéviste de la taille de Ferdinand Lot. Elle a naturellement trouvé un echo plus considérable dans les pays voisins de la Roumanie actuelle, qui n'ont pas cessé, depuis la guerre, d'élever des revendications toujours plus véhémentes contre les stipulations territoriales des derniers traités de paix et qui ont fait précéder le revisionnisme politique par une Writable offensive scientifique, tendant A prouver le bien-fondé de leurs prétentions et A dénoncer les Roumains comme
de véritables usurpateurs d'une situation imméritée et injustifiable, sinon au point de vue strictement
ethnique, du moins à celui de la tradition et de l'histoire. Ce qu'il leur fallait démontrer, c'est que le peuple roumain, « le seul des peuples européens qui n'ait pas d'histoire propre jusquA la fin du Moyen Age » 1), n'était aucunement fondé A établir l) P. Mutafelev, Bulgares et Roumains dans l'histoire des pays danubiens, Sofia, 1932, p. 279.
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sa domination politique sur des territoires qu'il n'a
occupé, au hasard des migrations, qu'à une date récente, et que les nations qui ont été amenées la fin de la guerre, par une paix inique, à lui ceder ces provinces, ont les meilleurs droits du monde les réclamer et à les reprendre. Et c'est pourquoi, avant d'analyser les arguments du livre recent de M. Lot, tout A fait étranger, ainsi qu'il l'affirme d'ailleurs lui-méme, A ce genre de preoccupations, il nous faudra resumer brievement les differents points de vue des historiens appartenant aux pays voisins de la Roumanie et qui sont tous d'accord pour soutenir la théorie de l'immigration, en ce qui concerne les origines du peuple roumain sur le territoire qu'il occupe actuellement. Ce serait allonger inutilement cette etude que d'y analyser des ouvrages plus anciens, dont l'enumération n'apporterait rien de nouveau; je me contenterai done du témoignage des travaux les plus récents, que l'on peut considérer, en même temps, comme les plus représentatifs des opinions indiquées cidessus et qui ont également ray' antage de faire le point de nos connaissances et de l'état actuel des etudes et des questions. Et afin d'être au-dessus de tout soupçon de parti pris, même légitime, j'étonnerai sans doute mes contradicteurs éventuels
en declarant que je suppose pour le moment ces theories tout A fait justifiées par l'examen objectif
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des sources et entièrement vérifiées par l'étude attentive des faits et des conditions historiques ; mais aussi, pour ne pas marquer de préférence, je dois les considérer toutes également fondées et prêter
A leurs arguments et A leurs conclusions diverses une valeur égale. Il sera tout de méme utile, avant de procéder à toute autre recherche, de comparer ces résultats et d'en coordonner les données plus ou moins convergentes. J'entreprends cette tAche avec d'autant plus
d'intérét, qu'il me semble que ce travail n'a pas encore été fait sous cette forme et pour cause 1 par les historiens roumains 1), qui n'ont trouvé aucun plaisir A grouper en un faisceau unique, des
arguments imbus d'un esprit hostile A celui de leur nation et aboutissant à des conclusions touj ours défavorables et parfois injurieuscs, sclon la menta-
lité et le tempérament des divers auteurs. Il me semble cependant qu'il y a lA une opération indispensable A toute etude objective et sérieuse, d'une question aussi obscure et controversée que celle des origines et de la formation historique du peuple roumain. 1) Cf. pour une revue générale des différentes opinions A. Sacerdoteanu, Considerafiuni asupra istoriei Romdnilor 'in Evul lilediu, Bucarest 1936, p. 14 et suiv. Les travaux que nous analysons ici ne s'y trouvent pas, sauf une brève mention du livre de M. P. Mutareie v.
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THEORIE DE L'IMMIGRATION
II. LA THEORIE DE L'IMMIGRATION DANS QUELQUES OUVRAGES RECENTS
A tout seigneur, tout honneur: au premier rang des historiens qui s'opposent à Yid& de la continuité
daco-romaine et roumaine au Nord du Danube et dans les Carpathes, se sont placés tout naturellement les Hongrois. C'étaient assurément les plus intéressés à combattre cette thèse et ils n'y ont pas manqué. Par un heureux hasard, les vues de l'école historique magyare sur cette question viennent d'être résumées dans une ètude d'ensemble, dont la publication n'est d'ailleurs pas encore entièrement achevée, (hie à M. L. Tamás 1). On pourrait objecter qu'il est peut-être prématuré d'utiliser ici un travail, avant d'attendre la fin de sa publication, mais l'auteur a eu soin d'en indiquer le plan dans l'introduction qui précède ses observations, et ce qu'il a publié jusqu'ici ne laisse subsister aucun doute sur l'esprit et le but de cet ouvrage. M. Minds a groupé les éléments de ce qu'il vent bien dénommer une (( synthèse critique>) en cinq chapitres: « le pre-
mier contient des renseignements généraux sur les quatre embranchements principaux du peuple roumain, entre autres, un coup-d'ceil rapide sur leur 1) Romains, Romans et Roumains dans l'histoire de la Dade Trajane, Archivium Euro pae Centro-orientalis, I, 1935, pp.
1-96 et II, 1936, pp. 46-83. 2
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histoire politique poursuivie jusqu'A nos j ours. Les dénominations ethniques indigenes des Roumains sont mises A profit en vue de conclusions relatives au passé de ce peuple ... Le second chapare, nous dit l'auteur, est un des plus importants faudra trouver des contre-arguments aceeptables. Ceux
qui, pour des raisons de commodité, renonceront les combattre et con Linueront à croire au développement du roumain primitif sur un territoire qui, en dehors de certaines provinces de la péninsule
balkanique, aurait englobé aussi l'ancienne Dacie Trajane, exprimeront par une attitude pareille leur mépris pour toute argumentation scientifique 1) ». L'essentiel du troisième chapitre, c'est qu'« il faut souligner dès maintenant que la tradition savante qui fait descendre les Roumains de Transylvanie des colons de Trajan, amenés en Dacie au début
du second siècle de notre ère, n'apparaft qu'au XV' siècle et que pendant le Moyen Age plusieurs
auteurs ont considéré les Roumains comme un peuple venus de l'Orient ». C'est tout ce qui a paru jusqu'ici dans l'Archivium Europae Centro-Orientalis,
mais l'auteur a soin de nous annoncer qu'au quatrième chapitre il s'occupera « des arguments positifs et négatifs qui concourent à prouver que l'origine du peuple et de la langue roumains doit are ') Ouvr. cité, I, pp. 2-3.
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THEORIE DE L'IMMIGRATION
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cherchée dans les contrées sud-danubiennes ». Le cinquième chapitre et dernier sera consacré la chronique du Notaire anonyme du roi Bela, « la seule source médiévale qui connaisse les Roumains en Transylvanie à l'époque de la conquéte hongroise »
et la question de la priorité de l'élément roumain en Transylvanie priorité à l'invasion magyare sera expédiée en quelques pages finales, breves mais décisives.
Comme nous l'avons déjà indiqué plus haut, nous ne pouvons juger cet ouvrage que d'après les trois premiers chapitres, qui représentent tout de même plus de la moitié de l'étude. Nous en savons assez, cependant, sur le dessein qu'il s'est propose de réaliser, pour pouvoir des maintenant en dégager les conclusions et en souligner le sens et la portee. Il ne s'agit pas en effet de faire ici l'analyse critique des arguments du philologue hongrois : ce serait allonger indéfiniment ces observations 1). On pour-
rait, par exemple, relever la contradiction entre le premier chapare, qui affirme qu'« au dixième siècle de notre ère les ancétres des Roumains vivaient encore dans la péninsule des Balkans » mais que les migrations de leur vie pastorale les entrai-
naient vers tous les points cardinaux et qu'« on ') V. le c. r. de M. P. Henry dans la Revue historique, t. CLXXIX (1937), p. 226.
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serait vraiment étonné de les voir éviter la Dacie Trajane, où les Carpathes leur offraient toutes les conditions requises pour la vie pastorale »1) et le troisième, où il est dit non moins clairement que « méme en supposant que les regions montagneuses
situées au Nord du Danube aient été le thatre d'une vie pastorale ininterrompue depuis l'époque romaine jusqu'A l'immigration des Roumains, la continuité éventuelle de l'exercice de cette occupation n'impliquerait pas nécessairement la présence constante de bergers roumains dans les regions indiquées»2). Ce qui était donc si étonnant au début de l'ouvrage ne l'est déjà plus au troisième chapitre. On pourrait également examiner avec plus d'attention les statistiques, par lesquelles l'auteur considère
avoir prouvé que les Roumains étaient tits peu nombreux en Transylvanie, au XIII° siècle, et que la population roumaine n'y a augmenté sauts » qu'à partir du XVII° siècle,
« par
A la suite des immigrations massives de Valachie. On verrait alors que la fameuse charte de 1293 du roi Andre III, le dernier- Arpadien, adressée au chapitre d'Alba-Iulia, qui ordonne de ramener Székes tous les Olaci qui se trouvent dans les domaines des seigneurs ne suffit pas A établir d'une
façon aussi péremptoire « qu'il s'agissait tout au 2)
Ibid., I, p. 5. II, p. 69.
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plus de quelques milliers d'Ames pour l'établisse-
ment desquelles l'étendue d'une seule propriété était suffisante » 1). Il serait facile de demontrer qu'il ne s'agit bien certainement dans ce document « ignore par la science roumaine » 2), que des Valaques d'une certaine région de la Transylvanie, qu'il y est question, entre autres, de soixante families qui ont droit à l'exemption d'impôts sur une pro-
priété du chapitre et qu'au surplus, A la méme époque, il y avait dans d'autres parties de la Transylvanie des nobles valaques 3), qu'il n'était évidem-
ment pas question d'arracher à leurs terres, afin de
les parquer dans les limites étroites du domaine royal de Székés (Seckeni). Mais toutes ces considerations nous entraineraient trop loin et Constitueraient une digression bien trop longue. Il nous suffira de rappeler ici les données essentielles de la these de M. Tamás, qui ne fait d'ailleurs que resumer les travaux de toute une série d'historiens et de philologues de son pays. Sclon la méthode
que je me suis propose de suivre, je dois même admettre pour l'instant, qu'il a entièrement raison et que ses conclusions sont aussi les nôtres. I, p. 12. Il a été publié dans la collection Hurmuzaki, I, no. CCCCXXIII, pp. 522-23 et mentionné par Sacerdoteanu, ouvr. cité p. 169.
Cf. Hum. I, CCCCXII, 1291, pp. 510-11.
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Supposons done qu'il ait pleinement démontré: Que l'évacuation de la Dacie ait été tout A fait complete, que la romanisation, d'ailleurs superficielle, de cette province excentrique ait été complete-
ment anéantie par les invasions barbares du III' siècle ; que l'hypothèse de la continuité roumaine en Dacie est absolument gratuite ; que le nom de Romanus, conserve par le peuple
roumain comme denomination ethnique, garde le sens de la Romania provinciale du IV siècle, sens qu'il ne pouvait avoir au temps d'Aurélien, et qu'il indique donc plus clairement encore la formation d'une romanité balkanique, et non carpathique ; que la théorie de la continuité du peuple roumain dans l'ancienne Dacie Trajane est l'ceuvre des érudits de la Renaissance, et qu'au Moyen Age les missionnaires franciscains et dominicains croyaient les Vlaques issus de quelque lointaine contrée de l'Asie Centrale (confusion d'ailleurs assez évidente avec les Petchénegues et les Comans); que les Romans balkaniques, mèlés aux Slaves, ont immigré progressivement en suivant leurs troupeaux nomades, dans les regions occupées autrefois par l'empire romain, mais entierement abandonnées depuis le III° siècle, et que cette immigration a eu lieu au plus tôt après le dixième siècle, afin de laisser aux Magyars qui traversaient les Carpathes A la fin du IX°, l'occasion d'envahir en Pannonie et en
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Transylvanie des regions absolument désertes et d'y exercer ainsi, sans possibilité de contestation, le jus primi occupantis ; 5. qu'il n'y avait en Transylvanie au XIII° siecle qu'un nombre infime de Valaques, colonises par la généreuse mais imprudente initiative des rois arpa-
diens, et que ce n'est qu'à partir du XVI' et du XVII' siècle que leur nombre a rapidement augmenté 1), à la suite d'une immigration constante de l'Est et du Sud, des regions danubiennes peuplées par les descendants des bergers balkaniques qui s'y
étaient établis et y avaient proliféré avec une rapidité déconcertante. Ceci étant acquis, ii ne reste plus qu'à rechercher
la patrie réelle de ces infatigables voyageurs du Moyen Age et à determiner le territoire sur lequel s'est forme le peuple roumain, puisque nous devons
tenir pour evident qu'il ne faut pas chercher ses origines dans l'ancienne Dacie Trajane. D'où sont venus les Roumains, si la Transylvanie leur est interdite avant le XI° et le XII° siècle? Seraient-ils originaires, comme l'imaginaient Guil-
laume de Rubruck et Roger Bacon, de l'Asie, ou tout au moins des steppes de la Russie méridionale? 1) Un résumé de cab:, théorie dans les articles d'E. Szász, Transylvania, Hungarian Quarterly II, 1936-37, pp. 305-6 et L. Ottlik, National peace in Transylvania, ibid. III (1937), p. 296 et suiv.
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Sur ce point, il n'est que logique de nous rapporter l'opinion des historiens russes. Il faudrait citer ici des ouvrages plus anciens et plus particulièrement les travaux de Philippe Bruun sur les regions de la mer Noire, si le hasard d'une correspondance ne m'avait fait prendre connaissance du plan d'un ouvrage concernant précisément ce genre de questions
et dû, au demeurant, A un lecteur assidu des travaux de Bruun et de ses sources. Il est assurément indiscret de faire état, non seulement d'une étude dont la publication n'est pas achevée, comme celle de M. L. Minds, mais encore d'un travail qui n'a pas encore paru jusqu'ici. Mais l'esprit de cette etude est si semblable à celui dont s'inspire le philologue hongrois, ses conclusions présentent un parallélisme
si remarquable avec celles des collaborateurs de P Archivium Europae Centro-orientalis, que je ne puis
résister à la tentation de rapprocher ces auteurs, déjà réunis par leur sympathie commune pour le peuple roumain ct son histoire. C'est à l'occasion de la publication d'un ouvrage récent sur Vicina el Ceta/ea Alba') que j'entendis parler pour la première fois de M. Jacob Bromberg,
émigré bessarabien habitant près de New York, qui depuis s'est fait connaitre par certaines notes polémiques à l'adresse de la Roumanie, dans les Bucarest 1935, Univ. din Iasi, Studii de Istorie generalà, I.
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journaux américains. Dans les deux lettres, fort longues, qu'il crut devoir m'envoyer au sujet de ce livre, lettres remplies d'une erudition quelque peu désordonnée, mais néanmoins abondante, il me
faisait part d'un projet qu'il a d'ailleurs commence à réaliser ; à la date oil il m'écrivait, l'ouvrage était encore sur le chantier et son titre provisoire était « Historical and toponymical notes on Dobrudja,
Moldo-Wallachia
and Bessarabia ».
en juger d'après une lettre de dix-huit pages d'une écriture serrée, il y a tout lieu de croire que la concision n'est pas le fait de cet érudit et
que la revue qui entreprendra la publication de cette etude devra lui reserver un espace considerable 1). Mais en attendant de le lire en entier, ce qu'il nous faut indiquer ici, ce sont les intentions de M. Bromberg et les résultats dont il a bien voulu nous faire part. « Depuis quelques années, écrivait-il le 3 septembre 1935, j'étudie les documents historiques des pays du Bas-Danub e avec l'intention prononcée, je l'avoue, de refuter les prétentions histoC'est ce qui est arrivé à Byzantion, qui public dans son prochain numéro (XII, 1, p. 151-207) la première partie de ramie de M. Bromberg, intitulée maintenant Toponymical and historical Miscellanies on medieval Dobrudja, Bessarabia and Moldo-Wallachia. Je dois à l'ama, bilité de M. Henri Grégoire d'avoir eu communication des épreuves de mise en pages de cet article, dont je compte in'occuper plus en détail A, une autre occasion.
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riques de la nation qu'on appelle depuis le XIX' siècle « roumaine » sur les territoires tombés sous sa domination en 1918, grace à un enchainement accidentel de circonstances unique dans l'histoire.
A present, je prépare la publication d'un ouvrage sur l'habitat des Slaves vers l'an 550 ap. J.-Chr., d'après Jordanes et Procope, avec des divagations nombreuses dans d'autres époques et sources. Il y sera montré que c'est justement la Bessarabie qui est le berceau historique de la Slavonité, c'est-a-dire leur domicile a l'époque où cette race est nommée
pour la première fois du nom de Slaves, qui s'est
depuis enraciné. Ma these n'est pas tout A fait nouvelle ayant été effleurée par beaucoup d'investi-
gateurs depuis P. J. Safarik ...». Le 17 février 1936, M. Bromberg precise: « La principauté de Drago g était slave et même russe, et nullement roumaine. (Le terme: « La Russie moldave » est employe par mon savant ami, M. G. V. Vernadsky). Il est impossible de prouver qu'Étienne
le Grand parlait roumain. Mais il est hors de doute qu'il parlait russe » 1). 1) Nous retiouvons ces tendances, un peu atténuées dans leur forme, dans l'article publié par Byzantion. Cf. particulièrement p. 184-85 en n.: « where were the descendants of the Romans at the time when the hoofs of Petcheneg horses trod upon the classical soil of genuine Roman Dacia? » et p. 205 et suiv. sur la Russie « danubienne » ou plutôt galicienne.
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THEORIE DE L'IMMIGRATION
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Comme toutes ces considerations étaient accompagnées d'un certain nombre de commentaires sur des questions d'histoire et de politique contemporaine, on comprendra pourquoi j'en suis resté IA dans mes rapports épistolaires avec M. Jacob Bromberg. Il
faudra attendre la publication complete de cet ouvrage, pour se prononcer sur la valeur des sources
et surtout sur leur interpretation. Mais s'il nous faut accepter d'avance ses conclusions, comme nous l'avons fait pour son eminent collègue de Budapest,
ce n'est pas vers FEst qu'il faut chercher l'origine du peuple roumain et le berceau de ses migrations. Si la Transylvanie a été occupée par les Hongrois bien avant Farrivée des Valaques, si la Bessarabie et méme la Moldavie sont réservées aux Slaves, il ne nous reste plus qu'à repasser le Danube et A orienter nos recherches vers la péninsule balkanique.
Aussi bien, n'y a-t-il pas eu un empire balkanique des Vlaques et des Bulgares, bien avant la fondation des principautes danubiennes? Mais pour celh, nous
devons évidemment nous adresser aux historiens bulgares. Et c'est pourquoi il nous faudra recourir sur ce point A l' erudition de M. P. Mutaf6iev 1). On sait que l'historien bulgare de ce nom a entre-
pris, dans un ouvrage publié il y a dix ans dans sa 1)
Butgares et Roumains dans l'hist. des pays danubiens
Sofia, 1932.
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langue maternelle, et depuis dans une traduction françaige revue, corrigée, et, nous dit-on, considerablement adoucie, une critique véhémente des travaux de M. Iorga sur l'histoire du Moyen Age byzantin et balkanique. Nous n'avons pas l'intention de le suivre dans tous les details de cette polémique ;
celh nous entrainerait également trop loin. La tendance de l'ouvrage est d'ailleurs absolument la même que celle des etudes que nous avons examinees plus haut: les Roumains n'ont jamais habité
au haut Moyen Age, les régions qu'ils occupent actuellement, et surtout ils n'ont jamais résidé dans les provinces qui pourraient étre un objet de litige au point de vue bulgare. (c Le nom rournain du est justement la meilleure preuve Danube Duneire de ce que la nationalité roumaine s'est formée dans des terres éloignées du grand fleuve : les Roumains n'ont
apparu dans son voisinage que lorsgue les territoires situés sur ses deux rives et bien en avant el l'intérieur des lures, élaient peuplés de Slaves desquels ils apprirent son nom. . . L'ancienne population romanisée de la Valachie occidentale actuelle (nous avons vu que dans la Valachie orientale elle n'a jamais existé),
de la Transylvanie, de la Mésie et de la Scythie Mineure avait été dispersée ou aneantie à l'époque des migrations. Ses vestiges insignifiants avaient . fondu et disparu au milieu des barbares qui se sont succédés dans les pays danubiens ; ce processus
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THEORIE DE L'IMMIGRATION
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d'assimilation et d'extermination avait été achevé par les Slaves. A l'époque slavo-bulgare primitive
on pent l'affirmer avec certitude il n' y avail pas de population romane dans les régions limitrophes du Danube >>
Il ne s'agit done en aucun cas de la Bulgarie danubienne et particulièrement de la Dobrogea, l'on énumère les fortifications protobulgares que l'on
a retrouvé jusqu'aux rives du Danube. Mais il n'y a pas davantage de Valaques dans la Bulgarie occidentale, celle du royaume de Samuel et de ses fils: « Au XI° siècle le gros des Valaques balkaniques habitaient déjà les régions oil nous les trouvons de nos jours encore
la Thessalie et les montagnes
voisines vers lt,pire et les frontières de la Macédoine du Sud-Ouest. Dans la Macédoine méme, alors
comme maintenant, on ne trouvait que des villages valaques dispersés ou bien des caravanes nomades...» 2)
Il n'y en a pas non plus
ou si peu
dans le
second empire bulgare, celui des Assênides, où pour-
tant les chroniqueurs de la quatrième croisade ne connaissaient que Blac et li Commain ». Rechercher dans ces régions les traces historiques des Valaques n'est qu'un nouveau méfait de l'impérialisme roumain, qui, après avoir achevé ses conquétes au Nord, prépare une nouvelle expansion, Ouvr. cité, pp. 135-36. Ibid., p. 209.
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G. I. BRXTIANU
non moins inique, vers le Sud. M. Mutafelev l'affirme expressément 1).
Continuer une discussion engagée dans cet esprit ne peut aboutir qu'à des violences de langage. Ce n'est pas là notre but et, si nous avons cite les opinions de M. Mute Ciev, c'est qu'elles représentent certainement l'expression la plus catégorique et la
plus véhémente d'un point de vue, que partagent aussi d'autres historiens bulgares. Il est evident qu'ils rejettent avec autant de force l'hypothese de la formation (lu peuple roumain en Valachie et en Bulgarie, que les Hongrois celle de la continuité claco-romaine en Transylvanie ou certains Busses celle de la presence des Roumains en Moldavie et en Bessarabie au Moyen-Age. Si nous devons donner
raison à M. Mutafeiev, ce n'est done pas en Bulgarie, ni dans les Balkans qu'il faut chercher l'origine
des migrations roumaines. Où se trouve done cette region mysterieuse? D'où a surgi ce peuple devenu soudain si nombreux, qu'il envahit le territoire de tous ses voisins, sans tenir compte de leurs titres légitimes de propriété et de priorité? La question
a été posée à M. Mutafelev lui-meme, par M. P. Panaitescu, dans une etude critique parue il y a quelques années 2), et l'historien bulgare lui a répondu Ibul., p. 281. Les relations bulgaro-roumaines au Mogen Age, Revista Aromtineascii, I (1929), p. 9 et euiv. 2)
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THÉORIE DE L'IMMIGRATION
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dans l'édition française de son ouvrage: « Je suis prét, dit-il, à satisfaire sa curiosité en quelques mots,
en comptant développer et documenter une autre fois et ailleurs mon opinion. Je considere comme berceau primitif des Roumains les regions de la partie Ouest de la péninsule des Balkans, plus exacter
ment celles situées derrière les confins Nord-Ouest
de la Macedoine, vers la Serbie du Sud, l'Herzégovine, une partie du Montenegro et de la Bosnie du Sud. Disperses dans cette vaste region montagneuse, les elements romans ayant survécu à l'époque
des incursions barbares y avaient trouvé un refuge.
De la une partie des Romans s'étaient répandus vers le Sud où ils arrivent au Pinde et en Thessalie, d'autres vers le Nord A. travers la zône montagneuse entre la Bulgarie actuelle et la Serbie et par lA vers la Transylvanic. C'est pour cette raison que dans les regions mentionnées, plus que dans n'importe quelle
autre partie de la peninsula des traces de nomenclature topographique roumaine (et non romano 1) se sont conservées.Dans cette region les Valaques étaient les voisins immédiats des Albanais, ce qui explique les nombreux elements communs aux deux langues»1). 1) Ouvr. cité, p. 326-27. Cette théorie n'est pas nouvelle.
On la retrouve jusqu'à un certain point dans l'Hist. de la langue roumaine de M. Densu4anu et darts les ouvrages de quelques slavisants, depuis Miklosich. Cf. 111-dessus I. Barbulescu, L' individualité de la langue roumaine et ses éléments slaves anciens, Arhiva, XLIV, 1937, p. 26-27.
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Voila qui est net. Si nous jetons un coup-d'mil sur la carte, nous pouvons constater que la region que l'on vent bien conceder comme patrie d'origine au peuple roumain correspond A peu près au terri-
toire de la Yougoslavie actuelle, en exceptant la Croatie et la Slovénie. Je n'ai pas eu la possibilité de consulter sur ce point l'opinion des historiens yougoslaves et je ne saurais dire si cette théorie, d'ailleurs intéressante, de M. Mutaf Ciev a été corn-
ment& a Belgrade ou A Zagreb. Mais à défaut de compte-rendus ou de travaux plus récents, on pourrait nous opposer, ici aussi, cette declaration tout A fait categorique de ce maitre des etudes balkaniques, qu'était Constantin JireCek :
« Les contrées situées entre les montagnes rocheuses du Montenegro, les regions voisines et les affluents de la Morava sont la patrie la plus ancienne et la plus constante du peuple serbe. C'est une region montagneuse, fraiche et pauvre, à l'Ouest une region
carstique, à l'Est des montagnes boisées avec des paturages alpestres propres à l'élévage, qui n'offrait pas beaucoup d'attraits aux conquérants. Mais elle
présentait de tout temps toutes les conditions necessaires A la vie pastorale. La position du pays favorisait le développement d'une population vigoureuse, expansive et guerrière, qui pouvait se défendre contre les attaques des peuples étrangers dans ses montagnes et ses vallées fortifiées par la
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nature, mais qui avait aussi l'habitude de prendre l'offensive vers les plaines côtières de l'Adriatique et les vallées de l'Est et du Sud. Les conditions naturelles y ont determine ce surplus de population, que ces regions montagneuses pouvaient déverser
dans les contrées de la plaine, dépeuplées par les invasions historiques ...» 1). (i Le centre du pays serbe, ajoute Stojan Novakovie, fut forme par la vallée de la Lim, un des principaux affluents méridionaux de la Drina. Il faut y joindre la vallée de l'Ibar, et le cours supérieur de la Morava occidentale.
Pays de peu d'étendue, constitué par les pentes et les hauts plateaux d'un massif qui compte parmi les plus élevés de la péninsule. Les eaux de ces regions descendent vers la Save, le Danube et l'Adriatique... C'est un endroit désigné par la nature elle-méme pour devenir le foyer d'une race » 2). Si l'on admet d'autre part, avec le meme JireCek, que l'établissement des Yougoslaves dans ces regions était entièrement achevé vers le milieu du VIP siècle 3), il devient encore plus difficile de concilier ces deux theses, surtout si les Roumains n'ont C. Jiraek, Geschichte der Serben, I, p.
9.
S. Novakovie, Les problAmes serbes, Arch. f., slay. Phi-
lologie, XXXIII (1911), P. 441. Ibid., p. 100. Cf. S. Novakovi6, ouvr. cité, p. 440: « la
fin du VIII' et le commencement du IX' siècle peuvent étre dejà considérés comme l'époque de la cristallisation 0. 3
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pas pénétre au Nord du Danube avant le dixième ou le XI° siècle. Une meme region ne saurait are en m'eme temps le berceau historique de deux nations et de deux langues différentes, l'une slave et l'autre latine. Mais alors, d'où sont venus les Roumains? Serait-ce un cas de generation spontanée, A l'aube des temps modernes? L'énigme demeure entière et la concordance de toutes ces opinions autorisées, qui nous obligent à chercher l'origine des Roumains du Moyen 'Age partout, sauf en Roumanie, aboutit à cette conclusion paradoxale, mais
évidente, que ce peuple qui n'a pas d'histoire, n'a pas non plus d'origine et de patrie. Ce serait vraiment à désespérer, si ce n'était risible. Ou bien faut-il
revenir, après un siècle, A ce que disait déjà dans sa leçon d'ouverture à l'Académie de Iassy, Michel Kogalniceano: « N'ayant pas d'histoire, tout peuple ennemi pourrait nous dire: « Ton origine est inconnue,
ton nom ne t'appartient pas plus que la terre que tu habites ». Et en Write, ces paroles ont été prononcées par les étrangers, on a nié notre origine, notre nom a été déformé, nos terres ont été morcelees, nos droits foulés aux pieds, parce que nous d'étions pas conscients de notre nationalité, parce que nous n'avions pas sur quoi fonder et avec quoi défendre nos droits ». Cette protestation dramatique de 1843 serait-elle encore justifiée en 1937?
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THEORIE DE L'IMMIGRATION
En tout cas, il faut bien constater que si l'on donne raison A tous les auteurs qui contestent la continuité du peuple roumain sur son territoire, sans
marquer de préférence pour l'un ou pour l'autre, on aboutit avec une entière bonne foi à la plus absurde des conclusions. Si nous avons tenté d'établir ces rapprochements et ces concordances, c'est pour démontrer une fois de plus pie l'on ne saurait adopter ces théories sans un examen critique d'autant plus indispensable, qu'elles sont inspirées par des sentiments hostiles A la nation roumaine, et que leurs auteurs se gardent bien de les dissimuler. Si l'on est tenté d'accuser l'école historique roumaine
d'interprétations tendancieuses, pour servir A des fins patriotiques, il faut faire au moins les mémes réserves pour les historiens et les philologues des pays voisins, qui abordent l'étude de ces questions dans un esprit tout autre que scientifique 1). Ils attachent, il est vrai, la plus grande importance A la lettre de certains documents ou de certaines relations, sans s'apercevoir cependant et la meilleure preuve en est le résultat final de leurs recherches
qu'ergoter sur les textes, sans se soucier des con1) On remarquera, par les citations que nous avons fakes plus bas des ouvrages récents de MM. E. Gamillseheg, C. Pesch et W. von Wartburg, combion les vues et les méthodes des historiens et des philologues allemande et autrichiens s'écartent de semblables procédés. 3.
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ditions générales de la vie et du développement his torique, nous écarte de la réalité presque autant,
sinon davantage, qu'une lecture erronee ou une interpretation imparfaite. Nous essaierons d'appli-
quer ici à l'étude de ce probléme une méthode différente.
III. LES ORIGINES DU PEUPLE ROUMAIN: L'ÉVACUATION DE LA DACIE
Le point de depart de la grande controverse sur l'origine des Roumains est évidemment la question de la conquéte romaine de la Dacie et de son eva-
cuation en 271, sur l'ordre d'Aurélien. On sait qu'après les guerres victorieuses de Trajan et la des-
truction du royaume dace, la nouvelle province, qui avait déjà depuis longtemps des relations commerciales assez intensos avec l'empire, devint une region de colonisation ex toto orbe Romano. Il y eut certainement, à la suite de l'exploitation des mines d'or de Transylvanie, qui apportèrent à l'empire un appoint monétaire non négligeable 1), un veritable gold rush vers les nouvelles cites, une immigration
si nombreuse que déjà Hadrien, qui songeait à un moment donne A évacuer ce poste avancé de la do1) J. Careopino, Points de vue sur l'impérialisme romain,
Paris, 1931, p. 72 et suiv.
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L'EVACUATION DE LA DACIE
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mination romaine, pour des raisons stratégiques, dut renoncer à ce projet afin de ne pas abandonner aux Barbares le très grand nombre de colons qui s'y étaient installés depuis le règne de son prédécesseur 1). Ce ne fut qu'un siècle et demie plus tard, après la grande crise du III° siècle, qu'Aurélien
dut prodder à ce rétrecissement du front menace par les envahisseurs et ramener sur le Danube la ligne de defense de l'empire. Si le récit de Vopiscus, le biographe de 1 'Histoire Auguste est sujet à caution, l' Abrégé d'Eutrope, qui en est probablement la source, est absolument formel, et selon M. Lot., « au-dessus de tout soupcon. On y lit: « L'Illyrie et la Mésie étant dévastées, il (Aurélien) évacua la province de Dacie, désespérant de la conserver, et établit
dans la Mésie moyenne les Romains qu'il ramena des villes et des campagnes et cette Mésie moyenne il l'appela Dadie: elle separe aujourd'hui les deux Mésies » 2). Abductos que Romanos ex urbi bus et agris Daciae, dit Eutrope; sublato exercitu et provincialibus,
emit Vopiscus. Ces textes sont évidemment catégoriques. Les inscriptions romaines retrouvées en Dacie
Trajane ne dépassent pas les années 255-258. C. Patsch, Beiträge zur Völkerkunde von Sildosteuropa, II, Sitzungsber. d. Akad. der Wiss., 'Wien, XXVII, 1925, p. 208 et suiv. P. des discussions plus récentes, cf. L. Tamhs, ouvr. cité,
I, p. 72 et suiv.
Ouvr. cité, p. 281.
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Depuis 256 il est clair que l'on n'y a plus frappé de monnaies 1). En fait, depuis le désastre subi par les armées impériales dans leur lutte contre les Goths, A Abrittus en Mésie, où l'empereur Decius trouva la more en 251, la situation en Dacie devenait militairement intenable. Pour n'être pas aussi impérieuse que l'affirment certains historiens, l'action de Perilpereur Aurélien n'en était pas moins nécessaire. Les deux légions cantonnées en Transylvanie depuis la conquête, la XIII' Gemina et la V° Macedonica
risquaient A chaque instant de se trouver isolées au milieu des Barbares, qui ravageaient déjà, en long et en large, la péninsule des Balkans. Il est évidemment plus difficile d'apprécier le nombre exact des provinciales qui suivirent le &part des armées et des fonctionnaires.
Pour M. Homo, le biographe si consciencieux d'Aurélien « les expressions provinciales (vita Aare-
liani) par opposition A l'armée, populi (ibid.) Romani (Eutropius, Rufus Festus), livbeeg aì yvvabeeg
(Syncelle) s'appliquent A l'ensemble de la population urbaine et de la population rurale » (abducti ex urbibus el agris populi) 2). Mais comment en &valuer
le nombre? PArvan estimait environ A un million Cf. aussi V. Christescu, Istoria militard a Daciei romane,
Bucarest 1937, p. 96 et suiv. L. Homo, Essai sur le regne de l'empereur Aurélien, p. 316 en n.
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L'EVACUATION DE LA DACIE
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la population de la Dacie au moment de l'évacua-
ton, en comptant une moyenne de dix habitants par km. carré, et en concluait que le déplacement d'une masse aussi considérable devait are difficile, pour ne pas dire impossible 1). Les historiens hongrois,
alléguant les dévastations subies par la Dacie à la suite des invasions barbares, tentent de réduire ce chiffre à deux ou trois cent mille, ce qui serait déjà plus facile à imaginer, dans une région où des migrations de cette envergure étaient assez fréquentes 2).
Il faut avouer que ces hypothéses nous paraissent également dénuées de toute certitude. Beaucoup d'historiens, dont M. Homo lui-méme, ont tenté d'interpréter ces textes, ou, selon 1' expression de Renan, de les solliciter: « Toute la partie
de la population qui vivait à proximité des camps légionnaires: families de soldats, vétérans retirés du service, marchands, etc., a suivi l'armée sur la rive droite du Danube. Mais il dut rester dans les cam-
pagnes un grand nombre d'anciens habitants qui vivaient en bon accord avec les Goths, et n'avaient aucun intérét a abandonner la province. D'ailleurs,
une évacuation complète eût probablement été inexécutable, sans une nouvelle guerre ; les Goths ne se seraient pas prélés au départ de toute la popui) Inceputurile viefii romane la gurile Dunclrii, p. 8. 2)
L. Tamis, ouvr. cite, I, p. 81 et suiv.
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lation civile. Si eette population s'aceomodait du nouveau régime, Aurélien n'avait aucune raison de se montrer plus intransigeant qu'elle »1). Cet argu-
ment a sa valeur; on a reconnu depuis, que cette population n'avait aueun intérêt A traverser le Danube, pour s'installer sur la rive droite, dans des régions non moins ravagées par le passage des Goths et des Sarmates que celles qu'elle aurait dû quitter, et où elle retrouvait en outre le percepteur romain, exécuteur impitoyable d'une. fiscalité touj ours plus oppressive 2). Ce ne serait pas le premier cas, ni le seul, d'une entente tacite entre provinciaux romains
ruinés par les dépenses militaires de l'empire, et conquérants barbares heureux d'exploiter à leur profit les redevances faciles du travail des indigènes.
On eonnait par la vie de' St. Séverin, &rite par Eugippius, l'ordre donné en 488 à « tous les Romains » d'abandonner le Norique (c'est-à-dire la Bavière au Sud du Danube) pour se réfugier en Italie; il n'a pas empéché cependant ces mêmes Romains de résider au Nord des Alpes « jusque vers
le IX siècle, pour le moins »3). Et il s'agissait là, en pleine région germanique, d'une population cer-
tainement moins nombreuse et sans (Mute aussi plus pauvre que celle de la Dacie. A cet exemple, i) L. Homo, ouvr. cité, p. 316-17. Const. C. Giurescu, Istoria Rointinilor, I, 2-e éd., p.
F. Lot, ouvr. cité, ibid.
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qu'il invoquait déjà dans une communication A l'Académie des Inscriptions, M. Iorga ajoutait récemment l'exemple de la Bretagne, où selon l'opiMon d'un historien anglais, la civilisation a disparu après la retraite des légions, mais la race est restée 1).
Il n'est Peut-ètre pas inutile de rappeler que l'on ne saurait comparer la colonisation romaine et son influence dans cette province insulaire de l'extréme Nord, avec celle de la Dacie, si florissante déjà, selon Eutrope, dès le règne d'Hadrien.
«La population rurale semble avoir été moins touchée par ces événements, pour plusieurs raisons.
A l'approche des dangers, elle avait l'habitude de se sauver avec le bétail, etc. dans les refuges pi' elle s'était créés, souvent déj A A l'époque préromaine,
dans les foréts ou dans les marais, mais surtout aux sommets... au moyen d'éperons barrés ou d'enceintes construites en forme de rempart, de murs, de fossés, de haies, de barricades et d'obstacles de toutes sortes... La population rurale constituait, du reste, pour ses nouveaux maitres, les Germains, une précieuse ressource et, en somme, elle n'a pas dû travailler plus dux.' pour eux qu'au-
paraVant pour ses chefs romains... Ils n'avaient non plus aucun intérét A se priver des artisans... qui dans les bourgades et surtout dans les villes ') N. Iorga, Istoria Ramtinilor .1, 2, p. 347.
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savaient si bien travailler le bronze, le fer, l'or et l'argent, les orfèvres, les fondeurs de bronze, les chaudronniers, les forgerons, les charrons . . .» 1). Ces lignes ont-elles été &rites -par quelque partisan
impénitent de la continuité daco-romaine, rebelle au témoignage catégorique des sources? Point ; elles
concernent l'Alsace après le départ des légions et l'installation définitive des tribus germaniques de la rive droite du Rhin, qui envahissent de nouveau la Gaule, pour n'en plus sortir, dans les premières
années du V' siècle. Ce qui semblerait prouver que rhypothèse d'une retraite de la population rurale dans les forfts et les montagnes de la Dacie pendant les premières années de l'occupation barbare ne serait pas tellement absurde, d'autant plus qu'elle est attest& pour certains des conquérants eux-ruèmes: le roi goth Athanaric, en 376, se retira avec tous les siens dans le Caucalanddocum altitudiné
silvarum inaccessum et montium, que les Sarmates venarent d'évacuer et que l'on identifie aujourd'hui certaines montagnes du Ban.at. Déjà, en 367 les Goths
s'étaient réfugiés dans les Montes Serrorum, les Carpathes, devant l'avance menaçante des légions
de l'empereur Valens. Plus t6t encore, en 323, ce fut sur une hauteur boisée que l'empereur Constantin surprit au-delà du Danube, en Valachie, les halides i) R. Forrer, L'Alsace romaine, Paris 1935, p. 200-201.
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L'EVACUATION DE LA DACIE
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de Raushnod qui venaient de ravager la Mésie Inférieure et la Thrace et les obligea A rendre les, provinciaux qu'elles avaient emmenés A leur suite 1).
D'autre part, si la population civile restée en Dade
n'a pas laissé de traces épigraphiques de sa persistance à habiter les regions envahies, les émigrés
installés au-delA du Danube dans les nouvelles « Dacies » créées par Aurélien, comme Auguste avait établi jadis des « Germanies » sur la rive gauche
du Rhin 2), n'en ont pas laissé davantage. Ce qui pourrait faire croire que leur nombre n'a pas été aussi grand que le laisserait supposer l'évacuation totale de la population civile et militaire d'une' province. Enfin, les historiens magyars eux-mémes s'accor-
dent A reconnaitre que « pour le Banat on pourrait admettre la survivance de certains fragments romanisés au plus tard jusqu'au commencement' du ye siècle 3). Ils adoptent sur ce point les conclusions de M. Patsch, qui, en étudiant les déplacements des Sarmates au IV° siècle, d'une rive A l'autre du Danube, en est arrivé à déduire, de l'examen des textes et des fouilles archéologiques, une continuité de la vie économique dans cette province qui ne l) Patsch, Beitreige z. Völkerkunde v. Siidosteuropa, III, 208 (1928), pp. 18, 45, 64. E. Albertini, L'Empire romain, p. 298. L. Dumas, ouvr. cité, I, p. 88.
ibid.
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G. I. BRATIANU
.
peut s'expliquer que par la presence des provinciaux restés fidèles, non à l'empire, mais à leurs propriétés ; il en conclut « qu'au Banat, comme d'ailleurs aussi
en Dacie, une partie des provinciaux romains est restée sur place » 1).
Mais pour vraisemblables que puissent paraitre ces hypotheses et pour frappantes que soient les analogies avec d'autres provinces mieux connues de
l'empire romain, on pent continuer à discuter in&liniment sur la valeur des textes qui men tionnent
l'évacuation, sur le silence de l'épigraphie et la pauvreté des trésors monétaires dans le centre et le Nord de la Dacie, et les conditions générales, économiques ou démographiques, qui les contredisent. Ces arguments n'apportent rien de bien nouveau,
dans un sons ou dans l'autre. Ce qu'il nous faut établir ici, ce n'es t ni le degré d'authenticité d'Eutrope ou de Vopiscus 2) ni leur concordance avec les témoignages épigraphiques ou monétaires, c'est la valeur pratique de Faction d'Aurelien et de ses consequences pour l'avenir des provinces danu-
biennes et de la romanité orientale. Ce brusque transfert de populations de Dacie en Mésie est-il un fait unique, sans precedent et sans suite? L'éva') Patsch, ouvr. cité, Sitzungsber. Wien. Akad., 1925, p. 215. Cf. M. Besnier, Hid. Romaine (coll. Glotz), IV, p. 244. 2) V. la bibliographie dans Iorga, Istoria Romdnilor I, 2,
pp. 333-35 en n.
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L1VACUATI0N DE LA DACIE
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cuation de la Dacie est-elle vraiment une rupture complete, une « césure definitive » dans la romanisation de cette province, romanisation qui, nous dit-on,
n'avait pas avancé beaucoup pendant un siècle et demie de colonisation, avec des elements dont bien peu étaient originaires d'Italie, dont un grand nombre, si l'on en croit les inscriptions, venaient des regions orientales de l'empire? Serait-ce vraiment, apres la retraite des legions et des colons qui les avaient suivies, la fin de tout contact susceptible d'entretenir, d'une rive du Danube A l'autre,
le souvenir de Rome, de sa civilisation et de sa langue? Serait-il aussi trop teméraire de prétendre que poser ainsi le probleme, c'est en grande partie le résoudre? En effet, pour les precedents, il ne serait pas difficile de trouver déjà avant la conquéte romaine de la Dacie, des exemples de migrations ou d'invasions en masse, en decA ou au-delà du Danube. Il suffit de renvoyer à l'étude si consciencieuse de M. Patsch:
sous le règne d'Auguste, 50.000 Getes ou Daces avaient passé le Danube et Strabon retrouvait leur descendants en Thrace 1). Sous celui de Vespasien, ce furent 100.000 Transdanubiens qui furent établis
sur la rive droite du fleuve, par les soins du gouverneur de Mésie, l'énergique Tiberius Plautius 1)
Patsch, ibid. V, Sitzungsber. 214, 1932, p. 113.
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G. L BRATIANU
Silvanus 1). Les conquêtes de Trajan devaient provoquer par contre un reflux vers le Nord. Quant à la romanisation, on a pu douter de son efficacité, dans une region si exposée aux guerres et aux invasions, que déjà le successeur de Trajan
avait pu envisager son abandon. Elle aurait été plus complete dans un pays plus tranquille, sous un regime plus calme que celui de l'éternelle guerre
de frontière contre les Daces indépendants et les Sarmates, ou les premières vagues des invasions germaniques. Et pourtant l'exemple des autres provinces du limes prouverait plutôt le contraire: « 11 y a en France bon nombre de départements qui
présentent une image bien différente, un aspect bien plus paisible, où le rôle des soldats et des forteresses disparait presque entièrement en comparaison de celui de la population civile. Aussi, ces regions-1A ont-elles parfois beaucoup mieux conserve
leur caractère nettement gaulois que l'Alsace, le pas des legions a hâté et intensifié la romanisation. Caracalla, en l'an 212, a donne à cette romanisation la consecration officielle, en declarant tous les ressortissants de l'Empire romain, soit en Italie, soit
dans les provinces, citoyens romains. En Alsace, cette romanisation s'effectuait d'autant plus vite V, p. 165. 1) Patsch, ibid. Cambridge 1928, pp. 180-81.
Cf.
V.
Pitrvan,
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Dacia,
VEVACUATION DE LA DACIE
47
que la vie de la population civile était intimement lit& à la vie militaire »
1).
Ne serait-ce pas aussi le cas de la Dacie? C'est d'autant plus probable que la romanisation n'est pas
nécessairement un fait ethnique et qu'il est méme difficile de supposer que des colons de toutes les regions de l'empire, veritable mosalque de races et de nationalités, aient pu modifier dans le sens de la latinité le sang dace des premiers habitants de la province. Ce qui s'est passé dans les nouvelles provinces réunies à l'empire au début du II° siècle, c'est surtout un fait linguistique, l'influence croissante du latin, langue de civilisation et de cornmande-
ment, dont la penetration a été plus rapide grace la vie des camps et à l'activité des fournisseurs et des négociants, qui étaient en relations constantes avec Farm& et l'administration militaire.
JireCek avait tenté jadis de delimiter dans la péninsule balkanique les zônes de l'influence latine et de l'influence hellénique. Sa ligne de demarcation, vérifiée plus récemment par Philippide, courait
d'Alessio sur l'Adriatique à Prisrend et Skopljé, pour remonter ensuite au Nord et au Nord-Est jusqu'à un point situé entre Pirot et Bela Palanka, pour abou tir aux confins des cites grecques du littoral pontique. De nouvelles recherches sur la ') R. Forrer, L'Alsace romaine, p. 107.
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G. I. BRA.TIANU
romanisation de la péninsule balkanique semblent avoir prouvé maintenant que cette ligne de partage est quelque peu artificielle, que la Macedoine et une grande partie des regions méridionales de la péninsule étaient latinisées ou tout au moins bi-lingues, le latin y étant parlé et écrit non moins fréquemment que le grec 1). L'hinterland balkanique présentait done, aux II° et méme au III° siècles, une base bien plus serieuse pour la penetration du latin au-delà du Danube et la romanisation linguistique de la Dacie, que l'on ne pouvait le supposer jusqu'ici.
Passons enfin à l'examen des suites de l'évacuation ordonnée par Aurélien. Déjà, sous ses successeurs immédiats et plus particulièrement au temps de la teirarchie, la defense du Danube fut entière-
ment reorganisée par Galerius et Dioclétien. La ville de Tropaeum Traiani fut relevée de ses ruines, les forteresses du Danube restaurées et remises en &tat, les tetes de pont rétablies sur la rive gauche, sous le regne de Constantin 2). En face de Trans-
marisca, l'actuelle Turtucaia, on vit s'élever Conslantiana Daphne, de l'autre côté du Danube. L'influence romaine, affermie par les victoires de l'empereur, réduisit les Goths et les Sarmates qui occupaient alors le Banat et la Valachie actuelle Patsch, Beitrage, V, p. 154 et suiv. C. Diculescu, Die Wandalen und die Galen in Ungarn
und Rumeinien, Leipzig, 1923, p. 22 et suiv.
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LE PEUPLE ROUMAIN
Soldat romain et captifs barbares du Bas-Danube d'après le monument d'Adam-Klissi
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L1VACUATION DE LA DACIE
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A un tel degré de sujétion, que le fondateur de Constantinople put se glorifier d'avoir conquis une seconde fois la Dacie et renouvelé les exploits de Trajan 1). Croyons-en le témoignage de son neveu Julien, qui était certainement loin de lui 'are favorable. Géographiquement, les régions de la rive gauche du Danube s'appelaient au IV° siècle et
même au re la Gothie, nom qui passera ensuite A la Crimée, dernier refuge des Goths pontiques ; la rive droite, celle de la défense romaine, était cette époque une Ripa Gotica. Mais les relations avec l'empire étaient fréquentes et étroites ; la pénétration du christianisme le démontre aisément. On voit les martyrs de la foi nouvelle encouragés par les évèques établis en Scythie mineure, l'actuelle
Dobrogea, leurs reliques, celles de St. Sabbas, par exemple, tué en 372 sur les bords de Buzeu en Valachie, réclamées par Basile le Grand, év'éque de Césarée en Cappadoce, celles de St. Nicétas transportées à Mopsueste en Cilicie. Vingt-six Goths chrétiens furent brillés dans une église, sur l'ordre d'un lieutenant d'Athanaric: leurs restes furent pieusement recueillis par la princesse Gaatha et sa fille, qui portait le nom latin de Dulcilla ; elles les envoyerent à Cyzique, sur la mer de Marmara 2). Patsch, Ibid., III, p. 23. Patsch, Beigräge, III, ibid., pp. 57-59. 4
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G. I. BRATIANU
Les migrations ne cessent pas: en 334, A la suite d'une revolution sociale en pays sarmate, les Argaragantes vaincus, au nombre de 300.000, traversent
le Danube et reçoivent, par ordre de l'empereur Constantin, des tenures en Macedoine, en Thrace et en Dobrogea. En 358, l'empereur Constance opérait
dans le Banat contre les Sarmates Limigantes et détruisait deux de leurs tribus. En souvenir de cette expedition, la forteresse romaine de Constantia se
dressait encore au V° siècle sur la rive gauche, en face de l'embouchure de la Morava 1). Affirmer
qu'après l'évacuation de 271 tout contact a été interrompu entre la Dacie trajane abandonnée aux
Goths et les Dacies auréliennes des Balkans est absolument contraire A la réalité historique, bien avant le passage en masse des Goths, en fuite devant de nouveaux envahisseurs, sur le territoire de l'empire.
Ces relations transdanubiennes Wont pas cessé après l'invasion des Huns. Ces terribles conquérants s'humanisèrent assez vite. 11 y a entre la description classique d'Ammien Marcellin, les cavaliers au nez
camus,. \Taus de peaux de betes et mangeant la viande crue press& sous la selle, et celle de Priscus,
reçu une demi-siècle plus tard A la cour d'Attila, tout l'écart entre la première vague de 'Invasion 1) Ibid., II, pp. 182 et suiv., 190-91.
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L'EVACUATIO/4 DE LA DACIE
et le gouvernement d'un empire qui he commandait pas seulement aux Barbares Tous ces empires nomades se ressemblent: l'évolution de celui des Huns, pendant sa breve existence, est assez semblable à celle de l'empire avare qui lui succéda ou méme à la fortune du grand empire mongol du XIII' siècle, dont il fut une sorte de précurseur. Les envahisseurs tatars de la Hongrie sont pour l'auteur du Carmen Miserabile ce qu'étaient les Huns
du IV' siècle pour l'officier romain, et la reception de frère Guillaume de Rubruck par les lieutenants du Khan rappelle assez bien la relation de l'ambassadeur byzantin à la cour du roi hun. Les administrateurs succédaient rapidement aux guerriers et l'ex-ploitation régulière des peuples vaincus au pillage désordonné de la conquête. Toujours est-il que les échanges étaient frequents entre le Barbaricum
soumis aux Huns el l'empire: lorsque Priscus se rendit avec soft ambassade à la residence d'Attila, il se vit réclamer une longue liste de déserteurs refugiés sur le territoire romain et il retrouva d'autre
part, chez les Huns, bon nombre de Romains quii de gré ou de force, s'y étaient installés et y exerpient leurs professions. A la cour du roi, on parlait et plaisantait couramment en hun, en goth et en langue d'Ausonie », qui n'est autre chose que le latin. 1) L. Halphen, Les Barbares, 2-e éd., p. 28 et suiv. 4.
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G. I. BRATIANU
Évidemment, il faut tenir compte des relations
commerciales, mais il y avait encore des Romains en Pannonie, qui n'avaient pas cessé de parler leur
langue. Le Danube, pas plus au V' siècle qu'aux époques précédentes ne constituait une barrière et ne pouvait empécher l'influence de la civilisation supérieure du monde romain : à côté du palais en bois d'Attila, se dressaient les thermes en marbre, construits pour son conseiller Onesigise par un archi-
tecte romain de Sirmium. Mais déjà s'accentuait la pression des Slaves. Nous n'avons pas A refaire ici l'histoire de leurs invasions, que l'on trouvera, parmi tant d'autres ouvrages, dans le livre de M. Lot qui constitue le point de depart de cette etude 1). Au VI° siècle, Jordanes les montre divisés en deux groupes principaux: les Sclaveni et les Antes. Les premiers s'étendent de la civitas Novietunensis et du lac de Mursa jusqu'au Dniestr et A la Vistule, les autres, «
les plus puissants de tous », le long de la mer Noire,
entre le Dniestr et le Dniepr. Si le lac de Mursa désigne les marais au confluent de la Save et du Danube il serait peut-étre, plus plausible d'identifier Novietunum à Neviodunum, municipe romain de Pannonie Supérieure, Novidbovvov chez Ptolémée, 1) Les invasions barbares, I, p. 219 et suiv.: Cf. pour Jordanes, Getic,a, 34, M. G. H., A. ant., V.
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L'EVACUATION DE LA DACIE
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plus rapproché de la Save 1) que le lointain Novio-
dunum, Isaktcha, aux embouchures du Danube. Le texte de Jordanès serait ainsi plus facile A comprendre et l'ordre de sa description plus logique.
Quoiqu'il en soit, dans les dernières années de Justin I", les tribus slaves avaient (MA envahi la peninsule des Balkans. Tantôt soumises aux Avars, tantôt insurgées contre les nouveaux maitres de la steppe, elles avancent en masses compactes. Sous les successeurs de Justinien,, toute la region A l'Est des Carpathes jusqu'au Danube, était devenue une
Slavinie, comme elle avait été jadis une Gothie. La toponymie prouve que les Slaves avaient franchi
l'arc des Carpathes et qu'ils avaient pénétré aussi en Transylvanie. Bientôt leurs avant-gardes assiégèrent Thessalonique et pénétrèrent jusqu'en Morée,
qui deviendra pour des siècles un pays slave. Il semble que ce flot, dont la marée s'étale sur toute la péninsule des Balkans du VII° siècle avec une puissance irrésistible » 2), ait tout efface et ne laisse ') V. sur cette ville V. Piirvan, Dacia, p. 165 et B. Sária da,ns Pauly Wissowa, R. E. s. v. Neviodunum. Il est en effet plus logique d'indiquer d'abord les limites occidentales du monde slave et de passer ensuite au Dniestr et à la Vistule, que de sauter de la Dobrogea à la Save et de revenir ensuite aux regions orientales des Antes. Les Slaves sont d'ailleurs signal& aux confins de l'Istrie A, la fin du VP siècle. 2) Lot, ibid., p. 221. Cf. L. Niederle, Manuel de l' Antiquité slave, I, p. 47.
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G. I..BRITIANU
plus subsister aucune trace de romanité, en deça ou au-delà du Danube. Et pourtant, méme à cette époque qui, bien plus que celle d'Aurélien, devrait marquer une « césure »,
les elements romans ou romanisés tie cessent de traverser le Danube et de se méler aux nouveaux envahisseurs. Lorsqu'en 578, le Khan des Avars, OM aux Romains de Constantinople, pénétra en Valachie pour y attaquer les Slaves dans leurs propres quartiers, il y trouva, selon Ménandre, une province riche non seulement en aliments et butin de toute nature, mais aussi en prisonniers romains enleyés par ces mémes Slaves au cours de leurs exp.éditions dans les Balkans 1). Au VII° siècle, sous le regne d'Héraclius, les 4ctes de Saint Détriétrius de Thessalonique mentionnent l'établissement
en Pannonie de toute une population captive, enlevee par les Avars dans les provinces balkaniques. . 1). 11 y a tout lieu de croire que cette régle de designer
le peuple par son territoire et les sujets par le nom de leurs maitres ou de leurs suzerains a été observée aussl bien par les sources byzantines que par les actes italiens. On a tenté d'établir à cé suj et certaines precisions, qu'il est difficile de tenir pour certaines. C'est ainsi que Diculescu, qui voulait attribuer
aux Gépides une importance plus grande que celle qu'ils ont pu avoir réellement dans la formation du peuple daco-roumain, découvrait dans le texte de Théophane une distinction curieuse, qu'il pensait
devoir appliquer aux ancétres de ce peuple 2). Pendant l'expédition que le general byzantin Priscus
entreprit en 601 contre les Avars, au-dela du Danube, il est question d'un certain nombre de prisonniers faits par les troupes impériales, dont 3000 Avars, 800 Slaves, 3200 Gépides et 2000 ,« Barbares » (gal ßaef3deovg Staxalovç ). Ces « Barbares »
sans autre qualificatif, distincts des Gépides, des Avars et des Slaves seraient des Dacoroumains, qu'un chroniqueur byzantin ne pouvait appeler Romains », puisque ce nom était reserve aux Pcopalm, aux Byzantins eux-mèrnes. .Bien que cette ') Vicina et Cetatea Alba, p. 136-37. 2) Diculescu, Die Gepiden, I, p. 224,
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hypothese ait eté contest& 1), elle n'en est pas moins ingénieuse ; elle pourrait are rapprochée du passage de beaucoup postérieur, de Choniatès, pour qui les Vlaques dénommés autrefois Mcesiens, sont les « barbares qui habitent les montagnes de l'Hémus » (roèç xaret -cdv .guov tò eleog 13a0(ieovg 2). Mais
il est encore plus probable que les écrivains byzan-
tins devaient confondre la population de langue romane de ces regions dans la rubrique des « Huns »
ou des « Scythes » par laquelle ils désignaient les seigneurs temporaires des regions danubiennes. On voit cependant qu'A partir du X° siecle le nom des « Vlaques » a gagné toujours plus de terrain et est devenu d'un usage courant. Ce qui est plus cu-
rieux, c'est que les textes italiens, qui confondent les Boumains du Danube avec les Hongrois, désignent les Aroumains des Balkans par leur nom de Vlaques.
Nous en avons trouvé des exemples aussi bien dans les Annales génoises que dans les actes des notaires
Cette habitude ne fait d'ailleurs que confirmer la regle que nous nous proposions d'événitiens 3).
tablir : dans les Balkans, les Vlaques sont, politique-
ment, une nationalité distincte et un peuple indépendant bien avant la formation des États danubiens ; pour les chroniqueurs et les géographes arabes, i) L. Tamás, ouvr. cité, I, p. 90 et suiv. ') Ed. Bonn, p. 482. 3) Cf. Vicina et Cetatea Albd, pp. 137-138.
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ETHNOGRAPHIE ET Gb3GRAPHIE
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l'empire des Assénides et la Bulgarie étaient encore au début du XIV° siècle le « pays des Valaques 1). Les Vlaques n'y étaient pas confondus avec le nom d'un autre peuple qui les aurait soumis à sa domination, puisqu'ils étaient eux-mèmes, tout au moins pendant les premiers temps du second empire bul-
gare, un element dominateur et peut-être méme la classe dirigeante du nouvel État. De IA A supposer que le terme de « Vlaque » ou « Valaque » est aussi d'origine balkanique et que les Byzantins l'ont reçu des Slaves de la péninsule 2), il n'y a qu'un pas et
il n'est pas difficile de le franchir. Seulement ceci
pourrait nous entrainer à une autre conclusion, plus risquée, qui, si elle était acceptable, confirmerait
l'existence des deux elements dans la population daco-roumaine: les Romans autochtones et les émigrés des regions balkaniques: le notaire du Roi Bela mentionne les Blachi ac pastores Romanorum et le géographe anonyme du XIV° siècle des Blasi qui ont quitté les pascua Romanorum3). N'y aurait-il pas
dans cette nuance une distinction qui préciserait une origine territoriale, en opposant ces deux branches d'un méme peuple, les « pares des Romains », indigenes des regions carpathiques et danubiennes aux Blachi, les « Vlaques » (l'origine balkanique? ') Ibid., pp. 39, 131. Diculescu, ouvr. cité, p. 225.
Cf. Fed. Juhasz, p. 8 et l'ed. G6rka, p. 13.
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Pour are hasardée, cette hypothese est tout de même dans l'ordre des possibilités. II est un autre fait qui confirme l'interprétation, A la fois territoriale et politique, des noms ethniques
du peuple roumain dans les sources médiévales: c'est la valeur sociale qui s'attache de très bonne heure à l'appellation qu'il se donne lui-meme. Il est tout A fait caractéristique que le nom proprement national de rumcin ait eu un sens péjoratif au point de vue social; les Ruma'ni des documents roumains
de la fin du XVI' et du XVII° siècle sont les paysans attachés au servage de la glebe, les coloni et iobagiones des actes latins de Transylvanie 1). Avant cette époque, dans les documents rédigés en slavon,
au XV' siècle, le mot « vlaque » remplace celui de « rumAn ». Deux textes de 1481 sont particulièrement
caractéristiques: le prince de Moldavie, Étienne le Grand, dans une sorte de proclamation, s'adresse aux habitants des districts valaques de Braïla, BuzAu et RAmnic-S6rat pour leur annoncer qu'il soutient les droits d'un prétendant au trône de Valachie et nomme séparément les boYars, les knezes
et les « pauvres ». Les Valaques lui répondent au nom des boYars, des knézes et des vlagues. Il est clair que les deux premières categories, dont le nom est d'origine slave, représentent l'aristocratie et les i) C. C. Giurescu, Istoria Rom6lnilor, I, p. 238 et suiv.
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ETHNOGRAPHIE ET GPOGRAPHIE
propriétaires libres, tandis que la dernière,
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celle
des « pauvres *, ou des « vlaques » représente la popu-
lation paysanne non-libre, attachée A la glebe 1). L'on a même pu supposer, avec quelque apparence
de raison, qu'à cette époque tardive, ce sens péjoratif d'un nom ethnique représente un souvenir d'un état social et politique antérieur et rappelle la domination des Slaves, au Nord du Danube, sur
les populations de langue romane qu'ils avaient rendues tributaires et qui étaient assujetties aux cens et aux redevances diles aux conquérants 2). Il faut souligner également un autre sens de cette appellation et une conclusion qui s'en dégage. Il est évident que si rumein était encore à l'époque moderne le paysan attaché à la glebe, c'est parce que Romanus représentait pour les envalnsseurs germains et slaves du Haut Moyen Age le colon fixé au domaine. Ce
terme a done bien un sens de stabilité et non de migration, de sujétion agricole et non de liberté pastorale 2). Ii constitue jusqu'A un certain point un argument en faveur de la continuité romane et de l'influence des institutions du Bas-Empire au Cf. I. Bogdan, Doc. privitoare la relatiile Tdrii RomdneW ca Brasovul cu Tara ungureascd, I, p. 282 et suiv.
Giurescu, ouvr. cité, I, p. 243 et suiv. Cf. R. Rosetti, Des pre originea i transformarea clasei stdpanitoare in Mol-
dova, An. A. R. 2-e série, XXV (1906), p. 147 et suiv. 2) Cf. E. Gamillscheg, Romania Germanica , II, p. 241 et suiv.
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Nord du Danube, méme après la fin de sa domination politique et militaire dans ces regions. Cette particularité si curieuse confirme l'interprétation que nous avons tenté d'établir. À une époque où les sources historiques s'occupent des maitres du pays, des chefs et des classes dirigeantes, il est fort naturel qu'elles aient négligé au moins la population assujettie. Celle-ci a beau 'are plus nombreuse et sans doute aussi plus policée, du moins dans certaines regions, que les nomades qui l'envahissent et l'exploitent. Elle n'aura de valeur aux yeux des chroniqueurs et dans le langage des chancelleries, que le jour oil elle aura pu elle-méme
fonder un État, ou constituer les elements d'une classe dirigeante. Or, les Roumains ont commence jouer un rôle historique bien Mini, comme peuple
libre, dans les Balkans vers le fin du X' siècle et
dans le pays danubiens au XIII'. Le fait qu'ils n'ont pas ete nommes plus tôt expressement par les textes contemporains n'implique pas leur inexistence:
il signifie simplement leur sujétion à des pouvoirs étrangers, qui leur imposent, soit leur nom ethnique,
soit celui du territoire qu'ils ont soumis à leur domination. Il me semble que c'est la seule interpretation du silence des sources qui ne soit pas contraire la logique des faits, ou aux données différentes de
la linguistique. Les pays du Bas-Danube ont ceci www.dacoromanica.ro
ETHNOGRAPHIE ET. GEOGRAPHIE
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de particulier, qu'ils ont toujours été une voie de passage plutôt qu'un centre politique et militaire: alors que la plaine de la Tisza et du Danube moyen,
la puszta de l'Europe Centrale était un réservoir nature d'herbages, qui attirait les nomades et leur cavalerie, que les Balkans fixaient les envahisseurs
et devenaient un bastion naturel dans leur lutte contre l'empire byzantin, le couloir des Carpathes au Danube et au Dniestr n'était qu'une étape dans la marche des invasions et ne retenalt pas très longtemps leurs colonnes, que déplaçait la pression d'autres peuples de la steppe. C'est aussi pourquoi les noms ethniques qui désignent les maitres succes-
sifs de ces régions ont tellement varié, au point que les Byzantins trouvaient plus commode de les confondre sous une rubrique artificielle, tirée des auteurs classiques. Il y a eu ainsi des « Scythes » et même des « Sauromates » au. XI° et au XII° siècle. Il convient d'interpréter de la même manière le nom ethnique encore inexpliqué, que nous révèlent des sources musulmanes, qui viennent d'être au-
diées et traduites tout récemment. Il s'agit de la géographie universelle intitulée
Alam, « les
frontières du monde », composée en 982 à Gozgan,
dans l'Afghanistan septentrional, et de l'ouvrage persan de Gardizi, « l'ornement des histoires », écrit un siècle plus tard dans le Nord-Est de la Perse, en
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.
G. L BRATIANU
1094 1). Les deux textes, en décrivant les peuples turks, parmi lesquels ils rangent les Magyars, mentionnent deux peuples chrétiens qui sont les voisins de ces derniers, et qui se nomment, selon « les frontières du monde », les V.n.nd.r et les Mirvat, ou, d'après Gardizi, les N.dr.r. et les M.rdAt. Voici
d'ailleurs ce qu'ils en disent: d'après l'anonyme afghan, le pays des Madjghari touche à l'Est A des montagnes, à l'Ouest et au Nord aux districts des Ras, au Sud A la tribu chrétienne des V.n.nd.r., qui sont des hommes faibles et pauvres, qui possèdent peu des biens 2). Les MirvAt sont voisins des montagnes V.n.nd.r. et s'étendent de lA jusqu'au pays des Petchénègues et A la mer Noire. Le géographe persan de la fin du XI' siècle est plus explicite.
« Leur pays, écrit-il en parlant des Madjghari, est
adjacent A la mer de IV= vers laquelle coulent deux grands fleuves et les Madjghari vivent entre ces deux fleUves et lorsque l'hiver arrive, ceux qui s'étaient éloignés du fleuve reviennent près de ce 2) Sur ce sources peu connties ou mal interprétées jusqu'ici, cf. V. Minorsky, Une nouvelle source persane sur les Hongrois au X' siecle, Nouvelle Revue de Hongrie, LVI (1937), P. 305 et suiv. et A. Decei, Asupra unui pasa gin din geograful persan Gardizi, Mélanges Lapedatu, Bucarest, 1936, p. 877 et suiv. 2)
On leur applique aussi le term de bad-dil (poltrons)
qui cependant voudrait dire plut6t chretiens. Minorsky, may. cite, p. 312.
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ETHNOGRAPHIE ET GtOGRAPHIE
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fleuve .et passent l'hiver. Ils sont pêcheurs et se nourrissent de poisson. (En ce qui concerne) le fleuve
qui est A leur gauche (il faut dire que) dans la direction des Slaves il y a une tribu de Ram (dont les membres) sont t9us chrétiens. On (les) appelle N.nd.r.. Ils sont plus nombreux mais plus faibles que les Madjghart. Des deux fleuves précités, l'un s'appelle Atil et l'autre DAM, et lorsque les Madjgharl sont sur la rive du fleuve ils voient lesN.nd.riens. Au-dessus (ou : au-dessous) de ces derniers, sur la
rive du fleuve, il y a une grande montagne et une eau (en) sourd et coule sur son flanc. Derrière cette montagne on trouve une nation de chrétiens qu'on appelle M.rdAt » 1).
Ces relations viennent d'être analysées par le savant orientaliste, M. V. Minorsky, qui se propose d'en donner des editions anglaises dans la série de Gibb Memorial et par son ancien auditeur roumain, M. A. Decei, qui s'est occupé exclusivement du texte de Gardizt. Leurs conclusions sont assez semblables, en ce sens qu'ils s'accordent h &after toute identification caucasienne de ces regions inconnues, iden-
tifièation à laquelle Marquart lui-même avait fini par renoncer 2), Dans ce cas, comme le pensait déjà Barthold, la Dûbâ. l'un des fleuves n'est autre que ') Ibid., p. 2)
308.
Cf. ibid., p. 310.
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la Diind, le Danube, les Mirvat ou M.rdat, que l'on croyait d'abord identifier aux Croates, seraient plutôt les habitants de la Morava (Morvák en hongrois), de la grande Moravie de Sviatopluk, conquise par
les Hongrois lors de leur installation en Europe Centrale. Reste alors ce peuple mystérieux des N.nd.r. ou V.n.nd.r., qui s'intercale entre les Slaves et les Hongrois, le long du Danube ou de ses principaux affluents de la rive gauche. Les interpretations sont sur ce point très variées
et fort différentes. Les historiens et philologues hongrois out vu dans ce nom mystérieux une allusion au nom hongrois de Belgrade, Nándorfejérvar, et dans le peuple ainsi désigné, soit une deformation
du nom des Grecs, soit de celui des Bulgares M. Minorsky, après avoir penché d'abord pour « quelque population roumaine de Moldavie, ou meme de la Valachie », s'est décidé à rapprocher ce nom qui ne rappelle rien de précis, de celui des tribus turkes mentionnées par Maçoôdi, les V.1.nd.r.
qui envahissaient en 934 le territoire byzantin, le restituer en Vunundur et à l'identifier ainsi aux Onoghundur, ou Onogoures, tribu bulgare ehristianisée, dont la domination s'exerçait à cette époque 1) Decei, ouvr. cité, p. 896-97.
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ETHNOGRAPHIE ET GEOGRAPHIE
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sur les populations sédentaires de cette région 1). M. Decei, était arrivé de son côté A l'interprétation roumaine qui avait d'abord retenu l'orientaliste russe ;
il la justifie cependant par des arguments dont il nous faut reconnaitre la force: un peuple chrétien plus nombreux, mais plus faible que les Magyars; done pas un élément « dominateur », mais au contraire inférieur comme puissance militaire, vivant près du Danube, sous la grande montagne qui ne peut étre que la chaine des Carpathes; enfin pour achever de nous convaincre, sans compter le facteur
relOeux, l'origine clairement indiquée: une tribu az Rum, de Rum ou de l'empire romain 2), N'y-a-t-il pas lA une allusion évidente, sinon au territoire de
l'empire byzantin, mais à la romanité, A l'origine romaine, latine, du peuple roumain, origine qui a frappé les chroniqueurs byzantins tous les premiers, lorsqu'ils ont été amenés A s'en occuper? 3) Minorsky, ibid., p. 310. Chez Maçoadi (934), Walandar est aussi une ville byzantine. Cf. Marquart, Osteuropeiische
und ostasiatische Streifzitge, p. 61 et suiv. et 499 et suiv. où l'on établit un rapport entre ce nom et celui des Onogoures. Mais le nom de ceux-ei ne figure plus dans les sources byzan-
tines depuis l'invasion bulgare. Cf. H. Schönemann, Die Kenntnis der byz. Geschichtsschreiber von der eiltesten Geschichte
der Ungarn vor der Landnahme, Berlin-Leipzig. 1922, p. Decei, ouvr. cité, p. 898.
Cf. à ce sujet L. Tamas, ouvr. cité II, p. 51 et suiv.
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9.
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Dans- ce cas, si l'on admet que tous ces elements
concordent et qu'ils conviennent au seul peuple roumain, le nom de N.nd.r., qui ne ressemble à rien de ce que- nous pouvons rapporter A ce peuple, ni aux Vlaques, ni aux « Rumani », devrait 'are, selon l'habitude turque, le nom de quelque chef inconnu appliqué A celui de la nation à laquelle il comman7 dait; c'est le cas des Osmanlis ou celui des Seldjoukides. Ce serait la seule explication que l'on pourrait donner de ce curieux assemblage de consonnes 1).
L'hypothese est assurément des plus ingénieuses, mais elle parait encore plus vraisemblable, si on applique la méme méthode, non plus au nom d'un personnage qu'il est pratiquement impossible de reconnaitre dans l'état actuel de nos connaissances, mais à celui d'une classe dirigeante, d'un element « dominateur » superpose au peuple roumain. Or, un siècle après Gardizi, l'écrivain byzantin. Choniatès mentionne, A l'occasion du soulèvement des Assenides contre l'empire grec, le concours donne aux Vlaques et aux Bulgares insurgés par des gens venus du Nord, oi Boebdvng, dans lesquels déjà Uspenskij avait dû reconnaitre les Brodniks 2). C'est
un nom que l'on retrouve dans les annales russes dès 1147, lorsqu'ils se trouvent associes aux CoDecei, ouvr. cité, p. 898.
Cf. Kulakovskij, Oit se trouvait l'éparchie de Vicina? Vizantiskij Vremennik IV, p. 332.
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ETIINOGRAPHIE ET GEOGRAPHIE
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mans; c'est là aussi que les nomment, au debut dp. XIII' siècle, les documents hongrois: in Cumania et Brodnic, terra illa vicina, dit une bulle pontificale
de 1227 au suj et de l'évéché coman de la Basse Moldavie, ou bien encore, en 1231: in Cumazzia et Brodnicorunz provinciis sibi vicinios. L'onomastique
transylvaine mentionne aussi, en 1223, une terra Borothnik près de Sibiu. L'origine de ce nom est assez évidente c'est le slave brod, gué 1); les Brodniks sont done les « maitres des gués » ce qui correspond
assez bien à la region de la Moldavie méridionale et aux districts voisins de la Valachie actuelle, sillonnés par tant d'affluents du Danube. Ces voisins
des Comans ne semblent pas avoir été toujours en bons termes avec eux ; leur chef, un voïvode du nom de Ploscânea, passait dans le camp des Tatars en 1223, lorsque ceux-ci envahissaient la Russie méridionale el repoussaient les Comans en Hongrie et dans les
Balkans. Est-il trop risqué de rapprocher de ces mystérieux N.nd.r. ou V.n.nd.r. les Vordoni ou Brodoni des textes byzantins, les Brodniks que la chancellerie pontificale, au début du XIII° siècle, confond avec les Roumains des Carpathes? L'on a identifié récemment, dans le texte contemporain du pate arabe Abû Firâs, les noms de quelques personnages byzantins du X' siècle; on suppose ') D. Onciul, Originele principatelor rondine, pp. 89, 238-39.
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G. L BRA.TIANU
que T.w.d.r. représente Théodoros et B.r.d.lis Pastilas ; Bourtzès serait Al.B.t.r.sis et l'on pourrait retrouver dans la forme squelettique M.y.s.t.r.nats. L'hypothèse V.n.nd.r. Vordoni, Brodoni parait are plus difficile A admettre. Notons cependant, qu'il s'agirait d'une double &formation: un nom slave mal prononcé par les Grecs et transmis avec une nouvelle altération aux Arabes ; quoi qu'il en soit, les « maltres des gués » pourraient bien 'are quelque tribu d'origine slave, régnant sur un peuple chrétien, nonibreux mais désarmé, dont l'origine