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I Salas, Ajgu alemmas, Izimer aksas, Izem ax axilas, Akked NannaNanna-s
A Soraya, Soraya, Rebiha Timridjin A Sadek, Lounis Semaoun Tous deux fauchés à la fleur de l’âge, Tous deux fans inconditionnels de Lounis Aït Menguellet.
REMERCIEMENTS Au terme de ce modeste travail, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui m’ont aidé de près ou de loin à mener à terme la présente recherche. Je remercie plus particulièrement Madame Joëlle Gardes-Tamine, qui m’a fait l’honneur de diriger mes recherches, de m’accepter avec mes retards et mes approximations, d’avoir accepté de m’accorder trois dérogations successives pour ma réinscription, qui m’a toujours écouté et soutenu et qui n’a ménagé aucun effort pour me prodiguer ses conseils. Je la remercie également de la confiance qu’elle m’a toujours accordée tout au long de notre collaboration. Mon ami et collègue, M. Kamal Bouamara, est le premier à m’avoir orienté vers la stylistique et les poésies de Lounis Aït Menguellet dès le jour où il a lu un article de presse que j’avais publié sur les poésies d’Aït Menguellet dans le quotidien La Dépêche de Kabylie en 2003. Je remercie M. Lounis Aït Menguellet pour sa disponibilité chaque fois que je l’ai sollicité, que ce soit pour l’authentification du corpus, que ce soit pour les différents entretiens qu’il m’a accordés, ou encore pour la confiance qu’il a placée en moi dans cette entreprise tout aussi difficile que passionnante d’étude de ses poésies. Je voudrais remercier MM. Abdellah Bounfour, Salem Chaker et Claude Fintz qui m’ont fait l’honneur d’accepter de lire ma thèse et de constituer le jury de soutenance de celle-ci. Je tiens à exprimer mes plus vifs remerciements aux familles Iken et Kameli, établies à Berre l’Etang et à Marseille, qui ont accepté sans hésiter de m’héberger et de subvenir à mes besoins lors de mon séjour dans la région. Mon cousin et beau-frère Redouane et mon neveu Saci m’ont beaucoup aidé lors de mon séjour à Aix-en-Provence. Qu’ils en soient remerciés !
Le poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. Charles Baudelaire, L’Albatros
Aussi les amusnaw [les sages] les plus grands ne se contentent-ils pas d’acquérir un savoir et de le transmettre. Souvent ils tirent de l’expérience, de la leur et de celle des autres, des éléments d’extension et d’approfondissement. Alors ils coulent à leur tour en vers frappés comme des maximes le fruit de leurs réflexions personnelles, car tamusni est par définition prégnante. Mouloud Mammeri, Poèmes kabyles anciens
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DOCTEUR D’AIX-MARSEILLE UNIVERSITE Formation doctorale : Langage et parole Présentée et soutenue publiquement par
Allaoua RABEHI Le 18 février 2009
ANALYSE LINGUISTIQUE ET STYLISTIQUE DE L’ŒUVRE POETIQUE DE LOUNIS AÏT MENGUELLET : TEXTE KABYLE ET TRADUCTION FRANÇAISE
Directrice de thèse :
Joëlle GARDES-TAMINE
JURY : M. Salem CHAKER, Professeur, Université de Provence (Président) M. Abdellah BOUNFOUR, Professeur, INALCO, Paris M. Claude FINTZ, Professeur, Université de Grenoble III Mme Joëlle GARDES-TAMINE, Professeur, Université de Provence
Cette thèse est une étude stylistique de l’œuvre poétique de Lounis Aït Menguellet, poète-chanteur kabyle contemporain (son œuvre s’étale sur une quarantaine d’années, de 1967 à 2005). S’inscrivant dans le domaine des sciences du langage (discipline : linguistique), cette analyse stylistique est doublée d’une étude comparative du kabyle et du français au plan stylistique ; elle fait intervenir les disciplines connexes comme la poétique, la sémiotique et la traductologie. L’œuvre, orale, de près de 9000 vers (sur quelque 150 poèmes-chansons), après avoir été transcrite (en caractères latins), traduite et annotée, subit une analyse quant aux ressources linguistiques et stylistiques de la langue kabyle et que le poète exploite pour produire une œuvre singulière, quant à l’innovation qui caractérise l’œuvre par rapport à la poésie kabyle ancienne tant sur le plan de la versification que des figures de style ; suivie d’une analyse des problèmes posés par la traduction française, qui traverse aussi la partie consacrée aux figures. Outre la transcription, la traduction en français et l’annotation du corpus, le tout constituant l’essentiel du volume qui réunit les documents annexes, la thèse, pratique plutôt que théorique, est articulée autour 1° de l’analyse des résultats de l’inventaire quasi-systématique des faits de style (les parallélismes, les figures de construction, les tropes, les figures de pensée) et des caractéristiques formelles (versification) de l’œuvre et 2° des problèmes posés par la traduction au niveau des faits stylistiques en plus de deux chapitres consacrés à la critique d’une traduction de l’œuvre et à la comparaison de traductions différentes du dernier album.
STYLISTIC ANALYSIS OF POETIC WORK OF LOUNIS AÏT MENGUELLET: COMPARATIVE STYLISTIC STUDY OF KABYLE AND FRENCH This thesis is a stylistic study of the poetic work of Lounis Aït Menguellet, a contemporary poet-singer (his work has been created during forty years: since 1967 to 2005). This scientific research is a double work: stylistic study as a case of language studies (speciality: linguistics) and comparative stylistic study of Kabyle and French. It calls for other disciplines, like poetics, semiotics and translation science. The poetic work of our poet, object of this study, contains about nine thousands (9000) verses (in about 150 poems-songs); because of its oral state (it’s singed poetry), we had to transcribe it (in Latin alphabetic characters), to translate it in French and to annotate it. And then we have applied on it an analysis of linguistic and stylistic resources on Kabyle language, resources that are used by the poet in creating a singular work, because of innovation also in versification and style figures; and in a last part we have studied the problems that sets the French translation from Kabyle language trough the poetic work of Aït Menguellet, particularly in the part consecrated to style figures. Besides transcription, translation to the French and annotation of the corpus, the whole reunited in the volume consecrated to the annexed documents, the thesis, which is more practical than theoretical, is based on two axis: 1° analysis of the results of a systematic inventory of stylistic facts (style and versification) in this poetic work, 2° analysis of the problems of translation in stylistic facts level, and then a few chapters consecrated to the critic of a work translation and the comparison of two different translations of the last album.
FORMATION DOCTORALE : LANGAGE ET PAROLE MOTS-CLES : KABYLE / AÏT MENGUELLET / CHANSON / POESIE / VERSIFICATION / STYLE / TRADUCTION U.F.R. : L.A.C.S. UNIVERSITE DE PROVENCE
TABLE DES MATIERES Thèse (volume 1) Introduction ……………………………………………………………………………….... 13 Le poète et l’œuvre : présentation ……………………………………………………………. 16 Justification du projet et objectif ……………………………………………………………... 19 Liste des abréviations ………………………………………………………………………... 22 PREMIERE PARTIE : ASPECTS METHODOLOGIQUES ………………………………………. 23 Chapitre I : Eléments de méthode ………………………………………………………… 23 I. — La traduction …………………………………………………………………………… 23 II. — La stylistique …………………………………………………………………………... 25 1. Langue, écriture, style et stylistique ……………………………………………………….... 25 2. Objet de la stylistique ……………………………………………………………………… 26 3. Méthodes de la stylistique ………………………………………………………………….. 28 III. — Approches élargies du texte : paratexte et intertexte …………………………………... 32 1. Quelques données paratextuelles …………………………………………………………... 32 2. Quelques cas d’intertextualité ……………………………………………………………… 33 Chapitre II : La poésie d’Aït Menguellet : Cadrage général de l’analyse …………….... 39 I. — Quelques notions préliminaires ………………………………………………………… 39 II. — Qu’est-ce que le poème ? ……………………………………………………………… 41 1. Que pensent les poètes kabyles du poème ? ……………………………………………….. 42 2. Que pense Lounis Aït Menguellet du poème ? …………………………………………….. 45 2.1. Formes de référence ……………………………………………………………………... 45 2.2. Le discours sur le poème ………………………………………………………………… 49 2.2.1. Sur la forme ……………………………………………………………………………. 49 2.2.2. Sur le contenu ………………………………………………………………………….. 51 III. — Quelques éléments de la pensée et du Discours du Poète ……………………………... 60 1. Entre tradition et innovation ………………………………………………………………. 60 2. Profondeur et précision …………………………………………………………………… 61 3. Aït Menguellet, un poète ou un sage ? ……………………………………………………... 62 4. Le Poète et la religion …………………………………………………………………….... 65 Chapitre III : La traduction et ses problèmes…………………………………………… 71 I. — Poésie et traduction …………………………………………………………………….. 71 II. — Problèmes de traduction ………………………………………………………………. 73 1. Description sommaire ……………………………………………………………………... 74 2. Traduction ………………………………………………………………………………… 74 2.1. Généralités ………………………………………………………………………………. 75 2.2. Classification des problèmes ……………………………………………………………... 76 2.2.1. Comparaison des structures syntaxiques ……………………………………………….. 76
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2.2.2. Le lexique ……………………………………………………………………………… 83 2.2.3. Figures ………………………………………………………………………………… 84 2.2.4. Culture et “ visions du monde ” ……………………………………………………….. 85 III. — Examen de la traduction de Tassadit Yacine ………………………………………….. 86 IV. — Examen de la traduction de Ahmed Ammour ………………………………………... 97 VI. — Exemple de traduction sous la contrainte du mètre ………………………………….. 110 DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DU CORPUS : ASPECTS LINGUISTIQUES ET STYLISTIQUES ... 115 Chapitre I : Quelques particularismes linguistiques …………………………………… 115 I. — Lexique et néologismes ………………………………………………………………... 115 II. — Les calques …………………………………………………………………………… 119 III. — Enoncés interpellatifs et optatifs …………………………………………………….. 125 IV. — Négation et prétérit négatif ………………………………………………………….. 129 V. — Brouillage des instances d’énonciation ………………………………………………... 137 Chapitre II : versification ………………………………………………………………… 143 I. — Généralités ……………………………………………………………………………. 143 II. — Le mètre …………………………………………………………………………….... 145 1. Les formes traditionnelles ………………………………………………………………... 146 2. Les formes innovantes …………………………………………………………………… 155 3. De quelques discordances entre mètre et syntaxe ………………………………………… 161 III. La rime …………………………………………………………………………………. 164 1. Disposition de la rime ……………………………………………………………………. 165 1.1. Les formes traditionnelles ………………………………………………………………. 165 1.2. Les formes innovantes ………………………………………………………………….. 173 2. Qualité ou richesse de la rime ……………………………………………………………. 178 3. Les récurrences libres …………………………………………………………………….. 184 IV. Strophes et ‘‘formes fixes’’ ……………………………………………………………… 186 1. Les formes traditionnelles ……………………………………………………………….... 186 2. Les formes innovantes …………………………………………………………………… 193 Chapitre III : Les figures …………………………………………………………………. 213 Définitions ………………………………………………………………………………….. 213 I. — Figures de pensée …………………………………………………………………….... 213 1. L’allégorie ……………………………………………………………………………….... 214 2. La ‘sermocination’ ………………………………………………………………………... 224 3. L’ironie ………………………………………………………………………………….... 226 4. Le paradoxe (ou paradoxisme) …………………………………………………………… 229 5. Quelques exemples d’interrogation rhétorique …………………………………………… 232 6. Quelques expressions équivoques ……………………………………………………….... 233 II. — Les figures de signification ou tropes ………………………………………………… 235 1. Un cas particulier : la métaphore …………………………………………………………. 235 Le statut de la métaphore au sein des figures ………………………………………... 235 1.1. 1.2. La métaphore dans l’œuvre d’Aït Menguellet ………………………………………... 239
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2. Autres exemples de métaphores ………………………………………………………….. 246 2.1. La métaphore classique ………………………………………………………………… 248 2.1.1 La métaphore lexicalisée ………………………………………………………………. 248 2.1.2. La métaphore ‘‘neuve’’ ou renouvelée ………………………………………………… 275 2.2. La métaphore ‘‘surréaliste’’ ……………………………………………………………... 282 3. Métonymies et synecdoques ……………………………………………………………… 291 4. La comparaison …………………………………………………………………………... 293 III. — Figures de construction …………………………………………………………….... 298 IV. — Parallélismes et répétitions …………………………………………………………... 324 1. Parallélismes …………………………………………………………………………......... 324 2. Répétitions ……………………………………………………………………………….. 346 Conclusion ………………………………………………………………………………… 363 Bibliographie ……………………………………………………………………………… 369
Annexes (volume 2) Conventions graphiques …………………………………………………………………... . 377 Système phonologique du parler de l’auteur ………………………………………………… 380 Discographie ……………………………………………………………………………… 381 Index des chansons ……………………………………………………………………….. 386 Corpus 1 (chansons 1 à 57) ……………………………………………………………….. 390 Corpus 2 (chansons 58 à 113) ……………………………………………………………... 443 Corpus 3 (chansons 114 à 159) …………………………………………………………… 526 Inventaire des formes ‘‘prosodiques’’ ……………………………………………………. 627 Syllabation d’un poème …………………………………………………………………… 644 Traduction française et arabe des chansons 152 à 157 …………………………………….. 645 Deux traductions françaises différentes des chansons 152 à 157 …………………………... 655 Entretiens avec l’auteur ………………………………………………………………......... 667 Présentation de l’album Lγerba erba n 45 « L’exil de 1945 » ……………………………………... 671 Commentaires recueillis sur Internet ……………………………………………………… 673
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INTRODUCTION La littérature berbère contemporaine d’une manière générale et kabyle plus précisément, se présente essentiellement sous deux formes : d’une part la littérature orale, de loin la plus importante, et de l’autre une ébauche de littérature écrite entamée dès les années 1950 et progressant à pas lents. Dans la première catégorie, la poésie, genre ayant survécu à la destruction par la colonisation des structures sociales traditionnelles, occupe une place de choix. Elle s’est prolongée par ce qu’il est communément admis d’appeler poésie chantée. C’est dans ce genre « littéraire » que s’illustre Lounis Aït Menguellet qui, comme bon nombre de chanteurs kabyles contemporains, est à la fois poète, compositeur et interprète, de ses œuvres depuis les années 1970 car à ses débuts, comme peut le voir dans le corpus, il a interprété des chansons dont les textes et la musique est de Kamal Hemmadi ainsi que des poèmes de Si Muhend u Mhend. Le présent travail se voulant une recherche de littérature (poésie), nous ne nous y intéresserons qu’à l’étude des poèmes composant l’œuvre de cet artiste. Des études consacrées à la littérature kabyle de façon générale et à la poésie plus particulièrement, très peu on traité du matériau linguistique. Dire que la poésie existe d’abord pour elle-même avant de se voir confier un message autre que langagier, c’est souligner l’importance de la langue comme structure où s’élabore cette poésie. Pourtant, si l’on excepte les quelques travaux de Mouloud Mammeri sur les problèmes de prosodie et une petite incursion de Salem Chaker sur la langue de la poésie, les publications sur la poésie sont soit des anthologies précédées d’une brève biographie de l’auteur (ou des auteurs), soit des recueils (poèmes transcrits, traduits et annotés) précédés d’une présentation anthropologique. Maints textes ont déjà été publiés, qui traitent de l’œuvre poétique de Lounis Aït Menguellet, bien que d’inégale importance et d’orientation différence. Nous ne parlons pas ici des brefs articles de presse qui y sont consacrés ici et là. La toute première étude est celle réalisée par Tassadit Yacine, intitulée Aït Menguellet chante…1 La seconde est l’œuvre de deux amateurs, en l’occurrence Moh Cherbi et Arezki Khouas, intitulée Poésie kabyle et identité berbère : le cas d’Aït Menguellet 2. La troisième est une recherche de Mohamed Djellaoui dans le cadre de son mémoire de magister, intitulée L’imagerie poétique chez Lounis Aït Menguellet. Alors qu’à travers la première Yacine s’est attelée à montrer les conditions sociologiques — voire anthropologiques — particulières qui ont présidé à l’émergence du poète, Djellaoui s’est plus préoccupé, avec plus ou moins de détails, de l’inventaire des ‘‘images’’ poétiques dans quelques chansons, Cherbi et Khouas s’étant servi de bribes-alibi de l’œuvre d’Aït Menguellet pour produire un ouvrage atypique mêlant Aït Menguellet, Ferhat, Matoub, etc., d’une part et éléments de l’histoire du Mouvement Culturel Berbère et des réflexions sur la revendication identitaire et la chanson contestataire.
1
Alger, Bouchène/Awal, 1990.
2
Paris Méditerranée/EDIF 2000, 2001.
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Kateb Yacine écrivait dans la préface de Aït Menguellet chante… de Tassadit Yacine (p. 17) : « Incontestablement, Aït Menguellet est aujourd’hui notre plus grand poète. Lorsqu’il chante, que ce soit en Algérie ou dans l’émigration, c’est lui qui rassemble le plus large public : des foules frémissantes, des foules qui font peur aux forces de répression, ce qui lui a valu les provocations policières, les brimades, la prison. Il va droit au cœur, il touche, il bouleverse, il fustige les indifférents. » En effet, l’œuvre poétique de Lounis Aït Menguellet est une œuvre « singulière », mais c’est aussi une œuvre « plurielle ». Elle est singulière car différente de celles des autres poètes et poèteschanteurs, tant les anciens que les contemporains ; elle en est différente sur tous les plans : la qualité de l’expression, la thématique et le développement discursif, la densité de la composition poétique, la versification… font de Lounis un poète à la fois nourri dans la tradition des poètes kabyles et novateur grâce à sa double culture. Elle est aussi singulière car elle la seule à exprimer l’idée de création (ch. 45, v. 28-31) : De tout ce que mes yeux ont vu Il n’y a point de trace de toi : C’est peut-être mon esprit Qui t’a inventée. et à ébranler l’ordre établi et casser certains tabous comme celui de Dieu et du Destin, dans l’album de 1978 (ch. 74, v. 45-48) : Je jure que pour moi tu vivras Dussé-je changer le destin ; Et si Dieu m’accuse de blasphème, Alors je le traiterai de pécheur. et dans l’album de 1981 (ch. 83, v. 1-6) Las Seigneur Dieu ! Dans quel ciel habites-Tu ? Es-Tu au-dessus de moi, De loin Tu ne peux me voir ?! On m’a ravi mon burnous, On l’a foulé sous tes yeux ! C’est aussi dans des termes nouveaux que Aït Menguellet abordera le thème de l’exil. Nous n’en voulons pour preuve que les deux chansons phares : Anida nn--teğğam mmi « Où avez-vous laissé mon fils ? » (ch. 64) et Lγerba n xemsa xemsa--w-rebεin « L’exil de 1945 » (ch. 122), dans lesquelles la mise en scène et la distribution des rôles, la composition poétique et la subtilité du propos ne sonnent que comme proposition de sortir la chanson kabyle des sentiers battus et rebattus et de son statut de chansonnette dans lequel ses prédécesseurs, sans le vouloir, l’avaient reléguée. Aït Menguellet est le poète de l’amertume pare excellence, et comme le dit Tassadit Yacine (1990 : 62), « on peut dire que l’amour que chante Lounis n’est jamais un amour heureux. Il n’est
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pas seulement désenchanté, il est souvent désespéré, cruel sans raison, il est toujours bloqué dans une impasse dont on ne voit pas très bien quelle force peut le tirer. » Et même plus tard, lorsque Lounis chantera la défense de la langue et la culture berbères, le pessimisme est de rigueur dans ses poèmes, comme l’affirme T. Yacine (1990 : 71) : « même ici la réflexion d’Aït Menguellet ne se paie pas de mots. Elle refuse les illusions, les rêves, décape le brillant des images qui risque d’occulter la rugosité des choses. Car le peuple opprimé, méprisé, floué, n’est pas non plus en tout point innocent. » Entre les deux époques, la transition, c’est le poète qui la résumera plus tard et de façon remarquable dans une rétrospective produite en 1998 : J’ai exhorté en vain Mon sort qui sommeille, Et je l’ai abandonné à sa léthargie ; (ch. 145.2, v. 52-54) Certes, notre poète conservera dans l’intervalle un relent d’amour et de nostalgie jusqu’au dernier album mais cette étape, celle de Ixf ittrun « L’esprit en larmes » et RÜ RÜu u-yi « Attends-moi ! », sera l’étape charnière, qui consacrera les plus belles amours comme étant les amours perdues. Désormais, il chantera l’amour au passé et abandonnera toute référence à la fatalité (zzher) et toute idée de référence au « je » en abandonnant les thématiques plus ou moins personnelles pour entrer de plain-pied dans le « nous » exprimé par un nous qui, cette fois-ci, n’est pas un pluriel singulier mais un véritable pluriel ; un pluriel qui écarte le singulier, le fatalisme, le sentiment d’être floué par un quelconque destin. Désormais le fatalisme fait place au réalisme, et nous ne récoltons que ce que nous semons, il ne nous arrive que ce que nous méritons car nous l’avons élaboré de nos mains ou d’autres l’ont fait pour ou contre nous. En connaisseur des opérettes qui l’ont amené à composer sa première chanson longue, chanson dans laquelle il ‘‘distribuera des rôles’’ à des personnages qu’il fera parler (le fils en exil et agonisant, la mère en quête des nouvelles de son fils, les trois émigrés qui après avoir accompagné celui-ci lorsqu’il rendit l’âme rentrent au pays et …, notre poète, qui ne se pose pas en théoricien de la poésie, est pourtant convaincu que la connaissance d’une autre langue permet l’accès au savoir universel ; que le don constitue la base mais que celui qui ne se documente pas ne peut pas le développer. S’agissant des questions formelles, d’instinct Lounis est partisan des formes inattendues, qu’il élabore consciemment mais aussi du neuvain qu’il compose en référence à la poésie ancienne et en hommage aux poètes. Convaincu que la poésie est étroitement liée à la musique — les deux arrivant simultanément — et que l’acte de composer s’apparente à une transe, pour notre poète il y a d’abord le réel : tant de d’événements, du plus anodin au plus scandaleux, se produisent autour de nous chaque jour et constituent une source d’inspiration ; l’imagination est ensuite nécessaire pour décrire, raconter ce réel et l’augmenter ; mais il arrive parfois qu’un poème surgisse de nulle. Pour notre poète, le chant de l’amour est le fruit de la volonté mais le chant politique est le résultat de situations et de contraintes extérieures. Notre poète a donc composé et chanté des poèmes d’amour et de nostalgie, il a composé et chanté sur des thématiques autres, comme la politique et la philosophie. Et il l’a fait d’une manière telle que son œuvre mérite d’être étudiée. Qui est donc Aït Menguellet et quelle est son œuvre ?
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LE POETE ET L’ŒUVRE : PRESENTATION 1. Présentation succincte Né en 19503 à Ighil-Bouammas (Tizi-Ouzou, Kabylie), Lounis Aït Menguellet a commencé à chanter publiquement dans la deuxième moitié des années 1960. Son premier album, un disque de 45 tours, date de 1967 et son dernier, en cassette et en CD (avec dépliant dans lequel le texte kabyle est transcrit dans la notation usuelle du kabyle et traduit en français et en arabe), à 2005. Dans l’ouvrage qu’elle lui a consacré, Tassadit Yacine (Aït Menguellet chante…) a, jusqu’en 1989, recensé 104 chansons – elle en a omis trois (Mmekti Mmektiγ--d « Je me suis rappelé » (ch. 7), Mel Mel--iyi iyi--d ddwa « Dis-moi le remède » (ch. 9), Later « La trace » (ch. 106). La discographie et l’index des chansons mis à jour en janvier 2005, l’œuvre compte au total, de 1967 à 2005, l’équivalent de 27 albums et de 157 chansons interprétées. L’œuvre sur laquelle portera l’étude est composée de plus de quelque 150 chansons, de longueur variable (cf. Discographie et Index des chansons) [151 chansons (158 moins 7). Les 151 chansons (ch. 7 et ch. de 9 à 158) sont de Aït Menguellet (paroles et musique) ; pour les 7 autres chansons : ch. 1 et 2 (poèmes de Si Muhend u Mhend, musique de Kamal Hamadi) ; ch. 3, 3’, 4, 5, 6 (paroles et musique de Kamal Hamadi) ; ch. 8 (paroles et musique de Slimane Chabi) ; le poème 159 (Ay ack ack--ik ! « Tu es bon ! »), qui fait écho terme à terme au poème Diri Diri--yi « Mauvais suis-je ? » (ch. 150), a été composé par un fan de Aït Menguellet. On peut dire que de 1967 — il a écrit sa première chanson en 1966, à l’âge de 16 ans — à 1975, les textes des chansons de Aït Menguellet ne dépassaient que très rarement cinq strophes (dont le refrain) de six à douze vers. C’est en revanche en 1976 que le poète inaugurera l’ère des chansons longues (de plus de 100 vers) et c’est à partir de cette date que la quasi-totalité des albums comprennent au moins une chanson longue. Le dernier [Yenna Yenna--d um umγar ar] comprend une chanson (Asendu n waman « Le brassage de l’eau ») compte 119 vers et déjà, sortie en 1985, la chanson A mmi « Mon fils » en compte 223. Lounis Aït Menguellet a, depuis son plus jeune âge donc, été chanteur et, ignorant s’il a en parallèle exercé un autre métier, nous savons en revanche que parmi ses loisirs — le sport, la chasse, le travail du bois, etc. — la lecture figure en bonne position. Interrogé sur ce sujet, il affirme, ‘‘en bon poète’’, qu’ayant expérimenté la fameuse muse (inspiration), ayant tenté de l’attirer par la mise en place des conditions climatiques, naturelles, physiques ou psychologiques censées la faire venir (la pluie, le beau temps, la nuit noire, le claire de lune, la nature, la montagne, la forêt, la rivière, la plage, la solitude, la joie, la colère, la lucidité, la tristesse, l’aplomb, l’épuisement, l'exaltation, la lassitude), elle n’a en fait « jamais mordu à l’appât » et à partir du moment où elle ne répond jamais à aucune sollicitation et qu’elle vient « sans crier gare ! » le poète s’adonne à la lecture et se prépare ainsi à l’accueillir dans les meilleures conditions intellectuelles et spirituelles. Le poète affirme pourtant que la muse existe mais qu’il ne sait pas ce que c’est. Interrogé, lors de la conférence de presse qu’il a animé à la sortie de son dernier album 3
Le 17 janvier, précisément (M. Cherbi & A. Khouas, Chanson berbère et identité kabyle : l’œuvre de Aït Menguellet, p.18).
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(un certain 17 janvier 2005), sur le temps qu’il mettait pour élaborer un poème (une chanson), il affirmait que même si la préparation de l’album lui a pris trois ans, l’élaboration d’une chanson ne durait que le temps qu’il mettait à l’écrire.
2. Evolution de la thématique Aït Menguellet a, dans sa jeunesse, chanté l’amour et ce qu’on englobe sous le vocable de « nostalgie » puis abordera depuis 1979 les thèmes dits « politiques » mais même au cours de cette « période politique » il reviendra, à travers plusieurs chansons, sur sa jeunesse. Là aussi on verra que les deux domaines ne sont pas imperméables l’un à l’autre : la chanson Arğu Arğu--yi [aṛdӡuji] « attends-moi », que Yacine (1990 : 97) a classée comme « chanson d’amour et de nostalgie » est s en réalité plus complexe ; autant tettuγtettu -kem tikwal [təT uγkəm tikwal] « Il m’arrive de t’oublier » est un vers d’amour, autant snulfandawen [snulfanijiD i’dawən] « Ils [les gouvernants] snulfan-iyiiyi-d iεdawen m’ont inventé des ennemis » est un vers de politique. C’est aussi à partir de cette date que Aït Menguellet évoluera vers un type de chanson que nous qualifierons de longue et dont on comptera pratiquement une par album. Nous signalons, au passage, que T. Yacine, dans son livre Aït Menguellet chante…, a divisé l’œuvre de Lounis Aït Menguellet en deux parties nettes : d’une part, les chansons d’amour et de nostalgie et de l’autre, les chansons politiques. Cette répartition appelle une remarque : autant on relève dans cette œuvre des chansons d’amour (poèmes lyriques) et des chansons qu’on peut qualifier politiques, de philosophiques, de spirituelles (et la liste est longue), autant la prudence dicte de faire la distinction entre poèmes ″traditionnels″ à thème et à tonalité uniques et poème ″moderne″ qui intègrent harmonieusement amour, politique, narration, description, dialogue…, à l’image de Arğu Arğu--yi (cf. ci-dessus). En plus de cette dichotomie tranchée, T. Yacine a commis des erreurs dans le classement de certaines chansons : c’est ainsi que Arğu Arğu--yi « Attends-moi ! », qui doit être classée à part et Abrid ttun medden [le chemin que les gens ont oublié] « Le sentier oublié », qui est une chanson éminemment ″politique″, sont classées parmi les chansons d’amour et de nostalgie ; c’est ainsi que Acuγer « Pourquoi ? », Anida nn--teğğam mmi [où avez-vous laissé mon fils] « Mère et fils » et Win yeqqazen iêekwan [celui qui creuse les tombes] « Le fossoyeur », sont classées chansons politiques alors que ce sont des poèmes d’amour et de nostalgie ! S’agissant de l’évolution thématique de l’œuvre poétique de Lounis Aït Mengiuellet, il faudra en parler en termes de dominante. Certes depuis sa première chanson, qu’il a composée à seize ans et chantée à dix-sept ans, jusqu’à la première incursion dans les thèmes politiques dans la deuxième moitié des années 1970, l’oeuvre est faite de chansons d’amour. Durant cette période, les thèmes sociaux y sont rares — à l’image de l’exil dans la chanson Anida nn--te teğğ ğğam ğğ am mmi « Mère et fils ». C’est durant la période suivante, à partir de 1977, que ces thèmes que nous pouvons qualifier de non personnels par opposition aux thèmes personnels dont fait partie l’amour, seront plus à l’honneur dans l’œuvre. C’est ainsi que, si l’on excepte les albums de 1978 et 1984 où on enregistre un équilibre entre les deux thématiques et celui de 2001 dans lequel on enregistre, mêlé au politique, un lyrisme sans précédent, dans le reste des albums il y a une nette dominance de la thématique politique. Dans quatre de ces albums (1981, 1986, 1988, 1996), la thématique est
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exclusivement politique, dans les autres le poète ‘‘parachute’’ une chanson par album dans laquelle il peut mêler l’amour à la politique (Arğu rğu--yi « Attends-moi ! »), il peut effectuer une rétrospective sur sa vie (A ddunit ddunit--iw « Ô ma vie ! ») (1982), l’amour (Tayr Tayrii « L’amour ») (1985), sa jeunesse (Abrid n tem temêêi « Itinéraire d’une jeunesse ») (1990), ou chanter d’autres thèmes comme celui de l’exil (Lγerba n xemsa xemsa--u-rebεin « L’exil de 1945 ») (1992) ou ce récit épique qui viendrait du fin fond des âges (Tameγra « La fête ») (1993) ou celui qui, sur fond de nostalgie, raconte un cas de conscience, de l’assassin en service commandé (Siwel Siwel--iyi iyi--d ttamacahut amacahut « Raconte-moi une i histoire ! ») (1997) ou encore cet album de 1999 (In -asen « Dis-leur ! ») qui est un immense intertexte qui mêle toutes les thématiques. Enfin, dans le dernier album (Yenna Yenna--d umγar « Le vieux sage à dit ») (2005), on peut déceler des relents d’amour et de nostalgie, des allusions à l’éden perdu à jamais dans un univers politique atteint de décrépitude, un autre clin d’œil à la vie, à la jeunesse, une bienvenue à la vieillesse, décliné dans un style subtil et sublime et dans un jeu de questions-réponses entre les jeunes et le vieux Sage.
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JUSTIFICATION DU PROJET ET OBJECTIF Le choix de l’œuvre poétique de Aït Menguellet est motivé par des considérations diverses. Avant tout, Lounis Aït Menguellet est l’un des poètes kabyles contemporains les plus féconds. Il est, d’autre part, l’un des poètes-chanteurs kabyles les plus connus et reconnus, aussi bien en Algérie que dans l’émigration, notamment en France où vivent des milliers d’Algériens, de Kabyles, en particulier. Enfin, de par la double culture, kabyle et française, qu’il a acquise au fil des années, Aït Menguellet est, pour ne s’en tenir qu’à l’aspect poétique de son œuvre, l’un des poètes les plus innovateurs, tant au plan du contenu que de la forme même si l’on sait, par ailleurs, que dans le domaine de la poésie, la dichotomie classique forme/contenu n’est ni pertinente ni opératoire du fait que ces deux aspects sont intimement imbriqués et difficilement isolables4. A ce sujet, nous reprenons Molinié (1994 : 4) : La nature des faits langagiers est relativement, écrit, est relativement facile à faire apparaître en utilisant la quadripartition de Hjelmslev. Ce que l’on considère en stylistique n’est pas d’abord la substance du contenu, par exemple l’idéologie de Voltaire ; c’est quelquefois la substance de l’expression, comme le matériel sonore ou la disposition graphique, essentiels en poésie, en prose cadencée ou en écriture « cryptée » ; c’est toujours à la fois la forme du contenu et la forme de l’expression : les lieux de l’argumentation, un conte ou un essai ; les figures, les distributions, les caractérisations, le lexique… on cherche un caractère sui generis de littérarité — c’est déjà un vaste programme ; mais on cherche aussi un caractère différentiel dans la littérarité. (c’est nous qui soulignons)
En sus de ce que nous venons de dire quant à l’importance de l’œuvre de notre poète, outre les articles de presse et les entretiens avec le poète, qui ne traitent de l’œuvre que de façon sporadique et superficielle, des études, publiées5, lui ont été consacrées, qui y traitent qui de la biographie, soit des conditions sociologiques – voire anthropologiques – de production de la poésie, soit des ‘‘images poétiques’’ et ne s’attardent pas sur le ‘‘matériau’’ linguistique. Or nous estimons qu’une œuvre de l’importance de celle de Aït Menguellet mérite une étude stylistique. Les anthologistes s’étant surtout préoccupé de collecter, traduire et parfois annoter les productions orales, celles-ci, comme l’œuvre poétique de Lounis Aït Menguellet, n’ont jusque-là jamais fait l’objet d’une étude stylistique systématique. C’est dire qu’en la matière la lacune est béante et nous mettons un point d’honneur à inaugurer ce domaine nonobstant le risque, tant théorique que pratique, qu’encourt pareille entreprise. L’œuvre poétique de Lounis Aït Menguellet est si singulière et d’une qualité telle qu’elle mérite, à notre avis, une étude des ressources linguistiques et des procédés stylistiques que le poète met en œuvre pour la produire. Il était question pour nous au départ de nous livrer à une analyse stylistique de l’œuvre poétique de Lounis Aït Menguellet, un poète-chanteur kabyle. Dans une seconde étape et au fil des entretiens que nous avons eus avec la directrice de recherche, nous nous étions acheminé non pas vers l’abandon de notre objectif initial, mais l’enrichissement de celui-ci par l’adoption d’une 4 5
Voir à ce sujet O. Ducrot & T. Todorov, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, 1972, p. 37 et sq. Cf. Bibliographie : M. Cherbi & A. Khouas, M. Djellaoui, T. Yacine (1990).
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étude stylistique comparative du kabyle et du français. Ce double objectif trouvait sa raison d’être dans le fait que, d’une part, la langue de rédaction de la présente recherche est le français et, d’autre part, corollaire de la première raison, la nécessité de traduire le texte kabyle avant de procéder à une quelconque analyse. Il s’agissait, par ricochet, de voir, à travers ce travail, à quel point la comparaison est possible entre une poésie dite — et chantée ! — dans une langue de la famille dite chamito-sémitique et une de ses traductions possibles — la nôtre — dans une langue de la famille indo-européenne, tant au plan linguistique qu’à celui des cultures que ces deux langues charrient. Finalement, les deux objectifs — l’analyse stylistique de l’œuvre poétique d’Aïr Menguellet et l’étude stylistique comparative du kabyle et du français — se sont révélés difficiles à atteindre de façon simultanée. Comme conséquence de cette difficulté d’ordre pratique, nous nous en sommes tenus à l’analyse stylistique de l’œuvre en ne réservant aux problèmes de traduction qu’une petite partie. L’objectif de la présente recherche est double : il y sera question d’examiner les faits stylistiques les faits linguistiques et stylistiques dans l’ensemble de l’œuvre et de les comparer à ceux de la langue française dans le cadre général d’une analyse des problèmes que pose la traduction (littéraire, à travers une œuvre poétique) du kabyle vers le français. En d’autres termes, cet objectif fondamental du présent travail consiste en : – l’analyse des problèmes que pose la traduction, a fortiori s’agissant d’une œuvre poétique, aux divers niveaux lexico-sémantique, de la syntaxe et des figures de construction, au niveau des symboliques et des figures de signification, au niveau culturel et des figures macrostructurales. – l’application au répertoire de Aït Menguellet — qui est une œuvre littéraire — des méthodes de l’analyse linguistique6 ou la description des ressources linguistiques du kabyle que le poète exploite pour créer une œuvre « singulière » et de la manière dont il le fait. Il s’agira d’y mener une analyse stylistique au sens large : lexique, morphosyntaxe, rhétorique. Des ouvrages que nous avons pu lire et qui traitent de la littérature occidentale, la plupart illustrent leurs propos par des exemples tirés de la littérature française. Notre ignorance quant aux littératures écrites dans les autres langues d’Europe ne nous permet pas d’en savoir plus que ce que nous donnent ces ouvrages. Appliquées au répertoire d’Aït Menguellet, qui est une œuvre littéraire, les méthodes de l’analyse linguistiqu élaborées en Occident et qui ont fait leurs preuves dans l’analyse de la littérature occidentale — française du moins — ou la description des ressources linguistiques du kabyle que le poète exploite pour créer une œuvre « singulière » et de la manière dont il le fait, nous renseigneront sur leur propre pertinence et leurs limites. L’étude s’articulera en effet en trois principaux axes : dans un premier temps, on se livrera à un examen de quelques problèmes que pose la traduction. Cet examen, découlant de la traduction que nous avons faite de l’œuvre, ainsi que d’autres traductions, la partie qui lui est consacrée est insérée dans la partie réservée aux aspects méthodologiques. Dans une seconde partie, réservée à l’analyse du corpus, il sera question de l’examen des faits linguistiques et stylistiques. 6 Cf. l’importance des travaux de Jakobson, figure emblématique du structuralisme linguistique et de l’étude du langage dans son fonctionnement interne, que souligne Georges Molinié (1994 : 35), ainsi que (p. 36) la fonction poétique de la langue, qui projette le principe d’équivalence de l’axe de la sélection (axe paradigmatique) sur l’axe de la combinaison (axe syntagmatique).
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S’agissant ici d’un corpus poétique, donc littéraire, l’étude stylistique se trouve consolidée par l’examen de quelques problèmes de traduction, dans la mesure où la plupart de ces problèmes sont d’ordre stylistique. Les problèmes sont d’autant plus cruciaux lorsuq’il s’agit de la traduction des figures, qu’elles soient macrostructurales ou microstructurales, que ces dernières soient de signification ou de construction. Nous sommes persuadés que si nous avions à traduire notre propre manuscrit du français vers le kabyle, d’autres types de problèmes auraient surgi, relatifs à la carence du kabyle en lexique et terminologies et à la non-correspondance de nombre de structures syntaxiques entre les deux langues. La présente étude se trouve, cependant, amputée d’une partie essentielle : la stylistique statistique, laquelle nous eût renseignés sur les vocabulaires prédominants du poète et la fréquence d’emploi. Dire, en effet, que l’œuvre d’Aït Menguellet peut être caractérisée par l’absence de certaines parties du discours, comme le substantif tifrat « dénouement » alors que le verbe correspondant fru « dénouer » est omniprésent, que awel « bouillir » est un hapax (on ne le trouve qu’une seule fois dans l’œuvre, dans la ch. 115, v. 73), que tasarut « clé » n’est jamais employé dans l’acception de « instrument de dénouement », que l’idée de parole est omniprésente (forme nominale awal et forme verbale siwel) est présente une cinquantaine de fois, que l’idée d’exil (lγerba rba, neffu) est présente une dizaine de fois, ne suffit pas à établir la richesse ou la pauvreté du vocabulaire du poète.
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LISTE DES ABREVIATIONS 1: Première personne 2: Deuxième personne 3: Troisième personne A: Aoriste Acc. : Accompli Adj. : Adjectif AI : Aoriste Intensif AT : Actif-Transitivant C: Consonne COD : Complément d’Objet Direct COI : Complément d’Objet Indirect cf. Confer ch. : Chanson F: Féminin Inac. : Inaccompli M: Masculin NA : Nom d’Agent NAV : Nom d’Action Verbal NI : Nom d’Instrument P: Pluriel p. : Page PN : Prétérit Négatif Pp : Participe Pr : Prétérit Ps : Passif PS : Prétérit Simple R: Réciproque S: Singulier SP : Syntagme Prédicatif SPN : Syntagme Prédicatif Nominal SPV : Syntagme Prédicatif Verbal V: Voyelle v. : Vers vs : versus (opposition)
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PREMIERE PARTIE : ASPECTS METHODOLOGIQUES CHAPITRE I : ELEMENTS DE METHODE I. — LA TRADUCTION 1. Pourquoi la traduction ? Nous inscrivant et inscrivant notre thèse dans une perspective pratique, nous ferons l’économie d’un débat théorique profond sur les concepts, tant pour les concepts de base que pour les concepts opératoires. Une analyse stylistique d’une œuvre poétique monumentale, doublée d’une étude stylistique comparative avec ce que la langue française peut recéler comme possibilités stylistiques dans le cadre d’une discussion des problèmes que pose réellement la traduction du kabyle vers le français dans la mesure où nous avons été amené à traduire l’œuvre. Nous avons été amené à traduire l’œuvre, et ceci constitue la première étape de notre recherche, avant même d’avoir pensé à approcher les problèmes de traduction, encore moins envisager une étude stylistique comparative du kabyle et du français. Nous avons donc traduit le texte kabyle et l’avons fait pour deux raisons : la première tient au fait que dans la tradition de publication kabyle la poésie est le plus souvent traduite en français ; la seconde, plus importante que la première, est plus en rapport avec la langue de rédaction. Dans la tradition de publication, les traductions sont nombreuses pour la poésie kabyle, que les livres soient publiés en France ou en Algérie. Parmi ces traductions, nous pouvons citer les plus importantes : celles de Mouloud Mammeri dans Les isefra de Si Mohand et Poèmes kabyles anciens, celles de Tassadit Yacine dans Qasi Udifella, héraut des At Sidi Brahem et Aït Menguellet chante… et celle de Kamal Bouamara dans Anthologie des poésies lyriques kabyles attribuées à Si Lbachir Amellah. Nous avons nous-même déjà traduit un recueil de poésies (orales) provenant d’une collecte de première main et que nous avons publié dans une revue (Rabhi, 1995). L’objectif de toutes ces traductions étant de faire connaître au lecteur le contenu du texte kabyle, les auteurs parviennent avec plus ou moins de bonheur à rendre dans la langue de Molière et de Victor Hugo ce qui est dit dans la langue de Yusef u Qasi et de Ccix Muhend. C’est qu’il faut être traducteur, et être traducteur suppose la maîtrise des deux langues en présence. Mais la maîtrise des deux langues suffit-elle et en quoi consiste la maîtrise d’une langue ? Peut-on traduire la poésie ? Ces questions sont traitées dans le chapitre relatif à la traductibilité et à la traduction du poème. Revenons à la tâche de traduction, nous avons traduit : — tous les albums de Abrid n temêi « Itinéraire d’une jeunesse » (1990) à Yenna Yenna--d um umγar ar « Le vieux sage a dit. » (2005) ; — les deux poèmes de Si Mohand (ch. 1 et 2), bien que l’on en puisse retrouver la traduction de Les isefra de Si Mohand de Mouloud Mammeri ; — les cinq poèmes composées par Kamal Hamadi (ch. 3, 3’, 4, 5, 6) ;
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— le poème composé par Slimane Chabi (ch. 8), pour montrer que le ″style″ est bien différent de celui de Aït Menguellet ; — les poèmes qui ne figurent pas dans Aït Menguellet chante… de T. Yacine, bien qu’ils soient antérieurs à la publication de ce livre (ch. 9, 10, 106) ; — quelques chansons à titre d’essai dans une perspective comparative avec la traduction de T. Yacine (ch. 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21). Pour tous les autres poèmes que nous n’avons pas traduits, nous renvoyons le lecteur au livre de T. Yacine.
2. Problèmes de traduction Pour l’aspect traductologie, la discussion des problèmes que pose la traduction s’articulera autour des axes suivants : — Problèmes de traduction du lexique et de la syntaxe (aspect purement linguistique). Ce chapitre aurait pu être traité sans référence à l’œuvre de Aït Menguellet dans la mesure où il intéresse la langue dans sa réalisation de tous les jours. Mais la grande majorité des exemples illustratifs sera pris dans l’œuvre ; — Une discussion autour de la possibilité ou non de traduire sous la contrainte du mètre sur la base d’une traduction que nous avons faite des poèmes Siwel Siwel--iyi iyi--d tamacahut « Raconte-moi une histoire. » (ch. 140) et Asendu nn--waman « Brasseurs de vent… » (ch. 157). — Problèmes posés par la traduction des figures, que celles-ci soient des figures de signification (a fortiori la métaphore) ou des figures de construction (inversion, répétition, etc.) ; — Discussion de quelques problèmes relevés par la traduction de T. Yacine (tant d’ordre stylistique que linguistique) ; — Discussion de deux traductions de deux traductions différentes de Yenna Yenna--d umγar « Le vieux sage a dit. », l’album de 2005, l’une faite par Ahmed Ammour, un journaliste et l’autre par nousmême. Le kabyle enregistre un déficit lexical et parfois syntaxique, déficit qu’on peut difficilement combler, mais attention, il s’agit de vocabulaire technique et relatif aux réalités du monde moderne. Il s’ensuit que toute traduction vers cette langue peut s’avérer tâche ardue. Avouons d’emblée qu’en ce qui nous concerne, bien qu’il s’agisse de poésie et que dans ce cas il n’y a pas de problème de terminologie, la traduction du français vers le kabyle eût été plus ardue. En effet, nous n’avons pas rencontré de problèmes majeurs dans cette tâche de traduction, à l’exception de ceux que pose la traduction du mètre. Il y a évidemment des pertes et/ou des gains dans telle ou telle traduction. Mais imaginons un instant que nous aurions à traduire du français vers le kabyle, ce qui est déjà une pratique assez répandue en Kabylie : des œuvres comme Le prophète de Jubran Khalil Jubran (traduction française de Salah Stétié ?), Le retour de l’enfant prodigue d’André Gide, Jours de Kabylie de Mouloud Mammeri, mais aussi Les fables de La Fontaine ont été traduites. Mais en plus des problèmes d’ordre culturels inhérents à toute traduction d’une œuvre poétique, on peut rencontrer d’autres problèmes, par exemple ceux relevant du lexique mais aussi des catégories grammaticales : comment rendre par exemple des précisions comme beau-père, beau-fils,
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beau-frère, alors que le kabyle ne dispose que du seul terme aÑeggwal, pour désigner les trois ; il est vrai qu’on peut noter l’ambiguïté du terme beau-frère pour lequel le problème est partiellement résolu en kabyle — aslif pour « le mari de la sœur de l’épouse » — mais le déficit en kabyle est plus patent ; la traduction kabyle de « La chaleur et la lumière sont filles du feu » sera plus longue que l’original si elle veut être plus précise et incomplète si elle veut être aussi concise que celui-ci, soit respectivement : azγal az al d mmimmi-s n tmes, tafat d yelliyelli-s [la chaleur est fils du feu, la lumière est sa fille] ou azγal az al d tafat d tarwa n tmes [la chaleur et la lumière sont fils du feu], la différence de genre entre les deux termes azγal az al et la chaleur est à l’origine du problème.
II. — LA STYLISTIQUE 1. Langue, écriture, style et stylistique Roland Barthes, dans Le degré zéro de l’écriture, introduit le style collectif (communauté d’auteurs) comme intermédiaire entre la langue comme « norme » et le style individuel. Il s’agira, entre autres, de voir en quoi le style de Aït Menguellat serait positivement caractérisé par rapport à l’ « écriture » dans laquelle il s’inscrirait (intertextualité ?) bien que s’agissant du berbère (kabyle) la langue, au sens de code standard, qui n’en est actuellement qu’à ses balbutiements, il ne soit aisé de distinguer nettement les niveaux littéraire ou soutenu, non marqué, familier, populaire, et que la notion de style collectif ne soit applicable en tous points à la poésie kabyle contemporaine. Mais quand bien même s’il y existerait une norme, le style de Aït Menguellet ne constituerait pas forcément un écart car, comme le soutiennent Ducrot et Todorov (1972 : 383), « … on ne peut pas dire que le style de Victor Hugo soit une déviation par rapport à la norme de son temps : d’abord parce que l’établissement de cette norme pose des problèmes insurmontables ; ensuite parce que ce qui caractérise Hugo n’est pas forcément ce qui le distingue de l’usage commun. » Se pose alors la question de savoir où serait l’originalité de telle ou telle œuvre de tel ou tel poète si sa langue ne se distingue pas de l’usage commun. Guiraud (1972 : 8) définit la stylistique comme suit : « La stylistique telle qu’on la conçoit et telle qu’elle est décrite (…) reste une étude de l’expression linguistique ; et le mot style [est] ramené à sa définition de base, une manière d’exprimer la pensée par l’intermédiaire du langage. » De façon plus précise, Molinié (1989 : 23) parle de dégager les « traits correspondant à une mise en œuvre du langage qui relève d’une pratique singulière, sui generis de l’auteur (…) [car] en on arrive facilement à réactualiser la fameuse formule de Buffon — le style, c’est l’homme même — par où l’on vise à privilégier la forme de l’expression comme seule originalité possible dans l’art des lettres. » (p. 24) Etant loin de pouvoir étudier l’homme, nous retiendrons que le style est « … le choix que tout texte doit opérer parmi un certain nombre de disponibilités contenues dans la langue. » (Ducrot et Todorov, 1972 : 383), que le poète puise, sur la base d’un choix délibéré, dans le stock des ressources de la langue. Il appartiendra alors au stylisticien de décrire non le pourquoi mais le comment (les propriétés verbales) de ce choix, adoptant ainsi le propos de Suhamy, (1992 : 10) que nous reprenons in extenso : « Il est tentant d’abandonner la stylistique de l’écart pour adhérer à la stylistique du choix et de l’invention, en s’appuyant aussi bien sur les grands traités de Bally ou de Marouzeau que sur des théories comme celles d’André Martinet : toute
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langue est un jeu de règles en nombre limité, mais dont les possibilités combinatoires sont infinies ; toutes les tournures y sont contenues virtuellement, et c’est dans le choix et la découverte de ces virtualités que réside toute activité stylistique. » Ces possibilités existent donc dans la langue et le poète, locuteur privilégié, y puise à volonté et mieux que le commun des hommes, exploite mieux les ressources de la langue et avec une fréquence plus grande. Cette approche permet au stylisticien d’aborder sereinement les questions de style, d’écart, de norme, etc. d’un auteur en-dehors de toute considération.
2. Objet de la stylistique La stylistique est l’étude des conditions verbales, formelles, de la littérarité. Cette définition pratique, qui est en réalité une conquête à la fois méthodologique et objectale, délimite deux matières : l’objet de la pratique, et les moyens d’investigation utilisés. L’objet de la pratique, c'està-dire la littérature : à cet égard, le texte littéraire s’analyse comme discours produit et reçu. (1994 : 3) Les moyens d’investigation consistent en l’examen systématique, « tous azimuts » et exclusifs, des déterminations langagières de cette littérarité. De ce point de vue, « la stylistique est donc, selon Molinié (1994 : 4), apparemment, au croisement des « sciences » du langage et des « sciences » de la littérature. La littérarité entendue comme ce qui révèle le caractère le plus spécifiquement artistique de l’esthétique verbale (1994 : 79) La stylistique mise au rang des autres disciplines littéraires, a été proclamée morte à la fin des années 1970 par tels qui croyaient irrémédiable sa condition ancillaire (1994 : 24) mais un sursaut salutaire a fait produire à cette discipline auxiliatrice, ce moyen de critique interne des œuvres, de beaux travaux, et lui a fait jouer un rôle déterminant dans la critique d’attribution. S’agissant des études de style, la stylistique, selon Molinié (1994 : 32) y serait « dans le lieu où sont décryptées les symbolisations des lignes de force culturelles, car ces symbolisations sont de nature verbale : ce sont des traits stylistiques en tant que déterminations langagières précises, dans le tissu textuel d’une œuvre ; ce sont aussi des inflexions d’un autre ordre, qu’on pourrait qualifier de macrostructural, ou encore générique, qui marquent l’appartenance littéraire à une catégorisation générale. » On reconnaîtra Jakobson comme emblème du mouvement de la stylistique structurale, dont le point de départ est l’application à la littérature des méthodes de l’analyse linguistique pour y détecter, linguistiquement, les conditions verbales du caractère littéraire comme littéraire, c'est-àdire de la littérarité. Ce point de vue fonde la stylistique comme discipline autonome par son objet spécifique, dont les méthodes et les outils sont largement empruntés à la linguistique. Mais cette discipline, l’approche structurale, « se subdivise en assez nombreuses quasi-disciplines connexes : on n’insistera en revanche jamais assez sur les deux grandes questions de toute étude structurale : l’identification du fait objectal, et la significativité (la représentativité) de ce fait. On ne saurait plus profondément marquer l’importance de la réception dans la mesure de l’existence même des œuvres littéraires. » (Molinié, 1994 : 40) Pour comprendre aisément l’objet de la stylistique nous nous référons à Marcel Cressot et Laurence James (1988 : 23) :
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« Corneille écrit dans le Cid : Je la dois attaquer mais tu dois la défendre Si la grammaire historique nous renseigne sur le fait que l’antéposition du pronom personnel complément d’objet a été longtemps de règle devant l’auxiliaire ; qu’à une certaine époque la construction moderne a fait son apparition ; que ces deux tours ont été en concurrence environ un siècle, et qu’ils l’étaient au temps de Corneille, elle nous apprend que Corneille pouvait en toute correction utiliser les deux tours, mais non pourquoi il l’a fait, seul point qui intéresse la stylistique. En y réfléchissant, on verra que cette variation permet à l’auteur de mieux frapper son vers (3.3.3.3) et d’obtenir, par le rapport rigoureusement mathématique de l’accentuation, une opposition plus énergique et une formule plus stricte. »
Cette définition de l’objet de la stylistique indique que celle-ci résout l’ensemble des problèmes qui ne peuvent pas être résolus par la linguistique. Mais En d’autres termes, et selon Guiraud (1979 : 10), « la stylistique, telle qu’on la conçoit et telle qu’elle est décrite […] reste une étude de l’expression linguistique ; et le mot style, ramené à sa définition de base, une manière d’exprimer la pensée par l’intermédiaire du langage. […] Mais cette définition très simple et universellement acceptée pose plus d’un problème. »
Il n’est pas nécessaire d’exposer ici les problèmes que pose cette définition du style et on s’en tiendra à l’aspect esthétique de l’expression littéraire. C’est dans cette optique que se positionne Gardes-Tamine (1997 : 7-48), pour qui la stylistique de la poésie est l’étude de l’étrangeté, notamment dans le lexique, les figures de diction (les sonorités), les figures de construction (notamment l’inversion stylistique), les figures de signification ou tropes. Qu’est-ce qui caractériserait le style d’Aït Menguellet ? Est-ce le style de son époque ? Est-ce le style de sa région géographique et de son aire dialectale ? Est-ce le style du genre littéraire, poétique, dans lequel il s’inscrit et excelle ? Comme le soutient Guiraud (1979 : 124), il n’y a « rien de plus commun que de prêter à Racine des caractères qui appartiennent à son temps ou au genre littéraire qu’il pratique… »
La difficulté de définir le style réside dans le fait qu’il est (Guiraud, 1979 : 39) « tantôt simple aspect de l’énoncé, tantôt art conscient de l’écrivain, tantôt expression de la nature de l’homme […] Le style est une notion flottante qui déborde sans cesse les limites où on prétend l’enfermer, un de ces mots kaléidoscopiques et qui se transforme dans l’instant même où on s’efforce de le fixer. »
Et cette réflexion générale est on ne peut plus d’actualité s’agissant de l’œuvre poétique de Lounis Aït Menguellet. S’il est certes un poète qui puise dans le stock linguistique de sa région n’est-on pas amené à admettre qu’à chaque endroit de son œuvre, quelque chose nous dit qu’il transcende non seulement sa région, son aire dialectale et s’inscrit dans la Kabylie, mais en plus il a son style propre, auquel il est aisément reconnaissable ? En d’autres termes, analyserons-nous dans le présent travail le style de Lounis Aït Menguellet ? Ferons-nous une analyse stylistique de la langue berbère à travers le kabyle et à travers les productions d’un poète donné ou ferons-nous une stylistique de la poésie de Lounis Aït Menguellet ? Cette question pose une autre question, fondamentale celle-là, celle de savoir si la langue de la poésie n’est pas, ou du moins elle est différente, du langage ordinaire : en d’autres
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termes, si tout ce que dit le poète et comment il le dit est déjà dans la langue et qu’il se contente d’y puiser et de doser à sa guise. D’après ce qui vient d’être dit ci-dessus, il semble que la langue est un donné qui préexiste au poète comme locuteur mais dont il se sert comme poète dans le cadre de la parole, celle-ci étant la langue en mouvement. Le poète est donc quelqu’un qui fait se mouvoir la langue, quelqu’un qui en fait un instrument dynamique, qui actualise la langue. C’est en ce sens que nous pensons que le poète n’invente pas ex-nihilo, que les ″possibles″ existent — lui préexistent — dans la langue et que parmi ces possibles le poète opère des choix et les répète à souhait. 2.1. Stylistique des effets La stylistique peut aussi consister en un décryptage de déterminations verbales isolables sur des segments de discours, classables en vastes catégories formelles : ces procédés sont considérés comme créant une impression particulière sur le récepteur : des effets. On peut faire de la stylistique en étudiant soit un ou des procédés, soit un ou des effets. Les effets peuvent être de la tendresse, de l’intensité, de l’imprécision dans tel ou tel ensemble discursif. Dans cette stylistique, l’étude consiste à répertorier les passages porteurs de cette inflexion d’effet et à en démontrer les procédés stylistiques constitutifs. 2.2. Analyse du discours Le discours n’est pas pris ici en tant qu’il s’oppose au récit ; concrètement, discours est pris au sens de pratique langagière définie par un genre ou un domaine spécifique. L’analyse de discours s’attache exclusivement aux réalisations singulières ; le propos consiste à démonter les tenants et les aboutissants de la pratique langagière envisagée, considérée comme un tout. Il convient d’en isoler les constituants informatifs et de les mettre à part ; de mesurer les éléments idéologiques et axiologiques, ainsi que largement culturels, en référence desquels fonctionne ce discours, d’indiquer son orientation à leur égard et l’enjeu qu’ils représentent pour la portée dudit discours ; d’examiner les procédures rhétoriques dont se forme son argumentation ; d’étudier les marques dont se déterminent ses particularités énonciatives. Le lien avec l’objet de la stylistique est manifeste, ne serait-ce que par le choix des principaux produits langagiers soumis à l’examen.
3. Méthodes de la stylistique La stylistique emprunte ses concepts à des disciplines linguistiques, comme la lexicologie, la linguistique de l’énonciation, la sémiotique, la stylistique actancielle, la pragmatique. 3.1. La lexicologie La stylistique emprunte à la lexicologie, notamment la méthode des champs (principal représentant Georges Matoré, Lexique de la mode…), la lexicologie quantitative fondée par Charles Muller et illustrée après lui par les travaux de Pierre Guiraud, Bernard Quémada, etc. Ce sont des recherches fondées sur la statistique lexicale ; elles reposent sur des procédures compliquées, de nature s’abord linguistique puis mathématique, destinée à isoler les unités, leur identité, leur réapparition, leur fréquence, et les proportions relatives de ces fréquences selon les contextes.
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3.2. Les linguistiques de l’énonciation La stylistique emprunte à la linguistique de l’énonciation, qui étudie la subjectivité dans le langage : les marques, les conditions, les effets, les enjeux, c'est-à-dire les déterminations les plus vives du sens. Elle permet de cerner les traces du sujet producteur du discours : marques grammaticales, hiérarchie des dépendances narratives, insertion et rapport des interventions des personnages 3.3. La sémiotique La stylistique emprunte à la sémiotique. On retient que celle-ci se meut dans la substance du contenu et non dans la substance de l’expression. On retiendra le caractère relatif du concept de sème, dépendant des conditions réelles de communications occurrentes, ce qui installe d’emblée la sémiotique dans une dimension immédiatement congruente à la stylistique. On en retient aussi le concept d’isotopie (sémantique) qui est « l’effet de la récurrence syntagmatique du même sème. », d’une utilité extrême et d’un emploi très large en stylistique. Il permet de construire des niveaux de significativité d’un texte. 3.4. La stylistique actancielle La stylistique emprunte à la stylistique actancielle. Le texte littéraire est appréhendé comme discours. Cela signifie que la distinction récit-discours au sens benvenistien du mot n’est pas pertinente, que la distinction énoncé/énonciation n’est pas davantage utilisée et que ce qui est étudié est l’énonciation (la hiérarchisation des énoncés. Le discours (littéraire) est donc perçu par rapport à deux pôles constitutifs : le pôle émetteur du producteur et le pôle récepteur du destinataire. (p. 68) On peut établir un parallèle entre ces actants et ceux dans la syntaxe de Lucien Tesnière, qui sont, grammaticalement, les compléments du verbe (y compris le sujet) et ceux dans la sémiotique narrative de Greimas (l’adjuvant, l’opposant, le donateur…). En stylistique actancielle, les actants sont des pôles fonctionnels dans l’échange discursif. Ils sont analysables en termes de personnes (écrivain, éditeur…), de personnages (en tant que parties prenantes d’actes de langage ou, au moins, puissance de paroles ; ces réalités sont repérables dans les systèmes personnel et verbal, dans des représentations métonymiques, dans les personnifications. On peut distinguer selon que ce sont des personnages qui parlent ou écoutent « effectivement » ou dont on parle, selon qu’ils sont nommés ou non nommés. S’ouvre tout un programme de repérage et de catalogage des formes que prennent ces instances, de la manière dont elles apparaissent concrètement ou, au contraire, doivent abstraitement s’extraire du fonctionnement textuel, des relations éventuelles entre ces différents modes et telle pratique littéraire, singulière ou générique. (p. 69) On souligne ici le rôle de la réception (le niveau esthésique). Le récepteur lecteur, puissance économico-idélogique de réception, conditionne par sa qualité d’enregistrement la portée de tout le discours textuel. Autant l’émetteur est responsable du programme structural (des poèmes ou des essais) et du programme anecdotique occurrent, autant le récepteur, qui représente la masse potentielle du marché de la lecture, dessine les contours de l’horizon culturel dans lequel doit se forger la possibilité de la création littéraire. On rejoint ainsi non seulement la sociologie de la littérature mais aussi la question de la représentativité culturelle d’une œuvre littéraire dans le devenir de l’esthétique. (p. 77)
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3.5. Stylistique est pragmatique Discipline de la linguistique, elle étudie le rapport entre la langue et ce que peuvent en faire les locuteurs en situation de communication. S’agissant du rapport entre la pragmatique et la littérarité, on peut noter la position « traditionnelle » d’Austin, qui oppose illocutoire et perlocutoire : est illocutoire une production de paroles à visée d’instauration d’une situation mondaine, et perlocutoire celle qui réalise effectivement, par sa manifestation verbale même, une transformation dans le réel extralinguistique. Ou on peut se rallier à la radicalisation de Berrendonner, selon qui tout acte de langage, par la production de paroles, est, de soi, illocutoire, quand la portée perlocutoire caractérise l’effective réalisation d’une situation concrète par la seule profération. Dans ce dernier cas, seules deux situations génériques autoriseraient la prise en considération d’actes linguistiques authentiquement actifs : cas d’apparition d’une forte contradiction entre l’énoncé et le référent extralinguistique correspondant, et le cas canonique des figures. (p. 82) En effet les figures, du moins pour une bonne partie d’entre elles, ne sont interprétables que selon une perspective pragmatique. Dans les figures macrostructurales, par exemple, la différence entre litote et euphémisme tient uniquement à la dimension pragmatique du propos. Lorsqu’une œuvre est reçue comme une œuvre d’art, il est créé une valeur, qui n’existe dans aucun des constituants, qui est à la fois d’ordre langagier — c’est sa réalité substantielle — et de l’ordre d’un événement extralinguistique dans la mesure où c’est le fait langagier même qui devient un événement dans le monde… L’acte verbal caractérisé comme littéraire est perlocutoire ou rien. La littérarité, c’est la performativité absolue du langage en fonction poétique, c'est-à-dire l’acte de création d’un objet langagier dont le référent est sa propre fin. La considération de l’enjeu pragmatique rejoint celle de la sémiotique. A l’horizon, on retrouve la préoccupation de la représentativité esthético-culturelle du discours littéraire. C’est aussi une question de réception, puisque la valeur mondaine se mesure dans le public, ce qui légitime le parti pris pour une esthétique de la réception. Le but de la démarche est la recherche du caractère littéraire qui constitue le discours d’une œuvre comme littéraire : elle vise à la fois la littérarité générique et la littérarité singulière en même temps qu’elle doit apprécier la portée de ces deux caractérisations dans le panorama esthétique d’une culture. La stylistique a en charge ce programme même si on doit admettre que celui-ci déborde un peu le champ proprement stylistique. « Mais il ne faut pas se leurrer. On peut être en effet tenté, par une sorte d’héroïsme méthodologique, de pratiquer une stylistique sèche, ou de revendiquer, plutôt, une telle pratique, ne serait qu’en raison des échecs, ou des imperfections, de la stylistique des effets. Mais, outre l’aridité d’un tel exercice, qui constitue cependant un préalable nécessaire, et le sentiment de frustration que les optimistes risquent d’en retirer, il y a le danger véritable, à rester trop étriqué, de manquer l’essentiel, et de ne pas disposer seulement des termes qui permettent de poser les vraies questions, qui sont proprement stylistiques : celles de la représentativité verbo-esthétique. » (p. 86-87) De toute façon, les formes langagières scrutées par le stylisticien sont langagières. La sagesse recommande de commencer par l’examen des formes, des déterminations langagières : c’est le matériau qu’on doit étudier. Mais de l’autre côté, il importe de considérer aussi l’enjeu et la portée de ce en quoi consiste la mise en œuvre de ce matériau, comme pratique sémiotique par rapport à un public. Une stylistique interprétative, selon l’expression de Gilles Declercq, est d’autant plus rentable qu’elle s’appuie sur la base d’une stylistique ‘‘entomologiste’’. (p. 87)
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Ce sont presque les termes d Gardes-Tamine, qui commence ainsi son ouvrage sur la stylistique (1997 : 5) : « Une des principales difficultés de l’analyse stylistique tient à ce qu’il faut éviter deux écueils : s’en tenir à un relevé sec et aride des procédés du texte qui en supprime la dynamique et la spécificité, ou faire une explication littéraire qui propose directement une interprétation sans s’appuyer sur le détail des mots, constructions et figures. »
D’où la nécessité des trois opérations qui rendent compte non seulement des faits mais aussi des effets de style et de la production de signification, que sont la description, l’analyse et l’interprétation. D’où la nécessité périlleuse d’une prise compte des deux niveaux (GradesTamine, 1997 : 24) poïétique (niveau de la production du texte) et esthésique (niveau de la réception) en plus du niveau neutre que représente le texte lui-même. 4. Principaux concepts opératoires et Champ : On reprend ici les principaux concepts opératoires et le champ du terrain, tels que définis par Georges Molinié (1994) : 4.1. Principaux concepts opératoires 4.1.1. Marquage : Le stylisticien se situant du côté de la réception, il s’attachera à trouver et à identifier l’effet par rapport au non-effet, ce qui repose le problème de l’écart et de la norme, l’effet, donc l’écart, constituant un élément de littérarité. 4.1.2. Surdétermination : Il s’agit de détecter la profusion des déterminations langagières, qui fondent la littérarité d’un texte. 4.1.3. Dominante : Il s’agit d’établir le lien entre des déterminations langagières et tel ou tel référent idéologico-culturel, telle ou telle esthétique particularisée. Il y a nécessité de rassembler des faisceaux de traits langagiers, seuls significatifs, plus significatifs que les effets des parties. 4.1.4. Répétition et stylistique sérielle : La répétition, l’itération, est le seul moyen de trouver et d’identifier un fait langagier en pragmatique littéraire. 4.1.5. Stylème : C’est le caractérisème de littérarité ou fondamentalement non informative dans le fonctionnement textuel.
détermination
langagière
4.2. Le champ Le champ stylistique représente l’ensemble des entrées matérielles possibles sur le chantier où s’élabore la littérarité, que seule l’analyse isole dans l’investigation de l’œuvre globalement produite. 4.2. 1. Le lexique : on attirera l’attention que la plus petite unité stylistique, le matériau de base, c’est le mot. Il est constitué d’un signifiant et d’un signifié. L’essentiel dans la lexie relève du signifié. Ce dernier est constitué d’une valeur dénotative et d’une valeur connotative. la composante connotative, de loin la plus rentable, est constituée d’un agglomérat de valeurs ajoutées, diverses, dont voici les principales : –
caractère concret/abstrait ;
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significativité ou non-significativité par rapport aux catégories animé/inanimé ;
–
dialectique éventuelle de synonymie, avec la théorie des mots justes, crus, brutaux, face aux euphémismes, circonlocutions, impropriétés ;
–
faits de résonance, par vocabulaire spécialisé : technique, argotique, archaïque, néologique ou étranger, perçu comme spécial dans l’univers de la réception ;
–
aspect mélioratif/péjoratif ;
–
registre de la lexie : appartenance éventuelle à un domaine mondain particulier (technique, religieux, syndical…) ;
–
fait de niveau : trois généraux suffisent — relâché (ordurier, vulgaire, familier), neutre, soutenu-recherché
4.2. 2. Les caractérisants : modalités nominales, verbales, adjectifs… 4.2. 3. Distribution et phrase : ordre intasyntagmatique et ordre suprasyntagmatique. 4.2. 4. Figures : macrostructurales (n’apparaissent pas a priori à la réception) et microstructurales (se signalent de soi).
III. — APPROCHES ELARGIES DU TEXTE : PARATEXTE ET INTERTEXTE 1. Quelques données paratextuelles En matière de paratexte, les chansons, qui ne comportent jamais de titre rhématique (cf. L. Campa, 1998 : 92), reçoivent souvent des titres qu’on appelle incipit, c'est-à-dire le premier vers ou le premier mot du premier vers de la chanson. Mais, bien que de l’avis de Aït Menguellet le titre ne fait pas partie du poème, nous devons reconnaître que certaines chansons ont reçu un titre thématique, comme : TeltTelt-yyam « Trois jours » (ch. 58), Amjahed « Le combattant » (ch. 68) Tizizwit « Il était une fois une abeille » (ch. 69) Amcum « Le maudit » (ch. 80) Lxuf « La peur » (ch. 90) Aεsekriw sekriw « Le soldat » (ch. 97) Tayri « L’amour » (ch. 99) Abeàri « Le souffle » (ch. 100) Tiyita « Le coup » (ch. 110) Afennan « L’artiste » (ch. 111) Ccna « Le chant » (ch. 113) Imsebriden Imsebrid en « Les voyageurs » (ch. 121) xemsa--w-reb rebεin Lγerba erba n xemsa in « L’exil de 45 » (ch. 122) Tagmatt « La fraternité » (ch. 124) Tamurt--nne nneγ « Notre patrie ou la culture du désert » (ch. 125) Tamurt
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Amusnaw « Le sage » (ch. 126) Tameγra Tame ra « La fête » (ch. 132) Ssebba « La cause » (ch. 134) Tarewla « La fuite » (ch. 135) Tarbaεtt « Le groupe » (ch. 137) Tarba Asiwel « L’appel » (ch. 141) Amedyaz « Le poète » (ch. 142) Aseggwas « L’ ‘‘heureuse’’ année » (ch. 144) Ccna n tejmilt « Hommages… » (ch. 154) n--waman « Brasseurs de vent… » (ch. 157) Asendu n
Le corpus étant un recueil de poésie chantée, les indications paratextuelles se résument à ceci. Des chansons comme Ixf ittrun « Esprit en larmes » (ch. 74), Ti Tiγri ri n tasa « L’appel du cœur » (ch. 93), Abrid n temêi « Itinéraire d’une jeunesse » (ch. 114), etc. comportent des titres thématiques et synthétiques. La chanson Tiregwa « Les canaux » (ch. 145), immense intertexte conscient et er tidett « Du explicite, a été intitulé par un fan de Aït Menguellet. La chanson Si lekdeb γer mensonge à la vérité » (ch. 81) a reçu in extremis ce titre quelque peu thématique, par le chanteur Idir pendant l’enregistrement. Tandis que toutes les autres chansons ont un titre des plus ordinaires, Tis Tis--xemsa (tidet d wurrif) « La cinquième » (« L’ire et la vérité ») (ch. 147) doit ce titre à l’ordre d’exposition dans le manuscrit du poète, celui-ci ayant omis de l’intituler. Nous ne citons pas les titres des chansons qui ont pour titre le refrain ou le premier mot du refrain, les considérant comme des incipit.
2. Quelques cas d’intertextualité L’intertextualité, idée que tout texte est relié, consciemment ou non, à d’autres textes émis par d’autres auteurs, qu’il est ainsi nourri de ce qui l’a précédé, a été mise en évidence par les formalistes russes (AQUIEN et MOLINIE, : 1999 : 565-566). Dans le domaine de la littérature, selon Roland Barthes, tout texte est un intertexte. Riffaterre distingue une intertextualité aléatoire (simple relation qu’établit le lecteur entre des textes que sa mémoire et sa culture lui présentent à l’esprit) et une intertextualité obligatoire (qui laisse dans le texte une trace indélébile). C’est ce second mode d’intertextualité qui peut poser le problème du plagiat ou de l’emprunt ; mais il peut y avoir aussi rapprochement ludique et volontaire. C’est ce second mode qui nous intéresse dans l’étude de la poésie de Aït Menguellet. Le premier mode, l’intertextualité aléatoire, étant certainement et à la fois plus abondant dans l’absolu et moins évident dans les faits, le second mode est en revanche plus conscient et assumé. Album spécial intertextualité : Tiregwa « Les canaux » (ch. 145) : album de dix parties (dix morceaux, dix, chansons) dans le lequel le poète reprend toutes chansons de depuis la première (Ma truḍ « Si tu pleures », ch. 12, 1967) à Aseggwas « L’ ‘‘heureuse’’ année », ch. 144, 1997). C’est un immense intertexte qui consiste dans la condensation dans un seul album de pas moins de 130 poèmes chantés en trente ans de caractère. Entre : Rruà icudd s akalakal-im, A tamurttamurt-iw,
Notre âme est liée à ton sol, Ô mon pays,
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AkalAkal-nni γ--d-issekren
Ce sol qui nous a élevés.
(ch. 127, v. 18-20) et : D akal i tt-idid-yessekren I-yezzin fellfell-as yeččayečča-t
C’est la terre qui l’a élevé Qui se retourne contre lui et l’engloutit.
(ch. 64, v. 119-120) La terre, dans les deux poèmes, est à la fois la mère nourricière et l’ogresse dévoreuse. akal « la terre »/ « le sol » est donc ici doublement métaphorique : de la mère nourricière pour le support matériel d’où il tire sa subsistance et de l’ogresse dévoreuse pour la tombe qui l’accueille à sa mort. Cette double métaphore ressemble à s’y méprendre à la maxime du verset coranique : Inna lili-llahi wa inna ilayilay-hi rajiεun raji un « C’est à Dieu que nous appartenons, c’est auprès de Lui que nous retournons. » « Nous avons rendu Naori à la terre. » dira le Sage africain7. En sus de cette intertextualité interne, notre poète puise dans la sagesse populaire mais aussi chez des personnages connus pour être des dépositaires du savoir traditionnel, comme Cheikh Mohand de Taqqa At Yehya, qui a vécu dans la deuxième moitié du 19e siècle (vers 1843-1901) (Mammeri, 1980 : 48) SelonFromilhague et Sancier-Château (1996 : 93-94) : « Utilisée avec mesure, la notion [d’intertextualité] est d’une grande utilité, [pour laquelle] la compétence culturelle du lecteur est fortement sollicitée. »
Le quatrain suivant, qu’on relève dans la chanson D nnuba nnuba--k freà « C’est tour d’être heureux » : Ifer ibawen ibawen Yegman d asawen Xellunecra Xellun-tt (xlan(xlan-tt) -a-εecra YeàyaYeàya-tttt-id yiwen
Plant de fève Poussé vers le haut Dix hommes peuvent détruire Et un seul reconstruire
(ch. 77, v. 60-63) (traduction de T. Yacine, p. 281) est une adaptation du quatrain suivant de Cheikh Mohand (Mammeri, 1990 : 123-124, n° 133) : Ay ifer ibawen Igman d asawen Xellunecra Xellun-tt εecra Iεmer mermer-tt yiwen
Ô feuille de fève Qui croît vers le haut Dix peuvent ruiner Et un seul bâtir
C’est ce ″bout rimé″, que nous traduisons du fait que le livre de Mammeri est rédigé exclusivement en kabyle, que devait dire la femme au garçon unique en guise de réponse à celles qui en avaient beaucoup et qui l’offensaient en lui disant : Ay ifer ibawen Igman d asawen Amek ara kk-idid-yas yiÑes A win isεan is an yiwen
Ô feuille de fève Qui croît vers le haut Comment vas-tu t’endormir Toi qui n’en as qu’un seul ?
La citation ici semble sans but précis, c’est en effet la seconde fois que notre poète se lance dans la reprise. D’aucuns, jusqu’aux fans inconditionnels de Lounis Aït Menguellet, en voient une 7
Pierre Rabhi, Parole de terre, une initiation africaine (roman), Paris, Albin Michel, 1996, p. 58.
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excroissance, une sorte de remplissage, une conclusion mal à propos comme ‘‘chute’’ d’un poème pourtant élaboré. Doit-on prendre cette strophe pour un épilogue et aller en chercher une explication dans une sorte d’incitation subtile à la préparation d’une révolution qui puisse réparer les injustices objet des strophes précédentes ? S’agit-il d’une allusion au fait que la préparation d’une révolution, quelle qu’elle soit, est toujours le fait d’une poignée d’avant-gardistes ? Et qu’il y a de tous temps et en tous lieux plus de réactionnaires que de révolutionnaires ? Comme on le voit, T. Yacine traduit par plant ce qui est suffisamment connu pour être une feuille. Nous ignorons les motivations d’une telle option : l’équivalent kabyle de plant est aγeryun eryun et l’équivalent français de ifer est feuille et l’on sait que comme le plant entier la feuille croît. T. Yacine traduit aussi yegman par poussé : si on admet que le verbe pousser traduit gem jusqu’à la pour tous les stades de développement (germination, feuillaison, floraison, fructification, maturation), ce verbe pousser est alors intransitif mais incompatible avec l’auxiliaire être, d’où l’impossibilité que son participe passé ‘‘occurre’’ sans l’auxiliaire. Enfin dans sa traduction du troisième vers, T. Yacine propose hommes alors le texte kabyle ne précise pas. Il est vrai que si l’on excepte la partie introductive (jusqu’à la page 45) M. Mammeri a rédigé totalement en berbère (kabyle) son ouvrage Inna-yas Ccix Muhend et, par conséquent, n’a pas traduit les dits du Cheikh. Le quatrain suivant, qu’on relève dans la chanson Amusnaw « Le sage » : A wi iddan d wi tt-yifen Ad yettεanad yett anad a tt-yaweÑ Wamma win i dd-nemsawa Ula wi irefden wayeÑ
Ah ! Pouvoir fréquenter meilleur que soi plèbe populace Pour que par émulation on puisse l’égaler, Tandis qu’entre égaux On ne saurait se porter secours.
(ch. 126, v. 1-4) est une adaptation d’un sizain de Cheikh Mohand (Mammeri, 1990 : 88, n° 68) : A wi iddan d wi t[ô qui étant parti avec qui le surpassant] Ah ! Pouvoir fréquenter meilleur que soi t-yifen Ad γer erPour par émulation pouvoir l’égaler. er-s iεaned i aned a tt-yaweÑ [vers lui il rivaliserait, il parviendrait à lui] A d-iÑàu seg wi ittεerfen [il deviendrait de qui étant érudit] Il serait un parmi les érudits, Lawleyya i d[les saints que nous fréquentons] Ces saints que nous fréquentons. d-nxuleÑ Nekwni s lεibad [nous les humains nous sommes égaux] Parmi les gens que nous sommes, l ibad nemsawa Ula wi inejmen wayeÑ [vers lui il rivaliserait, il parviendrait à lui] Qui peut sauver son semblable ?
Notons bien la différence entre le dit du Cheikh et la citation du poète : le changement a été opéré sur deux plans : au plan de la versification, la strophe était un sizain, elle devient un quatrain en perdant deux vers internes (le troisième et le quatrième) et pas n’importe lesquels : ce sont les vers qui parlent des Saints dépositaires du Savoir, les vers à connotation religieuse, et dont se départit le poète, ne conservant que les vers dont on peut dire qu’ils ont une coloration ‘‘laïque’’, les vers profanes ; au plan du lexique, dans les vers que le poète a adoptés, il opère des modifications dans le troisième et le quatrième (le cinquième et le sixième de la strophe originale), ‘‘substituant’’ un substitut (wigi « ceux-ci ») à lεibad ibad « les gens » (emprunt arabe) et irefden « relevant » à inejmen « pouvant ». En tout état de cause, la citation, malgré la ‘‘défiguration’’ que le poète lui fait subir, est là dans un but précis : parce que le poète croit en le Cheikh en tant que maître dépositaire du savoir traditionnel et non en tant que saint tutélaire investi d’une quelconque force transcendante, il reprend un de ses dits et en maître le remodèle pour en faire le prélude au poème intitulé
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Amusnaw « Le Sage ». Comparant ces citations aux dédicaces des poètes français, fonctionnant
comme un hommage, nous citerons à juste titre Laurence Campa (1998 : 99) : « Les dédicaces, placées en début de poème ou de recueil, s’adressent à un destinataire particulier, qui se distingue du lecteur potentiel de l’œuvre. Elles fonctionnent essentiellement comme des hommages, et peuvent se révéler précieuses pour le lecteur, surtout quand elles désignent des artistes notoires. Baudelaire dédie Les fleurs du mal à Gautier en signe d’amitié et d’admiration, mais aussi dans le but de se placer sous la protection d’un maître reconnu. »
Dans le passage suivant, qui occupe une place importante (dans l’avant-dernière strophe) dans la chanson Di ssuq « Au marché », Aït Menguellet reprend en le citant explicitement une des nombreuses sentences implacables de Cheikh Mohand : Yenna ccix degdeg-wawalwawal-is Lmumnin a dd-akkw-àlun Ma d imcumen ad mseglun mseglun
[il a dit le cheikh dans son verbe] Le Cheikh a bien dit : [les croyants tous ils guériraient] Les honnêtes gens iront mieux [tandis que les maudits ils s’emporteraient les uns les autres] Et les méchants s’entretueront.
(ch. 138, v. 66-68) Notons les parallélismes lexico-sémantiques sans pour autant qu’il y ait chiasme : les croyants – la guérison / les maudits – la disparition. Ce parallélisme, sans antithèse, a tout d’un isocolon. Notons aussi l’intercalation du déterminant akkw entre les modalités d’aoriste et d’orientation spatiale (a dd-) et le syntagme verbal –àlun, intercalation étudiée dans le chapitre consacré aux figures de constructions. Le poète a beaucoup cité le Cheikh comme il a cité Yemma Kediidja Tukrift, une Sage du versant sud du Djurdjura, ainsi dans la dernière strophe de la chanson Aεeééar « Le forain » : IbanIban-d win i tenten-issnen Am uzeqqur dd-igren s asif D taàemmalt i tt-isbeεden isbe den SegSeg-uêaruêar-is nn-iğğa γef rrif LemàibbaLemàibba-nsen d asawen TamusniTamusni-nsen d aγilif a ilif
Alors parut qui les connaissait Comme une souche que la rivière entraîne Le courant l’emporte loin Des racine restées sur la rive Leur fréquentation n’est que peine Leur amitié rude montée
(ch. 72, v. 37-42) (traduction de T. Yacine, p. 278) Les deux derniers vers de ce sizain sont en effet de Yemma Khedidja, comme en témoigne le poème suivant : A Rebbi efkefk-d ameččim Deg yigenni ad ig iεlawen i awen Ad tergel TiziTizi-n-Kwilal D-ééillin Igawawen TamusniTamusni-nsen d aγilif a ilif LemàibbaLemàibba-nsen d asawen Ma tewwimtewwim-d azal n sin Éeddit ad tezlum yiwen
Faites mon Dieu tomber la neige à gros flocons Jusqu’à faire des voiles dans le ciel Que soit bouché le col de Kouilal Par où viennent les Zouaoua C’est souci de les connaître Et épreuve d’être leur ami Si vous avez le prix de deux chevreaux Vous pouvez en égorger un.
(Mammeri, 1980 : 380-383)
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Cette reprise, qui date de 1978, prouve, si besoin est, qu’Aït Menguellet est soit un poète qui baigne dans la culture orale traditionnelle, soit un féru des livres anciens, car même si le livre Poèmes kabyles anciens de Mouloud Mammeri, qui rapporte ce poème, ne sera publié qu’en 1980, Mammeri lui-même fait référence à un texte avec des variantes rapporté par Hanoteau8. Et nous croyons savoir que notre poète dispose chez lui d’un exemplaire original de Poésies populaires du Djurdjura, publié par Hanoteau à la fin du 19e siècle. Dans sa traduction, T. Yacine semble s’être trompée quant à l’ordre des deux derniers vers. Dans le poème de Aït Menguellet, traduit par T. Yacine, l’ordre des deux vers repris a été inversé mais l’ordre de la traduction est resté tel quel. Si l’on admet que tamusni est la fréquentation et non la sagesse, cela semble être le cas dans le poème de Aït Menguellet, qui commence par […] win i tenten-issnen « celui qui a fait leur connaissance », mais il est tout à fait possible que dans le poème de Yemma Xlija Tukrift il s’agisse de tamusni au sens de « savoir », ce que peut corroborer la situation d’énonciation : ce poème est dit à propos de deux telbas (‘‘clercs’’ musulmans) qui ont franchi le col en quête de gîte et de couvert auprès de la Sainte, mais surtout ces telbas sont dépositaires d’un certain savoir. Le vers 5 du huitain peut ainsi être traduit : TamusniTamusni-nsen d aγilif a ilif
Leur savoir n’est que peine
Mammeri non plus n’est pas de notre avis, qui prend tamusni au pied de la lettre, c'est-à-dire dans le sens de « fréquentation », et qui s’est cru obligé de préciser dans la traduction qu’il s’agit de chevreaux (7e vers). L’intertextualité, quel qu’en soit le mode, est un facteur du style formulaire. A ce titre, on peut lire dans J. Molino et J. Gardes-Tamine, 1992 : 206-207) : « Le style formulaire nous oblige donc à poser sur de nouvelles bases le vieux problème de la tradition et de l’innovation. Ce style n’est pas réservé à la poésie épique, et l’on retrouve des procédés comparables dans la poésie lyrique médiévale. […] Dans la poésie orale, les formules préexistent au poète et s’imposent à lui de l’extérieur. »
S’agissant justement des deux vers suivants, qu’on relève dans les chansons respectives A wi irun « Ah ! Pleurer ! » et Labas « Tout va bien ! », nous avons probablement affaire à une reprise de proverbes populaires : Kul sseεqa sse qa s teslentteslent-is
A chaque foudre son frêne ;
(ch. 128 ; v. 31) Kul timseεreqt timse reqt s nnubannuba-s
A chaque énigme son temps,
(ch. 130, v. 3, 17, 31, 45, 59, 73) Les énoncés des deux vers semblent énoncer des vérités absolues et sans appel, frappées du sceau de l’oralité. Dans les deux cas, la traduction relève ici du mot à mot sur les deux plans syntaxique et stylistique (y compris métrique) et s’explique au plan syntaxique par le fait que ces énoncés existent en langue française (énoncé sans verbe et sans actualisateur). C’est là qu’à notre avis, le poète emprunte, non pas à un individu mais au « on-dit », au « chœur social », au « déjà dit », à un sociolecte particulier, dont parlent Fromilhague et Sancier-Château (1996 : 92). 8
M. MAMMERI, op. cit., p. 384, note 343 : « Texte rapporté avec des variantes par Hanoteau […] avec la notice suivante : « C’était une sainte maraboute de la tribu des Imcheddalen, qui pendant le siècle dernier habitait dans le Djurdjura dans une maison isolée située au pied du pic qui porte son nom. De toutes les tribus, on se rendait en pèlerinage à son ermitage. »
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Dans le tercet suivant, le poète fait implicitement référence à un adage français : ZikZik-nni akka i dd-qqaren Aêru yegrarben Muàal ad yejmeε yejme leàcic
Jadis on disait La Pierre qui dégringole Jamais n’amasse mousse.
(ch. 66, v. 25-27) S’agit-il ici d’un calque ou d’un intertexte ? Le deuxième et le troisième vers (v. 26 et 27) ressemblent à s’y méprendre à l’adage Pierre qui roule n’amasse pas mousse. Mais attention : le poète emprunte l’idée et l’image en couleurs, sans doute s’est-il documenté et a-t-il pris connaissance de l’adage et de sa signification : il l’a introduit par le premier vers (v. 25), l’a adapté à sa situation dans un poème fortement lyrique, dans une syntaxe parfaitement adaptée, avec en plus la détermination négative jamais, plus catégorique que pas même si leàcic signifie « herbe » et n’a pas la précision de mousse. On sait que le domaine d’application de l’adage français, qui date probablement de l’époque féodale, qui fait allusion à la non rentabilité de la monnaie qui circule et qui est remis en cause par l’économie capitaliste — qui le transforme justement en Pierre qui roule amasse mousse, est d’ordre économique et financier (on ne s’enrichit pas en changeant souvent d’état, de pays). Cette adaptation de l’adage français semble sans raison apparente, eu égard aux deux tercets précédent et suivant : A tiziri dd-ittlalen A mm-àkuγ àku wissen Ma a dd-tfehmeÑ neγ ne maεlic ma lic i a Zikd-qqaren Zik-nn akk i dAêru yegrarben Muàal ad yejmeε yejme leàcic i D nekkin i tttt-ixtaren Almi nnan medden Akka i tÑerru d yir aqcic
Ô clair de lune naissant, Je te raconterai, peut-être Me comprendras-tu, sinon tant pis ! Jadis on disait La Pierre qui dégringole Jamais n’amasse mousse. C’est moi qui l’ai tant choisie Que les gens ont dit : Ainsi advient-il du mauvais garçon !
(ch. 66, v. 22-30)
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CHAPITRE II : LA POESIE D’AÏT MENGUELLET : CADRAGE GENERAL DE L’ANALYSE I. — QUELQUES NOTIONS PRELIMINAIRES 1. Chanson et poème Contrairement à la définition que donne de la chanson le Dictionnaire de Critique littéraire (Gardes-Tamine et Hubert, 1996 : 45), qui fait d’elle un « genre médiéval », la chanson kabyle, celle à texte notamment, est un genre littéraire vivant. La chanson d’Aït Menguellet est un exemple de chanson à texte. La chanson, « genre qui unit, grâce aux possibilités de la voix humaine, poésie et musique » (Gardes-Tamine et Hubert, 1996 : 45), sera considérée comme unité à part entière, comme un poème unique. En d’autres termes, l’œuvre est constituée de chansons constituées à leur tour de strophes que représentent les couplets séparées par les pauses instrumentales et le poème à l’étude, quelle qu’en soit la longueur, sera la chanson entière diminuée de la musique. Parlant de la diversité des langages poétiques, Molino et Gardes-Tamine (1992 : 101 sq.) — et s’agissant probablement de la poésie française — classent la poésie-chant au-dessus de la poésie légère, entre la poésie populaire et la poésie-conversation, cette dernière tenant le milieu entre la grande poésie, qui utilise systématiquement les recours de la rhétorique, et la poésie-chant. Dans la tradition kabyle, ce que nous pouvons dire
2. Poésie et poétique La poésie peut être perçue comme une catégorie formelle et esthétique, pratiques populaires et ludiques (comptines, chansons, bouts-rimés). La poésie peut aussi être perçue comme création : à la suite du romantisme, qui considère la poésie comme catégorie esthétique et légitime ainsi le mélange des genres, « la poésie moderne […] n’a de cesse d’inventer des formes hybrides, dans lesquelles la poésie naît aussi bien dans les vers que dans la prose. » (Campa, 1998 : 12) Selon Brigitte Buffard-Moret (2001 : 5), la métaphore, poésie souvent appelée langue des dieux, met en lumière deux aspects essentiels du langage poétique : il est perçu comme supérieur au langage des hommes, c’est un langage différent qui obéit à des règles qui lui sont propres. Afin d’en faciliter la mémorisation, les hommes ont recours à des structures codifiées. Le vers accompagné par la musique et la danse se grave mieux dans le souvenir, et les contraintes de la métrique distinguent le langage versifié du langage ordinaire, en lui conférant une valeur esthétique. Plus loin (p. 6) : ce langage codifié, plus facilement mémorisable, est utilisé ensuite pour tout ce dont on veut garder durablement le souvenir ; c’est pourquoi pour transmettre un savoir, raconter
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les exploits des héros ou les faire revivre sur scène, faire entendre ses propres émotions, on utilise le vers : la poésie est didactique, narrative, dramatique, lyrique.
3. Le poète et la langue Selon Molino et Gardes-Tamine (1992 : 126), il y a une tendance récurrente à faire de la langue poétique une langue spéciale, caractérisée surtout par son lexique, par opposition à la langue courante et autour de laquelle gravitent les diverses variétés linguistiques ; il y a aussi la structure métrico-rythmique imposée par le système de versification propre à la langue et à l’époque données ; la tendance est donc à définir la poésie comme discours, la poésie comme argot, la poésie comme chant. L’idée ici n’est pas de théoriser sur le rapport entre le poète et la langue au sens général des deux notions. Par relation entre la langue et le poète, nous entendons ici le rapport privilégié qu’a le poète Lounis Aït Menguellet à la langue au sens de langue kabyle, langue dans laquelle il compose ses poèmes. Nous savons que le rapport le plus simple est ombilical et que, comme il le dit lui-même, cette langue est l’appel reçu dès les premières tétées, qui est là avant toutes les autres et qu’il ne faut jamais s’aviser de perdre. Cette langue, qui, dans l’une des acceptions essentielles, sinon l’acception essentielle du terme taqbaylit, constitue de loin la notion fétiche préférée à l’autre notion de « Kabyle, homme » exprimée par le terme masculin aqbayli, qu’il crédite de tous les défauts et qu’il accuse de tous les maux qui le frappent. La langue, qu’il affectionne et avec laquelle il garde un lien magique inexplicable, il lui voue un respect, un culte digne des meilleures déesses. On peut aisément voir s’exprimer cette vénération soit de façon implicite dans la manière qu’a le poète de se servir de sa langue pour mieux la servir, s’en servir comme instrument de transmission d’un savoir mais aussi comme valeur, une fin en soi, à la fois valorisée et valorisante. Le poète se sert donc de ce legs ancestral pour lui faire dire les choses des plus anciennes aux plus aux plus actuelles, les sentiments des plus ignobles aux plus nobles, des idées des plus simples aux plus complexes, sans rien changer aux mots puisés dans le stock multimillénaire, dans des constructions, des réactivations et des innovations sans préjudice pour les structures existantes et dans style de plus en plus pittoresque et qui réduit à chaque détour la distance abyssale qui sépare les mots des choses depuis l’invention de l’arbitraire du signe. N’estce pas là ce qui s’appellerait produire une œuvre singulière ! Dans les chapitres qui suivent, nous nous attèlerons à relever et discuter les occurrences du discours d’Aït Menguellet sur le poème puis et le poète, aux fins d’examiner la possibilité pour notre poète d’être un poéticien et de disserter sur ces deux notions.
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II. — QU’EST-CE QUE LE POEME ? Selon Jean-Louis Joubert9, dans la hiérarchie qu’établit la langue française entre les genres littéraires, le poème bénéficie d’un préjugé favorable. « C’est tout un poème », chez Balzac, entre autres. C’est quelque chose (ou quelqu’un) qui est pittoresque, hors du commun, extraordinaire, éventuellement bizarre, avec cependant une nuance d’admiration pour l’effet réussi. Par opposition au roman. « C’est du roman » (= histoire inventée, invraisemblable, mensonge) ; « C’est du théâtre » (= artificiel et outré). Le poème s’impose par son évidence immédiate (il naît des mots qui le composent). Remarquons la valorisation du poème à travers l’image, millénaire, qu’en fait Victor Hugo : Le grave laboureur fait des sillons et règle La page où s’écrira le poème des blés (« Eclaircie », Les contemplations, 1856) Sur cette image, Lounis Aït Menguellet rejoint Victor Hugo, quand il fait référence au grain de blé (Asefru « Le poème » (ch. 102, v. 55) : Am uεeqqa eqqa nn-yired ittfukti deg--s yem yemγii Mkul amkan deg
Tel un grain de blé, il se multiplie,
YefkaYefka-d tigedrin aéas seg--s yewwi Win yelluêen seg
Et donne beaucoup d’épis ;
Win tt-iččan allen a ss-tenttent-illi as--imel abrid ma ye yeεreq req--as Ad as req
Il germe en tous lieux Qui a faim s’en nourrit, Qui en mange ouvre les yeux Et reconnaît son chemin.
Le poème peut donc être une réalité naturelle ou une forme artistique susceptible d’éveiller une émotion esthétique forte. Baudelaire disait à propos du peintre Delacroix que « ses œuvres sont des poèmes, et de grands poèmes. » (« Salon de 1846)10. « Ma vie est un poème », disent ceux qui aiment se raconter. Mais le poème reste un objet de langage. Puisque la poésie, là où était la langue, chaque poète, chaque lecteur est sommé d’inventer sa propre parole. Mais cette parole se dit et s’écrit dans les mots mêmes de la langue. (Joubert, 2003 : 196), la parole n’étant qu’une mise en mouvement de la langue, une réalisation du virtuel, une actualisation. Notre hypothèse est simple — bien que la poésie, il est vrai, soit un genre où les écarts et autres déviations sont légion : le poète, s’il lui arrive d’inverser, de comparer, d’user de métaphores et d’allégories, de tenir des propos allusifs, n’invente pas une novlangue : il se contente de mettre en pratique les ressources virtuelles et de
9
J.-L. Joubert, La poésie, A. Colin, 2003, p. 12.
10
Idem, p. 13.
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les manier avec plus ou moins de bonheur. (envisager de parler d’écarts comme valeur esthétique ou, au contraire, comme usage fautif) Le poème, d’ouvrage en vers jusqu’ à la forme polymorphe en passant par genres « nobles », « majeurs » que genre particulier à l’intérieur des formes poétiques (Joubert, 2003 : 18-19) Plus loin, Joubert11 dit : « Le poème, plutôt que des idées, transmet une connaissance émotive. » et c’est cette émotion qui est intraduisible proprement. Joubert12 cite nombre de poètes, comme Paul Valéry (1927) : « Mais au contraire [de la prose], le poème ne meurt pas pour avoir servi : il est fait expressément pour renaître de ses cendres et redevenir indéfiniment ce qu’il vient d’être. » Comme la danse, la poésie ne va nulle part : elle trouve sa fin en elle-même. Paul Eluard : « Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. » Loin d’être un poéticien, notre poète en bon nombre de ses poèmes parle du poème et du poète. Tandis que le poème est un, c'est-à-dire toujours l’asefru, le poète, lui, est pluriel : il est ameddah, il est amedyaz, « Mais au contraire [de la prose], le poème ne meurt pas pour avoir servi : il est fait expressément pour renaître de ses cendres et redevenir indéfiniment ce qu’il vient d’être. »
(Paul Eluard, cité par J.-L. Joubert, 2003 : 68) — Les poètes sont des inspirés, à travers eux parle une voix qui vient d’ailleurs et qui met dans leur bouche des mots étranges, un langage étranger… (Joubert, p. 44). Rappelons-nous la parole divine de la Muse, qui fait d’Homère un prête-nom, même s’il a existé réellement. On croyait réellement que ce n’était pas par un effet de l’art mais parce qu’un Dieu était en eux et qu’il les possédait… que leur propre esprit n’est plus en eux, qu’ils ont « perdu la tête » au moment où ils composent ces chants magnifiques. — Le poète construit l’étrangeté magnifique de son langage par un travail minutieux et patient…
1. Que pensent les poètes kabyles du poème ? Ayant incontestablement pour base le radical fru, le nom asefru, pluriel isefra, « poème », peut être : – soit un dérivé nominal, un nom d’instrument sur la base verbale fru « démêler »/« élucider », qui désignerait donc une sorte d’outil dont on se sert pour élucider une situation, un problème. Dans ce cas, il serait lui-même à l’origine du verbe sefru, « faire des poèmes » ; – ou un nom d’action verbal qui aurait évolué en un nom concret, sur la base verbale sefru « expliquer »/« rendre clair »/« spécifier », elle-même dérivé en s à sens fondamental « actif-
11
Ibidem, p. 66.
12
Ibidem, p. 68.
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transitivant » qu’elle ne semble pas rendre, la base fru étant déjà un verbe actif-transitif. Cette dernière hypothèse semble corroborée par sefraw « balbutier »/« dire les premiers mots » (pour un nourrisson), dont la seule forme attestée est l’aoriste intensif. Elle conforte la distinction, purement formelle, opérée par M. Mammeri entre l’asefru mohandien, dont le type est le neuvain mis à l’honneur par Si Mohand-ou-Mhand, et l’izli, type moins régulier, représenté notamment par Youcef-ou-Kaci. En effet, des balbutiements du bébé à l’éloquence du poète, cet adulte éclairé, le cheminement, pour peu que le verbe soit intelligible, n’exclut aucune thématique : publique ou privée, religieuse ou profane, édifiante ou amoureuse, moralisante ou sentimentale, voire charnelle, la poésie n’est pas exclusive de l’asefru. La première hypothèse, qui fait de l’asefru un outil au service du dénouement des situations, conforte plutôt la thèse de T. Yacine, selon laquelle l’opposition asefru/izli, au lieu d’être formelle, est de l’ordre du domaine (ou de la thématique) : l’asefru est public, religieux, édifiant et/ou moralisant cependant que l’izli est privé, profane, amoureux et/ou sentimental… Cette distinction fait du poème chez les Kabyles, à la différence de ce qu’il en est ailleurs, une institution sociale plus qu’une entreprise individuelle. La question est moins tranchée dans la réalité. Qu’à cela ne tienne ! Tandis que le mot asefru est connu partout en Kabylie, il semblerait qu’il y ait des régions qui ignorent complètement izli dans le sens poétique du terme. Pourtant, à l’instar des régions kabyles qui le connaissent, le Maroc central est on ne peut plus clair quant au rapport de l’izli au chant : « chant, couplet chanté, refrain dans la chanson d’ahidus ». C’est dire que l’izli, quand il n’est pas le chant, entretient avec celui-ci des rapports privilégiés. Cela voudrait-il dire, alors, que l’asefru soit exclu du chant ? Seraitil exclusivement déclamé ? C’est, à notre avis, ce que dément la mise en musique par les chanteurs kabyles des pièces les plus diverses, des quatrains féminins jusqu’au traditionnel neuvain en passant par le sizain régulier ou non : tout ouvrage en vers est susceptible d’être chanté. Ailleurs, dans la tradition française, par exemple, le poème, que les dictionnaires définissent comme un « ouvrage de poésie en vers », est perçu, à travers des expressions telles que « c’est un poème », « ma vie est un poème », comme « quelque chose (ou quelqu’un) de pittoresque, hors du commun, extraordinaire, éventuellement bizarre, avec cependant une nuance d’admiration pour l’effet réussi. » Ici, la tradition faisant que le poème est en étroite relation avec la versification, force est de constater que les considérations formelles ont présidé à la conception de celui-ci bien que peu de choses soient dites de façon explicite à ce propos. Tandis qu’en français le terme de poème vient du grec poïe « faire », en arabe le terme de ciεr « poésie », fort probablement du concret caεr « poil » considéré dans sa fonction d’élément de tissage, d’où viendrait caεar/cuεūr « ressentir »/« sentiment » ou en rapport avec al-cuεayrāt alàassāsa « fibres sensibles ». Le kabyle, à travers l’asefru, semble mettre en avant la clarté et la précision. Curieusement, le fait est comparable à la conception des poètes doublés de théoriciens de la poésie du XVIIe siècle, pour qui « l’écriture du poème sera (…) déterminée par deux préoccupations majeures : la mise en ordre et la recherche de la clarté, deux manifestations de la raison (…) », comme l’illustre si bien le célèbre vers de Nicolas Boileau : Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement.
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Qu’est-ce qu’en pensent les poètes kabyles ? Gérard Dessons dit à propos des poètes français anciens : « Importateurs et utilisateurs de formes nouvelles, les poètes de la Renaissance ont été également des théoriciens de la poésie, comme le montrent leurs recherches sur la nature rythmique du vers. » Les poètes kabyles sont certainement loin d’être des théoriciens de la poésie. Tout d’abord, il semble que le mot izli,— est-il tabou ou nos poètes l’ignorent-ils ? — est absent de leurs œuvres. Son homologue, asefru, est nettement plus présent. Il l’est déjà dans le supposé premier poème de Si Mohand : Bismilleh ar nebd’asefru Ar Elleh ad ilhu
Au nom de Dieu je vais entamer le poème
Ar d inadi deg lweÑyat Wi ss--islan ard a tt--yaru
Et s’en aller errant dans les plaines
Puisse-t-il être bon Quiconque l’aura entendu l’écrira
Ur asas-iberru W’illan d lfahem yeêrayeêra-t
Il ne l’oubliera plus
AnAn-nàell Rebb’a tenten-ihdu Úer--s ay nde ndeεεu Úer u
De grâce mon Dieu guide-les dans la voie C’est toi que j’implore
Ad beεεdent be dent adrim nekfanekfa-t
Qu’elles aillent loin de moi, j’y ai laissé tout mon argent.
L’esprit sagace en comprendra le sens
ou asefru, introduit au nom de Dieu (vers 1), est mis en relation avec l’esthétique (vers 2), l’écriture (vers 4), la mémoire (vers 5), l’intelligence (vers 6). Le poème, ici déclamé par le poète, est confié par celui-ci à quelque auditeur-scribe qui en assure la pérennité et à quelque esprit sagace qui en comprenne le sens. D’abord oral et voué à la disparition, pour mieux se conserver, le poème doit être écrit, et parce que son propos est subtil, pour être saisi, le récepteur (l’auditeur) doit être du même niveau que le producteur (le poète). On retrouve ici la relation de connivence qui doit s’installer entre celui-ci et celui-là pour que le message, codé, délivré par l’un soit assimilé, mémorisé et transmis de génération en génération. Plus près de nous, Lounès Matoub (1998), qui a certainement conscience des paramètres qui déterminent la poésie kabyle, fait allusion, dans la dernière strophe d’une de ses chansons, à l’irrégularité d’un poème, un sizain « ancien ». Il en fait un huitain en y greffant un distique dans lequel il conclut au « dérèglement du poème » pourtant sentencieux, en raison de l’absence de rime dans les vers 1, 3 et 5 bien que celle-ci soit de type léonien [qim] dans les vers 2, 4 et 6. Tout en portant un jugement de valeur, il s’excuse d’avoir chanté ce poème qu’il a « recueilli des temps anciens » : Ma yifyif-ik gmagma-k leγrus le rus Kker s afras d ttelqim yif--ik gma gma--k lebruj Ma yif Bnu s lyajur urqim yif--ik gma gma--k meééu Ma yif
Si ton frère te surpasse en vergers, Va, élague et greffe ; Si ton frère te surpasse en édifices, Bâtis à la belle brique ; Si ton frère te surpasse en femme,
Ay aàbib xdem neγ ne qim Ssmaà ma yezleg usefru
Ami, tu auras beau faire :
CerweγCerwe -t-id si zzman aqdim
Je l’ai tiré du fond des âges.
Pardon si le poème est tordu,
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Entre les deux, dans les années 1980, Idir chantera avec les enfants de Tiddukla : Ay aqcic aras Ay izimer aksas Wi ibγan ib an taqbaylit tira--s Ad yeàfeÑ tira Awal d usefru Uqbel a ten-nettu Assinani Ass-a εinani lkaγeÑ Di lka eÑ a ten-naru naru
Ô brun garçon, Agneau à la douce laine, Qui veut le kabyle Apprenne à l’écrire. Le Verbe et le poème, Avant de les oublier, Aujourd’hui, au vu et au su de tous, Sur du papier nous les écrirons.
2. Que pense Lounis Aït Menguellet du poème ? Que dit Lounis Aït Menguellet sur l’asefru ? Avant d’envisager des éléments de réponse à cette question, objet de ce qui suit, il est utile de reprendre ce que dit le dictionnaire de Dallet : au plan de la dérivation, tout porte à croire que asefru est le NAV de sefru, d’abord dans le sens primitif de « fait d’exprimer »/« fait de démêler »/« fait de spécifier » (p. 216) dont va dériver ensuite le sens, moins abstrait, de « couplet »/« poème de forme traditionnelle »/« poésie »/ « devinette » (en concurrence avec la forme (t)amsefru(t)]/« énigme », avec cependant une mention abstraite « explication d’un rêve » (p. 217). Au plan sémantique donc, transparaît la polysémie de asefru, sur l’opposition de base : nom verbal/nom concret, tandis qu’au verbe sefru n’est attribué que le sens primitif du NAV. A l’instar de ses semblables kabyles, Lounis Aït Menguellet est poète mais pas théoricien de la poésie. Mais nombreuses sont ces références au poème dans son œuvre, notamment sur le plan de la ‘‘fonction’’ qu’il attribue à celui-ci : voici en substance son ‘‘discours’’ sur le poème. L’objectif du présent travail étant de démontrer l’existence ou non d’une littérature au second degré chez nos poètes, Aït Menguellet notamment, il devra, pour tendre à l’exhaustivité, être complété par un entretien direct, ce que nous n’avons encore réalisé que partiellement. 2.1. Formes de référence Les signifiants utilisés par le poète dans son discours sur le poème sont divers. Dans une trentaine de poèmes une batterie de vocables émaillent le discours, des unités de base telles que asefru jusqu’aux unités périphériques telles que ccna « chant ». 2.1.1. Références de base Les références de base sont principalement asefru et accessoirement sefru. S’agissant du premier, on retrouve chez Aït Menguellet l’opposition de base « poème »/« éclaircissement » donnée plus haut, mais tandis que la première acception se retrouve dans dix-sept occurrences, la seconde n’est illustrée qu’une fois. Notons que le pluriel, isefra, est présent une seule fois dans toute l’œuvre. S’agissant du second, le verbe sefru, contrairement à ce que dit Dallet, on retrouve chez Aït Menguellet les deux acceptions « éclaircir » et « démêler », avec cependant un déséquilibre en
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faveur de la seconde, présente dans six occurrences contre deux occurrences, dont une problématique. Voici quelques occurrences : 2.1.1.1. asefru a) asefru « poème » : Poème Asefru (ch. 102, v. 17 et 18) Kkert aa-nebdut nebdut tikli Ay arfiq rfed asefru
[levez-vous, nous entamerons la marche]
Allez ! entamons la marche,
[ô ami, soulève le poème]
Ami, entame le poème
Poème Amedyaz (ch. 142, v. 1 à 3) Yekker umedyaz yettaru Yewwi--d asefru Yewwi
[il se leva le poète il écrit] Le poète se mit à écrire, [il apporta un poème]
Fit un poème,
IåeggemIåeggem-itit-id, yennayenna-yas : [...]
[il l’arrangea il lui dit]
L’apprêta et dit : […]
b) asefru « éclaircissement » Dans la chanson A mmi « mon fils » (ch. 98, v. 17 à 20), inspirée du Prince de Machiavel et composée en 1985, est l’une des prises de parole du père dans le dialogue qui l’engage avec le fils. asefru y est mis en rapport avec la clarté que nécessite le verbe pour la compréhension par le père du langage voilé du fils, langage qui semblerait lui échapper. Lmeεna Lme nana-k truàtruà-iyi Tεedda edda nnig uqerru
[ta signification m’est partie]
Le sens du propos m’échappe,
[elle est passée au-dessus de la tête]
Me passe par-dessus la tête ;
A mmi γas as sefhemsefhem-iyi Awal yeàwağ Aw al yeàwa ğ asefru
[ô mon fils autant fais-moi comprendre]
Explique-moi, mon fils,
[la parole a besoin d’éclaircissement]
Le Verbe doit être clair.
2.1.1.2. sefru a) sefru « versifier » Poème Di ssuq (ch. 138, v. 2 et 10) : Yeééef amkan deg ara dd-yessefru [il prit place dans lequel il poétiserait]
Prit place pour versifier
Ur ssineγ ssine ad ssefruγ ssefru
Car je ne suis pas poète
[je ne sais je versifierais]
b) sefru « éclaircir » Dans le poème Ccna amehbul (ch. 131, v. 41 et 42), il est fait mention du verbe sefru dans le sens « éclaircir » en usant de la parole, certes mais sans quelque référence explicite au poème. Tebγam Teb amam-tt (neγ) (ne ) ur tttt-tebγim teb im ara Sefrut--ttSefrut tt-id anan-nwali
[vous la voulez (ou) vous ne la voulez pas] [éclaircissez-là nous verrions]
La voulez-vous ou pas ?
Soyez clair, que nous sachions.
Dans la troisième strophe du poème Awal « Le Verbe » (ch. 129, v. 13 à 16), qui a donné son nom à l’album, il est question pour le cerveau qui se remémore tout, à travers le verbe sefru, (vers 4) soit d’éclaircir les siècles ou de les poétiser. Hésitant ici sur le sens de sefru, nous penchons plutôt vers la première hypothèse comte tenu du fait qu’utilisé dans le sens de « poétiser » il n’admet pas
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d’expansion objet, expansion ici représentée par le pronom affixe ten- antéposé au radical verbal et à la modalité d’orientation spatiale -id-. Ay alla allaγ sentsent-iceffun Ixuå lemmer di tleààuÑ TzemreÑ ad tejmεeÑ leqrun ten--id id--tessefruÑ TzemreÑ a ten
[ô cerveau les remémorant]
Toi, cerveau, qui t’en souviens,
[il manque si tu marches]
Tu manques tant de mouvement :
[tu peux tu rassemblerais les siècles] Tu peux rassembler les siècles [tu peux tu les éclaircirais]
Et en faire des poésies ;
2.1.2. Autres références En sus de celles essentielles, asefru et sefru, utilisées par le poète, d’autres références en rapport plus ou moins privilégié avec celles-ci entrent en jeu. Ce sont, dans l’ordre décroissant : ccna « le chant » (neuf occurrences), awal « le mot »/ « la parole » (trois occurrences), ameddaà « le poètechanteur » (trois occurrences), tira « l’écriture » (une occurrence), snulfu « créer » (une occurrence). En voici quelques occurrences : 2.1.2.1. ccna : Dans le poème Di ssuq (ch. 138, v. 1 à 6), d’abord décrivant dans le préambule l’aède qui prend place au marché et la foule qui l’entoure, se contente d’évoquer le poème, la création et le chant, à travers respectivement yessefru, yesnulfu, icennu sans les opposer : Di ssuq ameddaà yiw[au marché le barde un jour] yiw-wass de ra d--yessefru [il prit place dans lequel il poétiserait] Yeééef amkan g a d i
Lγac ac usanusan-d s waéas Ad slen acu ara dd-yesnulfu Yerğ Yerğa almi dd-zzin fellfell-as sen--d-icennu : […] Yebda la sen
Au marché, un jour, le poète Prit place pour versifier ;
[la foule ils sont venus avec beaucoup]
Ce jour-là il y eut foule
[ils entendraient quoi qu’il inventerait]
Pour l’entendre innover ;
[il attendit jusqu’à ce qu’ils l’entourèrent]
Aussitôt entouré,
[il commença il leur chante]
Il commença à chanter : […]
tandis que dès qu’il fait parler l’aède (v. 7 à 12) il opère une gradation entre le poème et le chant : le barde, s’il sait chanter ne sait pas nécessairement faire des poèmes (cf. traduction littérale) : A wid dd-isewwqen âesset--iyi iyi--d ad awen awen--cnu cnuγ âesset
[ô ceux étant venus au marché]
Vous, forains !
[écoutez-moi je vous chanterais]
Ecoutez-moi vous chanter
D ul i dd-yenneγlen yenne len ssineγ ad ssefru ssefruγ Ur ssine
[c’est le cœur qui s’étant renversé]
Ce que mon cœur déverse
[je ne sais je versifierais]
Car je ne suis pas poète :
[mes mots s’ils sont tordus]
Si mes mots sont tordus
ImeslayenImeslayen-iw ma zelgen Éfut--iyi d aya i ssne ssneγ […] Éfut
[pardonnez-moi c’est tout ce que je connais] Pardonnez mon ignorance : […]
2.1.2.2. awal : Dans le poème Ay Aqbayli (ch. 96, v. 13 et 14), composé au milieu des années 1980 et prélude à une longue chanson sur la segmentarité et l’anarchie qui caractérisent la société kabyle et l’« incapacité congénitale » des Kabyles à bâtir un Etat. Il y est d’abord, et à deux reprises, question de fru « s’éclaircir » puis « éclaircir », verbe censé être à la base de asefru « poème » et c’est le vers qui clôt la strophe qui contient ce dernier : le verbe, c’est-à-dire le discours des « citoyens » sur la situation et par conséquent celui du poète, se transforme en poème… non pour dénouer la crise directement mais dans l’espoir de susciter auprès de ces citoyens un effort pour l’union…
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Kul yiwen akken la ihedde yuγal Awal yu al d asefru
[chacun comme il parle]
Chacun de nous, à sa manière, parle
[la parole devint poème]
Et le verbe se fit poème.
2.1.2.3. ameddaà : Poème Ameddaà « L’aède » (ch. 103, v. 11 à 13) SamàetSamàet-iyi Nekk d ameddaà
[Pardonnez-moi]
Pardonnez-moi,
[moi, c’est le poète]
Je suis ce poète
ur nettseÑài
[n’ayant honte]
Impudique
2.1.2.4. Taqsié : On relève deux occurrences du vocable taqsié : dans le poème Taqsié-ik « Ta légende » (ch. 95, v. 1 à 4) : TaqsiéTaqsié-ik tugi ad tekfu Γas as akken εeddan eddan wussan
[ton histoire elle refuse elle finirait]
Ta légende est infinie
[même si ils sont passés les jours]
En dépit des jours passés
Ma terriÑterriÑ-tttt-id d asefru Γas as err leàsab i yetran
[si tu la rendis c’est un poème]
Et si tu la fais poème
[autant rends le compte aux étoiles]
Autant compter les étoiles.
et dans le poème Ay Aqbayli « Ô Kabyle ! » (ch. 96, v. 1 et 2) : TaqsiéTaqsié-agi d aqeååer neγ ard teÑru Wiss ma teÑra ne
[cette histoire est causette]
Cette histoire est causerie,
[qui sait si elle se passa ou elle se passerait]
réelle ou imaginaire.
Mais bien que dans les deux cas taqsié figure dans la même strophe (cf. v. 13 et 14 pour la ch. 96) que asefru, et semble être en rapport avec celui-ci, ce terme n’a pas ici nécessairement le sens de « légende chantée : genre littéraire souvent traité en vers, et souvent réservé à la légende des saints personnages… » qu’on trouve dans le Dictionnaire de J.-M. Dallet. Le poète semble le réduire ici à la « légende » dans le premier cas et à l’« histoire » dans le second cas, l’une et l’autre n’étant pas nécessairement en vers. Mais, taqsié pouvant signifier « histoire »/« aventure »/ « événement »/ « récit hagiographique, souvent versifié », le doute reste permis quant à la confusion que le poète entretiendrait entre asefru « poème » et taqsié « long poème hagiographique ». 2.1.2.5. tira : – Poème Tarbaεt (ch. 136, v. 24 et 25) Kul nnehta d--tme tmett ttel el di tira Ad tt
[chaque soupir]
Chaque soupir
[se traduit dans l’écriture]
Se traduit dans l’écriture ;
– Poème Amedyaz (ch. 143, v. 1) Yekker umedyaz yettaru
[il se leva le poète il écrit] Le poète se mit à écrire,
2.1.2.6. snulfu : Poème Di ssuq (ch. 138, v. 1 à 6) Ad slen acu ara dd-yesnulfu
[ils entendraient quoi qu’il inventerait]
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Pour l’entendre innover
2.2. Le discours sur le poème 2.2.1. Sur la forme Dans l’œuvre de Aït Menguellet, tandis que le discours foisonne au plan de la signification du poème et de sa fonction, les occurrences au plan de la signifiance sont rarissimes et d’une teneur générale : on n’y relève aucune référence explicite au mètre et à la rime. Il s’agit tantôt de seggem asefru « arranger un poème », tantôt imeslayen izelgen « les paroles tordues », tantôt wzen awal « peser le verbe » ; et dans ce dernier cas la référence peut être autre que formelle. La rareté des indications formelles est, à notre avis, dues à l’oralité : la forme est audible mais faute d’écriture elle n’est pas visible. Il s’ensuit l’inexistence de l’appareil métalinguistique : à part la forme fixe, l’asefru, les autres réalités, la poésie, le poète, le vers, le mètre, la rime, le rythme, etc., ne sont pas nommées en kabyle. Le nom du poète, tantôt ameddaà tantôt afåià sont empruntés à l’arabe alalmaddāà madd à et alal-fasīà fas à dans les sens respectifs de « louangeur » et « celui à l’articulation claire » et il a fallu attendre les années 1980 pour voir apparaître le terme amedyaz amedyaz « poète », emprunté aux dialectes du Maroc. Lounis Aït Menguellet, au début des années 1970 déjà, dans la chanson Fkiγ Fki i yiγeblan yi eblan awal [j’ai donné aux soucis la parole] (ch. 36, v. 25 et 26), dans laquelle il « fait parler les soucis », fait signe, dans les vers 1 et 2, à celle à laquelle il a changé de prénom pour en faire un asefru iseggmen « poème réglé ». Ici la régularité, si elle est d’ordre formel, peut être le mètre ou la rime. La référence étant générale, on peut spéculer sur le nombre de syllabes et du son final du prénom choisi par le poète pour composer son poème. A tin mi beddleγ beddle isem åeggmeγ d asefru Akken a tt--åeggme
[ô toi à qui j’ai changé le nom] [pour l’arranger en poème]
Toi, je t’ai changé de nom En vue d’en faire un poème
Seize ans plus tard, dans le poème Asefru (ch. 99, v. 45 et 46) , il est mis l’accent sur la valorisation, par ceux à qui le poète adresse son propos, des paramètres formels du poème, lqima n wawal iseggmen wa zdat wayeÑ « valeur du verbe réglé » ; mais la référence ici relève plus des figures de construction que de celles de diction. Tefkam lqima i wawal Iåeggmen wa zdat wayeÑ
[vous donnâtes de la valeur au mot] Valorisez donc le verbe [étant arrangé celui-ci devant l’autre] Judicieusement agencé,
Dans le même album, dans le poème Ameddaà (ch. 103, v. 102), il s’agit toujours de verbe seggem « arranger » et bien que cette fois-ci ce soit le chant qui est « réglé » la relation est directe avec le poème car dans la même strophe « chacun de ceux qui excellent dans le chant dédiera un poème ». Wigi yettåeggimen ccna …
[ceux-ci arrangeant le chant] Ceux qui excellent dans le chant…
Dix ans plus tard, il sera plutôt question d’un dérèglement, exprimé dans « les paroles de travers » dans un des vers du poème Di ssuq « Au marché » (ch. 138, v. 11) : ImeslayenImeslayen-iw ma zelgen…
[mes mots s’ils sont tordus]
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Et si mes propos sont de travers…
Un an plus tard, dans le poème Amedyaz, il est question d’abord d’élaboration de poème, à travers les verbes awiawi-d [porter + d modalité d’orientation spatiale « vers le locuteur » = apporter] « dire »/ « déclamer » (un poème) et åeggem « arranger » : (ch. 142, v. 1 à 3) Yekker umedyaz yettaru Yewwi--d asefru Yewwi
[il se leva le poète il écrit] Le poète se mit à écrire, [il apporta un poème]
Fit un poème,
IåeggemIåeggem-itit-id, yennayenna-yas : [...]
[il l’arrangea il lui dit]
L’apprêta et dit : […]
puis, parce que son public-auditeur, insatisfait et mécontent non de la performance du poète mais du pessimisme clairement affiché par celui-ci dans ses vers : (v. 13 à 15, 28-30, 43-45, 58-60) KkrenKkren-d akkw wid i ss-yeslan Qesden--t s wurfan Qesden
[ils se levèrent tous ceux qui l’ayant entendu] Et ceux qui l’entendirent allèrent, [ils allèrent le trouver avec colère]
Leur colère sur lui déversèrent
NnanNnan-as Beddel asefru
[ils lui dirent change le poème)
Et à changer de poème l’invitèrent.
à quatre reprises, de remodelage et de réglage poème, à travers les verbe εawed awed « refaire » et åeggem « arranger » : (v. 16 à 18, 31-33, 46-48) Yekker umedyaz yettaru Iεawed awed asefru
[il se leva le poète il écrit] Le poète se mit à écrire, [il changea le poème]
Refit le poème,
IåeggemIåeggem-itit-id, yennayenna-yas : [...]
[il l’arrangea il lui dit]
L’apprêta et dit : […]
et enfin, las de son public qui chaque fois se refuse à agréer ses vers, le poète va « larguer » tout ce qu’il avait composé et opérer une transformation totale dans ses dits, à travers les verbes Ñegger « jeter » et beddel « changer » : (ch. 142, v. 61 à 66) Yekker umedyaz mi yerfa d--yessefra S kra i d
[il se leva le poète quand il s’irrita] [avec tout ce qu’il versifia]
Tous ses poèmes
IÑeggerIÑegger-it merra iεawed i awedawed-as ğğen I wakken a ss--ğğ en lehna
[il le jeta et le changea]
Jeta et transforma ;
[pour qu’ils lui laissent la paix]
Et pour qu’on le laisse en paix,
[avec tout ce qu’il versifia]
Tous ses poèmes
[il le changea et dit]
Remodela et dit : […]
a
S kr i dd-yessefra Ibeddel--it it--id yennaIbeddel yenna-yas : [...]
Le poète, irrité,
Quatre ans auparavant (en 1993), l’auteur, dans le poème Ccna amehbul « Le chant capricieux » (ch. 131, v. 1 à 8), contre toute attente, attribue « les propos tordus » au chant, qu’il oppose à la poésie. Dans la première strophe, le poète, ne visant pas le poème de façon explicite mais y faisant allusion par le « chant à expression brouillée » (littéralement : [le chant auquel sont brouillées les proverbes], v. 3), d’abord incrimine le chant, puis l’absout comme il absoudra bien plus tard le poète « fou », « menteur » mais « pardonnable » (ch. 146, v. 101 et 102 du poème Iniasen « Dis-leur » auquel doit son nom l’album sorti en 1999). S’adressant à qui veut l’entendre, le poète exhorte celui-ci à faire la part de ce qu’il y a à agréer dans un chant si capricieux soit-il. CcnaCcna-yagi d amehbul Am--win yeggullen yeànet Am Ccna iwmi xerben lemtul Ay atmaten ur kkatet a
M ur awenefawen-d-izgi γef ef-wul Γas as àesbetàesbet-tt d aserwet
[ce chant-ci est fou]
Capricieux est ce chant,
[comme celui ayant juré il a parjuré]
Et, tel celui qui parjure,
[le chant auquel ils sont brouillés les proverbes]
Son expression est brouillée :
[ô frères ne frappez]
Aussi soyez indulgents, frères !
[s’il ne vous sied sur le cœur]
S’il ne vous va droit au cœur,
[alors comptez-le c’est du battage]
Considérez-le comme désordre ;
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Γas as ma d aserwet Ddmet aaγerbal rbal siffet
[même si c’est du battage]
Et si vous le voyez comme tel,
[soulevez le tamis et sassez]
Alors passez-le au crible.
2.2.2. Sur le contenu Le discours sur le contenu est divers, illustrant ainsi la vision qu’a le poète de la poésie. Il s’étend des traits sémantiques définitoires du poème aux divers rôles attribués à celui-ci en passant par le revers de la médaille que représente le risque d’interprétation tendancieuse par l’esprit malveillant susceptible d’en faire un instrument de propagande. Bien qu’il s’agisse à ce niveau d’un discours subjectif, dans lequel le poète développe un argumentaire empreint de sentiments, cette partie représente l’essentiel de la conception qu’a l’auteur du poème. La difficulté cependant est qu’entre les caractéristiques du poème, ce qu’il peut symboliser et les fonctions que lui attribue le poète, la distinction est de l’ordre de la nuance, ce qui nous a poussé à tenter de structurer cette partie du discours dans cet ordre : d’abord les éléments en amont que sont ceux qui, censés préexister au poème, le définissent et/ou le caractérisent, puis les éléments en aval que sont ceux qu’il peut symboliser et/ou qu’il peut susciter. Au risque de nous répéter, de ces éléments il peut y en avoir qui, à l’instar de la permanence (ch. 102, v. 51) et de l’élévation (ch. 102, v. 66), peuvent aussi bien caractériser le poème qu’être symbolisés par celui-ci. 2.2.2.1. Qu’est-ce qu’un poème ? Nous avons vu plus haut que le poète esquisse, quoique de manière évasive, une définition formelle du poème. Force est de constater que là encore les indications sémantiques sont aussi évasives que rares, ainsi qu’on le relève dans : a) La parole agencée (ch. 102, v. 45 et 45) Tefkam lqima i wawal Iåeggmen wa zdat wayeÑ
[vous donnâtes de la valeur au mot]
Valorisez donc le verbe
[étant arrangé celui-ci devant l’autre]
Judicieusement agencé,
où
aseggem « arrangement » peut être aussi bien un paramètre formel que sémantique dans la mesure où il peut indiquer une succession de vocables qui ne soient pas dans un rapport de contresens ;
b) La parole pesée (ch. 117, v. 1 et 2) Ttsellimγ Ttsellim fellfell-awen A wid iwezznen awal
[je salue sur vous] [ô ceux pesant la parole]
Je vous salue, Gens au Verbe pesé.
où il est question de ceux qui pèsent leurs mots pour les faire poème, dont il est fait mention quelques vers plus loin, « le verbe pesé » est une figure renvoyant soit à des paramètres métriques soit à des paramètres sémantiques ; c) La parole bienséante Dans le poème Amusnaw « Le Sage » (ch. 126, v. 5 à 20), de l’album Awal « Le Verbe », sorti en 1993, le poème (v. 12), dans lequel est censé exceller le sage qui, source d’émerveillement, substitue le sourire à la tristesse, qui fait renaître l’espoir, est ce Verbe séant produit d’une
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transformation que le sage opère (v. 11) en mettant des paroles douces sur la langue de qui s’apprête à user de la violence verbale (v. 9 et 10). Le poème est mis en parallèle avec l’eau, denrée qui symbolise la sécurité, dont le sage se sert pour épanouir la nature (v. 13 et 14), faire régner la confiance dans le pays (v. 15) et mettre fin à toutes les tensions (v. 16). Lukan lliγ lli d amusnaw i W ittrun anida yella
[si je fus c’est u sage]
Si un jour j’étais un Sage,
[quiconque pleure où il fut]
Alors qui pleure, où qu’il soit,
A tt-idid-seààreγ seààre s tirgatirga-w yuγal Ad yu al ad yettaÑsa
[je l’envoûterais avec mes rêves]
Je l’émerveillerais avec mes rêves
[il deviendrait il rirait]
Et lui ferais retrouver le rire ;
[j’enlèverais entièrement le nom]
Je rendrais innommable
[à ce cassant l’espoir]
Tout ce qui brise l’espérance,
A tt-idid-rreγ rre d asirem Mkul yiwen ad yawi aylaayla-s
[je le rendrais c’est l’espoir]
En ferais de l’espoir
[chacun emporterait son bien]
Dont chacun aurait son lot ;
Anda illa yiles iqesàen Ameslay qbel a s-d-ibru
[où fut la langue violente]
Des langues virulentes, où qu’elles soient,
[la parole avant qu’il la lâcherait]
Avant de prononcer une parole,
A ss-rreγ rre awal ilaqen id--yehde d asefru A tt--id
[je lui rendrais le mot convenant]
Je leur conseillerais la bonne,
[il le parlerait c’est un poème]
Dont elles feraient un poème ;
Ad rreγ rre targa nn-waman a mkul Im kul ttejr ard tefsu
[je rendrais la rigole d’eau]
J’amènerais de partout l’eau
[à tout arbre il s’épanouirait]
Pour que les arbres s’épanouissent
Ad asas-kkseγ kkse yakkw isem I wayen ittruêun layas
Di tmurt ad yezreε yezre laman a Mkul ccedd ard tefru
[dans le pays serait semée la confiance] Et la confiance sur le pays se répandrait, [chaque tension elle se démêlerait] Et les souffrances cesseraient.
où « la parole séante » est mise dans la bouche du discoureur à la langue virulente pour transformer son discours agressif en un doux poème. Il ressort de ces trois occurrences que le poème est le verbe réglé, pesé et séant. 2.2.2.2. Qu’est-ce qui peut caractériser le poème ? a) La transcendance des situations, du temps et de l’espace Dans le poème Asefru (ch. 102, v. 45 à 54), il est mis l’accent sur l’indestructibilité (v. 3), son caractère indélébilité, donc « inoubliable » (v. 4) et son caractère transcendant tant au plan du temps (v. 5, 6 et 7) qu’à celui de l’espace (v. 8, 9 et 10). Tefkam lqima i wawal Iåeggmen wa zdat wayeÑ Ur yezmir a tt-yerê làal Ur yezmir àedd a tt--yesfeÑ
[vous donnâtes de la valeur au mot] Valorisez donc le verbe [étant arrangé celui-ci devant l’autre] Judicieusement agencé, [il ne peut le casser, le temps]
Que le temps ne saurait briser,
[il ne peut nul, il l’essuierait]
Ni personne effacer ;
Γas as zzman yettembeddal [bien que l’époque change] Les temps auront beau changer, a Γas as w ad immet wayeÑ a dd-ilal [bien que - celui-ci mourrait, un autre naîtrait] Que l’un meure, que l’autre naisse Kul lweqt a tt-idid-yessiweÑ Akken bγun b un beddlen lecγal lec al yettεeggiÑ Ad yett eggiÑ ad yettazzal
[comme voudraient changer les faits] Les faits auront beau changer, [il crierait il courrait]
Il ira criant et courant
Mkul amkan ard a tt-yaweÑ
[chaque endroit, il y arriverait]
Et arrivera dans toutes les contrées.
[chaque temps, il y parviendrait]
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Il vivra toutes les époques ;
Dans le même poème ((ch. 102, v. 59 et 60)), il est fait mention de la transcendance de l’espace et de la vivacité du poème par la comparaison de celui-ci au grain de blé qui germe et se multiplie dans toutes les contrées : Am uεeqqa eqqa nn-yired ittfukti deg--s yem yemγii Mkul amkan deg
[comme le grain de blé il se multiplie]
Tel un grain de blé, il se multiplie,
[chaque endroit, dans lui il germa]
Et germe sur toutes les terres
b) L’élévation Dans une des strophes de Asefru (ch. 102, v. 65 à 74), le poète s’adresse à qui méprise, hait et dévalorise le poème, qui pourtant se situe nettement au-dessus de lui (v. 1, 2, 3 et 4) : le poème est si grand que lui est petit (v. 5), le poème est si brillant que lui est terne (v. 6), il illumine les pays, enseigne, etc. mais le méchant ne peut rien comprendre de tout cela (v. 10). Le poète propose ici une corrélation d’oppositions entre les éléments qui caractérisent le poème ou l’homme sensé et ceux qui caractérisent le méchant : élévation, grandeur, éclat, intelligence pour l’un ; mépris, petitesse, flétrissure, ignorance pour l’autre. Asefru γur urur-k ittwaàqer lameεni nnig--k ii--iεedda A lame ni nnig edda Imi tt-tkerheÑ acuγer acu er I ss-tessenγaseÑ tessen aseÑ di lqima Akken meêêyeÑ ii--imeqqer
[le poème, chez toi il fut dédaigné]
Le poème par toi dédaigné
[mais au-dessus de toi il passa]
Passe au-dessus de toi,
[puisque tu le hais, pourquoi…]
Le hais-tu, alors pourquoi
[…tu lui diminues dans la valeur]
Le dévalorises-tu ?
[comme tu es petit, qu’il est grand]
Tu es petit, il est grand ;
Annect texsiÑ i dd-inewwer e γ Yessaγ--d iéij f tmura Yessa
[autant tu es éteint, qu’il luit]
Tu es éteint, il illumine,
[il alluma le soleil sur les pays]
Et, tel le Soleil sur la Terre,
Kul uàdiq ard a tt-yesγer yes er u id--ifekke Ayen yett a ss--t-id
[chaque sensé, il le couvrirait]
Il instruit l’homme sensé,
[ce qu’il oublia, il le lui rappellerait]
Et lui rafraîchit la mémoire,
Ma d kečč kečč ur tt-tfehhmeÑ ara
[quant à toi, tu ne comprends pas]
Et toi tu comprendras point !
c) La force Dans la chanson Ttsellime Ttsellimeγ fell fell--awen (ch. 117, v. 1 à 4), le poème, mis en rapport avec le Verbe pesé de telle façon que lorsqu’il est mêlé d’intelligence il fait fondre l’acier. Ttsellimγ Ttsellim fellfell-awen A wid iwezznen awal TernamTernam-as lefhamalefhama-nwen Almi--yessefsay uzzal] Almi
[je salue sur vous]
Je vous salue,
[ô ceux pesant la parole] [vous ajoutâtes votre intelligence]
Gens au verbe pesé, Qui, quand vous y avez joint votre intelligence,
[jusqu’à ce qu’il ‘‘fait’’ fondre le fer]
Fait fondre l’acier.
d) L’équivoque Le poème, production de l’esprit et pouvant se situer entre celui-ci et le cœur, peut être équivoque, donc sujet à interprétation. C’est ce qu’exprime l’auteur dans une des strophes de Asefru (ch. 102, v. 29 à 36), qui parle du risque qu’encourt le poème qui échappe à son auteur pour tomber entre les mains du méchant qui en ferait une interprétation erronée : UfiγUfi -n ameddaà yettru Yessefhem--iyi iyi--d acimi Yessefhem AsefruAsefru-s yeddemyeddem-it waÑu Ur yeêri anida yeγli ye li
[je trouvai là le poète il pleurait]
Le poète, que je surpris en train de pleurer,
[il m’expliqua pourquoi]
M’expliqua la raison de ses larmes :
[son poème fut levé par le vent]
Son poème, emporté par le vent,
[il ne sut où il tomba]
Il ne sait où il est tombé
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Yugwad a tt-yeééef wemcum Ad ifhem ayen ur nelli
[il craint il le prendrait le méchant] Il craint qu’il soit entre les mains du méchant [il comprendrait ce qui n’est]
Qui comprenne ce qui n’y est pas ;
Yebγ Yeb a ad iêer ma ad teddum Fell--as mi ara d d--yeste yesteqsi Fell qsi
[il veut voir si vous partiriez]
Il veut savoir si vous serez à ses côtés
[sur lui quand il demanderait]
Lorsqu’il sera à sa merci.
2.2.2.3. Que symbolise le poème ? Le poème, cette parole mesurée et savoureuse, peut exister pour elle-même comme elle peut symboliser des réalités plus ou moins concrètes et plus ou moins ancrées dans la culture ancestrale. a) Un grain de blé Dans le poème Asefru (ch. 102, v. 55), le poète compare de façon explicite le poème au grain de blé, qui germe partout, croît, fleurit, donne beaucoup d’épis, etc. Am uεeqqa eqqa nn-yired ittfukti
[comme le grain de blé il se multiplie]
Tel un grain de blé, il se multiplie.
Sans user de la métaphore du grain de blé, le poète y fait allusion dans la chanson Ttsellimeγ fellawen (ch. 117, v. 1 à 12). Le poème y est mis en rapport avec le Verbe pesé et ceux qui en usent (v. 2), de telle façon que lorsque celui-ci est mêlé d’intelligence (vers 3) il fait fondre l’acier (vers 4). Et les poèmes, tous les poèmes, sont ici semés (vers 6), germent, se développent et s’épanouissent (vers 7) pour enfin pénétrer dans tous les cerveaux (vers 8). Ces poèmes, après avoir pris place dans les esprits et les corps (vers 9 et 10) — i.e. une fois mémorisés et adoptés par ceux avec qui ils font corps désormais —, s’ils nous rendent tristes et nous font pleurer, ils font notre bonheur au moment opportun. (ch. 117, v. 5 à 8) Acàal nelàa gargar-awen [combien nous marchâmes entre vous] Nezreε mkul d asefru [nous semâmes tout c’est le poème] Nezre
Parmi vous combien nous avons marché
Mγin n gman ğğu ğğuğğgen ğğgen [ils germèrent ils grandirent ils fleurirent] Kecmen si yal d aqerru [ils pénétrèrent de chaque c’est la tête]
Qui, ayant germé, poussé et fleuri,
Répandu tant de poésies, Ont pénétré dans les têtes.
b) La beauté Dans la chanson Afennan (ch. 111, v. 54 et 55), qui date de 1988, le poème est enfin beauté dans la mesure où l’auteur attribue à l’artiste, ici le « parolier-musicien », la magistrale faculté de transformer, de mettre la beauté (physique) en poème, une autre beauté mais verbale celle-là. TwalaÑ zzin TerriÑ--t d asefru TerriÑ
[tu vis la beauté]
Tu vis la beauté
[tu rendis-le c’est un poème]
Et la fis poème ;
c) Le cœur Dans Abrid n temêi « Itinéraire d’une jeunesse » (ch. 114, v. 61 à 64), asefru est évoqué comme le contenu infini (vers 8) d’un film (ruban) interminable qu’abriterait le cœur (vers 6) de l’amoureux qui invite sa bien-aimée à visiter celui-ci (vers 7) : Ur yiyi-ttağğ ttağğa ğğa Ul--iw yu yuγal Ul al d asaru
[ne me laisse]
Ne me quitte pas,
[mon cœur est devenu c’est un ruban]
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Mon cœur est tel un film :
DegDeg-s ad twaliÑ S kra yellan d asefru
[en lui tu verrais]
Tu y verrais
[tout étant c’est un poème]
Toutes les poésies.
d) L’amour Dans la dernière strophe de Asefru (ch. 102, v. 75 à 84), dans laquelle il n’est pas fait mention du poème, il est question de chant d’amour (cnu, v. 4) et de bonheur (γenni enni, v. 7). Censé s’adresser à la raison dans l’ensemble du poème, le poète couronne celui-ci en s’adresse à son cœur cette foisci pour l’inciter à se détourner de l’ ‘‘engagement dans les affaires de la cité’’, source d’exaspération dépit, et à rejoindre le rang des communs silencieux, pour chanter sa bien-aimée, les fleurs, le printemps et la beauté de la vie : Ay ulul-iw bezzaf terfiÑ ε dak--d-ittawi Zz af ur dak Akken llan medden tiliÑ kečč ččini Ssusum ula d ke čč ini
[ô mon cœur trop u t’es emporté]
Trop, ô mon cœur, tu t’emportes,
[la colère ne t’apporte rien]
Que t’apporte la colère ?
[comme sont les gens sois]
Tu dois être comme les gens
[tais-toi toi aussi]
Et te taire toi aussi
Neγ ef tin tebγiÑ [ou chante sur celle que tu veux] Ne cnu γef teb iÑ allen--ik akken a ttMdel allen tt-twaliÑ [ferme tes yeux que tu la voie]
Ou chanter celle que tu aimes : Ferme les yeux et vois-la,
U nettat a kk-idid-twali Γef ef--yije yijeğğ ğğigen ef ğğ igen ad ttγenniÑ enniÑ
[et elle, elle te verrait]
Elle te verra, elle aussi ;
[sur les fleurs tu chanterais]
Et les fleurs tu chanteras
Siwa tafsut ara tettmenniÑ Ddunit ad tecbeà irkwelli
[que le printemps tu souhaiterais]
Et le printemps tu voudras :
[la vie serait toute belle]
La vie sera toute belle.
e) L’enthousiasme Dans la neuvième partie du poème Tiregwa (ch. 145.9, v. 413 à 420) et dans la strophe consacrée à l’artiste (afennan), Isefra izerε izer ufusufus-ik i I w ixaqen ad yekkes lxiq
[les poèmes (que) sema ta main]
TecniÑ γef ef tizi nn-liser TecniÑ γef ef tizi n ééiq
[tu chantas sur le col de la quiétude]
Tu as chanté l’aisance,
[tu chantas sur le col de l’étroitesse]
Tu as chanté l’angoisse ;
[le malade quand il serait il souffrit]
Le malade qui souffre
[il le réveilla le chant]
Se réveille à ton chant ;
[qui étant en colère il t’entendit il résista]
L’opprimé, t’écoutant, résiste,
i ara
i
AmuÑin m dyil yenéer w Yessak i-t-id ucewwiq Wi ixaqen islaisla-yak yeåber k--yufa yid yid--s d arfiq Mi k
Tu répands tes poèmes
[(c’est) pour qui étant en colère il enlèverait la colère] A la joie des opprimés ;
[quand il te trouva avec lui c’est compagnon] Qui aime ta compagnie.
f) La gloire Dans la huitième partie de la chanson Tiregwa (ch. 145.8, v. 373 à 384) et dans la strophe consacrée au poème, parmi un condensé de déterminations symboliques (cri, semaison, épreuve, malheur, remède, paix, poutre-maîtresse, legs à la postérité) on relève une référence à la gloire, exprimée par le nom étalé et non tu (v. 9) de qui use à bon escient du poème. YeffeγYeffe -d usefru yuγwas yu was yesla--yas Kul wa yesla Ameddaà
yezraε-t
yekker
[il sortit le poème il vociféra]
Quand le poème retentit
[chacun l’entendit]
D’aucuns l’entendirent
[le barde il le sema il se leva]
Car le poète le sema ;
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Wa imettelerimettel-itit-id γer er-lmeànalmeàna-s Yettaf--it d ddwa ddwa--s Yettaf
[celui-ci il le compara à son épreuve] [il le trouve c’est son remède]
En firent un remède
Talwit iruàen a ss-tttt-idid-yerr yerra--t d asalas WayeÑ yerra
[la paix étant parti il la lui rendrait]
Et recouvrèrent leur paix ;
[l’autre il le rendit c’est la poutre-maîtresse]
D’autres en firent un summum
[il le monta sur les fondations]
A solide assise
γef
IÂekkebIÂekkeb-it llsas Isem--is iban iban--d ur yeffer Isem yeffer
Les uns y virent leur peine,
[son nom il apparut il ne (se) cacha]
Et atteignirent la gloire ;
Taqbaylit tewwitewwi-t d aylaayla-s Tefka--t i tarwa tarwa--s Tefka
[la Kabyle elle l’emporta c’est son bien]
La Kabyle le fit sien,
[elle le donna à sa progéniture]
Le légua aux siens,
YesYes-sen i tebded Lezzayer
[à l’aide d’eux qu’elle est debout l’Algérie]
La fine fleur du Pays.
g) Les soupirs Dans une des strophes du poème à acrostiches Tarba Tarbaεtt (ch. 136, v. 20 à 27), tout se passe comme si le poète distinguait le poème (v. 2) du chant (v. 1) cependant qu’il établissait entre eux une espèce de relation de cause à effet, le second (le premier dans le texte) induisant le premier (le second dans le texte) et celui-ci devenant celui-là. Et l’esprit, qu’incarne la raison (v. 3), aspire au bonheur dans le Verbe (v. 4) car jusque-là seuls les soupirs (v. 5) sont source d’inspiration (v. 6). Ma bdiγ bdi ccna d--issawal Asefru la d
[si j’entame le chant]
Dès que j’entame un chant,
[le poème appelle]
Le poème vient à moi ;
[la sagesse attendit]
C’est la sagesse qui attend
[à quand la joie de la parole]
A quand le bonheur du Verbe ;
Kul nnehta d--tme tmett ttel Ad tt el di tira
[chaque soupir]
Chaque soupir
[se traduit dans l’écriture]
Se traduit dans l’écriture ;
Mi tt-idid-nebda d--inin mazal làal Ad
[quand nous la commençâmes]
Mais peine l’ai-je commencé,
[ils diraient pas-encore le temps]
On reporte l’échéance.
Leεqel Le qel yerÜa I melmi lferà nn-wawal
h) La Vérité Dans le poème Ameddaà « L’aède » (ch. 103, v. 11 à 15), le poète-chanteur demande à être pardonné par l’auditeur pour sa condition qui fait de lui quelqu’un qui ne peut s’empêcher de frapper à toutes les portes pour affirmer ce qu’il croit être la vérité. SamàetSamàet-iyi Nekk d ameddaà
[Pardonnez-moi]
Pardonnez-moi,
[moi, c’est le poète]
Je suis ce poète
ur nettseÑài Ur nàebbes di tikli Yettadden tawwurt tawwurt
[n’ayant honte]
Impudique
[ne s’arrêtant de marcher]
Qui ne s’arrête de marcher,
[s’arrêtant la porte la porte]
Et qui fait du porte à porte (?)
Ayen inwa d tidett a tt-yini
[ce qu’il croit vérité il le dirait]
Et qui dit ce qu’il croit être la vérité.
i) L’authenticité Dans le poème A mmi mmi--s Umazi Umaziγ « Ô fils d’Amazigh » (ch. 132, v. 17 et 18), le poète relate l’abondance de poèmes consacrés au figuier et à l’olivier, arbres emblématiques de l’authenticité :
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Гef ef tneqlett γef ef tzemmurt acàal d asefru
[sur le figuier sur l’olivier combien c’est poème] Sur le figuier et l’olivier, sont autant de poèmes,
Tajaddit degdeg-sent i tettili
[notre origine (est) dans elles qu’elle est]
est en eux que résident nos origines.
j) La justice (ch. 102, v. 21 à 28) Dans la deuxième strophe, tandis que chanter, cewweq (vers 1 et 2) allège le fardeau qui pèse sur les épaules, le poème, asefru, ramène dans la voie de la justice quiconque se verrait partir à la dérive sur celle de l’injustice (vers 3 et 4). Taεk Ta kwemt êêayet γef tuyat d--ncewweq Ad tifsus mi ara d Ma nwala lbaéel ntebεa nteb a-t u er--làeqq Asefr ad aaγ--d-irr γer er
[le fardeau, il est lourd sur les épaules]
Le fardeau pesant sur nos épaules,
[serait plus léger quand nous chanterions)
Le chant l’allègerait ;
[si nous voy(i)ons que nous suivons l’injustice]
Si nous nous voyons injustes,
[le poème nous rendra(it) vers la justice] Le poème nous remettra dans la voie ;
2.2.2.4. Quel est le rôle du poème ? a) Source d’énergie Dans la première strophe du poème Asefru (ch. 102, v. 17 à 20), en plus de la mention asefru, on trouve rfed, « soulever »/« élever »/ « prendre », verbe à sens secondaire inchoatif « entamer ». La fonction qu’attribue le poète au poème, dans cette strophe, est celle d’un énergisant qui, quelle que soit l’époque, maintient debout, voire remet d’aplomb, quiconque est gagné par la fatigue. Kkert aa-nebdut tikli marche,
[levez-vous, nous entamerons la marche]
Allez ! entamons la
Ay arfiq rfed asefru Am yiÑelli amam-wasswass-agi aujourd’hui
[ô ami, soulève le poème]
Ami, entame le poème
[comme hier comme aujourd’hui]
Qui hier comme
A γ--yessebded mi ara neεyu ne yu
[il nous mettra debout quand nous serons fatigués]
Atténuera notre fatigue.
b) Nourriture (spirituelle) Dans la cinquième strophe de Asefr Asefru u (ch. 102, v. 55 à 64), l’auteur met en garde celui qui, ayant le poème en horreur (v. 1), restreint les limites de celui-ci (v. 2) et le retire de l’écoute (v. 3). Il compare ensuite le poème à un grain de blé qui germe partout, se multiplie pour donner beaucoup d’épis (v. 5, 6 et 7), nourrit qui a faim (v. 8), éveille — ouvre les yeux à — qui s’en nourrit (v. 9) et montre la voie à l’égaré (v. 10). Le poème, qui ne s’accommode pas du carcan dans lequel le méchant veut l’enfermer, est tel un grain de blé… D acu i tugwadeÑ a kk-yini u Usefr iwmi tgiÑ tilas TeffreÑTeffreÑ-t yiwen ur dasdas-yesli fell--as D akal i tessdeÑ fell Am uεeqqa eqqa nn-yired ittfukti deg--s yem yemγii Mkul amkan deg
[c’est quoi que tu crains il te dirait]
Que crains-tu que ne te dise
[le poème auquel tu fis des limites]
Le poème que tu as enfermé,
[tu le cachas, nul ne l’entendit]
Caché, que nul ne l’entende,
[c’est de la terre que tu comprimas sur lui]
Enseveli avec acharnement ?
[comme le grain de blé il se multiplie]
Tel un grain de blé, il se multiplie,
[chaque endroit, dans lui il germa]
Et germe sur toutes les terres
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YefkaYefka-d tigedrin aéas seg--s yewwi Win yelluêen seg
[il donna des épis beaucoup)
Pour donner beaucoup d’épis :
[celui ayant faim, de lui il emporta]
Quiconque a faim s’y (?) sert,
Win tt-iččan ččan allen a ss-tenttent-illi
[celui ayant mangé, les yeux il lui les ouvrirait] Quiconque en mange, il lui ouvre les yeux
Ad asas-imel abrid ma yeεreq ye reqreq-as [il lui montrerait le chemin s’il le perdit]
Et à l’égaré montre le chemin.
Dans la chanson Lγerba xemsa--u-reb rebεin erba n xemsa in (ch. 122, v. 36 à 41), le poème à travers le verbe sefru « faire un (des) poème(s) » dans l’énoncé anan-nessefru « nous poétiserions », est une sorte de nourriture spirituelle qui apaise la faim, voire la fait oublier. Ur yelli ara dd-nesnulfu an--nedhu Iwakken an
N’ayant rien eu à inventer
Bexlaf tiddas γef ef tmedlin an--nessefru Mi nelluê an
Nous nous adonnions au jeu des dames.
Mi nruà anan-nettu At wexxam a γ--d-smektin
Et qui nous faisait oublier
Qui eût pu nous amuser, Le poème qui apaisait notre faim Etait, à chaque fois, confronté aux soucis du foyer.
c) Une thérapie, un remède Dans la chanson Éli d Weεli (ch. 71, v. 92 à 101), le poème est une question d’apprentissage à partir d’un livre que la providence aurait destiné au candidat et, ainsi, faire de lui un artiste. Et le poète ainsi formé va composer des poèmes sur des événements réels et, bien que la colère le gagne, et quand bien même elle le submerge, il se met à chanter. Les pires moments dont il est témoin, il les adoucit en les idéalisant et toute plaie sur laquelle se pose le Verbe cicatrise, d’où le rôle thérapeutique du poème. IkkerIkker-d Màend d afennan Taktabt i ss--fkan TesseàfeÑTesseàfeÑ-ad ad yessefru ef--wayen iÑran Yessefruy γef ef
[il se leva Mhand c’est artiste]
Mhand devint poète
[le livre qu’ils lui donnèrent]
Car du livre qu’il reçut
[elle lui apprit il versifierait]
Apprit à faire des poèmes ;
[il versifie sur ce s’étant passé]
Il compose sur le réel,
Γas as ččan [malgré ils l’ont mangé les colères] Et bien que rongé par les tourments, ččanan-t wurfan Quand ceux-ci se multiplient, il se met à chanter ; Mi zeggden ad icennu [quand ils rajoutent il chanterait] S wallen iêerr iêerr yir ussan Yettarra--ten lhan Yettarra
[avec les yeux il voit les pires jours] Assistant impuissant aux pires jours, [il les rend ils sont bons]
Lğerà i γef yers ad yeàlu [la plaie sur laquelle il se pose guérirait] Hubb ay aÑu !
Il en fait des jours heureux Et les plaies cicatrisent. Souffle, ô vent !
d) Source de tristesse et/ou de bonheur Dans la poème Ttsellime Ttsellimeγ fell fell--awen (ch. 117, v. 9 à 12), les poèmes, après avoir pris place dans les esprits et les corps (i.e. une fois mémorisés et adoptés par ceux avec qui ils font corps désormais) s’ils nous rendent tristes et nous font pleurer, ils font aussi notre bonheur au moment opportun. Kecmen si yal d aqerru Kecmen si yal d ååura YesYes-sen ma neàzen nettru
[ils entrèrent de chaque c’est tête]
Pénétrant tant d’esprits,
[ils entrèrent de chaque c’est corps]
Pénétrant tant de corps,
[à l’aide d’eux si nous sommes tristes nous pleurons]
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S’ils nous rendent tristes,
YesYes-sen i nferreà di littsaε
[(c’est) à l’aide d’eux que nous jubilons dans la largesse]
Ils font aussi notre bonheur.
e) Un instrument de propagande Dans le poème Ameddaà (ch. 103, v. 102 à 111), asefru est directement en rapport avec le chant et l’« arrangement » de celui-ci. L’auteur donne ici la parole aux politiciens soucieux de rallier à leur cause les poètes : ceux qui excellent dans le chant et qui dédiront un poème en leur honneur. Wigi yettåeggimen ccna Γer er--lğiha iha--nne nneγ a ten ten--id id--nernu er nettdafaε
A sensen-nini Γef ef teqbaylit a dd-teàyu Ad aaγ--d-εiwnen iwnen merra
[ceux-ci arrangeant le chant]
Ceux qui excellent dans le chant,
[vers notre côté nous les ajouterions]
Nous en ferons nos adeptes ;
[nous leur dirions nous défendons]
Nous nous dirons défenseurs
[sur la kabylité elle renaîtrait]
De la fierté recouvrée ;
[ils nous aideraient tous]
Chacun d’eux nous aidera
u
Kul yiwen a d[chacun dédierait un poème] Et dédiera un poème ; d-ihd asefru Mi newweÑ s ayen nebγa neb a [quand nous arrivâmes vers ce que nous voulûmes] Parvenus à notre but, çåutçåut-nsen ard a tt-nemàu Ula d afrux di lexla
[leur voix nous l’effacerions]
Nous les ferons disparaître,
[même l’oiseau dans la nature]
Chasserons jusqu’à l’oiseau
A tt-nåegged ma icennu
[nous le chasserions s’il chante]
Qui se mettrait à chanter.
f) Une fonction pédagogique (et mnémonique ?) Dans le poème Asefru (ch. 102, v. 72 et 73), le poème, qui instruit l’homme sensé et lui rafraîchit la mémoire, a une fonction à la fois éducatif et de mémoire ; pour ce dernier rôle, l’auteur fait-il allusion à l’un des procédés mnémotechniques qu’est l’« ouvrage en vers » ? Kul uàdiq ard a tt-yesγer yes er u id--ifekke Ayen yett a ss--t-id
[chaque sensé, il le couvrirait]
Il instruit l’homme sensé,
[ce qu’il oublia, il le lui rappellerait]
Et lui rafraîchit la mémoire.
Conclusion Dans cette incursion dans l’œuvre de Lounis Aït Menguellet, à la recherche d’indices probants quant au discours que peut avoir un poète sur le poème, incursion plus interprétative qu’analytique dans laquelle nous n’avons pu procéder que par tâtonnements, nous avons pu explorer l’asefru, les vocables qui lui sont liés, les significations possibles de ces vocables, la symbolique et la fonction qu’attribue le poète au poème. Il en ressort que le poème est le Verbe réglé, sans aucune indication précise quant aux caractéristiques formelles et/ou sémantiques. Il en ressort aussi qu’un nombre important de termes sont mis en relation avec le poème : Verbe, chant, écriture, poète, etc. Il en ressort enfin qu’indépendamment des ‘‘factures’’ (neuvain, sizain, etc.) et des ‘‘genres’’ (asefru, izli, etc.), concepts qu’il faudra distinguer dans une étude ultérieure, il est attribué au ‘‘poème’’ une symbolique et des rôles divers. Le langage poétique étant par définition un langage ambigu et polysémique, il conviendra de vérifier auprès du poète — dans un entretien à compléter — certaines interprétations et hypothèses ici émises. La perspective finale est de pouvoir comparer, comme dans la note de la page 14, avec le discours sur le poème des poètes français.
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III. — QUELQUES ELEMENTS DE LA PENSEE ET DU DISCOURS DU POETE 1. Entre tradition et innovation Si, à l’instar de ses prédécesseurs, Lounis se plaint de ce que lui fait subir son sort, c’est qu’en revanche, et dès son jeune âge, il ouvre une brèche pour la chanson d’amour, brèche qu’exploiteront ses contemporains. Car, l’amour étant jusqu’alors un thème tabou et relevant, ainsi, du domaine privé, la chanson kabyle était plus moralisatrice que téméraire. Il s’y hasarde et gagne le pari et, bien que parallèlement il ait chanté d’autres thèmes, on devine immédiatement que les textes ne sont pas de lui. Que, plus tard, on ait qualifié d’années d’or l’œuvre réalisée entre 1967 et 1974 n’est pas fortuit : l’œuvre berçait la jeunesse kabyle, exacerbait ses rêves et faisait parmi elle des émules. Mais Lounis ne tardera pas à se détacher non sans regrets — des retours cycliques, autres coups d’œil à sa jeunesse le démontrent — de la sphère romantique pour investir progressivement mais sûrement les domaines qui engagent non plus l’individu mais la société tout entière : le philosophique et le politique entrent en scène et il est heureux qu’il en soit ainsi. C’est dans ce cadre nouveau qu’on lui doit Ay agu « Ô brume ! » (1979), Tibratin « Les missives » (1981), Arrac n Lezzayer « Les enfants d’Algérie » (1982), A mmi… « Mon fils » (1985) et, plus près de nous, n--tejjam mmi « Où avez-vous laissé mon Asendu n waman « Brassez du vent ! » (2005, Anida n fils ? » (1976) Lγerba rebεin erba n xemsa u reb in « L’exil de 1945 » (1992) faisant bande à part dans la mesure où toutes les deux traitent du thème de l’exil. Faisant dans l’intertexte, Lounis Aït menguellet s’inspire et cite de manière sporadique parmi les Anciens les meilleurs dépositaires du savoir traditionnel ; ainsi de Yemma Xlija Tukrift : LemàibbaLemàibba-nsen d asawen TamusniTamusni-nsen d aγilif a ilif « Leur amour est escalade, Leur savoir est courroux. » (Aεeeéé ééar ar, 1978) ; ainsi de Ccix Muhend U Lhusin : Ifer ibawen… « La feuille de fêve » (D nnuba nnuba--k fre freà t-yifen « Ah ! pouvoir fréquenter meilleur que soi ! » à, 1979) ; A wi yeddan d wi t(Amusnaw, 1993), Yenna ccix deg wawalwawal-is Lmumnin ad akk àlun Ma d imcumen ad mseglun (A d--isewwqen, 1996), etc. wid d Et sur le plan de la versification (formes fixes, mètre et rime) Lounis Aït Menguellet oscille entre tradition et innovation. Ne pouvant échapper aux moules traditionnels du sizain (strophe de six vers) et du neuvain (strophe de neuf vers), de l’heptasyllabe (vers de sept syllabes) et du pentasyllabe (vers de cinq syllabes), de la rime croisée (abab) et des rimes particulières du neuvain (aabaabaab), son œuvre est jalonnée de formes nouvelles, inexistantes en poésie kabyle : au tout yisem--im, « En ton nom », début de sa carrière déjà, on a affaire au vers de neuf syllabes (Γef ef yisem Volume I) ; au milieu des années 1970, c’est à une disposition particulière des rimes (abc) qui fera son apparition (Telt yyam « Trois jours », 1975) et qui fera le bonheur de Slimane Azem ; cette disposition réapparaîtra dans la chanson Yerna yiwen wass (2005) ; une autre disposition des rimes inexistante en poésie kabyle sera à l’honneur, la rime dite embrassée : abba (Aεsekriw sekriw « Le soldat », 1984, à un degré moindre Siwel Siwel--iyi iyi--d tamacahut « Raconte-moi une histoire. », 1997). Par la suite, le neuvain ne revenant que de manière épisodique, notamment dans les préludes, comme pour rendre hommage aux poètes anciens mordus de cette forme fixe, d’autres formes de
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strophes verront le jour (huitains, dizains, douzains ainsi que d’autres formes plus longues, cf. Amusnaw, 1993 ; Ini-asen, 2001 ; Asendu n waman, 2005, etc.). C’est dans cette veine innovante que des vers des vers de neuf, onze, douze, voire treize syllabes (Ixulaf, « La relève », 1991 ; A Temêêi « La jeunesse », 2001) côtoieront les traditionnels heptasyllabes et mmi--s Umazi Umaziγ, 1996 ; Tem mmi pentasyllabes. Par delà la fluidité de l’expression, sur fond d’innovation au plan de la versification, Lounis Aït Menguellet assène des vérités universelles non sans précaution : usant du double sens du langage et en parfait iconoclaste, il brave l’inculture ambiante qui caractérise une foule tranquillement installée dans ses certitudes ; ce qui explique Amek ur diyidiyi-tessinem ara Tettamnem yesyes-i merra D kunwi i yiyi-d-isnulfan isnulfan. « Comment se fait-il que vous ne me connaissiez pas, Vous croyez tous en moi, C’est vous qui m’avez inventé. » Le souffle transcendant (Abe Abeà àri, 1985), que les hommes auraient créé de toutes pièces pour lui faire endosser leurs malheurs, n’est autre que celui que le poète somme de relever le défi (Anef Anef--iyi « De grâce ! », début des années 1970), celui que le poète eût accusé de pécheur s’il venait à le traiter de mécréant (Ixf ittrun « L’esprit en pleurs », 1978) et celui dont il se détache quand il conclut son poème (Aseggas, 1997) par Imi tnedhem yesyes-s TewweÑ TewweÑ-awen tfidi s iγes i es « Pour que vous l’ayez invoqué, C’est que votre plaie est profonde. »
2. Profondeur et précision Ces chansons (le terme de poème paraît plus judicieux que celui de chanson), que je qualifie de longues faute d’un qualificatif, ne sont pas une pure amplification du verbe : de facture diverse, exécutées sur des airs variés, le poète s’y attarde afin de traiter le thème en question en profondeur et avec précision. Jamais en effet, ni avant ni après, un poète-chanteur n’a traité de ces thématiques avec autant de ‘‘motifs’’. Je n’en veux pour preuve que la chanson Lγerba erba n xemsa rebεin u reb in « L’exil de 1945 » (1992). Dans cette chanson, la partie essentielle est exécutée en duo mais l’interprète mâle s’y taille la part du lion et le fait n’est pas fortuit. Il y est raconté le parcours d’un Algérien (un Kabyle ?) qui, au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans l’espoir d’une vie meilleure, part travailler dans la Métropole et revient, tout espoir évanoui, atteint d’une maladie incurable. Le prélude est une sorte d’introduction qui explicite les raisons du départ mais aussi la crainte de l’échec et des éventuelles railleries de tout le village. Le personnage mâle (le mari, qui part) parle à la première personne (singulier ou pluriel de ‘‘dilution’’) tandis que le personnage femelle (l’épouse, gardienne de la dignité, qui reste au village) n’utilise la 2e personne que dans le second couplet quand elle s’adresse à lui rêveuse, dans le reste des couplets elle parlera de lui à la 3e personne, tantôt pour le glorifier, tantôt pour le calomnier et, le bouquet final, lorsqu’elle s’adresse à lui, elle le fera toujours à la 3e personne comme pour lui signifier que même devant ses yeux il reste l’éternel absent et le renvoyer tout droit vers sa mère qui, heureuse de le voir enfin, accueille son fils. Entre les deux belligérants (iminig et lal n nnif) s’installe un dialogue de sourds : d’un côté, celui qui, parti faire le plein de bonheur matériel, souffre le martyre dans les fonderies de ceux qui là pour lui voler sa santé ; de l’autre, celle qui, restée dans le village, attend avec impatience le retour de l’asalas « le chef » les valises pleines d’argent.
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Dans ce poème fait de neuvains qui côtoient les neuvains, on est heureux de relever parmi les innombrables effets de style des figures hors du commun telles que Wayed d laê laê wa d iγeblan i eblan « L’autre, c’est la faim, l’un, c’est les soucis. », Anda talaba n lejdud ur telli Ara yessren tuyat yeεran ye ran « Là où le pan protecteur des Aïeux n’est pas, qui eût pu nos épaules dénudées. » ; Dagi ula d ttjur γrant rant « Ici même les arbres sont instruits », Lbabur ge ger yifassenifassen-is yeéé yeééef ééef abridabrid-is, « Le bateau entre les mains, Il prit la route » Bezzaf êêayit êêayit wussan « Trop lourds sont les jours. » A widak yenéeÑ werkas « Ô vous auxquels s’est collée la sandale ! », NnanNnan-d dinna laê laê nγant n ant « On dit que là-bas, la faim, ils l’ont tuée. », Di lxedmalxedma-ines d asalas… « Dans son travail, il est la poutre maîtresse. », etc.
3. Aït Menguellet, un poète ou un sage ? Le poète se prend-il pour un poète ? Pour Paul Eluard (Joubert, 2003 : 68), « le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. » Mémoire, force de caractère, solidité intellectuelle, facilité de parole. Il a la mémoire nécessaire à la mémorisation de toute l’œuvre. La force de caractère, normalement est un non-sens dans le cas d’un poète ; en effet, un poète, c’est d’abord quelqu’un de sensible, quelqu’un de susceptible, quelqu’un dont la réaction est imprévisible, spontanée… On ne naît pas intellectuel ; autant la mémoire et la force de caractère peuvent être des facultés innées, et peuvent ainsi être un cadeau du ciel, autant la solidité intellectuelle s’acquiert et se cultive ; quant à la facilité de parole, elle relèverait plus d’une pratique doublée d’une volonté d’apprentissage. Si Aït Menguellet admet qu’il est poète, en revanche il ne se prend pas pour le meilleur poète, loin s’en faut : dans la chanson Ameddaà « Le poète » il dit : RegmeγRegme -k a gma ur ttseÑàiγ ttseÑài w Ayen akken akk i dakdak-nniγ nni
Impudique, je t’ai insulté, frère, Tout ce que je te dis là
IàuzaIàuza-k ur didi-izgil eléeγ deg deg--wayen êriγ Ma γelée elée êri
Te concerne et me concerne ;
AqlAql-i d lεebd l ebd ay lliγ lli zeggdeγ--as i lkil Ahat zeggde
Je ne suis qu’être humain,
Si je me trompe dans ma vision, Je peux être immodéré ;
u
Yak teêriÑ segseg-k d ac urğiγ urği i k--qale qaleγ ur diy -ttqil Ur k
Tu sais ce que j’attends de toi :
Bγiiγ kan a kk-steqsiγ steqsi mel--iyi Amek i tga tidett, mel
Ce n’est qu’une question,
SamàetSamàet-iyi Nekk d ameddaà Ur nettseÑài Ur nàebbes di tikli Yettadden tawwurt tawwurt Ayen iinwa nwa d tidett a tt--yini
Cessons d’être complaisants, Dis-moi où est la vérité ! [pardonnez-moi]
Pardonnez-moi,
[moi c’est le poète]
Je suis poète13,
[n’ayant honte]
Je n’ai pas honte,
[ne s’arrêtant dans la marche]
Je n’interromps pas ma marche,
[se mettant debout la porte la porte]
Je frappe à toutes les portes,
[ce que il croit c’est la vérité il le dirait]
Et dis ce que je crois être la vérité.
(ch. 103, v. 1-10 et 11-16)
13 Comme l’écrit M. Mammeri (Poèmes kabyles anciens, Paris, Maspéro, 1980 (La Découverte, 2001), p. 10, note 1), il s’agit en réalité de « chanteurs ambulants qui se produisent dans les marchés, ou font du porte à porte à travers les villages, contrairement aux afsihs anciens dont la visite est un véritable événement. »
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Dans ce passage, il tient ce discours : le poète est impudique, il offense car il a envie de dire, et si dans ce qu’il voit il se trompe, il n’est qu’un homme après tout et en tant que tel il peut exagérer la mesure, mais il attend qu’on apporte et sans complaisance des réponses à ses questions, notamment celle de savoir où est la vérité.
Dans la chansonYerna yiwen wass « Et s’ajoute un jour… » (ch. 153, v. 53-65), il prend en pitié le poète, dont il dit qu’il est isolé, qu’il n’est pas écouté et à qui on ne rend hommage qu’à titre posthume : IγaÑ aÑaÑ-ik kra tettwaliÑ Ur tezmireÑ ad tessusmeÑ
Peiné de ce que tu vois,
TneéqeÑTneéqeÑ-d s wawalwawal-ik çåbeà tafejrit tukiÑ
Tu uses de la parole ;
DegDeg-yiÑ wissen ma ad teééseÑ d--yecqan di tudert tudert--ik Wi d
peut-être dors-tu la nuit,
TewweÑTewweÑ-d tmeddit teεyiÑ te yiÑ tettγaÑeÑ Ay amedyaz tett aÑeÑ
Le soir tu es éreinté,
Wissen ma slanslan-d i ååutååut-ik wussan--ik Yerna yiwen wass γer er wussan
Mais refusant de te taire, Dès l’aube tu te réveilles Qui se soucie de ta vie ? Ô poète, tu es à plaindre, Qui sait s’ils t’ont entendu ? Et un jour s’ajoute à tes beaux jours,
TqerbeÑ γer er taggara wass--nniÑen S yiwen wass
De la fin tu te rapproches
Ideg ara dd-smektayen isemisem-ik
Où ils fêteront ton nom.
D’un autre jour qui s’ajoute,
(ch. 153, v. 53-65)
Dans la chanson suivante, le poète, même s’il s’agit d’un poète-chanteur, se situe sur trois plans : poétisation (ssefru, v. 2), création (snulfu, v. 4), chant (cnu, v. 6) : Di ssuq ameddaà yiwyiw-wass de d--yessefru Yeééef amkan g ara d i
Au marché, un jour, le poète Prit place pour versifier ;
Lγac ac usan usan-d s waéas Ad slen acu ara dd-yesnulfu a Yerğ d--zzin fell fell--as Yer ğ almi d
Aussitôt entouré,
Yebda la sensen-d-icennu :
Il commença à chanter :
Ce jour-là il y eut foule Pour l’entendre innover ;
(ch. 138, v. 1-6) Le poète, pour notre poète, c’est donc celui qui chante certes, mais c’est aussi celui qui versifie (i.e. qui fait des vers) aussi, mais c’est surtout celui qui crée. Le poète est donc un créateur. Aït Menguellet n’est pas seulement un poète, c’est un amunaw. Et c’est à propos de ces amusnaw « le sage » que Mammeri (1980 : 52) dit : « […] les plus grands ne se contentent-ils pas d’acquérir un savoir et de le transmettre. Souvent ils tirent de l’expérience, la leur et celle des autres, des éléments d’extension, d’approfondissement.
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Alors ils coulent à leur tour en vers frappés comme des maximes le fruit de leurs réflexions personnelles, car tamusni [« sagesse »] est par définition prégnante
Et ce que dit Mammeri quant aux éléments d’extension et d’approfondissement est d’autant plus vrai pour Aït Menguellet que celui-ci est un novateur tant au plan de la versification et du langage poétique que du point de vue du développement discursif que rend nécessaire le traitement de certains thèmes philosophiques, politiques ou sociaux. Etre un amusnaw, pourtant Aït Menguellet s’en défend énergiquement dans la chanson qui porte ce titre (Amusnaw « Le sage », ch. 126), où il dit tour à tour : Lukan lliγ Si un jour j’étais un Sage, (v. 5 et 37) lli d amusnaw i Im ur lliγ Parce qu’un Sage je ne suis, (v. 21 et 53) lli d amusnaw Meεni Mais hélas ! si j’étais un Sage, (v. 69) Me ni ma lliγ lli d amusnaw
Le poète, tel un fou, peut se permettre de mentir. Dit d’une simplicité désarmante, mais réflexion profonde relative à l’inéluctable mensonge, au vraisemblable mais irréel de la création artistique. Comme le poète le dit lui-même, il n’y a pas scandale si le poète vient à mentir : Imehbal akka am nekwni Mačč ččii d llεib Ma čč ib ma skaddben
Pour des fous tels que moi, Le mensonge n’est point une honte.
(ch. 146, v. 101 et 102) ou s’il vient à se parjurer, à se contredire car, de toute façon, chant rime avec folie : CcnaCcna-yagi d amehbul Am--win yeggullen yeànet Am
Capricieux est ce chant, Et, tel celui du parjure,
(ch. 131, v. 1 et 2) Ainsi, pour clore ce chapitre, disons que le poète, conscient qu’il est de faire dans la création, et pour légitimer son élan vers le vraisemblable, doit avertir de l’impossibilité de dire les choses crûment, telles que se présentent dans la réalité. Cette impossibilité, il l’exprime par cette belle allégorie de la mule qui mettrait bas ! Såber win tt-idid-isnulfan yeγliÑ leàsab--is Ur ye liÑ di leàsab
[l’endurance qui l’ayant créée] [il ne se trompa dans son calcul]
Endurance, celui qui l’a inventée Ne s’est pas trompé dans son compte
Tasusmi wi tttt-inudan làeqq--is Ad iêer teswa làeqq
[le silence qui l’ayant cherché
Celui qui cultive le silence
[il verrait elle vaut son dû]
Un jour en éprouve le prix
Lemmer a dd-iniγ ini ayen illan d--tarew mmi mmi--s Taserdunt a d
[si je dirais ce étant]
Si je disais toute la vérité
[la mule accoucherait de son fils]
On crierait au miracle
(ch. 71, v. 108-113) (traduction de T. Yacine, p. 269) Et le poète a dit, la mule dût-elle mettre bas d’un joli monstre.
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4. Le Poète et et la religion La société kabyle, quel que soit le degré d’évolution auquel l’influence de la modernité l’a pu conduire, est profondément musulmane et du dogme islamique elle ne s’échappe que par intermittence et à ″très faible dose″. Elle n’est pas seulement profondément islamique, elle va même au-delà. Ayant mué depuis très longtemps vers la patrilinéarité14 et le patriarcat, elle a en revanche conservé les traits les plus contraignants de son organisation segmentaire. Souvenonsnous-en, les Kabyles ont en 174815, au cours d’une assemblée « nationale », prononcé solennellement l’exhérédation des femmes. La logique de groupe, la rudesse des mœurs ont longtemps réprimé toute velléité d’émergence de l’individu16 et cette répression s’exerce de tout son poids sur le langage et sur l’expression de soi. On comprendra mieux ainsi la prédominance du discours édifiant, seule expression publique porteuse de sagesse et de « science » utile au groupe et la relégation de tout ce qui exprime les sentiments au rang de parole infime propre aux cercles restreints des femmes et des bergers. On comprendra mieux aussi une certaine hypocrisie de cette société composée d’individus qui lui sont « dévoués » mais qui, pris un par un, sont très enclins aux plaisirs qu’engendre le poème secret tant décrié, le poème qui constitue une soupape de sécurité et une échappatoire17 à l’ordre tacitement établi. Daniel Leuwers18 écrit, à juste titre, que dans les civilisations archaïques sans écriture le groupe social était — nous dirions : et est — particulièrement contraignant dans la mesure où le langage devait inéluctablement être détourné de sa fonction ordinaire au profit de forces identifiées et répertoriées, d’objet de plaisir à objet de méditation. Mais au fil de son histoire, la littérature a eu la possibilité d’adopter des attitudes divergentes, voire antinomiques, à l’égard de la religion. Si le poète allemand Novalis a écrit que « le vrai poète est toujours resté prêtre », Arthur Rimbaud inscrivait, lui, « Merde à Dieu » sur les bancs de Charleville. Aït Menguellet, sans offenser une quelconque divinité, a, dans un premier temps, pris à bras le corps la mission de chanter l’amour … Et dans cette veine il ne manquera pas de s’en prendre à ce qu’il est communément admis d’appeler ‘‘destin’’. Le rapport à la religion se résume au rapport à Dieu, le terme ddin « religion » n’étant attesté qu’une seule dans toute l’œuvre et c’est un regard de l’extérieur que le poète adopte à l’égard de la chose : Nesteqsaef ddinNesteqsa-t γef ddin-is AnAn-neddu yidyid-s a tt-netbaε AnAn-nêer amek ii-iga yisemyisem-is
L’interrogeant sur sa foi Pour le suivre dans sa Voie, Et savoir quel est le nom
14 Rappelons que la société touarègue, qui a migré du nord, si elle n’est plus matriarcale, est en revanche restée matrilinéaire, mode de filiation naturel qui a dû caractériser toutes les sociétés primitives. On peut se référer à ce sujet à J. Tillion, Le harem et les cousins, Paris, Seuil, 1966. 15
M. Mammeri, Poèmes kabyles anciens, Paris, Maspero, 1980, p. 48.
16
Cf. M. Mammeri, « La société berbère » in Culture savante, culture vécue, Alger, Tala, p. 1-18.
17
C’est ainsi que nous croyons à l’amgun « fœtus endormi » comme étant une invention géniale qui permet d’adoucir les mœurs dans une société aussi rude que la Kabylie, plutôt qu’à une « croyance [débile, dirions-nous] en accord avec le droit musulman » (cf. J.-M. Dallet, Dictionnaire kabyle-français, Paris, SELAF, 1982, p. 262). 18 Introduction à la poésie moderne et contemporaine, Paris, Nathan/VUEF, 2002 (Dunod,1998 ; Nathan/HER, 2001), p. 56.
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IsemIsem-is nnbi s yettêalla Mi nettrağu lewğablewğab-is Yezzi akin udemudem-is yeÑsa19
Du Prophète qu’il invoque, Nous attendîmes sa réponse : Il se détourna et rit !
(ch. 112, v. 31-36) Autant le rapport à Dieu20 — Rebbi ou Lleh — et ambivalent dans la première partie de l’œuvre, enregistrée entre 1967 et 1976 et faite de poésie amoureuse et nostalgique, autant il (le rapport) est net à partir de 1977, dans les thèmes moins personnels. En effet, Ttxilek a Lleh εiwen iweniwen-iyi « Je i t’en prie, Dieu, aide-moi » (ch. 15, v. 1) côtoie A Rebb a kk-inin-yaweÑ nnif « Dieu, puisses-tu avoir de l’honneur ! » (ch. 29, v. 8) et, déclaration plus grave, Ma yennayenna-d Rebbi tjelheÑ, a ss-iniγ ini tewwiÑ ddnub « Si Dieu me dit : Tu blasphèmes, je lui dirai : Tu as péché. » (Si Dieu m’accuse de blasphème, je le traiterai de pécheur.) (ch. 74, v. 47 et 48). Plus tard … A cette question de rapport à la déité on peut associer le rapport au destin (lmektub ou ayen yuran), au sort (zzher, tawenza), le tout pouvant être englobé dans le concept plus général de fatalisme. Ils peuvent coexister dans le même poème ou dans la même strophe, voire dans le même vers. Ainsi dans le poème Ixf ittrun « L’esprit en larmes », à Dieu est associé le destin et c’est Dieu qui prédestine tout et gare à quiconque oserait s’en affranchir, ce contre quoi proteste le poète et promet de traiter Dieu de pécheur, qui lui ravit sa bien-aimée, si Celui-ci l’accusait de blasphème : Ggulleγ urGgulle γur ur-i ard ad teddreÑ Γas beddleγ lemktub as ad beddle Ma yennayenna-d Rebbi Rebbi TğehleÑ niγ TewwiÑ ddnub A ss--ni
Je jure que pour moi tu vivras Dussé-je changer le destin, Si Dieu m’accuse de blasphème Je le traiterai de pécheur.
(ch. 74, v. 45 à 48) On peut retracer schématiquement l’évolution de Aït Menguellet comme ceci : attitude orthodoxe, attitude ambivalente, attitude hérétique ou, plutôt, détachée. Même si vers l’âge de vingt-et-un an (1971) déjà il commençait à défier Dieu, son oeuvre sera semée d’attitudes « orthodoxes » jusqu’à l’âge de vingt-huit ans (1978). Vers 1971 en effet, il s’adresse à Dieu et ose s’exprimer de façon irrévérencieuse dans un des couplets de la chanson Anef Anef--iyi « De grâce ! » TenniÑTenniÑ-iyi ard a kk-àkuγ àku bdiγ làif Si melmi i bdi
Tu m’as dit : Je te conterai
Mačči d tatut ay ttuγ ttu i k--in in--yaweÑ nnif A Rebb a k
Ce n’est pas que j’aie oublié
Lemmer a kk-d-àesbeγ àesbe ayen i ruγ ru yi i Seg meéé ad yenjer wasif
Depuis quand datent mes souffrances Mais mon Dieu tu es redevable Si je comptais mes larmes Elles creuseraient des torrents
(ch. 29, v. 5 à 10, traduction de T. Yacine, p. 94) 4.1. Attitude ‘‘orthodoxe’’ 19
Cf. note T. Yacine, p. 337.
20
Les noms de Dieu sont en kabyle Rebbi et Lleh, prononcés [Âebbi] et [‚‚eh] (les deux liquides étant pharyngalisées), tous deux des emprunts sémitiques. Des vieux noms berbères (touareg MessMess-ineγ ine « notre Seigneur », mozabite Yalla « Il est », Yuc ou Yakuc « Il donna », etc.) de Dieu les Kabyles n’ont plus aucun souvenir, le nom agellid « le roi » devant être suivi de l’adjectif ameqqran « grand » pour signifier « Dieu » (= agellid ameqqran « le grand roi »).
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L’attitude orthodoxe et cette attitude qui ne conteste ni directement ni indirectement Dieu. On retrouve un peu partout dans la partie de l’œuvre du début des années 1970 cette attitude par laquelle le poète adresse des prières à Dieu. Parmi ces prières, nous citons les exemples suivants : Ttxilek a „‚eh εawen awenawen-iyi AqlAql-i amam-win turğa Teryel Ma γli liγ li a „‚eh rfedrfed-iyi S yisemyisem-ik ay dd-nsawel
Par ta grâce, mon Dieu, aide-moi, Je suis tel celui qu’attend l’ogresse ; Si je chois, mon Dieu, relève-moi, C’est en ton nom que je fais appel ; (ch.
15, v. 1 et 2)
Le poète précise dans le quatrième vers qu’il en appelle à Dieu par Son nom propre : Allah. Voici d’autres exemples, relevés dans la même chanson : Wekkleγ Wekkle Rebbi i zzher yeéésen
Je m’en remets à Dieu de mon sort endormi. (ch.
A Rebbi Rebbi cfucfu-yi leğruà
15, v. 1 et 2)
Ô Dieu, guéris mes blessures. (ch.
15, v. 27)
Win i diyidiyi-icban yenéer
Celui qui comme moi est souffrant,
SkerSker-it a „‚eh ma yeγli ye li
Relève-le de sa chute, ô Allah !
(ch. 15, variante en note) Dans la même veine, on relève d’autres cas d’attitudes orthodoxes vis-à-vis de Dieu (Rebbi), du Créateur (axellaq), du Gardien des lieux(aεessas essas), du Maître des Cieux (bab n tegnewt) : Öelbeγ Öelbe di Rebbi a γ--d-yaγ ya afus Tafat anda tella a dd-teflali
Je prie Dieu de nous tendre la main Et que Sa Lumière nous éclaire. (ch.
Uàeqq wi ibedden am lexyal Yumen s Rebbi d lmektub
Je jure par tout mortel Qui croit en Dieu et au destin (ch.
çebàan ii-yexdem uxellaq
11, v. 1)
Où que j’aille tout est insipide, Ai-je commis un sacrilège. (ch.
A bab n tegnewt γur urur-ek
13, v. 23 et 24)
Gloire au Créateur qui t’a façonnée telle… (ch.
Làal anda ddiγ ddi yemsa huddeγ aaεessas A ss--tiniÑ hudde essas
17, v. 33 et 34)
15, v. 15 et 16)
De grâce, Maître des Cieux,
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Гef efef-wussan i dd-ileààun Wissen ma bxir ara tsellek
L’issue sera-t-elle heureuse
SegSeg-wid yekkaten ur ferrun
Des bourreaux inconciliables ;
Quant aux temps qui nous attendent,
(ch. 150, v. 67-70) Ici la divinité bab n tegnewt « le maître de l’atmosphère » est diluée dans une vision plutôt païenne, les attributs habituels étant ceux des religions sémitiques Rebbi et Lleh. C’est là une autre attitude de détachement vis-à-vis du dieu orthodoxe et des religions monothéistes, l’Islam notamment. A ce passage fait écho un passage du poème Ay ack ack--ik ! « Tu es bon21 ! » en hommage à Aït Menguellet : Ay agellid ameqqran fell--aγ beddel beddel--iten Ussan fell
Ô Grand Maître de l’Univers, Améliore nos jours
Akken ad neffeγ neffe di laman Ur nekkat ur aγ--kkaten
Pour que s’installe la confiance Et la paix entre nous.
(ch. 159, v. 67-70) dans lequel au lieu de bab n tegnewt « le maître de l’atmosphère » nous avons agellid ameqqran « le grand roi », expression qui désigne Dieu et en concurrence bab n yigenwan [babigənwan] « le maître des cieux ». 4.2. Attitude hérétique L’attitude hérétique est manifeste, elle est exprimée par tout un poème : Abeàri « Le vent » (ch. 100), qui est un dialogue simulé entre nutni « eux » (la foule) et netta « lui » (abeàri « le souffle, la brise, le vent »), dont voici quelques passages : Nutni :
Eux :
Ay abeàri dd-iffalen iffalen Mel--i-d wi kk kk--ilan Mel
Ô souffle transcendant, Dis-moi qui tu es !
Netta :
Lui :
Amek ur didi-y-tessinem ara yes--i merra Tettamnem yes
Comment ne me connaissez-vous pas ?
i
i
Vous croyez tous en moi,
D kunw i y -d-isnulfan
C’est vous qui m’avez inventé !
D kunwi i yiyi-d-isnulfan wen--iεreq Mi wen req ccγ cc wel
C’est vous qui m’avez inventé
u
Dès que vous étiez désemparés ;
Win iw mi εerqen erqen iberban Ad ii--d-yessiwel
Vous faites appel à moi ;
Nekk ula i dawendawen-xedmeγ xedme
Je ne puis pourtant rien pour vous,
Dès que vous êtes égarés,
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Ce poème, qui fait écho terme à terme au poème diri-yi « Mauvais suis-je ? », a été composé par un fan de Aït Menguellet.
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D ayen tessnem ii-y-ssneγ ssne te ε zemreγ Ur s aÑ d acu iwumi zemre
Je n’en sais pas plus que vous,
Yewεer Yew er neγ ne yeshel
Ni grand ni petit !
Nutni :
Eux :
Ay abeàri dd-iffalen Yes--k ak akk Yes kw i numen
Nous croyons tous en toi.
Netta :
Lui :
Skud tettamnem yesyes-i Cukkeγ tesεam Cukke tes am iγisi i isi qerray--nwen Deg yiqerray
C’est qu’elle est fêlée,
Je n’ai pas le moindre pouvoir
Ô souffle transcendant !
Si vous croyez en moi Votre cervelle.
(ch. 100, v. 1 et 2, 3-5, 6-10, 11-13, 16-18) Dans cette chanson, qui est une allégorie du début jusqu’à la fin, au lieu d’avoir la métaphore du père, comme c’est le cas dans l’Evangile, nous avons celle de abeàri « la brise », qui n’est pas tout à fait « le vent » (T. Yacine a traduit abeàri par le vent) et le choix n’est pas fortuit. Le sens figuré de vent , « rien », en langue française est rendu par abeàri « brise » et non par aÑu « vent ». On devine ici la pensée du poète, celle d’assimiler l’idée de dieu au vent, c'est-à-dire à rien, sinon à la représentation de ce rien dans le cerveau des hommes. Autre chose est l’évocation de Dieu par le père qui conseille son fils, et pour qui Dieu est pitié : poème A mmi « Mon fils » (ch. 98, v. 145-147) : KkesKkes-d afusafus-ik si Rebbi Yiwen ur tt--ttqili
Détache-toi de Dieu,
Leànana yidyid-s ad tferqeÑ
Divorce d’avec la pitié.
Ne ménage personne,
Passage auquel fait écho, comme un corollaire systématique, la dernière strophe (avant le refrain final), et dans laquelle il est dit que les hommes ne croient que ce qu’ils voient et que Dieu est du côté des puissants : Mayella ttamnen deg--ufus ufus--ik Ttawi ttesbià deg
S’ils sont croyants, Munis-toi d’un chapelet,
Err imaniman-ik Seg--widen yumnen Seg
Range-toi
Zeggwirir-asen Γas deg--wul wul--ik d aγurru as deg a urru
Devance-les
i
Rebb iteddu D wagad iêewren
Parmi ceux qui croient ; Bien que tu les leurres, Dieu accompagne Les puissants ;
Γas as ulul-ik d akafri Yiwen ur tt--yeêri
Bien que tu sois impie,
KellexKellex-asen i lγaci l aci Ttamnen kan ayen êerren
Trompe les hommes :
Nul ne le sait, Ils ne croient que ce qu’ils voient.
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A ce titre, disait Slimane Azem (un chanteur kabyle mort en exil, en 1983), dans une strophe dans laquelle il prête la parole au mulet, qui ne saurait se consoler d’avoir pour mère la jument, lui dont le père est, on le sait, l’âne : Ddunit tedda d wi ibedden Γas baba--s d aaγyul as ma yella baba yul
La vie prend le parti de celui qui est debout, Dût son père être un âne.
4.3. Attitude détachée L’attitude détachée est révélatrice d’une sagesse qui recommande le sens de la mesure dans tout ce qui a rapport avec les croyances des hommes. C’est ainsi que le poète ne se sent pas concerné par ce qu’ils peuvent penser en la matière au plus profond d’eux-mêmes : La nsell i medden qqaren tecγeb tmurt--is UrtesεaÑ wi tec eb tmurt S kra nn-wergaz s i numen iman--is Kul wa isewweq d yiman D Rebbi i ttussen tt-idid-iεussen yettεemmid Ur yett emmid i lmutlmut-is Imi tnedhem yesyes-s TewweÑ--awen tfidi s iγes TewweÑ i es
Entend-on dire les gens Que nul n’est peiné par son pays, Ceux en qui nous avions cru, Chacun d’eux s’occupe de lui-même ; Mais c’est Dieu Qui la protège Et Qui ne voudrait sa perte ; Vous vous en remettez à Lui, C’est que vos plaies sont profondes.
(ch. 144, v. 125-132) Dans cette strophe — la dernière du poème Aseggwas « L’ ‘‘heureuse année’’ » — le poète rapporte les propos des gens, qui, faute de pouvoir compter sur les hommes qui ont juré et parjuré, s’en remettent à Dieu, Lui qui protège la Nation et ne peut cautionner sa disparition (vers 125-130). Puis, le poète s’adresse à ces gens et dit ce qu’il en pense : [si vous l’invoquez c’est que la blessure a atteint l’os] (vers 131 et 132).
Conclusion Par cette brève incursion dans l’œuvre, nous avons voulu donner une idée sur la pensée du poète, la vision qu’il a du monde : à travers des faits saillants qui n’existent dans aucune autre œuvre, qui n’ont certes pas tous été exploités, nous pouvons voir en effet l’alchimie qui allie le passé et le présent pour un avenir meilleur, la tradition et la modernité pour une meilleure (sur)vie. Les faits relevés, comme le discours sur le poème, le rapport à l’oralité, le rapport à la divinité, mériteraient d’être étudiés dans le détail. Car ils contribuent à la singularité de l’œuvre d’Aït Menguellet, à l’instar des éléments linguistiques et stylistiques qui seront développés dans les chapitres qui suivent.
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CHAPITRE III : LA TRADUCTION ET SES PROBLEMES I. — POESIE ET TRADUCTION Linguistique et traduction Dès l’introduction à leur livre, Vinay et Darbelnet (1958 : 23) affirment que la traduction, que les traducteurs prennent pour un art — le huitième art — est plutôt « une discipline exacte possédant ses techniques et ses problèmes particuliers. » Elle permet — et c’est là un de ses rôles — la comparaison de deux langues, si elle est pratiquée avec réflexion. Il semble que la traduction, non pour comprendre, ni pour faire comprendre, mais pour observer le fonctionnement d’une langue par rapport à une autre, soit un procédé d’investigation. Nous y sommes, elle permet d’éclaircir certains phénomènes qui, sans elle, resteraient ignorés. A ce titre, elle est une discipline auxiliaire de la linguistique. « Il ne faut pas oublier, notre Vinay et Darbelnet (1958 : 24, note 2), que la linguistique est sans doute la plus exacte des sciences de l’homme, celle du moins qui a le plus d’avance sur les autres, par un concours de circonstances qui ne saurait être fortuit. »
Poésie et traduction Pour la question de savoir si la traduction est possible, les arguments contre la traduction seraient de trois ordres : polémiques, historiques, théoriques (linguistiques) et la traduction serait donc possible. Jean René Ladmiral (1994 : 106), démontant les arguments polémiques et historiques, des « arguments théoriques contre la traduction » qui restent, en fait un singulier à partir du moment où on s’en tient à l’opposition entre science et poésie. Selon lui, on voue les poètes aux mystères, aux prestiges, mais aussi aux tabous de l’intraduisibilité. Par opposition aux sciences (la science), qui, elles, sont traduisibles, la poésie serait intraduisible. Face à cette question, on sait que Du Bellay a d’abord été pour la traduction : contre les humanistes, qui étaient les détracteurs de la traduction, il encourageait la traduction au détriment de l’usage du latin et du grec, longtemps après le décret royal instituant l’usage de la langue française (en 1459 ou en 1549 ?) ; il a ensuite été contre la traduction et pour la création directe dans la langue française. A la suite de Georges Mounin22, nous prenons acte de l’impossibilité théorique de traduire et abordons la traduction comme une pratique, un art. Dans les Belles infidèles (1994 : 55), Mounin explique que le mot à mot, souvent incorrect et presque toujours plat, qui trahit aussi sûrement le texte que les infidélités les plus désinvoltes. 22
MOUNIN G., Les problèmes théoriques de la traduction, Gallimard, 1963 ;
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Quant à la traduction des œuvres littéraires, on peut être partisan comme on peut s’opposer à celle-ci, comme le fait parfois notre poète (v. Oseki-Dépré, Théories et pratiques de la traduction littéraire, 1999) Umberto Eco (2003 : 17) : Parfois le respect de la rime n’est pas suffisant pour garder l’effet du texte. Dans The love song of J. Alfred Prufrock d’Eliot apparaît le fameux vers : In the room the women come and go Talking of Michelangelo Ici, comme dans toute la poésie, le texte joue sur des rimes et des assonances, même internes, en obtenant parfois à l’image de ce distique des effets ironiques […] Un traducteur, pour éviter des solutions grotesques, peut renoncer aussi bien à la métrique qu’à l’assonance. C’est ce que font Luigi Berti et Roberto Sanesi en traduisant Nella stanza le donne vanno e vengono En revanche, la traduction française de Pierre Leyris essaie de garder un effet rime, en acceptant de changer le sens de l’expression source : Dans la pièce les femmes vont et viennent En parlant des maîtres de Sienne.
Inês Oseki-Dépré (1999 : 21) Citation de Saint Gérôme : « Ce qu’il vous plaît d’appeler l’exactitude de la traduction, les gens instruits l’appellent mauvais goût. » (p. 38) l’abbé Delille : « J’avoue donc que toutes les fois que le mot à mot n’offrait qu’une sottise ou une image dégoûtante, j’ai pris le parti de dissimuler ; mais c’était pour me coller plus étroitement à Dante, même quand je m’écartais de son texte : la lettre tue et l’esprit vivifie. » Etablir l’analogie avec la traduction en latin de certains vers de la poésie kabyle… Selon Oséki-Dépré (1999 : 132), la traduction qui a réussi à maintenir la même richesse polysémique » témoigne que « le traducteur a su éviter la tentation d’interpréter ou d’expliciter le texte de façon rationnelle. » (p. 133) : « En partant du postulat selon lequel « la traduction poétique est impossible » — et ce, dans mesure où sa forme est son sens, autrement dit où la forme est significative —, il faudra s’attendre de la part du traducteur à une recherche d’équivalences et de compensations, bref, de solutions qui peuvent ou bien lui être personnelles ou, au contraire, être empruntées aux codes de solutions communes. » Oséki-Dépré (1999 : 155), comparant deux traductions de l’Enéide de Virgile, l’une de Du Bellay, l’autre de Des Masures, fait l’éloge de la première aux dépens de la seconde. Elle affirme que la traduction de Du Bellay est plus régulière sur le plan de la versification, grâce à l’effort de Du Bellay pour créer les équivalences françaises de l’hexamètre parfait de Virgile (décasyllabes à
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rythme 4/6, accentuation, la césure plus habile en cas d’enjambements) ; que les mots de Des Masures sont moins colorés (épithètes banales, abstraites) ; elle trouve que Des Masures est tour à tour redondant (entre au-dedans…, couchée sur sa couche…, heureuse d’heur unique… et ambigu (la vue au front sanguinolente… ) ; elle constate en fin que Des Masures figure peu, pour qui l’épithète semble plutôt remplir la fonction de cheville (pour le mètre) que donner une couleur ou intensité au texte. Elle conclut à propos de cette comparaison (Oséki-Dépré, 1999 : 256) : « Ainsi, à la même époque, deux traducteurs s’attaquent au même texte mais produisent des textes on ne peut plus différents. Celui de Du Bellay, même long, est dense, bien équilibré, musical. Celui de Des Masures présente une certaine mollesse, il est déstructuré et, cependant, n’est pas plus littéral. C’est dire qu’une traduction d’un poème, bien qu’elle s’écarte de l’original, peut ne pas produire l’effet attendu d’un ouvrage réussi, c’est dire autrement que une infidèle n’est pas forcément belle. Mais alors une fidèle est-elle toujours belle ? Souvent le traducteur, dans sa tâche, doit tenir compte de deux facteurs : son auteur et son public, il est donc confronté à deux problèmes : respecter le texte original et satisfaire à la tyrannie du lecteur pour lequel la valeur première est la clarté. Dans le cas qui est le nôtre, on sait maintenant que la langue française est toute faite et de Du Bellay à Mounin, en passant par Madame Dacier et Chateaubriand, beaucoup d’encre a coulé sous les ponts de la traduction et de la traductologie ; et qu’on ne présage pas d’un énième enrichissement du français par une traduction de poésies contemporaines. Cette traduction, loin de prétendre à une quelconque prouesse d’ordre stylistique, est néanmoins un prétexte pour une discussion objective sur les convergences et les divergences qu’ont deux langues géographiquement éloignées, un moyen d’appréhender l’analyse stylistique du texte original (métonymie de la canitie pour la vieillesse) (testa pour tête et caput pour chef).
II. — PROBLEMES DE TRADUCTION L’inventaire des problèmes liés à la traduction du corpus, étape transitoire de notre recherche, a pour objectif d’introduire à l’analyse stylistique de celui-ci. Rappelons que le corpus est une œuvre poétique de langue kabyle, de quelques 151 chansons-poèmes répartis sur 26 albums et contenant de 18, pour la plus courte, à 223 vers pour la plus longue. La traduction vers le français a déjà été réalisée en partie — pour les chansons datant de 1968 à 1989 — par Tassadit Yacine (Aït Menguellet chante… Textes berbères et français, Préface de Kateb Yacine, Alger, Bouchène/Awal, 1990). De l’œuvre postérieure à cette date — de 1989 à 1999 —, soit 37 chansons réparties sur 7 albums et totalisant plus de 3000 vers, nous avons commencé par traduire les deux premiers : en--ixde ixdeε Rebbi “ Que Dieu vous Abrid n temêi “ Le chemin de la jeunesse ” (1990) et Ad kwen punisse ! ” (1992).
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1. Description sommaire 1.1.
Abrid n temêi “ Le chemin de la jeunesse ”
Sorti en 1990, date à laquelle l’Algérie, qui a vécu de 1962 à 1988 la dictature du parti unique, semble entrer dans une ère démocratique avec son corollaire, le multipartisme, cet album comprend les six chansons suivantes, à thématique politique :
– Abrid n temêi “ Le chemin de la jeunesse ”, de 223 vers ; – LxuÜa n ccÑeà “ Le préposé à la danse ou la médaille du ridicule ”, de 109 vers ; – Ce Ceγlet let--aγ tafat “ Eclairez-nous. ”, de 120 vers ; let – Ttsellime Ttsellimeγ fell fell--awen “ Je vous salue ! ”, de 64 vers ; – Ixulaf “ La relève ”, de 42 vers ; – Arrac “ Les enfants ”, de 33 vers. 1.2.
en--ixdeÇ Rebbi “ Que Dieu vous punisse ! ” Ad kwen
Sorti en 1992, au lendemain d’un événement majeur, celui de l’interdiction du FIS (Front Islamique du Salut), parti islamiste algérien qui avait remporté les élections législatives de décembre 1991, la plupart des chansons de cet album traitent de la situation politique algérienne, notamment de l’illusion islamique à travers la chanson Tamurt Tamurt--nne nneγ “ Notre patrie ou la culture du désert ” ; le thème fort y est celui de “ l’exil de 45 ”, un poème où sont mêlés le politique, le social et une sorte d’amour pudique. Il comprend les chansons :
– Ad kwen en--ixde ixdeγRebbi Rebbi “ Que dieu vous punisse ! ”, de 74 vers ; – Imsebriden “ Les voyageurs ” [les passants], de 56 vers ; – LÄerba n xemsa xemsa--w-rebÇin “ L’exil de 45 ”, de 112 vers ; – Úurwat “ Prenez garde ! ”, de 80 vers ; – Tagmatt “ La fraternité ”, de 70 vers ; – Tamurt Tamurt--nne nneγ “ Notre patrie ou la culture du désert ”, de 80 vers.
2. Traduction 2.1. Généralités La présente traduction de l’œuvre poétique de Lounis Aït Menguellet est une tentative de rendre le sens dans un français le plus correct possible. Pour la réaliser, nous nous sommes aidé de nos connaissances empiriques dans les deux langues. Loin de prétendre à la qualité de celle des Quatrains de Omar Khayyâm faite par Vincent Monteil [Omar Khayyâm, Quatrains, Hâfez Ballades, introduction et choix de poèmes traduits du persan par Vincent Monteil, Calligraphies de Blandine Furet, Edition bilingue, Paris, Sindbad, 1983], elle se veut une traduction poétique, qui ne renseigne pas le lecteur sur les structures de la langue-source, quelquefois influencée par l’intériorisation d’un certain mètre-stéréotype, l’heptasyllabe — le vers ‘‘d’or’’ cher à Mouloud Mammeri. M. Mammeri qui avertissait le lecteur, dans Poèmes kabyles anciens (Paris, Maspéro, 1980, p. 7), au sujet de la traduction du “ sens et de la valeur… ” et sur le fait que “ les poèmes […]
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rapportés ne sont pas […] [pour lui] des documents indifférents ”, avait proposé, dans Les isefra de Si Mohand, pour illustrer la forme fixe dite neuvain, le poème suivant, de même facture, en langue française : Que Dieu maudisse la mort, Qui nous frappe à tort Sans se soucier des victimes ; La faux puissante du sort S’acharne d’abord Sur ceux qui ont notre estime ; Mon amie, une fleur d’or, S’épanouit encor, Elle est jetée dans l’abîme.
S’agissant donc de poésie, nous avons délibérément opté pour une traduction-recréation, car, comme le dit Jakobson, “ la poésie, par définition, est intraduisible, seule est possible la transposition créatrice. ” (R. Jakobson, Essais de linguistique générale, p. 86, cité par Y. Hellal, La théorie de la traduction, approche thématique et pluridisciplinaire, Alger, OPU, 1986, p. 177) ; mais une traduction qui, comme il y a été fait allusion plus haut, ne tient pas compte des aspects métrique et phonique, autant dire une traduction libre qui ne tienne compte que du sens. Avant d’aborder la discussion des problèmes que posent la traduction, nous aimerions dire que celle de certains vers, strophes ou chansons procure un certain plaisir : tout se passe comme si elle était une simple restitution de la version originale. Les 4 derniers vers (v. 13, 14, 15 et 16) de la deuxième strophe de la chanson Lγerba xemsa--w-reb rebεin erba n xemsa in “ L’exil de 45 ” (corpus, p. 23) en constitue un exemple patent : Mkul wa làif s anga i tt-yewwi : WayeÑ d laê wa d iiγeblan eblan ;
Chacun de nous était livré à la misère,
Rrbeà mebεid meb id i tt-nettwali, Nenwa lγerba l erba d awal kan ; fes--aγ uberrani, NettaweÑ iiεfes fes
Voyant de loin l’opulence,
i
Qui affame les et chagrine les autres, L’exil pour nous était réduit à sa simple expression. Nous réussîmes à nous faire piétiner,
Amzun ur nesε nes imawlan, n--Lejdud ur telli, Anda talaba n
Tel des orphelins,
Ara yeååren tuyat yeεran. ye ran.
Qui eût pu couvrir nos maigres épaules dénudées.
Là où le pan protecteur des Aïeux nous fit défaut,
Tandis que la traduction des vers 1, 2, 3 et 4 de cette strophe posent un sérieux problème d’équivalence terme à terme, celle des vers 5, 6, 7 et 8 est assez aisée, car dans le texte kabyle l’auteur a réussi forcer la langue et il suffit de comparer avec l’énoncé ordinaire équivalent pour s’en apercevoir : dans la langue quotidienne, on dira : Amzun ur nesεi nes i imawlan, NessaweÑ almi γ-iεfes fes uberrani, Anda ur telli tlaba nn-lejdud, Ara yeååren tuyat yeεran ye ran “ Comme si nous n’avions pas de parents, Nous (en) sommes arrivés à ce que l’étranger nous piétine, Là où il n’y a pas la couverture des Aïeux, Qui couvrirait les épaules dénudées. ” Or dans cette strophe, faite, par ailleurs, de vers hétérométriques (alternance 8/7) à rime croisée, Amzun ur nesεi nes i imawlan et Ara yeååren tuyat yeεran ye ran sont des incises : la première, subordonnée de comparaison, insérée et la
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deuxième, subordonnée relative, rejetée à la fin. Par-delà le problème du lexique et de la symbolique qu’il comporte, tout se passe comme si le poète a(vait) adopté la syntaxe du français. La contrainte de la rime l’a-elle probablement conduit à opérer une telle innovation, là n’est pas notre propos à stade actuel de notre travail. Il demeure cependant une certaine gêne pour deux raisons pour nous essentielles : d’une part, l’analyse des problèmes qui constitue en soi un thème de recherche nous éloigne momentanément du but que nous nous étions fixé, à savoir l’analyse stylistique du texte kabyle ; d’autre part, corollaire de la première raison, nous analysons les problèmes que pose notre propre traduction, ce qui peut constituer une source de subjectivité à même de biaiser les résultats, bien qu’en partie cette analyse se fasse sur la traduction de Tassadit Yacine.
2.2. Classification des problèmes Le texte, poésie chantée, proposé à la traduction considéré par nous comme étant un texte littéraire, et considérant a priori que la langue-cible, le français, est à peu de choses près en mesure d’exprimer ce que peut exprimer le kabyle, à la seule condition que le traducteur ait la maîtrise du vocabulaire des deux langues, il reste cependant le problème des correspondances/différences entre celles-ci sur les plans linguistique (morphosyntaxe, syntaxe de l’énoncé, sémantique), rhétorique (tropes) et extralinguistique (symbolique, vision du monde). Si Aït Menguellet, de par sa double culture, kabyle et française, sait s’inspirer, comme dans Aêru yegrarben, Muàal ad ijmeε ijme leàcic [pierre dégringolant jamais n’amasserait herbe], adaptation de “ Pierre qui roule n’amasse pas mousse. ”, il sait en revanche puiser dans le registre traditionnel, traduisible au prix de transformations, comme dans A wi iddan iddan d wi tt-yifen [ô quiconque accompagnant quiconque ledépassant] dont une traduction approximative donnerait “ Ah ! Pouvoir fréquenter meilleur que soi ! ” 2.2.1. Comparaison des structures syntaxiques A. L’énoncé minimum a) L’énoncé verbal : En kabyle, comme les autres dialectes berbères, en contexte et en situation, l’énoncé verbal minimum est similaire à celui du français : le syntagme verbal comprend un indice de personne et un radical verbal constitué de la racine lexicale à laquelle est amalgamé un schème aspectuel, comme dans yedda “ il est parti ”, analysable en “ il est parti ”, analysable en y (indice de personne 3 SM), dd (D = racine “ idée de partir, marcher ”) et a (morphème de l’accompli). Fonctionnant de façon analogue au français “ parlé ”, l’indice de personne n’a pas statut de pronom comme c’est le cas en français académique, langue vers laquelle nous traduisons : toujours présent aux côtés du radical verbal, il fonctionne comme un sujet (= expansion obligatoire). Il s’ensuit que, quelle que soit l’expansion nominale qui viendrait étoffer l’énoncé en dénommant l’agent ou le patient, celle-ci sera reléguée au statut d’expansion référentielle (ou complément explicatif) quand elle suit le syntagme verbal ou d’indicateur de thème quand elle le précède. Ainsi, dans les exemples suivants (p. 21, v. 17 et 37) :
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« La faim épuise. » [faim il-épuise], équivalant au français populaire La faim, elle épuise. (laê laê, laê comme faim, est l’explicitation lexicale du sujet y (3SM), tandis qu’en français académique l’apparition de faim fait disparaître elle ; en français académique seulement, car on trouve la faim, elle épuise, chez les meilleurs auteurs français. Laê yessefcal.
« Il neige. » [il-frappe neige + EA], qui peut être dit autrement, D adfel adfel [c’est neige + EL], comme on peut faire dire à la langue française La neige tombe, et où l’indice y, contrairement au pronom il qui ne renvoie pas à une personne, renvoie à wedfel. Cet énoncé est comparable au français il tombe beaucoup de neige, énoncé attesté. Yekkat wedfel.
laê et wedfel,
en cooccurrence avec l’indice y, indicateur de thème pour le premier et complément explicatif pour le second, sont des explicitations lexicales dudit indice. Ceci d’une part ; de l’autre, cependant qu’en français le nominal antéposé au prédicat est sujet, en kabyle dans l’énoncé ordinaire l’expansion référentielle (“sujet” lexical, cf. note 6) est postposée au prédicat, l’indicateur de thème étant une mise en relief.
b) Les autres énoncés : En kabyle, l’énoncé non-verbal est essentiellement un énoncé à présentatif, accessoirement un énoncé “prépositionnel” ou à “mot-phrase”. Servant souvent à la mise en relief, il est traduisible plus ou moins difficilement, quelques fois au prix de transformations, comme en témoignent ces exemples : — Les énoncés à présentatif peuvent fonctionner avec le prédicateur spécifique d suivi d’un nominal, de façon analogue avec le prédicat d’existence français à la différence que, tant la copule c’est que le syntagme il est qui restent encore analysables respectivement en pronom et auxiliaire, la copule d est inanalysable quand bien même elle s’apparenterait formellement à la préposition d. Ils peuvent fonctionner aussi avec les démonstratifs, mais dans ce cas, contrairement à l’énoncé avec d, dans lequel le nominal est prédicat, le syntagme démonstratif quasi-figé (atan) est à la fois prédicat et sujet tandis que le nom qui suit est expansion référentielle (v. plus haut). d [c’est] est l’actualisateur par excellence pour verbaliser les phénomènes météorologiques, équivalent dans ce cas du il (fait) unipersonnel français : d azγal az al « il fait chaud », d asemmiÑ « il fait froid », d adfel « il neige », d aÑu « il vente », etc. Dans les exemples suivants, hésitant sur le sens du syntagme prédicatif d + nom — élément de la nature ou fait ordinaire — du fait que la chaîne ne permet pas de distinguer ma d lehwa « s’il pleut » et ma d lehwa « quant à la pluie », nous optons pour cette dernière avec, tenant compte de toute de la strophe, introduction de l’idée de crainte. Ma d aluÑ ad degdeg-s-nerkeÑ
[si c’est la boue nous la foulerons]
Dussions-nous patauger dans la boue.
(ch. 121, v. 33) Ma d lehwa Ur nelli ara d lkaÄeÑ
[si c’est la pluie nous ne sommes pas c’est du papier]
papier. (ch. 121, v. 34 et 35)
Quant à craindre la pluie Nous ne sommes pas faits de
Atan lexyal
[voilà une ombre] Voilà qu’une ombre …
(ch. 121, v. 44) — Les énoncés à auxiliaire de prédication non-spécifique (préposition)
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Wa s tcelàit Wa s temêabit
[celui-ci (c’est) avec le chleuh]
Qui en chleuh,
[celui-ci (c’est) avec le mozabite]
Qui en mozabite,
Wa s tcawit [celui-ci (c’est) avec le chaoui] Qui en chaoui, d--tekker tmaziÄtI wakken a d tmaziÄt-nneγ nne [pour que se lève notre tamazight] Pour la renaissance de notre Tamazight.
(ch. 119, v. 30 à 33) Tawant deg wul i tella
[la satiété (c’est) dans le cœur qu’elle est]
La satiété est dans nos cœurs
(ch. 121, v. 19) Lembat γur urur-wen
[lembat (c’est) chez vous]
Nous serons vos hôtes.
(ch. 121, v. 3) S aqerruaqerru-s i dd-nteddu
[(c’est) vers sa tête que nous marchons]
Qui est notre cible.
(ch. 121, v. 56) — Les “ mot-phrase ” Ulac laê Ulac abrid iweεren iwe ren
[il n’y a pas la faim]
Il n’y a point de faim
(ch. 121, v. 18) [il n’y a pas le chemin étant difficile] Il n’y a point de chemin difficile (ch. 123, v. 40)
— Les énoncés divers γ eF
lğallğal-is IÑ d wass i dd-nleààu
A cause de lui, Nuit et jour nous marchons [(c’est) à cause de lui, (c’est) nuit et jour que nous marchons]
A nnegrnnegr-is
Et malheur à lui ! [Ah ! son anéantissement]
(ch. 123, v. 53 à 55) La traduction de ces énoncés, pris isolément, ne pose pas de problème majeur ; en revanche, parce qu’ils servent le plus souvent à la mise en relief, c’est la relation résultant de cette transformation qui est problématique dans la mesure où en langue française l’énoncé semble lourd quand la mise en relief est rapportée telle quelle. C’est notamment le cas de la traduction de l’énoncé des vers 53, 54 et 56 (p. 22), où il n’a pas été tenu compte de la mise en relief quand, c’est le cas du vers 56, le problème déborde le cadre de la syntaxe. c) Le cas particulier de l’apostrophe La traduction de l’apostrophe, au sens de l’interpellation, pose un problème à deux niveaux : celui de la particule “ interpellative ” elle-même et celui de l’interpellation entière quand cette particule est suivie d’un pronom démonstratif, tournure fréquente dans l’œuvre à l’étude. — La particule interpellative : L’usage massif de cette particule, a (ay, lorsque l’unité qui suit commence par une voyelle) à des fins diverses, apostrophe, invocation, etc., engendre un léger malaise dans la traduction du fait du caractère exceptionnel de l’équivalent “ solennel ” (interjection ô, d’origine latine) en langue française, qui se contente le plus souvent du nom ou du pronom autonome (toi, vous) qu’accompagne l’exclamation matérialisée à l’écrit par la ponctuation correspondante. Ainsi que le montrent les exemples pris dans le corpus, la particule ô de la traduction est souvent inutile, a fortiori quand, cas fréquent, l’unité qui suit est un pronom
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(démonstratif, indéfini). Ay atma ! peut être rendu par Frères !, A tamγart tam art ! par Vieille !, comme on dit Vous ! — L’interpellé : peut être un nominal ou un pronom démonstratif (wi “ quiconque ”, win “ celui ”/“ celui-là ”/ “ celui qui ”, wid “ ceux ”/…) ou indéfini (kra “ un certain ”/ “ certains ”) suivis d’une expansion non-primaire (nominale ou prédicatoïde), le plus souvent un participe, le tout fonctionnant comme une proposition subordonnée, comme on peut le voir dans : A wid yekkren s wulac UlacUlac-nwen d aêayan “ Ô vous qui êtes partis de rien, votre rien est lourd. ” [Ô
ceux s’étant levés avec rien Votre rien est lourd] (ch. 117, v. 17 et 18).
L’auteur, qui ne fait que puiser dans les possibilités qu’offre sa langue, s’adresse à un interlocuteur en utilisant la troisième personne et cette tournure pose un problème de traduction vers la langue française, dans laquelle on utilise la deuxième personne en pareil cas, ce qui justifie l’emploi des pronoms toi et vous dans la traduction, pour ne s’en tenir qu’à ce niveau de difficulté, comme dans : Ay at iεebbaÑ i ebbaÑ yexwan “ Vous qui avez le ventre creux … ” [ô ceux aux ventres creux]
(ch. 125, v. 45) Parfois tout le syntagme démonstratif-participe, construction qui pallie la rareté du NAV en kabyle, est rendue par un substantif, comme en atteste l’exemple A wigi ii-yteddun “ Ô marcheurs ! ” [ô ceux-ci allant/marchant] (ch. 121, v. 8). La traduction posant nettement moins de problèmes quand l’interpellé est un nominal, comme dans : A zzehrzzehr-iw i didi-yedεan yed an
Ô sort de malheur !
ô ma chance ayant jeté sur moi un sort]
(ch. 122, v. 105) Ay aàeccad wer nessiÂ Ô oléastre sans pudeur ” [ô oléastre n’étant pas couvert]
(ch. 125, v. 52) il arrive qu’elle fasse appel à des palliatifs moins systématiques, comme en témoignent les exemples : (Ay Ay atma) a wi dawendawen-imlan imlan
Ô frères ! Si on pouvait vous narrer [ô frères, ô quiconque vous ayant dit]
(ch. 120, v. 5) A wi dd-igren nnehta
Puissions-nous pousser un soupir
[ô quiconque poussant un soupir]
(ch. 115, v. 105) — Un seul cas de figement de l’apostrophe : dont l’exemple illustratif (ch. 125, v. 70) eût été facile à traduire si l’interpellé était l’élément sémantique central : Ay ass mi terεed ter ed ur twit … Et que nous résonnons dans le vide
[Ô jour où il tonna, où il ne plut]
Faisant office de conclusion d’une strophe immédiatement après l’ “ emportement qui devance la sagesse ” (Leεqel Le qel yezwaryezwar-as zzεaf zz af), cette apostrophe, qui ressemble au titre d’une comédie de Shakespeare, “ Beaucoup de bruit pour rien ”, passé en proverbe, traduit un vif sentiment de dépit, à la manière de Corneille : “ Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie ” L’énoncé A nnegrnnegr-is “ Malheur à lui ! ” [Ô son extermination] ch. 121, v. 55) dont il a déjà été question plus haut, s’y apparente comme s’y apparente :
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Nettnadi a wi dasdas-yufan a Ixf--is and iIxf i-yessawaÑ
Nous cherchons vainement à en trouver [nous cherchons ô qui lui trouverait] Les tenants et les aboutissants
[Son extrémité (bout) où elle (il) mène]
(ch. 125, v. 41 et 42) même si dans ceux-ci le dépit n’est que sous-entendu, l’apostrophe étant optative. Voici, enfin, l’inventaire systématique des autres énoncés à apostrophe et leur traduction : Γurwat urwat a wid nn-wasswass-a [Faites attention ô ceux d’aujourd’hui] Prenez garde, ô génération d’aujourd’hui
(ch. 114, v. 123) A wid izzuzufen izzuzufen làif
[ô ceux dissipant la misère]
Ô vous qui dissipez la misère !
(ch. 115, v. 87) A wid ifaqen
[ô ceux s’étant aperçus]
Ô vous qui êtes éveillés !
(ch. 116, v. 109) A wid iwezznen awal
[ô ceux mesurant la parole]
Gens au verbe pesé
(ch. 117, v. 2) A wid icerwen tidi
[ô ceux épongeant la sueur]
Vous qui peinez au labeur
(ch. 117, v. 26) A widak yenéeÑ werkas
[ô ceux à qui colle le mocassin] Ô vous qui avez du mal à vous défaire de vos lanières
(ch. 122, v. 50) A wid itettun
[ô ceux oubliant]
Ô vous qui êtes atteints d’amnésie
(ch123, v. 50) A kra ii-yeεzizen ye zizen γef Rebbi
[ô quiconque étant aimé de Dieu]
Ô vous qui êtes aimés de Dieu
(ch. 115, v. 65) A kra zeddigen ur yumis
[ô quiconque étant propre n’est pas sale] Ô honnêtes gens !
(ch. 115, v. 76) d) Le cas de la diathèse : expansion directe ou indirecte Chez les Kabyles, quand ils s’expriment en français, il n’est pas rare d’entendre Il lui appelle. en lieu et place de Il l’appelle. Sachant que Il lui appelle exige une autre expansion (objet), un taxi par exemple (Il lui appela un taxi), cette « faute » est due à l’interférence du modèle kabyle dans l’expression française. En effet, en kabyle, on dit yessawelyessawel-as [= y ssawel as = il appela à lui] et yessawel non pas *yes yessawelsawel-it [il appela lui]. Il est, au demeurant, important de noter que direct ou indirect (respectivement la fonction objet et la fonction dative) l’opposition est purement syntaxique, nous attirions l’attention en 199423 sur le fait qu’elle n’avait rien de sémantique. La preuve en est déjà donné par la langue kabyle elle-même qui donne comme équivalent de Elle lui plaît. teεjeb te jebjeb-it [elle plaît lui] et teεjeb te jebjeb-as. as [elle plaît à lui]. L’exemple suivant — pris dans l’œuvre de Aït Menguellet — est à ce titre édifiant (ch. 115, v. 46 et 49) : Nettaggwad anan-nezger asif [nous craignons nous traverserions la rivière] Nous craignons de traverser la rivière. 23
A. Rabhi, Description d’un parler kabyle (Ayt Mhend d’Aokas, Béjaïa) : morphosyntaxe, mémoire de DEA, Inalco, 1994.
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Nàemmel anan-nezger i wasif [nous aimons nous traverserions à la rivière] Nous aimons la traverser.
Même en français on rencontre des verbes à valence complexe tel que hériter : Elle a hérité de ses parents une maison à la campagne. Elle a hérité des yeux bleus de sa mère. Un fait analogue nous renseigne sur les possibilités qu’offre une langue — et l’on sait qu’elles sont nombreuses dans une langue comme le français — en matière syntaxique mais aussi sur les limites de ces structures : en effet, on ne saurait expliquer que l’on puisse dire tout à fait On fait signe à untel./On lui fait signe. et qu’on ne le puisse pas dans le cas de On fait appel à untel./*On lui fait appel. et qu’il faille faire occuper au substitut la position exacte du lexème qu’il remplace et, ainsi, dire : On fait appel à lui. B. Syntaxe propositionnelle Par-delà les universaux syntaxiques, ainsi que certaines ressemblances relevant de la typologie, entre les deux langues, le berbère et le français, appartenant pourtant à deux familles génétiques différentes (tandis que le français est une langue indo-européenne le berbère est une langue chamito-sémitique), il demeure certaines difficultés dans le passage de l’une à l’autre, au plan syntaxique notamment, du fait de la faiblesse du tissu conjonctif en berbère et du caractère facultatif de celui-ci, quand bien même il peut être disponible. En effet, là où le français a besoin d’exprimer la coordination et la subordination (complétives, circonstancielles, relatives) par des éléments formels, le berbère peut se contenter d’éléments suprasegmentaux, qui ne sont pris en charge ni par le chant ni par l’écriture. Ainsi, dans l’exemple suivant, pour des raisons d’ordre métrique, au lieu d’une relative nous avons à faire à une juxtaposition : A wi dd-igren nnehta A dd-tesker wid yemmuten
[ô quiconque poussant un soupir
Puissions-nous pousser un soupir
[il lèverait ceux étant morts]
Qui réveillerait les morts
(ch. 115, v. 105 et 106) en dépit de la possibilité de la tournure avec la relative : A wi dd-igren nnehta Ara dd-isekren wid yemmuten [ô quiconque poussant un soupir, Qui (+ non-réel) levant ceux étant morts]
qui, cependant, engendre un vers de neuf syllabes au lieu de sept, mètre qui caractérise les cinq derniers vers de chaque strophe de cette chanson. Notons, au demeurant, l’acceptabilité de cette juxtaposition. Dans : Nettnadi a wi dasdas-yufan a Ixf--is and iIxf i-yessawaÑ
[nous cherchons ô qui lui trouverait] Nous cherchons vainement à en trouver [son bout où il-mène]
Les tenants et les aboutissants
(ch. 125, v. 41 et 42) en plus du rejet — discordance entre le mètre et l’organisation linguistique — de ixf-is dans cette configuration, résultat possible, pour les besoins de la rime, de : Nettnadi a wi dasAnd nda idas-yufan A i-yessawaÑ yixfyixf-is [Nous cherchons ô qui lui trouverait Où mène son bout],
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tournure moins difficile à traduire.
Dans le passages suivants : Urgaγ Urga abrid iÑulen Ad ii-yerr ansi dd-kkiγ kki
[je rêvai le chemin étant long]
Je rêvai d’un long chemin
[-non-réel- il me ramène d’où je vins]
Qui me renvoyait à l’aube de ma vie.
(ch. 114, v. 9 et 10) MmuggreγMmuggre -d yiwen n ccna Ttuγ--t yeffe yeffeγ aqerruy aqerruy--iw Ttu
[je rencontrai quelque chant]
Je rencontrai un chant
[je l’oubliai – il sortit (de) ma tête]
Qui m’était sorti de la tête. ”
(ch. 114, v. 33 et 34) en plus de la juxtaposition, qui supplante la relative, le second vers est constitué de deux propositions juxtaposées et sémantiquement proches à la limite de la redondance, ce qui nous a conduit à ne garder la deuxième dans la traduction. A côté de ces exemples, à l’instar de : Ma êriγ êri ttejra terka Tettban--iyi iyi--d d axalaf Tettban
[si je vis un arbre – il pourrit]
Où le plus pourri des arbres
[il m’apparaît c’est un rejeton]
M’apparaissait comme une repousse
(ch. 114, v. 87 et 88) dont la traduction française s’éloigne de la structure linguistique berbère, on trouve la juxtaposition ordinaire, dont la traduction est réalisée avec le coordonnant et, comme dans : èéfeγ èéfe abrid nn-luÑa Muggreγ--d lewrud kul leånaf Muggre
[Je pris le chemin de la plaine]
Je pris alors le chemin de la plaine
[je rencontrai des roses de toutes sortes]
Et fis la rencontre de roses de
[toutes sortes. (ch. 114, v. 81 et 82) Notons que bien qu’il soit attendu un attribut de la traduction de la construction d (prédicateur) + nominal, ce syntagme, dont il a été question plus haut, ne reçoit pas la même traduction que lorsqu’il constitue une proposition indépendante : Asmi tttt-tàuzam d ayla
[quand vous l’atteignîtes c’est la propriété]
Lorsque vous avez tout accaparé
(Lorsque vous l’avez faite vôtre…) (ch.
120, v. 31)
et que les verbes opérateurs, au lieu d’introduire, comme en français, l’infinitif pouvant commuter avec un substantif en fonction d’objet ou une relative, introduisent, faute d’un infinitif, le syntagme prédicatif avec verbe à l’inaccompli (aspect) incertain (mode) : Ma ilaq a tt-idid-nqelleb recherche
[s’il faut –non-réel– nous le cherchons, –non-réel–]
A ss-nernu afud i yisemyisem-is
[nous lui ajoutons la force à son nom]
Si nous devons partir à sa Pour consolider son aura
(Si nous devons le chercher et consolider sa renommée) (ch. 115, v. 7 et 8) TebγiÑ Teb iÑ ad teééfeÑ lxiÑ k--nefru takurt Ak
[tu veux –non-réel– tu tiens le fil] [–non-réel– nous te démêlons la pelote]
Pour toi, qui rêve de tenir les rênes, Nous démêlerons l’écheveau
(Tu veux tenir le fil et que nous te démêlions la pelote) (ch.
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115, v. 16 et 17)
Dans : Taàzamt d weltmaweltma-k keččini Ma d ke ini d abeckiÑ
[la ceinture c’est ta sœur] [si c’est toit c’est le fusil]
La ceinture appartient à ta sœur Tandis que t’appartient le fusil.
(La ceinture, c’est pour ta sœur, le fusil, c’est pour toi) (ch.
118, v. 31 et 32)
on relève une fausse comparaison et une fausse subordonnée hypothétique, fausse métaphore.
2.2.2. Le lexique A. L’emprunt Le kabyle est truffé d’emprunts arabes et une étude statistique a montré que contrairement au touareg et au chleuh, qui comptent dans leur lexique respectivement 5 % et 25 % d’emprunts arabes, le kabyle en comptent près de 40 %. Dans l’œuvre poétique de Aït Menguellet, notamment dans les 1063 vers que comptent les deux albums ici étudiées (corpus, il est vrai, non représentatif car ne constituant que le dixième de l’œuvre et étant composé à la même époque, 1990, 1992), le taux d’emprunt varie entre 20 et 30 %. L’étude détaillée de l’emprunt dans l’œuvre de notre poète sera poursuivie plus tard et présentement posons-nous la question de savoir si l’utilisation d’un emprunt ou d’un lexème autochtone influe sur la traduction. A première vue, on est tenté de répondre par la négative dans la mesure où, comme on l’a vu plus haut, lembat « fait de passer la nuit », emprunt arabe qui s’est substitué au kabyle tansawt ou timensiwt, pose le même problème qu’eût pu poser le nom autochtone. Dans ce cas précis, par-delà tout égard à l’emprunt, c’est le sens qui est traduit et allant plus loin que C’est chez vous que nous passerons la nuit., Lembat γur urur-wen [passer la nuit, (c’est) chez-vous], la traduction vers le français, langue qui, entre autres, ne dispose pas d’un verbe, donc pas de NAV, pour ens, donne Nous serons vos hôtes. ou Nous serons des vôtres., effaçant toute trace, morphologique ou syntaxique, de la langue-source. Ailleurs, comme par exemple leεmer umru « âge », dans Leεmer le mer, de l’arabe (al)(al)-εumr Le mermer-iw yecba aγanim a anim [mon âge ressemble à un roseau] (ch. 114, v. 46 et 54) a été traduit par âme, comme il l’a été par vie dans leεmer le mermer-iw degdeg-m yella [mon âge est en toi] (ch. 114, v. 153), car tout en conservant le sens qu’il a dans la langue d’origine, comme dans Di leεmer ecrin [en âge ils approchaient la le mer qerben εecrin vingtaine] (ch. 114, v. 183), cet emprunt est polysémique en kabyle. Mais, tγabeÑ abeÑ dans Seg Seg-wasmi tγabeÑ t abeÑ ar assass-a [du jour où tu es absent jusqu’à ce jour], emprunt arabe et seul signifiant possible pour « tu t’es absenté », a été traduit par tu n’es plus (parmi nous) du fait qu’il constitue aussi un euphémisme de la mort. Ces emprunts posent encore moins de problèmes que : mεawan awan « s’entraider » dans A tt-nemεawan nem awan ad yebded [nous nous l’aiderions, qu’il se mette debout] (ch. 115, v. 9), qui n’a pas été traduit, et ssuq « marché » dans Nekwni anan-nelàu di ssuqssuq-is [nous, nous marcherions dans son marché] (ch. 115, v. 10), traduit approximativement par démarche.
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B. Archaïsmes Les archaïsmes peuvent être morphologiques, syntaxiques ou lexicaux mais ce sont surtout les archaïsmes syntaxiques posent problème pour la traduction. Si la marque i du prétérit négatif en finale ou en pré-finale, qui persiste dans certains verbes, dont le poète profite parfois du caractère facultatif pour l’omettre pour les besoins du mètre et/ou de la rime, n’a pas sa place dans la discussion des problèmes de traduction, en revanche un tour syntaxique archaïque tel que ur cbiγ cbi anbac tistent [je ne ressemble aiguillonnement alêne] (chanson Diri Diri--yi “ Suis-je maudit ”, album i In -asen “ Dis-leur ! ” : exemple déjà cité dans le projet de thèse) est théoriquement intraduisible et qu’au-delà du lexique, de l’inversion et de la métaphore, le sens approximatif de cet énoncé est : “ Je ne suis pas un provocateur. ”. C. Néologismes Les néologismes, quand il y en a, ne posent pas de problèmes du fait que leur emploi pallie une déficience lexicale du kabyle pour la dénomination de réalités abstraites ou de la vie moderne — occidentale dans la plupart des cas — dont l’équivalent existe toujours en français. Aït Menguellet n’en usant pas beaucoup, citons seulement quelques exemples pour illustrer l’aisance éprouvée à les rendre en français : tayri (NAV de chleuh iri « aimer »/« vouloir », doublet de l’emprunt arabe alal-àubbu) « amour » (ch. 99, v. 17, 33, 77), idles « culture » (dérivé sémantique, de idles/adles « diss » (botanique : Ampelodesmos Tenax) (115, v. 111 et 117), agdud « peuple » (dérivé sémantique, de agdud « foule bruyante ») (ch. 119, v. 25), askuti « boy-scout » (ch. 84, Yacine 1990 : 254). 2.2.3. Figures A. Clichés et stéréotypes Ruth Amossy (2001), pour qui « le cliché est avant tout une figure usée qui produit l’effet de banalité propre aux expressions toutes faites », soutient que « […] dans la langue-cible existe un équivalent du sens figuré attribué au vocable ou à la locution d’origine. » C’est ainsi qu’une expression comme Nettawel mebla isγaren is aren [nous bouillons sans bois] (ch. 115, v. 73), figure de colère, peut être traduite par Nous perdons notre sang-froid ; que Yiwen uεekk u ekkwaz i γ--yewten [(c’est) un (même) bâton qui nous a frappés] (ch. 78, v. 46, Yacine 1990 : 97) trouve comme équivalent Nous logeons à la même enseigne. ; que gren afus [ils mirent la main] (ch. 114, v. 116), en dépit du caractère polysémique de ger « mettre » / « introduire »/ « mêler »/ « amener », etc., aura comme équivalent Ils s’y sont mis. ou Ils mirent la main à la pâte. B. Tropes Un exemple pris dans une chanson parmi celles déjà traduites par Yacine (1990 : 133) : IgenniIgenni-m terkebterkeb-it tawla fhimeγ ara Ur tt--fhime
[ton ciel elle le monta la fièvre]
M i dd-irra amendil yeàmeq
[quand il rendit son foulard-il est foncé]
[je ne le compris pas]
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Ton ciel habité de fièvre Reste pour moi obscur Quand il déploie son voile chatoyant
traduction que nous contestons partiellement, pose problème au plan lexical, car : – à ciel on préfère volontiers firmament, cieux étant un pluriel qui compliquerait la conjugaison dans l’ensemble de la strophe, – à habité, verbe imperfectif, on préfère pris, verbe perfectif, qui rend mieux l’action brève de rkeb “ monter ”, – à obscur, qui peut être une source d’ambiguïté entre l’état réel du ciel (sombre) et le fait simple que le locuteur ne comprenne pas celui-ci, on préfère confus, – si voile est préférable à foulard, parce que plus abstrait, il y a, en revanche, antinomie entre chatoyant et ce qui précède : fièvre/confusion et ce qui suit : absence de lumière/soleil, la suite de la strophe étant : Ur dd-ifki tafat neγ ne lehwa Ur iban ara
[il ne donna pas lumière ou pluie]
Il retient la lumière et la pluie
[il n’apparut pas]
Et tout couvert
Ur yeÜÜi iéij a dd-yecreq
[il ne laissa pas le soleil se lever]
Empêche le soleil de percer
« ciel « est ici une puissante métaphore du visage couvert du voile de l’indécision de l’aimée à l’origine des souffrances du mal-aimé, car dans la réalité concrète ce sont les nuages qui empêchent le soleil de percer et non le ciel. Cette métaphore de udem « visage », que représente igenni « ciel » est étendue à ces corollaires tazmamagt « sourire », imeééi « larme »/« pleur » et lferà « bonheur » que représentent respectivement tafat « lumièreé, lehwa « pluie » et iéij dd-icerqen « le soleil levant ». igenni
2.2.4. Culture et “ visions du monde ” La traduction, en dépit de la possibilité qu’auraient les deux langues en présence à posséder une correspondance quasi-parfaite de leurs structures respectives, peut se heurter au problème que peu(ven)t poser la (les) différence(s) des cultures qu’elles véhiculent, et “ les mots ne peuvent pas être compris correctement, séparés des phénomènes culturels localisés dont ils sont les symboles. ” Il en va ainsi dans le petit exemple suivant : Di lmux nn-wuccen I-yettili ddwa
Du sacrifice du plus éveillé
[(c’est) dans la cervelle du chacal]
Viendra le remède
[que réside le remède]
(ch. 116, v. 35 et 36) traduction approximative, dans ces deux vers, probablement un vieux proverbe mêlé de sorcellerie, c’est le syntagme lmux nn-wuccen [lmuxBuŠn] “ cervelle de chacal ” qui fait difficulté : tandis qu’en kabyle le chacal symbolise la ruse, celle-ci est attribuée plutôt au renard dans la symbolique française. La culture kabyle irait — sous réserve de vérification — au-delà de la ruse du chacal pour attribuer à sa cervelle des vertus qui permettraient à qui les consommerait d’accéder à l’intelligence.
___ 85
Nous avons essayé de traduire la première strophe du poème Afennan “ L’artiste ”, que nous présentons ci-dessous : D acu i dd-yeggwran di tcacit D aqerru yeğğa yeğğa wallaγ walla D acu i γ--d-teğğa tfenéazit lexyal--is ad yesD lexyal yes-s nennaγ nenna u
[c’est quoi que ayant laissé la calotte]
Que reste-t-il sous la coiffe
[c’est la tête que elle a quittée la cervelle]
Sinon cette tête vide ?
[c’est quoi que nous a laissé la fantaisie]
Que nous a légué l’honneur
[c’est son ombre à l’aide d’elle nous nous battrions] Sinon sa belliqueuse ombre ?
D ac i γ-d d-teğğa tnaålit isem--is, deg yimi nettawiD isem nettawi-t
[c’est son nom, dans la bouche nous le portons] Dont nous fredonnons le nom
UdemUdem-is a medden iεreq i reqreq-aγ
[son visage, ô gens, il nous a échappé]
[c’est quoi que nous laissé l’authenticité]
Que nous a légué la race, Mais oublié le visage ?
(ch. 111, v. 1 à 7) Voyons comment T. Yacine (1990 : 321) a traduit cette strophe et voyons comment est réalisée la traduction culturelle : D acu i dd-yeggwran di tcacit D aqerru yeğğa wallaγ walla u
te
Que reste-t-il sous la coiffe ? Une tête que la cervelle a désertée
D ac i γ--d- ğğa tfenéazit lexyal--is ad yesD lexyal yes-s nennaγ nenna
Que nous a laissé le goût du panache ?
D acu i γ-d d-teğğa tnaålit isem--is, deg yimi nettawiD isem nettawi-t
Que nous a laissé la quête de notre origine ? Un verbe sur nos lèvres
UdemUdem-is a medden iεreq i reqreq-aγ
Mais nous en avons perdu les traits24
L’arme de son fantôme
Yacine (1990 : 129) traduit Γef ef yisemyisem-im aεziz a ziz yuzzel leqlam (ch. 17, v. 1) par Sur ton nom aimé ma plume court. Il est vrai que la préposition γef ef a la valeur spatiale “ sur ”, mais elle a aussi la valeur ‘‘causale’’ “ en ”, et en l’occurrence la plume peut très bien courir en l’honneur du nom de la bien-aimée et ne le faire sur le nom — car cela suppose qu’il est déjà écrit — que pour le raturer, osons l’expression. Les vers 1 et 29 confirment nos dires : la plume ne saurait courir sur la bienaimée (v. 1 : [ô celle sur qui la plume courut) ni le couteau lacérer le foie sur la bien-aimée (v. 29 : [sur ton nom le foie, il la coupa, le couteau].
III. — EXAMEN DE LA TRADUCTION DE TASSADIT YACINE Nous rappelons que Tassadit Yacine, auteur de Aït menguellet chante…, a transcrit, traduit, annoté et présenté les chansons de Aït Menguellet produites entre 1967 et 1988. Dans sa traduction parfois hésitante, souvent laborieuse, T. Yacine donne l’impression d’avoir rencontré beaucoup de problèmes ; problèmes qu’elle a essayé de résoudre à sa manière mais dont à aucun moment elle n’a tenté de discuter. Au plus fort de ses annotations, elle indique le sens ″littéral″ d’un mot ou d’un vers du texte kabyle lorsque la traduction s’en écarte. Les problèmes de traduction peuvent être de diverses natures : ils peuvent être des omissions, des suppressions qui peuvent être dues à des répétitions prises pour des redondances dans le texte 24
Litt. Visage, figure, face. (T. Yacine, p. 321, note 1)
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kabyle, des substitutions (de mots, de syntagmes ou de phrases), des adjonctions inutiles et diverses transformations, etc.
1. Les omissions Dans la traduction de Tassadit Yacine, bien qu’il s’agisse d’une traduction vers à vers, certains vers sont omis, à l’instar de : Win mi àkiγ àki a dd-yeàku kter D acu ss--nexdem i Rebbi]
Celui à qui je contais mes peines M’en contait plus encore
(ch. 19, v. 4 et 5) (T. Yacine, p. 120) où les deux vers de la traduction ne rendent qu’un seul vers du texte kabyle (le vers 4) tandis que le vers 5 est complètement omis ; une fois ce vers rétabli, on aurait à peu près ceci : Win mi àkiγ àki a dd-yeàku kter D acu ss--nexdem i Rebbi]
Celui à qui je raconte m’en raconte plus, Qu’avons-nous fait à Dieu ?
Dans le texte kabyle, le vers 4 contient un démonstratif, un relatif, deux verbes conjugués et un adverbe (de quantité) et T. Yacine a étoffé sa traduction en y ajoutant un substantif en fonction de COD (mes peines) et un adverbe (encore), s’obligeant ainsi à avoir une chaîne de seize syllabes qu’elle doit scinder en deux vers et placer les deux ajouts à la fin de chacun de ses vers ; la longueur de la traduction pourrait être la cause de l’omission du vers 5. Le phénomène est similaire dans le passage suivant, où la traduction du vers 10 est incomplète : Garar-aneγ ane akkw i tenten-xtaren [entre nous tous qu’ils les choisirent] semble avoir été traduit par d’entre nous alors qu’en fait ce syntagme appartient au vers précédent (On a laissé partir les plus sages d’entre nous), et de ce fait ce vers n’a pas du tout été traduit : Öelqen i wid iàedqen Gar--ane aneγ akkw i ten ten--xtaren Gar
D’entre nous,
Widak ur nesεi nes i sseyya
Ceux qui n’avaient point d’histoires
On a laissé partir les plus sages
(ch. 19, v. 9-11) (T. Yacine, p. 120) La traduction dans laquelle le vers omis a été rétabli est la suivante : Öelqen i wid iàedqen Gar--ane aneγ akkw i ten ten--xtaren Gar
Qu’ils trient parmi nous,
Widak ur nesεi nes i sseyya
Ceux qui n’ont pas de péchés.
Ils libèrent les plus dociles,
2. Les suppressions Dans la traduction des vers 18 et 19 du passage suivant, il y a une suppression : le traducteur, pour éviter une répétition dans le texte kabyle, problème qui lui a paru insoluble, a fait l’impasse sur lqid « entrave » du vers 18 et yufa imaniman-is « il s’est retrouvé » du vers 19 et le passage se retrouve amoindri sur le plan lexico-sémantique et déséquilibré sur le plan métrique (10, 5, 3 syllabes).
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YezgaYezga-d fellfell-i iÑul ubrid Am--win yettwarzen s lqid Am
J’étais comme sur une longue route
Yufa imaniman-is di ssnasel
Dans les chaînes
Ou comme entravé
(ch. 19, v. 17-19) (T. Yacine, p. 120) Les répétitions rétablies, on peut avoir la traduction suivante, dans laquelle la répétition est reconduite sans pour autant qu’elle soit perçue comme une redondance, du fait qu’elle instaure une sorte de gradation dans la difficulté devant le long chemin à parcourir : YezgaYezga-d fellfell-i iÑul ubrid Am--win yettwarzen s lqid Am a
Yuf imaniman-is di ssnasel
Mon chemin s’avérait long, J’étais comme ligoté, Et me retrouvais enchaîné ;
Dans les vers suivants, la traduction opère une suppression dans le second vers et, à un degré moindre, une adjonction dans le premier vers : èélam d win i d ååeàà d--ye yeγlli ara d d--tettmektiÑ Mi ara d
Mais la nuit ramène la vérité Et tes souvenirs
(ch. 75, v. 34 et 35) Dans le texte kabyle, le premier vers établit une relation d’identité entre l’obscurité et la vérité [l’obscurité c’est cela la vérité] et le second vers dit [quand elle tombe que tu te remémorerais], tandis que dans la traduction ont été ajoutés mais et ramène dans le premier vers et « la tombée » (de l’obscurité) a été omis et le verbe mmekti « se remémorer » a été transformé en substantif. En sus de ces problèmes d’ordre lexico-sémantique et stylistique, les deux vers sont en net déséquilibre sur le plan métrique (dix syllabes dans le premier, cinq dans le second). On peut essayer de dépasser ces problèmes et obtenir une traduction tout aussi proche de l’original, ainsi : èélam d win i d ååeàà d--ye yeγlli ara d d--tettmektiÑ Mi ara d
La vérité obscure tombera Et tu te remémoreras.
3. Les adjonctions Les adjonctions sont les unités que le traducteur a employées dans le texte de la traduction et qui n’ont pas d’équivalent dans le texte original ; ils peuvent être de diverses catégories : des nominaux (noms et adjectifs), des verbes, des adverbes ou des fonctionnels. Dans la traduction du passage suivant, on constate dans le second à la fois une adjonction et une substitution : Γas as kkes ddnub si lğihalğiha-w Ruà ad tjerrbeÑ ddunit
De ma part je ne t’en voudrai pas Va éprouver le vaste monde
(ch. 75, v. 11-12) Alors que l’on s’attend à Va éprouver la vie, on a droit à Va éprouver le vaste monde, le terme ajouté étant l’adjectif vaste et le terme substitué monde. Moyennant l’annulation de la substitution et de l’adjonction, mais aussi une intervention pour alléger le premier vers et quelques enjolivements, on peut proposer la traduction suivante :
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Γas as kkes ddnub si lğihalğiha-w Ruà ad tjerrbeÑ ddunit
Pour ma part je te pardonne, Va donc éprouver la vie.
Dans le vers suivant, on relève une adjonction, qui est en fait un problème beaucoup plus délicat qu’une simple adjonction : on y relève aussi une substitution : Ur ttxemmim ara acimi
[ne réfléchis par pourquoi]
Ne cherche pas à savoir pourquoi
(ch. 97, v. 37) (T. Yacine, p. 208) Dans l’impossibilité de traduire directement par Ne réfléchis pas pourquoi, traduction mot à mot qui n’a pas de sens en langue française, le traducteur a été obligé de pallier cette difficulté en substituant la proposition à deux verbes à ce qui eût été l’équivalent du verbe du texte kabyle. Autant il existe des passages difficiles à traduire — on parvient toujours à traduire, en dépit de l’impossibilité théorique dans le domaine de la poésie, au prix de sacrifices divers — autant certaines traductions semblent montrent que leurs auteurs n’ont pas fourni le moindre effort, même si dans certains cas la traduction est exagérément allongée par les adjonctions aussi maladroites que nuisibles : Bγiiγ ad xedmeγ xedme ccna cnuγ γef zzman yecbek Ad cnu
Je voulais composer un poème Pour chanter les temps empêtrés dans les filets
(ch. 113, v. 20 et 21) (T. Yacine, p. 325) Le premier vers aurait pu être traduit par J’avais voulu faire un chant, qui rend bien le sens du texte kabyle dans l’absolu. Mais on peut aisément comprendre que ccna « le chant » soit traduit par poème, pour deux raisons au moins : la première est que c’est le terme poème qui rend compte judicieusement de la visée de l’auteur (le poète) ; la seconde tient au risque que chant constitue une redondance avec le début du vers suivant (Ad cnuγ cnu [je chanterais]). Là où le bât blesse, c’est que dans le vers suivant « l’époque embrouillée » (ou « … empêtrée » reçoit le complément les filets qui en affaiblit la portée métaphorique.
4. Les substitutions Les substitutions concernent généralement les tropes, mais elles peuvent être des remplacements tout à fait banals. Dans le passage suivant, la traduction du premier vers (v. 17) montre que le traducteur imagine l’auteur en train de rêver alors que dans le texte kabyle il n’en est rien : J’étais comme sur une longue route pour « mon chemin se fit long ». Dans les vers YezgaYezga-d fellfell-i iÑul ubrid Am--win yettwarzen s lqid Am
J’étais comme sur une longue route
Yufa imaniman-is di ssnasel
Dans les chaînes
Ou comme entravé
(ch. 19, v. 17-19) (T. Yacine, p. 120)
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Dans le passage suivant, il s’agit d’un cas de substitution, le verbe trahir se substitue au verbe laisser ou abandonner dans le premier vers (v. 37) et au verbe vaincre (ou faire de même ?). Cette substitution obéit à une surinterprétation qui préfère trahir à laisser pour traduire eğğ « laisser ». Ussan i kemkem-iğğan tura alen almi diyiUγalen diyi-rnan
Les jours qui t’ont trahie Ont fini par me trahir aussi
(ch. 99, v. 37 et 38) (T. Yacine, p. 180)
Dans le passage suivant, la traduction du second vers substitue le jour de l’an, qui est un jour de fête à la nouvelle année, qui dure un an et qui doit être saisie dans sa globalité : UfiγUfi -d imaniman-iw d awàid d--iwweÑ useggwas ajdid Mi d
Je me suis trouvé tout seul Au jour de l’an
(ch. 19, v. 14 et 15) ceci en plus du fait que UfiγUfi -d imaniman-iw du premier vers a été traduit par Je me suis trouvé tout seul (comme si personne ne lui était venu en aide alors qu’il se cherchait) au lieu de Je me suis retrouvé seul, comme peut en témoigner la traduction suivante : UfiγUfi -d imaniman-iw d awàid d--iwweÑ useggwas ajdid Mi d
Je me suis retrouvé seul Quand arriva la nouvelle année,
On peut relever un cas de suppression dans la traduction du vers 35 de la chanson 99 : par-delà l’erreur qui s’est glissée dans la transcription du texte kabyle — T. Yacine a écrit TecfiÑ TecfiÑ asmi dd25 nemsawam, erreur peut-être à l’origine du problème —, nemsawa [nous nous égalions] a été traduit par nous nous sommes connus : TecfiÑ asmi dd-nemsawa
Te rappelles-tu quand nous nous sommes connus ?
(ch. 99, v. 35) (T. Yacine, p. 180) et l’expression qui conviendrait pour rendre cette égalité supposée entre l’amoureux et l’amour est être fait l’un pour l’autre et la traduction serait : TecfiÑ asmi dd-nemsawa
Te rappelles-tu quand nous étions faits l’un pour l’autre !
Dans le passage suivant, on constate que la traduction a opéré une substitution interprétative : dans le premier vers (v. 29), aylaayla-w [mon avoir] « mon bien »/ « ma propriété » a été traduit par 25
Sur ce point précis des erreurs de transcription, qui sont soit des erreurs d’inattention soit des transcriptions approximatives de passages inaudibles (transcriptions non authentifiées par le poète-chanteur), nous attirons l’attention sur le fait que la partie première partie (prélude : les première, deuxième et troisième strophes) de la chanson Aεeééar « Le forain » (ch. 72, v. 1-18) est entièrement inexploitable : dans certains vers il y a des adjonctions erronées (v. 4), certains vers ont été omis (v. 9 et 10), certains autres ont été inventés pour combler le déficit (les vers 13 et 14 de T. Yacine, p. 277), tandis que le vers 16 Nufa anga cuddent s lxiÑ [nous trouvâmes où elles étaient attachées avec un fil] est transcrit Lufan ka cuddent s lxiÑ (phrase inintelligible). Il s’ensuit que la traduction de cette partie du poème est erronée.
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fusil parce que plus loin dans le poème il est question d’un fusil (peut-être comme métaphore pour la dignité) que le narrateur ne vendrait pas pour un lingot d’or : Mi rriγ rri ad àadreγ àadre aylaayla-w Yeàåel lemdekk di lfuci
Quand j’ai voulu défendre mon fusil J’ai trouvé le mécanisme coincé
(ch. 72, v. 29 et 30) Pourtant le même syntagme ayla aylala-w, T. Yacine (p. 169, vers 13) le traduit ce que j’ai avec en note le sens littéral : « mes biens ».
On peut aussi relever, dans le passage suivant, un exemple de substitution mais dû, celui-là, à une traduction erronée du terme kabyle cfu « guérir », homonyme avec cfu « se souvenir », mais qui s’en distingue par une différence de valence : le premier (= « guérir ») admet exclusivement un COD et le second (= « se souvneir ») exclusivement un COI : Ur yezmir ara a kemkem-yecfu Seg--wul ul--im a dSeg d-ifekker
Mais ne pourra empêcher Ton coeur de se ressouvenir
(ch. 75, v. 27 et 28) (T. Yacine, p. 170) Le verbe est ici précédé du pronom régime direct kemkem- (2SF), il s’agit donc de cfu « guérir », d comme on peut le relever dans la chanson A d d--uγalen alen « Reviendront-ils ? » (ch. 139, v. 51) : Wa yennayenna-yas ad qqimeγ qqime tt--necfu Imi tehlek ard a tt
Celui-ci déclare rester Et guérir le pays malade ;
(ch. 139, v. 50 et 51) et non de cfu « se souvenir » tel qu’on peut le relever dans la chanson Tiregwa « Les canaux » (ch. 145.1, v. 6), où il est précédé du pronom régime indirect (3S) : SkeddSkedd-d anida ur làiγ lài Ass--a dayen εyi yiγ Ass yi
Il n’y a de lieu où je ne sois allé,
Mačči d yiwet ad asas-necfu
Et mes souvenirs sont vagues ;
Maintenant je suis las
(ch. 145.1, v. 4-6)) A cette substitution, il faut ajouter une transformation syntaxique opérée dans le second vers de la traduction : tandis que dans le texte kabyle zzehr « la chance » est le ″sujet lexical″ (en position d’indicateur de thème, v. 25) du verbe fekker « rappeler » (emprunt arabe, doublet de smekti), dans la traduction c’est le cœur qui est directement concerné par la ressouvenir ; et quand on sait l’ambiguïté de la phrase du vers 28 [à partir de ton cœur il (se) rappellerait], on devine la difficulté que doit affronter tout traducteur soucieux de rendre le sens de l’original. En conséquence, si on rétablit cette indue substitution et autres transformations, on obtient approximativement : Ur yezmir ara a kemkem-yecfu Seg--wul wul--im a dSeg d-ifekker
Elle ne saurait te guérir, De ton cœur elle appellerait.
Dans le même ordre d’idées, on relève un exemple de traduction erronée sur la base d’une transcription erronée du texte kabyle. Le passage, mal transcrit car probablement inaudible, il
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s’ensuit que le traducteur aura toutes les directeurs du monde à le traduire, et dans des cas similaires on aboutit souvent à des traductions biscornues : Cfiγ Cfi tili Ziγ wi ittrun meskin meεdur Zi me dur
Pourtant je me rappelle que Qui pleure est à plaindre pauvre de lui
(ch. 26, v. 25) Il s’agit dans cette chanson du verbe cbu « ressembler » et non de cfu « se rappeler » et tili « l’ombre » (un nom) et non un auxiliaire modal « ce serait »/« ç’aurait été » ; le connecteur pourtant n’a pas sa raison d’être, que comme un malheureux succédané qui, par anticipation, prétendrait traduire ziγ zi (connecteur intraduisible sinon par approximation : finalement, et d’opposition…) du vers suivant ; le vers suivant dans lequel le traducteur trouve le moyen de tout placer, notamment le quasi-pléonasme il est à plaindre et pauvre de lui ! Il suffit de rétablir le texte kabyle et la traduction devient aisée : Cbiγ Cbi tili Ziγ wi ittrun meskin meεdur Zi me dur
Je suis tel une ombre Si je pleure, je suis à plaindre !
Dans le vers précédant les deux vers ci-dessus, on constate une substitution flagrante : le terme lwelf « l’habitude » a été traduit par l’amour, et l’on sait que ce terme (lwelf, emprunt arabe, doublet de tannumi) ne peut pas être utilisé pour signifier « l’amour ». Lwelf isexrebisexreb-i lumur
(Que) l’amour avait perdu ma vie
Dans le vers suivant, une substitution a été opérée dans la traduction : izamaren « les agneaux » a été traduit par les moutons : Am tejlibt izamaren] (**)
Comme un troupeau de moutons
(ch. 97, v. 12) Bien que mouton soit le terme générique et qu’il soit dans une relation synecdochique avec agneau, les symboliques liées à l’un et à l’autre sont différentes. Autant le mouton est symbole de la soumission et du conformisme (cf. : Mieux vaut mourir en lion que de vivre en mouton.), autant l’agneau est symbole de la douceur et de l’innocence (cf. la métaphore de l’agneau dans la religion chrétienne), les deux notions ne se situant pas dans un même plan.
Dans le même ordre d’idées, la traduction du passage suivant pèche par excès de substitution. Traitant comme une image ce qui dans le texte kabyle doit être pris au pied de la lettre, elle substitue une image, erronée de surcroît, à un passage indemne de toute figure : Muqel kan wi dd-iruàen allen--iw ğğant ğğant--iyi Yak allen a
Ah a tamγart tam art qabelqabel-iten Kemm meqqar mazal iêri
[regarde seulement qui vi(e)nt]
Regarde donc qui vient
[n’est-ce pas mes yeux m’ont laissé]
Moi mes yeux n’y voient plus clair
[vas-y ô vieille accueille-les]
Accueille-les vieille femme
[toi au moins (pas) encore la vue]
Toi au moins tu y vois encore
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Fkiγ Fki iêriiêri-w d lweεda lwe da Iwakken ad walin wiyaÑ
[j’ai donné ma vue en offrande]
J’ai sacrifié ma vue
[pour qu’ils verraient les autres]
Pour que les autres y voient
Ar assass-agi aqlaql-aγ kan da La ntett aaγrum rum d asemmaÑ
[jusqu’à ce jour nous voici ici]
Et nous voici encore là
[nous mangeons le pain il est froid]
A manger
notre pain froid (ch. 109, v. 15-22)
On voit bien que toute cette strophe est traversée par l’idée de « la vue » au sens propre du terme, on peut même imaginer la scène de la vieille, qui a encore toute sa vue, lorsqu’elle se lève pour aller ouvrir la porte, alors que le vieux, lui, atteint de cécité, reste cloué. Cependant, la traduction, chaque fois qu’il est question de vue, ajoute le pronom y, ce pronom qui transporte le verbe voir vers un sens figuré ; et dans toutes les occurrences de ce verbe, celui-ci signifie alors, et à partir du second vers, la vue de l’esprit au lieu de celle des yeux ! y voir plus clair, tel qu’il est dit dans le second vers notamment, signifie « débrouiller la situation »/« éclaircir les choses ». En rétablissant le sens propre des propos contenus dans cette strophe, on peut aboutir la proposition de traduction suivante, moins éloignée de l’original que la précédente : Muqel kan wi dd-iruàen allen--iw ğğant ğğant--iyi Yak allen a
Ah a tamγart tam art qabelqabel-iten Kemm meqqar mazal iêri Fkiγ Fki iêriiêri-w d lweεda lwe da Iwakken ad walin wiyaÑ i
Ar assass-ag aqlaql-aγ kan da La ntett aaγrum rum d asemmaÑ
Regarde donc qui vient, Mes yeux m’ont abandonné : Accueille-les vieille femme, Toi au moins tu as encore la vue ; J’ai donné ma vue en offrande Pour que les autres voient, Et nous voici encore là A manger froid notre pain.
Si on peut considérer que la traduction du dernier vers n’est pas un coup de force, on peut alors considérer que la traduction de cette strophe est un exemple de traduction qui ne comporte pas de gros problèmes et qui peut donc faire le bonheur de tout traducteur : c’est dire qu’être fidèle pour une traduction, ce n’est pas forcément être moins belle que les plus infidèles.
Signalons enfin, en matière de substitution, l’exemple de traduction que nous considérons comme étant réussie, celui où le traducteur a pu rectifier une contradiction dans le texte kabyle : GarGar-asen leεεben le ben tiddas nuγal Nekwni nu al d ilqafen
[entre eux ils jouent aux dames]
Entre eux ils jouent aux échecs
[nous, nous devînmes des osselets]
Dont nous sommes les pions
(ch. 97, v. 31 et 32) Le texte kabyle semble peu faire cas de la différence entre tiddas, qui est une sorte de jeu de dames et ilqafen, qui est un jeu de caillou semblable au jeu d’osselets ; ceci fait que si eux (nos gouvernants), ils jouent aux dames et nous sommes des osselets, c’est que nous sommes dans des mains autres que celles de ces gouvernants. Le texte de la traduction met en cohérence les phrases des deux vers en substituant les jeux d’échecs et les pions (qui sont les pièces de ces jeux) aux jeux évoqués dans le texte kabyle.
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5. Les inversions Il ne s’agit pas ici de licence poétique mais d’inversion de vers dans la traduction par rapport au texte kabyle. C’est le cas, par exemple, dans le passage suivant : Γur ur yimanyiman-iw Lemtel--is ur d d--ittili Lemtel
[chez moi-même]
Elle n’a point d’égale
[son égal il ne serait]
Pour moi
(ch. 26, v. 5 et 6) (T. Yacine, p. 172) Cette inversion n’a d’autre fonction que celle de dérouter le lecteur soucieux de comprendre le texte kabyle à partir de la traduction car le texte kabyle, en plus de contenir une tournure stylistique (Γur ur yimanuryiman-iw « chez moi-même » au lieu de Γur ur-i « chez moi »), a déjà opéré une inversion (mise en relief de Γur ur yimanyiman-iw). iw Il suffira donc d’inverser pour une traduction fidèle : Γur ur yimanyiman-iw Lemtel--is ur d d--ittili Lemtel
Pour moi Elle n’a point d’égale
On peut relever un autre cas d’inversion dans la traduction du premier (v. 4) et du second (v. 5) vers : Zgan qqaren I lukan ! Wigad yestufan
Les gens oisifs Répètent ″si″ à l’envi
(ch. 113, v. 4-6) (T. Yacine, p. 324)
Bien que sur le plan typographique les trois vers se terminent en escalier — et ç’aurait été bien ainsi — cette inversion, comme la précédente, risque de dérouter le lecteur qui se fie à l’ordre général de cette traduction vers à vers. Nous signalons le problème mais sommes aussi conscients de la difficulté pour le traducteur de rendre dans les mêmes termes et dans le même ordre deux vers dont l’un comprend le prédicat et l’autre le sujet : dans le texte kabyle, la règle veut que le sujet lexical (le complément explicatif) (v. 5) vienne après le syntagme verbal (v. 4) tandis qu’en français standard le sujet occupe la première position dans l’énoncé.
6. Les transformations Les transformations peuvent être des changements au niveau des déterminants du nom et du verbe (du singulier au pluriel et vice versa, du présent au passé, etc.), comme elles peuvent des changements de catégories (du verbe au substantif et vice versa, de l’adverbe au substantif ou à l’adjectif, etc.). Les différences entre les deux langues en présence sont si importantes que ces changements sont fréquents lors du passage de l’une à l’autre.
Dans la traduction du passage suivant, il a été opéré, dans le second vers (v. 26), un changement de nombre au nom neige et pas au nom temps alors que, d’une part, dans le texte kabyle adfel
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« neige » est au singulier (à l’état d’annexion) et ailleurs T. Yacine traduit toujours zzman « époque » par les temps (au pluriel) : Ula d later i γ--d-iqqimen umm--it wedfel n zzman Iγumm umm
Les traces qui en demeuraient Ont été couvertes par les neiges du temps
(ch. 99, v. 25 et 26) (T. Yacine, p. 179) S’agissant ici d’une métaphore de la neige du temps pour la canitie, métaphore dont la traduction a tenu compte, il est aisé de comprendre l’ ″l’innovation″ du traducteur (usage du singulier pour le temps et du pluriel pour la neige) mais on peut tout à fait avoir les deux substantifs au singulier, et ceci est d’autant plus vrai qu’on ne connaît pas de sens figuré particulier à neiges : Ula d later i γ--d-iqqimen umm--it wedfel n zzman Iγumm umm
Même les traces qui en restaient Les a recouvertes la neige du temps
(ch. 99, v. 25 et 26)
On peut avoir affaire à des transformations dans la traduction qui, contrairement à la précédente, font abstraction des figures, à l’image du passage suivant, où la traduction du second vers est une explicative : bien que T. Yacine ait attiré l’attention en note sur le sens littéral du syntagme ger yiberdan « à la croisée des chemins », elle l’a traduite par une proposition prédicatoïde comprenant un gérondif et un infinitif, et mal greffée sur la proposition principale. A tayri melmel-iyiiyi-d amek akka TeğğiÑ--iyi ger yiberdan TeğğiÑ
Dis-moi Tayri pourquoi Tu m’as laissé ne sachant où aller
(ch. 99, v. 33 et 34) (T. Yacine, p. 180) Nous pensons que la traduction aurait gagné à tenir compte de la figure, que ger yiberdan [entre les chemins], peut avec bonheur être traduit par le simple syntagme complément circonstanciel à la croisée des chemins. Ainsi, on aura : A tayri melmel-iyiiyi-d amek akka TeğğiÑ--iyi ger yiberdan TeğğiÑ
Amour, dis-moi pourquoi Tu m’as laissé à la croisée des chemins
Dans le passage suivant, la traduction a opéré une légère transformation : tandis que dans le texte kabyle amarezg « quel bonheur ! » est suivi d’un affixe personnel (2SM), cette détermination est absente dans la traduction ; c’est dire que le bonheur, qui est celui de l’interlocuteur, a été traité dans la traduction en bonheur général. I telhiÑ amarezgamarezg-ik
Tu es bon quel bonheur
(ch. 112, v. 7) (T. Yacine, p. 336)
7. Les variations
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Une variation est ici entendue comme la différence dans la traduction d’un poème à une autre, entre des vers d’un même poème. Dans le passage suivant, on peut relever une variation dans la traduction d’un vers répété quelques strophes plus loin (ch. 97, v. 4) : Γurwat urwat wi dd-ittneqlaben
Que personne ne se retourne
(T. Yacine, p. 207, v. 4) Γurwat urwat wi dd-ittneqlaben
Prenons garde de nous retourner
(T. Yacine, p. 209, v. 52, numérotation erronée) Sur la lancée, on peut ajouter une troisième variante : Γurwat urwat wi dd-ittneqlaben
Gare à celui qui se retourne !
On rétablissant les mots de la traduction du vers précédent (qui relève d’une substitution : Pour échapper à l’œil du berger pour [au cas où il nous verrait le berger]), on aura approximativement : Ammar a γ--d-iêer umeksa Γurwat urwat wi dd-ittneqlaben] (*)
De peur que le berger nous voie, Gare à celui qui se retourne !
Dans le même ordre est la variation opérée dans la traduction du vers 2 répété en 11, 50 et 55 du corpus de T. Yacine (les deux dernières strophes sont une répétition de la première et de la troisième strophes) : (T. Yacine, p. 207, v. 2)
AnAn-nelàut wa deffir wa
Allons en colonne
AnAn-nelàut wa deffir wa
En colonne
AnAn-nelàut wa deffir wa
Marchons en colonne
(T. Yacine, p. 207, v. 11 et p. 209, v. 55) (T. Yacine, p. 209, v. 50) (ch. 97, v. 2 = 11)
On constate dans cette traduction non seulement une variation d’un vers à l’autre mais aussi une suppression et une substitution : dans AnAn-nelàut wa deffir wa [nous marcherions celui-ci derrière celui-ci], AnAn-nelàut est tantôt supprimé (dans les vers 11 et 55), tantôt traduit pas allons (dans le vers 2), tantôt traduit par marchons (dans le vers 50), tandis que wa deffir wa est traduit par en colonne. Nous estimons qu’au lieu de ces opérations, le traducteur pouvait en toute quiétude proposer une seule, la plus fidèle possible (avec comme seules modifications des transformations morphosyntaxiques : l’impératif au lieu de l’aoriste, le pluriel au lieu du féminin) : AnAn-nelàut wa deffir wa
Marchons les uns derrière les autres.
(T. Yacine, p. 207, v. 2)
8. Les innovations Nous entendons par innovation toute tentative de création dans la langue d’arrivée, notamment par la reconduction des figures de signification comme la métaphore du texte kabyle, c'est-à-dire, dans les termes de traductologie, quand l’unité de traduction n’est pas respectée. Dans le passage
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suivant, T. Yacine a traduit mot à mot26 le premier vers et presque mot à mot le second. C’est dans ce genre de passages que la traduction, pour qu’elle soit belle, doit nécessairement être infidèle, et la raison en est très simple : il y a des figures kabyles qui ne réveillent rien chez le public français, sinon l’incompréhension, comme c’est le cas ici : ZzehrZzehr-im ma yettruê aêru Neγ iga abrid di lebàer Ne
Ta chance brise les pierres Se fraie une voie dans les flots
(ch. 75, v. 25 et 26) (T. Yacine, p. 170) En effet, si on considère que la chance de la bien-aimée (qui s’en va dans sa nouvelle voie) peut être comparé à celui de Moïse au moment où il fit traverser la Mer Rouge à son peuple, figure qu’on comprend aisément, on reste perplexe devant la chance brise les pierres car — histoire de faire dans le parallélisme — on n’a pas souvenir d’un prophète qui eût de sa canne arasé une montagne. La difficulté dans la traduction de ce passage est liée à la nécessité d’obtenir deux vers variés sur le plan de l’expression mais qui renvoient tous les deux à l’idée de « chance inouïe » exprimée métaphoriquement par les deux expressions contenues dans les deux vers du texte kabyle. Mais c’est là une difficulté à dépasser, en opérant, par exemple, une adaptation au niveau du premier vers et en conservant la force de la figure dans le second, ainsi : ZzehrZzehr-im ma yettruê aêru Neγ iga abrid di lebàe lebàerr Ne
Si tu as une chance inouïe, qui Se fraie une voie dans les flots.
Il apparaît de l’examen de la traduction de T. Yacine que la traduction du kabyle vers le français n’est pas chose aisée. Il apparaît aussi que d’après les solutions que nous proposons la traduction est possible en dépit de l’impossibilité théorique. La présente traduction, exercice auquel s’est livrée T. Yacine, démontre que, d’une part, il ne suffit pas d’avoir la maîtrise de deux langues pour traduire de l’une d’elles vers l’autre, notamment en poésie, et que, d’autre part, un corpus oral transcrit et non authentifié aboutit facilement à une autre traduction imparfaite, voire erronée. Par ailleurs, l’examen de cette traduction, bien que succincte et aléatoire, montre que les problèmes qu’elle pose relève en majorité du niveau lexico-sémantique, preuve qu’en poésie ce sont les tropes qui sont plus difficiles à traduire, si on met de côté les problèmes de versification.
IV. — EXAMEN DE LA TRADUCTION DE AHMED AMMOUR Le dernier album, sorti en janvier 2005, est accompagné d’un dépliant27 dans lequel est transcrit le texte kabyle, la traduction française28 et la traduction arabe. Ignorant, comme dans le cas de celle 26
Dans Aït Menguellet chante… (p. 170), on lit ZzehrZzehr-im la yettruê aêru (avec la modalité de l’actuel-concomitant la et non le subordonnant causal ma ; c’est cette dernière version que nous avons authentifiée auprès de l’auteur et qui est en cohérence syntaxique avec les propositions des vers suivants. 27 La traduction française est de Ahmed Ammour, la traduction arabe, de Mohamed L’hacène Mahrouche (enseignant au département de Langue et Culture Amazighes de l’Université de Béjaïa (Algérie). Contrairement à l’information donnée dans ledit prospectus, c’est nous-mêmes qui avons transcrit le texte kabyle sur la base d’un manuscrit de Mehenna Boudinar (enseignant de langue amazighe).
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de Tassadit Yacine, si cet effort de traduction en a conduit l’auteur à une réflexion quelconque, nous aimerions examiner, dans les pages qui suivent, la traduction française de Ahmed Ammour et les problèmes qu’elle pose a posteriori. Comme dans la traduction de T. Yacine — ainsi que dans la nôtre — les problèmes que pose la traduction sont divers : ils peuvent aller de simples de simples maladresses d’expression à des problèmes sémantiques plus ou moins graves ; néanmoins, dans cette traduction, la palme revient aux maladresses d’expression qui peuvent nuire à l’intelligence d’un vers, d’une strophe ou d’un poème entier. Pour des raisons pratiques, nous présentons les passages illustratifs en trois colonnes : la première colonne comprend le texte kabyle, la seconde la première traduction (de Ahmed Ammour), la troisième la seconde traduction (la nôtre).
1. Les suppressions Dans le premier (v. 25) des vers suivants, la phrase du texte kabyle [pour le pauvre se plaignant] « Et le pauvre qui se plaint ? » a été ″mutilée″ dans première la traduction et a été rétablie dans la seconde, tandis que pour le second vers (v. 26) [comment que il affronterait la vie], la première traduction est plus étoffée que la seconde, qui a supprimé l’interrogatif (amek amek) amek et une catégorie grammaticale (le non-réel ara + A) et a surinterprété ddunit par la misère sur un élan pris à partir de pauvre du vers précédent, et dans le souci d’obtenir deux vers réglés, isométriques (heptasyllabes comme dans le texte kabyle) ; à tel point que là où pèche l’une des deux traductions, l’autre la repêche : I-umeγbun ume bun la dd-yettcektin Amek ara iqabel ddunit
Le pauvre se plaint
Et le pauvre qui se plaint
Comment peut-il affronter la vie
Et affronte la misère ?
(ch. 155, v. 25 et 26)
2. Les substitutions Dans la strophe suivante, se posent un certain nombre de problèmes : S usmendeg qerreb isufa Times testufa
Rapproche les tisons du brasier
Pousse plus près les tisons
Le feu est patient
Car le feu, patient,
AwiAwi-d kan ard ad timγur tim ur Asγar wurγu As ar s wur u iàulfa
Il ne demande qu’à grandir
Ne demande qu’à flamber ;
Le bois ressent la brûlure
Le bois ressent la brûlure
Ur yezmir ara elben--t leγrur Awexxer γelben elben le rur
Impuissant
Mais, impuissant,
Les trahisons lui interdisent tout recul
Se refuse à reculer ;
Yuγal Yu al d iγed i ed mimi-yekfa Wwint γer er lexla
Consumé, il devient cendre
Consumé, il devient cendre
Il rejoint les champs
Et rejoint les champs
YesYes-s ara dd-rebbin ttjur
Engrais pour de nouveaux arbres
Pour fertiliser les arbres.
(ch. 152, v. 1-9) 28
Ahmed Ammour, journaliste et ami du poète est l’auteur de la traduction française de l’album YennaYenna-d umγar um ar « Le vieux sage a dit » (2005) ; il a en l’occurrence présenté cet album à la conférence de presse animée à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou (aux côtés de Lounis Aït Menguellet et du responsable de l’édition Izem).
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Cette traduction, certes fidèle en ce qu’elle est une traduction vers à vers, commence par résoudre une redondance dans le texte kabyle (v. 1) par une surtraduction, une adjonction que nous pensons être ″gratuite″ : dans S usmendeg qerreb isufa [avec poussage rapproche les tisons], la redondance poussage – rappocher est évitée, à laquelle il a été substitué le nom brasier, précision inutile pour au moins deux raisons : d’une part, on pousse les tisons dans le brasier (et non du brasier !), on est donc en présence d’un pléonasme ; d’autre part, le vers suivant (v. 2) apporte la précision feu. Dans notre propre traduction (troisième colonne), prenant asmendeg pour une sorte de cheville qui doit sa présence à la contrainte du mètre, nous avons procédé à la suppression de la redondance, mais avons gardé plutôt cette cheville (équivalent de pousser) au détriment de qerreb (équivalent de rapprocher) qui est moins ″coloré″ ; mais la suppression n’est pas totale dans la mesure où nous avons une transformation par changement de catégorie (plus près pour rapprocher) ; nous avons enfin supprimé brasier, que nous avons compensé par l’insertion du coordonnant car dans le vers suivant. Dans le vers 3, nous relevons le verbe grandir à l’infinitif, qui rend bien imγur im ur « grandir » dans le texte kabyle, mais nous pensons que ce verbe a plus de force quand il est conjugué (par exemple dans l’incendie grandit… dans le cœur des opprimés) mais se réduit à son acception concrète (croître en hauteur), et que le verbe flamber convient mieux au feu quant à l’action (prendre de l’ampleur), qui, en sus, ajoute de l’effet avec l’allitération bien qu’à distance (feu au début du vers 2, flamber à la fin du vers 3). La traduction du vers 6 est, nous emble-t-il, insoutenable, et ceci pour plusieurs raisons : la première tient à la longueur du vers, qui compte douze syllabes alors que les autres vers sont soit des heptasyllabes soit des octosyllabes ; la seconde raison est son caractère ambigu : qu’est-ce que les trahisons qui interdisent tout recul au feu ? leγrur leb par interdire le rur a été traduit par trahisons et γleb alors que les équivalents judicieux respectifs sont leurres (ou tromperies) et dominer (avoir le dessus) dans le sens où le tison, qui ressent la brûlure et qui normalement sevrait se retirer du feu, avance inexorablement vers celui-ci car leurré par les flammes, c'est-à-dire dans le sens où, comme dit dans le texte kabyle [la reculade ils l’ont battu les leurres], les leurres ont eu raison du désir de retrait ; la troisième raison est que ce vers n’est pas articulé syntaxiquement au précédent, qui n’est constitué que d’une forme adjectivale mise en apposition (pour traduire un énoncé aussi complet que ur yezmir ara « il ne peut pas », une sorte de transformation par changement de catégorie). Dans notre traduction, au lieu d’un surplus, nous avons, au contraire, fait dans la suppression : dans le souci d’obtenir un vers court — pas nécessairement un heptasyllabe — nous avons dû faire l’économie de la précision relative aux leurres. Cette traduction n’est pas non plus la meilleure mais elle a le mérite d’aboutir à un vers court, articulé sur le précédent et d’éliminer les surinterprétations des trahisons [qui] interdisent pour les leurres qui dominent et le contresens qu’elles produisent. Enfin dans le vers 9, le texte kabyle donne [(c’est) à l’aide de lui qu’ils cultiveront des arbres] est la traduction de Ammour peut être qualifiée de surtraduction : le mètre (heptasyllabe) y est respecté mais au prix de deux adjonctions qui ne représentent pas nécessairement des gains, le substantif engrais et l’adjectif nouveaux, le premier étant un terme technique (agricole) et faisant écho avec la cendre du vers 7 et le second rappelant le bois du vers 4. Dans notre traduction, nous nous sommes
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contentés de substituer fertiliser (qui rappelle la fonction de la cendre, engrais minéral, et du fumier, fumure organique) à cultiver, pour obtenir une traduction fidèle à l’original aux deux niveaux métrique et linguistique (lexico-sémantique). Ces deux traductions démontrent, si besoin est, et sans jouer sur les mots, qu’une belle peut être fidèle et qu’une infidèle n’est pas forcément belle.
Dans la strophe suivante, on peut dire qu’il y a autant de problèmes que de vers : Acuγer Acu er nugi anan-neàlu Ur nekrif ur nleààu RuàentRuàent-aγ tirga mxalfa deεwessu I de wessu
Pourquoi ce refus de guérir
Qu’est ce refus de guérir ?
Ni paralysés, ni animés
Sains, pourtant nous croupissons
Nos rêves se soldent par des cauchemars Nos rêves deviennent cauchemars ; Et le mauvais sort
Et l’anathème
Lğil γ lğil yettrağu ass--a tugi a γ--tettu Ar ass
De génération à une autre nous attend
Poursuit les générations,
Ne voulant nous oublier
Il ne veut nous oublier
D imaniman-is degdeg-neγ ne tufa Yelha wusu
Se sentant bien en nous
Car se sentant bien en nous
La couche est douce
Sa couche est douce
NessaNessa-yas la ss-nesbuàru nesbuàru i Tečča--ya yaγ tug ad terwu Tečča
Nous lui faisons son lit
Et nous le rafraîchissons,
Insatiable il nous dévore
Insatiable, il nous dévore
Teffud segseg-neγ ne teswa
Assoiffé, de nous il s’abreuve
Et de nous se désaltère.
er
(ch. 152, v. 31-41) Dans les vers 31 et 32, il y a un problème de syntaxe. Dans le premier et le deuxième vers, il n’y a ni prédicat ni sujet qui eût renvoyé à « nous », a fortiori dans le deuxième, et immédiatement après, dans le vers 42, les rêves font leur entrée comme s’ils s’agissaient d’eux dans les précédents vers. Dans les vers suivants, la traduction ne fait pas cas de l’énergie et de l’équilibre de l’original : le texte kabyle est une longue asyndète mais la présence des flexions personnelles lève toute équivoque, tandis que la traduction française, faite ici d’asyndète, et de participes présents (dépourvue de particules conjonctives et de marques personnelles ou changements intempestifs d’instances d’énonciation), est ″plate″ et ambiguë : dans Nos rêves se soldent par des cauchemars on comprend que « les rêves se terminent par des cauchemars » ; or dans l’original, « nos rêves deviennent cauchemars » ; dans La couche est douce, Nous lui faisons son lit on comprend qu’« on lui fait son lit à la couche qui est douce » alors que dans l’original « nous rafraîchissons la couche de la malédiction (anathème) » Ce sont ces problèmes que nous avons essayé de résoudre à travers notre traduction. Le reste des divergences entre les deux traductions, comme par exemple dans le dernier vers d cette strophe, relève de choix approximativement équivalents : dans se désaltérer « apaiser sa soif en buvant » rend à la fois l’idée de « soif » et l’idée de « boire »
Dans le passage suivant, d’autres problèmes de substitution apparaissent, notamment lorsque le texte kabyle comprend un trope : Nettmettat ur daγda -teččur leγrur Nefka lemqud i le rur
Nous prêtons le flanc aux trahisons
Et prêtant le flanc aux leurres,
[…]
[…]
[…]
Nous mourons sans arrêt du destin
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Nous mourons et sans délai
Asif yettawin ttjur Nqubel--it almi almi--yeqqur Nqubel
De rivière en crue
Nous ayons résisté
IàmelIàmel-d yiγêer yi êer yeddemyeddem-aγ
Et un ruisseau nous a emportés
Un ru nous a emportés.
Nous avons eu raison
Et bien qu’au fleuve en crue
(ch. 152, v. 43, 44, 51-53) Dans le vers 43, il y a dans l’original une métaphore usuelle — il y a très peu de figures dans ce poème, ce qui rend la traduction aisée au plan culturel — de la (coupe) pleine pour l’arrêt du destin [nous mourons (et) elle ne nous est pleine]. Cette figure, il n’en a été tenu compte ni dans la traduction de Ammour ni dans la nôtre, car la coupe pleine est la métaphore française du « harassement » (que rendent en avoir marre, en avoir assez, en avoir ras-le-bol, etc.). Et autant a première traduction de ce vers est ingénieuse sur le plan sémantique mais tronquée sur le plan syntaxique (il manque le déterminant de arrêt), autant la seconde, bien construite syntaxiquement, est diminuée sur le plan du style. Dans le vers 44, le problème de lexique déjà signalé plus haut revient dans la première traduction : le terme trahisons est encore employé pour rendre leγrur le rur « leurres », tandis que dans le vers 53 le terme ruisseau convient pour rendre le sens de iγêer êer mais ru est préférable pour aboutir à un vers heptasyllabe. Au niveau des figures, la métaphore de la rivière qui emporte les arbres pour « la rivière ″torrientielle″ » a été traduite dans les deux cas par la rivière en crue, ce qui atténue la force de l’image, tout comme dans la traduction des vers 49 et 50 de la chanson 115 : Nàemmel anan-nezger i wasif i ra M a yettawi ttjur
[nous aimons traverser la rivière]
Nous aimons la traverser
[quand elle emporte les arbres]
Quand elle est en crue
(ch. 115, v. 49 et 50) On aurait pu conserver cette métaphore dans la traduction — même si on peut y avoir un rejet et qui n’est pas dans l’original et quitte à sacrifier la notion d’« aimer » — et ainsi obtenir : Nous traversons les rivières Quand elles emportent les arbres.
On peut relever dans cette traduction des problèmes de détournement de certaines unités lexicales, comme arbib n tmara [beau-fils de contrainte] « compagnon obligé » qui devient compagnon de l’utopie dans le passage suivant, et que la seconde traduction a tenté de corriger en se fondant sur le fait arbib que connote l’idée de « quelqu’un qui est en plus » : Làeqq d awal kan D arbib n tmara
Justice n’est qu’un mot
La justice, vaine,
Compagnon de l’utopie
Est un mot en plus :
Dans le vers suivant, les deux traductions posent un problème crucial : le verbe γellet ellet « exploiter » fonctionne sans complément tandis que tous les équivalents, exploiter, hériter, jouir sont strictement transitifs (sauf dans des acceptions qui ne conviennent pas au texte kabyle) : Wa yettγellit yett ellit di tafat
Les autres héritent au grand jour
Les autres jouissent au grand jour,
(ch. 152, v. 59)
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Dans ce vers, nous pensions que le verbe γellet ellet devait être rendu par jouir et non hériter, mais le verbe jouir, quand il est intransitif, est d’emploi familier et signifie « atteindre l’orgasme » tandis que hériter intransitif signifie « recueillir un héritage ». En fait ni l’un ni l’autre des deux verbes ne peut rendre le sens de , tant ces verbes nécessitent un complément pour se réaliser pleinement. A moins de refuser le sens de « grandir » de l’emploi intransitif de profiter, ce verbe est celui qui convient le mieux.
Dans la traduction des vers suivants, l’expression nous paraît inélégante, a fortiori dans la première : dans le vers 17, on enregistre un problème de syntaxe qui engendre un problème de sémantique, la justice qui existait suppose l’existence d’une justice qui n’existait pas. A ce problème s’ajoute le manque de vigueur du verbe exister devant ce que peut avoir un verbe être. Mettant de côté l’absence de détermination temporelle (zik « jadis » dans le texte kabyle, sur laquelle la seconde traduction aussi a fait l’impasse), que semble rendre l’imparfait, on enregistre dans la traduction du vers suivant (v. 18) un grave problème lexico-sémantique : Lbaéel izdeγ izde amkanamkan-is [l’arbitraire habite sa place] signifie « L’arbitraire a pris sa place » (= « L’arbitraire en a pris la place ») et non pas « L’arbitraire l’a détournée », izdeγ izde amkan n… signifiant « prendre la place de… » et non « détourner ». Làeqq yellan zik iruà izdeγ amkan amkan--is Lbaéel izde
La justice qui existait
La justice a disparu,
Est détournée par l’arbitraire
L’injustice a pris sa place ;
(ch. 155, v. 17 et 18) Sachant que le premier vers du texte kabyle contient un substantif, un participe, un déterminant autonome, et un verbe conjugué, le traduire en français de façon fidèle et dans un vers court se révèle une entreprise impossible, sinon très délicate : quelle combinaison française rendrait la chaîne [la justice étant jadis il est parti] dans un heptasyllabe ? Un troisième traducteur, s’il y en avait un, aurait pu proposer de privilégier la détermination temporelle adverbiale dans le premier vers en gardant le parallélisme, la paronomase (de dérivation) et les allitérations [s], ainsi : Làeqq yellan zik iruà izdeγ amkan amkan--is Lbaéel izde
La justice de jadis, L’injustice a pris sa place.
Même si là encore, la contrainte du mètre engendre une phrase ambiguë : l’adjectif démonstratif sa peut le substitut de la justice ou de l’injustice, tandis que l’emploi de en, comme substitut de de la justice aurait levé toute équivoque : L’injustice en a pris la place.
Dans le vers suivant, la première traduction a surtraduit tayri « l’amour » par désir de beauté, et nous ignorons les motivations d’une telle initiative et en quoi le terme amour, qui traduit exactement tayri (néologisme qui a largement supplanté le terme ancien làubb qui est un emprunt arabe), gagnerait à être remplacé par désir de beauté. En conséquence, nous avons rétabli ce terme en opérant, cependant, une surinterprétation de iàuzaiàuza-tt zzman[il l’a atteinte le temps] « Le temps l’a atteinte. » sa traduction par se fane. TayriTayri-nneγ nne iàuzaiàuza-tt zzman
Notre désir de beauté s’estompe
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Et notre amour qui se fane ?
(ch. 155, v. 33) La substitution dans ce passage s’est doublée d’une adjonction : tayri est traduit par deux mots : désir et beauté. Ce qui n’est le cas dans le passage suivant (dans la septième strophe de la chanson 156, v. 61-72, qui fait écho à la cinquième strophe de la chanson 155, v. 33-40), où tayri est traduit par un seul terme : beauté, et sans aucune raison apparente, au point que le vers [qu’elle est belle l’amour !] est traduit ainsi (première traduction) : I tecbeà tayri
Merveilleuse est la beauté
Merveille est l’amour
(ch. 156, v. 61) et la seconde traduction a rétabli le terme amour tout en faisant précéder du terme merveille comme prédicat inversé et dépourvu de l’article indéfinie (la phrase ordinaire étant : L’amour est une merveille.).
Des exemples de détournement du texte original abondent dans la première traduction, à l’image du passage : Ssqef yigenni um--d lqa lqaεa Iγum um a
Le ciel, tel une toiture
La voûte céleste
Recouvre le monde
Embrasse la Terre
(ch. 156, v. 9 et 10) En effet, dans la traduction de ces deux vers ssqef (n) yigenni « le toit du ciel » devient le ciel, tel une toiture et lqaεa lqa a « la terre » devient le monde. D’une part on constate un changement de construction avec une tentative de concrétisation (de toit vers toiture) (v. 9), de l’autre on relève une opération d’abstraction (de la terre vers le monde). La seconde traduction, tout en respectant le mètre du vers kabyle, a essayé d’être un tant soit peu fidèle en rétablissant la construction dans le premier vers (avec une légère modification : un adjectif à la place du complément du nom et préférence du terme voûte au détriment de toit : le toit du ciel devient la voûte céleste) ; en rétablissant le caractère concret de lqaεa lqa a en proposant la Terre en remplacement de le monde et en substituant embrasser (terme plus affectif) à recouvrir. Dans la strophe suivante, la traduction manque de rythme, alourdie qu’elle est par des lexies dont la présence n’est pas nécessaire : notamment les adjectifs présente (v. 73 et 75), absente (v. 74), d’autant que dans le vers 75 cet adjectif ne rend pas l’idée d’« apparition » contenue dans le texte kabyle ; il est dit dans les vers 77 et 78 que [l’erreur de la jeunesse] [fait regretter la vieillesse] « les erreurs de jeunesse sont à l’origine des regrets de la vieillesse », et la traduction fait dans la surinterprétation en posant l’identité des erreurs et des regrets comme si ce pouvait être une métaphore ! Tandis que dans le vers 79 du texte kabyle, l’indice de personne y de yella et yili renvoie à leγlaÑ le laÑ du vers 77, la première traduction invente un ceci qui ne renvoie à rien de précis, suivi d’un est et d’un et, suite inélégante à cause de l’hiatus à deux endroits, dont la phrase se termine dans le vers 80 avec le verbe rester au présent qui fait suite au verbe être au futur (dans le vers précédent) ; les vers 81 et 83 se trouvent alourdis par le démonstratif celui pendant que dans le vers 82 la traduction crée une ambiguïté (trace de la paix ou trace de celui qui… ?) par
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l’utilisation de l’adjectif possessif sa au lieu du pronom complément en qu’on relève dans le seconde traduction. Tazmert mi tella Tamusni ulac--itt Tam usni ulac
Quand la force est présente La sagesse est absente
De sagesse point !
Tamusni mi dd-tejba tfat--itt Tazmert tfat
Quand la sagesse est présente
Apparaît sagesse,
La force n’est déjà plus là
Force disparaît :
Les erreurs de la jeunesse
Erreurs de jeunesse,
LeγlaÑ Le laÑ n temêi temγer Yessendam tem er Yella w ad yili Ulamek awexxer i
W ictaqen lehna Ur yufi laterlater-is Win tttt-isεan is an d ayla azal--is Ur yeêri azal
Quand la force est là,
Sont les regrets de la vieillesse
Regrets de vieillesse,
Ceci est et sera
Qui sont et seront,
Et reste incontournable
Sont inévitables ;
Celui qui a soif de paix
Qui a soif de paix
Ne trouve pas sa trace
N’en trouve pas trace,
Celui qui possède la paix
Mais qui la connaît
En ignore le prix
N’en connaît le prix.
(ch. 156, v. 73-84)
3. Les inversions Les cas d’inversion de vers dans la traduction ne sont pas nombreux, ils n’en posent pas moins de problèmes, comme le montrent les exemples suivants : Asif yettawin ttjur Nqubel--it almiNqubel almi-yeqqur
Nous avons eu raison
Et bien qu’au fleuve en crue
De rivière en crue
Nous ayons résisté
(ch. 152, v. 51 et 52) Nous constatons que dans la première traduction les vers 51 et 52 ont été intervertis, ceci en plus du problème syntaxique dans le vers 52, similaire à celui du vers 43 (cf. corpus), qui consiste en l’absence de l’article défini devant rivière (devant arrêt du destin dans le vers 43). Le problème essentiel étant ici l’interversion des vers, qui risque de nuire à la compréhension du passage, nous avons rétabli l’ordre des vers la deuxième traduction.
Le problème de l’interversion des vers, bien qu’il s’agisse ici d’une traduction vers à vers, on peut en relever un exemple dans le passage suivant, interversion non absolument nécessaire et que nous avons supprimée dans notre traduction : D ayen ur nettrağu I dd-yettifriren
Mais n’émerge que
A notre surprise,
Ce que nous n’attendions pas
Emerge le pire.
(ch. 156, v. 35 et 36) et dans : Taqsié i dd-xelqen TayeÑ attan tfut
Une intrigue défaite
Tout nœud qu’ils inventent
Ils refont une autre
Succède au caduc :
(ch. 157, v. 36 et 37)
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4. Les transformations Nous entendons ici par transformation un changement de catégorie grammaticale (singulier, pluriel, masculin, féminin, indice de personne, aspect, mode, temps du verbe, etc.), comme c’est le cas dans la strophe suivante : Γas as ma nextar Nàeååel di yir lğar Nettnadi wi ara dd-yerren ttar a id--yerr ard anMi tt--id an-nerfu Ayen i nextar Yettuγal al--aγ d amesmar Yettu al I dd-nettaf ddaw uÑar Γas an--necfu as akken nugi an
Même en choisissant
Même nos choix
Nous tombons sur le mauvais voisin
Nous mènent au mauvais voisin
Nous cherchons qui nous en libérera
Et nous cherchons qui nous venge ;
Et aussitôt libres, nous lui en voulons
Vengés, nous devenons furieux ;
Nos choix
Ainsi, nos choix
Deviennent épines
Se transforment en épines
Précédant nos pas
Sur lesquelles nous marchons
Mais cultivons toujours l’oubli
Mais nous cultivons l’oubli.
(ch. 152, v. 22-29) Dans cette strophe, le premier écueil dans la traduction du vers 24 est l’emploi du futur de l’indicatif (au vers 24) pour rendre l’aoriste (optatif dans une relative qui détermine un pronom interrogatif) alors que l’équivalent en traduction morphématique (plus que littérale) est le conditionnel présent, qui correspond dans la traduction libre au présent du subjonctif. Le deuxième écueil est l’utilisation même du lexème libérer pour traduire err ttar « venger » et qui plus est mis au futur de l’indicatif au lieu du subjonctif présent ou du conditionnel présent. Dans le vers 25, la traduction nous lui en voulons manque d’énergie, cette force que nous pensons avoir rendue par nous devenons furieux, équivalent acceptable de ard anan-nerfu « nous nous mettons en colère ». Curieusement, le vers 29 est traduit presque de la même façon (il manque l’adverbe toujours dans la nôtre, qui, au demeurant, ne figure pas dans le texte kabyle) : dans les deux cas nugi anan-necfu « nous refusons de nous souvenir » est traduit par nous cultivons l’oubli. Tout comme dans le vers 27 amesmar « clou » est traduit par épines, ce dernier terme est-il plus poétique que le premier, comme le serait cultiver l’oubli par rapport à refuser de se souvenir ?
5. Les redondances Dans la traduction suivante (la première) on constate une répétition : le syntagme verbal a trouvé se trouve répété sur deux vers, et inutilement. A la rigueur, le traducteur aurait pu, pour varier l’expression, traduire dans le vers 16 le verbe af « trouver » par découvrir dans un emploi intransitif, puis, au vers suivant (v. 17), utiliser trouver dans son emploi convenable de verbe transitif. La seconde traduction a supprimé la répétition en répartissant la phrase (proposition relative) sur les deux vers : I win i dd-yufan : Yufa--d zi ziγ lehlak yettÑuru Yufa
A celui qui a trouvé,
A celui qui vit
Il a trouvé que la maladie nuit
Que le mal est dommageable
(ch. 154, v. 16 et 17)
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Par ailleurs par souci de se rapprocher du mètre de l’original (vers hétérométriques 5/8 ou 5/7, selon la strophe), nous avons dans la seconde traduction substitué le mal à la maladie et est dommageable à nuit (que la maladie nuit fait six syllabes, que le mal nuit en fait quatre, que la maladie est dommageable en fait neuf !). Ajoutons, enfin, que le mal, plus générique certes donc plus abstrait, est plus chargé symboliquement que la maladie.
Dans la première traduction des vers suivants, nous constatons une certaine redondance (v. 25) et une surtraduction (v. 26) : dans sa tendance allongeante, le traducteur a cru devoir d’abord rendre la redondance contenue dans le premier vers par autre une redondance, puis surtraduire γur ur « leurrer » par deux verbes : juger et trahir, alors que nulle part dans ce vers il n’est question de cette notion de « jugement ». Yettak azal d tmuγli tmu li yettγurun I widak i tt--yett urun
Il accorde valeur et importance
Valorise et considère
A ceux qui le jugent et le trahissent Ceux-là mêmes qui la trahissent ;
(ch. 155, v. 45 et 46) Dans le passage suivant, alors que dans le texte kabyle le terme irgazen « les hommes » est cité une seule fois (v. 17), le traducteur répète ce terme dans chaque vers ; notons aussi que Yeêra Yeêrara-d [il vit vers-ici] « Il a vu », comme l’élément ″mis en facteur″ d’un zeugme, ne figure que dans le vers 17 mais le traducteur le répète dans les vers 19 et 20. De ce point de vue, la seconde traduction, qui supprime ses répétitions, est plus fidèle au texte kabyle : YeêraYeêra-d irgazen Mi neqqen wiyaÑ Wigad iγeléen i eléen Mi kemmlen di leγlaÑ le laÑ
Il a vu les homme
Elle a vu les hommes
Tuer des hommes
Tuer leurs semblables,
Il a vu les erreurs des hommes
Et leurs errements
Et voit les hommes persister dans l’erreur
Et leur persistance ;
(ch. 156, v. 17-20)
6. Problèmes de syntaxe En théorie, un traducteur respectueux des lecteurs et soucieux de préserver son image, devrait soigner son expression, suffisamment pour au moins éviter de commettre des fautes de syntaxe telles que celles que nous relevons ci-après. Γas as neεya ne ya degdeg-westeqsi Acuγer Acu er tugi ad texsi
Pourquoi ne veut pas s’éteindre
Pourquoi ne veut-il s’éteindre
Times unebdu tàemmeltàemmel-aγ
Notre ami, ce feu de l’été
Ce feu qui flambe et nous aime ?
Même si las de questionnement
Las de nous interroger,
(ch. 152, v. 67-69) La première traduction de ces vers manque de clarté syntaxique, a fortiori dans le vers 67 qui contient une proposition sans prédicat, dans le vers 68 le sujet étant renvoyé au vers suivant. La deuxième traduction, qui enregistre un déficit syntaxique au vers 67 par rapport à [bien que nous soyons las de questionnement], réintègre le pronom sujet (vers 68) et réalise un zeugme au vers 69, vers dans lequel il y a un changement de catégorie : Ce feu qui flambe traduit times unebdu
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« le feu de l’été ». Ce dernier, s’il ne renvoie pas à un souvenir de quelque trouble politique qui ait lieu un certain été, ne peut pas ne pas être un banal incendie de forêt sans incidence sur le plan politique.
La strophe suivante est faite sur le plan syntaxique d’une suite de propositions assemblées comme les pierres sèches d’un mur de jardin : AssAss-a yakkw imdanen àman Allaγen àseb--iten àfan Alla en àseb
Les esprits s’enflamment
Les esprits s’enflammant tous
Et les cerveaux s’émoussent
Et les cerveaux s’émoussant,
Et la raison devient soucis
La raison devient souci :
Répondant aux sifflets
Ils obéissent
Sans crainte ni question
Sans se poser de questions,
Sans certitude du chemin
Et sans savoir où ils vont,
Awi kan nher s asif Nbec--iten kan Nbec
Menés tel un troupeau
On les mène à la baguette ;
Piqués au vif
Prêts à bondir
Ddreγlen as ma walan Ddre len γas Éeêêgen i tidett i wmi slan
Aveugles même voyants
Car atteints de cécité
Sourds à toute vérité
Et sourds à la vérité,
NeÑmeε NeÑme ad zuzfen làif
Et c’est d’eux que nous espérons le salut
Leεqel Le qel yuγal yu al d aγilif a ilif Seffer--asen ddan Seffer Ur àebbren ur steqsan Γas dasen--iban as abrid ur dasen
En eux est notre salut !
(ch. 152, v. 79-89) La première traduction de ces vers est décousue : à partir du vers 82 (jusqu’au vers 88), le traducteur juxtapose participes passés et présent, adjectifs et syntagmes prépositionnels, et le sujet de tous ses prédicatoïdes, censé être les esprits (imdanen « les humains », dans le texte kabyle) dans ou les cerveaux, s’en trouve éloigné par l’intercalation de la raison du vers 81. Le dernier vers (v. 89) dit : [nous désirons ils dissiperaient la misère] « Nous attendons d’eux qu’ils éradiquent la misère », et cette phrase, qui correspond bien à un alexandrin, a été supplanté par une autre qui correspond à un ennéasyllabe dans la première traduction tandis que dans la deuxième le traducteur lui a préféré un heptasyllabe mais il faut admettre que ni l’une ni l’autre des deux traductions ne rend les couleurs de l’original, avec néanmoins une préférence pour la première, qui, malgré la longueur du vers, conserve la notion d’ « espoir » contenue dans l’original. Cette strophe est un élément de preuve en faveur d’une hypothèse qui serait la suivante : en dépit de l’existence de certaines phrases elliptiques en langue française, il semblerait que là où le kabyle peut s’accommoder de ces énoncés elliptiques ainsi que de la juxtaposition, le français semble éprouver un besoin d’actualisation immédiate et d’articulateurs entre les propositions. Soit le vers suivant : NerraNerra-d fellfell-as tiwwura
Nous lui avons fermé les portes
Et soigneux, nous l’enfermons
(ch. 152, v. 100) Le moins que l’on puisse est que la première traduction de ce vers est erronée : en effet, fermer les portes à… signifie par métaphore « empêcher de… »/ « faire obstacle à… » et est donc une
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opposition tandis que dans le texte kabyle on a affaire à une expression, erref err-d tiwwura γef « fermer les portes sur… », signifiant la protection, la préservation. Cette erreur est semblable à celle qui s’est glissée la première traduction de l’expression ssenduyet aman dans le vers suivant : brassez le vent pour brassez du vent29 : Ssenduyet aman A wid yestufan
Brassez le vent
Remuez le vent,
Ô vous qui avez du temps
Vous avez du temps :
(ch. 157, v. 26 et 27) et à celle de la traduction de l’expression yettrağu zzher a ss-yeftel [il attend que le sort lui roule] Yettrağu zzher a ss-yeftel
Les miracles d’une bonne étoile
Et attend la bonne étoile.
(ch. 152, v. 113) dans laquelle une bonne étoile est utilisée pour la bonne étoile. Dans le vers suivant aussi, on constate un phénomène similaire : l’absence de tout article devant grand hommage alors que celui-ci est requis dans cet emploi. Autant dans l’expression rendre hommage à le substantif se passe de l’article, autant quand celui-ci est déterminé par un adjectif, la présence de l’article indéfini est exigée : je rends un grand (vibrant, superbe, etc.) hommage. Rriγ Rri tajmilt tameqqrant
Je rends grand hommage
Je rends un superbe hommage
(ch. 154, v.1, 15, 23, 31, 39) Dans la traduction du vers suivant (v. 11), ce qui fait problème, c’est la locution conjonctive au point où, qui est mise à la place de au point que : voulant rendre almi « jusqu’à ce que », le traducteur a employé la locution maquant plutôt la cause au point où au lieu de la locution marquant la conséquence au point que (ou au point de + infinitif) : NewweÑ almi ayen illan yelha Au point où de ce qu’il y a de meilleur Nnan--aγ--d ğğet ğğet--t yexser Il nous demande de nous détourner Nnan
Au point que tous les hauts faits Passent pour des détriments
;
(ch. 155, v. 11 et 12) Dans les vers suivants, on relève un problème de syntaxe entre les vers 85 et 86 (d’eau pure vous vous lavez) et dans le vers 86, dans lequel l’absence d’un articulateur et l’emploi du verbe être font des actions contenues dans ce quatrain des actions simultanées alors que dans le texte kabyle la juxtaposition suggère que les actions des vers 87 et 88 sont consécutives à celles des vers 85 et 86. 29
Dans la seconde traduction du vers suivant, on a affaire à un problème d’expression : les lavés du cerveau, syntagme mis pour les victimes d’un lavage du cerveau, est une construction erronée. Au-delà cette lacune en langue française, tentative de substantivation d’un participe passé, la traduction de ce passage demeure difficile bien que le poète paraisse avoir traduit tarda n-wallaγ par le lavage du cerveau, terme qui dénomme une notion moderne. Wi tàuza tarda nPar les lavés du cerveau Par les cerveaux travestis ? (ch. 155, v. 52) n-wallaγ walla
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Aman zeddigen Yes--sen ad tessirdeÑ Yes Aman ad amsen Kečč ad tizdigeÑ
D’eau pure
Avec de l’eau pure
Vous vous lavez
Vous vous purifiez,
L’eau est souillée
L’eau devient souillée
Et vous êtes purifiés
Et vous purifiés ;
(ch. 156, v. 85-88)
En matière de syntaxe et des problèmes que pose dans ce domaine la traduction de Ammour, voici un autre exemple dans lequel le traducteur s’est essayé à traduire un quatrain déjà problématique dans le texte kabyle même : Ur telli degdeg-wul Tirrugza yiwet IÑelli yeggul Ass--a ad yesseànet Ass A wid yestufan Yessenduyen aman
Ni gens de cœur
N’étant dans son cœur,
Ni gens de bravoure
La bravoure est une,
Ont juré hier
Qui a juré hier
Se parjurant aujourd’hui
Faillit aujourd’hui.
Ô ceux qui ont du temps
Vous êtes patients,
Brasseurs de vent
Vous brassez du vent,
(ch. 157, v. 40-45) D’emblée les deux premiers vers (v. 40 et 41) sont composés de faux énoncés elliptiques avec ablation inadéquate de l’article de gens. Ces deux vers ne contiennent pas non plus le sujet du verbe jurer du troisième vers (v. 42) pour la simple raison que si telle était le cas on serait en droit d’exiger la modalité négative devant le verbe jurer à cause du coordonnant négatif ni. D’autre part, dans le texte kabyle tout est au singulier, dans la (première) traduction tout est au pluriel. La seconde traduction, soumise au mètre (l’heptasyllabe), a essayé de dépasser les insuffisances de la première dans les limites de notre compréhension du sens du texte kabyle, en respectant un tant soit peu l’esprit et la lettre de celui-ci (en rétablissant le singulier, en ne supprimant ni n’ajoutant des mots).
Au terme de cet examen, consacré à deux traductions d’un album, la seconde traduction présentée en guise de remédiation nous pouvons conclure ″remédiation″ à la première, nous pouvons conclure à l’aisance qu’on peut éprouver à traduire un poème kabyle moderne en ne tenant pas compte des problèmes formels de la poésie (comme le mètre et la rime). Nous pensons en la matière que A. Ammour a raté une occasion de réussir une traduction et la cause essentielle de son échec est la non maîtrise de la syntaxe du français.
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VI. — EXEMPLE DE TRADUCTION SOUS LA CONTRAINTE DU METRE Dans la discussion qui va suivre, nous traiterons des problèmes posés par le cas particulier de traduction que nous avons faite du poème Siwel Siwel--iyi iyi--d tamacahut « Raconte-moi une histoire » (ch. 140). C’est un débat sur une expérience de traduction en vue de vérifier la traductibilité. Selon J.L. Joubert (2003 : 66 et 68), « Le poème, plutôt que des idées, transmet une connaissance émotive […] c’est cette émotion qui demeure proprement intraduisible […] Comme la danse, la poésie ne va nulle part : elle trouve sa fin en elle-même. »
Cette double caractéristique de la poésie, la transmission de l’émotion et l’importance de la forme parfois au détriment du sens — la forme en poésie pouvant souvent faire sens — fait que la poésie est intraduisible, qu’on ne peut pas traduire la totalité d’un poème et que finalement traduire, ce serait effectivement trahir. Parmi donc les multiples possibilités de traduction (de trahison), nous avons choisi de privilégier le nombre, la danse, au détriment des autres considérations. La recherche d’un équivalent en langue française qui conserve le rythme du texte kabyle est une entreprise qui comporte le risque majeur de sacrifier l’essentiel. Dans cette traduction — comme dans d’autres exemples de chansons — nous avons essayé de traduire sous la contrainte du mètre. Les strophes, au nombre de 7, sont constituées de 13 vers chacune, mais le treizième vers est une sorte de refrain qui clôture chacune d’elles, ce qui fait qu’on peut les ramener à 12 vers répartis en trois quatrains. A l’exception du vers-refrain, qui est un heptasyllabe, tous les autres vers des pentasyllabes à rime variée : croisée, embrassée, libre… Nous n’avons pas tenter l’aventure de l’octosyllabe pour faire un peu dans la tradition poétique française, nous estimons que la tâche eût été plus aisée, au vu des problèmes que nous avons rencontrés sur le plan du ″volume″ des mots, groupes de mots ou phrases, plus important en français qu’en kabyle, sauf dans quelques rares cas. Nous avons essayé d’obtenir des pentasyllabes dans la traduction mais cela n’a pas toujours été possible ; et quand bien elle aurait été possible, elle se ferait au prix de pertes, notamment sur le plan lexical. Nnuγen Nnu en ferqen nnuγen Ferqen mi nnu en Mi ferqen mcedhan Uγalen alen mlalen
[ils se disputèrent ils se séparèrent]
Ils se disputèrent
[ils se séparèrent quand ils se disputèrent]
Et se séparèrent,
[quand ils se séparèrent ils se désirèrent]
Ils se désirèrent
[ils devinrent ils se rencontrèrent]
Et se retrouvèrent.
(ch. 140, v. 22-25) Ce passage illustre mieux qu’aucun autre la difficulté quasi permanente pour le traducteur d’obtenir des vers courts comme ceux du texte original. Cette difficulté est due à la différence dans les deux langues du volume des mots. Tandis qu’au poète kabyle suffit l’heptasyllabe pour y insérer une phrase constituée de deux syntagmes verbaux ou plus, le poète français a besoin d’un mètre plus long ; ceci pourrait en partie expliquer l’investissement en poésie française de mètres comme l’octosyllabe, le décasyllabe ou l’alexandrin, alors que dans la poésie kabyle ancienne l’heptasyllabe est le vers le plus long. La traduction que nous avons faite de ces vers est une
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version réduite de ce que dit le texte original, chargé de répétitions et de rapports logiques et dont une traduction plus fidèle donnerait ceci (des vers respectivement de 10, 12, 11 et 10 syllabes) : Ils se disputèrent (et) se séparèrent, Ils se séparèrent lorsqu’ils se disputèrent, Lorsqu’ils se séparèrent ils se désirèrent, Ils finirent par se réconcilier.
C'est-à-dire qu’avec un peu plus d’enjolivements (choix des morphèmes grammaticaux par exemple), on peut aboutir à des alexandrins dans la traduction française en partant de pentasyllabes kabyles. Au fond, nous avons là cinq verbes dont un est à valeur adverbiale uγal (« devenir »/« revenir »/ « retourner ») : nnaγ nna « se disputer », freq « se séparer », mcedhi « se désirer », mlil « se rencontrer » ; c’est exactement ce que nous avons dans la traduction, avec en moins les répétitions stylistiques et les rapports logiques. Cette traduction, qui peut être qualifiée de lapidaire, laconique, perd en précision (détails) autant qu’elle gagne en concision et va même audelà : noter, par exemple, la conjonction et qui compense les répétitions. YeêraYeêra-t-id lmelk id--yerra D izem i tt--id γef
Iàureb mmimmi-s Yuγal Yu al akken illa
[il le vit un ange]
Un ange le vit,
[c’est lion qu’il le rendit]
Et le fit lion :
[il défendit son fils]
Il sauva son fils
[il (re)devint comme il est (était)]
Et remit de l’ordre.
(ch. 140, v. 35-38) Dans cette strophe, seul le vers 38 « Il redevint comme il était. » pose problème. Le but étant ici de ″traduire″ le mètre, les problèmes respectifs d’antéposition du syntagme verbal et son corollaire la coexistence du sujet grammatical (indice de personne) et du ″sujet lexical″ (complément explicatif), de mise en relief (anticipation renforcée par l’auxiliaire de prédication nominale d, la copule « c’est »), de la locution verbale àareb γef ef « combattre pour »/ « défendre »/ « protéger », ont été vite contournés dans les vers 34, 35 et 36. Ces vers, traduits donc avec bonheur pour les vers 35 et 36 (avec une diérèse sur lion pour obtenir cinq syllabes), avec légèrement moins de bonheur pour le vers 37 (il s’est agi de renvoyer les verbes protéger et défendre car tout simplement ils sont trop longs pour un vers de cinq syllabes, et d’opter pour le verbe sauver, qui convient avec ses deux syllabes au passé simple, temps de narration). C’est en revanche le vers 38 qui nous a donné du fil à retordre : la traduction presque mot pour mot donne Il redevint comme il était, énoncé qui en plus d’être plat compte huit syllabes au lieu de cinq, d’où notre traduction Et remit de l’ordre, énoncé qui rend l’esprit du texte kabyle au détriment de la lettre. L’hypothèse du volume qui expliquerait la longueur des vers est à prendre avec beaucoup de prudence car la traduction française de maints vers kabyles se suffit du mètre et sans aucune perte, ni sur le plan linguistique (lexico-sémantique et synatxique) ni sur le plan stylistique. Nous n’en voulons pour preuve que l’exemple suivant : dans une perspective qui mettrait à l’honneur l’alexandrin dans la traduction, on pourrait proposer pour le vers 35 ci-dessus la traduction suivante : L’ange, du firmament, vit la scène et vola
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avec une amplification par l’adjonction de deux compléments, firmament, scène et vola, sans équivalent dans le texte kabyle. On voit bien que pour obtenir un alexandrin il faut ajouter trois lexèmes, c'est-à-dire qu’il faut plus que doubler le nombre des parties du discours. On pourrait citer un autre exemple de phrase qui peut faire vers, Ils font et défont, dans lequel il y a deux verbes pour seulement cinq syllabes, ou Ils font et défont la vie, un heptasyllabe qui contient deux propositions avec un complément ! TaqsiéTaqsié-nniÑen n--wa waγzen Tin akken n zen MiMi-yuker taqcict yewwi--ten D weqcic, yewwi
[l’histoire autre]
Et cette autre histoire ?
[celle comme cela de l’ogre]
Celle de cet ogre
[quand il vola une fille]
Qui vola une fille
[avec un garçon, il les emporta]
Avec un garçon :
(ch. 140, v. 40-43) Il y a anaphore dans le vers 41 : le syntagme taqsié-nniÑen « l’autre histoire » est explicitée par les trois vers suivants, notamment le vers 41 qui la reprend par le pronom démonstratif tin « celle », ce que fait la traduction, qui va même au-delà en ajoutant l’adjectif démonstratif cette au vers 40 pour souligner et renforcer le caractère défini de autre histoire car à sa place l’article défini n’aurait abouti qu’à quatre syllabes. Sur le plan lexical, notons qu’on aurait pu avoir conte au lieu de histoire. Autre chose est le problème de la traduction qui rende compte à la fois du fait que l’ogre enleva (vola) et emporta la fille et le garçon, deux procès distants au plan syntaxique puisque la contrainte de la rime a rejeté yewwi-ten « ils les emporta » à la fin du quatrain, au point qu’il y a une sorte de chiasme (sans antithèse, cf. la traduction morphématique mise entre crochets) Mi dd-yuki waγzen wa zen Yettabaε--iten Yettaba
[quand il se réveilla l’ogre]
L’ogre, réveillé,
[il les poursuivit]
Il les poursuivit,
Yeγli Ye li di tesraft D netta i-yettwaééfen
[il tomba dans la trappe]
Tomba dans la trappe,
[c’est lui qui fut pris]
Victime de son piège ;
(ch. 140, v. 48-51) Les cas problématiques sont le vers 48, dont la traduction acceptable sur le plan syntaxique Quand l’ogre se réveilla compte déjà sept syllabes, et que nous avons écourtée en substituant à la subordonnée temporelle une incise (le participe passé) ; le vers 51, dont la traduction adéquate C’est lui qui fut pris eût été la bienvenue dans la mesure où la phrase comprend cinq unités d’une syllabe chacune, n’eût été la relative longueur du vers kabyle, qui a six syllabes et non cinq. Akken ad steεf ste fuγ âku--d ad àlu àluγ âku
[pour que je me reposerais]
Pour que je me repose,
[raconte je guérirais]
Conte et calme-moi,
âkuâku-d ad ttuγ ttu Ayen i xedmeγ xedme assass-a
[raconte j’oublierais]
Et pour que j’oublie
[ce que je fis aujourd’hui]
Tout ce que j’ai fait ;
(ch. 140, v. 61-64) Dans cette sous-strophe, les problèmes sont mineures dans le cas des vers 61 à 63 (suppression de la répétition du verbe àku-d « raconte » sur les vers 62 et 63 et substitution de calmer à guérir) ; c’est dans le vers 64 que le problème est grave puisqu’il s’agit de la suppression de l’expansion
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autonome ass-a « aujourd’hui » une détermination importante sur le plan informationnel. Sans l’élimination de cette unité, on aurait un heptasyllabe. Ur yelli waγzen wa zen Ur yelli wuccen Neγ Ne lewàuclewàuc-iÑen ra nnig--i A d-yasen nnig
[il n’est ogre]
Il n’y a pire ogre,
[il n’est chacal]
Ni pire chacal,
[ou des fauves autres]
Ni bête sauvage,
[qui viendrai(en)t au-dessus de moi] Qui m’égaleraient :
(ch. 140, v. 70-73) Comme précédemment, dans les vers 70 à 72, il n’y a pas de problème majeur (caractérisation de ogre et chacal par le déterminant pire, qui n’est pas dans le texte kabyle) ; c’est dans le vers 73 que la traduction perd en sens : être au-dessus de, qui signifie « être supérieur » a été traduit par égaler, dans le souci d’obtenir un pentasyllabe. Mi teÑleγ t-γeÑle eÑle meskin S snatsnat-teråasin d--iyi-yessin Netta ur d
[quand je l’abattis le pauvre]
Je l’ai abattu
[de deux balles de plomb]
De deux balles de
[lui il ne me connut]
Sans qu’il me connaisse
Nekk ur tt-ssineγ ssine
[moi je ne le connus]
Ni que je le connaisse ;
plomb
(ch. 140, v. 87-90) Dans cette sous-strophe, le seul vers où il n’y a pas de problème est le vers 89. Dans le vers 87, il a été supprimé le pauvre, équivalent hors syntaxe de meskin. Dans les vers 88 et 90, si on compte le e caduc, on aboutit à des hexasyllabes.
Гur urur-sen at lbaéel lbaéel axir Гas as akken tqubleÑ taswaεt
[chez eux les injustes sont mieux]
Pour eux mieux vaut être injuste
[dusses-tu affronter le moment]
Et tu auras beau lutter ;
(ch. 150, v. 35 et 36) Métaphore lexicalisée de affronter le moment pour faire face au problème du moment ou faire face à la situation, rendue dans la traduction par lutter. Là est intervenue la question du volume dans le choix des unités linguistiques : même si tu fais face aux problèmes constitue le volume minimum et il atteint déjà neuf syllabes, tandis que même si tu fais face à la situation, traduction adéquate sur le plan sémantique, est un endécasyllabe. La traduction pour laquelle nous avons opté relève un peu plus de l’abstrait : lutter pour affronter la situation, accoutré de la locution verbale avoir beau — toujours suivie de l’infinitif, pour rendre la concession.
Tidett texrebtexreb-asen i sin Siwa iqannan I dd-yestufan ten--tt ttεebbin Ad ten ebbin
[la vérité leur est brouillée à tous les deux]
La vérité est brouillée ;
[sauf les cancans]
Restent les cancans,
[qui étant disponibles]
Billets vacants
[ils les porteraient]
A colporter.
(ch. 147, v. 35-38) Dans le passage ci-dessus, quand bien même on aurait l’impression d’avoir réussi à traduire dans le bonheur que procure la reproduction du mètre et, à un degré moindre certes, la rime, au prix
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de suppressions au niveau morphosyntaxique, on ne résout presque jamais le problème. Après avoir réduit au maximum les propositions pour imiter le mètre (7-4-4-4) et la disposition des rimes (embrassées), il est resté un problème pour nous insoluble : tandis que la proposition du dernier vers (v. 38, expansion prédicatoïde primaire) est traduisible par une prédicatoïde à infinitif ; tandis que le troisième vers (v. 37) à proposition subordonnée relative (expansion non primaire) est traduisible par une apposition (substantif) suivie d’un adjectif ; tandis que le premier vers (v. 35) est traduit avec une perte qu’on peut considérer négligeable (suppression de l’explicitation par i sin « à tous les deux » du pronom régime indirect –asen) ; le deuxième vers (v. 36) est resté irréductible du fait de sa complexité syntaxique, qu’il faut nécessairement rendre dans la traduction : Siwa iqannan est la proposition principale et, comme le montre la traduction directe, c’est une phrase nominale particulière, sans copule d, dont la traduction étoffée donnerait il n’y a que le cancans qui restent, puis seuls restent les cancans, puis restent les cancans, avec dans ce dernier cas la perte de la notion de restriction, étape ultime, au-delà de laquelle on ne rend plus le sens du texte kabyle ; et dans cette dernière encore le mètre enregistre un excédent (cinq syllabes au lieu de quatre).
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DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DU CORPUS : ASPECTS LINGUISTIQUES ET STYLISTIQUES Après les aspects méthodologiques, que nous avons développé dans la première partie, nous traiterons, dans cette seconde partie, des aspects tant linguistiques que stylistiques dans le cadre de l’analyse du corpus. Il y sera d’abord question des particularismes linguistiques de l’œuvre, que constituent le lexique, les néologismes, les calques sémantiques et syntaxiques, les énoncés interpellatifs et optatifs, la négation et le prétérit négatif. A la fin de ce chapitre, le lecteur trouvera une petite étude consacrée au ‘‘brouillage de l’instance d’énonciation. Il y sera question ensuite des caractéristiques stylistiques, comme la versification (le mètre, la rime, la strophe et ‘‘formes fixes’’), des figures (pensée, signification, construction) et du cas particulier des parallélismes et des répétitions. Il s’agit, dans cette partie, tant des aspects stylistiques eux-mêmes que des aspects linguistiques qui ont une portée stylistique certaine. En outre, pour l’ensemble de des aspects, nous avons essayé de relever les faits, de les décrire, de les analyser et de les interpréter, autant que faire se peut, en tant qu’éléments qui contribuent à la singularité de l’œuvre poétique d’Aït Menguellet.
CHAPITRE I : QUELQUES PARTICULARISMES LINGUISTIQUES I. — LEXIQUE ET NEOLOGISMES Le lexique étant difficilement structurable et pouvant faire l’objet d’une thèse à part entière, il n’en sera question ici qu’à titre accessoire. Il en est néanmoins question, bien que de façon aléatoire, dans le chapitre des figures de signification. Il s’agit dans le présent chapitre principalement de quelques néologismes employés par le poète ; Accessoirement, on parlera de deux lexèmes (des verbes) dont la signification est problématique et d’un lexème (verbe) comme hapax. Les néologismes ne sont pas nombreux dans l’œuvre d’Aït Menguellet, et ayant chanté la démocratie, par exemple, celle-ci n’a jamais été exprimée ni par son nom en berbère moderne, tugdut, ni par un quelconque terme ancien dont le sens serait proche : elle est exprimée métaphoriquement.
1. Les néologismes Ces néologismes ne sont pas des créations de l’auteur, mais des reprises de mots forgés par les berbérisants-berbéristes ou des emprunts internes (à des dialectes autres que le kabyle). Des néologismes comme tayri, tilelli, idles, etc., Aït Menguellet a longtemps hésité à les adopter, lui qui dans une de ses chansons dit à propos des deux mots de tayri et de làubb « l’amour » : a) tayri « l’amour » A làubb i s i nettseÑài
Amour dont jadis nous avions honte
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Assss-a qeblenqeblen-k yerkwelli Cebbàen--k semman semman--ak tayri Cebbàen
On t’embellit on te nomme « Tayri »
Ma d nekk iεjeb i jebjeb-i yisemyisem-ik
Et à moi ton nom plaît
Tout le monde te prône aujourd’hui
(ch. 99, v. 15-18) (traduction de T. Yacine, p. 179) Dans cette traduction, on ne voit qu’une reconduction de l’ambiguïté qui caractérise l’expression de Aït Menguellet. Dans le vers 15, on ne sait pas s’il s’agit du signifiant ou du référent, ambiguïté que lève partiellement le vers 16 (on peut accepter l’amour, comme signifiant lorsque par exemple il est utilisé comme euphémisme ; on peut accepter l’amour, comme référent, en-dehors de tout ancrage linguistique) et que lève totalement le vers 17 dans la mesure où il y est question de dénomination de l’amour (on dénomme une chose, pas un nom). Là où le bas blesse, c'est-à-dire là l’ambiguïté reste entière, c’est à propos du nom qui plaît à l’auteur : on ne sait pas lequel d’entre làubb et tayri lui plaît. A moins que l’on accorde de l’importance au genre du nom de la chose car en kabyle le terme làubb est de genre masculin tandis que tayri est de genre féminin : dans ce cas, le poète se serait subjugué par le premier, le dernier morphème du dernier vers, l’affixe possessif du nom (isemisem-ik « nom-ton ») est 2SM. b) tilelli « la liberté » Dans l’œuvre de Aït Menguellet, les néologismes sont servis au compte-gouttes, et l’on voit très bien que, malgré l’enthousiasme dans lequel ces mots ″nouveaux″ ont forgés ou réactivés, ils sont évoqués dans des situations de pessimisme qui caractérise bien le poète : tilelli « la liberté » est associée au An--nenna nennaγ γef An ef tlelli
totalitarisme et à la tyrannie : Nous combattrons pour la liberté
YidYid-neγ ne ayen ibγun ib un yeÑru […]
Quel qu’en soit nous le prix
Ad asas-nbeddel tikli Siwa akken ilaq ara telàu
Changeons le cours de la vie Ainsi tout ira bien
w
Win ur nhedder am nek ni as--nessifeg aqerru Ad as
De ceux qui nous contredisent Nous ferons voler les têtes
(ch. 103, v. 89-90 et 95-98) (traduction de T. Yacine, p. 225) tilelli « la liberté » est associée à Asmi akken imi tebda S kra nn-wergaz mimi-yedda γe e Yenwa f tlelli
la supercherie : Le jour où commença le combat, Les hommes qui y prirent part Osaient croire au combat pour la liberté,
(ch. 120, v. 25-27) tilelli « la liberté » est associée à A ss--ikkes azaglu A tt-yawi a tt-yezlu i Azger m ii-yteddu yteddu er
Yenwa γ tlelli
la perfidie de l’homme ingrat : Lui ôtant le joug, Pour l’apprêter pour l’immolation,
[le bœuf en cours de route] Et qui, en route vers le supplice, Crut à sa libération.
(ch. 123, v. 45-48)
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Le plus beau, car plus frappant au plan esthétique, est que tilelli « la liberté » est un vain mot (réduit à sa plus simple expression !) et le poète affirme cela dans un contexte où se mêlent ironie et antithèse : Labas, ay aàbib, labas Γas as tilelli d awal kan
[ça va, ô ami, ça va]
Tout va bien, l’ami, tout va bien,
[même si la liberté est un mot seulement]
Liberté est un vain mot,
(ch. 130, v. 57 et 58) Plus grave, au plan politique s’entend et non au plan poétique, le poète affirme le caractère inutile, voire nuisible, de tilelli « la liberté » pour qui n’en connaît pas la valeur, cette liberté qui œuvre pour le désoeuvrement de l’homme : Meεni Me ni d acuacu-tt tlelli I win ur ss--nezmir ara u
TeêriÑ d ac i dd-tettawi Tettarra llεebd ebd yestufa
Mais la liberté, qu’est-elle Pour qui ne peut l’assumer ? En vois-tu seulement l’effet, Elle rend l’homme disponible,
(ch. 130, v. 61-64) tilelli « la
liberté » est une valeur que nous chantons mais qui hélas ! est aussi loin de nous que les étoiles les plus lointaines, constat qui rejoint le sentiment que la liberté est un vain mot (cf. cidessus) :
Necna γeef tlelli Ziγen ebεed Zi en tteb eb ed am yitran
Nous avons chanté la liberté Tandis qu’elle est aussi lointaine que les étoiles ;
(ch. 137, v. 3 et 4) c) idles « la culture » Quant à idles « la culture », le poète, partisan de la maxime La culture c’est ce qui reste quand on a tout oublié, met en garde justement contre à la fois contre la mise sous scellé, à la relégation, au confinement de la culture (au rang de folklore), contre l’amnésie et l’aliénation : A wid ifaqen ra--d yiwen ulqaf Yeggwra D idles γllayen Di ééiq i tt--nettaf Di ééiq i tt-nettaf âadret wi ara tt--rren uraf Γer er ger yiγuraf Akken ad aγa -t-rêen
Ô vous qui êtes éveillés ! Il nous reste une atout : Notre chère culture, Remède à nos malheurs. Remède à nos malheurs, Gardez-vous de le mettre Dans la meule, De peur qu’ils l’écrasent.
Idles γlayen layen Γurwat an--nettu urwat an
Gardez-vous d’oublier,
Yiwen ur tt-iÂehhen Yiwen ur tt-iznuzu
Ni la vendre.
Notre chère culture, Nul ne saurait l’hypothéquer,
(ch. 116, v. 109-120)
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Dans les vers suivants, idles « la culture » est assimilé à un trésor que nos détracteurs caché dans les arcanes de l’Etat totalitaire : Arrac arrac arrac d--nesban idles idles--nne nneγ anda tAd t-ffren
Enfants, enfants, enfants ! Dévoilons notre culture où qu’elle soit.
(ch. 119, v. 3 et 4) d) amedyaz « le poète » Quant à amedyaz « le poète », il écrit tantôt, il lance des appels et ne reçoit aucun écho, comme dans les exemples suivants : Yekker umedyaz yettaru Yewwi--d asefru Yewwi
Le poète se mit à écrire, Fit un poème,
(ch. 142, v. 1 et 2) Yerwa umedyaz asiwel das--tesliÑ Ur das
Le poète n’a cessé d’appeler Et tu n’as pas écouté,
(ch. 145.10, v. 488 et 489) TewweÑTewweÑ-d tmeddit teεyiÑ te yiÑ Ay amedyaz tettγaÑeÑ tett aÑeÑ slan--d i ååut ååut--ik Wissen ma slan
Le soir tu es éreinté, Ô poète, tu es à plaindre, Qui sait s’ils t’ont entendu ?
(ch. 153, v. 59-61)
2. Quelques mots-thèmes et hapax a) layas « espoir » ou « désespoir » ? Le terme layas semble toujours employé dans le sens de « espoir » alors que dans la langue courante il signifie « désespoir », comme l’atteste les exemples suivants, à l’exception du dernier, qui semble les contredire : LayasLayas-nni s temmutem
Si le désespoir qui vous a emportés
(ch. 117, v. 47) A dd-terreÑ layas
Redonne-leur espoir.
(ch. 135, v. 36) AnAn-nawi yidyid-neγ ne layas
Ensemble, nous emporterons avec nous l’espoir
(ch. 122, v. 53) I wayen ittruêun layas
Tout ce qui brise l’espérance,
(ch. 126, v. 10) Pourtant, dans l’exemple suivant, layas semble signifier « désespoir » : Ur dd-yusi ur tuyiseÑ
Celui dont tu ne désespère pas tarde à venir ;
(ch. 123, v. 4)
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ayes,
employé dans le vers suivant et signifiant « s’impatienter », signifie-t-il « espoir » ou plutôt « désespoir » ? YemmaYemma-s yeggunin tuyestuyes-it
La mère, impatiente, attend
(ch. 132, v. 45) b) sker « faire »/« être bien » ou « être mal » ? Le terme sker signifie-t-il « faire », « être bien », « être mal », « être médiocre »/« insatisfait ». Tandis que son sens étymologique est « faire », il paraît fluctuer entre toutes ces acceptions : Ma yuli ur yeskir yeskir ara
Et à peine arrivé, il serait insatisfait ;
(ch. 130, v. 67) c) awel « bouillir » Le verbe awel « bouillir » est non seulement un hapax, ce vers est sa seule occurrence dans toute l’œuvre, mais en plus ce semble être une sorte d’archaïsme, qui ne subsisterait dans l’aire dialectale du poète que chez les vieilles personnes (ailleurs, comme dans la région de Béjaïa, il a entièrement disparu, et on ne garde comme trace de la vieille racine WL que tawla tawla (ou tawwl tawwla) « fièvre » qui n’est plus un NAV). L’emploi de ce terme paraît être une réactivation : Nettawel mebla isγaren is aren
[nous bouillons sans le bois]
Nous nous chauffons de tout bois
(ch. 115, v. 73)
II. — LES CALQUES On considère que la langue berbère en son état actuel est une pure vue de l’esprit, qui s’exprime à travers se dialectes, qui, eux, sont des réalités sociolinguistiques. Cette langue ayant depuis toujours été maintenue dans son oralité, très peu d’auteurs se sont mis à écrire dans cette langue et ce mouvement n’est vraiment significatif que depuis les années 1990. Etant dans sa phase de construction, la langue dans laquelle ils écrivent peut, à certains égards, être vue par les analystes comme une novlangue. C’est dans cette optique que certains tours — syntaxiques notamment — défaut d’être vus comme des faits de style, peuvent être regardés comme des innovations, ou, pire encore, comme des calques. Ces calques, syntaxiques ou sémantiques, peuvent être vus comme une influence de la seconde langue de l’auteur, comme le français ici. Le problème posent les calques est que pour les comprendre, il y est nécessaire de passer par la langue de départ (la langue prêteuse), chance que les monolingues n’ont pas ! Les calques peuvent donc être d’ordre syntaxique ou sémantique ; et pouvant donc être vus comme des faits stylistiques, on pourrait aussi les considérer comme des figures de construction dans le premier cas et de signification dans le second. On risque en effet de trébucher dans le cas contraire car on n’a aucun moyen de montrer en quoi on a affaire à des calques inconscients ni en quoi ce peuvent être des ″traductions″ assumées par le poète.
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1. Les calques syntaxiques Dans le passage suivant, nous relevons une incise, appelée aussi proposition incidente, qu’on ne risque pas de rencontrer dans le langage ordinaire, ni même dans un langage soutenu : NettaweÑ iεfes i fesfes-aγ uberrani nesεi imawlan Amzun ur nes Anda talaba nn-Lejdud ur telli ra yeεran A yeååren tuyat ye ran
Nous réussîmes à nous faire piétiner, Tel des orphelins, Là où le pan protecteur des Aïeux nous fit défaut, Qui eût pu couvrir nos maigres épaules dénudées.
(ch. 122, v. 13-16) A bien regarder la traduction française, on décèle un certain nombre d’incises ou d’appositions qui sont normalement autant de tours inexistants en kabyle ; ce qui nous fait penser à un calque du français, langue à longue tradition scripturaire et poétique. Si nous déroulons le texte kabyle et restituons la syntaxe, on aura : NettaweÑ iεfes i fesfes-aγ uberrani nesεi imawlan Amzun ur nes
Nous réussîmes à nous faire piétiner Comme si nous étions sans tutelle
a
And ur telli tlaba nn-Lejdud ra A yeååren tuyat yeεran ye ran
Là où n’est pas le pan protecteur des Aïeux Qui eût pu protéger les épaules dénudées.
Comme on peut le voir, cette reconstitution prouve la nécessité de l’incise, dictée par la contrainte du mètre (le vers 15 est un décasyllabe et la reconstitution ne compte que huit syllabes) et de la rime (rimes croisées). Nous affirmons l’inexistence de tels procédés même si ça et là on peut entendre — nous disons bien : entendre, car à l’écrit la ponctuation pallie la difficulté que présente l’incise à la lecture — des énoncés comme [Yya ad teččeÑ kra ay argaz n seksu !], qui sont autant d’énoncés ambigus et qui ont besoin de la situation pour être intelligibles : celle-ci peut suggérer Yya ad teččeÑ kra, kra, ay argaz, n seksu « Viens manger un peu, ô homme, de couscous ! » (l’homme est invité à manger un peu de couscous.), comme elle peut suggérer Yya ad teččeÑ kra, kra, ay argaz n seksu « Viens manger un peu, homme de couscous ! » (l’homme de couscous est invité à manger !). Il est évident que des phrases telles que celles-ci sont non seulement des phrases ambigus mais aussi est surtout des phrases plaisantes, maladroites et énoncées le plus souvent par inadvertance. Dans deux passages de deux poèmes différents, l’un (ici le second) datant du début des années 1970 et l’autre de 1985, repris ci-dessous, utilise un tour syntaxique inhabituel : Medden akkw a tenuγ deffir ten-sεu
[les gens tous je les aurai derrière]
J’aurai tout le monde derrière moi
(ch. 98, v. 35) (traduction de T. Yacine, p. 229) Nous pensons que ce tour syntaxique est un calque : en langue française, certes, avoir quelqu’un derrière soi signifie « l’avoir comme partisan », mais en kabyle cette expression signifie « être trahi par celui-ci » ; cette acception est corroborée par ce que dit le poète dans une vieille chanson des ″années d’or″ (Ttejra Ttejra n-yilili « Le laurier-rose » ; ch. 31, v. 30), dans laquelle être derrière peut signifier « être derrière » au sens spatial de l’expression ou « être la cause » d’un bonheur ou d’un malheur (ici d’un malheur) :
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Ruà a mm tàilett Lfiraq axir
Va fille aux mille ruses
AbridAbrid-im itett itett Iban ur yeffir
Tes voies sont corrosives
TendiÑ ticerkett TessiÑ--as leàrir TessiÑ
Tu as tendu un piège
TeééefTeééef-iyi s tidett TelliÑ zdeffir
Mieux vaut se quitter Cela est clair Tu y as mis couche sur soie J’y ai été pris c’est sûr Et toi tu étais derrière
(ch. 31, v. 23-30) (traduction de T. Yacine, p. 107) Nous avons repris l’ensemble de la strophe pour montrer le contexte et mettre en évidence la signification que peut avoir la locution en question. Aussi, il apparaît clair que la première possibilité est exclue, la fille ne peut pas se cacher physiquement derrière le piège ; il reste la solution « être la cause », exclue aussi étant la solution « être du côté de »/ « être partisan ». Même là, l’acception retenue (« être la cause ») est, à notre avis, un calque du français, car le kabyle, pour rendre « être la cause », dispose du syntagme prédicatif d ssebba « c’est la cause », et de ili γer er tama pour rendre « être partisan ». Dans le passage suivant, le second vers (v. 34) est constitué d’une phrase alambiquée, qui, en admettant qu’elle puisse signifier quelque chose, ne saurait fonctionner sans la phrase du premier vers (v. 33), qui fait référence au balayage de saletés : YesYes-sen anan-nefreÑ kul ammus [à l’aide d’eux nous balaierions chaque saleté] Elles nous aident à laver la souillure, An--nezwir zdat tewwurt [nous devancerions devant la porte] A défendre notre dignité, An
(ch. 117, v. 33 et 34) C’est cette référence au balayage de saletés qui réveille chez le Kabyle bilingue le souvenir de l’autre phrase, française celle-ci : balayer devant sa porte, dont la signification est bien connue. Le problème ici est double : en sus de ce que le public doit comprendre en vertu de cette référence au français, il faut aussi qu’il réussisse à déchiffrer l’agencement des parties dans la phrase. La séquence AnAn-nezwir zdat tewwurt ne signifie presque rien car le verbe zwir dans son acception de « devancer » nécessite une expansion (COD ou COI), dans son acception de « commencer » nécessite une expansion indirecte introduite par la préposition deg « dans », comme dans le troisième vers (v. 105) de l’exemple suivant : Nemdel tawwurt mi dd-telli Wi ibγan ib an ad aγa -yessali An-nezwir degdeg-s a tt-neγÑel ne Ñel
[nous fermâmes la porte quand elle s’ouvrit] Nous fermons les horizons, [celui voulant il nous élèverait] Celui qui veut nous aider, [nous commencerions en lui nous l’abattrions] Nous précipitons sa chute ;
(ch. 152, v. 103-105) dans lequel la traduction a substitué précipiter à commencer par et le SN sa chute (substantif + adjectif possessif 3S + redondance féminin du substantif) au SPV nous l’abattons (ad + pronom régime direct 3SM + indice sujet 1P + γÑel Ñel « abattre »).
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Enfin, dans le vers suivant, de la chanson Yerna yiwen wass « Et s’ajoute un jour. », nous relevons un calque syntaxique : D ass tettεawadeÑ tett awadeÑ s leàfa
[c’est le jour que tu répètes avec l’usure]
Les jours t’auront à l’usure ;
(ch. 153, v. 3) Le syntagme s leàfa n’est que la reprise directe du syntagme français à l’usure, et sur ce point précis la traduction est une simple restitution.
2. Les calques sémantiques Si ce qu’on appelle désormais calques sémantiques sont moins faciles à repérer pour le commun des locuteurs, ils n’en sont pas moins fréquents. La difficulté pour le stylisticien réside paradoxalement dans le bonheur plus ou moins réel avec lequel ces tours s’intègrent à la langue. Dans le passage suivant (Kul yiwen « A chacun ses penchants » (ch. 66), il s’agit de façon certaine d’une influence stylistique. La traduction nous montre qu’il s’agit de la traduction plutôt réussie du proverbe français Pierre qui roule n’amasse pas mousse et que T. Yacine a tant bien que mal rétabli : ZikZik-nni akka i dd-qqaren Aêru yegrarben
Jadis, dit-on
Muàal ad yejmeε yejme leàcic
Jamais n’amasse mousse
Pierre qui roule
(ch. 66, v. 25-27) (traduction de T. Yacine, p. 140) Ce proverbe signifie « On ne s’enrichit pas en changeant souvent de d’état, de pays » n’est perçu comme tel dans le texte kabyle que par l’élite qui possède la langue française, les autres réduits à comprendre la phrase au premier degré de l’expression. Le texte kabyle demeure non renouvelé, non actualisé, conformément à la transformation opérée sur le proverbe français : Pierre qui roule amasse mousse ! Il n’en est de même dans le passage suivant, dans lequel il est certes fait référence au ruisseau comme affluent de la rivière : Iγêer êer illan d ameàqur Yufa asif ad γer erer-s irnu
Le ruisseau tant négligé Alimente la rivière,
(ch. 144, v. 77 et 78) mais où la similitude n’est qu’apparente avec le proverbe français Les petits ruisseaux font les grandes rivières qui signifie « Les petits profits accumulés finissent par faire de gros bénéfices. » dans la mesure où la comparaison s’arrête à l’imageant, les imagés étant différents : dans un cas la lecture métaphorique est politique, elle est économique et financière dans l’autre. Dans le vers suivant, la phrase icennu icennu uzekka a une signification à la fois concrète et abstraite : I wakken yesyes-sen ara icennu uzekka
[pour qu’à l’aide d’eux que ara il chante demain]
Vers des lendemains [qui chantent.
(ch. 119, v. 22)
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Le Kabyle monolingue strict prendra assurément l’expression au pied de la lettre : il va imaginer un demain [qui] chante qui pour lui signifiera « demain chante », loin de soupçonner un contenu abstrait de cette expression, qui serait à peu près « des jours à venir meilleurs »/ « un avenir radieux ». La traduction littérale étant ici très proche de la traduction littéraire, tout porte à croire, en effet, que le texte kabyle est déjà une traduction des « faiseurs de lendemains qui chantent », expression consacrée en langue française et dont le sens figuré n’est pas attesté en kabyle. De même dans le vers suivant, relevé dans le poème Lγerba n xemsa xemsa--u-rebεin « L’exil de 1945 » (ch. 122), poème qui regorge d’étrangetés, nous avons affaire à une expression qui rappelle en français une notion métalinguistique : Nenwa lγerba l erba d awal kan
L’exil pour nous était réduit à sa simple expression ;
(ch. 122, v. 12) Ce n’est peut-être pas vraiment un calque sémantique, il faut plutôt attirer l’attention sur la traduction, un peu explicative, un peu pédante et trop longue : on aurait pu traduire à peu près comme ceci : L’exil pour nous n’était qu’un simple mot, à partir de l’original [nous crûmes que l’exil c’est un mot seulement]. Dans le passage suivant, relevé dans le poème Izurar idurar « Mon pays, celui des paradoxes » (ch. 127) chargé de paradoxes, l’un des paradoxes est justement exprimé par le second vers (v. 26) : A kk-awiγ awi s anga d--yekkat lmizan s allen Id
[je t’emmènerais vers où]
Que je te conduise là où
[que frappe la balance aux yeux]
La balance est évidence :
(ch. 127, v. 25 et 26) La balance qui frappe aux yeux pour « la certitude », « la transparence », « la justice » rappelle l’expression française ça frappe aux yeux ou ça crève les yeux pour « l’évidence ». Et la traduction a fait fi de toutes ces figures pour n’en garder que la balance. Dans le premier vers du passage suivant, on note deux cas d’influence de la langue française, a fortiori le premier et le troisième vers (v. 65 et 67) : Temγer Tem er d fad nn-leàkem Zedγen Zed en si yal d aqerru Win izemren ad yesε yes u isem Ma d wayeÑ ccedda a ss-yeknu
Folie des grandeurs et soif de pouvoir Habitent tout esprit : Qui en possède se fait un nom, L’autre ploie sous l’oppression.
(ch. 126, v. 65 et 68) Dans le premier vers, tandis que temγer tem er signifie « vieillesse »/« grandeur » dans le langage courant, ce terme est employé dans un sens tout à fait nouveau de « arrogance » , une sorte de « folie des grandeurs » ; fad nn-leàkem « soif de pouvoir », est un claque patent du français ; dans le troisième vers, sεu u isem « posséder un nom » n’est pas autre chose que « acquérir de la notoriété »/« se faire un nom », le kabyle utilisant plutôt ttwassen « être connu » Le texte kabyle pèche par le détournement d’unités lexicales et de tours syntaxiques : on a vu comment le terme temγer em er est mis à la place d’un terme qui serait asim er « fait de rendre grand » (approximatif) ; on voit comment asimγer
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d’un de relationnel on aboutit à un n possessif, fad n leàkem signifiant « la soif du pouvoir » (au sens de soif éprouvée par le pouvoir, pas au sens de soif qu’a quelqu’un d’acquérir le pouvoir). On peut aisément deviner le bonheur du traducteur à (re)traduire ces tours qui, en enrichissant le kabyle, font momentanément le malheur du Kabyle monolingue. Dans le même cas, à la fois syntaxique et sémantique, se trouve l’exemple suivant : Terreê tiγri ti ri n talwit
[elle est cassée l’appel de la paix]
Brisé est l’espoir de paix,
(ch. 133, v. 42) dans lequel tiγri ti ri n talwit est « l’appel de la paix » plutôt que « l’appel à la paix ». Dans le passage suivant, le calque n’est qu’apparent — ne démunissons pas le kabyle de toute son esthétique — le tour rappelant une expression française : AnAn-nruà a kk-neğğ neğğ ay iÑes N-wid iwmi yeåfa wul
Nous t’abandonnons, sommeil De ceux qui ont le cœur pur ;
(ch. 134, v. 2 et 3) Sur fond d’un contre-rejet entre les deux vers, le tour iÑes n wid iwmi yeåfa wul [le sommeil de ceux dont est pur le cœur] n’est-il pas l’équivalent heureux du sommeil du juste, sommeil profond de celui qui n’a rien à se reprocher ? Autre calque inspiré de l’expression On ne peut pas faire du neuf avec du vieux, expression qui était en vogue dans les rangs de l’opposition démocratique des années 1990 en Algérie, partisans du renouvellement de la classe politique, selon qui l’émancipation et le développement de l’Algérie ne pouvaient se réaliser sans le départ des dinosaures des sphères décisionnelles. AnAn-nebnu ajdid s weqdim
[nous bâtirions du neuf à l’aide du vieux]
Faisons du neuf avec du vieux ;
(ch. 144, v. 64) La phrase du vers suivant rappelle l’expression française, pas obligatoirement un calque : Kul ass yewwiyewwi-d amuramur-is
[chaque jour apporta sa part]
Chaque jour apporte son lot ;
(ch. 138, v. 64) La traduction ne pousse à poser la question de savoir si c’est un calque ou une tournure existante. L’auteur a-t-il employé ce tour spontanément ou a-t-il été influencé par la langue française ? Ces interrogations, elles peuvent aussi bien être suscitées par l’expression Chacun apporte sa pierre à l’édifice, dont on trouve l’équivalent kabyle dans l’œuvre : Kul wa d acu i dd-yessaweÑ Aêru s aêru nesdukelnesdukel-it
[chaque celui-ci c’est quoi qu’il a fait parvenir] Chacun y a mis du sien, [pierre vers pierre nous le réunîmes]
A apporté sa pierre à l’édifice,
a
D ååur n làerm i dd-nenneÑ [c’est le mur de la dignité que nous ceignîmes] Mur de dignité dont nous avons ceint γe e sserr--im a taqbaylit [sur ton charme ô kabylité] La grâce de la kabylité. F sserr
(ch. 117, v. 13-16) Des cas similaires, pour lesquels la traduction ″coule de source″, font le bonheur du traducteur, qui se contente de puiser dans le stock des formules toutes prêtes.
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Dans le passage suivant du poème Ameddaà « Le poète », la gémination opérée tawwurt « la porte » sur n’a rien d’un tour stylistique en lui-même : Nekk d ameddaà […]
[moi c’est le poète]
Yettadden tawwurt tawwurt tawwurt
[se mettant debout la porte la porte]
Je suis poète, Je frappe à toutes les portes,
(ch. 103, v. 12 et 15) La gémination du complément circonstanciel qui au plan des valeurs, est amalgame de lieu et de manière, est bien attesté en kabyle, comme dans La leàà leààu ààuγ luÑ luÑa luÑ luÑa [je marche la plaine la plaine] « Je marche à pleines plaines » (l’homonymie est le fait du hasard !). Ce qui fait l’étrangeté d’un tel tour, c’est la ressemblance phonique avec le français le porte à porte et l’effet qu’il suscite mis en relation avec le statut des ameddahs1.
III. — ENONCES INTERPELLATIFS ET OPTATIFS Tandis que les énoncés optatifs expriment toujours le souhait, les énoncés interpellatifs expriment certes l’apostrophe mais sont de deux types : ceux qui interpellent directement, de structure syntaxique (interpellatif + nominal (et ceux qui interpellent indirectement, de structure (interpellatif + pronom démonstratif (donc troisième personne) masculin ou féminin, singulier ou pluriel).
1. Enoncés interpellatifs On peut citer quantité d’exemples qui illustrent le premier type, plus ou moins aisés à traduire que le second type. En voici quelques exemples : Ay atmaten ur kkatet
Aussi soyez indulgents, frères !
(ch. 131, v. 4) A tin mi beddleγ beddle isem Akken a tt-åeggmeγ åeggme d asefru
Toi dont j’ai change le nom Pour embellir mon poème,
(ch. 34, v. 25 et 26) A wid iwezznen awal
Gens au verbe pesé,
(ch. 117, v. 2)
En effet, M. Mammeri (1980 : 10, note 1) dit à propos des Ameddahs (pluriel kabyle : Imeddaà Imeddaàen) : Il s’agit en réalité de « chanteurs ambulants qui se produisent dans les marchés, ou font du porte à porte à travers les villages, contrairement aux afsihs anciens dont la visite est un véritable événement. » Notons la gémination tawwurt tawwurt qui ressemble étrangement au porte à porte, y compris sur le plan phonétique, la prononciation étant [tabburTabburt]/[pɔrtapɔrt] ; ailleurs, par exemple dans A Ssyad Imeqqranen « Messieurs les Grands ! » de Ferhat Imazighen Imula, traduction-adaptation de Monsieur le Président du Déserteur de Boris Vian, la même idée est rendue par ttebdadeγ ef tewwura [je me présente aux portes]. ttebdade γef 1
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et dont même un sans l’interpellatif a « ô », qui a été rétabli dans la traduction : AÑu i daγda -yessnen Nennum aγebbar a ebbar s allen
Ô vent, toi qui nous connais, Ta poussière nous connaissons ;
(ch. 144, v. 91 et 92) L’entité objet de l’apostrophe peut aussi être toute réalité naturelle (abeàri, « le vent », aÑu « le vent », agu « la brume », adrar « la montagne ») ou œuvre de l’homme (abrid « le chemin ») ; cette réalité est alors personnifiée et sommée d’écouter et parfois même de répondre ou d’agir en conséquence des propos entendus, comme le montrent les exemples suivants : Ay abeàri dd-iffalen MelMel-i-d wi kkkk-ilan
Ô brise qui souffle, Dis-moi qui tu es.
(ch. 100, v. 1 et 2) Hubb ay aÑu !
Souffle, ô vent !
(ch. 71, v. 19) Ansi dd-tekkiÑ ay agu Ay agu dd-yewwi waÑu
D’où viens-tu, ô brume ? Ô brume qu’a amenée le vent !
(ch. 76, v. 73-74) ErrErr-iyiiyi-d ay adrar ååut Γas as ma d ayen i dd-qqareγ qqare
Ô montagne, fais écho Même si c’est ma propre voix ;
(ch. 12, v. 1 et 2) Ay abrid ttun medden Yemγii-d leàcic Yem leàcic di laterlater-ik
Ô chemin oublié des passants, Sur toi l’herbe a poussé.
(ch. 53, v. 1 et 2) Cette entité peut être une réalité métaphorique, à l’image de cet exemple : A tafat n ddunitddunit-iw WaliWali-d win teğğiÑ yuÑen
Lumière de ma vie, vois Celui que tu as meurtri,
(ch. 38, v. 1 et 2) En fait, ces séquences ne méritent pas la dénomination d’énoncé du fait qu’ils ne constituent presque jamais une proposition autonome et du rejet de la proposition qui contient le prédicat loin après ces énoncés. Dans l’exemple précédent, le prédicat, qui n’est ni dans le premier ni dans le second vers, est dans la proposition qui ouvre le vers suivant : A tin mi beddleγ beddle isem Akken a tt-åeggmeγ åeggme d asefru w Tessegg raÑraÑ-iyi-d ala ssemm Ur ittzad ur iàellu TerniÑ i lehmum lhemm Ma ixuå wul ad asas-nernu TextareÑ ayen ilhan i kemm Iγeblan eblan dd-iggwran inu
Toi dont j’ai change le nom Pour embellir mon poème, Tu ne m’as laissé que le venin Qui n’empire ni ne guérit ; Tu m’infliges peines sur peines Comme si mon cœur en manquait ; Tu t’es choisi le meilleur, Il me reste les soucis.
(ch. 34, v. 25-32)
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A vrai dire, à partir du troisième vers on a au moins un prédicat par proposition et au moins une proposition par vers, ce qui fait au moins cinq prédicats. Dans certains passages, on peut avoir plus d’un exemple d’interpellatifs, à l’image du suivant : Ay atma a wi dawendawen-imlan
Ô frères ! Si on pouvait vous narrer
(ch. 120, v. 5) Dans cet exemple, deux interpellatifs se suivent mais ne se ressemblent pas : le premier, simple, est suivi d’un nominal, mais le second est moins simple, suivi d’un pronom particulier, neutre, général et qui, en réalité a cessé d’être un interpellatif pour devenir un optatif. C’est cet optatif qui est moins aisé à traduire, et qu’on rend par tradition par un succédané, Ah ! pouvoir… qui en diminue la musicalité. Dans le présent passage, nous avons éludé cette possibilité en traduisant par Si on pouvait…, traduction qui n’est forcément la meilleure. Dans la chanson Amedyaz « Le poète », on relève une interpellation unique (hapax) dans toute l’œuvre du poète, et c’est à se demander s’il ne faut pas voir en abbuh « pardi ! » une interjection féminine. Celle-ci est suivie d’un interpellatif simple suivi d’un nom (lxalat) : Nenéer, abbuh, abbuh, a lxalat !
[Nous souffrons, au secours, ô femmes]
Femmes, atténuez nos souffrances.
(ch. 142, v. 27)
2. Enoncés optatifs Dans le second type d’énoncé interpellatif, nous avons en fait un amalgame de l’optatif et de l’interpellatif, comme dans les exemples suivants : A wi iddan d wi tt-yifen Ad yettεanad yett anad a tt-yaweÑ
Ah ! Pouvoir fréquenter meilleur que soi Pour que par émulation on puisse l’égaler,
(ch. 126, v. 1 et 2) dont le distique original est de Cheikh Mohand (Ccix Muhend u Lhusin) : A wi iddan d wi t[ô qui étant parti avec qui le surpassant] Ah ! t-yifen Ad γer erer-s iεaned i aned a tt-yaweÑ [vers lui il rivaliserait, il parviendrait à lui]
Pouvoir fréquenter meilleur que soi Pour par émulation pouvoir l’égaler.
modifiée au plan de l’expression, comme le montre le texte. Ces énoncés optatifs sont difficiles à traduire car les équivalents approximatifs attestés dans la langue française — dans la littérature française — sont des tournures figées qu’on ne retrouve pas dans le français contemporain. Ce cas d’énoncé qui a une structure particulière : interpellatif + pronom démonstratif neutre (ni genre ni nombre) + participe à l’accompli (ni genre ni nombre, en kabyle) est particulièrement n’a pas d’équivalent en français (cf. traduction morphématique, entre crochets) et dans ce cas de figure, l’énoncé français avec l’infinitif rend le mieux le caractère neutre (ni genre ni nombre) du participe et son aspect accompli. Il faut souligner l’aspect accompli, car lorsque le verbe est à l’inaccompli, l’énoncé est moins difficile à traduire. Voici quelques exemples de ces énoncés : A wi wi tttt-yerran a dd-tecbu
Ah ! pouvoir la rendre semblable
(ch. 128, v. 56) A wi iεeggÑen i eggÑen a dd-yini
Ah ! pouvoir crier pour dire !
(ch. 128, v. 65)
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A wi irun neγ ne a wi iÑsan Mačč Mačči čči d aγilif a ilif
Rire ou pleurer, qu’importe ! Là n’est pas le problème ;
(ch. 145.10, v. 473 et 474) Ce dernier exemple est en rapport d’intertextualité avec le passage suivant : A wi irun a wi iÑsan kifkif Tikwal ma izegged uγilif u ilif a Lehlak icub ar àellu
Rire ou pleurer, qu’importe ? Parfois par excès de soucis Le mal équivaut à la guérison.
(ch. 128, v. 26-28) On relève dans la chanson Lγerba n xemsa xemsa--u-rebεin « L’exil de 1945 » un exemple qui illustre, dans le second vers, l’énoncé optatif négatif : Nessarem a dd-nekkes laê d éélaba Awer dd-nas mebγir meb ir aεwin a win
Ayant espéré vaincre la faim, payer nos dettes, Que nous ne revînmes pas les mains vides,
(ch. 122, v. 5 et 6) Notons la différence entre le souhait du premier vers et celui du second : dans le premier, il est exprimé par le lexème sirem « espérer », dans le second il est exprimé par le morphème grammatical awer, amalgame de ad, modalité de non-réel et de ur, modalité négative de l’énoncé. optatif qui est rarissime et qu’on retrouve que dans une seule chanson, Wi d d--iru iruà àen « Qui vient donc ? » : Wid itetten aksumaksum-nsen Awer dd-xelqen segseg-neγ ne Awer daγda -d-yaf wasswass-enn I deg ara nennaγ nenna gargar-aneγ ane
Ceux qui se nourrissent de leur chair, Qu’ils ne naissent parmi nous ; Que ne puisse arriver le jour Où nous nous combattrons entre nous !
(ch. 109, v. 59-62) Citons enfin un type d’énoncés qui apparente presque aux énoncés précédents, qu’on relève dans la chanson Aseggwas « L’ ‘‘heureuse année’’ : Ay mazal anan-nêer
Il reste beaucoup à voir !
(ch. 144, v. 75) qui est en fait un énoncé exclamatif, formule raccourcie [que (pas) encore nous verrions] (cinq syllabes) de la formule populaire Ay neêra mazal anan-nêer ! [que nous avons vu, (pas) encore nous verrions] « Que nous n’avons vu et qu’il nous reste à voir ! » (des choses de la vie qui peuvent étonner !) (sept syllabes), reprise par certains chanteurs comme Akli Yahiaten.
Loin de vouloir transformer ce modeste chapitre de syntaxe en étude lexico-sémantique, encore moins en étude stylistique, disons seulement que l’entité objet de l’apostrophe ici — dans le cas des énoncés interpellatifs — peut être un humain ordinaire comme il peut être un Ancêtre vénéré, comme dans l’exemple de la chanson Aseggwas « L’ ‘‘heureuse’’ année » (ci-dessous) ou un Dieu, comme dans l’exemple suivant, de la chanson DiriDiri-yi « Mauvais suis-je ? » :
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A bab n tegnewt γur urur-ek Гef efef-wussan i dd-ileààun Wissen ma bxir ara tsellek SegSeg-wid yekkaten ur ferrun
De grâce, Maître des Cieux, Quant aux temps qui nous attendent, L’issue sera-t-elle heureuse Des bourreaux inconciliables ;
(ch. 150, v. 67-70) Dans lequel le poète met en garde le Seigneur des Cieux, mise en garde que la traduction ne rend pas (le prédicat, γur urur-ek « Prends garde ! » est cette fois-ci dans le premier vers). Ce qui fait la singularité à ce niveau de l’œuvre d’Aït Menguellet, c’est la fréquence de ces énoncés conjuguée avec la fréquence des lexies dénotant « l’appel »/« la supplique »/« l’évocation », aussi bien dans la poésie amoureuse que dans la poésie dite politique. Dans la seule chanson Aseggwas « L’ ‘‘heureuse’’ année », on relève pas moins de six énoncés interpellatifs, à l’image de : A kra nn-lejdud n tmurttmurt-a Neêra ur daγda -d-tettwalim NettadderNettadder-ikwenen-id ur neêra Ma telham neγ ne ur telhim
Ô ancêtres du Pays, Conscients que vous ne nous voyez, Nous vous évoquons sans savoir Si vous êtes bons ou non ;
(ch. 144, v. 57-60)
IV. — NEGATION ET PRETERIT NEGATIF 1. La négation La négation, à travers ses deux possibilités de réalisation, constitue un véritable choix susceptible d’être abordé dans une étude stylistique. Contrairement à ce qu’il en est dans la plupart des grands dialectes (touareg, chleuh, mozabite), la modalité négative de l’énoncé en kabyle standard, à l’instar d’autres dialectes berbère nord, est constituée de deux éléments qui entourent le syntagme prédicatif, le plus souvent verbal. En kabyle2, si on met de côté les contextes d’effacement obligatoire du deuxième élément, se présente donc comme le montre le schéma : ur + SPV + ara et comme le montrent les exemples suivants : lka eÑ Ur nelli ara d lkaγeÑ
Nous ne sommes pas de papier.
(ch. 121, v. 35) Lameεna Lame na ur nezmir ara
Nous n’y pouvons rien, hélas !
(ch. 122, v. 20) w
da -tettag imt ara Ur daγ-
Que vous ne nous repoussiez ;
(ch. 135, v. 8) Ur nezmir ara
Et de notre impuissance.
(ch. 135, v. 12) 2
Pour plus de détails sur l’apparition et l’effacement du deuxième élément de la négation en kabyle, on peut se reporter à une recherche que nous avons publiée dans ‘‘La négation en berbère : les données algériennes’’, in La négation en berbère et en arabe maghrébin (sous la direction de Salem Chaker et Dominique Caubet), Paris, L’Harmattan, 1996, p. 23-34.
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da -tettagwiÑ ara Ur daγ-
Et que tu ne nous repousse ;
(ch. 135, v. 20) Ur texdim ara
Qui est toute innocence.
(ch. 135, v. 24) Γas as akken akken ur nessin ara
Malgré notre ignorance,
(ch. 135, v. 33) Comme on le voit donc dans les exemples précédents et dans bien d’autres exemples qui jalonnent l’œuvre, les deux éléments de la modalité négative encadrent le syntagme verbal selon le schéma ci-dessus. Il peut parfois paraître exaspérant lorsqu’on rencontre le second élément ara à la rime, comme les exemples ci-dessous, laquelle rime est du même au même, et dans ces cas la thèse du remplissage n’est pas à écarter : Anta tameslayt S ur tenéiqem ara Amkan di ddunnit de G ur teεfisem te fisem ara
[quelle langue] [avec-laquelle ne vous parlâtes pas] [un lieu dans le monde] [dans-lequel ne vous foulâtes pas]
Dites-moi quelle langue Vous n’ayez parlée, Quel lieu sur terre Vous n’ayez foulé ;
(ch. 143, v. 28-31) Meεni Me ni d acuacu-tt tlelli r I win u ss-nezmir ara TeêriÑ d acu i dd-tettawi Tettarra lεebd l ebd yestufa Yettnadi γeef-wayen ur nelli Ma yers ittnadi ad yali Ma yuli ur yeskir ara
Mais la liberté, qu’est-elle Pour qui ne peut l’assumer ? En vois-tu seulement l’effet, Elle rend l’homme disponible, Qui voudrait ce qui n’est pas : Aussitôt descendu, il chercherait à monter, Et à peine arrivé, il serait insatisfait ;
(ch. 130, v. 61-67) Ad akak-n-nceyyeε nceyye temêi A kk-tttt-inin-nefk d leεnaya le naya A tttt-twaliÑ a kk-twali Ur daγda -tettagwiÑ ara Γas as agwad degdeg-neγ ne Rebbi Γas as ma tkerheÑtkerheÑ-aγ nekwni ZziefZzi-d γef ef-wudem n temêi Ur texdim ara
[ne nous tu refuses pas]
[ne elle fit pas]
Nous t’enverrons la jeunesse, Qu’elle vienne en intercesseur, Qu’elle te voie et que tu la voies, Et que tu ne nous repousse ; Au nom de Dieu que tu craignes, Dusses-tu nous exécrer, Reviens au nom de la jeunesse, Qui est toute innocence.
(ch. 135, v. 17-25) Et dans ce dernier vers (v. 25), le poète eût pu dire : Ur texdim texdim wara [ne elle fit rien] « Elle n’a rien fait. » (Elle est toute innocence.)
Ayant à peu près un fonctionnement analogue à celui de la modalité du français ne + SPV + pas, il est à noter que, corollaire d’une évolution diachronique similaire à celle de pas français, cet élément postverbal est rendu obligatoire dans l’état actuel de la langue. Il est à noter aussi que, dans certains contextes, cet élément est facultatif, donc facilement effaçable ; ces contextes sont exploités par le poète, comme dans : Ur nettêur Ur nessin tikli uêerêur Ur nettàuğ nettàuğ
[ne nous visiterions] Nous n’irons point en visite [ne nous connaissons la marche …] Ni ne connaissons le vol des étourneaux ; [ne nous irions en pèlerinage] Nous n’irons point en pèlerinage
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Ur nessin tikli uferruğ uferruğ
[ne nous connaissons la marche …] Ni ne connaissons le vol des perdreaux.
(ch. 121, v. 11-14) Il s’agit ici d’une coordination de deux propositions négatives (asyndète, parataxe, etc.) et dans un contexte tel que celui-ci faire apparaître le second élément serait perçu comme une maladresse d’expression. Jusque-là on ne pas dire que le poète opère un choix, toutes les occurrences étant des servitudes. Autre servitude est la négation simple dans le contexte où le complément explicatif (ici indicateur de thème : yiwen devant le SPV) est un pronom indéfini : S yesγaren yes aren tettwassed Akken yiwen ur tttt-isnusu
On a entassé les bûches Pour que nul ne puisse l’éteindre
(ch. 63, v. 7 et 8) ou dans le cas où le la proposition négative est le corollaire (l’appendice sémantique) d’une première, comme dans : LemàibbaerLemàibba-m γer er-m teγleÑ te leÑ a TusaTusa-d tεedd t edd ur teqqim
[mon amour vers toi s’est trompé] [elle vint elle passa elle ne resta]
Mon amour en toi s’est égaré Il est né est passé sans retour
(ch. 63, v. 35 et 36) (traduction de T. Yacine, p.185-186) Mais le poète peut aller plus loin, soit en surexploitant le procédé en contexte soit en l’exploitant hors contexte. C’est le cas, notamment dans les exemples suivants : Ulac abrid iweεren iwe ren Neγ Ne adfel Ur nfessi ger ifassen
[il n’y a un chemin étant difficile] [ou une neige] [ne fondant entre les mains]
Car il n’y a point de chemin difficile, Ni de neige Qui ne fonde dans la main.
(ch. 121, v. 40-42) Négation préverbale simple ; attention le morphème ara après le SV peut ne pas être le deuxième élément de la modalité négative mais ce qu’il est communément admis d’appeler le support de détermination : c’est un amalgame du support de détermination i (ou a ou encore ay, en fonction du dialecte et/ou du contexte) compatible avec le prétérit (accompli) et l’aoriste intensif et la supposée modalité de non réel a (ou ra ou rad ou ad), comme dans : Ur yelli ara dd-nesnulfu
[ne il y a que nous inventerions]
N’ayant rien eu à inventer
(ch. 122, v. 36) Le préverbe ur se suffit à lui-même même si en certains contextes il est dicté par les contraintes métriques : Si zik ur yelli lxuf degdeg-neγ ne
[depuis toujours ne il y a la peur dans nous] Nous n’avons jamais connu la peur,
(ch. 124, v. 27) iwmi ur εziz ziz wawalwawal-is
[pourquoi ne est cher sa parole]
Sa parole n’est-elle pas précieuse ?
(ch. 129, v. 2) Tekfa lemàibba ur nuklal
L’amour est fini que nous ne méritons (?)
(ch. 34, v. 5) TesseàsabeÑ ur tettàulfuÑ
Tu réfléchis sans sentir ;
(ch. 129, v. 18) Amarezg nn-wi ur neêri
Heureux celui qui n’a vu,
(ch. 130, v. 35)
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Remarquer non seulement la négation simple mais en plus la formule est unique dans la mesure où elle est une interpellation sans en être vraiment une. On est en effet tenté de segmenter amarezg, qui n’est ni un nom ni un verbe sur le plan de la combinatoire (comme amasseεd amasse d, même sens et même fonctionnement), en trois éléments : a « ô » ma « quel » (r)rezg « fortune », bonheur segmentation à même d’expliquer que cette chaîne puisse fonctionner comme un énoncé complet. Ur ssineγ ssine ad ssefruγ ssefru
Car je ne sais pas chanter
(ch. 138, v. 10) Netta ur dd-iyi-yessin Nekk ur tt-ssineγ ssine
Sans qu’il me connaisse Ni que je le connaisse ;
(ch. 140, v. 89 et 90) Ur tban ma d lfetna Ur tban lehna
Qui sait si nous sommes en guerre Et si c’est cela paix,
(ch. 142, v. 34 et 35) L’ajout de ara pouvant allonger le vers d’une syllabe si le verbe se termine par une voyelle (cette voyelle est élidée devant ara) ou de deux syllabes si le verbe se termine par une consonne (cette consonne peut être une radicale ou comme constituer l’indice de personne), à condition que la voyelle neutre [ə] ne vienne pas fausser les prévisions : si dans Si zik ur yelli lxuf degdeg-neγ ne on i i compte huit syllabes, on en compte neuf (le en exposant est élidé) dans Si zik ur yell ara lxuf degdeg-neγ ne ; si on compte cinq syllabes dans Ur tban lehna [u rət ban leh na], on en compte sept dans Ur tban ara lehna, et on n’en compte que six Nekk ur tt-ssineγ ssine ara, le vers diminué de ara en compte déjà cinq, la première voyelle de ara a écrasé le [ə] du verbe : [nək kur təs si nəγ] > [nək kur təs sin γa ra] Wa yecfa wa ur yecfa yecfa […]
[celui-ci se souvient celui-ci ne se souvient]
Wi ur necfi d wid iceffun
[qui ne se souvient avec ceux se souvenant] Qu’elle les a tous emportés ;
L’un se souvient, l’autre pas,
(ch. 157, v. 4 et 6) t
Ur dd- ewwim lexrif Ur tekkisem làif TernamTernam-d aγilif a ilif
[ne vous apportâtes l’automne] Vous n’ôtez la peine, Ajoutez des soucis
Vous n’avez le fruit,
(ch. 157, v. 28 et 29) Ur telli degdeg-wul Tirrugza yiwet
N’étant dans son cœur, La bravoure est une,
(ch. 157, v. 40 et 41) Ur yelli wusu Lehna ur dd-tettrusu
Vous n’aurez ni lit Ni la paix promise,
(ch. 157, v. 50 et 51) i
NeééefNeééef-itt ans akken Ur dd-iban yixfyixf-is […]
Nous tenons les choses Par le mauvais bout,
Nekwni ur daγda -êerren
Ils ne nous verront,
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(ch. 157, v. 98, 99, 105) Tleεbem Tle bem asaru Ideg ur nesε nes i amkan
Jouez une scène Que nous désertons ;
(ch. 157, v. 112 et 113) Comme le montrent les exemples ci-dessus, nous avons dans cette chanson, quatorze occurrences de cette négation simple (ur + SV), mais ce que ces exemples ne peuvent surtout pas montrer, c’est nous ne pouvons rencontrer dans ce poème aucune occurrence de négation à second élément (ara). Il apparaît fort soutenable que ce choix soit dicté par la contrainte métrique, plus que la contrainte rimique (ara eût figuré à la rime, et l’eût faussé donc, dans deux vers : 51 et 105). Dans un vers de cinq syllabes (l’isométrie caractérise l’ensemble du poème, à l’exception de la première — prélude — qui est un neuvain), on doit admettre que les possibilités de d’austérité et de suppression sont les bienvenues, la preuve en est la nécessité qu’une phrase syntaxiquement complète s’étale sur deux, trois vers, voire plus, comme le montre le passage suivant dans lequel il n’y a qu’un seul prédicat sur cinq vers et il est dans le cinquième vers ! A wid yestufan Yessenduyen aman I-yebγan yeb an lexrif Γas as mebγir meb ir lawan Ssenduyet aman
[ô ceux étant disponibles] [barattant l’eau] [qui voulant les figues] [même sans le moment] [barattez l’eau]
Vous êtes patients, Et brassant le vent, Vous rêvez du fruit Bien que hors saison, Remuez le vent,
(ch. 157, v. 22-26) Et ara dans cette perspective ne peut être que gênant, comme dans : TesseÑmeÑTesseÑmeÑ-iyi ur Ñelmeγ Ñelme
[tu m’as condamné je ne suis fautif]
Tu m’as condamné à tort
(ch. 63, v. 1) Ur êriγ liγ êri s ani ara γli li
[je ne sais vers où que je tomberais]
Je ne sais où je choirai
(ch. 67, v. 1) D wi ur nuklal ara dd-txaleÑ
[c’est qui ne mérite qu’elle fréquenterait]
C’est sur l’innocent quelle fond
(ch. 67, v. 16) Dans ce dernier exemple, on se gardera d’assimiler ara ara après nuklal au second élément de la négation : c’est le fameux support de détermination lorsque le verbe qui suit est à l’aoriste simple (relatif, amalgame du support de détermination ordinaire a(y) et de la modalité d’aoriste ad). Dans l’exemple suivant, deux facteurs, à notre avis, ont dicté la suppression de ara dans le vers 5 : le premier, le plus probable est le mètre car ce passage est le deuxième tercet du neuvain prélude de la chanson Amjahed « Le combattant », dont la formule métrique est 7-5-7/7-5-7/7-5-7 et ajouter ara augmenterait le vers de deux syllabes et en ferait un heptasyllabe ; le deuxième facteur, d’ordre ″phonotactique″, serait le moyen d’éviter une gémination de la syllabe ra dans la chaîne : [ur tet tu neb da ra ra] ra (ur tettunebdar ara). Am tid iεemren i emren tuddar Ur tettunebdar Teééef mmimmi-s segseg-ufus tettru
[elle ne se fait évoquer]
Telles toutes celles qui remplissent les villages Et dont on parle pas Elle donnait la main à son fils et pleurait
(ch. 68, v. 4-6)
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On pourra multiplier les exemples pour montrer que l’effacement du second élément de la négation, choix certes dicté par des contraintes inhérentes à la versification, est la tendance lourde dans l’œuvre de Aït Menguellet. On notera ur comme modalité négative : peut également jouer ce rôle mazal, qui est par ailleurs un mot-phrase (de l’arabe mā zāll(a) [ne a fini-(il)] (modalité négative mā mā + syntagme prédicatif zāl(a) z l(a) avec sujet à signifiant zéro) « il est encore »). Ailleurs, on dira mazal ur nefri ou urεad ur ad nefri, cette dernière possibilité étant totalement absente de l’œuvre de Aït Menguellet. On doit attirer l’attention sur le fonctionnement ambivalent qui caractérise ce mot-phrase de mazal. Il peut fonctionner tout à fait comme la modalité ur (+ ara), comme le montrent les exemples suivants. Neγ Ne mazal nefri
Ou continuerons-nous encore
(ch. 116, v. 63) Yak iêriiêri-w mazal yekkaw
Mes yeux ne sont pas encore séchés
(ch. 37, v. 13 Ar tura mazal ufiγ ufi
Jusqu’à maintenant je n’ai pas encore trouvé
(ch. 56, v. 29) Si mazal est rendu par ne … pas encore, il peut aussi fonctionner comme un simple adverbe, et est rendu dans ce cas par toujours, comme dans : Ma d kemmini akken i kemkem-ssneγ ssne I mazal yella wudemwudem-im
Mais toi, c’est comme je t’ai connue Que toujours est ton visage
(ch. 99, v. 31 et 32) On notera que dans toute l’œuvre, il n’y a qu’une seule occurrence de la phrase du vers 12 du distique suivant : Γef efef-wayen akkw i didi-txedmeÑ Ur mazal ara
Pour tout ce que tu m’as fait Je n’en peux plus
(ch. 28, v. 11 et 12) avec cette présence criarde de à la rime, tandis dans toutes les autres occurrences le tour ur mazal ara est inexistant, ara s’effaçant systématiquement sous la contrainte du mètre (heptasyllabe) : Ğğet eddi Ğğetet-aγ anan-nεeddi Ur mazal yidyid-wen tikli
Cédez-nous le passage, Maudite est votre compagnie.
(ch. 131, v. 31 et 32) Ad ruàeγ ruàe ad ğğe ğğeγ imawen de G ur mazal ad dd-crurqeγ crurqe
Je disparaîtrai des bouches Desquelles je ne jaillis plus ;
(ch. 134, v. 40 et 41) Γef ef teblaÑin ttγimi tt imiγ imi Ur mazal ad qqimeγ qqime
Sur vos dalles je m’asseyais Mais je ne m’assoirais plus,
(ch. 151, v. 79-80) même si on relève dans l’œuvre un exemple dans lequel mazal n’est qu’un adverbe qui renforce la négation, laquelle négation est déjà saturée et où le deuxième élément est là par contrainte : à la fois du mètre et de la rime :
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Mazal ur tt-tefhim ara ara
[pas-encore ne le-vous avez compris pas] Vous ne l’avez pas encore compris
(ch. 100, v. 37)
2. Le prétérit négatif Il existe en berbère une forme verbale dite prétérit négatif. Cette forme, censée s’opposer au prétérit simple, est cependant tributaire de la présence de la modalité négative (particule de négation ur). ur En effet, si l’on met à part les cas particuliers et rares où elle est conditionnée par la présence d’un subordonnant causal de non-réel (équivalent de si suivi du verbe à l’imparfait), comme dans les exemples suivants : Lemmer zmireγ zmire ad amam-hedÂeγ hedÂe
Si je pouvais te parler (ou : Si je pouvais, je te parlerais)
(ch. 38, v. 13) Lemmer zmireγ zmire ad asas-kellxeγ kellxe
Si je pouvais me jouer d’elle (ou : Si je pouvais, je me jouerais d’elle)
(ch. 82, v. 21) Cette forme, pour figurer dans un énoncé, nécessite la présence de la modalité négative, seule marque pertinente. On voit bien que dans un cas comme dans l’autre (particule négative ou subordonnant causal de non-réel) le contenu de la phrase est niée, et il se pourrait que dans un état ancien de la langue cette forme verbale eût une certaine autonomie qu’elle signifiât l’idée procès virtuel. Quoi qu’il en soit, cette forme, non seulement elle est arrivée à un stade de ″morphologisation″ avancé, mais en plus elle tend à disparaître. Dans les verbes qui opposent les deux formes, le prétérit négatif, qui se distingue du prétérit simple par l’apparition d’un i à la place du a final ou à la place du e [ə] préfinal du verbe, comme : yecfa « il se souvint » ur yecfi « il ne se souvint » yezmer « il peut » ur yezmir « il ne peut ». Les exemples qui suivent ont un intérêt double : d’abord nous prouver si besoin est que le prétérit négatif est une pure forme, dès le moment où elle en concurrence avec la forme simple, l’idée de négation étant exprimée par la modalité négative (modalité du prédicat de l’énoncé) ; ensuite nous montrer si le choix de telle ou telle forme est libre ou dicté par une contrainte. Nous pensons que dans l’exemple ci-dessous le choix du PN est dicté par la nécessité d’un contraste avec la forme de l’AI, l’opposition, très peu audible à cause de la tension peu perceptible sur [h] et la mobilité du [ə] donnant [ur tt-tefhem tefhemm ara] vs [ur tt-tfehhem tfehhemm ara] : Mazal ur tt-tefhimem ara
Vous ne l’avez pas encore compris
(ch. 100, v. 37) Tandis que dans l’exemple suivant (ch. 124, v. 27) le choix du PN est fortuit, dans celui d’après (ch. 116, v. 15) il est dicté par la rime : Si zik ur yelli lxuf degdeg-neγ ne
Nous n’avons jamais connu la peur,
Aéas ur necfi I wayen ittεeddin itt eddin
Et nous avons la mémoire courte Devant se qui se passe.
(ch. 124, v. 27) (ch. 116, v. 15 et 16) Dans ce dernier exemple, en plus de la question du prétérit négatif, on enregistre un autre problème : celui du participe négatif, qui est encore une autre forme dépendante (le participe est
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un déterminant). En effet, Aéas ur necfi peut être traduit par « De tout temps nous ne nous souvenons pas » ou par « Beaucoup ne se souviennent pas » car dans le syntagme necfi, formé de l’indice n–, de la racine lexicale CF [∫f] et du morphème de prétérit négatif –i (vieux schème verbal négatif, redondance de ur « ne » kabyle / « ne … pas » berbère, qui tend à disparaître), véritable modalité de l’énoncé, l’indice n– (à ne pas confondre avec –n, indice de 3PM (troisième personne pluriel masculin) peut être celui de participe (négatif, invariable en kabyle) comme il peut être celui de 1P (première personne du pluriel, et aucun élément de contexte ne permet de lever l’ambiguïté. Comme on le voit très bien, le centre du problème n’est pas la valeur du prétérit négatif mais l’identité formelle, source d’ambiguïté, entre le morphème de 1P et celui du participe négatif. Dans les exemples suivants, opportunités pour son apparition, le PN est supplanté par le Pr. Dans cette première série, le choix du Pr est dicté par la rime : Yettwali mebεid meb id ur yeêra
Regardant loin il ne vit
(ch. 131, v. 13) Γa as ma yettnadi ur yufa
Il chercherait en vain !
(ch. 130, v. 70) i
Γas as tettcekt ur dasdas-d-slan
Qui n’entendent plus sa complainte,
(ch. 120, v. 3 Neγ Ne mazal nefri
Ou continuerons-nous encore
(ch. 116, v. 63) Dans la deuxième série que constituent les exemples ci-dessous, le choix du Pr n’est dicté ni par le mètre ni par la rime ; peut-être par autre chose : L’alternance des voyelles i et a dans l’exemple (ch. 120, v. 12) : iCa CiCaC ? Dans le cas de l’exemple (ch. 111, v. 14), étant donné que le poète aurait pu dire : Ur ksin ksin… (PN) à la place de Ur ksan… ksan… On voit bien dans ce vers que l’emploi du prétérit et non pas du prétérit négatif est un choix qui n’est dicté par aucune contrainte, ni métrique ni rimique ni phonotactique : il constitue le choix stylistique par excellence. Yiwen ur dasendasen-iga tilas
Et nul ne les a un jour inquiétés.
(ch. 120, v. 12)
Ur ksan ur dalen d-uγalen
[ils ne purent (?) ils ne revinrent] Ils ne paissent ni ne rentrent
(ch. 111, v. 14) TesseÑmeÑTesseÑmeÑ-iyi ur Ñelmeγ Ñelme
[tu m’as condamné je ne suis fautif]
Tu m’as condamné à tort
(ch. 63, v. 1) Ces deux derniers exemples contiennent chacun respectivement un Pr et un PN, tous les deux dictés par la nécessité de la rime : NettadderNettadder-ikwenen-id ur neêra Ma telham telham neγ ne ur telhim
Nous vous évoquons sans savoir Si vous êtes bons ou non ;
(ch. 144, v. 59 et 60)
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Dicté par la rime et le contraste, sinon on aurait eu Ma telham neγ ne ur telham, etc. Wa yecfa wa ur yecfa Tezdukel làemla Wi ur necfi d wid iceffun
L’un se souvient, l’autre pas, Mais la crue est telle Qu’elle les a tous emportés ;
(ch. 157, v. 4-6) On peut multiplier à l’infini les exemples dans lesquels la phrase négative se réalise dans l’œuvre de Lounis Aït Menguellet avec la seule modalité négative ur — rejoignant ainsi un état ancien de la langue, état que conservent les grands dialectes comme le touareg, le chleuh et le mozabite —, comme on peut y multiplier les occurrences du Pr supplantant ainsi le PN, au gré des contraintes inhérentes à la versification — suivant en cela l’évolution de la langue kabyle. Ce résultat nous montre que notre poète, s’il est peut-être archaïsant quant à la négation, il s’inscrit dans le mouvement d’évolution de la langue quant à la tendance du PN à disparaître. Ces deux tendances contradictoires, archaïsante et modernisante à la fois, sont fonction des contraintes inhérentes à la versification.
V. — BROUILLAGE DES INSTANCES D’ENONCIATION Dans beaucoup de cas de contradictions dans l’emploi des personnes, des passages qu’on pourrait qualifier de ‘‘polyphoniques’’. Dans certains cas, ces ‘‘polyphonies’’ peuvent gêner la compréhension du texte.
1. Coexistence du je et du nous Fromlihague et Sancier-Château (1999 : 123) parlent de brouillage des voix ou brouillage narrateur-personnage, qui fait que « le dispositif énonciatif est perturbé, [où] il devient impossible de savoir qui parle [et où] c’est peut-être le je de l’énonciation qui laisse parler son émotion. » Faisons néanmoins la distinction entre le brouillage dont parlent ces auteurs et les situations que nous décrivons. Dans les textes que décrivent Fromilhague et Sancier-Château, le « je », quelle qu’en soit la valeur, conserve son signifiant je, tandis que dans notre cas il s’agit de deux signifiants différents, le je et le nous auxquels il faudrait accorder la même valeur axiologique mais probablement pas la même signification anthropologique : en utilisant la forme nous, le poète, puisant l’oralité, se désigne mais exprime aussi le désir de fusion dans le groupe. A propos de l’instance la plus représentative de la poésie lyrique, Fromilhague et Sancier-Château (1996 : 16-17) nous disent que « le je lyrique n’est ni une instance fictionnelle ni une instance autobiographique mais une construction qui résulte d’une « expérience » personnelle transformée en acte essentiel […] Si la poésie a pu être décrite comme « sorcellerie évocatrice », c’est parce qu’elle est leitmotiv, c'est-àdire discours de l’écrivain-poète assumé par lui-même, non point condamné à l’éphémère, comme le sont les paroles humaines, mais voué à l’immortel parce que toujours re-clamé […] De façon plus générale, dans la poésie lyrique, le scripteur construit un je, « image poétisée » de lui-même,
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aussi distincte du moi de l’auteur que le tu des apostrophes en poésie l’est de n’importe quel allocutaire identifiable. Le discours lyrique est nécessairement un discours figuré et un discours dialogique. »
Nous verrons ce qui suit que ces instances coexistent parfois là où elles sont normalement incompatibles, comme dans les exemples suivants : Medden akkw a tenuγ deffir ten-sεu nebγa a tLmeqsud neb t-nelàeq
J’aurai tout le monde derrière moi Tout ce que nous désirerons nous l’atteindrons
(ch. 98, v. 35 et 36) (traduction de T. Yacine, p. 229) Ici encore, et la traduction le montre bien, il y a entre les deux vers un changement de ″personne″. Ce changement de personne, ou c’est un véritable changement d’instance d’énonciation, le locuteur, le fils qui s’adresse au père, utilise la personne 1S dans un premier temps pour parler de lui-même et la personne 1P dans un second temps pour parler de l’ensemble de ses partisans (lui compris) : dans ce cas, la traduction est adéquate. Mais il se pourrait que, comme dans les vers 61 et 62 de la chanson 122, ce changement soit purement formel et qu’il n’y soit question que d’emphase, une sorte de ″nounoiement″ de prestige ou de dilution : dans ce second cas, la traduction est inadéquate, ne serait-ce qu’en se reportant à la traduction de Mammeri (1980 : 78-79), que nous avons reproduite et adopte le singulier dans l’ensemble du propos, comme le fait aussi T. Yacine dans la traduction du vers 5 de la chanson 17 ci-dessous (nous avons rétabli l’ordre des propositions conformément au texte kabyle) : A tin dd-ittεeddin itt eddin neàreq Awal ur diyi-d-yettali Ugadeγ Ugade a dd-yali lmenéeq A dd-yeγli ye li wedrar fellfell-i
[ô celle passant nous brûlâmes]
Quand tu passes tu m’embrases
[parole ne monte en moi]
Et me rends muet
[je crains il monterait en moi la voix]
Je crains qu’en élevant la voix
[il tomberait une montagne sur moi]
Je fasse s’effondrer les montagnes
(ch. 17, v. 5-8, traduction de T. Yacine, p. 129) Tout comme dans le distique suivant : Tamacint yesyes-i teqlaε Γer er Pari nmenna
[la machine (le train) avec-moi elle démarra] Le train que je pris s’ébranla [vers Paris nous espérâmes]
A destination de Paris,
(ch. 122, v. 61 et 62) dans lequel le pluriel est une sorte de ‘‘nounoiement’’ qui peut dénoter un désir de fusion ou de dilution dans le groupe ou connoter un certain prestige : nous pensons, par exemple, à l’emploi du nous dans le Coran pour exprimer l’instance Dieu. Dans le vers 61, le sujet est au singulier tandis qu’au vers suivant il est au pluriel. Le nous de ″fusion″ est omniprésent dans la poésie ancienne (Mammeri, 1980 : 78-79) : DdurDdur-a nedda d tteğğar Irêa--ya yaγ le leεnaya Irêa naya Ben Éli
Cette semaine j’ai accompagné des marchands
Ma nsersnsers-as nugad lεar l ar nerfed--itt bezzaf umri Ma nerfed
L’admettre c’est encourir l’opprobre
Leεnaya Le naya d adrar n nnar deg--s i yettili Lεezz ezz deg
Ben Ali a brisé mon anaya Le reliever c’est s’exposer à trop d’épreuves L’anaya est un volcan Mais en elle gît l’honneur.
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On pourrait parler, à la suite de Fromilhague et Sancier-Chateau (1999 : 196), du nous qui fait partie intégrante des formes généralisantes.
2. Coexistence du tu et du vous Ainsi dans les vers 16 et 17 du passage suivant, dans lequel le poète emploie le pluriel (personne 2PM), tandis qu’il emploie le singulier (personne 2S) dans les vers 19 et 20. Mi ara dd-tekkrem A dd-tsefÑem Yakkw imeééi nn-wasswass-a Freà yesyes-sen TedεuÑ Ted uÑuÑ-asen Ad ssiwÑen
Quand vous vous serez levés, Quand vous aurez séché Toutes vos larmes, Alors, sois fiers d’eux Et souhaite-leur De parvenir
(ch. 119, v. 16-21)
3. Les autres cas de coexistence d’instances exclusives On mesure la complexité des ‘‘polyphonies’’ dans l’exemple de la strophe suivante, de la chanson Tameγra « La fête », dans lequel le poète faire montre d’un jeu énonciatif jamais observé jusque-là dans la poésie kabyle, ni peut-être ailleurs. Du premier au quatrième vers, le poète parle du ‘‘héros’’, donc à la troisième personne ; dans le cinquième et le neuvième vers, il s’adresse à un groupe et utilise ainsi la deuxième personne du pluriel ainsi qu’il leur parle du héros (personne 3S) ; concomitamment, aux septième et huitième vers, ainsi qu’aux treizième, quatorzième et quinzième vers, il s’adresse au héros ; ailleurs, par exemple dans les dixième, onzième, douzième vers, il parle dudit héros à la troisième personne : Babaas yeqber wulBaba-s γas wul-is er daxel Yerra γer yemma--s tejreà allen allen--is Ma d yemma Γas as tezzwer tezzwer leεqel le qel a heggit--tt I lfetn aaεwin win heggit
Son père, le cœur oppressé, Cache mal sa tristesse, Sa mère chérie pleure Malgré sa sagesse ; Préparez le viatique :
Rråas d lbarud Err abeckiÑ γef ef tayett
Du plomb et de la poudre ;
Sqeεεed Sqe ed afud Rret--as tasrijt akkw d rrkab Rret
Tu te mettras d’aplomb ;
I uεudiw u udiwudiw-is Γer er deffir ur dd-ineqlab
A son cheval,
a
Yeêr abridabrid-is k--id id--sawalen leàbab La k La kk-ttrağ ttrağun yettrusun Ssali zznad yettrus un
Fusil en bandoulière, Mettez selle et étriers Ne regardant derrière lui, Il connaît son chemin ; Tes camarades t’appellent, Las de t’attendre ;
(ch. 132, v. 25-39)
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La situation est analogue mais moins complexe dans la mesure où il n’y a que deux personnages, dans le passage ci-dessous (même chanson). Dans le premier et le second vers, le poète parlent des parents et s’adresse à quelqu’un d’autre que le héros ; il enchaîne à partir du troisième vers (jusqu’au dernier) en s’adressant cette fois-ci au héros : LwaldinLwaldin-is i tt-yurğ yurğan AssAss-enn i dd-lulen TirrugzaTirrugza-k wid i dd-yusan FellFell-as àekkun TserseÑ zznad yettfukun A bu leεyun le yun
Ses père et mère, qui l’attendent, Tous deux renaissent ; Ta dignité est contée Par ceux qui viennent de partout ; Desserre la détente, Beaux sourcils !
(ch. 132, v. 55-60) Dans la strophe suivante, la dernière de la chanson Amedyaz « Le poète », on relève cette ‘‘polyphonie’’. C’est, à vrai dire, une contradiction de l’énonciation elle-même. Tout se passe comme si l’auteur, tournoyant à la manière d’un orateur assis sur un siège tournant, s’adressait à tour de rôle à plus d’un auditeur, à deux instances : ici il s’adresse d’abord, dans le premier et le second vers à « ceux qui nous gouvernent » (la personne 2PM au second vers en fait foi), puis à partir du troisième jusqu’à la fin de la strophe, il s’adresse à quelqu’un d’autre pour lui parler des premiers (à la personne 3PM) : A wid γ--iàekmen Yyaw ad tezhum yidyid-neγ ne Bezzaf i εetben etben I la xeddmen fellfell-aneγ ane AssAss-agi ad feràen A tttt-idid-leεben le ben gargar-aneγ ane
Vous, nos gouvernants, Amusez-vous avec nous. Ils se donnent beaucoup de peine Parce qu’ils travaillent pour nous, Qu’ils soient aujourd’hui, Qu’ils chantent et dansent parmi nous.
(ch. 142, v. 91-96) C’est exactement ce qui se passe dans la strophe suivante, dernière de la première partie de la chanson Aseggwas « L’ ‘‘heureuse’’ année » : dans le premier et le second vers, le poète (le narrateur) interpelle « ceux qui ont entendu et (qui) notent sur registre » et jusque-là il est normal de ne pas avoir d’indications morphosyntaxiques car le premier segment de l’apostrophe en kabyle est constitué du pronom démonstratif et du participe. En revanche, on attend ces indications dans le second segment, qui porte le prédicat ; on attend plus dans ce segment : la deuxième personne dans le SPV. Et ici, au lieu de la 2PM, on a la 3PM : A widak yeslan Di lkaγeÑ lka eÑ srusun NesteqsaNesteqsa-ten kan Acimi ttarun NnanNnan-d i lukan Wigad la yettrun AssAss-a yakkw cfan Azekka ad ttun
Vous qui entendez, Qui enregistrez, Nous vous demandons A quoi sert d’écrire ; Au cas où, dites-vous, Ceux qui se lamentent Et aujourd’hui savent Demain oublieraient.
(ch. 144, v. 25-32)
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Dans le vers 25, le poète, comme le montrent l’interpellatif a en début de vers et la traduction, interpelle directement ceux qui ont entendu. Dans le reste des vers il parle d’eux mais la traduction ne l’a pas suivi dans ses pérégrinations : elle a maintenu la personne 2PM jusqu’au vers 29, car à partir du vers 30 entrent en jeu d’autres personnages. Dans la chanson Txerreq targit « Le cauchemar » (ch. 65), l’auteur utilise la deuxième personne (singulier) du premier au troisième vers mais la troisième personne (singulier féminin) à partir du quatrième vers : d’abord, comme en témoigne la traduction, le personnage s’adresse à celle qui l’a floué pour ensuite parler d’elle : TerriÑTerriÑ-iyi azrem d ccac Ma d tiγirdemt ti irdemt d amessak TerriÑ udemudem-iw yestewàac Lhemm i wayeÑ a tt-ittak TewwiTewwi-d iàder ukermus TexdemTexdem-iyiiyi-d tarkasin Almi tefka degdeg-i afus Temdel kra n tewwurt tewwurt illin
Le serpent, tu en as fait un turban, Le scorpion, une épingle ; Tu as rendu effrayant mon visage Témoin de mes tourments ; A l’aide d’une feuille de cactus, Elle m’a fait des souliers ; Quand elle eut fini de me perdre, Elle referma toutes les portes.
Mennaγ Menna a ss-reÑleγ reÑle yiwyiw-wass RruàRruà-iw akken a tt-twali Ad têer ieddan felli-yεeddan fell-as Lemàayen i deg ii-yettili TeàreqTeàreq-iyi di lğerralğerra-s Di çåeàra mebla tili
Ah ! Pouvoir lui prêter un jour Mon âme pour qu’elle voie, Qu’elle voie ce qu’elle a subi, Les peines qu’elles endurées Elle m’a brûlé sur ces traces Dans un désert sans ombre.
(ch. 65, v. 29-42) Le même phénomène d’incursion d’une autre personne est repérable dans la deuxième strophe de la chanson Akka i das das--yehwa « Ainsi en a voulu … » : Yak iêriiêri-w mazal yekkaw fell--am Seg yimeééawen ii--yru fell ε
IkkerIkker-i-d ccre di tferkatferka-w çebreγ a medden twalam çebre
Mes yeux ne sont pas secs encore Des larmes qu’ils ont verses pour toi On me conteste mon propre bien Et je l’ai supporté, vous l’avez bien vu
Attan rêaget làalalàala-w Ur tettwaktab s leqlam lmeàna--w Izad ssemm di lmeàna
Au-delà de toute expression
Ttkukruγ Ttkukru a dd-yeγli ye li éélam
Je crains de voir arriver la nuit
Amer est mon état Le venin de mes peines s’est accru
(ch. 37, v. 13-16) Dans cette strophe, dans le vers 14 le mal-aimé s’adresse à celle d’avec qui il s’est séparé, et dans le vers 16 il s’adresse aux gens (medden). Tout se passe comme si ces apostrophes étaient de simples parenthèses, le mal-aimé, dans sa quête pour la consolation, gesticule, s’agite dans tous les sens, se tourne vers tous ceux qui sont susceptibles d’entendre sa complainte (dans la dernière strophe (vers 21-28), il s’adresse à Dieu ! Nous avons donc ici l’usage de deux instances normalement exclusives et qu’a peut-être réunies la nécessité de la rime (fell-am « sur toi »/
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twalam
« vous avez vu ») : celle reflétée par la personne 2SF au second vers et celle reflétée par la personne 2PM au quatrième vers.
4. Intrusion du narrateur Dans la deuxième et la quatrième strophes du poème A mmi « Mon fils » (ch. 98), on remarque dans les vers 5 et 13 l’incursion du narrateur, comme s’il s’était mis momentanément dans la peau du père pour introduire les propos du fils : Baba-s :
Le père :
A mmi leqraya leqraya tekfiÑ k--id id--tessufe tessufeγ D acu γer er i k
Fils, tu as fini tes études, A quoi t’ont-elles mené ?
Ayen akkw i tεettbeÑ t ettbeÑ teγriÑ te riÑ Mel--iyi iyi--d ad akMel ak-feràeγ feràe
Dis-moi, que je m’en réjouisse !
Mmi-s :
Le fils :
Yennaa-d A baba xtareγ xtare Yenn
Il dit : ô père j’ai choisi,
AbridAbrid-iw ibaniban-iyi Usiγ--d ar γur ur--k a k k--ciwre ciwreγ Usi ur
Ma voie est toute tracée ; Je viens te demander conseil,
EfkiwenEfk-d rrayrray-ik εiwen iwen-iyi
De tes avis aide-moi.
Et tu ce que tu as peiné,
Baba-s : A mmi babababa-k tezgeltezgel-it TeêriÑ riγ ara Teêri Ñ ur γri ri
Fils, ton père est dépassé, Tu sais que je n’ai pas fait d’études ;
Nekk lakullakul-iw d ddunit zmireγ ara Leqlam ur ss--zmire
Je ne sais manier la plume.
Mmi-s :
Le fils :
Yenna--yi yi--d Mačči s leqlam Yenna
Il me dit : ce n’est pas avec la plume
I kiwneÑ k-nniγ nni ad ii-tεiwneÑ
Que jet e demande de m’aider.
Mon école, c’est la vie,
(ch. 98, v. 1-4, 5-8, 9-12, 13 et 14) Mais il arrive que dans un gala Lounis Aït Menguellet interprète cette chanson avec son fils Djaffar ; le fils transforme alors ces vers (5 et 13), qui deviennent : Nniγni -ak : A baba xtareγ xtare A baba, Mačči s leqlam
[je te dis :ô père, j’ai choisi] [ô père, ce n’est pas avec la plume]
S’agissant des marques qui montrent l’intrusion du narrateur dans son récit, on peut se reporter à l’exemple étudié par Fromilhague et Sancier-Chateau (1996 : 233) ; Enfin, dans l’exemple suivant, qui vient tout droit de l’oralité, on relève le détachement de l’énoncé de l’énonciation, dont la traduction a tenu compte. De toute évidence, ce dernier exemple n’est pas un cas de polyphonie : RnutRnut-as : Wissen ! Meqqar ad argun
Ajoutez : Peut-être ! Et ils rêveront.
(ch. 157, v. 108 et 109)
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CHAPITRE II : VERSIFICATION I. — GENERALITES 1. Présentation succincte de la poésie kabyle La poésie kabyle, essentiellement orale, est une poésie en vers, et les poètes kabyles paraissant affectionner les formes courtes, elle est caractérisée par des vers et des strophes courts. A l’exception des longs poèmes hagiographiques, dits tiqsidin, — eux-mêmes constitués de sizains juxtaposés — le poème kabyle ne dépasse que très rarement neuf vers, et les deux formes les plus représentatives sont le sizain et le neuvain. Quant au vers, sauf psittacisme erroné ou poésie savante et innovante, celui-ci est impair et la tendance est à l’heptasyllabe, le vers d’or cher à Mammeri (cf. bibliographie), le nombre sept est omniprésent dans la symbolique kabyle griot. Et si dans le sizain, au plan de la disposition, on a souvent affaire à la rime croisée — la rime embrassée n’est pas représentée dans la poésie traditionnelle — dans le neuvain la disposition de la rime n’existe pas ailleurs qu’en poésie kabyle. Le neuvain kabyle, strophe à deux rimes, est composé de trois ‘‘tercets’’ formellement identiques. Tandis que le sizain est un poème isométrique le neuvain est composé d’heptasyllabes et de pentasyllabes ; pour résumer, voici leurs schémas respectifs : a) Sizain : 7a 7b 7a 7b 7a 7b (ou 7a 7b 7c 7b 7d 7b) ; b) Neuvain : 7a 5a 7b 7a 5a 7b 7a 5a 7b. Ceci pour l’aspect versification. S’agissant des autres caractéristiques de la poésie kabyle, le terrain n’étant pas même défriché (cf. Chaker), tout reste à faire dans son domaine.
2. L’œuvre de Lounis Aït Menguellet en quelques mots La discographie et l’index des chansons mis à jour en janvier 2005, on dénombre dans l’œuvre 27 albums et 158 chansons. De 1967 — il a écrit sa première chanson en 1966, à l’âge de 16 ans — à 1975, les textes des chansons de Aït Menguellet ne dépassaient que très rarement cinq strophes (dont le refrain) de six à douze vers. C’est en revanche en 1976 que le poète inaugurera l’ère des chansons longues (de plus de 100 vers) et c’est à partir de cette date que la quasi-totalité des albums comprennent au moins une chanson longue. Le dernier [Yenna Yenna--d umγar] comprend une chanson (Asendu n waman « Brassez du vent ! ») compte 119 vers et déjà, sortie en 1985, la chanson A mmi « Mon fils » en compte 223. On vient de voir que dans la poésie kabyle ancienne les formes se réduisent aux deux formes les plus représentatives — le sizain et le neuvain d’une part, le pentasyllabe et l’octosyllabe, la rime croisée et la rime ‘‘semi-embrassée’’ de l’autre. Or, Lounis Aït Menguellet, en puisant en permanence dans ce registre traditionnel, a toujours innové, au plan de la versification comme au plan rhétorique. Son œuvre s’étalant sur une période de près de 40 ans (de 1967 à 2005), Aït Menguellet commence dès le début des années 70, à bouleverser l’ ‘‘ordre établi’’. En plus de l’option chanson longue, il commence à transgresser les règles de versification kabyle. Dans Γef Tel--yyam « Trois jours » (1975) yisem--im « En ton nom », on a déjà un vers de neuf syllabes, dans Tel yisem
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et dans Yerna yiwen wass « Et s’ajoute un jour » (2005) la disposition de la rime est encore originale : abc abc abc (4a 4b 7c …). Dans A mmi mmi--s Umaziγ « Fils de Berbère » (1996), le mètre est un alexandrin. Tandis que dans Ini-asen « Dis-leur » (2000) on a affaire à une sorte de sonnet (quatorze vers), Asendu n waman « Brassez du vent » (2005) est composée de cinq strophes (hors refrain) de vingt-deux vers chacune. A côté d’autres dispositions nouvelles des rimes, on relève dans Aεsekriw « Le soldat des rimes embrassées (chiasme abba).
3. Vers et versification On trouve une définition détaillée du terme de vers dans Michèle Aquien et Georges Molinié1 : vers, qui vient du latin versus dont le sens s’est stabilisé à « vers », après avoir désigné successivement « fait de retourner la charrue au bout du sillon », puis « sillon », puis de façon métaphorique « ligne d’écriture », s’oppose par son étymologie à la prose (du latin prorsum), qui, elle, va tout droit2. Selon Gérard Dessons3, si l’on excepte le vers métrique, il n’y a pas de définition satisfaisante du vers et celui-ci semble coïncider avec la ligne typographique pour la poésie écrite. Doit-on en conclure que dans la poésie orale le vers ne peut être que métrique ? S’agissant de l’œuvre de Aït Menguellet, bien que l’auteur soutienne (cf. entretien) que ses poésies sont d’abord écrites avant d’être mises en musique et chantées, il est difficile de ne pas parler de poésie orale. D’une part, notre poète n’a jamais publié de poésie écrite et de l’autre, quand bien même il l’aurait écrite, elle conserverait les caractères de l’oralité. Sans doute ‘‘couche’’-t-il sur du papier ses poèmes pour ne pas les oublier avant d’enregistrer ses chansons, cela ne signifie pas qu’il s’agisse là d’une poésie écrite dans une langue à orthographe réglée et d’une versification dont les règles soient précises. On se rend compte du caractère oral de cette poésie quand on se met à la transcrire (mobilité du e muet, hiatus aléatoire, etc.) Quant au terme de versification, on en trouve une définition détaillée chez J. Molino et J. GardesTamine4 : « La versification est l’étude de tous les types de structuration du vers, qu’il s’agisse de la structure interne ou de l’arrangement des vers entre eux, qu’il s’agisse des mesures fixes et conventionnelles qui définissent chaque type de vers, comme les deux hémistiches de l’alexandrin, ou des groupements syntaxiques et rythmiques isolés par des coupes. La versification comprend donc la prosodie (étude des caractéristiques phoniques des unités non segmentales, durée, accent, ton…), la métrique (système de mesures fixes qui définissent l’organisation interne du vers), le rythme
1
AQUIEN M. et MOLINIE G., Dictionnaire de rhétorique et de poétique, La Pochothèque, Librairie Générale Française, 1999, p. 723.
2
Ces deux catégories, vers et prose, qui n’ont pas de nom dans la langue berbère traditionnelle, ont reçu les noms respectifs de afir et tasrit, le premier étant une adaptation par extension du masculin de touareg tafirt (t—t = féminin) « mot »/« parole », tandis que le second est un dérivé de sred « être droit »/« ê. allongé » ; on voit clairement que si le premier est resté dans la langue (de « mot » à « vers ») le second a été calqué sur le modèle latin.
3
Introduction à l’analyse du poème, Paris, Bordas, 1991, p. 81 et suiv.
4
MOLINO J. et GARDES-TAMINE J., Introduction à l’analyse de la poésie, I-Vers et figures, Paris, PUF, 1982 (1987), p. 26.
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(toute configuration libre et répétitive) et l’étude de la combinaison des vers en strophes et en formes fixes. »
Au-delà de ce qu’il est communément admis d’appeler forme fixe, qu’il s’agisse de strophe ou de poème, la poésie kabyle, tel qu’il apparaît dans les pièces jusque-là recueillies et dans les quelques travaux qui lui ont été consacrés (cf. Mammeri, ), est caractérisée par des traits propres ; il semblerait, en effet, qu’ailleurs dans le vaste domaine berbère les données en soient autres : dans le domaine marocain, chleuh notamment, on a affaire au vers de douze syllabes et à autre chose que la rime, et en Algérie, dans les Aurès, au moins dans les pièces connues de nous, on a affaire à l’hexasyllabe avec des rimes plates ou suivies ; on a donc dans la plupart des cas un vers pair. Et la Kabylie semble faire bande à part, qui a érigé en règle le vers court et impair avec des rimes croisées — on est en tout cas très loin des longs poèmes arabes de l’époque antéislamique, dans lesquels le vers est composé de deux hémistiches de quatorze syllabes chacun. En tout état de cause, comme nous le disent M. Aquien et G. Molinié (1999 : 599), « on retrouve la [notion de nombre] dans tous les domaines de la versification : elle à la base même du rythme, et de tout ce qui nous attache par le sens au signifiant. « Grâce au nombre, écrit Claudel dans Positions et propositions (Gallimard), le sens parvient à l’intelligence par l’oreille avec une plénitude délicieuse qui satisfait à la fois l’âme et le corps. »
C’est cette notion de rythme, intériorisée de façon spontanée et surprenante par les locuteurs dans l’apprentissage et la création en poésie, qu’on retrouve dans les différentes activités dans la vie des êtres (le rythme du cœur, le rythme des saisons et du jour et de la nuit, le rythme de certains travaux qu’accompagnent le chant) (cf. E. Benveniste) qui est à la base de la cadence, de la mesure et du mètre infaillible. Selon Mouloud Mammeri (1991 : 84), la « prosodie » kabyle est actuellement fondée sur deux éléments : le nombre de syllabes et la rime (ou éventuellement l’assonance). Il poursuit (p. 84) : « Le vers ‘‘d’or’’, celui qui sert de base à toute réalisation poétique, et pratiquement indispensable dans toutes les formes, est l’heptasyllabe. »
Nous ajouterons que l’heptasyllabe est le vers kabyle par excellence. En effet, si Aït Menguellet produisait déjà dès le début des années 1970, au tout début de sa carrière de chanteur, un vers de 9 syllabes (Úef yisemyisem-im « En ton nom », ch. 17, v. 13 à 34), l’écrasante majorité de ses vers sont des heptasyllabes, à un point tel que même dans les poèmes où il innove au plan métrique l’heptasyllabe est présent (cf. la même chanson, ch. 17, v. 1 à 12). Tandis que dans la poésie française, selon Gardes-Tamine (2002 : 122), les principaux mètres sont l’alexandrin, le décasyllabe (dix syllabes) et l’octosyllabe (huit syllabes), tous des vers pairs, dans la poésie kabyle la tendance lourde est au vers impair, en l’occurrence l’heptasyllabe.
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II. — LE METRE Le mètre est la mesure donnée par le nombre de syllabes d’un vers, et dans ce cas c’est le « type de vers ». Mais qu’est-ce donc que le vers ? J. Molino et J. Gardes-Tamine5 y font succinctement allusion, s’agissant de la versification classique et néo-classique : « [les] vers se distinguent de la prose en ce qu’ils respectent un certain nombre de contraintes qui constituent les règles de versification […] »
Selon ces auteurs, un raisonnement simple donnerait que la poésie est une construction du langage, qu’elle se matérialise dans une forme concrète : que le poème est un ouvrage en vers, que le vers, constituant minimal d’une forme fixe (poème ou strophe), est une combinaison ‘‘heureuse’’ du linguistique et du non linguistique. Les mêmes auteurs, qui font remarquer que leur éclectisme ne signifie pas absence de perspectives théoriques, définissent la poésie (p. 8) comme « […] l’application d’une organisation métrico-rythmique sur l’organisation linguistique. »
Le mètre dans la poésie kabyle ancienne, à l’instar de l’haïku japonais6, est « pur » et de type syllabique (il n’est ni quantitatif ni accentuel). Dans cette poésie, les poèmes ou les strophes d’un poème peuvent être isométriques ou hétérométriques : dans les pièces les plus représentatives, on a le plus souvent affaire à l’isométrie dans le sizain, dans lequel les vers sont des heptasyllabes, et à l’hétérométrie dans le neuvain organisé en trois tercets composés chacun d’un pentasyllabe précédé et suivi d’un heptasyllabe. Il y a isométrie quand tous les vers d’un poème ou d’une strophe sont caractérisés par le même mètre. Il y a en revanche hétérométrie quand les vers sont caractérisés par des mètres différents. Sauf quelques exceptions problématiques, comme les chansons Nekwni s warrac n Lezzayer « Nous les enfants d’Algérie » et Qim deg yirebbi rebbi--w « Mets-toi dans mon giron » dans lesquels il n’y a pas d’indice clair qui montre la fin du vers, et quelques fois la coprésence aléatoire de l’octosyllabe et de l’heptasyllabe, comme on le verra ci-dessous, dans la poésie de Lounis Aït Menguellet la régularité est un critère constant, tant par rapport aux formes traditionnelles que quand il dépasse ces formes pour innover.
1. Les formes traditionnelles Dans la poésie kabyle ancienne le mètre est impair et les deux vers les plus fréquents sont l’heptasyllabe et le pentasyllabe, avec une nette prédominance du premier. Rarissimes sont les cas de vers plus courts que le pentasyllabe dans cette poésie. Sur ce plan, Lounis Aït Menguellet opère dans sa poésie une véritable révolution : même si on retrouve dans son œuvre les formes traditionnelles du mètre, celle-ci compte une part non négligeable d’innovation. Les ces verts
5
Introduction à l’analyse de la poésie, I – Vers et figures, Paris, PUF, édition corrigée 1992, p. 23.
6
J. Molino et J. Gardes-Tamine, op. cit., p. 27.
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courts, le tétrasyllabe et le trisyllabe, sont toujours en hétérométrie, et fonctionnent comme des contrepoints (Aquien et Molinié, 1999 : 718)
2.1.1. Le trisyllabe Dans l’œuvre de Lounis, le trisyllabe, rarissime, est toujours en hétérométrie, comme dans la chanson suivante, tel un vers orphelin, il joue le rôle de contrepoint et clôt chaque strophe, comme dans la chanson Diri Diri--yi « Mauvais suis-je ? » : Ufiγ Ufi lbaz d amerrêu D agerfiw agerfiw i dd-isewwqen Ufiγ Ufi tizizwit tettru D aεreêêen i tttt-idid-yessufγen yessuf en Ma ugiγ ugi ad ğğe ğğeγ axxamaxxam-iw Ma ur nnejlaγ nnejla si tmurttmurt-iw Ma jgugleγ jgugle degdeg-wakalwakal-iw DiriDiri-yi
Je trouvai l’aigle impuissant7 Et le corbeau aux commandes ; Je trouvai l’abeille triste, Les guêpes l’ont délogée ; Car je reste auprès des miens, N’ai pas laissé ma patrie, Reste attaché à ma terre, Mauvais suis-je ?
(ch. 150, v. 27-34) Le trisyllabe peut être le même vers qui se répète de strophe en strophe, comme dans la chanson précédente ; il peut aussi varier, comme dans la chanson Tibratin « Les missives », où il clôt aussi chaque strophe du prélude (vers 1-84) : Aha ddemddem-d astilu A kk-n-àkuγ àku kečč ttaru HeggiHeggi-d lkaγeÑ lka eÑ a dd-yekfu Yeččur wul
Va, prends une plume, Et écris ce que je te raconte, Prépare un papier qui suffise Plein est mon cœur !
Nekk d ddunit nemxallaf Ur tttt-ufiγ ufi ur didi-tettaf εa La tettla b yidyid-i amam-welqaf TerwiTerwi-yi
La vie et moi sommes différents, Je ne l’ai trouvée ni elle ne me trouvera, Elle se joue de moi comme d’un osselet Elle me ballotte.
(ch. 82, v. 1-4 et 17-20)
2.1.2. Le tétrasyllabe Comme le trisyllabe, le tétrasyllabe, ou quadrisyllabe, est presque toujours en hétérométrie avec l’heptasyllabe, comme dans les chansons Selbeγ « Je suis fou. » (ch. 26), Beεdeγ tebεed « Loin l’un de l’autre » (ch. 39), TelTel-yyam « Trois jours » (ch. 58), où la configuration traverse la totalité de chaque chanson, et dans Ay agu « Ô brume ! » (ch. 76), où le tétrasyllabe se trouve dans une partie (v. 1-28, etc.) : Iles (imi(imi-s ?) yeqbel
Sa langue consent
L’expression consacrée à toute situation de dépit est aqlaql-i am yigider amerêu [me voici comme l’aigle (l’épervier) cassé] « Je suis tel l’aigle blessé », qu’on retrouve dans les poésies anciennes. Dans Cassé allusion est faite à l’aile fracturée, qui rend l’aigle incapable de s’envoler.
7
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Ziγ Zi ulul-is yennayenna-d ala Γile ileγ ile anan-nkemmel Ddunit akken i tttt-nebda YeffeγYeffe -i leεqel le qel Ger wallenwallen-iw asmi tedda Kra i dd-i-tàemmel tàemmel Yeγli Ye li degdeg-yiwyiw-wass yekfa
Tandis que son cœur dit non ; Croyant poursuivre La vie telle comme à nos débuts ; J’ai paniqué Le jour où elle s’est mariée ; Tout son amour pour moi S’est effondré d’un seul coup !
(ch. 26, v. 13-20) Nnan medden Kra ara yaγen ya en argaz ur yettru Wiss ma jerrben Wi steqsan ad asenasen-iàku Urfan weεren we ren Win àuzan ad asenasen-icfu Γas as ma ruàen Ccama tugi ad teàlu
Les gens disent : L’homme ne pleure fût-il atteint ; Peut-être n’ont-ils rien vu, Ont-ils cherché à savoir ? Grave est le dépit, Celui qu’il atteint s’en souviendra, Même s’il disparaît, Le cicatrice reste incurable.
(ch. 39, v. 29-36) Dans les deux chansons ci-dessus, où le tétrasyllabe (v. 13, 15, 17, 19) est en alternance avec l’heptasyllabe, tandis que dans la chanson suivante, il est dans une autre configuration, celle du neuvain (rimes à disposition particulière : a-b-c/a-b-c/a-b-c) : chaque strophe est faite de trois tercets de deux tétrasyllabes suivis d’un heptasyllabe : Ass amenzu UlUl-iw yezha Amzun yelliyelli-d s tsarut Yebγ Yeb a ad icnu Γef ef tin yeêra Ifaq s lwerd di tefsut Yugi ad ittu Γas as tεedda t edda D lemàibbalemàibba-s tamezwarut
Le premier jour, Mon cœur, joyeux, Ouvert par enchantement, Voulait chanter Celle qu’il a vue Et les roses du printemps : Il n’oubliera, Bien qu’évanouie, Sa toute première passion.
(ch. 58, v. 7-15) Dans la strophe suivante, le tétrasyllabe est dans une double configuration avec l’heptasyllabe : celle de l’alternance (v. 1 et 3/v. 2 et 4) et celle du neuvain (v. 5 et 6/v. 7) : Muqlent wallen Anida ara walint aàbib UlacUlac-iten Ur dd-ttawÑen ur qrib AnidaAnida-kwen S anda truàem A wid ur nqebbel ara lεib l ib
Mes yeux prospectent Où apercevoir un ami N’étant pas là, Ils n’arriveront jamais : Où êtes-vous ? Où êtes-vous partis, Vous qui n’acceptez le vice ?
(ch. 76, v. 1-7) Le quatrain suivant, qui est le refrain de la chanson Ay aberwaq « Ô asphodèle ! » semble être fait
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de tétrasyllabes en isométrie mais, en fait, il se pourrait qu’on ait là affaire à un distique d’octosyllabes, d’autant que toutes les autres strophes de cette partie de la chanson sont faites de vers octosyllabes (cf. ci-dessous, octosyllabe) : Ay aberwaq Làal iÑaq YusaYusa-d lweqt AnAn-nemfaraq
Ô asphodèle ! Quelle oppression ! Le moment est venu De nous quitter.
(ch. 139, v. 32-35)
2.1.3. Le pentasyllabe Comme on l’a déjà signalé plus haut, le pentasyllabe est, après l’heptasyllabe, le mètre le plus représentatif du vers kabyle. Dans les recueils les plus représentatifs de la poésie kabyle, le pentasyllabe est toujours en hétérométrie avec le fameux heptasyllabe, toujours lui ! surtout dans le neuvain et ailleurs ou en isométrie (rare, comme dans la poésie française (cf. Michèle Aquien et Georges Molinié8). Le vers de cinq syllabes a été très utilisé à tous les siècles pour les chansons. Baudelaire l’a employé en hétérométrie dans l’ « Invitation au voyage » et dans « La Musique », comme peut le trouver dans la poésie chantée en isométrie, ainsi dans la chanson Ne me quitte pas de Jacques Brel : Il y a paraît-il Des terres brûlés Qui donn’nt plus de blé Qu’un meilleur avril. On a vu souvent Rejaillir le feu De l’ancien volcan Qu’on croyait trop vieux.
Dans l’œuvre d’Aït Menguellet, on peut trouver le pentasyllabe en isométrie comme on peut le trouver en hétérométrie. Dans la strophe suivante, il est en hétérométrie avec l’heptasyllabe : A durd-nezzi γur ur-wen Taluft ad tεedd t eddi amam-waÑu Ma neqqim yidyid-wen Nugwad yesyes-neγ ne ad teglu a Am wasswass- a dd-nuγal nu al Ma neéées kulci a ss-necfu Mačč Mačči i d lmuàal čč Mi dd-nuki kulci a tt-nettu
Nous reviendrons auprès de vous, Le temps que le malheur passe Car si nous restons avec vous Nous craignons qu’il nous emporte ; Nous reviendrons, c’est certain ! Dans notre léthargie nous nous souviendrons de tout, Et ce n’est pas impossible, Au réveil nous sombrerons dans l’oubli.
(ch.139, v. 5-12) La chanson Siwel Siwel--iyi iyi--d tam tamacahut acahut « Raconte-moi une histoire. » est entièrement faite de pentasyllabes en isométrie, si l’on excepte le vers refrain à la fin de chaque strophe :
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Op. cit., p. 617.
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Nnuγen Nnu en ferqen Ferqen mi nnuγen nnu en Mi ferqen mcedhan Uγalen alen mlalen
Ils se disputèrent Et se séparèrent, Ils se désirèrent Et se retrouvèrent.
Ur yelli waγzen wa zen Ur yelli wuccen Neγ Ne lewàuclewàuc-iÑen ra A d-yasen nnignnig-i
Il n’y a pire ogre, Ni pire chacal, Ni bête sauvage, Qui m’égaleraient :
(ch. 140, v. 22-25 et 70-73) comme l’est entièrement la chanson Asendu nn--waman « Brassez du vent ! » : Yiwet γer er tayeÑ Taεk kwemt ad taêay Ta Ayen ii-yerxisen A γ--d-yas γlay lay Abrid iseggmen A γ--d-iban yenneÑ Tasawent yekfan A dd-nexleq tayeÑ
Fardeau sur fardeau Et la charge pèse, Ce qui est gratuit Nous reviendra cher, Tout chemin droit Paraît sinueux Et la fin d’un mont Est un autre mont ;
(ch. 157, v. 10-16) 2.1.4. L’hexasyllabe L’hexasyllabe, comme l’octosyllabe, est rarissime aussi bien dans la poésie ancienne que dans l’œuvre d’Aït Menguellet. S’il est attesté dans la poésie ancienne, c’est qu’il doit certainement être le résultat d’une altération due à l’oralité de l’heptasyllabe. Tandis que l’octosyllabe serait obtenu par augmentation de l’heptasyllabe, l’hexasyllabe serait la réduction de celui-ci. Dans l’œuvre que nous décrivons, l’hexasyllabe étant marginal, on peut néanmoins relever un vers hexasyllabe (le quatrième vers) en hétérométrie dans la strophe suivante : Anwa wagi ? D ameqqran γef ef yimeqqranen D amecéuà ddaw Rebbi Qisset, feåålet, xiÑet SelsetSelset-as isem i kwenen-iεe eğben FellFell-as i la dd-nettγenni nett enni
Mais qui est-il ? Le plus grand parmi les grands, Insignifiant devant Dieu Toisez, maniez, cousez Et nommez-le à votre guise, C’est bien lui que nous chantons.
(ch. 154, v. 9-14) Ici aussi, comme l’octosyllabe, l’hexasyllabe est douteux : autant il peut résulter de la réduction d’un heptasyllabe, autant il peut provenir aussi de l’augmentation du pentasyllabe. Tandis que les autres strophes sont faites d’heptasyllabes, dans la strophe suivante l’hexasyllabe (le premier et le troisième vers) est en hétérométrie avec le pentasyllabe : Ma yeččuryeččur-d wulwul-ik LliLli-yas tawwurt S yimi d lexyuÑlexyuÑ-ik Ad thuzzeÑ tamurt
Si ton cœur est plein, Ouvre-lui la porte ; Avec ta bouche et tes cordes, Fais vibrer le pays ;
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Skud igenni Yeàwağ yakkw itran Akken akkw lγaci l aci I àwağen afennan] (*)
Tant que le ciel Aura besoin de toutes ses étoiles, Les hommes aussi Auront besoin de l’artiste.
(ch. 111, v. 22-29) Dans la strophe suivante, l’hexasyllabe (vers 1, 3, 5, 13) paraît avoir une existence affirmée, réelle bien qu’il soit en hétérométrie avec l’heptasyllabe et que celui-ci soit ptrédomine, le dernier vers de chaque strophe de cette chanson fonctionnant comme un contrepoint (vers répété comme un refrain) : Ma tessneÑ abridabrid-ik Ma teêriÑ s anda tleààuÑ Ffeγ Ffe errerr-d tawwurttawwurt-ik Ur tettneqlabeÑ ur tettruÑ Di éélam àess i laterlater-ik çåutçåut-enn a ss-tàulfuÑ Lweàc nn-yiÑ d arfiqarfiq-ik Γleb lebleb-it neγ ne ad asas-teknuÑ Abrid i s tumneÑ yiwyiw-wass A kk-iğğ neγ ne yesyes-k ad yeglu Tesεa Tes a-u-tesεin tes in d aàlalas TisTis-meyya la kk-tettrağ ettrağu Ay iminig nn-yiÑ
Si tu connais ton chemin, Si tu sais où tu vas, Sors et ferme la porte Sans te retourner ni pleurer ; Dans le noir écoute tes pas, Tu en sentiras le bruit, La frayeur du noir, ta compagne, Ou tu la vaincs ou tu plies ; Ta voie, ta conviction, Elle t’épargne ou t’emporte : Quatre-vingt-dix-neuf balles, Et la centième te guette, Ô voyageur nocturne !
(ch. 133, v. 1-13) On peut aussi relever l’hexasyllabe dans les vieilles compositions d’Aït Menguellet, du début des années 1970, en hétérométrie avec l’heptasyllabe, notamment dans la chanson YebÑa wul « Cœur déchiré », dans laquelle les hexasyllabes sont le premier, le second, le quatrième et le cinquième vers du refrain (v. 1-6) et le septième et le huitième vers de chaque couplet (exemple : premier couplet), tous les autres vers étant des heptasyllabes : Γef ef sin yebÑa wulwul-iw Γef ef tin yebγa yeb a lxaéerlxaéer-iw Yiwen webrid iwulem Ugin lwaldinlwaldin-iw γe e Tin f i rehneγ rehne temêitemêi-w Yak Rebbi s lehlak yeεlem ye lem
En deux est partagé mon cœur A cause de celle qu’aime mon esprit, Une seule voie est possible : Mes parents pourtant refusent Celle à qui j’ai voué ma jeunesse, Dieu est témoin de mon mal.
Nebγa Neb a yelliyelli-s nn-xaltixalti-k A kk-tcebbeà ddunitddunit-ik AwalAwal-is d awalawal-nneγ nne Ma tugiÑ lwaldin lwaldinwaldin-ik Ruà a dd-teğğabeÑ lebγi leb i-k Ur kk-nesεa nes a d mmimmi-tneγ tne Ruà ad tbeddleÑ isemisem-ik YidYid-k làağa ur γ--tecrik
Nous te voulons ta cousine, Qui t’embellisse la vie, Son discours sera bien nôtre ; Si tu refuses (le choix de) tes parents, Eprouve donc tes désirs Et tu n’es plus notre fils ; Tu pourras changer de nom, A toi plus rien ne nous unira,
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LaterLater-ik si tjaddit yeffeγ yeffe
Tes traces seront jamais bannies.
(ch. 40, v. 1-6 et v. 7-15) Dans cette chanson, l’heptasyllabe a une existence réelle : il est toujours à la même position dans la strophe. Comme on peut enfin trouver l’hexasyllabe en isométrie dans l’ensemble des strophes de la chanson Askuti « Le boy scout » : Tennam angaanga-t yetri Nekk nwiγ nwi s tidett Ziγen Zi en meskin yeγli ye li TeééfemTeééfem-t-id di tcerkett Sers allenallen-ik seg yigenni Muqelef tayett Muqel-itit-id γef Ur telliÑ d askuti
(ch. 84, v. 8-14) Dans cette chanson, l’isométrie confère à l’hexasyllabe une existence et une autonomie réelles. Notons qu’un lien pourrait exister entre le vers pair et le rythme : ici les vers sont des heptasyllabes et le rythme est militaire, tout comme dans la chanson A mmis Umaziγ « Ô fils d’Amazigh », faite d’alexandrins, certes en alternance avec l’ennéasyllabe, et dont le rythme est militaire.
2.1.5. L’heptasyllabe L’heptasyllabe, comme on la signalé à maintes reprises, prédomine en poésie kabyle, tant ancienne que contemporaine. Nous croyons que Mammeri n’a pas tort de qualifier ce vers de vers d’or, tant il est omniprésent aussi bien en isométrie qu’en hétérométrie. Dans le domaine français, assez fréquent dans la poésie lyrique courtoise, l’heptasyllabe est employé de manière régulière, le plus souvent en hétérométrie, par la Pléiade, Molière dans Amphirtyon, en isométrie dans certaines Fables de La Fontaine ; « La Cigale et la Fourmi » est entièrement composée d’heptasyllabes, si l’on excepte le deuxième vers (Aquien et Molinié, 1999 : 549) : La cigale, ayant chanté Tout l’été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue.
ou les quatrains d’heptasyllabes de Georges Brassens (Aquien et Molinié, 1999 : 520) : Quand je vais chez la fleuriste Je n’achèt’ que des lilas Si ma chanson chante triste C’est que l’amour n’est plus là
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quatrain analogue sur le plan formel à la strophe suivante9 : Connais-tu mon beau village Qui se mire au clair ruisseau ; Encadré dans le feuillage, On dirait un nid d’oiseau.
L’heptasyllabe fait partie des vers dits courts, sans jamais de césure et très rare en isométrie dans la poésie française (La Fontaine l’a employé en isométrie. Il est assez fréquent dans la poésie lyrique courtoise. Sa présence au cours des siècles a été régulière : il est à la mode chez les poètes de la Pléiade. Dans le domaine kabyle, en poésie profane comme en poésie religieuse, l’heptasyllabe est le plus souvent en isométrie dans les sizains ou toute strophe composée de distiques, comme ce poème recueillie du fin fond de la tradition des sizains dikr (psaumes) : Lukan tarewla seg lmut dduγ d yemnayen Ad ddu
Si je pouvais fuir la mort, J’irais avec les chevaliers ;
Ad dduγ ddu tikli useggas lebà Deg leb àur melba ssfayen
Je marcherais des années
Tarewla ulanida ulanida ri--w ttru idammen Ay iiê êri
La fuite ne mène nulle part,
En mer et sans voilier ; Mes yeux, pleurez du sang !
L’heptasyllabe est toujours en hétérométrie dans le neuvain ancien, par lequel Aït Menguellet aime commencer ses compositions et qui lui sert de prélude, comme dans la chanson Asendu nn-waman « Brassez du vent ! », tandis que le reste de la chanson est faite de pentasyllabes : Kul lweqt yewwiyewwi-d tiyita Éeddant s nnuba Anwa aγilif a ilif daγda -yettun Wa yecfa wa ur yecfa Tezdukel làemla Wi ur necfi d wid iceffun Melmi ara dd-nger nnehta Ara yilin d ddwa D nnehta ara γ--yesseàlun
Chaque époque amène des coups Qui, l’un après l’autre, Se sont acharnés sur nous ; L’un se souvient, l’autre pas, Mais la crue est telle Qu’elle les a tous emportés ; Quand pousserons-nous un soupir Enfin salutaire Et nous guérira peut-être ?
(ch. 157, v. 1-9) L’heptasyllabe peut être en hétérométrie avec le pentasyllabe, dans une configuration du neuvain autre que celle du neuvain ancien, comme dans la chanson Ma selbeγ « Si je divague » : Ur ss-ttsamaàeγ ttsamaàe i targit AssAss-enn mi ééseγ éése tameddit YewwiYewwi-yiyi-d Rebbi TsefreàTsefreà-iyiiyi-d ddunit a S kr i menna mennaγ enna teqbelteqbel-it
Jamais je pardonnerai au songe De ce soir où je dormais : Dieu m’en fit voir ; La vie me rendit heureux, Elle exauça tous mes vœux
9
Gardant cette strophe, apprise au début des années 1970 à l’école primaire d’Aokas, comme un souvenir précieux de mon enfance, j’ignore pourtant de quel poète elle est.
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Γur urur-m terraterra-yi UkiγUki -d lferà tbeddeltbeddel-it Terra tament d làentit Ziγ Zi tγurr t urrurr-iyi
Et me dirigea vers ma bien-aimée10 ; Au réveil elle changea La douceur en amertume : Elle m’a séduit.
(ch. 20, v. 16-24) configuration où les heptasyllabes sont le premier et le second vers de chaque tercet et non le premier et le troisième de chaque tercet, comme c’est le cas dans le neuvain ancien. L’heptasyllabe peut aussi, dans l’œuvre d’Aït Menguellet, être en isométrie, et ceci quelle que soit la dimension de la strophe, du quatrain, comme dans la chanson Tafat n ddunit ddunit--iw « Lumière de ma vie » : TekkseÑ i teγzalt te zalt sserr Tamuγli urTamu li nn-medden akkw γur ur-m Ilemêi teğğiÑteğğiÑ-t yeske Tilemêit segseg-m tusem
En charme tu passes la gazelle Tous les regards se tournent vers toi Tu enivres les garçons Tu rends jalouses les filles
(ch. 38, v. 5-8) (taduction de T. Yacine, p. 175) au ‘‘seizain’’, comme dans la chanson Amusnaw « Le Sage » : Lukan lliγ lli d amusnaw Wi ittrun anida yella A tt-idid-seààreγ seààre s tirgatirga-w Ad yuγal yu al ad yettaÑsa Ad asas-kkseγ kkse yakkw isem I wayen ittruêun layas A tt-idid-rreγ rre d asirem Mkul yiwen ad yawi aylaayla-s Anda illa yiles iqesàen Yir ameslay qbel a ss-d-ibru A ss-rreγ rre awal ilaqen A tt-idid-yehder d asefru Ad rreγ rre targa targa nn-waman I mkul ttejra ard tefsu Di tmurt ad yezreε yezre laman Mkul ccedda ard tefru
Si un jour j’étais un Sage, Alors qui pleure, où qu’il soit, Je l’émerveillerais avec mes rêves Et lui ferais retrouver le rire ; Je rendrais innommable Tout ce qui brise l’espérance, En ferais de l’espoir Dont chacun aurait son lot ; Des langues virulentes, où qu’elles soient, Avant de lâcher une parole, Je leur en conseillerais la bonne, Dont elles feraient un poème ; J’amènerais de partout l’eau Pour que les arbres s’épanouissent Et la confiance sur le pays se répandrait, Et les souffrances cesseraient.
(ch. 126, v. 5-20) En passant le sizain, le huitain, le dizain, le douzain et la strophe qu’on pourrait appeler ‘‘sonnet’’, comme dans la chanson Ini-asen « Dis-leur ! » : Widak ii-yeééfen adrar çubbençubben-d ihdaihda-tenten-id Rebbi Wid i sensen-isγezfen is ezfen amrar Wwinali Wwin-ten d ubrid nn-lεali
Ceux qui tenaient le maquis, Guidés par la grâce de Dieu, se sont rendus ; Ceux qui avaient jusque-là toléré leurs exactions Les ont enfin remis dans le droit chemin.
Ulac wi ittnadin amkan
Nul n’est à la recherche de quelque poste,
10
Littér. : « Elle me dirigea vers toi. »
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Lεibad ibad xeddmen merra Yiwen ur yelli di lemàan γe e F-fudmawen tezga rreàma
Tous vaquent à leurs occupations, Par un n’est dans le besoin Et sur les visages se lit la douceur.
Làebb iγleb i leb afriwen Lγella ella teqqelteqqel-ed γer tqaεett tqa ett Afellaà yes yesεa ifadden Ixeddem iznuzuy itett Almi ula d iğ iğernanen Uγalen alen heddren tidett
Les récoltes sont abondantes, C’est le retour de l’opulence, Le paysan retrouve la prospérité, Qui cultive, vend et engrange Maintenant même les journaux Disent tous la vérité.
(ch. 146, v. 43-56) S’agissant des formes traditionnelles du mètre dans l’œuvre d’Aït Menguellet, on conclura que bien qu’on y relève toutes les mètres, de trois à sept syllabes, la prédominance de l’heptasyllabe et, à un degré moindre, du pentasyllabe. En témoigne les exemples de vers hétérométriques, dans lesquels l’heptasyllabe est omniprésent. On notera aussi la possibilité pour le pentasyllabe à évoluer en isométrie.
2. Les formes innovantes En sus donc des formes traditionnelles, que le poète n’abandonne pas, loin s’en faut, on relève dans l’œuvre quantité de formes innovantes en matière de mètre. Nous traitons néanmoins à part le cas de l’octosyllabe, vers mètre ‘‘indécis’’, problématique et constituant une sorte de mètre de transition entre l’heptasyllabe et l’ennéasyllabe. Ce mètre est problématique pour deux raisons essentielles : d’abord, on peut le trouver dans certains poèmes oraux et dans ce cas il peut être l’œuvre de piètres poètes comme il peut résulter d’une altération de l’heptasyllabe par la substitution d’un mot qui comporte une syllabe supplémentaire lorsque le poème est transmis d’une génération à l’autre par des poètes par des ‘‘griots’’ peu soucieux du mètre. Ensuite, dans le cas qui nous intéresse ici, le chant, au sens musical du terme, présente l’avantage de permettre au poète d’ ‘‘ajuster’’ son vers en jouant sur la phrase musicale, ajustement qui reste possible entre l’heptasyllabe et l’octosyllabe, comme entre le tétrasyllabe et le pentasyllabe, en ajoutant une syllabe vide — en allongeant la voyelle d’une des syllabes — à l’heptasyllabe ou en condensant l’octosyllabe, en fonction de la longueur de la phrase musicale. Une autre raison, de moindre pertinence celle-ci, de considérer que l’octosyllabe n’est peut être qu’un simple accident métrique : la préférence quasi-congénitale qu’ont les poètes kabyles pour le nombre impair !
2.2.1. L’octosyllabe Selon Aquien et Molinié (1992 : 604), l’octosyllabe étant le plus ancien des vers français, il est toujours le vers réglé le plus utilisé après l’alexandrin. A propos de ce vers, ils disent : « Dans son ouvrage Théorie du vers, B. Cornulier développe ce qu’il appelle la loi des 8 syllabes, selon laquelle la limite supérieure où peut être appréhendé un système d’équivalence syllabique entre des expressions successives est de 8 syllabes. C’est ce qui expliquerait le découpage en hémistiches des
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vers de plus de 8 syllabes, et le fait que l’octosyllabe ne comporte pas de césure fixe. »
L’octosyllabe est plutôt rare dans la poésie orale kabyle, et quand il existe il est, comme on l’a dit plus haut, l’œuvre soit de piètres poètes soit encore de mauvaise transmission. La poésie, comme toute production orale, peut être augmentée, tronquée, transformée voire défigurée après des siècles de transmission aléatoire. C’est dire que dans cette poésie ancienne la limite supérieure est sept syllabes, limite qui définirait une sorte d’ ‘‘unité de souffle’’ au-delà de laquelle il y a nécessité d’un retour, d’une fin de vers. Bien que rare, on peut trouver l’octosyllabe dans les chansons Later « La trace » (ch. 106), Lγerba xemsa--w-rebεin « L’exil de 45 » (ch. 122), Tagmatt « La fraternité » (ch. 124), Ccna n tejmilt n xemsa « Hommages… » (ch. 154), etc. C’est le fait qu’il soit presque toujours en hétérométrie que l’octosyllabe suscite le doute quant à son existence. En effet, tandis que les autres mètres : il côtoie l’heptasyllabe, le vers d’or cher à Mammeri, dont il n’est peut-être que la face médiocre : dans les poèmes à octosyllabes en hétérométrie, la phrase musicale étant prévue pour contenir un octosyllabe, le chanteur allonge une des syllabes de l’éventuel heptasyllabe pour remplir ladite phrase, comme dans : Lwerd mi tecbeà ååifaååifa-s ttasmeγ Mi tt--àemlen medden ttasme Zik am nitni ssneγ ssne rriàarriàa-s a Ass-- ur di di--ye yeεğib muqleγ Ass ğib a tt--muqle
Les roses qui éclatent de beauté J’envie les gens qui s’en enivrent Jadis j’en affectionnais le parfum Maintenant je n’ose les regarder
(ch. 106, v. 9-12) où les vers 11 et 12 sont des octosyllabes et les vers 9 et 10, des heptasyllabes ; dans le chant, à chacun de ces derniers, une syllabe vide est ajoutée avant la première syllabe pour compléter la phrase musicale : [əə] devant le premier et un [a] devant le second. On peut trouver l’octosyllabe (vers 17 et 21) en hétérométrie dans la strophe suivante, avec l’heptasyllabe (v. 15, 18, 19, 20, 22) et le pentasyllabe (v. 16) : Rriγ Rri tajmilt tameqqrant I win i dd-yufan :
Je rends un superbe hommage A celui qui vit,
YufaYufa-d ziγ zi lehlak yettÑuru i W ihelken ihelken ilaqilaq-as ddwa Win illuêen mi ara yerfu ItekkesItekkes-as mi ara dyili yerwa Amdan ttejra mi ara tttt-yeêêu Ad asas-d-tketter lγella l ella
Que le mal est dommageable Et a besoin d’un remède, Que l’ire de qui a faim Part dès qu’il est rassasié Et que l’homme qui plante un arbre Peut en récolter les fruits.
(ch. 154, v. 15-22) On peut aussi trouver l’octosyllabe en isométrie, fait encore plus rare, comme dans la chanson suivante : Tament ulac win tttt-ikerhen Tuqqsa n tzizwit d akukru Abzim si tmes wi ara t-idid-yekksen
Le miel, nul ne le hait Mais redoutable est la piqûre de l’abeille ; La broche, qui la tirerait du brasier
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Siwa afus iεemmden i emmden i wurγu wur u a Lwerd ilha mebl asennan Tamurt tecbeà mebγir meb ir urfan Win i tttt-yeğğ yeğğan ğğan àsebàseb-it ifaq
Sinon la main qui admet la brûlure ; Les roses sont belles sans les épines Et la patrie sans les problèmes : Quiconque la quitte serait éveillé.
(ch. 139, v. 36-42) On peut parfois trouver l’octosyllabe en isométrie mais dans de petites strophes, comme la suivante, qui est le refrain de la chanson Amjahed « Le combattant » : NerraNerra-yak aggur teêêleÑ degdeg-s NernaNerna-yak itri tneéleÑ degdeg-s NewtNewt-ak afus mi temmuteÑ
Nous t’avons mis le croissant pour que tu t’y étendes L’étoile pour que tu t’y couches Nous t’avons applaudi quand tu es mort
(ch. 68, v. 10-12) (traduction de T. Yacine, p. 226) 2.2.2. L’ennéasyllabe L’ennéasyllabe est un vers de neuf syllabes. Dans la poésie française, on peut citer les exemples d’ennéasyllabe suivants (Aquien et Molinié, 1999 : 530) (mesures 3/3/3 ou 4/5, rarement 5/4) C’est dans un ennéasyllabe que Verlaine, son défenseur le plus ardent, dira : De la musique avant toute chose Et pour cela préfère l’impair, Plus vague et plus soluble dans l’air, Sans rien en lui qui pèse et qui pose.
« Cette « musique » de l’impair, Benoît de Cornulier11 l’explique par un brouillage subjectif chez l’auditeur : « Le vers où rien ne pèse ou ne pose, le vers soluble et vague, c’est le vers dont le nombre syllabique — sa mesure — est psychologiquement incertain. » Ainsi, « même chez ceux qui sentent avec évidence le schéma 4-5 malgré les enjambements (dans l’Art poétique de Verlaine) il n’est pas impossible que la proximité quantitative des nombres 4 et 5 contribue à un certain brouillage de la perception numérique, la rende moins aisée. »
Mètre inexistant dans la poésie kabyle ancienne et rare dans l’œuvre d’Aït Menguellet, on rencontre l’ennéasyllabe en isométrie dans la seule chanson Γef yisem yisem--im « En ton nom » (ch. 17) ou en hétérométrie dans les autres chansons — au nombre de huit —, par exemple avec l’alexandrin, vers de douze syllabes, dans A mmimmi-s Umaziγ « Ô fils d’Amazigh ! ». Dans la chanson Γef yisem yisem--im « En ton nom », l’ennéasyllabe, qui commence à partir de la quatrième strophe (à partir du vers 13), est en isométrie : Γef ef yisemyisem-im tasa igzemigzem-itt lmus Tejreà tettru kul mi ara dd-temmekti La ttxemmimeγ ttxemmime γeef zzehrzzehr-iw ixuå Siwa netta i kemkem-isbeεden isbe den fellfell-i
En ton nom mes entrailles, lacérées, Blessées, pleurent à chaque souvenir ; Je m’inquiète de mon triste sort, Mon seul ennemi qui t’a éloignée :
11
B. de Cornulier, Théorie de la littérature, chap. V, p. 100 (cité par M. Aquien, La versification, Que sais-je ? Paris, PUF, 1992, p. 32)
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Öelbeγ Öelbe di Rebbi a γ--d-yaγ ya afus a Tafat anda tell a dd-teflali
Je prie Dieu de nous tendre la main Et que Sa Lumière nous éclaire.
(ch. 17, v. 29-34) Ailleurs dans l’œuvre, il est en hétérométrie avec l’heptasyllabe, comme dans la chanson Lγerba n xemsa--u-rebεin « L’exil de 1945 » (rythme 5-4 puis 6-3) : xemsa Nessarem a dd-nekkes laê d éélaba d--nas meb mebγir Awer d ir aaεwin win
Ayant espéré vaincre la faim, payer nos dettes,
Ziγen as ma nufa rrbeà yella Zi en γas çåeààa--nne nneγ a datt datt--awin çåeààa
Tandis que ce pays regorgeait de richesses,
Que nous ne revînmes pas les mains vides, Impitoyablement, il emportait notre force.
(ch. 122, v. 5-8) ou avec l’heptasyllabe (v. 14 et 16) et le décasyllabe (v. 15), dans la même chanson : NettaweÑ iεfes i fesfes-aγ uberrani nesεi imawlan Amzun ur nes
Nous réussîmes à nous faire piétiner, Tel des orphelins,
Anda talaba nn-Lejdud ur telli ra yeεran A yeååren tuyat ye ran
Là où le pan protecteur des Aïeux nous fit défaut, Qui eût pu couvrir nos maigres épaules dénudées.
(ch. 122, v. 13-16) ou avec le décasyllabe (v. 21) et l’heptasyllabe (v. 22 et 24) dans la même chanson : Ma neqqim bezzaf êêayit wussan Acàal ara neåber i tyita
Tandis que rester nous pèse,
Ma nuγal nu al s lejyublejyub-nneγ nne xlan Ad teÂwu taddart taÑsa
Rentrer les poches vides
Car combien nous résignerons-nous à la blessure ? Fera de nous la risée du village.
(ch. 122, v. 21-24) On en trouve un seul vers dans la chanson Yerna yiwen wass « Et s’ajoute un jour ! », dixième vers de chaque strophe et dont le premier hémistiche constitue le titre de la chanson, donc en hétérométrie, avec l’heptasyllabe (rythme 5-4) : Yerna yiwen wass γer er wussanwussan-ik
Et un s’ajoute à tes beaux jours,
(ch. 153, v. 10) Dans l’œuvre d’Aït Menguellet, le schéma rythmique de l’ennéasyllabe varie d’un poème à l’autre, d’une strophe à l’autre ou d’un vers à l’autre : dans la chanson 17, le poète fait une mixture de 5-4 et de 4-5, mais dans les vers suivants tout porte à croire que le rythme est 3-3-3 : DegDeg-wulwul-iw / siwa kemm / ii-yzedγen yzed en d--γelqent Mi tkecmeÑ / i d elqent / tewwura
Mon cœur, tu es seule à l’habiter Tu y pénétras, il se referma.
(ch. 17, v. 27 et 28) Dans les deux ennéasyllabes de la chanson Éli d Weεli « Les quatre mousquetaires », le rythme semble être 5-4 : Lluêen warrac / almi mmuten [ils eurent faim les enfants jusqu’à ce qu’ils mourussent ] Les enfants ont eu faim à en mourir ; Mmuten warrac / imi lluêen
[ils moururent les enfants car ils eurent faim] Les enfants sont morts de faim
(ch. 71, v. 69 et 70)
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2.2.3. Le décasyllabe Le plus souvent césuré après la quatrième syllabe, avec par conséquent un rythme croissant 4 + 6, comme dans : Maître Corbeau, // sur un ar/bre perché (La Fontaine), mais aussi un rythme décroissant 6 + 4, comme dans : Sur les maisons des morts // mon ombre passe (Valéry), mais aussi 5 + 5 dans ces vers plaisants de Verlaine : Monsieur le curé, ma chemise brûle ; cependant, des poètes comme Musset : J’ai dit à mon cœur, // à mon faible cœur ou Baudelaire : Nous aurons des lits // pleins d’odeurs légères, Des divans profonds // comme des tombeaux, Et d’étranges fleurs // sur des étagères Ecloses pour nous // sous des cieux plus beaux. (« La Mort des Amants »)
ont pu l’utiliser pour des accents lyriques. Dans la chanson Arrac n Lezzayer « Les enfants d’Algérie », les vers qui closent les strophes sont normalement des décasyllabes, avec un rythme croissant 4 + 6 : NeÂwa tamεict tam ict / ukessar d usawen Ad tεiceÑ t iceÑ di / lehna n ddaw yifer TeğğeÑ sidisidi-k / yessen s ani ara kk-yerr A kk-mlen yakkw / lεilm l ilm anga yeffer Aseεdi Ase di d win / yemmuten di liser Éic di lehna / a mmimmi-s n Lezzayer
Nous supportons à foison les hauts et les bas. Tu vivras dans la paix sous l’aile des autres. Laisse ton maître te mener, il sait où. Ils t’apprendront toute la science cachée. Béni soit qui sera mort dans la douceur. Vis dans la paix, ô fils de l’Algérie.
(ch. 86, v. 31, 40, 49, 58, 67, 76) 2.2.4. L’hendécasyllabe L’hendécasyllabe est le plus souvent césuré 5/6 ou 6/5 dans la tradition française, et dans ce dernier cas, cela lui donne une allure d’« alexandrin raté » (Aquien et Molinié, 1999 : 548). Bien que rare, on rencontre l’hendécasyllabe dans l’œuvre d’Aït menguellet dans deux chansons : Arrac « Les enfants » (ch. 119) et Temêi, « La jeunesse » (ch. 148) : Adrar s adrar slan Wa yessawalyessawal-as gmagma-s segseg-wa γer er wa YewweÑYewweÑ-d lexbar yelhan YezziYezzi-yasent amam-wezrar yakkw i tmura
De montagne en montagne on entendit, Et l’appel retentit de frère en frère ; Arriva la bonne nouvelle Et, tel une traînée de poudre, partout se répandit.
(ch. 119, v. 12-15) Ruà a temêi icebàen mi ara d-ttmektiγ ttmekti Ttnadiγ Ttnadi abridabrid-im la tseffeÑ lğ lğerraerra-m w Si lbeεd lbe d isegg asen i kemkem-idid-ttwaliγ ttwali Skud la tettbaεadeÑ tettzad lqimalqima-m
Va, jeunesse, beauté que je me remémore, Je cherche ton chemin mais tes traces s’effacent ; Depuis de lointaines années je te dévisage, A mesure que tu t’éloignes tu deviens chère ;
(ch. 148, v. 1-4)
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2.2.5. Le dodécasyllabe L’alexandrin, qui doit son nom à un poème fait sur Alexandre le Grand au 12e siècle, était jusqu’au 13e siècle utilisé dans les épopées hagiographiques, et, grâce aux poètes de la Pléiade, dans la poésie lyrique, puis le théâtre. Au 17e siècle, il s’impose comme le grand vers et n’a cessé depuis d’être le plus employé de la poésie française, jusqu’à en être une sorte de figure emblématique, jusqu’à « la lassitude par abus de la cadence nationale », dit Mallarmé (Aquien et Molinié, 1999 : 443-444). Le dodécasyllabe, qui est inexistant dans la poésie kabyle ancienne et dont on relève une seule occurrence dans l’œuvre d’Aït Menguellet, la chanson A mmi mmi--s Umaziγ « Ô fils d’Amazigh ! » est en hétérométrie avec l’ennéasyllabe. S’agissant de ce mètre, certes le plus long qui puisse exister dans l’œuvre de Aït Menguellet et qui n’est attesté nulle part ailleurs — ni dans la poésie ancienne ni chez les poètes contemporains —, nous disons bien le dodécasyllabe et non pas l’alexandrin. En effet, tandis que dans le dodécasyllabe de notre poète la césure reste à découvrir, dans l’alexandrin elle coupe le vers en deux hémistiches de six syllabes chacun. Dans le seul poème où apparaît le dodécasyllabe en alternance avec l’ennéasyllabe (sizain à schéma métrique et rimique 12a-9b-12a-9812a-9b), la partition musicale nous montre un rythme décroissant (= cadence mineure) de 5/4/3 pour le premier et 5/4 pour le second, avec souvent une discordance interne (Aquien et Molinié, 1999 : 513) qui va jusqu’à couper les mots. En voici, à titre d’exemple, la première strophe, où le dodécasyllabe est en hétérométrie avec l’heptasyllabe : Lbaz segseg-wedrar yekkeryekker-d ihuz afriwen YusaurYusa-d ar γur ur-k a kk-idid-yessakwi Ad akak-n-issiwel s yisem ara kk-idid-yessekren Awal tettuÑ a kk-t-idid-yesmekti Γas as ma teééseÑ la tettarguÑ medlent medlent wallen A tenttent-idid-telliÑ mi ara dakdak-yini :
L’aigle des montagnes, battant des ailes, prend son envol, Vient vers toi pour te réveiller, T’appellera du nom qui fera que tu te lèves Et te rappellera toute parole par toi oubliée ; Et dusses-tu t’endormir et, les yeux fermés, rêver, Tu les ouvriras dès qu’il te dira :
(ch. 136, v. 1-6) Dans cette chanson, il y a un vers qui comprend treize syllabes : Гef ef tneqlett γef ef tzemmurt acàal d asefru
Sur le figuier et l’olivier, sont autant de poèmes,
(ch. 136, v. 17)
Le dodécasyllabe, c’est le mètre, le type de vers qu’en son temps Victor Hugo avait traité de grand niais et dont dira Meschonnic12 qu’il faisait prose au temps de Ronsard et que rien ne fait plus métrique aujourd’hui. On ne dira pas cela du vers kabyle, loin de là : le mètre kabyle est, comme on l’a déjà remarqué, l’heptasyllabe, court et impair ! inférieur à l’unité de souffle qu’est censé être l’octosyllabe. Omniprésent dans la poésie kabyle, il peut être associé ou non au pentasyllabe.
12
H. Meschonnic, Critique du vers, p. 28, (cité par M. Aquien, La versification, Que sais-je ?,Paris, PUF, 1992, p. 30)
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3. De quelques discordances entre mètre et syntaxe Rejet et contre-rejet sont tous deux des cas de discordance entre la syntaxe et les considérations métriques ; en d’autres termes, ce sont des cas de non-convergence entre les articulations syntaxiques et sémantiques et la césure et/ou la fin d’un vers. Il y a rejet lorsqu’il y a report sur partie d’une unité métrique d’un élément bref, syntaxiquement lié à la mesure précédente et suivi d’une coupe. Un contre-rejet est l’annonce dans une unité métrique par un élément bref, précédé d’une coupe, de la mesure suivante (hémistiche ou vers). Dans l’œuvre d’Aït Menguellet, ces cas de discordance ne sont pas très nombreux. Nous en citerons quelques-uns, les plus remarquables : 3.1. Rejet Dans le distique suivant, il y rejet de ddunit « la vie », COD du verbe kemmel « poursuivre » dans le second vers : Γile ileγ ile anan-nkemmel Ddunit akken i tttt-nebda
J’ai cru qu’on allait continuer La vie telle qu’on l’a commencée
(ch. 26, v. 15 et 16) Dans le distique suivant, il y a rejet de taluft « le problème », complément explicatif de ekk « provenir », dans le second vers et dans lequel il est indicateur de thème de eg « faire »/« être » : Ansi d[d’où elle vint] Le problème, d’où qu’il vienne, d-tekka Taluft akken i dd-tga a tttt-nernu [le problème ainsi qu’il fut nous le vaincrons] Quel qu’il soit, ne saurait avoir le dessus.
(ch. 124, v. 23 et 24) En fait, dans cet exemple, il y rejet et zeugme : taluft est commun aux deux vers, et normalement il relève plutôt du premier vers ansi dd-tekka taluft : « D’où est venu le problème ». Entre les deux vers suivants, il y a rejet dans le second vers, de d weqcic « avec la fille » : MiMi-yuker taqcict D weqcic, yewwiyewwi-ten
[quand il vola une fille]
Qui vola une fille
[avec un garçon, il les emporta]
Avec un garçon :
(ch. 140, v. 42 et 43) L’expansion indirecte d uqcic (introduite par la préposition d) et l’expansion directe taqcict sont solidaires du fait qu’ils constituent deux compléments quasi-coordonnés du prédicat akwer « voler » (en témoigne le pronom régime direct 3PM -ten de yewwiyewwi-ten. Et ces deux compléments se trouvent sur deux vers. Dans l’exemple suivant, il y a rejet dans le second vers de l’expansion prédicatoïde (non-primaire) I gan leεbad le bad « que sont faits les gens », rejet dont la traduction n’a pas rendu compte : Lukan am nekki I gan leεbad, le bad, ad tferàeÑ
[si comme moi] [que sont les gens, tu serais content]
Que si les humains étaient Comme lui, tous seraient heureux ;
(ch. 142, v. 8 et 9) Dans le distique suivant, il y a rejet dans le second vers du SPV yella « il est »/« il était »/« il
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existe », et tandis que ce vers comprend alors deux prédicats juxtaposés, le premier n’en comprend aucun : Laman di lγaci l aci neqqar--it Yella, si zik neqqar
[la confiance en les gens] [il est, depuis jadis nous le disons]
Tout le monde est crédible, Ainsi disons-nous depuis toujours ;
(ch. 142, v. 73 et 74) Dans le passage suivant, constitué en principe de deux vers tétrasyllabes (avec un hiatus entre eux), il y a rejet de tduklitdukli-nsen « leur union » qui occupe tout le second vers : Kulmi teàla )Tdukli ukli--nsen (ə)Td ukli
Chaque fois que se rétabli Leur union,
(ch. 124, v. 37 et 38) Le complément explicatif (expansion référentielle) est rejeté au vers suivant, il forme même l’unité métrique (le vers 38), alors que le syntagme prédicatif (verbal) est dans le vers 37. Dans chacun des trois exemples suivants, il y a rejet du complément de nom introduit par la préposition n « de » : nom dans le premier (n lγerba l erba « de l’exil ») et le second (n-wezger « du bœuf »), pronom démonstratif dans le troisième (n-wid « de ceux ») : Asmi ara dd-taweÑ tizi N llγerba erba mm yiÑes
Mais quand arrive le terme De l’exil assoupissant,
(ch. 143, v. 32 et 33) Γurwat urwat ad teÑru Am teqsiéteqsié-nni N-wezger mi ara yeεyu ye yu
Prenez garde à ce qu’il n’advienne de vous, Comme le dit cette fable, Ce qu’il advint de ce bœuf épuisé
(ch. 123, v. 41-43) Ur nezmir ara i wuÑan N-wid yettammalen ccwal
Impuissants devant les nuits De ceux qui aspirent au trouble ;
(ch. 134, v. 6 et 7) Dans le distique suivant, il est possible qu’il s’agisse d’un rejet dans le second vers de am keččini « comme toi » : D mmimmi-s nn-wedrar meskin Am keččini ii--yezwaren
C’est le montagnard, pauvre de lui, Qui, comme toi, a été à l’avant-garde ;
(ch. 114, v. 109 et 110) Il est possible aussi qu’il s’agisse d’une inversion, de telle façon à ce que dans le langage courant l’équivalent de ce passage soit : D mmimmi-s nn-wedrar am keččini meskin ii-yezwaren. « C’est le fils de la montagne comme toi, le pauvre, qui a été le premier. »
3.2. Contre-rejet Dans les trois exemples suivants, il y a contre-rejet dans le premier vers du syntagme préposition + pronom démonstratif : γur ur wid « chez ceux » dans les deux premiers exemples, avec deux occurreences dans le second exemple, et i wid « à ceux » dans le troisième exemple :
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Ur dur wid d-iggwri nnåibnnåib-iw γur Yettrebbin taεdawt ta dawt s llsas
Ma place n’est plus chez ceux qui Entretiennent l’inimitié,
(ch. 134, v. 18 et 19) Ur sεi ur wid s iγ amkan γur Igezmen i ååebyan ååut Ur sεi ur wid s iγ amkan γur i-ibeddlen tudert s lmut
Ma place n’est pas chez ceux qui Etouffent la voix des bébés ; Ma place n’est pas chez ceux qui Préfèrent la mort à la vie ;
(ch. 134, v. 30 et 31, 32 et 33) Tessamasem i wid I wenwen-ibγan ib an tezdeg
Vous souillez ceux qui Vous veulent du bien
(ch. 156, v. 89 et 90) Dans le distique suivant, il y a contre-rejet dans le premier vers du syntagme degdeg-wfus « dans la main » (« aux mains »/ « entre les mains »), contre-rejet il a été tenu compte dans la traduction : Ad ruàeγ ruàe a kemkem-ğğe ğğeγ degdeg-wfus N-wid i mm-yekksen azal
Je t’abandonnerai aux mains De ceux qui te mésestiment ;
(ch. 134, v. 54 et 55) Dans l’exemple suivant, on ne sait pas s’il y a contre-rejet, autrement dit si ce qui est à comprendre est A dd-ilal yiwen ussanussan-a « Il en naîtra un ces jours-ci » ; dans le cas contraire, s’il faut comprendre NnanNnan-d ussanussan-a a dd-ilal yiwen « On dit ces jours-ci qu’il en naîtra un », il s’agirait seulement d’une subordination sans subordonnant : NnanNnan-d ussanussan-a d--ilal yiwen Ad
Et que, dit-on, ces jours-ci Il en naîtra un.
(ch. 116, v. 47 et 48)
Dans le distique suivant, il y a contre-rejet dans le premier vers du SPN d lxiq « c’est la nostalgie » : Mi nebεed neb d fellfell-am d lxiq d--yerzan deg deg--wulawen Id
[quand nous sommes loin de toi c’est la nostalgie]
Loin de toi, la nostalgie
[qui ayant visité dans les cœurs]
Envahit nos cœurs ;
(ch. 127, v. 11 et 12) En énoncé ordinaire, le syntagme prédicatif nominal d lxiq lxiq devrait se trouver dans le vers suivant : Mi nebεed neb d fellfell-am /d lxiq i dd-yerzan degdeg-wulawen. wulawen Il y a contre-rejet dans le passage suivant, l’expansion autonome tura « maintenant » qui syntaxiquement appartient à la phrase du second vers (v. 38) se retrouve dans le premier vers (v. 37), tout à fait comme dans l’exemple précédent : Ussan i kemkem-iğğan tura Uγalen alen almi diyidiyi-rnan
[les jours qui t’ayant laissé maintenant]
Les jours qui t’ont abandonnée
[ils devinrent jusqu’à ce qu’ils m’ont vaincu] Ont fini par m’abandonner
(ch. 99, v. 37 et 38) Dans la strophe suivante, on a affaire à un contre-rejet, mêlé de ce qu’on appelle communément
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style direct, qui, en kabyle, relève du langage commun ; mais bien que le style direct soit de règle en kabyle, que les propose rapportés soient insérés de la sorte, à l’intérieur d’une strophe — et qui plus dans les vers médians et n’occupant qu’une partie d’un de ces vers—, cela sort de l’ordinaire : osons affirmer que même en kabyle on peut faire du style rhétorique à partir du style linguistique ! Ma d kečč tugiÑ ad truàeÑ TenniÑ--asen Ur neqqe neqqeγ ara TenniÑ
[si c’est toi tu refusas tu irais]
Et toi tu refuses de partir,
[tu leur dis : je ne tuerais pas]
Tu leur a dit : « je ne tuerai point
Wid ur ii-nexdim wara Ara yeÑrun yidyid-k ad teêreÑ
[ceux qui n’ayant rien fait]
Ceux qui ne m’ont rien fait »
[ce qu’il adviendrait de toi tu verrais] Tu verrais ce qu’il adviendrait de toi !
(ch. 97, v. 33-36)
Ces discordances entre mètre et syntaxe, ces rejets et contre-rejets, sontt dû à la contrainte des deux paramètres déterminants de la poésie kabyle, savoir le mètre et la rime.
III. — LA RIME Molino et Gardes-Tamine (1992 : 66) définissent la rime comme étant « la répétition de la dernière voyelle accentuée et de ce qui suit éventuellement : L’amor est morte Ce sont ami qui vens emporte (La Complainte Rutebeuf) »
A distinguer du rythme, et comme la définissent Aquien et Molinié (1999 : 644), la rime « en versification française, est fondée sur l’identité, entre deux ou plusieurs mots en principe en fin de vers, de leur voyelle finale accentuée, ainsi que des phonèmes qui éventuellement la suivent. Les phonèmes en amont peuvent également entrer dans le phénomène de rime, comme dans ces deux vers de Baudelaire : Fruits purs de tout outrage et vierges de gerçures Dont la chair lisse et ferme appelait les morsures.
dans lesquels la stricte homophonie de rime porte sur [yr], mais aussi s’enrichit des deux phonèmes qui précèdent ([rs]), la rime est donc en [rsyr]. »
Molino et Gardes-Tamine (1992 : 59) parlent de récurrences de sonorités, dont certaines, comme la rime, participent des conventions de la poésie française tandis que d’autres, non codées, sont la conséquence d’un choix stylistique. Cela vaut aussi pour la poésie kabyle en général et celle de Lounis Aït Menguellet en particulier. En effet, la rime, comme l’a déjà souligné Mammeri, est l’un des deux éléments qui fondent la poésie kabyle et la poésie de Aït Menguellet ne fait pas exception sur ce principe. On parle de cas d’assonance (en stylistique),
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« répétition remarquable d’un même phonème vocalique » (Aquien et Molinié, 1999 : 462) et d’allitération qui « est la répétition de phonèmes consonantiques destinée à produire un effet soit harmonique soit structurel, ou bien encore à souligner par le rappel phonique l’importance d’un mot dans le vers ou dans le poème. » (Aquien et Molinié, 1999 : 447)
La rime peut être étudiée selon deux axes : la disposition et la qualité ou richesse.
1. Disposition de la rime 1.1. Les formes traditionnelles Dans la poésie kabyle ancienne, les possibilités de structuration verticale ne sont pas nombreuses. On y distingue principalement : – les rimes croisées (ou alternées) : a-b/a-b : dans les sizains ou des poèmes ou strophes plus importantes, oraganisés en distiques ; – le rythme tripartite, ou ce qu’on peut appeler ainsi en poésie kabyle, fondé sur une suite où une même rime se répète tous les trois vers, après un distique : c’est la disposition des rimes dans le neuvain, dont il a déjà été question au début de ce chapitre. A la différence de ce qu’est le rythme tripartite dans la poésie française, dans le neuvain les rimes du distique (premier et second vers de chaque tercet) sont identiques, avec donc la configuration a-a-b/a-a-b/a-a-b. C’est cette disposition que Mammeri a dénommée rime embrassée ; – la rime a-a-b-a, qu’on rencontre dans certains quatrains de la poésie amoureuse, où la rime a serait redoublée et b orpheline. – La rime plate, dans les distiques (cf. ci-dessous). Ces schémas auxquels se résument les possibilités de disposition de la rime dans la poésie kabyle, seront investis par Aït Menguellet mais avec une nette préférence pour les rimes croisées. On verra que dans sa tendance à l’innovation notre poète exploitera d’autres dispositions.
1.1.1. Les rimes croisées A la manière des Anciens, Lounis Aït Menguellet déroulera à souhait ce schéma de disposition ddunit--iw « Lumière de ma vie », ch. 38) jusqu’à la sur des strophes allant du quatrain (Tafat n ddunit strophe de vingt-deux vers (Asendu nn--wama waman n « Brassez du vent ! », ch. 157) et quelle que soit la longueur des vers (type de mètre, isométrie, hétérométrie). Les rimes peuvent être a-b/a-b/… comme dans le sizain, elles aussi peuvent être a-b/a-b/c-d/c-d/e-f/e-f/..., comme dans les huitains et les strophes plus longues. En voici quelquesexemples : Ma êriγ êri lwerd n tefsut TtmektayeγTtmektaye -d ååifaååifa-m Leεqel Le qelqel-iw ååber yettuyettu-t TesàermeÑ fellfell-i naddam
Les roses du printemps Me rappellent ta beauté ; Mon cœur oublie toute patience, Tu m’interdis tout sommeil.
(ch. 38, v. 9-12)
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Kul mi ara nessired anan-names i ra Kul m a dd-tas lehna anan-nennaγ nenna Amek ara dakdak-d-iàesses Wi tàuza tarda nn-wallaγ walla YezgaYezga-d mebεid meb id yettwali Yettamen wid tt-ittγunfun itt unfun Ay amγar am ar a kk-nesteqsi D acu akka i la dd-yettnulfun
Toute toilette est souillure, La paix est source de troubles ; Comment se faire écouter Par les cerveaux travestis ? Ils regardent de très loin, Croient ceux qui les méprisent ; Sage, nous t’interrogeons Sur ce qui se crée ainsi.
(ch. 155, v. 49-56) Ssqef yigenni igenni Iγum umum-d lqaεa lqa a La tttt-idid-yettwali SegSeg-wasmi tella YettwaliYettwali-d ussan I-yebnan leqrun YeêraYeêra-d ayen iÑran D wayen dd-iÑerrun YeêraYeêra-d irgazen Mi neqqen wiyaÑ Wigad iγeléen i eléen Mi kemmlen di leγlaÑ le laÑ
La voûte céleste Embrasse la Terre Et de près l’observe Depuis qu’elle est là ; Elle a vu les jours Composer les siècles, Ce qui s’y est passé Et ce qui s’y passe ; Elle a vu des hommes Tuer leurs semblables, Et leurs errements Et leur persistance ;
(ch. 156, v. 9-20)
1.1.2. Le rythme tripartite Le rythme tripartite, configuration particulière a-a-b/a-a-b/a-a-b, que Mammeri a dénommée rime embrassée, forme cristallisée dans l’asefru mohandien, est exploité par Aït Menguellet, dans toutes les variantes du neuvain. Il est important de noter qu’Aït Menguellet, en créant de nouvelles variantes métriques du neuvain, conserve telle quelle la disposition des rimes. a) Neuvain ancien (7-5-7), comme prélude ou comme strophe à part entière de la chanson, et dans lequel le deuxième vers de chaque tercet est un pentasyllabe tandis que le premier et le troisième sont des heptasyllabes : MelMel-i-d acu dd-tessuliÑ Úer--i mi dÚer d-tusiÑ A targit efkefk-i lehna Ma si ééaq i dd-tettε tett eddiÑ eddiÑ A tt-γ elqeγ elqe kul iÑ Úerd-tkeččmeÑ ara Úer-i ur dFiàel ma didi-d-tesmektiÑ ëriγ ëri kra teêriÑ Lehmum bdanbdan-d mačči assass-a
Dis-moi ce qui t’édifie A venir à moi, Songe, laisse-moi en paix ; Si c’est par la fenêtre que tu passes, Je la fermerai chaque nuit Pour que tu n’entres pas ; Tu n’as pas à me rappeler, — Je sais ce que tu sais — Que mes peines ne datent pas d’aujourd’hui.
(ch. 10, v. 1-9)
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A nn-yuγal yu al d afrux nn-yiÑ A nn-yas ur tebniÑ WaliWali-d allenallen-is di ccqayeq A mm-n-ihde γeef-win teğğiÑ Alarmi tt-tenγiÑ ten iÑ Ddaw tmedlin yeàreq RruàRruà-is anda telling A nn-yerzu kul iÑ Bac naddam ad amam-yeεreq ye req
Il deviendra oiseau nocturne, Viendra sans prévenir, Vois ses yeux dans les interstices ; Il te parlera de celui que tu as quitté Et qui en fut mort, Consumé sous les dalles ; Son âme, où que tu sois, Te hantera chaque nuit Pour que le sommeil te fuie.
(ch. 46, v. 22-30) ra
Ur yelli a dd-nesnulfu Iwakken anan-nedhu Bexlaf tiddas γeef tmedlin Mi nelluê anan-nessefru Mi nruà anan-nettu At wexxam a γ--d-smektin Aεwin win yedda degdeg-wcuddu AnAn-nekker anan-nelàu Neğğ er tulawin Neğğa ğğa nnif γer
N’ayant rien eu à inventer Qui eût pu nous amuser, Nous nous adonnions au jeu des dames. Le poème qui apaisait notre faim Et qui nous faisait oublier Etait, à chaque fois, confronté aux soucis du foyer. Le viatique dans le ballot, Nous entreprîmes de partir, Laissant aux femmes notre fierté.
Rekbeγ Rekbe di lbabur yuγwas yu was YejbedYejbed-d ssneslassnesla-s èéfeγ èéfe abrid s Irumiyen A widak yenéeÑ yenéeÑ werkas Ur nerbià yiwyiw-wass Dεut utut-iyi aqlaql-i segseg-wen AnAn-nawi yidyid-neγ ne layas AnAn-nuγal nu al a dd-nas S åellaà ibeàriyen
A bord du bateau, qui donna le signal du départ, Et leva l’ancre, Je pris la destination de l’Occident. Vous qui avez du mal à vous défaire de vos lanières Et qui n’avez jamais vaincu la misère, Souhaitez-moi la bienvenue parmi vous ; Ensemble, nous emporterons avec nous l’espoir De revenir un jour, Avec la bénédiction des saints marins.
(ch. 122, v. 36-44 et v. 47-55) b) Neuvain isométrique (7-7-7) : dans lequel tous les vers sont des heptasyllabes : TcubaÑ γer er ttejra Lğerà mkul mi dd-yusa Tiqcert ad tεawed t awed d tajdié Lemmer a dd-tefsi ma n-nuda Acàal n lğ lğerà i tεebba t ebba D ayen ur tqebbleÑ a tié Nugad yiwyiw-wass tiyita Tin akken ur nàellu ara D aÑar ay akal tečč teččiÑ ččiÑiÑ-t
Tu es semblable à cet arbre Qui, à toute plaie qu’on y ouvre, Se régénère de plus belle, Qui, s’il se donnait à voir, Nous montrerait maintes plaies, Dont l’œil se détournerait : Nous redoutons qu’un jour le coup Qui lui serait fatal La restitue à la terre.
A wi tttt-yerran a dd-tecbu Γer er wedrar ur netthuddu Tebna ååeàra s ÂÂmelÂÂmel-is
Ah ! pouvoir la rendre semblable A la dune inébranlable Que le désert fait de sable :
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Win i dd-yusan a tt-yeεnu ye nu FellFell-as irekkeÑ ileààu Kul amêur yeğğ yeğğa ğğa laterlater-is DegDeg-yiÑ yesselfyesself-as waÑu Akken a tt-iåeggem ad yeåfu Amzun yiwen ur tt-yeεfis ye fis
Abordé par maints visiteurs Qui le piétinent et le foulent, Chacun y laissant sa trace ; La nuit lorsque le caresse le vent, Celui-ci le nettoie, Comme si nul ne l’avait foulé.
(ch. 128, v. 47-55, v. 56-64) c) Neuvain ‘‘renversé’’ (7-7-5/7-7-5/7-7-5), dans lequel le troisème vers de chaque tercet est un pentasyllabe tandis que le premier et le deuxième dont des heptasyllabes : Tura mi εewğen ewğen wussan At Rebbi εemmden emmden walan La ttrağuγ ttrağu tafat Éyiγ Éyi ttåehhireγ ttåehhire uÑan Feràeγ eddan Feràe i lmeàna ii-yεeddan Γas as mazal snat A zzher iéésen kul lawan Akwi-d beggenbeggen-d lberhan Éyiγ Éyi di cceddat
Maintenant que les jours sont de travers, Les saints le voient et le savent, J’attends la lumière ; Las de veiller toutes les nuits, Je me réjouis de toute peine passée Bien que d’autres m’attendent ; Toi, sort qui dors tout le temps, Réveille-toi et montre ta puissance, Car je suis las des tensions.
(ch. 27, v. 25-33) d) Neuvain ‘‘boulerversé’’ (7-7-5/7-7-5/7-5-7) (avec double allongement de la voyelle de la syllabe à la rime du vers 22 pour que trois syllabes en deviennent cinq dans la chant), dans lequel le premier et le second tercet sont comme dans le neuvain ‘‘renversé’’ tandis que le troisième est comme dans le neuvain ancien : A kk-weååiγ weååi ruà àkuàku-yas ra Ayen a dakdak-hedÂeγ hedÂe ini-as TeêriÑ wi tttt-ilan Dayen, εyi yiγ yi di ååifaååifa-s Ala lehlak si lğihalğiha-s Yehbel wi tttt-iêran iêran Ul ma ifekkerifekker-ittitt-id yiwyiw-wass Ad εefse efseγ efse fellfell-as Ma ttuγttu -tt ad gganeγ ggane uÑan
Je te conseille d’aller Lui raconter mes paroles, Tu la connais bien ; Je n’en peux plus de la voir, Je n’en récolte que du mal, Qui la voit en devient fou ; Si un jour mon cœur l’évoque, Je le foulerai, Et retrouverai le sommeil,
Mi serseγ serse làağa a tttt-ttuγ ttu I lecγal lec alal-iw ur ceffuγ ceffu IteffeγIteffe -i leεqel le qel DegDeg-webrid mi ara leààuγ leààu Ad shetrifeγ shetrife cennuγ cennu QqarenQqaren-as yemxell Rrbeàuγ Rrbeà-iw mi ara tttt-sεu Ard àluγ àlu Ad afeγ afe sseεd sse d-iw yekmel
J’en oublie jusqu’aux objets, Ne me rappelant de rien, Je ne fais que paniquer ; Sur mon chemin, quand je marche, Je délire et je chante, On me prend pour un fou ; Quand j’aurai celle que j’aime Je guérirai Et mon bonheur sera total.
(ch. 18, v. 5-13 et v. 15-23)
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1.1.3. La rime a-a-b-a Ce type de disposition de la rime, on peut en donner un exemple dans le chant exécuté en chœur par des femmes lors de la cérémonie de ‘‘dévoilement’’ de la mariée, chant par lequel elles la consolent en lui souhaitant la bienvenue dans sa nouvelle maison : Ur ttru a tasekkurt Ilusaner tewwurt Ilusan-im γer Ula d nekkini d taγribt ta ribt D taγribt ta ribt ÜÜi ÜÜiγ tamurt
Ne pleure pas, ô perdrix ! Tes beaux-frères sont sur le seuil, Moi aussi je suis exilée, Exilée, j’ai laissé ma mère.
La rime a-a-b-a, qu’on rencontre aussi dans certains quatrains de la poésie amoureuse, où la rime a serait redoublée et b orpheline car n’ayant pas de répondant dans les autres strophes, comme dans la chanson Mel Mel--iyi iyi--d ddwa « Dis-moi le remède » : Yergagi lxaéer Mi kemkem-idid-ifekker UlUl-iw amejruà Yenγ a-t uàebber
Mon esprit trembla A ton souvenir, Mon cœur est blessé, Les soucis le tuent.
I nudant wallen I steqsaγ steqsa medden NnanNnan-d lemtellemtel-im Ur tt-idid-mlalen
Mes yeux ont cherché, Les gens consultés Ont dit que semblable à toi Ils n’ont rencontré.
çåbeà tameddit Éiceγ Éice di targit Ma truàeÑ fellfell-i Rêaget ddunit
Matin et soir, Je vis dans le rêve, Si tu m’abandonnes, La vie sera amère.
(ch. 9, v. 5-8, 9-12, 13-16) ou dans la chanson D nnuba nnuba--k freà « C’est ton tour d’être heureux ! » : AqlAql-iyi mazal Ugwade adeγ lexyal La ttrağuγ ttrağu tafat Ara dd-yesbanen làal
J’en suis encore à Avoir peur de l’ombre, J’attends la lumière Qui rende tout clair.
Yenγa Yen a-yi uduqes Yezgan degdeg-yiÑes La ttrağuγ ttrağu tafat Ahaq ad yekkes
Les sursauts me tuent, Qui meublent mon sommeil, J’attends la lumière Qui les élimine.
Ugwadeγ ade tikli Di éélam yakkw weàdweàd-i i ra Si m a dd-tas tafat AsAs-d a tiziri
J’ai peu de marcher Tout seul dans la nuit, En attendant le jour, Viens, toi, clair de lune.
(ch. 77, v. 9-12, 13-16, 17-20)
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Ou encore dans cette composition plus récente, la chanson Siwel Siwel--iyi iyi--d tamacahut « Raconte-moi une histoire » : âkuâku-d amek akken I teÑra yidyid-sen i dawAnw aεdaw daw-nni D-izgan gargar-asen
Conte-moi ce qui Leur est arrivé, Qui fut cet ennemi Qui les sépara :
Nnuγen Nnu en ferqen Ferqen mi nnuγen nnu en Mi ferqen mcedhan Uγalen alen mlalen
Ils se disputèrent Et se séparèrent, Ils se désirèrent Et se retrouvèrent.
Mi dd-yuki waγzen wa zen YettabaεYettaba -iten Yeγli Ye li di tesraft D netta i-yettwaééfen
L’ogre, réveillé, Les poursuivit, Tomba dans la trappe, Victime de son piège ;
(ch. 140, v. 18-21, v. 22-25, v. 48-51)
On peut noter, au passage, que les vers des strophes caractérisées par la rime a-a-b-a sont tous des vers courts (pentasyllabes) chez Aït Menguellet, tandis qu’on a affaire à des heptasyllabes dans l’exemple pris dans la poésie populaire.
1.1.4. La rime plate Ce qu’on appelle les rimes plates ou suivies ou consonantes, forment une suite ouverte : aa bb cc … Les rimes plates dans l’œuvre de Lounis Aït Menguellet, il faut le dire, on ne peut en relever que dans des distiques, c'est-à-dire qu’on n’a presque jamais de configuration aabb. Le distique peut clore une strophe, comme dans Lγerba erba n xemsaxemsa-w-rebεin reb in « L’exil de 1945 » (ch. 122) : Tikwal degdeg-sen mi ara ttwali ttwaliγ i
I y manman-iw nniγ nni Wiss ma d llεebd ebd i telliÑ
Il m’arrivait, à la vue de mes semblables, De m’interroger : Suis-je un Homme ?
Tirumyin dd-ttemliliγ ttemlili eddiγ Wexxrent mi ara εeddi eddi
Les Européennes que je croisais
Amzun helkeγ helke ajeğğ ajeğğiÑ ğğiÑ i ééseγ a d d--ttmekti ttmektiγ Kul m ara éése
Comme si j’avais la peste.
Tin akken i nn-ğği ğğiγ Semmaγ aseggwas i yiÑ Semma
wwint--t trumiyin Nesla wwint A tilawin
M’évitaient Le soir, quand je mets au lit, le souvenir De celle que j’ai laissée au pays Je fais de mes nuits des années. Les Européennes l’ont séduit, Ô femmes !
(ch. 122, v. 80-88, 89-90)
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Comme il peut être inséré au centre de la strophe, comme dans la chanson Aseggwas « L’‘‘heureuse’’ année » (ch. 144), chanson dans laquelle chacune des strophes de seize vers est en réalité constituée de deux sous-strophes de huit vers chacune, et dans cette logique, le distique à rime plate clôt toujours la strophe. Ma d yir tagmatt di laåel w
itebεen D ak erfa iteb en tirac I ssaεa ssa a iteddun tetwel tuγmest Rêan tu mest di leryac
Oui, les pires frères de sang Sont l’ivraie qui suit les tas, A l’horloge réglée et précise Ils ont cassé un engrenage ;
Yiwen ufus ard a kk-yemsel ak--d-ibru i wulac WayeÑ ad ak
Tandis qu’une main te façonne
Ur zemmren i lxir Mi qerrben ad yettwexxir
Ne sachant être bons,
La nsell i medden qqaren tecγeb tmurt--is UrtesεaÑ wi tec eb tmurt S kra nn-wergaz s i numen iman--is Kul wa isewweq d yiman i
D Rebb i ttussen tt-idid-iεussen yettεemmid Ur yett emmid i lmutlmut-is
Imi tnedhem yesyes-s TewweÑ Tewwe Ñ-awen tfidi s iγes
L’autre t’offre néant : La bonté, elle, les fuit ; Entend-on dire les gens Que nul n’est peiné par son pays, Ceux en qui nous avions cru, Chacun d’eux s’occupe de lui-même ; Mais c’est Dieu Qui la protège Et Qui ne voudrait sa perte ; Vous vous en remettez à Lui, C’est que vos plaies sont profondes.
(ch. 144, v. 117-132) Le poète a composé ce poème comme s’il était guidé par une inspiration venue lui rappeler le quatrain refrain d’une vieille chanson de Fatma-Zohra13, une chanteuse kabyle ancienne : A lwexda iåaren Aqlemun ar yiÑaren A xali xali Yedderγel Yedder el ur yettwali
Ah ! Quel scandale ! Le capuchon est aux pieds Ah ! Oncle chéri, Aveugle et il ne voit point !
En témoignent l’air musical, inspiré de cette chanson, et le mètre (hétérométrie : 5-7-5-7).
Pratiquement inexistantes dans l’œuvre donc, comme elles sont inexistantes en poésie kabyle en général, voyons comment notre poète caricature la poésie féminine en lui confiant ces rimes plates (cf. ci-dessus) Di Fransa yerwa rrayrray-is Yeğğ Yeğğa ğğa arrawarraw-is
Les délices de la France, il s’en donne à coeur joie, Abandonnant ses enfants à leur sort.
(ch. 122, v. 100 et 101, etc.), Selon une information donnée par Radio Soummam, la radio régionale de Béjaïa, Ay axelxal ajdid « Ô anneau neuf », dont les paroles sont de Cheikh Nordine, un artiste qui a beaucoup donné à la chanson kabyle, a été interprétée par Djamila, ancienne chanteuse et comédienne. Selon Nora Mohandi, journaliste à la Radio nationale chaîne II (kabyle), que nous avons contactée le 23 décembre 2008, c’est Bahia Farah qui a interprétée cette chanson. Selon d’autres, cette chanson a été interprétée par Fatma-Zohra, information que confirme le site Internet Buzitwar, qui a mis la chanson en ligne. 13
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en fait dans ce poème, tous les distiques (les vers 34 et 35, 45 et 46, 56 et 57, 67 et 68, 78 et 79, 89 et 90, 100 et 101, 111 et 112) mis dans la bouche de la femme innocente et naïve, restée au pays pendant que l’homme, non moins innocent mais nettement moins naïf, part en exil pour mettre un terme à sa faim et payer ses dettes, ont une rime plate, et comme si cela ne suffisait pas, dans l’exemple que nous avons cité ci-dessus la rime a encore le malheur d’être facile. Le poète ajoute en fait au palmarès de la femme : à la naïveté des propos qu’il lui prête, s’ajoute cette ″enfance″ du vers (distique à rime plate et hétérométrie 7 et 4), à laquelle s’ajoute, déjà sur le plan musical, le fameux [alahalahalala][alahalala], ″vocalise″ que notre poète dit féminine et qu’il s’est toujours interdit dans ses chansons, sauf à en confier l’exécution à une femme (comme c’est le cas dans la chanson (Tagmatt « La fraternité (ch. 124), Abrid n temêi « Itinéraire d’une jeunesse » (ch. 114, v. 145-179). On a donc une caricature de la poésie chantée féminine : vocalise (en lieu et place d’un distique, ce qui aurait conduit à un quatrain), pauvreté du vers (distique à rime plate et hétérométrie 7 et 4), naïveté du propos (sentences abruptes, répliques contraires des souffrances qu’endure l’homme en exil, dans la bouche duquel le poète met le célèbre neuvain mohandien (7a-5a-7b/7a-5a7b/7a-5a-7b) comme une sorte d’hommage aux artistes anciens qui ont chanté l’exil dans les formes poétiques traditionnelles. Loin de nous l’idée de vouloir établir un quelconque rapport privilégié entre la versification et la thématique, nous disons simplement que, étrangement dans ces deux exemples de poèmes où nous relevons la rime plate, celle-ci a des relents directs ou indirects de présence féminine. Mais on peut rencontrer aussi la rime plate dans un contexte exclusivement masculin, celui de la guerre, dans la chanson Rğu Rğu--yi « Attends-moi ! » ÊÂmel s yiéij yeàma IkemmelIkemmel-as rråas yerγa yer a
Le sable, brûlant sous le soleil, Flambe sous les balles de plomb.
(ch. 78, v. 77 et 78) Dans les strophes suivantes, qui sont des quintils relevés dans la chanson Ay agu « Ô brume ! », on a des rimes plates, de telle façon qu’on la sructure globale de la strophe en a-a/b-b/c : D acu i teêriÑ ay agu Ay agu dd-yewwi waÑu ëriγëri -d agad i tàemmleÑ Ur tettεawadeÑ tett awadeÑ a tenten-teêreÑ Ay ameγbun ame bunbun-iw
Qu’as-tu vu, ô brume ? Ô brume qu’a amenée le vent ? J’ai vu ceux que tu aimes Et que tu ne reverras plus jamais, Mon pauvre !
D acu i yi-d-infan ay agu Ay agu dd-yewwi waÑu SegSeg-wasmi ii-yemmut babababa-k I tbeddel targit fellfell-ak Ay ameγbun ame bunbun-iw
Qu’est-ce qui m’a exilé, ô brume ? Ô brume qu’a amenée le vent ? Depuis que ton père est mort, Le rêve est devenu cauchemar pour toi, Mon pauvre !
(ch. 76, v. 78-87)
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1.2. Les formes innovantes Dans l’œuvre d’Aït Menguellet, on compte essentiellement trois formes innovantes quant à la disposition des rimes : La rime a-b-c/a-b-c/a-b-c, la rime embrassée, le rythme quadripartite. 1.2.1. La rime a-b-c/… La rime qu’on pourrait appeler ‘‘ternaire’’, de configuration a-b-c/a-b-c/a-b-c, qu’on rencontre dans deux chansons : Telt Telt--yyam « Trois jours » (ch. 58) et Yerna yiwen wass « Et s’ajoute un jour. » (ch. 153) : Ass amenzu UlUl-iw yezha Amzun yelliyelli-d s tsarut a Yebγ Yeb ad icnu Γef ef tin yeêra Ifaq s lwerd di tefsut Yugi ad ittu Γas as tεedda t edda D lemàibbalemàibba-s tamezwarut
Le premier jour, Mon cœur, joyeux, Ouvert par enchantement, Voulait chanter Celle qu’il a vu Et les roses du printemps : Il n’oubliera, Bien qu’évanouie, Sa toute première passion.
DegDeg-wass wiswis-sin âefÑeγ âefÑe leàzen âefÑeγ âefÑe d acu ii-yeswa éélam Ussan ttin Amzun àebsen Ya wid ijerrben teêram Mi tt-idid-wwin Ttrun medden Yemmut wi εzizen zizen γeef-wexxam
Le jour deuxième, J’appris le deuil Et les affres des ténèbres ; Les jours, branlés, Semblaient figés, Le sait mieux qui l’a vécu : On ramena, Et tous pleurèrent, Le mort cher à la famille.
(ch. 58, v. 7-15, v. 16-24) Ay azger mi dakdak-d-bran Taåebàit segseg-waddaynin Kečč er uzaglu Kečč d gmagma-k γe La trennuÑ ass γer er wussan w Γur urur-k yakk ttemcabin D lehwa d iéij neγ ne d agu Tameddit tessneÑ amkan Asaγur Asa ur wiss ma ad yibnin Ad akeggu ak-yerêag s εeggu
Ô toi, bœuf que l’on détache De bon matin, de l’étable, Pour te mener sous le joug, Tu ajoutes un jour aux jours Pour toi, tous se ressemblent : Pluie, soleil ou brouillard ; Le soir tu connais ton gîte, Quel goût aura le foin ? Ta fatigue le rend amer !
Amek i kk-d-tettban ddunit TekkiÑTekkiÑ-d nnig akkw wiyaÑ D kečč kečč kan ii-yesεan làeqq Mi ara dd-tekkreÑ taåebàit
Comment t’apparaît le monde ? Tu es au-dessus de tous Et seul à avoir raison ; Lorsqu’à l’aube tu te lèves,
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TessalayeÑ iéij s leγlaÑ le laÑ a TγellÑeÑ ellÑeÑ and ur ilaq Lbulitik tisertit Akken i ks-tsemmaÑ k-yehwa i sTameddit ard a kk-teÑleq
Se lève le faux soleil De tes erreurs malvenues ; Tasertit, la politique, Nomme-la comme il te plaît, T’abandonnera le soir ;
(ch. 153, v. 14-22, v. 40-48) 1.2.2. Les rimes embrassées Les rimes embrassées, qui, sur le même couple de base ab, réalisent un chiasme (abba), inexistantes dans la poésie kabyle ancienne, ne constituent pas, en réalité, une innovation de Lounis Aït Menguellet. S’étant essayé à ces rimes, on trouve très peu d’exemples dans l’œuvre : Lekdeb mi dd-yurew lbaéel IserreàIserreà-as ad yesserwet Yuγal Yu al yekkat ur yettwet Amkan γeef iedda icewwel i-yεedda
Le mensonge, engendrant l’arbitraire, Le laissa tout dévaster, Il donnait des coups sans en recevoir, Il semait le trouble sur son passage.
(ch. 81, v. 13-16) Aha kkert ay irfiqen S anga i daγda -nehren nerra AnAn-nelàut wa deffir wa Am tejlibt izamaren
Levez-vous, compagnons ! Pour aller où ils nous mènent, Marchons l’un derrière l’autre Tels un troupeau d’agneaux.
Ma d amberrez d umenγi umen i Nutni ur ttqabalen ara Sεan anwannect-a an-aγ i wannect D kečč akkw d nekkini
Pour affronter et combattre, Ils ne sauraient assumer : Ils nous ont pour cela, Toi et moi
Ma d kečč tugiÑ ad truàeÑ TenniÑTenniÑ-asen Ur neqqeγ neqqe ara Wid ur ii-nexdim wara Ara yeÑrun yidyid-k ad teêreÑ
Mais toi, refusant d’y aller, Leur disant : Je ne tuerai point Ceux qui ne m’ont rien fait, Tu verras ce qu’il adviendra de toi.
(ch. 97, v. 9-12, v. 25-28, v. 33-36) La combinaison et la succession libre de ces trois : on parle de rimes mêlées (cf. Aεsekriw, ch. 97, par ex. v. 13 à 20), sauf qu’ici, comme ailleurs dans toute l’œuvre, il n’y a pas rimes plates : AmeksaAmeksa-nneγ nne yesε yes a iles
Notre berger à la parole,
Ulayγer Ulay er ara nenéeq Γas as--d-nessukkes as ad as
A quoi bon parlerions-nous ?
D netta ara yesεun yes un làeqq Acàal telham ay atma
C’est lui qui aura raison ;
w
yi
Dussions-nous le prendre en faute, Combien vous êtes bons, frères !
S lemk aàel ger fassen Mi ara tetteddzem iÑarren
Le fusil entre vos mains
Tefkam mebεid meb id lhiba
De loin vous inspirez crainte.
Et quand vous battez du pied,
(ch. 97, v. 13-20) La rime apparentée à la rime embrassée mais irrégulière :
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Le cas de la chanson Ameddaà « L’aède » SamàetSamàet-iyi Nekk d ameddaà Ur nettseÑài Ur nàebbes di tikli Yettadden tawwurt tawwurt tawwurt Ayen inwa d tidett a tt-yini
Pardonnez-moi, Je suis l’aède Qui n’a pas honte, Que rien n’arrête dans sa marche, Qui frappe à toutes les portes Et qui dit sa vérité !
(ch. 103, v. 11-16) 1.2.3. Le rythme quadripartite – le rythme quadripartite répète le système d’alternance des rimes mais tous les quatre vers : a-aa-b/c-c-c-b… ou rime redoublée. Dans la poésie de Lounis Aït Menguellet, il y recouvrement des alternances : a-a-a-b/a-a-a-b/a-a-a-b, comme dans les strophes suivantes. Notons d’emblée que dans ces vers il y a rime (divers types de rimes, qualité et disposition) et cette rime est indemne de toute facilité. Il est certes vrai qu’on a là une rime pauvre (dernier vers de la première strophe), dans ces exemples de la chanson Jamila « Djamila » : Ur ifat làal Mačči d lmuàal YiwYiw-wass ma nemlal Ad asas-iniγ ini Feràeγ Feràe mi dd-tÑall âezneγ âezne mi tuγal tu al LehnaLehna-w s lekmal YidYid-s i tttt-ufiγ ufi AmzurAmzur-is d akwbal D lwerd amellal D rrbeà i tuklal I ss-ttmenniγ ttmenni
Ce n’est pas trop tard Et tout est possible, Si un jour on se voit, Je lui dirai ; Heureux de sa venue, Malheureux à son retour, Ma paix dans sa plénitude, C’est avec elle que je l’ai ; Sa chevelure est fleur de maïs, Elle est rose blanche, Elle mérite la fortune, Que je lui souhaite.
Ma truà γer erer-lexla Ma truà γer er tala Tié mi tttt-twala Tettu kulci Mačči d menwala Tehbel s ååifa Steqsit win teràa A wenwen-yini Win i γeef i tεedda t edda A ss-teğğ ccama Amzun di tnafa I tttt-nettwali
Quand elle va aux champs, Quand elle va à la fontaine, Quand mes yeux la voient, Elles oublient tout ; Loin d’être banale, Elle est beauté folle, Interrogez qui elle a meurtri Et il vous dira ; A celui qu’elle croise Elle laisse des traces Comme si dans un rêve Nous la voyions.
(ch. 30, v. 15-26 et 27-38) Dans cette chanson le rythme quadripartite divise chaque strophe en trois quatrains. Dans le refrain, comme pour donner un avant-goût de la rime quadripartite, le poète l’introduit en la
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mêlant avec les rimes croisées : le refrain est ainsi constitué d’un huitain à rime croisée du premier au quatrième vers et à rythme quadripartite du cinquième au huitième vers : Nurğa lexbarlexbar-im r
i
U dd-yus ara Nerğa lexyallexyal-im
J’ai attendu de tes nouvelles, Je n’en ai pas eu ; J’ai attendu de voir ton ombre,
FellFell-am neràa AwiAwi-d afusafus-im
Je brûle d’envie pour toi ;
SkenSken-iyiiyi-d udemudem-im yisem--im I-yecbeà yisem
Montre-moi ton visage,
A Ğamila
Ô Djamila !
Donne-moi ta main, Que ton nom est beau,
(ch. 30, v. 7-14) Une autre disposition dans laquelle le poète mêle les rimes a-a-b-a et les croisées au rythme quadripartite, on la trouve, par exemple, dans la chanson Asendu nn-waman « Brassez du vent ! » : Yiwet γer er tayeÑ Taεk kwemt ad taêay Ta Ayen ii-yerxisen A γ--d-yas γlay lay Abrid iseggmen A γ--d-iban yenneÑ Tasawent yekfan A dd-nexleq tayeÑ
Fardeau sur fardeau Et la charge pèse, Ce qui est gratuit Nous reviendra cher, Tout chemin droit Paraît sinueux Et la fin d’un mont Est un autre mont ;
Nettarra yewεer yew er Wayen akkw isehlen Kul mimi-ilaq anan-nêer AnAn-nebru i wallen
Nous rendons ardue Toute chose simple, Dès qu’il nous faut voir Nous baissons les yeux ;
A wid yestufan Yessenduyen aman I-yebγan yeb an lexrif Γas as mebγir meb ir lawan Ssenduyet aman A wid yestufan Ur dd-tewwim ewwim lexrif Ur tekkisem làif TernamTernam-d aγilif a ilif Γer er widak yellan
Vous êtes patients, Et brassant du vent, Vous rêvez du fruit Bien que hors saison, Remuez le vent, Vous avez du temps : Vous n’avez le fruit, Vous n’ôtez la peine, Ajoutez des soucis A ceux qui existent.
(ch. 157, v. 10-31)
Dans cette strophe de vingt-deux vers, des pentasyllabes, nous avons les rimes a-a-b-a du premier au quatrième vers et du treizième et au quatorzième, les rimes croisées du cinquième au douzième, le rythme quadripartite du dix-neuvième au vingt-deuxième vers ; il restera la rime du dix-septième et le dix-huitième vers : est-ce une rime plate ?
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1.2.4. La rime orpheline La rime orpheline est la rime qui n’a pas de répondant. C’est le cas dans les vers ‘‘orphelins’’ qui sont parfois des vers-refrain, ce vers qui clôt une strophe ou un poème entier, comme dans les chansons Wi d d--iruàen « Qui vient donc ? » (ch. 109), Abrid n temêi « Itinéraire d’une jeunesse » (ch. 114), Iminig nn--yiÑ « Le voyageur nocturne » (ch. 133), Siwel Siwel--iyi iyi--d tamacahut « Raconte-moi une histoire ! » (ch. 140), S ani tebγam an an--nruà « Où voulez-vous que nous allions ? » (ch. 143) : Ziγ Zi d kunwi i dd-iruàen…
C’est donc vous qui venez !
(ch. 109, v. 71) a
Akk ay d jjwağ jjwağ a yemma
Mère ! Quelle mal mariée je suis !
(ch. 114, v. 151 = 158…) Ay iminig nn-yiÑ
Ô voyageur nocturne !
(ch. 133, v. 13 = 26…) SiwelSiwel-iyiiyi-d tamacahut tamacahut !
Raconte-moi une histoire !
(ch. 140, v. 13 = 26…) Kkert ad teddum anan-nruà
Regagnons notre montagne !
(ch. 143, v. 14 et 21) Lorsque cette rime un répondant dans la strophe suivante, elle s’appelle rime disjointe. C’est le cas dans la chanson Arrac Arrac n Lezzayer « Les enfants d’Algérie » (ch. 86), dans laquelle le vers ‘‘orphelin’’, qui clôt la strophe, a un répondant dans chaque strophe : Ad tεiceÑ t iceÑ di lehna n ddaw yifer TeğğeÑ sidisidi-k yessen s ani ara kk-yerr w A kk-mlen yakk lεilm l ilm anga yeffer Aseεdi Ase di d win yemmuten di liser liser Éic di lehna a mmimmi-s n Lezzayer
Tu vivras dans la paix des braves. Et laisse ton seigneur te mener — il sait où. Ils t’apparendront oute la science cachée. Bien heureux celui qui mourra en paix. Vis en paix, ô fils de l’Algérie.
(ch. 86, v. 40, 49, 58, 67, 76) Le cas de la chanson Ini Ini--d ay amγar « Dis-nous vieux sage. » (ch. 155) est tout à fait autre. Les strophes de cette chanson sont des huitains d’heptasyllabes qu’on peut diviser en deux quatrains, dont nous avons repris ici le second de chaque strophe. Si le troisième et le quatrième vers de ces seconds quatrains se répètent dans chaque strophe, le premier et le second sont différents mais unis par la rime. Nous avons donc ici une rime entre éléments de strophes différentes : Ibeddel ula d igenni NnanNnan-t-id wid iceffun Ay amγar am ar a kk-nesteqsi D acu akka i la dd-yettnulfun
Et le ciel n’est plus le même, Disent ceux qui s’en souviennent ; Sage, nous t’interrogeons Sur ce qui se crée ainsi.
IbanIban-d lεib l ib yeflali Di leqder la dasdas-rennun Ay amγar am ar a kk-nesteqsi D acu akka i la dd-yettnulfun
L’infamie surgit et brille, On l’honore davantage ; Sage, nous t’interrogeons Sur ce qui se crée ainsi.
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Làeqq amek ara yili Ma àekmenàekmen-aγ wid i tt-yettun Ay amγar am ar a kk-nesteqsi D acu akka i la dd-yettnulfun
La justice peut-elle vivre Si même nos chefs l’oublient ? Sage, nous t’interrogeons Sur ce qui se crée ainsi.
Wi ifehmen la yettwali YessewhemYessewhem-it kra i dd-iÑerrun Ay amγar am ar a kk-nesteqsi D acu akka i la dd-yettnulfun
Et le sage, qui observe, Ce qui arrive l’étonne ; Sage, nous t’interrogeons Sur ce qui se crée ainsi.
AssAss-a mi ss-nefhem tikli Nuγal Nu al segseg-wid yettargun Ay amγar am ar a kk-nesteqsi u D ac akka i la dd-yettnulfun
La saisissant sur le tard, Nous ne pouvons qu’en rêver ; Sage, nous t’interrogeons Sur ce qui se crée ainsi.
Yettak azal d tmuγli tmu li I widak i tt-yettγurun yett urun Ay amγar am ar a kk-nesteqsi u D ac akka i la dd-yettnulfun
Valorise et considère Ceux-là mêmes qui la trahissent ; Sage, nous t’interrogeons Sur ce qui se crée ainsi.
YezgaYezga-d mebεid meb id yettwali Yettamen wid tt-ittγunfun itt unfun Ay amγar am ar a kk-nesteqsi D acu akka i la dd-yettnulfun
Ils regardent de très loin, Croient ceux qui les méprisent ; Sage, nous t’interrogeons Sur ce qui se crée ainsi.
(ch. 155, v. 5-8, 13-16, 21-24, 29-32, 37-40, 45-48, 53-56)
2. Qualité ou richesse de la rime La qualité ou richesse de la rime se mesure traditionnellement au nombre de phonèmes répétés. C’est ainsi, qu’on peut distinguer, avec Molino et Gardes-Tamine (1992 : 72-73) et Aquien et Molinié (1999 : 649), les types suivants : – La rime pauvre : V. – La rime suffisante : VC (syllabe fermée) ou CV (syllabe ouverte) – La rime riche : CVC ou VCC ou CCV ou VCV (= double ou léonine). A ces types, il faut ajouter les phénomènes d’enrichissement de la rime ainsi que ce qu’on appelle la rime facile ou banale. Cette dernière est soit la rime du même au même, c'est-à-dire qui reprend la même unité située à la rime, que cette unité soit un lexème ou un morphème grammaticale. Dans la poésie kabyle, qu’elle soit ancienne ou contemporaine, il semble que de la qualité de la rime ne soit pas un critère important. Aussi, dans la poésie contemporaine, l’effort de recherche dans le domaine des sonorités étant le moindre souci des poètes, la rime frappe plus par sa facilité que par son originalité. La poésie d’Aït Menguellet n’échappe pas à cette tendance, dans laquelle on trouve de la rime léonine à la rime facile, avec une nette dominance de la facilité. Ailleurs, dans les contrées où beaucoup de poètes étaient aussi des poéticiens, la rime facile, considérée comme faible, est déconseillée : dès le Moyen Age étaient exclus la rime du même au
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même (d’un mot avec lui-même) sauf en cas d’homonymie, la rime entre mots de la même famille, la rime entre mots terminés par la même désinence ou par le même suffixe. Et c’est là que la poésie kabyle se distingue, en mettant à la rime divers morphèmes grammaticaux : satellites du nom (adjectif démonstratif, adjectif possessif) et ceux du verbe suffixés (modalité d’orientation spatiale), pronoms régimes direct et indirect, indice de personne suffixé (ainsi que le second élément de celui du participe), affixe de préposition, a fortiori mais pas exclusivement dans la poésie lyrique où la subjectivité rend nécessaire l’usage de la première personne. Si l’œuvre d’Aït Menguellet se distingue du reste de la poésie kabyle sur bien des plans, en revanche elle ne sort pas du tas s’agissant de la qualité de la rime. Estimant donc que la qualité de la rime n’est pas un critère déterminant, nous nous contenterons de donner quelques exemples pour illuster les types.
2.1. La rime facile Comme souligné ci-dessus, la rime facile est constituée paritllement ou entièrement de morphèmes grammaticaux, n’intéressant presque jamais les unités lexicales. Dans la strophe suivante, la rime [im] du premier, du troisième, du cinquième et du sixième vers est l’affixe de nom (possessif) 2SF. Cependant, dans certains cas comme ici, d’autres sonorités à proximité viennent atténuer la rime grammaticale : dans le premier et le troisième vers la proximité formelle des lexèmes lexbar et lexyal ([r] et [l] étant toutes les deux des latérales), tendraient à faire de cette rime une rime riche ; dans le sixième et le sptième vers, les lexèmes précédant l’affixe udem et isem riment entre eux et renforcent donc la rime que constitue ledit affixe : Nurğa lexbarlexbar-im r
i
U dd-yus ara Nerğa lexyallexyal-im
J’ai attendu de tes nouvelles, Je n’en ai pas eu ; J’ai attendu de voir ton ombre,
FellFell-am neràa Awi--d afus afus--im Awi
Je brûle d’envie pour toi ;
SkenSken-iyiiyi-d udemudem-im yisem--im I-yecbeà yisem
Montre-moi ton visage,
A Ğamila
Ô Djamila !
Donne-moi ta main, Que ton nom est beau,
(ch. 30, v. 7-14) Dans la strophe suivante où la rime peut apparaître facile mais, en réalité, le seul problème qui caractérise cette rime, c’est qu’elle n’est pas riche car si l’on supprime l’indice de personne (γ, indice sujet 1S), il subsistera la voyelle [u] qui appartient au radical verbal, ce qui fait d’elle une rime suffisante : S lqella nn-lğehd ttàulfuγ ttàulfu Bdiγ tteεyu Bdi tte yuγ yu UsiγUsi -d ad xedmeγ xedme luqam Ma xedmeγ xedme lebγi leb i-w, ttuγ ttu Ad čče ččeγ ad rwuγ rwu D acu ara dd-ğğe ğğeγ i wexxam Tazmert Tazmert a tttt-idid-snulfuγ snulfu
Je sens mes forces m’abandonner Et la fatigue me gagner Alors que j’étais venu me rendre utile ; Si l’oubli m’en faisait dévier, Si je ne prenais soin que de moi, De quoi ferais-je profiter ma famille ? Il me reste qu’à recouvrer mes forces
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D axxam i ttarguγ ttargu i ëriγ erëri γer er- ii-yessaram
Qui me feront regagner mon foyer, Qui, je le sais, fonde tout son espoir sur moi.
(ch. 122, v. 91-99) On peut rencontrer dans quelques poèmes, la répétition de la modalité négative postverbale ara à la rime, comme dans l’exemple : Anta tameslayt S ur tenéiqem ara Amkan di ddunnit de G ur teεfisem te fisem ara
Dites-moi quelle langue Vous n’ayez parlée, Quel lieu sur terre Vous n’ayez foulé ;
(ch. 143, v. 28-31)
2.2. La rime pauvre Voici un exemple de rime qui à première vue est une rime suffisante dans le premier, le second et le troisième vers. Mais dès qu’on a repéré l’indice sujet 1S (—γ), on peut penser à une rime facile : Akken ad steεfu ste fuγ fu âkuâku-d ad àluγ àlu âkuâku-d ad ttuγ ttu Ayen i xedmeγ xedme assass-a
Pour que je me repose, Conte et calme-moi, Et pour que j’oublie Tout ce que j’ai fait ;
(ch. 140, v. 61-64) Mais après commutation [par exemple par l’indice 1P (n—) : anan-nesteεfu neste fu, anan-neàlu, anan-nettu nettu], il subsiste la voyelle [u] : il s’agit donc d’une rime pauvre, comme dans le quatrième vers, et comme dans la strophe suivante (à l’exception du dernier vers) : Teqleb assass-agi AÑar yuγal yu al s aqerru Yelha Yelha wi ur nelhi Wi ilhan yewwiyewwi-d akukru Di tmusni yewt yiγisi isi TekkesTekkes-as timmuhbelt iseγ ise
Tout est renversé : Le bas, devenu le haut, L’engeance, devenue noblesse, La noblesse se fait toute petite ; Le savoir est lézardé, Déconsidéré par la sottise.
(ch. 138, v. 27-32) Tandis que dans la strophe suivante nous avons une alternance de rime suffisante et de rime pauvre : Di ssuq ameddaà yiwyiw-wass de Yeééef amkan g ara dd-yessefru Lγac aci usanusan-d s waéas Ad slen acu ara dd-yesnulfu Yerğ Yerğa almi dd-zzin fellfell-as Yebda la sensen-d-icennu :
Au marché, un jour, le poète Prit place pour versifier ; Ce jour-là il y eut foule Pour l’entendre innover ; Aussitôt entouré, Il commença à chanter :
(ch. 138, v. 1-6)
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2.3. La rime suffisante « D’une manière générale, la rime est considérée comme d’autant plus réussie qu’elle unit des mots très dissemblables, selon le principe édicté par Banville : « Vous ferez rimer ensemble, autant qu’il se pourra, des mots très semblables entre eux comme sons, et très différents entre eux comme sens. » (Aquien et Molinié, 1999 : 652), comme dans les exemples ci-dessous : Kul mi ara nessired anan-names Kul mi ara dd-tas lehna anan-nennaγ nenna Amek ara dakdak-d-iàesses Wi tàuza tarda nn-wallaγ walla YezgaYezga-d mebεid meb id yettwali Yettamen wid tt-ittγunfun itt unfun Ay amγar am ar a kk-nesteqsi D acu akka i la dd-yettnulfun
Toute toilette est souillure, La paix est source de troubles ; Comment se faire écouter Par les cerveaux travestis ? Ils regardent de très loin, Croient ceux qui les méprisent ; Sage, nous t’interrogeons Sur ce qui se crée ainsi.
(ch. 155, v. 49-56) Si l’on excepte le dernier vers de la srophe suivante, dans les autres vers la rime est suffisante dans la mesure où le [n] final des trois unités à la rime est une consonne radicale : Ur yelli waγzen wa zen Ur yelli wuccen Neγ Ne lewàuclewàuc-iÑen Ara d-yasen nnignnig-i
Il n’y a pire ogre, Ni pire chacal, Ni bête sauvage, Qui m’égaleraient :
(ch. 140, v. 70-73) tout comme dans l’ensemble des vers de la strophe suivante : Nebded ur nmal Yeγli liYe li-d leεjeb le jeb ma nwalanwala-t Tiwwura n wuzzal Tin yemdeln a dd-nelli snat D rrbeà i nuklal Leεbemt Le bemtbemt-tttt-id a lxalat
Debout nous tenons, Et les scandales maîtrisons ; Les portes même en fer, Si une est fermée, nous en ouvrons deux ; Car nous méritons l’opulence Chantez et dansez, femmes !
(ch. 142, v. 79-84) Dans le quatrain suivant, la rime est suffisante mais dans le premier et le troisième vers il y a une rime léonine (à l’oral : [δəGul] vs [jəGul]) : Ur telli degdeg-wul Tirrugza yiwet IÑelli yeggul AssAss-a ad yesseànet
N’étant dans son cœur, La bravoure est une, Qui a juré hier Faillit aujourd’hui.
(ch. 157, v. 40-43) 2.4. La rime riche Rime riche ou rime léonine, dans l’œuvre, comme dans la poésie kabyle en général, ces jeux de snonorités sont rarissimes. On peut en citer quelques exemples :
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Dans la strophe suivante, relevée dans Ay agu « Ô brume ! », nous avons une rime riche [wəθ] entre le second, le quatrième et le sixième vers, enrichie par [i] (i indice sujet 3SM de wet « frapper » ; yiwet = « une », iwet = « il frappa », sserwet = « dépiquer »/« battre ») : Nfiγ Nfi akken yakkw nfan Lameεni Lame ni ssebba yiwet Gma mi ss-mennaγ menna leàsan YekkererYekker-d γer er-i ad iyi-iwet Nfiγ Nfi ad beddleγ beddle amkan Qim a gma krez sserwet
Exilé comme tous les autres, Et la cause en est la même ; Mon frère, dès que je voulus du bien, S’est levé pour me frapper ; Je m’exile pour changer de pays, Et laisser mon frère faire la pluie et le beau temps.
Ch. 76, v. 29-34) Dans le passage suivant (strophe tronquée), tandis que la rime est riche dans le quatrième et le cinquième vers, il y a rime léonine entre les le premier et le second vers : Ay at iεebbaÑ i ebbaÑ yexwan Mi ara sensen-d-dekren lexwan AxxamAxxam-nsen d asemmaÑ D amγar am ar neγ ne d ‚‚ufan w Ur dd-igg ri wiwi-yestufan Siwa wi iddan di leγlaÑ le laÑ
Qui ont le ventre creux Et qui, lorsque les dévots leur psalmodient, Pensent à la froideur de leur foyer, Car du vieillard au nourrisson, Nul ne cautionne plus Que celui qui a été dupé.
(ch. 125, v. 45-50) On peut aussi reconnaître une rime léonine dans le premier, le troisième et le septième vers de cette strophe : Nwala lweqt yettγawal yett awal NeslaNesla-yas la dd-yettcekti NeslaNesla-yas mi dd-issawal NennaNenna-d kan d acu ii-yettmenni YiwYiw-wass asmi ii-ydewer làal D ayen nniγ nni i dd-yezzin fellfell-i Mi nwiγ nwi ssexdameγ ssexdame awal D tasusmi i dd-iglan yesyes-i
Je voyais le temps passer L’entendais se plaindre Quand ses appels me parvinrent C’est à peine si je me suis interrogé sur ses vœux Le jour vint où il y eut revirement de situation Ce que j’eus dit fut retourné contre moi Alors que je croyais maîtriser le Verbe Je fus contraint au silence
(ch. 106, v. 15-22) 2.5. Absence de rime On peut parfois relever des cas d’absence de rime : c’est le cas dans le dernier vers de première strophe de la chanson Ameddaà « L’aède » : RegmeγRegme -k a gma ur ttseÑàiγ ttseÑài w
Ayen akken akk i dakdak-nniγ nni Iàuza--k ur di di--izgil Iàuza Ma γelée eléeγ elée deg deg-wayen êriγ êri Aql--i d llεebd lliγ Aql ebd ay lli
Toute honte bue, je t’ai insulté, frère, Et tout ce que je t’ai dit T’atteint et ne me ménage ; Et si je me suis trompé, Je ne suis qu’un être humain,
Ahat zeggdeγzeggde -as i lkil seg--k d acu urğiγ Yak teêriÑ seg urği
Tu sais ce que j’attends de toi,
Ur kk-qaleγ qale ur diyi-ttqil
Entre nous, c’est de bonne guerre !
Peut-être ai-je exagéré la mesure :
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Bγiiγ kan a kk-steqsiγ steqsi mel--iyi Amek i tga tidett, mel
Je veux seulement que tu me dises Ce qu’est la vérité.
(ch. 103, v. 1-10) où le schéma de la rime est : a-a-b/a-a-b/a-b/a-c. Cette irrégularité, on peut la relever aussi dans le premier vers de la sixième strophe de la chanson A Dda Yidir « Ô Dda Yidir ! » : A Dda Yusef Asmi nγil n il nerbeà nufanufa-t TawriqtTawriqt-nneγ nne ziγ zi tfat ZdatZdat-neγ ne yeddemyeddem-itt waÑu Wa yettmettat Wa yettγellit yett ellit di tafat Ma yufayufa-d ugur yenfayenfa-t w Yegg rara-d ugujil yettru Leàsab nekfanekfa-t Ayen ilhan uàric yečč yečča čča-t Nesεa Nes a tiγilt ti lt neγ ne snat AnAn-nefreq kan deεwessu de wessu
Ô Dda Youcef Nous nous croyions parvenus Mais notre page, tournée, Le vent nous nous l’a arrachée ; Les uns périssent, Les autres jouissent au grand jour, Eloignant l’adversité Et l’orphelin fond en larmes ; Le compte est clos On nous a pris le meilleur, Laissé une ou deux collines Et notre sort comme lot.
(ch. 152, v. 54-65) Dans le premier vers (v. 54) : Yusef est selon toute vraisemblance un prénom de rechange, le prénom qui rime avec les autres vers étant Feràat, si l’on écarte le succédané, passe-partout mais dévalorisant chez les Kabyles, Winnat « Untel ». On peut relever aussi l’exemple du sixième vers de la quatrième strophe de la chanson Yerna yiwen wass « Et s’ajoute un jour ! » : Amek i kk-d-tettban ddunit TekkiÑTekkiÑ-d nnig akkw wiyaÑ D kečč kečč kan ii-yesεan làeqq i M ara dd-tekkreÑ taåebàit TessalayeÑ iéij s leγlaÑ le laÑ TγellÑeÑ ellÑeÑ anda ur ilaq Lbulitik tisertit Akken i kk-yehwa i ss-tsemmaÑ Tameddit ard a kk-teÑleq Yerna yiwen wass γer er wussanwussan-ik TqerbeÑ γer er taggara S yiwen wasswass-nniÑen Ideg ara yekfu leàsableàsab-ik
Comment t’apparaît le monde ? Tu es au-dessus de tous Et seul à avoir raison ; Lorsqu’à l’aube tu te lèves, Se lève le faux soleil De tes erreurs malvenues ; Tasertit, la politique, Nomme-la comme il te plaît, T’abandonnera le soir ; Et un jour s’ajoute à tes beaux jours, De la fin tu te rapproches, D’un autre jour qui s’ajoute, Où tes calculs prendront fin.
(ch. 153, v. 40-52) Dans cette chanson le vers 45 [aq] ne rime pas avec les vers 42 et 48 [eq].
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3. Les récurrences libres Les récurrences libres sont les jeux des sonorités non codés comme la rime. Le phénomène étant de moindre importance tant dans la poésie kabyle que dans l’œuvre d’Aït Menguellet, nous nous contenterons de relever quelques cas qui méritent d’être soulignés tant ils paraissent être un choix délibéré du poète : quelques cas d’allitération, répétition de consonnes ou de voyelles dans les syllabes autres que celle de la rime, ainsi que quelques cas de paronomase, caractérisés par la présence dans un même segment (vers ou strophe) de mots phonétiquement proches.
3.1. Allitérations Dans le passage suivant, on relève la répétition du phonème [ӡ] et du phonème [dӡ] très proches sur trois vers, dans les mots ajajià yeğğ yeğğa ğğa d tiggujelt tuğğ tuğğla ğğla lejraà : Ajajià asmi iedda i-yεedda Yeğğ Yeğğa ğğa-d tiggujelt tuğğ tuğğla ğğla y Lejraà d imeééi
La flamme, sur son passage, A laissé des veuves des orphelins Des blessures et des larmes
(ch ; 120, v. 35-37) Dans le vers suivant, on relève une répétition des phonèmes [u], [y] et [s] : Ur dd-yusi ur tuyiseÑ
Celui dont tu ne désespère pas tarde à venir ;
(ch. 123, v. 4) Comme dans les passag précédents, il peut même arriver que lee poète fasse le choix stylistique d’autres jeux de sonorités, comme dans le refrain du poème Izurar idurar « Mon pays, celui des paradoxes », dans le parallélisme azrar - adrar - amrar/idurar amrar idurar - izurar – imurar : Kul taddart tcub eftcuba azrar γef ef-wedrar Icudden mebγir meb r amrar S icerfan TamurtTamurt-iw D izurar γef efef-yidurar Icudden mebla imurar S igenwan
Chaque village Est tel un collier sur un mont, Attaché sans nulle corde Aux précipices ; Mon pays Est colliers sur montagnes, Attachés sans cordes Aux cieux.
(ch. 127, v. 29-36) Dans le passag suivant, on relève deux allitérations : le phonème [s] se répète dans le second et le troisième vers, tandis qu’entre le premier et le troisième vers la syllabe située à la rime contient les sons [f], [r] et [l], ces derniers étant tous les deux des latérales : Teêram acimi teffrem Isem--nwen la dIsem d-issawal YiwYiw-wass a tt-idid-teskeflem
Vous savez mais le cachez ! Votre nom fait appel à vous, Un jour vous le ressusciterez.
(ch. 101, v. 6-8) Dans le quatrain suivant, en plus du parallélisme et de l’antithèse entre les deux le premier et le second d’une part et le troisième et la quatrième d’autre part, le phonèmes [z], qui se répète dans
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les deux terme situés à la rime, aurait pu être à l’origine d’une paronomase si le verbe zleg « être tordu » vait l’indice de personne 3SF (t—) au lieu 3SM (y) : Tessamasem i wid I wenwen-ibγan ib an tezdeg TefsimTefsim-as lqid I wi illan yezleg
Vous souillez ceux qui Vous veulent du bien Et désentravez Quiconque est tordu ;
(ch. 156, v. 89-92)
3.2. Paronomases Les paronomases, dans les passages suivants, peuvent être des ressemblances formelles diverses : deux mots peuvent ne se distinguer que par un seul phonème, comme ils peuvent se distinguer par la position permutée de deux phonèmes, ou par la présence d’un phonème dans l’un et son absence dans l’autre. Ainsi dans les exemples suivants : Dans le second vers du passage suivant, lqanun « la loi »/lkanun « l’âtre » sont des paronymes : D asγar as ar iwalmen I lqanun d lkanun
Le bâton approprié A la loi et au feu de l’âtre ;
(ch. 123, v. 51 et 52) Entre les deux vers suivants, on constate une gémination de presque tout le vers, et là où il n’y a pas de répétition, la gémination y est presque : il y a paronomase entre lhan « ils sont bons »et zhan « ils se divertissent » : Lγac aci akkw lhan Lγac aci akkw zhan
Et tout le monde est bon, Et tout le monde est gai :
(ch. 142, v. 68 et 71) Dans le distique suivant, les deux termes, êer « voir » et reê « casser », situés à la rime sont des paronymes par alternance des phonèmes [ẓ] et [r], alternance que certains qualifient à tort de métathèse. Mi dd-baneγ bane akken ad iyiiyi-êren Ad kkren ad iyiiyi-rêen
Quand je poins pour qu’ils me voient, Ils se mettent à me briser,
(ch. 134, v. 22 et 23) Comme dans le passage suivant, avec àlu « guérir »et làu « marcher » : Acuγer Acu er nugi anan-neàlu Ur nekrif ur nleààu
Qu’est ce refus de guérir ? Sains, pourtant nous croupissons
(ch. 152, v. 31 et 32) Dans ce passage, la paronomase est doublée dun autre fait stylisque : antithèse dans le second vers entre kref « être paralysé » et làu « marcher » (« être sain »). Dans les passages suivants, on relève des paronymes du troisième type (par présence/absence
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d’un phonème) : ddell « le mépris »/beddel « changer », ndem « regretter »/ddem « prendre », azal « la valeur »/mazal « (pas) encore » : Yecbeà ddell mimi-ibeddel
Le mépris est beau quand il mue
(ch. 138, v. 25) Nettwet γef efef-walim Nettu timêin dayenni Almi yendem wi ur neddim
[nous avons été frappés sur la paille] On nous a privés de paille [nous avons oublié l’orge ça y est] Et nous avons oublié l’orge ; [jusqu’à ce qu’il regrettât qui ne prit] Et se mord les doigts qui ne s’est servi,
(ch. 138, v. 47-49) N-wid i mm-yekksen azal Yetthuddun yeqqar mazal
De ceux qui te mésestiment ; Qui ne cessent de détruire ;
(ch. 134, v. 55 et 57)
IV. — STROPHE ET ‘‘FORMES FIXES’’ Ce sont, selon les termes de Aquien et Molinié (1999 : 544) « les possibilités formelles d’arrangements de la rime, de la strophe, du poème entier », à propos desquelles « J. Jaffré remarque avec raison qu’on parlerait à meilleur escient de ‘‘formule[s] d’engendrement de poèmes’’ »
A propos des formes fixes, Guiraud (1979 : 14) souligne le rôle des poètes anciens lorsqu’il écrit : « C’est aux troubadours provençaux que nous devons les poèmes à forme fixe, leur art poétique, Las Leys d’Amors mentionne quarante-trois sortes de rimes, dix types de mètres, quatre-vingt-deux types de strophes et douze types de formes fixes. »
La forme fixe, indépendante donc du mètre, est une formule qui fait intervenir la rime et le nombre de vers. Dans la tradition française les formes fixes ont reçu des noms. Dans le domaine kabyle, nous revenons encore aux formes consacrées par les poètes anciens, c'est-à-dire essentiellement deux formes : le sizain, dont le porte-parole est Youcef ou Kaci, et le neuvain, dont le porte-parole est Si Mohand ou Mhand, et qu’on peut considérer comme les formes savantes à côté du quatrain d’heptasyllabes ou de pentasyllabes, qui est plus considéré comme une forme mineure.
1. Les formes traditionnelles S’agissant de l’œuvre de Aït Menguellet, le poème y étant défini comme la totalité du texte verbal de chaque chanson, il est constitué de strophes, celles-ci pouvant être subdivisées en sousstrophes. Cette œuvre, qui comprend des formes traditionnelles, comme le quatrain, le sizain et le neuvain, est vite remplie de formes aussi nombreuses que diverses. Ces strophes peuvent être des neuvains, des sizains, des quatrains, des quintils, des huitains, des dizains, des douzains, des des quatorzains (des ″sonnets″ ?) et même des ″seizains″ et des strophes de vingt-deux vers dans la
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dernière chanson (ch. 157) du dernier album. Ces innovations peuvent être de simples augmentations quantitatives de formes existantes comme elles peuvent être des créations.
1.1. Le neuvain ancien Avec sa structure rimique aab/aab/aab et sa structure métrique 757/757/757, le neuvain ancien est un genre à dominante lyrique. Très prisé par les poètes anciens, il est tout aussi présent dans l’œuvre de Aït Menguellet : structure ternaire avec rythme tripartite aab/aab/aab et hétérométrie (heptasyllabes et pentasyllabes), proche de celle « des neuvains qui composent la huitième section du poème de Victor Hugo intitulé « Le Feu du Ciel » (Aquien et Molinié, 1999 : 599) (poème isométrique (octosyllabe) à configuration rimique aab/ccb/ddb. A l’inverse de ce qu’il en est dans le haïku japonais, où deux pentasyllabes encadrent un heptasyllabe (Molino et Grades-Tamine, 1992 :27), dans les strophes du neuvain kabyle ce sont les deux heptasyllabes qui encadrent le pentasyllabe. Il y a en tout cas discordance entre système des mètres et organisation de la rime, tout comme dans « Sara la baigneuse » de Voctor Hugo (dans Les Orientales), à la différence que le vers interne de chaque tercet est un pentasyllabe (757/757/757) et non un trisyllabe et que l’organisation des rimes est la même d’un tercet à un autre (aab/aab/aab) : Le neuvain kabyle ancien ressemble aussi au plan des rimes et du mètre à la reverdie (cf. le premier douzain d’une reverdie de Colin Muset (Aquien et Molinié, 1999 : 644), à la différence que dans celle-ci l’heptasyllabe se trouve en isométrie. En voici six vers à titre d’illustration : Ancontre le tens novel Ai le cuer gai et inel Au termine de pascor ; Lors veul faire un triboudel Car j’aim moult tribu martel, Bruit et barnage et baudor,
Avant de donner des exemples illustratifs du neuvain ancien dans l’œuvre d’Aït Menguellet, nous présentons dans le tableau suivant cette forme — un exemple pris parmi les poèmes de Si Mohand ou Mhand et chanté par Aït Menguellet (ch. 1, v. 28-36) — avec une comaparaison certes insuffisante avec « Sara la baigneuse » de Victor Hugo, suivi d’un modèle parfait de cette forme en français :
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Si Mohand ou Mhand, Nnaγ a rabbii « Las ! mon dieu » (ch. 1, rabb v. 28-36)
Victor Hugo, « Sara baigneuse », Les Orientales)
Ddunit la tettγ tett awal A lfahem nn-wawal Aéas di medden ay tγ t ur Ma d kečč åeggmenåeggmen-ak leàwal TkesbeÑ lmal IsemIsem-ik di leε le rac mechur Nekk aqlaql-i senndeγ sennde s uffal Úer leε le tab tmal
L’eau sur son corps qu’elle essuie Roule en pluie Comme sur un peuplier ; Comme si, gouttes à gouttes Tombaient toutes Les perles de son collier.
… … …
la Modèle du neuvain ancien (cf. M. Mammeri, Les isefra de Si Mohand) Que Dieu maudisse la mort Qui nous frappe à tort Sans se soucier des victimes ; La faux puissante du sort S’acharne d’abord Sur ceux qui on notre estime ; Mon amie une fleur d’or S’épanouit encor, Elle est jetée dans l’abîme.
La première chanson qu’Aït Menguellet a composée, Ma tru truÑ Ñ « Si tu pleures » (ch. 12), est constituée de sizains, mais il a chanté quatorze neuvains (ch. 1 et 2) de Si Mohand ou Mhand. Cette forme de neuvain est, de l’avis de l’auteur, composée pour rendre hommage aux poètes anciens. C’est la raison pour laquelle la plupart des neuvains sont des poèmes lyriques, ceci d’une part ; d’autre part, une partie importante des préludes sont des neuvains préludes. Voici quelques exemples de strophes de neuvain ancien : Kul lweqt yewwiyewwi-d tiyita Éeddant s nnuba Anwa aγilif a ilif daγda -yettun Wa yecfa wa ur yecfa Tezdukel làemla Wi ur necfi d wid iceffun Melmi ara dd-nger nnehta Ara yilin d ddwa D nnehta ara γ--yesseàlun
Chaque époque amène des coups Qui, l’un après l’autre, Se sont acharnés sur nous ; L’un se souvient, l’autre pas, Mais la crue est telle Qu’elle les a tous emportés ; Quand pousserons-nous un soupir Enfin salutaire Et nous guérira peut-être ?
(ch. 157, v. 1-9) MelMel-i-d acu dd-tessuliÑ ÚerÚer-i mi dd-tusiÑ A targit efkefk-i lehna Ma si ééaq i dd-tettε tett eddiÑ A tt-γ elqeγ elqe kul iÑ ÚerÚer-i ur dd-tkeččmeÑ ara Fiàel ma didi-d-tesmektiÑ ëriγ ëri kra teêriÑ Lehmum bdanbdan-d mačči assass-a
Dis-moi ce qui t’édifie A venir à moi, Songe, laisse-moi en paix ; Si c’est par la fenêtre que tu passes, Je la fermerai chaque nuit Pour que tu n’entres pas ; Tu n’as pas à me rappeler, — Je sais ce que tu sais — Que mes peines ne datent pas d’aujourd’hui.
(ch. 10, v. 1-9) A nn-yuγal yu al d afrux nn-yiÑ A nn-yas ur tebniÑ WaliWali-d allenallen-is di ccqayeq A mm-n-ihde γeef-win teğğiÑ Alarmi tt-tenγiÑ ten iÑ Ddaw tmedlin yeàreq
Il deviendra oiseau nocturne, Viendra sans prévenir, Vois ses yeux dans les interstices ; Il te parlera de celui que tu as quitté Et qui en fut mort, Consumé sous les dalles ;
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RruàRruà-is anda telling A nn-yerzu kul iÑ Bac naddam ad amam-yeεreq ye req
Son âme, où que tu sois, Te hantera chaque nuit Pour que le sommeil te fuie.
(ch. 46, v. 22-30) Ur yelli ara dd-nesnulfu Iwakken anan-nedhu Bexlaf tiddas γeef tmedlin tmedlin Mi nelluê anan-nessefru Mi nruà anan-nettu At wexxam a γ--d-smektin Aεwin win yedda degdeg-wcuddu AnAn-nekker anan-nelàu Neğğ er tulawin Neğğa ğğa nnif γer
N’ayant rien eu à inventer Qui eût pu nous amuser, Nous nous adonnions au jeu des dames. Le poème qui apaisait notre faim Et qui nous faisait oublier Etait, à chaque fois, confronté aux soucis du foyer. Le viatique dans le ballot, Nous entreprîmes de partir, Laissant aux femmes notre fierté.
Rekbeγ Rekbe di lbabur yuγwas yu was YejbedYejbed-d ssneslassnesla-s èéfe èéfeγ fe abrid s Irumiyen A widak yenéeÑ werkas Ur nerbià yiwyiw-wass i Dεut utut-iy aqlaql-i segseg-wen AnAn-nawi yidyid-neγ ne layas AnAn-nuγal nu al a dd-nas S åellaà ibeàriyen
A bord du bateau, qui donna le signal du départ, Et leva l’ancre, Je pris la destination de l’Occident. Vous qui avez du mal à vous défaire de vos lanières Et qui n’avez jamais vaincu la misère, Souhaitez-moi la bienvenue parmi vous ; Ensemble, nous emporterons avec nous l’espoir De revenir un jour, Avec la bénédiction des saints marins.
(ch. 122, v. 36-44 et v. 47-55) Dans la chanson d’où sont tirées ces deux dernières strophes, le neuvain ancien qui constitue la matière de la partie rythmée, est précédé de deux huitains constituant la partie au tempo lent, euxmêmes précédés d’un huitain constituant le prélude. Chaque neuvain est suivi d’un distique hétérométrique à rime plate, dont l’exécution est confiée à une femme (cf. p. 99 sq.).
1.2. Le sizain ancien Tandis que le neuvain ancien est composé de trois tercets à structure 7a-5a-7b, le sizain est composé de trois distiques, à structure rimique a-b/a-b/a-b ou a-b/c-b/d-b. Illustrons par un sizain de Youcef ou Kaci (Mammeri, 1980 : 98-99) : mmimmi-s n taÜÜalt aras ur ittagwad tirsasin ur ikkat ur ittwexxir ur ittadded di tγalti t altin altin ur tefrià werÜ werÜin yemmayemma-s ur teqrià ad tt-idid-awin
Le bel enfant de la veuve Est impavide sous les balles Il n’attaque ni ne recule Ni ne se profile sur les crêtes Sa mere jamais n’a connu la joie Ni la douleur qu’on le lui ramène mort.
Mais on peut rencontrer le huitain comme forme ancienne, qui peut être un sizain augmenté d’un distique, comme celui de Yemma Khedidja (Mammeri, 1980 : 382-383) : A Rebbi efkefk-d ameččim
Faites mon Dieu tomber la neige à gros flocons
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Deg yigenni ad ig iεlawen i lawen Ad tergel TiziTizi-n-Kwilal D-ééillin Igawawen TamusniTamusni-nsen d aγilif a ilif LemàibbaLemàibba-nsen d asawen Ma tewwimtewwim-d azal n sin Éeddit ad tezlum yiwen
Jusqu’à faire des voiles dans le ciel Que soit bouché le col de Kouilal Par où viennent les Zouaoua C’est souci de les connaître Et épreuve d’être leur ami Si vous avez le prix de deux chevreaux Vous pouvez en égorger un.
Dans l’œuvre d’Aït Menguellet, le sizain à trois distiques est toujours à rimes régulières croisées (a-b/a-b/a-b), comme la strophe V du poème « A la mi-carême » de Musset (Aquien et Molinié, 1999 : 685) : S’il est vrai qu’ici-bas l’adieu de ce qu’on aime Soit un si doux chagrin qu’on en voudrait mourir, C’est dans le mois de mars, c’est à la mi-carême, Qu’au sortir d’un souper un enfant du plaisir Sur la valse et l’amour devrait faire un poème, Et saluer gaiement ses dieux prêts à partir.
Le sizain ancien dans cette œuvre est très présent, comme en témoignent, à titre d’exemples, les strophes suivantes prises au hasard : Abrid i γeef bniγ bni iruà WayeÑ ilulilul-d yufayufa-yi Ziγ Zi nnuÂnnuÂ-is d amecéuà Bàal iéij ma yeγli ye li A Rebbi cfucfu-yi leğruà D lεebd l ebd ula d nekkini
Le chemin sur lequel je comptais, C’en est un autre qui l’a supplanté, Son éclat était très faible Tel le coucher du soleil ; Mon Dieu, panse mes blessures, Moi aussi je suis un être humain.
(ch. 15, v. 23-28) Win i dasdas-yennan atan yuÑen IfhemIfhem-iyi ma ijerreb yeêra Helkeγ Helke lehlak nn-wid yettmelken Mačči γur ur éébib i ttafen ddwa DegDeg-wulwul-iw siwa kemm ii-yzedγen yzed en Mi tkecmeÑ i delqent tewwura d-γelqent
Celui qui dira que je suis malade Me comprendra s’il est expert : Je souffre du mal des possédés Que nul médecin ne peut guérir ; Mon cœur, tu es seule à l’habiter Tu y pénétras, il se referma.
(ch. 17, v. 23-28) Nettru γeef useggwas yekfan Nectaq ula d iÑelli Tadukli ma rêanrêan-tt wussan Ur tettsemma d tadukli Tura neêra kulci iban Ayen iεeddan i eddan dayenni
Nous regrettons l’an écoulé, Noua vons la nostalegie du passé ; L’union dès qu’elle a échoué, Ce n’en est plus une ; Maintenant que tout est clair, Le passé, n’en parlons plus.
(ch. 56, v. 9-14) Nfiγ Nfi akken yakkw nfan nfan Lameεni Lame ni ssebba yiwet Gma mi ss-mennaγ menna leàsan YekkererYekker-d γer er-i ad iyi-iwet
Exilé comme tous les autres, Et la cause en est la même ; Mon frère, dès que je voulus du bien, S’est levé pour me frapper ;
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Nfiγ Nfi ad beddleγ beddle amkan Qim a gma krez sserwet
Je m’exile pour changer de pays, Et laisser mon frère faire la pluie et le beau temps.
Ch. 76, v. 29-34) 1.3. Le quatrain Le quatrain dans la poésie française est rimé abba (rimes embrassées) ou abab (rimes croisées) ou aabb (rimes plates) (Aquien et Molinié, 1999 : 633-635). Dans la traidtion kabyle, le quatrain, généralement rimé aaba, est un genre plaisant ou lyrique mais aussi quelques fois édifiant, comme celui de Cheikh Mohand repris par Aït Menguellet à la fin du poème D nnuba nnuba--k freà « C’est ton tour d’être heureux » (ch. 77, v. 60-64, devenu un quintil chez Aït Menguellet, avec l’ajout du vers refrain D nnubannuba-k freà). Toutes les strophes de la chanson Tafat n ddunit ddunit--iw « Lumière de ma vie » sont des quatrains, égal ‘‘prosodique’’ (heptasyllabes à rimes croisées) de : Connais-tu mon beau village Qui se mire au clair ruisseau, Encadré dans le feuillage On dirait un nid d’oiseau.
Voici les trois premières strophes de cette chanson : A tafat n ddunitddunit-iw WaliWali-d win teğğiÑ yuÑen yuÑen AêarAêar-im yuγyu -d akkw ulul-iw IdammenIdammen-iw degdeg-s uzzlen
Lumière de ma vie, vois Celui que tu as murtri, Tes racines pénètrent mon cœur, Où mon sang coule
(ch. 38, v. 1-4) (taduction de T. Yacine, p. 175) TekkseÑ i teγzalt te zalt sserr Tamuγli urTamu li nn-medden medden akkw γur ur-m Ilemêi teğğiÑteğğiÑ-t yeske Tilemêit segseg-m tusem
En charme tu passes la gazelle Tous les regards se tournent vers toi Tu enivres les garçons Tu rends jalouses les filles
(ch. 38, v. 5-8) (taduction de T. Yacine, p. 175) Ma êriγ êri lwerd n tefsut Ttmektaye mektayeγTt mektaye -d ååifaååifa-m Leεqel Le qelqel-iw ååber yettuyettu-t TesàermeÑ fellfell-i naddam
Les roses du printemps Me rappellent ta beauté ; Mon cœur oublie toute patience, Tu m’interdis tout sommeil.
(ch. 38, v. 9-12) On peut aussi trouver trouver le quatrain comme strophe isolée, autonome, à rimes a-a-b-a, comme dans la chanson Mel Mel--iyi iyi--d ddwa « Dis-moi le remède » (ch. 9) ou dans la chanson nnuba--k freà « C’est ton tour d’être heureux ! » (ch. 77), ou dans la chanson Siwel Siwel--iyi iyi--d D nnuba tamacahut « Raconte-moi une histoire » (ch. 140) ; chansons dont nous nous reprenons les extraits respectifs suivants :
Yergagi lxaéer
Mon esprit trembla
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Mi kemkem-idid-ifekker UlUl-iw amejruà Yenγ en a-t uàebber
A ton souvenir, Mon cœur est blessé, Les soucis le tuent.
I nudant wallen I steqsaγ steqsa medden NnanNnan-d lemtellemtel-im Ur tt-idid-mlalen
Mes yeux ont cherché, Les gens consultés Ont dit que semblable à toi Ils n’ont rencontré.
çåbeà tameddit Éiceγ Éice di targit Ma truàeÑ fellfell-i Rêaget ddunit
Matin et soir, Je vis dans le rêve, Si tu m’abandonnes, La vie sera amère.
(ch. 9, v. 5-8, 9-12, 13-16) AqlAql-iyi mazal Ugwadeγ ade lexyal La ttrağuγ ttrağu tafat Ara dd-yesbanen làal
J’en suis encore à Avoir peur de l’ombre, J’attends la lumière Qui rende tout clair.
Yenγa Yen a-yi uduqes Yezgan degdeg-yiÑes La ttrağuγ ttrağu tafat Ahaq ad yekkes
Les sursauts me tuent, Qui meublent mon sommeil, J’attends la lumière Qui les élimine.
Ugwadeγ ade tikli Di éélam yakkw weàdweàd-i i ra Si m a dd-tas tafat AsAs-d a tiziri
J’ai peu de marcher Tout seul dans la nuit, En attendant le jour, Viens, toi, clair de lune.
(ch. 77, v. 9-12, 13-16, 17-20) âkuâku-d amek akken I teÑra yidyid-sen i Anw aεdaw dawdaw-nni D-izgan gargar-asen
Conte-moi ce qui Leur est arrivé, Qui fut cet ennemi Qui les sépara :
Nnuγen Nnu en ferqen Ferqen mi nnuγen nnu en Mi ferqen mcedhan Uγalen alen mlalen
Ils se disputèrent Et se séparèrent, Ils se désirèrent Et se retrouvèrent.
Mi dd-yuki waγzen wa zen YettabaεYettaba -iten Yeγli Ye li di tesraft D netta i-yettwaééfen
L’ogre, réveillé, Les poursuivit, Tomba dans la trappe, Victime de son piège ;
(ch. 140, v. 18-21, v. 22-25, v. 48-51)
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2. Les formes innovantes Les tiqsi tiqsiÑ Ñin, longs poèmes hagiographiques, semblant être des suites de sizains juxtaposés, il s’agit ici de formes qui, sauf cas rarissime, n’existent pas dans la poésie kabyle. Pourtant Aït Menguellet semble s’en donner à cœur joie… C’est ainsi qu’en plus de la longueur des poèmes et indépendamment de ceux-ci, on dénombre une dizaine de ‘‘formes fixes’’ nouvelles dans l’œuvre. Bien entendu, s’agissant des strophes plus longues que le douzain, on peut discuter de la possibilité de les diviser en sous-strophes en fonction de deux paramètres : la disposition des rimes et, s’agissant d’une poésie chantée, la musique (paramètre sur lequel nous n’avons malheureusement pas prise). 2.1. Le quintil (cinquain) Le quintil, comme l’attestent les exemples, n’a pas d’existence propre dans l’œuvre d’Aït Menguellet. C’est souvent un quatrain auquel est adjoint une sorte de vers ‘‘solitaire’’, vers ‘‘orphelin’’, une sorte de refrain comme celui qui clôt certains septains. Le cinquième vers est commun à toutes les strophes : D acu i teêriÑ ay agu Ay agu dd-yewwi waÑu ëriγëri -d agad i tàemmleÑ Ur tettεawadeÑ tett awadeÑ a tenten-teêreÑ Ay ameγbun ame bunbun-iw
Qu’as-tu vu, ô brume ? Ô brume qu’a amenée le vent ? J’ai vu ceux que tu aimes Et que tu ne reverras plus jamais, Mon pauvre !
D acu i yi-d-infan ay agu Ay agu dd-yewwi waÑu SegSeg-wasmi ii-yemmut babababa-k I tbeddel targit fellfell-ak Ay ameγbun ame bunbun-iw
Qu’est-ce qui m’a exilé, ô brume ? Ô brume qu’a amenée le vent ? Depuis que ton père est mort, Le rêve est devenu cauchemar pour toi, Mon pauvre !
Ma mazal gma yeàkem Ay agu dd-yewwi waÑu Aàkim ur nesε nes i ara aàkim a ra Anw a yagwad ma yeqqim Ay ameγbun ame bunbun-iw
Mon frère, est-il toujours au pouvoir ? Ô brume qu’a amenée le vent ? Pouvoir sans contre-pouvoir De qui aurait-il peur de s’éterniser ?
(ch. 76, v. 78-92) Ou le dernier couplet de la chanson D nnuba nnuba--k fre freà à « C’es ton tour d’être heureux » : Ifer ibawen Yegman d asawen Xellunecra Xellun-tt (xlan(xlan-tt) -a-εecra YeàyaYeàya-tttt-id yiwen D nnubannuba-k freà !
Feuille de fèves Qui croît veres le haut, Dix la détruisent, Un la préserve, A ton tour d’être heureux !
(ch. 77, v. 60-64)
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Le quintil suivant rimé a-a-b/a-a, dont le second vers n’est chanté que dans le prélude, semble être le vestige de quelque chose qui serait un neuvain ancien laissé à l’bandon, qui aurait donc perdu le troisième tercet et le second vers du deuxième tercet ; avec l’élimination du second vers (entre parenthèses) dans le chant rythmé, on aboutit à un quatrain d’heptasyllabes à rimes croisées : D aγrib a rib ur zegreγ zegre lebàer (Lfiraq yewεer) yew er) Beεden Be den lwaldin fellfell-i Win mi àki àkiγ ki a dd-yeàku kter D acu ss-nexdem i Rebbi
Exilé dans mon pays, — Dure est la séparation — Je suis loin de mes parents ; Celui à qui je me conte m’en conte plus. Qu’avons-nous donc fait à Dieu ?
(ch. 19, v. 1-5) Faut-il voir des quintils certaines strophes de la chanson Abeàri « Le souffle » (ch. 100) : Ay abeàri dd-iffalen MelMel-i-d wi kkkk-ilan — Amek ur didi-y-tessinem ara Tettamnem yesyes-i merra D kunwi i yi-d-isnulfan
Ô brise qui souffle, Dis-moi qui tu es. — Ne me connaissez-vous pas ? Vous croyez tous en moi, Vous m’avez inventé !
Ay abeàri dd-iffalen YesYes-k akkw i numen — Skud tettamnem yesyes-i Cukkeγ Cukke tesεam tes am iγisi i isi Deg yiqerrayqerray-nwen
Ô brise qui souffle, Nous croyons tous en toi. — Tant que vous croyez en moi, Vous avez une félure Dans vos pauvres têtes.
(ch. 100, v. 1-5 et 14-18) Ces vers, qui ont l’avantage de rimer entre eux, rime a-b-c-c-b (ou exceptionnellement, seconde strophe, a-a-b-b-a) se divisent en deux sur le plan du discours : tandis que l’énoncé du premier et du second est dit par un personnage (eux), celui du troisième, du quatrième et du cinquième vers est dit par un autre personnage (lui). La chanson suivante, Neêra « Nous savons. » (ch. 101), est faite de quintils à configuration rimique diverse. Tandis que la première, la troisième, la quatrième et la cinquième ont le schéma a-a-b-b-a, la seconde a le schéma a-b-c-c-b : Neêra têerrem Γas as ma teddreγlem teddre lem Ma yeggwrara-d yiwen icfan i A dd-yin ayen illan A kwenen-idid-yessefhem
Nous savons que vous savez Bien que vous sembliez aveugles, S’il en reste un qui se souvienne, Il dira la vérité Et vous expliquera tout.
Ma tebγam teb am ad twalim KksetKkset-d timedlin Steqsit iγsan i san Ula d nutni cfan A kwenen-idid-smektin
Si vous voulez voir, Ôtez les dalles Et interrogez les os : Eux aussi se souviennent, Ils vous rafraîchiront la mémoire.
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Steqsit Steqsit ma tebγam teb am γe e Akal f i telàam Tidett a tttt-idid-yini Mačči nn-wasswass-agi Ulayγer Ulay er leqlam
Interrogez si vous voulez Le sol que vous foulez : La vérité il dira, Qui ne date pas d’aujourd’hui ; La plume est inutile ;
Leγwabi Le wabi d yisaffen Ma tεeddam urt eddam γur ur-sen SegSeg-wasmi i llan ëran wi tenten-ilan SteqsitSteqsit-ten
Les forêts et les rivières, Approchez-les donc : Depuis qu’ils sont là, Ils savent à qui ils sont ; Interrogez-les.
AêarAêar-iw yellan D uêaruêar-ik yeqlaεn LaåelLaåel-ik izgelizgel-ik Win tebγiÑ teb iÑ yugiyugi-k MelMel-iyiiyi-d wi kk-ilan
Mes racines existent, Les tiennes sont arrachées ; Tes origines t’ont perdu, Celui que tu veux te refuse, Dis-moi qui tu es.
(ch. 101, v. 9-13, 14-18, 19-23, 24-28, 29-33)
2.2. Autres formes de sizain Il s’agit ici du sizain composé de deux tercets et non de trois distiques. 2.2.1. Neuvain ancien tronqué Dans la chanson Ttejra n-yilili « Le plant de laurier-rose » (ch. 31), le refrain est un sizain hétérométrique (7-5-7/7-5-7) à rythme tripartite (a-a-b/a-a-b), qui est un neuvain ancien auquel il manque le troisième tercet (c’est généralement le cas de strophes chantés comme prélude) : S yir aÑar i dd-ffγe ff eγ Asmi kemkem-mlaleγ mlale Ikellex zzehrzzehr-iw fellfell-i Γile ileγ d lwerd i neqleγ neqle ile Mi ruàeγ ruàe ad ferrğeγ ferrğe UfiγUfi -n ttejra ilili
Je suis sorti du mauvais pied Le jour où je t’ai rencontrée, Mon sort s’est joué de moi : Croyant avoir planté un rosier, Quand je suis allé admirer, J’ai trouvé du laurier-rose.
(ch. 31, v. 1-6) Le refrain de la chanson IÑaq wul « Le cœur oppressé » (ch. 13) est un neuvain tronqué en sizain : Di ddunit bàal tiddas Kul yiwen làerfalàerfa-s Wi ur neêwir yenza yixfyixf-is IlulIlul-d lεebd l ebd ittwaqas Lehna tettwakkestettwakkes-as y S imeééawen i dd-yelli allenallen-is
La vie est un jeu de dames, A chacun ses pions, Ceux mal servis sont perdus ; L’homme naît dans la rigueur, Il perd le bonheur, Ses yeux sont déjà en larmes.
(ch. 13, v. 1-6)
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2.2.2. Neuvain ancien profondément modifié C’est un sizain à rythme tripartite (comme le neuvain ancien) mais à mètres inversés (7-7-5/7-7-5) et à rime ternaire (comme celle des couplets de la chanson 58 : a-b-c/a-b-c) : Ma selbeγ selbe lexbar siweÑsiweÑ-it Ttxilem a tabratt ini-as Ur ksaneγ ksane ara Rêaget fellfell-i ddunit SegSeg-wasmi beεde be deγ de fellfell-as Ur åbireγ åbire ara
Si je divague, fais parvenir la nouvelle, Je t’en supplie, ô missive, dis-lui Que je n’y peux rien : Amère est la vie pour moi Depuis que je suis loin d’elle, Je ne me console.
(ch. 20, v. 1-6) Le sizain suivant a les mêmes caractéristiques métriques (hétérométrie : 4-4-7/4-4-7) que le neuvain des couplets de la même chanson (ch. 58), mais la même disposition de la rime que le neuvain ancien, auquel il manque un troisième tercet : D acu ii-y-êriγ êri D acu imwi cfiγ cfi Siwa telttelt-yyam di leεmer le mermer-iw Anida ddiγ ddi Anida làiγ lài D ussan ii-yzedγen yzed en ulul-iw
Qu’ai-je donc vu, De quoi me souvient-il, Sinon trois jours de ma vie ? Où que j’aille, Où que j’erre, Ces jours hantent ma vie
Ch. 58, v. 1-6)
2.3. Le septain Comme pour le quintil, le septain est quleques fois un sizain auquel est ajouté un vers refrain, comme dans les deux chansons JSK (ch. 55) et D nnuba nnuba--k freà « C’est ton tour d’être heureux ! » (ch. 77), dont voici deux strophes : Win dd-ibedren adrar A dd-iglu s yisemyisem-im ra K i dd-urwent tuddar Atan s idisidis-im Ur tγelliÑ t elliÑ ara Ad tbedded lebda Wtet afus anan-nruà
Qui évoque la montagne, Evoque ton nom ; Tous les villages Sont à tes côtés ; Tu ne choiras pas, Tu seras éternelle : Frappez des mains, allons !
Taqbaylit tefreà Ur tt-nkiren ara Ayen ibnan γeef ååeà Ur iγell i elli ara Γef ef yisemyisem-is terbeà FellFell-as ii-yecbeà Wtet afus anan-nruà
La Kabyle, heureuse, On l’a pas niée ; Ce qui est bâti sur de bonnes bases Ne temobera pas ; Son nom est son porte-bonheur Et il lui sied bien, Frappez des mains, allons !
(ch. 55, v. 8-14 et 15-21)
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IsuÑIsuÑ-d waÑu Yewwi leqramed Axxam ii-yettu iwed Yebγ s-iεiwed Yeb a a sYefnaYefna-yaγ ya anan-nru Ma ad asemmed as-nεe D nnubannuba-k freà !
Le vent a soufflé Et a emporté les toits ; Toute maison oubliée, Il l’emporterait ; Il nous resterait les larmes Si nous le laissons faire, A toi d’être d’heureux !
IsuÑIsuÑ-d waÑu Yessufeg aγebbar a ebbar IêriIêri-k a yettru Yeggumma ad yeqqar SfeÑ imeééawenimeééawen-ik Kker a dd-terreÑ ttar D nnubannuba-k freà !
Le vent a soufflé Et a soulevé la poussière ; Si tes yeux pleurent Et ne veulent s’arrêter, Sèche alors tes larmes Et prends ta revanche, A toi d’être heureux !
(ch. 77, v. 32-38 et 39-45) Mais dans d’autres exemples, le septain est une véritable strophe autonome, comme dans les chansons suivantes : Sber ay ul ul--iw « Patience, mon cœur ! » (ch. 33), ëriγ mazal « C’est trop tôt ! » (ch. 47), Tis Tis--xemsa « L’ire et la vérité » (ch. 147) : Hétérométrie : 4-7/4-7/4-4-7 ; rimes : a-b/ab/a-a-b : Zziγ Zzi ruàeγ ruàe Uzzleγ nima Uzzle ad êreγ êre Гn TeffeγTeffe -d wehmeγ wehme Tbeddel ula d ååifa TennaTenna-d feràeγ feràe AssAss-a ad zewğeγ zewğe TtwaxeÑbeγ TtwaxeÑbe di làara
J’ai fait un tour Et allais voir Ghenima, Elle m’étonna, Elle aurait changé de corps : Elle est heureuse De se marier Dans le château des cousins.
(ch. 33, v. 9-15) Hétérométrie : 4-4-5/4-5-4-5 ; rimes : a-a-b/a-a-a-b : ëriγ ëri mazal çebreγ çebre d uzzal Ad iγab i ab wudemwudem-is Ziγen Zi en simmal Γas as ifat làal Am yiÑ am uzal TeğğaTeğğa-yi laterlater-is] (*)
Que n’ai-je vu ? Dois-je patienter encore Contre son absence ; Mais de plus en plus, Bien que le temps passe, De nuit comme de jour, Ses traces sont là.
(ch. 47, v. 1-7) Hétérométrie : 4-7-4-7-4-4-4 ; rimes : a-a-b-b-a-a-b Neêra êran Win ur neγri ne ri win yeγran ye ran Γas as ttwalin ttwalin Tidett texrebtexreb-asen i sin
On sait qu’ils savent, Erudits et illettrés, Mais bien qu’ils voient, La vérité est brouillée ;
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Siwa iqannan I dd-yestufan A tenten-ttεebbin tt ebbin
Restent les cancans, Billets vacants A colporter.
(ch. 147, v. 32-38) Hétérométrie : 4-7-4-7-4-4-4 ; rimes : a-a-b-a-b-b-a Leεqel Le qel yezεef yez ef MletMlet-aγ anida ara tt-naf Anida iγab i ab Yeεreq Ye req werfad n welqaf Kra i γeef nettàarab Yuγal Yu al irab Iêur lkaf
La sagesse, dans l’ire, Dites-nous où la trouver, Où elle se cache ; Dure est la lucidité Car ce pour quoi nous combattions Se désagrège Et se jette dans l’abîme.
(ch. 147, v. 17-23) D éélam si ååbeà Akka i txeååer akka i trebbeà Ur neêri ayen Lekdeb yettuγal yettu al d ååeà Γur ur yemdanen Nuyes dayen Melmi ara nefreà
Il a beau faire jour il fait noir, Est-ce la perte, est-ce le profit ? Nous ne savons pourquoi Le mensonge devient vérité Chez les humains ; Nous désespérons, A quand la joie ?
(ch. 147, v. 55-61) Si zik teεkes te kes Deεwessu De wessu tugi ad tekkes tekkes La tettleqqim Mi daγda -tewt ad aγa -tales Ddu neγ ne qim Aya d aqdim Nella yidyid-es
Les choses de tous temps sont allées à rebours Et la malédiction s’est abattue sur nous, Qui se renouvelle, Nous frappe et nous frappe encore ; Qu’on agisse ou qu’on demeure, Notre tare est millénaire, Nous y sommes habitués.
(ch. 147, v. 70-76) Contrairement à ce qu’il en est dans les chansons précédentes, on peut rencontrer le septain isométrique (heptasyllabes) à rimes a-b/a-b/a-a-b, dans la chanson Taqsié Taqsié--ik « Ta fable » (ch. 95), qui comprend un huitain et trois septains dont le suivant : Tiγersi Ti ersi teàwağ tafawett Tafawett tekkatekka-d si tγersi t ersi SegSeg-weksumweksum-nneγ nne i la ntett Nettγummu Nett ummu lğerà s yimi Nessen amek ara nehde tidett Ad asas-nezzi ticerkett I gmagma-tneγ tne mi ara dd-yesteqsi
Déchirure a besoin de pièce, Pièce provient de déchirure : Nous nourrissant de notre chair, De notre bouche nous cachons la plaie ; Nous savons dire la vérité Et au frère tendre le piège Dès qu’il a besoin de nous.
(ch. 95, v. 9-15)
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2.4. Le huitain Le huitain, dans l’œuvre d’Aït Menguellet, est une sorte de strophe de transition entre le traditionnel sizain et d’autres pièces plus longues, qui vont en fait jusqu’à vingt-deux vers. On peut grosso modo le diviser en deux : le huitain à rimes croisées a-b/a-b/a-b/a-b, le huitain à rimes croisées a-b/a-b/a-a-a-b (et plus loin le huitain nouveau : a-b/a-b/c-d/c-d) : Macahu γef efef-win yeêran Macahu γef efef-wi ur neêri Yiwen yugwad ayen illan WayeÑ segseg-wayen ur nelli Macahu γeef-wid yettabaεeen Abrid ur nban s ani Ayen i nudan, ayen ii-y-ufan S ayen bγan b an ur yettcabi
Il était une fois celui qui sait, Il était une fois celui qui ne sait pas : L’un craint la réalité, L’autre craint on ne sait quoi, Il était une fois ceux qui poursuient Le chemin qui ne mène nulle part : Ce qu’ils ont cherché et trouvé Ne ressemble point à ce qu’ils voulaient.
(ch. 102, v. 37-44) TaqsiéTaqsié-ik tugi ad tekfu Γas as akken εeddan eddan wussan Ma terriÑterriÑ-tttt-id d asefru Γas as err leàsab i yetran TaqsiéTaqsié-ik tebγ teb a ad tekfu Γas as yufayufa-tttt-id kul zzman Γas as ad tseγzef tse zef asaru YiwYiw-wass a tttt-àebsen wussan wussan
Ta fable n’en finit pas, Bien que des jours sont passés ; Si tu en fais un poème, Tu peux compter les étoiles ; Ta fable est près de sa fin, Bien qu’elle a vécu à toutes les époques, Dût-elle être un long film, Un jour elle prendra fin.
(ch. 95, v. 1-8) Le huitain suivant est composé de deux quatrains d’hyptasyllabes (isométriques), le premier à rimes croisées et le second à rythme quadripartite, la structure globale étant a-b/a-b/a-a-a-b : LehlakLehlak-im siwa nekwni A tin akken ur daγda -nettγaÑ nett aÑ TettmettateÑ nettwali Amzun mačč mačči čči nneγ, nne , nn-wiyaÑ Aàric di ddwa yettnadi Aàric di lekwfen ittxiÑi Aàric amenzu yeγli ye li a Yeğğ Yeğğ akalakal-im d asemmaÑ
Ton mal, c’est nous, Ô toi qui ne nous fais pas pitié ; Nous assistons à ton agonie, Comme si tu appartenais à autrui ; Certains cherchent la panacée, Les autres cousent le linceul, Mais les premiers, déchus, Ont laissé froid ton sol.
(ch. 128, v. 9-16) On peut trouver d’autres formes de huitain plus moins régulières, comme celui de » la chanson fell--am « Je te cherchais. », faite d’un septain (refrain) et de trois huitains de pentasyllabes Ttnadiγ fell à rimes croisées a-b/a-b/a-b/a-b, dont voici le dernier : âkiγ âki imeééiimeééi-w I wi dasdas-islan Sekneγ Sekne lğeràlğerà-iw I wi tt-iwalan Kra nudant wallenwallen-iw
J’ai conté mes larmes A qui comprenait, J’ai montré ma plaie A qui pouvait voir, Mes yeux ont cherché
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LaterLater-im ur iban Balak d lmuxlmux-iw I kemkem-idid-isnulfan
Tes traces introuvables, Est-ce mon esprit Qui t’aurait créée ?
(ch. 45, v. 24-31) Le huitain nouveau dans l’œuvre d’Aït Menguellet est une juxtaposition de deux quatrains à rimes croisées, comme dans la chanson Tis Tis--xemsa « L’ire et la vérité » (ch. 147). La différence avec les autres huitains est la variété des rimes (des deux quatrains) : a-b/a-b/c-d/c-d : Ma tneéqeÑ akken ur bγin b in A kk-rren tqesdeÑ leγrur le rur S txettalt a kk-d-gganin Yewεer Yew er zznad ll-leεrur le rur
Si tu oses les contredire, Ils t’accuseront de traîtrise Et te tendront une embuscade, Car perfide est la détente des lâches.
Kul taswaεt taswa t telhatelha-yasen Ma ur texdimeÑ a kk-d-snulfun Ma wwinwwin-k-id ger wallenwallen-nsen in ard a kMa ur k-nγin k-nfun
Toutes les occasions leur sont propices, Et, innocent sois-tu, ils inventeront de quoi t’accabler Car s’ils t’ont dans le collimateur, Faute de pouvoir te tuer, ils t’exileront.
Yekcem leγlaÑ le laÑ di tseqqart Neêra d lekdeb i tttt-yewwin Yettberrià taddart taddart Wid tt-ibγan ib an wwinwwin-t d aεwin a win
Dans le sort régna l’erreur, Le mensonge l’emporta, Qui s’étale ouvertement, Ses adeptes l’adoptèrent :
yebγan Yerfed yakkw wid i tt--yeb an w w YeγÑel Ye Ñel yakk wid i tt-yug in AlmiAlmi-yekcem kul amkan Am ubeàri di turin
Il aida ses partisans, Abattit ses opposants Et s’infiltra partout Tel l’air dans les poumons.
(ch. 147, v. 1-8 et 24-31) Nous verrons dans les pages qui suivent que ce type de strophe additionné de distiques et de quatrains peut aboutir à des strophes plus longues.
2.5. Autres formes de neuvain Si Aït Menguellet a composé et chanté le neuvain ancien jusque dans le dernier album, il a en revanche révolutionné ce neuvain, au point que dans son oeuvre le neuvain est devenu divers : il peut être hétérométrique, hétérométrique avec diverses configurations, isométrique, comme il peut avoir une configuration rimique originale, autre que celle du neuvain ancien. Les couplets de Tel Tel--yyam « Trois jours » (ch. 58), comme le montre la strophe suivante, sont composés de trois tercets dont le premier et le second vers sont des tétrasyllabes et le troisième un heptasyllabe (structure globale : 4-4-7/4-4-7/4-4-7) et ont une disposition originale des rimes : a-b-c/a-b-c/a-b-c : Ass amenzu UlUl-iw yezha Amzun yelliyelli-d s tsarut a Yebγ Yeb ad icnu
Le premier jour, Mon cœur, joyeux, Ouvert par enchantement, Voulait chanter
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Γef ef tin yeêra Ifaq s lwerd di tefsut Yugi ad ittu Γas as tεedda t edda D lemàibbalemàibba-s tamezwarut
Celle qu’il a vu Et les roses du printemps : Il n’oubliera, Bien qu’évanouie, Sa toute première passion.
(ch. 58, v. 7-15) Dans cette chanson, tandis que les couplets sont des neuvains entiers, le refrain paraît comme un neuvain tronqué, le poète en ayant fait un sizain (cf. p. 120) La strophe suivante est un neuvain dont la structure rimique est celle du neuvain ancien mais dont les mètres sont inversés : tandis que dans le neuvain ancien le premier et le troisième vers de chaque tercet sont isométrques (heptasyllabes), encadrant un vers (le second) pentasyllabe, ici c’est le premier et le second qui sont isométriques (heptasyllabes) et c’est le troisième qui est un pentasyllabe : Tura mi εewğen ewğen wussan At Rebbi εemmden emmden walan La ttrağuγ ttrağu tafat Éyiγ Éyi ttåehhireγ ttåehhire uÑan Feràeγ eddan Feràe i lmeàn lmeàna ii-yεeddan Γas as mazal snat A zzher iéésen kul lawan Akwi-d beggenbeggen-d lberhan Éyiγ Éyi di cceddat
Maintenant que les jours sont de travers, Les saints le voient et le savent, J’attends la lumière ; Las de veiller toutes les nuits, Je me réjouis de toute peine passée Bien que d’autres m’attendent ; Toi, sort qui dors tout le temps, Réveille-toi et montre ta puissance, Car je suis las des tensions.
(ch. 20, v. 25-33) Le neuvain suivant, de la chanson Lkaysa « ‘‘La Courtoise’’ (ch. 18), se distingue du neuvain ancien par l’inversion du mètre dans le premier et le second tercet, la structure métrique globale en étant 7-7-5/7-7-5/7-5-7 : A kk-weååiγ weååi ruà àkuàku-yas ra Ayen a dakdak-hedÂeγ hedÂe ini-as TeêriÑ wi tttt-ilan Dayen, εyi yiγ yi di ååifaååifa-s Ala lehlak si lğihalğiha-s Yehbel wi tttt-iêran Ul ma ifekkerifekker-ittitt-id yiwyiw-wass Ad εefse efseγ fellfell as efse Ma ttuγttu -tt ad gganeγ ggane uÑan
Je te confie la mission De lui conter mes paroles, Tu la connais bien ; Je n’en peux plus de la voir, Je n’en récolte que du mal, Qui la voit en devient fou ; Si un jour mon cœur l’évoque, Je le foulerai, Et retrouverai le sommeil.
(ch. 18, v. 5-13) Le neuvain suivant est un neuvain isométrique (heptasyllabes) : A wi iεeggÑen i eggÑen a dd-yini Awal ad yaweÑ igenni Igenni a tt-idid-yesseγres yesse res Aàemmal ara dd-yesseγli yesse li A dd-yers ad yebdu tirni Kra yeééfen ard a tt-yekkes
Ah ! pouvoir crier pour dire ! Que le Verbe atteigne le ciel Et que le ciel, on le déchire ; Le déluge qu’il provoquerait Entraînerait tout sur son passage, Que disparaisse la fixité,
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Ayen illan ard a tt-yawi A dd-ilal wayen ur nelli A γ--ibeddel adif adif iγes i es
Qu’il emporte ce qui est Pour que naisse ce qui n’est pas, Qu’il nous change jusqu’à la moelle.
(ch. 128, v. 65-73)
2.6. Les cas particuliers du distique et du tercet 2.6.1. Le distique Nous avons vu que même dans des pièces à nombre impair de vers le distique n’est pas une réalité autonome et qu’il est l’uinté de base des strophes. Nous avons vu aussi que le distique pouvait se détacher tant soit peu des strophes et avoir une rime plate (cf. plus haut : rime plate), comme dans les exemples : ÊÂmel s yiéij yeàma Ikemmel Ikemmelmmel-as rråas yerγa yer a
Le sable, brûlant sous le soleil, Flambe sous les balles de plomb.
(ch. 78, v. 77 et 78) Di lxedmalxedma-ines d asalas Adrim aéas
Il est maître dans son travail Et bien rémunéré.
(ch. 122, v. 78 et 79) Nesla wwintwwint-t trumiyin tilawin A tilawi n
Les Européennes l’ont séduit, Ô femmes !
(ch. 122, v. 89 et 90) Ay mazal anan-nêer Wiss kan ma ad yiγzif yi zif leεmer le mer
Il reste beaucoup à voir Pour peu que la vie soit longue :
(ch. 144, v. 75 et 76) A wid tttt-iàemmlen Amek ara tmedlem allen
Vous qui l’aimez la Patrie, Vous en détourneriez-vous ?
(ch. 144, v. 83 et 84) AÑu i daγda -yessnen Nennum aγebbar a ebbar s allen
Ô vent, toi qui nous connais, Ta poussière nous connaissons ;
(ch. 144, 91 et 92) Imi tnedhem yesyes-s TewweÑTewweÑ-awen tfidi s iγes i es
Vous vous en remettez à Lui, C’est que vos plaies sont profondes.
(ch. 144, v. 131 et 132) 2.6.2. Le tercet Le tercet n’est pas à proprement parler une strophe. S’il l’est dans le neuvain traditionnel, c’est parce que celui-ci est considéré comme un poème à part entière, un poème autonome. Dans l’œuvre de Aït Menguellet les neuvains sont des strophes du poème que constitue la chanson diminuée de la musique ; et les trois parties de trois vers de chacune des strophes seront considérées comme des sous-strophes. Il en va de même des douzains à schéma métrique et
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rimique : 7a-7a-7b/7a-7a-7b/7a-7a-7b/7a-7a-7b ou 7a-5a-7b/7a-5a-7b/7a-5a-7b/7a-5a-7b, qui sont en fait des neuvains enrichis d’une quatrième sous-strophe. Mais on trouve le tercet comme strophe à peu près autonome dans la chanson Imsebride Imsebriden n « Les pèlerins » (ch. 121) : Γurwat urwat lehwa La dd-iàemmel AluÑ yektal
Prenez garde à la pluie, Elle amène la crue Et la boue abonde
(ch. 121, v. 29-31) Γurwat urwat tizi Yekkat wedfel Abrid yergel
Prenez garde au col, Par les temps de neige, Le chemin est coupé.
(ch. 121, v. 36-38) Γurwat urwat tiγilt ti ilt Atan lexyal La dd-yettxatal
Prenez garde à la crête, Voilà qu’une silhouette Vous guette.
(ch. 43-45) Il arrive aussi qu’il y a un tercet clôt les strophes (chanson Amacahu « Il était une fois… », ch. 88) dans une sorte de mètre progressif, quatre, sept et huit syllabes : Weååan si zik Γef ef temεict tem ict n ddaw uÑar Akken aneggaru a dd-yerr ttar] (*)
De tout temps on nous a prévenus Contre une vie d’esclavage Afin que le dernier survivant nous venge.
(ch. 88, v. 15-17 ; traduction de T. Yacine) Les kyrielles, qui consistent dans la répétition d’un même vers à la fin de chaque couplet ou de chaque strophe, sont attestées dans l’œuvre de Lounis Aït Menguellet. C’est un vers blanc dans la mesure où il ne rime avec rien. Dans l’œuvre de Aït Menguellet, les kyrielles, à la différence de la plupart des autres vers, peuvent être des vers pairs. Exemple : Ay iminig nn-yiÑ « Ô voyageur nocturne ! » (ch. 133, v. 13, 26, 39, 52) est un vers hexasyllabe, comme la plupart des vers à numéro impair dans cette chanson.
2.7. Le dizain Le dizain est ce genre de strophe qui, comme certains huitains, sont une juxtaposition à l’infini de distiques à rimes croisées a-b-a-b/c-d-c-d/… Tefkam lqima i wawal Iåeggmen wa zdat wayeÑ Ur yezmir a tt-yerê làal Ur yezmir àedd a tt-yesfeÑ Γas as zzman yettembeddal Γas as wa ad immet wayeÑ wayeÑ a dd-ilal Kul lweqt a tt-idid-yessiweÑ Akken bγun b un beddlen lecγal lec al Ad yettεeggiÑ yett eggiÑ ad yettazzal
Valorisez donc le verbe Judicieusement agencé, Que le temps ne peut détruire, que nul ne peut effacer ; Bien que les époques changent, Que les uns meurent, d’autres naissent, Chaque époque le trouvera ; En dépit des changements, Il criera et courra
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Mkul amkan ard a tt-yaweÑ
Et conquerra des contrées.
(ch. 102, v. 45-54) Les deux strophes suivantes sont elles des dizains, qui comprennent deux vers faits de la répétition du syntagme A tamurttamurt-iw (v. 6 et 9 et v. 16 et 19) ? Sans ce vers quadrisyllabe, qui fonctionne commen une sorte de ‘‘vers-cho’’, ces strophes seraient des huitains isométriques (heptasyllabes) : D dduàdduà-nneγ nne i γeef i ncennu Atan di tegnaw yuli Mmiib a yeddu Mmi-s anda ibγa Di ééiq a tt-idid-yemmekti Mi nåebbeà γeef-yiduraryidurar-im, A tamurttamurt-iw, Ad aγa -tiêid tmuγli tmu li Rruà icudd s akalakal-im, A tamurttamurt-iw, Siwa yesyes-s ii-yettili
Nous chantons notre berceau, Qui s’élève dans les cieux, Celui dont le fils, où qu’il aille, Dans l’ennui y pensera : Tirant augure de tes montagnes, Ô mon pays, La vue devient pour nous agréable ; Notre âme est liée à ton sol, Ô mon pays, Il est sa raison d’être.
Mi nebεed neb d fellfell-am d lxiq I dd-yerzan degdeg-wulawen Wa yettmektiyettmekti-d acewwiq Wa yettxayalyettxayal-d isaffen Mi nåebbeà γeef-yiduraryidurar-im, A tamurttamurt-iw, TtakenTtaken-aγ--d tazmerttazmert-nsen Rruà icudd s akalakal-im, A tamurttamurt-iw, iw, AkalAkal-nni γ--d-issekren
Loin de toi, la nostalgie Envahit nos cœurs ; Les uns se remémorent le chant, Les autres revoient les rivières : Tirant augure de tes montagnes, Ô mon pays, Celles-ci nous transmettent leur puissance ; Notre âme est liée à ton sol, Ô mon pays, Ce sol qui nous a élevés.
(ch. 127, v. 1-10 et 11-20) Dans la chanson Ameddaà « L’aède », nous avons de vrais dizains si on traite les strophes à partir du vers 47 en deux sous-strophes (un dizain a-b/a-b/a-b/a-b/a-b et un quatrain c-d/c-d) : AfcalAfcal-ik anga tt-ufan Mi sensen-ihwa neγ ne mi stufan Ssnen ad jebden lexyuÑ 30.Wiss Wiss ma d ulul-ik ii-yelhan Neγ Ne imi tesεiÑ tes iÑ laman I kk-faqen amek i tettedduÑ Mi ara kk-idid-awin di nnican RrenRren-k s anga bγan b an telàuÑ Asmi wwÑen wwÑen ayen akkw bγan b an ĞğanĞğan-ak allenallen-ik ad truÑ
Ton point faible, ils l’ont trouvé : Quand ils veulent et quand ils peuvent, Ils savent tirer les ficelles ; Parce que tu as bon cœur Ou parce que tu es confiant, Ils savent te manipuler : Ils t’ont dans le collimateur, Ils te conduisent où ils veulent ; Quand ils ont atteint leur but, Il te reste les yeux pour pleurer.
LferàLferà-ik ay Aqbayli Mi ara tesleÑ yiwen a kk-yini : Tirrugza d kečč i d babbab-is
C’est ton bonheur, ô Kabyle, Quand tu entends quelqu’un te dire : Tu es l’homme des situations ;
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S anga i dasdas-yehwa a kk-yawi A ss-tuγaleÑ tu aleÑ d lfuci Ara yerfed ger yifassenifassen-is A kk-ittεemmir itt emmir s yimi YesYes-k ara yeγÑel ye Ñel aεdaw a dawdaw-is Di teγmert te mert a kk-ittekki Mi ara yekfu yesyes-k ccγel cc elel-is
Il te mène où bon lui semble, Il fait de toi l’arme Qu’il tiendra entre ses mains, Il te comblera d’éloges Et servira de toit pour abattre son ennemi ; Il te mettra dans un coin Quand il se sera servi de toi.
(ch. 103, v. 27-36 et 37-46) Ces deux strophes précédentes sont des dizains isométriques (vers heptasyllabes) composés chacun d’un sizain de deux tercets (a-a-b/a-a-b) et d’un quatrain a-b/a-b). Les strophes suivantes, de la même chanson que les précédentes, sont des dizains d’heptasyllabes à rimes croisées a-b/a-b/a-b/a-b/a-b : Tagmatt s yiles àlawen NettbeddilNettbeddil-asas-d ååifa Γas as akken degdeg-wulawen S wawal rêagen nàulfa NeÑmeε NeÑme tagmatt dd-ilulen NergemNergem-itt mi tttt-nwala NettağğaNettağğa-tt tezga tuÑen Nettru γef ef lğehdlğehd-is yekfa NettruêuNettruêu-yas ifadden Amzun nugwad ma teàla
La fraternité, avec de belles paroles, Nous lui faisons bonne figure, Même si dans notre for intérieur Nous ressentons l’amertume : Espérant que fraternité naisse, Nous l’insultons dès que nous la voyons, Nous la rendons maladive Pleurons son manque de vigueur, Lui coupons les jambes, Craignant qu’elle se rétablisse.
Anef tlelli An-nennaγ nenna γef YidYid-neγ ne ayen ibγun ib un yeÑru Kkert anan-nebdut tikli Ssnesla icudden a tttt-nefru a Anl aci An-nefk nnub i lγaci Kul wa a ss-nesfeÑ ayen iru Ad asas-nbeddel tikli a Siw akken ilaq ara telàu Win ur nhedder am nekwni Ad asas-nessifeg aqerru
Nous lutterons pour la liberté Quelqu’en soit le prix pour nous ; Allez, commencez la marche Pour briser toutes les chaînes ; Donnons la parole aux gens, Et essuyons leur les larmes ; Changeons la marche du temps De la façon la meilleure : Quiconque ne tiendrait pas notre discours, Nous lui couperions la tête.
Wigi yettåeggimen ccna Γer erlğiha-nneγ nne a tenten-idid-nernu er-lğihaε A sen sen-nini nettdafa Γef ef teqbaylit a dd-teàyu Ad aγiwnen merra a -d-εiwnen Kul yiwen a dd-ihdu asefru Mi newweÑ s ayen nebγa neb a çåutçåut-nsen ard a tt-nemàu Ula d afrux di lexla A tt-nåegged ma icennu
Ceux qui excellent dans le chant, Gagnons-les à notre cause, Disons-leur que nous luttons Pour la survie des Valeurs : Chacun d’eux nous soutiendra En nous dédiant un poème ; Dès que nous serons parvenus, Nous les ferons disparaître, Même l’oiseau dans les champs, Nous le chasserons s’il chante.
(ch. 103, v. v. 47-56, 89-93, 103-112)
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2.8. Le douzain Normalement le douzain, comme le dizain, le huitain, le sizain et le quatrain, est une succession de six distiques ou de quatrains à rimes croisées. Mais il arrive que le douzain ait la forme du neuvain, avec adjonction d’un quatrième tercet, comme dans la strophe suivante : Lehlak i dd-teğğiÑ degdeg-i i Ur yesε yes amdawi F lğallğal-im i didi-yextar AmAm-wakken yeggul fellfell-i Ard iqqim γur urur-i Alamma åubben lecfar lecfar Ula i dd-ixdem yimeééi Rruà la ixessi Am lgaz yeğğan lefnar Si ddunit tekkseÑtekkseÑ-iyi UrğiγUrği -am Rebbi Di lmut ad ii-d-irr ttar
Le mal que tu as laissé en moi N’a point de remède, Et tu en es bien la cause ; Comme s’il s’était juré De rester en moi Jusqu’au dernier souffle ; Les larmes, que me feraient-elles, Mon âme s’éteint Telle le gaz abandonnant la lampe ; De ce monde tu m’as rayé, J’attends du Seigneur Qu’il me venge par ta mort.
(ch. 46, 1-12) Les couplets de la chanson Jamila (ch. 30), nous avons affaire à des douzains, strophes de douze vers composés de trois quatrains hétérométriques (5-5-5-4) à rythme quadripartite (a-a-a-b) : Ma truà γer erer-lexla Ma truà γer er tala Tié mi tttt-twala Tettu kulci Mačči d menwala
Quand elle va aux champs, Quand elle va à la fontaine, Quand mes yeux la voient, Elles oublient tout ; Loin d’être banale,
Tehbel Tehbel s ååifa Steqsit win teràa
Elle est beauté folle,
A wenwen-yini Win i γeef i ttεedda edda
Et il vous dira ;
Interrogez qui elle a meurtri A celui qu’elle croise
A ss-teğğ ccama Amzun di tnafa
Elle laisse des traces
I tttt-nettwali nettwali
Nous la voyions.
Comme si dans un rêve
(ch. 30, v. 27-38) 2.9. Le sonnet ? Le sonnet, de sonet « petite chanson » (en français du 12e siècle), a été introduit en France vers 1538 (Aquien et Molinié, 1999 : 685). Le sonnet régulier comprend quatorze vers (d’abord décasyllabes, puis alexandrins) répartis en deux quatrains à rimes embrassées, sur deux rimes, et un sizain correspondant à un distique suivi d’un quatrain à rimes croisées, sizain que la typographie divise artificiellement en deux tercets pour qu’ils répondent structurellement aux deux quatrains.
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Peut-on parler de sonnet, s’agissant de certaines strophes d’Aït Menguellet ? Y a-t-il un sonnet menguelletien ? Si les strophes de quatorze vers peuvent être appelées sonnets, alors il s’agira de façon certaine d’un nouveau sonnet, d’un sonnet d’une autre configuration : strophe de quatorze heptasyllabes à rimes toujours croisées, jamais embrassées, et dont les diverses combinaisons donnent, dans le poème Ini-asen « Dis-leur. » (ch. 146) : Strophe
I: II : III : IV : V: VI : VII : VIII :
ababababcdcdcd ababcbcbdcdcdc ababcbcbdedede ababcdcdefefef ababcdcdcdcdcd ababcdcdcdcdcd ababcbcbdbdbdb ababcbcbbdbdbd
(8 + 6) (4 + 4 + 6) (4 + 4 + 6) (4 + 4 + 6) 4 + 10) (4 + 10) (4 + 4 + 6) (4 + 4 + 6)
(1 huitain et 1 sizain) (2 quatrains et 1 sizain) (2 quatrains et 1 sizain) (2 quatrains et 1 sizain) (1 quatrain et un dizain) (1 quatrain et 1 dizain) (2 quatrains et 1 sizain) (2 quatrains et 1 sizain)
Ce poème est un un poème isométrique à rimes croisées mais diversité de configurations : – 5 configurations ‘‘majeures’’ de 2 quatrains + 1 sizain : strophes II, III, IV, VII et VIII ; – 2 configurations ‘‘majeures’’ de 1 quatrain + 1 dizain : strophes V et VI ; – 1 configurations ‘‘mineure’’ de 1 huitain + 1 sizain. On dénombre dans l’œuvre de Aït Menguellet quatre poèmes faits de ″sonnets″ : les chansons Txerreq targit « Le cauchemar » (ch. 65) : toutes les strophes sont de configuration abababab cdcdcd, à l’exception de la première (abababab bcbcbc) ; Ay Aqbayli « Ô Kabyle ! » (ch. 96) (la première strophe) : ababababababab ; Ini-asen « Dis-leur. » (ch. 146) (cf. schéma ci-dessus) ; Ccna n tejmilt « Hommages… » (ch. 154) : en hétérométrie (le deuxième vers de chaque strophe est un pentasyllabe, le neuvième un tétrasyllabe, et le douzième un hexasyllabe). Voici quelques exemples de ce quatorzain : Txerreq targit « Le cauchemar » : TerriÑTerriÑ-iyi azrem d ccac Ma d tiγirdemt ti irdemt d amessak TerriÑ udemudem-iw yestewàac Lhemm i wayeÑ a tt-ittak TewwiTewwi-d iàder ukermus TexdemTexdem-iyiiyi-d tarkasin Almi tefka degdeg-i afus r Temdel k a n tewwurt illin
Le serpent, tu en as fait un turban, Le scorpion, une épingle ; Tu as rendu effrayant mon visage Témoin de mes tourments ; A l’aide d’une feuille de cactus, Elle m’a fait des souliers ; Quand elle eut fini de me perdre, Elle referma toutes les portes.
Mennaγ Menna a ss-reÑleγ reÑle yiwyiw-wass RruàRruà-iw akken a tt-twali Ad têer ieddan felli-yεeddan fell-as Lemàayen i deg ii-yettili TeàreqTeàreq-iyi di lğerralğerra-s Di çåeàra mebla tili
Ah ! Pouvoir lui prêter un jour Mon âme pour qu’elle voie, Qu’elle voie ce qu’elle a subi, Les peines qu’elles endurées Elle m’a brûlé sur ces traces Dans un désert sans ombre.
(ch. 65, v. 29-42)
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Ini-asen « Dis-leur. » : I wid ii-yewwi waÑu AÑu n lxuf dd-isuÑen SiweÑSiweÑ-asen lexbar làu A kurk-ceggεe cegg eγ γur ur-k ini-asen
A ceux que la tempête a emportés, Cette tempête de la peur qui a soufflé, Va, annonce-leur la nouvelle ; Je t’envoie, prends soins de leur dire.
Ini-asen truà deεwessu de wessu a Zemren tur a dalen d-uγalen NufaNufa-d i tmurt aqerru Seg widak ii-yeqlilen
Dis-leur que le mal a été congédié Et que maintenant ils peuvent rentrer Car nous avons trouvé l’homme qu’il faut, Parmi ceux, rares, qui peuvent gouverner ce pays :
BabaBaba-s d aqbayli nn-wedrar YemmaYemma-s d taεrabt ta rabt nn-wecluà Seg wid yettåeggimen annar Ur nettεemmid nett emmid a γ--iruà YewweÑYewweÑ-ed kan agu yufrar Tamurt a ss-d-yawi rruà
De père kabyle des montagnes Et de mère arabe des steppes, Il est l’homme de la situation Que nous n’accepterons jamais de perdre Car à peine est-il arrivé qu’ayant dissipé la brume Il apporte un souffle nouveau au pays.
(ch. 146, v. 1-14) Widak ii-yeééfen adrar çubbençubben-d ihdaihda-tenten-id Rebbi Wid i sensen-isγezfen is ezfen amrar Wwinali Wwin-ten d ubrid nn-lεali
Ceux qui tenaient le maquis, Guidés par la grâce de Dieu, se sont rendus ; Ceux qui avaient jusque-là toléré leurs exactions Les ont enfin remis dans le droit chemin.
Ulac wi ittnadin amkan Lεibad ibad xeddmen merra Yiwen ur yelli di lemàan γe e F-fudmawen tezga rreàma
Nul n’est à la recherche de quelque poste, Tous vaquent à leurs occupations, Par un n’est dans le besoin Et sur les visages se lit la douceur.
Làebb iγleb i leb afriwen Lγella ella teqqelteqqel-ed γer tqaεett tqa ett Afellaà yesε yes a ifadden Ixeddem iznuzuy itett Almi ula d iğ iğernanen Uγalen alen heddren tidett
Les récoltes sont abondantes, C’est le retour de l’opulence, Le paysan retrouve la prospérité, Qui cultive, vend et engrange Maintenant même les journaux Disent tous la vérité.
(ch. 146, v. 43-56) 2.10. Les strophes plus longues Il s’agit enfin de ces strophes de plus de quatorze vers. Dans ces strophes, qui sont isométriques, on retrouve néanmoins les deux mètres kabyles : l’heptasyllab et le pentasyllabe. La chanson Amusnaw « Le Sage » (ch. 126) — si l’on excepte la première (prélude) et la dernière, qui sont des quatrains — est faite de strophes de seize heptasyllabes organisés en quatre quatrains à rimes croisées a-b/a-b, dont nous pris comme exemples la quatrième et la cinquième strophes : Lukan lliγ lli d amusnaw Kul mi ara bÑun watmaten A sensen-d-awiγ awi leεnaya le nayanaya-w Ad uγalen u alen ad mlilen
Si j’étais un Sage, A peine des frères se sépareraient-ils Je leur apporterais mon aide Et ils finiraient par se réconcilier ;
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S kra nn-wayen ii-yerêa ccwal A tt-idid-jebreγ jebre s lehna Ljerà i γeef ara serseγ serse awal MiMi-yeéées ad yeåbeà yeàla Win dd-ilhan d yimanyiman-is Di ddunnit yiwen ur tt-ittγaÑ itt aÑ γe e Ad kkseγ kkse agu f-wallenwallen-is Ad yeêêel afus γer er wiyaÑ Lğur kul mi ara dd-isewweq S lbaéel ineğğ ineğğren ğğren urfan Ad asas-rreγ rre adrar n làeqq D leεqel le qel yettåeggimen ussan
Tout ce que le trouble a brisé, Par la paix je le rétablirais ; Toute plaie que je panserais par le Verbe, Au petit matin, cicatriserait ; Celui qui ne s’occuperait que de sa personne, Qui n’aurait de la pitié pour personne, Je lui ouvrirais les yeux Pour qu’il soit bienveillant envers autrui ; L’abus viendrait à régner Avec l’injustice qui taille le dépit, Je lui opposerais une montagne de justice Et de raison qui modèle les beaux jours.
(ch. 126, v. 37-52) Imi ur lliγ lli d amusnaw amusnaw Izeggwir wugur awal Zgiγ Zgi texreb nneyyanneyya-w Γas as tagmatt la dd-tessawal Ccwal yuγal yu al d axxamaxxam-is YesYes-s akkw i teddunt temsal YekkesYekkes-as i lehna amkanamkan-is Ur tezmir a dd-tini awal Kul wa yelha d yimanyiman-is Yiwen ur ittàadar wayeÑ Win i dd-yufa deg-webridwebrid-is a M ur ss-iwexxer ard a tt-yerkeÑ Temγer Tem er d fad nn-leàkem Zedγen Zed en si yal d aqerru Win izemren ad yesε yes u isem Ma d wayeÑ ccedda a ss-yeknu
Parce qu’un Sage je ne suis, Ma parole heurte l’obstacle, Et mon intention se brouille En dépit des appels des frères ; Le trouble devient légion, Et régit les affaires, Et déchoit la paix, Et celle-ci ne dit mot ; Chacun s’occupe de soi-même, Nul ne ménage son semblable : Le trouvant sur son chemin, Il le piétine s’il ne s’écarte ; Folie des grandeurs et soif de pouvoir Habitent tout esprit : Qui en possède se fait un nom, L’autre ploie sous l’oppression.
(ch. 126, v. 53-68) La chanson Asendu nn--waman « Brassez du vent ! » (ch. 157) — si l’on excepte la première strophe, qui est un neuvain ancien — est faite de strophes de vingt-deux pentasyllabes organisés en trois strophes (un huitain, un quatrain, un dizain) à rimes croisées sauf dans les quatre derniers vers où il y a rythme quadripartite : Wid dd-innan awal Mi dd-zzin ttunttun-t A kk-inin timsal Akkagi i leààunt Taqsié i dd-xelqen TayeÑ attan tfut D imelεaben êewren Ttlaεaben s lmut
Ceux qui ont promis Ont tout oublié, Pour eux, c’est ainsi Que se font les choses ; Tout nœud qu’ils inventent Succède au caduc : Ces joueurs habiles Jouent avec la mort.
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Ur telli degdeg-wul Tirrugza yiwet IÑelli yeggul AssAss-a ad yesseànet A wid yestufan Yessenduyen aman I tmeddittmeddit-nwen D acu i dawendawen-ssan Ssenduyet aman A wid yestufan Ur yelli wusu Lehna ur dd-tettrusu TernamTernam-d deεwessu de wessu Γer er tidak yellan
N’étant dans son cœur, La bravoure est une, Qui a juré hier Faillit aujourd’hui. Vous êtes patients, Vous brassez du vent, Le soir arrivé, Quel lit vous attend ? Remuez le vent, Vous êtes patients, Vous n’aurez ni lit Ni la paix promise, Ajoutez des serments A ceux qui existent.
(ch. 157, v. 32-53) Enfin, dans la chanson Anida nn--teÜÜam mmi « Mère et fils » (ch. 64) on relève une strophe de exceptionnelle de vingt-quatre heptasyllabes à rimes croisées a-b/a-b/a-b/… Qimzizen Qim-d a tamγart tam art εzizen Tidett ur tebÑi γeef snat A mm-iniγ ini lehdu qeràen TiéTié-iw ayen illan teêrateêra-t TecfiÑ i winna ikerrzen ikerrzen LexlaLexla-s s tiditidi-s yefsayefsa-t D akal i tt-idid-yessekren I-yezzin fellfell-as yeččayečča-t TecfiÑ i wid yemmuten Mielben taswaεt Mi-y-ddren γelben DegDeg-yiwet tegwnitt ruàen Kul wa kra ikseb ixellaixella-t TecfiÑ i wid yekkaten Nwan lğehd ur yettfat TecfiÑ asmi dd-ttewten Kul wa lmektublmektub-is yernayerna-t TecfiÑ leàyuÑ mi bedden TtqasamenTtqasamen-d i tafat Milin tàeÑreÑMi-y-γlin tàeÑreÑ-asen Ğğan abrid twalatwala-t i ra MelMel-iyiiyi-d w a dd-yeqqimen AqlAql-aγ necba di tcemmaεt Mi nefsi nγab efn ab γef ef-wallen èélam ad idel tafat
Viens près de moi, brave vieille, La vérité est indivisible : Je te dirai des mots blessants, Car mes yeux on tout vu ; Tu te souviens du laboureur Qui de sa sueur a épanoui ses champs, Cette terre qui l’a élevé, S’en est retournée contre lui, l’a englouti ; Tu te souviens de ceux sont morts Et qui de leur vivant dominaient les situations En un clin d’oeil ils sont partis, Laissant derrière eux leurs biens ; Tu te souviens de ceux qui frappaient, Qui croyaient leur force inépuisable, Tu te souviens quand ils ont été frappés, Vaincus par leur destin ; Tu te souviens des murs érigés, Qui faisaient obstacle à la lumière, Ils sont tombés, tu en es témoin, Lui laissant la voie libre ; Dis-moi qui restera ici, Nous sommes comme la bougie : Consumés, nous disparaissons Et l’obscurité enveloppe la lumière.
(ch. 64, v. 113-136)
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A la lumière de l’examen des données, il apparaît clair qu’à ce niveau, celui de la versification, la poésie d’Aït Menguellet, qui s’inscrit dans une certaine continuïté par rapport la poésie kabyle ancienne, apporte des éléments nouveaux. Elle s’inscrit dans la continuïté de la poésie ancienne dans la mesure où elle reprend, nous l’avons vu, l’esprit de la poésie versifiée. La poésie kabyle, versifiée, est définie par deux paramètres : le mètre et la rime ; deux éléments définitoires auxquels on peut ajouter un troisième, moins systématique : la strophe ou, osons le terme, la notion de ‘‘formes fixes’’ : deux formes dominantes : le neuvain et le sizain, tous les deux anciens. En chantant le neuvain ancien, il a d’abord rendu hommage aux poètes anciens. Il aussi chanté des sizains composés par Kamal Hamadi. Il a par la suite composé et chanté des neuvains et des sizains anciens et sa première chanson Ma tru truÑ Ñ « Si tu pleures » (ch. 12), qu’il a composée à l’âge de dix-sept ans, est faite de sizains (à l’excpetion de la strophe-refrain, qui est un quatrain). Jusque-là, la poésie d’Aït Menguellet peut être considérée comme de la poésie ancienne. Mais si Aït Menguellet a certes chanté le neuvin et le sizain anciens, il ne s’en est pas tenu, loin s’en faut, à ces deux formes réductrices. Tout en continuant à composer sur des factures anciennes, le poète ne tardera pas à faire côtoyer celles-ci de nouvelles formes tant au plan du mètre, de la rime que de la strophe. C’est ainsi que l’œuvre est traversée par des neuvains autres que le neuvain ancien, des sizains autres que le sizain ancien, d’autres formes de strophes du quatrain à la strophe de vingt-deux vers, avec des dispositions des rimes originales, comme le rythme tripartite ou quadripartite ; c’est ainsi qu’on y trouve une disposition inexistante dans la poésie kabyle ancienne mais attestée ailleurs : les rimes embrassées, une autre disposition originale et qu’on ne trouve nulle part ailleurs : la disposition a-b-c/a-b-c/a-b-c ; c’est ainsi qu’on y trouve des mètres jusque-là inexistants dans la poésie kabyle ancienne, comme l’ennéasyllabe, le dodécasyllabe, l’alexandrin et, à un degré moindre, l’octosyllabe.
Après avoir passé en revue ce qui fait la singularité de l’œuvre poétique de Lounis Aït Menguellet au plan de la versification, il sera question, dans les chapitres suivants, des faits singuliers de cette poésie au plan des figures de style.
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CHAPITRE III : LES FIGURES DEFINITIONS Le Larousse définit la figure, du latin figura, comme une forme particulière donnée à l’expression et visant à produire un certain effet. Le terme de figure, lui-même une figure, consacre, en théorie, la notion d’écart par rapport à un langage ordinaire, quoique la notion d’écart elle-même soit tout à fait discutable du fait qu’elle est définie par rapport à une norme. Cette notion d’écart, d’éloignement de ce qui eût été l’expression simple et commune, Du Marçais l’a critiquée, qui écrivait déjà en 1729 (cité par M. Aquien et G. Molinié, 1999 : 541) : « D’ailleurs, bien loin que les figures soient des manières de parler éloignées de celles qui sont naturelles et ordinaires, il n’y a rien de si naturel, de si ordinaire et de si commun que les figures dans le langage des hommes. […] Je suis persuadé qu’il se fait plus de figures en un seul jour de marché à la halle, qu’il ne s’en fait en plusieurs jours d’assemblées académiques. Ainsi, bien loin que les figures s’éloignent du langage ordinaire des hommes, ce serait au contraire les façons de parler sans figures, qui s’en éloigneraient, s’il était possible de faire un discours où il n’y eût que des expressions non figurées. »
Néanmoins, la figure, fréquemment considérée comme un ornement, a un caractère indispensable là où elle est employée. Aquien et Molinié (1999 : 542), suite au classement par les rhétoriciens, distingue : — les figures de diction (métaplasmes), comme l’apocope, la syncope, le néologisme, la paronomase, etc. ; — les figures de mots (métasémèmes), qui reviennent à des changements dans le signifié, comme la synecdoque, la métonymie, la métaphore, l’allégorie, catachrèse, symbole, syllepse, etc. ; — les figures de construction (métataxes), qui jouent sur la phrase, l’ordre des mots, sur la grammaire, comme l’ellipse, l’asyndète, le zeugme, l’hyperbate, l’inversion, l’hypallage, l’énallage, le chiasme, la tmèse, etc. ; — les figures de pensée (métalogismes), comme l’antithèse, l’hyperbole, etc. Les figures dites de mots sont appelées figures de signification
I. FIGURES DE PENSEE Une figure de pensée est définie en ce qu’elle n’est pas une figure que les mots ou les phrases peuvent déceler. Aquien et Molinié (1999 : 243), qui la dénomment figure macrostructurale, la définissent ainsi : « Dans leur tendance fondamentale, les figures macrostructurales ne s’imposent pas d’emblée à réception pour que le discours soit acceptable ; elles sont donc rarement certaines ; elles sont peu isolables sue des éléments formels précis ou, si elles sont isolables, demeurent en cas de changement de ces éléments. Certaines figures macrostructurales, de caractère composite, sont
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faites soit nécessairement (comme l’allégorie), soit occasionnellement (comme l’antithèse ou l’ironie), de figures microstructurales qui en constituent des matériaux. »
Selon Suhamy (1992 : 113), la figure de pensée est une figure de rhétorique par opposition à figure de style ou figure de mots. Les figures de pensée se développent sur un plus grand espace et ne dépendent pas de processus formels et sémantiques précis.
1. L’allégorie Selon Aquien et Molinié (1999 : 48), l’allégorie est une figure composée, faite obligatoirement de figures microstructurales, des métaphores généralement, mais la valeur de signification qui la définit est essentiellement de nature entièrement macrostructurale. Aquien et Molinié parlent de figure complexe commençant par une métaphore. Pour Gardes-Tamine et Hubert (1998 : 14), l’allégorie est une « représentation figurée d’idées abstraites sous la forme d’un tableau ou d’une histoire qui développe une analogie initiale. » L’allégorie est-elle une métaphore filée ? Gardes-Tamine et Hubert (1998 : 14) répondent par la négative : « L’allégorie s’oppose à la métaphore filée en ce que la série du figuré apparaît seule. » mais « le sens propre peut cependant être reconstruit […] » car « série propre et série figurée se correspondent terme à terme. » Le fait que l’allégorie la série du figuré apparaît seule explique que pour comprendre le sens figuré d’une allégorie il faut en connaître le contexte et parfois baigner dans la même culture que l’auteur.
J. Molino et J. Gardes-Tamine (1982 : 186) distinguent entre l’emblème et l’allégorie : « Emblème et allégorie possèdent en commun le même caractère fondamental : elles représentent grâce aux couleurs des choses sensibles des idées abstraites qui, sans cela, seraient vagues, faibles, confuses ; mais en même temps, la signification sous-jacente doit rester à chaque instant clairement lisible. » c'est-à-dire, comme le soulignent Aquien et Molinié (1999 : 48), « que tout discours allégorique peut être lu non allégoriquement tout en restant tout à fait acceptable et cohérent, ce qui est impossible en cas de réduction de la figure à une stricte détermination microstructurale. »
Dans la strophe suivante, une sorte d’allégorie, introduite par le dernier vers (v. 16) de la strophe précédente. Il s’agit ici d’une crue avec tout ce que cela suppose comme bienfaits et méfaits pour probablement ce qu’on pourrait appeler un mouvement de foule ou un mouvement politique, contestataire, qui, canalisé dans la voie souhaitable et souhaitée, pourrait être bénéfique, mais qui — et c’est le revers de la médaille — mal contrôlé, peut faire des dégâts. Il y a correspondance terme à terme dans la face concrète, la crue et la face abstraite, intellectuelle, le mouvement politique. Mais dès qu’il s’agit d’une allégorie, le sens figuré — double sens — est difficile à cerner car l’interprétation est inévitable… TelliÑTelliÑ-d abrid i uàemmal Wiss ma theggaÑ tiregwa Ma tessneÑtessneÑ-as yesε yes a azal
Tu as préparé le lit à la crue, mais as-tu prévu les canaux ? Sache-le, la crue est bénéfique,
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SegSeg-s wi iffuden yeswa Ma tfehmeÑtfehmeÑ-as ur dd-iffal YesYes-s ara swent tγ t wezza Ma ulac degdeg-k ad yeggall W ad yeglu s ttjur neêêa
Désaltère quiconque s’en abreuve ; Comprends-le, elle ne peut déborder, Qui irrigue les champs ; Sinon, elle te menacera Et emportera tout ce que nous avons planté.
(ch. 123, v. 17-24) Dans le refrain de la même chanson (Гurwat « Prenez garde ! », ch. 123, v. 25-32) (strophe cidessous), le poète parle de « choses » sans les nommer : il se contente d’y renvoyer en utilisant les divers substituts et autre indice de personne, comme en témoigne la traduction « mot à mot », : ne connaissant donc pas le référent auquel le poète fait allusion, nous disons qu’il s’agit d’une autocritique et les « choses » auxquelles sont nos attitudes, nos manières d’agir qui laissent à désirer, notre naïveté, nos querelles intestines, etc., ce que montrent les couplets de la chanson. Γas as neqqarneqqar-itent an-necfu Negguma anΓas as nettaγnetta -itent Ccama tàellu NesseàsabNesseàsab-asent Mi ara dd-ttasent Γas as ma nuginugi-tent DegDeg-sent nrennu
[même si nous les disons] [nous refusons de nous souvenir] [même si nous les subissons] [la cicatrice guérit] [nous leur calculons] [quand elles viennent] [même si nous les refusons] [nous continuons en elles]
Nous avons beau les dire, Nous n’en retenons rien ; Nous avons beau subir les coups, Les blessures se cicatrisent ; Nous ne les prenons au sérieux Que lorsqu’elles nous acculent, Et bien que nous les exécrions Nous ne nous en séparons point.
(ch. 123, v. 25-32)
La chanson Tizizwit « Il était une fois une abeille (ch. 69) est un type d’allégorie qui met en scène les abeilles que les guêpes conquièrent et colonisent par l’entremise du vautour. A l’issue d’âpres pourparlers, les abeilles, convaincues par le charognard de la possibilité pour le miel des guêpes d’être aussi doux que le leur, convaincues que les guêpes aussi sont de noble race, s’unissent avec celles-ci pour l’avenir ; ainsi, le nid des guêpes, elles en firent leur autel et s’y rendent de concert pour la prière. En témoignent les passages suivants : Taqsié n tzizwa d waεreêêen
L’histoire des abeilles et des guêpes
(ch. 69, v. 3) εe e
IkcemIkcem-ed yisγi yis i taqa tt
Le vautour fit son entrée
(ch. 69, v. 9) Zewğet di sin ad terrem axxam
Mariez-vous tous les deux et fondez un foyer
(ch. 69, v. 14) Tament ard telhu ååifaååifa-s Acemma ur tttt-ittxaå Ula d aεreêê yelha laåel laåelåel-is
Le miel aura bel aspect, Rien n’y manquera La guêpe aussi est de noble race.
(ch. 69, v. 24-26) Ufan rray imsawa Aεreêêen d tzizwa
Ayant trouvé consensus, Guêpes et abeilles
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Sdukulen axxam i tmeddit Taàbult nn-waεreêê telha RranRran-tt d lğamaε Akken i ddukulen γer têallit
S’unirent pour l’avenir : Le nid de la guêpe est beau, Ils le firent autel Et de concert y vont prier.
(ch. 69, v. 27-32) Et l’abeille, qui pleurait et s’en allait au départ, pleure de bonheur à la fin ! Yekcem waεreêê taγrast ta rast tzizwit La tettru tz izwit mi truà
Entre la guêpe la ruche, Pleure l’abeille et s’en va.
(ch. 69, v. 7 net 8) Yekcem waεreêê taγrast ta rast La tettru tzizwit tefreà
Entre la guêpe la ruche, Pleure l’abeille de bonheur.
(ch. 69, v. 35 et 36)
Le poème Abeàri « Le vent » (ch. 100), est un dialogue simulé entre nutni « eux » (la foule) et netta « lui » (abeàri « le souffle, la brise, le vent »), dont voici quelques passages : Nutni :
Eux :
Ay abeàri dd-iffalen Mel--i-d wi kk kk--ilan Mel
Ô souffle transcendant,
Netta :
Lui :
Amek ur didi-y-tessinem ara yes--i merra Tettamnem yes
Comment ne me connaissez-vous pas ?
i
i
Dis-moi qui tu es !
Vous croyez tous en moi,
D kunw i y -d-isnulfan
C’est vous qui m’avez inventé !
D kunwi i yiyi-d-isnulfan wen--iεreq Mi wen req ccγ cc wel
C’est vous qui m’avez inventé
u
Win iw mi εerqen erqen iberban Ad ii--d-yessiwel Nekk ula i dawendawen-xedmeγ xedme D ayen tessnem ii-y-ssneγ ssne te ε
Dès que vous étiez désemparés ; Dès que vous êtes égarés, Vous faites appel à moi ; Je ne puis pourtant rien pour vous, Je n’en sais pas plus que vous,
Ur s aÑ d acu iwumi zemreγ zemre Yewεer Yew er neγ ne yeshel
Je n’ai pas le moindre pouvoir
Nutni :
Eux :
Ay abeàri dd-iffalen w Yes--k akk i numen Yes
Ô souffle transcendant ! Nous croyons tous en toi.
Netta :
Lui :
Skud tettamnem yesyes-i
Si vous croyez en moi
Ni grand ni petit !
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Cukkeγ Cukke tesεam tes am iγisi i isi yi qerray--nwen Deg qerray
C’est qu’elle est fêlée, Votre cervelle.
(ch. 100, v. 1-18)
Dans cette chanson, qui est une allégorie du début jusqu’à la fin, au lieu d’avoir la métaphore du père, comme c’est le cas dans l’Evangile, nous avons celle de abeàri « la brise », qui n’est pas tout à fait « le vent » (T. Yacine a traduit abeàri par le vent) et le choix n’est pas fortuit. Le sens figuré de vent , « rien », en langue française est rendu par abeàri « brise » et non par aÑu « vent ». On devine ici la pensée du poète, celle d’assimiler l’idée de dieu au vent, c'est-à-dire à rien, sinon à la représentation de ce rien dans le cerveau des hommes. Cette chanson, qui comprend un vers récurrent, Ay abeàri dd-iffalen « Ô souffle transcendant ! », est une allégorie comme l’est un poème ancien dont nous retenons quatre vers essentiels : A timeàremt n leàrir A tin ur tebdi tγersi t ersi d--ikkaten Ay aneznaz d
[ô foulard de soie]
Toi foulard en soie
[ô celle que n’entama la déchirure]
Que n’a entamée la déchirure ;
[ô bruine frappant]
Toi bruine qui tombe,
AqlAql-aγ nebzeg ur neksi
[nous voilà mouillés nous ne paissons]
Je me mouilles sans raison.
vers dans lesquels la lecture allégorique donne « une belle fille » (vers 1) vierge (non entamée par la déchirure, vers 2), puis « un amant » (la bruine qui tombe, vers 3), « qui déflore mais n’épouse pas » (qui mouille, mais ne pas paître, vers 4)1. La chanson Tamurt Tamurt--nneγ ‘‘Notre patrie ou la culture du désert’’ (ch. 125) est un exemple d’allégorie : elle parle de l’Islam et des Musulmans — depuis les premières invasions des BeniHilal, au 11e siècle — sans nommer ni l’un ni les autres, mais un réseau lexical et un réseau de correspondances nous permet de tirer une telle conclusion, et nous estimons que la traduction en rend compte suffisamment. Nous n’inventons rien dans ce qui suit, nous nous contentons de rendre la pensée du poète dans les mêmes termes. Première strophe : Ceux-là qui, lorsqu’ils eurent faim, s’en retournèrent contre leur chameau pour l’égorger et le manger, n’apportent que désolation aux pays qu’ils traversent ; pires que les sauterelles, ils anéantissent les cultures sur les sols qu’ils piétinent ; Dieu est leur allié, nous dit-on, nous nous contentons de dire que peut-être Dieu nous les envoie. Telle est la description qu’a faite Ibn Khaldoun des Hilaliens. Deuxième strophe : Trouvant appui dans leur race, ils naissent pour la perte ; le palmier qu’ils possèdent pourtant, on se demande comment ils ne l’ont pas anéantie ; Et hurle le cerveau qu’ils ont usé par le mauvais savoir qu’ils lui inculqué et en lequel ils ont fini par tuer tout espoir ; le
1
On sait que pour la réussite de la lecture du sens figuré la complicité de la réception est requise : celle qui interprète lit sans détour l’énoncé ééame ééameε ame ikellexikellex-as ukeddab [L’être avide, l’a berné le menteur] en ééame ééameε ame iqqaiqqa-t ukeddab [L’être avide, l’a forniqué le menteur] « L’être avide s’est fait forniquer par le menteur. »
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pays, tel une marmite vidée, ils vous (s’adressant aux vrais fils du pays) le tendent dès qu’ils en ont dévoré le contenu, dans l’attente que vous le remplissiez (de nouveau). N’ayant rien à avoir avec la nature et le sens du labeur, ils ont inventé le mauvais savoir qu’ils enseignent pour tuer l’espoir et se complaisent dans leur condition de prédateurs. Troisième strophe : Ils l’auraient trouvé (le pays) comme on trouve un trésor ou alors en auraient-ils hérité ; ils en sont devenus les seuls propriétaires tandis que nous sommes là en plus ; ils ont moissonné, dépiqué et chargé, vendu et empli les silos, et nous en sommes arrivés à cette situation ; et les gouvernants (les chefs) sont parvenus à précipiter notre chute dans des précipices sans fin. Quatrième strophe : Un pouvoir qui a fondé son autorité sur l’injustice, il lui suffit d’être ébranlé pour qu’il ne reste rien de son assise ; leur (nos gouvernants) pouvoir fuit de partout et a toujours été tordu, comment peut-il en être autrement demain ; cela fait des années de mauvaise gouvernance, non conforme… au canon de la bonne gouvernance, comment peut-il se redresser maintenant ? Cinquième strophe : Nous peinons à trouver le… Les naïfs, qui croient à ceux qui l’ont dénouée puis renouée, pauvres d’eux qui ont encore de l’espoir ; les naïfs sont ceux-là qui ont le ventre creux et la maison vide mais continuent à écouter les cheikhs en train de psalmodier ; mais, nul — vieillard ou nourrisson — n’est dupe excepté ceux qui ont été induits en erreur. Sixième strophe : Que tu fais pitié, ô oléastre impudique ; tu as poussé sans être greffé et il n’y a que le vent qui souffle en toi (que du vent !) ; tu n’as rien appris et tu n’as rien enseigné mais tu attends que Dieu t’élise ; et si par ton front (quand tu te prosternes) tu pouvais labourer et si par tes genoux tu pouvais semer, alors il y aurait surabondance du bien ! Septième strophe : autocritique. On manque de sagesse, on n’agit que lorsque c’est trop tard, « les jeux sont faits ». Huitième strophe : autocritique. On a à peine accompli une « bonne action », on est les premiers à l’annihiler ; cette attitude ne peut être que de l’autodestruction. Dans le tercet suivant, de la même chanson, allusion est faite à la prière (front et genoux) de l’islamiste comparée à l’oléastre, dont les fruits ne sont pas comestibles, et qui, inculte, aspire à être — voire prétend être — l’élu de Dieu. Le front et les genoux sont symboliques des prosternations répétées dont sont composées les prières (mécaniques) des musulmans : Lemmer s unyir ara tkerzeÑ Neγ s tgwecrar ara tzerεeÑ Ne tzer eÑ Talli yemγi yem i-d kul lxir
Si tant est qu’à l’aide du front tu labourerais, Ou qu’avec les genoux tu sèmerais, Auraient poussé toutes les merveilles.
(ch. 125, v. 58-60) tout comme dans le passage suivant, où l’allégorie des nouvelles pousses pour la relève (la jeunesse) est conjuguée à celle du champ tamisé pour la ‘‘haute’’ société (l’élite) : AnAn-neêwer anan-nàerrez ixulaf imγii yiger yufaf A d-im
Forts de préserver les nouvelles pousses Pour que s’épanouisse le meilleur champ,
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(ch. 125, v. 65 et 66) Dans la strophe suivante, de la chanson Amusnaw « Le sage », il y a une allégorie faite d’une suite de métaphores : de l’huile sur le feu, de la confiance qui brûle dans les flammes, de la cendre qui nous pollue pour respectivement encouragement des pratiques qui mettent en péril notre crédibilité et notre sécurité pour ne récolter enfin que désolation. Il y a un indice qui fait de ce segment une allégorie : c’est le nom laman « la confiance », qui est un terme abstrait et qui empêche la lecture au premier degré : autant jeter de l’huile sur le feu, métaphore lexicalisée, et les cendres qui souillent, métaphore vive, peuvent être lus non allégoriquement, autant la confiance qui brûle dans les flammes résiste à la lecture non allégorique. Tcebbek si mkul tama NernaNerna-yas zzit i tmes Laman degdeg-wjajià yerγa yer a w Yegg rara-d kan yiγed yi ed a γ--yames
De partout les choses se brouillent, Nous jetons de l’huile sur le feu Pour que dans les flammes brûle la confiance Et qu’il ne reste que les cendres qui nous souillent.
(ch. 126, v. 33-36) La chanson 128 entière est une allégorie de la jeune démocratie du début des années 1990 en Algérie. L’album date de 1992 et il est probable qu’il est question dans cette chanson de l’actualité politique en Algérie, c'est-à-dire de la démocratie naissante et fragile. La suite de cette actualité, on la connaît. A travers trois strophes (vers 1-25), le poète parle d’un jeune plant, qu’il compare ensuite (vers 47-55) à l’arbre qui a tant enduré, et fait le souhait de la comparer (vers 56-64) à la dune de sable pour sa résistance aux piétinements des visiteurs, en se faisant caresser chaque nuit par le vent. Dans ces deux dernières comparaisons, il s’agirait plus de la patrie dans son intégrité et dans son intégralité que d’une option politique à préserver de quelque mauvais œil imaginaire ou d’un quelconque prédateur réel. La strophe suivante, de la chanson Abrid n temêi « Itinéraire d’une jeunesse », peut être une allégorie 2 : MuggreγMuggre -d tamekwàelt mmmm-sin Nemyeεqal d--teflali Nemye qal mi d
Je revis mon fusil à deux canons,
Гef ef terkast d tibzimin YeÑbaε uàeddad n at Yanni
Sa crosse était ornée de motifs
Asmi njebbu njebbu di tγaltin t altin neqsed--as ye yeγli LγerÑ erÑ ma neqsed li
Quand, jadis, nous courions les collines
Ziγ Zi yesserkayesserka-tt win tttt-iwwin Jebdeγ zznad yefruri Jebde
Tombé hélas ! entre des mains qui l’ont rouillé ;
Lui et moi nous fûmes reconnus aussitôt ; Sculptés par l’artisan des Aït Yanni. Nous faisions mouche à toutes les cibles Quand j’appuyai sur la détente, celle-ci s’est émiettée.
(ch. 114, v. 25-32) Dans cette strophe, le poète parle d’un fusil. Il est vrai que Aït Menguellet est un grand amateur 2
Interrogé sur le contenu de cette strophe, l’auteur affirme qu’il s’agit d’un fusil réel et que cette strophe est un hommage à l’artisan bijoutier des Aït Yanni qui en a sculpté la crosse.
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des armes de chasse, mais à entendre les propos de cette strophe, on pourrait comprendre autre chose, comme le suggèrent certains fans du poète, savoir « une femme » que l’auteur aurait aimée et que quelqu’un d’autre, celui qui l’aurait rouillée, i.e. souillée, en l’épousant. Cette lecture allégorique peut être corroborée par : d’abord, et c’est important, le nom kabyle du fusil utilisé ici est féminin ; puis la personnification dans le vers 26 et la référence à l’artisan bijoutier des Aït Yani (vers 28) rend plausible l’allusion à une femme. Elle est donc possible. Elle est la lecture, c'est-à-dire la seule possible, pour les fans convaincus — et confortablement installés dans leurs certitudes — que la poésie, c’est le double sens ; non, le sens unique : celui qui est derrière les mots, pas celui qui est dans les mots. Mais cette lecture est vite rattrapée par l’autre, celle-là plus terre à terre, c'est-à-dire celle que disent les mots du texte. On comprend que le propos des vers 29 et 30 ne peut pas concerner une femme : autant on peut voir une métaphore de la crosse ornée par l’artisan pour la ceinture d’argent, une femme à travers la forte personnification et le nom féminin du fusil, autant une femme ne court pas les collines à la recherche du gibier ou pour tirer une quelconque cible. Puis, on sait qu’en 1985 Aït Menguellet, pour avoir défendu lors d’un gala les militants kabyles des droits de l’homme détenus en prison, a été emprisonné et s’est vu confisquer sa collection d’armes de chasse. Ensuite, parmi ces armes, figure le fusil dont la crosse a été finement décorée par un bijoutier des Aït Yani, bijoutier auquel — et ce sont là les propos du poète lors d’un entretien privé — il rend hommage dans cette strophe. Enfin, cette chanson retraçant l’itinéraire d’une jeunesse à rebours, le poète y narre ses souvenirs de façon didactique — du plus récent au plus ancien — et même s’il feint de raconter un rêve, les étapes et les haltes sont décrites avec minutie et sans interférence ; dans cette suite d’événements que retrace le rêve, la période romantique, où il eût été judicieux de parler d’amour, est postérieure à cette strophe, c'est-à-dire antérieure dans la vie réelle, à peu près là où il est dit entre autres : èéfeγ èéfe abrid nn-luÑa Muggreγ--d lewrud kul leånaf Muggre u
La dd-ttmektiγ ttmekti d ac akka D ass mi nettnadi ur nettaf D ass mi la teggeγ tegge lqima I wayen ixerben ur yufaf Ma êriγ êri ttejra terka Tettban--iyi iyi--d d axalaf Tettban
Je pris alors le chemin de la plaine Et fis la rencontre de roses de toutes sortes Que je tentai d’interpréter comme Le temps où nos espoirs étaient vains, Le temps où pour moi tout avait valeur, Jusqu’aux pires impuretés, Où le plus pourri des arbres M’apparaissait comme une jeune pousse.
(ch. 114, v. 81-88) Dans le vers suivant, qui aussi le titre de la chanson (ch. 115) : A γ--yaru lxuğ lxuğa necÑeà
Et nous aurons bien dansé !
(ch. 115, dernier vers de chaque strophe) S’agit-il d’une allégorie, dans la mesure où cette figure, pour être comprise, a besoin d’être interprétée : elle est caractérisée par le double sens, le sens propre étant « le secrétaire nous aura inscrit sur la liste de ceux qui ont dansé » [il nous écrirait le secrétaire nous dansâmes], mais le sens figuré, qui exige, pour être saisi, la complicité du récepteur, n’est pas de toute évidence puisqu’il pousse le verbe cÑeà « danser » à livrer toute sa symbolique : la joie, le bonheur, la
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satisfaction dans l’ordre établi. C’est dans ce dernier que s’inscrit le nom plutôt railleur lxuğ lxuğa « secrétaire », terme — parmi une terminologie plus large — repris par le pouvoir colonial français au non moins colonial pouvoir turc ottoman. Lorsque le pouvoir colonial sentait l’approche d’une rébellion, il faisait organiser une fête au caïd, fête à laquelle était conviée toute la population ; au cours du festin, un commis était aux aguets, guettant la moindre absence, la moindre bouderie, la moindre mauvaise humeur auprès des invités ; et tous ceux qui auront montré leur joie seront considérés comme hors d’état de nuire à l’ordre établi, et le secrétaire les aura inscrit sur la liste de ceux qui auront dansé… Dans la distique suivant : Di lmux nn-wuccen I-yettili ddwa
Car du sacrifice du plus éveillé Viendra le remède…
(ch. 116, v. 35 et 36) l’attention est ici attirée sur le syntagme lmux nn-wuccen « cervelle de chacal » que la traduction a tu et qui symbolise probablement « la ruse » que cervelle de chacal ne rendrait pas … C’est dans la cervelle de chacal que réside la panacée ne peut pas ne pas être une allégorie. La lecture non allégorique donnerait que l’on peut tout à fait tuer un chacal, lui fracasser le crâne, en extraire la cervelle et l’utiliser à des fins prophylactiques. On peut aussi, et ce que soutient la traduction, lire allégoriquement, à supposer que ce soit le prédateur malintentionné qui parle — c’est probable — pour celui-ci la panacée c’est de maintenir indéfiniment le pouvoir, et donc de sacrifier le plus éveillé d’entre ses détracteurs.
Kul sseεqa sse qa s teslentteslent-is
A chaque foudre son frêne ;
(ch. 128, v. 31) Nous avons traduit mot à mot cette expression, qui probablement est un proverbe signifiant « à chaque projectile sa cible » ou, mieux encore, « le but qu’on doit se fixer doit être fonction de ses moyens » ce qui correspond bien à une allégorie Dans le passage suivant, à travers le chasseur, il faut comprendre autre chose. Le poète se trahit erÑ « la cible » qui est l’objectif du tireur… et le en utilisant d’abord aåeggad « le chasseur » puis lγerÑ tireur se trompe de cible, celui sur qui il a tiré n’est finalement pas son adversaire. Ay aåeggad s yiγimi yi imi afus--ik çeggem γef ef zznad afus
Toi, ô chasseur assis,
S tmesla neγ ne s tmuγli tmu li erÑ--ik Mi tettmeyyizeÑ llγerÑ erÑ
Et par l’ouïe ou par la vue,
Γas as akken tàuzaÑtàuzaÑ-t yeγli ye li Mačč ččii d win i d axåim axåim--ik Ma čč
Bien que tu l’aies atteinte,
Mets le doigt sur la détente, Lorsque tu vises la cible, Là n’est pas ton adversaire :
(ch. 131, v. 17-22)
Dans le distique suivant, on relève une allégorie continuée :
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Mačč Mačči čči d allen kan n--wid i tt--yes yesεan Awali n an
[ce n’est pas les yeux seulement]
Il ne suffit par d’avoir des yeux,
[la vue (est) à ceux l’ayant]
N’est pas visionnaire qui veut.
(ch. 131, v. 23 et 24) Il ne suffit pas d’avoir des yeux, il faut aussi et surtout voir convenablement, comme l’atteste l’exemple ce passage de la chanson Anef Anef--iyi « Laisse-moi ! » : Γas as ur nxuåå degdeg-wallen Nxuåå awali
Bien que nous ayons des yeux Nous manquons de vue ;
(ch. 115, v. 57 et 58) passage qui signifie « Bien que nous ne manquions pas d’yeux, nous manquons de vue. », la vue dont il question serait la vision profonde des choses tandis que les yeux représenteraient un moyen de vision superficiel. Au final, le poète suggère que pour voir il faut plus que des yeux. C’est dans cet ordre d’idées qu’il ajoute : Γas as degdeg-wawal d atmaten I tegmatt melmi
[même si dans le mot (c’est) des frères] [et la fraternité, (à) quand ?]
Nous nous prétendons frères, mais A quand la fraternité vraie ?
(ch. 115, v. 60 et 61) pour suggérer une autre fraternité, une autre solidarité que celle qui se réduit à un slogan creux. Le poète établit un parallélisme entre les yeux – la vue et les frères – la fraternité et les premiers termes de la corrélation seraient l’expression vide de sens (simple organe/slogan creux) et les seconds la signification (véritable vision/fraternité véritable). Le passage suivant, de la chanson A wi irun « Rire ou pleurer, qu’importe ? » : Tebγam Teb amam-tt, ur tttt-tebγim teb im ara ? Sefrut--ttSefrut tt-id anan-nwali A wid yeggunin tara TesswemTesswem-tt almi dd-tessenéi Mi ii-yban làebblàebb-is yefra LeÑyur wwinwwin-t d imensi
La voulez-vous ou pas ? Soyez clair, que nous sachions, Vous qui attendez la récolte Pour l’avoir arrosée jusqu’à maturité ; Hélas ! le fruit, arrivé, Fut le repas des oiseaux ;
(ch. 131, v. 41-46) a tout l’air d’une allégorie. Le prétexte de nourrir, arroser, voire irriguer, jusqu’à maturité, dès que le fruit est mûr il est emporté par les oiseaux (à dîner) donne, certes, des couleurs à l’expression mais reste trop vague pour qu’on puisse faire une quelconque interprétation… Tout comme l’allégorie de la poutre maîtresse faite à partir de l’inule pour une personne entre les mains ‘‘laquelle’’ on a remis sa destinée, dans le passage suivant, de la chanson Di ssuq « Au marché » : Ula d amgraman NenjerNenjer-d ssegsseg-s asalas Nerra degdeg-s laman Yuγal Yu al degdeg-neγ ne yettsalas
Et de la tige de l’aunée Nous avons fait une poutre ; Lui témoignant notre confiance, Nous sommes devenus ses sujets ;
(ch. 138, v. 39-42)
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et comme la série des vers 36 à 40, allégorie résolue terme à terme par le vers 41 : la douceur du miel (que nul ne vomit), la valeur de la broche (bijou à tirer du feu), la beauté les roses sont la face avantageuse exprimant la beauté de la patrie ; la piqûre de l’abeille, la brûlure de la main, les épines du rosier sont la face incommodante exprimant le dépit : Tament ulac win tttt-ikerhen Tuqqsa n tzizwit d akukru Abzim si tmes wi ara t-idid-yekksen Siwa afus iεemmden i emmden i wurγu wur u Lwerd ilha mebla asennan Tamurt tecbeà mebγir meb ir urfan
Le miel, nul ne le hait Mais redoutable est la piqûre de l’abeille ; La broche, qui la tirerait du brasier Sinon la main qui admet la brûlure ; Les roses sont belles sans les épines Et la patrie sans les problèmes :
(ch. 139, v. 36-41) Dans le passage suivant, d’une des strophes de la chanson Aseggwas « L’ ‘‘heureuse’’ année », on relève une série d’images, avec en toile de fond l’isotopie de l’eau : Iγêer êer illan d ameàqur er--s irnu Yufa asif ad γer er Tuγal Tu al lmuja tečč teččur ččur yes--s teglu Win iiγeflen eflen ad yes Wa tàuzatàuza-t-id s leγrur le rur i W iselken i nnger ara yeàku
Le ruisseau tant négligé Alimente la rivière, Et la vague qui s’emplit Emporte les dupes, aimer Frappe par surprise Et le rescapé racontera au Néant ;
(ch. 144, v. 77-82) Du modeste ruisseau ([dédaigné]) qui se déverse dans le fleuve ([qui s’ajoute à lui]), ce dernier grandit et la déferlante prend de l’ampleur ([devenu pleine]) et emporte sur son passage toute personne distraite tandis qu’elle emporte d’autres par leurre, et qui en échappe racontera au néant. Nous avons affaire là à une allégorie du trouble politique, la déferlante terroriste qui était à son paroxysme au milieu années 1990.
Quelques autres exemples d’allégories Nous citerons ici quelques exemples d’allégories, construites sur le modèle du proverbe : Dans le vers suivant, on note une allégorie équivalant à Beaucoup de bruit pour rien, titre d’une comédie de Shakespeare, passé en proverbe : Ay ass mi ter terεed er ed ur twit
Et que nous résonnons dans le vide.
(ch. 125, v. 70) Dans le vers suivant, on relève une allégorie comparable avec ssrewteγ ebban wiyaÑ « j’ai dépiqué ssrewte εebban et d’autres ont engrangé. », image particulière, naturelle, en couleurs, pour un fait plus général : « travailler pour qu’au final d’autres en bénéficient » : Mi tttt-nemger wiyaÑ wwin
Les autres récolte le fruit de nos efforts
(ch. 124, v. 59)
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Dans les deux exemples suivants, l’allégorie est plus étendue : La première, de la chanson Amusna Amusnaw w « Le Sage », est l’équivalant de l’expression française jeter de l’huile sur le feu pour « exacerber un différend », ensuite la confiance brûle dans les flammes pour la perte de tout crédit grâce au trouble, et enfin la cendre nous souille pour la désolation qui fait de nous un ‘‘peuple’’ infréquentable : NernaNerna-yas zzit i tmes deg--wjajià yer yerγa Laman deg a
Nous jetons de l’huile sur le feu
Yeggwrara-d kan yiγed yi ed a γ--yames
Et qu’il ne reste que les cendres qui nous souillent.
Pour que dans les flammes brûle la confiance
(ch. 126, v. 34-36) La seconde, sur deux vers, de la chanson Tiregwa « Les canaux », est celle du semencier unique à l’origine de la diversité des graines pour la multiplicité de la descendance en dépit d’un ancêtre commun : Γas as akken ttejra yiwet yiwet Làebb yemxallaf
Bien que l’arbre soit le même, Divers est le grain ;
(ch. 145.10, v. 520 et 521) Cette dernière allégorie est en tout point comparable à celle-ci, de la chanson S ani tebγam anan-nruà « Où voulez-vous que nous allions ? », qui, située dans le second vers, est introduite dans le premier vers par la métaphore de la plantation de l’homme pour la fixation et l’ancrage dans le terroir : elle dit, en l’occurrence, que cet homme se défait des racines et se laisse pousser des ailes, une manière déguisée de dire l’abandon de la terre natale et l’adoption de contrées lointaines, le rejet de la fixité et le départ en exil : Lεebd ebd akken ibγu ib u teêêuÑteêêuÑ-t a Yeğğ Yeğğa ğğa aêar ig afriwen
Vous avez beau fixer l’homme, Un jour il s’envolera ;
(ch. 143, v. 3 et 4)
2. La sermocination La sermocination est une figure macrostructurale, variété de prosopopée, dans laquelle il y a mise en scène, dans le discours narratif, de telle sorte que le locuteur présente expressément les propos qu’il rapporte comme tenus par une personne morte ou absente, un animal ou un inanimé ou une abstraction. La chanson Abrid n temêi « Itinéraire d’une jeunesse » (ch. 114) est composée d’un long récit fait de souvenirs entrecoupés de complaintes — qui sont des souvenirs précis et mis en scène — : au nombre de quatre, la première est celle du narrateur même, qui entonne un chant empreint de romantisme, qu’il se remémore et qui appartient à sa tendre jeunesse ; la seconde est celle où il fait parler un militant décédé à la fleur de l’âge, la troisième est celle de ces femmes restées seules au village et qui se vengent de l’homme en chantant les déceptions consécutives au mariage, la quatrième la voix des boy-scouts, dernier souvenir — qui se confond avec l’enfance
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du poète — après lequel le chemin hérissé de souvenirs est interrompu par le réveil. Ces passages concernés par la sermocination sont respectivement les strophes des v. 41-72, v. 122-128, v. 145179, v. 188-215 : Mi kfiγ kfi igeriger-d nnehta Yenna--d tura ad ste steεfu fuγ Yenna fu
A peine eus-je fini qu’il poussa un soupir
Γurwat urwat a wid nn-wasswass-a awen--ikellex umennu umennuγ Ad awen
Mais prenez garde, Ô génération d’aujourd’hui,
Et me dit — Je vais enfin trouver repos ; Aux travers de la lutte,
Aya nesεa nes a-t di ccetla Si zik di tegmatt i tttt-nuγ nu n--littsaε Mi newweÑ ar tizi n
A l’orée du dénouement
D taεdawt ta dawt i dd-nessufuγ nessufu
Nous versons dans l’inimitié.
Tares qui coulent dans nos veines Et troublent notre fraternité :
(ch. 114, v. 121-128) Les marques du système énonciatif étant l’énoncé qui s’étale sur le vers 121 et la moitié du vers 122 : Mi kfiγ kfi igeriger-d nnehta YennaYenna-d : « Quand j’eus fini, il poussa un soupir et dit : », les propos de à la fin de la strophe sont ceux de win yemmuten γef ef tmeslayttmeslayt-is « celui qui est mort pour sa langue » (le militant-martyr) (v. 92). Dans le passage introductif de la complainte du narrateur, il y a personnification du chant : MmuggreγMmuggre -d yiwen yiwen ccna Ttuγ--t yeffe yeffeγ aqerruy aqerruy--iw Ttu
Je rencontrai un chant
La yettmenéar ger yeêra Deg--webrid n ddunnit ddunnit--iw Deg
Se baladant de rocher en rocher
FellFell-i ur ttlummut ara Yesmekti--yi yi--d yakkw temêi temêi--w Yesmekti MazalMazal-iyiiyi-d degdeg-s kra Wwiγ--d cwié di ååut ååut--iw : Wwi
Qui m’était sorti de la tête ; Il se situait sur le chemin de ma vie. Ne me faites point de reproches S’il me rappela toute ma jeunesse Il m’en resta quelques bribes Et je tins à peu près ceci :
(ch. 114, v. 33-40)
La chanson Ssebba « La cause » (ch. 134) est faite de prosopopées : le poète met les propos dans la bouche d’abstractions (cf. personnification) : il fait parler respectivement tirga « les rêves », asirem « l’espoir », temêi « la jeunesse », taÑsa « le (sou)rire », lehna « la paix », leεqel le qel « la sagesse ». Avec chaque fois les marques du système énonciatif explicite : Mi dd-neéqent tirga, nnantnnant-as : « Les rêves parlèrent et dirent : » L’espoir parla et dit : Yenéeq usirem yenna : TenéeqTenéeq-ed temêi tenna : tenna--yas : Tenéeq taÑsa, tenna
La jeunesse parla et dit :
Tenéeq lehna, tennatenna-yas : leεqel, yenna--yas : Yenéeq le qel, yenna
Quand la paix parla, elle dit :
Le rire parla et dit : La sagesse parla et dit :
(ch. 134, v. 1) (v. 13) (v. 25) (v. 37) (v. 49) (v. 61)
La chanson Tarewla « la fuite » (ch. 135) semble être une suite logique de la chanson Ssebba « La
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cause » dont il est question ci-dessus. Le pouvoir d’imagination du poète, profitant de cette source de développement discursif, l’amène dans cette chanson à s’adresser à cet ensemble d’abstractions que sont tous les éléments-valeurs : les rêves, l’espoir, la jeunesse, le (sou)rire, la paix, la sagesse, qui ont fui dans le pays des rêves et qu’il supplie de revenir parmi le monde réel et cruel (le nôtre). Après s’être adressé à chacun d’eux séparément, voici ce qu’il dit à la fin du poème : un autre élément aussi abstrait, rrehba « la terreur », qui avait fui longtemps avant ceux tant désirés et qui est revenu en indésirable et à leur place : Ansi dd-tusiÑ a rrehba Si tmurt n targit TbeddleÑ kan ååifa
D’où nous viens-tu, ô terreur ? — Du pays des rêves ! — Seul ton aspect a changé,
Ma d udemudem-im aqdim nessennessen-it Imeééi d yir nnehta
Connaissant celui d’antan ;
Zgan etteddun yidyid-em Nessen--ikem ma mačč ččii n n--wass wass--a Nessen čč
T’accompagnent tous les jours,
Lweqt ihuzihuz-aγ yesyes-em w leεqel Tessag adeÑ le qel yenfa
Par toi le temps nous secoués ;
Les larmes et les pires soupirs, Tu ne dates pas d’hier, Tu as contraint à l’exil la sagesse
TugwadeÑ a dd-yawi lehna TesrewleÑ temêi taÑsa
Tu as fait fuir jeunesse et sourire
Ddan d usirem
Et avec eux l’espoir.
De peur qu’elle n’apporte la paix,
(ch. 135, v. 61-72) Dans sa quête, le poète invoque le retour des valeurs qui avait déserté le pays des damnés et avait rejoint celui des rêves et en retour il reçoit la terreur, celle-là même qui avait terrorisé la sagesse jusqu’à la pousser à l’exil de peur qu’il n’apportât la paix, qui avait fait fuir jeunesse et (sous)rire et avec eux l’espoir.
Dans la chanson Di ssuq « Au marché » (ch. 138), il n’y a pas sermocination, ni prosopopée d’ailleurs. S’agissant des marques du système énonciatif, dans cette chanson, il n’y en a pas dans le texte verbal, la seule marque se situe au niveau musical : la strophe introductive (v. 1-6) est chantée en prélude et les propos prêtés au poète-chanteur sur un morceau rythmé. Di ssuq ameddaà yiwyiw-wass de d--yessefru Yeééef amkan g ara d
Au marché, un jour, le poète
Lγac aci usanusan-d s waéas Ad slen acu ara dd-yesnulfu
Ce jour-là il y eut foule
a
Yerğ Yerğ almi dd-zzin fellfell-as Yebda la sensen-d-icennu :
Prit place pour versifier ; Pour l’entendre innover ; Aussitôt entouré, Il commença à chanter :
(ch. 138, v. 1-6)
3. L’ironie
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Henri Suhamy (1992 : 115) définit l’ironie comme « la plus connue et la plus typée des figures de pensée. [elle] consiste […] à exprimer ses intentions par antiphrase. […] L’ironie est plus forte que le sarcasme. » Plus loin (p. 116), il en dit qu’elle « combat l’hypocrisie avec les armes de celle-ci. » mais « Cette arme cruelle […] est une technique difficile car il ne suffit pas d’avoir du talent, il faut que le public en ait aussi. »
Dans la deuxième partie du poème Amedyaz « Le poète » (ch. 142), on a affaire à un genre d’ironie qui combat justement l’hypocrisie ambiante par avec les armes de celle-ci mais l’auditeur, s’il n’en connaît pas le contexte, de cette partie (la première partie), s’il ne connaît pas la situation politique de l’Algérie des années 1990, s’il ne connaît pas la tendance des chanteurs kabyles à s’inscrire dans la contestation et à refuser le statut de chanteur de cour, autrement dit s’il ne s’en tient qu’au texte de cette partie, il lui faut avoir le talent du poète pour être sur la même « longueur d’onde » que lui, au point de pouvoir rendre : Lγac aci akkw lhan Lγac aci akkw zhan
Et tout le monde est bon, Et tout le monde est gai :
par une formule aussi populaire que : « Tout le monde est beau, tout le monde il est gentil ! » C’est ainsi que dans ce pays la confiance existe depuis toujours (v. 73-78), que la liberté est une réalité (les portes sont toutes ouvertes) (v. 79-84), que la paix et fraternité se sont installées durablement (wa ur yekkat wa) (v. 85-90), que nos gouvernants sont méritants, épuisés à force d’œuvrer pour notre bonheur : qu’ils s’amusent parmi nous ! (v. 91-96). Voici quelques vers de ce poème, à titre illustratif : çeggmençeggmen-aγ wussan Lγac aci akkw lhan
Nous jours se sont améliorés
Wi γ--yesbezgen a kwenen-iÂuc Ijeğğ ğğigen Ije ğğ igen fsan
Que celui qui nous a mouillés vous arrose ;
i
w
Lγac ac akk zhan eàmu--d éébel a Éliluc Seàmu
Et tout le monde est bon, Les fleurs se sont épanouies Et tout le monde est gai : Chauffe le tambour, Alilouche !
(ch. 142, v. 67-72) Laman di lγaci l aci neqqar--it Yella, si zik neqqar
Tout le monde est crédible, Ainsi disons-nous depuis toujours ;
(ch. 142, v. 73 et 74) Tiwwura n wuzzal d--nelli snat Tin yemdeln a d
Les portes même en fer, Si une est fermée, nous en ouvrons deux ;
(ch. 142, v. 81 et 82) Wa wer yekkat wa tmurt--nne nneγ d atmaten Di tmurt
Nous ne nous frappons entre nus
Bezzaf i εetben etben fell--ane aneγ I la xeddmen fell
Ils se donnent beaucoup de peine
Car chez nous nous sommes frères ;
(ch. 142, v. 85 et 86) Parce qu’ils travaillent pour nous,
(ch. 142, v. 93 et 94)
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Un autre exemple d’ironie peut être illustré par la chanson Ccna n tejmilt « Hommages ». A la manière du poète à l’œuvre dans la chanson Amedya Amedyazz « Le poète », Aït Menguellet, qui répugne à chanter des hommages et parce qu’on n’a jamais cessé de le critiquer sur ce point, de guerre lasse, il a composé ce poème. Voici quelques extraits de cette chanson, par laquelle il rend un vibrant hommage aux auteurs de lapalissades et autres découvertes surannées : Rriγ Rri tajmilt tameqqrant
Je rends un superbe hommage
I win i dd-yennan :
A celui qui dit :
Iéij kul ååbeà yuli Γas as ma iγum i umum-it usigna Ad yettεelli yett elli deg yigenni Yettuneàsab s ssaεa ssa a i Tameddit m ara yeγli ye li I yiÑ ad yeğğ yeğğ nnuba
Le soleil se lève à l’aube, Dût le nuage le cacher, Il s’élève dans le ciel Et son parcours est précis ; Le soir, lorsqu’il se couche, Il laisse place à la nuit.
(ch. 154, v. 1-8) Anwa wagi ? D ameqqran γef ef yimeqqranen D amecéuà ddaw Rebbi Qisset, feåålet, xiÑet Selseteğben Selset-as isem i kwenen-iεe FellFell-as i la dd-nettγenni nett enni
Mais qui est-il ? Le plus grand parmi les grands, Insignifiant devant Dieu Toisez, maniez, cousez Et nommez-le à votre guise, C’est bien lui que nous chantons.
(ch. 154, v. 9-14) YufaYufa-d ziγ zi lehlak lehlak yettÑuru Wi ihelken ilaqilaq-as ddwa Win illuêen mi ara yerfu ItekkesItekkes-as mi ara dyili yerwa Amdan ttejra mi ara tttt-yeêêu Ad asas-d-tketter lγella l ella
Que le mal est dommageable Et a besoin d’un remède, Que l’ire de qui a faim Part dès qu’il est rassasié Et que l’homme qui plante un arbre Peut en récolter les fruits.
(ch. 154, v. 17-22) Ifaq s lexdeε lexde yettγuru yett uru YesfaqYesfaq-aγ yelha laman YemlaYemla-yaγ ya amek ara nesbuàru Mi ara dd-yaweÑ unebdu yeàman DegDeg-yiéij yella wurγu wur u YesfaqYesfaq-aγ bezgen waman
Que trahir c’est être traître, Que meilleure est la confiance Et l’art de nous éventer Quand arrive l’été chaud, Que brûlant est le soleil Tandis que l’eau est mouillée.
(ch. 154, v. 25-30) Di tebàirt la itett lmecmac Netta segseg-wid dd-ittafen Yeééeggir iγsan ef ccac i san γef YesnulfaYesnulfa-yaγya -d ilqafen SegSeg-wasswass-nni iγeblan i eblan ulac Nuγal Nu al segseg-widak yessnen
Mangeant des nèfles dans l’ouche, Etant de ceux qui découvrent, Jetant les pépins sur un chèche, Inventa le jeu d’osselets ; Depuis, n’ayant plus de soucis, Nous sommes de ceux qui savent.
(ch. 154, v. 33-38)
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Rriγ Rri tajmilt tameqqrant I widakwidak-nni : D alfin akked tseεtse -meyya
Je rends un vibrant hommage A ceux qui nous ont Depuis deux mille neuf cents ans
I dd-àesben segmi nettwaγ nettwa Lemmer ur γ--t-idid-nnin ara Ur neêri ara d acuacu-yaγ ya SàesbetefSàesbet-aγ--d γef ef-wassass-a Wi dd-yeggran yidyid-s anan-nennaγ nenna
Rassemblé tous nos déboires ; S’ils ne nous l’avaient pas dit Nous ne saurions qui nous sommes ; Mais à présent, dites-nous Contre qui nous battrons-nous !
(ch. 154, v. 39-46) Evidemment, cette chanson n’est pas la première du genre mais parmi le public d’Aït Menguellet il y en a que nous avons interrogés et qui n’ont rien compris aux railleries qui y sont contenues, comme ils ne comprennent strictement rien aux formules toutes faites qui viennent d’ailleurs, à l’image du calque aêru yegrarben muàal muàal ad yejmeε yejme leàcic (pierre qui roule n’amasse pas mousse !). En réalité, jusqu’à l’avant-dernière strophe de cette chanson, le poète fustige ses semblables — on ne sait pas précisément lesquels — dont les actes et/ou les propos manqueraient de pertinence. Mais dans la dernière strophe, il énonce une critique grave à l’endroit des militants berbéristes des années 1960 au sujet de la prétendue date de départ de ce qu’il est communément admis d’appeler calendrier berbère : ce calendrier étant une (re)construction sur la base du calendrier julien, les auteurs de cette initiative ont pris comme référence une victoire qu’aurait remportée un guerrier Libyen sur l’armée du Pharaon (on parle de dynasties étrangères de la XXIe à la XXVIe et d’un certain Shechonq) au 10e siècle av. J-C., d’où ce calendrier serait âgé de 2900 ans. Le poète ironise sur cette vision qu’il considère comme passéiste, sur cette datation qui serait plutôt le commencement de nos déboires, et demande à ces mêmes initiateurs de nous dire qui est alors, parmi les conquérants, notre adversaire aujourd’hui car cette date correspond aussi aux premières incursions des Phéniciens et depuis, les invasions se sont succédé sur cette terre. Sur ce point, le vers 42, I dd-àesben segmi nettwaγ nettwa [qu’ils ont compté depuis que nous avons été atteints], et très significatif.
4. Le paradoxe (ou paradoxisme) Le paradoxe, selon Henri Suhamy (1992 : 118-119), est la « formulation d’une pensée qui semble illogique ou contraire aux données de l’expérience, ou immorale, et qui pourtant contient une vérité piquante et éclairante […] Le paradoxisme résulte souvent de la manipulation de mots, plus que du contenu. »
Pour Aquien et Molinié (1999 : 280), le paradoxe, figure macrostructurale, « est une antithèse à la fois généralisée et maximalisée. »
Dans l’œuvre de Aït Menguellet, les paradoxes les plus frappants sont dans le poème Izurar idurar « Mon pays, celui des paradoxes » (ch. 127). Ce sont ces paradoxes qui nous ont amené à intituler ainsi ce poème dans la traduction, le titre original étant « Colliers (et) montagnes ». Dans les deux vers : Nnàas akkw d ddheb mlalen
[le cuivre avec l’or se rencontrèrent]
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Jalousie et honnêteté se côtoient,
Tirrugza d lεib l ib ttlalen
[la virilité avec le vice naissent]
L’honneur et le déshonneur voient le jour
(ch. 127, v. 22, 24) le cuivre (nnàas) symbolisant la jalousie, la mauvaise grâce (Dallet, p. 560), l’or (ddheb) la justice, la sincérité (Dallet, p. 134), la pureté et l’opulence (notation personnelle), corrélativement avec le couple dignité et l’honneur d’un homme viril (tirrugza) et défaut, infirmité, inconvenance (lεib ib). Les paradoxes dans les vers suivants sont significatifs : ils mettent côte à côte un nombre impressionnant d’antithèses : croissance et tendreté, épaisseur et ténuité, ampleur et étroitesse, assassinat et hommage posthume : ces rustres de montagnards, parmi eux pour être grand il faut savoir être petit, pour avoir de l’ampleur il faut savoir grêle, en tout pour aspirer à la grandeur il faut savoir être modeste ; sinon, ils t’assassinent la nuit et le lendemain matin ils te chantent. Γur urur-sen i wakken ad tegmeÑ ilqiq Γur ur--sen akken ad tuzureÑ irqiq ur
Auprès d’eux croître, alors sois tendre ; Auprès d’eux épaissir, alors soit mince ;
Ad tεeddiÑ t eddiÑ s tehri di ééiq k--nγen deg--yiÑ Ak en deg
Alors ils te tueraient la nuit
çåbeà a kk-idid-awin d acewwiq
Et au matin te chanteraient.
Passer largement le détroit,
(ch. 127, v. 38, 40, 42, 43, 44)
Dans son élan, ce poème cumule et « cultive » les antithèses : honneur/indigence (v. 45 et 47) ; se briser/plier (v. 48) ; rivière tarie (l’eau n’y ‘‘court’’ pas) (v. 49 et 50)/rivière confiante (la confiance y ‘‘court’’ = y règne) (v. 51 et 52). Et dans les vers 50 et 52, le paradoxisme est renforcé par la paronomase des deux nominaux (w)aman « l’eau » et laman « la confiance » et l’oxymore grammatical entre ur uzzlen « ils ne coulèrent » et yettazzal « il coule ». Ad twaliÑ nnif Win akken i γeef i dakdak-àkan
Tu verrais le point d’honneur,
Ad twaliÑ làif Yettruêun irgazen ur knan
Tu verrais l’indigence
Ad twaliÑ asif Anda akken ur uzzlen waman
Tu verrais la rivière
Ad twaliÑ asif Anda akken yettazzal laman
Tu verrais la rivière
Celui-là qu’on t’a conté ; Qui brise les hommes sans les faire plier ; Où l’eau a cessé de couler ; Où coule la confiance.
(ch. 127, v. 45-52)
Dans le vers suivant, on relève une antithèse « être paralysé »/« marcher » mais on y relève aussi une ambiguïté : si l’on se fie à la traduction, la paralysie serait la conséquence de l’excès de marche. Mais il y a aussi la possibilité que la proposition principale soit à l’origine une concessive (et non pas une consécutive), de façon à pouvoir traduire par Paralysés mais ils ont marché (= Bien que paralysés, ils ont marché), et dans ce cas le paradoxisme est plus violent : Wid ikerfen segseg-wakken làan
[ceux étant paralysés de tant ils ont marché] Paralysés pour avoir tant marché.
(ch. 127, v. 60)
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Sur les deux vers suivants, on relève un paradoxe très fort : parfum de rose/odeur de poudre (+ métaphore de ce couple antithétique pour l’autre couple non moins antithétique douceur/violence (clémence/cruauté) mais aussi, en société kabyle, comme dans toute société machiste, le couple féminité/virilité. Rriàa n lweÂd d amkanamkan-is n--lbaÂud d arfiq arfiq--is Rriàa n
le parfum des roses est chez lui ; L’odeur de la poudre accompagne celui-ci ;
Ch. 127, v. 62 et 64) Dans le poème Amedyaz « Le poète » (ch. 142), on relève un paradoxe dans le vers 69, paradoxe qui « contredit l’opinion commune » (Aquien et Molinié, 1999 : 280) : Wi γ--yesbezgen a kwenen-iÂuc
Que celui qui nous a mouillés vous arrose ;
(ch. 142, v. 69) L’opinion commune nous enseigne en guise d’envie : Wi kwenen-irucen a γ--d-issebzeg Que celui qui vous a arrosés nous mouille ;
L’envie y est certes, mais la modération aussi : le locuteur se contente quand même des miettes par rapport l’opulence de l’interlocuteur (« arroser » est plus fort que « mouiller »). Et le poète renverse l’ordre sans le renverser tout à fait : ici le locuteur, du côté des miettes, s’adresse à l’interlocuteur pour lui souhaiter davantage que ces miettes ! Dans le poème Lukan « Si… » (ch. 112), le paradoxe est à la mesure du personnage auquel s’adresse le poète. Ma teγliÑ te liÑ medden akkw inek k--issin Ma trebàeÑ àedd wer k
Si tu tombes tout le monde est à toi
Akka i dakdak-d-iban lqum yes--k Ad tseggem ddunit yes
Ainsi tu vois l’humanité
Lukan am kečč ttilin A ss--nekkes nnuba i wemcum
Si tout le monde était comme toi
Si tu es heureux on t’ignore Grâce à toi la vie sera belle Les méchants n’auraient jamais leurs parts
(ch. 112, v. 1-6) (traduction de T. Yacine, p. 336) Comme le fait remarquer T. Yacine (p. 336) : « contrairement au proverbe populaire qui dit : Ma tbeddeÑ medden akkw inek, mi teγliÑ te liÑ àedd ur nknk-issin. « Quand tu es debout, tout le monde est à toi, quand tu tombes personne ne te connaît. » (nous ne voyons pas l’intérêt d’avoir deux subordonnants différents : ma « si » et mi « quand » dont le premier n’est pas rendu dans la traduction.), le poète a complètement bouleversé l’esprit du proverbe : du constat d’égoïsme que la culture traditionnelle fait à propos de l’individu, le poète parvient au constat idyllique que l’humanité est faite de générosité. Il y a dans les deux vers suivants, sur fond d’antithèse, une métaphore double de la terre pour le
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concret (matériel) et du ciel pour l’abstrait (spirituel). Cette métaphore double sur fond d’antithèse construit en fait une figure moins apparente : une allégorie. A l’image de l’aigle au vol majestueux qui descend dès qu’il a faim… pour se ‘‘nourrir’’, à l’image de ce président qui répugnait à l’idée que son peuple allât au paradis le ventre creux, le poète, par ce passage, invite l’ami à cesser de rêver (d’avoir la tête dans les nuages), à voir la réalité en face, à raisonner ″terre à terre″ (à avoir les pieds sur terre). Ici le réalisme, la conception matérialiste de la vie l’emporte sur l’utopisme.
Terminons ce paragraphe en relevant un cas particulier d’adynaton, dans le vers 36 de la chanson Igenni--m « Ton firmament » : Igenni Cbiγ Cbi agadir s asif D-iseyyxen s làif WwinWwin-t waman dasawen
Je suis telle la falaise de la rivière Qui s’éboule avec fracas Que les eaux entraînent vers l’amont
(ch. 62, v. 34-36) (traduction de T. Yacine, p. 133-134) Cet adynaton fonctionne comme le topos du monde renversé, que citent Gardes-Tamine et Hubert (1998 : 14) : Ce ruisseau remonte à sa source … (Théophile de Viau)
5. Quelques exemples d’interrogation rhétorique Gardes-Tamine (1992 : 144) définit ainsi l’interrogation en citant Fontanier (p. 368) : « L’interrogation consiste à prendre le tour interrogatif, non pas pour marquer un doute et provoquer une réponse, mais pour indiquer au contraire la plus grande persuasion, et défier ceux à qui l’on parle de pouvoir nier ou même répondre. »
Nous nous en tiendrons dans ce paragraphe à quelques exemples d’interrogation en tant qu’interrogation appelée à tort l’allocution oratoire, selon Aquien et Molinié (1999 : 209). Ainsi, dans les exemples suivants, nous relevons cette interrogation rhétorique qui rend plus vigoureux et plus pathétique le propos : Win mi àkiγ àki a dd-yeàku kter D acu ss-nexdem i Rebbi
[c’est quoi nous lui fîmes à dieu]
Celui à qui je me conte m’en conte plus, Qu’avons-nous donc fait à Dieu ?
(ch. 19, v. 4 et 5) Tandis que l’exemple ci-dessus se trouve au tout début du poème, l’interrogation se trouve à la fin de la strophe, comme l’exemple suivant : A wid tt[ô ceux l’aimant] tt-iàemmlen Amek ara tmedlem allen [comment que vous fermeriez les yeux]
Vous qui l’aimez la Patrie, Vous en détourneriez-vous ?
(ch. 144, v. 83 et 84)
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A ces interrogations rhétoriques correspondent des assertions négatives, comme dans l’exemple suivant, où « tout le monde était persuadé qu’il ne restait rien du peuple, que le peuple était passé au rouleau compresseur. » AssAss-enn anwa i dasdas-yennan De g-wegdud ma mazal kra
Ce jour-là que ne s’est-on demandé Ce qu’il restait de ce peuple ?!
(ch. 114, v. 99 et 100)
6. Quelques expressions équivoques Des expressions suivantes sont susceptibles d’équivoque : dans la première (ch. 75), c’est ayla qui est susceptible de lecture triviale (« la verge »), dans la seconde (ch. 63) c’est la proposition négative ur teqqim qui est sujette à équivoque : on peut la lire « Elle n’est restée. » (modalité négative ur + indice de 3SF + qqim qqim « s’asseoir »/« rester ») mais on peut aussi la lire « Vous n’avez coïté » (ur + indice de 2PM t—m m + qqu qqu « coïter ») : ÉemmdeγÉemmde -am glu s waylawayla-w Ahat a tt--tafeÑ i tmeddit
[je te fis exprès va avec mon bien]
Tu peux prendre avec toi ce que j’ai
[peut-être tu le trouverais pour le soir]
Peut-être au soir te servira-t-il
(ch. 75, v. 13 et 14) LemàibbaerLemàibba-m γer er-m teγleÑ te leÑ a Tusa--d ttεedd Tusa edd ur teqqim
Mon amour en toi s’est égaré Il est né puis passé sans rester
(ch. 63, v. 35 et 36) rebbi--w « Assieds-toi dans mon giron ! » est un exemple type de l’allégorie La chanson Qim deg yirebbi renforcée par la proposition équivoque Qim deg yirebbirebbi-w [Assieds-toi dans mon giron] qui installe et entretient la confusion jusqu’au milieu de la chanson : Qim deg yirebbirebbi-w KkesKkes-iyi lxiq a tin àemmle àemmleγ KkesKkes-iyi urfan Qim deg yirebbirebbi-w âaca kemmini i sensen-izemren Mi dd-steqsan
Assieds-toi dans mon giron Lève ma tristesse, c’est toi que j’aime, Lève mes colères, Assieds-toi dans mon giron, Toi seule triomphera d’eux Quand elles viennent.
(ch. 94, v. 1-6) Γur urur-i twalaÑ Γas as ur tesεiÑ tes iÑ ara allen Γur urur-i tàulfaÑ Γas as ulac ul yekkaten Kemm ur dd-tecqaÑ Medden yakkw degdeg-m εecqen ecqen
Tu me regardes Bien que tu n’aies point d’yeux, Et tu me sens Bien que tu n’aies point de cœur qui bat Tu ne te fonds en amour De ces gens qui t’aiment tous.
(ch. 94, v. 19-24) i
ra
A ssnitra m a dd-tneéqeÑ…
Guitare, quand monte ta voix…
(ch. 94, v. 36)
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S lexyuÑlexyuÑ-im mi ara dd-tneéqeÑ…
Avec tes cordes quand elles vibrent …
(ch. 94, v. 38) Dans toute la chanson, à l’instar de la première strophe (v. 1-6), le propos est susceptible d’être détourné en faveur de la femme. Il faudra, pour lever l’équivoque, lire (ou écouter) la quatrième strophe (v. 19-22) et a fortiori le sixième vers de la sixième strophe (v. 36), puis le deuxième vers de la dernière strophe (v. 38), où il est fait explicitement référence à la guitare et aux cordes de celle-ci. Et l’expression Qim deg yirebbirebbi-w n’est pas faite pour arranger les choses, qui peut paraître aux yeux d’un certain public comme un propos obscène.
Dans le vers suivant, nous avons affaire à un euphémisme : Yak widak yakkw γaben aben yiwyiw-wass
Car hélas ! tous ont définitivement péri.
(ch. 120, v. 4) Rappelons que l’euphémisme, figure macrostructurale, « est une d’atténuation de l’expression par rapport à l’information véhiculée […], liée aux grands tabous de la scatologie, de la sexualité et de la mort » (Aquien et Molinié, 1999 : 166-167 : γaben aben « ils sont absents » de mmuten « ils sont morts ».
Ddu neγ ne ekfekf-d nnekwa
[marche ou donne l’identité]
Et le mettre au pas
(ch. 120, v. 42) Est-ce une figure à proprement parler ? Cette expression signifie au premier degré : « Marche ou décline ton identité. », signifie-t-elle « la mise au pas » ? auquel cas elle serait une expression proverbiale ? On relève une expression similaire à celle-ci dans la chanson Ccna amehbul « Le chant capricieux » : Yenna[il a dit, le sot, comme cela] Yenna-yas wungif akka A dd-teddu neγ ne a dd-tefk isemisem-is [elle marcherait ou elle donnerait son nom]
Ainsi parla le sot, Qu’il ne saurait échapper
(ch. 131, v. 9 et 10) Et cette expression semble vouloir dire « qu’il n’ y a aucune échappatoire ». Faute d’avoir pu authentifier auprès de l’auteur le sens de ce passage — le sens allégorique dans son parler ? —, nous ne pouvons que formuler notre interprétation sous forme d’interrogation.
III. LES FIGURES DE SIGNIFICATION OU TROPES Un trope, du grec τρἐπω, est une « figure de signification, par laquelle un mot n’est pas pris totalement dans son sens ordinaire, mais grâce aux alliances qu’il contracte avec le contexte, est apte à se charger d’une signification nouvelle. » (J. Gardes-Tamine et M.-C. Hubert, 1996 : 319)
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« De nos jours, dans une tradition qui remonte à Beauzée (article « trope » de l’Encyclopédie, 1765), on définit le plus souvent trois familles de tropes, dans lesquelles on introduit ou non des distinctions : par ressemblance, la métaphore ; par inclusion, la synecdoque ; par contiguïté, la métonymie. » (J. Gardes-Tamine et M.-C. Hubert, 1996 : 320). On trouve la même définition chez Aquien et Molinié (1999 : 720) : « On appelle trope […] en général l’ensemble des figures de signification qui donnent à un signifiant non pas son sens propre mais, par un glissement des sèmes, un signifié qui appartient à un autre. […] Les tropes les plus importants sont la métaphore d’un côté, et la métonymie et la synecdoque de l’autre. » D’ordinaire, les rhétoriciens, dans un souci de l’ordre d’exposition, nous présentent les figures séparément et avec des distinctions nettes entre elles ; la poésie pourtant, comme le soulignent Molino et Gardes-Tamine, nous offre souvent des cas compliqués, où les figures s’accumulent : comparaisons et métaphores, mais aussi métonymies et synecdoques, personnifications et allégories : « Mots et figures sont au service d’une volonté de maximisation de l’écart entre la langue poétique et la langue courante. Toute la poésie néo-classique est allégorique, c'est-à-dire qu’elle se donne comme but de construire un monde parallèle au monde réel, monde fictif né d’un second langage qui vient doubler le langage commun. »
(Molino et Gardes-Tamine, 1992 : 96-97)
1. Un cas particulier : la métaphore 1.1.
Le statut de la métaphore au sein des figures
Avant de parler de la métaphore dans l’œuvre d’Aït Menguellet, il importe de faire un détour par la rhétorique et la poétique est situer les différences entre la métaphore et les figures qui lui sont apparentées, les synecdoques et les métonymies. La métaphore, trope roi, est un indice d’une vision du monde, trope d’invention, matériau heuristique de la communication et de l’élaboration discursive. Le processus métaphorique est un moyen de la nouveauté conceptuelle par le déplacement du point de vue, l’écart étant dû à la pluralité des zones de sens. La conceptualisation métaphorique est en relation avec trois types de données externes : a) Besoin de la diction comme mise en mot. Le sens ne préexiste pas à l’énoncé car le langage s’inscrit dans l’histoire ; b) Le discours emprunteur (ce qui est transféré) applique le matériau verbal à des schèmes de sens ; c) Le discours proposé et son intégration aide à la circulation de l’intelligence.
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La métaphore est un trope singulier par le fait qu’elle est le siège d’un conflit conceptuel ouvert. C’est l’expression d’une idée ou le véhicule d’une teneur à l’aide d’un terme qui désigne une idée. Le fait que le conflit est ouvert fait de la métaphore un instrument de création conceptuelle. Deux types de métaphore : substitutive et non substitutive : Dans L’homme rugit, la contradiction est une articulation linguistique, du second degré, substitutive tout comme un globe de rosée pour goutte ou comme Les fruits sèchent sur des claies pour les mots … sur les pages des feuiiles, dans la mesure où le niveau linguistique et le ontologique sont toujours présents et que le conflit entre le thème (l’homme) et le phore (le lion, in absentia) est minime. Dans La lune rêve, la contradiction relève de l’ontologie, du premier degré, non substitutive. Comme une rivière d’étoiles pour une constellation, dans la mesure où le thème et le phore ne sont pas équivalents et il y a énigme in absentia. Dans la métaphore non substitutive, la contradiction est insoluble, c’est un trope d’invention pure. C’est l’une des grandes idées du surréalisme, qui a en commun avec la catachrèse l’élargissement (polysémie : feuille de papier, pied de la chaise…) Pour Reverdy et Breton, l’image ne peut naître d’une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports de ces réalités sont lointains et justes, plus l’image sera forte : comme dans La lune rêve. (métaphore surréaliste) Si la métaphore est un outil d’invention, elle n’est en revanche pas purement verbale, elle relève aussi de l’ontologie. C’est un outil de révélation, de rapprochement de choses foncièrement différentes, plus en relation avec l’inconscient qu’avec la raison. Fondée plus que sur l’analogie, la métaphore surréaliste est là pour heurter : tandis que Ce garçon ressemble à son père et Cette fille ressemble à une fleur sont deux degrés de comparaison, le second degré pouvant immédiatement et plus aisément devenir une métaphore, Cette fille est une fleur, en revanche Le soleil, chien couchant…, si elle est certes une métaphore in praesentia, force est de constater qu’elle rapproche deux choses différentes. Si dans un cas, la métaphore est transparente car reposant sur une analogie fondée sur une ontologie commune, dans l’autre c’est l’inconscient — les associations inconscientes — est à l’origine de l’invention et de l’étrangeté. La métaphore est in fine une dimension intellectuelle doublée d’une dimension esthétique. Il s’ensuit que pour résoudre le conflit conceptuel que pose la métaphore surréaliste, la syntaxe ne pouvant être d’aucun secours dans la mesure où le propre et le figuré ont la même syntaxe, on doit recourir à l’interprétation : la résolution passe par un réseau d’interprétants du signe. Il s’agit de parcourir le sens du mot et de le mettre en relation avec d’autres signes. Au-delà des associations formelles comme rêve/lève…, il faut chercher aussi les associations sémantiques comme rêve/dort/nuit… Le réel en arrête la liste mais les poètes dans leur élan esthétique multiplient à l’infini les associations subjectives, nébuleuses, qu’on ne saurait prétendre contrôler que par la recherche des réseaux des mots (lexèmes) de l’auteur, le réseau étant un champ associatif (en non un champ lexical), non codé, non préconstruit. Dans la métaphore du type L’homme rugit, le lien est de type définitionnel, dans le même domaine (= cri d’être animé). Aristote distingue les figures pré-codées, dont l’univers de référence est ancien, préconstruit, et les figures d’analogie, qui sont plus fécondes car décollées de l’ontologie en créant une nouvelle référence. L’univers de l’imagination est aussi vrai que celui de la réalité.
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Il ne faut pas sous-estimer le rôle du signifiant dans la métaphore : entre ciel ouvert et sol, par exemple, les deux termes sont des monosyllabes et dans une relation de paronomase [syεl] / [sɔl] ne différant que par le la voyelle et la semi-voyelle. Faire ainsi des rapprochements formels est une façon de rapprocher sémantiquement deux termes aussi différents que uzzal/fer et uffal/férule et de remettre en cause l’arbitraire du signe. En instituant des alliances phoniques et en en faisant des alliances sémantiques, la poésie rémunère le défaut qu’ont les langues naturelles de fonctionner avec des signes conventionnels, arbitraires. Un des exemples et le plus représentatif des modes de signifier du poème est les sonorités, notamment la rime. On ne doit pas se contenter de relever une ou deux métaphores dans une œuvre, mais on doit examiner le réseau métaphorique à tous les niveaux, du mot, de la phrase, de recueils, de l’œuvre entière. Les réseaux pour être l’écriture, la lumière, l’eau, etc. Comme le souligne Paul Ricœur (p. 17-18), le dédoublement de la rhétorique et de la poétique provient de la limitation de la rhétorique non seulement par en haut du côté de la philosophie mais aussi latéralement du côté des autres domaines du discours, et pour Aristote la métaphore appartient aux deux domaines, en ce sens que « il y aura donc une unique structure de la métaphore, mais deux fonctions de la métaphore : une fonction rhétorique et une fonction poétique. Cette appartenance de la métaphore aux deux domaines (rhétorique ou art de l’éloquence : défense, délibération, blâme et éloge ; poétique ou art de composer des poèmes) se confirme par le fait qu’elle figure dans les deux parties du Dictionnaire de rhétorique et de poétique de Michèle Aquien et Georges Molinié. Fontanier (cf. Ricœur, p. 77 ) a fondé une théorie des rapports entre idées en distinguant les rapports de corrélation ou de correspondance, les rapports de connexion et les rapports de ressemblance, par lesquels « ont lieu » les trois espèces de tropes, respectivement les métonymies, les synecdoques et les métaphores. Selon Jean Molino et Joëlle Gardes-Tamine (p. 157-158), les synecdoques — tropes par connexion de Fontanier — (du genre pour l’espèce, de l’espèce pour le genre, de la partie pour le tout ou de la matière), « dans tous les cas, mettent en jeu des notions dont la définition n’est pas indépendante, qu’il s’agisse de la définition par le genre, qui fonde la synecdoque du genre ou de l’espèce ou de la définition par énumération des parties, qui a pour corollaire la synecdoque de la partie ou du tout. Elles reposent sur une inclusion logique (l’espèce dans le genre), ou matérielle (la partie dans le tout). Les deux éléments ne sont ainsi pas indépendants. » Les mêmes auteurs définissent (p. 158) les métonymies, tropes par correspondance de Fontanier, comme désignation d’un objet par un autre objet qui fait comme lui un tout absolument à part. « Les deux objets, faits, notions, reliés, existent indépendamment l’un l’autre, bien qu’ils soient unis par un lien de nécessité objectif, fondé dans tous les cas — à l’exception de la dernière espèce — sur une contiguïté, spatiale (lieu pour la chose, contenant pour contenu) ou temporelle (cause/effet, effet/cause). » En tout cas, comme ils l’affirment plus loin (p. 159), synecdoques ou métonymies, « dans les deux cas l’écart qui fonde la figure est rapidement réduit, puisque la relation qui lie les deux termes, propre et figuré, est naturelle et immédiate. Les tropes ici reposent sur des relations
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préconstruites, qui ne requièrent ni effort de construction de la part du poète, ni effort d’interprétation de la part du lecteur. En contrepartie de leur limpidité, les synecdoques et les métonymies sont peu productives. », et au fur et à mesure que se sont imposées les idées de création, d’originalité, elles ont été délaissées au profit de la métaphore, devenue peu à peu le trope-roi. (p. 160-161) Avant de présenter les trois approches de la métaphore, ces auteurs, qui nous apprennent (p. 161) que « la métaphore d’abord définie comme une comparaison abrégée, similitudo brevior », décrivent le procédé qui, par rapport au modèle de base (Achille est impétueux comme un lion), et par une série d’ellipses, aboutit à la métaphore in absentia (Ce lion) en passant par la comparaison sans tertium comparationis (Achille est comme un lion), puis la métaphore in praesentia (Achille est un lion ; Achille, un lion ; Ce lion d’Achille). On accorde aux deux figures un même fondement, et la communauté d’un ou de plusieurs traits les fait décrire comme des tropes par ressemblance (Fontanier), qui n’est autre que l’intersection sémique du groupe µ. (trait(s) commun(s) = ressemblance partielle). Mais « on ne peut parler de ressemblance, disent Molino et Gardes-Tamine, que lorsque deux, et seulement deux termes sont impliqués. » (p. 162), c’est-à-dire dans le cas de la métaphore de l’espèce à l’espèce. Dans le cas de la métaphore par analogie ou proportion, la relation n’est plus entre deux termes mais entre deux relations. A l’image de celle entre synecdoques et métonymies et métaphore, la différence entre la métaphore classique (vraie et juste, lumineuse, noble, naturelle et enfin cohérente, selon Fontanier) et la métaphore surréaliste arbitraire, est que l’écart qui fonde première est interprétable et immédiatement réduit car la figure repose sur des relations préconstruites alors que la seconde, elle est en construction. « Il n’est donc pas étonnant que la métaphore se soit imposée au détriment des autres tropes chaque fois que l’on valorisait les effets déroutants […] » (Molino et Gardes-Tamine, p. 164) Selon Michèle Aquien et Georges Molinié (p. 248) la métaphore « […] est le plus important de tous les tropes, et l’une des plus considérables de toutes les figures, aussi bien dans l’histoire que dans la pratique actuelle […] » Ces auteurs développent (p. 249-250) les cinq ‘‘états’’ successifs dont le premier est une comparaison : 1° Ce garçon est agile comme un singe. 2° Ce garçon est un singe agile. = Ce garçon a une agilité de singe. 3° Ce garçon est un vrai singe. 4° Un vrai singe agile parut alors à nos yeux. 5° Les grands-parents éblouis virent bondir un vrai singe. (cf. supra, la série similaire de Molino et Gardes-Tamine) Selon les mêmes auteurs (p. 521), « la métaphore est [...] un trope puissant et de grand usage. Les rhétoriciens ont tous recommandé de s’en servir judicieusement, en l’appropriant aux différents niveaux de style […] Ils ont aussi recommandé que les métaphores fussent naturelles, c’est-à-dire point tirées de trop loin, et donc raisonnablement compréhensibles. […] [Elle] constitue la base des principales images, elle est le constituant majeur de certains discours descriptifs, ou satiriques, dont elle peut renforcer le pittoresque ou le mordant par sa puissance de raccourci et sa force de suggestion […] Elle est la source de tous les développements poétiques modernes. L’image, comparaison ou métaphore, est, à côté des caractéristiques formelles, une caractéristique
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définitioire de la poésie ; et à propos de l’image, on ne peut que citer le poète Reverdy (cité par A. Henry, cité par Ricœur, p. 246, note 1) : « L’image est une création pure de l’esprit. — Elle ne peut naître d’une comparaison mais du rapprochement de deux réalités éloignées. — Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l’image sera forte — plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique. » 1.2.
La métaphore dans l’œuvre d’Aït Menguellet
a) Métaphore filée et allégorie L’allégorie, comme l’ironie, est une figure dont le mécanisme est sémantique et qu’il faut interpréter pour la retrouver. Contrairement à l’allégorie, qui établit le double sens à partir du seul phore et qui est donc une figure entièrement in absentia, et dans laquelle on dit autre chose que ce qu’on dit, la métaphore filée, appelée aussi métaphore continuée, est prolongée par l’utilisation répétée d’une même terminologie. Elle n’est pas une figure de double sens. Le sens de la métaphore, certes complexe, est néanmoins unique et décelable au terme du mécanisme de réduction du conflit conceptuel. Selon Aquien et Molinié (p. 587), dans la métaphore filée, l’identité entre les deux éléments peut être telle que peut s’établir une confusion entre le thème (imagé) et le phore (imageant) Il en est ainsi dans les vers (10) à (14), la métaphore de la brûlure pour l’amour (exprimée par le syntagme verbal nous brûlions) est continuée par le feu (11), éteint, cendre (12), vent (13). Il en est autrement dans le vers (31), dans le sens littéral cache un sens construit, celui de « faire le bouffon ». b) Classification syntaxique des métaphores La métaphore apparaît donc caractérisée par une diversité sémantique qui ne caractérise ni les synecdoques ni les métonymies. Cette diversité, pour paraphraser Molino et Gardes-Tamine, apparaît encore plus nettement quand on s’interroge sur la notion de ressemblance. Les trois grandes familles de définition de la métaphore, comparaison abrégée, ressemblance, analogie ou proportion, se relient à des fonctionnements syntaxiques différents. Les deux premières portent exclusivement sur des couples de noms ou d’infinitifs, la troisième, sur des groupes N1 de N2, et plus généralement sur des métaphores verbales (cf. tableau, p. 165). D’où la nécessité de prendre en ligne de compte la syntaxe de la métaphore, ces différentes analyses ne peuvent s’exclure puisqu’elles portent sur des configurations particulières. On peut se référer à Aquien et Molinié (p. 586) pour les types de construction les plus courants : un est d’équivalence ; une apposition, avec ou sans démonstratif ; un rapport substantif-verbe ; un rapport de détermination. Mais en raison de leur exposé détaillé des structures syntaxiques de la métaphore (résumé dans le tableau ci-dessous), nous nous référons à Molino et Gardes-Tamine (p. 163 et sq.).
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Métaphores Tp (terme propre) et Tm (terme métaphorique) Tp (terme propre) et Tm (terme métaphorique) n’appartiennent pas à la même partie du discours appartiennent à la même partie du discours V Adv
N Adj
VN
Tp et Tm sont des noms être
apposition
Tp et Tm sont deux inf. de
être apposition
(Molino et Gardes-Tamine, p. 165) Dans ce qui suit, nous traiterons de la syntaxe de la métaphore à travers des exemples pris au hasard dans l’œuvre d’Aït Menguellet, en nous référant au modèle dégagé par Molino et GardesTamine. 1° La première catégorie : Tp et Tm n’appartiennent pas à la même partie du discours a) Nom + Adjectif Cette configuration qui, selon Molino et Gardes-Tamine se rencontre assez souvent, est absente de notre corpus, si l’on excepte les exemples (2) et (4) dans lesquels il n’y a pas métaphore à proprement parler, rose blanche et rose rouge — indépendamment de l’oxymore, qui n’est qu’apparent puisque le rosier à fleurs roses est obtenu par le croisement du rosier à fleurs rouges et du rosier à fleurs blanches — sont des fleurs des plus réelles. Les deux vers (2) et (4) on aurait affaire à une allégorie et la métaphore, dans cette exemple, est en fait repoussée au vers (3) et (5) : la traduction donne une métaphore alors le texte original dit respectivement [tu sortis le rêve vers le sang] et [ce sang entoura le linceul]. Cette configuration faisant défaut dans les exemples choisis dans l’œuvre d’Aït Menguellet, signalons l’existence dans la langue de tous les jours de métaphores plus ou moins lexicalisées comme lbatel aberkan [l’injustice noire] « la misère noire ». b) Nom + Verbe ou Verbe + Nom Cadre le plus utilisé en poésie française, c’est aussi un cadre fréquemment investi. Tandis que le nom peut être une expansion référentielle (sujet lexical) ou un complément autre (COD, COI), le verbe est soit prédicat soit prédicatoïde. Dans les vers (6) et (7), le poète utilise le rosier pour la femme idéale (beauté) et le laurier-rose pour la femme ‘‘amère’’. Pour ne pas anticiper sur le problème que pose la traduction, disons pour le moment que le poète oppose la beauté des roses (fleurs du rosier) aux fleurs, roses, du laurier-rose — le jeu de mots en langue française dans cette opposition n’a pas d’équivalent en kabyle — deux fleurs comparables du point de vue de la couleur, la pertinence du propos résidant dans le fait que la fleur du laurier-rose est associée simultanément à la beauté physique et au cœur amer. Tandis que dans les vers de (10) à (14) on a affaire à une métaphore filée, dont nous parlerons plus loin, dans le vers (18) la meurtrissure est gagne le cœur (littéralement le foie) au lieu d’aggraver une quelconque blessure. Dans le vers (19) le poète dit avoir rencontré un chant (première métaphore), lequel chant erre entre les rochers (seconde métaphore) dans le vers (21) et sur le chemin de sa vie (troisième métaphore, vers (22)). Le vers (28) attire l’attention par la puissance de la métaphore qui y est utilisée : la langue que ses enfants (locuteurs) secouent pour la débarrasser de ses impuretés (emprunts ?). Dans le vers (43),
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le poète faisant parler un Kabyle émigrant en France (la métropole) en 1945 en quête d’une vie meilleure, pour décrire l’ordre qui y régnait, faisait des arbres alignés des êtres instruits. Dans le vers (47) l’arbitraire taille la rancœur, et tailler de valeur concrète acquiert une valeur abstraite. Dans les vers (51) et (54), la métaphore, traduite par la métaphore équivalente, est en fait baratter l’eau et on sait — les paysanneries kabyle et française savent — qu’on baratte le lait. Enfin, dans le vers (65) La balance est évidence traduit la balance frappe aux yeux, qui, en kabyle, n’est pas une métaphore usée ; plus encore, nous soupçonnons ici un claque du français. Comme le soulignent Molino et Gardes-Tamine (p. 165), les métaphores à pivot verbal ou adjectival sont les seules où l’on peut avec quelque rigueur parler d’écart, de violations de contraintes de sélection, les verbes et les adjectifs étant nécessairement définis en relation avec leur entourage. Ce sont des métaphores in absentia de la tradition. Le rapprochement, non opéré par le contexte, avec le terme absent compatible avec Tp est laissé au lecteur sans que la raison de l’association lui soit donnée. Elles constituent assez souvent une énigme, dont l’intérêt réside dans le flou des associations qu’elle provoque. 2° La seconde catégorie : Tp et Tm appartiennent à la même partie du discours Relations entre deux noms, les configurations N1 R N2 sont des métaphores in praesentia de la tradition. Elles sont différentes selon l’outil syntaxique qui constitue R et qui se prête à des effets sémantiques divers. a) N1 est N2 L’auxiliaire de prédication nominale d (« est », « c’est », etc.) actualise noms et adjectifs. Dans le vers (1) le cœur de la ‘‘bien-aimée’’ est une pierre, et de silex ! Dans l’exemple (39) les enfants sont la lumière qui éclaire la patrie. Dans les vers (60) à (63) il y a d’abord (60) une comparaison, puis une métaphore classique (62) et, enfin, une métaphore fondée sur une association de signifiants : azrar adrar amrar / izurar idurar imurar. Cet exemple confirme la différence entre la figure classique transparente et la métaphore surréaliste arbitraire ou fondée sur des associations de signifiants. b) N1 , N2 Certains berbérisants soutiennent que l’adjectif berbère fonctionne comme une apposition. Si tel est le cas, on peut considérer que la configuration Nom + Adjectif entre dans l’apposition (?) On peut néanmoins classer dans cette configuration avec interpellatif comme dans le vers (45). Dans le vers A ddunit, a lbir n ssemm « Ô vie, ô puits de venin ! » (66), on a bien affaire à une métaphore par apposition. c) N1 de N2 Dans les exemples que nous avons pris, nous remarquons une duplicité du sens de la préposition n et du complément lexical qu’elle introduit. Tandis que dans le vers (48), la préposition de de une montagne de justice introduit un complément de matière, dans les vers (16) (22) (34) elle introduit un complément d’appartenance, respectivement les neiges du temps, le chemin de ma vie, la cervelle du chacal.
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c) Domaines du thème et du phore Nous venons de voir que le terme propre et le terme métaphorique peuvent être un nom ou un verbe. Sans prétendre envisager d’établir des réseaux sémantiques dans l’univers du poète — encore faudrait-il étudier de façon exhaustive l’œuvre entière — nous nous contenterons d’identifier les domaines de référence des métaphores dans l’échantillon pris au hasard dans l’œuvre. Force est de constater qu’autant les domaines du phore sont aisés à identifier autant ceux du thème le sont moins, notamment dans les métaphores in absentia. Mais on imagine facilement la diversité des référents dans l’œuvre d’Aït Menguellet, eu égard à leur diversité dans les exemples choisis. – Les domaines du phore Il peuvent matériels, comme dans les vers (1), (11), (12), (13), (16), (21), (39), (47), (51), ou intellectuels, comme dans les vers (19), (28), (43), (48). Les référents peuvent être des êtres vivants : les plantes, dans les vers (2), (3), (6), (8) ; les animaux, comme dans les vers (34), (45) ; l’homme, comme dans le vers (29). –
Les domaines du thème
Plus aisés à identifier dans les métaphores in praesentia, le référent du thème peut être un organe du corps comme dans le vers (1), (34) ; l’homme lui-même, comme dans les vers (36), (37), (39) ; une plante, comme dans le vers (43) ; une notion abstraite, comme dans les vers (16), (66) ou plus ou moins abstraite, comme dans le vers (62) ; matériel (inanimé), comme dans le vers (22), (48) ou psychologique, comme dans le vers (47). d) Problèmes de traduction Les problèmes que pose la traduction sont nombreux et divers. Ils peuvent être relatifs à la structure linguistique comme ils peuvent relever de la différence des cultures que véhiculent les deux langues en présence, ici le kabyle et le français. Nous traiterons très brièvement — dans les limites qu’imposent l’exposé et le corpus constitué — des problèmes que pose la traduction des métaphores. Tandis que les roses pour les deux cultures (cf. vers (6)) ont pour trait commun de symboliser la beauté, le cas du laurier-rose (cf. vers (8)) est problématique dans la mesure où, symbolisant une sorte de dilemme chez les Kabyles, la beauté en surface et la cruauté en profondeur (comme la médaille et son revers), cette fleur n’est susceptible d’aucune symbolique en Occident ; occident où c’est la ‘‘cousine’’ de cette plante, le laurier (laurier noble = laurier sauce) qui est l’emblème de la gloire, comme en témoignent les couronnes de laurier et le dérivé lauréat. La traduction des vers (3) et (5) pourrait prétendre faire son entrée dans le panthéon des belles infidèles, car se situant très loin de la traduction littérale, respectivement [tu sortis le rêve vers le sang], [le sang en question entoura le linceul], en d’autres termes targit (« le rêve ») est complément d’objet du prédicat sufeγ sufe dont le sujet lexical (l’agent) est ddunit (« la vie ») (ne figure pas dans le contexte) et le sang entoure le linceul au lieu de se faire linceul. Dans le vers (18), il est fait référence au foie (tasa) comme siège des émotions, et en langue
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française une blessure au foie ferait dire au lecteur : Va soigner ta cirrhose, poète alcoolique ! Dans la traduction nous avons préféré taire et le foie et le cœur. Le vers (31), dans lequel il n’y a pas métaphore, ne peut avoir qu’une traduction interprétative. En effet, le seul examen de la traduction mise entre crochets montre que celle-ci est non seulement d’une platitude navrante mais surtout qu’elle n’a pas de sens bien qu’elle satisfasse à la définition de l’alexandrin. Ce vers reprend une expression proverbiale qui remonte à l’époque du caïdat en Kabylie, où, pour plaire au caïd (et, ainsi, éviter les représailles), qui lui-même doit plaire à l’administrateur colonial, les villageois se devaient tous, à l’occasion d’une fête officielle, montrer leur joie. Et danser est un signe de joie ! D’où le mot à mot serait incompréhensible. Il y a forcément dans la traduction proposée une perte au plan de l’information. Dans le vers (34) il est fait référence à la cervelle de chacal comme panacée (remède à tous les maux), car chez les Kabyles cet animal symbolise la ruse, tandis que chez les Français celle-ci est symbolisée par le renard. Dans les vers (36) et (37) le poète a usé d’une métaphore qui, traduite en français, a peu de chance d’être comprise. Dire : la ceinture c’est ta sœur, toi tu es le fusil ne réveille rien dans l’esprit d’un lecteur français, qui puisse lui faire saisir que la ceinture et le fusil sont mis respectivement pour la féminité et la virilité. Dans les vers (51) et (54), il s’agit d’un coup de génie du poète : il s’agit pour ses interlocuteurs de baratter l’eau au lieu de baratter le lait. L’expression métaphorique équivalente en langue française est brasser du vent. Dans une perspective de traduction du style, on pourrait, dans la traduction des vers (60) à (63), improviser une association de signifiants qui serait approximativement celle-ci : collier(s) colline(s) [ou col(s), au lieu de montagne(s)] corde(s). L’arbitraire du signe fait qu’en d’autres contextes cette traduction est le plus souvent impossible. On n’aura pas refait le monde, ni décroché la lune !
Liste des figures numérotées (1) (2)
UlUl-im d aêru n tnicca w
Urgaγ Urga lwerd azegg aγ
Ton cœur est pierre de silex
(ch. 62, v. 10)
Je rêvai d’une rose rouge,
(ch. 91, v. 36)
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(3)
TessufγeÑ Tessuf eÑ targit s idammen
Et le rêve se fit sang ;
(ch. 91, v. 37)
(4)
Urgaγ Urga lwerd amellal
Je rêvai d’une rose blanche,
(ch. 91, v. 38) (ch. 91, v. 39) (ch. 31, v. 4)
w
(5) (6)
IdammenIdammen-nni zzinzzin-d i lek fen
Et le sang se fit linceul.
Γile ileγ ile d lwerd i neqleγ neqle
Je crus rosier repiquer,
(7) (8) (9) (10)
Mi ruàeγ ruàe ad ferrğeγ ferrğe
Quand j’allai mirer
UfiγUfi -n ttejra ilili
Je le trouvai laurier-rose.
Acàal i dd-nettmekti
Que de souvenirs, mon cœur,
Ay ulul-iw asmi nerγa ner a
Nous brûlions de passion ;
(11) (12) (13) (14)
Truà tmesstmess-nni
Ce feu est parti. Hélas !
Tuγal Tu al d iγed i ed mi tensa
Eteint, il se fit cendre ;
YewwiYewwi-tt waÑu teğğateğğa-yi
Emporté par le vent, il me quitta
TemêiTemêi-w mi yidyid-s tedda
Et emporta ma jeunesse.
(15) (16) (17)
Ula d later i γ--d-iqqimen
(18) (19) (20) (21)
WalaγWala -t kan tendef tasa
Et à sa vue une plaie s’ouvrit en moi ;
Mmuggreγ-d yiwen ccna
Je rencontrai un chant
TtuγTtu -t yeffeγ yeffe aqerruyaqerruy-iw
Qui m’était sorti de la tête
La yettmenéar ger yeêra
Qui errait entre les pierres
(22) (23) (24) (25) (26) (27)
DegDeg-webrid n ddunnit ddunnitit-iw
Sur le chemin de ma vie.
(28) (29)
Zwin--tt kksen kksen--as ammus Zwin
Iγu ummmm-it wedfel n zzman MuggreγMuggre -d aàbib yemmuten
(ch. 31, v. 5) (ch. 31, v. 6) (ch. 99, v. 19) (ch. 99, v. 20) (ch. 99, v. 21) (ch. 99, v. 22) (ch. 99, v. 23) (ch. 99, v. 24)
(ch. 99, v. 25) Les neiges du temps les couvrent. (ch. 99, v. 26) Je rencontrai un ami qui n’est plus de ce monde (ch. 114, v. 17) Et les traces qui en restaient,
(ch. 114, v. 18) (ch. 114, v. 33) (ch. 114, v. 34) (ch. 114, v. 35)
(ch. 114, v. 36) SegDepuis, le cours du temps a changé : (ch. 114, v. 113) Seg-wasswass-enn tbdeddel ssaεa ssa a Aqbayli irfed aqerru aqerru--s Le Kabyle a recouvré sa dignité (ch. 114, v. 114) i Ula d wid iwm ur yehwa Les plus hostiles mêmes, (ch. 114, v. 115) S nnif s lxuf gren afus Qui par point d’honneur, qui par peur, y prirent part. (ch. 114, v. 116) Tameslayt tekker tekker--d tura Maintenant que la langue est réhabilitée (ch. 114, v. 117) w
Γer er warraw warraw--is mi dd-tegg ra
(ch. 114, v. 118) Qu’elle est entre les mains de ses locuteurs, (ch. 114, v. 119) Secouée et vidée de ses impuretés,
(30) (31) (32) (33)
Kra nn-win tttt-irefden ur tttt-isrus
Qui la soutient ne saurait la laisser choir. (ch.
A γ--yaru lxuğa necÑeà
Et nous aurons bien dansé !
Ad aγa -d-ttafen
Ils font bien de nous
D nek n i d ssebba
La cause de tout,
(34) (35) (36)
Di lmux n n--wuccen
C’est du sacrifice du plus éveillé
I-yettili ddwa
Que vient le remède…
weltma-k Taàzamt d weltma-
La ceinture appartient à ta sœur
(ch. 115, v. 35) (ch. 115, v. 36) (ch. 118, v. 31)
Ma d keččini d abeckiÑ
Tandis que t’appartient le fusil.
(ch. 118, v. 32)
(37)
w i
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114, v. 120) (ch. 115, v. 11, 22, …) (ch. 115, v. 33) (ch. 115, v. 34)
(38)
Arrac arrac arrac arrac
(39) (40) (41)
D nekwni i d tafat n tmurt i dd-iceεlen ice len Nous sommes la lumière qui éclaire la patrie. (ch.
(42) (43) (44) (45)
çeggment ta γer er ta
Tous alignés,
Dagi ula d ttjur γrant
Car, ici, même eux sont instruits.
NnanNnan-asen taggara taggara
On leur dit à la fin :
NàemmelNàemmel-ikwen ay izmawen
Nous vous aimons, ô lions.
A widak yenéeÑ werkas Si ééaq si yal d ttejra
i
Enfants, enfants, enfants !
(ch. 119, v. 1)
119, v. 2) Vous qui avez du mal à vous défaire de vos lanières (ch. 122, v. 50) De la fenêtre j’admirais les arbres, (ch. 122, v. 64)
ra
(46) (47) (48) (49)
Lğur kul m a dd-isewweq
(50) (51) (52)
A wid yestufan
Vous êtes patients,
Yessenduyen aman
Vous brassez du vent,
tmeddit--nwen I tmeddit
Le soir arrivé,
(53) (54) (55) (56)
dawen--ssan D acu i dawen
Quel lit vous attend ?
Ssenduyet aman
Brassez donc du vent,
A wid yestufan
Vous êtes patients,
Ur yelli wusu
Vous n’aurez ni lit
S lbaéel ineğğren urfan Ad asas-rreγ rre adrar n làeqq D leεqel le qel yettåeggimen ussan
(ch. 122, v. 65) (ch. 122, v. 66) (ch. 104, v. 15) (ch. 104, v. 16)
(ch. 126, v. 49) Avec l’injustice qui taille le dépit, (ch. 126, v. 50) Je lui opposerais une montagne de justice (ch. 126, v. 51) Et de raison qui modèle les beaux jours. (ch. 126, v. 52) L’abus viendrait à régner
(ch. 157, v. 44) (ch. 157, v. 45) (ch. 157, v. 46) (ch. 157, v. 47) (ch. 157, v. 48) (ch. 157, v. 49) (ch. 157, v. 50)
(57) Lehna ur dNi la paix promise, (ch. 157, v. 51) d-tettrusu (58) TernamAjoutez des serments (ch. 157, v. 52) Ternam-d deεwessu de wessu (59) Γer er tidak yellan A ceux qui existent. (ch. 157, v. 53) a (60) Kul taddart / tcub azrar γef efef-wedrar Chaque village est tel un collier sur un mont, (ch. 127, v. 29) (61) Icudden mebγir meb r amrar / s icerfan icerfan Attaché sans nulle corde aux précipices ; (ch. 127, v. 30) (62) TamurtefMon pays est colliers sur montagnes, (ch. 127, v. 33) Tamurt-iw / d izurar γef ef-yidurar (63) (64) (65)
Icudden mebla imurar / s igenwan
Attachés sans cordes aux cieux.
A kk-awiγ awi s anda
Je t’emmènerais là où
I d-yekkat lmizan s allen
La balance est évidence
(66) (67)
A ddunit a lbir n ssem
(ch. 22, v. 1) Tu es amère comme le laurier-rose (ch. 22, v. 2)
RêageÑ amzun d ilili
(ch. 127, v. 34) (ch. 127, v. 25) (ch. 127, v. 26)
Ô vie, ô puits de venin !
2. Autres exemples de métaphores Dans ce qui suit, nous illustrons provisoirement cette figure particulière qu’est la métaphore. Nous pouvons ajouter, pour faire dans la langue poétique, qu’à la langue courante, nous pouvons opposer une langue volante : celle de la poésie. C’est là un effet des tropes, qui « sont toujours
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définis en termes de « plus » comme le souligne Molino et Gardes-Tamine (1992 : 156), qui citent Fontanier : « Ils donnent au langage, outre cette richesse et cette abondance merveilleuse, plus de noblesse et plus de dignité, plus de concision et plus d’énergie, plus de clarté et plus de force, et enfin plus d’intérêt et plus d’agrément. » C’est ainsi que nous pouvons citer en exemple deux strophes de deux poèmes successifs (Ini Ini--d ay Yenna--d umγar « Le vieux sage a dit. » Dans ces deux strophes, amγar « Dis-nous, vieux sage. » et Yenna comme dans tant d’autres dans ces deux poèmes, le poète déploie un arsenal esthétique dans une opposition terme à terme. Ne sont-ce pas là les grandes idées, en rapport la grandeur de l’âme, les valeurs, les vertus, dites dans une ″noble″ expression (figures de style et versification) : antithèses reines entre mots, groupes de mots et phrases à l’intérieur de chaque strophe et d’une strophe à l’autre. Comme on peut le voir à travers la traduction morphématique, il y a paronomase, parallélismes et répétition de structures morphosyntaxiques, oppositions (oxymores), allégorie dans la première partie de chaque strophe puis résolution dans la seconde partie : Kul mi ara nessired anan-names
[chaque quand que nous nous laverions nous nous salirions] Toute toilette est souillure,
i
ra
a
Kul m a dd-tas lehn anan-nennaγ nenna
[chaque quand que elles viendrait la paix nous nous combattons] La paix est source de troubles ;
Amek ara dakdak-d-iàesses n--walla wallaγ Wi tàuza tarda n YezgaYezga-d mebεid meb id yettwali ittγunfun Yettamen wid tt--itt unfun
[comment que il t’écouterait]
Comment se faire écouter
[qui il atteignit le lavage de cerveau] Par les cerveaux travestis ? [il est posté loin il regarde]
Ils regardent de très loin,
[il croit ceux le méprisant]
Croient ceux qui les méprisent ;
(ch. 155, v. 49-54) Aman zeddigen Yes--sen ad tessirdeÑ Yes
[les eaux étant propres]
Avec de l’eau pure
[à l’aide d’eux tu te laverais]
Vous vous purifiez,
Aman ad amsen Kečč Ke čč ad tizdigeÑ
[les eaux ils deviendraient sales]
L’eau devient souillée
[toi tu deviendrais propre]
Et vous purifiés ;
Tessamasem i wid wen--ib ibγan I wen an tezdeg
[vous salissez ceux…]
Vous souillez ceux qui
[… qui vous voulant la propreté]
Vous veulent du bien
TefsimTefsim-as lqid I wi illan yezleg
[vous détachez l’entrave]
Et désentravez
[à qui étant il est tordu]
Quiconque est tordu ;
(ch. 156, v. 85-92) Les vers 129 et 130 servant de support, les deux derniers vers apportent une information d’une importance capitale : le détachement du poète, à supposer qu’il se confonde avec un prétendu narrateur, par rapport au reste de la foule. Dans les trois premières strophes du poème Afennan « L’artiste » (ch. 133), nous enregistrons une pluie d’images plus fortes les unes que les autres : d’abord dans la première strophe, dans laquelle une série de métaphores, sur une série de parallélismes (isocolons), donnent le la et présagent de ce qui va suivre dans le reste du poème : la coiffe recouvre la tête vide — la véritable testa au sens étymologique du terme, qui s’est substituée à la caput — désertée par le cerveau ; le goût du
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panache (tafenéazit), symbole de fierté, il n’en reste que l’ombre, qui est désormais notre seule arme ; nos origines, il ne nous en reste que le nom, son visage, nous l’avons égaré : D acu i dd-yeggwran di tcacit D aqerru yeğğa wallaγ walla D acu i γ--d-teğğa tfenéazit lexyal--is ad yesD lexyal yes-s nennaγ nenna u
Que reste-t-il sous la coiffe Sinon la tête qu’a désertée la cervelle ? Que nous a légué notre fierté, Sinon l’arme de son ombre ?
D ac i γ--d-teğğa tnaålit isem--is, deg yimi nettawiD isem nettawi-t
son nom, qui est sur nos lèvres,
UdemUdem-is a medden iεreq i reqreq-aγ
Elle, nous l’avons perdue.
Que nous a légué notre origine ?
(ch. 133, v. 1-7) Dans a deuxième strophe, à partir d’une comparaison initiale à un troupeau d’agneaux, symbole d’innocence, se développent une sorte de métaphore filée de la chaleur due à la convergence en dépit de leur diversité, de l’irruption du chacal dans le troupeau, de la fuite désordonée des agneaux, de la fin de la pâture et de la disparition. N’était la comparaison de départ, la strophe aurait l’allure d’une allégorie : Ay asmi yidyid-neγ ne teÑra Am tejlibt izamaren Kkan akkw sya w sya âman skud mlalen Yekcem wuccen di ttnaåfa Mkul yiwen anda yerra d--uγalen Ur ksan ur d alen
Il est advenu de nous Tel le troupeau d’agneaux : Rassemblés de-ci de-là, Ils étaient bien au chaud ; Surpris par le chacal, Ils partirent chacun de leur côté : Ils ne pûrent ni ne revinrent !
(ch. 133, v. 8-14) A win yeznuzuyen urfan daγ--d-ttadded γeef-wemnar Ur da Neεya Ne ya degdeg-uberrez nn-wussan Ur daγda -nettağğa lxetyar Neεya Ne ya di twakksa usennan I daγda -yettrağun ssan Deg--webrid yurğan aÑar Deg
Toi marchand de colère, N’encombre pas notre seuil ; Nous sommes las d’affronter les jours Qui ne nous laissent aucun choix ; Nous sommes las d’extraire les épines Qui en couches nous attendent Sur le chemin qui attend d’être foulé.
(ch. 133, v. 15-21) Toutes ces figures ne desservent-elles pas une esthétique faite de déception, de pessimisme et de défaitisme, ligne en cohérence avec la ligne éditioriale d’Aït Menguellet, qui rejoint ainsi le concert des poètes à l’échelle universelle. Le cerveau fuit — voilà un verbe dont la polysémie ferait rougir le verbe kabyle sukk « faire passer »/ « fuir » (= « laisser échapper son contenu »), nos valeurs ancestrales nous ont quittés ; nous sommes tel un troupeau d’agneaux à la merci des chacals ; notre vie est faite de contrariétés. Voilà à quoi ressemble dans son ensemble la poésie d’Aït Menguellet. Non que Lounis ait un quelconque grief contre la société qui l’a vue naître mais contre la décrépitude de la situation politique du pays. Ce pessimisme rejoint aussi celui qui
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s’exprime dans les chansons d’amour, i.e. des amours contrariées dans l’écrasante majorité de cette partie de l’oeuvre. On peut étudier la métaphore sous l’angle formel de la structure syntaxique, comme il en a été question dans le chapitre précédent, comme on peut l’étudier sous un angle sémantique : de la métaphore classique et de la métaphore surréaliste, de la nouveauté et de la lexicalisation, des champs sémantiques, bien que ces derniers soient moins systématisables que les autres rapports. Dans ce qui suit, nous avons classé les métaphores en deux types : – la métaphore classique, que nous avons subdivisée en deux : la métaphore lexicalisée et la métaphore ‘‘neuve’’, – la métaphore ‘‘surréaliste’’. A l’intérieur de chaque paragraphe, nous citerons pêle-mêle les métaphores, que nous essayerons quelques fois de regrouper lorsqu’elles ont en commun l’un des termes (le thème ou le phore). 2.1. La métaphore classique On sait le rapport lointain entre le l’imagé et l’imageant dans la métaphore d’une façon générale, il est encore plus lointain dans la métaphore dite surréaliste : qu’on se rappelle Cette fille est une fleur et La lune rêve, tandis que dans le premier exemple le rapport repose sur des relations préconstruites, dans le second ce rapport est en construction. Commençons par ce qu’il est communément admis d’appeler métaphore classique. Les exemples de métaphore classique sont aussi nombreux que variés. Nous les diviserons en deux grandes parties : la métaphore lexicalisée et la métaphore ‘‘neuve’’ 2.1.1 La métaphore lexicalisée La métaphore lexiclisée est une métaphore qui a été partucilèrement répétée, très employée. C’est dans la plupart des cas une catachrèse, qui a presque cessé d’être une figure, qui n’est en tout cas plus sentie comme telle. C’est ainsi que dans les exemples suivants, le poète ne fait que reprendre la logique rhétorique de la tradition devenue langage ordinaire par la force de l’usage. Dans les quelques passages suivants, de diverses chansons, on relève une métaphore du laurier-rose pour « l’amertume » dont se rend coupable la bien-aimée : Ya ttejra ilili Izyen lwerdlwerd-im ÉzizeÑ i tmuγli tmu li D arêagan wulwul-im
Ô laurier-rose, Elle est belle, ta rose, Tu es beau à voir, Ton cœur est amer ;
(ch. 31, v. 7-10) A ddunit a lbir n ssemm RêageÑ amzun d ilili
Ô vie, ô puits de venin ! Tu es amère comme le laurier-rose ;
(ch. 22, v. 1 et 2)
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Zzin yuγal yu al d ilili
Beauté devient amertume.
(ch. 26, v. 12) ZzehrZzehr-is am yilili YekkesYekkes-itit-id si ger yisaffen
Son sort est tel le laurier-rose, Il l’a pris d’entre les rivières.
(ch. 32, v. 21 et 22) MugreγMugre -d ttejra ilili Almi d assass-nni I àåiγ àåi s lwerd iteqqes
Je rencontrai le laurier-rose Et ce n’est que ce jour-là Que je sus que le rosier pique ;
(ch. 145.2, v. 49-51) Il est un fait notable : on peut dire que cette métaphore est celle de la jeunesse puisque la seule occurrence de cette figure dans la partie de l’œuvre composée et produite à partir de 1973-74 est dans l’album Tiregwa « Les canaux », l’immense intertexte de 1999. Autrement dit, cette métaphore, c’est un peu symptomatique des vingt ans de Lounis Aït Menguellet. C’est une métaphore très vieillie dans le registre des figures kabyles, que ce soit sous la forme de métaphore ou sous celle de comparaison : on peut la retrouver dans la poésie ancienne : tettexnunus deg lqaεa lqa a D tarê tarêagant am ulili « elle se souille par terre, amère comme le laurier-rose » ou dans le langage ordinaire : D acu de lqahwalqahwa-ya ? D tamerê tamerêagt am yilili ou Rêaget amzun d ilili ou D ilili « Qu’est-ce que ce café ? Il est amer comme c’est du laurier-rose. ou Il est amer comme si c’était du laurier-rose ou C’est du laurier-rose ! ». S’agissant de la traduction, T. Yacine (p. 106), bien qu’elle ait annoté le terme kabyle ilili, s’est contenté de traduire ce terme par laurier, ce terme désignant une plante emblématique de la gloire, aux antipodes de la répulsion et du danger dont ele parle en note à propos de ilili. Dans le passage suivant, exemple unique dans l’œuvre entière, de la chanson Igenni Igenni--m « Ton firmament » (ch. 62), on relève une métaphore nominale in praesentia des plus classiques par rapport au terme, aêru « la pierre », qu’elle met en jeu : UlUl-im d aêru n tnicca
Ton coeur est pierre de silex
(ch. 62, v. 10) Cette métaphore de la pierre est bien courante dans la poésie kabyle contemporaine, comme dans le distique : UlUl-ik d aêru aêru A win i γ--yeÜÜan nettru « Ton cœur est pierre Toi qui m’as laissée en pleurs ! » On peut supposer aussi que cette métaphore du cœur de pierre a quelque chose d’universel. Mais parce qu’elle met en jeu un autre terme, un nom complément du nom, tanicca « silex », elle peut être considérée comme partiellement renouvelée en raison de la dureté de la roche. On peut considérer que la traduction de T. Yacine, A ton cœur de silex (p. 133), a atteint le stade ultime de la métaphore nominale qui a pour origine une comparaison, en supprimant et l’auxiliaire de prédication nominale et le nom pierre pourtant central sur le plan syntaxique. Dans le vers suivant de la chanson A wi irun « Rire ou pleurer, qu’importe ! » (ch. 128), on relève une métaphore in praesentia du mal [la maladie] :
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LehlakLehlak-im siwa nekwni
[ta maladie (c’est) seulement nous]
Ton mal, c’est nous,
(ch. 128, v. 9) Dans le passage suivant, de la chanson Ad kwen en--ixdeε Rebbi « Que Dieu vous trahisse ! » (ch. 120), on relève une suite de deux métaphores : La tesmentagem tesmentagem isufa Tezgam--d i tili Tezgam
[vous poussez les tisons]
Vous attisiez le feu
[vous vous mettez à l’ombre]
Et vous vous mettiez à l’abri.
(ch. 120, v. 59 et 60) La tesmentagem isufa, tezgamtezgam-d i tili « Vous attisez le feu en vous mettant à l’abri. » de La tesmentagem isufa, tezgamtezgam-d i tili « Vous poussez les tisons et vous vous mettez à l’ombre. » Le
degré zéro de l’expression fait référence aux tisons, au feu concret fait de flammes ainsi qu’à l’ombre d’un grand arbre, la traduction n’est pas loin du texte kabyle pour le vers 59 car dans les deux langues attiser le feu signifie « semer le trouble », ce qui n’est pas le cas pour le vers 60 : ombre étant un terme plutôt concret, il lui a été substitué abri, terme nettement moins concret, plus général et plus à même de rendre l’idée de « se mettre hors du danger ». Contrairement à ce qui se passe dans l’exemple précédent, dans le vers suivant, tili n’a pas le même effet. Alors que dans le premier cas il signifie « ombre » au sens d’« abri », donc de « protection », dans le second il signifie « ombre » au sens d’« ombre majestueuse, imposante » qui inspire crainte et respect : Yerra tili
Il fait de l’ombre ;
(ch. 132, v. 50) La traduction a tenu compte de l’image mais en a abouti à une autre car, il est vrai, faire de l’ombre (à quelqu’un) signifie le « dominer », le « cacher », etc. souvenons-nous de la silhouette imposante comme équivalent de tiririt n tili. Les deux chansons Izurar idurar « Mon pays, celui des paradoxes » (ch. 127) et S ani tebγam an an-nruà « Où voulez-vous que nous allions ? » (ch. 143) sont comparables quant au texte verbal du prélude et au plan musical (prélude + même tempo du morceau rythmé). Bien qu’avec des motifs différents, elles chantent toutes les deux l’amour de la patrie et le chagrin qu’éprouvent ceux qui s’en éloignent momentanément. Parmi les figures contenues dans la première, on peut relever : D dduàdduà-nneγ nne i γeef i ncennu Atan di tegnaw yuli
[c’est notre berceau sur lequel nous chantons]
Nous chantons notre berceau,
[le voilà dans les cieux il est monté]
Qui s’élève dans les cieux,
(ch. 127, v. 1 et 2) Métaphore de dduà « berceau » pour tamurt « la patrie », qu’on retrouve dans le vers 6, et de tignaw « les atmosphères » pour leεli le li « l’altitude » ou adrar adrar « la montagne ». La traduction en a tenu compte. On peut reprendre des exemples de la seconde chanson, des passages qui sont autant de témoignages d’amour pour la patrie, qu’ils s’expriment ou non dans des métaphores :
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Lexyal n tmurt ma tettuÑtettuÑ-t a Di tnaf a dd-iêur allen
Oublie l’image du Pays Et tu l’auras dans ton rêve :
(ch. 143, v. 5 et 6) L’image (ou l’ombre ou la silhouette) du pays fait son appartition dans le songe et rend visite aux yeux, laquelle image devient réalité lorsque l’âme se sent oppressée et qu’est venu notre tour de lui rendre visite : Γer er tmurt ara nejbu Asmi ara iÑaq rruà
Mais regagnons la patrie Quand l’âme se sent oppressée,
(ch. 143, v. 24 et 25) A ces métaphores qui ciblent la patrie, on peut en ajouter une, qu’on trouve dans ce vers de la chanson Izurar idurar « Mon pays, celui des paradoxes » (ch. 127), qui cible la montagne fameuse, symbole de liberté et de dignité, qui nous transmettent leur force et nous offrent leur protection : TtakenTtaken-aγ--d tazmerttazmert-nsen
Celles-ci nous transmettent leur puissance ;
(ch. 127, v. 17) La métaphore ici est tazmerttazmert-nsen (n yidurar) « leur (des montagnes) puissance » (cf. v. 15)
Dans les exemples suivants, toujours de la chanson Izurar idurar « Mon pays, celui des paradoxes » (ch. 127) on note des métaphores en rapport avec la terre (akal) : Rruà icudd s akalakal-im,
Notre âme est liée à ton sol,
(ch. 127, v. 8) AkalAkal-nni γ--d-issekren
Ce sol qui nous a élevés.
(ch. 127, v. 20) La première métaphore est celle de l’âme (rruà) pour « la personne » (amdan), surtout de l’attachement (acuddu) de l’âme à la terre ; la seconde est celle de la terre (akal) pour « le pays » 3 (tamurt tamurt, au sens abstrait ) (vers 8) ; la troisième est celle, plus classique, de la terre qui élève [qui fait lever] pour « la terre [qui] nourrit et entretient » (vers 20). On voit bien qu’en français aussi le terme terre est polysémique et a une charge sentimentale, affective et intellectuelle ! Cette métaphore de la terre qui élève (akal i dd-yessenkaren) rappelle cette plus étoffée qu’on relève le distique suivant, de la chanson Anida nn––teǧǧam mmi « Mère et fils » : D akal i tt-idid-yessekren fell--as yečča yečča--t I-yezzin fell
C’est cette terre qui l’a nourri Qui s’en retourne contre lui et l’engloutit.
(ch. 64, v. 119 et 120) Pour « les avatars » du mot tamurt tamurt, notamment pour sa nature polysémique et son orientation égocentrique (« mon pays », un peu comme les noms de parenté) au singulier et l’altérité au pluriel, on pourrait se reporter à l’article que lui a consacré Mouloud Mammeri dans son livre Culture savante, culture vécue (cf. Bibliographie).
3
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Cette métaphore est plus étoffée dans la mesure où elle complète le propos par un semblant de parallélisme avec cependant une antithèse des plus frappantes : cette terre qui l’a nourri se referme sur lui, l’engloutit, le dévore [le mange]. Le propos signifiant la mort et l’enterrement, ces deux vers rappellent à leur tour le verset coranique innā innā lili-llāhi llāhi wa innā ilayilay-hi rāji rājiεūn ājiεūn « A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons. » et peuvent en constituer, si l’on veut, l’équivalent laïc. Dans les exemples suivants, le premier de la chanson A wi irun « Rire ou pleurer, qu’importe ! » (ch. 128), le second de la chanson Tamurt Tamurt--nneγ « Notre patrie ou la culture du désert », nous relevons la même métaphore : Yeğğ Yeğğa akalakal-im d asemmaÑ
Ont laissé froid ton sol.
(ch. 128, v. 16) AxxamAxxam-nsen d asemmaÑ
Pensent à la froideur de leur foyer,
(ch. 125, v. 47) Dans les deux cas, cette métaphore est celle de la froideur : dans la première, la terre froide est mis pour « la terre stérile, inculte, abandonnée à elle-même et aux prédateurs » ; dans la seconde, la maison froide est mis pour « la maison vide », sans biens ni provisions. Dans la strophe suivante, de la chanson A wi irun « Rire ou pleurer, qu’importe ! », on note une série de métaphores, depuis le premier vers jusqu’au dernier : Tmal γer erer-lğiha yeqÑaεn Tmal γer erer-lğiha yeàfan Alemmas zgan ttunttun-t a Lferà s zzyad i tt-fkan Almi ii-yuγal yu al d iγeblan i eblan SegSeg-wakken la idess ssrunssrun-t YeqqarYeqqar-as win iwalan Acuγer Acu er iéij yečč yečča aman Aman iéij ttγummun tt ummunummun-t
On penche vers le fil acéré, On penche vers le fil usé, On oublie le juste milieu ; On a donné par trop de bonheur Jusqu’à ce qu’il devînt souci, Et son rire muât en larmes ; L’homme averti se demande Pourquoi le soleil a englouti l’eau, Pourtant l’eau couvre le soleil.
(ch. 128, v. 38-46) Cette série d’images commence dans les deux premiers vers avec, sur fond de parallélisme, la fil acéré et le fil usé pour l’adoption de deux extrémismes situées aux antipodes l’un de l’autre — et le délaissement du juste milieu — ; poursuit, dans le quatrième et le cinquième vers par les soucis pour la désenchantement consécutif à un excès de bonheur suscité, figure renforcée par l’antithèse (rire/pleurer) dans le sixième vers ; conclut par la métaphore du soleil qui dévore l’eau pour le soleil qui assèche, et métonymie de l’eau qui cache le soleil pour les nuages et autre brouillard. Avouons que le sens de ce passage est difficile à saisir comme le vers suivant : D aÑar ay akal tečč teččiÑ ččiÑiÑ-t
[c’est le pied ô terre tu le mangeas]
La restitue à la terre.
(ch. 128, v. 55) Que peut, en effet, signifier qu’un pied soit englouti par la terre ou enfoui dans la terre ?
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Dans le passage suivant, on relève deux métaphores : Awal ad yaweÑ igenni id--yesse yesseγres Igenni a tt--id res
Que le Verbe atteigne le ciel Et que le ciel, on le déchire ;
(ch. 128, v. 66 et 67) La première métaphore, dans le premier vers, est celle de igenni « le ciel » pour « l’étendue de la terre ». Comme on doit le deviner, il ne s’agit pas ici d’une communication par satellite, communication que n’entend que celui qui est ciblé par l’appelant. Le verbe ici doit parvenir au ciel afin que tous les habitants de la terre l’entendent : il doit transcender les obstacles terrestres, déchirer le ciel, objet de la seconde métaphore, dans le second vers. Dans cette dernière, on croit voir, à travers la ‘‘rupture’’ du ciel et comme le veut l’expression consacrée yeqqers yeqqersqqers-d yigenni [le ciel est rompu-vers ici], des pluies torrentielles, le déluge. Dans les exemples suivants, de la chanson Ccna amehbul « le chant capricieux » (ch. 131), nous relevons une série de métaphores usuelles ou lexicalisées : Tasraft n lwizlwiz-ik tefreγ tefre i k--ye yeγder Asm akken i k der yiÑes
Ta richesse s’en est allée
Aγilif ilif degdeg-k yezdeγ yezde rray--ik d amwanes Rnu rray
Le mal désormais te hante
quand le sommeil t’a trahi ; Et que t’accompagne ta conscience ;
(ch. 131, v. 28-30) Cette série est ouverte par la métaphore lexicalisée du sommeil traître yeγder ye der yiÑes (« le sommeil a trahi ») pour yewwi yiÑes « le sommeil a emporté » (v. 28), suivie par celle de la colère qui habite aγilif ilif yezdeγ ilif yella deg… « le mal est en… » (v. 29), et enfin de la yezde (« le mal habite ») pour aγilif métaphore N1 + N2 de la conscience accompagnatrice rray amwanes. Dans la strophe suivante, de la même chanson, on dénombre une métaphore par vers : A wid ur nzeggel lewqat lewqat Dεut ut ad teàbes tγersi t ersi ε
A wid izeglen taswa t TeÜÜam acuddu ur yefsi Ma twalam alluy ifat âebbret ad tåeggem trusi
Vous qui ne manquez les prières, Priez pour que cesse la fracture ; Vous qui n’êtes dans l’air du temps, Et qui ne défaites le nœud, Sentez-vous qu’il se fait tard pour monter ? Pensez alors à adoucir la descente :
(ch. 131, v. 57-62) Cette suite de métaphores est introduite par l’interpellation de ceux qui ne manquent pas les temps pour « les prières » (les cinq prières des musulmans) (v. 57), suivie par celles la déchirure pour la violence et le terrorisme (v. 58), celle de l’interpellation de ceux qui ont raté le moment pour « ceux qui se sont trompés d’époque (les gouvernants) (v. 59), celle du nœud non défait pour « la crise non
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résorbée » (v. 60), celle l’ascension pour « la résorption de la crise » (v. 61), conclue par celle de l’atterrissage pour la « ‘‘régression féconde’’ » du sociologue Lahouari Addi, descente que le poète voudrait la moins infernale possible. Dans le passage suivant, de la chanson Ceεlet let--aγ tafat « Eclairez-nous ! » (ch. 116), on relève deux métaphores, du concret pour l’abstrait : âadret wi ara tt-yerren yerren Γer er ger yiγuraf uraf Akken ad aγa -t-rêen
Gardez-vous de le mettre Dans la meule, De peur qu’ils l’écrasent.
(ch. 116, v. 114-116) On doit prendre garde garde à ne pas décider qu’il s’agit ici de métonymies car le rapport entre le sens propre et le sens figuré relève de l’analogie. Dans le second vers, il y a métaphore des meules pour « l’oppression » et de cassure pour la sous-évaluation, la domination. La traduction semble s’accommoder de ces figures contenues dans le texte kabyle. mmi--s Dans les deux exemples suivants, le premier de la chanson Tameγra « La fête », le second A mmi Umaziγ « Ô fils d’Amazigh ! », on relève une métaphore mettant en jeu le terme ifassen « les mains » avec, cependant, une divergence de sens figuré : Yeàwağ Yeàwağen ifassen
Qui nécessitent de l’aide,
(ch. 132, v.2) Tandis que dans ce premier exemple les mains est une métaphore pour « l’aide »/« l’entraide »/« le travail collectif » (beaucoup de mains), en vigueur en Kabylie jusqu’à une époque trsè récente, dans le second, ci-dessous, c’en est une métaphore pour « les forces » : Ahaw semlilet ifassenifassen-nni i ferqen wussan Ma mlalen kul ccedda ad tefsi
Ensemble, unissez vos forces trahies par le temps, L’union dissipe toutes les souffrances4,
(ch. 136, v. 25 et 26) On peut remarquer que la figure n’a pas été prise en considération dans la traduction, tout comme ussan « les jours » traduit par le temps (v. 25), ccedda ccedda par souffrances, fsi par dissiper (v. 26) (cf. traduction littérale, en note infrapaginale). Dans les deux exemples suivants, de la chanson Tameγra « La fête », sur fond de parallélisme, on relève deux métaphores non seulement lexicalisées mais fréquentes dans le langage ordinaire. La première est celle du cœur oppressé pour « la tristesse », on sait que dans beaucoup de cultures le cœur (ul) est le siège des sentiments, amoureux notamment (chez les Kabyles, le foie (tasa) est le siège de l’amour maternel). La seconde est celle de meurtrir les yeux pour « beaucoup pleurer ». On 4
Littér. (v. 25 et 26) : « Allez ! Faites se rencontrer les mains qu’ont séparés les jours ! S’ils se rencontrent chaque tension se déferait. »
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remarquera que s’il a été renu compte de la première dans la traduction, la seconde a été rendue par le terme propre, non métaphorique : pleurer : Babaas yeqber wulBaba-s γas wul-is
Son père, le cœur oppressé,
(ch. 132, v. 25) Ma d yemmayemma-s tejreà allenallen-is
Sa mère chérie pleure
(ch. 132, v. 27) Dans les quelques exemples suivants, relevés dans la chanson Tameγra « La fête » (ch. 132), on notre la présence de métaphores sortant du lot dans la mesure où elles renvoient à un moment de bonheur. Ainsi : Métaphore, dans le second vers, de la naissance (une deuxième naissance, une renaissance) pour « le bonheur » (des parents au mariage de leur fils) : LwaldinLwaldin-is i tt-yurğ yurğan AssAss-enn i dd-lulen
Ses père et mère, qui l’attendent, Tous deux renaissent ;
(ch. 132, v. 55 et 56) Métaphore, dans le premier vers, de l’obscurité pour « la tristesse » : Yeffeγ Yeffe éélam éélam segseg-wulawen Tessufeγ--it lehna Tessufe
Des cœurs est chassée l’obscurité, Que la paix a chassée,
(ch. 132, v. 65 et 66) Métaphore, dans le premier vers, du ‘‘greffage’’ de la joie pour « renouveler le bonheur » : BabaBaba-k di lferà ittleqqim mmi--s Ifreà i mmi
Ton père renouvelle son heur, N’es-tu pas son fils ?
(ch. 132, v. 73) Deux métaphores : celle de la broche dans le premier vers et celle du cœur guéri dans le second, toutes deux pour « le bonheur » : YemmaYemma-k tåeggemtåeggem-d abzim wul--is Yeàla wul
Ta mère s’est parée de sa broche, Car sauf est son cœur ;
(ch. 132, v. 75 et 76) Enfin, ce vers, qui clôt la première et la dernière strophe, strophes qui ont pour objet l’expression du bonheur (les moissons, les noces), est symbolique : la théière sur le feu et les beaux sourcils ne sontils pas des métaphores du bonheur ? Sers aberrad γer erer-lkanun A bu leεyun le yun
Mets la théière sur le feu, Beaux sourcils !
(ch. 132, v. 19 et 20)
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Dans le vers suivant, de la chanson Ssebba « La cause » (ch. 134), on relève une métaphore classique, celle d’ôter les entraves (ailleurs briser les chaînes) pour « libérer » : Γur ur wid iwmi kksen lqid
Ceux qui, libérés de leurs chaînes,
(ch. 134, v. 20) Dans le vers distique suivant, de la même chanson que le vers ci-dessus, on relève, dans le second vers, une métaphore classique de semer le vent : Ad ruàeγ ruàe a kk-ğğe ğğeγ ay akal I yimencaf izerεen izer en aÑu
Je t’abandonnerai, ô terre Aux méchants qui sèment le vent ;
(ch. 134, v. 64 et 65) métaphore des enragés semeurs de vent pour les « méchants fauteurs de troubles », qu’on rencontre aussi dans la langue française qu’en poésie kabyle contemporaine, notamment dans ce distique d’un poème du chanteur Farid Ferragui (chanson A widen yewt Rebbi « Les damnés de Dieu » : Wi izerεen izer en aÑu di tferkatferka-s YemgerYemger-d aγ aγebbar s allen
Qui sème le vent dans sa propriété Récolte de la poussière aux yeux.
beau passage qui ressemble à s’y méprendre au proverbe : Qui sème le vent récolte la tempête. « Celui qui produit des causes de désordre ne peut s’étonner de ce qui en découle. »
Dans le vers suivant, de la même chanson que le vers ci-dessus, on relève une métaphore qui reste classique en dépit de sa puissance évocatrice : Γer er wid tttt-iêêgen ur turiw
[chez ceux l’ayant traite (mais) elle n’a pas mis bas]
Auprès des déprédateurs ;
(ch. 134, v. 67) Cette métaphore, à la limite de l’allégorie, est celle de la traite [de la vache] sans qu’elle [la vache] ait mis bas pour « la déprédation ». Cette image rend compte d’un système pire que celui de l’économie de la cueillette : celui de la dilapidation, devenue une culture.
A la différence de la précédente, les deux métaphores contenues dans les deux vers suivants sont usuelles (on note un parallélisme avec antithèse) : A kwentent-nåeggem akkw uÑan Ma ulac rêagit rêagit wussan
[nous vous arrangerions toutes les nuits] [si non ils sont amers les jours]
Et nous meublerons vos nuits, De crainte des jours amers
(ch. 135, v. 10 et 11) Dans ce passage, autant nous avons une métaphore de l’arrangement des nuits pour la « paix »/« le bonheur » dans le premier vers, autant nous avons une métaphore des jours amers pour « l’amertume de la vie » dans le second.
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Dans le vers suivant, de la même chanson, on relève une métaphore particulière, non pas parce qu’elle est originale par rapport au langage ordinaire car il s’agit même d’une figure éculée. Sa particularité réside dans le recours même à la notion de « visage » et l’utilisation du terme visage s’agissant d’une notion aussi abstraite que « la jeunesse » : ZziefZzi-d γef ef-wudem n temêi temêi
Reviens au nom de la jeunesse,
(ch. 135, v. 23) S’agissant de la traduction, là où le kabyle privilégie le visage — l’arabe aussi : li waÜhi allah [pour le visage d’Allah] « au nom du Seigneur » — le français privilégie le nom. On peut dire que sur ce point précis le kabyle s’inscrit dans le réel et le français dans l’entendement, comme ne manque d’en témoigner l’exemple suivant, dans lequel on relève une métaphore de l’éducation par la contrainte, traduit par l’éducation par le devoir :
TrebbaTrebba-yaγya -d tmara
[elle nous élevés, la contrainte]
Eduqués par le devoir,
(ch. 135, v. 34)
Dans les deux vers suivants, que peut rassembler le terme tagmatt tagmatt « la fraternité », le premier, de la chanson A mmi mmi--s Umaziγ « Ô fils d’Amazigh ! » (ch. 136), le second, de la chanson Tarbaεt « Le groupe » (ch. 137) on relève deux métaphores, la seconde étant moins usuelle que la première : Abeàri n tegmatt a kwenen-idid-iêur d aàlawan
La brise de l’amitié vous caressera doucement,
(ch. 136, v. 27) Jemεet Jem et tagmatt a tttt-tesεum tes um
Préservez la fraternité ;
(ch. 137, v. 37) La première est une métaphore de la brise de la fraternité pour « le désir de fraternité », la seconde, celle du ramassage de la fraternité pour « la préservation » de celle-ci. Dans la strophe suivante, de la chanson Tarbaεt « Le groupe » (ch. 137), chanson dans laquelle on peut soupçonner une prédominance des considérations formelles — le jeu des acronymes — au détriment du sens, donc des assemblages où dominerait la substance de l’expression comme mode de signification du poème, on relève néanmoins une série de métaphores : Lwiz n tsusmi Awal a tt-idid-taγeÑ ta eÑ yesyes-s Issin tizi âader tawacÑa nn-yiles A dd-naγ na awal awal Yerna ma nessennessen-as azal Ad asas-tuγal tu al Tsusmi d tallalttallalt-ines
Le silence, qui est d’or, Te fera acquérir le Verbe ; Sache saisir l’occasion Et garde-toi de l’erreur ; Nous acquerrons le Verbe Et si nous lui reconnaissance sa valeur, Le silence lui sera Un soutien indéfectible.
(ch. 137, 44-51)
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Cette série de métaphores met en branle deux termes essentiels : tasusmi « le silence » et awal « le verbe », le poète reprenant en le modifiant l’idée du proverbe : La parole est d’argent, le silence est d’or : le louis d’or du silence pour « la valeur du silence » (v. 44), l’achat de la parole pour l’ « acquisition » (v. 45 et 48), la glissade de la langue pour l’erreur verbale (v. 47), le silence comme auxiliaire [du verbe]. Moralité probable : la parole s’acquiert, s’apprend par l’écoute (donc en observant le silence) ; tandis qu’on peut acquérir de l’argent avec de l’or, le contraire n’est pas évident : c’est ce que dit aussi le proverbe français. Dans le passage, de la même chanson, le poète n’a fait que modifier sur le plan syntaxique un dicton ancien en l’explicitant : WwinWwin-d tayerza nn-welγem wel em i tt--yeddhem Tirn a tt
[ce qu’il a labouré, il l’écraserait]
Qui retourne la terre
TayerzaTayerza-s ard a tttt-yeεfes ye fes
[son labour, il le piétinerait]
Et piétine son labour.
[ils apportèrent le labour du chameau]
Ont agi en chameau laboureur,
(ch. 137, v. 73-75) Le dicton kabyle étant Am tyerza tyerzayerza-nni nn-welγem wel em « C’est comme le labour du chameau », très fréquent, il s’agit donc, dans le premier vers, d’une métaphore lexicalisée in absentia du labour du chameau pour « le travail bâclé »/« le gâchis », avec maints détails explicatifs dans le second et le troisième vers. Le dicton kabyle doit sa pertinence au poids et à la largeur des peids du chameau, qui font de lui un mauvais laboureur, un pileur plutôt qu’un laboureur. Cette figure nous a semblé si évidente et si révélatrice que nous en avons tenu compte dans la traduction. Dans le distique suivant, de la chanson Di ssuq « Au marché » (ch. 138), le personnage, un troubadour, affirmant qu’il ne sait pas faire des poèmes, utilise la métaphore du cœur déversé pour signifier qu’il ne fait que vider son cœur plein de dépit : D ul i dd-yenneγlen yenne len ssineγ ad ssefru ssefruγ Ur ssine
Ce que mon cœur déverse Car je ne sais pas chanter
(ch. 138, v. 9 et 10) C’est en effet là une métaphore du cœur qui se renverse (et se vide de son contenu : le dépit) pour « l’esprit qui dit ». Dans la même chanson, on relève dans le premier vers du distique suivant une métaphore de la beauté du mépris dès qu’il s’est métamorphosé en faire-valoir : Yecbeà ddell mimi-ibeddel Wi ur nezmir yeqqar zemreγ zemre
Le mépris est beau quand il mue Et l’incapable prétend pouvoir.
(ch. 138, v. 25 et 26)
Dans le distique suivant, de la même chanson, on relève, dans le premier vers, une belle métaphore de l’épluchage des oignons pour « la simulation de pleurs », explicitée par ce qui peut être traduit par les pleureuses professionnelles. Le syntagme verbal sganayen « ils apprêtent » est à distinguer
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du syntagme sgnanen « ils endorment ». Il peut y avoir identité formelle à l’aoriste intensif (inaccompli = forme d’habitude) entre les deux, mais il convient de savoir que le premier est l’AI de sgani « poster » (< ggani « attendre ») et le second l’AI de sgen « endormir » (< gen « dormir ») : SeqcarenSeqcaren-aγ lebåel Sganayen--d wi ara yettrun Sganayen
Nous épluchant les oignons, Ils préparent les pleureuses
(ch. 138, v. 59 et 60) (ch. 139, v. 32-35) Dans le passage xsuivant, de la chanson Asiwel « L’appel » (ch. 141), on relève deux métaphores lexicalisées : celle de la vénération de la vérité (comme on vénère un dieu) pour « l’amour de la vérité » et de l’étau pour « l’oppression ». A wid iεebden i ebden tidett […]
Vous qui vénérez la vérité,
MeltMelt-aγ ma a γ--tebru tcerkett
Quand l’étau se desserrerait ;
(ch. 141, v. 17 et 19) De le vers suivant, de la même chanson, on relève une métaphore usuelle du foie pour « le courage ». Alors que nous avons déjà vu que chez les Kabyles le foie est le siège de l’affection maternelle, il est aussi symbole de courage : Sεut ut tasa gezmet afus
Ayez le courage, coupez cette main
(ch. 141, v. 22) Dans le distique suivant, de la chanson Amedyaz « Le poète » (ch. 142), on note une métaphore de la déchéance de la parole mesurée pour « la décrépitude » et la primauté de la force sur la sagesse, dans le premier vers, et de la cassure pour « la déchéance », effet de la violence, dans le second vers : Yeγli Ye li si lmizan wawal Yerêa--ya yaγ ccwal Yerêa
[il tomba de la balance le mot] [il nous cassa le trouble]
A quoi bon user du Verbe Devant le trouble qui brise,
(ch. 142, v. 25 et 26) Dans le même registre, on relève dans le vers uivant, de la même chanson, une métaphore de la force aux affaires pour « la violence comme recours » après l’échec de la sagesse : D ddreε ddre ara dd-isewwqen
[c’est la force qui allant être aux affaires]
Alors la force intervient :
(ch. 142, v. 39) C’est une métaphore légèrement lexicalisée, avec sewwe sewweq « faire le marché » (concret) pour sens propre et « être aux affaires »/« être aux commandes » pour sens figuré.
Dans les deux exemples suivants, on relève un exemple de métaphore la plus classique
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sémantiquement et syntaxiquement (énoncé nominal avec le prédicateur d, dérivée de la comparaison am watmaten « comme des frères ») : Di tmurttmurt-nneγ ne d atmaten
Car chez nous nous sommes frères ;
(ch. 142, v. 86) Udayen rranrran-d ttjara Nεac ac yidyid-sen d atmaten
Les Juifs ont réintroduit le négoce Et, tels des frères, nous vivons en harmonie ;
(ch. 146, v. 81 et 82) Dans les deux cas, il s’agit d’une métaphore : de la fraternité pour « l’amitié et la paix ». en fait, ce type de métaphore est très fréquent tant dans la poésie que dans le langage ordinaire. Ce qui est moins fréquent, aussi bien dans le langage ordinaire que dans la poésie kabyle, ancienne ou contemporaine, c’est la condensation d’images variées comme dans les strophes suivantes, de la chanson S ani tebγam an an--nruà « Où voulez-vous que nous allions ? » (ch. 143) : Yulief Temgué Yuli-d wagu γef d--yuli deg-wulawen Akken i d
La brume couvrit le Mont Et enveloppa les cœurs ;
Lεebd ebd akken ibγu ib u teêêuÑteêêuÑ-t a Yeğğ ğğa Ye ğğ a aêar ig afriwen
Vous avez beau fixer l’homme,
Lexyal n tmurt ma tettuÑtettuÑ-t a d--iêur allen Di tnaf a d
Oublie l’image du Pays
Un jour il s’envolera ; Et tu l’auras dans ton rêve :
(ch. 143, v. 1-6) Abondance de figures : comparaison de la brume qui escalade le mont de Tamgout5 l’enveloppe comme il enveloppe les cœurs (v. 1 et 2) (tertium comparationis : tristesse, nostalgie) ; métaphore de la plantation de l’homme pour la fixation (sédentarisation) ; métaphore de la racine et des feuilles (nature : parties de la plante, souterraine et aérienne) pour respectivement les origines — et le fait de rester au pays des Aïeux — l’envolée vers d’autres contrées ; métaphore de la silhouette du pays qui dans le songe visite les yeux pour — autre métaphore surréaliste — pour le désir du retour qui hante les esprits. YuliYuli-d wagu γeef Tleééaé yuli--d di lemnam Amzun yuli
Comme si ce fut dans un rêve ;
Amγar Am ar ii-yezwin tacÑaé
Le vieux secouant sa cape
La brume couvrit le Mont6
Tamgué, ici Tamgué Igawawen, est un toponyme, dans le Djurdjura, donc un nom propre, donc similaire à un emprunt, c’est donc un mot intraduisible. C’est à l’origine et sans conteste le féminin de amgud dont le sens étymologique est « bouture ». 5
Taleééaé est, comme Tamgué, un toponyme, un oronyme, donc un nom propre, c'est-à-dire un nom intraduisible. Pourtant sur un enregistrement vidéo le doublage en français donne « La brume monte sur le petit doigt », parce que le sens du nom commun kabyle taleééaé, est « auriculaire » (= « petit doigt »de aÑad « doigt » ?). Quant à nous, nous avons écarté la possibilité de conserver le terme kabyle, jugé peu euphonique et peu audible, et compte tenu du fait que ces noms (Tamgué et Taleééaé) n’ont été utilisés par le poète que comme prétexte, nous avons préféré traduire, mais traduire par un autre terme qui aurait la même évolution, le Mont (comme le Mont Saint-Michel, Montmartre, Montreuil, diminués de l’élément complément), une sorte de mont apatride, universel, poétique. 6
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Yekker la iteddu s axxam yettrağ twalaÑ--t Kul ass yettra ğu twalaÑ
Chaque jour il attendit
D arrawarraw-is ii-yessaram
Que ses enfants revinssent :
S’en alla rentrer chez lui,
(ch. 143, v. 7-12) Ici aussi, à l’instar de la première strophe, il y a abondance d’images7. La brume escalade le mont de Talettat comme s’il montait d’un (dans) un rêve. Le vieillard qui secoue le pan (de son burnous) et s’en va rentrer dans sa demeure, attend, chaque jour qui se lève, aspire à voir ses enfants. A ces deux strophes qui s’inscrivent dans le registre nostalgique, fait suite la strophe suivante, avec un style sentencieux, des sentences implacables : Argaz ma txuååtxuåå-it tidett a das--d-ixdem limin Ul i das
[l’homme si elle lui manque la vérité] [rien que lui ferait le serment]
Le serment ne lui profite ;
Yir aεeqqa eqqa yeğğ yeğğan ğğan tirect D lmal iwmi tt--ttawin
[le mauvais grain laissant le tas]
L’ivraie qui quitte le tas
[c’est au bétail qu’ils l’(em)portent]
Sera le lot du bétail ;
[l’aigle s’il lui manque la montagne]
L’aigle qui hante les vaux
Lbaz ma ixuååixuåå-it wedrar das--semmin Afrux kan ara das
[oiseau seulement qu’ils l’appelleraient]
Qui ne sait être sincère,
On le nomme simple oiseau ;
(ch. 143, v. 15-20) Peut-on dire qu’il y a langage imagé ici, figures ? L’homme auquel la sincérité fait défaut, peut-il être pris au sérieux ? A quoi lui servirait de jurer ? Peut-on lui accorder quelque crédit ? Le mauvais grain (l’ivraie ?) qui s’écarte du tas (au sens positif du terme) constitue la nourriture des bêtes (et non des humains). L’aigle sans sa montagne serait un vulgaire oiseau. Qu’est-ce qui unit ces sentences ? Les oppositions binaires, les antithèses : la vérité/le serment inutile – parjure ; le bon grain/l’ivraie ; l’aigle – la montagne/l’oiseau commun (passereau) – la basse altitude. S’agissant de la traduction, dans l’ensemble seul le vers 19 a été chamboulé dans la mesure où l’expression L’aigle auquel manque la montagne [l’aigle si la montagne lui manque], traduction littérale, orienterait la réflexion dans le sens de la possibilité qu’aurait l’aigle d’éprouver de la nostalgie. L’expression L’aigle sans sa montagne serait plus convenable mais elle nous a semblé trop courte au plan métrique. Nous avons finalement opté pour L’aigle qui hante les vaux, expression équivalente de L’aigle qui vole très bas et opposée de L’aigle qui habite la montagne (noter le verbe hanter mis à la place de habiter en raison de sa valeur fréquentative). Dans une certaine continuïté par rapport aux métaphores mettant engageant le terme afriwen, nous relèverons deux exemples de métaphores dans les passages suivants, le premier dans la chanson Γurwat « Prenez garde ! » (ch. 123), le second dans la chanson Ini Ini--asen « Dis-leur ! ». Mais signalons que le terme afriwen n’a pas le même sens dans les deux cas : dans le premier, il signifie « ailes », dans le second il signifie « feuilles » :
7 Un disquaire nous a raconté qu’une vieille, qui a tous ses fils en exil, pleure chaque fois qu’elle écoute cette chanson.
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Γurwat urwat ad yili yid--wen Ad teÑru yid
[faites attention il serait]
Prenez garde
[elle se passerait avec vous]
A ce qu’il n’advienne de vous
Am ééirééir-nni Γer er--lqebå a ter t-Ñeggren
[comme cet oiseau-là]
Ce qu’il advint de cet oiseau
[vers la cage ils le jetteraient]
Jeté au fond de la cage ;
YewweÑYewweÑ-d wasswass-agi Lqebå--is yelli Lqebå
[il arriva aujourd’hui]
Arriva le jour J,
Mi ii-yruà ad yali Kksen--as afriwen Kksen
[sa cage est ouverte]
Il vit sa cage ouverte,
[quand il alla monter]
Tandis qu’il voulut prendre son envol,
[ils lui enlevèrent les ailes]
On lui coupa les ailes.
(ch. 123, v. 33-40) Il s’agit, en fait, dans cet exemple, d’une métaphore filée ayant pour le point de départ une comparaison (vers 35) : métaphore de la cage pour « la prison », de l’ouverture de la cage pour « la libération », de la coupure des ailes pour « la castration » subie par les ex-prisonniers, qui fait d’eux des ‘‘eunuques’’, c'est-à-dire des ‘‘citoyens’’ inoffensifs pour la nomenklatura. Des métaphores filées dont le point de départ est une comparaison, on les trouve aussi dans la sixième strophe (comparaison à azger « le bœuf »). Des métaphores filées similaires mais dont le point de départ n’est pas une comparaison cette fois-ci, mais la métaphore du bâton qui convient à la loi et à l’âtre (asγar as ar iwalmen i lqanun d lkanun), se trouvent dans la septième strophe : Γurwat urwat a kwenen-rren A wid itettun D asγar as ar iwalmen I lqanun d lkanun Lmal iruàen YesYes-s a tt-idid-rren Mi kfan a tt-rêen YesYes-s ad sseàmun
Prenez garde à ce qu’on fasse de vous, Ô vous qui êtes atteints d’amnésie, Le bâton approprié A la loi et au feu de l’âtre ; Qui servirait à rappeler Le troupeau égaré ; Et qui, le troupeau maîtrisé, Serait bon pour le chauffage
(ch. 123, v. 49-56) La métaphore du fameux bâton bifonctionnel dont il est question dans le premier, le troisième et le quatrième vers — le second est une apostrophe, une incise — est continuée par l’explicitation des deux fonctions supposées du bâton : le rappel du troupeau égaré (« la loi ») dans le cinquième et le sixième vers, le chauffage (« l’âtre ») dans le septième et le huitième vers.
Comme signalé ci-dessus, le vers suivant comprend une métaphore de la dominance du grain par rapport au feuillage pour « l’abondance » : Làebb iγleb i leb afriwen
Les récoltes sont abondantes,
(ch. 146, v. 51) Cette métaphore, qui n’a rien d’original, en ce sens qu’elle relève d’une littérarité générique. Plantant le décor en pleine campagne, c’est par elle que le paysan exagère l’abondance de la récolte pour exprimer son entière satisfaction. On voit là une figure de l’optimisme mais cet otimisme n’est que mensonge passager car il faut la placer dans son contexte, le contexte de la chanson Ini-asen « Dis-leur ! », qui est celui d’un pessimisme sans limites. Dans la traduction, il n’a
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été tenu compte de la métaphore : le traducteur a préféré ‘‘traduire’’ la métaphore dans le langage ordinaire : Les récoltes sont abondantes. vs Le grain surpasse les feuilles. Dans le distique suivant, de la chanson Aseggwas « L’ « ‘‘heureuse’’ année » (ch. 144), on relève une belle métaphore bien qu’elle apparaisse comme classique : Nekker i wuzlig a tt-nellem Ad aaγ--yeÑmen taduli
Nous avons tressé l’écheveau Qui nous assure couverture ;
(ch. 144, v. 35 et 36) Il s’agit de la métaphore du tressage du ‘tordu’ probablement pour « la mauvaise laine », métaphore alibi intermédiaire car le terme uzlig s’applique à une personne « à l’esprit tordu ». Dans le distique suivant, de la même chanson, on relève cette métaphore plutôt ambiguë en kabyle : A wid tttt-iàemmlen Amek ara tmedlem allen
[ô ceux l’aimant]]
Vous qui l’aimez la Patrie,
[comment que vous fermeriez les yeux]
Vous en détourneriez-vous ?
(ch. 144, v. 83 et 84) Il s’agit de fermer les yeux soit pour faire semblant de ne pas voir (cautionner une injustice, par exemple) soit pour dormir du sommeil du juste. En français, le problème n’en est pas un : dans le cas où on veut signifier « dormir » on utilise le singulier : fermer l’œil, dans le cas où on veut signifier « faire semblant de ne pas voir », on utilise le pluriel : fermer les yeux. Bien qu’en kabyle existe Nsiγ Nsi tiétié-iw ur teqqin. [j’ai passé la nuit mon œil n’est attaché] « Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. », il y a problème : nous craignons que cette expression soit sujette à interprétation, d’où la possibilité pour ce vers de recevoir deux traductions au moins… A côté de la nôtre la suivante est possible : Amek ara tmedlem allen
[comment que vous fermeriez les yeux]
Dormiriez-vous en paix ?
Comme on l’a dans le sens d’ « assister quelqu’un au moment de sa mort », qui constitue la chute du long ÉuhdeγÉuhde -t mi ss-medleγ medle allenallen-is « Je lui ai juré lorsque je lui ai fermé les yeux. » (ch. 64, v. 144) du poème Anida nn-teğğam mmi « Où avez-vous laissé mon fils ? » (ch. 64). Dans la strophe suivante, de la chanson Aseggwas « L’ « ‘‘heureuse’’ année » (ch. 144), on relève une série de figures : MiMi-yeffeγ yeffe useggwas yewweÑ Yusa--d wejdid s waÑu Yusa
L’année venue à son terme, La nouvelle vint en trombe ;
Wissen acu ara γ--idid-yessiweÑ u a d--yegl a dD ac i d d-yennulfu
Que nous apporterait-elle ?
Nenwa yusayusa-d a tttt-yefreÑ D aaγebbar ebbar i γ--d-irennu
Est-elle venue assainir
AÑu i daγda -yessnen Nennum aaγebbar ebbar s allen
Ô vent, toi qui nous connais,
w
YekcemYekcem-d usegg as s laê
Qu’apporte-t-elle de nouveau ? Ou aggrave-t-elle les choses ? Ta poussière nous connaissons ; L’an inaugure la faim
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çåber mačč mačči čči d ayen nxuå Nefka--yas leb lebγi i we weγêaê Nefka êaê Yugi wekmaz a γ--yifsus Ikkat--aγ lhemm nettaê Ikkat i
Et nous, armés de patience, Nous nous mordillons Et ne cessons de nous gratter ; La misère nous enfonce
S an ara nessiweÑ agus Win yenfan amek
Et la famine nous guette ;
Wi iqqimen iåεeb iå eb ii-usellek
Rester, peut-il nous sauver ?
Partir, est-ce la solution ?
(ch. 144, v.85-100) En effet, mis à part quelques vers, cette strophe foisonne de tropes : Métaphore de la nouvelle année qui arrive avec du vent pour soit la tempête dans le domaine politique soit tout simplement pour du vent ! c'est-à-dire rien ! (v. 86) Cette deuxième possibilité peut être exclue si l’on considère les vers 89 et 92 ; l’année est censée être venue balayer pour faire le ménage (pour assainir, encore une autre figure !) (v. 89) mais finalement il ajoute de la poussière … à laquelle nous nous sommes accoutumés. (v. 90, 91, 92) Cette année est celle-là même qui fit son entrée accompagnée de la famine, les éléments liés à la famine sont : donner le libre cours aux démangeaisons, le ‘grattage’ refuse de s’alléger, la misère nous frappe et nous nous en approchons chaque fois un peu plus, jusqu’où serrerons-nous la ceinture ? Dénigrement Dans le distique suivant, de la même chanson, on relève deux métaphores : Sked wi s yegla waÑu Kečč Ke čč tejguggleÑ di tsennant
Vois ceux que la tempête a emportés Tandis que tu t’accroches à une épine
(ch. 144, v. 103 et 104) Pour la première, celle de d’être emporté par le vent, on ne pourra que renvoyer aux autres métaphores impliquant le terme aÑu « le vent », et elles sont nombreuses : en tout état de cause, le sens figuré est toujours « la situation de violence, de terrorisme » (en Algérie). Quant à la métaphore du cramponnement à une épine pour l’obstination8 à rester au pays (malgré le terrorisme), qu’on trouve dans le poème DiriDiri-yi « Mauvais suis-je ? » (ch. 150) : Ma jguggleγ jguggle degdeg-wakalwakal-iw
Reste attaché à ma terre,
(ch ; 150, v. 33) La métaphore a été reconduite dans la traduction car elle est attestée dans le même sens figuré, comme il a été tenu compte de la métaphore dans l’exemple suivant, de la même chanson (144) : TenniÑ amek ara nebÑu Ger yiεeqqayen eqqayen di tremmant
[tu dis comment que nous distinguerions]
Et tu te refuses à séparer
[entre les grains dans la grenade]
Les grains d’une même grenade :
(ch. 144, v. 105 et 106)
8
Dans ce vers, en dépit de l’utilisation de la deuxième personne, c’est l’auteur lui-même, comme dans l’exemple suivant, qui s’obstine à rester chez lui, dans son pays natal, dans son village, dans sa maison, ce qui lui a valu les critiques les plus acerbes de la part de ses détracteurs.
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exemple dans lequel, à bien y regarder, la traduction ne signifie pas grand-chose : c’est une reproduction fidèle du texte original et par dessus toutes les difficultés, l’image n’est pas transparente. Si le sens figuré est « les enfants d’une même mère »/« les frères »/« les concitoyens », etc., on pourrait avoir la traduction qui utilise le terme nichée dans son acception familière : les enfants de la même nichée ? Dans le distique suivant, de la même chanson que l’exemple précédent, on relève deux métaphores, bien que le sens figuré du second verbe du second vers n’est pas transparent : Nnif aseééaf Ur irehhen ur dd-ittwaééaf
[le point d’honneur noir] [il ne s’hypothèque ni ne se loue]
C’est cela l’honneur têtu, Qu’on ne pourrait aliéner,
(ch. 144, v. 107 et 108) Si dans le premier vers, la métaphore du point d’honneur ‘charbonneux’ pour « l’honneur têtu, obstiné » est plausible, celle qui implique le second verbe du second vers n’est pas évidente. Il semblerait que pour le premier verbe la métaphore soit celle de l’hypothèque, ils se pourrait celle du second soit le métayage : si tel est le cas, on aura [il ne s’hypothéque ni ne se loue] = « inaliénable », d’où la traduction par le seul verbe aliéner.
Dans le distique suivant, de la même chanson, on relève cette métaphore lexicalisée (on fait abstraction du problème de construction : la préposition s « à l’aide » mise pour d « avec »/« et ») : Lqella n tezmert s nnif Seγrasen Se rasen ula d ssnasel
[le peu de force à l’aide de l’honneur]
Qui, malgré le peu de force,
[ils déchirent même les chaînes]
Brise jusqu’aux chaînes ;
(ch. 144, v. 109 et 110) Cette métaphore est celle la déchirure pour « la brisure » et des chaînes pour « l’asservissement ». Les deux métaphores qu’on trouve dans le passage suivant, de la chanson Aseggwas « L’‘‘heureuse année » (ch. 144), mérite d’être répertoriée comme métaphore neuve : Ma d yir tagmatt d aγilif a ilif i ra dak--yennåel D acaqur m a dak Ma yeffe yeffeγ effe afusafus-ik i d--yezz ad yeglu s yiriAd yiri-k
Les mauvais frères sont source de soucis, Et tels une hache qui se détache, Et qui s’échappe d’entre tes mains Pour venir te fendre le cou.
(ch. 144, v. 113-116) Métaphores in praesntia du souci pour « la méchanceté », dans le premier vers, puis de la hache qui se détache (du manche) pour « l’effet retour », dans le second vers, avec un apendice explicatif dans le troisième et le quatrième vers : le retour de la hache et la coupure de la tête de celui qui la tient car mieux vaut avoir comme ennemi un étranger plutôt qu’un frère.
Autre métaphore classique et lexicalisée est celle contenue dans le vers suivant, de la chanson Diri--yi « Mauvais suis-je ? » (ch. 150) : Diri
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Ma γeef-wenyirwenyir-ik deεwessu de wessu
[si sur ton front la malédiction]
Si ton âme est anathème,
(ch. 150, v. 59) Métaphore du front (concret) pour l’âme (abstrait) et de la malédiction associée au front pour le destin tragique ou l’aventure meurtrière. On sait que chez les Kabyles le front est le siège du destin, de ce qui est écrit, comme l’atteste le cliché ayen yuran di twenza « ce qui est écrit sur le front » (tawenza étant le synonyme de anyir). S’agissant de la traduction, front n’ayant pas les mêmes connotations (« la lutte »/ « le combat ») que anyir (« destin »/ « chance »/ « sort »), nous avons évité de traduire celui-ci par celui-là. Pour des raisons sémantiques donc, nous avons préféré traduire anyir par âme mais la traduction de deεwessu de wessu par anathème obéit à la contrainte du mètre (heptasyllabe, alors que malédiction seul et sans diérèse compte déjà quatre syllabes !). En fait, là n’est pas le seul problème de traduction : bien que l’une et l’autre des deux phrases, du texte kabyle et de la traduction française, soient des phrases nominales, elles n’ont pas le même SPN ; la phrase kabyle étantt moins solidaire de la copule d que ne l’est la phrase française de la copule (c’)est, la traduction a été allégée : elle aurait pu être : Si dans ton âme il y a malédiction. Dans le passage suivant, seconde moitié de la seconde strophe de la chanson Igenni Igenni--m « Ton firmament » (ch. 62), on relève une série de figures dont nous discuterons ci-dessous la traduction de Tassadit Yacine : Imi d aÑu yewwiyewwi-kemkem-id i Γur ur-- isers isers--ikem ikem--id ur
Puisque le vent t’a amenée Et déposée près de moi,
TzenzeÑ asuÂdi s rryal Awi--d amezzir, awi awi--d Awi
Tu as une chance inouïe :
S ulul-iw freÑfreÑ-itit-id seg--yir awal Ad yifsus seg
Et nettoie mon cœur,
Prends un balai, je t’en prie, Allège-le des durs mots.
(ch. 62, v. 19-24) T. Yacine (p. 134) traduit ce vers 21 [tu vendis le sou avec des réaux] par Tu as troqué une obole pour un louis. Si l’obole symbolise en effet la menue monnaie et le louis l’or, on relève en revanche dans cette traduction une faute de syntaxe : le verbe troquer fonctionne avec la préposition contre et non pour. En sus, ce vers étant logiquement le corollaire des deux précédents, celle à qui s’adresse le poète étant arrivée près de lui et lui-même ne pouvant se déprécier, la métaphore du louis le concerne : celle que le vent lui a donc destinée doit s’estimer heureuse, d’où cette traduction. T. Yacine (p. 134) traduit ce vers 22 [prends-vers ici balai prends-vers ici] par Prends une branche de romarin et justifie cette traduction en notant que « Du romarin on faisait des balais ou des brosses pour nettoyer les outres contenant du petit-lait. », En effet, le sens propre de amezzir est « romarin »/« lavande », mais il signifie aussi « balai » (Dallet, p. 530) et si le balai était fait de romarin ou de lavande, il est fait aussi de bruyère ou, pour tamezzirt (fém.) « petit balai » (ou « pied de lavande » et non pas « branche de romarin »), de palmier nain. On voit bien que amezzir au sens de « balai » est une synecdoque de la matière (« lavande »). On voit bien qu’il s’agit d’une
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« opération de purification » du cœur et qu’exprime, dans le vers 23, le verbe freÑ « nettoyer »/« balayer »/ « éliminer les saletés »/ « vider » (Dallet, p. 220), à connotation violente, et que confirme, dans le vers 24, la proposition ad yifsus seg yir awal [il serait allégé de la mauvaise parole] et le coup de balai conviendrait mieux à la situation, plutôt qu’une menue branche de romarin. Cette hypothèse est corroborée par ce proverbe qu’on retrouve dans Dallet (p. 220) : axxamaxxam-is ur tt-idid-tefriÑ, lÜameε lÜame teééefteééef-as amezzir [sa maison elle ne la balaya, la mosquée elle lui prit le balai] ou, mieux, axxamaxxam-is ur asas-yezmir, lÜameε lÜame iééefiééef-as amezzir [sa maison il ne lui put, la mosquée il lui prit le balai], un peu l’équivalent de fr. On doit d’abord balayer devant sa porte… Notons l’insistance du poète par la répétition du syntagme prédicatif verbal (impératif singulier = forme nue) awiawi-d après le nom complément d’objet direct amezzir, ce qui corrobore davantage l’hypothèse de l’acte violent, le balayage, donc du balai. Dans la strophe suivante, de la chanson Ttsellimeγ fell fell--awen « Je vous salue ! » (ch. 117), on relève une série de mtépahores : Urfan izedγen ized en ulawen yezdeγn I-yezde n adrar εlay ay S azaγar aza ar mi dd-nneγlen nne len Wwin--d llğ Wwin ğehd umeslay
La colère qui habitent les cœurs Des prestigieux montagnards, Lorsqu’elle atteignit la plaine, Apporta la force de la parole.
(ch. 117, v. 21-24) De premier abord, cette strophe est composée d’un seul énoncé et le syntagme prédicatif wwinwwin-d « ils apportèrent » est dans le dernier vers. En suite, on peut dire que dans chaque vers il y a une métaphore : dans le premier, c’est celle de la colère qui habitent les cœurs ; dans le second, celle des montagnes hautes pour « la dignité » ; dans le troisième, celle du renversement (des cœurs) ; la quatrième, celle de la force du verbe. Dans le distique suivant, de la chanson Imsebriden « Les pèlerins », on relève cette métaphore lexicalisée de la satiété dans le cœur, sur fond de mise en relief et d’antithèse faim/satiété : Ulac laê Tawant deg wul i tella [la satiété, c’est dans le cœur qu’elle est]
Il n’y a point de faim Car la satiété est dans nos cœurs
(ch. 121, v. 18 et 19) inversion éclairée du modèle ddiq deg wul (i yella) « l’étroitesse [est dans le cœur » qu’il faut comprendre comme suit : quand on reçoit quelqu’un, s’il est le bienvenu, alors on lui fait une place dans la maison en dépit de l’exiguïté des lieux, car il a déjà une place dans notre cœur (c'està-dire notre esprit) ; mais comme ce modèle est ambigu et que pour être saisi il requiert la complicité des deux hôtes (celui qui reçoit et celui qui est reçu), notre poète ‘‘corrige’’ les Anciens et inverse la donne : La satiété est dans les cœurs au lieu de La faim est dans les cœurs, sur le modèle ‘‘redressée’’ : La largesse (est) dans le cœur au lieu de L’étroitesse (est) dans le cœur. Cette métaphore est un renouvellement d’une formule consacrée, comme la suivante, de la même chanson : AluÑ yektal
Et la boue abonde
(ch. 121, v. 31)
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Métaphore usée : AluÑ yektal signifie ici que « la boue est abondante. » et au premier degré [la boue mesura] et tout se passe comme si la boue avait agi à la manière d’un géomètre du cadastre, comme si elle avait métré, ‘‘balayé’’ les lieux, d’où le rapport entre le sens propre et le sens figuré. Mais on a autre chose dans le vers suivant, une métaphore de être mesuré pour être bradé (le pays) : Ini-asen àsebtàsebt-tt tektal
[dis-leur comptez-la elle est mesurée]
Dis-leur que c’en est fait d’elle,
(ch. 133, v. 28) xemsa--u-rebεin « L’exil de 1945 », on relève un Dans les exemples suivants, de la chanson Lγerba n xemsa certain nombre de métaphores classiques : èélam yeγli ef tudrin ye lili-d γef
Nos villages sombrent dans les ténèbres.
(ch. 122, v. 33) Cette métaphore est celle de l’obscurité pour la misère.
Rekbeγ Rekbe di lbabur yuγwas yu was
A bord du bateau, qui donna le signal du départ,
(ch. 122, v. 47) Cette métaphore verbale, que la traduction a ‘‘trahie’’, est celle de la vocifération pour le « signal du départ ». Le sens littéral de l’énoncé Rekbeγ Rekbe di lbabur yuγwas yu was étant [je montai dans le bateau il hurla], la traduction aurait pu en effet être plus innovante, moins infidèle, comme par exemple : J’étais déjà bord quand le bateau hurla le départ ! NnanNnan-d dinna laê nγan n anan-t
[on dit là-bas la faim ils l’ont tué]
Où, nous dit-on, la faim a été éradiquée ;
(ch. 122, v. 63) Dans ce vers, nous avons une double métaphore in absentia : celle la faim pour « la misère » et celle de tuer pour « éradiquer ». Nous avons donc Là-bas, dit-on, la faim ils l’ont tuée pour « Là-bas, dit-on, la misère, ils l’ont éradiquée. » On prendra garde à la possibilité qu’il n’y ait qu’une seule métaphore dans ce vers, qu’il faille prendre le terme laê « faim » au pied de la lettre : après tout, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, comme le dit le poète, Quand nous avons faim, nous faisons des poèmes : Mi nelluê anan-nessefru
Le poème qui apaisait notre faim
(ch. 122, v. 39)
Dans la même chanson, une autre métaphore classique, nominale avec l’auxiliaire de prédication d dans les deux premiers exemples, qui implique le terme asalas « la poutre maîtresse », métaphore du concret pour l’abstrait : Di lxedmalxedma-ines d asalas Adrim aéas
[dans son travail c’est maître]
Il est maître dans son travail
[l’argent, beaucoup]
Et bien rémunéré.
(ch. 122, v. 78)
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Cette métaphore est celle de la poutre maîtresse pour « le chef ». A wenwen-yuγal yu al d asalas
Qui fasse de lui votre maître,
(ch. 137, v. 41) Dans ce vers, la métaphore est celle de la poutre maîtresse pour « chef »/« maître ». Mais dans l’exemple ci-dessous, le terme asalas n’est pas le responsable direct de la métaphore ; il n’est que le résultat, c'est-à-dire qu’arrivée à son niveau, la métaphore s’est essoufflée : la source de la métaphore est l’aunée [Inula viscosa] pour « fragilité » dont on a fait une poutre maîtresse, alors que cette plante est une plante herbacée : Ula d amgraman Nenjer--d ssegNenjer sseg-s asalas
Et de la tige de l’aunée Nous avons fait une poutre ;
(ch. 138, v. 39 et 40) En réalité, cette figure est plus une allégorie car elle caractérisée par le double sens : au sens propre, transparent, on doit faire faire correspondre un sens figuré, caché, celui de confier sa destinée à qui n’en est pas digne… Cette métaphore est comparable à celle qu’on relève dans le distique suivant, de la chanson Гurwat « Prenez garde ! » (ch. 123), la plante uffal « férule » étant, elle aussi, symbole de fragilité : AfudLe solide chêne tant espéré, Afud-nni γeef tettekleÑ [la jambe sur laquelle tu avais compté] yuγal al--d d uffal [tu te levai, il devint férule] Qui devint roseau dès que tu fis appel à lui, TekkreÑ yu al
(ch. 123, v. 13 et 14) Métaphore in praesentia : de férule pour faiblesse. Chez les Kabyles, uffal « férule » est symbole de faiblesse tandis que uzzal « fer » est symbole de force9. Remarquer le hasard des correspondances formelles entre les deux langues : uffal et uzzal ont la même structure phonologique — ils ne diffèrent même que par la consonne intervocalique et férule aurait pu être le diminutif de fer, donc de moindre force ! Les métaphores impliquant le terme uffal uffal sont à comparer, à opposer à celles impliquant le terme uzzal, qui sont nombreuses et dont voici une, relevée dans la chanson Amedyaz « Le poète » (ch. 142) : Tiwwura d uzzal Tin telliÑ medlent snat
Car des portes en fer Ouvres-en une et deux restent fermées ;
(ch. 142, v. 20 et 21) Une autre métaphore à la limite de l’allégorie : par-delà les portes en fer, expression qui a tout à fait un sens propre, l’auteur pointe « la fermeture du champ politique »/« la dictature ».
9
On pourrait se reporter ici-même à l’évocation de la férule par le poète ancien Si Mohand ou Mhand (ch. 1, v. 34), comme support, concret ou abstrait, sur lequel on ne peut compter. M. Mammeri (1969 : 117, note 2), dans sa traduction d’un vers similaire, note : « Expression proverbiale. La tige de férule est peu résistante ». J.-M. Dallet (1982 : 204) note, comme second sens du terme le sens, métaphorique, qui fait de la férule un « symbole de fragilité » et donne l’exemple (p. 205) taxxamt n wuffal [petite maison de férule] « ménage peu solide, qui ne tiendra pas ».
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Dans la foulée des métaphores nominales avec auxiliaire de prédication nominale d, en voici une, relevée dans la chanson Tamurt Tamurt--nneγ « Notre pays ou la culture du désert » : Tamurt d tarbut yekfan
[le pays est un plat étant fini]
Le pays, tel un plat vide,
(ch. 125, v. 18) Le terme tarbut « le plat », écrit ainsi (avec a, à l’EL et non avec e, à l’EA), il y a métaphore du plat fini pour « la patrie dilapidée, pillée ». Dans le distique suivant, de la chanson Tagmatt « La fraternité » (ch. 124), on relève une autre métaphore plus que classique : AnAn-nesseγres nesse res yakkw ssnasel ssnasel d--ncerreg lebàer d yigenni Ad
Nous briserons les chaînes Et pourfendrons ciel et mer.
(ch. 124, v. 11 et 12) C’est une métaphore qui peut être qualifiée d’ ‘‘universelle’’ : seγres se res ssnasel « briser les chaînes » y pour (se) libérer ; et cerreg lebàer d igenni « déchirer la mer et le ciel » pour venir résolument au secours de… Déchirer le ciel existe aussi en français dans L’éclair déchire le ciel… mais en kabyle, est agent de cerreg lebàer d yigenni respectivement le bateau et l’avion, à moins que l’auteur décide que les agents de ces actions soient des hommes qui traversent la mer à la nage et le ciel en volant de « leurs propres ailes ». Dans la même chanson, on relève ces deux métaphores classiques : de notre montagne (adraradrar-nneγ nne ) pour « notre honneur »/ « notre culture », dans le premier vers, et de relever la tête pour « être fier », dans le second vers : Yefka[elle donna à nous, notre montagne] Yefka-yaγya -d udrarudrar-nneγ nne aqerru Ayen i s ara nerfed aqer ru [ce avec quoi nous relèverons la tête]
Notre chère montagne nous a dotés De tout ce qui fait notre fierté.
(ch. 124, v. 25 et 26) Notons que si la traduction a pas tenu compte de la métaphore de la montagne dans le premier vers, elle a en revanche ignoré celle relever la tête/tête haute pour « la fierté »/ « la dignité » et privilégié l’expression propre.
Dans le vers suivant, de la même chanson, on relève une métaphore de la guérison pour « l’amélioration ». Le sens propre de teàla est « elle est guérie » : Kulmi teàla Tdukli--nsen Tdukli
Chaque fois que se rétablit Leur union,
(ch. 124, v. 37 et 38)
Une métaphore similaire peut être relevée dans la même chanson, qui implique le verbe aÑen « être malade », antonyme de àlu « guérir », une autre métaphore du concret pour l’abstrait :
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Nàulfa s tagmatt tuÑen
Et sent-on notre fraternité morbide.
(ch. 124, v. 42) Cette métaphore est celle de la fraternité malade (tagmatt tuÑen tuÑen) pour « la fraternité défectueuse ». Suit une métaphore antidote, en cohérence avec la métaphore ci-dessus : soigner, traiter la fraternité malade pour « réparer »/« rétablir » (pas au sens inhérent à la santé), dans ce vers qui y fait écho : AnAn-ndawi tagmatt yuÑnen
Et de sa maladie guérirons notre fraternité.
(ch. 124, v. 50)
Dans le vers suivant, de la même chanson, on relève une métaphore des plus classiques, du concret pour l’abstrait : Ara yezraεn taεdawt ta dawt gargar-asen
Pour semer entre eux le trouble ;
(ch. 124, v. 40) Cette métaphore, seme l’inimitié (zreε zre taεdawt ta dawt) pour « provoquer l’inimitié », est lexicalisée, voire universelle : elle a été traduite telle quelle et le verbe semer la rend admirablement. Dans le vers suivant, de la même chanson, il y a une métaphore classique, celle de la glissade (tawecÑa) pour l’ « erreur » : AnAn-nessebded widak yeccÑen [nous mettrons debout ceux ayant glissé]
Nous ramènerons les égarés,
(ch. 124, v. 48) Cette métaphore verbale est précédée par une autre, plus classique : celle de remettre debout (sebded) pour « redresser », dont l’équivalent français serait redresser, mettre sur pied… Dans la pratique pédagogique actuelle, il semblerait que le sens métaphorique de ces deux termes sebdedet cce cceÑ ait été adopté comme sens commun, respectivement pour « mettre sur pied » et « avoir tort »/« se tromper », avec, pour ce dernier un néologisme formel comme antonyme : zref « avoir raison »/« voir juste ». Dans le passage suivant, de la chanson Amusnaw « Le Sage » (ch. 126), on relève deux métaphores qui mettent en jeu la langue (l’organe) et le verbe (la parole) : Anda illa yiles iqesàen Yir ameslay qbel a ss-d-ibru A ss-rreγ rre awal ilaqen A tt-idid-yehder d asefru
Des langues virulentes, où qu’elles soient, Avant de lâcher une parole, Je leur en conseillerais la bonne, Dont elles feraient un poème ;
(ch. 126, v. 13-16) La première métaphore, dans le premier vers, est celle de la langue virulente pour « la violence verbale », et celle, dans le second vers, du poème pour « la parole douce ». Ce passage rappelle celui, virulent et revanchard, de ce distique de la chanson Ne NeÜÜ ÜÜaa-yawen amkan « Nous vous ÜÜ
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laissons le champ libre. » (ch. 149), dont la métaphore est celle de ceux qui distillent leur venin dans la plume pour « plumitifs diffamateurs » : A wid yesmaren Ssemm di leqlam
Vous avez versé Le venin dans la plume ;
(ch. 149, v. 75 et 76) Dans le passage suivant, de la chanson Amusnaw « Le Sage » (ch. 126), on relève une série de métaphores du concret pour l’abstrait : Neêra asirem la iγelli i elli Ur nufi ansi ara dd-yettwaééef Nγunza unzaunza-t armi i γ--yugi teγmert neğğ ğğa Di te mert ne ğğ a-t yekref yekref
Nous voyons l’espoir choir Et ne savons par où le retenir, Nous l’avons boudé, il nous a repoussés, Nous l’avons laissé infirme dans son coin ;
(ch. 126, v. 25-28) Ce sont les métaphores respectives de la chute de l’espoir pour « sa disparition », dans le premier vers, de être tenu pour « être maintenu », dans le second vers, du paralytique dans un coin pour « l’être abandonné », dans le quatrième vers, avec une tentative de personnification au troisième vers : Nous l’avons tellement méprisé qu’à présent il nous renie. Dans le vers suivants, de la chanson Amedyaz « Le poète » (ch. 142), on relève une métaphore des plus classiques et des plus usuelles : çeggmençeggmen-aγ wussan
Nous jours se sont améliorés
(ch. 142, v. 67) Cette métaphore est celle de l’arrangement des jours pour « l’épanouissement ». Le contraire serait : « Les jours sont tordus. » (ou xerben wussan « Les jours sont brouillés. »), comme dans le vers suivant, de la chanson Ma selbeγ « Si je divague » (ch. 20) :
εewğen ewğen wussan
Tura mi εewğen ewğen wussan
Maintenant que les jours sont de travers,
(ch. 20, v. 25) Meεni Me ni ma lliγ lli d amusnaw beddleγ tikli tikli--k A lqum ma beddle
Mais hélas ! si j’étais un Sage,
A dd-yas Rebbi di tirgatirga-w d--yini lhu d yiman yiman--ik Ad
Dieu viendrait dans mes rêves
Peuple ! si je changeais ta conduite, Me dire de m’occuper de moi-même.
(ch. 126, v. 69-72) S’agit-il ici d’une pointe ? d’une allégorie ? Dieu est-il ici le symbole de l’égoïsme ? Dieu est-il ici l’anti-sagesse ? Comme ci-dessous : Peut-on parler de formule dans le cas des vers 131 et 132ci-dessous ? D Rebbi i ttussen tt-idid-iεussen yettεemmid Ur yett emmid i lmutlmut-is
Et Qui ne voudrait sa perte ;
Imi tnedhem yesyes-s
Vous vous en remettez à Lui,
Mais c’est Dieu Qui la protège
___ 272
TewweÑTewweÑ-awen tfidi s iγes i es
C’est que vos plaies sont profondes.
(ch. 144, v. 129-132) Yewεer Yew er zznad ll-leεrur le rur
Car perfide est la détente des lâches.
(ch. 147, v. 4)
Dans le vers suivant, il y a une métaphore de rallonger la corde pour « tolérer » ou encore « élargir », que la traduction n’a pas pris en compte : Wid i sensen-isγezfen is ezfen amrar
Ceux qui avaient jusque-là toléré leurs exactions
(ch. 146, v. 45) Cette traduction est une interprétation de la métaphore dans le sens de « tolérer ». On peut l’interpréter bdans le sens « élargir » (= « mettre en liberté ») : dans ce sens, le vers aurait pu être traduit par Ceux qui les ont élargis, de façon à allier le langage métaphorique (élargir pour « mettre en liberté) et le mètre (heptasyllabe). Dans le passage suivant, de la chanson Tagmatt « La fraternité », on retrouve quelques métaphores lexicalisées : Aêar yella yidyid-neγ ne d arfiq ur--wen èéfet tissas lembat γur ur Mi dd-tewweÑ tizi n ééiq Aql--aγ ar yidis yidis--nwen Aql
Nos racines, enfouies en nous, Tenez bon !, nous poussent à vous rejoindre ; Et au moment critique Nous serons à vos côtés.
(ch. 124, v. 13-16) Ce passage mérite d’être relevé bien que les métaphores qu’il contient soient chez les Kabyles des métaphores usées, comme aêar « racine » pour laåel « les origines »/« la race », éṭef tissas « tenir le courage » pour « tenir bon »/« rester solidaire », tizi n ééiq « le col de l’étroitesse » pour « les circonstances difficiles », idis « flanc » pour tama « côté »/« parti » (concret pour abstrait). Remarquer la correspondance entre les deux langues s’agissant de la polysémie de idis/côté, d’où la facilité de traduction (v. 16).
Il est question dans l’exemple précédent d’une métaphore usuelle mettant en jeu le terme tizi. Nous en reprenons, dans ce qui suit, d’autres métaphores mettent en mouvement ce terme, sur des exemples pris dans cinq chansons différentes, respectivement Tiregwa « Les canaux » (ch. 145.9), Abrid n temêi « Itinéraire d’une jeunesse » (ch. 114), Tarbaεt « Le groupe » (ch. 137), an--nbru nbruà Tameγra « La fête » (ch. 132) et Sani tebγam an à « Où voulez-vous que nous allions ? » (ch. 143). Il est proposé une discussion sur l’évolution sémantique de ce terme : TecniÑ γef ef tizi nn-liser TecniÑ γef ef tizi n ééiq
Tu as chanté l’aisance, Tu as chanté l’angoisse ;
(ch. 145.9, v. 415 et 416)
___ 273
Mi newweÑ ar tizi nn-littsaε D taεdawt ta dawt i dd-nessufuγ nessufu
A l’orée du dénouement Nous versons dans l’inimitié.
(ch. 114, v. 127 et 128) Issin tizi
Sache saisir l’occasion
(ch. 137, v. 46) Di tizi nila n-lγila
Dans les moments de besoin ;
(ch. 132, v. 8) L’expression tizi n lγila l ila [col de … (?)] signifie « moment difficile » et en a perdu le sens propre et c’est son sens figuré qui en est devenu le sens propre. M. Mammeri (1980 : 96-97) s’est contenté de traduire cette expression, trouvée dans un poème ancien, par le jour critique : Gedha s lbarud lexzin Ttafeγ di tizi ll--lγila Ttafe ila
Gloire à la vieille poudre Mon secours au jour critique
Nous ignorons la signification du deuxième lexème (lγila ila) de ce syntagme mais nous devinons que celui-ci est une métaphore lexicalisée. Asmi ara dd-taweÑ tizi N llγerba erba mm yiÑes
Mais quand arrive le terme De l’exil assoupissant,
(ch. 143, v. 32 et 33) Citons, pour en finir avec les exemples, ce proverbe qui met en rapport le terme tizi et la tortue : (NnanNnan-as :) Anta i d tizitizi-k, ay ifker ? (Yenna(Yenna-yasen :) Akka seg wasmi i dd-nekker ! « (On lui dit :) Tortue, quel est ton jour ? (Il répondit :) C’est ainsi depuis toujours ! » En dépit de la traduction, qui a pris parti pour le sens ‘‘temporel’’, conformément aux exemples précédents, cet exemple sème le doute sur le sens de ce terme : temporel ou spatial. Dans tous ces exemples, la métaphore du col pour le terme (la charnière décisive, la fin…) est une métaphore fortement lexicalisée dans la mesure où il n’est plus senti comme figure : nous pensons que le sens propre de ce terme est le sens ‘‘spatial’’10, topographique, et que son sens ‘‘temporel’’ a d’abord été un sens figuré. De ce point de vue, le sens temporel tendant à se stabiliser, on peut dire qu’en synchronie le terme tizi est polysémique. Il pourrait d’ailleurs, à titre de perspective terminologique, rendre la notion spatio-temporelle d’ « étape », conformément à l’usage déjà ancien tel que : tiziwezzu tiziwezzu (< tizi n uzezzu) [le col du genêt] (toponyme) pour le sens spatial, tizinebran tizinebran ( y ; u > w), comme dans i ufus « pour la main », noté i-ufus ufus et réalisé [iwfus] ou dans la ileààu « il est en train de marcher », réalisé [lajlâu], soit par la chute de la première voyelle, comme dans mi ara awÑen « lorsqu’ils arriveront », noté mi ara awÑen, réalisé [marawÑn] ou dans iniini-asen « dis-leur », noté ini-asen, réalisé [inasn] (tout son élidé, voyelle ou consonne, est représenté par son graphème mis en exposant, cf. supra.), soit par l’insertion de y ou d entre les deux voyelles, comme dans yennayenna-yas « il lui a dit » [il – dire – prétérit – lui (COI)] ou dans amek i dasdas-ilaq « ce qu’il lui faut » (ces derniers cas ont été réglés par la Notation usuelle : l’élément qui rompt l’hiatus est adjoint au deuxième morphème).
3. Conventions typographiques générales •
Le texte kabyle est toujours écrit en gras.
•
Les titres des chansons sont écrits en gras italiques.
•
Le texte français entre crochets [ ] est soit une traduction littérale (au sens littéraire du terme), soit une traduction mot à mot (au sens phrastique du terme), soit l’équivalent monématique (morphosyntaxique). Les crochets peuvent toutefois être utilisés soit dans une citation pour signifier que ce qu’ils contiennent ne relève pas de la citation, soit que la citation a été tronquée […]
Exemple : Soit le texte kabyle TaÑ TaÑsa seg wudemwudem-iw teγli te li. « Le rire a déserté mon visage. » en est une traduction rhétorique (parmi les traductions possibles = Le sourire a quitté mes lèvres.) ; [le rire a chu de mon visage], la traduction littérale ou ″mot pour mot″ ; [le rire de mon visage est tombé], la traduction mot à mot ; [le rire de visage-mon elle tomba], l’équivalent monématique. Mais ce symbole sert aussi à la transcription phonétique : ayla [æjlæ] « bien »/« propriété ». •
Le signifiant est toujours écrit en italiques. (homme est un autonyme). Sont aussi écrites en caractères italiques les textes illustratifs français dans les paragraphes théoriques.
•
Le signifié est toujours écrit entre guillemets « … » (argaz signifie « homme »), comme l’est la traduction française (du texte kabyle) dans le corps du texte
•
Un mot employé dans une acception inhabituelle est mis entre guillemets anglais : ″canon″ pour norme.
___ 379
SYSTEME PHONOLOGIQUE DU PARLER DE L’AUTEUR 1. Voyelles : [æ], [u], [i] 2. Semi-voyelles : – bilabiale : [w] – palatale : [y] 3. Consonnes : Point d’articulation
Constrict. sourde
Constrict. sonore
Bilabiales
[β]
Labiodentales
[f]
Apicodentales
[θ]
Alvéloaires
[δ]
Nasale
[b]
[m]
[d]
[n]
Sourde pharyngalisée
Sonore pharyngalisée
[é]
[Ñ]
[l]
[‚]
Latérale vibrante
[r]
[ Â]
[s]
[z]
Affriquées
[ts]
[dz]
Chuintantes
[∫]
[ӡ]
Affriquées
[t∫]
[tӡ]
Palatales
[k], [kw]
[g], [gw]
Vélaires
[x], [xw]
[ʁ], [ʁw]
[å]
[k], [kw]
[q], [qw]
Uvulaire
Laryngale
[t]
Occlusive sonore
Latérale liquide
Sifflantes
Pharyngales
Occlusive sourde
[à]
[Ç] [h]
___ 380
[g], [gw]
[ê]
DISCOGRAPHIE Anonyme « patrimoine et interprétation », Dihia, Alger, 29 mn 25 1. 2. 3. 4. 5. 6.
Ruà ad qqimeγ qqime (v. Volume 6), 4 mn 50 KkreγKkre -d wwÑeγwwÑe -d d ilemêi1, 5 mn 15 Ayγer Ay er i tÑeεfeÑ, tÑe feÑ, 4 mn 05 Annaγ Anna a Rebbi2, 5 mn 05 Newàel di ddunit, 4 mn 40 Abrid ttun medden (v. Volume 6), 5 mn 32
Anonyme « interprétation et composition », Assiaphone, Alger, 29 mn 55 1. 2. 3. 4. 5. 6.
Muàal ad åebreγ åebre (v. TeltTelt-yyam, Taγzalt), Ta zalt), 3 mn 50 3 MmektiγMmekti -d , 4 mn 40 Win yeqqazen iêekwan (v. TeltTelt-yyam), 6 mn 05 Snat tullas, 5 mn GmaGma-k, 4 mn 35 Nnuγe Nnu eγ (v. TeltTelt-yyam), 5 mn 45
Chansons dont nous n’avons pas trouvé l’enregistrement : retrouvées dans Tassadit Yacine, Aït Menguellet chante… : i. MelMel-iyiiyi-d ddwa (Yacine, 1990 : 157) ii. Nemnam (Yacine, 1990 : 159) que nous avons reconstituée à partir de nos souvenirs : Seεdeyya Se deyya4 (ula d nekk sεi s iγ lebyan) Les années d’or : six volumes (1 à 6) édités chez Cadic en 19875 : Volume 1, 45 mn 25 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.
A zzin arqaq, 5 mn 15 Ma truÑ, 7 mn IÑaq wul, 5 mn 40 Yir targit, 4 mn 35 Wekkleγ Wekkle Rebbi, 6 mn A lwaldin anfetanfet-iyi, 6 mn 35 Γef ef yisemyisem-im, 6 mn 10 Lkaysa, 4 mn 10
Volume 2, 44 mn 20 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.
1
D aγrib, a rib, 6 mn 15 Ma selbeγ, selbe , 5 mn 50 Lwiza, 10 mn 20 Lbir n ssemm, 4 mn 30 Sliγ Sli i uéaksi, 4 mn 37 Tabratt n sslam, 4 mn 16 Ma ketbeγ, ketbe , 8 mn 30
Les paroles, ainsi que la musique, des chansons I.2., I.3., II.4. et II.5. sont de Kamal Hamadi, un chanteur kabyle.
2
Les paroles des chansons I.4. et I.5. sont faites de poèmes de Si Mohand Ou Mhand, un poète kabyle ancien et ces chansons, nous a confié l’auteur, sont un hommage à Si Mohand à l’initiative de Kamal Hamadi. Sur le poète Si Mohand, l’homme et l’œuvre, on peut consulter les ouvrages Les isefra de Si Mohand (Paris, Maspéro, 1969) et Poèmes kabyles anciens (Paris, Maspéro, 1980) de M. Mammeri. 3
Les chansons II.1. et II.2. sont dans un même disque 45 tours.
4
Les paroles et la musique de cette chanson (b.) sont de Slimane Chabi, un chanteur kabyle.
5 Dans ces volumes, Aït menguellet, a réenregistré l’ensemble de ses chansons, celles dont les paroles et la musique sont de lui (à l’exception des chansons i. et ii., sorties entre 1967 et 1975. L’auteur, ayant effectué son service militaire à Constantine de 1971 à 1973, et ayant fait une traversée du désert en 1971, c’est en 1972 que « tout viendra en bloc », année où, se privant de rentrer chez lui, il consacra ses permissions, de 48 heures, à l’enregistrement.
___ 381
Volume 3, 43 mn 15 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.
Selbeγ, Selbe , 4 mn 40 Wi ara sÑelmeγ, sÑelme , 7 mn 55 Ru ya zzherzzher-iw, 4 mn 20 AnefAnef-iyi, 4 mn 35 Jamila, 7 mn 25 Ttejra ilili, 4 mn 50 NniγNni -as kker, 5 mn 20 çber ay ulul-iw, 5 mn 10
Volume 4, 47 mn 10 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.
Fkiγ blan awal, Fki i yiγeblan awal, 5 mn 25 Uγal alal-d ay uÑrif, 10 mn 20 WwiγWwi -d medden, 3 mn 34 Akka i dasdas-yehwa, 5 mn 10 Tafat n ddunitddunit-iw, 5 mn 24 Beεde Be deγ de tebεed, teb ed, 5 mn 23 YebÑa wulwul-iw, 5 mn 58 MelMel-iyiiyi-d, 5 mn 54
Volume 5, 44 mn 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.
Acàal i hedreγ, hedre , 4 mn 27 UrÜaγ, UrÜa , 6 mn 15 D aberrani, 6 mn 47 A ttnadi ttnadiγ nadi fellfell-am, 4 mn 40 Lehlak, 7 mn 08 ëriγ ëri mazal, 4 mn 36 A tin iγaben, i aben, 4 mn 50 La steqsayeγ steqsaye itran, 5 mn 27
Volume 6, 41 mn 08 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.
Bγiiγ a dd-iniγ, ini , 3 mn 58 Acuγer, Acu er, 3 mn 33 Ruà ad qqimeγ, qqime , 6 mn 48 Abrid ttun medden, 6 mn 12 A tin meààneγ, meààne , 4 mn 15 JSK, 4 mn 40 AnAn-nebÑu, 7 mn 05 TketbeÑTketbeÑ-iyi, 4 mn 38
TeltTelt-yyam « Les trois jours-souvenir », 1975 (1976 ?), 37 mn 1. 2. 3. 4. 5. 6.
TeltTelt-yyam, 6 mn 45 Taγzalt, Ta zalt, 5 mn 35 Nnuγe Nnu eγ,, 5 mn 45 Win yeqqazen iêekwan, 6 mn 05 IgenniIgenni-m, 6 mn 15 TesÑelmeÑTesÑelmeÑ-iyi, 6 mn 35
Anida nn-teÜÜam mmi « Mère et fils », S. E. Andalib, 1976, 34 mn 15 1. 2. 3. 4.
Anida nn-teÜÜam mmi, 18 mn Txerreq targit, 5 mn 06 Kul yiwen, 6 mn 13 AnefAnef-iyi kan, 4 mn 56
___ 382
Amjahed « Le combattant », 1977, 40 mn 20 1. 2. 3. 4.
Amjahed, 7 mn 05 Tizizwit, 7 mn 15 Iéij, 5 mn 55 Éli d Weεli We li 20 mn 05 [2 : 30 + 2 : 20 + 2 : 45 + 6 : 10 + 6 : 20]
Aεeééar eééar « Le colporteur », Aqbu Music, 1978, 36 mn 20 Aεeééar, eééar, 7 mn 25 (Amjahed, Instrumental), 2 mn 18 2. SamàetSamàet-as, 7 mn 32 (Amjahed, Instrumental), 2 mn 10 3. Ixf ittrun, 9 mn 57 4. Ma teεyiÑ, te yiÑ, 7 mn
1.
Ay agu « La brume », 1979, 40 mn 44 1. 2. 3. 4. 5.
Ay agu, 13 mn 25 D nnubannuba-k freà, 6 mn 44 RÜu RÜu-yi, 7 mn 55 IÑul s anga ara nruà, 4 mn 14 Amcum, 7 mn 26
A lmuslmus-iw « Mon sabre », Azwaw, Paris, 1981, 34 mn 40 1. 2. 3. 4. 5.
Si lekdeb γer tidett, tidett, 4 mn 10 Tibratin, 12 mn 50 (5:25 + 3:05 + 4:20) A lmuslmus-iw, 5 mn 10 Askuti, Askuti, 6 mn 20 Anejmeε, Anejme , 6 mn 10
Amacahu « Il était une fois », Izem, 1982, 41 mn 45 1. 2. 3. 4. 5. 6.
Arrac n Lezzayer, 8 mn 33 IniIni-as i gma, 6 mn 03 Amacahu, 6 mn 29 èées éées, 7 mn 50 Lxuf, 7 mn 10 A ddunitddunit-iw, 5 mn 40
áÜetáÜet-iyi nekk d rrayrray-iw « Laissez-moi à ma raison », 1984, 44 mn 15 1. 2. 3. 4. 5. 6.
áÜetáÜet-iyi nekk d rrayrray-iw, 5 mn 45 Tiγri ri n tasa, 5 mn 07 Ti Qim deg yirebbirebbi-w, 6 mn 52 TaqsiéTaqsié-ik, 6 mn 36 Ay Aqbayli, 14 mn 15 Aεsekriw, sekriw, 6 mn 25
A mmi « Mon fils ! », Izem, 1985, 37 mn 45 1. 2. 3. 4.
A mmi, 20 mn 15 Tayri, 8 mn 03 Abeàri, 4 mn 37 Neêra, 4 mn 50
Asefru « Le poème », Triomphe Musique, 1986, 41 mn 55 1. 2.
Asefru, 9 mn 20 Ameddaà, 10 mn 55
___ 383
3. 4. 5. 6.
Tekksem lmeàna6, 7 mn 10 Umerri, 4 mn 15 Later, 5 mn 30 AylaAyla-m, 4 mn 45
Acimi « Pourquoi ? », Sawt El Andalib, 1988, 41 mn 47 1. 2. 3. 4. 5. 6.
Acimi, 5 mn 20 Wi dd-iruàen, 9 mn 15 Tiyita, Tiyita, 5 mn 45 Afennan, 6 mn 42 Lukan, 7 mn 30 Ccna , 7 mn 15
Abrid n temêi « Itinéraire d’une jeunesse », Aqbu Music, 1990, 53 mn 1. 2. 3. 4. 5. 6.
Abrid n temêi, 28 mn 10 [24 (5, 3, 3, 3, 3, 1, 3, 1) + 4’10’’ instrumental] Lxuğa n ccÑeà, 5 mn 15 Ceεlet Ce letlet-aγ tafat, tafat, 7 mn 30 Ttsellimeγ Ttsellime fellfell-awen, 5 mn 10 Ixulaf, 3 mn 45 Arrac, 3 mn 15
A kwenen-ixdeε ixde Rebbi « Que Dieu vous (nous) trahisse », Aqbu Music, 1992, 40 mn 1. 2. 3. 4. 5. 6.
A kwenen-ixdeε ixde Rebbi, 5 mn 30 Imsebriden, 4 mn Lγerba erba n 45, 10 mn 20 Γurwat, urwat, 7 mn 30 Tagmatt, 7 mn 30 TamurtTamurt-nneγ, nne , 6 mn 10
Awal « Le Verbe », Aqbu Music, 1993, 44 mn 20 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.
Amusnaw, 8 mn 25 Izurar γef ef yidurar, 7 mn 30 A wi irun, 6 mn 50 Awal, 5 mn 40 Labas, 5 mn Ccna amehbul, 6 mn Tameγra, Tame ra, 4 mn 55
Iminig nn-yiÑ « Le voyageur de nuit », Aqbu Music, 1996, 45 mn 1. 2. 3. 4.
Iminig nn-yiÑ, 5 mn 05 Ssebba, 7 mn 55 Tarewla, 5 mn 40 A mmimmi-s Umaziγ, Umazi , 5 mn
6
Cette chanson (XVIII.3.), avant de faire partie de cet album, a été chantée en public. C’est en août 1985 lors d’un gala à Sidi Fredj que Aït Menguellet l’a chantée en hommage à des militants (Ferhat Mhenni, Saïd Sadi, Nouredine Aït Hamouda et d’autres) emprisonnés pour avoir pris l’initiative de créer la Ligue algérienne des Droits de l’Homme. Devant un parterre de quelque 6000 inconditionnels, et avant de leur dédier la chanson, le chanteur parlera des détenus, pratiquement oubliés, et de la cause de leur détention. Une semaine plus tard, on vint le chercher à son domicile. Il fut alors jugé pour détention d’armes (de collection), condamnée à six mois d’emprisonnement et incarcéré le 5 septembre 1985. A sa libération, il sortira cet album (XVIII) dans lequel il parlera aussi et de façon allusive de sa détention à travers la chanson Later (XVIII.5.) (p. 150, vers 11 et 12) : Ma êriγ êri afus s umeqyas,
La vue d’un bracelet sur une main
Siwa cckal i dd-ttmektayeγ. ttmektaye
Réveille en moi le souvenir des menottes.
___ 384
[si je vois une main avec un bracelet] [sauf l’entrave que je me remémore]
5. 6. 7.
Tarbaεt, Tarba t, 7 mn 45 Di ssuq, 6 mn 20 A dalen, 6 mn 55 d-uγalen,
SiwelSiwel-iyiiyi-d tamacahut « Raconte-moi une histoire », Aqbu Music, 1997, 35 mn 10 1. 2. 3. 4. 5.
SiwelSiwel-iyiiyi-d tamacahut, tamacahut, 6 mn Asiwel, 3 mn 35 Amedyaz, 8 mn 05 (4:10 + 3:55) S ani tebγam teb am anan-nruà, 7 mn 35 w Asegg as, 9 mn 55 [3 + 3:05 + 3:50]
Tiregwa 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.
7
« Les canaux », Aqbu Music (distrib. Gouraya Music), Béjaïa, 1999, 54 mn
IÑaq wul – Jamila (Volumes 1, 2 et 3), 6 mn 10 Ttejra ilili – A ttnadi fellfell-am (Volumes 3, 4 et 5), 6 mn Lehlak – D aγrib a rib (Volumes 5 et 6), 5 mn 40 Nemnam – Kul yiwen , 5 mn 25 AnefAnef-iyi kan – Aqbayli (Anida nn-teÜÜam mmi – Amjahed – Aεeééar) A eééar), eééar) 4 mn 30 Ay agu – Tibratin (Ay agu – A lmuslmus-iw), iw) 4 mn 50 Lekdeb Lekdeb d lbaéel – áÜetáÜet-iyi (Amacahu – áÜetáÜet-iyi), iyi) 4 mn 30 Qim deg yirebbirebbi-w – Wi dd-iruàen (áÜet(áÜet-iyi – Acimi), Acimi) 5 mn 50 Afennan – Γurwat urwat (A kwenkwen-ixdeε ixde Rebbi – Abrid n Temêi – Awal), Awal) 6 mn Uma s tidett (Di ssuq – AylaAyla-m (Iminig nn-yiÑ – SiwelSiwel-iyiiyi-d tamacahut), tamacahut) 4 mn 40
Ini-asen « Dis-leur », 2001, 42 mn 30 1. 2. 3. 4. 5. 6.
Ini-asen, 7 mn 45 TisTis-xemsa, 6 mn 10 Temêi, 6 mn 25 NeğğaNeğğa-yawen amkan, 9 mn 15 DiriDiri-yi, 5 mn 30 ëêay fellfell-i, 7 mn 30
YennaYenna-d umγar um ar « Le vieux a dit », 17 janvier 2005, 42 mn 30 1. 2. 3.
Dda Yidir Dda Yidir Yerna yiwen wass Et s’ajoute un jour Ccna n tejmilt Hommages
4.
IniIni-d ay amγ amγar
5. 6.
YennaLe vieux Sage a dit… Yenna-d umγ umγar Asendu nn-waman Brasseurs de vent…
Dis-nous, vieux Sage
7 Cet album est en fait un cas particulier du fait qu’il constitue une sorte de « synthèse » de quelque 140 chansons composées entre 1967 et 1997. Les « chansons » n’étant pas intitulées, nous leur avons nous-même attribué des titres qui sont ceux de vieilles chansons, à l’exception de celui de la dernière, Uma s tidett « Et puis c’est la vérité », énoncé invariant du refrain ; notre définition de la chanson dans cet album est fondée sur le seul paramètre musical (changement de rythme et/ou d’air). Il est de ce fait un exemple d’intertexte explicite. Le titre Tiregwa, provenant d’un tirage au sort, est de Mebarki M’henni, un Kabyle de Melbou (Béjaïa). Cet album porte aussi le titre Inagan « les témoins », provenant du même tirage au sort, de Benali, anesthésiste à l’hôpital du Val-de-Grâce (Paris 5e).
Conçu comme un résumé de son œuvre, cet album, selon l’auteur, aurait pu/dû être le dernier.
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INDEX DES CHANSONS L’ordre d’exposition des chansons, classées de 1 à 159, est celui de la date de parution des albums mais le lecteur les retrouvera aisément grâce à cet index qui donne le numéro d’ordre et la page. Titre 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37.
n° page Abeàri « Le souffle transcendant » ………………………………………….. 100 ……....……...... 506 Abrid n temêi « La jeunesse revisitée ou itinéraire d’une jeunesse » …….... 114 ……....………. 526 Abrid ttun medden « Le chemin oublié » ………………………………….... 53 ……....……...... 439 Acàal i hedreγ hedre « Que n’ai-je parlé … » ……………………………………..... 42……....……........ 429 Acimi « Pourquoi ? » …………………………………………………………. 108 ……....……...... 517 Acuγer Acu er « Pourquoi ? » …………………………………………………………. 51 ……....……...... 436 A ddunitddunit-iw « Ma vie » ………………………………………………………... 91 ……....……...... 490 A dalen « Ils reviendraient » …………………………………………….. 139 ……....……....... 574 d-uγalen Afennan « L’artiste » …………………………………………………………. 111 ……....……...... 522 A kwenen-ixdeε ixde Rebbi « Que Dieu vous trahisse ! » …………………………. 120 ……....……....... 540 a Akk i dasdas-yehwa « Ainsi en a décidé le destin » …………………………... 37 ……....……........ 424 A lmuslmus-iw « Mon sabre » …………………………………………………….. 83 ……....……....... 480 A lwaldin anfetanfet-iyi « De grâce, mes père et mère » ………………………... 16 ……....……........ 404 A Lwiza « Louiza, après la pluie, le beau temps » ………………………….. 21 ……....……........ 409 Amacahu « Il était une fois » ………………………………………………… 88 ……....……....... 487 Amcum « Le maudit » ………………………………………………………... 80 ……....……....... 474 Ameddaà « L’aède » ………………………………………………………… 103 ……....……....... 511 Amedyaz « Le poète » ………………………………………………………. 142 ……....……....... 579 Amjahed « Le combattant » ………………………………………………….. 68 ……....……....... 456 A mmi « Mon fils » …………………………………………………………… 98 ……....……........ 499 A mmimmi-s Umaziγ Umazi « Ô fils d’Amazigh ! » …………………………………… 136 ……....……....... 568 Amusnaw « Le sage » ……………………………………………………….. 126 ……....……....... 551 AnefAnef-iyi « De grâce ! » ………………………………………………………… 29 ……....……...... 416 AnefAnef-iyi kan « Laisse-moi donc ! » …………………………………………… 67 ……....……..... 455 Anejmaε Anejma « L’assemblée » ……………………………………………………… 85 ……....……..... 482 Anida nn-teğğam mmi « Mort en exil » ……………………………………….. 64……....……....... 449 AnAn-nebÑu « Séparons-nous ! » ………………………………………………... 56 ……....……...... 441 Arrac « Ô enfants » …………………………………………………………… 119 ……....……...... 539 Arrac n Lezzayer « Les enfants d’Algérie » …………………………………. 86 ……....……....... 483 Asefru « Le poème » …………………………………………………………. 102 ……....……...... 509 Aseggwas « L’an n » ………………………………………………………….. 144 ……....……...... 583 Asendu nn-waman « Brasseurs de vent… » ………………………………... 157 ……....……....... 621 Asiwel « L’appel » ……………………………………………………………. 141 ……....……...... 578 Askuti « Le boy-scout » ……………………………………………………….. 84 ……....……...... 481 A tin iγaben i aben « Telle une étoile en déclin » …………………………………… 48 ……....……...... 434 A tin meààneγ meààne « Je t’ai entraînée dans mon sillage » ……………………….. 54 ……....……...... 439 Awal « Le Verbe » ……………………………………………………………. 129 ……....……...... 557 ___ 386
38. A wi irun « Ah ! pouvoir pleurer » …………………………………………... 128 ……....……...... 555
39. Ay ackack-ik « Tu es bon ! » ……………………………………………………. 159 ……....……....... 624 40. Ay agu « La brume » ………………………………………………………….. 76 ……....……....... 467 41. Ay Aqbayli « Le Kabyle » …………………………………………………….. 96 ……....……...... 495 42. AylaAyla-m « Ce qui est tien » ………………………………………………….... 107 ……....……....... 516 43. Ayγer Ay er i tÑeεfeÑ tÑe feÑ « Tu te meurs » ……………………………………………….. 4 ……....……....... 430 44. A zzin arqaq « Fine beauté » …………………………………………………. 11 ……....……....... 430 45. Aεe eééar « Le colporteur » ……………………………………………………... 72 ……....……....... 462 46. Aεsekriw sekriw « Le soldat » ………………………………………………………... 97 ……....……....... 497 47. Beεde Be deγ de tebεed teb ed « Loin l’un de l’autre » ……………………………………….. 39 ……....……....... 426 48. Bγiiγ a dd-iniγ ini « Je voudrais dire … » ………………………………………….. 50 ……....……....... 436 49. Ccna « Le chant » …………………………………………………………….. 113 ……....……....... 525 50. Ccna amehbul « Le chant insensé » ………………………………………… 131 ……....……...... 560 51. Ccna n tejmilt « Hommages » ……………………………………………… 154 ……....……....... 616 52. Ceεlet Ce letlet-aγ tafat « Eclairez-nous » ……………………………………………. 116 ……....……....... 533 53. D aberrani « L’étranger » ……………………………………………………... 44 ……....……....... 430 54. D aγrib a rib « L’exilé » ……………………………………………………………... 19 ……....……....... 439 55. Dda Yidir « Dda Yidir » ……………………………………………….……. 152 ……....……....... 612 56. DiriDiri-yi « Je suis mauvais ! » …………………………………………………. 150 ……....……....... 607 57. Di ssuq « Au marché » ………………………………………………………. 138 ……....……........ 571 58. D nnubannuba-k freà « C’est ton tour d’être heureux » …………………………... 77 ……....……........ 469 59. Fkiγ eblan awal « A l’écoute de mes soucis » …………………………... 34 ……....……....... 420 Fki i yiγeblan 60. GmaGma-k « Ton frère » ……………………………………………………………. 6 ……....……....... 396 61. áğetáğet-iyi nekk d rrayrray-iw « Laissez-moi à ma raison » …………………….... 92 ……....……........ 491 62. IÑaq wul « Le cœur oppressé » ………………………………………………. 13 ……....……........ 401 63. IÑul s anga ara nruà « La route est longue » ………………………………… 79 ……....……....... 459 64. IgenniIgenni-m « Ton firmament » …………………………………………………. 62 ……....……....... 447 65. Iminig nn-yiÑ « Le voyageur de nuit » (« Le messager d’une nuit ») ……… 133 ……....……....... 563 66. Imsebriden « Les voyageurs » ………………………………………………. 121 ……....……....... 542 67. Ini-as i gma « Dis à mon frère » ……………………………………………… 87 ……....……....... 485 68. Ini-asen « Dis-leur » ………………………………………………………… 146 ……....……........ 599 69. IniIni-d ay amγar am ar « Dis-nous, vieux Sage » …………………………………... 155 ……....……....... 617 70. Iéij « Le soleil » ……………………………………………………………….... 70 ……....……....... 458 71. Ixf ittrun « Le cœur en larmes » …………………………………………….... 74 ……....……....... 464 72. Ixulaf « La relève » ………………………………………………………….... 118 ……....……....... 538 73. Izurar idurar « Mon pays, celui des paradoxes » ………………………….. 127 ……....……....... 553 74. Jamila « Jamila, l’idéal » ……………………………………………………… 30 ……....……........ 417 75. JSK « JSK » …………………………………………………………………….. 55 ……....……........ 440 76. KkreγKkre -d wwÑeγwwÑe -d d ilemêi « Dissipez le dénuement » ……………………... 3 ……....……....... 393 77. Kul yiwen « A chacun sa raison » …………………………………………… 66 ……………….. 454 78. Labas « Tout va bien ! » ……………………………………………………... 130 ……………….. 558 79. La steqsayeγ steqsaye itran « J’interroge les étoiles » ………………………………… 49 ……………….. 435 80. Later « Le sillage » …………………………………………………………… 106 ……………….. 515 ___ 387
81. Lbir n ssemm « Le puits empoisonné » ……………………………………… 22 ……………….. 411 82. Lehlak « Le mal » …………………………………………………………….... 46 ………………. 432 83. Lkaysa, 4 mn 10 « Kaïssa, la courtoisie incarnée » ………………………….. 18 ……………….. 406 84. Lγerba erba n xemsaxemsa-u-rebεin reb in « L’exil de 1945 » ……………………………….. 122 ……………….. 543 85. Lukan « Si … » ……………………………………………………………….. 112 ……………….. 524 86. Lxuf « La peur » ………………………………………………………………. 90 ……………….. 489 87. Lxuğa n ccÑeà « Le préposé à la danse ou la médaille du ridicule » ……... 115 ………………... 531 88. Ma ketbeγ ketbe « J’ai écrit ton nom » ……………………………………………... 25 ………………... 413 89. Ma selbeγ selbe « Je suis devenu fou » …………………………………………….. 20 ………………... 408 90. Ma teεyiÑ te yiÑ « Si tu es lasse » …………………………………………………... 75 ………………... 466 91. Ma truÑ « Mon mal est grand » ……………………………………………… 12 ………………... 401 92. MelMel-iyiiyi-d « Dis-moi que c’est toi » ………………………………………….... 41 ……………….. 428 93. MelMel-iyiiyi-d ddwa « Montre-moi le remède » ………………………………….... 9 ……………….. 398 94. MmektiγMmekti -d « Je me remémore » ……………………………………………….. 7 ……………….. 397 95. NeğğaNeğğa-yawen amkan « Nous vous cédons la place » …………………….. 149 ……………….. 604 96. Nemnam « Le rêve » ………………………………………………………….. 10 ……………….. 399 97. Newàel di ddunit « Les pièges de la vie » …………………………………… 2 ………………... 391 98. Neêra « Nous savons » ……………………………………………………… 101 ………………... 508 99. Nnaγ Nna a Rebbi « Je t’en supplie, Dieu ! » ………………………………………. 1 ……………….. 390 100. NniγNni -as kker « J’ai exhorté mon sort » ………………………………………. 32 ……………….. 419 101. Nnuγe Nnu eγ « J’ai livré combat » …………………………………………………. 60 ………………... 445 102. Γef ef yisemyisem-im « Au nom de ton nom » ……………………………………….. 17 ……………….. 405 103. Γurwat urwat « Prenez garde ! » …………………………………………………… 123 ………………. 546 104. Qim deg yirebbirebbi-w « Ma meilleure compagne, la guitare » ………………… 94 ………………. 493 105. RğuRğu-yi « Attends que je te dise » ……………………………………………... 78 ……………….. 471 106. Ruà ad qqimeγ qqime « Le retour interdit » ……………………………………….... 52 ………………. 437 107. Ru ya zzherzzher-iw « Pleure, ô mon sort » ……………………………………… 28 ……………….. 415 108. SamàetSamàet-as « Absolvez-le » …………………………………………………….. 73 ………………. 463 109. S ani tebγam teb am anan-nruà « Où voulez-vous que nous allions ? » …………….. 143 ……………….. 581 110. çber ay ulul-iw « Résigne-toi mon cœur » …………………………………….. 33 ……………….. 420 111. Selbeγ Selbe « Je suis fou » ………………………………………………………….. 26 ………………... 413 112. Seεdeyya Se deyya « Saadia ou la virilité au féminin » …………………………………. 8 ……………….. 398 113. Si lekdeb er tidett « Du mensonge à la vérité » ………………………........... 81 ………………. 475 lekdeb γer 114. SiwelSiwel-iyiiyi-d tamacahut « Raconte-moi une histoire » ……………………... 140 ……………….. 575 115. Sliγ Sli i uéaksi « L’arrivée du taxi » ……………………………………………... 23 ………………... 411 116. Snat tullas « Nos deux filles : modernité et authenticité » …………………… 5 ………………. 395 117. Ssebba « La prétexte à départ » …………………………………………….... 134 ………………. 565 118. Tabratt n sslam « Lettre de compliments » ………………………………….. 24 ……………….. 412 119. Tafat n ddunitddunit-iw « Lumière de ma vie » …………………………………… 38 ……………….. 425 120. Tagmatt « La fraternité retrouvée » …………………………………………. 124 ………………. 548 121. Tameγra Tame ra « Le bonheur » ……………………………………………………... 132 ………………. 562 122. TamurtTamurt-nneγ nne « La Patrie » …………………………………………………... 125 ……………….. 549 123. Taγzalt Ta zalt « La belle … » (= Muàal ad åebreγ åebre « Jamais je ne me résignerai »). 59 ………………. 444
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124. TaqsiéTaqsié-ik « Ton aventure » ……………………………………………………. 95 ……………….. 494 125. Tarbaεt Tarba t « Action et réaction » ……………………………………………….. 137 ……………….. 569 126. Tarewla « La fuite » ………………………………………………………….. 135 ………………. 566 127. Tayri « L’Amour » …………………………………………………………….. 99 ……………….. 504 128. Tekksem lmeàna « Venus à bout des peines » …………………………….. 104 ……………….. 514 129. TeltTelt-yyam « Les trois jours-souvenir » ………………………………………. 58 ……………….. 443 130. Temêi « Ma jeunesse » ………………………………………………………. 148 ……………….. 603 131. TesÑelmeÑTesÑelmeÑ-iyi « Tu m’as condamné » ………………………………………. 63 ……………….. 448 132. Tibratin « Les missives » ……………………………………………………... 82 ……………….. 476 133. Tiγri Ti ri n tasa « L’appel du cœur » ……………………………………………… 93 ………………. 493 134. Tiregwa « Les canaux » (ou Inagan « Les témoins ») ……………………. 145 ……………….. 585 135. TisTis-xemsa [la cinquième] « L’ire et la vérité » ……………………………... 147 ………………... 601 136. Tiyita « Le coup » ……………………………………………………………. 110 ……………….. 521 137. Tizizwit « L’abeille … et la guêpe » …………………………………………. 69 ……………….. 457 138. Tizizwit (tis snat) « L’abeille bis » …..……………………………………… 158 ……....……....... 623 139. TketbeÑTketbeÑ-iyi « Tu es mon destin » ……………………………………………. 57 ……………….. 442 140. Ttejra ilili « Telle le laurier-rose » …………………………………………….. 31 ……………….. 418 141. Ttnadiγ Ttnadi fellfell-am « Je suis à ta recherche » …………………………………… 45 ……………….. 431 142. Ttsellimeγ Ttsellime fellfell-awen « Je vous salue bien bas » …………………………… 117 ……………….. 537 143. Txerreq targit « Le rêve éclaté » ……………………………………………... 65 ………………... 452 144. èées éées « Endors-toi » ……………………………………………………….. 89 ……………….. 488 145. Umerri « Ahmed Oumeri » ………………………………………………….. 105 ……………….. 514 146. Uγal alal-d ay uÑrif « Reviens, mon doux » ……………………………………… 35 ………………. 421 147. Urğaγ Urğa « L’attente vaine » …………………………………………………….... 43 ………………. 430 148. Wekkleγ Wekkle Rebbi « Je m’en remets à Dieu » …………………………………… 15 ………………. 403 149. Wi ara sÑelmeγ sÑelme « A qui la faute ? » ………………………………………….... 27 ………………. 414 150. Wi dd-iruàen « Qui est là ? » …………………………………………………. 109 ……………….. 519 151. Win yeqqazen iêekwan « Le fossoyeur » ……………………………………. 61 ………………. 445 152. WwiγWwi -d medden medden « Tenez-moi compagnie » ………………………………... 36 ……………….. 423 153. YebÑa wul « Le cœur déchiré » ……………………………………………… 40 ……………….. 427 154. YennaYenna-d umγar um ar « Le vieux Sage a dit… » …………………………………. 156 ……………….. 619 155. Yerna yiwen wass « Et s’ajoute un jour » …………………………………. 153 ……………….. 615 156. Yir targit « Le mauvais rêve » …………………………………………………. 14 ………………. 402 157. ëriγ ëri mazal « L’image indélébile » ……………………………………………. 47 ………………. 433 158. ëêay fellfell-i « Il me peine de vous dire » …………………………………….... 151 ………………. 609 159. Éli d Weεli We li « Les quatre seigneurs » …………………………………………. 71 ……………….. 459
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1. Nnaγ Nna a Rebbi
Las ! mon Dieu8 9
[ Nnaγ Nna a Rebbi amek akka âeåleγ âeåle di ccebka Ya Llah anidaanida-tt tifrat n ZikZik- ni mi tella ttrika NezgaNezga -d nettwekka Y eÜÜuÜÜeg lwerd nwalanwala - t Tura neγ ne li ger yimerka D yir ssekka Ččan Ččanan-iyi di leàyat] (*)
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Las ! mon Dieu, pourquoi est-ce ainsi ? Pris dans les filets, Dieu, où en est l’issue ; Jadis, lorsque j’étais riche, Je prospérais Et voyais les roses s’épanouir ; Maintenant, entouré d’engeance De mauvais aloi, On me dévore vivant.
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LàerfLàerf-iw yebda γ ef lxa Yura deg nnesxa Yak ddunit am leε le zib Asmi akken zehhuγ zehhu s rrxa LÜibLÜib-iw yerxa Kul lÜiha sε s iγ aàbib Tura rebàen at ttnefxa Éemmdeγ Éemmde i lwesxa Yak ma γ liγ li ulac lε l ib Yettγ Yett iÑ win ssnen medden MiMi - yezleÑ dayen Kul yum fellfell-as d aγ a ilif YettaÜÜew ddhan d yirden Y eccečč 12 iàbiben iàbiben Imi la ijebbed γ er nnif Tura mi d ussan ε eksen Icudd arkasen Yeééef aε a ekkwaz i tteårif
Ma première lettre est x, Inscrite dans le Saint Livre Et la vie n’est que passage ; Quand je m’adonnais aux plaisirs, Ma poche était lâche, J’avais partout des amis ; Là que le pouvoir est aux orgueilleux, J’admets la souillure, Où est le mal si j’échois ! 11
Est à plaindre qui, connus de tous, Fait banqueroute Chaque jour est pour lui un souci ; Achetant beurre et blé, Il invitait les amis Car il tenait à l’honneur ; Là que les jours l’ont contrarié, Il se chausse de sandales Et prend son bâton de pèlerin.
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30.
35.
Ddunit la tettγ tett awal A lfahem nn-wawal Aéas di medden ay tγ t ur Ma d kečč åeggmenåeggmen-ak leàwal TkesbeÑ lmal IsemIsem-ik di leε le rac mechur Nekk aqlaql-i senndeγ sennde s uffal Úer leε le tab tmal
Le monde évolue vite, Pour qui comprend, Il en a leurré beaucoup ; Tu mènes une vie facile, Tu possèdes la fortune Et tu es connu partout ; Tandis que je compte sur le néant, Ma situation est pénible,
Les deux poèmes 1 et 2, selon Aït Menguellet, ont été chantés en hommage au poète Si Mohand ou Mhand, poète né au milieu du 19e siècle et mort au début du 20e siècle. Comprenant chacun sept strophes, ces poèmes ont été recueillis par Mouloud Mammeri, avec cependant une variation sensible. Dans tous les recueils de poésie ancienne, chacune de ces strophes est considérée comme un poème à part entière. Pour chacune d’elles nous renvoyons systématiquement au recueil de Mammeri.
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Mammeri, Les isefra de Si-Mohand, p. 120.
10
Mammeri, Les isefra…, p. 120.
11
Mammeri, Les isefra…, p. 122.
Yeccečč « faire manger » / « nourrir » est une réalisation de l’interprète, par assimilation du s, morphème de l’actif-transitivant ; ailleurs, on dira facilement yessečč. 12
13
Mammeri, Les isefra…, p. 118.
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40.
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50.
55.
60.
Nettak lγ l elb i leε le rur
Et j’abdique devant les lâches.
Asmi d irgazen nessen 14 D ååellaà ε ussen Úurur-i leàbab di lecrac Ur tufiÑ i di-ixuååen Zhiγ Zhi gargar-asen Ur cukkeγ cukke àedd àedd a yi-iγ ac Tura mi d ussan ε eksen IfaddenIfadden-iw susen Nettak lemqud i warrac
Quand je connaissais des hommes Et quand les saints me protégeaient, J’avais des amis parmi les tribus ; Rien ne me manquait Parmi eux je me donnais du bon temps Et nul ne pouvait m’irriter ; Là que les jours me contrarient Et que mes jambes sont vermoulues J’abdique devant les enfants.
çebàanek a lwaàed lwaàed 15 D lwaÜeb a kk-neàmed TefkiÑTefkiÑ-d lqedra neåberneåber-as ZikZik-nni zzehr iåeggemiåeggem-d Lhaγ Lha 16 d uÜew uÜewwed ewwed Kul làerf s lε l ibaraibara-s Tura imi nettuxed (γef) ef) Leàram nεemmed n emmed Nessen abrid nexÑanexÑa-yas
Gloire à toi l’Unique, Je dois Te louer, Je me plie à Ta Providence ; Jadis, j’étais mieux loti, Je psalmodiais le Coran, Chaque mot était pesé ; Maintenant que j’ai failli, Je cautionne le péché, Je connais la Voie et je l’évite.
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A ssadatt si mkul lemqam Recdeγ Recde -kwenen-id s ttmam ÉawentÉawent-i (ad) yelhu rrayrray-iw ZikZik-nni jebbdeγ jebbde leqlam LeqrayaLeqraya-w d ddwam Kul aàeffaÑ d arfiqarfiq-iw Ma d tur aql-aγ nenneε nenne dam tura aqlQqleγ Qqle d agugam Kul ass d ameàzun wulwul-iw (*)
Saints de tous les mausolées, Je vous en supplie, Aidez-moi à retrouver la Voie ; Jadis, j’usais du calame, Studieux et constant, J’étais l’ami des disciples ; Maintenant anéanti, Devenu muet, Chaque jour mon cœur est triste.
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2. Newàel di ddunit 1.
5.
[Aql[Aql-aγ newàel di ddunit Làal d tameddit Nettazzal nugi anan-neqÑeε neqÑe Tekcem leε le bad tiàraymit Terken tajaddit Éerqen yiberdan n ccreε ccre i Akk i tttt-nufa di lhadit QbelQbel-it neγ ne eÜÜeÜÜ-it Wagi d lweqt axeddaε axedda
Embourbés dans la vie 18
Embourbés dans la vie, Et au crépuscule, Nous courons sans parvenir ; Les gens sont mauvais sujets, Délaissent leurs origines, Où est la Voie du Droit ? Ce sont les dits du prophète, Qu’on le veuille ou non, Notre époque est perfide.
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Mammeri, Les isefra…, p. 126.
15
Mammeri, Les isefra…, p. 122.
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Ce passage étant presque inaudible, le vers a été pris de Mammeri, Les isefra, p. 122.
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Mammeri, Les isefra…, p. 124.
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Mammeri, Les isefra…, p. 136.
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Ddunit tura turewturew-d 19 Leε Le yub akk`" hedfenhedfen-d LweqtLweqt-a tebda cciraccira-s Yak si ccerq armi d lγ l erb w Tamurt akk texreb Ketren yir leε le bad fell fellell-as Ad tneε tne reÑ ya lmuàareb AqlAql-aγ neddebdeb Alamma iàudd uε u essas Ddenya γeef medden tfuå tfuåel Di lfahem i tenåel Ungifen beddlen tikli S kra nn-wi illan d laåel Yuγ -itt di lmefåel Éeryan talaba ur telli Lqern akka i tt-idid-yersel DegDeg-unezgum neàåel Mi nger aquddim neγ ne li
Le Monde a enfanté Les vices qui surviennent, L’époque est mauvais présage ; Partout d’est en ouest, Le pays est bouleversé Par trop de mal engeance ; Prie pour nous, ô Protecteur, Nous avons perdu la tête, Que le Gardien nous défende ! 20
Tout le monde y trouve son compte, Excepté le consciencieux, Et les sots ont bien mué : Tous les gens de bonne souche En pâtissent, Nus sans nul pan protecteur ; Ce siècle est bien notre lot, Il nous plonge dans les soucis, A chaque pas, nous tombons.
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35.
Ay ulul-iw nehhuγ nehhu -k kul ass Beε ε ed i yir nnas Wigad ur nessin lxir Albeε Albe Ñ tε t eyyeceyyec-it yemmayemma-s U tban làerfalàerfa-s A dd-yas fellfell-i ad yettmesxir yettmesxir t Mi tt-idid- wala yiwen wass Tbeddel làalalàala-s S igenni ii-yettàekkir
Ô mon cœur, chaque jour je te conseille, Eloigne-toi des mauvaises gens Qui ne savent ce qu’est le bien : Les uns, leurs mères les nourrissent, Et leur métier bien connu, Ils viennent se moquer de moi ; Mais le jour où ils sont vaincus, En mauvaise posture, Ils regardent vers le ciel. 22
45.
Yeggull wulwul-iw ur yenéiq Úer win ur neàdiq Nekk γ urur-i yidyid-k fiàel Ad ihedder yettxerriq S yiles ittfeqfiq DegDeg-ufus n sidisidi-s yewàel Wi ibγ ib an ad ijerreb arfiq Di teswaε t n ééiq Dinna ii-yettban lefàel
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50.
Ansi kkiγ kki yetbeε -yi uÑad Ya Rebbi lmendad Ggulleγ Ggulle deg Sidi Xlifa Xlifa Lqum iε i ecqen aàeccad Ttmer yemsennad
40.
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Mammeri, Les isefra…, p. 138.
20
Mammeri, Les isefra…, p. 138.
21
Mammeri, Les isefra…, p. 140.
22
Mammeri, Les isefra…, p. 142.
23
Mammeri, Les isefra…, p. 144.
24
Littéralement : « J’ai juré à Sidi-Khelifa. »
Mon cœur jure de jamais parler A qui ne soit sagace Et qui ne soit digne de moi ; Il parle avec prétention Et fébrilement Mais devant ses seigneurs se tait ; Qui veut tester un ami, Qu’il le fasse en situation d’ennui : C’est là qu’on reconnaît l’homme Partout on me montre du doigt, Dieu, sois à mes côtés, Comme si j’avais parjuré24 ; Ces gens aiment l’oléastre, Délaissent les dattes,
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D win ii-yêiden i lmakla S kra nn-wi imeggren addad Y u γ al d aàeddad aàeddad Menwala iε i elleq ssaε ssa a 55.
60.
Yeggull wulwul-iw s wurfan ε L ibad imeε ime fan Ur tenten-giγ gi d lemàibba Aggad akkw n zik kfan Wissen s anga nfan Wa di tmurt wa di lγ l erba w Yegg rara-d ssuq ger yilfan Qlil win yeåfan Lε ar ferqenferqen-t s lgelba
Qui pourtant sont délicieuses ; Tout faucheur de chardons Devient artisan Et quiconque possède une montre.
25
Mon cœur jure de dépit Que la pire engeance, Je n’en ferai des amis ; Ceux d’antan ne sont plus là, Peut-être exilés Dans le pays ou ailleurs ; A nous la vie parmi les porcs Et autres impurs Qui partagent l’infamie26.
__________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________
3. KkreγKkre - d wwÑeγ wwÑe d ilemêi
Adolescent je devins
[Kkreγ [Kkre - d wwÑeγ wwÑe d ilemêi Làiγ i leàfa ttε Lài tt ettbeγ ettbe
1.
5.
10.
Adolescent je devins Et pieds nus j’ai peiné ;
Úas (kra) ttmeààneγ ttmeààne di temêi Tura làif ar tt-zzuzfeγ zzuzfe Zemreγ ad zegre zegreγ ti tizi Zemre zi
Maintenant je me défais de ma misère
Úef laêlaê - iw ara dd - xedmeγ] xedme (*)
Pour mettre fin à ma faim.
Tenna yemma zwir si llsas mer--aγ axxam Ttxilek ε mer
Ma mère me dit : « Commence par l’essentiel,
A kk-naγ na lexyar ger tullas k--tili d lehna n ddwam Ak
Nous te choisirons la meilleure d’entre les filles
Nekk di lebγ leb i ddiγ ddi -as ayla--m A yemma rray d ayla
Je lui exauçai son vœu :
Malgré mes peines d’adolescent Et je peux franchir le col
Comble notre foyer : Qui t’apporte la paix ! » « Mère, décide pour moi ! »
Tekker truà a dd-texÑeb n--lehlal Teqsed dderya n 15.
20.
Elle partit en quête de fiancée Auprès des gens de bien,
Kul àedd d acu i- yeÑleb Di ccurué yettnawal
Mais chacun d’eux exigeait Des conditions impossibles ;
Tuγ Tu alal-d tettε tett eÜÜeb Mi ss--ééalaben lmuàal
Et elle revint terrifiée
Kul wa akken dd-icerreÑ Úer--lewqam ur yettsehhil Úer
Chacun y alla du sien
Dayen a tenten-tserseÑ (?) IcerreÑ yettkemmil
A chaque condition remplie
Qu’on la tînt à l’impossible.
Mais nul ne facilite la droiture ; On en rajoute mille autres ;
a
LweqtLweqt - amek ara tjewÜed tjewÜed
25
Comment vas-tu te marier,
Mammeri, Les isefra…, p. 146.
Littéralement (vers 61, 62 et 63) : « Il reste le marché parmi les porcs, Peu sont purs, L’infamie ils la partagent avec le double décalitre. »
26
___ 393
25.
A win yellan d igellil
Toi, pauvre, tu es à plaindre ?
YecreÑ taε ta mamt geddac Ddhubat d imeqyasen
On demanda tant d’offrandes,
Di tmeγ tme ra ad àeÑren leε le rac D tlatin iéaksiyen
Les tribus seront de la fête
a
30.
35.
40.
Parmi or et bracelets ; Et une trentaine de voitures,
a
Tenn la zzwaÜ m ulac Lweqt--a ccurué ketren Lweqt
Sinon point de mariage
Ay igellil nn-leε le res Zzenz tafarka n babababa-k Tislit ad tezde wehdwehd-s Nnan ur tqebbel yemmayemma-k Win yellan d lkayes MelMel-iyi anidaanida-t leslak
Ô pauvre candidat au mariage, Brade les champs de ton père, La mariée habitera seule Et n’acceptera ta mère ; Dis-moi, ô sage, Où réside le salut !
Cceré ideg iyiyi-d-yezwar S yemma ard a tttt-telfeγ telfe Ur tqebbel adrar D tamdint ara tezdeγ tezde Wid γ ur lefhem yezwar Meltxedme Melt-iyi amek ara xedmeγ
La première condition qu’on me posa, Je dois chasser ma mère ; N’acceptant pas la campagne, La mariée habitera la ville ; Ô sages perspicaces, Dites-moi ce que je dois faire !
Car l’époque est à la profusion.
Newhem tura newhem Nous sommes abasourdis DegPar ce que nous entendons : Deg-wayagi iwmi la nsell nsell Chacun fonce à sa manière 45. Kul wa akken dd-idehhem W i izewÜen ad yeàåel Et qui se marie s’empêtre ; Rebbi ketterDieu, rends-nous plus sages ketter-aγ lefhem TessemlileÑEt unis-nous avec l’authenticité. TessemlileÑ-a d laåel (*) __________________________________________________________________________________________
3’. ë riγri - kem di tnafa
Je t’ai vue dans un songe27
1.
ëriγ riγ-kem di tnafa Nemê Nemêer amzun d ååe ååeà UfiγUfi -d ul yettfafa Beéé Beééu ééu yidyid-m iqerreà iqerreà
Je te vis dans un songe, Comme si c’était vrai, Je trouvai mon cœur troublé, La séparation d’avec toi est douloureuse.
5.
Urgaγ Urga nemlal di tmurt Tinna yejjem wulwul-iw28 TeÑ TeÑleqleq-as i temzurt Tecrured zdat wallenwallen-iw Lwerd ifsa tawwurt I-yecbeà yecbeà wexxamwexxam-iw !
Je rêvai que je rencontrais au pays Celle qui manquait à mon cœur, Déployant sa chevelure, Elle passa devant mes yeux, Le seuil jonché de roses épanouies, Et belle fut ma maison !
A wiwi-yufan lebγi leb i-s
Ah ! si je pouvais vivre à mon gré,
10.
27 Cette chanson, dont les paroles et la musique sont de Kamal Hamadi, a été chantée en public à l’émission radiophonique (radio nationale II, chaîne kabyle) du jeudi 24 mars 2005 (20h30-23h), en hommage à celui-ci. Ce genre de chansons comprenant généralement un refrain et trois couplets, selon toute vraisemblance, il y manque au moins un couplet ; mais comme nous l’avons transcrite à partir de la version chantée à la radio, nous n’avons pas pu la reconstituer dans son intégralité. 28 Dans la version originale, selon nos souvenirs, ce vers est Nekk d tin ià iàub wulwul-iw [moi et celle que mon cœur aime] tandis que le vers 10 serait I-yeεmer ye mer waxxamwaxxam-iw ! [que mon foyer est prospère !].
___ 394
15.
Ad yertiḥ yertiḥ segseg-wnezgum Yemlil wiwi-iàub wulwul-is Akked widak yennum çåura çåuraura-w tettweswis Nγan anan-iyi lehmum
Me défaire de tout souci Et rencontrer l’âme sœur Et celles auxquelles il s’est habitué ; Hélas ! mon corps frissonne Et les peines m’accablent.
__________________________________________________________________________________________
4. Ayγer Ay er i tÑeεfeÑ tÑe feÑ
Pourquoi as-tu maigri ?
1.
[Nnan ayγ ay er i tÑeε tÑe feÑ AqlAql-ak tuγ tu aleÑ am yedmim D lehlaklehlak-ik mi thelkeÑ Neγ Ne si lkwetra n ttxmim] (*)
On me dit : « Pourquoi as-tu maigri ? Te voilà tel l’aubépine ; Est-ce à cause de ta maladie Ou est-ce par excès de soucis ? »
5.
Mlaleγ Mlale leàbab n zik I yi- issnen di lweqt nn-l ε ali Nnan Nna n-i yexåer wudemwudem-ik Yezwi segseg-s uksum yeγ ye li NessenNessen-ik inur zzinzzin-ik Mbeεε Mbe id yetteflali Mellehlakehlak-ik Mel-aγ d acu i d lehlak i ra Yejreà wul m a kk- iwali (*)
Je revis les amis d’antan, Qui m’avaient connu à une époque prospère ; Ils me dirent : « Ton visage est terne, La chair qui l’embellissait a disparu ; Nous t’avons connu très beau, Tu rayonnais de loin ; Dis-nous le mal qui te ronge, De te voir nos cœurs sont blessés. »
Bγ an ad êren lexbar D acu nn-lehlak i yi-inγ in an Nnan tγ t elbeÑ amesmar QqimenQqimen-d degdeg-k siwa iγ i san BerkaBerka-k a gma si ddemmar Akkw d 1kwetra (n) yiγ eblan Rebbi d aànin d asettar Ncalleh a kk-åeggmen wussan (*)
Ils veulent avoir de mes nouvelles, Et savoir ma maladie ; Ils dirent : « Tu es plus maigre qu’un clou, Il ne te reste que les os ; Cesse de t’impatienter Et de trop de soucier ; Dieu est tendre et protecteur, Fasse-t-il que tu prospères. »
10.
15.
20.
A leàbab ula i nexdem Amis, je n’y suis pour rien, Ul daxel i tentC’est mon cœur qui est atteint ; tent-yuγ yu meskin u Les soucis ne veulent partir, Yugi a γ -yekkes ((-yexÑ ) uxemmem Si ddemmar lecγ Le dépit me brouille tout ; lec al rwin 25. A sComme si j’avais avalé un poison, s-tiniÑ nečča ssemm TtaÑsan wid ur nessin Les ignorants en rient ; DawiAtteint, guéris-moi, mon Dieu, Dawi-aγ a Lleh neε ne dem SeàluEt guéris les croyants. Seàlu-yaγ ya seàlu lmumnin (*) __________________________________________________________________________________________
5. Snat tullas 1.
Deux filles
[Snat tullas meàànentmeàànent-iyi Ul yewhem anta ara yextir Tin muqleγ muqle teεğeb te ğebğeb-iyi Ur êriγ êri anta ay axir] (*)
Deux filles me font peiner Et mon cœur peine à choisir : Elles me plaisent toutes les deux, Mais quelle en est la meilleure ?
___ 395
5.
10.
15.
20.
25.
30.
35.
Yiwet d yelliyelli-s n temdint TayeÑ d yelliyelli-s idurar I snat di leεqel le qelqel-iw reggwint Ul meskin we‚‚eà ar iàar Tin muqleγ muqle afeγ afe d tuzyint I snat ččurent d lesrar Tin dd-ineéqen d taànint Ur [……] mebla imurar29 (*)
L’une d’elle est citadine Et l’autre est montagnarde ; Les deux me brouillent l’esprit Et mon cœur est indécis ; Celle que je regarde, je la trouve belle, Et toutes les deux sont charmantes ; Quand elles s’expriment, elles sont tendres, Ne […] sans cordes
Teffeγ Teffe yiwet am tεelğett t elğett S tqendurt am zzedwa Tnewwer am twerdett D-ikkren di leğnan yeswa D yelliyelli-s n nnif d tidett Teγra Te ra di leεqel le qel teÂwa Di lqimalqima-s d tawizett D lwiz anebdu ccetwa (?) (*)
L’une sort comme une poupée, Dans sa robe, comme dans une fête, Belle comme une rose Du jardin épanoui ; C’est une fille d’honneur, Instruite et cultivée ; Elle vaut son pesant d’or, Perle d’été et d’hiver.
Attan yelliyelli-s n lεetra l etra Tuγ Tu abrid n ttaqeddum Tsellek imaniman-is berra Γas as ffeγ ffe degdeg-s anezgum TeffeγTeffe -d si llisi teγra te ra Leqraya tsebεed tseb ed lehmum Ma d nekk tiétié-iw mi tttt-teêra TeqqimTeqqim-d di lbal kul yum (*)
Voilà la fille ambitieuse Sur le chemin du progrès, Autonome dans ses actes, Elle n’est source de soucis ; Au lycée elle est studieuse, Elle éloigne les tracas ; Et moi dès que je la vois, Elle me hante l’esprit.
I snat d tullastullas-nneγ nne a D tirac mebl akwerfa Nnif γur urur-sent ii-yezdeγ yezde Sduklent leεqel le qel d ååifa Uklalent a tenttent-cekreγ cekre Meggrent sserr d ÑÑrafa ( ?) Tin di-iketben a tttt-kesbeγ kesbe LferàLferà-iw mačči yexfa (*)
Nos filles, toutes les deux, Sont tas de blé sans ivraie ; Habitées de dignité, Elles sont belles et sagaces ; Elles méritent que je vante Leur charme et leur politesse ; J’aurai celle qui m’écherra Et mon bonheur sera total.
__________________________________________________________________________________________
6. GmaGma-k
Ton frère
1.
[âader [âader lfayda d gmagma-k Balak ad akak-gen leγrur le rur D netta i d làermalàerma-k Wi ur nesi tagmatt meàqur] (*)
Prends garde au bien de ton frère Et prends garde aux trahisons, Tes frères sont ton honneur, Est honni qui n’en a pas.
5.
Gmaas xdemGma-k γas xdem-as lxir Yak d idammen ayenni
Ton frère, fais-lui du bien, Vous êtes du même sang ;
29
Passage pour nous inaudible.
___ 396
10.
15.
20.
Di ééiq a tt-tafeÑ zdeffir Ur kk-ireffed uberrani âader a kur lγir k-iγur l ir Wi ijerrben ad akak-yini (*)
Fais de lui ton allié, L’étranger ne soutient point ; Garde-toi de le trahir, Les sages te le diront.
Seqsi wi ur nesε nes i atmaten Γef ef tegmatt d acu teswa Sellaw yisemyisem-is ger medden Ur ihedde akken i ss-yehwa Ma yella àedd yesεa yes a-ten D nutni i d lqewwa (*)
Interroge qui n’a des frères Il te dira ce qu’ils valent Et la pâleur de son nom, Il ne disserte à sa guise ; Mais celui qui a des frères, Ce sont eux qui font sa force.
XdemXdem-as kan leàsan i gmagma-k a Di ééiq nett ara tafeÑ MmiMmi-s n babababa-k d yemma yemma-k Iàemmel àemmelàemmel-ik lazem a tt-tàemmleÑ Hader ad leεben le ben fellfell-ak A tt-tγunfuÑ unfuÑ neγ ne a tt-tferqeÑ (*)
Tu n’as qu’à choyer ton frère, Il est ton seul allié ; Le fils de tes père et mère, Il t’aime, tu dois l’aimer ; Garde-toi des faux-semblants Qui voudraient t’en détourner.
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7. MmektiγMmekti -d
Je me suis rappelé
1.
MmektiγMmekti -d d lexyallexyal-im Aql--i-n am umejruà Aql umejruà n rråas TeğğiÑTeğğiÑ-iyi ctaqeγ ctaqe udemudem-im A tin i ttarguγ ttargu kul ass
Je me rappelle ton ombre, Je suis comme blessé par balle ; Ton visage me manque tant, Ô toi, que j’attends toujours.
5.
Yeàreq wul mi ara kemkem-idid-yemmekti Yettmenni a durd-tezziÑ γur ur-s Γas as yiwyiw-wass ad amam-yini Si lğihalğiha-m mazal yuyes çaààa deg zzehrzzehr-iw yeγli ye li Iruà wissen anga yeéées YewwiYewwi-yiyi-t zzhu n temêi Sawleγ Sawle yugi a dd-iàesses
Ton souvenir brûle mon cœur, Il espère ta visite D’un seul jour, il te dirait Qu’il ne désespère de toi ; Hélas ! Mon sort est déchu, Il sommeille je ne sais où, Victime de ma jeunesse, Il est sourd à mes appels.
Lemmer àåiγ àåi akka ara teffeγ teffe w Ur dd-g erriγ erri deg lmuàal UdemUdem-im ur tt-ttissineγ ttissine UlUl-iw ur damdam-n-isawal Ifat làal mi ndemmeγ ndemme Γile ileγ ile lmektub ur yettmal S làubblàubb-im nneεtabe nne tabeγ tabe S anga rri erqen lecγal rriγ εerqen lec al
Si je savais qu’il allait en être ainsi, Je ne me serais pas enlisé, Je ne t’aurais pas connue, Mon cœur ne t’aurais appelée ; J’ai regretté, c’est trop tard, J’ai fait confiance au destin ; Ton amour m’a épuisé, Tout est brouillé où que j’aille.
ëriγ ëri si lğihalğiha-m tettuÑ D nekk i dd-yurez ttexmam
Toi, tu as tout oublié, C’est moi que les tourments gagnent ;
10.
15.
20.
___ 397
25.
Ur tettεawazeÑ tett awazeÑ ur tettruÑ Γur urur-m d iéij yekkes éélam S tsusmitsusmi-m la didi-trennuÑ Yenγa Yen a-yi uàebber fellfell-am
Tu ne veilles, tu ne pleures, Chez toi le soleil se lève ; Et ton silence me pèse Comme les soucis me tuent.
__________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________
8. Seεdeyya Se deyya 1.
5.
10.
15.
Sadia30
[Ula d nekk sε s i γ lebyan Neγ balak d lebleyya Ne Simmal yettbeddil zzman Tettbeddil lε l eqleyya Irgazen at nnif ε yan Xdem rrayrray-im a Seε Se deyya] (*)
Moi aussi j’ai une preuve Ou peut-être un présage : A mesure que les temps changent Changent les mentalités, Les hommes virils sont las, Sadia, fais-t’en à ta tête !
Mlaleγ Mlale -tttt-id tceééeà Mreàba s minimini-serwal TeqqarTeqqar-as yya ma anan-nruà I'erI'er- lficéa nn- la Noël ArgazArgaz-is bu tfenéazit TerraTerra-t i tarda nn-leàwal (*)
Je la vis, elle dansait Dans son mini-pantalon, Elle disait : « Allons-y A la fête de Noël ! » A son prestigieux mari Elle confia la vaisselle.
S ssak s ssaε ssa a degdeg-ufus çåifa--ines testewàac çåifa Acimi tseééel aqerruaqerru-s SteqsitSteqsit-tt a wenwen-d-tini ttrac Twet argazargaz-is s lmus w Tegg rara-d di làebs nn-Làerrac ( *)
Sac et montre à son bras, Séduisante est sa beauté ; Elle s’est coupé les cheveux, Qu’elle vous dise pourquoi ? Elle a poignardé son homme, Elle a fait de la prison.
Di làuma yekker uhetwir Il y a tapage au quartier, 20. FaÑma d wergazFatma et son homme sont saouls : wergaz-is åekren DegDans la rue elle le traîne, Deg-wezniq la teskeÂki D nettat i t-ijemε C’est elle qui le ramasse ; ijem en « Lève-toi, il faut partir ! » Lève-toi, il faut partir ! S trumit i la heddren C’est en français qu’ils devisent. ( *) __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________
9. MelMel-iyiiyi-d ddwa 1.
Dis-moi le remède
[Mel[Mel-iyiiyi-d ddwa Neγ zziNe zzi-d γ urur-i UlUl-iw ii-yebγ yeb a Siwa kemmini] (*)
Dis-moi le remède Ou rends-moi visite, Ce que veut mon cœur, C’est toi — tu le sais.
30
Cette chanson a été chantée par Aït Menguellet mais les paroles sont de Slimane Chabi, un chanteur contemporain de notre poète. Pour le lecteur qui a déjà écouté Aït Menguellet ou lu ses poésies, le contraste est frappant tant il ne transparaît dans aucun des autres textes aucune velléité de dénonciation du vent d’émancipation dont la femme algérienne (algéroise) aurait bénéficié dans les années 60 et 70. Le contraste est aussi manifeste entre les compositions du poète et celles de Kamal Hamadi (5 chansons, de 3 à 6 + 3’) ainsi que celles du poète ancien Si Muhend u Mhend.
___ 398
5.
10.
15.
20.
Yergagi lxaéer Mi kemkem-idid-ifekker UlUl-iw amejruà Yenγ en a-t uàebber ( *)
Mon esprit trembla A ton souvenir, Mon cœur est blessé, Les soucis le tuent.
I nudant wallen I steqsaγ steqsa medden NnanNnan-d lemtellemtel-im Ur tt-idid-mlalen (*)
Mes yeux ont cherché, Les gens consultés Ont dit que semblable à toi Ils n’ont rencontré.
çåbeà tameddit Éiceγ Éice di targit Ma truàeÑ fellfell-i Rêaget ddunit (*)
Matin et soir, Je vis dans le rêve, Si tu m’abandonnes, La vie sera amère.
FellFell-am ttγ tt enniγ enni D kemm ay bγ b iγ SegSeg-wasmi truàeÑ Lehna ur tttt-ufiγ ufi ( *)
C’est toi que je chante, C’est toi que je veux, Depuis ton départ, J’ai perdu ma paix.
Kul ass d asirem Ad iliγ ili yidyid-m Ul fellfell-am yettru Yugi ad yessusem (*)
Tous les jours mon vœu C’est d’être avec toi, Mon cœur, qui te pleure, Ne veut pas se taire.
Berka si lmeànat Dissipe mes peines, La tε Le temps passe hélas ! t eddin lewqat Uγ alReviens près de moi, al-d ar γ urur-i Yak temêi tettfat Jeunesse éphémère. (*) __________________________________________________________________________________________
25.
10. Nemnam31 1.
5.
31
Le songe
MelMel-i-d acu dd-tessuliÑ ÚerÚer-i mi d-tusiÑ A targit efkefk-i lehna Ma si ééaq i dd-tettε tett eddiÑ A tt-γ elqeγ elqe kul iÑ ÚerÚer-i ur dd-tkeččmeÑ ara Fiàel ma didi-d-tesmektiÑ ëriγ ëri kra teêriÑ Lehmum bdanbdan-d mačči assass-a
Dis-moi ce qui t’édifie A venir à moi, Songe, laisse-moi en paix ; Si c’est par la fenêtre que tu passes, Je la fermerai chaque nuit Pour que tu n’entres pas ; Tu n’as pas à me rappeler, — Je sais ce que tu sais — Que mes peines ne datent pas d’aujourd’hui.
Cette chanson a été reprise par Saïd Freha avec l’autorisation de l’auteur.
___ 399
10.
15.
20.
25.
[Nemnam[Nemnam-agi yeskiddib Ur tt-ttamen ay aàbib Urgaγ Urga lliγ lli di tmurttmurt-iw Mi dd-ukiγ uki Ñài Ñàiγ ài d aγ a rib] (*)
Les songes sont des menteurs, Ne t’y fie pas, ami : J’ai rêvé que j’étais dans mon pays, Au réveil, je me suis retrouvé en exil.
SegSeg-wasmi heggan aε win Ay ul mazalmazal-ik tecfiÑ A targit beε ε eded-i akin ra Acuγ Acu er a didi-d-tesmektiÑ Wid beε be deγ de ÜÜiγ ÜÜi -ten din S éémeε ééme a tenten-idid-tettawiÑ i ra çåbeà çåbeà m a didi-d-ssakwin BanenBanen-d lekdubat nn-yiÑ (*)
Le jour où on a préparé mon viatique, Mon cœur s’en souvient encore ; Songe, éloigne-toi de moi, A quoi bon raviver les souvenirs ; Ceux que j’ai laissés au loin, Tu miroites leur souvenir ; Le matin, au réveil, Eclatent les mensonges de la nuit.
Lemmer d ååeàà a nemnam Ad iÑru kra dd-teqqareÑ i ra M a didi-tessiwÑeÑ s axxam Dinna kan ara didi-teÜÜeÑ Ur didi-d-ikki segseg-k lewqam Ur umineγ umine i dd-teqqareÑ Mi ara yali wass yekkes éélam TettaÑsaÑ γeef-wid i tkellxeÑ (*)
Songe, si tu disais vrai, Tes augures seraient réels : Tu m’emmènerais chez moi Et tu devrais m’y laisser ; Tu n’es pas source de bien, Je ne me fierai à toi Car lorsque le jour se lève Tu ris de ceux que tu bernes.
_________________________________________________________________________________________________________________
11. A zzin arqaq
Beauté sublime
1.
çebàan ii-yexdem uxellaq Wi kemkem-iêran ad yessefru TmelkeÑTmelkeÑ-iyi a zzin arqaq UdemUdem-im ireqq d asafu
Gloire au Créateur qui t’a façonnée telle que Quiconque te voit est inspiré, Toi qui me possèdes, ô sublime beauté, Dont le visage brille tel l’éclair (un flambeau)
5.
[A zzin arqaq UdemUdem-im ireqq d asafu] (*)
Beauté sublime, Ton visage brille comme un flambeau
Mi truà γer er tala a dd-tagwem FellFell-as la ttγennin tt ennin leÑyur γe e Win i f i tεedd t edda ad yewhem I warrac εerqen erqen lehdu Ul ii-yebγa yeb a siwa siwa kemm D kemm ay udem n nnu (*)
Quand elle part à la fontaine, C’est elle que les oiseaux chantent ; Elle charme celui qu’elle croise, Fait bégayer les garçons ; Mon cœur ne veut que toi, Toi, visage lumineux.
çåbeà mi dd-tÑall si ééaq efIéij yeÑsayeÑsa-d γef ef-wudemwudem-is çåifa nn-lwerd aleqqaq çebàan wi ixelqen sserrsserr-is Mi kemkem-iğğa wul a kemkem-ictaq TcerkeÑ di ddunitddunit-is (*)
Quand, le matin, elle se met à la fenêtre, Le soleil sur son visage sourit ; Beauté d’une tendre rose, Gloire au Créateur de ton charme ; Mon cœur, tu lui manques aussitôt qu’il t’a quittée, Tu contribues à son existence.
10.
15.
___ 400
S ååifaTu me hantes de ta beauté, ååifa-m tmelkeÑtmelkeÑ-iyi FellChaque jour je pense à toi ; Fell-am d aàebber kul ass Ula d iÑes yeğğaLe soleil même m’a quitté, yeğğa-yi D aεwaz Je veille jusqu’au matin ; a waz ard yali wass LexylaurTon ombre est toujours présente, Lexyla-im yezga γur ur-i Lefraq s sserr La séparation ajoute à son charme. sserr yernayerna-yas (*) __________________________________________________________________________________________
20.
12. Ma truÑ 1.
5.
10.
15.
20.
25.
Si tu pleures
ErrErr-iyiiyi-d ay adrar ååut Γas as ma d ayen i dd-qqareγ qqare u D ac ii-yettcabin lmut D tin εzizen zizen i furqeγ furqe A mm-iniγ ini udemudem-iw ttuttu-t Amek ara daγda -d-yas ååber
Ô montagne, fais écho Même si c’est ma propre voix ; Quoi de plus semblable à la mort Que d’être séparé de celle qu’on aime ; Oublie-moi, je te le demande, Peut-être me résignerais-je.
Ma truÑ ula d nekk kter TesreêgeÑTesreêgeÑ-iyi ddunitddunit-iw Am umeslub yekfa ååber Deg yizenqan yezga yixfyixf-iw
Si tu pleures, je pleure plus, Tu me rends la vie amère, Comme un fou je perds patience, Je vais hantant les venelles.
Yeàzen wul mi kemkem-inin-yeğğa Yerra ttexmam d axåimaxåim-is Acàal nn-wussan yurğa A dd-tefreà ddunitddunit-is Ziγ Zi di lmektublmektub-iw yura Zzher fellfell-i yeffer udemudem-is
Triste de t’avoir quittée, Mon cœur s’adonne aux soucis ; Combien a-t-il espéré Une joyeuse existence ; Mais cruel est le destin, La chance ne me sourit.
AmAm-win yugmen s uγerbal u erbal Yettεemmir Yett emmir wer dd-ittawi Ömεaγ lemàibba nn-leàlal ÖelbeγÖelbe -tt lmektub yugi D wi ur tessin ii-yåaà wawal RağuRağu-w yuγal yu al d akwerfi
Tel celui qui puise dans un tamis, N’emplit ni n’emporte rien, J’attendais amour licite, Le destin me le refuse : Un inconnu me l’a pris, L’attente devint corvée.
A win tttt-iwwin ur kk-ssneγ ssne A kk-weååiγ weååi àader ååifaååifa-s EfkEfk-d ååutååut-is a ss-sleγ sle U lukan d yiwen wass TewwiÑ lwiz i àemmleγ àemmle TeğğiTeğği-Ñ-iyi bγir b ir llsas
Inconnu qui l’a ravie, Veille à sa beauté sublime, Fais-moi entendre sa voix Ne serait-ce qu’une fois ; Tu as pris l’or que j’aimais Et tu m’as laissé sans socle.
Rose épanouie, tu me plais TεeğbeÑ eğbeÑeğbeÑ-iyi a lwerd ifsan 30. SegEn tout bien et tout honneur ; eg-wul yeåfan d nneyya LexyalTa silhouette à tout moment Lexyal-im mkul lawan Zdat wallenSe dresse devant mes yeux ; wallen-iw ii-yella Ruà tura εic ic di laman Va vivre en toute confiance Γas as fekkerEt revois-moi dans tes songes. fekker-iyiiyi-d di tnafa __________________________________________________________________________________________
___ 401
13. IÑaq wul 1.
5.
10.
15.
20.
Le cœur oppressé
Di ddunit bàal tiddas Kul yiwen làerfalàerfa-s i W ur neêwir yenza yixfyixf-is IlulIlul-d lεebd l ebd ittwaqas Lehna tettwakkestettwakkes-as32 S yimeééawen i dd-yelli allenallen-is
La vie est un jeu de dames, A chacun ses pions, Ceux mal servis sont perdus ; L’homme naît dans la rigueur, Il perd le bonheur, Ses yeux sont déjà en larmes.
[IÑaq wul ad awenawen-iàku A kra nn-leàbab yakkw yeêran Eğğet ixfixf-iw ad yessefru Lexwaéer atna d imuÑan] (*)
Mon cœur, oppressé, vous conte, Amis qui avez tout vu, Laissez ma muse chanter, Les esprits sont maladifs.
Mačči d yiwet neγ ne d snat Mačči d assass-a d yiÑelli ÉerqenÉerqen-iyi ula d lewqat Uγale aleγ ale beddleγ beddle tikli Γef ef temêitemêi-w lweqt ifat BdanBdan-d leεyub le yub wer nelli (*)
Plus d’une fois, plus de deux, Plus qu’aujourd’hui, plus qu’hier, Je perds la notion du temps Et je change d’attitude ; Ma jeunesse est dépassée, De nouveaux vices me gagnent.
D lemleà ii-yezreε yezre ufusufus-iw Yettrağu rrbeà a tt-yennal Ziγ Zi tessendaf leğraàleğraà-iw âsiγ âsi s ddunit tmal Leàzen yersef temêiyers-d γef temêi-w BdanBdan-d leεyub le yub wer nuklal (*)
Ma main a semé du sel Et aspire à la fortune ; Elle ravive mes plaies Et me pousse au pessimisme ; Triste est ma tendre jeunesse, Des vices indignes me gagnent.
Je jure par ceux, debout comme des ombres, Uàeqq wi ibedden am lexyal Yumen s Rebbi d lmektub Croient en Dieu et au destin, 25. Ar diQue les morts sont mieux que moi ized en akal di-yif wi izedγen Yertaà i yiberdan n ddnub Car loin des voies du péché ; Γef ef temêiMa jeunesse est dépassée, temêi-w iruà làal Mebla lweqt bdanLe vice me gagne avant l’heure. bdan-d leεyub le yub (*) __________________________________________________________________________________________
14. Yir targit 1.
32
Le pire cauchemar
[Am di yir targit kecmeγ kecme Mi sliγ sli tbeddleÑ axxam
Ce fut commeun cauchemar Quand tu changeas de demeure,
Dans Aït Menguellet chante… (T. Yacine, p. 131) la strophe continue par :
AlbeεÑ Albe Ñ Rebbi yefkayefka-yas Wa meskin yekkesyekkes-as Iàar a tt-idid-yas wasswass-is
Dieu a donné à certains Tandis qu’il en a démuni d’autres Ceux-là qui impatiemment attendent leur lot
tercet que nous n’avons trouvé nulle part dans l’œuvre d’Aït Menguellet. Il s’agit fort probablement d’une ‘‘strophe’’ qui clôt un neuvain ancien, enfouie dans la mémoire de Yacine, et qu’elle a greffée aux deux tercets constituant une forme fixe (neuvain) qui lui auraient semblé incomplète.
___ 402
5.
10.
15.
Ggwriγri -d d awàid néerreγ néerre Ugiγ Ugi ad åebreγ åebre fellfell-am] (*)
Je restai seul à souffrir De ne pouvoir t’oublier33.
Ma mlaleγmlale -kemkem-id yiwen wass Γur urur-m wağebwağeb-d i tmuγli tmu lili-w A kemeqleγ kem-inin-εeqle eqle ger tullas FellFell-am ad cfunt wallenwallen-iw TeğğiÑTeğğiÑ-d ccama d rråas rråas Ma a kemkem-ttuγ ttu di ddunitddunit-iw (*)
Si un je te rencontre, Daigne répondre à mon regard ; Je te reconnaîtrais parmi les filles Et mes yeux se souviendraient de toi ; Tu m’as laissé une cicatrice de plomb, T’oublierais-je jamais dans la vie ?
Ma ffγe ff eγ--am si lbal wissen Ciwer ulul-im ad amam-yini Yiweddiγ urYiw-wass a nn-εeddi eddi γur ur-wen Balak a kemkem-idid-yesmekti D ulul-iw ii-yenneεtaben yenne taben SsebbaSsebba-s d kemmini (*)
Peut-être serais-je sorti de ta conscience, Seul ton cœur te le dira ; Un jour je serai des vôtres Peut-être te rappellerait-il ; Mais c’est mon cœur qui endure Et tu en es bien la cause.
D kemm i d tamezwarut Tu es la première I-y-ssneγ Que j’aie connu dans ma vie, ssne di ddunitddunit-iw Tu es la clef D kemmini i d tasarut 20. Ifetàen lebγi Qui a ouvert mon cœur ; leb i nn-wulwul-iw D kemm iTu es semblable à la mort, i-yecban lmut Mi terêiÑ lmektubTu as brisé mon destin. lmektub-iw (*) __________________________________________________________________________________________
15. Wekkleγ Wekkle Rebbi 1.
5.
10.
Je m’en remets à Dieu…
Ttxilek a „‚eh εawen awenawen-iyi am-win turğa Teryel AqlAql-i amMa γli liγ li a „‚eh rfedrfed-iyi S yisemyisem-ik ay dd-nsawel Lwacul Lwa cul zzinzzin-iyi [Yak zzinzzin-iyi] Nenéer d lεib l ib ma nerwel
Par ta grâce, mon Dieu, aide-moi, Je suis tel celui qu’attend l’ogresse ; Si je chois, mon Dieu, relève-moi, C’est en ton nom que je fais appel ; Les garçons se sont ligués contre moi, Je souffre et la fuite serait une honte.
Wekkleγ Wekkle Rebbi i zzher yeéésen La ttrağuγ ttrağu mazal yuki TÑall tafat γef ef medden Muqleγ Muqle iéijiéij-iw yeγli ye li
Mon sort sommeille, je m’en remets à Dieu, J’attends de le voir se réveiller ; Il fait jour pour les gens Mais mon soleil s’est couché.
Wi iγilen i ilen ddunit teåfa34
On croit que la vie est pure
33
Littér. : [je refusai je patienterais sur toi] « Je refuse de me résigner… »
34
Cette strophe a été substituée à celle de la première version, qui est :
Win i diyidiyi-icban yenéer yenéer SkerSker-it a „‚eh ma yeγli ye li Di temêitemêi-s yerbeà yexåer Yessen taÑsa d yimeééi A win yeàwağen aciwer LàuLàu-d ma a kk-idid-nesteqsi
Que mon semblable souffre, Relève-le, mon Dieu, s’il tombe ; Jeune, il connaît bonheur et malheur, Il connaît rires et pleurs ; Toi qui as besoin de conseils, Viens que nous t’interrogions !
___ 403
15.
20.
25.
Menwala ad iÂekkeb llsas Êuàeγ Êuàe i leεbad le bad s nneyya Mkul yiwen s lqimalqima-s Làal anda ddiγ ddi yemsa35 A ss-tiniÑ huddeγ hudde aεessas a essas
Et que jette les fondations qui veut ; Avec les gens j’étais bien intentionné, J’accordais à chacun sa valeur ; Où que j’aille tout est insipide, Ai-je commis un sacrilège36.
Abrid dd-iÑehren fellfell-i37 F zzherzzher-iw ad yekkes éélam Ttrağuγ urTtrağu a dd-yas γur ur-i Mebla leεtab le tab d ttexmam Ziγen Zi en medden zwarenzwaren-iyi Heggan usu qbel naddam
La voie qui transparaissait Et qui eût dissipé les ténèbres de mon sort, J’attendais qu’elle vienne à moi Sans peine et sans souci : D’autres m’ont devancé hélas ! Ils ont préparé leur couche avant le sommeil.
Abrid i γeef bniγ bni iruà WayeÑ ilulilul-d yufayufa-yi Ziγ Zi nnuÂnnuÂ-is d amecéuà Bàal iéij ma yeγli ye li A Rebbi cfucfu-yi leğruà D lεebd l ebd ula d nekkini
Le chemin sur lequel je comptais, C’en est un autre qui l’a supplanté, Son éclat était très faible Tel le coucher du soleil ; Mon Dieu, panse mes blessures, Moi aussi je suis un être humain.
__________________________________________________________________________________________
16. A lwaldin
Père et mère !
1.
[A lwaldin anfetanfet-iyi erUr ttàaret γer er-zzwağzzwağ-iw] (*) Γas as tessnem textaremtextarem-iyi Ugwadeγ ade ad weddÂeγ weddÂe temêitemêi-w (*)
Père et mère, laissez-moi, Mon mariage peut attendre, Bien que vous ayez choisi, Je crains de perdre ma jeunesse.
5.
Bγiiγ tin ara didi-iàemmlen Ad tzux ger ger tezyiwintezyiwin-is UlawenUlawen-nneγ nne ad mlilen Kul yiwen ad yaweÑ lebγi leb i-s Di ddunit ad dduklen Kul wa ad yesseεdel yesse del tiklitikli-s Ulac ccwal gargar-asen Wi inéerren ad yeğğ si làeqqlàeqq-is
Je veux celle qui puisse m’aimer Et qui soit fière de moi, Nos cœurs se rencontreront, Chacun de nous arrivera à ses fins ; Dans la vie ils seront unis, Chacun modulera sa conduite ; Point de discorde entre eux : Et le plus lésé fera des concessions.
Bγiiγ anan-nehde anan-nemlil
Je veux la voir, lui parler
10.
Rappelons que dans cette version, chantée en 1987, la mélodie du prélude a été légèrement modifiée par rapport à celle de la première, chantée à la fin des années 1960, au tout début de la carrière du poète, soit une vingtaine d’années auparavant. Quant au morceau rythmé de la chanson, il a été complètement modifié. 35 Une erreur s’est glissée dans la traduction de T. Yacine (Aït Menguellet chante…, p. 198) : yemsa « il est effacé/fade/insipide » est traduit par « tout s’éteignit », traduction qui correspond à yensa [verbes dont les signifiants ne se distinguent à l’accompli que par la première radicale (bilabiale nasale m ~ labiodentale nasale n)]. A moins que ce soit là une erreur d’attention, la proximité sémantique dans la sphère de l’abstrait entre les deux verbes peut effectivement être source de confusion. L’auteur, consulté à ce propos, insiste sur le sens « insipide ». 36 Littér. : [tu dirais j’ai détruit un Gardien]. aεessas essas signifie le saint Gardien, qui n’a pas forcément un sanctuaire, c’est comme le dit J.-M. Dallet (1982 : 1003) le « gardien protecteur invisible, commis par Dieu à la garde d’une maison, d’un village, d’un champ, d’un pays ». Dans ce sens les expressions aεessas essas n uxxam « Gardien de la maison », aεessas essas n lebàur « Gardien des mers », aεessas essas n unnar « Gardien de l’aire (à battre le grain) » sont fréquentes. Le poète parlerait ici plutôt d’un mausolée, d’un sanctuaire, dont la destruction est un sacrilège qui attire la malédiction. 37
La version ancienne de ce vers est :
Urğiγ Urği assass-a d yiÑelli
[j’ai attendu aujourd’hui et hier]
___ 404
15.
20.
25.
30.
35.
Uqbel a dd-teddu d tislit AnAn-nêer ma d zzin ushil Yessnen lesrar n ddunit S kra nn-wi iåebren ur yuzzil Inuda γeef lebγi leb i-s yewweÑyewweÑ-it Medden ur dasdas-qqaren aàlil Atan yemmayemma-s tγurr t urrurr-it
Avant le jour de ses noces, Voir si elle est beauté innocente Qui connaît les secrets de la vie ; Qui s’arme de patience Atteint toujours son but, Les gens ne diront pas : pauvre de lui ! C’est sa mère qui l’a leurré.
Cubaγ er ssif Cuba zzwağ γer Di snat leğwahileğwahi-s yeqÑaε Win ara izewğen bessif D lmuhal ad yaf lehna Yettarra imaniman-is di rrif Yusem si medden merra Axxam yeqqwelel-as d aγilif a ilif XirXir-as taguni n berra
Le mariage est comme une épée Aux deux tranchants acérés, Celui qu’on marie de force Jamais ne trouvera la paix ; Il ira s’isolant Et enviant tous les gens, Sa maison sera source d’ennuis Et il préférera dormir dehors.
Mayella ur ttğibeγ tt-εğibe ğibe ara AnAn-nemmizwağ ulamek BabaBaba-s si lğihalğiha-s yebγa yeb a a Liàal a γ--d-tas tecbek Mayella ur tttt-ncawer ara Mebla lebγi leb i-s ad tàennek UlUl-is ur tt-idid-tewwi ara D lmuàal lehna a γ--tecrek
Et si je ne lui plais pas, Comment nous marierons-nous ? Et si son père seul voulait, La situation est gênante ; Si elle n’est pas consultée, Elle se fera belle contre son gré, Et si elle n’a pas le cœur à m’aimer Jamais nous ne trouverons la paix.
Ur dieddert a lwaldin Père et mère, ne me ruinez pas, di-γeddert áğetLaissez-moi me fiancer de moi-même, áğet-iyi ad xeÑbeγ xeÑbe s ååfa Ma rniγ Si je patiente un an ou deux, rni aseggwas neγ ne sin 40. Ttxemmimeγ C’est que je pense à l’issue ; Ttxemmime i taggara Ur ttfakkant telmeêyin Des filles, il y en aura toujours telmeêyin Tin i di-iketben tella Et j’aurai celle qui m’aura offert mon destin : i A ttJe la connaîtrai et elle me connaîtra, tt-issineγ issine ad iy -tissin AnNous nous marierons dans le bonheur. An-nemmizwağ s nneyya __________________________________________________________________________________________
17. Γef ef yisemyisem-im38
En ton nom
1.
A tin i γeef yuzzel leqlam TtwaliγTtwali -tt ur yi-d-twala A tin i s yecbeà yecbeà wexxam Tecreq d iéij di ccetwa
Toi qui fais courir ma plume, Je te vois sans que tu ne me voies ; Toi qui égayes le foyer, Tu poins tel le soleil en l’hiver.
5.
A tin dd-ittεeddin itt eddin neàreq Awal ur diyi-d-yettali Ugadeγ Ugade a dd-yali lmenéeq A dd-yeγli ye li wedrar fellfell-i
Quand tu passes tu m’embrases, Et me rends si muet, Je crains que si je te parles Je ne puisse m’assumer39.
38 On enregistre dans cette chanson une première innovation sur le plan du mètre. Tandis que le vers traditionnel pouvait être ou un heptasyllabe (7 syllabes) ou un pentasyllabe (5 syllabes), on a affaire ici, à partir de la quatrième strophe, à un ennéasyllabe (9 syllabes) dans un rythme probable, musical en tout cas, de 3/2/4.
Traduction douteuse de littér. (respectivement v. 8 et 12) : « La montagne me tomberait dessus. » et « La montagne te tomberait dessus. »
39
___ 405
10.
15.
20.
25.
Lukan ulul-iw a tt-teγreÑ te reÑ D acu γer erm ii yessaram er Lemmer ayen ii-yebγ yeb a ad tfehmeÑ A dd-yeγli ye li wedrar fellfell-am
Si tu lisais dans mon cœur Ce qu’il espère de toi, Si tu pouvais comprendre, Tu ne pourrais t’assumer.
[Γef ef yisemyisem-im aεziz a ziz yuzzel leqlam TeràiÑTeràiÑ-iyi a tin izedγen ized en ulul-iw A ttejra n lxux i dd-rebban waman LexylaLexyla-im iteddu ger wallenwallen-iw] (*)
En ton précieux nom court ma plume40, Tu me chagrines et hantes mon cœur ; Pêcher épanoui du bord de l’eau, Ta silhouette hante à jamais ma vue.
Éerqen lehdu di tebratt n sslam Éerqen i wul lehdu ara yini Mačči d ayen ara dd-yeàku fellfell-am D timlilit yidyid-m ii-yettmenni D kemm i d iéij ma lliγ lli di éélam Kul mi dd-bedreγ bedre isemisem-im berkaberka-yi (*)
Je perds mes mots quand je t’écris, Mon cœur bafouille et ne sait que dire ; Que raconterait-il de toi sinon Qu’il espère t’avoir près de lui : Mon soleil quand je suis dans le noir, Ton nom, quand je l’évoque, me comble..
Win i dasdas-yennan atan yuÑen Ifhem--iyi ma ijerreb yeêra Ifhem Helkeγ Helke lehlak nn-wid yettmelken Mačči γur ur éébib i ttafen ddwa DegDeg-wulwul-iw siwa kemm ii-yzedγen yzed en Mi tkecmeÑ i delqent tewwura d-γelqent (*)
Celui qui dira que je suis malade Me comprendra s’il est expert : Je souffre du mal des possédés Que nul médecin ne peut guérir ; Mon cœur, tu es seule à l’habiter Tu y pénétras, il se referma.
Γef ef yisemEn ton nom mes entrailles, lacérées, yisem-im tasa igzemigzem-itt lmus Tejreà tettru kul mi ara dBlessées, pleurent à chaque souvenir ; d-temmekti La ttxemmimeγ Je m’inquiète de mon triste sort, ttxemmime γeef zzehrzzehr-iw ixuå Siwa netta i kemMon seul ennemi qui t’a éloignée : kem-isbeεden isbe den fellfell-i i Öelbeγ Je prie Dieu de nous tendre la main Öelbe di Rebb a γ--d-yaγ ya afus Et que Sa Lumière nous éclaire. Tafat anda tella a dd-teflali (*) __________________________________________________________________________________________ 30.
18. Lkaysa 1.
[Fellam i ffudent wallenwallen-iw I-yeàreq wul-iw çebbreγçebbre -t yugi ard dd-iàesses A Lkaysa] (*)
5.
A kk-weååiγ weååi ruà àkuàku-yas Ayen ara dakdak-hedÂeγ hedÂe ini-as TeêriÑ wi tttt-ilan Dayen, εyi yiγ yi di ååifaååifa-s Ala lehlak si lğihalğiha-s Yehbel wi tttt-iêran
10.
‘‘La Courtoise’’ Mes yeux ont soif de te voir, Mon cœur brûle de te voir, Il n’écoute ma sagesse, Ô courtoise. Je te conseille d’aller Lui raconter mes paroles, Tu la connais bien ; Je n’en peux plus de la voir, Je n’en récolte que du mal, Qui la voit en devient fou ;
T. Yacine (Aït Menguellet chante…, Alger, Buchène, 1990, p. 129) traduit Γef ef yisemyisem-im aεziz a ziz yuzzel leqlam par Sur ton nom aimé ma plume court. Il est vrai que la préposition γeef a la valeur spatiale « sur », mais elle a aussi la valeur ‘‘causale’’ « en », et en l’occurrence la plume peut très bien courir en l’honneur du nom de la bien-aimée et ne le faire sur le nom — car cela suppose qu’il est déjà écrit — que pour le raturer, osons l’expression. Les vers 1 et 29 confirment nos dires : la plume ne saurait courir sur la bien-aimée (v. 1 : [ô celle sur qui la plume courut) ni le couteau lacérer le foie sur la bien-aimée (v. 29 : [sur ton nom le foie, il la coupa, le couteau].
40
___ 406
15.
20.
25.
30.
Ul ma ifekkerifekker-ittitt-id yiwyiw-wass Ad εefse efseγ fellfell as efse Ma ttuγttu -tt ad ggane gganeγ uÑan A Lkaysa (*)
Si un jour mon cœur l’évoque, Je le foulerai, Et retrouverai le sommeil41, Ô courtoise !
Mi serseγ serse làağa a tttt-ttuγ ttu I lecγal lec aliw ur ceffuγ ceffu al IteffeγIteffe -i leεqel le qel Degleààu Deg-webrid mi ara leààuγ Ad shetrifeγ shetrife cennuγ cennu QqarenQqaren-as yemxell Rrbeàuγ Rrbeà-iw mi ara tttt-sεu Ard àluγ àlu Ad afeγ afe sseεd sse d-iw yekmel A Lkaysa (*)
J’en oublie jusqu’aux objets, Ne me rappelant de rien, Je ne fais que paniquer ; Sur mon chemin, quand je marche, Je délire et je chante, On me prend pour un fou ; Quand j’aurai celle que j’aime Je guérirai Et mon bonheur sera total. Ô courtoise !
Ay ulul-iw yefnayefna-k ååber Fell--i la txeddem lmenkwe Fell Tebγa Teb a leεtab le tabtab-iw Terra lehlaklehlak-iw meqqer LhemmLhemm-iw degdeg-s teàÑer Tesseεweğ Tesse weğ ussanussan-iw WalaγWala -tt tεedda t edda s nnÑer
Résigne-toi, ô mon cœur, Elle me languit Elle veut ma perte ; Elle aggrave mon mal, Participe à ma peine Et anéantit mes jours ; La voyant passer altière,
Yergagi lxaéer
Mon âme frémit,
ëriγ Je sais qu’elle n’est pas à moi, ëri mačči d rrezqrrezq-iw A Lkaysa Ô courtoise ! (*) __________________________________________________________________________________________
19. D aγrib a rib 1.
5.
10.
Exilé !
[D D aγrib a rib ur zegreγ zegre lebàer (Lfiraq yewεer) yew er)42 Beεden Be den lwaldin fellfell-i Win mi àkiγ àki a dd-yeàku kter D acu ss-nexdem i Rebbi ] (*)
Exilé dans mon pays, — Dure est la séparation — Je suis loin de mes parents ; Celui à qui je me conte m’en conte plus, Qu’avons-nous donc fait à Dieu ?
Nurğa leεyud le yud s wallen Nettxemmim ma ad aγa -serràen i Neγ Ne a dd-inin mačč assass-a Öelqen i wid iàedqen GarGar-aneγ ane akkw i tenten-xtaren Widak ur nesεi nes i sseyya43
Nous attendons au loin les fêtes, Mais nous libérera-t-on ? Remettra-t-on à plus tard ? Ils libèrent les plus dociles, Qu’ils trient parmi nous, Ceux-là qui n’ont pas commis de péché
41
Littér. (v. 11 à 13) : « Le cœur, s’il se la rappelle un jour, Je le foulerai, Si je l’oublie je dormirai les nuits. »
42
Ce vers (v. 2) figure uniquement dans le prélude, pas dans le refrein.
43
L’ancienne version est (v. 6 à 11) :
Nerğa leεyud le yud s wallen DegDeg-s ahat ad mlilen Widak tecrek lemàibba
Nous attendons de loin les fêtes Où peut-être se verraient Ceux que l’amour a unis ;
___ 407
La ttruγ Tandis que je pleure avec ceux qui sont restés, ttru d wid wid dd-iqqimen Ay irfiqenirfiqen-iw di lmeàna Mes compagnons de misère. (*) UfiγJe me retrouvai tout seul Ufi -d imaniman-iw d awàid w 15. Mi dLorsqu’arriva la nouvelle année, d-iwweÑ usegg as ajdid Kul wa yezha d wi iàemmel Chacun s’égayait avec qui il aime ; iàemmel YezgaMon chemin s’avèra long, Yezga-d fellfell-i iÑul ubrid AmTel celui qui est ligoté Am-win yettwarzen s lqid Yufa imanEt qui se retrouve enchaîné ; iman-is di ssnasel 20. Lqut amek ara yiêid La nourriture serait-elle douce UlUl-iw si leàzen yeÂmel Mon cœur couvert de tristesse ? (*) S zzalamié i àessbeγ Je compte à l’aide d’allumettes, àessbe Kul ååbeà yiwet a ttChaque matin j’en brise une, tt-rêeγ rêe YesC’est ainsi que mes jours passent ; Yes-sent i sεeddaye s eddayeγ eddaye ussan i 25. LeàsabQuand j’aurai fini le compte, Leàsab-iw m ara tt-fakkeγ fakke A leàbab a kwenAmis, je vous rejoindrai, en-inin-awÑeγ awÑe Ma irad „‚eh Rreàman Si Dieu le Clément le veut ; Ad waliγ Je verrai ceux qui me manquent wali wid ctaqeγ ctaqe UlUl-iw ad yebru i wurfan Et léger sera mon cœur44. (*) __________________________________________________________________________________________
20. Ma selbeγ selbe 1.
5.
10.
15.
Si je divague
[Ma selbeγ selbe lexbar siweÑsiweÑ-it Ttxilem a tabratt ini-as Ur ksaneγ ksane ara Rêaget fellfell-i ddunit SegSeg-wasmi beεde be deγ de fellfell-as Ur åbireγ åbire ara] (*)
Si je divague, fais parvenir la nouvelle, Je t’en supplie, ô missive, dis-lui Que je n’y peux rien : Amère est la vie pour moi Depuis que je suis loin d’elle, Je ne me console.
MmektiγMmekti -d yiwen wass Mi walaγ eddant tullas wala εeddant Yergagi wulwul-iw RrezqRrezq-iw beεde be deγ de fellfell-as Ttxilem a tabtatt ini-as IÑaq lxaéerlxaéer-iw Dεut ut ad yezhu nnubannuba-s Di ddunit ad yaf aylaayla-s Am tezyiwintezyiwin-iw (*)
Je me remémorai le jour Où je vis passer des filles, Mon cœur frissonna ; Je suis loin de mon trésor, Je t’en prie, missive, dis-lui : Mon esprit est oppressé ; Priez pour que je m’égaye Et que j’aie ma part de la vie Comme mes congénères.
Ur ss-ttsamaàeγ ttsamaàe i targit AssAss-enn mi ééseγ éése tameddit YewwiYewwi-yiyi-d Rebbi
Jamais je pardonnerai au songe De ce soir où je dormais : Dieu m’en fit voir ;
Éyiγ Éyi di beééu beééu iÑulen Beεde Be deγ de tafat dd-iceεlen ice len γe e f zzehrzzehr-iw ad yekkes kra
Las de la séparation qui dure, Nous attendons la lueur Qui allégerait mon sort.
La nouvelle version est plus vieille que l’ancienne. En fait, selon l’auteur, elle avait été censurée par Kamel Hamadi, qui lui avait proposé cers vers comme succédané (Aït Menguellet était à cette époque, de 1970 à 1972, sous les drapeaux). 44
Littér. : [mon cœur lâchera la colère]
___ 408
20.
25.
30.
TsefreàTsefreà-iyiiyi-d ddunit ddunit S kra i mennaγ menna teqbelteqbel-it Γur urur-m terraterra-yi UkiγUki -d lferà tbeddeltbeddel-it Terra tament d làentit Ziγ Zi tγu t urrrr-iyi (*)
La vie me rendit heureux, Elle exauça tous mes vœux Et me dirigea vers ma bien-aimée45 ; Au réveil elle changea La douceur en amertume46 : Elle m’a séduit.
Tura mi εewğen ewğen wussan47 At Rebbi εemmden emmden walan La ttrağuγ ttrağu tafat Éyiγ Éyi ttåehhireγ ttåehhire uÑan Feràeγ eddan Feràe i lmeàna ii-yεeddan Γas as mazal snat A zzher iéésen kul lawan Akwi-d beggenbeggen-d lberhan Éyiγ Éyi di cceddat (*)
Maintenant que les jours sont de travers, Les saints le voient et le savent, J’attends la lumière ; Las de veiller toutes les nuits, Je me réjouis de toute peine passée Bien que d’autres m’attendent ; Toi, sort qui dors tout le temps, Réveille-toi et montre ta puissance, Car je suis las des tensions.
__________________________________________________________________________________________
21. A Lwiza L wiza 1.
5.
10.
15.
20.
45
Louiza
Muqleγ Muqle si ééaq Mazal éélam deg yigennni UlUl-iw ixaq Amek tura ara yetthenni Yewεer Yew er lefraq LmeànaLmeàna-w tebda assass-agi [çber a Lwiza La ttru ttruγ ru ula d nekkini] (*)
Je regarde par la fenêtre, Dehors il fait toujours nuit, Mon cœur est triste, Comment trouverait-il la paix ? Dure est la séparation Ma peine commence aujourd’hui ; Patience, Louiza, Moi aussi je pleure.
Muqleγ Muqle berrra La didi-yettrağu uéaksi âezneγ âezne teêra Mi ara ruàeγ ruàe ad iyi-d-twali TebdaTebda-d lehwa TekkatTekkat-d am leàzen fellfell-i (*)
Je regarde dehors, C’est un taxi qui m’attend ; Je suis triste, elle le sait, Quand je partirai, elle me regardera ; Il commence à pleuvoir, La pluie me rend plus triste ;
Bdiγ Bdi leààuγ leààu Xeléen waman d yimeééi Acàal i ruγ ru Làal la yettru yidyid-i AssAss-enn a ss-cfuγ cfu Iàzen ula d igenni (*)
J’entame ma route, Les larmes se mêlent à la pluie ; Je pleure tant Et tout pleure avec moi ; Je me souviendrai de ce jour, Où même le ciel est triste.
Littér. : « Elle me dirigea vers toi. »
46
Littér. (v. 22 et 23) : « Je me réveillai, elle transforma la joie, Elle transforma le miel en gomme (d’Assa faetida). »
47
Tura mi xerben wussan est l’ancienne version.
___ 409
25.
30.
35.
40.
45.
50.
55.
Beqqaγ Beqqa sslam I wedrar la dd-yettwali Muqleγ Muqle s axxam IbanIban-iyiiyi-d am tili TteåwiraTteåwira-m Di lğiblğib-iw trufeqtrufeq-iyi (*)
Je fis mes adieux A la montagne qui m’est témoin, Je regardai la maison, Elle paraissait comme une ombre, Et ta photo, Dans ma poche, m’accompagnait.
Mi dd-yuli ååbeà D éélam ii-yebdan fellfell-i âezneγ ezne d ååeà TaÑsa segseg-wudemwudem-iw teγli te li UlUl-iw yejreà D lhedÂalhedÂa-m i dd-yemmekti (*)
Au petit matin L’obscurité me guettait, Je fus triste Et le rire me quitta, Mon cœur, blessé, Se remémorait tes paroles.
[TenniÑ[TenniÑ-iyiiyi-d çeεben eddi çe ben wussan ii-uεeddi TtmektiTtmekti-yiyi-d Γas as akka teğğiÑteğğiÑ-iyi SefreàSefreà-iyiiyi-d urMelmi ara dd-tezziÑ γur ur-i] (***) (*)
Tu m’a juré Que les jours passeraient difficilement, Souviens-toi de moi48 Bien que tu m’as laissé(e)49, Dis-moi, que je sois heureuse, Quand tu reviendras auprès de moi.
[Uh a Lwiza La ttruγ ttru ula d nekkini çber i lmeàna Kra ii-yuran ad iεeddi] i eddi] (**)
Ô Louiza ! Je pleure moi aussi, Résiste aux peines, Tout ce qui est écrit passera.
Asmi ruàeγ ruàe edment wallen Seg yimeééi εedment Amzun selbeγ selbe Leààuγ erqen Leààu iberdan εerqen La ssarameγ ssarame Ussan fellfell-aγ ad åeggmen (**)
Le jour où je suis parti De larmes mes yeux étaient défaits Et comme par démence Je ne savais où j’allais ; Je souhaite que Nos jours soient meilleurs.
Acàal i ruγ ru a Ul i dd-ixdem yimeééi Acàal àekkuγ àekku Dima fellfell-am d asteqsi AqlAql-i ttrağuγ ttrağu Tafat ur iban melmi (**)
J’ai tant pleuré Et les larmes n’y rien pu ; J’ai tant conté, En quête de tes nouvelles ; J’attends toujours La lueur tarde à paraître.
âessbeγ âessbe ussan Dqiqa amzun d aseggwas
Je compte les jours, Une minute est un siècle ;
Vers difficile à traduire, littér. : [remémore-toi moi]. Deux écueils rendent difficile — voire impossible — la traduction : d’une part la précision de l’aoriste intensif (aspect duratif) en berbère n’a pas d’équivalent en français, la valeur aspectuelle du présent du français étant lexicale (ttmekti-d = ‘‘remémore-toi souvent, toujours, chaque jour...’’) ; d’autre part, l’équivalent français exact de mmekti est ‘‘se remémorer’’ tandis que ‘‘se souvenir’’ et ‘‘se rappeler’’ sont les équivalents de cfu, or le verbe se remémorer, étant pronominale, est incompatible avec les pronoms objet des première et deuxième personnes. 48
49
Nous supposons que dans cette strophe c’est la femme qui parle.
___ 410
Êwiγ L’ire est mon lot, Êwi urfan Γas as ul iåber i tlufatlufa-s Mon coeur a tant résisté ; A wi kemAh ! Pouvoir te voir kem-iêran 60. U lukan d yiwen wass Même pour une journée. (**) (***) (**) __________________________________________________________________________________________
22. Lbir n ssemm 1.
5.
10.
15.
Le puits de venin
[A ddunit a lbir n ssemm RêageÑ amzun d ilili UlUl-iw ibeddelibeddel-am isem isem LbennaLbenna-m degdeg-s teγli te li LuleγLule -d ad leεbe le beγ be yesyes-m Meqqreγ Meqqre tleεbeÑ tle beÑ yesyes-i] (*)
Ô vie, ô puits de venin ! Tu es amère comme le laurier-rose ; Mon coeur t’a changé de nom, Ta douceur, il n’y prend plus goût ; Né pour me jouer de toi, Adulte, tu te joues de moi.
Rruà yeεya ye ya di nnehtat Neqqar kan i medden bxir UlUl-iw leεtab le tabtab-is yufayufa-t Γas as d leàbab yettqeååir Ayen ara dasdas-hedÂeγ hedÂe iêraiêra-t Yeêra ddunit d ttmesxir (*)
L’âme épuisée par les soupirs, Nous nous disons: Tout va bien ! Mon cœur a son lot de peines Bien qu’avec les amis il s’amuse ; Il sait ce que je lui raconte : Il sait que la vie est dérision.
NettafNettaf-d ssebba nehlek Γas as lehlak d aqdim yella Am tara degdeg-neγ ne yecbek S anga nruà yidyid-neγ ne yedda Ayen Ayen ur nečči ar tt-nsellek Ya ddunit tebγiÑ teb iÑ akka (*)
Tous simulons la maladie Mais la maladie date de longtemps : Comme une liane elle nous empêtre Et nous accompagne où que nous allions ; Je paie pour ce que je n’ai pas fait, C’est la vie qui en a décidé ainsi !
Nugad leεtab Craignant le supplice de la tombe, le tab uêekka Nugad leεtab le tab n ddunit Craignant les peines de la vie, Nugad Craignant aujourd’hui et demain, Nugad assass-a d uzekka Nugad ååbeà tameddit Nous craignons matin et soir ; I tektabtTon Livre a été écrit tektabt-im i dd-yura IlulPour affliger l’être humain. Ilul-d lεebd l ebdebd-im meààenmeààen-it (*) __________________________________________________________________________________________
20.
23. Sliγ Sli i uéaksi
J’ai entendu le taxi !
1.
[Sliγ [Sli ii-uéaksi MiMi-y-lliγ lli yidyid-s Ad tezweğ assass-agi UsanurUsan-d yakkw γur ur-s] (*)
J’entendis le taxi Et j’étais avec elle ; Elle se marie aujourd’hui Et tous vinrent à ses noces !
5.
Nekk ur damdam-ketbeγ ketbe Kemm ur didi-tketbeÑ Lemmer kemkem-àemmleγ àemmle
Je ne suis pas fait pour toi, Tu n’es pas faite pour moi ; Mais si je t’aimais,
___ 411
10.
15.
Lukan didi-tàemmleÑ Talef a kemkem-inin-xeÑbeγ xeÑbe Kemm ad ii-tqebleÑ (*)
Et si tu m’aimais, J’aurais demandé ta main Et tu aurais accepté !
UlUl-iw iceqqeq Mi truà teεzizt te ziztzizt-is Yabγ Yab a ad ifelleq Yugwad leγyab le yabyab-is AssAss-agi anan-nefreq nefreq Kul wa s ubridubrid-is (*)
Mon cœur déchiré Par le départ de son aimée, Est près d’éclater, Effrayé son absence : Aujourd’hui nous nous quittons Et à chacun son chemin !
YiwYiw-wass a dd-taseÑ Un jour tu viendras, Ad beddleγ Et j’aurai changé ; beddle fellfell-am Ad testeqsayeÑ Tu demanderas : 20. Wahi wi tQui est celui-là ; t-ilan AssCe jour-là tu sauras Ass-enn ad tfaqeÑ I xedmen wussan L’œuvre du temps. (*) __________________________________________________________________________________________
24. Tabratt n sslam
La lettre des salutations
1.
[Uriγ[Uri -as tabratt n sslam Ur yiyi-d-terri ara Ttεawaze Tt awazeγ awaze di ttexmam Ur åbireγ åbire ara] (*)
A ma lettre de salutations Elle ne répondit pas, Je veille avec mes soucis, Je suis impatient.
5.
Weååaγ Weååa aggur d yetran Iéij d tziri A dd-awin lexbar yellan Amek tettili eblan TeğğaTeğğa-d ulul-iw deg yiγeblan Truà tettutettu-yi çebreγ eddin wussan çebre ad εeddin Ma a yiyi-d-temmekti (*)
J’envoyai lune et étoiles, Soleil et clair de lune Pour qu’il m’apporte des nouvelles De ma bien-aimée ; Elle laissa mon cœur dans sa peine Et s’en alla m’oubliant ; J’ai attendu que le jours passent Et qu’elle se me remémore !
Mi ara dd-àekkun fellfell-am medden LehlakLehlak-iw meqqer Leğraà i dd-teğğiÑ nedfen
Quand les gens te racontent, S’aggrave mon mal ; Les plaies que tu laisses se rouvrent,
TerwiÑ lxaéer Urfan nn-làubblàubb-im weεren we ren Γerqen erqen am lebàer Yendem wulwul-iw mi kemkem-issen Γas as yebγ yeb a a kemkem-iêer (*)
Tu brouilles l’esprit ; La colère de ton amour est pénible, Comme une mer elle noie ; Mon cœur regrette de t’avoir connue Bien qu’il veuille te voir.
La qqareγ qqare i wul tthedden YiwYiw-wass ad tettuÑ A dd-tas tin ara kk-iàemmlen
Je dis à mon cœur : Sois serein, Un jour tu oublieras, Viendra celle qui t’aimera
10.
15.
20.
___ 412
Si lhemm ad teàluÑ Et tu guériras de ta peine : AnefAnef-as i tin kk-ikerhen Laisse celle qui te hait, Ur ttTu ne l’attendras point ; tt-tettrağuÑ D tilufa nMoque-toi du qu’en dira-t-on, n-medden i kk-yuγen yu en AylaTu jouiras de ta part du bien ! Ayla-k ard tt-tezhuÑ (*) __________________________________________________________________________________________
25.
25. Ma ketbeγ ketbe
Si j’ai écrit…
1.
[Ma ketbeγ ef leàyuÑ ketbe isemisem-im γef Ma hedÂeγ hedÂe i medden fellfell-am Cfiγ Cfi i wayen tettuÑ Anef i wul ad yessaram] (*)
Si j’ai écrit ton nom sur les murs, Si j’ai parlé aux gens de toi, J’ai en mémoire ce que tu as oublié : Laisse le cœur espérer.
5.
Kul yum fellfell-am i heddreγ heddre UlUl-iw d ameàzun ixaq Ur zmireγ zmire ara a tt-åebbreγ åebbre WağebWağeb-itit-id a tin yectaq FellFell-am d aggur a tt-awÑeγ awÑe Éemmdeγ Éemmde i lmuàal ma ilaq IsemIsem-im fellfell-as a tt-ketbeγ ketbe Kul iÑ a mm-d-iban si ééaq (*)
Chaque jour de toi je parle, Mon cœur est triste et ému ; Je ne peux être patient, Réponds-lui, toi qui lui manques ; Pour toi, j’atteindra la lune Et je ferai l’impossible : Pour écrire ton nom dessus, Qui chaque nuit t’apparaîtra de la fenêtre.
Ketbeγ ef làiÑ Ketbe isemisem-im γef Ketbeγ--t di ééabla nKetbe n-lakul KetbeγKetbe -t i wakken a tt-twaliÑ Netta d yisemyisem-iw yeddukul A tenten-tafeÑ anda teddiÑ Γas as udemudem-im beεde be deγde -t iÑul Ad tfehmeÑ a dd-temmektiÑ Lğerà i ss-teğğiÑ i wul (*)
J’ai écrit ton nom sur le mur, Je l’ai écrit sur le pupitre Je l’ai écrit pour que tu le voie En compagnie de mon nom : Tu les trouveras où que tu ailles Même si tu es loin de moi, Tu te souviendras de la plaie Que tu as laissée au cœur.
10.
15.
20.
Ad tcehhed ttejra n čina M’est témoin cet oranger Ideg i zik Ñebεe Sur lequel j’ai taillé ton nom, Ñeb eγ isemisem-im Ar assIl est là jusqu’à ce jour ass-a mazalmazal-t yella Γas as tura yuγal Bien qu’il semble vieilli : yu al d aqdim 25. Iqdem bàal lemàibba Vieilli comme cet amour Icerken ulul-iw d wulwul-im Qui unissait nos deux cœurs ; IferrSi son feuillage est pourri, Iferr-is si zzman yerka Aêar d ajdid a yeqqim Sa racine est restée fraîche. (*) __________________________________________________________________________________________
26. Selbeγ Selbe 1.
Je suis fou.
[Selbeγ [Selbe àerqeγ àerqe Ulac aàbib iwmi ara àkuγ àku Zgiγ Zgi uÑneγ uÑne LmeànaLmeàna-w ard a ss-cfuγ] cfu ] (*)
Fou et meurtri, A quel ami me cinfierais-je ? Je suis malade, Ma peine, je m’en souviendrai.
___ 413
5.
10.
15.
20.
Γur ur yimanyiman-iw LemtelLemtel-is ur dd-ittili ittili Teffeγ Teffe afusafus-iw Mebla awal mebla asteqsi Yugi wulwul-iw Iεceq ceqceq-itt ur yettseÑài Zdat wallenwallen-iw Zzin yuγal yu al d ilili (*)
Pour moi Elle n’aura point d’égale ! Elle s’est envolée Sans parole et sans question ; Mon cœur refuse, Qui l’aime sans vergogne : Et à mes yeux, Beauté devient amertume.
Iles (imi(imi-s ?) yeqbel Ziγ Zi ulul-is yennayenna-d ala Γile ileγ ile anan-nkemmel Ddunit akken i tttt-nebda YeffeγYeffe -i leεqel le qel Ger wallenwallen-iw asmi tedda Kra i dd-i-tàemmel Yeγli Ye li degdeg-yiwyiw-wass yekfa (*)
Sa langue consent Alors que son cœur dit non ; Croyant poursuivre La vie comme à nos débuts J’ai paniqué Le jour où elle s’est mariée ; Tout son amour pour moi S’est effondré d’un seul coup !
TmeààenElle m’afflige, Tmeààen-iyi TeğğaLaissant mon arbre desséché ; Teğğa-d ttejrattejra-w teqqur âedd ur yeêri Nul ne le sait : Lwelf isexrebL’habitude m’a perturbé ; isexreb-i lumur 25. Cbiγ Je suis comme une ombre : Cbi tili Ziγ Celui qui pleure est à plaindre ; Zi wi ittrun meskin meεdur me dur Ruà berkaVas, laisse-moi, berka-yi Yekfa làubb kfan lehdur Amour et mots sont finis. (*) __________________________________________________________________________________________
27. Wi ara sÑelmeγ elme 1.
5.
10.
Qui condamnerais-je ?
Lemmer ad asas-àesseγ àesse i wulwul-iw Yenne dam yixfYenneεdam yixf-iw Yeqber yebγ yeb a ad ifelleq âedd ur yeêri leγbayen le bayenbayen-iw Tid yenγan yen an temêitemêi-w ÖeggrenÖeggren-tt di lebàer teγreq te req Di laterlater-is yedda laterlater-iw50 Ixuå zzehrzzehr-iw Tugi lmuja ad aγa -teÑleq
Si j’écoute mon cœur, Mon esprit est anéanti, Oppressé jusqu’à l’explosion ; Nul ne voit mes tourments Qui tuent ma jeunesse Et la jettent à la mer ; Dans son sillage je suis parti, Mon est ténu, La vague ne nous rejeter.
[Wi ara sÑelmeγ sÑelme Akken ad yetthedden wulwul-iw γe e ra Wi f a lummeγ lumme D nettat neγ ne d imaniman-iw SsegSseg-s ur llint snat
Qui condamnerais-je Pour que s’apaise mon cœur ? Qui sermonnerais-je, Elle ou moi-même ? En elle il n’y en a pas deux,
50 Yacine (1990 : 196) note à propos du pronom affixe possessif –is dans later-is « sa trace » [trace – sa] que celui-ci renvoie à la « femme aimée ». A moins que l’on verse dans l’interprétation, le contexte, linguistique, montre qu’il s’agit plutôt de la « jeunesse jetée à la mer » (vers 5 et 6) : … temêitemêi-w, ÑeggrenÑeggren-tt di lebàer. lebàer
___ 414
15.
20.
25.
30.
35.
D ulul-iw i tttt-ibγan ib an nettat LàubbLàubb-iw ur yettmettat èul leεmer le mermer-iw] (*)
C’est mon cœur qui la veut, elle, Mon amour ne s’éteindra Toute ma vie.
Гas as àemmleγàemmle -tt ur tttt-ttawiγ ttawi Nettat teêra nekk êriγ êri Nefhem kulci Acàal i åebreγ åebre urğiγ urği AssAss-agi teğğateğğa-yi rγi r iγ Ccah degdeg-i Ur bγi b iγ ara a tttt-waliγ wali i Ur dd-i-tenn ur dasdas-nniγ nni Ur zmireγ zmire a tttt-steqsiγ steqsi Ma tettutettu-yi (*)
Je l’aime mais elle n’est mienne, Elle et moi nous savons, Comprenons tout. Combien ai-je enduré, Aujourd’hui, elle me laisse brûler, Bien fait pour moi ! Je ne voulais pas la voir, Nous ne nous sommes rien dits, Je ne pouvais lui demander Si elle m’a oublié.
TmuqelTmuqel-iyiiyi-d mi tttt-muqleγ muqle a Tettrağu m ad asas-hedÂeγ hedÂe Γef ef zzwağzzwağ-is Awal ur tt-idid-ssufγe ssuf eγ Teεqel Te qelqel-iyi nneεtabe nne tabeγ tabe Tuder i wallenwallen-is Éeddaγ tt-ssneγ ssne Éedda γeef-wemkan deg i ttDegDeg-s ur zmireγ zmire ad àebseγ àebse Iàzen amam-wakken àezneγ àezne Γef ef leγyab le yabyab-is (*)
Me regardant quand je l’ai regardée, Elle attendait que je lui parle De son mariage ; Je ne dis aucune parole, Elle sut que j’étais souffrant Et baissa les yeux ; Passant par le lieu où je l’ai connue, Je ne pus m’y arrêter : Il est triste comme je le suis, Elle est absente.
Nekk rγi Je brûle et toi, tu ne brûles, r iγ kemm ur terγiÑ ter iÑ Je te veux, tu ne me veux, Bγiiγ--kem ur didi-tebγiÑ teb iÑ 40. TeffreÑ fellTu me le caches ; fell-i TettuÑ ayen i diTu as oublié tes promesses, di-tenniÑ DegTu t’en souviens sûrement, Deg-wulwul-im ahat51 tecfiÑ Ruà berkaVas, laisse-moi ; berka-yi Mennaγ Je te souhaite la paix Menna lehna ad degdeg-s tiliÑ 45. Ad tawÑeÑ s ayen tebγiÑ Et d’atteindre ton but, teb iÑ Peut-être te rappeleras-tu de moi, Wissen ma ad iyi-d-temmektiÑ Γas as ttuOublie-moi, vas ! ttu-yi (*) __________________________________________________________________________________________
28. Ru ya zzehrzzehr-iw
Pleure, ô mon sort !
1.
Tewεer Tew er zzyada nn-lemàan Yak ul ishel ii-ufelleq Yewεer Yew er wayen daγda -yuran Γas as Rebbi iteddu s làeqq
Pénible est l’excès de peines, Le cœur n’est-il pas facile à détruire ; Pénible est notre destin Bien que Dieu soit juste.
5.
[Ru ya zzehrzzehr-iw ÉawenÉawen-iyi deg yimeééawen
Pleure, ô mon sort ! Assiste-moi dans les pleurs
51
ahaq dans
la version ancienne.
___ 415
10.
15.
20.
Ad àadreγ àadre allenallen-iw] (*)
Que je protège mes yeux.
IlaqiwneÑ Ilaq-ak ad ii-tεiwneÑ Kečč i d ssebba Γef efef-wayen akkw i didi-txedmeÑ Ur mazal ara S kra i didi-tesne tesneεtabeÑ sne tabeÑ A kk-ğğeγ ğğe nnuba (*)
Il te faudra m’aider Car tu es la cause ; De tout ce que tu m’as fait, Il n’y a plus d’espoir ; Parce que tu m’as épuisé, Est venu ton tour.
TettawiÑTettawiÑ-d zzin s allenallen-iw i Bac ad iy -t-tekkseÑ Mi twalaÑ yeàreq wulwul-iw Ladris a tt-tbeddleÑ tbeddleÑ Mi kk-n-sawleγ sawle a zzehrzzehr-iw Kečč ur didi-tselleÑ (*)
Tu me montres la beauté Pour me la retirer, Dès que tu embrases mon cœur, Tu changes d’adresse Quand je fais appel à toi, mon sort, Tu ne m’entends pas.
Wissen imeééawenPeut-être as-tu cessé de pleurer imeééawen-ik ma kfan Ma ad teÑseÑ fellfell-i Et tu te ris de moi, La colère n’est pas ton lot, Ur kin52 ara wurfan k-nγin Lliγ C’est mon lot à moi, Lli nekkini 25. SegDans mes yeux, plus de larmes, Seg-wallenwallen-iw kfan waman LàuawenVole à mon secours. Làu-d εawen awen-iyi (*) __________________________________________________________________________________________
29. AnefAnef-iyi
Laisse-moi !
1.
[Anef[Anef-iyi D aεwaz a waz iÑes yeğğayeğğa-yi AnefAnef-iyi D awàid uγe u eγ tanumi] (*)
Laisse-moi, Je veille, le sommeil m’a quitté ; Laisse-moi, Solitaire, je me suis habitué.
5.
TenniÑTenniÑ-iyi ard a kk-àku àkuγ Si melmi i bdiγ bdi làif Mačči d tatut ay ttuγ ttu A Rebbi a kk-inin-yaweÑ nnif Lemmer a kk-d-àesbeγ àesbe ayen i ruγ ru Seg yimeééi ad yenjer wasif (*)
Tu as promis de me conter Au tout début de ma peine ; Ce n’est pas que j’aie oublié, Dieu, relève le défi ! Si je compte ce que j’ai pleuré, Les larmes feront une rivière.
Ur tezmireÑ ara ad tketbeÑ Tilufa mebla làidad Lemmer igenni d lkaγeÑ lka eÑ Lukan lebàer d lmidad A kk-d-àkuγ àku wiss ma ad tamneÑ Ma skaddbeγ skaddbe Rebbi yeslayesla-d (*)
Tu ne pourrais donc écrire Les problèmes sans limites, Que le ciel soit papier, Et que la mer soit encre ; Je te conterai et peut-être croiras-tu, Si je mens, Dieu est témoin.
10.
15.
52
Ur kk-srun ara wurfan « la colère ne t’a pas fait pleurer » [ne – toi – faire pleurer – pas – colères], dans la version ancienne.
___ 416
Ddunit d ddunit kan La vie n’est que la vie, Ur telli d ayenayen-nniÑen Elle n’est pas autre chose : Lebàer ččurenLa mer est remplie d’eau ččuren-t waman 20. Igenni ibεed Et le ciel est loin des yeux ; ib ed γeef-wallen Anefeblan Laisse-moi avec les soucis, Anef-iyi nekk d yiγeblan WulfenNous sommes faits l’un pour les autres. Wulfen-iyi wulfeγwulfe -ten (*) __________________________________________________________________________________________
30. Jamila 1.
5.
Djamila
Ay arfiq berka asàissef Ayen i keddan anefk-iεeddan anef-as Sseεd Sse d ittasittas-d ixulef Mačči d ara nbeddel ååifaååifa-s NusaNusa-d nekk yidyid-k nwulef er llsas Mi tttt-nebda ad thudd γer
Compagnon, cesse de te lamenter, Laisse ce qui appartient au passé ; Le bonheur est renversé Et nous ne pouvons le changer ; Toi et moi nous sommes habitués A voir détruire ce que nous avons bâti.
[Nurğa lexbarlexbar-im
J’ai attendu de tes nouvelles,
r
i
U dd-yus ara Nerğa lexyallexyal-im 10.
15.
Je n’en ai pas eu ; J’ai attendu de voir ton ombre,
FellFell-am neràa Awi--d afus afus--im Awi
Je brûle d’envie pour toi ;
SkenSken-iyiiyi-d udemudem-im yisem--im I-yecbeà yisem
Montre-moi ton visage,
A Ğamila] Ğamila] (*)
Ô Djamila !
Ur ifat làal Mačči d lmuàal
Ce n’est pas trop tard
Donne-moi ta main, Que ton nom est beau,
Et tout est possible,
YiwYiw-wass ma nemlal Ad asas-iniγ ini Feràeγ mi d d--tÑall Feràe 20.
25.
30.
35.
Si un jour on se voit, Je lui dirai ; Heureux de sa venue,
âezneγ âezne mi tuγal tu al Lehna--w s lekmal Lehna
Malheureux à son retour,
YidYid-s i tttt-ufiγ ufi Amzur--is d akwbal Amzur
C’est avec elle que je l’ai ;
Ma paix dans sa plénitude, Sa chevelure est fleur de maïs,
D lwerd amellal D rrbeà i tuklal
Elle mérite la fortune,
I ss-ttmenniγ ttmenni
Que je lui souhaite.
Ma truà γer erer-lexla Ma truà γer er tala
Quand elle va aux champs,
Tié mi tttt-twala Tettu kulci
Quand mes yeux la voient,
Elle est rose blanche,
Quand elle va à la fontaine, Elles oublient tout ;
Mačči d menwala Tehbel s ååifa
Loin d’être banale,
Steqsit win teràa wen--yini A wen
Interrogez qui elle a meurtri
Elle est beauté folle, Et il vous dira ;
γe e
Win i f i tεedda t edda
A celui qu’elle croise
___ 417
A ss-teğğ ccama Amzun di tnafa
Elle laisse des traces
I tttt-nettwali (*)
Nous la voyions.
Comme si dans un rêve
Xir lemmer teàğeb Elle aurait été mieux cachée, 40. Bezzaf daγParce qu’elle nous plaît trop, da -teεğeb te ğeb Nugad anNous craigonons de devenir fous an-nesleb Γef ef lğalA cause d’elle ; lğal-is Win iwmi tekteb Celui à qui elle est destinée, D ååeàà ad yekseb La possèdera vraiment, 45. Ad asElle lui sera meilleure que l’or as-tif ddheb DegDans sa maison ; Deg-wexxamwexxam-is Bezzaf tettwaÑleb Elle est trop demandée, D ayen C’est invraisemblable, ayen icban lekdeb Acàal tesεetteb Combien elle a peiné tes etteb 50. TizyiwinSes congénères. Tizyiwin-is (*) __________________________________________________________________________________________
31. Ttejra n-yilili 1.
5.
10.
15.
20.
25.
Le laurier rose
S yir aÑar i dd-ffγe ff eγ Asmi kemkem-mlaleγ mlale Ikellex zzehrzzehr-iw fellfell-i Γile ileγ ile d lwerd i neqleγ neqle Mi ruàeγ ruàe ad ferrğeγ ferrğe UfiγUfi -n ttejra ilili
Je suis sorti du mauvais pied Le jour où je t’ai rencontrée, Mon sort s’est joué de moi : Croyant avoir planté un rosier, Quand je suis allé admirer, J’ai trouvé du laurier-rose.
[Ya ttejra ilili Izyen lwerdlwerd-im ÉzizeÑ i tmuγli tmu li D arêagan wulwul-im TecbiÑ ilili LwerdLwerd-is yecbeà ÉzizeÑ i tmuγli tmu li Ziγ Zi ulul-im yeqseà] (*)
Ô laurier-rose, Elle est belle, ta rose, Tu es beau à voir, Ton cœur est amer ; Tu es comme le laurier-rose, Belle en est la rose, Tu es belle à voir, Mais ton cœur est aigre.
di-thedÂeÑ D acu i diQbel anan-nemsexåar CerÑeγ CerÑe tqebleÑ I-yebγun yeb un iåar Ziγ Zi ur tuklaleÑ Ayen i damdam-nextar Ruà a dd-temlileÑ Wi ara didi-d-irren ttar (*)
Que m’as-tu donc dit Avant de nous perdre ! J’ai exigé et tu as accepté Quoi qu’il advînt ; Tu ne mérites pas Ce que nous t’avons choisi ; Va donc rencontrer Qui me vengera !
Ruà a mm tàilett Lfiraq axir axir AbridAbrid-im itett Iban ur yeffir
Va, femme perfide, Meilleure est la séparation ; Ton chemin dévore, C’est clair !
___ 418
30.
TendiÑ ticerkett TessiÑTessiÑ-as leàrir TeééefTeééef-iyi s tidett TelliÑ zdeffir (*)
Tu as tendu un piège Et sur de la soie, J’y ai été pris, Tu étais derrière ;
TruàeÑ fellTu m’as bien quitté, fell-i Ma maison inspire la joie ; Axxam yessefraà Ttxilem anefDe grâce, laisse-moi, anef-iyi Ul segMon cœur est soulagée de toi ; seg-m yertaà 35. Γas as ruà semmeàsemmeà-iyi Va, pardonne-moi, Si lğihaMoi, je te pardonne : lğiha-w ssmaà Qebleγ Oublie-moi, j’accepte, Qeble ttuttu-yi Xir ma nemåalaà C’est mieux que la réconciliation. (*) __________________________________________________________________________________________
32. NniγNni -as kker
Je lui dis : Debout !
UlUl-iw iγum i um segseg-usigna Γur urur-s d ccetwa Berra d iéij γef ef medden Kul ass tettzid lmeàna Lhemm yennerna Di sin i dd-ddukulen
Mon cœur est dans un nuage, Pour lui, c’est l’hiver Dehors, le soleil brille ; Chaque jour la peine grandit, Les tourments augmentent, Ils viennent tous ensemble.
[Nniγ[Nni -as kker yugi I zzehrzzehr-iw yeÂwa rrayrray-is Yugi ad yeÂwu taguni UÑneγ UÑne ddnub i yiriyiri-s] (*)
Je l’ai exhorté à se lever, il a refusé, Mon sort n’en fait qu’à sa tête, Il ne cesse de dormir, je suis malade par sa faute.
Yeàzen wulwul-iw a yettxaq Icewwel seg yimeééawen Am uγanim u anim aleqqaq Yekna ii-ubeàri dd-isuÑen Lehna nn-leεbad le bad ur ss-ifaq Izgel aylaayla-s mi tttt-ferqen (*)
Mon cœur triste est ému, Troublé par tant de larmes ; Comme un roseau tendre, Il plie sous le vent qui souffle ; Il n’a pas connu la paix, Il n’en a pas eu sa part !
20.
Yerra ddemma d imekli ImensiImensi-s d lemàayen LhemmLhemm-is àedd ur tt-iêri Ulac wi ara tt-ifehmen ZzehrZzehr-is am yilili YekkesYekkes-itit-id si ger yisaffen (*)
Il a fait de l’oppression son déjeuner Et de la peine son dîner ; Ses tourments, nul ne les voit, Qui donc le comprendrait ! Son sort est tel le laurier-rose, Il l’a pris d’entre les rivières.
25.
Ma tekfa fellfell-i lehwa Mačči d iéij i ttrağuγ ttrağu Ma terwel fellfell-i lmeàna D weltmaef ara bnuγ weltma-s i γef bnu Ma teåfateåfa-d mkul lğiha
Et s’il cesse de pleuvoir, Je n’attends pas le soleil ; Si une peine me fuit, C’est une autre qui se prépare ; Quand il y aura éclaircie,
1.
5.
10.
15.
___ 419
AssAss-enn balak ad zhuγ zhu (*)
Ce jour-là, peut-être, je m’égayerai.
__________________________________________________________________________________________
33. çber ay ulul-iw53 1.
5.
10.
15.
Patience, mon cœur !
[çber ay ulul-iw (3x) γe e Tin i f i nudaγ nuda truà] (*)
Patience, mon cœur, Celle que j’ai cherchée est partie.
S lwerd degdeg-ufus (3x) Bekkreγ fellBekkre fell-as taåebàit TennaTenna-d àebbuàebbu-s (3x) Ur têerreÑ Taseεdit Tase dit Tbeddel llbus llbus (3x) AssAss-agi ad teddu d tislit (*)
Les roses dans les mains, Tôt le matin, j’allai vers elle ; Sa grand’mère me dit : – Tu ne verras pas Tassadit ; Elle s’est changée Car c’est le jour de ses noces.
Zziγ Zzi ruàeγ ruàe Uzzleγ nima Uzzle ad êreγ êre Гnima TeffeγTeffe -d wehmeγ wehme Tbeddel ula d ååifa TennaTenna-d feràeγ feràe AssAss-a ad zewğeγ zewğe TtwaxeÑbeγ TtwaxeÑbe di làara (*)
J’ai fait un tour Et allais voir Ghenima, Elle m’étonna, Elle aurait changé de corps : Elle est heureuse De se marier Dans le Maison des cousins.
UlMon cœur erra Ul-iw yehmel (2x) Γur ur Jeğğiga Chez Djedjiga, 54 Wissen ahat ttunLes gens l’auraient-ils oubliée ? ttun-tt medden YeffeγJe perdis la raison Yeffe -i leεqel le qel (3x) En la voyant dans ses robes ; 20. Mi dd-teffeγ teffe deg yiqefÑanen TennaElle m’ordonna de m’enfuir, Tenna-k rwel (2x) Sεiiγ ccγel Elle a affaire : cc el Atna usanOn vient demander sa main. usan-d yinexÑaben (*) __________________________________________________________________________________________
34. Fkiγ Fki i yiγeblan yi eblan awal 1.
5.
Je fis parler les soucis !
[Fkiγ eblan awal [Fki i yiγeblan Alami ii-yuzef yiγes yi es yi UlUl-im ad i -d-issawal Ttuγ Ttu amek ii-yga yiÑes Tekfa lemàibba ur nuklal UlUl-iw si lğihalğiha-m yuyes AmAm-wakken Ñelbeγ Ñelbe lmuàal Zzher yugi a dd-iàesses] (*)
Je fis parler les soucis Jusqu’à l’usure de mes os ; Ton coeur me lance des appels, J’ai oublié jusqu’au sommeil: Fini l’amour immérité, Mon cœur désespère de toi ; Comme si j’avais demandé l’impossible, Le sort ne veut pas m’écouter.
53 Les strophes de ce poème sont respectivement un distique pour la première, un sizain pour la deuxième strophe, un septain pour la troisième, un huitain pour la quatrième. Chantés, à force de répétitions de vers, le refrain est un quatrain et les autres strophes sont faits ‘‘douzains’’ par le poète. 54
ahaq dans la version ancienne.
___ 420
10.
15.
20.
Stafire‚‚eh a Rebbi Win i γeef i εeddant eddant ittγaÑ itt aÑ SsneγSsne -kem tessneÑtessneÑ-iyi UlerUl-im γer er-m d asemmaÑ Wissen ma tàemmleÑtàemmleÑ-iyi Nekk herheγ tes aÑ herhe degdeg-m kra i tesεaÑ Yebda wul la kemkem-ittàibbi Asmi kemkem-idid-xeÑben wiyaÑ (*)
Je sollicite ton Pardon, mon Dieu Car est pitoyable qui a tout éprouvé ; Je te connais et tu me connais, Mon cœur pour toi est froid Peut-être m’aimais-tu Et je détestais tout en toi, Mon coeur a commencé à t’aimer Le jour où on demanda ta main.
HubbentHubbent-d fellfell-i lmeànat D ayen iwmi ur izmir leqlam TettbanTettban-d lqima nn-leàyat i ra S lmut m a dd-têur axxam TettbanTettban-d lqima n tafat Mi ara kk-iwet wugur n éélam WwinWwin-kem degdeg-yir taswaεt TbanTban-iyiiyi-d lqimalqima-m (*)
Les peines qui soufflèrent sur moi, La plume ne peut les décrire ; Apparaît la valeur de la vie Quand la mort nous rend visite ; Apparaît la valeur de la lumière Lorsqu’on est dans l’obscurité ; On t’emmena au mauvais moment Et m’apparut ta valeur !
A tin mi beddleγ Toi à qui j’ai changé de nom beddle isem Akken a tt-åeggmeγ åeggme d asefru Pour en faire un poème, w i Tu ne m’as laissé que venin Tessegg raÑraÑ-iy -d ala ssemm Ur ittzad ur iàellu Qui n’empire ni ne guérit ; TerniÑ i lehmum lhemm Tu asajouté peine sur peine 30. Ma ixuå wul ad asPour enfoncer mon cœur, as-nernu TextareÑ ayen ilhan i kemm Tu as choisi le meilleur pour toi Iγeblan eblan dEt à moi tu as laissé les soucis ! d-iggwran inu (*) __________________________________________________________________________________________
25.
35. Uγal alal-d ay uÑrif 1.
5.
10.
15.
Reviens, toi qui es poli !
Nettat La àessben wid i γ--yekrahn La àessben yidyid-i lesnin a M ur teêriÑ medden akkw êran TÑul lγerb l erba i kk-yewwin Steqsi d acu yeÑran Wid nn-iwwÑen ad akak-inin A kk-mlen akkw ayen illan Ahaq a kk-idid-smektin Γur urelbenur-i ååber γelben elben-t wurfan Mačči d aseggwas neγ ne sin
Elle : Ceux qui me haïssent comptent Avec moi les années ; Si tu l’ignores, tout le monde le sait : Ton exil a trop duré ; Interroge sur ce qui s’est passé Ceux qui arriveront te le diront : Ils te raconteront tout, Peut-être réveilleront-ils tes souvenirs ! La colère a vaincu ma patience Cela fait plusieurs années !
Netta : LehduÂLehduÂ-im nγan n anan-iyi A tenten-awiγ awi yidyid-i d aεwin a win Abrid rêag i tmuγli tmu li AbridAbrid-nni didi-yewwin Ffer er daxel imeééi Ffer γer Γur urkem-idid-ittwalin ur-m wi kem-
Lui : Tes paroles me tuent Que j’emporterai comme viatique ; La route n’est pas belle à voir, Cette route qui m’emporte ; Cache bien dedans tes larmes, Prends garde à ceux qui te voient !
___ 421
20.
25.
30.
35.
40.
45.
50.
[Ay iàbibeniàbiben-iw Iεreq req anwa i d abridabrid-iw] (*)
Ô mes amis, Je ne sais quel chemin prendre !
La ttmuquleγ ttmuqule mkul lğiha YukerYuker-iyi wulwul-iw fellfell-am TtwaliγTtwali -kem di tnafa A lhejnalhejna-w mi ara dd-yeγli ye li éélam A rrbeà n tizzyatizzya-w tezha Kul lweqt a dd-tas s axxam (*)
Je regarde de tous les côtés Mon coeur se trouve distrait ; Je te revois dans mes songes, Je crains l’épreuve de la nuit ! Bienheureux sont mes semblables, Qui rentrent chez eux à leur guise !
MennaγMenna -n degdeg-k a Rebbi Siwa kečč ara dd-yeqqimen Mennaγ Menna yiwyiw-wass a dd-nakwi LeàyuÑ ad ad fellfell-aγ beddlen AnAn-nêer tawwurt a dd-telli D wid nebγ neb a ara dd-ikecmen (*)
Je te sollicite, ô mon Dieu ! Tu es le seul Eternel : Puissions-nous nous réveiller un jour, Serions-nous dans d’autres murs, Pour que les portes s’ouvrent Et laissent entrer ceux que nous aimons !
Nettat : [Uγal [U alal-d ay uÑrif UlUl-iw yebbehba IfreqIfreq-aγ bessif Zzman bu tlufa
Elle : Reviens, toi qui es poli ! Mon cœur déraisonne, Nous a séparés L’époque aux scandales !
Netta : Rebàeγ--d siwa làif Rebàe Inγa In a-yi wurrif IêriIêri-w yettifif Iγleb leb ccetwa] (**)
Lui : Je n’ai gagné que misère, Le dépit me ronge, Mes yeux versent à torrents, Surpassent la pluie !55
Lweqt yettεeddi yett eddi w Nek ni nettwalinettwali-t Muàal a dd-yezzi Leεmer Le mer yettawiyettawi-t Iruà wasswass-agi Yuγal Yu al d iÑelli Yenγes Yen es si temêi Akka ay d ddunit (**)
Le temps passe Et nous le voyons : Jamais il ne revient Il emporte nos vies ; le présent s’en va, Il devient passé56, Soustrait de ma jeunesse57 : La vie est ainsi.
Rrbeà nwalanwala-t Nwala tilitili-s Nekk yidyid-m nurğanurğa-t A γ--d-ibeggen udemudem-is Làal la yettfat
Nous vîmes l’opulence, Nous en vîmes l’ombre, Ensemble nous attendîmes Qu’elle se montrât à nous58 ; Le temps nous échappe,
55
Littér. (v. 37 et 38) : [ma vue se tamise, elle surpasse l’hiver].
56
Littér. (v. 43 et 44) : [il est parti ce jour (= aujourd’hui), il est devenu hier].
Littér. : [il est diminué depuis la jeunesse], propos d’autant plus obscur que l’auteur a employé la forme simple du verbe nγes es « diminuer », qui est un verbe strictement intransitif. T. Yacine a traduit ainsi : Il a diminué d’autant ma jeunesse, alors que le propos peut être interprété d’une façon plus simple : Il est soustrait de ma jeunesse, à l’instar de ce qu’il en est dans Inγes In eses-d si tuderttudert-ik « Il est soustrait de ton existence. » (ch. 153, v. 13). 57
58
Littér. (v. 49 et 50) : [moi avec-toi nous l’attendîmes, il nous montrerait son visage].
___ 422
55.
60.
IğgaIğga-yaγ ya neğğaneğğa-t Zzher yesserwat Ixeddem rrayrray-is (**)
Nous le délaissons, Le sort fait des siennes59, Qui n’en fait qu’à sa tête !
A zzwağ nn-leàlal Kemm tγaÑeÑ t aÑeÑaÑeÑ-iyi Lukan s wuzzal AylaAyla-nneγ nne a tt-nawi Iéij mi dd-iÑal MiMi-yendem yuγal yu al Lweqt yettazzal çaààa di Rebbi (**)
Ô épouse légitime, Tu me fais pitié, Si c’était par la force, Nous aurions notre dû ; Le soleil qui poignit Regretta et repartit, Le temps court, Merci, mon Dieu !
AnefLaisse-moi, ami, Anef-iyi ay aàbib Ula i dakdak-àkuγ àku Que te conterais-je ? 65. Ibεed Loin est le jour Ib ed ur iqrib Wass i deg ara àluγ Où je guérirais ; àlu Ur ufiγ Je n’ai point de médecin, ufi éébib éébib Zzman yeskiddib L’époque est menteresse, Ad ttruγ Pleurer est honteux, ttru d lεib l ib 70. Anef ad ssefruγ Laissez-moi chanter60 ! ssefru (**) __________________________________________________________________________________________
36. WwiγWwi -d medden61 1.
5.
10.
15.
Je me suis fait accompagner.
[Wwiγ[Wwi -d medden ad iyi-wansen Yenγa ibaYen a-yi lweàc nn-lγiba iba-s WwiγWwi -d akkw wid i tttt-issnen Akken ad ii-d-hedÂen fellfell-as WwiγWwi -d medden ad iyi-wansen Yenγa Yen a-yi lweàc nn-lγiba ibaiba-m w WwiγWwi -d akk wid i kemkem-issnen Akken ad ii-d-hedÂen fellfell-am] (*)
J’ai invité des gens pour m’accompagner, Le vide de son absence me tue ; J’ai invité tous ceux qui la connaissent Pour qu’ils me parlent d’elle. J’ai invite des gens pour m’accompagner, Le vide de ton absence me tue ; J’ai invite tous ceux qui te connaissent Pour qu’ils me parlent de toi.
Tecεel Tec el degdeg-wulwul-iw tmes Amek ara tens mebla nettat SegSeg-wurfan yuza yuzaf yiγes yi es S ixfixf-iw tuzentuzen-d lmeànat Ayen akkw ii-yhedde yiles Di lhedÂalhedÂa-w tefhem teêrateêra-t I wul i tttt-ibγan ib an yuyes Taggara Taggara s lehmum teÂwateÂwa-t
Le feu a pris dans mon cœur, Comment s’éteindrait-il sans elle ? Des colères mes os se dénudent ; Elle emplit ma tête de peines ; Tout ce qu’articule la langue, Dans mon propos, elle l’a compris ; Et mon cœur qui la désire et désespère, Elle a fini par le combler de tourments62.
59
Littér. : [le sort bat] (= bat le blé ou l’orge).
60
Littér. : [laisse je poétiserais] (« Laisse-moi faire des poèmes ! »).
Les trois strophes de cette chanson constituent un exemple d’acrostiche, soit dans la notation approximative d’inspiration française du kabyle : TASSADIT (prénom féminin), TAGHZALT (« gazelle ») DHI SAHRA (« au Sahara »), en notation usuelle : Taseεdit, Tase dit, Taγzalt Ta alt di çåeàra « Tassadit, la gazelle du Sahara ». 61
62 Cette tounure est inhabituelle, le verbe Âwu signifie « être rassasié » et non « rassasier » : dans ce cas, teÂwateÂwa-t signifie « Elle est rassasié de lui. » et non « Elle l’a rassasié. ». La phrase équivalente à la présente traduction est Taggara tesseÂwatesseÂwa-yas lehmum. Le
___ 423
(*)
20.
TeğğiÑTeğğiÑ-d rrehba meqqret meqqret i Asmi diy -nnan medden GarGar-aneγ lemàibba ad temmet Helkeγ elmen Helke leàbab ur εelmen Ziγ Zi ulul-iw yeggul yeànet Yeggul γef ef tin di-ibeεden ibe den Layas n làubblàubb-iw yettwet TenγiÑ Ten iÑiÑ-t abrid meÂtayen (*)
Tu m’as plongédans la frayeur Le jour où on vint me dire Qu’entre nous l’amour allait mourir ; Mes amis ne savaient pas mon mal ; Mon cœur a juré et parjuré, Quant à celle qui est loin de moi ; L’espoir de mon amour est atteint, Tu as sans cesse battu63 !
Di leεqel Le brouillard envahit mon esprit, le qelqel-iw yersyers-d wagu âedd ur yeεlim ye lim acimi Nul ne sait pourquoi ; i IÑes fellLe sommeil ne me vient pas fell- ur dd-ittrusu Si lğeràA cause de mes plaies sans cicatrices ; lğerà-iw mebla ccwami Ay ixf ijerrben cfu Âme éprouvée, souviens-toi, 30. âader ååber ad akGarde-toi de perdre patience ; ak-yeγli ye li Ruγ J’ai pleuré à pierre fendre64 Ru almi snedfeγ snedfe aêru SsebbaEt tu en es la cause ! Ssebba-w d kemmini (*) __________________________________________________________________________________________ 25.
37. Akka i dasdas-yehwa
C’est ainsi que veut le destin !
1.
[Akka i dasdas-yehwa i lmektub LexyuÑ i ncudd yakkw fsin Anwa ara yawin ddnub D wid i γ--ibÑan γeef sin] (*)
C’est ainsi que veut le destin, Les liens que nous avions tissés sont défaits ; Qui endosserait le péché Sinon celui qui nous a séparés65
5.
MmektiγMmekti -d asmi nefreq Nekk nedmeγ nedme nettat wissen Tesεa Tes a làeqq sεi s iγ làeqq Kul wa d lmizan lmizan yessen LemàibbaLemàibba-w yidyid-s i texleq Ur tttt-ssiriden yisaffen Walaγ Wala iéijiéij-nneγ nne icreq Γummen ummenummen-t-id widen yusmen (*)
Je me remémore encore notre séparation, Je la regrette et elle peut-être ! Elle avait raison, moi aussi, A chacun sa logique ; C’est avec elle qu’est né mon amour, Que ne laveraient les fleuves ; Je vis notre soleil se lever, Les envieux l’ont couvert.
Yak iêriiêri-w mazal yekkaw yi fell--am Seg meééawen ii--yru fell
Mes yeux ne sont pas secs encore
10.
15.
Des larmes qu’ils ont versées pour toi ;
ε
IkkerIkker-i-d ccre di tferkatferka-w çebreγ a medden twalam çebre
On me conteste mon propre bien
Attan rêaget làalalàala-w
Amer est mon état
Et je l’ai supporté, vous l’avez bien vu ;
phénomène est analogue à l’emploi de la forme simple du verbe ames « être sale » (cf. note correspondante du vers 126 de la chanson 82 et du vers 36 de la chanson 126, et l’emploi ‘‘normal’’ du verbe ames « être sale » et simes « salir » dans le vers 49 de la chanson 155 et dans les vers 87 et 89 de la chanson 156.) 63
Littér. : [tu l’as tué une fois deux fois]
Littér. : [j’ai pleuré jusqu’à ce que j’aie ravivé (la plaie de) la pierre], à cette image forte qu’est sendef aêru « faire pleurer une pierre » répond la traduction de T. Yacine (p. 116) : J’ai pleuré à pierre fendre. 64
65
Littér. : [C’est ceux qui nous ont séparés en deux].
___ 424
20.
25.
Ur tettwaktab s leqlam Izad ssemm di lmeànalmeàna-w Ttkukruγ a d d--ye yeγli Ttkukru li éélam (*)
Au-delà de toute expression :
Annaγ Anna a Rebbi amek akka S kra nesεedda nes edda nulesnules-as TeğğiÑ lhemm yettekka DegDeg-wul iwmi iwmimi-yåeààa llsas TefsiÑ TefsiÑfsiÑ-d rrebg i tlufa S lğehd i dd-hubbent fellfell-as RejmentRejment-tttt-id s yeêra Am lεecc l ecc ifirellas
Las mon Dieu de cette situation ! De ces épreuves à répétition, Tu as laissé s’installer les tourments Dans mon cœur plein de sincérité ; Tu as libéré les problèmes Souffler violemment sur lui Et lui jeter des pierres Tel un nid d’hirondelles66 !
Le venin de mes peines s’est accru, Je crains de voir arriver la nuit.
(*) ___________________________________________________________________________
38. Tafat n ddunitddunit-iw
Lumière de ma vie
1.
[A A tafat n ddunitddunit-iw WaliWali-d win teğğiÑ yuÑen Aêarul-iw Aêar-im yuγyu -d akkw ulIdammenIdammen-iw degdeg-s uzzlen] uzzlen] (*)
Lumière de ma vie, vois Celui que tu as meurtri, Tes racines pénètrent mon cœur, Où mon sang coule.
5.
TekkseÑ i teγzalt te zalt sserr Tamuγli li nurTamu n-medden akkw γur ur-m Ilemêi teğğiÑteğğiÑ-t yeske Tilemêit segseg-m tusem (*)
Surpassant la gazelle en charme, Tu attires tous les regards : Tu laisses les garçons pantois, Et toutes les filles t’envient.
Ma êriγ êri lwerd n tefsut TtmektayeγTtmektaye -d ååifaååifa-m Leεqel Le qelqel-iw ååber yettuyettu-t TesàermeÑ fellfell-i naddam (*)
Voir les roses du printemps Me rappelle ta beauté, J’ai perdu toute patience, Tu me prives de sommeil.
Lemmer zmireγ zmire ad am am-hedÂeγ hedÂe A mm-iniγ ini wi didi-yeràan A mm-iniγ ini wi γeef i selbeγ selbe a M ur teêriÑ medden akkw êran (*)
Si je pouvais te parler, Je te dirais ma souffrance, Je te dirais ma folie67, Si tu l’ignores tous le savent.
Axemmem yezga fellfell-i DegDeg-wexxam neγ ne di berra Γas as lweqt la yettεeddi yett eddi FellFell-am ur åbireγ åbire ara (*)
Les pensées hantent ma tête A la maison et dehors, Le temps a beau passer, De toi je ne me remets point !
NnanNnan-i-d wid steqsaγ steqsa Lweqt ittawiittawi-d ååber
Ceux que j’interroge me disent Que le temps guérit les plaies,
10.
15.
20.
66
Ici le poète compare son cœur plein de sincérité au nid d’hirondelles, dont la destruction serait un péché.
67
Littér. (v. 14 et 15) : [je te dirais qui me fait souffrir, je te dirais de qui je suis fou].
___ 425
AcàalAcàal-ayagi i ruğaγ ruğa Yugi ad itthedden lxaéer
Pendant longtemps j’ai attendu Mon esprit refuse de s’apaiser.
LehlakLehlak-iw iqqim d ajdid SegSeg-wasswass-enn amezwaru UlUl-iw mazalmazal-it d awàid Ma d iêriiêri-w mazal yettru (*)
Mon mal est resté vif Depuis le premier jour, Mon cœur est toujours seul Et mes yeux toujours en larmes.
Leğraà nn-lemwas sehlen Kul lehlak isεa is a ddwawi Làubb yeskaw ifadden Ma d leğraà mebla ccwami (*)
Légère est la blessure par lame Et tout mal a un remède, L’amour dessèche les jambes Et les plaies sont sans cicatrices.
(*) 25.
30.
__________________________________________________________________________________________
39. Beεde Be deγ de tebεed teb ed
Loin l’un de l’autre
1.
[Beεde [Be deγ de tebεed teb ed YezgaYezga-d làubblàubb-nneγ nne ittwaγ ittwa Akka ii-yjerred Zzher ma ad yidyid-s nennaγ] nenna ] (*)
Nous sommes loin l’un de l’autre, Notre amour en est atteint, C’est le destin, Devrions-nous combattre le sort ?!
5.
Assileγ Ass-enn γile ile WwiγWwi -d lexyar ger tullas Tefreà feràeγ feràe Axxam a tt-nebnu γeef llsas Di zzman γelée eléeγ elée Yettbeddil degdeg-yiwen wass Ruà ad ruàeγ ruàe Mkul yiwen ad yaf aylaayla-s (*)
Ce jour-là, j’ai cru Avoir la reine des filles, Heureux tous les deux De fonder notre foyer68. Je me suis trompé d’époque, Qui change de fond en comble ; Séparons-nous, Que chacun trouve son dû !
Tewεer Tew er temêi FellFell-as ishel lmuàal Ma tàesseÑtàesseÑ-iyi A kemkem-nhuγ nhu segseg-yir lecγal lec al Γas as melmel-iyi Acuγer Acu er i tbeddleÑ awal SefhemSefhem-iyi D acu i d ssebba γer er ccwal (*)
Jeunesse délicate Peut être victime de l’arbitraire, Si tu m’écoutes, Je te dissuaderai des mauvais actes : Mais dis-moi donc Pourquoi tu n’as pas tenu parole, Explique-moi Quelle est la cause du trouble.
Ad amam-iniγ ini Tidett ur yeêra yiwen AqlAql-iyi cbiγ cbi Di ééir ur nesε nes i afriwen SsegSseg-m urğiγ urği Lehna d lemàibba izaden
Je te dirai La vérité que nul ne sait : Je suis tel Cet oiseau privé d’ailes ; J’attendais de toi Meilleure paix, meilleur amour,
10.
15.
20.
25.
68
Littér. (v. 7 et 8) : [je suis content elle est contente, la maison nous la construirions sur des bases]
___ 426
D acu ii-y-ufiγ ufi Siwa ccwal d lemàayen (*)
Qu’ai-je trouvé Sinon le trouble et la peine ?
Nnan medden Les gens disaient ra ra 30. K a yaγen Que dans l’épreuve l’homme ne plie pas69, ya en argaz ur yettru Wiss ma jerrben Sont-ils éprouvés ? Wi steqsan ad asenasen-iàku Qu’ils interrogent qui leur reconte ! Urfan weεren Pénible est le dépit, we ren Win àuzan ad asenQui en est atteint s’en souviendra, asen-icfu 35. Γas as ma ruàen Même parti, Ccama tugi ad teàlu La blessure ne veut guérir. (*) __________________________________________________________________________________________
40. YebÑa wul70 1.
5.
10.
15.
20.
25.
69
Cœur divisé
Netta : [Γef ef sin yebÑa wulwul-iw Γef ef tin yebγa yeb a lxaéerlxaéer-iw Yiwen webrid iwulem Ugin Ugin lwaldinlwaldin-iw γe e Tin f i rehneγ rehne temêitemêi-w Yak Rebbi s lehlak yeεlem] ye lem] (*)
Lui : Mon cœur est divisé en deux Pour celle qu’aime mon cœur Pourtant un seul chemin convient, Mes parents n’acceptent pas Celle à qui j’ai dédié ma jeunesse, Nest-ce pas que Dieu sait mon mal !
Nutni (imawlan) : Nebγa Neb a yelliyelli-s nn-xaltixalti-k A kk-tcebbeà ddunitddunit-ik AwalAwal-is d awalawal-nneγ nne Ma tugiÑ lwaldinlwaldin-ik Ruà a dd-tjabeÑ tjabeÑ lebγi leb i-k Ur kk-nesεa nes a d mmimmi-tne tneγ Ruà ad tbeddleÑ isemisem-ik YidYid-k làağa ur γ--tecrik LaterLater-ik si tjaddit yeffeγ yeffe
Eux (les parents) : Nous te voulons ta cousine71 Qui te rende la vie belle Et qui parle en notre nom ; Si tu t’opposes à tes parents, Alors fie-toi à ta volonté Et tu n’es plus notre fils ! Change donc ton nom Et rien ne te lie à nous, Et tes traces seront effacées
— A lwaldin fehmetfehmet-iyi Mayella tàemmlemtàemmlem-iyi Lazem ad tettmennim lehna Ma uγe u eγ yelliyelli-s nn-xalti Ur tttt-bγiiγ ur didi-tebγi teb i Ur neεdil ne dil lεeqleyya l eqleyya AnfetAnfet-aγ anan-nnadi Nettat d nekkini Kul yiwen ad yaf ii-yebγa yeb a
Père et mère, comprenez-moi : Si tant est que vous m’aimez, Aspirez donc à la paix ; Si j’épouse ma cousine, Que nous ne nous aimions pas Et que nous m’ayons pas la même mentalité72 ; Laissez-nous chercher, Elle et moi, Que chacun trouve ce qu’il veut !
TebγiÑ Teb iÑ taqcict a kk-teàweå Tin ara kk-yawin weàdweàd-s
Tu veux une fille qui t’accapare, Qui te possède à elle seule
Littér. : [quel que soit ce qui atteindrait l’homme, il ne pleure]
Des erreurs se sont glissées dans la notation de T. Yacine (Aït Menguellet chante…, p. 200), dans les vers 3, 11 et 15 : respectivement i neddem « que nous prîmes », a dd-tjerrbeÑ lebγi leb i-k « tu expérimenterais tes désirs », si taddart « du village », au lieu de iwulem « il convient » , a ddtjabeÑ « tu procurerais » , si tjaddit « de l’ascendance ».
70
71
Littér. : [nous voulons la fille de ta tante maternelle].
72
Il semblerait qu’il y ait un problème de syntaxe : nous avons effectué une traduction fidèle au texte kabyle.
___ 427
30.
Ad akak-teγÑel te Ñel làermalàerma-k D kečč ara izewğen γur urur-s LeàbabLeàbab-ik a kk-tenten-tekkes YemmaYemma-s a tttt-terr d yemmayemma-k CcerfCcerf-ik a kk-t-teεfes te fes Am lmal a kk-tkes Di Rebbi ad tÑelbeÑ leslak
Et qui foule ta dignité ; C’est toi qui seras épousé, Elle te privera de tes amis, Sa mère, elle fera d’elle ta mèr ; Elle piétinera ton honneur, Comme une bête elle te gardera Et tu seras bien empêtré73.
âemmleγ J’aime une fille de noble race âemmle yelliyelli-s nn-laåel 35. Tlul di tmurt nàemmel Née au pays que nous aimons, Anda qqaren jmeεliman Où les hommes tiennent parole ; jme liman Tessen aÂebbi d uniwel Elle sait éduquer et cuisiner, Axxam ad yidElle s’occupera à merveille du foyer, yid-s tecγel tec el UdemSon visage embellit les jours ; Udem-is yettåeggim ussan 40. Telha tesεa Elle est douée de sagesse, tes a leεqel le qel Di sin a kwenen-tàemmel Elle vous aimera tous les deux, Ur tettafem ara i ttVous ne trouverez point son égale ! tt-yecban __________________________________________________________________________________________
41. MelMel-iyiiyi-d
Dis-moi !
1.
[Walaγ[Wala -tt zdatzdat-i Ur ttqileγ tt-εqile qile Tbeddel fellfell-i FellFell-as beddleγ] beddle ] (**)
Je l’ai vue devant moi Et ne l’ai point reconnue, Elle a changé Et j’ai changé ;
5.
[Mel[Mel-iyiiyi-d (3 x) Ma d kemmkemm-aya Éeddan fellfell-am leεwam le wam Ttuγ Ttu udemudem-im] (*)
Mais dis-moi, C’est toi donc ? Les années sont passées, J’ai oublié ton visage !
Ttwaliγ Ttwali degdeg-m Am tin yeεyan ye yan Wiss ma d axemmem Neγ Ne d iγeblan i eblan (*)
Je vois en toi Quelqu’un de las, Peut-être est-ce soucis Ou bien peines ?!
MelMel-iyiiyi-d ttxilem Win ma d mmimmi-m Icuba γur urur-m YekkesYekkes-am allenallen-im (*)
Dis-moi, je te prie, Si c’est ton fils, Il te ressemble bien, Il t’a ravi les yeux74.
Γur urur-i tteåwira N-wasmi trebàeÑ A tttt-teêreÑ tura Wiss ma ad tamneÑ (*)
J’ai la photo Du temps où tu étais heureuse, Tu la verrais maintenant, Tu n’en croirais pas tes yeux !
Yeggwrara-yiyi-d yisemyisem-im Ur yettjeddid
Il me reste ton nom, A jamais inchangé,
10.
15.
20.
73
Littér. : [tu demanderas à Dieu le salut]
74
C'est-à-dire : « il a les mêmes yeux que toi. »
___ 428
Γas as yekfa wudemBien que ton visage se soit fané, wudem-im IsemIsem-im d ajdid Ton nom est neuf ! (*) (**) (*) __________________________________________________________________________________________
42. Acàal i hedreγ hedre
J’ai tant parlé de toi !
1.
[Acàal i hedreγ hedre fellfell-am75 Uqbel ad hedren wiyaÑ Acàal i àkiγ ef ååifaàki γef ååifa-m WalaγWala -kem ur didi-twalaÑ] (*)
J’ai tant parlé de toi Avant que d’autres ne l’aient fait, J’ai tant raconté ta beauté, Je t’ai vue sans que tu ne m’aies vu.
5.
Ma walaγwala -kem ttwennseγ ttwennse Ttàeqqeγ yidTtàeqqe yid-i i telliÑ Mkul aàbib a ss-alseγ alse SegSeg-wakken i didi-teràiÑ Lukan d sseεd sse d i kesbeγ kesbe Ad iliγ ili d win tebγiÑ teb iÑ Imi d zzher nnuγe nnu eγ AqlAql-i segseg-widen tenγiÑ ten iÑ (*)
A ta vue, je ne me sens plus seul, Je sens que tu es avec moi ; Je raconte à mes amis La souffrance que tu me causes ; Si tu étais mon étoile, Je serais ton prince élu76, Comme j’ai livré bataille au sort Je suis de ceux que tu as tués !
TwezneÑ yewzen yisemyisem-im Γur ur win i kemkem-idid-ixelqen Muqleγ Muqle ger tezyiwintezyiwin-im Siwa kemm i dd-yufraren DegDeg-wul lxeêra nn-wallenwallen-im Tecba di rråas dd-iffalen Néerreγ Néerre ddnub i yiryir-im âyuâyu-d layas yemmuten (*)
Tu es belle, beau est ton nom77 Auprès de Celui qui t’a créée, Parmi les filles de ton âge, Tu émerges au-dessus d’elles ; Dans les cœurs ton regard Est telle la balle qui siffle78 Je souffre et tu en es la cause79 Redonne vie à l’espoir mort !
âemmleγ âemmle ååut n ååutååut-im Ay ulul-iw i tettγaÑeÑ tett aÑeÑ âemmleγ âemmle ad êreγ êre awalawal-im Γas as ulukan ulukan di lkaγeÑ lka eÑ âemmleγ âemmle a dd-bedreγ bedre isemisem-im Deg yimiyimi-w ur yuzzil wayeÑ âemmleγ âemmle ad waliγ wali udemudem-im Kemm wiss ma ad iyiiyi-d-tfekkreÑ tfekkreÑ (*)
J’aime la voix de ta voix ! Ô mon cœur, tu fais pitié ; J’aime voir tes paroles Ne serait-ce que sur du papier ; J’aime prononcer ton nom, Le seul qui court dans ma bouche ; J’aime admirer ton visage Mais toi, penses-tu à moi ?
10.
15.
20.
25.
__________________________________________________________________________________________
75 Dans l’ancienne version, à ce vers l’auteur substitue dans certaines occurrences Hedreγ Hedre a Wezna fellfell-am « j’ai tant parlé de toi, Ouzna » (Ouzna est un prénom féminin). 76
Littér. (v. 9 et 10) : [si c’était le bonheur que je possédais, je serais celui que tu veux]
77
Littér. : [tu es mesurée, il est mesuré ton nom]
78
Littér. : [elle ressemble au plomb qui part]
79
Littér. : [j’en pâtis, le péché est à ton cou]
___ 429
43. Urği Urğiγ
Attente vaine
1.
[Urği [Urğiγ win turğa Teryel Γas as ul yettrağun yuyes Rağu yuγal yu al d lbaéel LemàibbaLemàibba-w tugi ad tenγes] ten es] (*)
J’ai attendu ce qu’a attendu l’ogresse80 Et le cœur qui attend désespère, L’attente devient injustice Et mon amour reste entier !
5.
Ussan ttεeddin tt eddin fellfell-i Akken la ttεeddin tt eddin fellfell-am Win yenéerren d nekkini D acu ur qebleγ qeble si lğihalğiha-m LexyalurLexyal-im yedder γur ur-i Γas as akka ttεeddin tt eddin leεwam le wam (*)
Les jours passent pour moi Comme ils passent pour toi, C’est plutôt moi qui en souffre, Que n’ai-je accepté de toi ! Ta silhouette m’accompagne81 En dépit du temps qui passe.
akken i dasdas-yennan Wissen anwa akken Yessen umeslub tawwurttawwurt-is UlUl-iw yessen akkw iberdan Ara tert-issiwÑen γer er-lebγi leb i-s Mii-yruà ad yaweÑ s amkan Ugur a dd-iger imaniman-is (*)
Je ne sais qui a dit que Le fou connaît son chez soi : Mon cœur connaît les chemins Qui le mènent à ses désirs ; Aussitôt sur le point d’atteindre son but, L’obstacle se met sur sa route !
10.
15.
kem--in in--awÑe awÑeγ Je crains que quand je t’aurai Ugadeγ Ugade asmi ara kem Zzman ad yekfu ccγel cc elis Le temps aurait accompli son œuvre : el DegJe trouverai à ta place Deg-wemkanwemkan-im anan-nafeγ nafe 20. Tamγart Une vieille aux cheveux gris, Tam art icab ccεer cc erer-is Ula d nekk ad imγure Je vieillirai moi aussi, im ureγ ure Kul wa a dQue chacun s’occupe de soi-même ! d-ilhu d yimanyiman-is (*) __________________________________________________________________________________________
44. D aberrani 1.
5.
10.
Etranger !
[Aql[Aql-i usiγusi -d d aberrani Azekka ad ruàeγ ruàe Γli liγli -d di taddarttaddart-agi EğğetEğğet-iyi ad nseγ nse A wenwen-ffreγ ffre isemisem-iw RewleγRewle -d i zzehrzzehr-iw Nekk d lmektub eğğeteğğet-iyi Nekk yidyid-s i nnuγe nnu eγ)) (*)
Je viens en étranger Et demain je pars ; Je suis tombé sur ce village, Laissez-moi d’y passer la nuit : Je vous cacherai mon nom Car je fuis mon sort ; Laissez-moi à mon destin, Que j’ai combattu.
D zzehrzzehr-iw i didi-yernan Yebγa Yeb a ad iyi-infu IrğemIrğem-iyiiyi-d s wurfan YettasYettas-d ittruàu Lhemm ii-yeεyan ye yan GmaGma-s a dd-yernu
C’est mon sort qui m’a vaincu, Il veut m’exiler ; Il m’a couvert de dépit, S’en va et revient ; Une peine qui s’en va Laisse place à une autre82 ;
81
Traduction littérale : l’attente de l’ogresse signifie « attente vaine ». Littér. : [ta silhouette vit chez moi] = [ta silhouette est vivante pour moi]
82
Littér. (v. 13 et 14) : [une peine étant épuisée, sa sœur (‘son frère’) s’ajoute]
80
___ 430
15.
20.
Acàal i ttεeddin tt eddin wussan Yugi ad ii-yettu (*)
Combien se succèdent les jours, Elle ne m’oublie pas !
Ay ul wid iwmi thedÂeÑ A kk-inin susem Ula akken ur tuyiseÑ Kul yum d asirem asirem Lemmer di tuÑneÑ Labud a kk-nefhem Imi di zzher i tttt-tuγeÑ tu eÑ Ula i dakdak-nexdem (*)
T’adresses-tu à quelqu’un, mon cœur, Qu’il te dit de te taire ! Et ne plaise à ce destin, Chaque jour tu espères83 ; Si tu avais un mal, Nous te comprendrions, Puisque ton mal c’est ton sort, Nous n’y pouvons rien !
Walaγ Je vois mon cas pitoyable Wala liàalaliàala-w tettγaÑ tett aÑ F zzehrA cause de son sort zzehr-iw uεkis u kis Leεnaya Qui n’assure protection Le nayanaya-s ur tttt-issawaÑ Lhemm ur tNi n’atténue ma peine84 : t-ikkis Yeqqim amFait comme un rocher, am-weslaÑ 30. Ur yeêri imanIl ne se voit pas, iman-is i aÑ Las mon Dieu, aie pitié, Annaγ k-nγaÑ Anna a Rebb a kDawiTrouve-lui remède. Dawi-d ssuqssuq-is __________________________________________________________________________________________ 25.
γe e
45. Ttnadiγ Ttnadi fellfell-am 1.
5.
10.
15.
20. 83
A ta recherche !
[A ttnadiγ ttnadi fellfell-am Anida telliÑ A ttnadiγ ttnadi fellfell-am Yeεdel Ye del wass d yiÑ Ffudeγ Ffude ååifaååifa-m Lluêeγ Lluêe lhedÂalhedÂa-m Ayγer Ay er didi-tenγiÑ] ten iÑ] (*)
Je suis à ta recherche Pour savoir où tu es, Je suis à ta recherche, Jour et nuit se ressemblent ; J’ai soif de ta beauté, J’ai faim de tes paroles, Pourquoi m’as-tu tué ?!
Γas as la kemkem-ttwaliγ ttwali ëriγ ëri tbeεdeÑ tbe deÑ Γas as yidyid-m ttiliγ ttili Kemm ur tfaqeÑ Γas as la kemkem-ttnadiγ ttnadi γe e F tmuγli tmu lili-w teffreÑ Di tirg tirga-w ufiγ ufi Ayen i didi-tekkseÑ (*)
Bien que je te voie, Je sais que tu es loin ; Bien que je te tienne compagnie, Tu ne le sais point ; Bien que je te cherche, Tu te dérobes à ma vue ; Dans mes rêves je trouve Ce dont tu me prives.
Ma bγi b iγ a kemkem-êreγ êre Ad bellεeγ allenallen-iw A kemkem-ttåewwireγ ttåewwire WeàdWeàd-i di lmuxlmux-iw i AnefAnef-iy ad ffreγ ffre
Quand je veux te voir, Je ferme les yeux Pour t’imaginer Dans mon seul esprit : Laisse-moi cacher
Littér. (v. 19 et 20) : [en dépit de cela tu n’as désespéré, chaque jour c’est l’espoir]
Littér. : [la peine il ne l’a enlevée] = [il n’enlève peine]. Dans certains parlers kabyles, l’énoncé kkes lhemm [enlever la peine] signifie « être débrouillard ».
84
___ 431
Sserr di sserrsserr-iw Ugiγ Ugi a tt-ferqeγ ferqe Yeγba Ye ba(yeÑbe ba(yeÑbeε (yeÑbe ?) degdeg-wulwul-iw (*)
Mon secret entier85, Je ne peux m’en séparer Il est tapi dans mon cœur.
âkiγ J’ai conté mes larmes âki imeééiimeééi-w 25. I wi dasA qui comprenait, das-islan Sekneγ J’ai montré ma plaie Sekne lğeràlğerà-iw I wi tA qui pouvait voir, t-iwalan Kra nudant wallenMes yeux ont cherché wallen-iw LaterLater-im ur iban Tes traces introuvables, 30. Balak d lmuxEst-ce mon esprit lmux-iw I kemQui t’aurait créée ? kem-idid-isnulfan (*) __________________________________________________________________________________________
46. Lehlak 1.
5.
10.
15.
20.
25.
Le mal
[Lehlak i dd-teğğiÑ teğğiÑ degdeg-i Ur yesε yes i amdawi F lğallğal-im i didi-yextar AmAm-wakken yeggul fellfell-i Ard iqqim γur urur-i Alamma åubben lecfar Ula i dd-ixdem yimeééi Rruà la ixessi Am lgaz yeğğan lefnar Si ddunit tekkseÑtekkseÑ-iyi UrğiγUrği -am Rebbi Di lmut ad ii-d-irr ttar] (*)
Le mal que tu as laissé en moi N’a point de remède86, A cause de toi il m’a choisi ; Comme s’il s’était juré De rester en moi Jusqu’à mon dernier souffle ; Les larmes n’y ont rien fait, L’âme s’éteint Comme une lampe sans pétrole87 ; De ce monde tu m’as ôté, J’attends de Dieu Qu’il me venge par ta mort !
RruàRruà-iw a nn-yas d aàmam A nn-yaweÑ s axxam Ad amam-n-ibedd γeef ååur S ååutååut-is a mm-yefk sslam Qbel a dd-yeγli ye li éélam A nn-iruà lewhi n ééhur MuqelMuqel-it mlià ma iεreq i reqreq-am Yettawi ccamaccama-m D ccama ss-ğğan leγrur le rur
Mon âme, telle une colombe, Arrivera chez toi, Se posera sur le mur, Par son chant te saluera Avant la tombée de la nuit, Aux environs de midi88 : Regarde-le bien et reconnais-le, Il porte ta marque, Que lui ont laissée les déceptions.
A nn-yuγal yu al d afrux nn-yiÑ A nn-yas ur tebniÑ WaliWali-d allenallen-is di ccqayeq A mm-n-ihde γeef-win teğğiÑ Alarmi tt-tenγiÑ ten iÑ Ddaw tmedlin yeàreq
Elle se changera en chauve-souris, Viendra à l’improviste, Vois ses yeux dans les interstices ; Elle te parlera de celui que tu as laissé, Que tu as tué, Qui brûle sous les dalles ;
86
Littér. : [le secret dans mon secret]. Le terme sserr est polysémique : il signifie aussi « charme », « considération », etc. Littér. : [il n’a de ‘soignant’]
87
Littér. : [comme le gaz laissant la lampe]
88
Littér. (v. 17 et 18) : [avant que ne tombe l’obscurité, il viendra vers toi autour de l’heure de la prière de midi]
85
___ 432
30.
35.
RruàRruà-is anda telliÑ A nn-yerzu kul iÑ Bac naddam ad amam-yeεreq ye req
Son âme, où que tu sois, Te visitera chaque nuit Pour t’empêcher de dormir !
Lehlak ara nurn-yerzun γur ur-m D rruàrruà-iw ayen LehlakLehlak-nni didi-yewwin A nn-yas s ulul-im a tt-yeεdem ye dem Γef efef-wayen i ss-ixdem Ad tsafreÑ mebγir meb ir aεwin a win RruàRruà-im a tt-idid-yegzem YidYid-s a tt-idid-yeddem Γur ur Rebbi ad ddun i sin
Le mal qui te visitera, Ce mal, c’est mon âme, Ce mal qui m’a emporté ; Il viendra anéantir ton cœur Lui fera payer ses actes, Et tu partiras sans viatique ; Ton âme, il la coupera, Et l’emportera, Tous deux ils se présenteront devant Dieu.
Si tmedlin i diyi-rran Des dalles dont ma tombe est couverte Aéas i dIl en reste beaucoup : d-yeggwran A mOn en recouvrira ta tombe ; m-tenttent-rren i kemmini Ad tzedγeÑ Tu habiteras entre les tombes, tzed eÑ ger yiêekwan D ixxamen imsawan Ces maisons égales, 45. LğarEt je serai ton voisin Lğar-im d nekkini Wid yessaramen a keman Ceux qui espéraient t’avoir kem-sεan Iγurr urrLe temps les a bernés urr-iten zzman YerraurEt te m’a rendue à moi89 ! Yerra-yiyi-kemkem-id ar γur ur-i (*) __________________________________________________________________________________________ 40.
47. ëriγ ri mazal 1.
5.
10.
15.
Que n’ai-je vu ?!
[ëriγ [ëri mazal çebreγ çebre d uzzal Ad iγab i ab wudemwudem-is Ziγen Zi en simmal Γas as ifat làal Am yiÑ am uzal TeğğaTeğğa-yi laterlater-is] (*)
Que n’ai-je vu ? Dois-je patienter encore Contre son absence ; Mais de plus en plus, Bien que le temps passe, De nuit comme de jour, Ses traces sont là.
Ay agarru Asmi akken i kk-ceεle ce leγ le Ay afusafus-iw Asmi kk-sserγe sser eγ Tella ccama γe e F lğallğal-im teÑbaε Times tensa Nekk baqi àerqeγ àerqe (*)
Ô cigarette, Le jour où je t’ai allumée ; Ô main mienne, Le jour où je t’ai brûlée ; La marque est là, A cause de toi imprimée, Le feu s’est éteint Mais moi je me suis brûlé.
Traduction quasi-littérale. En principe, en kabyle comme en français les pronoms régime de première et de deuxième personnes sont incompatibles, s’excluent mutuellement dans un même énoncé. Sauf à analyser le segment [ji] (entre traits d’union) comme un fait phonétique dont le rôle est d’ordre métrique, il y a ici un cas particulier d’emploi co-occurrent des deux pronoms : régime indirect yi (1S) et direct kem (2SF), ce phénomène n’étant peut-être pas isolé au vu de l’exemple A tacriḥ tacriḥt n tedmert, tekkestekkes-iyiiyikem tezmert [ô morceau de poitrine, elle me t’a enlevé la santé] (bon morceau de poitrine de poulet, la force me manque pour t’obtenir) « J’aimerais bien un sort plus fortuné mais mes moyens sont limités ! » qu’on relève le dictionnaire de Dallet (1982 : 423, 2ème colonne, 27ème ligne). Il semblerait que ce soit ici un usage stylistique. 89
___ 433
20.
UdemUdem-im yewwiyewwi-t IåaàIåaà-d i wayeÑ UdemUdem-im yewwiyewwi-t ε Jem eγ--d lkaγeÑ lka eÑ D tteåwiratteåwira-m I dd-jemεeγ s axxam Tettekkes éélam Γas as kemm tγabeÑ t abeÑ (*)
Ta beauté, partie, Echoit à autrui ; Ta beauté, partie, M’échoit le papier : C’est ta photo Que j’ai ramassé, Qui m’accompagne Car tu es absente90.
Ay ayen bγi Toi, mon désir, b iγ Acuγer er tbeεdeÑ Pourquoi es-tu si loin ; Acu tbe deÑ Ayen i ttmenniγ Toi, mon espoir, ttmenni FellTu me fuis ; Fell-i la treggwleÑ91 Tura mi εyi yiγ Maintenant que je suis las, yi I snitraQue je raconte à ma guitare, snitra-w àkiγ àki 30. Ayen i ttγenni Ce que je chante, tt enniγ enni Ahat92 a sPeut-être l’entendrais-tu ! s-tesleÑ (*) __________________________________________________________________________________________
25.
48. A tin iγaben i aben am yitri 1.
5.
10.
15.
Disparue comme une étoile
[A tin iγaben i aben am yitri Yeεreq Ye req wanida iteddu Yeàzen waggur deg yigenni Yeàzen win teğğiÑ yettru Yeàzen win teğğiÑ yettru Asmi akken i tγabeÑ t abeÑ am yitri Yeεreq Ye req wanida iteddu Yeàzen waggur deg yigenni] (*)
Tu as disparu comme une étoile, Nul ne sait où elle va ; Dans le ciel, la lune est triste Comme l’est celui qui te pleure ; Est triste celui qui te pleure Le jour où tu as disparu comme une étoile ; Nul ne sait où elle va, Dans le ciel, la lune est triste.
Rran aεjar efa jar γef ef-wudemwudem-is AmAm-waggur yeffer yeffer usigna Tawla isserγayen isser ayen allenallen-is w Yegg rara-d laterlater-is di làara AllenAllen-iw ddant d uÑaruÑar-is ëriγ ri dayen truà tura Maεac Ma ac ad sleγ sle i ååutååut-is Win ara dasdas-islen yella (*)
On mit le voile sur son visage Comme un nuage cache la lune ; La fièvre qui lui brûle les yeux A bien laissé son empreinte ; Mes yeux l’ont bien vu partir, Elle s’en est allée, hélas ! Je n’entendrai plus jamais sa voix Car l’entendra quelqu’un d’autre !
Steqsayeγ Steqsaye ééaqééaq-nsen
Je demande à leur fenêtre
90
Littér. (v. 21-23) : que j’ai ramassé vers la maison, elle enlève l’obscurité, bien que tu sois absente]
91
Dans l’ancienne version, les quatre premiers vers de cette strophe sont :
Ay ayen bγi b iγ Acuγer Acu er teffreÑ Ayen ttmenniγ ttmenni Acuγer Acu er tbeεdeÑ tbe deÑ 92
Ce que je désire, Pourquoi te caches-toi ? Ce que j’espère, Pourquoi t’éloignes-tu ?
ahaq, dans l’ancienne version.
___ 434
20.
NniγNni -as wi ara dd-yettÑillin YennaYenna-k tura ad ii-γelqen elqen te ε i ra Ur s aÑ w a didi-d-iwalin Ad twaliÑ lemrilemri-w yeàzen D uγebbar u ebbar ara didi-yalin D ayen i ken k-yuγen yu en i didi-yuγen w ra D nek ni a tttt-idid-ittmektin (*)
Qui y apparaîtra désormais, Elle me dit : « On va me refermer Et personne ne me verra ; Tu verras ma vitre triste Et la poussière me couvrir ; Le même mal nous atteint, Nous nous souviendrons toujours d’elle ! »
Tawwurt i seg i tettεeddi La porte par laquelle elle passait, tett eddi ÖelbeγÖelbe -as d acu i twala Je lui demandai ce qu’elle a vu ; TennaElle me dit : « Je n’ai plus de force, Tenna-k lğehdlğehd-iw yeγli ye li Wi γeef ara εasse asseγ Qui garderais-je maintenant ? asse tura Win yebγan Qui veut passer maintenant, yeb an ad iεeddi i eddi 30. Abrid i medden yella Le passage est libre pour tous ; Win ibγan Mais qui veut voir désormais, ib an a dd-iwali Ur dNous n’avons rien à montrer ! » d-iggwri d acu i nesεa nes a (*) __________________________________________________________________________________________
25.
49. La steqsayeγ steqsaye itran93 1.
5.
10.
15.
20.
J’interroge les étoiles !
La steqsayeγ steqsaye itran Ma a dd-awin lexbar La ttεeddin tt eddin wussan UlUl-iw yettàeyyer Ur gganeγ ggane uÑan Êwiγ Êwi aàebber
J’interroge les étoiles En quête de nouvelles94 Et passent les jours, Mon cœur s’impatiente, Je passe mes nuits A m’inquiéter95.
TeêriÑ ma a kemkem-ttuγ ttu F lεehd l ehdehd-iw tecfiÑ FellFell-am ay ttruγ ttru D ulul-iw i teràiÑ Fiàel ad amam-n-àkuγ àku el a Fià m a dd-testeqsiÑ
Je ne t’oublierai pas, Je te l’ai juré ; Je te pleure toujours, Tu fais souffrir mon cœur : A quoi servirait-il que je te raconte ? A quoi servirait-il que tu m’interroges ?!
UrgaγUrga -tt assass-nni TerfedTerfed-d s wallenwallen-is Γile ileγ ile dayenni Ad Âwuγ Âwu udemudem-is Ul ad yetthenni Ad yaweÑ lebγi leb i-s La ttruγ ttru ya lγaci l aci Mi beddleγ beddle idis Ggwriγri -d kan weàdweàd-i Iruà lexyallexyal-is
Je la rêvai ce jour-là, Elle leva les yeux : Désormais j’ai cru Revoir son visage, Mon cœur, apaisé, Assouvirait son désir ; Il mes resta les larmes Quand je me réveillai96, Je me retrouvai seul, Son ombre avait disparu.
93 La dernière strophe de cette chanson est aussi la première de la chanson Bγiiγ a dd-iniγ ini , qui lui est consécutive dans l’ancienne version. 94
Littér. : [s’ils m’apporteraient une nouvelle]
95
Littér. (v. 5 et 6) : [je ne dors les nuits, je me gave de réflexion]
96
Littér. (aussi v. 12 de ch. 50) : [quand je changeai de côté] = [quand je retournai dans mon lit]
___ 435
__________________________________________________________________________________________
50. Bγiiγ a dd-iniγ ini 97 1.
5.
10.
15.
20.
J’ai envie de dire !
[Bγi [B iγ a dd-iniγ ini
J’ai envie de dire,
Ad yifsus wulwul-iw Ur tesεaÑ wiwi-y-nγiiγ Ugadeγ Ugade tilitili-w] (*)
Que mon coeur s’allège ; Je n’ai tué personne Et je crains mon ombre !
UrgaγUrga -tt assass-nni TerfedTerfed-d s wallenwallen-is Γile ileγ ile dayenni Ad Âwuγ Âwu udemudem-is Ul ad yetthenni Ad yaweÑ lebγi leb i-s La ttruγ ttru ya lγaci l aci Mi beddleγ beddle idis Ggwriγri -d kan weàdweàd-i Iruà lexyallexyal-is (*)
Je la rêvai ce jour-là, Elle leva les yeux, Désormais j’ai cru Revoir son visage, Mon coeur, apaisé, Assouvirait son désir ; Il me resta les larmes Quand je me réveillai, Je me retrouvai seul, Son ombre avait disparu.
UÑneγ UÑne kemm tebγiÑ teb iÑ WekkleγWekkle -am Rebbi Rebbi UÑneγ UÑne kem teêriÑ TeêriÑ acimi TzemreÑ a dd-tiniÑ Nekk ğğiγ ğği kulci D ayen i tettnadiÑ BerkaBerka-kem anadi anadi (*)
Tu as cautionné mon mal, Je m’en remets à Dieu ; Tu savais mon mal, Tu en savais la cause ; Tu peux m’annoncer Que tu m’abandonnes, C’est ce que tu cherches, Cesse de chercher !
Ayen akkw i dTout ce que j’ai dit, d-nniγ nni Fehmet a medden Ô gens, comprenez : b iγ Ce n’est pas pour celle de mes fantasmes 25. Mačči γeef tin bγi I kfan yifadden Que mes jambes ploient ; Γas as la dBien que je m’exprime, d-ttmesliγ ttmesli w D ayen akk nniÑen Je dis autre chose : DegDans mon cœur je sais Deg-wulwul-iw êriγ êri u 30. D ac i diCe qui m’embrase. di-iàerqen (*) __________________________________________________________________________________________
51. Acuγer Acu er
1.
97
Pourquoi ?
unyir--ik ? A Lewnis, acuγer ikrez unyir
Lounis, pourquoi ton front est-il labouré ?
AnyirAnyir-iw kerzenkerzen-t wussan Zraεen Zra enen-t-id d lmeàna KerzenKerzen-t s useffud yerγan yer an w I wakken a dd-tegg ri ccama
Les jours ont labouré mon front, Ils y ont semé la peine ; Ils l’ont labouré avec un tison brûlant Pour y laisser des cicatrices ;
La première strophe de cette chanson est aussi la dernière de la chanson La steqsayeγ itran itran. « J’interroge les étoiles » (ch. 49).
___ 436
5.
10.
15.
20.
25.
KerzenKerzen-t-id mebγir meb ir lawan MegreγMegre -d siwa urfan Weğden anebdu ccetwa
Ils l’ont labouré hors saison Et je n’ai récolté que colère Prête en été comme en hiver.
ifaten Ayen ifate n yemmut !
Le passé est mort !
Lexyal nn-wayen ifaten urKul iÑ ittasittas-d ar γur ur-i Iεawen awenawen-i deg yimeééawen Γef efef-wayen isεedda is edda yidyid-i Yuγal Yu al segseg-wid yemmuten yemmuten Iγab ab γef efef-wallen Yak fateγfate -t ifatifat-iyi
L’ombre du passé Me visite chaque nuit, M’assiste dans mon malheur98 Et de notre peine commune ; Parmi les morts maintenant Et loin des yeux, Il m’a distancé, je l’ai distancé99 !
tuyat--ik ? Acuγer knant tuyat
Pourquoi tes épaules sont-elles recourbées ?
Acuγer Acu er knant tuyattuyat-iw Bezzaf i εebbant ebbant n lxiq Tezga fellfell-i teεkwemtemt-iw i Ur d -iεawen awen degdeg-s werfiq La tessenγas tessen as di lğehdlğehd-iw Tessendaf ulul-iw TeğğaTeğğa-d acàal d iceqqiq
Pourquoi mes épaules sont-elles recourbées ? Elles sont trop chargées de peine ; Permanent est mon fardeau Et pas un ami ne m’y a aidé ; Il atténue mes forces, Blesse mon coeur Et laisse nombre de traces.
n--lkanun ? Acuγer tettγimiÑ γef yiri n
Pourquoi t’assieds-tu près du feu100 ?
Ur diyi-iqrià usemmiÑ âemmleγ âemmle ad waliγ wali times Ay ixfixf-iw a dd-tettmektiÑ Ayen akkw iuri-ycuban γur ur-s Teεğeb Te ğebğeb-ik la tttt-tettwaliÑ Lemmer ad degdeg-s teγliÑ te liÑ Ma tsumatsuma-k-id a kk-teqqes teqqes
Je n’ai pas tant froid, J’aime regarder le feu ; Mon esprit, tu te remémores Tout ce qui lui ressemble ; Elle te plaît, tu la regardes, Mais si tu y tombes, Tu t’y frottes, elle te pique !
Berka εyi yiγ Assez ! Je suis las d’être interrogé, yi degdeg-westeqsi Qu’ai-je donc à me plaindre101 ? di-yuγen yu en Ur tesεaÑ d acu i diIγeblan eblan durLes soucis qui me visitent d-irzan γur ur-i Ala yidNe se sont pris qu’à moi, yid-i i dd-nnuγen nnu en UgiγJe les déteste, ils me désirent, Ugi -ten bγan b anan-iyi La ttnadin fellMe cherchent toujours : fell-i 35. NudanIls m’ont cherché, je les ai trouvés ! Nudan-iyiiyi-d ufiγufi -ten __________________________________________________________________________________________
30.
52. Ruà Ruà ad qqimeγ qqime Kečč ruà nekk ad qqimeγ qqime AnefAnef-iyi d yiγed yi d asemmaÑ Ay iγed i ed rwiγrwi -k a kk-qelbeγ qelbe TugiÑ γe er-i a dd-tecceεca tecce caεÑ
1.
98 99
Rentre, je reste ! Toi tu pars, moi je reste, Laisse-moi avec mes cendres froides ; Ô cendre, je te mêle et te retourne, Sans que tu luises pour moi ;
Littér. : [il m’aide dans mes larmes] Traduction approximative.
100
Littér. : [pourquoi t’assieds-tu au bord de l’âtre ?]
101
Littér. : [tu n’as rien qui ne m’ait pris] = [rien ne
___ 437
5.
10.
15.
20.
25.
30.
S wayen ifaten i εice iceγ ice Ma d ulul-iw γer er daxel icaÑ
Je vis des choses passées Mais dans mon coeur c’est l’incendie.
[Keččini ruà Nekk ad qqimeγ qqime Dayen idub rruà D aγrib a rib nnumeγ nnume (Ruà di laman Ur tedduγ teddu ara) (**)] (*)
Toi, pars, Moi, je reste, Mon âme épuisée, Je suis habitué à l’exil, Va en paix, Moi, je n’y vais pas.
Ayen jemεeγ atan S axxamaxxam-iw awiawi-t TmuqelÑ amek llan LexbarLexbar-iw siweÑsiweÑ-it UdemUdem-iw i cedhan cedhan TekfaTekfa-t ddunit (**) (*)
Voici mes économies Emmène-le chez moi102 ; Vois comment ils vont Et donne-leur de mes nouvelles ; Mon visage, qui leur manque, La vie l’a achevé.
S tmekàelt merreà ç ubb γer erer-lexlalexla-nneγ nne Γas as s udem n ååbeà D lweqt i àemleγ àemle Asmi tdum d ååeà Akken i xedmeγ xedme (**) (*)
Prends le fusil et promène-toi, Descends dans nos champs, Au petit matin, Mon moment préféré : A mes heures heureuses, Ainsi je faisais.
Ma tesseÑhreÑ i mmimmi-k Ur àeÑÑre àeÑÑreγ re ara AwiAwi-yiyi-d degdeg-wallenwallen-ik Ayen ur êerreγ êerre ara Mennaγ Menna amkanamkan-ik Ulamer ssaεa ssa a (**) (*)
A la circoncison de ton petit, Je serai absent ; Rapporte-moi dans tes yeux Ce que je n’aurai pas vu ; J’aurais aimé être à ta place Au moins pour une heure !
Tin akken ara izewğen Celle qui va se marier, izewğen Γas as àÑer i tmeγra Sois de sa fête ; tme ra i Asm i yiLe jour où on me l’a promise, yi-tttt-xeÑben Γile ileγ J’étais optimiste103 ; ile mačči akka 35. Win akken ara ttCelui qui l’épousera, tt-yaγen ya en MennaγJe lui souhaite la paix. Menna -as lehna (**) (*) __________________________________________________________________________________________
53. Abrid ttun medden 1.
Le sentier oublié
[Ay abrid ttun medden Yemγi Yem i-d leàcic leàcic di laterlater-ik
Ô sentier oublié des gens, L’herbe a poussé sur tes traces ;
102
Littér. (v. 13 et 14) : [ce que j’ai ramassé, le voilà ; vers ma maison emmène-le]
103
Littér. : [je croyais que ce n’est pas comme cela]
___ 438
5.
10.
15.
20.
Ma tecfiÑ di dewladewla-nsen Agaden ittawin lewhilewhi-k] (*)
Te souviens-tu de leur prestige, Ceux qui prenaient ta direction ?
Ma tecfiÑ melmel-iyiiyi-d kan Teê TeêriÑ nekk yidyid-k i necfa Di latereddan later-ik ayen ii-yεeddan Nekk yeğğayeğğa-yiyi-d ccama Meεni Me ni kul lweqt s zzman Zzman ur ss-nezmir ara Nettru γeef lweqt daγda -yeğğan a Neêr ur dd-ittuγal ittu al ara (*)
Si tu te souviens, dis-moi, Nous nous souvenons tous deux Des faits dont tu as été le théâtre Et qui m’ont marqué ; Mais à chaque époque sa mode, La mode n’est pas notre lot ; Nous pleurons le temps qui nous a abandonnés, Nous savons qu’il ne reviendra pas.
TaslentTaslent-nni akken yeγlin ye lin NejreγNejre -d ssegsseg-s tacié taciéa Tecfa asmi nεedda n edda di sin Tura gezmengezmen-tt si ljedra ljedra QeddrenQeddren-tttt-id wid ur nessin Ur qudren ayen teêra Susem ay ulul-iw dd-ittmektin Ayen akken ieddan yekfa i-yεeddan (*)
Et ce frêne maintenant tombé, Dont j’avais coupé une branche Et qui se souvient de nous deux, On en a coupé la souche ; Les ignorants qui l’ont découpé N’ont eu aucun respect pour son passé : Mon cœur, oublie et tais-toi104 ! Le passé, c’est terminé !
Ahaq105 tebγiÑ Peut-être veux-tu savoir, teb iÑ ad teêreÑ Ay abrid i daγToi, chemin qui te souviens de nous ; da -icfan Ahaq tebγiÑ Peut-être veux-tu savoir teb iÑ ad teêreÑ a S ang i daγOù les jours nous ont jetés : da -Ñeggren wussan 25. Beddleγ Je ne suis plus celui que tu connais Beddle mačči d win tessneÑ Nettat iγÑer i ÑerEt elle, la confiance l’a trahie ; Ñer-itt laman Nγil il nefreà Nous étions dupes et non heureux, nefreà ziγ zi neγleÑ ne leÑ NemgerNous n’avons récolté que dépit. Nemger-d irebbi nn-wurfan (*) IêraTes pierres, nous les ménageons, Iêra-k nettàadarnettàadar-iten 30. Nekk yidLui et moi nous marchions doucement yid-s nleààu s leεqel le qel Ammar wi i daγDe peur qu’on nous entende, da -d-isellen (nugad anwi i γ--d-isellen) (de peur que quelqu’un nous entende) Nugad yewεer De peur d’être injustes ; yew er lbaéel Yella wi γ--d-idεan id an wissen Quelqu’un nous aurait jeté un sort, a Mi nεedd Nous ayant vu passer : n edd i daγda -d-imuqel 35. Ruàet ncalleh ferqeγAllez! Fasse Dieu que je vous sépare106, ferqe -kwen Yedεa A-t-il dit et Dieu a exaucé son vœu ! Yed a-yaγ ya Rebbi Rebbi yeqbel (*) __________________________________________________________________________________________
54. A tin meààneγ meààne 1.
104
Celle que j’ai tourmentée
[A tin meààneγ meààne di lğerralğerra-w Ur illi d acu i txedmeÑ
Toi que j’ai peinée dans mon sillage, Tu n’es responsable de rien,
Littér. : [tais-toi, ô mon cœur qui te remémores]
Dans la version Les années d’or (reprise du vieux répertoire), ahaq « peut-être »/ « il devrait être » (re)devient ahat (forme pankabyle). Les strophes 3 et 4 y sont interverties. 105
Il y a là un problème d’énonciation : on ne sait pas si l’instance énonciative est le je du poète ou le tiers qui a jeté un sort aux… On aurait pu traduire ainsi : Allez ! Fasse Dieu que me sépare de vous !
106
___ 439
5.
10.
15.
20.
D aya ii-yuran di twenzatwenza-w Beεd Be d-iyi ahat ad trebàeÑ] (*)
Ceci est mon destin107, Eloigne-toi de moi et peut-être propéreras-tu !
Lmektub yeåneεyeåne -d abrid Abrid nekk yidyid-m nxulefnxulef-as Ttmenniγ Ttmenni axxam d ajdid UlUl-iw ad yezhu nnubannuba-s Ziγen Zi en aγbel a bel yettzeggid A Rebbi kkeskkes-it neγ ne anef anefef-as ëriγ ëri ad mmteγ mmte d awàid ettbeγ Iruà kra εettbe ettbe fellfell-as (*)
Le destin a prévu une voie, Nous nous en sommes écartés ; J’aspire à un foyer nouveau Pour que mon cœur s’épanouisse ; Hélas ! Mes soucis s’amassent, Dieu, ôte-les ou aggrave-les ; Je sais que je mourrais seul Mes efforts pour elle ont été vains.
Ssuliγ Ssuli axxam s ÂÂmel Yekkaw ihudd γer er llsas Nniγ iwdeγ Nni a ss-εiwde iwde yeshel TusaTusa-d lmuja tkemmeltkemmel-as A Rebbi wa d lbaéel Lemmer daγda -teğğiÑ layas A lmektub qbel anan-nenéel AnefAnef-aγ anan-nezhu yiwyiw-wass (*)
J’ai bâti une maison avec du sable, Elle s’est écroulée aussitôt sèche ; L’ayant facilement reconstruite, La vague l’a aussi facilement défaite ; Mon Dieu, c’est trop injuste, Pourquoi m’as-tu ôté l’espoir ? Ô destin, avant ma mort, Laisse-moi m’épanouir un jour !
A lmektub anwa i d amkan Ô destin, en quel lieu de I g ur kJe ne te rencontrerai pas ; k-idid-ttemliliγ ttemlili MelMontre-moi les exiles, Mel-iyi widak yenfan yenfan Bγiiγ ad yidJe veux vivre avec eux ; yid-sen iliγ ili 25. A kLoin de toi mes jours seraient-ils meilleurs k-beεde be deγ de åeggmen wussan Ahat iéij a tt-waliγ wali Et verrais-je le soleil ! Ad ğğeγ Laisserais-je l’excès de peines ğğe zzyada nn-wurfan Tawwurt n sseεd Et ouvrirais-je les portes du bonheur ! sse d ard tttt-lliγ lli (*) __________________________________________________________________________________________
55. JSK108 1.
5.
10.
JSK
[Yerbeà neγ ne yexåer D gmagma-tneγ tne ayen S idisidis-is neàÑer A tiwen t-idid-nεiwen Γef ef JSK Γef ef JSK Wtet afus anan-nruà] (*)
Perdant ou gagnant, Il est notre frère ; Présents à ses côtés, Nous l’assisterons : Pour JSK Pour JSK Tapez des mains, allons !
Win dd-ibedren adrar A dd-iglu s yisemyisem-im ra K i dd-urwent tuddar Atan s idisidis-im Ur tγelliÑ t elliÑ ara Ad tbedded lebda
Qui évoque la montagne, Evoque ton nom ; Tous les villages Sont à tes côtés ; Tu ne choiras pas, Tu seras éternelle :
107
Littér. : [C’est cela qui est écrit sur mon front]
108
Jeunesse Sportive de Kabylie, le club de football considéré comme l’équipe nationale de Kabylie.
___ 440
15.
20.
25.
Wtet afus anan-nruà
Frappez des mains, allons !
Taqbaylit tefreà Ur tt-nkiren ara Ayen ibnan γeef ååeà Ur iγell i elli ara Γef ef yisemyisem-is terbeà FellFell-as ii-yecbeà Wtet afus anan-nruà
La Kabyle, heureuse, On l’a pas niée ; Ce qui est bâti sur de bonnes bases Ne temobera pas ; Son nom est son porte-bonheur Et il lui sied bien, Frappez des mains, allons !
Iéij icreqicreq-ed YeÑwa--d idurar YeÑwa AylaAyla-m ilàeqilàeq-ed Zdat i dd-yezwar MmiMmi-m ibaniban-ed Afcal ulaàedd Wtet afus anan-nruà
Le soleil se lève, Il illumine les montagnes ; Ton bien arrive, Il devance tout : Ton fils apparaît Et point de fatigue, Frappez des mains, allons !
Freà a taqbaylit Ô Kabyle, sois fière 30. Γef efDe ceux que tu as éduqués ; ef-wid i dd-trebbaÑ Win nγant Et que l’envieux n ant tismin Ur tenNe leur arrive à la cheville : ten-issawaÑ Γelben elben taåebàit Victorieux le matin, Zemren i tmeddit Ils sont puissants au crépuscule, 35. Wtet afus anFrappez des mains, allons ! an-nruà nruà (*) __________________________________________________________________________________________
56. AnAn-nebÑu 1.
5.
10.
15.
109 110
Séparons-nous !
[Γas as ruà nekk yidyid-m anan-nebÑu ra Neγ Ne qim de nekk a iruàen AbridAbrid-im abridabrid-inu D lmuàal ad mlilen Niγ Ni teêriÑ akka ara tefru Si zik γer er din i tetteddu Ur nhedde ur nettlummu Ur dd-qqimen yimeééawen] (*)
Pars, toi, et séparons-nous Ou reste et je partirai, Ton chemin et mon chemin Jamais ne se rencontreront : Tu savais que cela finirait ainsi, C’était prévu depuis jadis, A quoi bon les discours et les reproches, Inutiles sont les larmes !
Nettru γeef useggwas yekfan Nectaq ula d iÑelli Tadukli ma rêanrêan-tt wussan Ur tettsemma d tadukli Tura neêra kulci iban Ayen iεeddan i eddan dayenni (*)
Nous pleurons l’année écoulée Même hier nous manque ; L’union brisée par les jours N’est pas une vraie union109 ; Maintenant que tout est clair, Obsolète est le passé110.
çåerçåer-iyi nekk a kemkem-ååreγ ååre Fiàel ma εelmen elmen wiyaÑ Ad tafeÑ nekk ad afeγ afe Ma nudaγ nuda neγ ne ma tnudaÑ
Garde le secret et je le garderai Pour que ne sachent les autres ; Tu trouveras et je trouverai Si je cherche et si tu cherches ;
Littér. : [elle ne s’appelle pas union] Littér. : [ce étant passé ça y est]
___ 441
20.
25.
Tura mi tbeεdeÑ tbe deÑ faqeγ faqe TeğğiÑ ulul-iw d asemmaÑ (*)
Maintenant que tu es loin, je m’éveille : Tu as laissé froid mon cœur.
Urğiγ urUrği ar γur ur-i a dd-terrêeÑ TurğiÑ a nurn-rrêeγ rrêe γur ur-m Si lğihalğiha-m ur tezwareÑ Nekk ugiγ ugi a mm-fkeγ fke udem Ur rbiàeγ rbiàe ur terbiàeÑ GarGar-aneγ ane ur dd-iggwra usirem (*)
J’ai attendu que tu abdiques, Tu as attendu que j’abdique ; Pour ta part, tu ne t’es pas avancé, Moi je n’ai pas eu d’égard pour toi ; Aucun de nous n’a gagné, Enre nous il n’y a plus d’espoir.
Ttnadiγ Je cherche à me remémorer Ttnadi a dd-mmektiγ mmekti D acu i d ssebba umennuγ umennu La cause de notre dispute ; Ar tura mazal ufiγ Jusqu’à présent je n’en ai pas trouvé ufi 30. AssCar le jour même de notre séparation j’ai oublié ; Ass-enn mi nebÑa ay ttuγ ttu Ar assJusqu’à ce jour je cherche ass-agi la ttnadiγ ttnadi La ttaÑsan wid mi àekkuγ Et rient ceux à qui je raconte ! àekku (*) __________________________________________________________________________________________
57. TketbeÑTketbeÑ-iyi 1.
5.
10.
15.
20.
111 112
Tu m’es prédestinée111 !
[Ayen, ayen Yexreb wayen yuran] (*)
Pourquoi, pourquoi Le destin est-il brouillé ?
[TketbeÑ[TketbeÑ-iyi D aylaayla-w i dd-i-yefkan TketbeÑTketbeÑ-iyi TåaàeÑTåaàeÑ-iyiiyi-d di lmizan Ayen ayen Wi γ--d-imuqlen Yesxreb ayen yuran] (**)
Tu m’es prédestinée, Mon destin t’a offerte à moi ; Tu m’es prédestinée, Tu m’es revenu de droit : Pourquoi, pourquoi Qui nous a regardés A brouillé le destin ?
Yakkw xtaren Ur yelli wawal Kra i dd-iåaàen Yezga itubeεitube -it ccwal Γas as urği urğiγrği -ten QqarenQqaren-iyiiyi-d mazal (*) (**)
Tous ont choisi, Er c’est sans appel, Ce qui m’est revenu Et objet de trouble : J’ai tant attendu Et on me dit d’attendre encore !
Mačči akka i bniγ bni AnAn-nesfeÑ tira Ayen akkw i nwiγ nwi Ur didi-d-yewwiÑ ara Taktabt i γri riγ ri TezgelTezgel-itt nnuba (*) (**)
Ce n’est pas ce que j’attendais, J’effacerai mon destin ; Tout ce que je voulais Ne m’est pas parvenu : Le livre que moi j’ai lu A raté son jour112 !
Dans cette chanson, kteb et aru « écrire » et tira « écriture » dénotent la notion de « destin ». Littér. : [elle la rata le tour] = [son tour l’a raté]
___ 442
Ruà ay aylaVa, mon dû, ayla-w A kD’autres te raviront, k-ddmen wiyaÑ Ula di ccaw Même jadis 25. Mačči fellCe n’est pas moi que tu voulais ; fell-i i tnudaÑ Γer erTari pour moi, er-i yekkaw Γer er wayeÑ a dTu vas fleurir chez autrui. d-yessawaÑ (*) (**) __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________
58. TeltTelt-yyam 1.
5.
10.
15.
20.
Trois jours113
[D acu ii-y-êriγ êri D acu imwi cfiγ cfi Siwa telttelt-yyam di leεmer le mermer-iw114 Anida ddiγ ddi Anida làiγ lài D ussan ii-yzedγen yzed en ulul-iw] (*)
Qu’ai-je donc vu, De quoi me souvient-il, Sinon trois jours de ma vie ? Où que j’aille, Où que j’erre, Ces jours hantent ma vie
Ass amenzu UlUl-iw yezha Amzun Amzun yelliyelli-d s tsarut a Yebγ Yeb ad icnu Γef ef tin yeêra Ifaq s lwerd di tefsut Yugi ad ittu Γas as tεedda t edda D lemàibbalemàibba-s tamezwarut (*)
Le premier jour, Mon cœur, joyeux, Ouvert par enchantement, Voulait chanter Celle qu’il a vu Et les roses du printemps : Il n’oubliera, Bien qu’évanouie, Sa toute première passion.
DegDeg-wass wiswis-sin âefÑeγ âefÑe leàzen âefÑeγ âefÑe d acu ii-yeswa éélam Ussan ttin Amzun àebsen Ya wid ijerrben teêram Mi tt-idid-wwin Ttrun medden Yemmut wi εzizen zizen γeef-wexxam (*)
Le jour deuxième, J’appris le deuil Et les affres des ténèbres ; Les jours, branlés, Semblaient figés, Le sait mieux qui l’a vécu : On ramena, Et tous pleurèrent, Le mort cher à la famille.
Nous nous sommes essayé à la traduction de ce poème parmi ceux qu’a traduits T. Yacine. Nous avons essayé de traduire le mètre, comme nous l’avons fait pour les chansons Siweliyi--d tamacahut « Raconte-moi une histoire » (ch. 140) et Asendu n Siwel-iyi waman « Brasseurs de vent » (ch. 157). 113
114 Ce vers est un octosyllabe tandis que ses « homologues » sont des heptasyllabes et pour résoudre cette irrégularité — il s’agit de poésie chantée — l’auteur, qui traite musicalement les vers précédents (tétrasyllabes) en pentasyllabes, en y ajoutant une syllabe vide, fait l’exception de respecter le mètre du vers qui précède l’octosyllabe de façon à obtenir au total 12 syllabes (4 + 8 au lieu de 5 + 7). En fait cette chanson constitue une innovation sur les deux plans du mètre et de la rime. L’auteur lui-même nous confie que c’est le chanteur Slimane Azem, alors responsable du département « kabyle » à la maison d’édition, qui lui fit part de sa surprise, au demeurant agréable, de découvrir pour la première fois une telle configuration. En effet, le schéma en usage jusque-là était 7a-5a-7b ou 7a-7b tandis qu’ici il devient 4a-4b-7c.
___ 443
25.
30.
WisWis-tlata Cfiγ Cfi fellfell-as Beqqaγ Beqqa sslam i lebγi leb i-w D tameγra tame ra Nnan d llsas SrebàenSrebàen-iyiiyi-d zzwağzzwağ-iw Leàbab merra Wiss ma faqenfaqen-as Mi diezzan di temêi di-d-εezzan temêimêi-w
Le jour troisième, Je m’en souviens, Je dis adieu à l’amour : C’était ma fête Qu’on dit utile Et où on bénit mes noces ; Tous mes amis, Le savaient-ils Qui m’ont consolé pour ma jeunesse !
(*) ___________________________________________________________________________
59. Taγzalt Ta zalt 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
Ma biche
Rriγ Rri s ulul-iw yessefra Dacu i didi-yenna Nγant antant-iyi tmucuha tmucuhacuha-k Ayen i γeef iyiiyi-d-yezzem yella Néerreγ Néerre yeêra Mi εice iceγ ice deffir ccbak Tasarut ur tttt-nufa TÑulTÑul-aγ tuff tuffγa ff a Ay ul ru w ad ruγ ru fellfell-ak
Mon coeur fit un poème, Que m’y dit-il ? Tes fables me tracassent ; Ses reproches sont justifiés, Je souffre, il le sait, De cette vie oppressante ; Les clés sont introuvables, Je tarde à sortir, Mon cœur, pleure-moi et je te pleurerai.
[Taγzalt [Ta zalt ii-izedγen ized en ulul-iw Mazal i faqeγ faqe TessufeγTessufe -iyi si leεqel le qelqel-iw Kul mi tttt-idid-fekkreγ] fekkre ] (*)
La biche qui hante mon cœur, Et je ne le savais point, Me fait sortir de mon esprit Chaque fois que je l’évoque.
Γer erer-i teêêleÑteêêleÑ-d afusafus-im TkellxeÑ fellfell-i Nekk γile ileγ ile ulul-iw d wulwul-im Ad qablen kulci TxedεeÑ Txed eÑeÑ-iyi s zzinzzin-im WekkleγWekkle -am Rebbi (*)
Tu m’avais tendu la main Et tu m’as dupé ; Je croyais que nos deux cœurs Accepteraient tout ; Tu m’as trahi avec ta beauté, Je m’en remets à Dieu.
WalaγWala -tt tusatusa-d di tmeγra tme ra WalantWalant-tt wallenwallen-iw Tif γur urur-i ddunit merra YemmektiYemmekti-d wulwul-iw Ruà a kemkem-ttuγ ttu tamara YugiYugi-kem zzehrzzehr-iw (*)
Venue à la fête, Je la vis de mes propres yeux ; Pour moi elle valait plus que tout au monde Et mon cœur se ressouvint : Je me dois de t’oublier, Mon sort te refuse.
Teğğa yesleb wi tttt-yumnen a Ul i das das-yini TmeààenTmeààen-iyi êran medden QebleγQeble -as kulci Wissen wi tebγa teb a nniÑen Mačči d nekkini (*)
Elle rend fou qui la croit Et n’a rien à lui dire ; Elle me fait souffrir, tout le monde sait, J’ai tout accepté d’elle ; Qui sait si elle aime un autre Et pas moi !
___ 444
UdemTon visage hante mes yeux, Udem-im yezga ger wallenwallen-iw Iteddu yidyid-i Il m’accompagne partout ; FellPour toi j’ai misé ma jeunesse, Fell-am i sebbleγ sebble temêitemêi-w 35. Êwiγ Grande est ma souffrance ; Êwi lemàani Kemmel kan i leγbayen Enfonce-moi davantage, le bayenbayen-iw Uγe eγ tannumi J’en ai l’habitude ! (*) __________________________________________________________________________________________
60. Nnuγe Nnu eγ
J’ai combattu mon cœur !
1.
[Nnuγe [Nnu eγ yidyid-k ay ulul-iw Ugadeγ Ugade ad tegluÑ yesyes-i D làeqqlàeqq-ik nekk d làeqqlàeqq-iw AnAn-nennaγ nenna mebla anagi] (*)
Je t’ai combattu, mon cœur, De crainte que tu m’emportes, Tu as raison, j’ai raison, Nous nous battrons sans témoin !
5.
TjebbdeÑTjebbdeÑ-iyi am ddkir Kecmeγ Kecme di làebs nn-wallenwallen-im D làebs làebs iγerqen i erqen am lbir TawwurtTawwurt-is d lecfarlecfar-im çåuraçåura-w tebγ teb a ad tifrir Ma d ulul-iw yebγ yeb a a nn-yeqqim TesεiÑ Tes iÑ abrid yettseààir yettseààir Aàlil wiwi-yàuza yiferrferr-im (*)
Tu m’attires comme un aimant, Tu m’emprisonnes dans tes yeux, Cette prison profonde comme un puits, Dont tes sourcils sont la porte ; Mon corps tente d’en sortir Mais mon cœur veut y rester, Ta voie est ensorcelante Pauvre de celui que tu tiens115 !
IkrehIkreh-iyi wulwul-iw aéas Mi kerheγ kerhe tinna iàemmel Yebγ Yeb a ad iddu di lğerralğerra-s Ugadeγ Ugade a tt-iffeγ iffe leεqel le qel Zgiγ Zgi fellfell-as d aεessas a essas Ttεassa Tt assaγ assa amer ad yenγel yen el Ma rran timedlin fellfell-as Zriγ Zri nekk yid yid-s anan-nenéel (*)
Mon cœur me hait à mort116 Car je hais celle qu’il aime : Il veut aller dans son sillage Et je crains qu’il perde la raison ; Je n’ai eu cesse de le surveiller De peur qu’il ne déverse, Car si on l’enterrait On m’enterrerait avec !
10.
15.
20.
Kerheγ Je hais ce cœur sans cœur, Kerhe ul ur nesε nes i ara ul KerheγJe le hais pacequ’il t’aime ; Kerhe -t imi kemkem-iàemmel Γas as d ååuraBien qu’il accompagne mon corps, ååura-w yeddukul LehduÂIl refuse de m’écouter ; LehduÂ-iw yugi a sensen-isel 25. Tié tekrehMes yeux la voient, la haïssent, tekreh-itt tettmuqul Ul iàemmelMon cœur qui l’aime est aveugle : iàemmel-itt yedderγel yedder el LehlakSa maladie sera longue Lehlak-ik mazal iÑul Imi tCar enfouie au fond de moi117. t-teffreÑ zdaxel (*) __________________________________________________________________________________________
61. Win yeqqazen iêekwan
Le fossoyeur
115
Littér. : [pauvre de celui qu’atteint ton aile]
116
Littér. : [il me hait mon cœur beaucoup]
117
Littér. (v. 27 et 28) : [ton mal est encore long puisque tu le caches à l’intérieur]
___ 445
1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
35.
A win yeqqazen iêekwan Nehlek ur nuksan A kk-Ñelbeγ Ñelbe yiwet làağa Aner yiwen wemkan An-nruà γer Leεbad Le bad ur tt-êran Bexlaf win turez lmeàna Acàal nn-wi tt-inudan Ar assass-a ur tt-ufan Nekk êriγ êri anda yella
Toi qui creuses les tombes118, Malade malgré moi, Je te demande une seule chose : Allons vers un endroit Que nul ne connaît Excepté ceux qu’accablent les peines ; Nombreux sont ceux qui l’ont cherché Et qui ne l’ont pas trouvé, Moi je sais où il se trouve.
Tafat fellfell-aneγ ane tàawel Γurek urek aha γiwel iwel SekfelSekfel-iyiiyi-d aêekka ZzehrZzehr-iw isemisem-is fiàel Muqel anda yenéel IsemIsem-is γeef tmedlin yella Ttxilek a tt-idid-nessekfel nessekfel I wakken anan-nmuqel Ma ifuk neγ ne mazal yerka
La lumière nous inonde, Hâte-toi alors, Creuse vite cette tombe ; Mon sort s’appelle inutile119, Regarde où il est enterré, Son nom est inscrit sur les dalles ; Exhumons-le, je t’en prie, Pour que nous puissions voir S’il est fini ou intact120.
[Win yeqqazen iêekwan Kker anan-nruà a dd-nessekfel Zzehr iruàen ur iban Ufiγ Ufi anida yenéel] (*)
Toi qui creuses les tombes, Allons exhumer Mon sort disparu, J’ai enfin trouvé sa tombe.
D ccfaya nn-win meêêiyen meêêiyen ass-nni Ur tettuγ tettu ara assWwinWwin-t-id bγir b ir lekwfen Éeddan akin i tizi Ur asas-d-wwin imrabÑen Ur run fellfell-as lγaci l aci D zzehrzzehr-iw ii-yemmuten NeélenNeélen-t meskin d ilemêi (*)
C’est un souvenir d’enfant, Jamais je n’oublierai ce jour-là : Le portant sans linceul Ils ont franchi le col ; Il a eu pas droit à la prière des moines, Les gens ne l’ont pas pleuré : C’est mon sort qui est mort Et enterré jeune, le pauvre !
Di tqerrabt ger yiêekwan YiwYiw-wass i dd-iban laterlater-is Ttεeddi Tt eddiγ eddi mkul lawan I wakken ad qeyyleγ qeyyle s ixfixf-is Innaeddan Inna-yas win dd-iεeddan Meskin yemmut zzehrzzehr-is I tura d acu i ss-d-iggwran u D ac ii-yesεa yes a d aεwin a winwin-is (*)
Entre les tombes du cimetière, Un jour j’en vis la trace : J’allais le voir souvent Afin d’être à son chevet121 ; Les passants disaient alors Il a perdu son sort, le pauvre ! Que lui reste-t-il maintenant ? Qu’a-t-il comme viatique ?
A win yeqqazen iêekwan
Toi qui creuses les tombes,
win yeqqazen iêekwan [celui creusant les tombes] peut être traduit par fossoyeur, comme l’a fait T. Yacine (p. 257) ; nous lui préférons le tour périphrastique fidèle au texte kabyle, tour qui a l’avantage de rapprocher le mètre de celui du texte kabyle. 119 Le texte étant oral, on ignore s’il faut traduire par Mon sort, son nom est inutile (inutile de savor son nom) ; le vers 15 vient au secours du traducteur. 118
120
Littér. : [s’il est fini ou pas encore pourri]
121
Littér. : [pour passer le temps auprès de son esprit (= tête)]
___ 446
Ahat mazalPeut-être son âme vit-elle ! mazal-d rruàrruà-is A ss-nekkes akal akal dasdas-εebban ebban Ôtons-lui la terre dont on l’a recouvert A dEt qu’il voit le soleil de ses propres yeux ! d-iêer iéij s wallenwallen-is Wissen amek i sQui sait ce que les jours ont fait de lui, s-xedmen wussan Ma ğganS’ils ont laissé battre son cœur ğgan-t ad yeàbek wulwul-is 45. Ma nufa iγsan Mais si ses os sont pourris i sansan-is rkan NéelEnterre-moi à sa place ! Néel-iyi degdeg-wemkanwemkan-is (*) __________________________________________________________________________________________ 40.
62. IgenniIgenni-m 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
Ton firmament
(*) IgenniIgenni-m terkebterkeb-it tawla Ur tt-fhimeγ fhime ara Mi dd-irra amendil yeàmeq Ur dd-ifki tafat neγ ne lehwa Ur iban ara Ur yeğği iéij ad yecreq Ma nniγ nni Ih, tenniÑ Ala Ur teêriÑ ara DegDeg-neγ ne anwa ii-ysεan làeqq UlUl-im d aêru n tnicca BuddeγBudde -as lmina A ss-tttt-ndiγ ndi ad ifelleq
Ton firmament fût pris de fiève, Je ne le compris point Lorsqu’il mit un foulard sombre ; Il ne donna ni lumière et ni pluie, Il ne fut pas clair Ni ne laissa se lever le soleil ; Si je dis oui, tu dis non Et tu ne sais pas Qui d’entre nous a raison ; Ton coeur est pierre de silex, Je le voue à une mine Pour le faire exploser !
Mayella kra εettbe ettbeγ yewwi-d ettbe yewwiAha beggenbeggen-itit-id AnAn-nêer anda ddan lecγal lec al Ayen i mm-nniγ nni ma tàesseÑtàesseÑ-iyiiyi-d Aha εawed awedawed-itit-id Beddleγ Beddle ddheb s wuffal Imi d aÑu yewwiyewwi-kemkem-id i Γur urur- isersisers-ikemikem-id TzenzeÑ asuÂdi s rryal AwiAwi-d amezzir, awiawi-d S ulul-iw freÑfreÑ-itit-id Ad yifsus segseg-yir awal
Si mes efforts ont abouti, Montre-le alors, Qu’on voie où en sont les choses ; Mes propos, si tu m’écoutes, Répercute-les : J’ai échangé or contre fer122 ; Le vent t’a bien amenée, Près de moi t’a déposée Et tu as vendu le sou pour le réal123 ; Apporte-moi le balai, Balaye mon cœur, Allège-le des mauvais mots.
Ay akken i xedmeγ xedme kifkif kifkif Γas as yewwiyewwi-yi nnif BanenBanen-d yiberdan malen Kul mi ara yali wass ya laéif Ccarrweγ Ccarrwe bessif SegSeg-wayen ara qablent wallen [Deg[Deg-yiγes yi es ur dd-iggwri wadif
Quoi que je fasse, c’est égal, Bien que je garde tout mon honneur, Les voies praissent de travers ; A chaque lever du jour, par malheur, J’ai des frissons De ce que mes yeux affrontent ; La moelle a quitté mes os,
122 Littér. : [j’ai échangé or contre férule]. Notre traduction est opère un rapprochement entre fer et férule, i.e. entre moindre valeur (fer) et fragilité (férule). Le rapport entre or et férule, dont il est question dans le texte kabyle, paraît fortuit. Ailleurs, c’est le fer (uzzal), symbole de dureté, de solidité, d’énergie (J.-M. Dallet, 1982 : 941), qui est mis devant la férule (uffal), symbole de fragilité (J.-M. Dallet, 1982 : 204). Ailleurs, c’est le cuivre (nnḥ nnḥas), symbole de l’envie et de la méchanceté (J.-M. Dallet, 1982 : 560), qui est mis devant l’or (ddheb), symbole de pureté, de justesse et de sincérité (J.-M. Dallet, 1982 : 134).
Ce rapport entre le sou (asurdi), menue monnaie et le réal (rryal), symbole d’opulence, paraît plausible ; ce qui l’est moins, c’est l’orientation de la vente (échange, troc) et le parallèle entre les thèmes et les phores respectifs.
123
___ 447
IssufeγChassée par la colère, Issufe -it wurrif Uàeqq kra kwenen-idid-yessawÑen J’en jure par votre présence Cbiγ Je suis telle la falaise Cbi agadir s asif 35. D-iseyyxen s làif Qui par dépit s’affaisse, WwinLes eaux l’emportent vers l’amont ! Wwin-t waman dasawen] (*) __________________________________________________________________________________________
63. TesÑelmeÑ-iyi
L’arc-en-ciel124
1.
[TesseÑmeÑ[TesseÑmeÑ-iyi ur Ñelmeγ Ñelme Γas as Ñelmeγ Ñelme mebla lebγi leb i SemàSemà-iyi akken damdam-semàeγ semàe A tin (i)εzizen (i) zizen fellfell-i] (*)
Tu m’as accusé à tort Et si tort il y a, c’est malgré moi125 : Pardonne-moi et je te pardonnerai, Toi qui m’es chère.
5.
LemàibbaLemàibba-nneγ nne tettwaqqed Di lkanun tger i wurγu wur u S yesγaren yes aren tettwassed Akken yiwen ur tttt-isnusu Ddexxan degdeg-yigenni ad yebded Alamma yelàeq s agu TimesTimes-is a dd-teğğ iγed i ed i Iγed eded-nn a tt-iddem waÑu (*)
Notre amour a été brûlé Dans le brasier de l’âtre, On y a mis bois sur bois Pour que nul ne l’éteigne le feu126 La fumée s’élève dans le ciel127 Et monte jusqu’aux nuages128, Le feu laissera des cendres Que le vent lèvera dans le ciel.
Iγed eded-nni ara yeddem waÑu A tt-izreε izre zdat wexxam A dd-yemγi yem i lwerd ad yefsu A dd-imettel di ååifaååifa-m Nekk ad uγale u aleγ ale d agu Si nnignnig-m a mm-d-hduγ hdu sslam Leàcic a mal d usu m-yuγal Igenni d aεdil a dil fellfell-am (*)
Les cendres levées par le vent, Se répandront autour de la maison129 ; Il en naîtra des roses épanouies Qui seront à l’image de ta beauté ; Moi je serai un nuage130 Et du ciel te saluerai ; Les herbes seront ta couche Et le ciel ta couverture.
A dd-tas teslitteslit-n-wenêar A ss-tefk i lwerd lfuÑalfuÑa-s Lebraq a dd-iwt am lefna Ad ii-d-ibeggen ååifaååifa-s Lehwa ss-d-iàeggun aêar Nekk ara tt-idid-yaznen fellfell-as
Viendra alors l’arc-en-ciel Et irisera les roses131 ; L’éclair déchirera le ciel Et me montrera ta beauté ; La pluie qui te raniment les racines, C’est moi qui te l’envoie :
10.
15.
20.
25.
Littér. : [tu m’as accusé]. Le titre que nous avons donné à ce poème a été inspiré du premier vers de la troisième strophe. Littér. : [même si j’ai tort (c’est) sans volonté]. Nous admettons l’inélégance de notre traduction. T. Yacine (p. 185) tarduit par : Ou mon tort était involontaire.
124 125
126
Il semble que dans le texte kabyle ce soit l’amour qui prendrait feu et que nul ne pourrait éteindre, et non le feu lui-même.
A partir de ce vers, la plupart des verbes sont à l’aoriste tandis qu’ils sont au prétérit jusque-là. Il semblerait que désormais le récit s’inscrit dans une sorte ‘‘de futur’’ ou d’optatif. 127
128
En kabyle, agu signifie « brouillard ». La nécessité de la rime a dicté l’emploi de agu « brouillard » au lieu de asigna « nuage ».
Littér. (v. 13 et 14) : [la cendre que lèverait le vent, il la sèmerait devant la maison]. La difficulté de traduire est grande, elle est d’ordre syntaxique : au vers 14, on devrait reprendre le lexème le vent ou un anaphorique (celui-ci) ; à moins que, comme tendrait à le montre notre traduction, le verbe zreε « semer »/« (se) répandre » soit employé ici dans sa valeur passive malgré la détermination aoriste (qui est incompatible avec la valeur passive des verbes mixtes). 129
130
Cf. la note ci-dessus (relative au vers 10)
131
Littér. : [elle donnerait aux roses son habit (bariolé)]
___ 448
A tin mi dd-zzin lenwar Ad amam-iliγ ili d aεes a essas essas (*)
Entourée par les fleurs, Je serai ton gardien.
Atan unebdu yewweÑ C’est l’été qui arrive, 30. YewweÑArrivent mon jour et le tien ; YewweÑ-d wasswass-iw d wasswass-im Nekk segDans le ciel il me blanchira seg-yigenni ad ii-yesfeÑ Kemm a mm-yesserγ yesser afriwenafriwen-im Tandis qu’il te brûlera les feuilles ; ĞğiγJe t’ai quittée, pardonne-moi, Ğği -kem ad ii-tsemàeÑ Γas as fhemTu devrais me comprendre ; fhem-it degdeg-yimanyiman-im 35. LemàibbaerMon amour pour toi s’est égaré, Lemàibba-m γer er-m teγleÑ te leÑ Il n’a été que passager ! TusaTusa-d tεedd t edda ur teqqim (*) __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________
64. Anida nn-teğğam mmi
1.
5.
10.
15.
20.
25. 132
Mère et fils
Iminig 1 — mmi-s n temγart :
L’exilé (mourant) — le fils de la vieille :
Ay irfiqenirfiqen-iw di tlata A wid i dd-yezzin fellfell-i Lmut walaγwala -tt attan da WalaγWala -tt la didi-d-tettwali SiwÑet lexbar lexbar i yemma Win ileàqen ad asas-yini
Mes amis qui êtes ici132 Et qui m’entourez : La mort est ici, je la vois, Je la vois et elle me voit ; Donnez la nouvelle à ma mère, Vous devrez tous l’informer.
Init-as yemmut ur yenéer Init-as ad teåber fellfell-i Ma tectaq ad iyi iyi-têer Ad tmuqel s udem n mmi Γurwat urwat aznetaznet-as ååber Qbel ad ruàeγ ruàe ggalletggallet-iyi
Dites-lui que je suis mort sans souffrance, Dites-lui de se consoler de sa peine ; Quand elle désirera me voir, Elle regardera mon fils ; N’oubliez pas de la consoler, Juez-le avant que je vous quitte !
Tamγart :
La vieille :
Urgaγ Urga yir targit leεca le ca Γufren ufrenufren-iyiiyi-d lmeytin èéfeγ èéfe itbir di tala Seg yifassenfassen-iw i didi-t-wwin
J’ai fait un cauchemar la veille, Des morts m’ont rendu visite ; A la fontaine, je tenais une colombe, On me l’ôta des mains.
Uγale aleγ ale ééfeγ ééfe abuqal Yeγli Ye lili-yi mazal làiγ lài AmanAman-is sswen akal IγaÑ aÑaÑ-iyi mi tt-rêiγ rêi
Plus tard, alors que je tenais un bocal, Il m’est tombé des mains et j’ai continué à marcher ; Son eau a arrosé la terre Et de l’avoir brisé m’a fait de la peine.
Mazal akken di targit Walaγ wi εzizen zizen am rruà Wala YennaYenna-yiyi-d : Ta Ta d ddunit Kra teééfeÑ ad amam-iruà
J’étais toujours dans mon rêve, Je vis celui qui m’est cher, Il me dit : « C’est la vie, Tu perdras tout ce que tu tiens ! »
Ata yusayusa-d wi ara waliγ wali
Voici enfin quelqu’un qui me délivre,
Littér. : [ô mes compagnons en trois] = [ô compagonons qui êtes trois]
___ 449
30.
35.
40.
45.
50.
55.
60.
TargitTargit-agi ur didi-tehwi Ttxilek ma a kk-steqsiγ steqsi Anida nn-teğğiÑ mmi
Ce rêve ne me plaît point ; Peux-tu me dire, je te prie133, Où tu as laissé mon fils ?
Iminig 2 :
L’exilé 1 :
[Si lxedma nn-luzin s axxam Tafat ur tttt-nettwali AcàalAcàal-aya ur nemsalam Ur tt-êriγ êri ur didi-yeêri] (*)
De l’usine à la maison, Nous ne voyons pas le jour ; Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas salués134 Que nous ne nous sommes pas vu135s
Sliγ Sli yesyes-s ur tt-yuγ yu wara La dd-ilehhu d ccγel cc elel-is Tεeww ewweq ewweqeq-aγ akkw lxedma Wa ur yettmeêra d urfiqurfiq-is Leεtab Le tab nn-weγrum we rum akka AqlAql-aγ ncab am yilis Si mi ara nernu ddunitddunit-a Ad texdem degdeg-neγ ne lebγi leb i-s (*)
Ses nouvelles seraient réjouissantes136, Il s’occupe de ses affaires ; Le travail nous préoccupe Et nous empêche de nous voir ; Ainsi est le labeur pour la survie Qui nous vieillit avant terme137 En attendant de vaincre cette vie, Elle se jouera de nous à sa guise.
HedÂenHedÂen-i-d medden fellfell-as i Ma d tiétié-iw ur teêr ara SteqsayeγSteqsaye -ten kul ass A dd-yaweÑ degdeg-wussanussan-a Iεetteb etteb imaniman-is aéas Ad ixdem i taggara çber kan qrib a dd-yas Ruà ur ttxemmim ttxemmim ara (*)
Des gens m’ont parlé de lui Mais mes yeux n’ont rien vu ; Chaque jour je demande de ses nouvelles, Il arriverait sous peu ; Il s’est donné beaucoup de peine Pour assurer ses arrières ; Sois patiente, il rentrera bientôt, Et ne t’en soucie pas trop !
Sin yerfiqenyerfiqen-iw atniyi Ma walanwalan-t steqsisteqsi-ten Ahaq a tenten-idid-iweååi çåeàà a turt-tafeÑ γur ur-sen ra Ayen a damdam-d-yini D nutni ara tt-idid-issiwÑen el Fià ma tugadeÑ akkenni MmiMmi-m ur tesεaÑ i tt-yuγen yu en (*)
Voici mes deux compagnons, Demande-leur s’ils l’ont vu ; Peut-être leur a-t-il confié un message, Peut-être détiennent-ils la vérité ; Tout ce qu’il te dira, Ils te le rapporteront ; Tes craintes sont inutiles, Ton fils va bien !
Tamγart :
La vieille :
ImiImi-s la yiyi-d-yeskiddib AllenAllen-is mlantmlant-d ååeàà IàsebIàseb-it mmi d aàbib Tidett yugi a tttt-idid-yefÑeà
Sa bouche me dit des mensonges, Ses yeux me disent la vérité ; Mon fils a fait de lui son ami Et il refuse de livrer la vérité ;
Littér. : [s’il te plaît si je t’interrogerais] Cette traduction, inévitable, donne un vers de quatorze syllabes (en comptant les [ǝ] entre consonnes), ce qui constitue l’équivalent de deux vers kabyles. 133 134
135
Littér. : [je ne l’ai vu il ne m’a vu].
136
Littér. : [j’ai entendu de lui rien ne l’a atteint] = [j’ai entendu de lui qu’il va bien]
137
Littér. : [nous voici atteints de canitie comme une toison]
___ 450
65.
70.
75.
80.
85.
90.
95.
100.
Ad qeddmeγ qeddme mačči d lεib l ib Γer er wayeÑ ma a di-yessefreà Ayen ara dd-yini ma ur tt-iqlib Ugadeγ Ugade tidett teqreà
Je n’ai nulle honte à aller Auprès de qui me rende heureuse : S’il ne tient des propos contraires, J’ai peur que la vérité me blesse.
Ttxilek a wagi wagi dd-yusan Ur teffer tidett fellfell-i MelMel-iyi d acu yeÑran Anida nn-teğğiÑ mmi
Toi qui viens de loin, je t’en prie, Ne me cache pas la vérité ; Dis-moi ce qui est arrivé : Où as-tu laissé mon fils ?
Iminig 3 :
L’exilé 3 :
ĞğiγĞği -t-in yeÂwa rrayrray-is Segurr zzhu Seg-widak ii-yγurr Di lγerba l erba yufa imaniman-is Ur dd-ittas ur dd-ittnulfu Ur dd-ittmekti d warrawwarraw-is i Ur dd-ittceyy ε ur dd-ittaru Ur dd-ittmekti d uxxamuxxam-is Neγ Ne yemmayemma-s yeğğa tettru YelhaYelha-d ala d rruàrruà-is Kkes segseg-wallenwallen-im udemudem-is ε Mne -it kan si deεwessu de wessu Akka i tÑerru d lemtellemtel-is Mi ss-tekkes tirêi nn-wegris Lhemm mačči ad asas-yecfu
Ton fils n’en fait qu’à sa tête, Il est de ceux que la vie a leurrés ; Dans l’exil il se complaît, Il ne vient ni n’apparaît ; Il ne pense à ses enfants Ni n’envoie138 ni n’écrit ; Il ne pense à sa famille Ni à sa mère qui le pleure : Il ne pense qu’à sa personne, Ôte son image de tes yeux, Pourvu que ne l’atteigne la malédiction ; Il en est ainsi de ses emblables Qui,après le dégel, Ne se souviennent plus de la misère.
Atan izweğ d trumit Ad issali axxam ajdid A ss-yaf ixfixf-is i ddunit Lxir fellfell-as ad yettzid Ur dd-ittmekti ittmekti d teqbaylit Ur did d-ittmekti aggur nn-lεid Amzun iεawed talalit Yefreà mi ss-yenğer webrid Yeêra yeγÑel ye Ñel tajaddit Yemàa laterlater-is iεemmed i emmedemmed-it a Axxam ii-yeğğ ur yebdid Ruà kan segseg-wulwul-im kkeskkes-it Lebàer i ss-yehwun yeččyečč-it Ayen rêagen ur dd-ittiêid
Marié à une européenne Pour fonder un nouveau foyer, Il découvre le sens de la vie Et accroît ses richesses ; Il ne se soucie pas de kabylité Ni des fêtes ancestrales139 ; Comme s’il renaissait, Il est heureux de la voie toute tracée ; Il sait qu’il a foulé ses origines, En a sciemment effacé la trace, Il a laissé son foyer à l’bandon ; Ôte-le de ton cœur Et que les flots l’emportent : L’amertume ne s’adoucit !
Tamγart :
La vieille :
Lεib ib yak ur dd-ittnulfu yi Deg êuran i dd-yettcettil Mmi lemmer ad aγa -yettu Mačči deg waggur qlil Kker ay aÑaraÑar-iw làu Tidett ma ad yides nemlil Ay ulul-iw iqebren ttru
Le vice ne naît du néant, On ne fait qu’en hériter : Pour que mon fils nous oublie Ce n’est pas en une lune ; Je dois entamer la marche En quête de vérité, Pleure, ô mon cœur oppressé,
138
ceggeÇ ceggeÇ signifie ici « envoyer de l’argent ».
139
Littér. : [il ne se remémore pas la lune de la fête religieuse]
___ 451
105.
110.
115.
120.
125.
130.
135.
TergagiÑ fehmeγfehme -k aàlil
Tu frémis, je te comprends.
Ay iminig dd-issawÑen Ttxilek tidett melmel-iyi ZwarenZwaren-k-id yerfiqen Kul wa lexbar dd-ittawi ÉeddaγÉedda -d akkw steqsaγsteqsa -ten Nekk cukkeγ cukke leεεben le ben fellfell-i Iban γef efef-wudemwudem-ik leàzen Anida nn-teğğiÑ mmi
Toi qui arrives de loin, Puisses-tu me délivrer : Tes amis t’ont devancé, Qui rapportent maints échos ; Je les ai interrogés Et tous se moquent de moi ; Ton visage paraît triste, Où as-tu laissé mon fils ?
Iminig 4 :
L’exilé 4 :
Qimzizen Qim-d a tamγart tam art εzizen Tidett ur tebÑi γeef snat A mm-iniγ ini lehdu qeràen TiéTié-iw ayen illan teêrateêra-t TecfiÑ i winna ikerrzen LexlaLexla-s s tidi tididi-s yefsayefsa-t D akal i tt-idid-yessekren I-yezzin fellfell-as yeččayečča-t TecfiÑ i wid yemmuten Mielben taswaεt Mi-y-ddren ddren γelben DegDeg-yiwet tegwnitt ruàen Kul wa kra ikseb ixellaixella-t TecfiÑ i wid yekkaten Nwan lğehd ur yettfat TecfiÑ asmi dd-ttewten Kul wa lmektublmektub-is yernayerna-t TecfiÑ leàyuÑ mi bedden TtqasamenTtqasamen-d i tafat Milin tàeÑreÑMi-y-γlin tàeÑreÑ-asen Ğğan abrid twalatwala-t i ra MelMel-iyiiyi-d w a dd-yeqqimen AqlAql-aγ necba di tcemmaεt Mi nefsi nγab efn ab γef ef-wallen èélam ad idel tafat
Viens près de moi, brave vieille, La vérité est indivisible : Je te dirai des mots blessants, Car mes yeux on tout vu ; Tu te souviens du laboureur Qui de sa sueur a épanoui ses champs, Cette terre qui l’a élevé, S’en est retournée contre lui, l’a englouti ; Tu te souviens de ceux sont morts Et qui de leur vivant dominaient les situations En un clin d’oeil ils sont partis, Laissant derrière eux leurs biens ; Tu te souviens de ceux qui frappaient, Qui croyaient leur force inépuisable, Tu te souviens quand ils ont été frappés, Vaincus par leur destin ; Tu te souviens des murs érigés, Qui faisaient obstacle à la lumière, Ils sont tombés, tu en es témoin, Lui laissant la voie libre ; Dis-moi qui restera ici, Nous sommes comme la bougie : Consumés, nous disparaissons Et l’obscurité enveloppe la lumière.
Ur illi lekdeb ara yenfaεn Point de mensonge utile, Såeàà iban ubridClaire est la voie de la vérité ; ubrid-is A mJe te dirai toute la vérité : m-iniγ ini tidett yellan 140. Rebbi yefraDieu a accompli son œuvre ; yefra-d ccγel cc elel-is MmiTon fils a été dupé par le temps Mmi-m ikellexikellex-as zzman Nekwni anEt nous allons dans son sillage ; an-neddu di laterlater-is MliγJe t’ai dit toute la vérité, Mli -am tidett tidett yellan ÉuhdeγÉuhde -t mi ss-medleγ medle allenallen-is Je lui en ai fait la promesse en lui fermant les yeux140. __________________________________________________________________________________________
65. Txerreq targit 1.
140
Le cauchemar
Txerreq targit yesyes-i w Tessak iÑiÑ-iyiiyi-d s waman
Le cauchemar m’emporta Et tu m’as réveillé en m’aspergeant ;
Comme le vers 31, ce vers est fait de quatorze syllabes, le double du vers kabyle.
___ 452
5.
10.
15.
20.
25.
30.
35.
40.
45.
Ansi didi-d-tekkiÑ ansi Mi didi-txedεeÑ txed eÑ di laman Txerreq targit yesyes-i MiMi-y-ééseγ éése mebla lawan Êwiγ Êwi alluy d trusi Almi àeåleγ àeåle di lukan
j’ignore par où tu es passée Pour trahir ma confiance ; Le cauchemar m’emporta Je me suis couché à contretemps ; A force de va-et-vient141, Je me suis enlisé dans les si ;
BuddeγBudde -am lhemm yestufan A dd-ilhu yidyid-m ass d yiÑ DdwaDdwa-s leεbad le bad ur tt-êran TasaTasa-m ad tjerreb asemmiÑ Rraj i didi-d-iàuzan AssAss-enn a kemkem-iàaz ad twaliÑ twaliÑ
Je te souhaite des tourments disponibles Qui te hantent jour et nuit, Leur le remède est inconnu, Que ton cœur éprouve le froid ; Le poison qui m’a atteint, Tu l’éprouveras à ton tour142.
MiMi-y-nwiγ nwi ddwaddwa-s nufanufa-t Ziγ Zi a dd-tettarez tyita Qbel ad rreγ rre ddwa i snat NnulfantNnulfant-d tlata A win ur njerreb ur kkat Ammar a kk-tàaz nnuba DegDeg-k ma yella lhemm teêêateêêa-t Ur irekku ur dd-iqellaε
Je croyais avoir trouvé le remède Tandis qu’elle enchaînait les coups : Avant d’avoir paré à deux coups, Il en apparut trois ; Novice, évite de frapper De peur que les coups t’atteignent ; Le tourment qu’elle planterait en toi Ne pourrirait ni ne s’arracherait.
MennaγMenna -am i didi-tmennaÑ A nurn-rreγ rre lebla γur ur-m Ad waliγ wali akken twalaÑ Làal ma a mm-ibeddel udem Ayen akken i didi-d-tceyy tceyyεaÑ Jerreb d acu i didi-yexdem
Je te souaite tout ce que tu m’as souhaité Et détourne le malheur vers toi ; je verrai comme tu as vu Empirer ta situation ; Ce mal que tu m’as dédié, Eprouve-le à ton tour143 !
TerriÑTerriÑ-iyi azrem d ccac Ma d tiγirdemt ti irdemt d amessak TerriÑ udemudem-iw yestewàac Lhemm i wayeÑ a tt-ittak TewwiTewwi-d iàder ukermus TexdemTexdem-iyiiyi-d tarkasin Almi tefka degdeg-i afus r Temdel k a n tewwurt illin
Le serpent, tu en as fait un turban, Le scorpion, une épingle ; Tu as rendu effrayant mon visage Témoin de mes tourments ; A l’aide d’une feuille de cactus, Elle m’a fait des souliers ; Quand elle eut fini de me perdre, Elle referma toutes les portes.
Mennaγ Menna a ss-reÑleγ reÑle yiwyiw-wass RruàRruà-iw akken a tt-twali Ad têer ieddan felli-yεeddan fell-as Lemàayen i deg ii-yettili TeàreqTeàreq-iyi di lğerralğerra-s Di çåeàra mebla tili
Ah ! Pouvoir lui prêter un jour Mon âme pour qu’elle voie, Qu’elle voie ce qu’elle a subi, Les peines qu’elles endurées Elle m’a brûlé sur ces traces Dans un désert sans ombre.
TtmektayTtmektay-d ma tettuÑ S uγebbar u ebbarebbar-im ddreγle ddre leγ le Asmi tekkateÑ tettruÑ
Remémore-toi, au cas où tu aurais oublié, Que ta poussière m’a rendu aveugle ; Tu frappais et tu pleurais
142
Littér. : [je me suis gavé de montée et de descente] Littér. : [le jour où il t’atteindra tu verras]
143
Littér. (v. 27 et 28) : [ce que tu m’as envoyé, éprouve ce qu’il m’a fait]
141
___ 453
50.
Siwa ulul-iw i sseÑlameγ sseÑlame Qbel ad ii-d-rren leàyuÑ Amzun d lεid l id mi tttt-muqleγ muqle GarGar-aneγ ane ttcudduγ ttcuddu lexyuÑ Win tesγers tes ers a t-idid-cuddeγ cudde
Tandis que j’accusais toujours mon cœur ; Avant mes déceptions, Elle était belle à voir144 ; Les liens qu’entre nous Je tissais, elle les dénouait145.
LexyuÑCes liens, je les ai brûlés LexyuÑ-nni sserγe sser eγ--ten S tmes n Ğihennama Dans le feu de l’Enfer ; Yeγra Tout ce qui nous liait s’est consumé Ye ra kra i daγda -icerken Γas as tewweÑBien que j’accuse le coup, tewweÑ-iyiiyi-d tyita 55. Γas as ma ééseγ Mais bien que je m’endorme le cœur triste éése s wulwul-iw yeàzen w A dJe me réveillerai indemne ! d-ak iγ mebla ccama __________________________________________________________________________________________
66. Kul yiwen
A chacun ses penchants !
1.
[Kul yiwen lğiha γer er imal Mi tdewwerÑ udemudem-im fellfell-i La têerreÑ iéij mi ara dd-ilal La êerreγ êerre iéij mi ara yeγli] ye li] (*)
A chacun ses penchants, Tu t’es détourné de moi : Tu vois le soleil se lever, Je vois le soleil se coucher.
5.
D ccerq i tewwiÑ d ayla D lγerb l erb i didi-d-iåaàen TedliÑ s iéijiéij-im yella Dliγ Dli s iéijiéij-iw yerhen
Tu as accaparé le levant, Il m’est échu le couchant ; Tu as trouvé ton soleil, J’ai égaré mon soleil146.
Ay aggur yezzin γur urur-s I tewwi weàdweàd-s MelMel-iyi d acu i kk-xedmeγ xedme Yak ulul-iw yejreà yuyes Yella yettwennes TjeràeÑjeràeÑ-t-id mimi-y-uyseγ uyse Lemmer êriγ êri zzher d iles AnAn-nehde anan-nales γe e F làeqqlàeqq-iw ad nnaγe nna eγ (*)
Ô lune qui es allée auprès d’elle, Qu’elle a accaparée, Dis-moi ce que je t’ai fait ; Mon cœur blessé et désespéré Etait en bonne compagnie, Tu l’as blessé en me désespérant ; Si je savais que parler portait chance, Je parlerais sans cesse Et je me battrais pour mes droits.
Ma yettaseryettas-d γer er-m naddam Nekk la ttεawaze tt awazeγ awaze i tziri Nuγal Nu al almi nemsefham Mi ss-àkiγ àki tefhemtefhem-iyi
Si toi tu trouves sommeil, Moi je veille au clair de lune : Nous nous sommes enfin compris Après que je lui aie raconté mes déboires147.
A tiziri dd-ittlalen A mm-àkuγ àku wissen wissen a M a dd-tfehmeÑ neγ ne maεlic ma lic ZikZik-nni akka i dd-qqaren Aêru yegrarben Muàal ad yejmeε yejme leàcic
Clair de lune naissante, Je te raconterai et peut-être Me comprendrais-tu, sinon tant pis ! Jadis, ainsi dit-on : Pierre qui roule Jamais n’amasse mousse148 ;
10.
15.
20.
25.
144
Littér. (v. 47 et 48) : [avant que les murs m’aient rendu, (c’est) comme si c’est jour de fête quand je la regardai]
145
Littér. (v. 49 et 50) : [entre nous je nouais les fils, celui qu’elle déchirait je le renouerais]
146
Comme dans le vers 4, le soleil est ici répété conformément au texte kabyle et par souci de respecter le mètre.
147
Littér. (v. 20 et 21) : [nous nous sommes finalement compris, quand je lui ai raconté elle m’a compris]
___ 454
D nekkini i tt C’est pourtant moi qui l’ai choisie tt-ixtaren Almi nnan medden Pour qu’enfin on dise a 30. Akk i tÑerru d yir aqcic Qu’ainsi est le destin du mauvais fils ! (*) __________________________________________________________________________________________
67. AnefAnef-iyi kan 1.
5.
10.
15.
20.
25.
Laisse-moi donc
Ur êriγ liγ êri s ani ara γli li AmAm-welqaf ii-ycar ufus LmeànaLmeàna-w degdeg-s ttawiγ ttawi Am ujeγlal je lal yeddem weεrus we rus Mi ara didi-d-muqlen ttseÑàiγ ttseÑài AmAm-win mimi-yefsi wagus
Je ne sais vers où tomber, Tel un osselet lance par la main ; Ma peine, je la supporte Comme l’escargot porte sa coquille149 ; Face aux regards, j’ai comme honte Tel celui qui se retrouve nu150.
[Anef[Anef-yi kan, anefanef-iyi kan w Lecγal Lec al yekk beddlen amkan] (*)
Laisse-moi donc, laisse-moi donc, Les valeurs sont inversées151.
Tawriqt ieddan tetti i-yεeddan NuzenNuzen-as ttwab i tlufa Ziγ Zi ad aγa -d-tettmekti Tuγal Tu alal-d s anga tella Imi d abeckiÑ yeγli ye li Yekfa lbarud i tyita (*)
La page tournée et retournée, Nous nous en sommes consolés Mais se souvenant de nous, Elle reprend de plus belle : Car le fusil est déchu, Les coups de feu sont finis !
Kul mi ara dd-terzu lmeàna D wi ur nuklal ara dd-txaleÑ i ra Lbaz m a tt-teqsed tninna Ala isγ is i iwmi dd-tessaweÑ Kul mi ara tcerreg trakna AÑar ugujil yeγleÑ ye leÑ (*)
Quand la peine entame sa marche, Elle se rend vers l’innocent ; Taninna, désirant lbaz, C’est isγi qu’elle retrouve152 ; A chaque tapis déchiré, Le pied de l’orphelin est incriminé153.
Lbaéel izdeγ izde kul tamurt Yezga yetti di lmendad Kul Kul mi ara teγli te li tsekkurt Feràen warraw uåeggad Aferruğ iεuss i uss tawwurt Γef ef yemmayemma-s ii-yettagwad (*)
L’injustice habite tous les pays, Elle est toujours à l’affût ; A chaque perdrix qui tombe, Heureux sont les enfants du chasseur, Pendant que le perdreau sur le seuil A peur de perdre sa mère !
Necba degerbal deg-uγerb erbal aqdim Kukran leεbad le bad a tt-Ñeggren Asmi ii-yeééeggir aclim
Nous sommes tels le vieux tamis, On hésite à le jeter : Du temps où il jetait le son,
149
La phrase des vers 26 et 27 est une adaptation du proverbe français : Pierre qui roule n’amasse pas mousse. Littér. (v. 3 et 4) : [ma peine je la porte, comme la coquille que porte l’escargot]
150
Littér. : [comme celui pour qui est défaite la ceinture]
151
Littér. : [les affaires toutes ont changé de place]
148
152 Dans cette strophe, nous avons gardé les noms kabyles des oiseaux : taninna est en principe la femelle de lbaz « faucon »/« milan », isγi is i « vautour » étant une autre espèce. 153
Ce distique a été inspiré de la sagesse populaire qui veut que ce soit le pied de l’orphelin qui ait déchiré le tapis [d aÑ aÑar ugujil i
yesγ yesγersen tarakna, ou, selon Dallet, p. 254, d tirkiÑ tirkiÑt ugujil i yesγ yesγersen tikÑ tikÑift) « Les faibles ont toujours tort ».
___ 455
Yettağğa ssmid yufafen Il retenait la semoule ; Taêayert asmi dd-teqqim Le cadre qui lui survit, D amendayer iwmi ttOn en a fait un tambour ! tt-xedmen (*) __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________
30.
68. Amjahed 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
154
Le combattant
ëriγ ëri yelliyelli-s nn-wedrar Leεqel Le qelqel-iw iàar UfiγUfi -tttt-in tegguni aêru Am tid iεemren i emren tuddar Ur tettunebdar Teééef mmimmi-s segseg-ufus tettru ArgazArgaz-is yemmut yuzzar Γer er rråas yezwar NnekwaNnekwa-s yeddemyeddem-itt waÑu
J’ai vu une montagnarde, Mon esprit fut agacé : Elle était assise sur une pierre ; Comme celles qui emplissent les villages, Elle est anonyme : Tenant son fils par la main, elle pleurait ; Son mari est mort, pulvérisé, Ayant combattu très tôt, Son nom s’est évaporé154.
[Nerra[Nerra-yak aggur teêêleÑ teêêleÑ degdeg-s Nerna--yak itri tneéleÑ degNerna deg-s NewtNewt-ak afus mi temmuteÑ] (*)
Nous t’avons mis une lune pour t’y étendre, Nous t’avons mis une étoile pour t’y enterrer, Nous t’avons applaudi quand tu es mort.
Sliγ Sli i tegnewt tunéaà Adfel yebdayebda-d d ameččim Tamγart Tam art tebded ger lelwaà γe e F mmimmi-s anida nn-yeqqim YesnulfaYesnulfa-yamyam-d lkifaà Di lğennet lğennet a mm-ig amkanamkan-im (*) Sliγ Sli i rråas yeééerÑeq Yekker uγebbar u ebbar di tγaltin t altin Tamγart er ééaq Tam art tebded γer γe e F mmimmi-s ma ad asas-t-idid-awin Γas as tthedden ulul-im ma ixaq D rrays nn-lmuğahidin (*)
J’ai entendu tomber l’atmosphère Et la neige tomber en flocons ; La vieille, debout entre les battants, Cherche où est resté son fils : Il t’a inventé le combat Et t’a fait une place au paradis.
Sliγ Sli la tzehher rruplan Iceqqeq wedrar yetti Tamγart Tam art tettnadi γeef-wemkan MmiMmi-s anida yeγli ye li w Ur ttag ad i dasdas-nnan Làureyya a mm-tttt-idid-yawi (*)
J’ai entendu vrombir l’avion Et la montagne se fendre et se renverser ; La vieille cherchait le lieu Où son fils était tombé : Moque-toi de ce qu’on dit, Il a fait triompher la liberté.
Sliγ Sli i lγaba l aba tcewwel D wasif mi dd-yerra ååut Tamγart Tam art telhatelha-d d umuqel F mmimmi-s anida yemmut
J’ai entendu des tirs croisés dans la forêt Et la rivière faisait écho ; La vieille cherchait sans cesse Où son fils était mort ;
J’ai entendu tonner le plomb Et la poussière couvrir les crêtes ; La vieille, debout à la fenêtre, Attendait qu’on lui amenât son fils ; Apaise ton cœur triste, C’était le chef des combattants !
Littér. : [son identité il l’a soulevée le vent]
___ 456
35.
Ger watmawatma-s ii-yettwanéel AsmiAsmi-yruà s adrar ttuttu-t (*)
Enterré par se frères, Tu aurais dû l’oublier…155
Yensa lkanun degL’âtre éteint dans toute la maison, deg-wexxam Le feu était devenu tout cendre ; Times d iγed i ed irkwelli a Tamγart La vieille veillait dans l’obscurité Tam art tεawez t awez al i éélam γe e 40. F mmiDans l’espoir de voir apparaître son fils : mmi-s ansi ara dd-yeflali AzenLe drapeau est sa seule consolation Azen-asas-d ååber a leεlam le lam Mi sQuand elle reçut le cercueil156. s-t-idid-wwin d akuli (*) __________________________________________________________________________________________
69. Tizizwit 1.
5.
10.
15.
20.
25.
Il était une fois une abeille
Ur êriγ êri amek i tebda Neγ Ne amek i tekfa Taqsié n tzizwa d waεreêêen A dd-nini ayen iwmi nesla D wayen i neêra Ad ilin wid ara tttt-ifaken
Je ne sais comment elle a commencé Ni comment elle s’est terminée, La fable de l’abeille et de la guêpe : Je dirais ce que j’ai entendu Et ce que j’ai vu, Viendraient ceux qui l’achèveraient.
[Yekcem waεreêê taγrast ta rast La tettru tzizwit mi truà] (*)
La guêpe pénétra la ruche, L’abeille pleura et partit !
IkcemIkcem-ed yisγi yis i taqaεeett er Γ tzizwit yehdayehda-tt Nettat d uxåim ard temsefham Yak Rebbi ddunit yebnayebna-tt I lxir d tegmatt Zewğet di sin ad terrem axxam (*)
Le vautour entra dans l’arène Et pria l’abeille De s’entendre avec l’adversaire : Car Dieu a conçu la vie Pour le bien et l’amitié, Mariez-vous et fondez un foyer.
Yiwen wer fellfell-as leàkem Yella yessusem Yuγal Yu al ibeggenibeggen-d rrayrray-is i ra I tament m a tttt-idid-tekksem Amek ara tttt-tafem Ma ad tiêid ma yexåer babbab-is (*)
Un autre, sans opinion, Observait le silence Puis donna son avis : Et le miel à récolter, Comment le trouverait-on ? Serait-il doux ou pure perte ?
Yuγal Yu al yisγi yis i yennayenna-yas Berkat--aγ nnàas Berkat Ittnadi a kwenen-ihdu s lehduÂlehduÂ-is Tament ard telhu ååifaååifa-s Acemma ur tttt-ittxaå Ula d aεreêê yelha laåellaåel-is (*)
Le vautour reprit la parole : Cessez d’être hostile, Il apporte la bonne parole ; Le miel ne sera que bon Et rien m’y manquera, La guêpe aussi est de noble race !
155
Littér. : [le jour où il est partit à la montagne (= maquis) oublie-le]
156
Littér. : [quand ils le lui apportèrent c’est un colis]
___ 457
30.
35.
Ufan rray imsawa Aεreêêen d tzizwa Sdukulen axxam i tmeddit Taàbult nn-waεreêê telha RranRran-tt d lğama lğamaε Akken i ddukulen γer têallit
On trouva un consensus : Guêpes et abeilles S’unissaient pour le meilleur…157 Le nid de la guêpe est utile, Ils en firent une mosquée Et y faisaient la prière !
Yekcem waεreêê taγrast ta rast a Yern ula d tizizwit tefreà Yekcem waεreêê taγrast ta rast La tettru tzizwit tefreà
La guêpe pénétra la ruche, Et l’abeille en fut heureuse ! La guêpe pénétra la ruche, L’abeille pleura et partit.
Ur êriγ Je ne sais comment je l’ai commencée êri amek i tttt-bdiγ bdi Neγ Ni comment je l’ai terminée, Ne amek i tttt-kfiγ kfi Taqsié n tzizwa d waεreêêen La fable de l’abeille et de la guêpe : 40. NniγJ’ai dit ce dont je me souviens Nni -d ayen iwmiiwmi-y-cfiγ cfi Akkw d wayen êriγ Et ce que je sais, êri ra Ad ilin wid a ttIl s’en trouverait qui la termineraient ! tt-ifaken (*) __________________________________________________________________________________________
70. Iéij 1.
5.
10.
15.
20.
Le soleil
[Iéij i la dd-icerqen Mačči inu, nn-wiyaÑ Ccbaàa nn-wayen icebàen Mačči inu, nn-wiyaÑ w Ayen akk i jemεen jem en medden Mačči inu, nn-wiyaÑ Ur tesεaÑ i didi-d-iåaàen AqlAql-ak twalaÑ Uh ay aàbib Ggwrantrant-d wallenwallen-iw ad ruγ] ru ] (*)
Le soleil qui se lève N’est pas mien, il appartient aux autres ; La beauté de ce qui est beau N’est pas mienne, elle appartient aux autres ; Tout ce qu’amassent les gens N’est pas mien, il appartient aux autres : Il n’y a rien qui me soit échu, Comme tu le vois, Ô ami, Il me reste les yeux pour pleurer !
Làif ajdid mi dd-yusa Aqdim yekfa Akken i didi-d-yenna Bqaεlaxir Bqa laxir Lğerà aqdim mimi-yemàa Ajdid yura Yettabaε-d gmagma-s zdeffir u D ac i didi-d-yeggwran tura Uh ay aàbib Ggwrantrant-d wallenwallen-iw ad ruγ ru (*)
Ma nouvelle peine quand elle vint, L’ancienne me quitta, Me faisant ses adieux ; La nouvelle blessure, quand elle partit, La nouvelle me fut destinée, Suivant sa sœur de près158 : Que me reste-t-il maintenant ? Ô ami, Il me reste les yeux pour pleurer !
TekkaTekka-d segseg-wulwul-iw semmeÑ Segmi yeččeÑ Yeεceq Ye ceq di tin iwmi ur yezmir Almi d asmi qrib tttt-iwweÑ
Mon cœur froid est la cause Depuis qu’il s’est trompé, Désirant celle qui lui était inacessible ; Lorsqu’il fut près de la conquérir,
157
Littér. : [unissent la maison pour le soir]
158
Littér. : [il suit son frère (par) derrière]
___ 458
25.
YeddemYeddem-itt wayeÑ Yeggwrara-d ur yemmut ur yeddir Yuγal Yu al amam-wegris semmeÑ Uh ay aàbib Ggwrantrant-d wallenwallen-iw ad ruγ ru (*)
Un autre la prit, Il en fut entre la vie et la mort159 : Il en devint transi, Ô ami, Il me reste les yeux pour pleurer !
Ggullent si tazwara Elles ont juré du début 30. Ar taggara Jusqu’à la fin Ur tentEt je n’y ai rien compris : tent-fhimeγ fhime d acuacu-tent Ukrent sγur s uri lehna Elles m’ont volé la paix ur Anda tella Où qu’elle fût Yedda s kra nEt tout ce qu’elles ont regardé ; n-wayen i zelment u w Que me reste-t-il maintenant ? 35. D ac i didi-d-yegg ran tura Uh ay aàbib Ô ami, w Gg rantIl me reste les yeux pour pleurer ! rant-d wallenwallen-iw ad ruγ ru (*) __________________________________________________________________________________________
71. Éli d Weεli We li 1.
5.
10.
15.
20.
25.
159
Ali, Ouali, Mohand et Mhand
Éli d Weεli We li d irfiqen Akken i ddukulen MmugrenMmugren-d Muàend d Màend Akken di rebεa reb a kemlen La ttemrafaqen Almi sanga bγan b an wwÑenwwÑen-d Zzin d agraw qqimen La ttemseqsayen Igenni yelli yelli-yasenyasen-d
Ali et Ouali, deux amis, Toujours ensemble, Firent la rencontre de Mohand et Mhand ; Ainsi tous les quatre, Toujours rensemble, Aspiraient à atteindre leurs buts ; Assis en assemblée, Ils s’interrogeaient les uns les autres Et le ciel s’ouvrit à eux160 !
Yellief sin Yelli-d yigenni γef Öwant tγaltin t altin Teγli Te lili-d tektabt gargar-asen Uzzlen γer erer-s anwa ara tttt-yawin Jemεen Jem en tiwriqin FreqenFreqen-tent di rebεa yidyid-sen Mi àefÑen timusniwin I dasenlin dasen-d-iγlin Ddunit yesyes-sen i tumen Hubb ay aÑu !
Le ciel se fendit en deux, Eclairant les crêtes, Et tomba le livre entre eux ; Ils coururent pour le prendre, Ramassèrent des cartes Et se les partagèrent entre eux quatre ; Et dès qu’ils apprirent les savoirs Qui leur échurent, Le monde entier crut en eux, Et souffle le vent !
Muàend iàfeÑ ttjara Éli d lgirra Feràen s tikci nn-Rebbi Weεli We li yeddem leqraya Màend d isefra Ferqen wa iåubb wa yuli Hubb ay aÑu !
Mohand apprit le commerce, Et Ali la guerre : Tous deux furent satisfaits du don de Dieu ; Ouali prit l’enseignement Et Mhand la poésie : Ils se séparèrent et allèrent à l’opposé les uns des l’autres161
Littér. : [il resta il n’est pas mort il n’est pas vivant]
Traduction littérale, signifiant « leurs vœux ont été exaucés ». 161 Littér. : [ils se séparèrent celui-ci il descendit celui-ci il monta] 160
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30.
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162
[Muàend ittaγ itta yeznuzu YesseàfeÑYesseàfeÑ-asen ttjara i wiyaÑ Simmal di rrbeà irennu Iεac ac am ugellid ur ittγaÑ itt aÑ Acàal ta AwiAwi-d ta EğğEğğ-iyi ta Yewwi Yewwiwwi-d aylaayla-s ula segseg-weblaÑ] (*)
Mohand achetait et vendait, Apprenait le négoce aux autres, A mesure qu’il s’enrichissait Il vivait comme un roi prospère : Combien celle-ci ? Donne-moi celle-là ! Laisse-moi celle-ci ! Il s’est fait une part même du rocher !
Yerbeà netta rebàen wiyaÑ Kra nn-wi iddan di lğerralğerra-s iεac i ac Ur illi wexxam asemmaÑ Di ddewladdewla-s ii-y-Âwan warrac Aγ--d wa ZzenzZzenz-d wa AnefAnef-as i wa YidYid-s ddunit ur testewàac (*)
Il prospéra et fit propérer les autres Et dans son sillage les gens profitèrent ; Il n’y eut de froide maison Et durant son règne les enfants n’eurent pas faim162 Achète celui-ci ! Revend celui-là ! Abandonne cela ! Avec lui la vie n’effraie pas.
Weεli We li yeddem leqraya TaktabtTaktabt-is telha IåaàIåaà-itit-id a tttt-yesγer yes er Γran ran warrac kra i dd-yenna Win iêewren iγra i ra YewweÑ kra yebγ yeb a a tt-iêer Hubb ay aÑu !
Ouali prit l’enseignement Et son livre utile, Il lui appartint de l’enseigner ; Les enfants ont tout appris, Surtout les surdoués, Il a donc atteint son but, Et souffle le vent !
[Anida[Anida-ten Widen ileqqmen tamusni AnidaAnida-ten Wid iåefÑen allen i lγac l aci] aci] (**)
Où sont-ils donc, Ceux qui ont greffé le savoir ? Où sont-ils donc, Ceux qui ont séché les larmes aux gens ?
Γri riγ ri yeγra ye ra Teγram ram γran ran kul amkan Te ëriγ ëri yeêra Teêram êran kul zzman Ddiγ Ddi yedda Teddam akken yakkw ddan Ufiγ Ufi yufa Tufam ayen akken ii-y-ufan (*)
J’ai appris, il a appris, Vous avez appris, ils ont appris, et partout ! J’ai vu, il a vu, Vous avez vu, ils ont vu, et à toute époque ! Je suis parti, il est parti, Vous êtes partis comme ils sont tous partis ! J’ai trouvé, il a trouvé, Vous avez trouvé ce qu’ils ont trouvé !
Éli d lgirra ii-yeàfeÑ Di tmura iferreÑ Yettağğa lmut di laterlater-is D rrebrab s anga yewweÑ D lerwaà ii-yqebbeÑ S lemkwaàel d lεesker l eskeresker-is Hubb ay aÑu !
Ali ayant appris la guerre, Balayait les pays Et semait la mort dans son sillage ; Il semait la terreur, Il ôtait les vies Par ses armes et ses soladats, Et souffle le vent !
Littér. : [(c’est) dans son Etat que sont rassasiés les enfants]
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[Lluêen warrac almi mmuten Mmuten warrac imi lluêen Éli mimi-yeàfeÑ lgirra Adrar yerrayerra-t d luÑa YerraYerra-d rråas am lehwa Yenγa Yen a wi ara yebnun Wi ara ihudden yella] (***)
Les enfants eurent faim à en mourir, Les enfants moururent car ils eurent faim ; Quand Ali apprit la guerre, Des montagnes il fit des plaines Et fit pleuvoir les balles : Il a tué les bâtisseurs Et épargné les destructeurs163 !
YeqqarYeqqar-as Wa d aylaayla-nneγ nne Ilaq anan-nemmet Nekk d lebγi leb i-w ard a tt-awÑeγ awÑe Ma d kunwi nnaγet nna et
Il disait : Ceci est nôtre, Nous devons mourir, Moi j’atteindrai mon but Et vous, combattez !
[Wi ara ihudden yella Wi ara yebnun yebnun ulac Mmuten merra Ggujlen warrac] (****) (***)
Les destructeurs sont légion, Les bâtisseurs ont disparu ; Ils sont tous morts Et ont laissé des orphelins !
Tekker tmes ussan uÑan Rråas d abruri Sεerqen erqen i yiéij amkan Anida iγelli i elli (****) (***)
Le feu prenait jour et nuit Et les balles tombaient comme de la grêle Et le soleil, ils lui ont fait perdre Le lieu où ils se couche !
SnulfuSnulfu-d leslaà ajdid A Weεli iwel We li γiwel A Muàend lgirra ad tzid ZenzZenz-d lemkwaàel (****) (***)
Invente de nouvelles armes, Ouali, fais vite ; Mohand, la guerre s’amplifie, Fournis l’armement !
IkkerIkker-d Màend d afennan Taktabt i ss-fkan TesseàfeÑTesseàfeÑ-ad ad yessefru Yessefruy γef efef-wayen iÑran Γas as ččanččan-t wurfan Mi zeggden ad icennu S wallen iêerr yir ussan YettarraYettarra-ten lhan Lğerà i γeef yers ad yeàlu Hubb ay aÑu !
Mhand devint artiste, Le livre dont il hérita Lui apprit l’art de la poésie ; Il chantait les événements Et bien que pris de colère, Il chantait quand celle-ci montait ; De ses yeux il voyait les mauvais jours Et les adoucissait : Il pansait les blessures sur lesquelles il se posait, Et souffle le vent !
[çber a mmi ma telluêeÑ YiwYiw-wass lebγi leb i-k a tt-tawÑeÑ Cfu kan d acu i kk-yuγen yu en Ad teÂwuÑ mi ara timγureÑ tim ureÑ i ra Telha lmeàna m a teγreÑ te reÑ
Patience, mon fils, si tu as faim, Un jour tu arriveras à tes fins, Pourvu que tu te souviennes de ton mal ; Tu mangeras à ta faim dès que tu seras grand, La misère est utile à qui est instruit,
Littér. (v. 74 et 75) : [il tua ceux qui construiraient, celui allant détruire il existe]
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110.
115.
Yelha llsas nn-wi ittmeàànen] (*****)
Solide est le fondement de celui qui est éprouvé.
çåber win tt-idid-isnulfan Ur yeγliÑ ye liÑ di leàsableàsab-is Tasusmi wi tttt-inudan Ad iêer teswa làeqqlàeqq-is Lemmer a dd-iniγ ini ayen illan Taserdunt a dd-tarew mmimmi-s (*****)
Celui qui a inventé la patience Ne s’est pas trompé ; Celui qui recherche le silence Trouvera qu’elle a de la valeur ; Si je disais ce qu’il y a, La mule mettrait bas !
Yesderγel Yesder elel-aγ wayen yeÑran Almi nugad anan-nmuqel Nettkukru wi dd-nemyussan w i Γas as am nek n ii-yedderγel yedder el Lemmer a dd-iniγ ini ayen illan Γas as igenni ad imwiwel (*****)
Les événements nous ont aveuglés Et nous avons peur de voir, Nous craignons ceux que nous connaissons Bien que comme nous ils soient aveugles ; Si je disais ce qu’il y a, Le ciel se renverserait !
Ssusmen widen Ceux qui ont vu se sont tus widen iwalan Amzun la ttrağun talwit Comme s’ils attendaient la paix, Yuγal Le vacarme qui nous agaçait Yu al làess daγda -yenγan yen an Icuba lweàc n targit est tel l’effroi d’un rêve : a Je ne dirai pas ce qu’il y a Ur dd-qqareγ qqare ar ayen illan 125. Ammar a dDe peur que vocifère le monde ! d-tsuγ su ddunit (*****) __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________
120.
72. Aεe A eééar 1.
5.
10.
15.
20.
Le colporteur
Urgaγ Urga ttejta nn-leàlu Tefreà yeàyayeàya-d uêaruêar-is Urgaγ Urga ttejra nn-leàlu YesskerYessker-ittitt-id uêaruêar-is Urgaγ Urga ttejra nn-leàlu Yuγal Yu alal-ittitt-id wemkanwemkan-is
J’ai rêvé de l’arbre doux, Heureux de voir revivre sa racine ; J’ai rêvé de l’arbre doux, Sa racine l’a revivifié ; J’ai rêvé de l’arbre doux, Il a recouvré sa place.
Urgaγ Urga amam-wakken d ååeàà AssAss-a mačči am yiÑelli Urgaγ Urga amam-wakken d ååeàà âeÑreγ âeÑre i wedrar yuki Urgaγ Urga amam-wakken d ååeàà Agris i tt-yedlen yefsi
J’ai rêvé comme si c’était vrai, Aujourd’hui n’est pas comme hier ; J’ai rêvé comme si c’était hier, J’ai été témoin de la montagne en éveil ; J’ai rêvé comme si c’était hier, La glace qui le couvrait a fondu.
Urgaγ Urga ssnasel nn-wuzzal Di tlemmast cuddent s lxiÑ Urgaγ Urga ssnasel nn-wuzzal Nufa anga cuddent s lxiÑ Urgaγ Urga ssnasel nn-wuzzal S tsurett cuddent γer erer-làiÑ
J’ai rêvé de chaînes en fer, Attachées en leur milieu par un fil ; J’ai rêvé de chaînes en fer, Solidement attachées par un fil ; J’ai rêvé de chaînes de fer, Attachées au mur par un verset !
Ay aεeééar eddan a eééar ii-yεeddan AwiAwi-yiyi-d yidyid-k lemri D arfiqarfiq-iw i didi-yennan
Ô colporteur qui passe, Apporte-moi un miroir Car mon compagnon me dit
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25.
30.
35.
Ibeddel wudemwudem-ik fellfell-i Ad waliγ wali ma d ayen illan Acaqur yegguniyegguni-yi
Que pour lui j’ai beaucoup changé : Il faut que je sache la vérité Car la hache me guette.
ZÑiγZÑi -d s tadué aεlaw a law Si tmura jbanjban-d lγaci l aci γe e F lğalemren agraw lğal-is εemren ZgiγZgi -d mebεid meb id am tili Mi rriγ rri ad àadreγ àadre aylaayla-w Yeàåel lemdekk di lfuci
J’ai tissé un tapis de haute laine, Qui a attiré les foules Qui ont tenu assemblée Et telle une ombre je contemplais de loin : Lorsque j’ai voulu défendre mon bien, Le fusil s’est coincé.
InnaInna-d MelMel-i-d ssuma ra K i tebγiÑ teb iÑ ard a kk-tefkeγ tefke Lγac aci ur ttafen ara Amkan n tmekwàelt yefreγ yefre Ur dakdak-tttt-znuzuyeγ znuzuye ara Γas as s ufeggag nn-wewreγ wewre
Il me dit : « Donne-moi ton prix, Je t’en donnerai autant que tu exigeras, Les foules ne trouveront pas Vide la place du fusil. » — Je ne te le vendrai pas Même pour un lingot d’or164.
IbanApparaît qui les connaît Iban-d win i tenten-issnen165 u Am zeqqur dTel un tronc emporté par les flots d-igren s asif D taàemmalt i tQue le courant éloigne t-isbeεden isbe den 40. SegDe ses raciness laissées sur la rive : Seg-uêaruêar-is nn-iğğa γeef rrif LemàibbaC’est épreuve d’être leur ami Lemàibba-nsen d asawen TamusniEt souci de les connaître166. Tamusni-nsen d aγilif a ilif __________________________________________________________________________________________
73. SamàetSamàet-as 1.
5.
10.
164
Pardonnez-lui167
SamàetSamàet-as yeggull s làir Muqlet γer er wid tt-isàenten QesdenQesden-t-id mačči d uffir Γer ert-idid-sextaren er-lmut i tMa ineqq usaru nn-leàrir Ineqq ula d aseγwen ase wen
Paronnez-lui d’avoir juré avec hate, Cherchez plutôt qui l’a fait parjurer ; On l’a délibérément ciblé, Il était tout désigné à la mort : Si un fil de soie tue, La corde en chaume tue aussi.
Samàet yewwiyewwi-t yeγzer ye zer Muqlet γer er wid tt-issawÑen Mbe Mbeεεid s ttjur yeååer MiMi-yewweÑ cuddencudden-as allen IxuåIxuå-as lukan yeêwer Tarda Tardast neγ ne imi nn-wuccen
Pardonnez-lui d’avoir été emporté par le ruisseau, Cherchez qui l’y a poussé ; Caché au loin par les arbres, Arrivé, on lui banda les yeux : Il lui manquait, s’il était brave, Un empan ou un peu moins168.
SamàetSamàet-as ayen dd-inna
Pardonnez-lui ce qu’il a dit,
On ne sait pas si l’objet de la transaction est le tapis (v. 25-30) ou le fusil. (v. 31-36)
Quand il la chanta en public, à l’Olympia (en 1978 ?), il substitua yettuγaÑ yettu aÑ à ibaniban-d, apportant ainsi plus de précision de sorte à avoir YettuγaÑ Yettu aÑ win i tenten-issnen AmAm-uzeqqur d gren s asif « Fait pitié qui les ait connu, Tel une souche jetée dans la rivière. » au lieu de IbanIban-d win i tenten-issnen … « Parut qui les ait connu … »
165
166
Pour les v. 41 et 42, traduction de M. MAMMERI (Poèmes kabyles anciens, Paris, Maspéro, 1980 (La découverte, 2001), p. 380-383).
Cette chanson a été, par erreur peut-être, intitulée Targit « Rêve » par T. Yacine (p. 306), thème des trois premières strophes de eééar « Le forain », ch. 72), tandis que celui de la présente est en principe la chanson précédente (strophes refrain de la chanson Aεeééar celui indiqué sur la couverture de l’album, incipit, notamment dans les quatre premières strophes. 168 tardast tardast « l’empan » est la distance entre le pouce et l’auriculaire écartés ; imiimi-n-wuccen [la couche-du-chacal] est la distance entre le pouce et l’index écartés. 167
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15.
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Muqlet wi tt-d-isneéqen SbeddenSbedden-t-id ss-ufella w D ak essar i ss-d-sseknen NnanNnan-as RuàRuà-d ss-wadda Ad akak-d-iban d asawen
Cherchez qui l’a fait parler ; L’ayant mis debout en haut, On lui a montré le bas : On lui a dit que d’en bas Tout lui apparaîtrait haut !
SamàetSamàet-as mimi-yedderγel yedder el Si zdaxel i la dd-yettwali DegDeg-wulwul-is ayen yenéel D ayen ur neàwağ tamuγli tamu li Ma tebγam teb am tebrek temlel CeÑàet netta ad iγenni i enni
Pardonnez-lui sa cécité, C’est de l’intérieur qu’il voit ; Ce qu’il a enfoui dans son cœur N’a nul besoin qu’on le voie : Si vous aimez l’amalgame169, Dansez et il chantera !
Xtir abrid ur nmal Ma tebγiÑ teb iÑ lehna nn-yixfyixf-ik La dd-qqaren d raselmal Issin anwa i d làeddlàedd-ik Neγ Ne xtir eğğeğğ-aγ--d awal Ara iεicen i icen degdeg-wemkanwemkan-ik
Choisis la voie non tordue Si tu veux la paix de l’âme ; C’est capital, dit-on, Sache tes limites Ou alors de nous léguer le Verbe Qui vivrait à ta place.
Ameslay àedd ur tt-ineqq Wammag lεebd l ebd ittmettat Ameslay mi ara dd-yeééerÑeq yeééerÑeq Lğil i tt-ibγan ib an yufayufa-t Waqila xir lmenéeq IniIni-t-id qbel ur kk-ifat
La parole, nul ne la tue Alors que l’être humain meurt ; La parole, quand elle jaillit, La génération qui la veut la trouve : La parole vaudrait mieux que tout, Dis-la avant qu’il ne soit trop tard !
___________________________________________________________________________
74. Ixf ittrun
Esprit en larmes170
1.
La qqareγ qqare kan tγabeÑ t abeÑ (tbeεdeÑ) (tbe deÑ) Γas as ma êriγ êri kulci yekfa Γas as la qqareγ qqare a dd-tuγale tu aleÑ aleÑ ëriγ ëri àaca di tnafa
Je me dis que tu es absente (que tu es loin) Même si je sais que tout est fini, Et bien que je me dise que tu reviendras, Je ne te vois que dans mes songes.
5.
Kra nzizen felln-wayen εzizen fell-i S yisemyisem-im i ss-giγ gi isem Akken ulul-iw ad yetthenni Ad iγil i il mazalmazal-ikem
Tout ce qui m’est cher, Je l’ai appelé de ton nom pour que mon cœur s’apaise Et croie que tu es toujours là.
DegDeg-wezniq mi ara beddeγ bedde Tullas ttmuquleγttmuqule -tent Mačči d abeddel i beddleγ beddle D udemurudem-im i ttnadi ttnadiγ tnadi γur ur-sent
Dans la rue quand je m’arrête, Les filles, je les contemple ; Ce n’est pas que j’ai changé : Je te cherche parmi elles171.
10.
169
Littér. : [si vous voulez noirceur blancheur]
Parmi les cas rares de titres génériques, constitué de vocables qu’on ne retrouve pas dans le texte de la chanson, ce titre est la seule occurrence où la tête, au sens « esprit », pleure ; pleurer étant d’ordinaire dévolu au cœur, d’où le titre proposé par T. Yacine (Aït Menguellet chante…, p. 137) : Cœur en larmes, que nous n’avons pas repris, compte tenu du fait que partout ailleurs pour signifier « cœur », le poète — à l’instar de tout berbère — utilise le terme ul, dont l’atout est sa valeur de siège des sentiments par excellence. 171 Littér. : [c’est ton visage que je recherche chez elles] 170
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15.
20.
25.
30.
35.
40.
45.
Ma sliγ sli i lhedÂa frawseγ frawse Ma sliγ sli i lehdu tenniÑ S idisidis-iw ttneqlabeγ ttneqlabe Ttεuddu Tt udduγ uddu yidyid-i i telliÑ
Quand j’entends parler je frissonne, Quand j’entends tes paroles ; Je me retourne dans mon lit, Te croyant avec moi.
Kerheγ Kerhe mi ara dd-yaweÑ yiÑ TtmektayeγTtmektaye -d assass-nni Kemmini assass-enn i tekfiÑ Ma d nekk assass-enn i bdant fellfell-i
Je hais que la nuit arrive, Je me rappelle ce jour-là : Ce jour-là tu étais finie Alors que les épreuves commençaient pour moi172.
Kerheγ Kerhe mi ara dd-yaweÑ yiÑ TtmektayeγTtmektaye -d assass-nni AssAss-enn tertaàeÑ ur teêriÑ Mi didi-d-sawlen lγaci l aci
Je hais que la nuit arrive, Je me rappelle ce jour-là : Ce jour-là tu reposais, ignorant Que les gens me lançaient des appels.
Sawlen Sawlen-iyiiyi-d lγaci l aci Mebεid Meb id sliγsli -d ii-usuγu usu u Ulayγer Ulay er ma nnannnan-iyi âåiγ âåi s wayen ad yeÑru
Les gens me lançaient des appels Et de loin j’entendais des cris: Inutile qu’ils me le disent, Je savais que cela arriverait.
TtmektayeγTtmektaye -d γeef-wasswass-enn Hubaγ Huba ad kecmeγ kecme s axxam Tiftilin i damdam-ceεlen ce len D tafat yecban éélam
Je me rappelle ce jour-là, Je redoutais de rentrer chez moi : Les chandelles qu’on t’allumait Etaient toutes obscure lumière !
Mwexxaren akkw lγaci l aci TbaneÑTbaneÑ-i-d amzun teééseÑ Muqleγ Muqle albeεÑ albe Ñ a dd-yini D tankra i mazal tekkreÑ
Les gens s’écartèrent tous Et tu apparus comme plongée dans le sommeil : Je voulus que quelqu’un me dît Que tu n’étais pas encore révreillée.
La ttmuquleγ ttmuqule di lγaci l aci Bran s wallen wallen akkw êran Ma d nekkini ar assass-agi Ur umineγ umine s wayen iÑran
Je regardais tous les gens Et tous savaient, baissaient les yeux ; Mais moi jusqu’à ce jour, Je suis resté incrédule !
Ggulleγ urGgulle ard ad teddreÑ γur ur-i Ulac a tt-idid-rreγ rre illa Ur qebbleγ qebble yiwen a dd-yini Ayen akkw ii-yeÑran yeÑra
Je jure que tu vivras pour moi, Je transformerai le néant en plénitude173 : Je n’accepterai pas qu’on me dise Que cela s’est réellement passé.
Ggulleγ urGgulle γur ur-i ard ad teddreÑ Γas as ad beddleγ beddle lemktub Ma yennayenna-d Rebbi TğehleÑ A ss-niγ ni TewwiÑ ddnub
Je jure que pour moi tu vivras, Dussé-je changer le destin : Si Dieu m’accuse de blasphème, Je le traiterai de pécheur174 !
__________________________________________________________________________________________
172
Littér. : [si c’est moi (c’est) ce jour-là qu’elles commencèrent sur moi]
173
Littér. : [rien je le rendrai il est] Littér (v. 47 et 48) : [si dieu me dit : tu blasphèmes ; je lui dirais : tu as péché]
174
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75. Ma teεyiÑ te yiÑ 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
35.
Si tu es lasse…
Twala ibeddel rrayrray-is IsuÑIsuÑ-d waÑu tedda Attan tεemmed t emmed γeef yisemyisem-is TÑegger kra tesεedda tes edda [Ih ! Ruà eğğeğğ-iyi ma teεyiÑ te yiÑ Ad tafeÑ wi ara degdeg-m yeεyun] ye yun] (*)
Elle s’est vu changer d’avis, Le vent a soufflé et l’a emportée ; Elle perd sa renommée Et jette tout son passé. Oui, va, laisse-moi si tu es lasse, Tu trouveras qui se lassera de toi !
Fehmeγ Fehme tbeddleÑ leεqel le qel D abrid ajdid i kemkem-iwwin Wiss(en) ma d zzyada neγ ne qell qell ra D lweqt a damdam-d-yinin (*)
Peux-être as-tu changé d’esprit, Une neuve voie t’emporte ; Peut-être est-ce bon ou mauvais, Le temps seul te le dira175.
Γas as kkes ddnub si lğihalğiha-w Ruà ad tjerrbeÑ ddunit ÉemmdeγÉemmde -am glu s waylawayla-w Ahat a tt-tafeÑ i tmeddit (*)
Je te pardonne tes fautes176, Va donc éprouver la vie ; Je te donne tous mes biens, Peut-être en auras-tu besoin !
Wiss ma d anadi ara tnadiÑ Neγ Ne yakan yewğed umekkan Mayella s wugur teγliÑ te liÑ Ur ss-qqar lehmum lehmum kfan (*)
Peux-être chercheras-tu, Peut-être as-tu tout prévu : Si tu te heurtes à un obstacle, Ne te dis pas que tu es au bout de tes peines.
[Mi twalaÑ fellfell-am ttruγ ttru TγileÑ ileÑ medden akkw ttrun Mi twalaÑ fellfell-am àekkuγ àekku l TγileÑ ileÑ medden a àekkun Ih ! Ruà eğğeğğ-iyi ma teεyiÑ te yiÑ i ra Ad tafeÑ w a degdeg-m yeεyun] ye yun]
Tu m’as vu pleurer à cause de toi, Tu croyais que tous les gens pleurent ; Tu m’as entendu raconter ta beauté, Tu croyais que tous les gens racontent : Oui, va, laisse-moi si tu es lasse, Tu trouveras qui se lassera de toi.
ZzehrZzehr-im ma yettruê aêru Neγ iga abrid di lebàer Ne Ur yezmir ara a kemkem-yecfu SegSeg-wulwul-im a dd-ifekker (*)
Si ta chance casse les pierres Ou si elle ouvre des chemins en mer, Elle ne saurait te guérir A ton cœur il rappellera tout.
Γur urur-m asmi ara tbeddleÑ amkan Tikwal Tikwal steqsay ulul-im A kemeddan kem-idid-yesmekti ayen ii-yεeddan D wayen yerêa ufusufus-im (*)
Dans ta nouvelle demeure, Interroge ton cœur souvent : Il te rafraîchira la mémoire, Et te rappellera tes méfaits177 !
èélam d win i d ååeàà Mi ara dd-yeγl ye li ara dd-tettmektiÑ i Ad yuγal yu al m ara dd-yali ååbeà FellFell-am ara dd-yeγli ye li yiÑ
Les ténèbres sont la vérité, réveilleront tes souvenirs ; Mais au lever du jour Tu plongeras dans la nuit.
175
Littér. (v. 9 et 10) : [qui-sait si c’est plus ou moins, c’est le temps qui te le dira]
176
Littér. : [ôte même le péché de ma part]
177
Littér. (v. 31 et 32) : [il te remérerait ce qui est passé, et ce que ta main a cassé]
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(*) __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________
76. Ay agu 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
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178 179
Ô brume !
Muqlent wallen Anida ara walint aàbib UlacUlac-iten Ur dd-ttawÑen ur qrib AnidaAnida-kwen S anda truàem A wid ur nqebbel ara lεib l ib
Mes yeux cherchent Où sont les amis ; Ils sont absents, Ils ne sont pas près d’arriver ; Où êtes-vous, Où êtes-vous allés, Vous qui n’acceptez pas l’infamie ?
UlUl-iw yugwi Ad yamen belli tekfam La kwenen-ittnadi YettafYettaf-ikwen di nemnam AnidaAnida-kwen S anga truàem A wid i γedÂen edÂen wussan
Mon cœur refuse De croire que vous n’êtes plus, Il vous cherche Et vous trouve dans ses rêves ; Où êtes-vous, Où êtes-vous allés, Vous que les jours ont trahis ?
Lweàc yezga Yuγal Yu al wulwul-iw d axxamaxxam-is Γur urur-i yufa Yakkw ayen ii-ynuda wul wulul-is w AnidaAnida-k en D lferàlferà-nwen I s ara yeğğ amkanamkan-is
L’effroi, omniprésent, Mon coeur est devenu sa demeure ; En moi il a trouvé Tout ce qu’a cherché son cœur ; Où êtes-vous ? C’est votre joie Qui lui fera quitter sa place !
Lweàc yennayenna-k D axxamaxxam-iw ara-y-rreγ rre ulul-ik Tura zemreγzemre -ak Ala irfiqen i d afriwenafriwen-ik Widak ruàen UlacUlac-iten Wi ara yilin d amεiwen am iweniwen-ik
L’ffroi m’a dit : « Je ferai de ton cœur ma maison, Je te domine désormais, Seuls tes amis peuvent être tes ailes : Ceux-là sont partis, Ils sont absents, Qui serait ton protecteur ? »
Nfiγ Nfi akken yakkw nfan Lameεni Lame ni ssebba yiwet Gma mi ss-mennaγ menna leàsan YekkererYekker-d γer er-i ad iyi-iwet Nfiγ Nfi ad beddle beddleγ ddle amkan Qim a gma krez sserwet
Je suis exilé comme le sont tant d’autres Et la cause en est une ; Mon frère, à qui j’ai souhaité du bien, S’est résolue à me combattre : Exilé, j’ai changé de contrée, Reste, frère, et agis à ta guise178 !
A dd-nesmekti lğil yettu Γef ef uÑar asmi nezmeÑ arkas MiMi-yeftel i weεdaw we daw seksu seksu Nekk fetleγfetle -asas-d aàlalas
Rappelons à cette génération oublieuse Qu’à pied et mal chaussé179, Lorsqu’il préparait le couscous à l’ennemi, Moi je lui préparais les plombs :
Littér. : [reste, frère, laboure et dépique] Littér. : [sur le pied quand nous serrions la sandale en peau de bœuf]
___ 467
40.
45.
50.
55.
60.
65.
70.
75.
80.
Asmi tekfa deεwessu de wessu Γli liγ ddaw leεnaya le nayali naya-s
L’adversité terminée, Je me retrouve à ses pieds180.
Leεnaya Le nayanaya-k tecba ameåmar Yeråan di tesga yeqqim Nekk a kk-d-gganiγ ggani amna SegSeg-ufusufus-ik ad ččeγ čče alqim Si tasaft i dd-giγ gi asγar as ar Mačči d dderga uγanim u anim
Ta grâce est comme un clou Solidement fixé dans le coin, Viendrais-je à ton seuil Pour te demander pitance ? Du chêne j’ai coupé du bois Et non du roseau qui ploie !
SegSeg-wasmi beεdent be dent wallen Ur ctaqent imeééi Neγ Ne urğant wi ara dd-iruàen Xeråum a tt-idid-nesteqsi Mačči d kečč i di-iγaÑen aÑen D akal seg i dd-nefruri
Depuis que mes yeux sont loin, Elles n’ont pas versé de larmes, Attendant qui arriverait Pour qu’on puisse l’interroger : Ce n’est pas toi qui me fais pitié, C’est la terre où nous sommes nés !
A tiziri I dd-idehnen tiγaltin ti altin A tiziri Anida lli lliγ li Anidaun ilin Anida-e-bγun A tiziri La kemkem-ttwaliγ ttwali Akken i la kemkem-idid-ttwalin A tiziri
Ô clair de lune Qui éclaire les collines181, Ô clair de lune ! Où que je sois, Où qu’ils puissent être, Ô clair de lune ! Mais je te vois Comme ils te voient, Ô clair de lune !
Urğiγ Urği lexbar Yeεdel Ye del yiÑelli d wasswass-a Urğiγ Urği lexbar Yeεdel Ye del wasswass-a d uzekka Urğiγ Urği lexbar Am unebdu am ccetwa Urğiγ Urği lexbar Ttεassa Tt assaγ assa mkul lğiha YusaYusa-d wagu yufayufa-yiyi-d Mi tt-steqsaγ steqsa yennayenna-yiyi-d : Ay ameγbun ame bunbun-iw !
J’ai attendu des nouvelles, Aujourd’hui est comme hier ; J’ai attendu des nouvelles, Demain sera comme aujourd’hui ; J’ai attendu des nouvelles, En été et en hiver ; J’ai attendu des nouvelles, Je cherchais dans tous les sens ; Et la brume vint me voir, Je l’interrogeai, il me dit : « Oh ! mon pauvre ! »
Ansi dd-tekkiÑ ay agu Ay agu dd-yewwi waÑu KkiγKki -d ansi dd-truàeÑ a S and akken ur tettuγaleÑ tettu aleÑ Ay ameγbun ame bunbun-iw
D’où viens-tu, brume, Brume qu’amène le vent ! Je viens d’où tu es venu, Là où tu ne retourneras point, Mon pauvre !
D acu i teêriÑ ay agu Ay agu dd-yewwi waÑu ëriγëri -d agad i tàemmleÑ Ur tettεawadeÑ tett awadeÑ a tenten-teêreÑ
Qu’as-tu vu, brume, Brume qu’amène le vent ? J’ai vu ceux que tu aimes Et que tu ne reverras jamais,
180
Littér. : [je suis tombé sous sa protection]
181
Littér. : [qui oignant les crêtes]
___ 468
Ay ameγbun ame bunbun-iw
Mon pauvre !
85.
D acu i yi-d-infan ay agu Ay agu dd-yewwi waÑu SegSeg-wasmi ii-yemmut babababa-k I tbeddel targit fellfell-ak Ay ameγbun ame bunbun-iw
Qu’est-ce qui m’a exilé, brume, Brume qu’amène le vent ? Depuis que ton père est mort, Ton rêve est bouleversé, Mon pauvre !
90.
Ma mazal gma yeàkem Ay agu dd-yewwi waÑu Aàkim ur nesε nes i ara aàkim Anwa ara yagwad ma yeqqim Ay ameγbun ame bunbun-iw
Et mon frère, est-il toujours au pouvoir, Brume qu’amène le vent ? Pouvoir sans contrepouvoir, Qui craindrait-il pour se maintenir, Mon pauvre !
95.
MelMel-i-d ma ma yella lbaéel Ay agu dd-yewwi waÑu D atmatenatmaten-ik i tt-ixeddmen Miyan degMi-y-εyan deg-s a tt-neélen Ay ameγbun ame bunbun-iw
Dis-moi si l’injustice y est, Brume qu’amène le vent ! Ce sont tes frères qui l’exercent, Quand ils en auront assez, ils l’enterreront, Mon pauvre !
100.
Ihi yemmut lbaéel Ay agu dd-yewwi waÑu D atmatenatmaten-ik i tt-ineélen I la tt-idid-yessekfalen Ay ameγbun ame bunbun-iw
L’injustice est donc morte, Brume qu’amène le vent ! Ce sont tes frères, qui l’ont enterrée, Qui l’exhument de nouveau, Mon pauvre !
Où es-tu venue, brume, S anga ii--d-truàeÑ ay agu Ay agu dBrume qu’amène le vent ? d-yewwi waÑu 105. Ceggεen Ce sont tes frères qui m’envoient Cegg enen-iyiiyi-d watmatenwatmaten-ik I wakken a kummeγ Pour que je te cache le soleil, k-γumme umme iéijiéij-ik Ay ameγbun Mon pauvre ! ame bunbun-iw __________________________________________________________________________________________
77. D nnubannuba-k freà
A toi d’être heureux !
1.
UlUl-iw la iqebber D ssebba tella Yugwad lmenkwe Γer erer-s i dd-yestufa
Mon cœur est oppressé Et voici la cause : Il craint l’arbitraire Contre lui résolu !
5.
Wissen ma ad yili Ugwadeγ ade tili La ttrağuγ ttrağu tafat A tttt-tesfeÑ fellfell-i
Existerait-il ! J’ai peur de son ombre : J’attends la lumière Qui l’effacerait!
AqlAql-iyi mazal Ugwadeγ ade lexyal La ttrağuγ ttrağu tafat Ara dd-yesbanen làal182
J’en suis encore A en craindre l’ombre : J’attends la lumière Et qu’il fasse plus clair !
10.
182
Dans T. Yacine, Aït Menguellet chante …, a dd-tesban làal. làal [elle ferait apparaître la situation] « Elle éclaircirait tout »
___ 469
15.
20.
25.
30.
35.
40.
45.
50.
183
Yenγa Yen a-yi uduqes Yezgan degdeg-yiÑes La ttrağuγ ttrağu tafat Ahaq ad yekkes
Les sursauts me tuent, Qui meublent mon sommeil : J’attends la lumière Qui les élimine183 !
Ugwadeγ ade tikli Di éélam yakkw weàdweàd-I Si mi ara dd-tas tafat AsAs-d a tiziri
J’ai peur de marcher Seul dans les ténèbres : En attendant la lumière, Viens, toi clair de lune !
èélam ma d ååeàà Kul mi ara dd-yas yefreà KkesKkes-it a tafat S yetri n ååbeà
Les ténèbres, paraît-il, Aiment à venir : Ôte-le, lumière, Par l’étoile du matin !
IwetIwet-d ubruri YessaYessa-d i wedfel NurğaNurğa-t ad yawi Γas as ma ad iεeééel i eééel Abrid a tt-nelli Kul mi ara tt-idid-yergel D nnubannuba-k freà !
La grêle est tombée En couche à la neige ; Nous avons attendu qu’elle fonde Bien que tardivement ; Nous ouvrirons la voie Chaque fois qu’elle la bouchera, A toi d’être heureux !
IsuÑIsuÑ-d waÑu
Le vent a soufflé
Yewwi leqramed Axxam ii-yettu a Yebγ iwed Yeb a ss-iεiwed YefnaYefna-yaγ anan-nru Ma ad asemmed as-nεemmed D nnubannuba-k freà !
Et a emporté les toits ; Toute maison oubliée, Il l’emporterait ; Il nous resterait les larmes Si nous le laissons faire, A toi d’être d’heureux !
IsuÑIsuÑ-d waÑu Yessufeg aγebbar a ebbar IêriIêri-k a yettru Yeggumma ad yeqqar SfeÑ imeééawenimeééawen-ik Kker a dd-terreÑ ttar ttar D nnubannuba-k freà !
Le vent a soufflé Et a soulevé la poussière ; Si tes yeux pleurent Et ne veulent s’arrêter, Sèche alors tes larmes Et prends ta revanche, A toi d’être heureux !
IsuÑIsuÑ-d ubeàri Si ccerq i dd-yekka Lexbar i dd-yewwi YuγYu -d timura YewweÑYewweÑ-d wasswass-nni Nettrağu s tuffra D nnubannuba-k freà !
La brise a soufflé A partir de l’est, La nouvelle qu’il a apportée S’est répandue dans tous les pays ; Arrive le jour Que nous attendions secrètement, A toi d’être heureux !
Iéij mi dd-iÑal DegDeg-s i dd-yeflali
Le soleil qui point Se reflète en elle,
Littér. : [peut-être il (s’)enlèverait]
___ 470
55.
A dasdas-d-isawal Akken ad asas-yini AssAss-a nniγnni -d awal Yeffren iÑelli D nnubannuba-k freà !
Il l’apostrophe En vue de lui dire : Aujourd’hui, je dis le verbe Qui hier était caché, A toi d’être heureux !
Ifer ibawen La feuille de fèves Yegman d asawen Qui croît vers la haut : Xellunecra La pléthore la saigne Xellun-tt (xlan(xlan-tt) -a-εecra YeàyaEt un la libère, Yeàya-tttt-id yiwen D nnubannuba-k freà ! A toi d’être heureux ! __________________________________________________________________________________________
60.
78. RğuRğu-yi 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
184
Attends-moi !
Leεca Le ca wiss d acu yeÑran S umeğğed taddart teqlaε Lγaci aci ffγen ff enen-d s izenqan Tiziri tbedd γeef yeêra Di tafateddan tafat-nni i dd-εeddan Ayen akken i dd-εebban ebban YufrarYufrar-d nnig iqerra
Le soir que s’est-il passé, Se lamentant, le village entier est parti ; Les gens sortaient dans les rues Et la lune éclairait les pierres ; Sous cette lumière ils passèrent, Ce qu’ils transportaient Apparut au-dessus de têtes.
AzekkaAzekka-nni mi dd-kkreγ kkre Tiγri ibad ur sTi ri nn-lεibad s-sliγ sli Éni neélenneélen-t ur àeÑreγ àeÑre Yili di taddart i lliγ lli AmAm-win ss-innan A kk-wteγ wte Yerna a kk-ggalleγ ggalle Ma tsuγeÑ tsu eÑ ard ad ccektiγ ccekti
Le lendemain au réveil, Je n’entendis pas l’appel des gens : L’a-ton enterré en mon absence J’étais pourtant au village ; Comme si l’on promet des coups A qui l’on jure Que s’il crie on s’en plaindrait !
Ayen akkw i nehder Wissen ma a dd-yehÑer YefkaYefka-t unebdu i lexrif Ma nniγnni -am åber TeêriÑ ulayγer ulay er IàfiÑ ååber n bessif Ma nru ma nehder Ma nsuγ nsu ma neqber Ayen êêayen ur dd-ittixfif
Tout ce qu’on s’est dit, Qui sait s’il sera, L’été l’a donné à l’automne ; Si je te dis : « Patience ! », C’est chose inutile, Apprends la patience forcée ; Pleurer ou parler, Crier ou suffoquer N’allégerait pas nos peines184 !
RğuRğu-yi, rğurğu-yi Nnan wid ii-s-issawlen D lgirra ii-yezwaren RğuRğu-yi
Attends-moi, attends-moi ! Ceux qui ont appelé ont dit Que guerre est priorité, Attends-moi !
Rğu ad amam-hedreγ hedre Fiàel ma εeééle eééleγ eééle TeêriÑ d acu i daγda -yuγen yu en D abrid ad ruàeγ ruàe Ayen iÑran qebleγ qeble i ra Lexbar nd-yuγalen yu alen n-w a d-
Attends que je te dise Inutile d’attendre, Tu sais de quoi nous souffrons ; Il est temps que je parte Et j’accepte tout, Les revenants rapporteront des nouvelles ;
Littér. (v. 21-23) : [si nous pleurons si nous parlons, si nous crions si nous suffoquons, ce qui étant lourd ne s’allégerait]
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75.
185
Γer er din mi ara-y-awÑeγ awÑe Ad amam-d-ketbeγ ketbe A mm-d-àkuγ àku i didi-yuγen yu en
Quand j’y arriverai, Je t’écrirai Pour te raconter ma peine.
RğuRğu-yi, rğurğu-yi Widak ii-yettÑebbiren SnulfaSnulfa-iyiiyi-d aεdawen a dawen RğuRğu-yi
Attends-moi, attends-moi ! Ceux qui nous gouvernent M’ont inventé des ennemis, Attends-moi !
Γer tmacint uliγ uli D irfiqen nn-ufiγ ufi UdemUdem-iw amam-wudmawenwudmawen-nsen DegDeg-sen ttwaliγ ttwali Γer erer-sen ttcabiγ ttcabi Yiwen uεekk u ekkwaz i γ--yewten Ma teγlim te lim lliγ lli i Tellam m ara γli liγ li Di lmeànalmeàna-nneγ nne d atmaten
Je suis monté dans le train J’y ai trouvé des compagnons, Mon visage était comme les leurs ; Je les regardais, Je leur ressemblais, Nous avions les mêmes ennuis185 : Vous tombez et je suis là, Vous serez là si je tombe, Nous sommes frères dans notre chagrin.
RğuRğu-yi, rğurğu-yi ceggεen cegg enen-iyi ad nnaγe nna eγ a wissen ahat m a daleγ d-uγale ale RğuRğu-yi
Attends-moi, attends-moi ! Ils m’ont envoyé au combat, Qui sait si j’en reviendrai, Attends-moi !
Mi newweÑ ttwennseγ ttwennse Deg--waéas yidDeg yid-neγ ne εε ÊÂεud ÊÂ ud mbe id i s(en)s(en)-nsell Mi beddlen beddleγ beddle Leàwayeğ ii-y-kkseγ kkse Rğant ad ii-d-yerr wesfel ImirImir-enn ugwadeγ ade Di ddqayeq àessbeγ àessbe Wi ara dd-yuγalen yu alen ad awenawen-imel
A notre arrivée, j’étais bien accompagné, Nous étions nombreux, Nous entendions au loin des grondements ; Comme eux je me suis changé Et les habits dont je me suis défait Attendaient que le sacrifice me vomisse ; Alors j’ai eu peur, Je comtais les minutes : Les revenants vous raconteront.
RğuRğu-yi, rğurğu-yi S azrar εellqen ellqenisem-iw ellqen-iyi isemw y Lemk aàel ger ifassenifassen-iw RğuRğu-yi
Attends-moi, attends-moi ! Mon nom était suspendu à un collier Et les armes entre les mains, Attends-moi !
TettuγTettu -kem tikwal YekkesYekkes-ikem wuzzal YekkesYekkes-ikem si ger wallenwallen-iw Aγebbar ebbar azal Ur àwağen awal D wid ii-itezzin di lmuxlmux-iw Ass yekfan mazal Azekka a dd-yuγal yu al Sεerqen erqenerqen-iyi leàsableàsab-iw
Je t’oublie parfois, Le fer te soustrait Et t’éloigne de mes yeux ; Poussière et midi N’ont besoin de mots, Ce sont eux qui hantent mon cerveau ; A la journée finie Succède le lendemain, Ils m’ont faussé mes calculs !
RğuRğu-yi, rğurğu-yi ÊÂmel s yiéij yeàma IkemmelIkemmel-as rråas yerγa yer a RğuRğu-yi
Attends-moi, attends-moi ! Le sable chauffé par le soleil Est brûlé par le plomb, Attends-moi !
Littér. : [(c’est) un (seul) bâton qui nous ayant frappés]
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80.
75. 85.
Sliγ Sli taqcict terna SemmiSemmi-yas lehna Ahat ad telhu d lfal Neεya Ne ya di lgirra D amennuγ amennu neÂwa Ma ulac a γ--d-iÂjem wakal Neàzen mi nenγa nen a Nefreà mi dd-neggwra A ss-nekkes nnubannuba-s i ccwal
J’ai entendu qu’une fille est née : Appelle-la La Paix, Pour qu’elle soit notre porte-bonheur ; La guerre nous a usés, Nous en avons assez de combattre De peur que la terre nous lapide ! Tristes d’avoir tué, Heureux d’avoir survécu, Chassons maintenant le trouble !
RğuAttends-moi, attends-moi ! Rğu-yi, rğurğu-yi a 90. Kul w ad yuγal Que chacun rentre chez soi yu al s axxamaxxam-is Akken ad isfeÑ leğraàPour panser ses blessures, leğraà-is RğuAttends-moi ! Rğu-yi __________________________________________________________________________________________
79. IÑul s anga ara nruà 1.
5.
10.
15.
Nous allons très loin !
[Ay iéij àader ad teγliÑ te liÑ La nleààu naddam telliÑ Nugwad ad aγa -d-ilàeq yiÑ IÑul s anga ara nruà NessawelNessawel-akak-n ma ma tesliÑ Neàma nugwad anan-nismiÑ Nessarem ad yidyid-neγ ne tiliÑ IÑul s anga ara nruà] (*)
Soleil, garde-toi de tomber, Nous marchons tant que tu es, Ayant peur que la nuit nous rattrape, Nous allons très loin ; Nous faisons appel à toi, Chauds, nous craignons de refroidir, Espérant que tu seras avec nous, Nous allons très loin.
âman yidammen i tikli Γas as akka ifaddenyan ifadden-nneγ nne εyan ε NeÑma tagmatt di lγaci l aci Ad neγsen ne sen segseg-wul wurfan Γas as ma la nteddu àafi AnAn-netbeε netbe later i γ--d-ğğan Akken ad aγa -d-lhun wussan IÑul s anga ara nruà (*)
Nous désirons tant la marche186 Bien que nos jambes soient épuisées, Nous souhaitons la solidarité des gens Pour atténuer nos colères ; Bien que nous marchions pieds nus, Nous suivrons la voie des Anciens Pour que nos jours soient meilleurs, Nous allons très loin.
Tiγilt A chaque crête passée, Ti ilt ii-yekfan fellfell-aγ A dIl en apparaît une autre ; d-tban mazal mazal tayeÑ Lweqt ittεedd Le temps passe à notre insu, itt eddi iεreq i reqreq-aγ 20. I daγNotre but est d’arriver : da -d-icqan d asiweÑ Leεqel La raison viendrait à nous manquer, Le qel ma yebda yeffeγyeffe -aγ Γas as ma yettnuz a tSi elle se vend nous l’acquerrions t-idid-naγ na A tPour la vaincre avant qu’elle nous combatte, t-nernu qbel a γ--yennaγ yenna IÑul s anga ara nruà Nous allons très loin ! (*) __________________________________________________________________________________________
80. Amcum 1. 186
Le maudit
A wenwen-isiwel
Il ferait appel à vous,
Littér. : [le sang est chaud pour la marche]
___ 473
5.
10.
15.
20.
25.
30.
35.
40.
45.
187
Wiss ma a dd-terrem awal Ma tessusmem Mačči d lmuàal Nnan di ééiq I dd-yettban yettban werfiq Ma yella d uàdiq Iεemmed emmed γeef ccwal
Peut-être lui répondriez-vous ; Vous vous tairiez, Ce n’est pas impossible : C’est dans la difficulté, dit-on, Qu’on reconnaît un ami S’il est éclairé Et accepte d’affronter la violence.
A wenwen-isiwel Yeêra a ss-d-teslem Timesla tban Wiss ma a ss-d-terrem Yuγal Yu al wergaz I ncuba γer erer-lbaz Yeêra aεekk a ekkwaz Iγil ilil-it d azrem
Il ferait appel à vous, Il sait que vous l’entendrez Sûrement, Qui sait si vous lui répondriez : Alors l’homme Que l’on comparait à l’aigle, Voyant un bâton, Croit voir un serpent !
UfiγUfi -t-in yeεreq ye req yixfyixf-is Yekcem degdeg-ucebbak yeàåel I tt-issawÑen d nnifnnif-is i Yug ad yeknu zdat ddell Asmi teslam i ååutååut-is Ay iàbibeniàbiben-is Kul yiwen anida yecγel yec el
Je l’ai trouvé perdu, Embourbé dans les filets ; Le sens de l’honneur l’ya poussé, Refusant de plier devant l’arbitraire : Quand a retenti sa voix, Ô amis187 ! Chacun vaquait à ses occupations.
Iqubel ayen iwmi ur yezmir Iγil il yettekka yettkel Yenwa tellam zdeffir Ma yeàåel a wenwen-d-isiwel Asmi teslam i ååutååut-is Ay iàbibeniàbiben-is Kul yiwen anida yerwel
Il a fait face à plus fort que lui, Croyant avoir assuré ses arrières ; Il vous croyait derrière lui, Qu’il ferait appel à vous dans la difficulté : Quand a retenti sa voix, Ô amis ! Chacun de vous a fui !
Iruà iqubel times A dd-iserwel i dd-yeqqimen Tεawnem awnemawnem-t-id s yiles Ad iàareb γeef-waylawayla-nwen Asmi teslam i ååutååut-is Ay iàbibeniàbiben-is Kul wa d acu i tt-inin-yeééfen
Il es allé affronter le feu Et sauver ce qui peut l’être ; Vous l’avez aide par des paroles Pour qu’il défende vos biens : Quand a retenti sa voix, Ô amis ! Chacun de vous était retenu !
Tefkamer zdat iruà Tefkam-t γer Yiwen ur yelli γer tamatama-s Fellziz am rruà Fell-awen εziz Meεni Me ni tewεer tew er lğerralğerra-s Asmi teslam i ååutååut-is Ay iàbibeniàbiben-is Lxuf teåεeb teå eb ssneslassnesla-s
Vous l’avez offert à l’adversité Mais nul n’était à ses côtés ; Il vous était pourtant cher Mais le suivre était pénible : Quand a retenti sa voix, Ô amis ! La peur vous a effrayé !
TettxiÑim mbeεd mbe d aseγres ase res
Cousant après la déchirure,
Littér. : [ô ses amis]
___ 474
50.
D làeqq mi txedmem akka Lukan di ternam γer erer-s i W ara iγellten i ellten taggara Asmi teslam i ååutååut-is Ay iàbibeniàbiben-is Tennam ur yeàric ara
Vous avez agi avec prudence ; Si votre soutien était total, A qui profiterait la fin ? Quand a retenti sa voix, Ô amis ! Vous l’avez pris pour un sot188.
MiSes regrets sont venus trop tard Mi-yendem ifatifat-it làal Ifhem ur yeàric ara Et il a compris qu’il n’était pas malin, Γas as akken issakwi-d acàal Bien qu’il ait réveillé tant d’hommes 55. D ayen i γeef i theddÂem tura Et que vous parliez de lui maintenant : Lemmer ad teslem i ååutAu cas où retentirait sa voix, ååut-is Ay iàbibenÔ amis ! iàbiben-is Ahaqel ur tegganem ara Peut-être ne dormiriez-vous pas ! __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________
81. Si lekdeb γer er tidett
Du mensonge à la vérité
1.
[Lekdeb yurewyurew-d lbaéel Lbaéel d babababa-s n lxuf Lxuf yurewyurew-d tirrugza Tirrugza teγleb te lebleb-iten yakkw
Le mensonge a enfanté l’arbitraire, L’arbitraire est le père de la peur, La peur a enfanté la vertu189, La vertu les vainc tous.
5.
Tirrugza tesεa tes a-d tidett er -làeddTidett mi ara taweÑ γer làedd-is A dd-tesεu tes u lekdeb d mmimmi-s Lekdeb yurewyurew-d lbaéel
La vertu a enfanté la vérité, La vérité, à son apogée, Eut le mensonge comme fils, Le mensonge a enfanté l’arbitraire
Lbaéel d babababa-s n lxuf Lxuf yurewyurew-d tirrugza Tirrugza teγleb te lebleb-iten yakkw a Akk i la tberren ddunit] (*)
L’arbitraire est le père de la peur, La peur a enfanté la vertu, La vérité les vainc tous, Et ainsi tourne le monde !
Lekdeb mi dd-yurew lbaéel IserreàIserreà-as ad yesserwet Yuγal Yu al yekkat ur yettwet Amkan γeef iedda icewwel i-yεedda
Le mensonge, en enfantant l’arbitraire, Le laissa semer le désordre, Frapper en toute impunité Et laisser le trouble sur son sillage.
Lbaéel iåeggem ussanussan-is SsnenSsnen-t yewεer yew er d amencuf Muhab ula d lexyallexyal-is Almi d asmi dd-yesεa yes a (yurew) lxuf
L’arbitraire s’arrogea les beaux jours, On le connaissait rude et méchant On craignait jusqu’à son ombre : Il finit par enfanter la peur.
Lxuf mmimmi-s n lbaéel Yettagwad babababa-s aéas Imuqel amek ara tt-yeγÑel ye Ñel Yesεa Yes a-d tirrugza mm tissas
La peur, fille de l’arbitraire, Craignant beaucoup son père, Chercha le moyen de l’abattre Et eut la vertu comme fille.
Tirrugza teggwrara-d weàdweàd-s
La vertu resta toute seule,
10.
15.
20.
25. 188
Littér. : [vous avez dit : il n’est pas malin]
Le terme tirrugza renvoie à l’idée première de « virilité » avec ce qu’elle charrie dans l’esprit des Kabyles comme valeurs de courage, d’hospitalité…, mais aussi de justice et d’équité, ce qui, à notre avis peut être rendu par le terme français vertu. 189
___ 475
30.
BabaBaba-s yemmut mi dd-tlul Skedd anwi ii-yferàen yesyes-s Nwan di ddunit ad tÑul
Ayant à sa naissance perdu son père : Tout le monde en fut heureux, La croyant éternelle !
TlulurTlul-d tidett γur ur-s Mi dd-tlul bγan b anan-tt merra D yemmayemma-s ii-yferàen yesyes-s TrennuTrennu-yasyas-d lqima
La vérité naquit en elle, Elle était toute désirée ; Sa mère en était heureuse Et en vantait les valeurs !
Tidett mi ara tsel i teγri La vérité, en entendant l’appel te ri I teγri te ri n jedd n jeddijeddi-s Du grand-père de son grand-père190, 35. Mayella a tEt pour le commémorer, t-idid-temmekti A dL’engendrera de son flanc ! d-ilal seg yidisandisan-is (*) __________________________________________________________________________________________
82. Tibratin
Les missives
1.
Aha ddemddem-d astilu astilu A kk-n-àkuγ àku kečč ttaru HeggiHeggi-d lkaγeÑ lka eÑ a dd-yekfu Yeččur wul
Allons, prends une plume, Ecris ce que je te raconte, Prends un papier qui suffise, Le cœur est plein !
5.
A kk-n-hedÂeγ hedÂe s teqbaylit S wayen i kk-ihwan ktebkteb-it Win ur nefhim nefhim sefhemsefhem-it Kečč teêriÑ (teγriÑ (te riÑ ?)
Je parlerai en kabyle, Ecris-le comme il te plaît, Explique à qui n’a pas compris, Toi, tu es instruit.
AruAru-tent am tebratin D kečč ara tenttent-yawin ra D kečč a dasendasen-yinin Dayen iruà
Ecris sous forme de missives, C’est toi qui le porteras, C’est toi le leur diras : Je suis parti191.
Ini-as i yemma àemmleγ àemmle A didi-d-yaf làal ruàeγ ruàe Mi ara nn-yas wayen i mm-n-ketbeγ ketbe SemmeàSemmeà-iyi
Dis à ma mère chérie : « Je serai déjà parti Quand te parviendra ma lettre, Pardonne-moi.
Nekk d ddunit nemxallaf Ur tttt-ufiγ ufi ur didi-tettaf La tettlaεab yidyid-i amam-welqaf TerwiTerwi-yi
La vie et moi nous divergeons, Pour jamais nous rencontrer, Elle se joue de moi tel un osselet, Me brouillant !
Lemmer zmireγ zmire ad asas-kellxeγ kellxe Ad sεu s uγ tasa ad mmteγ mmte I wakken ad asas-rewleγ rewle BerkaBerka-yi
Si je pouvais la tromper, J’aurais le courage de mourir Pour ainsi la fuir, J’en ai assez !
Imi lkurajlkuraj-nneγ nne ifut
Puisque notre courage est désuet,
10.
15.
20.
25.
Une traduction moins fidèle et plus ‘‘poétique’’ donnerait : De l’aïeul de son aïeul ; elle est moins précise que celle qui précise le degré de descendance ici conçu entre le mensonge et la vérité, cycle fermé mensonge–arbitraire–peur–vertu–vérité–mensonge, qui fait de la vérité le descendant de cinquième génération du mensonge mais aussi la mère de celui-ci.
190
191
Littér. : [ça y est il est parti]
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30.
35.
40.
45.
50.
55.
60.
Nettazzal a dd-nawi lqut Nugwad ddunit ddunit d lmut Ad rewleγ rewle
Nous courons après la subsistance, Nous avons peur de la vie et de la mort, Je m’enfuirai.
A yemma aqlaql-i ad rewleγ rewle i ra Ur êriγ êri s an a ruàeγ ruàe Ad leààuγ leààu alamma wwÑeγ wwÑe Wiss s ani
Mère, je m’apprête à fuir Et je ne sais où aller, J’irai jusqu’à atteindre Je ne sais quelle contrée192 !
Kemm êriγ êri ad ii-tfehmeÑ TifeÑTifeÑ-iyi akken didi-tessneÑ i SegSeg-wasm akken i didi-d-turweÑ Siwa làif
Je sais que toi tu me comprendras, Tu me connais plus que je ne me connais, Depuis que tu m’as mis au monde, Je n’ai connu que l’ennui.
LuleγLule -d itri itritri-w d asemmaÑ Mačči d ayen ara dd-tcafaεÑ i TeêriÑ m akken i didi-d-tesεaÑ tes aÑ AnefAnef-iyi
Je suis né sous une froide étoile, Et mon cas est désespéré193, Tu le sais pour m’avoir engendré, Laisse-moi.
TturebbaγTturebba -d d ameàqur SegSeg-wasswass-enn anyiranyir-iw mechur Ma ruàeγ erruàe γer er-lebàer teqqur D akkagi
J’ai été éduqué dans le dédain Et depuis mon destin est scellé, Toutes mes sources sont taries194 : C’est ainsi.
Mi meqqreγ ileγ meqqre γile ile ad tbeddel A yemma imiren i tkemmel Ula d asirem fiàel Dayenni
Ayant grandi, j’ai cru que cela changerait, C’est alors que que cela a empiré, Espérer est inutile, C’est fini.
Ma nniγnni -am qim di lehna ëriγ ëri ur twehhmeÑ ara Cerreg Cerreg tabratttabratt-iw takfa TtuTtu-yi
Si je te fais mes adieux195, Je sais que tu ne t’étonneras pas, Ma lettre est finie, déchire-là Et oublie-moi.
KtebKteb-as tura i texÑibttexÑibt-iw Ad tekkes taxatemttaxatemt-iw SiweÑSiweÑ-as merra lehduÂlehduÂ-iw SefreàSefreà-itt
Ecris maintenant à ma fiancée, Qu’elle se défasse de ma bague ; Porte lui tous mes propos, Egaye-la !
TabrattTabratt-agi mi ara tttt-teγreÑ te reÑ ëriγ ëri aéas ara tferàeÑ SerràeγSerràe -am ad textireÑ Win tebγiÑ teb iÑ
Cette lettre, lorsque tu l’auras lu, Je sais que tu en seras heureuse : Je t’autorise à choisir Celui que tu veux.
Asmi didi-kemkem-ifka babababa-m I êriγ êri texreb neyyaneyya-m UlUl-im kra ii-yessaram IruàIruà-as
Le jour où ton père m’a accordé ta main, J’ai vu tes intentions brouillées, Tout ce qu’espérait ton cœur Fut parti.
192
Littér. : [qui sait vers où (?)]
193
Littér. : [ce n’est pas ce que tu sauverais]
194
Littér. : [si je vais à la mer elle est sèche]
195
Littér. : [si je te dis : reste en paix]
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65.
70.
75.
80.
85.
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95.
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105.
196
AssAss-agi lliγlli -amam-d lqid RriγRri -amam-d ulul-im d ajdid Mennaγ Menna ad amam-d-ifk ubrid Siwa lxir
Aujourd’hui je coupe l’entrave, Je fais renaître ton cœur, Je ne te souhaite dans ta voie Que du bien !
Mačči d nekk i mm-ilaqen Nekk segseg-wagad yettewten AmkanAmkan-iw d iderwicen TifeÑTifeÑ-iyi
Ce n’est pas moi qu’il te faut, Je fais partie des damnés, Ma place est parmi les fous, Tu es meilleure que moi !
Xtir aqcic la yeqqar D éébib neγ ne d lkumiåar Neγ Ne win yettfeÜÜiÜen am lefnar D lemtellemtel-im
Choisis un garçon instruit : Médecin ou Commissaire Ou celui dont la beauté sublime196 Egale la tienne.
Tabratt rent wallenTabrattatt-agi ara γrent wallen-im SfeÑ yesyes-s imeééi nn-lferàlferà-im ÉfesÉfes-itt ddaw uÑaruÑar-im Dayenni
Avec cette lettre que tu viens de lire, Essuie tes larmes de joie Et écrase-la sous ton pied, C’est fini.
Tura a kk-weååiγ weååi s iàbiben D widak i didi-issnen A kk-n-iniγ ini kečč ktebkteb-asen Yerkwelli
Maintenant adresse-toi à mes amis Et à ceux qui me connaissent : Je te dirai et tu leur écriras A tous.
Ay iàbibeniàbiben-iw a kwenen-ğğeγ ğğe S kunwi s wayen i nebda Lεahed ahed i yidyid-wen cerkeγ cerke Ugadeγ Ugade ur ss-zmireγ zmire ara
Ô mes amis, je vous laisse, Vous et tous nos projets communs ; Le vœu que nous nous sommes donné, J’ai peur de ne pouvoir l’honorer ;
Tebγam Teb am taswaεt ad tbeddel Tebγam Teb am a dd-iban lefàel Tebdam teggullem ad tkemmel Mennaγ Menna ard tawÑem Teggullem ad yekkes lbaéel Yir tikli yidyid-s ard tenéel Tamurt fellfell-awen tettkel Mennaγ Menna ard tawÑem
Vous vouliez changer les choses Et qu’émerge le vaillant homme, Vous aviez juré de continuer, Je vous souhaite d’y parvenir ; Vous aviez juré d’éradiquer l’injustice, D’enterrer la mauvaise conduite, Le pays compte sur vous, Je vous souhaite d’y parvenir.
Ğğiγ Ğği lεahed l ahedahed-iw ifut Nγiiγ--t ugadeγ ugade a tt-tenγem ten em Teggullem alamma d lmut Lameεn Lame na ugadeγ ugade ad tbeddlem Lameεna Lame na ugadeγ ugade ad tettum i ra Asm a wenwen-d-isiwel uγrum u rum Ala yidyid-s ara dd-telhum AyenAyen-nniÑen ar tt-teğğem Dγa assass-enn mi ara teÂwum Ddunit ard a wenwen-tdum ra Win a wenwen-ihedÂen d amcum Ugadeγ Ugade ar tt-tenγem ten em
J’ai failli à mon serment, Je crains que vous fassiez de même ; Vous avez juré jusqu’à la mort Mais je crains que vous ne changiez ; Je crains que vous n’oubliiez A l’appel de la pitance Qu’elle soit votre seul souci, Que vous abandonniez tout le reste ; Car lorsque vous n’aurez plus faim, Que vous aurez la vie facile, Maudit sera celui qui vous parlera, Je crains que vous ne le tuiez !
Littér. : [ou celui brillant comme un phare]
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125.
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150.
Ma iγaÑ i aÑaÑ-ikwen làal merra Ttxilwat samàetsamàet-iyi Ayen akkw i dd-qqareγ qqare assass-a NeêraNeêra-t yeÑrayeÑra-d iÑelli Kul wa ad yili s warrawwarraw-is Ad ittagwad γeef-wemkanwemkan-is A dd-ilhu ala d ccγel cc elel-is A ss-yini tåeggem Mi ara dd-tettmektim iÑelli Tinim-as i txeddem temêi Nfaq tura ula d nekwni NexÑaNexÑa-yas i lhemm
Si vous êtes tous fâchés, Je vous prie de m’excuser ; Tout ce que je dis aujourd’hui A vraiment eu lieu hier : Chacun aura des enfants, Craindra de perdre sa place, Ne s’occupera que de ses affaires Et dira que tout va bien ; Lorsque vous vous remémorerez le passé, Vous direz : « Erreur de jeunesse ! Nous aussi nous sommes éveillés maintenant, Nous fuyons les ennuis. »
Di lemtul ara wenwen-d-fkeγ fke Γurwat urwat ma γelée eléeγ elée Tidett rreturrret-iyiiyi-d ar γur ur-s Nettemyasam gargar-aneγ ane Ma ibeddibedd-d (iban(iban-d) gmagma-tneγ tne Ma zeddig ard a ss-names Mi dd-iban wergaz degdeg-neγ ne Amzun mačči nneγ nne erD nekwni ara yezwiren γer er-s A tt-nenfu neγ ne a tt-neneγ ne Mi tt-nekkes segseg-neγ ne Nettu leqyud yesseγres yesse res
Dans les exemples que je vous donnerai, Prenez garde à ce que je ne me trompe, Faites que je me rende à la vérité ; Nous nous envions entre nous Et aussitôt qu’émerge notre frère, S’il est pur nous le salissons197 ; Si parmi nous un homme émerge, C’est comme s’il n’était pas des nôtres, Nous sommes les premiers à l’éliminer198 : L’exilant ou le tuant, L’éliminant des nôtres, Nous oublions les chaînes qu’il a brisées !
Nesteràib s uberrani Akken ibγu ib u yili Lhiba a ss-tttt-idid-nesnulfu Di leεnaya le nayanaya-nneγ nne idduri UlUl-nneγ nne yelli GarGar-aneγ ane akken ibγu ib u yelàu Gmaas ma yeγli Gma-tneγ tne γas ye li D ssmaà wer yelli Neεfes Ne fesfes-it w ad asas-nernu GarGar-aneγ ane yekker yimenγi imen i i Alm ur nettwali Aεdaw daw mi dd-yewweÑ a γ--yefru
Nous accueillons l’étranger, Et quel qu’il soit Nous lui inventons la révérence ; Lui accordant notre protection, Nous lui ouvrons notre coeur Et quelle que soit sa conduite ; Notre frère, même à terre, Ne lui pardonnant point, Nous l’écrasons sans retenue, Et nous nous entretuons Jusqu’à ne plus voir Arriver l’ennemi pour nous séparer !
Ccwal yeÑran ger tudrin Ur dd-iğğa ara inin Ara inin yineggura γe e F jme liman i γellin ellin jmeεliman Mmuten ur êrin Anida i tezdeγ tezde ssebba
Les troubles survenus entre les villages Ont laissé cois Les générations d’après ; C’est pour l’honneur qu’ils tombaient, Ils mouraient sans savoir Où se situait la cause ;
(traduction de T. Yacine, p. 317). Comme Âwu « être rassasié » (ch. 36, v. 16, note 61), le verbe ames « être sale », pourtant passif-intransitif, connaît ici un emploi actif-transitif, comme dans le vers 36 de la chanson 126. L’emploi ‘‘normal’’ de ames « être sale » et simes simes « salir » peut être relevé dans l’œuvre (ch. 155, v. 49 ; ch. 156, v. 87 et 89). 197
198 Littér. : [c’est nous qui allant devancer vers lui]. éliminer ici ne signifie pas « tuer », comme on peut voir les précisions exiler et tuer dans le vers suivant.
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155.
S kra zerεen d kra yemγin yem in Yeγleb Ye leb yakkw lesnin YewweÑYewweÑ-aγ--d nemgernemger-it assass-a Asmi ttqaraεen taεdawin ta dawin Azger wer tt-êrin Mi sentsent-isexreb azeééa
Tout ce qu’ils semé et qui a germé A traversé les siècles Pour que nous le moissonnions199 Lorsqu’ils épiaient les ennemies, Ils n’ont pas vu venir le taureau Qui leur a brouillé le tissage200 !
Ma nexdem akken ixdem yeγleÑ ye leÑ Si comme lui201 nous nous trompons202, AnNous tournerions en rond An-ntezzi ntenneÑ Nettuγal Et revenons à la case départ, Nettu al ansi dd-nekka 160. LqumLe peuple d’antan a failli Lqum-nni n zik yecceÑ TawacÑa tseffeÑ Mais sa faute est pardonnable, Muqlet γer er zdat tura Allons de l’avant maintenant ; Tiγri L’appel que nous avons entendu en têtant le sein Ti ri nesla mi nteééeÑ Tezwar kul tayeÑ Prime sur tous les autres, 165. Γurwat urwat a sGardez-vous de le lâcher aujourd’hui ; s-tebrum assass-a Zik wa iheddeÂiheddeÂ-itt i wayeÑ Jadis il était oral, AssIl est désormais sur le papier Ass-a di lkaγeÑ lka eÑ Pour que nos descendants le trouvent. A tttt-idid-afen yineggura __________________________________________________________________________________________
83. A lmuslmus-iw 1.
5.
10.
15.
Mon sabre
Annaγ Anna ya Sidi Rebbi Anwa igenni deg tettiliÑ Ma d wa yella nnignnig-i Yebεed Yeb ed bac a yi-d-twaliÑ AbernusAbernus-is yettwakkesyettwakkes-iyi ÉefsenÉefsen-t akkw ma d kečč teêriÑ
Las ! Seigneur Dieu ! Dans quel ciel habites-tu ? Est-ce celui au-dessus de moi, Assez loin pour que tu ne me voies ? Mon burnous m’a été ravi, Piétiné et tu le sais !
[A lmuslmus-iw CcÑeγ CcÑe yeγl ye li ubernusubernus-iw] (*)
Ô mon sabre, J’ai glissé et est tombé mon burnous !
CcÑeγ ef yiri nCcÑe γef n-wasif Γile ileγ ile yiwen ur dd-ittwali Ziγen Zi en di tizi n làif Lmumen iàeÑÑer ittili Lmumen d gma n bessif YernaYerna-d agadir fellfell-i (*)
J’ai glissé sur le bord de la rivière Mais croyais que personne ne regardait ; Tandis qu’en période de peine Le croyant est omniprésent : Le croyant, mon frère imposé, M’a enfoncé davantage
A lğarlğar-iw issin amkan Mebla ma àuddeγàudde -ak tilas A la txeééuÑ iberdan LmutLmut-ik tebniÑ fell fell-as
Mon voisin, sache tes limites San que je ne te fixe les bornes ; Tu adoptes une mauvaise conduite203, Et ainsi tu programmes ta mort :
199
Littér. (v. 152 et 153) : [il a vaincu toutes les années, il est arrivé jusqu’à nous nous l’avons moissonné aujourd ’hui]
200
Des vers 154 à 156 nous avons fait une traduction littérale.
Nous pensons que ce pronom, à valeur cataphorique, renvoie, dans la traduction, ainsi que le voudrait le texte kabyle, à peuple (lqum).
201
202 203
Littér. : [si nous faisons comme il a fait il s’est trompé] Littér : [tu t’écartes des chemins]
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20.
Ma ggulleγggulle -ak jmeεliman jme liman QeddemQeddem-d ma zadent tissas (*)
Je te fais un serment ferme, Avance si tu es courageux !
AssAujourd’hui que j’ai perdu mon procès, Ass-agi xeåreγxeåre -d ccraε-w Nnan ad tkecmeÑ leàbas Je vais faire de la prison204 ; A wenJe vous dirai mon erreur, wen-d-iniγ ini sseyyasseyya-w A wenJe vous en dirai la cause : wen-d-iniγ ini ssebbassebba-s 25. UfiγSurprenant un Arabe dans ma propriété, Ufi -d aεrab a rab di tferkatferka-w Sserγe Je l’ai arrosé de plombs ! Sser eγ--t-id s uàlalas (*) (*) __________________________________________________________________________________________
84. Askuti 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
Le boy-scout
SàefÑenreγ SàefÑen-iyi ad γre re y Lqaεa Lqa a d igenwan Degerqeγ Deg-yiÑ imi ara εerqe erqe Ttafeγ Ttafe abrid s yetran Si mkul amkan wwÑeγ wwÑe Medden àemmlenàemmlen-iyi Asmi lliγ lli d askuti
Ils m’ont appris à lire La terre et les cieux Pour qu’à la nuit tombée si je me perds Je retrouve mon chemin grâce aux étoiles : Dans tous les lieux que j’ai visités Les gens m’aimaient Quand j’étais un boy-scout.
Tennam Tennam angaanga-t yetri Nekk nwiγ nwi s tidett Ziγen Zi en meskin yeγli ye li TeééfemTeééfem-t-id di tcerkett Sers allenallen-ik seg yigenni Muqelef tayett Muqel-itit-id γef Ur telliÑ d askuti
Vous avez demandé où était l’étoile, Je croyais que vous disiez vrai Alors qu’elle était tombée, la pauvre ! Et vous l’avez prise au piège : Détache tes yeux du ciel Et vois-la sur l’épaule, Tu n’es pas un boy-scout !
Terram widen yeêran A γ--Ñbaεn tamusni TemlamTemlam-iyi ayen ilhan Yakkw d wayen ur nelhi TemlamTemlam-iyi ayen illan Yakkw d wayen ur nelli Asmi lliγ lli d askuti
Vous avez fait de ceux qui savent Des dispensateurs de sagesse, Vous m’avez montré le bien Ainsi que le mal ; Vous m’avez montré le réel Ainsi que le virtuel, Quand j’étais un boy-scout !
TerramTerram-t ad ad yesseàfaÑ Ayen ittnadi ur tt-ittaf SegSeg-uyeffus s azelmaÑ Seger lkaf Seg-webrid γer Yernaer wiyaÑ Yerna-yi γer A Rebbi iliili-k yidyid-i Ur lliγ lli d askuti
Vous l’avez poussé à instruire Et à ne pas trouver ce qu’il cherche, De la droite vers la gauche, Du chemin vers le ravin : Il m’a assimilé au tas205, Que Dieu soit avec moi, Je ne suis un boy-scout !
Tennam εass ass lğarlğar-ik Ma yenéer γur urur-s azzel
Vous m’avez dit : « Surveille ton voisin, S’il souffre, vole à son secours ;
204
Littér. : [ils ont dit : tu entreras en prison]
205
Littér. : [il m’a ajouté aux autres]
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35.
40.
45.
50.
55.
Ur kk-ittγaÑ itt aÑ yimanyiman-ik D abruri neγ ne d adfel Medden yakkw d atmatenatmaten-ik Di ddunit yerkwelli Asmi lliγ lli d askuti
Tu ne te prendras point en pitié, Qu’il tombe la grêle ou la neige : Tous les gens sont tes frères Dans le monde entier. » Quand j’étais un boy-scout !
Tennam εass ass lğarlğar-ik Muqel d acu ii-yhedder Ayen ixdem d ccγel cc elel-ik Nekwni nebγ neb a a tt-nêer ëwer awiawi-d imaniman-ik LegÂadLegÂad-ik ad yali Ur telliÑ d askuti
Vous m’avez dit : « Surveille ton voisin, Cherche à savoir ce qu’il dit ; Ce qu’il fait, c’est ta besogne, Nous voulons le savoir ; Sois parfait, excellent, Tu monteras en grade, Tu n’es pas un boy-scout ! »
Anga teddiÑ làu Ur qebbel ara lbaéel Akken wi illan yettru D kečč iwmi ara dd-isiwel Anga teddiÑ cfu Làeqq yidyid-k ara yili AqlAql-ikik-id d askuti
Où que tu ailles, marche N’accepte pas l’arbitraire Pour que celui qui pleure Ne fasse appel qu’à toi : Où que tu ailles, souviens-toi, L’équité t’accompagne, Te voilà un boy-scout !
Lehlak ibdaibda-d si rrif Kul wa anda illa a tt-iàaz i W ur neqbil yella ssif Ul aànin ad yeddaz Terram ilesiles-iw d lkif AfusAfus-iw d aεekk a ekkwaz Ur lliγ lli d askuti
Le mal est général, Il atteint tout le monde ; Qui refuse, on le force, On torture le cœur tendre : De ma langue vous avez fait de l’opium Et de ma main un bâton206, Je ne suis un boy-scout !
Tiγri Cet appel que vous entendez Ti riri-yagi a tsellem TekkaMe vient de ma jeunesse ; Tekka-yiyi-d si temêi ëriγ Je sais que vous le comprendrez ëri a tttt-tfehmem 60. DegCar en réflexion vous me surpassez : Deg-umeyyez tifemtifem-iyi Γurwat urwat ad iPrenez garde de me croire, i-tamnem Ur tteddut yidNe me fréquentez pas, yid-i Nekk mačči d askuti Je ne suis un boy-scout ! __________________________________________________________________________________________
85. Anejmaε Anejma
L’assemblée
1.
Yehde wi ur nefhim ara A win ifehmen susem Aàric ur yiyi-t-teğğiÑ ara TerniÑ ula d asirem
C’est l’inculte qui a parlé, Se tait qui est intelligent ; Tu ne m’as laissé aucune part, Tu as même emporté l’espoir !
5.
TerniÑ asirem tewwiÑtewwiÑ-t TewwÑeÑerTewwÑeÑ-iyiiyi-d γer er-lmuàal Mayella ad ii-d-terreÑ cwié Aha melmel-iyiiyi-d s wacàal
Ayant emporté l’espoir, Tu me demandes l’impossible ; Si tu m’en restitues un peu, Peux-tu me dire pour combien ?
206
Les vers 54 et 55 sont inspirés du titre du roman L’opium et le bâton de Mouloud Mammeri.
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10.
15.
20.
25.
30.
35.
40.
TxedmeÑ lbaéel tezriÑtezriÑ-t Kra i dd-ikkan segseg-i tenγiÑ ten iÑiÑ-t de TenγiÑ Ten iÑ tamurt g i nemlal
Tu es l’auteur d’injustices, Tu as tué tout ce qui vient de moi, Et le pays où nous nous sommes rencontrés
D ass unejmaε S uberraà i dd-isawel WwÑenwÑen-d merra InéeqInéeq-d degdeg-sen leεqel le qel AnAn-nsiwel i làeqq Yakkw d tidett Tezdeg d lferà Siwa nutni ara neqbel
C’est jour d’assemblée, Le crieur l’a annoncé ; Ils sont tous arrivés Et la sagesse parla en eux : Faisons appel à l’équité, A la vérité, A la propreté et à la joie, Nous n’accepterons que celles-là !
YewweÑYewweÑ-d làeqq Itebεa Iteb a-t-id lbaéel Yugi a ss-yeÑleq Nekk yidyid-k ara neddukel Lemmer ur lliγ lli Ur tettiliÑ tettiliÑ Lemmer ur telliÑ Rrwaàer da yebéel Rrwaà-iw γer
Arriva l’équité, Suivie par l’arbitraire ; Refusant de la lâcher, Il l’accompagne toujours207 : Si je n’étais, Tu ne serais ; Si tu n’étais, Vaine serait ma venue !
TewweÑTewweÑ-d tidett Lekdeb yeddayedda-d d uÑaruÑar-is Yak akken i ntett Wi ara isemmàen deg-werfiqwerfiq-is YesYes-s ay lliγ lli Tella yesyes-i Kul mi ara teγli te li TtaééafeγTtaééafe -asas-d amÑiqamÑiq-is
Arriva la vérité, Le mensonge lui emboîta le pas ; Mangeant ensemble, Aucun ne peut livrer l’autre : « C’est grâce à elle que je suis, C’est grâce à moi qu’elle est, A chaque fois qu’elle tombe Je me substitue à elle. »
YewweÑYewweÑ-d leàzen Yesles--d i lferà abernus Yesles Akken i dduklen Tezdeg tettastettas-d s wammus Akken i ttilin Akken i ttγimin tt imin Akken i ttwalin Wa ur yettak degdeg-wayeÑ afus
Arriva la tristesse, Vêtant d’un burnous la joie, Ils vont ensemble Comme vient la propreté par la saleté : Ensemble ils sont, Ensemble ils restent, Ensemble ils voient, Ils se protègent l’un l’autre.
Ahya lεeqqal Vous les sages, l eqqal Ssefrut--aγ--d anbejmaε Interprétez-nous l’assemblée ; Ssefrut Yekfa wawal Que reste-t-il à dire IbanAlors que tout est clair ? Iban-d làal akken illa Tugim lekdeb Vous refusez le mensonge Yakkw d lbaéel Ainsi que l’arbitraire, 50. Tugim ammus Vous refusez la saleté : Llan yakkw degIls sont tous en vous ! deg-wen merra __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________ 45.
207
Littér. : [moi avec toi nous nous accompagnerons]
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86. Arrac n Lezzayer 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
35.
40.
Les enfants d’Algérie
Tekker tmes tuγal tu al tensa Tensa tmes mazal tayeÑ Kul yiwen i lweqtlweqt-is yecfa Kul wa d times dd-issaweÑ Kul lqern yurğa lehna lehna a Waqil abridabrid-is yenneÑ A tamurttamurt-iw MelMel-iyi anidaanida-t yisemyisem-iw
Le feu s’est allumé puis s’est éteint, Un feu éteint, il en reste un autre ; Chacun se souvient de son époque Et chacun a apporté son feu ; Chaque siècle a espéré la paix, Peut-être son chemin est-il sinueux : Ô mon pays, Dis-moi où est mon nom !
ĞğanĞğan-aγ--d yimezwura Ayen i s ara dd-iban iban yiles Γas as fellfell-as la nettεassa nett assa Kul aseggwas yečča segseg-s w Nug ad a tt-inin-naf yekfa YiwurYiw-wass mi ara nedlu γur ur-s A tamurttamurt-iw LliLli-d làebs i yisemyisem-iw
Les Anciens nous ont légué De quoi promouvoir la langue ; Bien que nous la gardions, Chaque année la grignote ; Nous craignons de le trouver épuisé Un jour que nous lui rendrons visite : Ô mon pays, Libère mon nom !
TamurtTamurt-iw tesε tes a aqerru Kul mi ara tessufeγ tessufe aεdawen a dawendawen-is Win yeffγen yeff en ad asas-yedεu yed u I wakken ur dd-ittban yixfyixf-is TàuzaTàuza-yaγ ya deεwessu de wessu D nekwni i tezla s yicceryiccer-is Di ééiq nella mimi-yensa ujajià ujajià nekfa
Mon pays possède un chef Chaque fois qu’elle chasse ses ennemis ; Celui qui en part fait une prière Pour qu’elle n’émerge point ; La malédiction nous a atteints, Elle nous a fait souffrir208 ! A l’étroit, Les flammes éteintes, nous sommes finis.
[Nekwni s warrac n Lezzayer Ur γ--izgil yiwen Mi tekker ad truà Nebγ Neb a a tttt-idid-nerr Tebγ Teb a ad texlu Nebγ Neb a ad teεmer te mer NeÂwa tamεict tam ict ukessar d usawen] (*)
Nous les enfants d’Algérie, Nul ne nous a épargnés209 : Dès qu’elle s’apprête à partir, Nous désirons la retenir ; Dès qu’elle est sur le point de s’anéantir, Nous désirons la voir prospérer, Nous en avons assez des hauts et des bas210.
Anwa i d arfiq Anwa i d amcum Anwa i d uàdiq D win yewten neγ ne win yettrun Wi ittrun yesleb Ad yegrireb Ddu d bu uεekk u ekkwaz degdeg-ufus Wi ineéqen a ss-ireê aqerruaqerru-s Ad tεiceÑ t iceÑ di lehna n ddaw yifer (*)
Qui est le compagnon ? Qui est le maudit ? Qui est sagace, Celui qui frappe ou celui qui pleure ? Qui pleure est fou, Il amorce la descente ; Prends le parti du bourreau, Qui fracasse le crâne aux rebelles Et tu vivras la paix des braves211
208
Littér. : [c’est nous qu’elle a égorgés à l’aide son ongle]
209
Littér. : [personne ne nous a ratés]
210
Littér. : [nous sommes rassasiés la vie (survie) de la descente et de la montée] Littér. : [tu vivrais dans la paix de dessous l’aile]
211
___ 484
45.
50.
55.
60.
65.
Acimi tnudaÑ Amek i tleààu Llan wiyaÑ Ssnen ad asas-afen aqerru ε Éni tbell aÑ EÑs ur ttru Ma ur tebγiÑ teb iÑ a kk-tawi lmut Ttaééaf taneggarut TeğğeÑ sidisidi-k yessen s ani ara kk-yerr (*)
Pourquoi cherches-tu Comment ça marche ? Il y en a d’autres Qui savent démêler l’écheveau212 ; Es-tu borné ? Ris, ne pleure pas ! Si tu ne veux pas qua la mort t’emporte, Adopte un profil bas213 Et laisse ton seigneur te guider214.
Henni imaniman-ik Kulci igerrez Γer er taktabttaktabt-ik Di lakul berkaberka-k ameyyez Sers Sers lmuxlmux-ik Berka aneggez Ma nnannnan-ak lba d lba Lwaw mačči d lhemza A kk-mlen yakkw lεilm l ilm anga yeffer (*)
Apaise-toi, Tout va bien ; Lis ton livre Et à l’école cesse de réfléchir ; Calme ton esprit, Cesse de sauter ; Si on te dit que b c’est b, Alors w n’est pas le coup de glotte, Ils te montreront où est cachée toute la science !
La steqsayeγ steqsaye Widak yessnen Zgiγ Zgi wehmeγ wehme Γef efd-ttmeslayen ef-wayen akkw i dUr umineγ umine Mi dd-qqaren YiwYiw-wass a dd-tzuγer tzu er lkaf AssAss-enn kul amcum a tt-taf Aseεdi Ase di d win yemmuten di liser (*)
J’interroge Ceux qui savent Et je m étonne De tout ce qu’ils disent ; Je tombe des nues De les entendre dire Qu’un jour viendra le précipice, Et ce jour-là il aura raison du maudit : Bienheureux sera celui qui mourra dans l’aisance !
Ulac lexåas Il ne manque rien, Kulci yella On trouve de tout ; yella 70. Bxir labas Tout va bien, Γef efPourquoi pleures-tu ainsi ? ef-wacu i la tettruÑ akka TebγiÑ Tu veux le verre Teb iÑ lkas Niγ Ou la mosquée, Ni lğamaε âmed Rebbi tewteÑ afus Loue Dieu et frappe des mains, a 75. TezhuÑ acemm ur Divertis-toi, rien ne te manque, ur kk-ixuå Éic di lehna a mmiVis en paix, fils d’Algérie ! mmi-s n Lezzayer (*) __________________________________________________________________________________________
87. Ini-as i gma 1.
Dis à mon frère…
Ini-as i gma gma ur neêri
212
Littér. : [ils savent lui trouver la tête]
213
Littér. : [tiens la dernière]
214
Littér. : [et laisse ton seigneur il sait vers où te rendre]
Dis à mon frère qui ne sait pas,
___ 485
5.
10.
15.
20.
25.
30.
35.
40.
Mačči s tmuγli tmu li Ara tcewwleÑ lebàer yersen JbedJbed-d ÂÂεud ÂÂ ud yigenni Lehwa d ubruri AsemmiÑ d yideflawen TezgeÑezgeÑ-d mebεid meb id s tmuγli tmu li Ad teêreÑ assass-nni Wali lembwaber ara iγerqen i erqen
Ce n’est pas avec le regard Que tu troubleras la mer calme ; Tire le tonnerre du ciel, La pluie et la grêle, Et le froid et les neiges ; Puis enfin observe de loin Pour que ce jour-là tu saches Et voies les bateaux couler.
AnidaAnida-t webrid Nettrağu mazal nufa AnidaAnida-tt tidett Tettnadi ur daγda -tufa AngaAnga-t lbaéel Yettaken lğehd i tlufa Win ur tettnadi TeêriÑ γer erd-yestufa er-k i dRwu taguni TiniÑ-as ishel i twakksa
Où est le chemin Que nous attendons de trouver en vain ? Où est la vérité Qui cherche à nous trouver en vain ? Où est l’arbitraire Qui donne puissance aux malheurs ? Celui qu’elle cherche pas — tu le sais — va s’occuper de toi ; Gave-toi de sommeil Et dis-toi qu’il est facile à extraire !
[Mi ara yeàmu wulwul-iw Iéij γer erer-lğihalğiha-s dd-iwet TasaTasa-w tedduri Teqqim i wegris semmÑet Mi ara teàmu tasatasa-w Iéij fellfell-as i dd-yecreq UlUl-iw yedduri S ugris yebγ yeb a ad iceqqeq] (*)
Quand mon cœur se réchauffe, Le soleil le frappe de face ; Mon autre cœur, à l’abri215, Reste froid sous le gel ; Quand mon autre cœur se réchauffe, Le soleil levant vient le trouver ; Mon cœur, alors à l’abri, Le gel tend à le craqueler !
Ad akak-ggalleγ ggalle Uàeqq ayen i γeef ur tebniÑ Ad akak-ggalleγ ggalle Ar ayen εzizen zizen ur tt-teêriÑ Siwa Siwa ma tekkseÑ TargitTargit-nni deg i teγliÑ te liÑ Mayella têewreÑ Ad teffγeÑ teff eÑ s ayen tebγiÑ teb iÑ Mayella tfehmeÑ Kul gmagma-k ard a ss-tiniÑ tiniÑ (*)
Je peux te jurer Par tous les impondérables216 ; Je peux te jurer Que ce qui est cher, tu ne le verras Que si tu te débarrasses Du rêve dans lequel tu es tombé ; Si tu es brave, Tu arriveras à tes fins ; Si tu es éveillé, Tu diras à chacun de tes frères…
Azaglu yerrêen iwden wayeÑ Nettrağu a kk-εiwden Kul agu yekksen D gmagma-s a kk-idid-yessiweÑ Kul afus kk-iwten Mi kk-isself ad asas-teÑseÑ A win yettwarzen
Au joug brisé, Nous attendons qu’on te place un autre ; Au brouillard dissipé Succèdera un autre217 ; Toute main qui te frappe, Tu lui souris quand elle te caresse ; Toi qui es ligoté,
Littér. : [mon foie s’abrite]. Il n’est pas possible de traduire fidèlement tasa, siège de l’amour affectif chez les Kabyles, par foie ; aussi, mon autre cœur constitue une échappatoire. 215
216
Littér. : [par ce que tu n’as pas prévu]
217
Littér. : [et son frère t’atteindrait]
___ 486
Iğhed rrebg s i teqqneÑ Solide est l’attache qui te tient ; Afus kk-icudden La main qui t’attache, SudeneêêeÑ Embrasse-la avant de la mordre ! Suden-it uqbel uqbel a tt-tγeêêeÑ (*) __________________________________________________________________________________________
45.
88. Amacahu 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
35.
40.
Voici l’histoire…
Amkan yuγal yu al D làebs iwmi rran uzzal Medlent fellfell-aγ tewwura i ra M a dd-nsawal QqarenQqaren-aγ mi ara daγda -d-rren awal Susmet skud i nella Amacahu Γef ef temgeré mi ara yers lmus I tidett ma a dd-teffeγ teffe imi Amacahu Γef efef-win yefkan aqerruaqerru-s Ur steqsan medden medden acimi Fkan afus Widak s i numen iÑelli [Weååan si zik Γef ef temεict tem ict n ddaw uÑar Akken aneggaru a dd-yerr ttar] (*)
Le lieu est devenu Prison de fer Dont les portes sont fermées ; Lorsque nous en appelons, Ils nous disent en répondant : « Taisez-vous tant que nous sommes ! » Voici l’histoire Du cou menacé par le couteau Et de la vérité qui sort de la bouche ; Voici l’histoire De celui qui s’est donné en sacrifice Et nul n’en a cherché la cause ; Y ont contribué Ceux que nous croyions hier ; Les Anciens nous conseillés Quant à la vie en esclaves Pour que le dernier nous venge !
Kra i daγda -nnan Ula d abrid i γ--mlan Wissen s ani ii-yettawi Nnejmaεen kfan Γef efef-yiqerrayiqerra-nneγ nne i tttt-fran Nutni êran nekwni ur neêri Amacahu S ccac mi ara medlen allen Yerna qqaren i medden Ttwalin Amacahu Nettwali kan ay dd-qqaren Nettruàu kan s anda ara γ--awin YiwYiw-wass wissen D tadukli ara dd-yesteqsin yesteqsin (*)
Tout ce qu’ils nous disent, Même le chemin qu’ils nous montrent, Nul ne sait où cela mène218 Réunis et résolus, Ils ont décidé de notre sort, De ce qu’ils savent nous ne savons rien ; Voici l’histoire Du bandeau mis sur nos yeux, Et ils disent que nous voyons ; Voici l’histoire : Nous ne voyons que ce qu’ils nous disent Et n’allons que là où ils conduisent : Un jour peut-être L’union viendra vers nous.
Tura nekfa NettarraNettarra-tt ala i tmucuha Nàekku γeef-win dd-iğğan isemisem-is Zik amek illa QqarenQqaren-as D mmimmi-s n tsedda Ur yeεfis ye fis àedd γeef uÑaruÑar-is Amacahu Adrar asmi dd-yerra ååut
Epuisés maintenant, Nous nous en tenons aux légendes Et contons l’homme de renom ; Comme était-il jadis ? Il était pour tous un fils de lionne Et nul ne pouvait lui marcher sur les pieds ; Voici l’histoire De la montagne qui fait écho
218 Littér. : [qui sait vers où il mène]. Ainsi, le prédicat de cette phrase n’a comme expansion référentielle que abrid… tandis qu’il devait avoir deux expansions de ce type : kra … « tout ce que… » et abrid… « le chemin », comme c’est le cas dans la traduction.
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LhibaEt dont la grâce est parvenus à ses dignes fils ; Lhiba-s tewweÑtewweÑ-d s arrawarraw-is Amacahu Voici l’histoire 45. S yedmaren i ttqabalen lmut De ces fils qui affrontent la mort Sεerqen erqen i weεdaw Et qui font perdre ses traces à l’ennemi ; we daw laterlater-is I tneggarut Et à la fin, Amek ara Qu’en sera-t-il de l’affaire ? ara yefru ssuqssuq-is ? (*) __________________________________________________________________________________________
89. èées éées 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
Dors, dors !
[A win iwmiiwmi-yruà yiÑes Di tmurttmurt-nneγ nne ara tt-tafeÑ NàemmelurNàemmel-it nettaf γur ur-s ImlekImlek-aγ àader a tt-tekkseÑ Win ii-yebγan yeb an a dd-yakwi A tt-nerr s iÑes ad asas-nini : (èées éées mazal làal mačči d kečč ii-yåaà wawal) (*)] (**)
Toi qui a perdu le sommeil, Dans notre pays tu le trouveras ; Aimant bien sa compagnie, Il nous hante, garde-toi de nous le ravir ; Quiconque veut se réveiller, Nous le rendormons en lui disant : Dors, dors, tu as le temps, La parole ne t’est pas échue !
Kkremt a Tiqbayliyin AwimtAwimt-iyiiyi-d taciéa i Ans ara didi-tttt-isis-tawimt AwimtAwimt-tttt-id si Mekka Win iwmi ara sbuàrun yesyes-s Ad yeéées ur dd-ittakwi ara (*) (**)
Levez-vous, femmes Kabyles, Et rapportez-moi un rameau ! D’où me le rapporterez-vous ? Rapportez-le-moi de la Mecque ! Celui que nous éventerons avec Dormira pour ne plus se réveiller !
Γer er temdint n Ccam γewwes ewwes Ttxilek ay itbir ukyis AwiAwi-d làerz nn-yiÑes i-iqeεεed iqe ed làerflàerf-is Win iwmi ii Mi derd-yuk a tt-idid-yaf γer er-s Mi tt-yeêra ad medlent wallenwallen-is (*) (**)
Vers la ville de Cham envole-toi, Je te prie, ô sage colombe ; Rapportes-en l’amulette du sommeil Aux lettres bien dessinées : A son révreil, il la trouvera à son chevet, Pour que dès qu’il la voit, il referme les yeux.
BduBdu-d i Maåer si rrif A ééir a kurk-weååiγ weååi γur ur-sen IniIni-asen Isendyaq n lkif I γ--d-tceggεem tcegg em neééefneééef-iten Ini(t)Ini(t)-asen Kkset aγilif a ilif Widen i tugwadem akkw éé éésen (*) (**)
Entame l’Egypte par le Littoral, Ô oiseau, je te charge de leur dire Que les caisses d’opium qu’ils nous ont envoyées Nous les avons bien reçues ! Dis-leur de ne pas s’inquiéter : Ceux que vous craignez dorment tous !
ZzuznenZzuznen-k almi teééseÑ Rran fellfell-ak taduli Yella si kra ara tÑelbeÑ Di targit yeshel kulci Mdel tiétié-ik tuγaleÑ tu aleÑ Ammar a kk-idid-nessakwi
On t’a bercé et endormi, Et on t’a bien couvert ; Tous tes vœux seront exaucés Car dans les rêves tout est possible ; Ferme les yeux et rendors-toi De crainte que que nous te réveillions !
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(*) (**) __________________________________________________________________________________________
90. Lxuf 1.
5.
10.
15.
20.
25.
30.
35.
La peur
Ay ass mi la ttnadiγ ttnadi i éélam éélam A tafat ur didi-d-tåaàeÑ Ssaγen Ssa enen-tttt-id wid nessaram Kečč a gma ad ii-tttt-idid-tessenseÑ ZwarenZwaren-d degdeg-k at wexxam Γas as akken a tessarameÑ NnanNnan-t di zzman Lxuf yekkayekka-d si laman
Ô jour où je cherchais dans le noir ! Ô lumière qui ne m’est échue ! Cette lumière qu’ont faite nos meilleurs219, Toi, frère, tu me l’éteins ; On a d’abord atteint les plus proches Même si tu continues d’espérer ; Il a été dit par les Anciens : La peur vient de la confiance !
Asmi nn-ufiγ ufi agraw yeččur Ssusmen ugin ad cnun ÉerqenÉerqen-asen ula d lehdur Wehmeγ Wehme d acu i la ttrağun Ziγ Zi kul yiwen ikukra meεdur me dur i ra Yettrağu w a tttt-idid-yebdun Γas as tugwadem Ad rewlen ma tedduklem
J’ai trouvé l’assemblée pleine, Muette, elle ne pouvait chanter ; Elle a perdu jusqu’aux mots Et je m’étonnais de l’expectative ! Or, chacun hésitait en toute légitimité Et attendait qu’un autre commençât ; Bien que vous ayez peur, Ils s’enfuiront si vous êtes unis !
Lğerà ittabaε ittaba wayeÑ Néerreγ Néerre d ddwa ddwa yella SawleγSawle -akak-n a gma tγabeÑ t abeÑ Ufiγ Ufi yakkw tagmatt teàfa Ma tàulfaÑ s udfel semmeÑ A win win yeéésen di trakna D iéij d agris Kul wa yelhayelha-d d ccγel cc elel-is
Blesssure succède à blessure220, Je souffre et le remède existe ; J’ai fait appel à toi, frère, et tu étais absent, J’ai trouvé toute la fraternité usée ; Ressens-tu la neige glaciale221, Toi qui dors couvert d’un gros tapis ?! Soleil et gel, Chacun joue son rôle.
A win ileààun degdeg-yiÑ u DegDeg-uzal d ac i tugwadeÑ Bexlaf éélam d usemmiÑ D acu nn-lweàc i dd-temlaleÑ Muqel di lemri ad twaliÑ A kk-d-iban win γeef i treggwleÑ D imaniman-nwen Ay tugwadem a dd-temlilem
Toi qui marches la nuit, Que crains-tu le jour ? A part le noir et le froid, Quel fauve as-tu rencontré ? Regarde dans le miroir pour voir Et t’apparaîtra celui que tu fuis : C’est ta propre personne Que tu crains de rencontrer.
A win yugwaden tidett Mi tttt-tgezmeÑ ad yaγ ya uêar TeêriÑ gmagma-k di tcerkett TenniÑ akken ii-yextar YiwYiw-wass ad tbeddel twerqett D kečč ara àebsen leåwar AssAss-enn ara tiniÑ
Toi qui crains la vérité, Coupe-la et elle renaîtra par la racine ; Tu as vu ton frère pris au piège Et tu as dit que c’était là son choix ; Un jour qu’une page sera tournée, C’est toi que les murs cogneront : Ce jour-là, tu diras :
219
Littér. : [ils l’ont allumée ceux que nous espérions]
220
Littér. : [la blessure suit une autre]
221
Littér. : [si tu sens avec neige il est blanc] ≈ [si tu sens que la neige est froide]
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40.
45.
A tidett anda telliÑ
« Vérité, où es-tu ? »
A win yettagwaden uzzal Lmut yidyid-s i tettiliÑ Ur tneééeq ur tsawal Am tilitili-k i tttt-tettawiÑ YiwYiw-wass yidyid-k a dd-temqabal Asmi ara kk-idid-yerr làiÑ S ani ara terreÑ Ma ur tenγiÑ ten iÑ ard ad temmteÑ
Toi qui crains le fer, Tu cohabites avec la mort Qui, se faisant silencieuse, T’accompagne comme ton ombre ; Un jour elle t’affrontera, Te mettra au pied du mur : Où iras-tu ? Si tu ne tues tu mourras !
A win yettagwaden ccwal Toi qui crains le trouble, 50. I lehna s wacu i dEt la paix, d’où crois-tu qu’elle vient ? d-tettas a âaca nett iwmi tsawal Elle ne fait appel qu’à lui Kul mi ara tterLorsque l’on s’en prend à elle ; tt-idid-qesden γer er-llsas i TtejraL’arbre maintenant épanoui Ttejra-nn ii-ifettu làal D ccetwa ieddan fellA dû passer l’hiver ; i-iεeddan fell-as 55. Ur thennaÑ Tu ne dois to salut Alami εettben ettben wiyaÑ Qu’au labeur de tes devanciers. __________________________________________________________________________________________
91. A ddunitddunit-iw 1.
5.
10.
15.
20.
25.
222
Ma vie !
A ddunitddunit-iw Xedmeγ--am leàsab γelée eléeγ Xedme elée i a Mačč akk ay bniγ bni fellfell-am A ddunitddunit-iw Dliγ Dli γeef leàsab xedmeγ xedme Ziγ Zi mačči d tin ay d ååifaååifa-m ëriγ ëri tebrek MiMi-ilaq ad êreγ êre temlel ëriγ ëri làeqq làeqq MiMi-ilaq ad êreγ êre lbaéel
Ô ma vie, Mes calculs sont erronés, Ce n’est pas ainsi que je te croyais ; Ô ma vie, J’ai revisité mes claculs Sur ce n’est pas ta vraie facette : J’ai vu tout noir Là où je devais voir tout blanc222 ; J’ai vu l’équité Là je devais voir la tyrannie ;
[A ddunitddunit-iw Leàsab yakkw xedmeγ xedme yebéel ra K diwed a td-ikeflen anan-nεiwed t-nenéel A ddunit ddunitit-iw Leàsab yakkw xedmeγ xedme yebéel Kra ii-ineélen a tt-idid-nessekfel] (*)
Ô ma vie, Tous mes claculs sont à refaire, Inhumons tout ce qui a été exhumé ; Ô ma vie, Tous mes calculs sont à refaire, Exhumons tout ce qui a été inhumé.
Γas as melmel-iyi D acu i d lekdeb, d acu i d ååeàà âemmleγ âemmle lekdeb Kul mi ara didi-d-yessefreà A ddunitddunit-iw TessefreàÑTessefreàÑ-iyi s lekdeb TerriÑTerriÑ-t s sseléan nn-lehdur A ddunitddunit-iw TesbaneÑ tidett tesleb GarGar-aneγ ane tebniÑ ååur
Tu peux me dire Ce qu’est le mensonge, ce qu’est la vérité ; J’aime le mensonge Chaque fois qu’il me réjouit ; Ô ma vie, Tu m’a réjoui avec le mensonge En en faisant le roi des dits ; Ô ma vie, Tu as fait voir la vérité comme folle Et entre nous tu as érigé un mur ;
Littér. (vers 7 et 8) : [j’ai vu la noirceur, quand il fallait que je voie la blancheur]
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30.
35.
40.
45.
50.
55.
Öelbeγ Öelbe tidett TenniÑTenniÑ-d : Yya a kk-tttt-ssekneγ ssekne NewweÑ ar tidett Am tgelzimt degefseγ deg-s εefse efse (*)
J’ai revendiqué la vérité Et tu as promis de me la montrer ; Lorsque nous avons atteint la vérité, J’ai marché dessus comme sur une hachette !
Mi dd-yewweÑ yiÑ A dd-tceggeε tcegge tirgatirga-s γur urur-i Mi dd-yewweÑ yiÑ Ma ttuγttu -tt ad ii-d-tesmekti A ddunitddunit-iw Urgaγ Urga lwerd azeggwaγ TessufγeÑ Tessuf eÑ targit s idammen A ddunitddunit-iw Urgaγ Urga lwerd amellal IdammenIdammen-nni zzinzzin-d i lekwfen Ula d targit TufiÑTufiÑ-as s anga teffeγ teffe Ma urgaγ urga nettru Ahat assass-enn ad feràeγ feràe (*) Ma yehwayehwa-yam Kra ii-iqerben a tt-terreÑ ur yeqrib Ma yehwayehwa-yam Aεdaw daw a tt-idid-terreÑ d aàbib A ddunitddunit-iw Ziγ Zi d kemm i diyi-iééfen I mm-yehwan a tt-txedmeÑ yesyes-i A ddunitddunit-iw Ziγ Zi d kemm i di-iàekmen I mm-yehwan a tt-tàettmeÑ fellfell-i Acàal γile ileγ ile Ger yifassenifassen-iw i telliÑ Ur εlime limeγ lime S ifassenifassen-im i didi-terriÑ
A la nuit tombée, Elle m’inonde de ses rêves ; A la nuit tombée, Si j’oublie elle me rappelle ; Ô ma vie, J’ai rêvé de roses rouges Et le rêve s’est changé en sang ; Ô ma vie, J’ai rêvé de roses blanches Et le sang entourait le linceul ; Même le rêve, Tu as su l’interpréter : Et si je rêvais des pleurs, Peut-être serais-je heureux ! Quand ça te chante223, Tu rends proche ce qui est loin ; Quand ça te chante, Des ennemis tu me fais des amis ; Ô ma vie, C’est donc toi qui me retiens, Tu fais de moi ce qui te plaît ; Ô ma vie, C’est donc toi qui me gouvernes, Tu m’imposes ce qui te plaît : Combien j’ai cru Que tu étais entre mes mains, Ne sachant pas Que tu m’avais mis entre mes mains.
A ddunit Ô ma vie, ddunitdunit-iw Nnig uqerru tezgiÑ Au-dessus de ma tête tu es, Anida lliγ Tu m’accompagnes où que j’aille ; lli telliÑ yidyid-i A ddunitÔ ma vie, ddunit-iw Am ssif icudden s lxiÑ Telle l’épée de Damoclès, Mi dUn jour tu m’emporteras224. d-iqqers ad tegluÑ yesyes-i __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________ 60.
92. ĞğetĞğet-iyi 1.
Laissez-moi !
[áğet[áğet-iyi nekk d rray rray-iw Mazal i dasdas-d-ssukkseγ ssukkse
Laissez-moi à ma raison, Que je n’ai pas encore prise en faute ;
223 Littér. : [si ça te plaît] = si l’envie te prend. Nous avons traduit par l’expression dite familière Quand ça te chante car nous y voyons la solution idoine tant sur le plan métrique (tétrasyllabe) que sur le plan syntaxique (orientation du prédicat). 224
Littér. (v. 63 et 64) : [comme l’épée attachée à un fil, quand il rompt (romprait) tu m’emporterais]
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5.
10.
15.
20.
25.
30.
InjerInjer-iyiiyi-d abridabrid-iw YemlaYemla-yi anida ara εefse efseγ efse a D nett i didi-yeééfen afus Γas as ma izad yelha neγ ne ixuå EğğetEğğet-iyi nekk d rrayrray-iw LγerÑ erÑ ii-ilaq a tt-neγÑel ne Ñel Γas as ulukan a tt-nezgel áğetáğet-iyi nekk d rrayrray-iw] (*)
Elle m’a tracé ma voie, Me disant où mettre les pieds ; C’est elle qui me tient la main, Alors est-elle forte, adéquate ou faible, Laissez-moi à ma raison ; La cible que nous devons atteindre, Dussions-nous la rater, Laissez-moi à ma raison.
Acàal i nεawez n awez akkenni i M ara delqent tewwura d-γelqent Mi wwÑeγ wwÑe uyseγ uyse dayenni Ad ii-d-yawi tisura AmAm-yiéij i dd-yeflali Ittekkes éélam i tmuγli tmu li D win i d aàbib nn-lebda Anda lliγ lli yella yidyid-i Mi ss-iàÑer i wasswass-agi YettafYettaf-d abrid ii-uzekka (*)
Nous avons tant veillé ensemble, Lorsque les issues se ferment ; Chaque fois que je perds espoir, Elle m’apporte les solutions225 ; Tel le soleil elle paraît, Et éclaire la vue226 : C’est elle l’amie éternelle ; Elle m’accompagne où que j’aille, Et sachant le problème présent, Elle anticipe les problèmes à venir227 !
Mi ara γile ileγ ile ad rreγ rre akka u al akin Ad ii-d-yini uγal Ayen akkw ii-imeyyez imeyyez ar assass-a Nelàa almi newweÑ γer er din Ufiγ Ufi leàsab iåeààa Iàseber wa Iàseb-iteniten-id wa γer Ur ixuå yiwen i εecrin ecrin Anda dd-ggwriγ ri taggara Ama diridiri-t neγ ne yelha D rrayrray-iw i didi-yewwin (*)
Lorsque je crois bien faire, Il me fait changer d’avis228 ; Tout ce qu’il a projeté jusque-là, Nous y sommes bien parvenus ; Je trouve qu’il a bien compté Les ennuis l’un après l’autre, Et aucun d’eux me manquait229 ; Où j’en suis arrivé à la fin, Qu’il soit bon ou mauvais, C’est ma raison qui m’a y conduit !
Asmi ara yebdu aceqqeq Quand elle commencera à se lézarder, Asmi ara yebdu ad ifeččel Quand elle commencera à faiblir, Ma isexleÑ lbaéel i làeqq Quand d’arbitraire elle empreindra l’équité, Ma yerra làeqq d lbaéel Quand de l’équité elle fera l’arbotraire, 35. Mi ara dd-ibdu yir lmenéeq Quand elle prononcera mauvais propos, Abrid nekk yidNous ferons notre route ensemble, yid-s a tt-neàreq AwiPourvu qu’elle fasse appel à moi ; Awi-d kan a dd-isiwel Ddunit akken a ttLa vie, pour que nous la bouclions, tt-neγleq ne leq Muàal nekk yidNous ne nous séparerons jamais, yid-s anan-nefreq 40. Γas as a dDussions-nous être dans l’impasse ! d-neggwri anda ara neàåel (*) __________________________________________________________________________________________
225
Littrér. : [il m’apporterait les clés]
226
Littér. : [il enlève l’obscurité à la vue]
227
Littér. (v. 19 et 20) : [quand il est présent à aujourd’hui, il trouve le chemin pour demain]
228
Littér. (v. 21 et 22) : [quand je crois me rendre par ici, il me dirait : reviens par là]
229
Littér. (v. 25-27) : [j’ai trouvé que le compte est bon, ils les a comptés un à un, il ne manque un à vingt]
___ 492
93. Tiγri Ti ri n tasa 1.
5.
10.
15.
20.
25.
L’appel du cœur
Di tnafa sliγ sli i teγri te ri âulfaγ âulfa tergagi tasatasa-w âulfaγ âulfa tesskawi-d lebγi leb i Lebγi Leb i i s cedhaγ cedha aylaayla-w UkiγUki -d êriγ êri assass-agi A ss-geγ ge làedd i lmeànalmeàna-w Ay iàbiben D tamurt i didi-d-yessawlen
Dans mon songe j’entendis l’appel, Je sentis trembler mon cœur ; Je le sentis réveiller l’envie De revoir les miens me manquent ; Je me réveille aujourd’hui Pour mettre un terme à ma peine : Ô mes amis, C’est le pays qui m’appelle !
IgerIger-d nnehtat yenna Bγiiγ ad êreγ êre leàbab IxfIxf-iw a tt-àerzeγ àerze tura Uqbel ad icab Aγrum rum anda ddiγ ddi yella yi Deg genni neγ ne di lqaεa lqa a Ayen i nesεedda nes edda Ur yettuneàsab
Il poussa un soupir et dit : « J’ai envie de revoir les amis ; Je veux préserver ma tête Avant qu’elle ne grisonne ; Le pain existe où que j’aille, Dans le ciel ou sur terre, Les peines que j’ai vécues Ne compte plus maintenant ! »
[Feràeγ [Feràe yewweÑyewweÑ-d lweqt, Ay iàbibeniàbiben-iw A wid ii-icedha lxaéer, D lferàlferà-iw] (*)
« Le moment de ma joie est venu, Ô mes amis, Qui me manquez fortement, C’est ma joie ! »
SefÑeγ SefÑe mkul d ccama Γef efef-wid i nn-ğğiγ ğği uysen Bγiiγ ad feràeγ feràe tura Γer er zdat wissen Ddunit ma ur tebγ teb i ara Ger medden ad ii-tefk ayla Ad ÜÜeγ ÜÜe lmeàna Ger wid di-iàemmlen (*)
« J’ai pansé toutes mes blessures230 Auprès de ceux que j’ai fait languir ; Je veux être heureux maintenant Car l’avenir est incertain ; La vie, si elle ne veut pas Comme les gens me gratifier, Je me déferai de mes peines Parmi ceux qui m’aiment ! »
Ul« Mon cœur, tel une rivière en crue, Ul-iw amam-wasif yeàmel YewweÑLe jour qu’il attendait est arrivé ; YewweÑ-d wass ii-yettrağu yettrağu Tura yeggumma ad yeqbel Il refuse d’accepter a 30. Ddqiq a ttQue nous perdions notre temps231 ; tt-nernu (yernu) Ma tebγam Si vous voulez que nous nous unissions, teb am anan-neddukel Iéij ad aγLe soleil se lèvera pour nous a -d-iqabel Kra i deg ara nmuqel Et tout ce que nous regarderons Ad aγNous guérira ! a -yesseàlu (*) __________________________________________________________________________________________
94. Qim deg yirebbirebbi-w 1.
Pose-toi dans mon giron !
Qim deg yirebbirebbi-w KkesKkes-iyi lxiq a tin àemmleγ àemmle KkesKkes-iyi urfan Qim deg yirebbirebbi-w
Pose-toi dans mon giron, Ôte-moi la tristesse, toi que j’aime, Ôte-moi la colère ; Pose-toi dans mon giron,
230
Littér. : [j’ai effacé chaque trace]
231
Littér. (v. 29 et 30) : [maintenant il refuse d’accepter, une minute nous l’ajouterions]
___ 493
5.
10.
15.
20.
25.
30.
35.
âaca kemmini i sensen-izemren Mi dd-steqsan
Toi seule peux la chasser Quand elle vient !
Mi ara kemkem-idid-ééfeγ ééfe Ger yifasseneÑ ifassen-iw i leggwaγeÑ Acàal àemmleγ àemmle çåutçåut-im mi ara dd-tneéqeÑ Γas as ma xaqeγ xaqe LxiqLxiq-nni ad iyi-t-tekkseÑ
Quand je te tiens Entre mes mains, que tu es lisse ! Combien j’adore Ta voix, quand tu te mets à chanter ; Quand je suis triste, Tu dissipes ma tristesse ;
Qim deg yirebbirebbi-w âaca nekk yidyid-m weàdweàd-neγ ne âedd ur yelli Qim deg yirebbirebbi-w Ma hedÂen εeggÑen eggÑen ssusmen âedd ur γ--icqi
Pose-toi dans mon giron, Toi et moi nous sommes seuls Et personne d’autre ; Pose-toi dans mon giron, Qu’ils parlent, qu’ils crient ou qu’ils se taisent, Nul ne nous intéresse !
Γur urur-i twalaÑ Γas as ur tesεiÑ tes iÑ ara allen Γur urur-i tàulfaÑ Γas as ulac ul yekkaten Kemm ur dd-tecqaÑ ecqen Medden yakkw degdeg-m εecqen
Tu regardes Bien que tu n’aies pas d’yeux, Tu me ressens Et tu n’as pas de cœur qui batte ; Peu t’importe à toi Qu’ils soient tous amoureux de toi ;
Qim deg yirebbrebb-iw Γas as εecqen ecqenecqen-kem Kemm mačči aéas ideg i tεecqeÑ t ecqeÑ yi Qim deg rebbirebbi-w Zhiγ Zhi feràeγ feràe Imi lliγ lli segseg-widen i tàemmleÑ
Pose-toi dans mon giron, Bien qu’ils t’aiment, Peu d’entre eux conquièrent ton amour ; Pose-toi dans mon giron, Je suis gai et heureux D’être de ceux que tu aimes !
Ma nnannnan-iyiiyi-d Deg--wayen εzizen zizen i tàemmleÑ Deg Ma nnannnan-iyiiyi-d D acu i γeef ara dd-tcehhdeÑ D kemmini A ssnitra mi ara dd-tneéqeÑ
Si on m’interroge Sur ce que j’aime le plus, Si on m’interroge Pour quoi je témoignerais, Il n’y a que toi, Guitare, quand tu entonnes un chant ;
Qim deg yirebbiPose-toi dans mon giron, rebbi-w i ra Quand tu fais vibrer tes cordes, S lexyuÑlexyuÑ-im m a dd-tneéqeÑ Zhiγ Je guéris et deviens gai ; Zhi àliγ àli 40. Qim deg yirebbiPose-toi dans mon giron, rebbi-w TettcebbiàeÑ lehdur γef efLes mots deviennent plus beaux pour le coeur ef-wul i ra M a tenLorsque tu les dis ! ten-idid-iniγ ini __________________________________________________________________________________________
95. TaqsiéTaqsié-ik 1.
5.
Ta légende
[Taqsié[Taqsié-ik tugi ad tekfu Γas as akken εeddan eddan wussan Ma terriÑterriÑ-tttt-id d asefru Γas as err leàsab i yetran Taqsiétekfu Taqsié-ik tebγ teb a ad tekfu Γas as yufayufa-tttt-id kul zzman
Ta légende refuse de finir Bien que le temps a passé, Si tu en fais un poème, Alors compte les étoiles ; Ta légende tend à finir Bien qu’elle ait traversé les âges,
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10.
15.
20.
Γas as ad tseγzef tse zef asaru YiwYiw-wass a tttt-àebsen wussan] (*)
Bien qu’elle s’étire comme un film, Un jour les jours l’interrompront.
Tiγersi Ti ersi teàwağ tafawett Tafawett tekkatekka-d si tγersi t ersi SegSeg-weksumweksum-nneγ nne i la ntett Nettγummu Nett ummu lğerà s yimi Nessen amek ara nehde tidett Ad asas-nezzi ticerkett I gmagma-tneγ tne mi ara dd-yesteqsi (*)
Déchirure a besoin de pièce, Pièce provient de déchirure : Nous nourrissant de notre chair, De notre bouche nous cachons la plaie ; Nous savons dire la vérité Et au frère tendre le piège Dès qu’il a besoin de nous.
Yella yiwen d ameyyaz Yella wayeÑ d aseééaf Yella wa yettemberraz Yettnadi ayen ibγ ib a ur tt-ittaf YettγaÑ Yett aÑ win yellan d argaz Γer er gargar-asen i dd-yettwaàaz Di éélam iteddu γer erer-lkaf (*)
Il y en a qui sont lucides, Il y en a qui sont ignobles, D’autres encore se bousculent Cherchent en vain à assouvir leurs désirs ; Est à plaindre l’homme vaillant Qui débarque parmi eux, Et qui dans le noir va vers le précipice.
TebγiÑ Tu veux du soleil à l’ombre, Teb iÑ iéij di tili DdunitTa vie est aspiration ; Ddunit-ik d asiwel 25. DegTu désires l’ombre sous le soleil Deg-yiéij tebγiÑ teb iÑ tili FellEt tu veux du changement ; Fell-ak tebγiÑ teb iÑ ad tbeddel Ur teêriÑ ara s ani Tu ne sais pas jusqu’à quand, TettuγaÑeÑ Tu es à palindre, Kabyle, Tettu aÑeÑ ay Aqbayli NettuγaÑ Nous sommes à plaindre, Kabyles ! Nettu aÑ a Leqbayel (*) __________________________________________________________________________________________
96. Ay Aqbayli 1.
5.
10.
15.
Le Kabyle
TaqsiéTaqsié-agi d aqeååer Wiss ma teÑra neγ ne ard teÑru Kul yiwen akken la ihedder Γef ef tmurt tugi ard teàlu Nettmenni nebγa neb a anan-nêer YiwYiw-wass lukan ard tefru Aberrani ad iwexxer Tamurt yidyid-s ara dd-nelhu Dγa a gargar-aneγ ane ard tekker Nekwni s Leqbayel ntettu Alamma nsawel a dd-yeàÑer I-uberrani ad aγ a yefru Kul yiwen akken la ihedder Awal yuγal yu al d asefru
Cette légende est causerie, Peut-être a-t-elle eu lieu ou aura-t-elle lieu ! Chacun y va du sien Sur ce pays inguérissable ; Nous espérons vraiment voir Qu’un jour il y ait dénouement, Que l’étranger recule Et que nous nous occupions de ce pays ; C’est alors que les luttes internes commencent, — Car nous les Kabyles nous sommes oublieux — Jusqu’à ce que nous fassions appel A l’étranger qui nous sépare : Chacun y est allé du sien Et les paroles devinrent poème.
AsmiAsmi-yeffeγ yeffe uberrani Tamurt teggwrara-d s arrawarraw-is Ifreà mkul d Aqbayli Yenwa ğğuğğgenğğuğğgen-d wussanwussan-is
Le jour où, l’étranger parti, Le pays revint aux mains de ses enfants, Tous les Kabyles furent heureux, Croyant ses jours épanouis ;
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20.
25.
30.
35.
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Ikfa lferà dayenni Kul wa yersyers-d γer erle qeler-leεqel qel-is Tura tamurttamurt-agi Ilaq a ss-d-naf ixfixf-is
Passée l’euphorie, Chacun recouvrit ses esprits : « Maintenant, ce pays, Mérite qu’on s’en occupe ! »
Tamurt teàkem s làeqq TefkaTefka-d yiwen d mmimmi-tneγ tne w FellFell-as akk i nwufeq Ad yettsewwiq fellfell-aneγ ane Mkul lεerc l erc yenéeq yenéeq YennaYenna-d Win mačči segseg-neγ ne
La nation décida en toute équité Et proposa un de nos fils, Que nous approuvâmes tous Et à qui nous confiâmes notre destinée ; Mais chaque tribu parla Et dit : « Il n’est pas des nôtres !
[Fiàel anan-ntezzi anan-ntenneÑ Kksetiwdet wayeÑ] (*) Kkset-t anan-nεiwdet
Inutile de tourner en rond, Ôtez-le et qu’on le remplace par un autre ! »
Leεrac Le rac mwafaqen Sbedden argaz amam-wakka Yeêwer yefhem yessen AmAm-win ur tt-ttafen ara Dγa ayt tuddar neéqen Nnan Ur tt-nessin ara (*)
Les tribus se mirent d’accord Et ainsi désignèrent un homme Compétent, intelligent, expert Tel qu’on n’en trouve nulle part : C’est alors que les villageois parlèrent Et dirent : « Nous ne le connaissons pas ! »
Tuddar nudant segseg-wul Ufant argaz lkayes Γer er tidett ii-yettmuqul yessen es Di làeqq mačči ad yessenγes TekkerTekker-d taddart teggull : ArgazArgaz-agi ard ittwakkes (*) Taddart teggull ad taf Alarmi tnuda tufa Win dd-sbedden yufaf Izmer i mkul tilufa YekkerYekker-d udrum s zzεaf zz af YennaYenna-d Ur tt-neqbil ara (*)
Les villages cherchèrent vraiment Et trouvèrent un homme sage Qui, partisan de la franchise, Ne saurait justice troonquer : Le village jura alors : « Cet homme sera éliminé ! » Le village jura de trouver Et chercha et trouva ; Il proposa un homme de choix, L’homme des situations : Le quartier se souleva alors avec véhémence Et dit : « Nous ne l’acceptons pas ! »
YekkerYekker-d udrum yemjamal Yebda ameyyez di lγaci l aci Yextar bab nn-wuzzal Ttqadaren medden irkwelli YekkerYekker-d gmagma-s γer ccwal : Amek tenwiÑ tifeÑtifeÑ-iyi (*)
Le quartier, unanime, Se mit à scruter les gens, Elut un homme énergique Respecté de tous ; Son frère commença alors les hostoilités : « Comment crois-tu que tu es meilleur que moi ?! »
Tura ur dd-iqqim lefhem Tåubb s anga ur dd-tettali Anwa ii-ilaq ad yeàkem Ur didi-tqebblem nekkini Anwa ii-ilaq ad yeàkem Ur kk-nqebbel keččini Teêram amek ara nexdem
« Là, plus de discernement ! Les choses sont au plus bas ; Qui donc doit gouverner Puisque vous ne m’accepterez pas ? » — Qui donc doit gouverner Puisque nous ne t’accepterons pas ? Voyez ce que nous allons faire :
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70.
75.
80.
A ss-nsiwel ii-uberrani
Nous ferons appel à un étranger !
Aéas nn-wi ara dasdas-yinin Leflani la γ--yessefcal yessefcal Widak d wid ur nessin Amek i la teddun lecγal lec al Uqbel ad tzerεeÑ tzer eÑ timêin ëer qbel amek ii-iga wakal
Ils seront nombreux à dire : « Untel nous démotive ! » Ceux-là sont ceux qui ignorent Comment se traitent les affaires ; Avant de semer de l’orge, Vois d’abord l’état du sol !
[Ay Aqbayli Ireffden aberrani Ay Aqbayli Yettağğan gmagma-s yeγli] ye li] (**)
Ô Kabyle Qui soutiens l’étranger ! Ô Kabyle Qui laisses tomber ton frère !
YeğğaYeğğa-yasyas-d babababa-s cci Ur yeêri d acu yesεa yes a Dγa a ad iàkem fellfell-i Ad asas-neqbel annectannect-a AwalAwal-is ur yettεeddi yett eddi Nettruêu leεmer le mer nekna (**)
Son père lui a légué une fortune, Il ne compte pas ses richesses232 Peut-il alors me gouverner ? Et puis-je accepter cela ? Il n’aura pas le dernier mot Car nous casssons et jamais nous plions !
Amek babababa-s d ameksa AssAss-a d netta ara didi-iàekmen MiMi-yekker zzehrzzehr-is yeγra ye ra Tura yerfedyerfed-d s wallen Dγa awalawal-is ma iεed i edda edda Cclaγem Ccla emem-agi ard ttwakksen (**)
Son père était un berger Et il veut me gouverner233 ; Grâce à sa chance il est instruit Et il ose lever les yeux ; S’il a alors le dernier mot, Alors je me raserai les moustaches234 !
SennigComme si nous étions les meilleurs, Sennig-neγ ne àedd ur yelli La ntettu i diriNous oublions combien nous sommes mauvais ; diri-yaγ ya IgenniNotre ciel donnerait une étoile Igenni-nneγ nne a d-ifk itri A tQue nous en ferions notre ennemi ; t-idid-nerr d aεdaw a daw fellfell-aγ A tNous le laissons apparaître à peine t-neğğ kan a dd-iflali 90. AnEt nous commençons à le combattre ! An-nekker yidyid-s anan-nennaγ nenna (**) __________________________________________________________________________________________
85.
97. Aεsekriw sekriw
Le soldat
1.
[Aha kkert ay irfiqen An--nelàut wa deffir wa An Ammar a γ--d-iêer umeksa Γurwat urwat wi dd-ittneqlaben] (*)
Allons, debout, compagnons ! Marchons l’un derrière l’autre ; De crainte que le berger nous voie, Gardez-vous de vous retourner
5.
Fiàel ma nellinelli-d allenallen-nneγ nne ra Nesεa Nes a wigad a iwalin
Inutile pour nous d’ouvrir les yeux Car il y en a qui voient bien
232
Littér. : [il ne sait pas ce qu’il possède]
233
Littér. (v. 79 et 80) : [comment son père est berger, aujourd’hui c’est lui qui me gouvernerait ?]
234
Les moustaches sont chez les Kabyles un symbole de virilité.
___ 497
10.
15.
20.
25.
30.
35.
40.
235
Walan degdeg-webdilwebdil-nneγ nne ëran s ani ara daγda -awin
Et qui voient à notre place Et qui savent où nous mener.
[Aha kkert ay irfiqen S anga i daγda -nehren nerra AnAn-nelàut wa deffir wa Am tejlibt tejlibt izamaren] (**)
Allons, debout, compagnons ! Nous irons où ils nous mènent ; Marchons l’un derrière l’autre Tels un troupeau d’agneaux.
AmeksaAmeksa-nneγ nne yesε yes a iles Ulayγer Ulay er ara nenéeq Γas as ad asas-d-nessukkes a ra D nett a yesεun yes un làeqq
Notre berger à une langue, Inutile donc que nous parlions ; Quand bien même il aurait tort235, Il aura toujours raison !
Acàal telham ay atma S lemkwaàel ger yifassen Mi ara tetteddzem iÑarren Tefkam mebεid meb id lhiba
Combien vous êtes beaux, frères, Les fusils entre les mains ! Et quand vous battez du pied, Vous semez la crainte au loin !
A kwenen-ssewğaden i lfetna Mi ara mqellεen gargar-asen ε Amqelle -nsen γer (γeef) ééabla Sεan an wigad ara yemmten
Ils vous préparent pour la guerre Pour le jour de leur querelle ; Ils se querellent à la table, Ils ont qui envoyer à la mort.
Ma d amberrez d umenγi umen i i Nutn ur ttqabalen ara Sεan anan-aγ i wannectwannect-a D kečč akkw d nekkini
Mais les heurts et les combats, Ils n’y peuvent faire face, Nous possédant dans ce but, Toi et moi236 !
Awal ur tt-nettsalas al imeqqranen Di lec lecγal GarGar-asen leε le εben tiddas Nekwni nuγal nu al d ilqafen
Nous n’avons aucun droit de parole Dans les affaires importantes ; Entre eux ils jouent les combines Et nous sommes leurs pions.
Ma d kečč tugiÑ ad truàeÑ TenniÑTenniÑ-asen Ur neqqeγ neqqe ara Wid ur ii-nexdim wara Ara yeÑrun yidyid-k ad teêreÑ
Et toi, refusant de partir, Tu leur dis : « Je ne tuerai point Ceux qui ne m’ont rien fait ! » Tu verras ce qu’il adveindra de toi.
Ur ttxemmim ara acimi I kk-d-ééalaben ad tenγeÑ ten eÑ a Aγ awal mebl asteqsi Ayen i kk-nnan ad tqebleÑ
Ne cherche pas à savoir pourquoi Ils te demandent de tuer ; Obéis sans poser de questions, Accepte tout ce qu’on te dit !
A nngernnger-ik ur tessineÑ Ziγ Zi mazalmazal-ik d neyya Skud aéas ara tenγeÑ ten eÑ
Malheur à toi qui ignores, Qui demeures encore naïf, Tant que beaucoup tu tueras
Littér. : [même si nous le prenons en défaut]
Littér. [c’est toi avec toi]. Dans le traduction, le vers n’a que trois syllabes tandis que dans le texte kabyle c’est un heptasyllabe. C’est que dans le texte kabyle le vers est constitué d’un énoncé à présentatif actualisateur de phrase nominale d avec une expansion indirecte nekkini, forme étoffée du pronom indépendant 1S, introduite par akked « tout avec » forme étoffée de la préposition d « avec ». En revanche, dans la traduction, les deux pronoms sont des expansions, simplement coordonnées, d’un prédicat qui est dans le vers précédent. 236
___ 498
Ara trebàeÑ d cciεa cci a
Tu gagneras en renom !
Ma ur teqbileÑ ara ad tedduÑ Si tu n’acceptes de partir, Ma ur teqbileÑ ara ad tenγeÑ Si tu n’acceptes de tuer, ten eÑ A kTu moisiras en prison237, k-rren γeer-làebs ad terkuÑ A ken qbel ad temmteÑ Ils te tueront avant terme238 ! k-nγen (*) (**) __________________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________________ 45.
98. A mmi mmi 1.
5.
10.
15.
20.
25.
Mon fils
Baba-s : A mmi leqraya tekfiÑ D acu γer er i kk-idid-tessufeγ tessufe w Ayen akk i tεettbeÑ t ettbeÑ teγriÑ te riÑ MelMel-iyiiyi-d ad akak-feràeγ feràe
Le père : Mon fils, après tant d’études, Où celles-ci t’ont-elles amené ? Tu t’y es consacré à quelle fin ? Dis-moi, que je partage ta joie !
Mmi-s : Yenn--ad A baba xtareγ Yenn xtare AbridAbrid-iw ibaniban-iyi UsiγurUsi -d ar γur ur-k a kk-ciwreγ ciwre EfkiwenEfk-d rrayrray-ik εiwen iwen-iyi
Le fils : Père, j’ai fait le choix, Ma voie est claire : Je suis venu pour avoir ton avis, Puisses-tu me venir en aide239 !
Baba-s : A mmi babababa-k tezgeltezgel-it TeêriÑ ur γri riγ ri ara Nekk lakullakul-iw d ddunit Leqlam ur ss-zmireγ zmire ara
Le père : Ton père n’a pas eu ta chance, mon fils, Tu sais que je ne suis pas instruit : Mon école à moi, c’est la vie Et la plume n’est pas mon fort !
Mmi-s : YennaYenna-yiyi-d Mačči s leqlam I kiwneÑ k-nniγ nni ad ii-tεiwneÑ Ayen bγi b iγ yecba s axxam AmAm-wexxam i deg i tàekmeÑ
Le fils : Tu sais qu’il ne s’agit pas de plume Quant à l’aide que je te demande : Mon désir ressemble à une maison, Tout comme celle que tu gouvernes !
Baba-s : Lmeεna Lme nana-k truàtruà-iyi Tεedda edda nnig uqerru A mmi γas as sefhemsefhem-iyi Awal yeàwağ yeàwağ asefru
Le père : Ton allusion me dépasse, Elle me passe au-dessus de la tête ; Peux-tu m’expliquer, mon fils, Le propos mérite d’être clair.
Mmi-s : Lmeεna Lme na γeef-wid γ--iàekmen Atnan a tenten-nettwali u D ac i dd-izaden degdeg-sen Zemreγ Zemre ula ula d nekkini
Le fils : Mon propos vise ceux qui nous gouvernent, Ceux que nous voyons chaque jour ; Qu’ai-je à leur envier ? N’est-ce pas que je suis compétent ?240
Zemreγ Zemre ula d nekkini
Moi aussi je suis capable
237
Littér. : [ils te (re)mettraient en prison tu pourrirais]
238
Littér. : [ils te tueraient avant que tu ne meures]
239
Littér. (vers 5-8) : [il dit ô père j’ai choisi, mon chemin est clair, je suis venu vers toi pour te consulter, donne ton avis aide-moi] Littér. (v. 23 et 24) : [qu’est-ce qui est en plus en eux, je peux moi aussi]
240
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30.
35.
40.
45.
50.
55.
60.
65.
241
Ad uγale u aleγ ale d yiwenyiwen-nsen Mayella yebγa yeb a Rebbi YiwYiw-wass a dd-aseγ ase nnignnig-sen
De devenir un des leurs Et si Dieu le veut, Un jour je serai leur supérieur.
Baba-s : A mmi abrid textareÑ Yessa yakkw d isennanen Mayella degdeg-s tεefseÑ t efseÑ Ur kk-idid-ifeddu yiwen
Le père : Mon fils, le chemin que tu choisis Est tout semé d’embûches241 : Quand tu l’auras emprunté, Nul ne volera à ton secours !
Mmi-s : A baba ad xedmeγ xedme lxir Ad iliγ ili d bab n làeqq Medden akkw a tenuγ deffir ten-sεu a Lmeqsud nebγ neb a tt-nelàeq
Le fils : Père, je ferai du bien, Je serai juste ; J’aurai tout le monde de mon côté Et j’atteindrai mon but !
Baba-s : Dγa a ma txedmeÑ akken Ziγ Zi a mmi ur tessineÑ ara Qbel a dd-tbaneÑ a kk-ččen LaterLater-ik ur dd-ittban ara
Le père : Alors là, si tu agis ainsi, C’est que tu ignores tout ! Ils te dévoreront avant que tu n’émerges Et effaceront toute trace de toi.
Mmi-s : Ihi melmel-iyiiyi-d amek akken Melxedme Mel-iyiiyi-d d acu ara xedmeγ Dacu nn-webrid ilaqen Bac lebγi urleb i-w ad γur ur-s awÑeγ awÑe
Le fils : Alors, montre-moi la voie, Dis-moi ce que je dois faire : Comment devrai-je m’y prendre Pour arriver à mes fins.
Baba-s : A mmi ruà henni imaniman-ik Làu d ubrid nn-lehna Ad tåeggmeÑ ddunitddunit-ik Leàkem ur ss-tezmireÑ ara
Le père : Fils, tempère tes ardeurs, Emprunte la voie de la paix Et tu vivras bien ta vie Car le pouvoir n’est pas de ton ressort !
Acàal nn-widen yeåfan yeåfan SegSeg-widen yeγran ye ran YiwYiw-wass kkrenkkren-d ad åeggmen WwinWwin-d làeqq azeddgan D lehna ay ssan S ujeğğig degdeg-ufusufus-nsen Mi bdan la tåeggimen tåeggimen ussan YewweÑYewweÑ-d wi tenten-iqlaεn Iγab ab ula d laterlater-nsen
Combien d’hommes honnêtes, De ceux qui sont instruits, Ont un jour voulu changer les choses ; Imbus de justice, Ils ont semé la paix Une fleur à la main ; Dès qu’ils ont commencé à améliorer les jours, Ils ont été éradiqués, Et on n’a plus de trace d’eux !
Ma εeğben eğbeneğben-k yimeqqranen Ma truàeÑ γur urur-sen Ad teêreÑ acàal i tγeléeÑ t eléeÑ Mi ara tawÑeÑ gargar-asen Mayella a kk-qeblen âåuâåu-k-id tettwakellxeÑ Ifen Ifenen-k akkw akken àercen Mi ara kk-àwiğen a kk-anfen
Si tu es séduit par les grands, Au cas où tu irais auprès d’eux, Tu verrais combien tu te trompes : Quand tu te retrouverais parmi eux, S’ils t’acceptaient, Tu pourras t’estimer dupé ; Te surpassant tous en ruse, Ils te garderaient tant que tu leur serais utile
Littér. : [il est tout ‘semé’ d’épines]
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KksenKksen-k mi ara tttt-idid-tessewweÑ
70.
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80.
Et t’élimineraient dès que tu aurais accompli ta mission242.
Mmi-s : A baba selsel-iyi A kk-nhuγ nhu beddel axemmem Làeqq ad yili Lεebd ebd mačči ad yettwaÑlem S lxir d tmusni Kul wa ad yettikki Tamurt tegguni Afus degdeg-ufus a tttt-nexdem
Le fils : Père, écoute-moi Que je te conseille de changer ta pensée ; La justice sera Et nul ne sera victime de l’arbitraire ; De bien et de sagesse, Chacun apportera sa contribution, La patrie à l’abandon, Main dans la main, nous l’édifierons.
Ayen akkw ii-yeÑran YusaYusa-d ttwab yettwasfeÑ YeγleÑ eddan Ye leÑ wiwi-yεeddan i ra Yesteγfer Yeste fer m a ad yili yecceÑ Leqraya a dd-tban Ad tåeggem iberdan Sa wagad yeγran ye ran Tamurt γer erer-lehna ad taweÑ
Tous les événements passés, Le repentir les efface ; Nos devanciers ont faill,i Ils doivent demander clémence ; L’instruction prendra le dessus, Améliorera les choses243 : Avec les gens instruits, La patrie vivra en paix.
γe e
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F tmurt ara xedmeγ xedme Mačči d ååyada nn-wemkan Yiwen ur tÑurreγ tÑurre Ma gliγgli -d s wayen yelhan Muqel ma γelée eléeγ elée DegDeg-wayen fehmeγ fehme yi MelMel-i -d ad êreγ êre Tamsalt amek i dakdak-d-tban
J’œuvrerai pour bien de tous Et ce n’est pas une course au poste ; Je ne fais de mal à personne Si je n’apporte que du bien ; Vois donc si je me trompe Dans ma conception des choses Et montre-moi que je voie Ta propre conception244.
Baba-s : Ihi, a mmi, àessàess-d a kk-mleγ mle Ayen kan i ssneγ ssne Amek akkw i fehmeγ fehme lecγal lec al a Semmeàeléeγ Semmeà-iyi m ad yili γelée elée D ayen iwmi ssawÑeγ ssawÑe Ur dd-ééalab lmuàal TeêriÑ γef ef lhemm beεde be deγ de a D lehn i àemmleγ àemmle Meεni Me ni àessàess-asas-d i wawal
Le père : Ecoute, mon fils, que je te dise Mon maigre savoir : Comment je conçois les choses ; Pardonne-moi si je me trompe, C’est là mon niveau, Ne me demande pas l’impossible ; Tu sais que je suis loin de la violence Et que j’aime la paix Mais écoute bien mon propos :
Zik mi àekkmen sslaéen Akken dd-qqaren Ttawinur Rebbi Ttawin-tttt-id γur AssAss-a wagad iàekmen Di tmura n medden D irgazen amam-wayeÑ am kečči kečči A kk-mleγ mle amek i xeddmen
Jadis, du temps des rois, Dit-on, Les monarchies étaient de droit divin ; Ceux qui gouvernent aujourd’hui Dans tous les pays Sont des hommes comme toi245 ; Je te dirai comment ils font
242
Littér. : [ils t’enlèveraient quand tu l’aurais cuite]
243
Littér. : [elle arrangerait les chemins]
244
Littér. : [l’affaire comment elle t’apparaît] Littér. : [ce sont des hommes comme l’autre comme toi]
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Ma tebγiÑ anedteb iÑ εaned aned-iten Ma iεğeb i ğebik webrid-nni ğeb webrid-
Si tu veux les imiter Et si cette voie te plaît.
Ur ttkal γef ef leqraya EğğEğğ-itt di lğiha Mačči yesyes-s ara taliÑ Γas as teàwağeÑteàwağeÑ-tt di tmara A tttt-tafeÑ tella TekkseÑTekkseÑ-tt ma d yidyid-s tekfiÑ Kkes segseg-wulwul-ik ååfa TÑeggreÑ nneyya Ma tesεiÑ tes iÑiÑ-ten ard ad teγliÑ te liÑ
Ne compte pas sur les études, Laisse-les de côté, Elles ne te serviront pas à gravir les échelons ; Tu en aurais besoin dans l’adversité, Tu t’en servirais Mais déleste-t’en juste après ; Chasse de ton cœur la pureté Et les bonnes intentions Car elles précipiteraient ta chute.
Meskin wi iγran i ran ma yezraε Mayella yeåfa Kra yemger a tt-iddem waÑu Meskin argaz ma yelha Yelàa s nneyya Ad yuγal yu al d aneggaru A mmi mačči d leqraya Neγ Ne d tirrugza Ara kk-irren d aqerru
Est à plaindre tout homme instruit qui sème, S’il est honnête, Le vent balaiera tout ce qu’il moissonne ; Est à plaindre tout homme bon Et bien intentionné Car il deviendra le dernier des hommes : Mon fils, ce n’est pas l’instruction Ni l’honneur non plus Qui feront de toi un chef !
Bdu àeffeÑ tiàraymit I γeef tebna ddunit ddunit IàfiÑ kan tebna γeef leγrur le rur ra Win a tiàwiğeÑ issinissin-it Ma d wayeÑ ÑeggerÑegger-it Ur tesεaÑ tes aÑ yidyid-s lehdur Axåim s amkan zwirzwir-it Ma yezwar kkeskkes-it Ma ur tt-tÑurreÑ ard a kk-iÑurr
Commence par apprendre la ruse, Fondement de la vie : Sache qu’elle est fondée sur l’illusion ; Ceux qui te seront utiles, reconnais-les Mais les autres, rejette-les, Tu n’auras rien à leur dire ; Devance ton adversaire Et s’il te devance, élimine-le : Si tu ne lui nuis pas, il te nuira !
Γef ef yilesyiles-ik yakkw àemmelàemmel-iten Γas as tkerheÑtkerheÑ-ten Γurek urek ad tkecmeÑ di leγlaÑ le laÑ Ur tterêag γer er medden Ameslay êiden Ad teêreÑ lfayda tesεaÑ tes aÑ Ifassen ad sselfen D lmuàal ad wten Kkat s yifassen nn-wiyaÑ
Du bout de la langue, aime-les tous Et bien que tu les haïsses, Garde-toi de te tromper ; Ne sois pas désagréable, La douceur du verbe Tu en verras l’intérêt ; Tes mains caresseront, Jamais elles ne frapperont : Sers-toi des mains des autres.
KkesKkes-d afusafus-ik si Rebbi Yiwen ur tt-ttqili Leànana yidyid-s ad tferqeÑ Γer er zdat ttektili TissineÑ iÑelli Kra ara yeÑrun a ss-tàesbeÑ Ur ttamen ad akak-yini Yura wayagi I-yuran d ayen ara tmeyyzeÑ
Détache-toi de Dieu, N’épargne personne, Sépare-toi de la douceur ; Mesure l’avenir Et sache le passé, Tu tiendras compte de tous les faits ; N’attends pas qu’on te dise : « Ceci est écrit ! » Le destin, c’est ce que tu penseras !
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Issin amek ara textireÑ D acu ara dd-teqqareÑ Xtir lekdeb iàercen Ma tessneÑ ad teskiddbeÑ Wid iwmi ara theddreÑ Ad ğğen tidett a kk-amnen âaca s wayagi ara tawÑeÑ S ayen i tessarmeÑ Neγ Ne ma ulac a kk-zwiren
Sache comment choisir Les meilleures paroles : Choisis le mensonge habile ; Si tu as l’art du mensonge, Ceux à qui tu t’adresseras Délaisseront la vérité et te croiront ; C’est là le seul moyen pour toi D’arriver à tes fins, Sinon, ils te devanceront.
Akka a mmi Ara tuγaleÑ tu aleÑ d aqerru Ma têewreÑ a mmi Γef ef ufusufus-ik ara teddu
C’est ainsi, mon fils Que tu deviendras un grand chef, Si tu réussis, mon fils, C’est toi qui gouverneras !
Widen i tàemmleÑ Γurk urk ur tenten-ttamen ara Widen akken i tkerheÑ YesYes-sen a kk-wten Wid tugadeÑ SnulfuSnulfu-yasenyasen-s lgirra ra I γer er a tenten-tefkeÑ Din ara mmten Asmi ara dalen d-uγalen Deg yesnedyaqsnedyaq-nsen Awi ijeğğigen Kul wa cebbeàcebbeà-as aêekka
Ceux que tu aimes, Garde-toi de les croire : Ceux que tu détestes Les utiliseront pour te frapper ; Ceux que tu crains, Invente-leur une guerre A laquelle tu les enverras Et ils y périront ; Lorsqu’ils reviendront Dans leurs cercueils, Apporte les fleurs Et embellis-leur les tombes !
Mi ara yili yiwen Iêwer ur ss-tezmireÑ ara âemmlenâemmlen-t merra YerraYerra-yak tili Xemmel ifassen Skud ur tt-tekkiseÑ ara Ur tegganeÑ ara A lamma yeγli ye li i Tin Ñ-asen Meskin D lehlak i tt-yerwin D ulul-is i tt-yewwin MiMi-yemmut iγaÑ i aÑaÑ-iyi
Lorsque quelqu’un Dont tu n’égales pas la réussite Est aimé de tous Et te fait de l’ombre, Retrousse les manches Tant que tu ne l’auras pas supprimé, Tu ne dormiras Qu’après sa chute : Et tu en diras : « Le pauvre ! La maladie l’a troublé, Son cœur l’a emporté, Et mort, il me fait de la peine.
Mi ara yili yiwen TwalaÑ yebda yettfaq KetterKetter-as idrimen D wayen yectaq Mi ara yili yiwen TwalaÑ yebγ yeb a a dd-yeééerÑeq CeyyeεCeyye -yas yas widen Ara tt-irren yeàdeq Ugur a tt-tekkseÑ Ur ttkukru ad tenγeÑ ten eÑ
Lorsque quelqu’un Te paraîtra éveillé, Inonde-le d’argent Et de tout ce qu’il manque ; lorsque quelqu’un Te paraîtra exaspéré, Envoie-lui celui Qui le rendra plus doux ; Pour ôter tous les obstacles, N’hésite pas à tuer :
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I wakken ad tàekmeÑ IfassenIfassen-ik ad izwiγen izwi en
Pour que tu puisses gouverner, Tu devras avoir du sang sur les mains246 !
Mayella ttamnen Ttawi ttesbià degdeg-ufusufus-ik Err imaniman-ik SegSeg-widen yumnen Zeggwirir-asen Γas as degdeg-wul wul-ik d aγurru a urru Rebbi iteddu D wagad iêewren Γas as ulul-ik d akafri Yiwen ur tt-yeêri KellexKellex-asen i lγaci l aci Ttamnen kan ayen êerren
S’ils sont croyants, Tu porteras un chapelet, Tu te verras Parmi ceux qui croient ; Devance-les Bien qu’au fond de toi tu les dupes, Dieu prend parti Pour les gens habiles ; Bien que ton cœur soit impur, Nul ne le verra, Trompe les gens : Ils ne croient que ce qu’ils voient !
ëwerSois habile, mon fils, ëwer-k a mmi Aql--ak tuγaleÑ Te voilà devenu un grand chef ; Aql tu aleÑ d aqerru Ma têewreÑ a mmi Si tu es habile, mon fils, Γef ef ufusC’est toi qui gouverneras ! ufus-ik ara teddu __________________________________________________________________________________________
215.
99. Tayri
L’amour
1.
Lliγ elqeγ Lli (ldiγ) (ldi ) taxzant i γelqe elqe Seg--wasmi lliγ Seg lli meêêiyeγ meêêiye Taktabt nn-làubb i serseγ serse YuliYuli-tt uγebbar u ebbar teqqim
J’ouvris le placard que j’avais fermé Depuis que j’étais tout jeune : Le livre d’amour que j’y avais remisé, Abandonné, était couverte de poussière.
5.
Aγebbar ebbar ii-y-tttt-yulin ZwiγZwi -t akken a yi-d-twali TennaTenna-d wi didi-d-yessakwin Tγil il mačči d nekkini Éerqeγ Éerqe ula i tewriqin Taktabt uriγ uri tettutettu-yi
La poussière qui le couvrait, Je l’essuyai247 pour qu’il me voie ; Il me demandé qui l’avait réveillé, Croyant que ce n’était pas moi ; Les pages mêmes ne me reconnurent pas : Lu livre que j’avais écrit m’a oublié !
Amzun ayen degdeg-s yellan i Mačči sγur s urur- i ss-idid-yekka D afusafus-nniÑen i tt-yuran Nekk ur dasdas-àÑireγ àÑire ara
Comme si ce qu’il contenait Je n’en étais pas l’auteur248, Une autre main l’aurait écrit Et moi j’y serais absent !
A làubb i s i nettseÑài nettseÑài AssAss-a qeblenqeblen-k yerkwelli CebbàenCebbàen-k semmansemman-ak tayri Ma d nekk iεjeb i jebjeb-i yisemyisem-ik
‘Amor’ dont nous rougissions, Aujourd’hui tout le monde t’adopte, On t’embellit en te nommant Amour Tandis que ton nom me plaît249 !
Acàal i dd-nettmekti
Combien nous nous remémorons
10.
15.
246
Littér. : [tes mains rougiraient]
Littér. : [je le secouai]. dépoussiérer est rendu en kabyle par zwi aγ aγebbar. Si en français dépoussiérer a pour COD le nom de l’objet à nettoyer, en kabyle aγebbar peut être le COD de zwi aussi bien que le nom de l’objet à dépoussiérer. En définitive, si zwi signifie « secouer », la correspondance n’est pas parfaite entre les deux verbes zwi et secouer. 247
Littér. : [ce n’est pas de moi qu’il vint] amor est délibérément mis pour rendre lḥubb tandis que amour est mis pour rendre tayri, considérés respectivement comme ancien et nouveau vocables chez les Kabyles. 248 249
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20.
Ay ulul-iw asmi nerγa ner a Truà tmestmes-nni Tuγal Tu al d iγed i ed mi tensa YewwiYewwi-tt waÑu teğğateğğa-yi Temêi mi yidyid-s tedda tedda
Les moments où nous brûlions, mon cœur, Ce feu a disparu, Eteint et devenu cendres ; Emporté par le vent et m’abandonnant, Il a emporté ma jeunesse.
25.
Ula d later i γ--d-iqqimen ummIγumm umm-it wedfel n zzman Ccna ara tt-idid-yeskeflen AsserqenAss-a εerqen erqen-as imukan
Même les traces qui en restent Elles sont couvertes par la neige du temps ; Le chant qui l’aurait exhumé Ne retrouve plus ses marques250.
A tayri amek ialeγ i-y-uγale ale MuqelMuqel-d acàal i beddleγ beddle Ma d kemmini akken i kemkem-ssneγ ssne I mazal yella wudemwudem-im
Amour, que suis-je devenu ? Regarde combien j’ai changé Mais toi, telle que je t’ai connue, Tu es restée telle quelle !
A tayri melmel-iyiiyi-d amek akka TeğğiÑTeğğiÑ-iyi ger yiberdan TecfiÑ asmi dd-nemsawa NessaγNessa -d iéij γef efef-wussan Ussan i kemkem-iğğan tura Uγalen alen almi diyidiyi-rnan Kul yiwen iwwiiwwi-d tiyita âuzanâuzan-iyi ur kemkem-àuzan Mazal, mazal, mazal, mazal251
Amour, dis-moi donc pourquoi Tu m’as laissé à la croisée des chemins ? Te souviens-tu de notre temps Quand nous ensoleillions les jours ? Ces jours qui t’ont quittée maintenant Ont fini par me vaincre : Chacun d’eux a apporté son coup, Ils m’ont atteint sans t’atteindre ; Toujours, toujours, toujours !
MazalMazal-i heddÂeγ heddÂe fellfell-am AmAm-wakken àebsen lewqat Γas as ttwaliγ ttwali di ååifaååifa-m Ur umineγ umine zzman ifat ÉanedÉaned-iyi ad amne