Techniques Et Pratique de La Chaux [PDF]

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Zitiervorschau

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SOMMAIRE

PREFACE de Jean-Pierre ADAM, CNRS..................................

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INTRODUCTION .......................................................................

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1. LA CHAUX ET SES UTILISATIONS .................................... 1.1 Un liant pour bâtir et pour restaurer .......................................... 1.2 Les autres utilisations de la chaux ............................................ Agriculture, sidérurgie, chimie... ................................................ Répartition des utilisations ........................................................

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2. TYPES DE CHAUX : CARACTÉRISTIQUES, PROPRIÉTÉS ET QUALITÉS .............................................. 2.1 Caractéristiques ...................................................................... Les chaux aériennes, magnésiennes et hydrauliques .................. Terminologie contemporaine et lien avec la tradition ................... La chaux est un liant ................................................................ 2.2 Propriétés physico-chimiques................................................... Composition et propriétés chimiques (solubilité, réactivité, basicité)

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Propriétés physiques (surface spécifique, densité, résistance, retrait, perméabilité,...) Compatibilité avec le bâti ancien ............................................... 45

3. LES MATERIAUX POUR CONFECTIONNER DES MORTIERS ET DES MORTIERS D’ENDUITS ............ 3.1 Les agrégats .......................................................................... 3.2 L’eau pour les mortiers ............................................................ 3.3 Les adjuvants ......................................................................... 3.4 Les pigments, la coloration ...................................................... 4. LES MORTIERS ET LES ENDUITS ..................................... 4.1 Fonctions architecturales et techniques..................................... Les références de traitement .................................................... Les caractéristiques d’aspect .................................................... Essai de classification ..................................................................... Qualités d’un enduit et principes constructifs .............................. 4.2 Fabrication des mortiers .......................................................... 4.3 L’environnement du chantier, supports à enduire ....................... 4.4 Dosage des mortiers d’enduit ................................................... La tradition – dosage et recommandations ................................. Dosages actuels – la normalisation ........................................... Réaliser son propre dosage ...................................................... Le choix du liant ...................................................................... Coloration en masse ................................................................

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4.5 L’exécution de l’enduit (épaisseur, prise, finition) ....................... Fiche technique – CAEB sur moellons .......................................

Fiche technique – XHN sur support ancien ............................... Fiche technique – XHN sur support moderne ............................. Fiche technique – Plâtre et chaux .............................................. 4.6 Particularités propres aux enduits fins et aux stucs à la chaux..... Liant aérien, agrégats fins ............................................................... Fiche technique – Stuc chaux à trois couches ................................ 4.7 Réaliser des modénatures en mortier profilé ..............................

5. PEINTURE A LA CHAUX ..................................................... 5.1 Fonctions architecturales et techniques.....................................

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Une pratique immémoriale ............................................................. Rôles et fonctions ........................................................................... Classification .................................................................................. 5.2 Fabrication des laits de chaux .................................................. 5.3 L’environnement du chantier, supports à peindre ....................... 5.4 La coloration........................................................................... 5.5 L’adjuvantation ....................................................................... Les adjuvants traditionnels ....................................................... Les adjuvants contemporains.................................................... 5.6 Mise en œuvre des peintures à la chaux ...................................

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6. PATHOLOGIES COURANTES DES ENDUITS ET PEINTURES A LA CHAUX ............................................. 6.1 Les effets visibles et mesurables .............................................. 6.2 Les éléments du diagnostic ...................................................... 6.3 L’humidité et la lutte contre ses effets .......................................

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7. GLOSSAIRE ET EQUIVALENCES ...................................... Lexique polyglotte ...........................................................................

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8. BIBLIOGRAPHIE .................................................................. ANNEXES.................................................................................. 1.Essais de chronologie ................................................................ 2.Technologies de fabrication de la chaux ...................................... 3.Propriétés physico-chimiques de la chaux .................................... 4.La réglementation ...................................................................... 5.Principaux fabricants et distributeurs de chaux ............................

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REMERCIEMENTS Cet ouvrage est le fruit du travail collectif de l’École d’Avignon. Il a été rédigé par Pascal CANONGE, Françoise AUTRIC, Gilles NOURISSIER. Son contenu a également été établi par les formateurs et intervenants de l’École : Jean-Jacques ALGROS, Marc JULLIEN, René SETTE, Jean-Pierre ROSE, Yves BELMONT. Nous tenons à remercier tout particulièrement pour leurs contributions : Michel POLGE, Jacques BAUDOIN, Wolfdietrich ELBERT, Gerwin STEIN, Stefano TROMBINI, Xavier CASANOVAS, René GUERIN, Keith SANDERS, Richard DAVIES. Enfin, nos remerciements vont à Jean-Pierre ADAM qui a manifesté un intérêt immédiat pour notre travail en rédigeant la préface de cet ouvrage.

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Préface L’histoire de l’architecture, que l’on associe structurellement à l’évolution de la maîtrise de la pierre, oublie trop souvent que le perfectionnement des techniques architecturales n’a été possible que grâce à l’usage d’un liant, la chaux, dont la présence seule a autorisé la conquête de l’espace d’une manière durable, c’est-à-dire en se passant du bois. Si justifiée que soit notre admiration pour les pyramides ou les temples de l’Egypte pharaonique, audelà de l’exploit physique et pondéral que ces monuments représentent, ils ne demeurent que de gigantesques entassements dont les volumes libres sont limités par la portée des poutres et dalles de pierre qui les couvrent. Et pourtant, les Egyptiens connaissaient et les liants–le plâtre et la chaux–et la voûte à poussées, mais c’est parce qu’ils ne sont pas parvenus à imaginer la véritable architecture de maçonnerie concrète, telle que les Romains vont la systématiser, que leur art monumental s’est figé dans un gigantisme non fonctionnel. C’est en effet et sans conteste Rome qui va, avec un sens exceptionnel de l’efficacité, en faisant le choix décisif d’un usage optimum du mortier et du béton, parvenir à se jouer avec une maîtrise sans équivalent dans l’histoire de l’art monumental, de tous les problèmes de franchissement de l’espace et de résolution de tous les programmes publics ou privés, avec un égal succès, quelle que soit l’ampleur ou la modicité de la réalisation et quels que soient les obstacles naturels à franchir ou les problèmes techniques à résoudre. En faisant de la chaux leur matériau de construction princeps, les Romains ont inventé l’architecture moderne. Or, très curieusement, de nos jours la chaux, dans l’esprit du public, n’est associée qu’à une architecture ancienne, certes, mais à caractère rural et approximatif ; on fait plus volontiers de la chaux un matériau réservé aux enduits rustiques ou à usage de liant archaïque équivalent à l’argile, somme toute un élément du pittoresque vernaculaire, en oubliant que le Panthéon de Rome ou les cathédrales gothiques ne doivent qu’à la chaux la possibilité de leurs exploits. Et c’est bien là, du reste, la démonstration de l’universalité de ce matériau hors du commun, que l’époque moderne a élaboré et transformé en ciments de compositions diverses, capable de répondre aux besoins multiples de l’architecture, depuis sa fonction de “colle” et de répartiteur de pressions entre les pierres jusqu’au liant constituant les bétons et les enduits d’étanchéité, sans oublier les enduits peints et les stucs. Un tel sujet ne pouvait être que majeur pour l’Ecole d’Avignon, dont l’enseignement, dès l’origine, a eu pour thème majeur la chaux et ses différentes applications au bâti ancien, tant dans la structure que dans le décor. Il appartenait à cette institution, dont le souci et l’objectif sont la préservation du patrimoine bâti, dans le respect, chaque fois que son état le permet, de sa structure originelle, de consigner dans une publication accessible, l’essentiel de l’historique et des usages de la chaux depuis l’Antiquité, ses modes de production, ses compositions et, informations particulièrement attendues, les différents dosages et travaux de préparation et de mise en œuvre pour la construction, la restauration et les différents supports de décors. Toutefois, il convient de mettre en garde l’amateur de restaurations trop impulsif qui considérerait cet ouvrage comme un simple mode d’emploi ou un livre de recettes : il s’agit d’un véritable manuel, historique et, bien sûr, pratique mais s’adressant à l’artisan maçon, au restaurateur et au maître d’œuvre déjà expérimentés ; et il peut être considéré, à bon droit, comme la consignation de l’enseignement reçu à la maison du Roi René. Cette connaissance préalable du métier et le suivi des cours donnés ne sauraient, bien sûr, être un obstacle à l’information pure et, de toute évidence, ce livre

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de l’Ecole d’Avignon sera une source de découvertes et de savoir pour quiconque a la curiosité de l’architecture et le respect du patrimoine. Jean-Pierre ADAM C.N.R.S. Institut de Recherche sur l’Architecture Antique

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Introduction

La chaux a été, jusqu’à la révolution industrielle, le principal liant de la construction. Incorporée à des mortiers, elle a servi aussi bien à hourder les maçonneries qu’à en dresser les parements. Utilisée à l’état pur, elle a servi à lier des peintures, ou badigeons. Elle est intervenue dans la composition des enduits les plus modestes comme des stucs les plus précieux. Elle a participé à la solidité des édifices antiques et médiévaux et à la beauté d’ouvrages aussi prestigieux que certaines des fresques qui les décorent. Elle participe, enfin, par les enduits et leurs peintures, au décor de la plupart des vieux quartiers. Il n’est, pourrait-on dire, aucun édifice ancien qui n’échappe à son empire. Les générations des constructeurs qui nous précèdent ont employé la chaux disponible, celle provenant de la carrière et du four à chaux les plus rapprochés. Ceci vaut avant que la récente facilité des transports n’ait bouleversé cet usage, et nous sommes alors dans une logique où les matériaux sont sédentaires. La nature des chaux rencontrées sur notre territoire diffère selon la qualité des roches extraites, depuis les calcaires les plus purs donnant des chaux grasses, dites aériennes, jusqu’aux calcaires les plus argileux, donnant des chaux maigres, dites hydrauliques. Maçons et maîtres d’œuvre ont probablement eu assez peu le loisir de choisir telle ou telle chaux, s’adaptant plutôt aux caractéristiques du matériau local à leur disposition. Ils ont parallèlement maîtrisé l’emploi et corrigé les effets de chacune des chaux en affinant des technologies de mise en œuvre. Ainsi, l’ingéniosité a pallié une relative pénurie de la distribution. Elle a permis aux maçons d’apporter à leurs mortiers des propriétés complémentaires : ralentir ou accélérer, durcir ou assouplir, épaissir ou affiner, imperméabiliser ou étancher. Leurs savoir-faire se sont donc constitués aussi pour compenser les limites de la chaux disponible, se focalisant plus sur l’ouvrage à réaliser et moins sur la catégorie du liant. Le fond documentaire que forment les édifices anciens montre d’ailleurs combien les résultats se rejoignent alors même que les chaux diffèrent. Il faut également rappeler que si la gamme des chaux va de la plus aérienne à la plus hydraulique, une série d’intermédiaires, mi-chèvre mi-chou, tempère les préférences et les certitudes sur les qualités de l’une et de l’autre. Une tendance actuelle au raccourci ne retient que les deux extrêmes et les oppose dans une sorte de bataille des anciens et des modernes : seules les premières seraient celles de la tradition, mythifiées par la pureté du calcaire qui les compose, alors que les deuxièmes seraient à bannir puisqu’entachées d’impureté et–parce qu’elles ne sont décrites que depuis moins de deux siècles quoiqu’employées depuis toujours–ne peuvent prétendre à l’étiquette traditionnelle. C’est là que l’observation des mortiers anciens eux-mêmes prend tout son sens : tous les types de chaux cohabitent de tous temps. Cette polémique du choix du liant devrait en réalité être plus technique et moins doctrinaire ; il n’en est pour preuve que la longue liste des formules visant à apporter des propriétés hydrauliques à des chaux grasses lorsque l’opérateur ne disposait pas d’un liant maigre. Et la réciproque est également vraie. Les métiers sont donc habitués à s’adapter aux contraintes de mise en œuvre et d’approvisionnement : ces questions sont réputées trouver leur solution. A les observer, il est manifeste que les ouvrages d’enduits, de badigeons répondent au moins autant à des préoccupations d’ordre architectural que d’ordre technique et fonctionnel. La mise en scène et la composition, la texture et la couleur des parements prévalent sur la manière de procéder. Le vocabulaire de la finition–dont la diversité en

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France est exceptionnelle -, occupe le constructeur en priorité. C’est même dans l’élargissement de ce vocabulaire, dans la multiplication des variantes, que le maçon concentre son énergie. A l’inverse, aujourd’hui, la culture du projet de traitement tend à disparaître, faisant de l’enduit un ouvrage purement technique où la fonction a pris le pas sur l’expression. Évolution paradoxale alors que toutes les catégories de chaux et agrégats sont désormais disponibles presqu’en tout lieu. A l’évidence, au-delà des matériaux est posée la question du lien entre architecture et construction. Pour honorer leur héritage, nos chaux qui sont meilleures qu’auparavant, réclament des hommes de l’art : concepteurs et praticiens. En fin de compte, la chaux passera toujours par les mains d’un homme de métier, c’est sa capacité à donner à ce matériau un sens dans le domaine de l’écriture architecturale qui permettra de renouer avec la tradition d’un bâti soigné et expressif. Pour les périodes antiques et médiévales, les travaux de l’archéologie nous renseignent mieux sur la chaux que la littérature sur l’architecture qui accorde peu de place à l’industrie des matériaux. Cependant l’utilisation de liants à bâtir, comme le plâtre ou la chaux, est attestée depuis le VIe siècle avant J.-C, période néolithique, en divers points du globe (Mésopotamie, Amérique...). La très grande ancienneté de ce matériau est donc un premier point. Les Romains développent des techniques de construction en petit appareil qui vont donner à la chaux ses lettres de noblesse : elle devient véritablement un liant, ses propriétés sont déterminantes dans les mortiers appelés à tenir un rôle essentiel dans l’art de bâtir. La maîtrise des phénomènes de carbonatation et d’hydraulicité à travers l’emploi de pouzzolanes et de brique pilée a permis de mettre au point des technologies qui nous surprennent encore par leur qualité et leur résistance. C’est de cette manipulation empirique mais particulièrement convaincante que naît le mythe du mortier romain. Parallèlement, dans l’espace méditerranéen, les chaux sont employées dans les ouvrages tels que les enduits, les peintures, les stucs et les ornements : du monde byzantin au monde musulman, le matériau est présent dans les ouvrages de revêtement. L’Occident chrétien, à l’époque médiévale, continue de bâtir et décorer avec des techniques employant la chaux. Au XVe siècle la fresque, dont elle est le liant, donne lieu à des traités alliant esthétique et technique, art et métier. La littérature de l’ère moderne est abondante et du XVIIe au XIXe siècle, plusieurs pistes sont ouvertes qui manifestent la dynamique des recherches sur les chaux. Dans le champ de la fabrication, la cuisson et les modes d’extinction sont deux sujets couramment traités. Dans le domaine des propriétés et de l’amélioration des performances des matériaux, c’est l’hydraulicité qui occupe les chercheurs. Si les hommes de l’art du bâtiment sont discrets, les ingénieurs, pour leurs ponts, ports et autres ouvrages d’art, mènent le débat technique et théorique, conduisent les expérimentations tant sur le matériau lui-même que sur les mortiers. Ils travaillent en tous points de la chaîne de fabrication et d’emploi : les carrières, les fours, le durcissement sous l’eau de la chaux. L’émergence de l’analyse scientifique, spécifique au XIXe siècle, complète et recolle les savoir-faire empiriques pour déboucher en 1824, à Portland (Angleterre), sur la fabrication du premier ciment, père et modèle d’une longue lignée. Ainsi, le XIXe siècle a ouvert la voie aux ciments artificiels qui prendront progressivement le pas sur les chaux. L’accélération sera plus manifeste à l’issue de la Seconde Guerre mondiale lorsque le secteur du bâtiment produit essentiellement des logements neufs n’utilisant plus les chaux. C’est l’époque charnière où la chaux est en passe d’abandon, où son ancienneté est une marque d’archaïsme alors que les ciments améliorent les performances des liants, accélèrent leur mise en œuvre, tracent la voie d’une modernité que chaque maçon devra inévitablement emprunter.

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Au cours des années 1950 et 1960, succédant à la reconstruction, l’idée de protection du patrimoine s’installe en centre-ville, avec la rénovation des quartiers anciens. Trente ans plus tard, la réhabilitation poursuit les politiques ouvertes par les secteurs sauvegardés, puis par les zones de protection du patrimoine. Ces approches diffuses de la sauvegarde du bâti concernent non seulement l’aspect des édifices, mais aussi leur substance, les matériaux en sont l’un des constituants. Ainsi, la chaux va-t-elle redevenir progressivement dès les années 1960, l’un des outils de la restauration des quartiers anciens. Son usage dans ce contexte répond à plusieurs soucis :

• dans le domaine constructif, elle est le liant au comportement en sympathie avec la maçonnerie,

• dans le domaine de l’aspect, elle est le matériau capable de révéler la beauté des parements,

• dans le domaine historique, elle est le dénominateur commun, le matériau du

continuum.

Ses caractéristiques techniques et esthétiques se combinent pour faire de la chaux le matériau choisi pour reprendre et compléter l’ancien, tout autant que pour garantir un ancrage dans la tradition constructive. Détrônée par ses propres héritiers, les ciments et les chaux artificielles, elle est aujourd’hui redécouverte à la faveur de la réhabilitation des centres anciens. C’est dans ce contexte d’engouement pour le patrimoine que le présent ouvrage a vu le jour. Cette redécouverte est liée à des considérations techniques, attachées aux questions de comportement et de compatibilité avec les matériaux qui composent le bâti ancien. Elle est aussi liée à des considérations esthétiques, et ce, aussi bien du point de vue de la restauration du patrimoine–qui ne s’en est presque jamais départie–que de celui de sa mise en valeur esthétique. Au plan de la finition, de la coloration ou encore du vieillissement, la chaux apporte aux parements des qualités incomparables. C’est la chaux en France dont il est ici question. Si elle est employée dans tout l’espace européen et au-delà, nous nous sommes limités à notre territoire qui est le champ principal de l’expérience de l’Ecole d’Avignon. Il s’agit d’un livre pratique, avec un texte et un plan général plutôt didactiques et des fiches techniques qui font la synthèse de prestations type dans telle ou telle pratique. La somme des particularismes aurait pu conduire à multiplier considérablement le nombre de ces fiches. Notre propos n’était pas ici de compiler les variantes régionales (plusieurs centaines) mais d’indiquer les méthodes principales. Nous n’avons poursuivi non plus aucune ambition ethnographique, renonçant à recenser chaque recette, à décrire les tours de main ou à présenter l’ensemble des factures, qui pourraient constituer les thèmes d’un second ouvrage. Ce que nous avons voulu réaliser, c’est une sorte de manuel sinon un véritable guide du travail à la chaux. Ici est présentée en effet la somme de notre expérience, tant de formateurs et de praticiens que d’hommes de chantier. Les conseils d’ordre pratique abondent, qu’il s’agisse de mieux organiser les chantiers, de bien réussir les dosages ou de trouver la meilleure solution pour combattre ou éliminer l’humidité des bâtiments. Nous avons cherché dans cet ouvrage à réunir l’ensemble des connaissances utiles sur le sujet, les plus générales comme les plus pratiques. Nous nous sommes bornés toutefois à l’assiette des connaissances communes à chaque praticien, col blanc ou col bleu. Ainsi, l’artisan et son apprenti comme l’architecte ou l’étudiant en BTP, le restaurateur de fresques et de façades comme le conservateur du patrimoine monumental y trouveront leur compte, sans parler de tous les amateurs de bâti ancien qui entreprennent de leurs mains la

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remise en état de leur maison.

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La chaux et ses utilisations La chaux entre dans un grand nombre d’utilisations, depuis des applications artisanales jusqu’à des processus industriels très évolués. La production française en 1993 est de 2 820 000 tonnes, dont une part importante est fabriquée par les utilisateurs eux-mêmes, dans le cadre industriel (en particulier dans les secteurs de la sidérurgie, de la chimie).

1.1 Un liant pour bâtir et pour restaurer L’utilisation de la chaux, dans le bâtiment comme matériau de construction, représente moins de 3 % de la production totale française de chaux aérienne ou magnésienne. (Si l’on considère seulement la chaux sous sa forme éteinte, ce pourcentage représente un peu plus de 10 % : ainsi l’usage de la chaux dans le bâtiment reste relativement modeste.) Certains débouchés ne sont pas pratiqués en France, mais existent à l’étranger. C’est le cas de la brique silico-calcaire, fabriquée à partir d’un mélange de chaux et de sable siliceux, compacté et étuvé. Il faut signaler également les bétons cellulaires (à base de mortier de sable, de chaux et /ou de ciment), qui résultent de l’action de la chaux sur de l’aluminium en poudre (dégagement de bulles de gaz). D’autre part, la fabrication du verre, matériau de plus en plus présent dans l’architecture contemporaine, nécessite l’adjonction en faible quantité de calcaire (souvent sous forme de chaux) dans un mélange essentiellement à base de silice ou de quartz. Depuis fort longtemps, la chaux a été employée pour stabiliser les routes et chemins. Son utilisation perdure encore aujourd’hui pour modifier les caractéristiques physiques du sol. Comme en agriculture, elle sert à diminuer le pourcentage d’eau contenu dans un sol humide, et à floculer les argiles du sol provoquant ainsi une réaction physico-chimique et permettre le passage d’une structure plastique à une composition stable, grumeleuse. Elle sert aussi à modifier les caractéristiques chimiques du sol. Ainsi elle agit pour solubiliser la silice et l’alumine contenues dans l’argile et former un silicate et aluminate de calcium. La chaux intervient dans la composition d’un liant hydraulique, qui agglomère les composants du sol et en augmente la dureté. En milieu ancien, un liant pour restaurer Le gros consommateur de chaux est aujourd’hui le secteur de la réhabilitation. La redécouverte de ce fond urbain accompagne la revalorisation de l’artisanat, pris ici au sens du sur mesure et de la petite entreprise.

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Viviers de savoir-faire et de tours de main, le milieu des métiers trouve ici un nouveau souffle où il peut donner la mesure de sa richesse et de son identité. Chaque enduit mobilise chez le maçon sa capacité circonstancielle à s’adapter à une demande particulière, par référence à un modèle traditionnel. Chaque fois que le dernier ravalement est antérieur aux liants industriels, la chaux est le matériau employé. C’est dire qu’elle domine en milieu ancien et qu’elle est par excellence le matériau d’entretien des parements. Si l’entretien est un marché, il est aussi une discipline. Il suppose une intervention en continuité avec la vie de l’édifice qui propose, encore visibles, les traces de son architecture. Il pose la double question du traitement et de la technique. Il pose enfin la question des marques du temps et du choix éventuel de leur maintien à titre de témoin. Le traitement touche à la composition et à l’aspect : il ne peut s’affranchir d’un contexte patrimonial et effleure nécessairement les principes de la restauration. Dans le cas de l’intégration, d’un enduit pour partie conservé et pour partie refait, quels choix esthétiques prévalent ? La prolongation à l’identique au nom de l’unité ? L’accentuation de la différence au nom de la lisibilité ? Dans le cas du remplacement de l’enduit, cherche-t-on l’équivalence d’aspect par des artifices de patine et de vieillissement ou bien la réfection à neuf se substitue-t-elle à bon compte à l’ouvrage ancien ? Ces interrogations attestent que la réhabilitation, si elle tolère plus facilement le renouvellement des ouvrages, n’échappe pas à la question de l’aspect, à la combinaison du beau et du vieux. Le souci du “vieux”, de la marque du temps, est curieusement tout à la fois revendiqué et repoussé. Refaire, par référence à l’architecture, et conserver, par référence à l’ancienneté, procèdent de deux esthétiques différentes : celle de la forme et celle des marques de l’histoire. Au-delà de ces débats, la chaux convient à l’entretien. Elle sait révéler l’agrégat des enduits ; et elle est lumineuse ; elle flatte l’imperfection du mur ; elle est transparente, veloutée et nuancée dans les patines et badigeons. Sur le plan technique, en entretien, l’ouvrage a lui aussi sa propre logique du support à la finition. Que vaut un épiderme “à l’ancienne”, satisfaisant sur le plan visuel, s’il n’est pas compatible avec le dermesupport ? Sur nombre d’édifices on voit se dégrader à court terme la couche de finition réalisée à la chaux et appliquée sur un corps d’enduit de type moderne par le liant et par le dosage. L’usage du matériau traditionnel exige un dispositif traditionnel. Toute conception technique de juxtaposition neuf/ancien devra tenir compte de cette évidence si elle veut employer la chaux autrement que comme un alibi d’habillage. Avec la chaux, aspect et technique se superposent pour entretenir l’édifice et l’accompagner dans une sorte de fondu enchaîné du bâtiment dans le temps. A côté de la logique de l’homme de métier, utilisateur d’un matériau brut qu’il façonne lui-même, s’est développée une offre considérable, dans la logique du produit, à travers les enduits prêts à l’emploi. La chaux y est présente en quantité importante et ces produits procèdent de l’image traditionnelle de l’enduit. Ils sont l’alternative industrielle à un ouvrage dont la culture est du domaine artisanal. Le chapitre sur les enduits en présente les caractéristiques. Le monde de l’entretien et le monde des monuments historiques diffèrent par leur approche.

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Aujourd’hui, une piste de réflexion voudrait moins de confusion entre le monumental, l’œuvre au sens de chef-d’œuvre (exceptionnelle par sa qualité, son ambition et généralement son unité dominante) et les œuvres de construction traditionnelle, dignes d’intérêt par les marques de leur ancienneté. A la première catégorie s’appliquent les disciplines de la conservation et de la restauration ; à la seconde celles de l’entretien et de la réhabilitation. Etudes au cas par cas, débats de doctrine et de projet pour les premiers ; stratégies reproductibles et normalisables sur les seconds. En effet, en réhabilitation, le modèle préexiste, généralement et par analogie en plusieurs exemplaires. Ici, réparation, entretien, réfection mobilisent l’arsenal courant des matériaux traditionnels, des techniques et savoir-faire des métiers. Quand bien même elle concourt à un objectif patrimonial, l’intervention y est de type sanitaire ; édifié, le bâtiment donne déjà à voir le traitement de son architecture et l’intervention échappe aux débats de doctrine. En conservation, les approches sont tout autres, et la réfection n’est en principe qu’exceptionnelle. Dans le cas des ouvrages comportant un liant chaux deux groupes de problèmes concrets se posent : perte de cohésion et perte d’adhésion. On rencontre ces désordres dans les mortiers de hourdage, dans les enduits, dans les couches picturales et l’on cherche à redonner à l’ouvrage ses propriétés perdues de tenue et de solidité. Du fait des principes de la discipline et de la qualité des œuvres à traiter, on tend vers une recherche de réversibilité des systèmes consolidants à laquelle on ne parvient qu’assez théoriquement. Une gamme de procédés à partir de liants synthétiques, organiques, minéraux permet de résoudre les désordres d’adhésion et de cohésion. L’argument du choix se fait sur la base des contraintes du milieu (humidité, température, nature des sels et des pigments), mais surtout en fonction du projet final de traitement et des possibilités de déposer ou non l’ouvrage pelliculaire. Les chaux sont utilisées en injection, toujours en mélange avec d’autres produits adjuvants, et n’ont pas de qualité de réversibilité. Elles agissent en revanche par adhésion, en sympathie avec un milieu qui est le leur à l’origine. D’autres systèmes utilisent l’imprégnation et obtiennent une réversibilité de qualité variable par l’usage possible de solvants. Se pose enfin le problème du réenduit et du repeint sur les zones traitées ou à proximité ; le choix du système consolidant devra être compatible avec le traitement technique final qui utilisera des principes modernes ou traditionnels. C’est donc bien le projet de restauration, définitif ou capable de repentir, qui guide le protocole d’intervention. La chaux n’y est pas un matériau retenu a priori et propre à répondre à chaque fois, mais un des composants à la disposition du restaurateur. Pour les enduits comme pour les peintures à la chaux, les architectes restaurateurs français s’en tiennent aux formules traditionnelles à base de chaux aériennes ou hydrauliques naturelles. Ils marquent en général une préférence pour les adjuvantations les plus anciennes (sel d’alun, huile de lin...). D’une manière plus générale, l’inspection des Monuments historiques connaît le rôle d’exemplarité que jouent ses propres choix sur le patrimoine majeur, pour le patrimoine modeste ou non protégé. Reconnaissant la fonction de protection des maçonneries par le décor peint, elle considère que sa conservation ou sa restauration s’impose. Elle envisage cette opération dans une logique d’homogénéité, sachant que l’absence partielle de décor risquerait “d’inverser la hiérarchie des valeurs et de brouiller la lisibilité, la compréhension”, précise COLETTE DI MATTEO. Son interrogation ressemble à une profession de foi : “L’édifice vivant, utilisé, peut-il se passer du décor protecteur nécessaire à sa maintenance, à son fonctionnement et son entretien quotidiens ?”

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On a vu que pour l’entretien c’est le dispositif technique traditionnel qui convient : les chaux y ont leur place naturelle. On sait aussi que l’enduit et son peinturage sont tout autant protections indispensables que prétextes à décor, réunissant dans un ouvrage unique l’organe constructif et le signe architectural. On peut en déduire que les chaux, comme “chef de famille” des liants minéraux traditionnels, sont bien le matériau approprié à l’ouvrage en raccord et en réfection sur le patrimoine bâti. Leurs qualités d’aspect les protègent des matériaux plus secs, plus plats ou trop uniformes, au moins tant que notre sensibilité tient leurs caractéristiques pour les plus belles. Elles ne sont pas cantonnées à l’entretien du patrimoine mais possèdent des ressources qui augurent bien de leur avenir.

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1.2 Les autres utilisations de la chaux

La chaux n’intervient pas seulement dans le domaine de la construction. Compte tenu de son rôle, prééminent au sein des processus de transformation et de traitement, elle trouve des usages très divers en relation avec ses propriétés chimiques et physiques.

DANS L’AGRICULTURE La chaux est utilisée en agriculture dans les sols acides pour ses propriétés : Chimiques La chaux est une base. Elle sert à lutter contre l’acidité des sols (besoin en redressement), laquelle a pour conséquence de perturber l’alimentation des plantes, en détruisant l’équilibre de restitution des éléments nutritifs (blocage de certains, prolifération d’autres, qui en grandes quantités deviennent toxiques). La chaux aide le sol à rétablir son équilibre et à retrouver sa fertilité. Elle agit également directement sur la végétation. Absorbée et fixée par les plantes, elle intervient dans le processus de germination, la circulation de l’amidon et la saturation des acides organiques. u

Quantité de chaux nécessaire pour élever d’une unité le PH1 d’un sol en tonne de chaux vive (CaO) par hectare et par an Terre sableuse légère de 1,5 à 2 Limons de 2 à 3 Terres fortes humidifiées de 3 à 4

Physiques La chaux coagule l’argile. Cette propriété revient à neutraliser les sols lourds et argileux, par le phénomène de floculation, correspondant au passage d’une structure plastique à une forme grumeleuse stable. La chaux rend alors le travail du sol plus facile, accroît sa perméabilité et favorise son activité. Une autre propriété de la chaux (utilisée vive) est de permettre l’assèchement des terres humides : en effet, la réaction d’extinction de la chaux avec l’eau contenue dans le sol permet la diminution de cette dernière. La chaux vive fixe environ un tiers de son poids en eau. u

Ces deux propriétés (floculation des argiles, assèchement) font que la chaux est depuis longtemps utilisée dans l’habitat pour la réalisation de sols en terre battue.

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Physiologiques La chaux favorise une vie microbienne plus intense, par l’amélioration du pH. A cela s’ajoute son pouvoir désinfectant et antiparasitaire. u

Le choix d’un amendement calcaire est lié au résultat visé (saturation de l’acidité, décomposition rapide de matières organiques...), à la nature du sol (sols argileux, lourds, humides, zones de défrichement, riches en sulfates), à l’époque de l’année et surtout aux considérations économiques (prix d’achat, transport, frais de main-d’œuvre) ; les chaux les plus fréquemment utilisées sont les chaux vives broyées, quelquefois les “cendrées” (cendres et chaux vive issues des résidus de four à chaux). Si l’utilisation de la chaux améliore les caractéristiques des sols, elle est aussi parfois contestée : “On dit de la chaux, comme de la marne, qu’elle enrichit les pères et ruine les enfants.” (Le livre de la ferme). La chaux est également employée pour la fabrication de la “bouillie bordelaise”, composition anticryptogamique pour lutter contre le mildiou de la vigne :

DANS LA SIDERURGIE ET LE TRAITEMENT DES METAUX NON FERREUX La sidérurgie est un domaine, où l’emploi de la chaux intervient très largement. Elle a le pouvoir de réagir à haute température avec les impuretés des métaux et participe ainsi à leur affinage. La chaux est employée : dans les convertisseurs produisant de l’acier, à partir de la fonte (fer et carbone). Elle forme avec les impuretés (silicium, phosphore) des scories, plus faciles à isoler et à éliminer. Les procédés actuels demandent 60 à 70 kg par tonne d’acier. u

dans le traitement des métaux non ferreux, où elle est utilisée comme agent d’attaque de la bauxite, pour en extraire l’aluminium. u

dans la préparation du magnésium par précipitation de la magnésie hydratée, à partir d’une solution de chlorure de magnésium. u

dans la séparation par flottation de différents sels métalliques, tels que le calcium métal, le cuivre, le zinc, le plomb, l’or, l’argent et l’uranium. u

EN CHIMIE ET DANS LE TRAITEMENT DES EAUX Produit de base de l’industrie chimique, la chaux provoque : la désulfurisation des fumées, par absorption des gaz acides, comme le dioxyde de soufre, le gaz carbonique...

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La chaux a été largement utilisée dans le processus de traitement des eaux, pour la neutralisation des eaux acides, provenant de forêts et de tourbières. L’opération consistait à leur faire traverser un bassin contenant de la chaux. Actuellement, celle-ci joue un rôle important et intervient à plusieurs niveaux :

• pour corriger l’acidité des eaux, • pour coaguler et floculer les matières en suspension, • pour précipiter certains éléments toxiques et nuisibles, • pour stériliser (destruction des germes pathogènes), • pour décarbonater les eaux, en précipitant le carbonate de calcium des eaux

calcaires.

AUTRES UTILISATIONS uDans

leur Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers de 1753, DIDEROT et D’ALEMBERT mentionnaient les multiples applications de la chaux en médecine. “La chaux vive fournit plusieurs bons remèdes à la médecine. Les plus anciens médecins l’ont employée extérieurement. Hippocrate lui-même l’a recommandée contre différentes espèces de lèpre. Diofcoride, Pline, Galien, Paul d’Aegine, la rangent au nombre des remèdes âcres et caustiques qu’on doit employer contre les ulcères putrides et malins... On trouve dans différents auteurs un grand nombre d’onguents contre les brûlures, dans lesquelles on fait entrer la chaux vive avec les émolliens et les adoucissans.” De nos jours, l’eau de chaux est encore utilisée en médecine; ce n’est plus le cas de la chaux vive, ou éteinte. La chaux a également été employée depuis fort longtemps à des fins sanitaires. Il n’est pas rare de retrouver des fosses communes où les corps jetés pêle-mêle (particulièrement durant des épidémies) étaient recouverts de chaux vive. La chaux a été et demeure un élément prépondérant dans l’élaboration de processus de transformation des matériaux. uDans

les sucreries, la chaux intervient à deux moments précis du raffinage : lors de la coagulation des impuretés, puis lors de l’action du gaz carbonique qui va la faire précipiter, pour former un carbonate. Elle joue alors le rôle d’adjuvant de filtration. uDans uLes uElle

l’industrie papetière, la chaux en tant que base, est utilisée pour régénérer la solution de soude.

tanneries se servent de la chaux pour préparer les peaux au tannage.

joue également le rôle de solvant pour les déchets d’abattoirs, lors de la fabrication de colles et de gélatines (alimentaires).

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Elle a même trouvé un débouché alimentaire avec l’invention d’une barquette auto-chauffante, contenant de l’eau et de la chaux vive qui, mises en contact, chauffent à 250° le plat cuisiné, isolé dans un compartiment séparé. uDans

l’industrie de la savonnerie, la chaux intervient dans le procédé de saponification des huiles.

REPARTITION DES UTILISATIONS La répartition de la production des chaux en France (1993) par les principaux utilisateurs est la suivante : Ventilation des emplois des chaux grasses et magnésiennes vive

Chaux

Chaux

éteinte magnésienne

Chaux

Total

1993

du

(en tonnes) (en tonnes) (en tonnes) (en tonnes)

Aciérie : utilisation en France (exportation)

937.101 198.334

3.074 0

Traitement des minerais et métaux non ferreux 84.800

total

36.132 976.307 2.000 200.334

34.60 7 .10

8.442

0

93.242

Carbure

36.238

0

0

36.238

1.28

Papeterie - cartonnerie

66.024

2.093

0

68.117

2.41

Pétrochimie

25.500

26.550

10

52.060

1.85

Tannerie - mégisserie

3

516

0

519

0.02

Colles & gélatines

0

726

0

726

0.03

1.251

681

0

1.932

0.07

Engrais & anticryptogamiques

Traitement des eaux de consommation et résiduelles

97.002 164.713

%

4.046

3.30

265.761

9.42 Emplois routiers & stabilisation des sols361.081 2.400 Bâtiment et matériaux de construction 34.565

41.137

Chaux & cendrées pour l’amendement des sols 175.903 Sulfatage

12.89

3.000

78.702

2.79

375

84.800 261.078

0

0

0.00

0 0 0

116.526 0 0

4.13 N.S 0

Autres emplois

132.188 10.455

0

142.643

5.06

136.185 27.573

0

163.758

5.80

TOTAL LIVRAISONS

Source :

0

363.581

Epuration des effluents gazeux dont : 12.754 103.772 –désulfuration : 20 091 t éteinte 0 0 –décoloration : 12 754 t vive - 83 681 t éteinte 0

Exportations

0

100

9.25

N.S

2.298.929 392.507 130.088 2.821.524 100.00

Syndicat National des Fabricants de Ciments et de Chaux Section chaux grasses et magnésiennes

Vous constaterez que les principaux domaines regroupent la sidérurgie des métaux ferreux et non ferreux (45 %), les emplois routiers (13 %) et l’agriculture (10 %).

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Types de chaux : caractéristiques, propriétés et qualités 2.1

Caractéristiques La chaux est obtenue par la calcination d’un calcaire (celui-ci représente 20 % de la couche terrestre). Selon la nature du calcaire utilisé, la cuisson permet la fabrication (voir en annexe Technologie de fabrication) de plusieurs types de chaux : a) chaux aérienne, provenant d’un calcaire pur b) chaux magnésienne, provenant d’un mélange de calcaire et de carbonate de magnésium c) chaux hydraulique, provenant d’un calcaire argileux.

LES CHAUX AERIENNES De la carrière au chantier, le matériau subit plusieurs transformations, depuis sa fabrication jusqu’à sa mise en œuvre. La calcination du calcaire (carbonate de calcium) entraîne la formation de chaux vive (oxyde de calcium) et de gaz carbonique (dioxyde carbonique). u

Cette réaction s’effectue à une température voisine de 900° C et s’accompagne d’une perte de poids d’environ 45 %, correspondant à la perte en gaz carbonique. La chaux vive obtenue peut être éteinte, lors de l’opération d’extinction ou d’hydratation, en ajoutant de l’eau. La chaux ainsi éteinte est celle utilisée en construction. Mélangée à l’eau de gachâge, aux agrégats, elle sert à la réalisation des mortiers. u

Lors de la mise en œuvre du mortier, la chaux aérienne va effectuer sa prise ou carbonatation. Cette réaction très lente (plusieurs mois), se produit en milieu humide : la vapeur d’eau qui a une affinité avec le gaz carbonique forme l’acide carbonique; la chaux fixe alors le gaz carbonique contenu dans cet acide et se transforme en calcaire. u

CYCLEDELACHAUX Calcaire pur › Chaux aérienne

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LES CHAUX MAGNESIENNES Dans certains calcaires dits dolomitiques, le carbonate de calcium est associé au carbonate de magnésium. Cette variante de la roche calcaire forme de la chaux magnésienne, lors de sa cuisson à une température inférieure à 900° C, dans les conditions habituelles requises pour l’obtention d’une chaux aérienne.

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LES CHAUX HYDRAULIQUES Les calcaires purs sont rares. Ils sont le plus souvent mélangés à des marnes et des argiles riches en éléments chimiques comme le fer, l’aluminium et surtout la silice. Entre 800 et 1 500 ° C, le calcium du calcaire se combine avec ces éléments et forme des silicates de calcium, mais aussi des aluminates et des ferro-aluminates de calcium. La cuisson donne :

Par contact avec l’eau, ces corps vont former des hydrates insolubles qui confèrent au liant un caractère hydraulique. Les proportions d’alumine et de fer sont très faibles (dans les liants blancs, les teneurs en fer sont inférieures à 0,1 ou 0,2 %). Le phénomène de prise hydraulique est donc essentiellement dû à la réaction :

La teneur en eau fixée “n” varie, entre 1 et 3. Par la suite, au contact de l’air humide, la chaux et les hydrates ainsi formés vont se carbonater (avec le gaz carbonique de l’air) pour redonner le carbonate de calcium et la silice d’origine. Cette réaction prend plusieurs mois : c’est la partie aérienne de la prise. En 1820, VICAT cherche à classifier les types de chaux selon leur type de prise et leur teneur en argile. Il définit l’indice d’hydraulicité (i). C’est le rapport entre différents composants associés à l’argile et la part en chaux. La formule qui permet de le calculer est la suivante :

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Type de chaux Indice de Vicat Proportion d’argile dans le calcaire Chaux aérienne 0 à 0,10 0à5% Chaux faiblement hydraulique 0,10 à 0,16 5à8% Chaux moyennement hydraulique 0,16 à 0,30 8 à 15 % Chaux hydraulique 0,30 à 0,40 15 à 20 % Chaux éminemment hydraulique 0,40 à 0,50 20 à 30 %

Le caractère hydraulique des chaux se traduit également par leur prise ou leur durcissement plus ou moins rapide sous l’eau. Les chaux hydrauliques naturelles (XHN) du négoce bâtiment (Boehm, Chaux blanche Lafarge, Rabot, St-Astier, Wasselonne...) sont généralement hydrauliques ou éminemment hydrauliques.

TERMINOLOGIE CONTEMPORAINE ET LIEN AVEC LA TRADITION Depuis des siècles, la chaux est fabriquée à proximité de son lieu d’utilisation, dans le but principal de limiter les transports. Elle est issue du calcaire local. Cela représente une multitude de gisements et donc de variétés : “on a la chaux que l’on peut” pourrait-on dire. Nos prédécesseurs disposaient donc d’une gamme de chaux très étendue, liée à tous les types de calcaires rencontrés. Aujourd’hui, les normes en vigueur ont défini deux appellations : uLa

chaux aérienne, que l’on trouve sous l’appellation standard CAEB (Chaux Aérienne Eteinte pour le Bâtiment), est déterminée par la norme NFP 15510. Elle correspond à la chaux aérienne, très pure, définie par Vicat. uLa

chaux hydraulique naturelle, que l’on trouve sous l’appellation standard XHN (chauX Hydraulique Naturelle), est déterminée par la norme NFP 15310. Elle s’apparente aux chaux éminemment hydrauliques. La production contemporaine n’a conservé que les chaux aériennes, et les chaux éminemment hydrauliques. La différence entre ces deux types de chaux et leur appellation découle de spécifications modernes, qui ont été établies par des recherches relatives à la composition et aux caractéristiques de ces liants. En fonction du calcaire qu’ils extrayaient, les anciens utilisaient les trois termes de chaux grasse, moyenne ou maigre. VICAT a caractérisé ainsi trois familles de chaux, en déterminant le volume d’eau absorbé pour une masse donnée de chaux vive :

TYPE DE CHAUX Chaux grasse Chaux moyenne Chaux maigre

Volume d’eau ——————— Quantité de chaux vive

H2O —— CaO 2,6 à 3,6 2,3 à 2,6 1 à 2,3 =

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Il ressort de ce tableau que l’obtention d’une chaux en pâte à partir d’une chaux vive issue d’un calcaire pur (la chaux en pâte permet le stockage long d’une chaux aérienne) nécessite au maximum 3,6 litres d’eau par kilogramme de chaux vive. Les deux approches, issues de la tradition et de la norme, se rejoignent donc puisque les chaux les plus grasses correspondent aux chaux aériennes et elles nécessitent une grande quantité d’eau pour leur extinction. Au contraire, les chaux les plus maigres correspondent aux chaux hydrauliques naturelles. Leur extinction demande seulement une à deux fois leur poids en eau.

LA CHAUX EST UN LIANT Le liant d’un mortier est la matière qui assure la liaison entre chaque composant du mortier. Il entre dans la composition du mortier, au même titre que les agrégats, les colorants et les adjuvants. Le liant influe sur la résistance à l’écrasement du mortier. Selon leur origine, il existe trois catégories de liants : • organique, • minérale, • synthétique. Les liants d’origine organique Leur utilisation est attestée depuis l’Antiquité. On distingue les liants naturels d’origine végétale, tels que le bitume, les résines, les gommes, les huiles végétales et l’amidon. Les liants naturels d’origine animale comprennent le lait, le petit lait et le fromage blanc. La matière active qui forme le liant est constituée par la caséine, “substance protidique, formant l’essentiel de la composition des fromages”. Ils regroupent également les cires, les huiles, les colles de peau, les œufs (jaune ou blanc), le sang et l’urine, soit pour l’effet liant, soit pour l’effet d’additif de ces substances. Les liants d’origine minérale Il faut séparer les liants minéraux naturels utilisés sans cuisson, ni transformation, comme : • les argiles (dont le pouvoir liant est faible), des liants dits naturels, utilisables après cuisson : • le plâtre issu du gypse obtenu par une cuisson à 160/180°C; • les chaux aériennes fabriquées à partir de calcaires purs; • les chaux hydrauliques naturelles et les ciments naturels (ou ciment prompt) calcaires contenant des argiles.

qui

proviennent

de

Il existe également des liants minéraux, dits artificiels : les ciments, les chaux hydrauliques artificielles ; il s’agit en réalité d’un mélange de différents composants, obtenus avant ou après une cuisson, afin d’améliorer les propriétés : • hydraulique (formation avec l’eau d’éléments hydratés stables) • pouzzolanique (combinaison avec la chaux de composés hydratés stables) • physique (meilleure caractéristique mécanique).

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Parmi les composants principaux entrant dans la fabrication des ciments et des chaux hydrauliques artificielles, citons : • les clinkers : ce sont des silicates et aluminates de calcium hydraté. Le mélange fondu est obtenu lors de la cuisson (clinkérisation). Les éléments constitutifs des clinkers sont la chaux, la silice l’alumine et l’oxyde de fer. • les fillers : ils proviennent du broyage de certaines roches naturelles et artificielles. • les pouzzolanes : elles sont soit d’origine volcanique (naturelle), soit artificielles (mélange de silice, d’alumine, d’oxyde de fer). • les laitiers : ils forment l’ensemble des matières vitreuses qui se déposent à la surface des métaux en fusion, refroidis brutalement. • les cendres volantes : elles proviennent de la combustion de la houille ou de la liginite (mélange de silice d’alumine et d’une faible quantité de chaux). Au-delà de cette classification, entre liants minéraux naturels et artificiels, il convient de distinguer les liants aériens des liants hydrauliques : • les liants aériens durcissent exclusivement à l’air (chaux aérienne), • les liants hydrauliques font leur prise avec l’eau ; certains liants combinent prise hydraulique et aérienne.

CLASSIFICATION SOMMAIRE DES PRINCIPAUX LIANTS D’ORIGINE MINÉRALE * APPELLATION

ABREVIATION

CLASSE

NORMES

UTILISATIONS STANDARD LIANTS Plâtre

PGC

NFP 12301 Ouvrages d’enduit en mélange avec chaux aérienne.

NATURELS

Chaux aérienne

XAN

Hors normes

Hors normes

NFP 15 510

Ouvrages

NFP 15 310

Ouvrages

Hors normes

Ouvrages

Ouvrages courants de maçonnerie en pâte (anciennement) Chaux aérienne

CAEB

courants de maçonnerie éteinte pour le bâtiment (en poudre) Chaux hydraulique

XHN

30 - 100

courants de maçonnerie naturelle Ciment prompt

Hors normes

nécessitant une prise rapide, scellement, moulage, ouvrages de ravalement. LIANTS Chaux hydraulique

XHA

couvrant de maçonnerie, hourdage, enduit ARTIFICIELS artificielle

60-100

NFP 15 312

Ouvrage

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Ciment Portland

CPA

45 THP

NFP 15 301

Ouvrages de

béton armé sollicité, ayant fait l’objet artificiel Ciment Portland

de calcul, bétons précontraints CPJ

35-55

NFP 15 301

Ouvrages

courants de béton armé-mortier-enduits... composé Ciment blanc

45-55

Ouvrages béton armé, béton architectonique, ouvrages courants de maçonnerie

Ciment à maçonner

CM

16-25

16-25

NFP 15 308

NFP 15 307

Ouvrages

courants de hourdage Ciment naturel CN

* Ne sont mentionnés ici que les liants courants du maçon.

Les liants de synthèse Le domaine des polymères naturels, ou plus ou moins travaillés par l’homme, est immense et recouvre des milliers de produits. On peut distinguer : • les corps naturels employés tels quels (lait, oeuf..), • les corps naturels sujets à une chimie simple, une chimie séparative : obtention de l’amidon à partir du maïs ou de la caséine à partir du lait, par exemple • les molécules spéciales produites par décomposition de corps naturels, suivies d’une nouvelle “synthèse” de molécules. Classification Une classification rudimentaire permet de mieux comprendre et de mieux choisir les produits utiles aux métiers du bâtiment. On peut distinguer : ules

corps solubles dans l’eau qui sont issus d’une succession d’opérations, parfois simples, parfois complexes comme : • les sels, les petites molécules à usage d’adjuvant tels l’urée, le sucre, les lignosulfonates.... • les molécules plus grandes qui sont dotées d’un pouvoir liant : caséine, amidon, dérivés cellulosiques... Notons pour mémoire un liant réalisé par la solubilisation dans l’eau de la silice : les silicates de sodium ou de potassium et les silicates d’éthyle. udes

molécules petites, non solubles dans l’eau, mais présentées sous une forme compatible avec les milieux aqueux dans lesquels nous travaillons. On les appelle émulsions ou dispersions. L’émulsion la plus connue est le lait. Viennent ensuite le latex, puis les polymères voisins du latex. Les plus usuels sont : • les émulsions vinyliques (acétate de polyvinyle = la colle blanche à bois) • les émulsions “co-polymères” (acétate - versatate ou styrène acrylique...) • Il en existe des dizaines sur le marché • les émulsions acryliques

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Ces produits, à condition qu’ils soient adaptés aux pH élevés de la chaux, sont souvent compatibles avec les mortiers et les enduits. udes

molécules organiques non solubles dans l’eau, non compatibles avec l’eau. On les trouve sous forme de produits finis (tous les “plastiques” et tous les caoutchoucs), mais on les trouve aussi sous la forme liquide, très utilisée dans le bâtiment. Il s’agit de petites molécules qui font polymériser, c’est-à-dire s’associer dans une réaction chimique qui les transforme en “macro-molécules”. On les utilise pour réaliser des collages, des étanchéités, des chapes, des joints ou simplement des revêtements. Citons : • les alkydes ou glycéro-phtaliques qui servent à faire les peintures à l’huile modernes et s’oxydent à l’air (elles contiennent des huiles siccatives); • les résines polyester (coques de bateaux...); • les résines époxydes (Araldites...); • les polyuréthanes (les vernis à parquets...); • certains silicones. Ces produits peuvent être liquides en eux-mêmes parce que constitués de très courtes molécules liquides, ou avoir été liquéfiés par adjonction de solvants organiques (alcools, cétones, white spirit, xylène...).

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2.2

Propriétés physico-chimiques A) COMPOSITION CHIMIQUE

Composants de base

Poids

atomique Aluminium Silicium Calcium Oxygène Hydrogène Carbone

30 28 40 16 1 12

Composés chimiques

Composants principaux

chimique

Poids moléculaire

Calcaire pur

Carbonate de calcium

Chaux vive

Oxyde de calcium

Chaux éteinte

Hydroxyde de calcium

CaO

Formule

Ca CO3 56 Ca (OH)2

Chaux hydraulique naturelle

Silicate décalcique2CaO, SiO2

Ciment

3CaO, SiO2

Silicate tricalcique

100 74 172

228

(*) Le poids atomique est exprimé par rapport au poids du nucléon (neutron, proton) soit 1,66 10-27 kg.

B) PROPRIETES CHIMIQUES Solubilité La chaux en faible quantité est dissoute dans l’eau. Le tableau ci-après donne la quantité de chaux dissoute dans 100 g de solution.

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Solubilité de la chaux en fonction de la température Température C°

Gramme pour 100g de solution saturée chaux vive CaO chaux éteinte Ca (OH)2 0,140 0,185 0,133 0,176 0,125 0,165 0,120 0,159 0,116 0,153 0,106 0,140 0,097 0,128 0,088 0,116 0,079 0,104 0,070 0,092 0,061 0,081 0,054 0,071

0 10 20 25 30 40 50 60 70 80 90 100

La solution de la chaux, à température ambiante (10-30 C°), est de l’ordre de 0,11 à 0,13g pour 100g de solution saturée ; elle augmente à plus faible température. La solubilité de la chaux oblige à se protéger des eaux de ruissellement qui, avec le temps, peuvent dissoudre tout ou partie du liant. Lorsque la teneur en chaux augmente et dépasse le taux de saturation, la chaux en excès passe en suspension, sous forme de lait de chaux. Le tableau présenté en annexe 3 Richesse en chaux d’un lait de chaux indique la densité d’un lait de chaux en fonction de sa teneur en chaux. Il est ainsi possible de déterminer a posteriori la quantité de chaux contenue dans un lait de chaux donné. Pour ce faire, il suffit d’utiliser un densimètre (gradué en gramme par litre ou en degré Baumé) ou simplement de peser un litre de mélange. L’utilisation de ce tableau peut être utile pour établir la correspondance entre un lait de chaux donné et son dosage. Ainsi par exemple : Fabrication de la solution Technique

Caractéristique de la solution

Rapport chaux/eauxCa (OH)2 incorporéPoids d'un litre Gr Ca (OH)2/litre en volume * par litre d'eau en g

Chaulage

1/1

500

1240

400

Badigeon

1/2

250

1130

220

Eau forte

1/5

100

1055

90

1/20

25

1020

25

Patine

* Chaux aérienne éteinte pour le bâtiment, en poudre.

Dans le cas de chaux en pâte, ce tableau permet d’établir le rapport entre le volume ou poids de chaux en pâte introduit dans la solution et le poids de chaux éteinte Ca (OH)2 rapportée. Réactivité Cette propriété est essentiellement prise en compte dans les applications où la chaux est utilisée pour floculer les argiles ou coaguler les impuretés (phénomène de floculation). La réactivité définit la rapidité d’action d’une chaux, dans une réaction donnée.

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Dans le cas de chaux vives, la réactivité dépend de la température de calcination et de la composition du calcaire en cause. Pour les chaux éteintes, la réactivité est liée aux conditions d’extinction. Base chimique La chaux est un corps basique. Elle réagit avec les acides pour former des sels neutres. Cette base chimique est largement utilisée pour neutraliser des acides de toute nature.

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C) PROPRIETES PHYSIQUES Surface spécifique La finesse des grains de liant d’origine minérale est définie par la surface spécifique. Celle-ci représente la surface totale des grains en cm2, contenus dans un gramme de liant en poudre. On parle alors de surface blaine. Cette surface est d’autant plus importante que les grains sont de faible dimension. La réactivité sera alors plus grande. Dans le cas de chaux aérienne et hydraulique naturelle, la finesse des grains est fonction du procédé d’extinction. Les grains seront en effet plus fins si l’extinction et le stockage interviennent en milieu aqueux (présence d’eau liquide). En ce qui concerne les ciments, elle est le résultat d’un broyage. On a, dans la pratique, les surfaces spécifiques suivantes : Surface spécifique cm2/g = blaine

Type de chaux Chaux vive en poudre

3 000 à 10 000

Chaux aérienne

8 000 à 20 000

Chaux hydraulique naturelle

3 000 à 8 000

Ciment

2 700 à 5 000

La connaissance de la finesse ou surface spécifique est un élément fondamental pour maîtriser la réactivité de la chaux. Plus le grain est fin, plus la surface de contact est étendue et les réactions de prise, de floculation augmentent. Masse volumique et densité Ces deux notions aident à déterminer la masse de liant contenue dans un volume donné. • La masse volumique est exprimée généralement en kilogramme par mètre cube. Elle spécifie la masse en kilogramme d’un mètre cube de matière. • La densité correspond au rapport entre la masse d’un volume de matière donnée et la masse d’un même volume d’eau. Exemple : 5 litres de chaux aérienne pèsent 5 litres d’eau pèsent La densité de cette chaux est de

2,5 kg 5 kg 2,5 = 0,5

5 La masse volumique exprimée en tonne par mètre cube et la densité sont indiquées par le même chiffre. LIANTS MINÉRAUX

Chaux vive Chaux aérienne

Masse volumique apparente (en kg/m3)

Densité

800 – 1 000

0,8 – 1

490 – 700

0,49 – 0,7

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Chaux hydraulique naturelle

700 – 1 000

0,7 – 1

Ciment

800 – 1 300

0,8 – 1,3

Il ne faut pas confondre ces valeurs avec le poids spécifique. En effet, la densité ou la masse volumique d'un liant en poudre tient compte des vides laissés entre les grains. La masse volumique d'un liant en poudre représente le poids d'un volume donné de cette poudre, alors que le poids spécifique caractérise le poids d'un volume donné, auquel on a soustrait les vides. La masse volumique dépend de la finesse des grains. Par exemple, pour une chaux vive, la masse volumique est comprise entre 800 et 1 000 kg/m3 et le poids spécifique est d'environ 3 000 kg/m3. Poids spécifique réel Calcaire pur

2,60

Chaux aérienne

2,20 à 2,50

Chaux hydraulique naturelle

2,60 à 2,90

Ciment naturel

3,00

Ciment artificiel

3,10

Résistance – vitesse de prise Ces liants ne sont jamais employés purs mais sous forme de mortier. A titre de comparaison, on utilise des mortiers normalisés dont on calcule la résistance à la compression à une certaine échéance. Celleci est exprimée : • en bars, pour les chaux aériennes et hydrauliques naturelles; • en Méga Pascal (MPa), pour les ciments. La valeur d'un bar = 1 kg/cm2 = 0,1 MPa On procède généralement à ce calcul de résistance au bout de 28 jours. Toutefois, il est possible de détailler les résistances à un jour, trois jours, vingt-huit jours, quatre-vingtdix jours et trois cent soixante-cinq jours. Ces mesures sont essentielles lorsqu'il s'agit d'ouvrages coulés. Il est en effet important de connaître la caractéristique de résistance au moment du décoffrage. Indice d'hydraulicité L'indice d'hydraulicité est obtenu par le rapport entre les aluminates / silicates et la teneur en carbonate de calcium du calcaire utilisé lors de la fabrication de la chaux (voir chapitre Propriété, fabrication). Plus cette valeur est élevée, plus la prise hydraulique est importante.

Indice de clarté Il précise une valeur comprise entre 0 et 100.

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Les chaux très blanches ont un indice proche de 100. C'est le cas des chaux aériennes ; les chaux hydrauliques naturelles sont légèrement colorées ; cette coloration provient des oxydes contenus dans le calcaire employé. Résistance au feu Un corps résiste au feu tant que la chaleur ne vient pas briser la molécule qui le constitue ou modifier sa strucutre. S'il n'est pas soumis à de tels processus, il résistera au feu jusqu'à atteindre sa température de fusion. Ainsi :

• la silice, et les corps ou mélanges qui en contiennent, subit une transformation de structure vers 560° C et "éclate" à cette température. Elle n'est pas réfractaire. Les produits réfractaires ne peuvent contenir de silice ; • le calcaire se décompose entre 600 et 800° C et ne peut donc pas être considéré comme réfractaire ; • le plâtre se déshydrate progressivement entre 150 et 500° C ; il perd certaines de ses qualités ; • la chaux vive est réfractaire mais la chaux hydratée perd son eau. Les liants réfractaires sont issus de la chimie de l'alumine et de sa combinaison avec le calcium. Ce sont les ciments réfractaires (fondus ou frittés). Retrait Il est défini par la norme NPF 15 433. Il ne possède pas d’unité intrinsèque de mesure. Le retrait est la diminution dimensionnelle que subit le liant durant la prise. L'utilisation de chaux aérienne ou hydraulique naturelle, de ciment pour la fabrication et la mise en œuvre du mortier entraîne des phénomènes de retrait. Selon la résistance mécanique des liants utilisés, la fissuration engendrée peut avoir des effets dommageables, notamment dans les enduits. L’emploi de liant de faible résistance est préférable. En effet, le retrait engendre alors une fissuration importante par la taille du réseau, et non pas par la taille des fissures habituelle, dans le cas des liants très résistants. De plus, avec les liants moins résistants la possibilité de resserrage de l'enduit permet d'accompagner le retrait en fermant les micro-fissures qui se forment progressivement. Perméabilité Les chaux sont perméables à la vapeur d'eau. Exemple pour une humidité relative à 45% : G/m2. h. mm Hg * Enduit

CAEB/Sable

1,1

CAEB/XHN Sable

0,8

Chaux ciment sable

0,6

Ciment/sable faiblement dosé

0,5

Ciment/sable très dosé

0,2

* Valeur indicative gramme par mètre carré, par heure et par millimètre de mercure.

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La perméabilité à la vapeur d'eau est une qualité indispensable pour le bâti ancien. En effet, les murs anciens ne sont pas isolés du sol et de son humidité. Ils “pompent” par capillarité cette eau qu'il convient de ne pas enfermer dans le mur. Sa transformation en vapeur (échauffement du mur au soleil par exemple) permet l'évacuation de cette humidité, si le revêtement du mur est perméable à la vapeur.

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Comparaison CAEB/XHN/CPJ sur bâti ancien CAEB Surface spécifique Masse volumique

XHN

CIMENTS

UNITÉ

8 000 à 20 0003 000 à 8 000 2 700 à 5 000 Blaine cm2/g 490 à 700 700 à 1 000 800 à 1 300 Kg/m3 Tonne/m3

Poids spécifique

2,2 à 2,5

2,6 à 2,9

2,9 à 3,10

Indice d'hydraulicité

0 à 0,10

0,10 à 0,50





10 à 50

175 à 400

bars

28 j

20

30 à 100

350 à 650

bars

90 j

30





bars

70





bars

Résistance à7 j

1 an Résistance réfractaire

1 800 à 2 000°CJusqu’à 800°CJusqu’à 400°C

°C

Début de prise

600

150

< 30

Minutes

Type de prise :

aérienne

100 %

70 à 80 %



hydraulique



20 à 80 %

100 %

8 à 15 %

40 à 50 %

25 %

Onctuosité

TB

B

Moyenne

Souplesse

TB

B

Moyenne

Fissuration

Négligeable

Négligeable

Moyenne

Eau de gâchage

Mouvement du bâti

Tolérance

Isolation phonique

Bonne

Bonne

Faible

Imperméabilité à l'eau

B

TB

TB

Perméabilité aux vapeurs

B

B

Faible

Sans limite

6 mois

Stockage dans de bonnes conditions

ToléranceFissuration en plaque

2 ans

COMPATIBILITE AVEC LE BATI ANCIEN Le bâti ancien est caractérisé sur le plan du comportement par :

• des

maçonneries sensibles aux déformations (tassement différentiel des fondations, modifications apportées depuis l'édification du bâti...); • des maçonneries sensibles à l'eau, en particulier par capillarité : les murs anciens sont de “véritables pompes” et sauf système d'isolation souvent complexe, l'eau du sol, de la nappe phréatique, se retrouve toujours dans le mur – jusqu'à des hauteurs de 2 à 4 mètres et parfois plus. Sur le plan esthétique par :

• un bon indice de blancheur permet de révéler et de présenter la coloration de l'agrégat. L'utilisation de chaux aérienne, ou de chaux hydraulique naturelle, est en sym-pathie avec les deux caractéristiques suivantes :

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• la

faible résistance de la chaux naturelle autorise une certaine souplesse du bâti, les éventuelles fissures engendrées sont imperceptibles (microfissures) et sans influence sur l'imperméabilité de l'enduit à l'eau ; • la perméabilité à la vapeur d'eau permet l'évaporation des eaux contenues dans le mur. En revanche, l'utilisation de liants très hydrauliques (ciment, chaux hydraulique artificielle) est très souvent en rupture avec le fonctionnement d'un mur ancien :

• ils créent un point dur n'autorisant aucun mouvement et créant des décollements en plaque ou de grosses fissures pour les enduits.

• ils augmentent l'aspiration capillaire dans le mur et y provoquent une rétention d'eau, aggravant de multiples pathologies (dissolution des mortiers de hourdage, développement de matière organique, sels...). • ils suppriment la coloration de l'agrégat et modifient la perception de l'édifice, par leur aspect gris. Il est important de rappeler ici ce que nous entendons par chaux dans un continuum historique et constructif connu depuis 25 siècles :

• les chaux aérienne éteintes pour le bâtiment (CAEB) • les chaux hydrauliques naturelles (XHN) • les chaux en pâtes (XAN) Aujourd'hui, il existe une profusion de liants portant le nom de “chaux” et dont l'appellation normalisée est chaux hydraulique artificielle (XHA) ; celles-ci, outre leur qualité de liant à maçonner des éléments préfabriqués, à réaliser des enduits, sont assimilées à des ciments (fabrication à partir de clinker de Portland, exempt de chaux libre, et ayant uniquement une prise hydraulique).

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Les matériaux pour confectionner des mortiers et des mortiers d’enduits 3.1

Les agrégats Le terme “agrégat” est le nom officiel des matériaux de construction, tels que les graviers, les sables et les cailloux, intervenant dans la confection des mortiers et des bétons. Les agrégats proviennent de la désagrégation ou du concassage de roches naturelles ou artificielles (laitiers...). Ils se présentent sous la forme de grains de grosseur plus ou moins importante. Sur le plan théorique, la fabrication de mortier de liant pur est possible, mais la mise en œuvre en est très complexe (séchage lent, resserrage...) et discutable pour ce qui est de la durabilité (dureté moyenne, faible résistance...). Les agrégats constituent la charge des mortiers : • ils donnent du volume au mortier. Inertes, ils aident indirectement à diminuer les phénomènes de retrait. • ils contribuent à la résistance des mortiers grâce à leur grande dureté et à l’armature qu’ils forment. • la courbe granulométrique des agrégats (répartition et importance de leurs dimensions) permet de réduire l’usage de liant et favorise une bonne porosité. Classification des agrégats Dans la classification des agrégats naturels, la norme NFP 18304 détermine une progression des granularités employées en construction : • les sables de 0,1 mm à 6,5 mm (que l’on tamise), • les graviers, type grains de riz de 4 mm à 10 mm jusqu’à 30 mm, pour les matériaux roulés, • les cailloux, supérieurs à 30 mm.

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Les sables uProvenance

et forme

• Les

sables sédimentaires extraits de gravières (couches plus ou moins profondes et épaisses) et ceux récoltés dans les lits des rivières, fleuves et torrents fournissent un matériau bien adapté à la fabrication des mortiers de hourdage et d’enduit. L’érosion répétée a façonné ces agrégats qui, grâce à leur forme roulée, offrent une meilleure régularité et une maniabilité de mise en œuvre. • Les sables concassés et broyés, puis criblés, permettent d’obtenir toutes les classes granulaires souhaitées, à partir de gros éléments. Cependant leur forme moins homogène, anguleuse ou plate, rend le malaxage plus difficile et plus long. La perte de rapidité dans la réalisation du mélange favorise l’entraînement de l’air dans le mortier et peut donc initier un début de prise du liant. Les sables de type anguleux laissent de plus grands vides entre les grains que les sables ronds ; ils sont plus difficilement serrables. De plus, ces sables contiennent généralement un pourcentage important de “fines”, éléments trop fins. uComposition

chimique

On distingue trois groupes principaux :

• les

sables siliceux : ils proviennent de la décomposition de roches granitiques ou gréseuses. Constitués de silice presque pure, ils sont dits quartzeux. Ils peuvent contenir des feldspaths et des micas. • les sables calcaires : ils sont issus de la décomposition de roches calcaires. Certains peuvent être composés de débris de coquillages. • En général, les sables de carrière sont formés par un mélange silico-calcaire. Aux alentours des années 1930, RAUCOURT, à travers l’étude de la composition chimique des sables, avait observé que “l’ordre de prééminence des sables, d’après leur composition, était des sables siliceux, basaltiques, quartzeux, granitiques, calcaires et volcaniques”. uCaractéristiques

(Selon normes NC 18301).

• la granularité : elle désigne la proportion de grains de différentes grosseurs. • la granulométrie : elle détermine cette granularité par une mesure physique. Déjà Vitruve avait établi l’importance du choix du sable, selon la nature de la chaux utilisée. Au XVIIIe siècle, VICAT a classé les types de sables en fonction des chaux que l’on utilisait : “• Pour les chaux éminemment hydrauliques : 1) sables fins 2) sables à grains inégaux résultant du mélange, soit du gros sable avec le fin, soit du fin avec du gravier 3) le gros sable • Pour les chaux communes, grasses et très grasses : 1) les gros sables 2) les sables mêlés 3) les sables fins.”

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Cette citation revient à expliquer que la résistance plus faible des chaux aériennes oblige à choisir des sables de bonne granulométrie, garantissant ainsi un squelette adhérent, une armature solide et une bonne circulation d’air dans les vides de l’agrégat. Ce n’est pas le cas avec la chaux éminemment hydraulique aux meilleures performances. On recherche alors un mélange rapide et aisé, contenant des agrégats de plus faible taille. Classement des sables en fonction de leur composition granulométrique Type de sable

Dimension maximum des grains en mm

Fines

0,1

Sables fins

0,5

Sables moyens

2

Sables gros

5

• La compacité : correspond au rapport entre le volume des agrégats inertes et le volume occupé par le mortier. La bonne compacité est réalisée en utilisant un sable contenant 2/3 de gros grains, et 1/3 de grains fins. On emploie moins d’eau et moins de liant dans ce mélange. La bonne compacité d’un sable permet l’obtention d’un mortier où chaque grain de sable établit un contact direct avec les autres grains. Cette propriété favorise la grande dureté des mortiers. • La densité : varie en fonction de la nature du sable, de sa composition granulométrique, de son tassement, mais aussi de son degré d’humidité. On appelle foisonnement l’augmentation de volume que subit un sable, lorsque sous l’influence des forces capillaires, il se gorge d’humidité ou lorsqu’il est remué. Un sable pesé sec a un poids de 20 % plus élevé qu’un sable contenant 2 % d’eau. Il est donc essentiel de tenir compte de ce phénomène lors du dosage de l’agrégat. FOISONNEMENT DES SABLES Pour un module de finesse de 2,50–moyenne constante École d’Avignon–Extrait du DTU 26.1

Lors de la réalisation d’un mortier, et pour maîtriser un dosage donné, il est important de tenir compte du foisonnement du sable. Le tableau ci-dessus donne le coefficient multiplicateur à utiliser avec un sable humide.

Choix des bons sables à bâtir Le choix du sable est une opération délicate, voici ce qu’en dit PALLADIO : “L’expérience nous a appris que de tous les sables de carrières le blanc est le pire, et que, parmi ceux de rivière, le meilleur est dans les endroits les plus rapides et dans les chutes du côté où le courant de l’eau tombe, parce qu’il est mieux purgé. Le sable de mer vaut moins que les autres ; il doit tirer sur le noir et être luisant comme du verre ; le meilleur est le plus gros et le plus proche du rivage. Le sable de carrière, étant plus gros que les autres, fait aussi meilleure prise et tient plus fort, mais il est sujet à fissures, aussi l’emploie-t-on ordinairement dans les murs et dans les voûtes. Celui des rivières est excellent pour crépir et pour enduire les extérieurs mais celui de mer n’est pas bon dans les lieux qui soutiennent quelque charge, d’autant qu’il sèche et se redétrempe aussitôt, et fond parce qu’il contient

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du sel. De tous les sables, généralement celui-là sera toujours le meilleur, lequel étant manié et pressé entre les doigts fera plus de bruit, et étant posé sur une étoffe blanche n’y laissera point de tâche et de salissures de terre. Celui qui rend l’eau boueuse et trouble ne vaut rien du tout, comme celui qui est demeuré longtemps à l’air, au soleil, à la lune, ou au brouillard, parce qu’il aura amassé beaucoup de terre et une certaine humeur pourrie d’où naissent tous ces petits arbrisseaux et figuiers sauvages qui causent de très grands dommages aux bâtiments.” (Les quatres livres de l’Architecture, 1570.)

Plus près de nous, DE PERTHUIS, dans son Traité d’architecture rurale de 1810 conseillait d’utiliser, selon le type de mortier, des sables différents :

• Mortier de fondation : 2/3 de sable de terre ou de rivière, sec, non terreux et criant à la main. • Mortier fin : 3/5 de sable criant à la main, le plus fin, le plus sec et le plus pur que l’on puisse trouver, que l’on passe, s’il est nécessaire à une fine claie.

• Mortier pour brique : 2/3 de bon sable très fin, passé à la claie. • Mortier de ciment : 3/5 de ciment fait de vieux tuileaux de terre cuite, broyés à la meule ou sur pilon et passés au tamis de boulanger. Le choix du bon sable repose donc sur un ensemble de critères à prendre en compte : uLa

sélection de la bonne granulométrie : 2/3 de gros grains contre 1/3 de grains fins ; cette composition permet d’utiliser moins de liant et d’eau dans la mise en oeuvre du mortier. L’utilisation d’un sable trop fin, comportant souvent une granulométrie très régulière, impose un dosage important en liant et entraîne un retrait suivi d’une fissuration. uLe choix de la taille de l’agrégat : elle est en corrélation avec l’épaisseur de l’enduit et de la couche que l’on réalise : • le corps d’enduit ou dressage nécessite de préférence un agrégat de bonne dimension, nécessaire à l’accroche (sable gros - 0-5 mm). • la couche de finition lisse s’obtiendra avec des sables fins, tamisés. Il est recommandé : ud’employer

autant que faire se peut un sable exempt d’impuretés chimiques ou organiques. Les fines, par exemple, sont tolérées jusqu’à 25 % du poids de l’agrégat : on en détermine la qualité par trempage et décantation.

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ud’utiliser

un sable chimiquement inerte, sans réaction sur le mortier, inaltérable à l’air, à l’eau et au gel, de façon qu’il conserve son pouvoir d’adhérence. Il est donc nécessaire de laver l’agrégat afin d’éliminer les matières argileuses, qui forment une pellicule autour des grains de sable et empêchent le liant de serrer au grain. De plus, celles-ci ont la propriété de gonfler à l’humidité. Les débris de roches gypseuses sont également à proscrire, ainsi que la présence de matières organiques, qui retarde la prise du mortier. De cette façon, en 1836, BISTON recommandait : “On ne doit employer, pour la fabrication des mortiers, que du sable non ferreux, soit de carrière, soit de rivière, rude au toucher et criant à la main. On doit éviter surtout l’emploi de sable mélangé de matières argileuses, qui sont susceptibles de faire pâte avec l’eau, et qui n’ont pas elles-mêmes aucune cohérence...” ude

réguler le dosage du sable, en fonction de l’humidité (foisonnement).

LES AUTRES AGREGATS

Les pouzzolanes naturelles Elles sont composées d’un mélange d’alumine, de silice, de chaux et de fer, en proportions variables. Ces agrégats contribuent à la formation d’une réaction pouzzolanique, dans laquelle les silicates et aluminates de l’agrégat réagissent avec la chaux et l’eau de gâchage, pour former un hydrate stable. “La pouzzolane est une substance qui est regardée comme une espèce d’argile ferrugineuse qui a éprouvé une forte température par le feu des volcans. Elle tire son nom de Pouzzole en Italie, et affecte toutes sortes de couleurs ; on la trouve ordinairement à l’état d’une poussière mélangée de parties plus grossières et poreuses assez semblables à la pierre ponce. Presque toute celle qui est employée pour les travaux hydrauliques de nos ports se tire d’Italie : la meilleure vient de Cività-Vecchia. Il en existe cependant, en France, dans les départements du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Haute-Loire et de la Haute-Vienne”. BISTON

Actuellement sont répertoriés la gaize des Ardennes, les roches volcaniques d’Auvergne, du Vivarais, le trass de la vallée du Rhin et de Hollande (appelé alors terrasse), déjà utilisé au XIe siècle. Toutes les pouzzolanes ne permettent pas d’obtenir une réaction pouzzolanique avec les chaux : des essais préalables sont souvent nécessaires. Les pouzzolanes artificielles Certains matériaux peuvent être transformés en pouzzolanes artificielles. Sont classifiés sous cette appellation : uLa

poudre d’argile cuite ou la brique pleine cuite pilée (tuileau romain). Ces substances concassées et broyées, comme les poudres de pierre, augmentent la plasticité et la dureté des mortiers. Elles complètent la courbe granulométrique de l’agrégat et remplissent une partie des vides laissés par le liant, les sables et les graviers. Elles augmentent ainsi la dureté des mortiers. Pour garantir la réaction

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pouzzolanique, il est préférable d’utiliser le tuileau réalisé avec des briques pleines et non creuses (homogénéité de cuisson). uLe

schiste calciné : “Lorsqu’on voudra faire de la pouzzolane avec le schiste bleu (ardoise), on le chauffera plusieurs heures... On doit rejeter celui qui n’aurait subi que le premier degré de cuisson, et qui est d’un roux doré : ces ferrugineux mieux avec les chaux hydrauliques, et le schiste siliceux avec les chaux communes”. BISTON uLe

basalte calciné : “Il forme, même avec des chaux communes, d’excellents mortiers hydrauliques”. BISTON

uLes

scories métallurgiques : “La poudre de scorie de forge se fait avec des mâchefers provenant des forges ; on la passe au tamis de fil de fer très serré, de manière à être réduite à la grosseur de la poudre à canon”. BISTON uLes

cendres de houilles : “Les expériences de M. VICAT prouvent que la houille, réduite en cendres à un feu fort lent, l’emporte, pour la qualité du mortier, sur celle qui est parvenue à l’état de scories dures ou friables, pesantes ou légères”. BISTON uLes

terres ocreuses ou pigments, outre leur rôle de colorants, appartiennent également à la famille des agrégats.

LES AGREGATS A EVITER Le choix de l’agrégat est capital dans la réalisation d’un mortier ou d’un enduit. Aussi est-il indispensable d’éviter l’emploi d’agrégats impropres à un rendu satisfaisant. Le tableau ci-dessous traduit les effets qui peuvent en résulter. MATÉRIAUX

RÉACTIONS

–argiles Ils gonflent à l’humidité et sont donc gélifs et peu stables pour être utilisés en façade. –schistes –roches en desquamation –gypse (pierre à plâtre) Réaction chimique qui attaque les calcaires, les métaux par le souffre. –charbon et scories

Réaction chimique qui attaque les calcaires, les métaux par le souffre.

–bois, paille, etc.

Ils peuvent pourrir et donc changer de volume et de structure.

Ces matériaux ont cependant été largement utilisés dans la réalisation de mortier de hourdage ou d’enduit. Une connaissance poussée des matériaux locaux, de leur possibilités et de leurs limites, une maîtrise des savoir-faire transmise par la tradition orale ont entraîné une pratique permanente, aux effets calculés. Par exemple : “Les cendres de toute espèce de bois peuvent également être employées pour former avec la chaux un mortier très bon pour les ouvrages exposés successivement à l’humidité et à la sécheresse”. BISTON

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La paille était fréquemment employée, pour la réalisation de mortiers d’enduit isolants. Il n’était pas rare d’incorporer jusqu’à 30 litres de paille pour 100 litres de mortier. Cette paille pouvait aussi avoir un rôle d’armature, tout comme les soies animales ajoutées aux enduits (poils de vache, de lapin). Ces dernières ont la propriété d’améliorer la prise et la dureté de la chaux, grâce à l’alun qu’elles contiennent, mais aussi en régulant l’évaporation de l’eau qui participe à une meilleure carbonatation.

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3.2

L’eau pour les mortiers

Deux types d’eau sont à distinguer : ul’eau

d’extinction qui, dans la fabrication de la chaux, est l’eau nécessaire pour passer d’une chaux vive à une chaux éteinte. (Se reporter en annexe 2 : Technologie de fabrication de la chaux). ul’eau

de gâchage remplit trois rôles essentiels :

• elle rend plastique le mélange poudreux (liant + sable) ; • elle intervient dans le processus de carbonatation de

la chaux, en assurant la dissolution du gaz carbonique (rôle de catalyseur) ; • dans le cas de chaux hydraulique, par cristallisation des silicates et aluminates, elle provoque la prise hydraulique. Choisir l’eau L’eau la mieux adaptée aux travaux de gâchage est une eau potable. Ce qui revient à exclure : ules

eaux pures, dites acides, telles que les eaux granitiques, car celles-ci dissolvent la chaux à 1,5 g/l, du fait de l’absence de carbonate dans leur composition originelle ; ules

eaux séléniteuses qui renferment des sulfates de chaux, entraînant la formation de sel de “Candlot” (éttringite). Ce sel produit des variations importantes de volume, qui nuisent considérablement à la stabilité du mortier. Ce type d’eau est localisé à proximité des carrières de gypse ; ules

eaux résiduelles (eaux usées), car elles sont généralement acides et réagissent avec la chaux pour donner un autre composant ; ul’eau

de mer, car elle forme des efflorescences à la surface du mortier, dues aux sulfates de magnésie et au chlorure de magnésium. Toutefois, les eaux de mer ont parfois été largement utilisées, comme en témoigne BISTON :

“...On a presque toujours défendu l’emploi de l’eau de mer dans la fabrication des mortiers ; cependant ce principe ne doit pas être absolu. Il est certain que le mortier fait avec cette eau a une prise plus lente, et produit à la surface de la maçonnerie, pendant assez longtemps, des efflorescences salines qui doivent, en tout état de cause, empêcher d’employer l’eau de mer pour le mortier destiné à bâtir les lieux d’habitation ; mais ces inconvénients seraient sans importance pour des maçonneries de rempart et autres revêtements ; et si l’eau de mer donnait une plus grande solidité au mortier, on devrait l’employer, dans ce dernier cas de préférence... Dans la construction de plusieurs fronts de fortifications baignées par la mer, on n’a employé, pour la fabrication du mortier, soit de strass, soit ordinaire, que de l’eau de mer, et en peu de temps ces mortiers ont pris une dureté telle, que les vagues, qui usaient et corrodaient les briques, n’avaient aucune action sur les joints, qui formaient comme autant de bourrelets encadrant chaque brique de parement...”

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La quantité La quantité d’eau nécessaire à la mise en œuvre d’un mortier est difficile à déterminer dans l’absolu. Elle est directement liée à l’humidité du sable (se reporter au chapitre Granulat...), à sa compacité et sa granulométrie. Cependant, si le dosage en eau devient presque un “tour de main”, il est essentiel de trouver une moyenne, qui convienne à l’élaboration du mortier. uTrop

peu d’eau entraîne :

• une difficulté de mise en œuvre, en particulier en provoquant un manque d’adhérence, • une mauvaise prise, impliquant pour les chaux aériennes une carbonatation incomplète par manque d’acide carbonique et, pour les chaux hydrauliques, une absence totale de prise. uTrop

d’eau provoque un retrait important lors de l’évaporation.

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3.3

Les adjuvants

Les adjuvants sont des produits qui, ajoutés en faible quantité au mortier, améliorent certaines propriétés. Ils se classent en deux catégories : • les adjuvants ayant une action sur les caractéristiques de mise en œuvre des mortiers, • ceux intervenant sur les propriétés des mortiers, qui ont fait leur prise. Faciliter la mise en œuvre des mortiers Un mortier peut être travaillé et mis en œuvre, durant une période donnée, qui représente l’ouvrabilité d’un mortier. Elle varie en fonction des conditions climatiques (gel, température excessive...). Amélioration de la carbonatation La réussite de la prise est conditionnée par la présence de gaz carbonique (CO2). L’amélioration peut être favorisée par l’ajout supplémentaire de gaz carbonique : Une certaine quantité de bière ou de vin nouveau, ajoutée lors de la préparation du mortier, produira du CO2 issu de la fermentation alcoolique. Pour favoriser la prise, les Romains utilisaient des mélanges de vin et figues, de vinaigre et moût de raisin. Dans les deux cas, l’ajout de sucre détermine une deuxième fermentation productrice de gaz carbonique. Le maintien de l’ouvrabilité (rétenteur d’eau) L’eau est à l’origine de la plupart des pathologies des mortiers. Le risque existe dès la mise en œuvre ; en effet, l’eau est l’agent plastifiant du mortier. C’est elle qui lui confère sa souplesse, mais l’eau en excès entraîne le faïençage, et le manque d’eau favorise le farinage. Les rétenteurs d’eau ralentissent l’évaporation et augmentent la souplesse des mortiers. Ils tendent souvent à améliorer la porosité. Traditionnellement, sont classés dans cette famille : • les huiles (huile de lin, huile d’olive, chez les Romains), • les colles de peau, • le sucre (les figues chez les Romains), • le méthyl cellulose (colle à papier peint). En Inde, il est d’usage d’utiliser un mélange de chaux vive, de lait et de sucre. La surface obtenue est ensuite polie à l’agathe pour donner un effet uni et luisant. Le sucre a une fonction, dans ce cas, de ralentisseur de prise, qui va permettre de travailler la surface plusieurs jours durant. Les agents mouillants, couvrants et les plastifiants

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Ils sont employés afin d’améliorer la combinaison des composants entre eux, en particulier dans les peintures (bonne dispersion des pigments). Ils ont la propriété de rendre les mélanges plus souples et plus plastiques ou fluides. Ils contribuent également à faciliter la mise en œuvre, notamment lors du filage en peinture. Les principaux agents mouillants sont : • le savon, • certaines résines, comme le vinyl, • le vinaigre, • certaines huiles, • les colles de peau. Les fixatifs Pour aider à la fixation des pigments, il est d’usage d’utiliser durant la prise de la chaux, un agent de liaison. C’est le cas de l’alun de potasse. “On appelle communément alun le sulfate double de potassium et d’aluminium hydraté K2SO4, AL2(SO4)4, 24H2O, qui reçoit souvent les noms usuels d’alun de potasse ou alun de roche. Appellation minéralogique étant kalinite...”. Encyclopédie universelle, Tome I. L’utilisation de l’alun était connue des Romains, PLINE en parle dans ses écrits. BUFFON, dans ses œuvres complètes, détaille son utilisation dans la teinture des matériaux : “Ce sel a en effet, des propriétés utiles, tant pour la médecine que pour les arts et surtout pour la teinture et la peinture. La plupart des pastels ne sont que des terres d’alun, teintes de différentes couleurs. Il sert à la teinture en ce qu’il a la propriété d’ouvrir les pores et d’entamer la surface des laines et des soies qu’on veut teindre, et de fixer les couleurs dans leurs substances. Il sert aussi à la préparation des cuirs, à lisser le papier...On frotte d’alun calciné les formes qui servent à imprimer les toiles et papiers pour y faire adhérer les couleurs...”. Améliorer les mortiers : stabilisant, liant complémentaire L’ajout d’un liant puissant permet de bonifier les caractéristiques mécaniques et physiques des mortiers. Sont utilisés : • les colles de peau, la colle d’os; • le suif; • le résidu de corne de vache (la kératine est une protéine servant à la fabrication de la colle); • le lait et le fromage blanc; • la caséine (protéine du lait); • les résines naturelles, comme la résine de pin; • la cire d’abeille (chez les Romains); • le sang de bœuf; • l’œuf (jaune et blanc);

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• certaines huiles (huile de baleine, utilisée au Brésil…); • les résines de synthèse. PLINE préconisait l’utilisation d’un mélange du nom de Malta, qui comprenait chaux, graisse de porc et figue : l’extinction de la chaux était réalisée avec du vin. Les durcisseurs Certains agents sont rajoutés pour durcir les mortiers. Ce sont le suif, les résines et les gommes naturelles, les résines de synthèse. TOUSSAINT, en 1864, rapportait que “l’on donne une grande solidité du badigeon ordinaire, en dissolvant la chaux et les ocres qui servent à le colorer dans de l’eau que l’on a fait bouillir avec des pommes de pin. L’extractif résineux, qui est insoluble à l’eau froide, fait ici l’office de mordant et résiste parfaitement à la pluie...”.

Les entraîneurs d’air Au moment de la réalisation du mortier, il est possible d’incorporer un entraîneur d’air qui favorise la multiplication de microbulles d’air. Il améliore la résistance au gel, dans le cas de conditions climatiques difficiles. Il bonifie les caractéristiques thermiques du mortier (propriété isolante) et diminue le retrait. Les entraîneurs d’air sont : • les huiles (lin, olive...), • le sang de bœuf, • l’urine, • le mélange bière et urine. Les hydrofuges Les hydrofuges ont pour rôle de diminuer la pénétration de l’eau et d’améliorer l’étanchéité des capillaires. On distingue les hydrofuges de masse et les hydrofuges superficiels. Il convient d’être prudent dans l’utilisation des hydrofuges qui limitent souvent la perméabilité des mortiers à la vapeur d’eau. On trouve : les graisses, le suif et le stéarate de magnésie. PALLADIUS prônait le mélange de chaux et de suif, pour les aqueducs et les citernes. Les adjuvants modernes et traditionnels De tout temps, nos prédécesseurs ont cherché à améliorer les caractéristiques et les propriétés des mortiers, par l’adjonction d’agents supplémentaires. Toutefois, dans la mesure où l’effet recherché est obtenu, il est impossible de conclure que la tradition est supérieure à la modernité et inversement. Si ces matériaux améliorent réellement certaines spécificités, ils peuvent en dégrader d’autres.

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C’est le cas des peintures à la chaux, appliquées à sec. Pour obtenir une saturation maximale des couleurs, on utilisait traditionnellement le lait ou l’huile... Actuellement, on emploie les résines synthétiques. Traditionnels ou modernes, les produits rajoutés réduisent la porosité des peintures.

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3.4 Les pigments, la coloration Les pigments : ce sont des substances colorées, insolubles dans le milieu où on les utilise. Ils colorent la surface sur laquelle ils sont appliqués, sans totalement pénétrer dans la matière (fibres...), à la différence des teintures. Ils sont issus le plus souvent de matériaux d’origine minérale, métallique et parfois organique. L’utilisation de pigments, comme matière colorante, est fort ancienne. Il a été retrouvé dans les peintures de la grotte de Lascaux des ocres provenant d’un lieu situé à 30 kilomètres. Ainsi les hommes de cette époque n’ont-ils pas hésité à se déplacer pour trouver un matériau au grand pouvoir colorant, et à le transporter. La coloration des peintures à la chaux est effectuée par l’adjonction de pigment, sauf dans le cas des badigeons blancs, où la chaux assure la fonction de colorant. La coloration des enduits à la chaux peut être obtenue de différentes façons. Traditionnellement on distingue deux types d’interventions, liées soit à : uune

volonté de coloration, dans un souci décoratif :

• dans ce cas, le choix de couleurs vives est rendu possible par l’application de peinture à la chaux sur l’enduit encore frais “a fresco” pour des couleurs très saturées, ou parfaitement sec “a secco”, lorsque l’on souhaite obtenir des teintes plus pastel.

• la coloration de l’enduit peut être également obtenue grâce à un choix judicieux d’agrégats colorés. Il n’est pas rare qu’on recherche dans un rayon de plusieurs kilomètres, un sable dont la nuance mettra parfaitement en valeur la façade, alors que les couches précédentes de l’enduit ont été réalisées avec des sables de proximité, de carrière ou de rivière. uune

volonté de réfection et un souci d’économie :

Traditionnellement, les matériaux sont peu déplacés. Les sables locaux et de chaux, provenant d’un four voisin, demeurent les seuls agents de coloration à la disposition des bâtisseurs.

Le développement des oxydes au fort pouvoir colorant a introduit une nouvelle méthode de coloration, par ajout de pigments (oxydes) dans le mortier d’enduit. Les tyroliennes du XXe siècle en ont transmis de bons exemples et témoignent de ces premiers “enduits teintés dans la masse”. Le terme d’enduit teinté dans la masse s’utilise lorsque la coloration est apportée en masse par un pigment, qui est le plus souvent un oxyde. Parfois, la couleur très vive d’un enduit, en surface et au cœur, comme c’est le cas à Roussillon (Vaucluse), semble l’apparenter à un enduit teinté en masse. En réalité, le mortier a été fabriqué à l’aide de sable ocreux et la coloration résulte du choix de l’agrégat et non d’un pigment rajouté.

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Nature des pigments Il existe une multitude de pigments aux noms évocateurs : blanc de Venise, bleu de Prusse, de Brême, bleu céleste, outremer, jaune de Naples, terre verte de Vérone... La liste en serait trop longue. Seuls seront abordés dans cet ouvrage les pigments d’origine minérale, compatibles avec la chaux, dont la caractéristique principale est de fournir un rendu stable, les couleurs n’étant pas altérées dans le temps (réaction chimique avec la chaux). Il existe deux familles de pigments : uLes

pigments naturels

Les terres, les ocres : on les trouve à l’état naturel mêlés aux sables et aux terres végétales. Pour les isoler, il est nécessaire de procéder à des lavages et des décantations. Les pigments étaient déjà largement connus et utilisés par les Romains comme en témoigne VITRUVE, Des couleurs et premièrement de l’ocre ( chapitre VII, livre VII) : “Il y a des couleurs qui se trouvent dans la terre qu’on tire de certains lieux : il y en a d’autres qui se font par artifice de la composition de plusieurs choses, qui étant mêlées ensemble, font dans les ouvrages le même effet que les couleurs simples et naturelles. De celles qui se tirent de la terre, celle que les Grecs appellent Ochra, est la première dont nous avons à parler. On la trouve en plusieurs endroits, et même en Italie...” Les pigments naturels proviennent d’une réaction d’oxydation des éléments métalliques (exemple : le fer), intervenue dans leur milieu d’origine. uLes

pigments artificiels

Les oxydes : ils proviennent le plus souvent d’un processus industriel de réaction chimique sur les principaux métaux, par exemple on utilise des oxydes de fer (le plus souvent jaune, rouge), de cuivre (le plus souvent vert, bleu)... Qualité des pigments

Les caractéristiques recherchées pour un pigment sont :

• une grande finesse, qui confère au mélange un pouvoir couvrant et colorant, cette finesse peut être encore améliorée par broyage.

• la

propriété de rester en suspension, ce qui évite la sédimentation et un éventuel remélange des matériaux, nuisible à un rendu uniforme.

• la neutralité dans le milieu donné, ce qui confère une stabilité à la couleur et aux agents extérieurs. Cette qualité est d’autant plus accusée ou grande, que la chaux possède par nature, un pouvoir alcalin.

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Les pigments couramment utilisés dans le bâtiment (maçonnerie, peinture) et compatibles avec le liants sont :

Quantités On exprime le plus souvent la quantité de pigment à employer en poids, par rapport au poids de chaux. Pour les enduits teintés en masse, le DTU 26-1 prévoit une limite maximale de 3 % de pigments, par rapport au poids du liant. L’apport de pigment est considéré comme un ajout de fines. Pour ce qui est des peintures à la chaux, la limite maximale est fonction de la technique utilisée. Elle est liée à la saturation de la couleur : au-delà de la limite donnée, l’apport supplémentaire de pigment ne modifie plus la couleur. (Se reporter aussi au chapitre 5, Peinture à la chaux). Echantillonnage, recherche de couleurs Il est essentiel de réaliser des essais préalables aux travaux. Pour les enduits : Une première approche de la teinte peut être réalisée en mélangeant à sec agrégat, liant et pigments naturels uniquement. La préparation d’échantillons reste néanmoins nécessaire, la couleur pouvant suivant la nature de la finition varier (remontée de laitance, grains noyés, lavés...). Pour les peintures à la chaux : La réalisation d’échantillons sur un support minéral (béton cellulaire) ou sur un support réel est conseillée. Le séchage accéléré (séchoir électrique, décapeur thermique) ne modifie pas la couleur du lait de chaux fini. Cependant, il est nécessaire pour juger du résultat : la couleur d’un lait de chaux humide étant plus foncée. Limite de coloration et absorption du rayonnement solaire Chaque couleur absorbe plus ou moins bien le rayonnement solaire. Il est bien connu que les couleurs sombres absorbent beaucoup plus la lumière et la chaleur. C’est pourquoi, en été, il est d’usage, de se vêtir avec des vêtements clairs. En ce qui concerne les couleurs de façade, il en est de même. Une façade sombre absorbera en grande quantité le rayonnement solaire. Cette propriété largement pratiquée dans l’habitat bio-climatique doit cependant être maîtrisée, car l’élévation trop importante de la température d’une façade et de son parement peut être à l’origine des fissurations de l’enduit et du bâtiment. Ce phénomène est encore plus sensible dans les pays froids à fort ensoleillement, où les chocs thermiques (nuit/jour) l’amplifient. Ainsi a été défini le coefficient d’absorption du rayonnement solaire. Ce coefficient, lorsqu’il est proche de 0 (zéro) signifie que la surface n’absorbe pas le rayonnement. Au contraire, lorsqu’il est proche de 1, il l’assimile en totalité. Le tableau suivant détermine le coefficient d’absorption en fonction des différentes couleurs.

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COULEUR

COEFFICIENT D’ABSORPTION DU RAYONNEMENT SOLAIRE

Blanc

0,2 à 0,3

Jaune, orange, rouge clair

0,3 à 0,5

Rouge sombre, vert clair, bleu clair

0,5 à 0,7

Brun, vert sombre, bleu vif, bleu sombre

0,7 à 0,9

Brun sombre, noir

0,9 à 1

Dans la pratique, le coefficient d’absorption est limité à 0,7 (DTU 26.1).

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Les mortiers et les enduits Fonctions architecturales et techniques

4.1

Le terme d’enduit revêt différentes significations mais il désigne toujours un ouvrage de revêtement pour garnir, protéger ou finir une surface. Utilitaire ou décoratif, c’est un ouvrage d’homogénéisation. Dans le bâtiment, un enduit désigne le plus souvent une ou plusieurs fines couches continues et un matériau plastique (plâtre, chaux, ciment ou mortier, terre...), dont on revêt un support en vue de son unité, et/ou de sa protection. Le terme de “crépi” est souvent utilisé pour désigner un enduit à la finition grossière et rustique. Les fonctions d’un enduit se déclinent selon deux rôles prioritaires : • La protection et l’isolation, contre l’humidité et ses mécanismes de pénétration de l’eau (gravité, capillarité, condensation, gel) ; également contre la conjugaison vent et humidité. Cette fonction est d’autant plus importante que l’enduit assure le recouvrement de différents composants juxtaposés, tels que le pan de bois (la jonction bois remplissage). • La présentation, pour redresser les surfaces internes inégales mais également pour habiller les parements externes, en leur ajoutant une dimension décorative. Au-delà de ce rôle de présentation, l’enduit appartient au domaine de l’architecture et participe à sa composition. Directement perçu par l’œil, l’enduit est la couche de protection, “la surface à sacrifier”, nommée ainsi par les Italiens : il est soumis aux intempéries et doit être entretenu régulièrement. Son aspect lisse, auto-nettoyant, lui permet de jouer pleinement sa double fonction de représentation et de protection et par là contribuer à la durabilité du bâtiment.

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LES REFERENCES DE TRAITEMENT L’enduit détermine l’aspect de l’architecture traditionnelle. Largement plus présent que la pierre, il est le premier ouvrage vu de la construction. Les constructeurs lui ont attribué un rôle technique de protection, et ils ont toujours cherché, à travers lui, à mettre en scène l’architecture. L’observation nous enseigne les multiples expressions de cet ouvrage de finition auquel est dévolu le rôle d’amplifier ou de corriger les effets, de compenser la modestie des moyens et d’afficher sur la façade l’ambition du constructeur, ou les convenances du moment. Public ou privé, riche ou pauvre, l’édifice est présenté avec un revêtement dont le choix a un sens, qu’il emprunte au monde des signes. Ce sont ces signes et leur assemblage qui donnent à voir l’intention du maître de l’ouvrage. Ils procèdent de la codification de l’architecture. L’enduit qualifie, avec la façade, l’édifice dans son entier. La question centrale est celle de l’apparence. Les réponses utilisent plusieurs voies : l’imitation, l’invention, plus récemment une tendance à l’uniformisation. uLa

manière classique

Le langage des finitions puise dans plusieurs veines, chacune véhiculant son message propre. La première est celle de l’imitation des matériaux nobles de l’architecture savante. C’est la pierre, absente, qui fait l’objet de tous les talents de trompe-l’œil du maçon. Il n’est pas rare qu’une façade totalement enduite donne l’illusion d’une façade de pierre. On y retrouve toute la modénature classique : les plinthes et les soubassements, les chaînes d’angles, les chambranles des baies, les bandeaux moulurés, corniches ou entablements complets, les panneautages ou appareils du parement. Ainsi le maçon, avec ce programme majeur, va s’employer à préparer des mortiers d’enduit dont la couleur, le grain, la finition, imitent en tous points l’aspect de telle pierre. Avec un peu de recul, l’illusion doit être parfaite. C’est la veine de l’hyper-réalisme dans laquelle les marges de manœuvre sont très étroites. L’objectif est l’équivoque. Talent et tour de main sont ici mobilisés à leur plus haut degré de technicité. Dans la majeure partie des cas, l’attitude est plus modeste. Il s’agit seulement d’évoquer un édifice plus onéreux que le budget ici n’autorise pas. C’est la variante meilleur marché d’une volonté de faire plus noble. Il est savoureux d’observer que l’économie ainsi réalisée a pour effet d’ajouter au programme de la sophistication dans l’expression. Comme si la pénurie d’argent était ainsi compensée par le loisir d’en montrer davantage. Mais au-delà de cet aspect économique, propre au donneur d’ouvrage, on décèle un domaine d’une autre nature, métaphysique, celui du faux plus vrai que le vrai. L’imitation permet à l’opérateur, et il devient ici le créateur, de gommer toute imperfection, tout accident du monde réel, pour ne conserver à l’ouvrage que ses caractéristiques idéales. L’appareil est systématique puisqu’il ne subit pas les aléas de l’approvisionnement ; les teintes et le veinage de la pierre marbrière sont limités à un seul échantillon de référence. L’artefact devient le produit parfait d’un monde de l’idée où la contingence n’a plus cours. Fort heureusement, cette ambition n’est qu’intellectuelle et la main de l’homme dément qu’on ait atteint à une telle inhumanité. Reste que le faux fascine, qu’il témoigne de l’impertinence des hommes face aux choses, à la frontière délicieuse du surnaturel. Ainsi, les stucsmarbres de la fin du XIXe siècle des halls et escaliers des immeubles haussmanniens, coûtaient-ils déjà plus cher que les modèles qu’ils imitaient : c’est bien que le plaisir du faux, malgré son prix, ouvrait les esprits à une “réalité” d’un autre ordre. Trompe-l’œil, hyper-réalisme, composition idéalisée : cette première manière suppose que le constructeur possède une solide culture de l’architecture, de ses modèles et de leurs variantes. uLa

manière plastique La deuxième veine que les enduits nous proposent est celle de l’abstraction décorative. C’est elle qui conduit notre constructeur à s’affranchir des modèles pour les utiliser et les faire évoluer dans des

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directions nouvelles, où la référence n’est plus ni le matériau ni l’ouvrage imité mais la forme. Un bon exemple en est la chaîne d’angle. Celle-ci, dans la précédente famille, est souvent traitée en harpe ou refendue en assises régulières, imitant sans confusion possible la pierre. Elle devient ici une simple bande verticale, au parement lisse et différencié de la façade, ne présentant plus aucune figuration de l’ossature de l’appareil, ou du matériau de construction. Dans le meilleur des cas, elle a gardé une largeur crédible ; bien souvent sous-dimensionnée. De surcroît, sa couleur ne repésente plus ni celle de la pierre ni celle de la brique. Dès lors que l’imitation d’une architecture noble n’est plus la règle, toute dérive plastique est permise. Le parement de façade sera jaune ou rouge, voire vert ou bleu. Au-delà de la mode qui influence les palettes, le constructeur a recours aux matériaux disponibles de son choix : sables très ocreux ou très argileux, ou plus tard tyroliennes teintées par des oxydes saturés. Le maçon décore l’édifice de couleurs franches, en dehors des conventions de l’architecture. Guidé par le seul plaisir de faire et de voir, un nouveau langage se crée, en parallèle des académismes, qui emprunte aux écoles non plus ce qui est juste ou traditionnel, mais ce qui lui semble attractif, nouveau et non exploité. Plaisir pur de la forme libre, de la couleur, des oppositions de matière. Dans son village, le maçon est immergé dans un milieu de formes architecturales, observées sur l’hôtel particulier, la mairie ou l’école. Il adapte sur la maison courante à l’ordonnance classique, et parfois déjà ravalée entre temps, le vocabulaire décoratif du moment. On voit par exemple, vers les années 20 ou 30, se rénover la devanture et l’enseigne, en référence à la mode Art Déco, avec son cortège de formes et de matières jusque-là inconnues. Sur le même édifice une telle stratification est courante, elle témoigne chez le même homme de métier de pratiques constructives qui puisent à la fois dans l’Ancien Régime et dans l’ère moderne. Ces raccourcis sont délectables et attestent un art populaire de l’enduit, aujourd’hui trop peu considéré dans son continuum d’influences, qui ne demande, en dépit de sa modestie, qu’à être reconnu. L’inspiration libre a produit, à partir du mouvement Art Déco, des assemblages nouveaux d’horizontales et de verticales, à redents, à pendeloques, qui n’imitent plus que le souvenir des dispositions antérieures, désormais prétextes à décorer et non plus à signifier. C’est la pénétration du monde industriel, où circulent produits, catalogues de formes et ornements, dans le monde artisanal. Cette deuxième manière, décorative, est également tributaire des possibilités d’approvisionnement. Il n’y a qu’une cinquantaine d’années que les matériaux de construction pondéreux circulent aisément. Avant l’ère des camions et des dépôts, les constructeurs bâtissent à partir des ressources les plus rapprochées. Ceci est vrai pour les liants et pour les agrégats. Ceci explique en tout cas la “couleur locale” des micro-régions et des pays, cantonnés dans leur rempart naturel. Ceci revient aussi à dire que chaque pays a assimilé à sa manière les influences extérieures et les a retranscrites à sa façon. Le paysage français y a gagné dans les expressions, dans les savoir-faire une incomparable richesse. Cet isolement est le pendant exact de l’ouverture aux modèles savants, cités précédemment, et il est donc aussi à l’origine d’un appréciable patrimoine. Si accrocher un mortier d’enduit à un support obéit à des règles normalisables, en revanche dire une intention architecturale à partir d’une gamme restreinte de matériaux prouve que les maçons ont été les alliés et les acteurs d’un grand projet, celui de la beauté et du soin pour la chose finie, quels qu’aient été leur éducation et leurs moyens. N’oublions pas qu’audelà des concepteurs, peu présents, les maçons ont utilisé pour le cabanon dans les vignes et pour le château les mêmes matériaux et que, sur l’un comme sur l’autre, ils ont usé de leur habilité et montré une ambition dont le résultat a déterminé la physionomie de notre patrimoine bâti. uLa

manière fantaisiste et la rocaille

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A la frontière entre l’imitation et la décoration, on pourrait décrire une troisième veine qui puise son inspiration dans chacune des deux autres, ce qui la rend plus inclassable. Fille spirituelle du Facteur Cheval et de l’art brut, c’est la famille des rocailleurs et des auto-constructeurs. Le pittoresque est leur inspiration, ils en font un usage prioritaire et très personnel. Ce sont ces modeleurs qui façonnent le mortier en faux branchages pour en faire des clôtures ou des bancs, qui empilent et scellent à tout va la coquille St-Jacques ou la pierre meulière, qui incrustent des cassons de céramique brisée et colorée dans chaque surface libre du parement. Ces manifestations nous font sourire par les libertés qu’elles prennent. Rappelons-nous cependant qu’elles sont les héritières des grotesques italiennes de la Renaissance, des grottes et nymphées, nichées dans les jardins. Héritières également d’un éclectisme stylistique qui a pu tout assembler et tout oser au cours du XIXe siècle et auxquelles se rattachent les influences de l’art nouveau catalan. Art populaire, plutôt dans sa variante banlieusarde, il recourt à l’astuce (mortiers collant, à prise rapide) et construit une esthétique de l’assemblage, du détournement et de l’inattendu. uLa

tendance à l’uniforme Ces trente dernières années, la veine décorative et expressive a subi une tendance simplificatrice, soumise à deux tentations : celle de l’image et celle du produit passe-partout. L’image se constitue à bon compte en s’appuyant sur quelques traits, comme les dominantes colorées de chaque région : beige, rosé, ocré, etc. Le signe particulier, partiel, devient une sorte d’étalon. La gamme réduite devient la gamme identitaire ; l’image constituée n’a retenu que la perception moyenne, généralement affadie. Ce sera cependant la gamme de l’offre. La deuxième tentation écrête les caractéristiques de l’enduit ancien fabriqué in situ : l’éventail granulaire, les teintes de l’agrégat, les variations des mises en œuvre et des finitions. Ainsi un standard, dans le mode de pose comme dans l’aspect, se substitue à la diversité des expressions. Pour corser le tout, chacune de ces deux tentations se réclame de la tradition. On en vient à cette dérive qui veut que l’enduit ne singe plus que l’enduit ancien dégradé. Plutôt que de proposer à l’architecture toutes les façons de l’histoire, il reproduit sans fin l’image erronée d’une rusticité mythique. L’usage de ces enduits sur l’habitat pavillonnaire, lui-même en proie à la logique du produit, est parfaitement cohérente. Au demeurant, leurs performances sont satisfaisantes. A l’inverse leur usage sur des édifices anciens, en milieu patrimonial déterminant, modifie et dénature la perception des couleurs, des textures et des finitions sans apporter en lieu et place un résultat équivalent. D’autres pratiques concourent à la tendance à l’uniforme. Le patrimoine français en a souffert depuis l’après-guerre en raison de deux modes ravageuses et funestes. La suppression de l’enduit est la plus répandue. Piochement, décroûtage et rejointoiement sont fondés sur la vision romantique de bâtiments dégradés ou rustiques. En effet, ayant perdu leurs enduits par long défaut d’entretien, ces bâtiments ont été considérés comme des exemples de traitement. Outre l’impertinence technique et historique de ce mouvement, le risque est de voir un territoire écorché où le moellon apparent deviendrait le modèle unique. La deuxième mode est issue des effets de l’industrie qui, distribuant un produit standard et performant (mais pour d’autres usages) qu’est le ciment artificiel, banalise le traitement des façades dans une expression unique, grise et talochée, en remplacement progressif des particularismes locaux des anciens enduits à la chaux. Cependant cette mode décline, et les mêmes industriels, également producteurs de chaux, font évoluer quotidiennement leurs fabrications vers un usage renouvelé, pour les enduits, des chaux traditionnelles. Subsiste en revanche le risque mentionné plus haut d’une généralisation des enduits formulés, dans un modèle quasi unique, même si quelques nuances colorées prétendent couvrir la palette française. Au moins en milieu patrimonial, on ne doit pas faire l’économie de l’étude au cas par cas de l’enduit approprié à l’édifice, ce qui plaide pour des matériaux

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bruts, assemblés par des hommes de métier au savoir-faire reconquis. Si les prêts-à-l’emploi ont leur évidente et croissante clientèle, ils ne doivent pas servir à mordre sur la compétence nécessaire des individus, là où les enduits pré-formulés ne constituent pas la réponse à la question du traitement architectural. Car si l’enduit est partie constituante de l’architecture, si l’architecture revêt tant de formes d’expression, il ne saurait être question de la réduire à quelques formulations stéréotypées, héritées d’une conception de production de masse aujourd’hui dépassée. Regarder les enduits, c’est donc avant tout les comprendre, avec leurs caractéristiques techniques et selon les racines de leur inspiration, qui seules peuvent nous expliquer les choix, nous faire saisir dans quel esprit ils ont été réalisés. En effet, les enduits relèvent de la grammaire de l’architecture, d’un code général, et emploient leur propre vocabulaire, que sont les liants et les agrégats locaux. Le monde des enduits est fait de la somme des expressions : comment le terroir a-t-il assimilé le modèle ? Comment a-t-il interprété la règle ? Parler des enduits impose de circuler sans cesse entre pratiques vernaculaires et pratiques savantes. L’œil perçoit les matériaux encrassés de patine ou ravivés par l’érosion ; l’esprit perçoit la construction mentale de l’œuvre bâtie, hors vieillissement. Dans l’appréciation des enduits cohabitent ces deux approches : elles nous confirment les relations difficiles du sensible et de l’intelligible.

LES CARACTERISTIQUES D’ASPECT

Au plan de la description de l’aspect, l’enduit utilise un vocabulaire expressionniste qu’il met au service de l’architecture. Les grands types suivants peuvent être décrits. uLe

parement lissé, serré Pour l’obtenir, il faut satisfaire à des contraintes de planéité du support, de serrage à l’outil. C’est une finition pour laquelle on utilisera plutôt des agrégats fins, des passes fines et parfois superposées. C’est la stratégie romaine du cuvelage des citernes et des aqueducs ou celle de l’imitation du parement de pierre. On y trouve aussi toutes les sophistications de finition de l’égrésage, du polissage au galet, du ferrage insistant des stucs. Finition raffinée avec des propriétés de dureté, de brillance, elle offre la preuve que l’on peut, avec des matériaux granulaires, obtenir un aspect de haute perfection dans le dressement. uLe

parement grenu, jeté Toute la famille des jetis s’y rattache. C’est la volonté d’animer le parement, d’obtenir une vibration visuelle. La régularité n’est acquise qu’au prix d’une technicité précise où la taille des grains, la plasticité du mélange, l’outil de projection se combinent avec le tour de main. Souvent cette finition est interprétée comme sommaire et uniquement rurale, or dans les grands ensembles urbains, à Versailles par exemple, il s’agit d’un traitement systématique au milieu du XVIIIe siècle, qui a succédé aux règles d’urbanisme de Louis XIV imposant le traitement pierre et brique. Modénatures lissées et panneaux grenus les ont remplacés. Cette finition, d’exécution difficile, pourrait trouver son origine dans l’engouement pour les concrétions calcaires des grottes et fontaines que la Renaissance italienne a beaucoup utilisées et transformées en écriture décorative. La tyrolienne, mécanisation du procédé, se rattache aussi à cette famille. uLe

parement grossier Il imite le bossage rustique des soubassements, des chaînages d’angle ou des ouvrages militaires. Au XIXe siècle, il atteint une quasi-perfection dans l’hyper-réalisme ; aux époques antérieures il est moins abouti, moins habile, il suggère seulement. Probablement parce que les conventions de l’imitation ont beaucoup varié dans l’histoire de la construction. La part d’expressionnisme, avec sa frange de liberté,

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est davantage mise en avant aux âges médiévaux et baroques, le code de reproduction fidèle au modèle appartenant davantage à notre classicisme et à ses héritiers. Le parement vermiculé se rattache aussi à cette catégorie. A cet égard il existe une hypothèse selon laquelle ce traitement (très généralement cantonné en partie inférieure de l’édifice, là où s’évaporent les eaux capillaires du mur, avec la pathologie que l’on connaît) serait une anticipation sur le désordre de l’humidité à venir. En effet, en multipliant en zone sensible la surface d’évaporation du parement, on répartit mieux et on augmente les points de passage de l’eau, les dépôts de sels sont dissimulés dans les redents vermiculés, à l’aspect déjà rustique, n’affectant pas ainsi l’esthétique générale du mur. Cet effet est-il à la base d’une stratégie consciente ? A-t-on utilisé ce vocabulaire décoratif pour compenser un désordre ? Il appartient aux historiens de l’architecture de répondre. uLe

parement historié Le sgraffito, présent dans toute l’Europe, combine enduit et dessin, scènes figurées et ornements. Du Moyen Âge à l’art nouveau, ce procédé de décor regravé sur des fonds parfois polychromes, permet à l’artiste de s’exprimer en extérieur dans une technique solide, susceptible de résister à plusieurs siècles. Assemblage des techniques du dessin au trait et des à-plats colorés, le sgraffito à deux, trois ou quatre couches autorise une gamme très large de formes et de complexité décoratives. Utilisant des agrégats fins, des pigments (blancs et jaunes, rouges et bruns, gris et noirs), l’opérateur travaille comme un peintre à la palette restreinte. Sur cet ouvrage, la confusion des genres artiste / artisan, qui nous est devenue étrangère, est manifeste ; du simple faux appareil à trois tons aux drapés et poses sophistiquées, il semble que ce soit la même main qui ait travaillé. En frise, le sgraffito remplace le basrelief en panneaux, il se substitue à la sculpture ou à la fresque. Mentionnées ici successivement, ces “façons”, ces finitions de l’enduit sont dans le paysage construit utilisées en combinaison. Elles nous donnent à voir la très grande richesse de ce patrimoine souvent modeste, assimilable à un art pauvre par la modicité de ses moyens, mais toujours qualifié, tiré vers le haut, témoin d’une ambition supérieure. C’est l’idée que chacun y a droit. Les enjeux y sont à la fois la dignité du commanditaire et l’identité du maçon.

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ESSAI DE CLASSIFICATION Cette classification repose sur une approche générale, qui peut toutefois être remise en cause, selon les régionalismes. Type d’enduit

Définition

Utilisation fréquentes

Jointement, rejointement

Action de remplir avec du mortier les joints

Traitement

de bâtiments modestes (maçonnerie de moellons) agricole ou d’édifices particuliers,

d’une maçonnerie

(usage

architecture militaire, remparts…) Joints beurrés,

Les joints débordent largement sur la

de bâtiments modestes joints beurrés regravés agricole ou parfois habitation)

maçonnerie

Enduits jetés à la truelle

La couche de finition est simplement jetée

(usage

ou édifices particuliers (remparts, architecture militaire…)

de bâtiments modestes ou savants, à la truelle, ce qui donne un aspect de surface secondaires (pignons). grossier. Suivant la souplesse du mortier, les reliefs sont plus ou moins vifs, anguleux. Enduits jetés au balai

Traitement

La couche de finition est projetée à l’aide d’un

des bâtiments d’habitation balai (genêt, cyprès, bouleau, buis… suivant majeurs (châteaux). les régions) trempé dans un mortier très souple d’enduits composés (panneautage, que l’on frappe sur un bâton ou réciproquement. appareils). Comme pour l’enduit jeté à la truelle, les reliefs peuvent être plus ou moins affirmés, jusqu’à prendre l’apparence d’une tyrolienne. Enduits “tyroliennes” Utilisation d’une tyrolienne pour projeter

Traitement façades

Traitement et édifices Architecture faux

Utilisation

indispensable de liant hydaulique, dès (mécanisation du jet) la couche de finition (appareil à projeter des XIXe siècle (rocailleurs, cimentiers…) goutelettes).

la fin du

Enduits talochés

Traitement

La couche de finition est lissée par une taloche

de bâtiments d’habitation et d’édifices de bois qui va permettre l’obtention d’une C’est certainement le type d’enduit le surface lisse plus courant. Peut servir de support aux enduits jetés. Enduits lissés à la truelle

Comme pour l’enduit taloché, la surface est

certainement le traitement le plus ancien lissée, mais cette fois-ci avec le dos de la truelle. Cette technique permet de faire sortir en surface la laitance du mortier et d’obtenir un aspect plus lisse.

majeurs.

C’est

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Enduits talochés regarnis

Sur la couche de finition talochée, une couche

Traitement

de bâtiment d’habition. de pâte de chaux (lait de chaux coloré, très épais) est incorporée et serrée à la lisseuse Enduits égrésés

La couche de finition, lorsque le mortier a fait

indispensable de liant hydraulique, sa prise, est usée à l’aide d’une pierre abrasive. fréquente au début du XXe siècle. (volonté de perfectionnisme). Enduits stuccés

La couche de finition de cet enduit est très dosée

Utilisation pratique

Utilisation

plus fréquente à l’intérieur, mais en liant et les agrégats sont très fins (poudre de l’extérieur (marmorino). marbre). L’effet recherché est une grande finesse italienne. de surface, proche de la brillance d’un marbre.

possible à Influence

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La recherche de l’image traditionnelle d’un village est à l’origine de l’élaboration de solutions pour vieillir les enduits. Ainsi, de nouvelles catégories ont été mises au point : Décroûtage et rejointement Le décroûtage est une opération de mise à nu du parement du mur, dans le but de révéler la “pierre” en tant que matériau noble et comme seul vecteur de l’histoire, comme si l’âme du mur pour être révélée, oblige à faire apparaître la pierre. Le plus souvent c’est une opération catastrophique pour l’image du bâtiment et la protection du mur. Enduit à pierre vue

Il est réalisé comme un enduit, dont l’épaisseur ne suffit pas à couvrir l’ensemble des moellons des pierres, le nu de référence étant la “tête” des moellons. Ce type d’enduit cherche à imiter une surface usée dont les parties les plus fines, érodées, laissent apparaître la pierre.

Les enduits feutrés, lavés

En fin de talochage, on utilise une éponge, une taloche-éponge ou un feutre imbibé d’eau, que l’on passe sur la surface de l’enduit. L’objectif est de laver la laitance de l’agrégat, qui apparaît en surface. C’est une technique de vieillissement qui tend à reproduire un enduit légèrement érodé et à faire ressortir la couleur des agrégats.

Les enduits grattés

En fin de talochage, on utilise le tranchant de la truelle ou une planche à clous, pour gratter la pellicule de mortier de surface. Cette opération cherche, comme la précédente, à mettre en valeur l’agrégat, en lui conférant l’illusion d’un enduit usé. Cette pratique pseudo-ancienne autorise des raccords aisés (raccords d’échafaudage, reprise de gâchage..), mais banalise les façades en raison de son application trop systématique. De plus ce traitement favorise l’encrassement du parement et une mauvaise imperméabilité.

Les enduits rustiques, raclés, d’observation certain, une banalisation et le détournement du terme ripatés “rustique” ont conduit à des traitements forts discutables.

Un manque

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QUALITES D’UN ENDUIT ET PRINCIPES CONSTRUCTIFS L’élaboration d’un enduit répond à plusieurs critères qu’il convient d’analyser, avant toute mise en œuvre, pour comprendre et choisir l’enduit répondant au problème posé. Qualités d’un enduit

Principe constructif

1 - Bonne accroche mécanique



Surdosage du liant de la 1ère couche • Création d’une accroche sur le support 2 - Souplesse et déformabilité



Choix du

liant approprié (faible résistance des chaux aériennes compatibles avec le support ou hydrauliques naturelles) 3 - Redressement de la surface



Possibilité de jouer sur la variation des épaisseurs de couche... • Plusieurs couches autorisées 4 - Finition auto-nettoyante



Dernière

couche faiblement dosée en liant • Couche de finition de préférence lisse 5 - Imperméabilité à l’eau



Système

multi-couches à dosage dégressif et temps de séchage entre couches 6 - Perméabilité à la vapeur d’eau



Choix appropriés des liants et des dosages uL’enduit

: perméabilité à la vapeur d’eau et “respiration” La réalisation d’enduit sur les murs d’un bâtiment d’habitation participe au confort intérieur de la maison. En effet, les murs et tout particulièrement les maçonneries anciennes, renferment un taux important d’humidité. Celle-ci provient : • de l’ascension capillaire de l’eau dans le mur, • d’une éventuelle eau d’infiltration, • de l’eau de condensation, • de la vapeur d’eau produite par les habitants eux-mêmes. uLa

capillarité Actuellement, le traitement des soubassements de murs humides conduit systématiquement à un décroûtage des enduits, avec l’idée de ventiler le mur. L’application possible des phénomènes de capillarité conduit, à partir d’un modèle théorique à privilégier, un enduit dans lequel on chercherait à maîtriser la porosité par le choix judicieux de l’agrégat (taille et courbe granulométrique) et de techniques appropriées (resserrage de la couche de finition). Un tel modèle ne permet pas de supprimer les traces d’humidité (auréoles), mais oriente les phénomènes de capillarité vers l’extérieur. L’enduit est donc un système multi-couches complexe. Au cours des siècles, on trouve de nombreux exemples d’enduits multi-couches, en particulier pour les enduits de citernes, de conduits d’aqueducs...

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Document GRET (Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques)

Le mélange d’huile et de chaux participe à l’étanchéité (matériau résistant et étanche); uL’enduit

: un système multi-couches L’enduit doit donc posséder un grand nombre de caractéristiques très différentes. De tout temps, cela a conduit à l’élaboration de systèmes multi-couches, permettant ainsi de répondre isolément à chaque problème posé. Actuellement la pratique la plus commune consiste à réaliser un enduit en trois couches, auxquelles sont attribuées les fonctions suivantes :

• le gobetis, première couche qui a pour fonction principale l’accrochage au support. Cette adhérence est donnée par un mélange riche en liant. Le choix du dosage va également favoriser l’imperméabilité du support;

• le

corps d’enduit, la seconde couche qui assure d’une part la planéité (redressement du support), mais également l’imperméabilité et l’isolation;

• la troisième couche, ou couche de finition qui décore tout en limitant les phénomènes d’érosion. Cette dernière couche doit être entretenue, notamment par l’application de badigeons. Elle participe aussi à l’étanchéité de l’enduit. En effet, le dosage utilisé pour sa réalisation est souvent le moins riche en liant et le plus adapté à un retrait et une fissuration limités.

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4.2

Fabrication des mortiers L’OUTILLAGE

L’outillage nécessaire aux travaux d’enduit forme la base de la caisse à outils du maçon. Pour la préparation du mortier :

• bétonnière-malaxeur, utilisable pour les mortiers de chaux (vitesse lente– durée 3 à 5 minutes), • pelle de maçon, ronde dans le cas d’agrégats fins, pointue pour des agrégats plus gros, • bac à gâcher, lors du gâchage manuel, il faut éviter l’incorporation d’impuretés (terre, herbe...), • râteau ou rabot (outillage traditionnel) utilisé à l’origine pour le gâchage du mortier de chaux aérienne en pâte. Il permet un gâchage aisé dans une brouette ou un bac de forme adaptée. L’emploi de chaux aérienne permet de préparer une quantité importante de mortier du fait de sa faible ségrégation et de sa prise lente. Cette propriété est intéressante dans le cas où la surface à enduire est importante. On évite ainsi les nuances qui pourraient survenir par une multitude de gâchages et donc de dosages légèrement différents. Pour le transport et le stockage du mortier Le nécessaire se résume à : • une brouette, • des seaux, • une auge ou gamatte.

LE MELANGE Le mélange mécanique Le mélange à la bétonnière, à vitesse lente, dure 3 à 5 minutes. Il faut éviter d’entraîner trop d’air pendant le malaxage, sinon il pourrait y avoir un début de prise avant l’application. Pour la mise en œuvre, il est préférable de mélanger la chaux et le sable lorsque celui-ci est sec, puis d’ajouter l’eau. Dans le cas contraire, on effectue le mélange entre l’eau et la chaux, puis on ajoute le sable, la bétonnière étant en fonction. Mélange manuel Il faut former un cône avec le sable : on verse le liant dessus (1). On effectue le mélange en retournant le tas depuis la base, trois à quatre fois (2), en reformant une forme de cône (3/4). Le mélange doit être bien homogène. La phase suivante consiste à étaler le mélange, en formant une cuvette (5). On rajoute l’eau (6) et on mouille le mortier avec le revers de la pelle (7). On retourne et reforme le tas (8). Si l’apport d’eau est bon, le mélange est fini, sinon on recommence ces opérations jusqu’à la

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consistance désirée. Le mortier est prêt à être mis en œuvre. On rassemble le mortier pour éviter que trop de surface ne soit en contact avec l’air.

Certains maçons préparent au matin la totalité du mortier de la journée ; après avoir mélangé la chaux aérienne et le sable en plusieurs tas, ils versent l’eau nécessaire dans un “cratère” au sommet de chaque tas. L’eau mouille lentement le mortier, sans effort ; cette technique contribue à obtenir une meilleure onctuosité du mortier, dans une logique traditionnelle d’économie de gestes et de moyens. Amélioration de la maniabilité des mortiers de chaux aérienne Elle s’obtient en mélangeant le mortier, la veille de son utilisation. Celui-ci devient plus onctueux, plus gras, la chaux ayant eu le temps de gonfler (bonne dispersion des plaquettes de chaux). Les mélanges de chaux hydraulique, quant à eux, doivent être réalisés au moment de l’utilisation. La consistance des mortiers d’enduit varie suivant la nature de la chaux, la granulométrie du sable, l’importance de l’eau de gâchage. Cette dernière, en excès, est souvent à l’origine des phénomènes de retrait : il faut donc être vigilant sur son dosage ; néanmoins, suivant la nature des travaux, on est amené à composer :

• pour

la réalisation de gobetis accroché directement sur le support, on préférera une consistance “crème liquide” qui sera projetée vigoureusement sur le mur.

• pour

la réalisation du corps d’enduit et de la couche de finition, on préférera une consistance plus plastique (comme un mortier de hourdage de maçonnerie), qui sera serré au bouclier de bois ou à la taloche.

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4.3 L’environnement du chantier,

supports à enduire

La mise en œuvre d’un enduit nécessite l’appréciation préalable d’un certain nombre de conditions, déterminant l’environnement du chantier. Celles-ci sont : • la gestion des surfaces à enduire, • le contrôle des approvisionnements, • les facteurs climatiques, • le contrôle du support. La prise en compte de ces quatre facteurs demeure la condition indispensable à la bonne exécution d’un enduit. La gestion des surfaces La gestion des surfaces correspond à la prise en compte de plusieurs facteurs essentiels pour réussir la mise en œuvre d’un enduit. Elle dépend de : • la vitesse de prise et de séchage du mortier d’enduit, • la quantité de travail maximale qu’il est possible de réaliser en une journée, • la complexité de la finition (décor...). Il est important de tenir compte de cette gestion, lors de l’application de la couche de finition. Pour éviter les raccords visibles, qui indiquent les journées de travail, il est conseillé de réaliser la finition en une seule fois (si la surface à enduire le permet). Le temps nécessaire à la réalisation d’une surface dépend du nombre d’individus, de leur dextérité dans les travaux d’enduit et de la complexité de la finition. Une bonne méthode consiste à exécuter des essais chronométrés de mise en œuvre durant une journée. A partir des données recueillies, il est possible d’établir un plan de travail, et éventuellement de renforcer l’équipe, lors de la pose de la couche de finition. Dans tous les cas, il est préférable d’éviter les raccords visibles, non maîtrisés ; l’utilisation d’une chaux aérienne facilite ce travail (prise moins rapide). Lorsque les surfaces à enduire sont trop étendues, elles peuvent être délimitées par des éléments existants : • descentes d’eaux pluviales, angles rentrants ou saillants, ou artifices d’arrêt. Ceux-ci peuvent être repris ou créés, dans l’optique d’une meilleure gestion de la surface ; ce sont des éléments d’architecture parmi lesquels on peut trouver : • colonnes, pilastres ou fausses colonnes, • bandeaux, corniches en pierre, en mortier mouluré ou peintes, • chaînes d’angle ou chaînes harpées... Le contrôle des approvisionnements L’organisation du chantier implique une bonne maîtrise des besoins en matériaux et leur approvisionnement. On commence par localiser un point d’eau à proximité.

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Indispensable à la mise en œuvre proprement dite, l’eau est continuellement utilisée dans les tâches générales du chantier (humidification du support, gâchage, nettoyage des outils...). L’approvisionnement en sable pour la totalité de la surface doit se faire en une seule fois, afin d’éviter les surprises possibles, dues à des sables de provenances différentes (nuances, granulométrie). Il en est de même pour la chaux. En effet, les différentes chaux aériennes ou hydrauliques naturelles possèdent des pouvoirs colorants perceptibles. L’utilisation d’une chaux aérienne en pâte, ou éteinte artisanalement, exige que l’on vérifie la bonne qualité de l’extinction, en particulier l’absence de particules de chaux non éteintes. En effet, les particules de chaux vive foisonnent sous l’action de l’humidité ambiante et forment de petits cratères dans l’enduit. La surface à enduire ainsi que le volume des matériaux utiles à la réalisation des mortiers doivent être préalablement définis. (Se reporter aux fiches techniques pour connaître les besoins moyens en approvisionnement.) Les facteurs climatiques La réalisation de mortier à la chaux aérienne implique des temps de séchage supérieurs à ceux préconisés pour les mortiers hydrauliques, d’où la prise en compte très stricte des facteurs climatiques. En effet, un mortier de chaux aérienne (liant unique), réalisé en trois couches successives, nécessite au minimum trois semaines de temps de séchage ; au-delà, la carbonatation n’est pas terminée et l’enduit restera sensible au gel, à la chaleur excessive ou à l’humidité, durant une période plus ou moins longue, en fonction des conditions climatiques. uLe

gel Il est très fortement déconseillé d’entamer des travaux d’enduit durant la période hivernale, sujette à des baisses de température importantes, en particulier la nuit. La mise hors gel du chantier s’avère donc indispensable dans le cas d’une mise en œuvre impérative. Un bâchage convenable de l’échafaudage se révèle nécessaire durant toute la durée du chantier ; il ne devra être retiré qu’au minimum une semaine après l’application de la couche de finition. Il faut tenir compte de l’orientation de la façade traitée (prise au vent, exposition au nord...). Le gel agit directement sur l’eau de gâchage du mortier, qui en se tranformant en glace décolle l’enduit, écarte les éléments liaisonnés entre eux et atténue les propriétés de la chaux. Un enduit gelé avant prise totale se détruit très rapidement. L’utilisation d’un anti-gel est à proscrire. uLa

combinaison vent/soleil Une chaleur excessive ou un vent continu entraîne un séchage trop rapide du mortier d’enduit, par une évaporation conséquente de l’eau. Cette dernière ne participe donc plus au phénomène de carbonatation de la chaux, par dissolution du gaz carbonique, pour la prise aérienne, et n’intervient plus dans le phénomène de prise, dans le cas de chaux hydrauliques. Une évaporation excessive et trop soudaine entraîne une mauvaise carbonatation et de ce fait une mauvaise prise. L’enduit peut alors se désagréger ou fariner : on parle le plus souvent d’enduit grillé (se reporter au chapitre concernant les pathologies). Une protection doit être mise en place pour éviter le désagrément. Un filet coupe-vent placé sur l’échafaudage permet de gérer l’action directe du soleil et/ou du vent. Ne pas utiliser de bâches polyanes qui peuvent former un effet de serre au soleil. Dans

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certains cas, l’adjonction d’un adjuvant rétenteur d’eau peut s’avérer utile (se reporter au chapitre sur les adjuvants). uL’humidité

L’humidité ambiante (vapeur d’eau) peut avoir un effet bénéfique. Elle intervient comme accélérateur de la carbonatation de la chaux, en dissolvant le CO2 de l’air pour former l’acide carbonique. Cependant, elle retarde le séchage de l’enduit. C’est pourquoi il est nécessaire de prévoir un délai entre l’application de chaque couche. Si les couches de mortier sont posées “frais sur frais”, l’eau fait migrer à la surface de l’enduit les sels et les chaux libres qu’elle a solubilisés ; des efflorescences apparaissent. De même, quand l’humidité de l’air ambiant est saturée, par temps de brouillard par exemple, l’eau ne s’évapore pas rapidement et solubilise les minéraux libres qu’elle véhicule à la surface (formation de calcin). L’humidité est aussi un facteur de détérioration lorsqu’elle agit directement sous forme d’eau de ruissellement. Une attention particulière doit être accordée au détournement des eaux pluviales, et aux surfaces exposées à l’ouest (vent et pluie).

Le support Il est nécessaire, en premier lieu, de déterminer les caractéristiques incontournables pour qu’un support soit apte à recevoir un enduit. Le support doit être :

Observations éventuelles

S’il ne l’est

pas, faire : STABLE

Fissures, lézardes non stabilisées ou stables

consolidation éventuelle Une analyse de l’époque de construction du remaillage des fissures importantes mur et du bâtiment peut permettre de répondre (maçonnerie en raccord) plus précisément (ex. : stabilité des fissures...) de coulis • rebouchage des fissures plus petites PLAN

Trous

• maçonner en raccord

RUGUEUX

Accrochage au toucher

• piquage de la surface • piquer les joints • faire une salissure

PROPRE

Salissures, poussières, matériaux pulvérulents Lavage à l’eau sous pression Utilisation d’une brosse

NON HUMIDE

Traces existantes

EN PERMANENCE capillarité

• •



injection

Purge

Traitement des eaux pluviales et des eaux de

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De plus, le mortier de hourdage doit avoir fait sa prise. Il convient d’être vigilant dans le cas de murs récemment maçonnés. Le DTU 20.1 précise que les murs en brique et parpaing doivent être montés depuis un mois au minimum.

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LES TRAVAUX PRELIMINAIRES Le contrôle du support Le support doit subir systématiquement un examen préalable, de façon à déterminer un traitement, si nécessaire, ainsi que le type d’enduit le mieux adapté (dosage...). Il doit être contrôlé notamment sur :

• l’évolution du bâti dans le temps; • le type de matériaux employés (moellons, briques, terre...); • les observations éventuelles sur la stabilité du bâti et les remèdes à y apporter; Outre les vérifications d’usage effectuées, la mise en œuvre de l’enduit nécessite de contrôler la propreté de la surface. Celle-ci doit être exempte de poussières, de traces de matières organiques ou minérales et autres (suie, salpêtre, poussières, plâtre...). D’autre part, avant le démarrage du chantier, il faut penser à accomplir les travaux préliminaires (humidification...) et élaborer un système de dévoiement des eaux pluviales, durant toute la durée du chantier. Si le bâtiment possède des éléments décoratifs ou d’arrêt, tels que bandeaux, corniches, appuis... une protection en zinc peut être prévue, dans le cas d’une forte exposition aux pluies battantes, par exemple. Dans le cas d’un élément saillant, il est important de vérifier la formation de la goutte d’eau, et si cela s’avère nécessaire, de reprofiler la gorge. De même, avant tous travaux d’enduit, l’observation des parties exposées et des moyens de protection est indispensable (mur pignon, arase...). Lorsque le support a été vérifié et avant de commencer les travaux, quelques précautions indispensables doivent être prises. L’humidification L’humidification des supports est une nécessité, avant la mise en œuvre d’un enduit. Elle a pour but d’éviter que le mur ne pompe de façon excessive l’eau de l’enduit. En effet, un mortier dont l’eau a été absorbée par le support ne peut effectuer correctement sa carbonatation. Il en résulte une dessiccation rapide entraînant des désordres qui se traduisent par un mauvais accrochage et un farinage de la surface. Avant l’application de l’enduit, la surface doit être “ressuyée”, c’est-à-dire humidifiée en moyenne trois jours avant, et progressivement chaque jour en réduisant la quantité d’eau. Cette humidification doit tenir compte de la nature du support et des conditions climatiques. Les précautions à prendre selon le type de support MATÉRIAU Supports Béton banché contemporains

MISE EN ŒUVRE

RÉSULTAT ESCOMPTÉ

Piquage/salissures

Fabrication de l’accrochage surface ciment (CPJ)

Mur de brique

• Attendre un mois après Prise du mortier de pose le montage du mur Eviter les fantômes et spectres • Humidifier abondamment • Attendre le séchage entre chaque couche, de préférence trois couches

Mur de parpaing

• Attendre un mois après le montage

Prise du

du mur quel que soit le liant utilisé

Eviter les

mortier de pose fantômes et spectres

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• Humidifier abondamment • Attendre le séchage entre chaque couche, de préférence trois couches

Supports anciens

Béton cellulaire

• Salissures • Humidification

Amélioration de l’accroche

Pierre tendre

• Humidification Amélioration de l’accroche • Piquage des joints sur 5 mm

Pierre dure

• Salissure

Amélioration de l’accroche

• Surdosage 1ère couche Pisé/torchis

• Humidification légère Neutralisation des poussières • Passage d’un lait de chaux

Bois incorporé de l’accroche dans la maçonnerie

Mise en place d’un grillage fixé à l’aide de clous inoxydables

L’outillage nécessaire à la préparation des supports consiste en :

• une pointerolle, • une massette, • un marteau électro-pneumatique, • une brosse de chiendent, • un jet d’eau et des balais d’humidification, • un suppresseur basse pression pour le nettoyage et l’humidification.

Amélioration

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4.4

Dosage de mortiers d’enduit

La réalisation de mortiers d’enduit nécessite un dosage bien maîtrisé des matériaux. Un bon dosage donnera la résistance mécanique optimale au mortier. Il évitera également d’employer trop de liant qu’augmentera le prix et trop d’eau (à l’origine de beaucoup de pathologies, faïençage...). Le dosage adapté doit permettre au liant de combler tous les vides du sable. Le sable utilisé détermine donc le dosage à effectuer.

LA TRADITION – DOSAGE ET RECOMMANDATIONS Nos prédécesseurs ont consigné dans leurs écrits, avec précision, non seulement les matériaux, mais également les dosages nécessaires à la mise en œuvre. Ainsi VITRUVE, dans ses dix livres d’architecture, préconisait : Quand la chaux sera éteinte, il la faudra mêler avec le sable, en telle proportion qu’il y ait trois parties de sable de cave, ou deux parties de sable de rivière ou de mer, contre une de chaux : car c’est la plus juste proportion de leur mélange, qui sera encore beaucoup meilleure, si on ajoute au sable de mer et de rivière une troisième partie de tuileau pilé et tassé. PLINE prônait, quant à lui, un mélange comportant : 4 volumes de sable de carrière, pour 1 volume de chaux ou bien 3 volumes de sable de rivière pour 1 volume de chaux, auquel il était possible d’incorporer 1/3 de tuileaux. En 1570, PALLADIO décrivait la meilleure façon de réaliser le dosage pour la composition du mortier, il faut y mêler le sable avec cette discrétion que, s’il est de carrière, on en mette trois parties pour une de chaux, mais s’il est de mer ou de rivière il n’en faut mettre que deux parties pour une de chaux. La “Nouvelle Maison Rustique”, en 1775 rapportait que “les mortiers, pour être recevables dans les ouvrages du Roi, doivent être tierces, c’est-à-dire, que sur deux brouettes de sable mâle de rivière, on doit y mettre une brouette de chaux éteinte de deux jours dans un bassin, sinon l’ouvrage se tourmente, se fend et se déjette en peu de jours...”

DOSAGES ACTUELS – LA NORMALISATION

De nos jours, le dosage global en liant de mortier à enduire, à l’exclusion des supports béton cellulaire, fibraglo, treillis... est présenté dans le Document Technique Unifié DTU 26-1.

SUPPORT APPLICATION NEUF re 1 couche : accrochage gobetis kg/m3 2e couche : corps d’enduit 350 à 400 kg/m3

ANCIEN 500 à 600 kg/m2 300 à 350 kg/m3

400 à 450

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3e couche : enduit de finition kg/m3

250 à 300 kg/m3

150 à 250

Le tableau ci-dessous donne le dosage des liants, pour enduire des maçonneries anciennes exprimés en seaux de 10 litres de liants purs ou bâtards pour un volume de 100 litres de sable sec. Les dosages se font à partir de sable sec. Fréquemment, les granulats livrés sur chantiers sont humides. La quantité d’eau retenue varie avec la grosseur des grains et le taux d’humidité de l’atmosphère. Cette quantité d’eau augmente le volume du sable et modifie sa densité apparente. Le dosage est alors faussé. Pour pallier cet inconvénient, il est nécessaire de calculer les foisonnements des sables (se reporter au chapitre des granulats).

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CL/C.AE.B. volumique 1

NHL/X.H.N. masse volumique 0,5 masse volumique 1

X.H.A.

PROMPT masse volumique 0,8

CPJ masse volumique 0,9

masse

Liant pur GOBETIS

Bâtard Liant pur CORPS D’ENDUIT

Bâtard Liant pur ENDUITDEFINITION

Bâtard

REALISER SON PROPRE DOSAGE “Je ne détermine pas qu’elle doit être partout la matière des mortiers, parce que l’on ne trouve pas partout ce que l’on pourrait désirer ; il faudra employer ce que l’on trouvera”. VITRUVE Il est possible de réaliser son propre dosage en mettant au point deux tests : l’un pour mesurer les vides contenus dans le sable en tas, l’autre pour vérifier que le dosage n’est ni trop maigre, ni trop gras.

Sources : Balthazard et Cotte, Chaubat, fabricant de chaux aérienne, CAEB.

LE CHOIX DU LIANT La réussite de tous travaux d’enduits suppose le choix préalable du liant le mieux adapté. Celui-ci ne s’effectue pas a priori, mais il est induit par un faisceau d’arguments liés à l’observation et aux contraintes du chantier dans le but de remplir les objectifs fixés. Parmi ceux-ci, il est possible de retenir :

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uLa

nature du support Murs anciens ou contemporains, moellons de calcaire tendre, mi-fermes ou pierres froides, murs de terre ou de torchis sont autant de matériaux différents qui nécessitent un liant plutôt qu’un autre, pour la réalisation du dégrossis. uL’environnement

du chantier Les conditions climatiques, le calendrier de réalisation du chantier, la nature des approvisionnements interviennent dans le choix du liant. La prise en compte de ces facteurs est indispensable lors de la réalisation du corps d’enduit. uL’aspect

souhaité, la finition La couche de finition d’un enduit s’effectue toujours aujourd’hui dans un souci d’esthétisme. Sont à considérer entre autres le grain de la texture, la couleur de l’enduit et la présence ou non de modénature. Le croisement de ces trois éléments doit permettre d’orienter le choix du liant à utiliser.

A) Observations du support : le liant du gobetis La surface brute, recevant l’enduit, possède des caractéristiques propres d’accroche, de porosité et d’affinité avec l’eau. Celles-ci sont déterminantes dans le choix du liant, servant à la réalisation du gobetis. Dans les tableaux suivants, la mention chaux aérienne réunit les chaux aériennes éteintes pour le bâtiment et les chaux en pâte.

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Type de support

Travaux à réaliser

Liant courant

Maçonnerie de moellons

Dépoussiérage

Chaux

aérienne ou XHN tendres-mi fermes Humidification Gobetis Brique terre cuite Dépoussiérage Humidification abondante, Gobetis

aérienne

Pierres froides de petits ou grands appareils Humidification Salissure Humidification BATI ANCIEN Gobetis

XHN, chaux

Dépoussiérage, Bâtard XHN + XHA XHN

Pisé, adobe, bauge Dépoussiérage Humidification (brouillard) Lait de chaux Chaux aérienne Gobetis/corps d’enduit Chaux aérienne (enduit réalisé en deux couches) Torchis, pans de bois caché Humidification (brouillard) Lait de chaux Grillage Gobetis/corps d’enduit

Dépoussiérage

Brique terre cuite Humidification Gobetis

XHN/CPJ

Parpaing

Humidification Gobetis

XHN/CPJ

Béton banché Humidification Gobetis

Piquage ou sablage

SUPPORTS CONTEMPORAINS

Béton cellulaire

Humidification Gobetis

Chaux aérienne Chaux aérienne

CPJ - Adjuvantation éventuelle

CPJ

Dans le cas où une chaux aérienne est utilisée, la réalisation d’un enduit à deux couches est possible. La première couche correspond au corps d’enduit et fait environ 10 mm d’épaisseur ; la seconde couche, qui forme la finition, est alors plus fine ; elle peut être appliquée sur la précédente encore fraîche mais ferme (application à mazzo-fresco). B) Environnement du chantier : le liant du corps d’enduit ou dressage

• Les possibilités d’approvisionnements en chaux peuvent être un facteur de choix obligé. Cependant, il existe aujourd’hui de larges réseaux de distribution, et il est rare de ne pas trouver chez un négociant une chaux aérienne et une chaux hydraulique naturelle. Dans le cas contraire, il est conseillé de prendre le temps de se procurer le matériau adapté. uLe climat Il intervient également dans le choix du liant. En effet, en cas de températures excessives, d’un vent sec important ou de températures très basses, il est préférable d’employer une chaux hydraulique naturelle à une chaux aérienne, afin de bénéficier d’une prise plus rapide. Le choix d’une période adéquate (printemps, automne), ou la mise en place de protections (filet coupe-vent, bâchage...) est susceptible d’inverser ce choix.

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uLe

calendrier de chantier Dans le cas de travaux à réaliser dans un laps de temps court, il est conseillé d’utiliser une chaux hydraulique naturelle à une chaux aérienne (sauf à réaliser un enduit à deux couches et application à mezzo-fresco). En effet, dans des conditions climatiques normales, le délai de prise entre gobetis, corps d’enduit et finition peut être divisé par deux. La couche de finition peut, quant à elle, être réalisée avec une chaux aérienne. La prise de la couche de finition se continue une fois l’échafaudage déposé. C) Aspect souhaité : le liant de la couche de finition La couche de finition a comme rôle principal de mettre en valeur et de présenter le parement du mur. Le résultat final est une combinaison entre :

• le grain de l’enduit : la surface pouvant être très lisse ou à forte aspérité (surface grenue), • la couleur : celle-ci est obtenue par une peinture à la chaux réalisée a fresco, a secco ou simplement à l’aide de l’agrégat et le liant du mortier,

• la modénature : l’enduit est simplement regravé en faux appareils de pierre ou possède des reliefs importants.

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Grain de l’enduit

Nature des travaux

Rejointoiement

Liant

Observations

Chaux aérienne ou éventuellement

Le choix

d’une chaux hydraulique hydraulique naturelle

Grenu

Enduit jeté truelle Chaux aérienne ou hydraulique naturelle

L’aspect, la rugosité de l’enduit est lié essentiellement à la nature de l’agrégat.

Enduit jeté au balai Hydraulique naturelle

Faire le choix d’un sable fin

éventuellement chaux aérienne

Fin

naturelle peut être intéressant dans le cas de pierre froides ou de joints vifs.

et ajouter si nécessaire du gravillon.

Tyrolienne

Ciment artificiel

Enduit taloché

Chaux aérienne

L’utilisation d’une taloche en bois

ou hydraulique naturelle

limite les remontées de laitance.

Enduit lissé à la truelle

Chaux aérienne

Faire le

choix d’un sable fin. La prise lente permettra de revenir serrer l’enduit.

Très fin Enduit taloché regarni

Chaux aérienne

La pâte de

chaux utilisée peut être colorée avec des pigments. Enduit égrésé

Ciment artificiel

Les couches de finition jetées à la truelle, au balai, doivent être appliquées sur une couche (corps d’enduit ou finition) préalablement resserrée ; en effet, la couche jetée ne peut assurer de fonction d’étanchéité. La coloration des enduits est réalisée à l’aide du mélange agrégat/liant, ou par une peinture à la chaux.

• Dans le cas d’une coloration à l’aide d’agrégat, il est important de savoir que les chaux hydrauliques naturelles possèdent une légère coloration (gris-beige parfois légèrement ocrée). Les chaux aériennes, elles, sont beaucoup plus blanches. Les choix d’une chaux plutôt qu’une autre peut mettre ou non l’agrégat en valeur et agit directement sur la couleur de l’enduit. Les chaux très blanches ont tendance à «casser la couleur», mais il n’y a pas de règle arrêtée ; un essai préalable est conseillé.

• Dans le cas d’une coloration par une peinture à la chaux, son application, à l’aide d’une technique à sec, peut s’effectuer indépendamment sur un enduit réalisé avec une chaux aérienne ou hydraulique naturelle. Dans le cas d’une application à fresque, le liant de la couche de finition doit généralement être une chaux aérienne. La présence de modénature entre également comme critère dans le choix du liant de l’enduit. En effet, le regravage d’un enduit est plus aisé avec un mortier de chaux aérienne. Ce travail est possible dès le lendemain de la pose de l’enduit. Lorsque la modénature s’avère importante (mouluration, faux appareil de pierre en relief), le choix de mortier de plâtre et chaux aérienne ou de prompt et chaux doit être envisagé.

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COLORATION EN MASSE La coloration en masse des enduits n’est pas une donnée traditionnelle. Si certains enduits anciens apparaissent parfois très colorés, c’est par suite des ressources en sable de nos prédécesseurs. Dans chaque région de France, certaines carrières spécifiques fournissaient des sables profondément colorés (Gard, Sarthe, Vaucluse). L’utilisation de ces sables produit des enduits très colorés (en surface et à cœur) ; leur mise en oeuvre ne comportait pas d’adjonction de pigments. Ce n’est que depuis une vingtaine d’années environ, que la coloration en masse des enduits est obtenue par l’adjonction de pigments. Actuellement on utilise : • les ocres ou terres dotées d’un faible pouvoir de coloration en masse, • les oxydes très éloignés de la couleur réelle des sables. Chaque colorant possède un coefficient d’absorption du rayonnement solaire (se reporter au chapitre 3.4 : Les pigments, la coloration). La prise en compte de ce phénomène est particulièrement importante pour le bâti, afin d’éviter des phénomènes de fissuration ou de faïençage. On a vu que le pourcentage de pigments autorisé dans le mortier ne peut excéder 3 % du poids du liant (norme DTU 26-1). Cette limite doit être scrupuleusement respectée. En effet, les pigments (terres ou oxydes) ont une très faible granulométrie et sont classés dans la famille des fines ; au paragraphe “agrégats” le caractère négatif des fines en excès a été signalé. Dans le cas de ces enduits, il est important de réaliser préalablement des échantillons, en ayant soin de laisser sécher l’enduit, pour vérifier la couleur recherchée. Dans le cas des terres et des ocres, la couleur peut être visualisée, en mélangeant à sec chaux, sable sec et pigments. L’obtention d’une coloration vive (saturée) doit être réalisée par un lait de chaux, mis en œuvre à sec ou à fresque. Traditionnellement, la coloration du parement d’enduit est obtenue par l’agrégat, par l’utilisation d’une peinture à la chaux. La nouvelle pratique des enduits teintés en masse, rendue possible par l’utilisation d’oxydes, crée des difficultés dans la gestion des surfaces (nuances possibles dues aux remontées de laitance).

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4.5

L’exécution de l’enduit

1–Contrôle de l’épaisseur et mise en œuvre Les enduits peuvent être réalisés en deux ou trois couches. Une des règles consiste à contrôler l’épaisseur des différentes couches, afin d’empêcher les empâtements. Ceux-ci risquent d’entraîner : • une mauvaise prise de la chaux par carbonatation, due à une arrivée ralentie du CO2, • un risque de fissuration de l’enduit. La première couche (gobetis) et la seconde (corps d’enduit) ne doivent pas être inférieures en épaisseur cumulée à 2 cm, ni supérieures à 5 cm. Ces épaisseurs sont données en général ; on observe parfois sur le bâti ancien des épaisseurs plus faibles. Le gobetis est la première couche de l’enduit ; sa surface doit être rugueuse pour favoriser l’accroche de la seconde couche (ne pas surfacer). Le mortier à mettre en œuvre doit avoir une consistance de “crème liquide” ; il est projeté vigoureusement en une couche uniforme et sans surcharge. Le corps d’enduit mis en œuvre après un délai d’attente (variable selon les conditions atmosphériques) est appliqué en deuxième passe, sur le gobetis préalablement humidifié. Le mortier aura une consistance plus plastique, proche des mortiers de hourdage. La surface doit également être rugueuse ou quadrillée si nécessaire, pour donner une meilleure adhérence à la couche de finition. TEMPS DE SÉCHAGE (Tableau de synthèse) Epaisseur de la couche

Temps de séchage XHN

CAEB

Gobetis

5 à 8 mm

48 heures

1 à plusieurs semaines

Corps d’enduit

15 à 20 mm

7 jours

1 à plusieurs semaines

Finition

5 à 7 mm

7 jours

1 à plusieurs semaines

2–Amélioration, contrôle de la prise (carbonatation) Certaines techniques permettent d’améliorer la prise : • l’utilisation d’un brasero chauffé au coke, qui par un dégagement de CO2, contribue à augmenter la teneur en CO2, • la mise en place d’une ventilation douce et forcée qui, par un brassage continu de l’air augmente la quantité de CO2 fournie par la ventilation naturelle ; cet apport est à contrôler pour éviter la dessiccation du mortier (évaporation trop rapide de l’eau de gâchage).

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Ces deux techniques sont pratiquées lors de travaux en milieu fermé (intérieur). Il existe aussi d’autres procédés, comme :

• l’incorporation

de fibres drainantes dans l’enduit, qui facilitent les phénomènes de carbonatation et d’évacuation de l’eau.

3–La finition L’enduit de finition ne doit pas être trop épais, pour éviter le faïençage : 5/3 à 7 mm. Il doit être d’un dosage inférieur au corps d’enduit. L’utilisation d’un mortier de chaux aérienne rend possible le resserrage de la surface, dès le lendemain de la pose. Cette possibilité est très pratique, lorsqu’une partie présente des fissures. L’emploi d’un mortier bâtard chaux-ciment blanc produit une laitance blanche résistante, qui teinte l’enduit en blanc, de façon durable. En général, ce n’est pas l’effet recherché. Il est fortement déconseillé de réaliser l’amortissement sur des pierres en creux ou en surépaisseur. Cette technique très répandue est la cause de nombreuses dégradations liées aux infiltrations d’eau, facilitées par le décalage existant entre la pierre et l’enduit. Elle entraîne également des salissures et ne contribue pas à la mise en valeur du bâti. Le choix esthétique implique aussi que l’on prenne en considération la tenue de l’enduit, son imperméabilité et sa vitesse d’encrassement. On constate que :

• la

surface grenue des enduits jetés est un facteur d’accélération de l’encrassement, notamment en milieu urbain. D’autre part, ces finitions doivent être réalisées sur un enduit parfaitement étanche, la couche jetée ne participant pas à cette fonction.

• les enduits grattés visent à donner un aspect ancien, usé, et laissent apparaître le grain du sable. Ce vieillissement accéléré réduit leur imperméabilité et accélère l’encrassement.

• les

enduits à la chaux, talochés, forment des surfaces unies. La laitance obtenue au moment du serrage peut être enlevée avec une éponge ou au feutre dans tous les cas, elle se délavera rapidement et laissera apparaître le grain du sable.

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L’outillage de base nécessaire à la réalisation d’un enduit comprend :

• une truelle à bout rond pour jeter, lisser ou couper l’enduit, • une truelle langue de chat afin de rejointoyer, • une taloche ou bouclier. Son rôle est triple : elle sert à porter le mortier, éventuellement à l’appliquer ou à élaborer la finition. Le matériau bois est préférable au PVC, qui a tendance à faire ressortir la laitance du mortier et donne un enduit plus blanc.

• une règle en aluminium, • une Berthelet, outil nécessaire à la recoupe des enduits de plâtre et chaux.

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EMPLOI Enduit, avec une finition talochée ou lissée, pouvant être réalisé sur des murs extérieurs ou intérieurs. SUPPORT Type : murs anciens de moellons. Observation : La mise en œuvre d’un enduit réalisé à la chaux aérienne s’effectue dans un souci de réfection à l’identique. Il est important de tenir compte des temps de séchage. TRAVAUX PRÉPARATOIRES • Piquage partiel des joints si manque d’accroche. • Bouchage et coulis des fissures si nécessaire. • Dépose et remplacement des parements pulvérulents. • Dépoussiérage à la brosse et au jet d’eau. • Humidification abondante et dégressive durant les 3 jours précédant la pose de l’enduit.

• • • •

OUTILLAGE Pour la préparation du support Pour la fabrication du mortier Truelle Taloche

MATÉRIAUX Sable 0-3/0-5 mm 20 litres/m2 CAEB 10 litres/m2 (approvisionnement pour une épaisseur moyenne de 20 à 30 mm).

Conditions climatiques : • Attention au gel durant toute la période de mise en œuvre (de la fabrication à la carbonatation partielle de la chaux : minimum 30 jours), • Attention aux fortes températures, • Protection contre les rayonnements solaires directs et le vent.

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MISE EN ŒUVRE 1re couche Composition Agrégat Gobetis Application Épaisseur Finition Séchage

:

Sable 7 volumes

0-5 mm

10 volumes

Liant : CAEB Truelle 5 maximum Garder un aspect granuleux 1 semaine minimum (humidité ambiante normale)

2e couche Composition Agrégat : Sable 0-5 mm 10 volumes Corps d’enduit Liant : CAEB 5 volumes Application Truelle ou taloche Épaisseur 10 mm maximum Finition Ne pas lisser Séchage 1 semaine (Possibilité d’appliquer la 3e couche de faible épaisseur, sur celle-ci encore fraîche)

3e couche

Composition Agrégats : Sable 0-3 mm 10 volumes éventuellement tamisé Finition Liant : CAEB 4 volumes Application Truelle ou taloche Épaisseur 3 à 5 mm Finition Lissée à la truelle ou à la taloche de bois Séchage 1 semaine. Protéger de la pluie, du rayonnement solaire direct et du vent

Variante

Réalisation Dans la description précédente, réalisation de la 2e et en deux 3e couches uniquement (corps d’enduit et finition). couches Application de la finition sur le corps d’enduit non sec (application à mezzo-fresco)

REMARQUES La prise lente de la chaux aérienne autorise un resserrement de l’enduit le lendemain, en particulier en cas de faïençage.

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EMPLOI Enduit avec une finition talochée ou lissée pouvant être réalisé sur tous types de maçonneries et de murs (habitations, clôtures...). SUPPORT Type : Murs en moellons de calcaire, support ancien. TRAVAUX PRÉPARATOIRES • Piquage partiel des joints si manque d’accroche (moellons). • Bouchage et coulis des fissures (moellons). • Dépoussiérage à la brosse et au jet d’eau. • Humidification abondante et dégressive durant les 3 jours, précédant la pose de l’enduit. OUTILLAGE • pour la préparation du support (piquage - humidification...) • toute la fabrication du mortier



truellles

• taloches

MATÉRIAUX Sable 0-2/0-5 mm 20 litres/m2. XHN 6 litres/m2. CAEB 2 litres/m2.

(approvisionnement pour une épaisseur moyenne de 30 mm).

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MISE EN ŒUVRE 1re couche Composition Agrégat : Sable Gobetis Liant : XHN 5 volumes Application Truelle Épaisseur 5 mm Finition Garder un aspect granuleux Séchage 48 heures

2e couche Composition Agrégat Corps d’enduit Liant Application Truelle Épaisseur 10 à 20 mm Finition Ne pas lisser Séchage 7 jours

: :

Sable XHN

0-5 mm

10 volumes

0-5 mm

10 volumes 4 volumes

3e couche

Composition Agrégat : Sable éventuellement tamisé Finition Liant : XHN 3 volumes Application Truelle ou taloche Épaisseur 5 mm Finition Taloche de bois Séchage 7 jours

0-3 mm

10 volumes

Variante

Couche de finition Agrégat CAEB Liant : CAEB Finition :

0-3 mm

10 volumes

: tamisé

Sable

4 volumes Lissée à la truelle ou à la taloche de bois

REMARQUES L’humidification est importante, plus encore sur les supports contemporains dont le joint peut se comporter comme une pompe et être à l’origine de l’apparition de spectres. Il est conseillé d’attendre un bon séchage des couches et d’humidifier avant chaque nouvelle couche.

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EMPLOI Enduit avec une finition talochée ou lissée pouvant être réalisé sur tous types de maçonneries et de murs (habitations, clôtures...). SUPPORT Type : Murs en briques, ou matériaux contemporains (béton cellulaire, parpaing...).

TRAVAUX PRÉPARATOIRES • Salissure éventuelle sur béton cellulaire et parpaing (sable2, XHN1, mortier très souple). • Dépoussiérage à la brosse et au jet d’eau. • Humidification abondante et dégressive durant les 3 jours précédant la pose de l’enduit. OUTILLAGE • pour la préparation du support (piquage - humidification) • toute la fabrication du mortier • truelles • taloches

MATÉRIAUX Sable 0-2/0-5 mm 20 litres/m2. XHN 6 litres/m2. CAEB 2 litres/m2. (approvisionnement pour une épaisseur moyenne de 30 mm).

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MISE EN ŒUVRE 1re couche Composition Agrégat : Sable Gobetis Liant : XHN 6 volumes Application Truelle Épaisseur 5 mm Finition Garder un aspect granuleux Séchage 48 heures

2e couche Composition Agrégat Corps d’enduit Liant Application Truelle Épaisseur 10 à 20 mm Finition Ne pas lisser Séchage 7 jours

: :

Sable XHN

0-5 mm

10 volumes

0-5 mm

10 volumes 5 volumes

3e couche

Composition Agrégat : Sable éventuellement tamisé Finition Liant : XHN 4 volumes Application Truelle ou taloche Épaisseur 5 mm Finition Taloche de bois Séchage 7 jours

0-3 mm

10 volumes

Variante

Couche de finition Agrégat CAEB Liant : CAEB Finition :

0-3 mm

10 volumes

:

Sable

4 volumes Lissée à la truelle ou à la taloche de bois

REMARQUES L’humidification est importante, plus encore sur les supports contemporains dont le joint peut se comporter comme une pompe et être à l’origine de l’apparition de spectres. Il est conseillé d’attendre un bon séchage des couches et d’humidifier avant chaque nouvelle couche.

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EMPLOI Enduit utilisé dans la restauration de façades maçonnées et enduites au mortier de plâtre et chaux. SUPPORT Type : maçonneries de moellons montées au plâtre et à la chaux. TRAVAUX PRÉPARATOIRES • Piquage partiel des joints. • Bouchage et coulis des fissures. • Dépoussiérage à la brosse et au jet d’eau. • Humidification abondante.

OUTILLAGE

MATÉRIAUX

• pour la préparation du support (piquage - humidification) • pour la fabrication du mortier • truelles • taloches • berthelet

Sable 0-3 mm 7 litres/m2. CAEB 3 litres/m2. Plâtre Gros 10 litres/m2. (plâtre gros de Paris) (approvisionnement pour une épaisseur moyenne de 20 mm).

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MISE EN ŒUVRE : MONOCOUCHE Plusieurs passes rapprochées dans le temps de manière à ne constituer qu’une seule couche épaisse. 1re passe

Composition Agrégat : Sable 0-3 mm 2 volumes Liants : Plâtre gros de construction 3 volumes CAEB 1 volume Application Truelle Le mortier est gâché de façon fluide, la première passe sert de gobetis Épaisseur 10 mm environ Séchage Application de la passe suivante dès le début de la prise

2e passe

Composition Agrégat : Sable 0-3 mm 2 volumes Liants : Plâtre gros de construction 3 volumes CAEB 1 volume Application Truelle, taloche en bois Le mortier est gâché plus ferme et serré énergiquement avec la taloche pour la dernière passe Épaisseur 10 mm environ Séchage Application de la passe suivante dès le début de la prise

Finition

Les raccords entre chaque gâchée sont supprimés en recoupant le parement en final avec le berthelet

REMARQUES • • • • • •

Ne pas utiliser d’adjuvants pour ce type d’enduit. Ne pas utiliser de chaux hydraulique (naturelle ou artificielle). Apporter une attention particulière à la gestion des eaux (bavette en zinc sur les bandeaux, appuis... etc.). Réaliser de petites gâchées de mortier, celui-ci ayant une très faible ouvrabilité. A partir de 5 cm d’épaisseur, il y a nécessité de poser un grillage. Ne pas utiliser cette technique dans le cas de mur humide, de soubassement.

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4.6Particularités propres aux

enduits fin, aux stucs à la chaux LIANT AERIEN, AGREGATS FINS

Même si l’on trouve des témoignages plus anciens, c’est dans le monde romain que l’emploi de stuc connaît un large développement dans ses diverses pratiques. Ainsi, cette technique est utilisée pour recouvrir de simples moulures, mais également comme support de fresque ou de panneaux décoratifs, et dans la recherche de l’imitation du marbre. Ce chapitre aborde exclusivement la technique du stuc à la chaux. Celle-ci pourrait se qualifier comme : un revêtement d’enduit en aplat ou en relief, imitant le marbre, de couleur blanche ou teinté à l’aide de pigments, et composé d’un mélange de chaux aérienne et de poudre de marbre. D’autres techniques à base de plâtre et de colle de peau portent aussi le nom de stuc, stuc à la colle, stuc marbre... etc. Les stucs se distinguent des enduits de chaux par :

• l’obligation d’utiliser une chaux aérienne, • l’emploi d’agrégat particulier, poudre de marbre, plus fine pour la couche de finition, • l’utilisation d’un dosage important en chaux, souvent plus élevé en couche de finition. • l’application de couche frais sur frais. La recherche de l’imitation du marbre implique l’obtention d’un matériau compact, de faible porosité dont la surface doit être très lisse et très brillante. Les moyens d’arriver à ce résultat résident dans le choix judicieux du dosage, des agrégats et de la chaux, et du serrage important que l’on y apporte. uLes

agrégats :

La poudre de marbre, le plus souvent de marbre de Carrare de couleur blanche, permet à la fois d’obtenir la nuance désirée et de réaliser un agrégat très fin.

Déjà VITRUVE conseillait d’utiliser trois granulométries différentes ; pour la première passe un mélange, chaux sable et poudre de marbre moyenne, pour la seconde passe un mélange avec une poudre plus fine, et enfin, une poudre encore plus fine pour la passe de finition. uChaux aérienne et dosage : L’emploi d’une chaux aérienne autorise le resserrage à plusieurs reprises de la passe de finition, afin de limiter voire de supprimer le faïençage primaire du mortier. Il permet également d’obtenir un premier lustrage par l’utilisation d’un outil métallique de lissage.

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SUPPORT Type : Qualité :

enduit de chaux dressé à la règle ou possédant une bonne planimétrie présentant une bonne accroche mécanique (état de surface granuleux) Attention particulière : support pulvérulent ou présence de sels. TRAVAUX PRÉPARATOIRES Dépoussiérage (brosse, jet d’eau, ...). Forte humidification. OUTILLAGE • pour la préparation du support (dépoussiérage–humidification) • truelle • platoir, spatule • lisseuse de stucateur

MATÉRIAUX Sable siliceux 0-0,5 mm. Recoupe de marbre 0-0,2 mm. C.A.E.B. Pigments minéraux.

MISE EN ŒUVRE : 3 couches teintées en masse : 1re passe Composition Agrégat : Liant : CAEB Application Truelle ou platoir Épaisseur : Finition Dressée, talochée

2e passe

Composition Agrégat : Granulométrie mélangée : 0-0,5 mm 0-0,2 mm Liant : CAEB Application Au platoir

Sable fin 5 volumes

0-0,5 mm

10 volumes

3 mm

Sable siliceux ou recoupe de marbre, ou tuileau 2 volumes

1 à 2 volumes sur une première couche fraîche mais

ferme

Finition

3e passe minéraux

Épaisseur Serrée au platoir

Composition Agrégats

(1 à 12 heures de séchage) :

:

2 mm

Recoupe de marbre, blanc de Troyes, craie, pigments

pour la coloration. Granulométrie : 0-0,2 mm Liant : CAEB 1 à 2 volumes Mélange crémeux épais Application Lisseuse de stucateur, spatule Finition 1 à 3 passes serrées et lissées

2 volumes

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épaisseur

Variante

:

pelliculaire (rôle bouche-pore)

Sur la 3e couche, passage à la brosse d’un lait de chaux, avant le lissage de la couche de finition. Coloration à 3 à 10 volumes d’eau fresque volume de CAEB Cette technique ne permet pas d’aplat de couleur régulier.

FINITION Lustrage Cirage

Par nombreux serrages à la spatule inox ou à la lisseuse de stucateur. Après un début de prise (quelques heures), à chaque serrage, passage d’une eau savonneuse. Cire animale après séchage.

REMARQUES • Mise en œuvre longue. • Ne permet pas le traitement de raccords, aspect nuancé. • Suivant les conditions hygrométriques du support et de l’air ambiant, le temps de séchage entre chaque passe varie considérablement.

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4.7Réaliser des modénatures

en mortier profilés

ROLE ET FONCTIONS La modénature est le terme employé en architecture pour définir le profil des éléments moulurés ; on parle par exemple de modénature d’une corniche. Par extension, le terme de modénature est employé pour citer l’ensemble des ornements architecturaux présentant des moulures, voire de simples reliefs. On distingue : • les corniches ; elles servent à couronner le sommet d’un mur. Le terme de corniche est parfois utilisé pour désigner des ornements en saillie. • les bandeaux ; ils correspondent à des moulures horizontales peu saillantes, qui indiquent souvent la limite d’un sol ou d’un plancher, mais aussi le niveau supérieur de l’allège des fenêtres. • les encadrements des baies, portes et fenêtres, souvent très simples, ont été parfois très moulurés comme à la Renaissance.

La modénature a un rôle important dans : • la présentation du bâti : L’ensemble des moulures de la façade permet de diminuer ou d’accentuer les jeux d’ombre et de lumière, selon la combinaison des parties saillantes ou en retrait. Chaque période historique a privilégié certains types de moulures. Elles contribuent à dater un bâtiment. • la protection contre les intempéries : L’ensemble des moulures horizontales aide à concentrer les eaux de ruissellement de la façade et à les éloigner de celle-ci au niveau de la “goutte d’eau”. Elle se forme, lorsque l’eau ne peut remonter au-delà d’une saignée verticale. Le rôle technique de protection n’est efficace que si la saillie de la modénature est suffisante. Plus le mur a du fruit, plus elle devra être importante. Plus la modénature est exposée au vent, plus il y a de distance entre deux éléments, plus la saillie sera grande.

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Exemples de profils de corniches

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La fabrication des modénatures en mortier profilé nécessite :

• des moyens d’accroche au parement (arrachements, scellements...) • des armatures de renforcement et de cohésion de la moulure • des mortiers pouvant être mis en œuvre avec des épaisseurs conséquentes. Armatures et gabarits L’armature

L’armature d’une modénature est nécessaire pour donner du corps et de la rigidité à la moulure que l’on cherche à réaliser. Elle doit permettre une bonne accroche du mortier. Elle ne doit pas s’altérer à l’humidité ou au contact des mortiers, et doit posséder des variations dimensionnelles compatibles avec les matériaux utilisés (coefficient de dilatation). Deux moyens sont couramment utilisés : Approche de la forme de la moulure avec les éléments de hourdage de la maçonnerie. Cette méthode est surtout employée dans le cas de maçonnerie en briques, mais également avec des maçonneries en pierres. Afin d’obtenir le maximum d’accroche du mortier sur les éléments maçonnés en saillie, il faut piquer la surface, en favorisant des contre-pentes. L’utilisation de matériaux, identiques à ceux mis en œuvre dans la construction du mur, limite les risques dus aux variations de températures (dilatation différentielle entre les matériaux). Armatures rapportées Autrefois, l’utilisation d’os était fréquente (os de moutons), en particulier dans les régions de plâtre. L’armature ainsi fournie résistait bien à l’oxydation (humidité, mortier) et avait l’avantage de posséder un coefficient de dilatation proche de celui des mortiers. Si la mise en œuvre de telle méthode est encore possible, on emploie plus facilement aujourd’hui des éléments métalliques tels que l’acier inoxydable, le laiton.

Le gabarit Le gabarit est l’outil de calibrage de la moulure. Le frottement et la “découpe” du mortier supposent qu’il soit réalisé dans un matériau résistant. En général, le gabarit est fabriqué dans une feuille de métal, fixée sur une planche de bois. La fabrication du gabarit nécessite quatre opérations : 1/ Elaborer un tracé précis sur une plaque de métal (zinc, cuivre) et le découper. 2/ Tracer sur une planche de bois (1 à 2 cm de profil) et découper suivant la courbe enveloppe. 3/ Biseauter à 45° la tranche du bois. 4/ Fixer la plaque métallique sur la planche ainsi préparée.

Lorsque le gabarit est terminé, il est fixé sur un “chariot”. Celui-ci se déplace sur un “chemin” composé de deux règles et permet un déplacement précis et stable du gabarit, dans un plan perpendiculaire au mur.

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MATERIAUX ET DOSAGE La réalisation de modénatures profilées suppose l’utilisation de mortier dans des épaisseurs importantes; en pratique, deux types de mortier sont utilisés : • chaux et prompt, • plâtre et chaux. Les plâtre et chaux

• 3 volumes de plâtre gros. • 2 volumes de sable. • 1 volume de CAEB. Ce mortier doit être gâché très serré et sans adjuvants. En aucun cas, il ne faudra utiliser des liants hydrauliques (chaux hydraulique), en mélange avec le plâtre. Les chaux et prompt Le dosage est fonction de l’épaisseur donnée à la moulure. Pour une moulure de 10 à 15 cm de saillie, il est nécessaire d’utiliser : • 10 volumes de sable, • 7 volumes de ciment prompt, • 3 volumes de CAEB ou de XHN. Ce dosage offre un temps d’ouvrabilité de 8 à 10 minutes. La fabrication d’une moulure de 3 à 6 cm de saillie demande :

• 10 volumes de sable, • 4 volumes de ciment prompt, • 3 volumes de CAEB ou de XHN. Le dosage en prompt peut être dégressif en finition, afin d’augmenter l’ouvrabilité sur les passes finales. Il est conseillé de choisir un sable toujours propre et de préférence siliceux.

MISE EN ŒUVRE Elle est sensiblement la même que ce soit en plâtre et chaux ou en chaux et prompt. Positionnement des règles Le positionnement des règles est primordial, pour une bonne réalisation. La fixation se fait avec des chevillettes et des plots de mortier. La règle haute est placée à l’horizontale. Souvent sa largeur a l’épaisseur de la moulure en partie haute, ce qui simplifie la fabrication du calibre.

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La mise en œuvre du mortier de moulure intervient donc après le positionnement des règles et des armatures. Il est préférable, avant de réaliser une moulure, d’arrêter le corps d’enduit à environ 50 cm au-dessus de celle-ci. Une fois la moulure terminée, le corps d’enduit viendra la recouvrir de quelques centimètres, favorisant ainsi la couverture du joint et son étanchéité (prévoir l’épaisseur de l’enduit en plus, avant le positionnement des règles). Enduit projeté Le mortier de plâtre et chaux ou de chaux et prompt doit être projeté à la truelle et gâché très serré. L’adjuvantation n’est pas nécessaire. En revanche, le choix du sable est important. Pour les grosses moulures par exemple, un sable gros (granulométrie 0-5mm) donne plus de corps. Passes rapprochées L’homogénéité des passes successives est d’une importance capitale. Il est donc préférable qu’elles soient le plus rapprochées possible. Pour la dernière passe, il est utile de remplacer le sable par un agrégat plus fin (silice fine par exemple). L’ébauche de la forme peut être obtenue par le traînage de gabarit côté bois. Profilage ou gabarit Lors de la finition, on peut appliquer une très fine couche plus liquide sur la moulure et on tire le gabarit en une seule fois, sans s’arrêter. Le traînage du gabarit s’effectue cette fois-ci côté métal. Modillon avec boîte rapportée La réalisation d’une corniche à modillons est mise en œuvre en deux temps : • “traînage” de la partie moulurée, • ajouts de modillons réalisés avec le même mortier et fabriqués dans une boîte profilée (moule). La fixation s’effectue par collage et scellement d’armature. Finition Les moulures craignent le ruissellement d’eau. Elles doivent donc être protégées à l’aide d’une feuille de zinc, avec solin et goutte d’eau. Il faut aussi veiller à ce que le profil à réaliser possède une face supérieure légèrement en pente vers l’extérieur. Les moulures en chaux et prompt peuvent être recouvertes d’un chaulage (chaux à peine éteinte, éventuellement adjuvantée à l’huile de lin). Le chaulage est appliqué “a fresco”, à la brosse. Dans le cas de restauration d’anciennes moulures, la préparation et les armatures sont similaires à une fabrication. Seul l’emploi du gabarit n’est pas nécessaire. Dans ce cas, les parties à restaurer sont chargées du mortier en excès, et le surplus est gratté et coupé avant la prise complète de ce dernier. Le dessin des parties moulurées existantes, en bon état, sert alors de repère. Mise en œuvre d’une moulure traînée

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Peinture à la chaux 5.1 Fonctions architecturales

et techniques UNE PRATIQUE IMMEMORIALE Dans le monde gallo-romain, la peinture est une pratique systématique sur les murs comme l’attestent les récents développements de la recherche. Le lait de chaux en est la base, posé sur le matériau brut. Plus complexes, viennent ensuite tous les enduits successifs de dressement et de préparation pour le travail de polychromie à la fresque. C’est le monde romain qui introduit dans nos pratiques “le trompel’œil, les imitations de matières illusionnistes [...], les scènes religieuses ou historiques” (Alix BARBET). Au Moyen Âge, le monde chrétien poursuit cette tradition sur les édifices religieux et civils. La pratique du blanchiment, dealbatio, chargée des connotations symboliques du christianisme opposé aux ténèbres du paganisme, est constante dans les églises, synonyme d’éclat. “L’usage de blanchir les habitations et de rénover enduit, badigeon ou crépi est attesté depuis le haut Moyen Âge”, il s’étend aussi aux ouvrages militaires (M.-C. HUBERT). Ainsi, tout porte à confirmer que la peinture à la chaux est d’un usage sans rupture, qu’elle sert à apprêter les parements qui recoivent un décor ou qui sont laissés blanc. De la Renaissance à nos jours, les exemples, encore visibles, se multiplient au fil de l’histoire. D’épaisseur micro-métrique, la couche de chaux est fragile. Elle nécessite donc entretien et réfection fréquents. En outre, son application assez simple ne réclame pas de qualification lourde. Ces caractéristiques vont avoir deux effets : les badigeonnages monochromes se font traditionnellement bien souvent sans recours au professionnel. (Ainsi, le village insulaire de Burano dans la lagune de Venise était de tout temps régulièrement ravalé par les pêcheurs eux-mêmes, semble-t-il). Deuxième effet : à chaque mode sa couche, sa couleur. Dans la ville de Namur on a dénombré sur des immeubles de la fin du XVIIe siècle jusqu’à trente-deux couches de badigeon de chaux. Ceci établit la fréquence du ravalement à une périodicité moyenne de sept à huit ans. Ocre jaune et blanc dominent, mais on trouve aussi des rouges et des gris, les premiers imitant la brique et les seconds le calcaire marbrier mosan. Prouvant que sur la même façade plusieurs inspirations sont stratifiées : le trompel’œil de fausse matière, le blanc néoclassique, la couleur jaune pour elle-même et sans référence à aucun matériau. Les mêmes veines décrites pour les enduits se retrouvent dans les peintures à la chaux : un art savant et précis, un art plus populaire et affranchi, un art brut, interprétant librement les signes des précédents. Pour le premier, une maîtrise consommée des techniques du trompe-l’œil donne lieu à un foisonnement d’éléments architectoniques en reprenant tout le vocabulaire de la modénature classique. Le dessin est précis, le ton des aplats de couleur est fidèle au matériau imité. Plus subtile encore est la

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justesse de la couleur et des valeurs des ombres propres, des ombres portées et des arêtes en lumière éclatante. Cette maîtrise mérite d’être soulignée sachant que l’opérateur travaille avec une palette extrêmement limitée de pigments naturels : trois ou quatre, augmentée de trois autres qui sont les calcinations des premiers, et d’un noir. Comme le maçon, le peintre diffuse les modèles savants dans le milieu vernaculaire. La veine de l’art populaire, la plus courante, est présente sur l’ensemble de notre territoire. On y retrouve certains éléments simplifiés de modénature (chaînes, bandeaux, encadrements, frises) librement exécutés et parfois soulignés de filets colorés, qui ne sont plus que la mémoire des ombres et des lumières. Ils ne figurent plus rien, deviennent abstraits. Ils sont bleus, rouges ou bruns, blancs ou noirs ; ils ne différencient plus le dessin du relief, ils sont devenus purement décoratifs. Les faux appareils sont très fréquents. Les aplats des parements sont francs, souvent saturés en pigments. On peut d’ailleurs y suivre l’histoire de la circulation des pigments : ocres et terres partout en France, les plus anciens, bleus et verts postérieurs à la moitié du XIXe siècle, certains jaune orangé provenant d’une décantation du brasier de la pierre de Bibémus (Aix-en-Provence). Beaucoup de superpositions, des ruptures très franches dans le choix des couleurs attestent une liberté véritable comme une bonne fréquence de la réfection. La frise peinte, du XIXe à la dernière guerre, est fréquemment employée. Motifs répétitifs figuratifs de fleurs ou de vignes, motifs géométriques : c’est le pochoir ou le poncis qui les trace. Beaucoup nous arrivent intactes, protégées par les débords des toitures, elles donnent notamment des palettes proposant un échantillon très valide au restaurateur. La veine de l’art brut, l’équivalent chez les peintres des rocailleurs maçons, a donné des expressions mixtes. On en trouve de nombreux exemples dans les intérieurs, moins sujets à dégradation. Dans les villages, ces décors peints sont généralement un traitement composé qui figure, sans avoir à l’acheter, le papier peint. Beaucoup de travaux à l’éponge naturelle, très chargée en teinte et appliquée régulièrement mais de façon clairsemée : il en résulte un genre de fausse pierre ou d’aspect bossagé. On combine presque toujours ces traitements avec un bas-lambris ou une haute-plinthe, plus foncée, à la matière très serrée et non salissante. La projection de gouttelettes, à plusieurs passages de couleurs différentes, y est fréquente. La frontière se marque par des filets qui figurent une moulure. En partie haute, à la côte de la retombée des poutres ou de la gorge, un filet net stoppe le décor, parfois agrémenté d’une frise au pochoir. Les variantes à l’épongé sont le chiffon imbibé, le rouleau de caoutchouc gravé qui répète soit des lignes sinueuses verticales, soit de petits motifs du type tampon. Pour toutes ces techniques la chaux est le liant de base ; on améliore son pouvoir fixatif par des colles ou des caséines. Le décor est partout, sur les murs, dans les entrevous du plafond, sur les menuiseries parfois peintes en savoureux faux bois très sommaires. Cette constatation est de nature à corriger certaine vision de l’occupation de l’habitat modeste qui a plutôt connu surabondance de traitement que l’inverse.

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ROLES ET FONCTIONS Quand on parle de peintures, on pense avant tout à l’action qui consiste à couvrir de couleurs une surface donnée. Cela suppose des pigments (les colorants) et un liant, dont le rôle est de les faire adhérer sur la surface choisie. Il existe plusieurs sortes de liants. On distingue les liants naturels : • d’origine minérale : l’argile, la chaux, le plâtre... • d’origine organique : les résines, les gommes, les huiles, les cires, le sang, l’œuf (jaune et blanc), le lait ou la caséine, les colles de peau. Il existe également des liants artificiels comme : • les résines de synthèses organiques (acryl, métacrylate, acrylate, vinyl, ester...). • les liants de synthèses inorganiques (silicate...). Une peinture dite à la chaux est constituée par un liant minéral : la chaux. La mise en œuvre peut être réalisée selon deux techniques : • à sec (a secco) • à fresque (a fresco) La première, plus connue sous le terme italien a secco, consiste à appliquer la peinture à la chaux sur un enduit, dont le liant a terminé sa prise. L’enduit est considéré comme “sec”, même s’il s’agit d’un abus de langage. La seconde, dite a fresco, revient à étendre la peinture sur un enduit dont la prise commence à peine (l’enduit est “frais”). L’application de peinture à la chaux dans une technique à fresque s’effectue en général dans le bâtiment le lendemain de l’application de l’enduit. La chaux aérienne débute sa prise environ 10 heures après la mise en œuvre de l’enduit, l’application du lait de chaux s’effectue donc à mezzo-fresco. Ce sont les peintures d’églises ou des grands monuments qui ont donné à la technique de la fresque un lieu privilégié et une dimension, lui conférant toute son expression. Cette description un peu simpliste suppose un art et un savoir-faire parfaitement maîtrisés. Le choix des bons matériaux participe à la réussite technique. Il faut nécessairement : • une chaux aérienne la plus pure possible, • un agrégat de bonne granulométrie, différent suivant les couches, • un broyage minutieux des pigments. La prise en compte d’un certain nombre de facteurs de mise en œuvre est également indispensable à la réussite. Il convient de : • réaliser des enduits à plusieurs couches, appliquées frais sur frais; • protéger parfois l’enduit, afin que le contact avec le gaz carbonique de l’air ambiant ne déclenche pas la carbonatation de la chaux. Cette protection est possible avec l’aide de linges mouillés, par exemple.

La création de fresques nécessite du temps et de la patience. L’objet de ce livre n’est pas d’aborder cette technique largement décrite et commentée dans des ouvrages de référence (comme celui de Cenino Cenini). En revanche, il se propose d’examiner l’utilisation “de la fresque” en bâtiment.

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Les peintures à la chaux ou laits de chaux ont eu pour première fonction la protection et l’hygiène des maçonneries. Elles ont un pouvoir aseptisant, du fait des propriétés alcalines de la chaux. Elles bouchent les microfissures et améliorent l’état de la surface. Le chaulage des maçonneries enduites, généralement blanc, est la technique choisie pour l’entretien répété et la propreté d’un bâtiment. Toutefois, la présentation demeure le rôle le plus caractéristique de ces peintures. Divers traitements sont pratiqués : • le chaulage, plutôt utilisé comme moyen d’entretien, offre habituellement une surface blanchie, unie ; • les aplats de couleur, les badigeons, affirment une volonté de coloration et sont posés aussi bien sur des parements externes qu’internes ; • les décors, plus subtils, enrichissent les supports, multiplient les formes graphiques et les effets visuels. Des plus simples (frise, modénature peinte...) aux plus complexes (trompe-l’œil, scènes peintes...), les peintures à la chaux ont été au cours des siècles un courant esthétique, une donnée symbolique, un moyen d’expression tout autant que le reflet d’une société, de ses goûts et de ses valeurs.

CLASSIFICATION Au-delà de la technique utilisée (à sec, à fresque), la classification des “laits de chaux” peut être élaborée à partir du résultat souhaité. La gamme des peintures à la chaux ou laits de chaux s’étend de l’aspect épais, couvrant ou simplement aquarellé. Ainsi, on peut élaborer une classification en fonction de la dilution des laits de chaux des plus épais aux plus dilués, tous les cas sont possibles ; pour fixer quelques notions de vocabulaire nous parlerons de chaulage, de badigeon, d’eau forte et de patine. Une peinture à la chaux épaisse aura pour conséquence de boucher les pores du support. C’est le cas du chaulage, peinture dense rarement colorée, ordinairement réservée aux usages agricoles. Les consistances, de plus en plus fluides, se déclinent selon différentes formules : Le badigeon, peinture plus diluée que le chaulage, est employé pour donner une finition colorée à une surface. Les badigeons sont généralement appliqués sur un enduit de chaux, mais parfois aussi sur des parements en pierres taillées (nombreux exemples dans les centres anciens d’Arles et d’Avignon). Excepté dans les techniques “à fresque”, le badigeon et le chaulage sont traditionnellement les deux techniques les plus utilisées, par suite sans doute du fait de la grande onctuosité des chaux en pâte. L’eau forte ou détrempe à la chaux est un badigeon dilué, autorisant la pose de couleurs plus saturées. Cette technique convient à des supports comme la pierre de taille et le stuc. La dénomination “eau forte” n’est pas une appellation traditionnellle, elle trouve son origine dans l’Ecole d’Avignon et nous permet de bien définir la consistance de ce lait de chaux. Les patines, peintures très diluées, se posent sur des matériaux différents afin de favoriser leur homogénéisation. On parle aussi de patines d’uniformisation.

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Entre les deux guerres, on assiste à une rupture dans l’utilisation des peintures à la chaux ; néanmoins elles ont été largement utilisées sur l’ensemble du territoire. Des particularismes régionaux ont été généralement observés dans les applications de couleurs et les types de décor. Il n’est pas rare de voir des badigeons parfois très colorés, issus d’une tradition liée à l’utilisation de matériaux locaux (ocres...). Cependant, il faut être vigilant quant aux choix souvent mal adaptés de badigeons qui font trop fréquemment référence à des modèles figés. L’observation systématique de l’architecture et des usages anciens pratiqués sur le bâti de son village, de sa ville évite des erreurs regrettables.

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5.2

Fabrication des laits de chaux

La réalisation des peintures à la chaux nécessite un outillage adapté. La préparation des mélanges et le transport des matériaux requièrent : • une balance de pesée (type balance de cuisine), pour doser les pigments ou oxydes; • des contenants de référence (litre, seaux), pour éviter les erreurs de dosage et gagner du temps; • un malaxeur sur perceuse, pour procéder à un mélange rapide et homogène des constituants; • un fouet de cuisinier grand modèle pour mélanger des pigments qui ont tendance à sédimenter; • de grands récipients (seaux, poubelles), pour faciliter le transport. La chaux aérienne a un grand avantage. Son mélange peut être réalisé pour plusieurs jours de travail, contrairement aux chaux hydrauliques naturelles, qu’il convient d’utiliser dans les quatre heures.

USAGES ET TECHNIQUES Les usages des peintures à la chaux ou lait de chaux sont commandés par le type de résultat souhaité : aspect “bouche-pores” ou non, couleurs soutenues ou non. L’utilisation de la bonne technique conditionne la réussite de l’application.

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TYPE DE LAIT DE CHAUX Chaulage

Badigeon

CRITÈRES DE CHOIX

USAGES

A SEC

Sur maçonnerie de moellons, enduit et modénature. Aspect très épais et cordé, application rustique (grosse brosse) généralement blanc.

A FRESQUE

Usage sanitaire. Sur support microfissuré “bouche-pore”.

Sur parement enduit, sur modénature, Finition colorée d’un support, parfois pierre de taille. Aspect masquant, comme le chaulage, peut épais cordé (brosse et pinceau). servir de “bouche-pore” sur Couleurs peu saturées. (très faiblement). une surface microfissurée. Rattrapage de défauts dans l’aspect de l’enduit.

Eau-forte

Sur parement enduit, sur pierre de taille. Aspect aquarellé (brosse et pinceau) Couleurs vives, fortement concentrées.

Possiblité de finition très colorée. Rôle de présentation très marqué.

Patine

Sur modénature pierre, enduit grande transparence. Privilégie la texture du support . En cas de reprise partielle d’enduit, patine d’uniformisation.

Permet d’uniformiser et de vieillir les zones d’un parement.

X X XX

X

DOSAGE EAU/CHAUX L’eau a pour rôle essentiel de donner sa plasticité au lait de chaux. Le dosage eau/chaux dépend de la texture recherchée. Plus le volume d’eau sera faible par rapport au volume de chaux, plus on obtiendra un lait de chaux épais. La fluidité d’un lait de chaux change son aspect. Elle dépend de la quantité de chaux et de pigment par rapport à l’eau utilisée. Le lait de chaux sera masquant “bouche-pores”, fluide, ou son effet colorant sera plus aquarellé. Les quantités de chaux et d’eau nécessaires à la préparation du lait de chaux blanc sont données par le tableau ci-dessous : Type de lait de chaux (dosage en volume)

Chaulage

Badigeon

Eau-forte

Chaux

1

1

1

1

Eau

1

2à3

4à6

20

Patine

Avant d’entamer la fabrication d’une peinture à la chaux, il faut déterminer les surfaces à peindre, celle qui sera faite journellement mais également la surface totale à badigeonner. Lorsque cette précaution est prise, il est d’usage de calculer la quantité de chaux nécessaire à la mise en œuvre de la peinture choisie. EAU Consommation moyenne par m2

CHAUX Eau en litre

volume en litre en grammes

CAEB d = 0,5 en grammes

XHN d = 0,8

0,6

0,2

100

160

et par couche Badigeon (3 volumes d’eau

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pour 1 volume de chaux) Eau forte (5 volumes d’eau

0,5

0,1

50

80

pour 1 volume de chaux)

La règle des mélanges conduit à effectuer dans une première étape le mélange eau et chaux, auquel on ajoute pigments et adjuvants, puis redilution éventuelle. Dans le cas de très grande surface, l’utilisation de chaux aérienne permet la réalisation du badigeon, pour l’ensemble du chantier (on évite ainsi d’éventuelles nuances dues au mélange). Dans ce cas, si l’adjuvantation est nécessaire, elle sera incorporée par parties dans la demi-journée.

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5.3 L’environnement du chantier,

supports à peindre

Il est semblable à celui préconisé lors de la réalisation des enduits. Dans le cas de lait de chaux, la prise en compte des paramètres de supports et des conditions climatiques est d’autant plus importante que le lait de chaux forme une couche pelliculaire sans masse, et sans inertie hydrométrique. Cette couche est sujette à la dessiccation, l’absence d’eau est alors incompatible avec la carbonation des chaux aériennes, ou la prise des chaux hydrauliques.

LA GESTION DES SURFACES Comme pour les enduits, la gestion des surfaces est tributaire de la vitesse de séchage et de la rapidité de mise en œuvre. Des essais préalables sont conseillés, afin de vérifier la texture et la nuance de coloration obtenue. L’essai de préparation de la teinte est possible sur un morceau de béton cellulaire, ou sur le support à badigeonner. Un badigeon mouillé apparaît toujours plus foncé qu’il ne l’est en réalité, après séchage. Celui-ci peut être accéléré sur ces essais. La prise ne sera pas correcte, mais la couleur finale sera la bonne. L’échantillon aide donc à modifier, si besoin est, la préparation et à trouver la nuance exacte. Les raccords visibles sont à éviter. Il est bon de rappeler que les badigeons et les peintures à la chaux ont pour principal objectif de donner ou de redonner à l’édifice, quel qu’il soit, une valeur esthétique et soignée, tout en laissant apparaître les matériaux du support. Lorsque la surface à badigeonner est trop importante, il est bon de rechercher les zones de raccord telles que descente d’eaux pluviales, corniches, bandeaux, réalisés aussi bien en pierre, en mortier ou simplement peints.

LES FACTEURS CLIMATIQUES Les peintures à la chaux sont sensibles aux variations climatiques (le gel, le soleil, le vent, l’humidité). Le contrôle de la dessiccation est importante, car les laits de chaux n’ont aucune inertie hydrométrique (couche pelliculaire). La température minimale du support ne doit pas descendre au-dessous de 5°C. L’exécution du badigeon doit se faire par une température extérieure comprise entre 5°C et 30°C. Le vent est un facteur de dessiccation rapide du support. Il est possible de protéger le chantier en bâchant la surface. Toutefois, il faut éviter les films plastiques qui produisent un effet de serre et accroissent la chaleur, néfaste également à la bonne tenue des peintures. L’exposition au soleil direct est à proscrire. Elle est la cause de phénomènes de dessiccation trop rapide, entraînant le farinage. Lors de la réalisation d’un badigeon, une attention particulière doit être portée à la protection contre les précipitations qui peuvent diluer le badigeon avant la prise de la chaux.

LE SUPPORT A PEINDRE

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Le support prêt à recevoir le lait de chaux ou la peinture à la chaux doit être propre, sans partie pulvérulente ou farineuse, et posséder une certaine granulométrie. Les surfaces trop lisses sont déconseillées. La première opération consiste à brosser, dépoussiérer, puis laver le support. Il doit être correctement humidifié pour empêcher l’absorption trop rapide de l’eau, nécessaire à la bonne prise du lait de chaux. Si cette précaution n’est pas respectée, l’absence d’humidification provoquera un farinage. En revanche, un excès d’eau en surface supprime une partie de l’accroche et diminue le pouvoir couvrant du lait de chaux. De fait, le support doit être humidifié une première fois la veille, puis avant l’application. L’enduit prêt à recevoir le lait de chaux doit impérativement avoir terminé sa prise. Dans le cas contraire, des chaux libres peuvent migrer à la surface et former des efflorescences disgracieuses. Un badigeon sur enduit refait demande un minimum de dix jours de séchage, avant l’application de la première couche de badigeon. (Ne pas oublier d’humidifier la veille, à grande eau, le support). L’humidification des supports est nécessaire : suivant le caractère poreux ou non des matériaux qui le composent, une ou plusieurs humidifications peuvent être nécessaires ; il faut cependant veiller à ne pas saturer le support en eau.

Le contrôle du support Le support idéal des peintures à la chaux reste l’enduit fabriqué à base de chaux. Il peut être ancien ou récent. Comme pour la pose d’enduits à la chaux et dans tous les cas, le mur doit être : • stable; il ne doit y avoir aucune fissure, ni lézarde en mouvement. • plan; aucun trou visible. Ces deux points n’ont pas de conséquences sur le lait de chaux lui-même, mais sur l’aspect du parement une fois peint. • non humide; en permance : les eaux de ruissellements ou les remontées capillaires sont à traiter absolument (se reporter au chapitre pathologie). Dans le cas d’un support récent, il est nécessaire que le mortier de hourdage ait fait sa prise. Lorsque l’enduit support est neuf, il doit avoir été réalisé à la chaux aérienne ou à la chaux hydraulique naturelle. Il est indispensable de vérifier que la prise de mortier se soit déroulée de façon uniforme. Le support doit être humidifié avant chaque application de lait de chaux. Si l’enduit est ancien, il faut s’être assuré qu’il s’agit bien d’un mortier de chaux. Tous les travaux de raccords (fissures, reprises partielles) doivent être parfaitement secs et présenter la même texture, une porosité équivalente à celle de l’enduit. Avant toute application, le support est nettoyé puis humidifié. Une pratique récente veut que l’on applique les badigeons de chaux sur des enduits de plâtre seul. Si cela peut parfois donner de bons résultats (enduit non lissé, mélange avec des agrégats...), cette technique qui suppose une bonne connaissance des adjuvants rétenteurs d’eau, n’est pas à conseiller. L’outillage nécessaire à la préparation des supports se limite à une brosse et ce qu’il faut pour humidifier le support :

• un

brossage systématique avec une brosse à chiendent débarrasse le support des salissures (poussières).

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• le passage d’une balayette humidifiée et d’un jet d’eau nettoie et réhydrate la maçonnerie, prête dès cet instant à recevoir la peinture à la chaux. Une bonne humidification est obtenue en mouillant la surface la veille, puis une humidification avant application.

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5.4

La coloration

La coloration s’effectue à l’aide : • des terres naturelles ou ocres, qui apportent une tonalité chaleureuse, • des oxydes compatibles avec la chaux, dont le pouvoir colorant est plus intense mais plus figé, plus éloigné de la tradition. La quantité de pigments s’exprime en poids, par rapport au poids de la chaux. Il est indispensable de connaître la densité de la chaux utilisée. On a vu précédemment que la densité est le chiffre exprimant le rapport d’un volume de substance donnée et de la masse du même volume en eau. Il est facile avec la chaux d’effectuer des dosages en volume, le plus souvent à l’aide d’un seau de maçon d’une contenance de dix litres. Il convient donc de transformer ce volume en poids, en multipliant le volume par la densité. Le tableau ci-dessous fournit les valeurs les plus couramment pratiquées.

Chaux aérienne

Densité

Valeur courante

0,49 à 0,60

0,5

Chaux hydraulique naturelle 0,7 à 1

0,8

Au-dessus d’un certain pourcentage, l’adjonction de terre ou d’oxyde dans le mélange ne modifiera plus la vivacité de la couleur. On parle alors de limite de saturation des couleurs. Cette valeur est différente suivant qu’on utilise des terres ou des oxydes. Dépasser ces limites ne permet pas de “monter” en couleur. Au contraire, l’apport excessif de pigments épaissit le mélange en augmentant la charge à fixer. Approche indicative des valeurs de limite de saturation des pigments exprimée en % par rapport au poids de chaux : Chaulage

Badigeon

Eau forte

Terre

10 %

25 %

65 %

Oxyde

5%

15 %

35 %

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5.5

Adjuvantation

La bonne tenue d’un lait de chaux dépend d’une bonne carbonatation de la chaux aérienne et d’une bonne prise des chaux hydrauliques naturelles. Carbonatation et prise sont favorisées par l’eau qui, dans le cas des chaux aériennes, permet la dissolution du gaz carbonique de l’air, à l’origine de la carbonatation ; il est donc nécessaire d’en avoir en quantité suffisante. Le lait de chaux est par nature pelliculaire et ne possède pas d’inertie hydrométrique. Une bonne méthode consiste à : • réaliser le mélange eau et chaux, dans un rapport déterminé en fonction de l’effet recherché • ajouter les pigments nécessaires • diluer le mélange obtenu avec de l’eau pour obtenir une fluidité équivalente à la base blanche de départ ; en effet, l’adjonction de pigment contribue à l’épaississement du lait de chaux. Dans le cas d’un support poreux (enduit de chaux aérienne, de chaux hydraulique naturelle, de plâtre et de chaux, de calcaire tendre, de terre crue ou cuite), et dans de très bonnes conditions d’application (humidification abondante du support, conditions climatiques favorables limitant l’évaporation en début de prise, 2 à 3 jours), il est possible d’obtenir un lait de chaux de bonne tenue même saturé en couleur et pour une application à sec. Un excès de pigment est un facteur défavorable à la tenue finale d’un lait de chaux coloré et en ce cas, il peut s’avérer nécessaire d’adjuvanter (apport d’un liant d’une autre nature) ; ceci vaut notamment lorsque les terres dépassent 20 % et les oxydes 10% du poids de chaux. Dans le cas d’un support moins favorable (enduit de mortier bâtard...) ou de conditions d’application médiocres (vent, chaleur...), l’apport complémentaire d’un autre liant peut s’avérer nécessaire quelle que soit la quantité de pigment. L’adjuvantation d’un lait de chaux est réalisée par l’apport d’un adjuvant dont le poids d’extrait sec représentera 5 à 10 % de la masse totale à fixer. Deux situations de présentent : Si le support est bon (humidification suffisante, support poreux présentant une accroche mécanique adéquate) et si les conditions d’application sont favorables (absence de vent, ensoleillement normal, temps chaud), la masse à fixer ne comprend que les pigments. Si le support est moyen ou si les conditions d’application sont médiocres, la masse à fixer comprend alors la chaux et les pigments. De tout temps, les peintures à la chaux ont été adjuvantées : sang de bœuf, huile de lin... afin de pallier le problème de fixation des pigments. Ces adjuvants, s’ils stabilisaient l’excès de pigments, avaient pour conséquence de fermer et de réduire la porosité du support, comme le font les adjuvants contemporains à base de vinyl, acryl, etc.

LES ADJUVANTS TRADITIONNELS La technique de la peinture à la chaux, peu onéreuse, traditionnelle du décor dans le bâti ancien, a un résultat lié au respect des conditions de mise en œuvre. Maîtrisée par les anciens, les hommes de métier l’ont pratiquée avec pragmatisme au cours de siècles d’expérience et l’ont améliorée en utilisant divers liants et adjuvants. uSont

répertoriés comme catalyseurs de la prise et fixateurs temporaires :

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• le vinaigre : il est employé à 40 cc pour 10 litres de chaux. • le vin nouveau : la fermentation alcoolique dégage du CO2, qui améliore

et accélère la prise de la

chaux. uLes

agents mouillants permettent un bon mélange des pigments et suppriment les fusées des oxydes, grâce à une meilleure dispersion. Sont classés comme tels : • le vinaigre, à 40 cc pour 10 litres de chaux, • la colle de peau, à 100 g pour 10 litres de chaux. uLes

rétenteurs favorisent la rétention d’eau, donc luttent contre la dessication et aident à la stabilisation. Ce sont : • le sucre (figue sèche chez les Romains), • l’huile de lin, à rajouter au moment de l’extinction de la chaux (mélange, plus facile en dispersion). uParmi

les fixateurs et liants complémentaires on distingue :

• le sel d’alun ou alun de potasse. Il permet une bonne fixation des pigments, durant toute la durée de la carbonatation de la chaux. Très facile à trouver dans le commerce. On l’utilise dans la proportion de 2 à 10 % du poids de chaux, soit une à deux poignées, pour 10 litres de badigeon. • les huiles et les résines végétales, • l’huile de lin (elle améliore la stabilité des laits de chaux, mais modifie sa perméabilité), • l’huile d’œillette (employée pure, elle jaunit peu), • la résine de pin (l’eau du badigeon où l’on a fait bouillir des pommes de pin par exemple), • la cire (surtout utilisée par les Romains), • le suif (200 g pour 10 litres), • les protéines d’origine animale, comme le sang de bœuf, • le sérum du sang, • la caséine, • le lait (1 litre/10 litres), également le lait en poudre (100 g/10 litres), • le fromage blanc, • la caséine liquide (10 cc/10 litres), • l’œuf (blanc et jaune).

PRÉPARATION Badigeon parisien : 8 litres de chaux vive + 3 litres de sel marin + 300 g blanc de Meudon + 500 g colle de peau

MISE EN ŒUVRE On éteint la chaux avec de l’eau bouillante. La solution est passée au tamis fin. Le sel et le blanc et de Meudon sont ajoutés, et la colle dissoute. La préparation permet l’obtention d’une douzaine de litres de mixture.

Badigeon à la caséine, détrempe du lait : 1 litre de lait écrémé On rajoute un peu de lait sur la chaux éteinte puis l’huile en

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+ 200 g chaux éteinte + 120 g huile d’œillette ou de lin + 2,5 kg blanc d’Espagne

remuant. On verse le surplus de lait et le blanc d’Espagne. On délaye le tout avec de l’eau.

LES ADJUVANTS CONTEMPORAINS

De nos jours, quand cela est nécessaire, des matériaux permettent d’obtenir de bons ou de meilleurs résultats, en adjuvantant les laits de chaux. Les produits les plus communs sont : uLes

agents mouillants, comme le savon, qui ont pour effet de :

• rendre le lait plus filant, • disperser les pigments dans la chaux avec plus de facilité, • supprimer les “fusées” d’oxydes.

Ils ont comme inconvénients de faire mousser le lait de chaux, lorsqu’ils sont utilisés en trop grande quantité, et de modifier la propriété couvrante de ce lait. uLes

rétenteurs d’eau, tel le méthyl cellulose (colle à papier peint). Ils aident à lutter contre une dessiccation trop rapide du lait de chaux, en améliorant la stabilité mécanique. Toutefois, leur emploi est déconseillé par temps trop froid ou trop humide et sur support saturé en eau. Leur dosage est fonction des conditions d’application. uLes

fixateurs, comme les résines synthétiques (acrylique, vinyl...). Ils fixent définitivement les pigments qui n’ont pu être stabilisés par la chaux. Mais ils rendent les laits de chaux moins perméables aux vapeurs d’eau.

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Tableau récapitulatif RÔLE

ADJUVANTS

STABILISATEUR

EFFETS RECHERCHÉS EFFETS SECONDAIRES Lait écrémé

DOSAGE

• apport de liant complémentaire

1 litre/10 litres Lait en poudre

• apport de liant complémentaire

100 g/10

Caséine

• apport de liant complémentaire

0,1

Suif

• durcissement

litres

litre/10 litres

Polyacétate de vinyl la dispersion

200 g/10 litres • apport de liant complémentaire



améliore

0 à 200g/10 litres des pigments Rodocim, Caparol

• apport de liant complémentaire

0 à 2 litres/ (résine liquide)

10 litres

Sel d’alun

• facilite la carbonatation de la chaux

Vinaigre

• améliore le filage

de 2 à

50 g/litres AGENT

MOUILLANT

Colle de peau

40 cc/10 litres • améliore la dispersion des pigments

100 g/10 litres • améliore la tenue Teepol fait mousser

• améliore la dispersion des pigments



en excès,

1 bouchon/ (supprime les fusées)

le lait de chaux 10 litres

• lait de chaux moins couvrant RÉTENTEUR

Méthyl cellulose

• ralentit la dessiccation



à éviter

50 g/10 litres D’EAU froid

• améliore la stabilité mécanique

par temps

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5.6 Mise en œuvre des peintures

à la chaux

La mise en œuvre de ces laits de chaux implique un matériel convenable :

• une brosse à badigeon (type brosse à encoller le papier peint), exclusivement en soie naturelle. En effet, l’emploi de brosse en poils synthétiques n’est pas conseillé, car celle-ci ne retient pas bien les laits de chaux, lors de son trempage dans le mélange; • une éponge naturelle, servant également à appliquer les patines (effet de patine); • un pinceau en soie animale, à rechampir ; • un pinceau à filer, utilisé pour effectuer les décors et finitions (filage en particulier). C’est un pinceau fin, rond ou une brosse plate à coupe biaise ; • une règle à filer ; • une règle à pont, adaptée à la mise en œuvre des filets. La pratique à sec s’effectue en couche croisée, en terminant verticalement, de façon à faciliter l’écoulement de l’eau de pluie. La couche doit être appliquée couvrante. Il n’est pas possible de tirer sur un lait de chaux, comme on le fait avec une peinture à l’huile. Les grands coups de brosse sont à éviter. Il est important de toujours remuer le lait avant chaque prélèvement. Il est déconseillé de terminer le fond du camion (seau du peintre), qui doit être remélangé à l’ensemble, étant donné la concentration de pigments (phénomène de sédimentation). Le passage de la brosse doit se faire sans insistance, afin d’empêcher la surcharge ou d’éventuelles taches. Les manques visibles sont comblés lors du passage de la couche suivante.

Schéma de mise en œuvre des badigeons

Sur les supports anciens, il est préférable d’uniformiser la couleur globale de la façade, avant de la colorer, un badigeon blanc est alors pratiqué. Puis deux couches colorées doivent être mises en œuvre. Lors d’une application sur un badigeon ancien, il est nécessaire de vérifier si celui-ci était adjuvanté ; dans ce cas, il et souhaitable d’utiliser des adjuvants du même type. Sur un support neuf, la pose des couches colorées se fait directement et de préférence avec des laits de chaux de même consistance ou de plus en plus dilués. Le temps de pose se compte par demijournée. Toutefois, la couche précédente ne doit pas se délayer. L’observation de l’état de la surface déterminera au mieux la réalisation de la dernière couche. La technique “à la fresque”, a fresco ou à fresque consiste à poser une eau-forte, qui est appliquée sur un enduit frais, réalisé plutôt avec une chaux aérienne, lorsqu’il commence sa carbonatation. Elle ne nécessite pas l’adjonction d’adjuvant. Sur un enduit de plâtre et chaux de forte épaisseur (> 2 cm), il est déconseillé d’employer la technique à fresque. Celle-ci peut entraîner des risques d’efflorescences, par migration de chaux libres. L’enduit de finition doit avoir suffisamment carbonaté, pour ne pas être dégradé par le passage de la brosse ou du pinceau. Il ne doit pas avoir trop carbonaté, afin de pouvoir fixer les pigments de l’eau forte. Le temps d’application de l’eau forte dépend en très grande partie des conditions climatiques. La présence de bandeaux horizontaux en saillie facilite l’emploi de cette technique, car elle aide à fractionner le travail, en panneaux indépendants.

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La fabrication de l’eau forte est identique à celle pratiquée sur enduit sec. Les outils sont similaires. Cette technique implique de réaliser une surface possible à gérer en une journée par un compagnon ou une équipe (a giornata). Dans cette technique, le recours aux stabilisants est inutile. Tableau récapitulatif des usages et dosages courants pour les laits de chaux UTILISATION

DOSAGE

BADIGEON

Finition colorée d’un enduit;

terre

60 g de CAEB rattrapage possible de certains 90 g de XHN défauts d’un enduit (nuance de couleur, faïençage)

d’oxyde

EAU FORTE Finition colorée d’un parement terre

30 g de CAEB ou

A SEC d’oxyde

d’enduit, de pierre de taille 50 g de XHN

EAU FORTE Finition colorée d’un enduit terre 30 g de CAEB A FRESQUE

COLORATION CONSOMMATION saturation par couche maximale et par m2 1 volume de chaux

25 % de

2 à 3 volumes d’eau

15 %

1 volume de chaux

65 % de

4 à 6 volumes d’eau

35 %

1 volume de chaux

65 % de

4 à 6 volumes d’eau

35 % d’oxyde

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Pathologies courantes des enduits et peintures à la chaux La pathologie des enduits couvre un large domaine de désordres. Les traitements associés impliquent de bien connaître les causes et d’en observer les effets. L’origine des pathologies des enduits et des peintures à la chaux correspond à deux causes principales : • un défaut de mise en œuvre (dosage, matériaux inappropriés, mauvaise application...) • une action de vieillissement accéléré. Celle-ci provient soit d’une humidité excessive, soit du mouvement intrinsèque du bâti.

6.1

Les effets visibles et mesurables Seule l’observation du support, de l’enduit ou d’un badigeon, permet d’identifier un désordre, puis d’élaborer un remède. Il convient d’examiner dans un premier temps les effets visibles, parfois mesurables de ces pathologies ; on distingue six causes, à l’origine des dégradations :

UN MANQUE D’ADHERENCE Le manque d’adhérence se traduit par un décollement en plaque, un gonflement ou un cloquage à la surface.

• Pour les enduits : il est conseillé d’effectuer systématiquement un sondage pour identifier la bonne tenue du revêtement en “sonnant”, à l’aide du doigt ou d’un outil. Si l’enduit est bien accroché, il rendra le son de son support. Les décollements sont souvent accompagnés de fissures. Il faut alors sonder l’enduit de part et d’autre de la fissure et constater s’il sonne creux. • les peintures à la chaux : le manque d’adhérence s’observe par la formation d’écailles que l’on soulève avec l’ongle.

UNE PERTE DE DURETE On évalue la dureté des enduits, en testant le revêtement avec un objet métallique pointu (clou, tournevis). Si l’enduit a perdu de sa dureté, le tournevis s’enfonce ou raye la surface. On constate qu’un enduit de chaux aérienne se raye à l’ongle, un enduit de chaux hydraulique laisse une marque sous l’ongle alors qu’un liant plus hydraulique ne laisse apparaître aucune trace. Dans le cas des peintures à la chaux, la dureté s’apprécie en grattant à l’ongle ; un badigeon apparaît, plus clair dans la partie dégagée.

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UNE POROSITE IMPORTANTE Pour évaluer la porosité du support, il suffit de le mouiller, en faisant couler de l’eau sur le mur et en mesurant le temps d’absorption. Sur un support vertical, la hauteur du ruissellement est facile à apprécier. Si l’eau est “pompée” rapidement, le support est trop absorbant.

LA PRESENCE DE FISSURES Visibles à l’œil, elles apparaissent fines ou larges, uniques ou en réseau. L’humidification du mur peut être un moyen de mieux localiser les fissures. Les fissures se classent en quatre types : • le faïençage caractérisé par un réseau reconnaissable de petites fissures linéaires superficielles, inscrit dans une surface d’environ 20 cm2, • les microfissures, ouvertures discontinues d’une largeur inférieure à 0,2 mm, • les fissures plus larges que les microfissures (entre 0,2 et 2 mm), • les lézardes, qui affectent l’enduit mais aussi le support (au-delà de 2 mm ).

L’ABSENCE DE COHESION Elle se manifeste à l’œil par un effet de farinage du support. La vérification de la cohésion de l’enduit ou de la peinture s’opère au toucher. Le simple frottement de la main suffit à constater le phénomène ; le grain de l’enduit roule sous le doigt, le badigeon “farine”.

LA PRESENCE DE DIVERSES TRACES De nombreuses traces peuvent apparaître à la surface d’un enduit, d’une peinture, parmi lesquelles figurent : les auréoles, les spectres, les fantômes, les nuances de couleur, les efflorescences, les traces de brosses ou de pinceaux. Toutes ces tâches se détectent à l’œil nu. Elles ne présentent pas toutes les mêmes caractéristiques.

• Les auréoles proviennent de l’humidité du mur. • Les spectres font apparaître, par transparence

sur l’enduit, les traces de l’appareillage du mur, les saignées d’encastrement ou toute autre marque existante, sur le support d’origine. Ils proviennent de la différence de porosité de matériaux différents. • Les fantômes présentent un aspect analogue aux spectres bien que leur origine soit différente. Ils impriment l’ombre laissée par un échafaudage ou un volet resté en place, après la mise en œuvre de l’enduit de finition, ou de la couche de finition, ou d’un badigeon. • Les nuances de couleur proviennent soit de l’utilisation d’agrégats issus de divers approvisionnements, soit d’un mauvais mélange des pigments (enduit teinté dans la masse ou peinture). • Les efflorescences, elles aussi visibles, correspondent à une migration des sels à la surface de l’enduit, ou de chaux non carbonatée.

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Le salpêtre (nitrate de potassium) est une forme d’efflorescence. Il n’affecte pas les matériaux siliceux. Il se forme à partir des déchets animaux ; on le confond souvent avec les nitrates de calcium qui sont également à l’origine de possibles efflorescences.

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6.2 Les éléments du diagnostic Un diagnostic de qualité permet de choisir les moyens les plus efficaces pour lutter durablement contre les pathologies de l’enduit. Les causes d’une pathologie sont souvent difficiles à cerner ; les tableaux suivants proposent quelques pistes d’analyse et d’action, au vu des effets décrits précédemment. Peintures à la chaux Manque d’adhérence

X

Enduits X

Perte de dureté

X

Porosité importante

X

Présence de fissures

X

Absence de cohésion

X

X

Présence de traces

X

X

Les éléments de diagnostic décrits ci-après se situent dans une démarche d’analyse des pathologies de mise en œuvre. Nous n’aborderons pas les pathologies de vieillissement ; le vieillissement des enduits se traduit par deux types de pathologies : la décohésion des mortiers et la perte d’adhérence de l’enduit sur le support. Ces deux familles de pathologies appellent un grand nombre de remèdes (de cohésion et d’adhésion) différents suivant leurs origines.

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MANQUE D’ADHERENCE DES ENDUITS EFFETS

CAUSES

TRAITEMENTS

Manque d’adhérence › Mauvaise préparation du support sur de grandes surfaces en plaques Support insuffisamment humidifié partielle après décroûtage Support gorgé d’eau Dosage plus important du dégrossi ou Support trop lisse piquage d’accroche du support. Faire une salissure.

Reprise

Tranche supérieure de l’enduit non protégée Protection en partie supérieure (bavette, goutte d’eau...) › Mauvaises conditions de mise en œuvre Incompatibilité de deux liants

Piquage et reprise totale

Dosage insuffisant du dégrossi ou Augmenter le dosage du dégrossi de la couche observée Manque d’adhérence partielle

Faire une salissure › Mauvaise préparation du support

Support insuffisamment humidifié partielle après décroûtage Support trop lisse Coulis de chaux hydraulique ou liants organiques ou de synthèse Irrégularité et mouvement du support

Reprise

Reprise

partielle après décroûtage ou Coulis de chaux hydraulique ou liants organiques ou de synthèse Mise en place d’une armature (grillage) Corrosion des métaux incorporés au support

Reprise

partielle après décroûtage et neutralisation – passivation des fers Cristallisation de sels sous un enduit partielle après décroûtage ou couche d’enduit

Reprise

et nettoyage/lavage

› Mauvaises conditions de mise en œuvre Lissage ou talochage excessif, tardif partielle après décroûtage ou trop hâtif de l’enduit Coulis de chaux hydraulique, liants organiques ou de synthèse

Reprise

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MANQUE D’ADHERENCE DES PEINTURES A LA CHAUX EFFETS

CAUSES

TRAITEMENTS

Manque d’adhérence › Mauvaise préparation du support Formation d’écailles Support incompatible avec des peintures totale du support ou à la chaux (plâtre, peinture synthétique...) adjuvantation adaptée

Reprise

Support d’enduit ayant reçu un hydrofuge

Reprise

totale du support › Mauvaises conditions de mise en œuvre Adjuvantation mal adaptée au support Brossage et reprise totale de la peinture à la chaux Mauvais dosage de l’adjuvantation Brossage et reprise totale de la peinture

(adjuvantation plus importante

à la chaux

des premières couches)

Incompatibilité de deux liants

Piquage total et réfection (chaux hydrauliqe et plâtre)

MANQUE DE DURETE EFFETS Gonflement

CAUSES

TRAITEMENTS

› Mauvaise préparation du support Incompatibilité de deux liants › Décroûtage partiel et reprise d’enduit (chaux hydraulique et plâtre...) Corrosion de métaux incorporés au support

partielle après décroûtage et neutralisation - passivation des fers › Mauvaises conditions de mise en œuvre Gel pendant la prise

Décroûtage partiel et reprise d’enduit

Pulvérulence, poudre › Vieillissement de l’enduit Décalcification de l’enduit

Reprise totale, vérification des eaux de capillarité

Reprise

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POROSITE EFFETS Enduit poreux

CAUSES

TRAITEMENTS

› Mauvaise préparation du support

Excès d’humidification du support les cas, reprise de l’enduit après et mortier d’enduit trop liquide décroûtage ou passage de plusieurs laits de chaux

Suivant

› Vieillissement de l’enduit Déminéralisation, décalcification de l’enduit totale d’enduit, ou consolidation par dissolution de la chaux d’enduit par imprégnation

Reprise

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FISSURATION EFFETS Lézardes :

CAUSES

TRAITEMENTS

› Mouvement du support (tassement

important de vérifier si la fissure est Fissures larges ≥ 2 mm des murs, fondations insuffisantes, ou «vivante» (variation dans le de l’enduit et du support sol non stabilisé...) Dans tous les cas, il est néces saire de faire venir un homme de l’art, afin de s’assurer de la nature des fissures, de leur forme, et de vérifier si le bâti possède encore sa stabilité › Mouvement du support : déformation, important de vérifier si la fissure est dilatation des dalles de toiture terrasse ou «vivante» (variation dans le temps ). Dans tous les cas, il est nécessaire de faire venir un homme de l’Art, afin de s’assurer de la nature des fissures, de leur forme, et de vérifier si le bâti possède encore sa stabilité Fissures et micro-fissures l’importance, piquage partiel et ≤ 2 mm généralisées sur l’enduit

› Déformation thermique

Il est «morte» temps ).

Il est «morte»

Suivant

reprise, ou bouchage de la fissure à l’aide de mortier, après ouverture et nettoyage

› Mauvaises conditions de mise en œuvre

Suivant

l’importance, piquage partiel et reprise, ou bouchage de la fissure à l’aide Epaisseur trop forte de mortier, après ouverture et nettoyage Gâchage trop liquide du mortier Excés d’humidification du support Nonrespect du délai minimal de prise entre la mise en œuvre du corps d’enduit et la couche de finition Fissures filiformes › Mauvaise préparation du support en toile d’araignée : faïençage Humidification trop importante du support l’accroche est suffisante, passage d’un lait de chaux, sinon reprise totale › Mauvaises conditions d’application

Si

Si

l’accroche est suffisante, passage d’un lait de chaux, sinon reprise totale . Surdosage en liant . Mortier comprenant trop de fines . Surépaisseur de la couche de finition . Mortier trop liquide (excès d’eau dans le mortier) . Dessication rapide, due à trop de soleil le pourcentage de fines ou de vent

dans le mortier (sable, pigment)

Vérifier

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MANQUE DE COHESION DES PEINTURES A LA CHAUX EFFETS

CAUSES

Farinage

TRAITEMENTS

› Mauvaise préparation du support

Support insuffisamment humidifié Brossage et réfection de la peinture Enduit support ayant trop carbonaté



Brossage et réfection de la peinture (à sec) (technique à la fresque) › Mauvaises conditions d’application Dessiccation trop rapide de la peinture Brossage et réfection, protection contre le (température excessive, vent, soleil) soleil, adjuvantation à l’aide d’un rétenteur d’eau

vent, le

Concentration de pigment trop importante Brossage et réfection, diminution du pourcentage de pigments (donc de la coloration) ou adjuvantation, utilisation d’une technique d’eau forte en remplacement d’un badigeon Utilisation d’une chaux impropre Brossage et réfection . chaux stockée à l’air ayant débuté sa prise avec l’humidité ambiante . lait de chaux gelé Pulvérulence

› Mauvaise préparation du support Enduit pulvérulent

Piquage partiel ou total de l’enduit et réfection

Enduit gorgé de sels détruisant partiel ou total de l’enduit la couche picturale et réfection

Piquage

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MANQUE DE COHESION DES ENDUITS EFFETS Effritement, farinage

CAUSES

TRAITEMENTS

› Mauvaise préparation du support

Décroûtage partiel ou total et reprise de l’enduit Support insuffisamment humidifié › Mauvaises conditions d’application Décroûtage total et reprise de l’enduit Evaporation rapide de l’eau de gâchage, Protection à mettre en place pendant dessication du mortier qui ne fait pas du mortier sa prise «grillage» de l’enduit Lissage ou talochage tardif Gel pendant la prise du mortier

la prise

Protection à

mettre en place, pendant la prise du mortier Dosage insuffisant Finition serrée, non effectuée en continu le dosage et la qualité

de l’application › Vieillissement de l’enduit Décalcification de l’enduit Présence de sels

du sable utilisé Décroûtage total et reprise de l’enduit Réfection totale

Vérifier

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TRACES, AUREOLES, SPECTRES, FANTOMES, NUANCES DES PEINTURES A LA CHAUX EFFETS

CAUSES

Spectres fantômes les enduits



TRAITEMENTS

Mauvaise préparation du support

Voir effets et traitements sur

Humidification insuffisante du support Application d’une nouvelle couche après séchage : bonne humidification Séchage insuffisant du support

Application

d’une nouvelle couche après (mortier de hourdage, enduit) séchage : bonne humidification Faible épaisseur de l’enduit support Porosités différentes des matériaux supports Auréoles

› Présence d’humidité dans le mur

Voir

effets et traitements sur les enduits Une couche de finition peut s’avérer insuffisante Nuances

› Mauvaise préparation du support

Enduit ayant trop de nuance Brossage et application d’un badigeon (sables différents) et peintures pas d’uniformisation, puis couches assez couvrantes colorées.

blanc

› Mauvaises conditions d’application Mauvaise dispersion des pigments Brossage et reprise de la couche (pas assez de malaxage en cours de travaux, ou sédimentation) Mauvaise tenue de la couleur Brossage et reprise de la couche de (pigments incompatibles avec la chaux) Utilisation de pigments stables Lait de chaux pas assez couvrant Brossage et reprise de la couche (support pas assez absorbant) Utilisation d’un agent mouillant Traces de brosses, de pinceaux

› Mauvaises conditions d’application

. Lait de chaux trop épais

Brossage léger et nouvelle couche plus diluée

. Support trop absorbant . Humidification insuffisante

Brossage et humidification du support avant reprise

. Manque de méthode

Brossage léger et nouvelle couche croisée

de finition

finition.

de finition

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TRACES, AUREOLES, SPECTRES, FANTOMES, NUANCES DES ENDUITS EFFETS

CAUSES

Spectres fantômes

TRAITEMENTS

› Mauvaise préparation du support

Humidification insuffisante du support Application d’une couche de finition après (humidification différentielle dans le mur séchage de l’enduit et du mur, et entre pierres/ briques et joints...) humidification

un bon bonne

Séchage insuffisant du mortier de hourdage Application d’une couche de finition après un bon séchage de l’enduit et du mur, et bonne humidification



Mauvaises conditions de mise en œuvre

Application d’une couche de finition

après humidification homogène Matériau support ayant des différences de capillarité Enduit trop fin (le plus souvent) Mortier trop maigre Auréoles

› Mauvaise préparation du support

Après

traitement du support, vérifier le comportement, le vieillissement; s’il est inacceptable prévoir une eau forte ou patine d’uniformisation Présence d’humidité dans le mur Traitement des remontées capillaires ou et dans l’enduit

éloignement des eaux (drainage)

Absence de protection du mur lors Protection de l’enduit : de l’application . Gouttières, passées de toitures plus Eaux de ruissellement ou précipitations importantes directes . Corniches . Bandeaux saillants › Mauvaises conditions de mise en œuvre

Si bonne

tenue de l’enduit, reprise d’une couche de badigeon suivant défauts de surface . Variation, pendant l’application, des quantités d’eau et du temps de malaxage . Irrégularité de l’épaisseur de l’enduit . Reprise d’échafaudage . Conditions atmosphériques défavorables (froid et humidité) Efflorescences permanentes

› Présence d’humidité dans le mur et l’enduit

Traitement des remontées capillaires ou) Eaux de capillarité (présence d’eau dans le sol) des eaux (drainage) et dissolution de sels, et recristallisation en surface

éloignement

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Nuances de couleurs › Mauvaises conditions de mise en œuvre Réalisation d’une couche de finition sur l’ensemble (même approvisionnement en Approvisionnement non uniforme en liants et liant) ou patine d’uniformisation et en agrégats Utilisation de pigments pour coloration mélange de mortier-pigment demande en masse, et mauvais mélange de temps, il doit être réalisé à sec puis mouillé.

Brossage des efflorescences apparition d’efflorescences Si le phénomène persiste, il y a circulation d’eau

Le beaucoup

Défaut de talochage Efflorescences temporaires

agrégat

› Lors du séchage d’un enduit, première

Page 132 sur 171

6.3 L’humidité et la lutte

contre ses effets

L’humidité est un élément déterminant dans la pathologie des enduits et des peintures à la chaux. Elle a quatre origines différentes. Ses dégâts sont multiples et doivent être traités. On distingue : ul’humidité

du sol : elle provient des eaux superficielles et de la nappe phréatique. Cette humidité, en contact avec les fondations du bâti, se déplace dans le mur, en vertu de phénomènes de capillarité. Ces eaux sont parfois chargées en sulfate et nitrates qui agissent sur les carbonates (calcaire et chaux) pour former des sulfates de calcium responsables de boursouflures, décollements, etc. Lorsqu’elle provient d’une nappe phréatique, les méfaits de l’humidité s’observent sur l’ensemble du bâtiment et des ouvrages voisins. La hauteur des traces d’humidité est relativement stable dans le temps, souvent légèrement supérieure sur les murs situés au nord. Lorsqu’elle provient d’eaux dispersées (eaux pluviales, canalisations défectueuses...), les zones touchées sont plus localisées (un bâtiment, une façade...) et la hauteur des traces varie tout au long de l’année, de façon sensible. ul’humidité

due aux précipitations : elle résulte de l’action des pluies, parfois renforcées par le vent. Les façades subissent l’effet direct de cette masse d’eau, qui profite des fissures, joints, zone de grande porosité de l’enduit pour s’infiltrer dans le support. Ces eaux sont chargées : • en gaz carbonique, qui forment après dissolution de carbonate de calcium, un bicarbonate de calcium. Ce dernier constitue en surface un calcin protecteur ; • en anhydride sulfureux, qui agit sur le carbonate de calcium et forme un sulfate de calcium ; ce dernier est à l’origine de dégradations. ul’humidité

des mortiers : ceux-ci contiennent l’eau nécessaire au gâchage. Le respect du temps de séchage entre le mortier de hourdage et la pose de la première couche d’enduit contribue à l’élimination de cette humidité supplémentaire. L’eau de gâchage en excès aide à la dissolution des sels contenus dans le mortier, qui vont cristalliser en surface pour former des efflorescences. ul’humidité

due à l’eau de condensation : celle-ci se forme à partir de l’air ambiant sur les parois extérieures ; on parle de phénomène, de paroi froide (variation résultant d’une différence de température intérieure et extérieure, créant une condensation de la vapeur ambiante sur le mur interface). Ce phénomène bien connu sous le nom de “point de rosée” se manifeste sur tous les matériaux ; les corps poreux vont «pomper l’eau condensée» au contraire des autres (herbe, métal, vitre...). Une mauvaise ventilation accentue la condensation. Dans ces zones à air vicié, on constate souvent la prolifération d’organismes et de micro-organismes (moisissures, champignons...). Origine de l’humidité dans le bâti

DEGRADATIONS GENERALES DES MORTIERS DUES A L’HUMIDITE

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Une présence excessive d’humidité dans les mortiers amoindrit certaines de leurs caractéristiques (perte de la propriété à l’écrasement et de résistance mécanique en général). En outre, l’humidité rend les mortiers sensibles au gel (l’eau augmente de volume, sous l’action du gel). Altérations chimiques Dans le cas d’une eau pure, celle-ci a le pouvoir de dissoudre la chaux de 1,3 à 1,6 g / litre ; le mortier perd de façon permanente une partie de ses performances. Il en est de même avec une eau acide. Les produits acides qui migrent dans les maçonneries sont : • le gaz carbonique (CO2) que favorise la dissolution des calcaires, en formant un bicarbonate de calcium très soluble: CaCO3 + CO2 + H2O › Ca (HCO3)2

• le dioxyde de soufre (SO2) qui entraîne la formation de sulfate de calcium (gypse): SO2 + H2O › H2 SO3 + 1/2 O2 › H2 SO4 (acide sulfurique) CaCO3 + H2 SO4 + H2O › Ca SO4 + 2H2O + CO2

• les oxydes d’azote, les nitrates (NO3H) • le sel (NaCl) qui réagit avec les gypses pour former des sulfates de soduim. Ces acides attaquent les constituants alcalins pour donner des carbonates de chaux de teinte blanche, des sulfates de chaux de couleur et des nitrates de chaux d’aspect verdâtre. Si l’eau contient des sulfates (eaux séléniteuses), il se forme entre la chaux et les sulfates des sels de Candlot (étringite). Ceux-ci, très sensibles à l’humidité ambiante (variation de volume), entraînent une dégradation du mortier. Altérations physiques L’humidité contenue dans les mortiers est cause d’altérations physiques provoquées par : • le gel qui se manifeste par des décollements en plaque, des pulvérulences. • la cristallisation des sels qui peut entraîner des décollements en plaque ou des pulvérulences. • la dilatation thermique / hydrométrique, qui selon la nature des composants, se traduit par des décollements en plaque. Altérations biologiques La formation de matières organiques (bactéries, cryptogames, algues, champignons...) est aussi à l’origine de la dégradation des mortiers, par consommation des minéraux qu’ils contiennent.

L’ACTION DES REMONTEES D’EAU CAPILLAIRE ET DE L’EVAPORATION

Dans le bâti ancien ne comportant généralement pas de barrières étanches, les remontées capillaires circulent jusqu’à un niveau d’évaporation où elles déposent leurs sels ; on parle de point de marnage. L’évaporation est favorisée par la température, le soleil et le vent. Il se crée un équilibre entre le débit de l’eau pompée par capillarité et la surface nécessaire à l’évaporation. L’emploi de liant très hydraulique donne des enduits plus imperméables ; la surface d’évaporation augmente, et le point de marnage se situe alors à une cote supérieure.

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Le dépôt des sels est plus important et plus riche en chaux le long des lignes d’évaporation les plus marquées. Ainsi, la concentration en ions acides ou basiques des sels déposés évolue en une succession de lignes à peu près horizontales. Les remontées sont homogènes ou se présentent en une succession d’auréoles, si les circulations partent de zones privilégiées. A la longue, la disparition du liant fait tomber l’enduit en poussière, selon les mêmes lignes de dépôt de sels. Un mur à l’ombre et à l’abri du vent montre que l’intensité des circulations varie peu. Les zones de dépôts sont stables dans le temps et forment des zones teintées très marquées. Point de marnage et méfaits d’un enduit étanche

LA LUTTE CONTRE L’HUMIDITE Parmi les éléments caractéristiques du bâti ancien, il est important de noter l’absence quasi permanente de barrière étanche, entre les fondations et l’élévation du mur. Ainsi les matériaux poreux qui constituent le mur, pierres de taille, moellons, briques, mortier de chaux, sont autant de circuits possibles pour le cheminement des eaux. La lutte contre l’humidité est une préoccupation constante qui a généré un ensemble de solutions, des plus simples aux plus complexes. Leur mise en œuvre suppose un diagnostic précis de l’origine de l’humidité, et dans de nombreux cas reste l’affaire de spécialistes. Ce chapitre dresse la liste des principaux types de traitements possibles ; les conditions d’utilisation, la mise en œuvre, l’entretien de ces traitements nécessiteraient un long développement. Quatre grandes familles de traitement peuvent être élaborées selon le moment où l’on agit pour capter et bloquer l’eau. Les actions envisageables se résument ainsi : But recherché

Familles de traitement

Empêcher l’eau d’atteindre les fondations Les drainages Empêcher l’eau de monter dans le mur

Les barrières étanches

Evacuer l’eau contenue dans le mur

L’assèchement

Laisser l’eau dans le mur

La dissimulation

LES DRAINAGES Le but est d’intercepter l’humidité provenant du sol et de la diriger le plus loin possible des fondations du mur. Le drainage est certainement une des méthodes les plus anciennes ; les Romains l’utilisaient largement et avaient développé un système de drains en terre cuite poreuse. Les drainages ne peuvent être employés dans le cas de sols baignés par une nappe phréatique peu profonde, de terrain de sable fin (colmatage des drains) et dans les cas où il s’avère difficile de récupérer les eaux (par exemple, réseau d’évacuation d’eau plus haut que le drain). Dans la famille des drainages, plusieurs niveaux de complexité et d’efficacité existent et peuvent être envisagés : • le modelage de la forme du terrain au pourtour du bâti (pente pour refouler les eaux de ruissellement), • la tranchée autour du bâti, et puits à proximité (bonne gestion des eaux de ruissellement...), • le drainage au pied des fondations : du plus simple (remplissage de matériaux drainants) au plus complexe (masse drainante et lame d’air).

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LES BARRIERES ETANCHES L’eau contenue dans les fondations circule dans le mur par des phénomènes de capillarité. Le but recherché est donc de bloquer cette progression en réalisant en bas du mur une barrière étanche à l’eau. Celle-ci peut être obtenue : • par le remplacement sur une hauteur donnée de la maçonnerie poreuse, pour une maçonnerie de matériaux non poreux, • par la mise en place, après sciage à la base du mur, d’une feuille en matériau étanche non poreux, comme une feuille de métal (plomb, cuivre...) ou une feuille en matériau de synthèse (polyéthylène...), • par le remplissage, après sciage ou carottage avec une résine de synthèse, • par le remplissage sous pression ou non des pores de la maçonnerie à l’aide de résines de synthèses (silicate, résine acrylique...), • par l’imprégnation de la base du mur à l’aide d’hydrofuges (matériaux hydrophobes). Les barrières étanches ont été largement utilisées dans le cas de constructions en terre, en réalisant par exemple le soubassement en maçonnerie de pierres et en moellons. Une méthode récente consiste à insérer le matériau étanche dans le mur déjà construit, ce qui pose des problèmes techniques délicats que seul l’homme de l’art peut résoudre.

L’ASSECHEMENT Le but recherché est, dans ce cas, de favoriser l’évacuation de l’eau contenue dans le mur. Trois types de procédés sont envisageables : • une ventilation du mur, à l’aide de drains ou de siphons atmosphériques, • une modification du champ électrique, créée par l’ascension capillaire de l’eau, procédé basé sur le phénomène d’électro-osmose, • une modification du champ magnétique, créée par l’ascension capillaire de l’eau. Tous ces traitements sont l’affaire de spécialistes et doivent être mis en œuvre sur la base d’un diagnostic extrêmement rigoureux, ayant permis de déterminer les causes de l’humidité.

LA DISSIMULATION Lorsque l’eau est dans le mur, et qu’aucun traitement ne semble possible (incompatibilité technique, financière), si l’on ne peut se satisfaire d’un parement fréquemment recouvert d’auréoles, il est nécessaire d’avoir recours à la dissimulation. Une pratique courante consiste à réaliser à l’intérieur du parement une contre-cloison de «camouflage». Ce type de solution n’entraîne pas a priori de dommages supplémentaires, à condition d’assurer une bonne ventilation du vide entre cloison et mur. En revanche, l’utilisation d’un traitement trop étanche (enduit de ciment, peintures étanches, film épais...) en parement du mur peut avoir des effets dommageables. Avant d’avoir recours à des traitements conséquents de lutte contre l’humidité, quelques règles de bon sens peuvent être d’un grand secours, pour la protection du bâti, en particulier contre les eaux pluviales. Celles-ci sont visualisées sur le schéma ci-après : • vérification des éléments de collecte des eaux pluviales,

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• vérification des organes de réception des eaux pluviales, en particulier en l’absence d’une gouttière (présence d’un caniveau de réception des eaux), • protection du soubassement par des matériaux, des enduits particuliers ; sur une surface à grain, les salissures accrocheront plus facilement et masqueront les traces d’humidité. En cas de traces excessives, la mise en badigeon peut être limitée à ce soubassement (à condition qu’il existe), • vérification des gouttes d’eau sur tous les éléments saillants (bandeaux, corniches...).

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Protection contre l’humidité

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Glossaire et équivalences

ADJUVANT – Produit ajouté au mortier en faible quantité pour améliorer certaines propriétés. On distingue les adjuvants modifiant les caractéristiques de mise en œuvre, et ceux intervenant sur les propriétés des mortiers ayant fait leur prise (amélioration des performances). AÉRIENNE – Caractère d’une chaux qui fait sa prise avec le gaz carbonique de l’air. AGRÉGAT – Matériau inerte, le plus souvent d’origine minérale (silice, calcaire), entrant dans la composition des mortiers, pour former la charge : sables, graviers, cailloux roulés issus du lit des rivières, ou concassés (provenant de carrières). ALUMINATE – Sel formé à partir d’aluminium. Contribue par calcination avec des carbonates de calcium à l’hydraulicité des chaux. BADIGEON DE CHAUX – Lait de chaux coloré, appliqué sur des enduits, parfois sur des parements de pierre. Composition : 2 à 3 volumes de chaux éteinte pour 1 volume d’eau. BERTHELET – Outil à deux tranchants lisses (l’un éventuellement refendu), l’autre brettelé, utilisé pour recouper les enduits de plâtre et de chaux. BÉTON – Agglomérat de cailloux, graviers, sable réunis par un liant. Il se distingue d’un mortier par la taille importante des agrégats. BLANC DE CHAUX – Carbonate de calcium, calcaire broyé, utilisé comme pigment blanc. On le trouve souvent sous le nom de blanc de St-Jean. C’est alors une chaux aérienne éteinte, ayant carbonaté. CALCAIRE – Nom général des roches sédimentaires contenant du carbonate de calcium. Ce mot provient du latin “calcarius” qui contient de la chaux. On l’appelle parfois carbonate de chaux. Sa formule chimique est CaCO3. CALCINER – Action de soumettre à une température élevée. Provient du latin “calcis” qui désigne la transformation du calcaire en chaux sous l’action de la chaleur. CALIBRE – Outil de profilage des moulures traînées, gabarit. CARBONATATION – Opération de transformation en carbonate à partir d’acide carbonique (gaz carbonique dissous dans l’eau). C’est l’opération de “prise” d’une chaux aérienne. CARBONATE DE CALCIUM – Voir calcaire.

CARBONATE DE CHAUX – Voir calcaire. CASÉINE – Principale protéine du lait (environ 30 g par litre), utilisée pour son important pouvoir collant. CHAULAGE – Lait de chaux épais généralement blanc. Il se compose d’environ 1 volume de chaux éteinte pour 1 volume d’eau. Terme utilisé aussi en agriculture dans le cas d’amendements à la chaux. CHAUX AÉRIENNE – Chaux ayant la propriété de faire sa prise à l’air, par réaction avec le gaz carbonique. Plus le calcaire servant à leur fabrication est pur, plus la chaux sera aérienne. On parle aussi de chaux grasse du fait des propriétés de plasticité et d’onctuosité des mortiers dans la composition desquels elle entre.

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CHAUX AÉRIENNE ÉTEINTE – Les chaux aériennes éteintes utilisées dans le bâtiment (CAEB) sont des chaux issues du calcaire pur ayant formé par calcination puis extinction des hydroxydes de calcium ou hydrates de chaux [Ca(OH)2]. On parle parfois de fleur de chaux ou de chaux blutée. CHAUX EN PÂTE – Chaux éteinte avec un excès d’eau et formant ainsi une pâte. On utilise généralement ce terme pour désigner des chaux aériennes éteintes avec un excès d’eau et conservées dans des fosses. CHAUX ÉTEINTE – Après calcination des calcaires, l’extinction par apport d’eau donne les chaux éteintes dans le cas de calcaires purs. Voir aussi chaux aérienne éteinte. CHAUX GRASSE – Voir chaux aérienne. CHAUX HYDRATÉE – Voir chaux éteinte. CHAUX HYDRAULIQUE – Chaux ayant la propriété de faire toute ou partie de sa prise à l’eau. CHAUX HYDRAULIQUE ARTIFICIELLE – Liant d’origine artificielle, à apparenter à la famille des ciments. CHAUX HYDRAULIQUE NATURELLE – Chaux obtenue par calcination d’un calcaire impur (contenant des silicates ou des aluminates) ayant la propriété de faire une partie de sa prise à l’eau, et l’autre à l’air. La formulation normalisée pour les désigner est : XHN. CHAUX MAGNÉSIENNE – Chaux formée à partir de calcaires contenant de la magnésie. On parle aussi de chaux dolomitique. CHAUX MAIGRE – Voir chaux hydraulique naturelle. C’est l’ancien terme désignant la chaux hydraulique et éminemment hydraulique. CHAUX MOYENNE – Chaux ayant la propriété de faire pour une faible partie sa prise à l’eau. C’est une chaux faiblement hydraulique. CHAUX VIVE – Matériau obtenu par calcination d’un calcaire. Son avidité pour l’eau lui a valu son nom. Dans le cas de calcination d’un calcaire pur, on obtient un oxyde de calcium (CaO). CIMENT – Liant obtenu par mélange et calcination de composants (calcaires, fillers, clinkers, pouzzolane, laitiers, cendres,...). COUVRANT – Propriété d’un lait de chaux à couvrir de façon opaque une surface. CORPS D’ENDUIT – Dans le cas d’un enduit à trois couches, le corps d’enduit ou renformis est la seconde couche. Il contribue à assurer la planéité du support (on parle parfois de couche de dressage), mais aussi l’imperméabilisation et l’isolation. CRÉP – Enduit à la finition grossière. DÉGROSSI – Voir corps d’enduit. DÉTREMPE A LA CHAUX – Voir eau forte. DIOXYDE DE CARBONE – Gaz carbonique (CO2). Il participe à la prise des liants aériens. EAU DE CHAUX – Eau comprenant de la chaux dissoute (moins de 1,5 g par litre). Au-delà, la chaux en suspension forme un lait de chaux. EAU FORTE – Lait de chaux très dilué ou détrempe à la chaux, formé par 1 volume de chaux pour 6 à 8 volumes d’eau. EFFLORESCENCES – Cristaux formés en surface des parements de pierre ou d’enduit, par l’évaporation d’eau chargée en sels. ENDUIT – Revêtement composé d’une ou plusieurs couches d’un matériau plastique, destiné à assurer la protection (eau, isolation,...) et la présentation de l’ouvrage qu’il recouvre. ENTRAINEUR D’AIR – Adjuvant favorisant la formation de bulles d’air dans les mortiers. EXTINCTION – Opération qui consiste à passer par hydratation de la chaux vive à la chaux éteinte ; cette réaction est exothermique et s’accompagne d’une augmentation de volume que l’on nomme foisonnement. FAIENÇAGE – Micro fissuration d’un enduit généralement due à un surdosage en liant, à une dessiccation rapide du mortier, ou à un excès de fines.

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FINES – Particules les plus fines du sable, souvent d’origine argileuse, à l’origine des faïençages de certains enduits. (granulométrie inférieure à 0,1 mm). FIXATIF – Adjuvant contribuant à fixer et à lier les pigments d’un lait de chaux. FLEUR DE CHAUX – Voir chaux aérienne éteinte. FOISONNEMENT – de la chaux : voir extinction des agrégats : variation volumétrique des sables suivant leur taux d’hydrométrie et de tassement. (A) FRESQUE (A FRESCO) – Technique qui consiste en l’application de lait de chaux sur un enduit «frais», c’est-à-dire ayant à peine commencé sa prise. FRESQUES – Peintures murales réalisées par l’application de pigments mélangés dans de l’eau sur un enduit frais. Cette technique exige l’utilisation d’une chaux la plus aérienne possible, des pigments finement broyés, plusieurs couches avec des agrégats judicieusement choisis. GOBETIS – Première couche d’un enduit, dont le rôle essentiel est d’assurer l’accroche au support. GOUTTE D’EAU – Saignée sous les bandeaux, moulures, corniches, destinée à favoriser la formation de «gouttes d’eau». GRANULARITÉ – Désigne les proportions de grains de différentes grosseurs d’un sable. (Elle s’exprime le plus souvent par une courbe). GRANULATS – Voir agrégat. GRANULOMÉTRIE – Mesure physique de la granularité. Elle s’exprime sous la forme d’une fourchette mini-maxi de taille des agrégats. (Exemple : 0-3 mm sable ayant des grains de taille comprise entre 0 et 3 mm). GRAS – Caractère onctueux, plastique d’un mortier. GYPSE – Roche sédimentaire, appelée pierre en plâtre, composée de sulfate de calcium. HOURDER – Maçonner. HYDRATATION – Action de mouiller le support. HYDRATE DE CHAUX – Voir chaux éteinte. HYDRAULIQUE – Caractère d’une chaux qui fait sa prise à l’eau. HYDROFUGE – Adjuvant utilisé pour diminuer l’absorption de l’humidité. HYDROXYDE DE CALCIUM – Voir chaux éteinte. HYDROXYDE DE CHAUX – Voir chaux éteinte. JOINTOYER – Action d’exécuter les joints d’une maçonnerie de pierre ou de brique. LAIT DE CHAUX – Mélange d’eau et de chaux, coloré ou non, appliqué à la brosse sur des parements le plus souvent minéraux (enduits, pierre). Voir chaulage, badigeon, eau forte, patine. LIANT – Le liant d’un mortier est la matière qui assure la liaison entre chaque composant du mortier. MODÉNATURE – Profil des moulures ; désigne, par extension, l’ensemble des ornements moulurés. MOULURE – Profil constant en creux ou en relief, réalisé en pierre ou en mortier. MORTIER – Mélange d’eau, de sable et de liant destiné à tous les travaux de maçonnerie. MOUILLANT (AGENT) – Adjuvant utilisé pour faciliter le mélange des pigments dans les laits de chaux, pour accroître la souplesse et la plasticité des mortiers. OCRE – Pigment minéral d’origine naturelle dont la coloration est due à des oxydes de fer. On parle le plus souvent d’ocre jaune et d’ocre rouge. OUVRABILITÉ – Délai durant lequel un mortier peut être utilisé, travaillé. OXYDE – Pigment minéral résultant d’un processus industriel. OXYDE DE CALCIUM – Voir chaux vive. PAREMENT – Face vertical du mur. PATINE – Lait de chaux très dilué, utilisé pour ses effets de transparence. PIGMENTS – Substance colorée, insoluble. Ils colorent la surface sur laquelle ils sont appliqués sans pénétrer dans la matière à la différence des teintures. PLÂTRE – Liant obtenu par chauffage du gypse. Semi-hydrate de sulfate de calcium. PORTLAND – Nom d’une carrière en Angleterre où fut découvert le ciment ; par extension ciment.

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POUZZOLANE – Désigne, à l’origine, des cendres volcaniques extraites dans la région de Pouzzole en Italie. Matériau riche en alumine, silice, chaux et fer réagissant avec la chaux [Ca(OH)2] et l’eau pour former un hydrate stable et qui contribue aux propriétés hydrauliques du mortier formé. PRISE (DÉBUT DE) – Moment où le liant perd ses propriétés plastiques de mise en oeuvre et où commence le processus de durcissement. RENFORMIS – Voir corps d’enduit. RÉTENTEUR D’EAU – Adjuvant ralentissant l’évaporation de l’eau de gâchage d’un mortier. RETRAIT – Diminution de volume d’un mortier au moment de sa prise, essentiellement dû à l’évaporation au départ de l’eau. SABLE – Agrégat fin dont la taille des grains ne dépasse pas 5 mm. SEC (A SECCO) – Technique qui consiste à appliquer un lait de chaux sur un support d’enduit ayant fait sa prise. SERRAGE – Action de serrer un enduit pour tasser le mortier en vue de fermer la porosité, d’améliorer la finition, et éventuellement de prévenir la fissuration. SILICATE – Corps à base de silice contribuant, par calcination avec les carbonates de calcium, à l’hydraulicité des chaux. STUC – Revêtement d’enduit en aplat ou en relief imitant le marbre, de couleur blanche ou coloré avec des pigments et composé d’un mélange de chaux aérienne et de poudre de marbre. On parle alors de stuc à la chaux. D’autres sortes de stuc sont réalisés à partir de plâtre, de pigments et de colles de peau. TALOCHE – Outil utilisé pour porter le mortier, éventuellement l’appliquer et finir le parement. TERRE NATURELLE – Pigment minéral d’origine naturelle. TUILEAU – Fragment de briques, de tuiles de terre cuite pilées.

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Lexique des équivalences MOTS TECHNIQUES FRANCAIS

ITALIEN

ANGLAIS

ALLEMAND

Adjuvants

Additivi–

Setting time regulators

ESPAGNOL Abbindebeschleuniger

(reguladores (réglant la prise) Regolatori della presa Abbindeverzögerer de fraguado)

accelerators or retarders

Badigeon

Whitewash

Imbiancatura a calce

Tünche

Aditivos

Pintura a la

Cal Brosse à badigeon

Pennello per stendere

Brush

Kluppenpinsel

Brocha de encalar la calce

Malerquast

Calcaire

Calcare–Pietra calcare

Limestone–limerock

Calcinatura

Kalken

Kalkstein

Caliza Chaulage

Liming

Encalado/Enjalbegado

Chaux aérienne Calce aerea Non-hydraulic lime Luftkalk (chaux grasse) (grasselo di calce) (common lime)

Cal aerea (Cal grasa)

Chaux éteinte/ Calce spenta, Hydroxyde de calcium/ Ca(OH)2

Slaked lime calce idrata

Gelöschter Kalk Cal apagada Löschkalk, Kalkhydrat

(cal muerta)

Chaux hydraulique,

Calce idraulica

Blue lias lime

Cal

hidráulica, cal flaca Chaux maigre Chaux vive/

Calce viva

viva/Óxido de cal Oxyde de calcium/CaO Kalk), Ciment

Cemento

Wasserkalk Quick lime

Ungelöschter Kalk

(Ossido di calcio)

Calcium oxide

Cal (Brannt-

Burnt lime

Calciumoxid

Cement

Zement

Cemento

Floating coat

Unterputz– Ausgleichsputz

Fratasado

Oberputz

Capa de

Corps d’enduit– Strato corposo di Dégrossi intonaco Sgrossatura (mano di fondo grossolana) Couche de finition

Hydraulischer Kalk

Strato di finitura Setting coat

acabado Finishing coat Enduit

Intonaco

Plaster coat/ Verputz work coating, rendering plastering

Revoque o estucado

Fresque (A)

Affresco

Fresco

Fresko

Fresco (al)

Key

Spritzbewurf

Enfoscado

Humidify (to)

Anfeuchten, Nässen

Roughtcast

Kellenputz

Revoco a la tirolesa

Kalkmilch

Lechada de cal

Gobetis Humidifier

Inumidire, Bagnare

(humidificar) Jeté (finition) Lait de chaux

Latte di calce

Lime milk

Lisseuse

Lisciatura

Finishing trowel Glättkelle

Llana

Lissé (finition)

Finitura liscia

Smooth finishing Glattputz

Enlucio/Bruñido

Mortier

Malta

Mortar

Mortero

Mörtel

Mojar

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Moulure

Modanatura

Moulding

Gesims

Moldura

Ocre

Ocra

Ochre

Ocker

Ocre

Oxyde

Ossido

Oxide

Oxid

Óxido

Patine

Patina

Patina

Patina

Pátina

Pigment

Pigmento

Pigment

Pigment

Pigmento

Plâtre

Gesso

Gesso

Gips

Yeso

Pouzzolane

Pozzolana

Pozzolanic adj. Puzzolan

Puzolana

Sable

Sabbia

Sand

Sand

Arena

Sec (A)

A secco

Secco

Trocken secco

Seco (en)

Serrage

Compatto indurito

Compacting

Verdichten

Repretado/Fratasado Stuc

Stucco

Stucco, Stuck sculptor’s plaster

Estuco

Taloche

Taloscia

Float

Talocha

Terre naturelle

Terra naturale

Natural pigments

natural (colorante)

(coloranti)

Tuileau

Coccio pesto

Brick dust

Ziegelschrot Ziegelmehl

Tejoleta

Truelle

Cazzuola

Trowel

Kelle

Paleta

Reibebrett

Erdpigment (óxido natural)

Tierra

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Annexes 1

Essai de chronologie

2

Technologie de fabrication de la chaux

3

Propriétés physico-chimiques de la chaux

4

Réglementation

5

Principaux fabricants et distributeurs de chaux aérienne et de chaux hydraulique naturelle

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1

ANNEXE

Essai de chronologie Si la littérature sur l’architecture a transmis les éléments de compréhension de la construction primitive, comme a pu le faire Vitruve, elle est peu abondante sur l’origine des liants, tout comme sur l’industrie des matériaux. L’archéologie devient alors une source utile de renseignements, pour en retracer l’évolution. Deux pistes sont offertes : • l’une concerne la notion de liant, du point de vue de l’histoire des techniques de construction et de leur mise en œuvre. • l’autre tient compte de la préparation des matériaux et plus spécifiquement de leur cuisson, qui relève à proprement parler de leur transformation. L’histoire retrace l’existence de deux liants issus d’une cuisson : le plâtre, matériau le plus ancien, obtenu à partir de gypse cuit et broyé, et la chaux provenant de la calcination de calcaires d’origine diverses, puis de l’extinction du produit acquis. VIe millénaire av. J.-C. L’utilisation d’un liant, provenant de la cuisson d’une roche, est attestée sur le site de Çatal Höyük en Turquie, au sud-est de Konya, occupé dès l’époque néolithique. Des fouilles ont mis à jour des enduits de plâtre conservés sur des parois. Ve millénaire av. J.-C. C’est en Mésopotamie (Asie Mineure), que les premiers témoignages d’ouvrages réalisés avec de la chaux ont été découverts. Les fouilles de la ville d’Uruk (l’actuelle Warka), cité de Gilgamesh, ont permis de dévoiler des édifices à caractère religieux, comme le “Temple blanc”, construits en brique crue et recouverts d’un lait de chaux accompagnant un revêtement de mosaïques. IIIe millénaire av. J.-C. L’Amérique précolombienne a maîtrisé la fabrication de la chaux et son utilisation dans les mortiers, employés comme liant à bâtir. La matière première était obtenue en calcinant les coquillages. Les mortiers précolombiens sont constitués de chaux et de sable. Parfois ils comportaient du gravillon. Le mortier de la Vallée de Mexico, très dur, a longtemps été considéré comme un “ciment”. L’Egypte ancienne, à peu près à la même époque, utilisait de médiocres mortiers de plâtre, pour combler les vides des maçonneries cyclopéennes (tombes et pyramides à degrés, régions de Saqqarah et Abydos). La chaux, sous forme de “blanc de chaux”, était utilisée de son côté comme pigment. 1900-1600 av. J.-C. En Crète, la civilisation minoenne, influencée par l’art oriental, a laissé des fresques et des stucs à base de chaux (Palais de Cnossos). Ces modèles ont été par la suite repris et adaptés par la civilisation mycénienne. 700 av. J.-C.

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La Grèce archaïque a eu recours à la technique des stucs sur les premiers temples en tuf, à Delphes, et sur l’Hécatompédon de l’Acropole d’Athènes. Avant de recevoir une application décorative, ces stucs ont servi à dissimuler les imperfections des maçonneries et à protéger les surfaces de matériaux fragiles (tufs, calcaires coquillés...). 400–300 av. J.-C. Leur emploi sur des matériaux considérés comme pauvres (paroi en argile, mur en moellon) s’est étendu aux ouvrages domestiques. Des enduits de stuc de quelques millimètres d’épaisseur ont été retrouvés dans des maisons d’Olynthe. Composés de chaux ou de plâtre et de poussière de marbre, ils étaient appliqués directement sur les murs d’argile, ou plus fréquemment sur un support constitué par une couche de mortier de chaux, comme à Priène, à Délos et à Thera. 320 av. J.-C. La Grèce hellénistique a largement diffusé l’emploi du plâtre, aussi bien pour les enduits des murs ordinaires que pour la fabrication d’éléments décoratifs intérieurs (moulures et corniches...), réservée à l’architecture civile et funéraire. Les enduits peints et les enduits à bossage se sont généralisés et se sont caractérisés par la richesse des couleurs et la multiplication des motifs (maisons d’Olynthe à panneaux monochromes, décors à relief sur des parois murales à Delos). Toutefois, des mortiers de chaux ont été attestés dans la construction de palais des rois hellénistiques d’Asie Mineure, comme ce fut le cas à Pergame (ancienne ville de Turquie). L’Egypte hellénistique a suivi les méthodes de construction grecques. Des mortiers à base de chaux, des sables associés quelquefois à de la brique pilée ont été utilisés. L’analyse du mortier de la pyramide à degrés de Saqqarah a permis de constater que l’enduit comportait trois couches successives, chacune faite d’un mélange d’argile, de chaux et de sable de quartz. Le mortier de chaux a été employé en Grèce comme liant à bâtir à Délos. Mais les constructeurs grecs ont préféré, dans l’ensemble, réserver leurs liants aux enduits et revêtements. Un soin extrême était apporté au traitement des installations hydrauliques. Citernes, bassins, zones portuaires, bases de murs ont été enduits avec un mélange étanche de chaux, de sable, de pouzzolane (terre de SantorinThera) ou de pierre ponce (bassin de l’Asclépieion à Gortys, citerne d’Epidaure, murs extérieurs à Delos). En règle générale, la chaux ou le gypse ont constitué la base de fabrication des mortiers et enduits antiques. La chaux s’obtenait par la cuisson de toutes sortes de calcaires calcinés dans les fours. Celui de Naples à Epidaure était alimenté par un combustible mixte : noyaux d’olives et coques d’amandes. Selon les matières premières, les qualités variaient : le marbre fournissait une chaux plus blanche et plus pure que celle obtenue par la cuisson du buccin (mollusque). Dès les origines connues, l’emploi des liants est avéré dans la confection des hourdis, enduits et peintures. Les techniques se sont perfectionnées, les utilisations différenciées, avec l’apport de la pouzzolane ou avec l’invention de la maçonnerie concrète. 300 av. J.-C. Les Romains ont su tirer parti des connaissances transmises par les Grecs. En effet, ils ont multiplié les utilisations de la chaux, et amélioré les procédés de fabrication, notamment la cuisson. Les premiers mortiers à base de chaux et de pouzzolane ont été localisés dans deux

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régions, sans doute influencées par les civilisations orientale et grecque : la Campanie et le Latium. Pompéi (Italie) a fourni de nombreux témoignages de constructions, où la chaux entrait dans la composition des mortiers. Tout en continuant à orner leurs maisons de stucs, les Romains ont généralisé l’utilisation de mortiers, avec l’introduction du petit appareil en maçonnerie. Celui-ci va favoriser le développement de vastes constructions et la mise en œuvre de voûtes. Le mortier devient un matériau à part entière, le liant servant “à répartir les pressions comme matière plastique, régularisant entre les pierres la répartition des charges” (Maurice Dumas, Les origines de la civilisation technique, tome I). Le temple de la Magna Mater sur le Palatin puis un peu plus tard, les grands magasins de l’emporium et le port de Rome (Porticus Aemilia) fournissent d’éloquents exemples de ces techniques. La qualité des matériaux, la mise en œuvre soignée, et surtout la connaissance que les maçons avaient du phénomène de carbonatation, ont contribué à créer la légende du mortier romain et à diffuser une renommée, accréditée par les monuments de bonne facture, parvenus jusqu’à nous. Cependant, beaucoup de constructions médiocres ont disparu. L’architecture transmise par les Romains nous apparaît grandiose, de bonne qualité, et suscite notre admiration. Elle se réfère en grande partie à des édifices prestigieux (temples, arcs de triomphe, villas luxueuses), et utilitaires (citernes, aqueducs...) que les siècles n’ont pas réussi à gommer. Or, les réponses fragmentaires apportées par l’archéologie, la destruction d’édifices communs par la simple érosion du temps doit inciter à la prudence et à analyser avec un certain recul, la connaissance et la maîtrise sans faille, accordée aux Romains, qui repose sur la maîtrise de la fabrication d’une chaux de qualité. Les auteurs romains, de Caton à Vitruve, de Pline à Palladius, ont transmis des descriptions précises de la composition des mortiers, de leur fabrication et de leur mise en œuvre. Les mortiers antiques comportent souvent de la brique pilée ou de la pouzzolane. Premiers siècles En Inde, l’emploi des stucs a accompagné le style gréco-bouddhique (nord-ouest de l’Inde et à l’est de l’Afghanistan). Les stucs apparaissent aussi bien en ornementation (décor modelé), que pour la statuaire. Ainsi, les grands “Bouddha” modelés en terre ou en grès (sites de Hadda et de Taxila) étaient recouverts d’une couche de stuc, et peints. Par la suite, la chimie artisanale, très développée en Inde, a provoqué l’expansion des stucs et des “ciments” vajralipa, très durs, obtenus par un mélange de chaux et de résine. Ils ont été utilisés en construction et dans la fabrication d’objets. Au début de l’ère chrétienne Le monde byzantin (capitale Constantinople, l’actuelle Istanbul) maçonnait ses maisons en brique à l’aide de mortiers constitués de chaux, de sable et de brique pilée. La façade des habitations était soit blanchie à la chaux, soit enduite et décorée de peintures polychromes. L’influence romaine se ressent dans les aqueducs, ou dans les citernes dont l’étanchéité était assurée par un corps d’enduit à base de chaux, brique pilée et de fibres d’origine végétale (lin, chanvre...), recouvert d’un enduit de finition. Des constructions prestigieuses ou plus modestes (de Sainte-Sophie de Constantinople aux églises rupestres de la Cappadoce) témoignent encore aujourd’hui de la maîtrise des techniques de stucs, fresques et revêtements divers que possédaient les Byzantins. Le Moyen-Orient, à la même époque, a manifesté un goût prononcé du décor couvrant (enduits stuqués). Le château de l’Enclos de l’Occident (Kasal Hai al-Gharbi), édifié entre Palmyre et Homs (Syrie), a permis la restitution de stucs, actuellement visibles au musée de Damas. Les maçons orientaux connaissaient les mélanges d’argile et de chaux, de sable et de chaux, de brique pilée et de chaux. L’Orient byzantin et l’islam des Sassanides ont imprégné très fortement le premier art musulman. L’habitude du travail du stuc et du plâtre se retrouvera dans l’ornementation des mosquées maçonnées de Syrie.

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Pendant l’Antiquité, les matériaux les plus utilisés pour la fabrication des enduits étaient constitués d’un mélange de chaux, de sable, de pouzzolane, et de brique, la technique des enduits fins étant par ailleurs largement pratiquée. Depuis le Ve siècle La composition des mortiers ne va guère varier durant le Moyen Age, les maçons se sont plutôt attachés à développer des recettes transmises par l’Antiquité. La plupart des mortiers étaient constitués de chaux et de sable, utilisés en maçonnerie de hourdage des murs de petit appareillage. On dispose de peu d’ouvrages traitant des progrès et des recherches durant cette époque, concernant les mortiers de chaux employés en enduit et en hourdage. La littérature disparate recueillie n’autorise pas à conclure que le Moyen Age n’a pas su utiliser et développer les techniques à la chaux. En réalité, il semble qu’un travail très important ait été mené sur les parties intérieures des édifices, par l’utilisation de fresques, de badigeons... Fin du Xe siècle Des progrès techniques et architecturaux ont visé à perfectionner la maçonnerie et les supports pour mieux recevoir les décors peints. Au XIIIe siècle Durant cette période, la qualité des mortiers apparaît meilleure. Un savoir limité des processus thermiques et chimiques, une connaissance partielle de la cuisson de la chaux et des procédés de chauffe, expliquent l’observation des variations qualitatives rencontrées durant quelques siècles. Pourtant, une connaissance empirique des matériaux, leur observation plus fine selon les moments et les lieux, permet une meilleure adaptation aux divers besoins. Au XVe siècle C’est au XVe siècle que Cenino Cennini, peintre et écrivain à la cour de Padoue, a rédigé le “Libro dell’ Arte”, ouvrage de référence, véritable recueil de recettes et de conseils à l’usage de ses contemporains. Il y décrit les techniques d’application de pigments sur les mortiers frais et la mise en œuvre du décor à la fresque. Du XVIe au XVIIIe siècle De la Renaissance au XVIIIe siècle, de grands progrès techniques ont été accomplis. Une bibliographie abondante fait état de nombreux travaux de recherche. La modernisation des fours à chaux a entraîné une meilleure maîtrise des cuissons des calcaires. De cette période date vraiment la connaissance des propriétés de durcissement sous l’eau de chaux issues de la calcination de certains calcaires, ainsi que de celles agissant seulement à l’air et résultant de la cuisson d’autres calcaires. Vers 1560 Philibert Delorme estime que pour maçonner un mur, il est préférable d’utiliser de la chaux fabriquée à partir du même calcaire servant à construire le mur. 1570

Palladio mentionne déjà l’existance de «chaux excellente pour les travaux exposés à l’air ou qui sont dans l’eau». 1749

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Dans un communiqué de l’Académie royale de Suède, M. Brandt s’intéresse au problème de la calcination et de son efficacité. “L’on voit que pour avoir de la bonne chaux, il ne faut soutenir la calcination que le temps nécessaire pour priver la pierre de toute son eau, d’une partie de son acide et de la matière grasse, mais il faut une étude particulière de la nature de chaque pierre, pour bien conduire la calcination.” Aux alentours de 1750 Bélidor soutient qu’il est possible d’améliorer la qualité de la chaux, par une manipulation d’alchimiste, définissant ainsi la propriété “d’esprit de chaux”. Il préconise d’éteindre de la chaux vive avec une quantité d’eau en excès. Puis de récupérer ce surplus d’eau, gorgée “d’esprit de chaux”, pour éteindre une nouvelle quantité de chaux vive. Seule cette chaux, ayant doublé son “esprit de chaux” était utilisée. L’autre était rejetée, car elle avait, selon Bélidor, perdu ses qualités et sa force. 1753 Diderot et d’Alembert établissent dans leur “Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers”, un véritable recensement des produits, techniques d’obtention, transformations et utilisations diverses de la chaux. 1756 Smeaton effectue des recherches expérimentales sur le rôle de l’argile dans l’hydraulicité de certains calcaires. 1766 Fourcroy de Ramecourt présente dans un ouvrage intitulé “l’art du chaufournier”, les procédés de cuisson de la chaux, les avantages ainsi que des descriptions précises des produits obtenus. 1774 Le Sieur Loriot entame une recherche sur les mortiers romains, pour trouver le “secret” de leur imperméabilité à l’eau. Il imagina un mélange de chaux éteinte et de chaux vive à prise très rapide. “Dès lors le Sieur Loriot n’a pas craint d’affirmer que l’intermède de la chaux vive en poudre, dans toutes les sortes de mortiers ou ciments qui se font avec la chaux éteinte était le plus puissant moyen d’obtenir toutes les perfections qu’on y désire. Voilà la clé de la découverte qu’il a annoncée.” 1775 Higgins démontre l’importance de la granulométrie du sable employé dans la composition des mortiers. 1780 Higgins, toujours, conclut que la chaux est meilleure si elle perd beaucoup de gaz acide carbonique par calcination. 1787 Chaptal développe des expériences à partir de pouzzolanes artificielles, rentrant dans la composition des mortiers de chaux. Son but est de permettre la réalisation d’économies sur la construction d’ouvrages hydrauliques, en limitant l’importation de pouzzolanes naturelles. 1791 Larkes découvre de façon accidentelle les propriétés hydrauliques d’un gisement calcaire dans l’Ile de Skeppen, en Angleterre.

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1796 Parker, propriétaire de fours à chaux en Angleterre, trouve le gisement de calcaire dont il forma le mortier connu sous son nom, puis sous celui de “Roman cement” (ciment romain). Ce siècle marque l’enracinement de praticiens, prêts à toutes les formes d’expérimentations, en particulier dans la recherche de l’hydraulicité des mortiers. Le XIXe siècle Dans la continuité du XVIIIe siècle, le XIXe siècle introduit au-delà du savoir-faire empirique, l’analyse scientifique des matériaux et par là même une connaissance poussée de leurs propriétés. De nombreux ouvrages de cette époque l’attestent. 1802 Lesage découvre le «plâtre ciment» (gypse surcuit) et travaille à des recherches relatives au ciment naturel prompt à température de cuisson équivalente. 1809

Sage confirme que l’extinction de la chaux vive a une incidence sur la formation des bétons. Entre 1825 et 1860 Vicat publie de nombreux ouvrages sur la chaux hydraulique artificielle. Il travaille sur les ciments naturels et leurs différentes propriétés à l’écrasement : le poinçonnement, la rupture, la traction et la pression.Toutes ces recherches contribuent à inciter les constructeurs à utiliser de plus en plus de liants hydrauliques, aux fins de réduire les coûts et d’accélerer la prise. 1824 - 1850 A Portland, en Angleterre, est découvert en 1824 le ciment de ce nom. Celui-ci provient de la calcination d’une roche donnant un liant aux propriétés très hydrauliques. Les premières cimenteries françaises apparaissent aux alentours de 1850. La naissance des premiers bétons, le développement de nouvelles techniques de construction et l’essor considérable des moyens de transport (le chemin de fer notamment) favorisent l’expansion des nouveaux liants, réputés plus résistants et à prise plus rapide. Ainsi, la création d’usines de transformation s’établit de façon plus rationnelle, entraînant la disparition progressive des petits fours à chaux.

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ANNEXE

2 Technologie de fabrication de la chaux

AVANT LA CUISSON uL’extraction

Le calcaire est extrait de carrières. Traditionnellement, l’extraction se faisait par des moyens manuels (pics, pioches...). Le four était construit à proximité de la carrière, afin de limiter les transports. D’autres gisements ont été exploités par le passé, et le sont parfois encore de nos jours :

• les matériaux calcaires maritimes (coquillages, coraux). C’est toujours le cas • les matériaux de construction : certains traités rapportent que la destruction

en Inde. d’un grand nombre de

monuments a été opérée par les maçons et les chaufourniers à la recherche de matière première. On a recours actuellement à l’utilisation d’explosifs (tirs de mine) pour faciliter l’extraction de la roche, autrefois manuelle. Les blocs ainsi obtenus sont charriés par des pelles mécaniques et déposés dans des camions de carrière. Ils sont acheminés vers les ateliers de préparation, où débute leur transformation : uLe

concassage, le criblage, le calibrage La première opération consiste à concasser, puis à cribler les blocs, de façon à acquérir un calibre de pierres compatible avec le type de four utilisé. Les fours verticaux requièrent une fourchette de calibre de 20 à 140 mm, contre 5 à 40 mm pour les fours rotatifs.

LA CUISSON OU CALCINATION Aujourd’hui deux types de fours sont employés dans l’industrie française pour la cuisson du calcaire. Le four vertical ou four droit, sur le modèle des fours primitifs, se présente généralement sous la forme d’un cylindre en acier, chemisé intérieurement avec un matériau réfractaire. Conduite d’un four primitif périodique à grande flamme 1. Opération de fumage : mise en température du four pendant 10 à 12 heures ; évacuation progressive de l’eau. 2. Montée en température : cette opération longue (3 jours) consiste à porter le four au rouge ; un point critique est le rebutage, moment où la chaleur peut sortir par le foyer. Les moyens de contrôle du chaufournier sont :

• la fumée de la vapeur • la couleur de la masse de calcaire

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• la perte de poids (45 %) et de volume (10 à 20 %) du calcaire

Four droit à combustible solide L’alimentation en calcaire se fait par le haut du four. Le choix d’un bon calibrage des pierres permet une bonne circulation des flammes et une répartition homogène de la température. La pierre traverse lentement une première zone de préchauffage. Cette opération importante permet l’évaporation de l’eau contenue dans la pierre et évite l’éclatement des blocs, puis elle traverse une seconde zone où elle subit la calcination. C’est une décarbonatation qui a pour effet d’entraîner la perte de gaz carbonique (CO2). Les vapeurs d’eau produites sont évacuées avec les fumées et participent à la bonne décarbonatation du calcaire, du fait de la grande affinité de la vapeur d’eau avec le gaz carbonique. Les pierres de carrière fraîchement extraites sont très humides. Dans le cas de pierres de réemploi, elles sont mouillées avant emploi. La chaux vive ainsi produite continue sa descente vers une troisième zone de refroidissement, avant d’être extraite. L’arrivée d’air frais au bas du four provoque un courant d’air qui parcourt le four en sens inverse et intervient dans les différentes étapes de fabrication de la chaux : refroidissement, combustion du combustible....

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Four droit annulaire à combustible liquide ou gazeux Les perfectionnements de ces dernières années ont contribué à faire du four droit annulaire le plus économique d’un point de vue énergétique. On distingue, en effet, les fours droits anciens, utilisant des combustibles solides (coke métallurgique, charbons...). Ils ont une production assez faible : quelques tonnes à quelques dizaines de tonnes par jour. Les fours droits modernes, quant à eux, utilisent des combustibles tels que le fuel et le gaz. Leur capacité de production, nettement plus importante, est de 150 à 500 tonnes par jour. Le four rotatif possède les caractéristiques de ceux utilisés dans l’industrie cimentière. Pour fabriquer de la chaux, il cuit le matériau entre 1000°C et 1300°C, suivant le type de chaux produite. Le calcaire est introduit par l’un des côtés. Il traverse une zone de préchauffage avant de subir la calcination. La chaux est refroidie avant d’être extraite.

Four rotatif à combustible liquide ou gazeux

Ce type de four consomme plus de combustible que les fours droits. En contrepartie, la production peut atteindre 1000 tonnes par jour. Avantage supplémentaire, la conduite de ce type de four est plus souple (calibrage de pierres plus petit, démarrage rapide...).

L’EXTINCTION L’opération qui permet le passage de la chaux vive à la chaux éteinte se nomme l’extinction ; elle s’accompagne d’une augmentation de volume : le “foisonnement” (elle résulte d’un changement de structure moléculaire et de la formation d’aiguilles d’hydrate de chaux). L’extinction est obtenue par adjonction d’eau et peut s’effectuer selon diverses méthodes. L’extinction spontanée est obtenue en soumettant la chaux vive à l’action lente et continue de l’air. L’humidité présente dans l’atmosphère assure le rôle de l’eau d’extinction. La méthode par arrosage manuel consiste à apporter la juste quantité d’eau nécessaire à l’extinction. La réaction est exothermique (dégagement de chaleur) et engendre des projections dans le cas de blocs de chaux. Certaines particules de chaux vive peuvent être mal éteintes. Pour pallier cet inconvénient, il suffit de stocker la chaux obtenue dans une fosse fermée, où l’air ambiant serait très humide ; les grains de chaux vive restants s’éteindront par fixation de la vapeur d’eau (extinction spontanée). La méthode traditionnelle par immersion comporte le trempage de blocs dans l’eau, puis l’égouttage et enfin le stockage pour laisser se poursuivre l’extinction. Cette opération est exothermique.

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L’incorporation de la chaux doit se faire avec précaution, car la réaction peut entraîner des projections et des bouillonnements. Ces différents procédés fournissent de la chaux en poudre. L’extinction par fusion, dite extinction ordinaire, consiste à mettre la quantité d’eau utile, pour obtenir une bouillie épaisse (chaux en pâte). Cette méthode implique une bonne maîtrise de la quantité d’eau car il faut éviter de brûler (formation de grumeaux) ou de noyer (mauvaise consistance) la chaux. Pour s’assurer du bon degré d’extinction de la chaux, il suffit d’enfoncer un bâton dans le bassin. “Si la chaux qui s’y attache est gluante, l’opération est bonne ; si elle ne s’y attache pas, si elle coule, la chaux est noyée : si une espèce de fumée ou de poudre tient au bâton, la chaux a probablement été brûlée.” Louis BOUCHARD-HUZARD, Traité des constructions rurales et de leur disposition, 1868. “Pour déterminer la quantité d’eau strictement nécessaire, on prendra un fragment de chaux vive que l’on pèsera exactement, et qu’on mettra ensuite dans le fond d’un verre ou tout autre vase ; on versera dessus un volume d’eau quelconque, mais plus que suffisant pour éteindre la chaux ; lorsque l’eau aura produit son effet, la chaux éteinte en bouillie sera au fond du vase et recouverte de l’eau surabondante encore liquide. On décantera cette eau et l’on pèsera la bouillie : on retranchera de son poids celui de la chaux vive et la différence fera connaître la quantité d’eau absorbée par la chaux : c’est exactement la quantité que l’on devra employer pour l’extinction et il sera bien facile de la déterminer en volume, soit par le calcul, soit par une expérience directe.” Valentin BISTON, Manuel théorique et pratique du chaufournier, 1836. La méthode utilisée dans les procédés industriels modernes produit de la chaux éteinte sous forme de poudre. Les granulats de chaux vive sont broyés et passent dans un hydrateur (vis sans fin aspergée d’eau). L’eau introduite permet l’hydratation de la chaux vive, mais elle aide également à l’évacuation de la chaleur dégagée lors de la réaction. Les particules qui n’ont pas réagi (impuretés, surcuits, incuits...) sont éliminées. La chaux éteinte pulvérulente est tamisée, conditionnée en sac ou en vrac. Pour les chaux hydrauliques, l’extinction de la chaux vive s’effectue à une température supérieure à 120°C, afin d’éviter l’hydratation des silicates et des aluminates. On conserve alors les propriétés hydrauliques. Ainsi, le résultat de l’extinction entraîne deux types de chaux éteintes : en poudre et en pâte, Valentin BISTON définit, suivant les différents types de chaux, la meilleure extinction : “Pour les chaux communes, grasses ou moyennes, ainsi que pour les chaux hydrauliques destinées à composer du mortier ordinaire, l’ordre de prééminence des procédés d’extinction : 1° extinction spontanée ; 2° extinction par immersion ; 3° extinction ordinaire. Pour les chaux éminemment hydrauliques, l’ordre de prééminence est : 1° extinction ordinaire ; 2° extinction par immersion ; 3° extinction spontanée.” Cette citation peut être interprétée dans le contexte du début du XIXe siècle, où l’on dispose essentiellement de chaux vive qui peut être de nature hydraulique ou aérienne. En effet, l’utilisateur a une préférence pour les mortiers très onctueux issus des chaux grasses. Lorsqu’il dispose d’une chaux maigre, hydraulique, il compense une moins grande onctuosité par l’utilisation de la chaux sous une forme «en pâte», l’extinction étant réalisée sur le chantier, juste avant sa mise en œuvre.

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LE STOCKAGE Le stockage de la chaux vive s’effectue dès son refroidissement. On place alors les blocs dans des caisses ou tonneaux hermétiquement fermés. Ce moyen permet de garder la chaux vive une année, sans qu’elle perde beaucoup de sa qualité ; l’essentiel étant de la protéger de l’humidité ambiante qui amorcerait ainsi la réaction d’extinction. D’autres procédés peuvent être utilisés dans le cas de stockage important. Vicat, par exemple, préconise le procédé suivant pour la chaux hydraulique : “On commence par en étendre une couche de 0 m 15 à 0 m 20 d’épaisseur, réduite en poudre par immersion sur le sol d’un hangar (ce sol est supposé à l’abri des inondations et de toute humidité). Sur cette couche on empile la chaux vive en la serrant avec une masse en bois, pour diminuer les vides autant que possible : on termine le monceau par des talus assez doux, qu’on recouvre d’un dernier lit de chaux, prise au moment où elle vient de subir l’immersion ; celle-ci tombant en poussière, se loge dans les intervalles de la chaux vive en pierre, et l’enveloppe assez bien pour la défendre du contact de l’air et de toute humidité. Une expérience faite en grand sur soixante mètres cubes de chaux vive a justifié de la bonté du procédé ; la chaux tirée du tas s’échauffait et fusait encore très bien après cinq mois d’un hiver constamment pluvieux.” Le stockage de la chaux éteinte s’effectue désormais soit dans des conteneurs (souples ou métalliques) soit dans des sacs hermétiques.

Suivant le résultat de l’extinction, d’autres moyens de stockage sont possibles:

• l’utilisation de chaux en pâte est idéale pour le stockage de la chaux aérienne (à l’abri sous l’eau, la chaux ne peut fixer le gaz carbonique de l’air). Ce moyen permet également d’améliorer l’extinction de la chaux et l’onctuosité des mortiers ainsi formés.

• en revanche, le stockage de chaux hydraulique éteinte ne peut se faire que sous la forme de poudre.

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ANNEXE

3 Propriétés physico- chimiques de la chaux A) RICHESSE EN CHAUX D’UN LAIT DE CHAUX A 15°C

MESURE DE LA DENSITÉ MESURE DU POIDS D’UN LITRE DE SOLUTION Ca(OH)2/LITRE EN DEGRÉS BAUME EN Gr 1 1007 10 2 1014 22 3 1022 34,5 4 1029 47,5 5 1037 61 6 1045 74 7 1052 86 8 1060 99 9 1067 111 10 1075 124 11 1083 137,5 12 1091 152 13 1100 166 14 1108 181 15 1116 195 16 1125 210 17 1134 224,5 18 1142 239 19 1152 255 20 1162 272 21 1171 288 22 1180 302,5 23 1190 319,5 24 1200 336,5 25 1210 354 26 1220 371 27 1231 389,5 28 1241 408 29 1252 427,5 30 1263 447,5 (d’après LUNGE et BLATTNER)

Gr

b) CLASSES DE RÉSISTANCE Chaque liant est défini par des classes de résistance. Les chaux aériennes en pâte et les chaux aériennes éteintes pour le bâtiment ne possèdent pas de classe de résistance normalisée. Leur résistance à la compression est estimée à 30 bars. Classes de résistance des chaux hydrauliques naturelles (X.H.N.)

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Désignation abrégée du liant Résistance minimale à la compression en bars XHN 30 XHN 60 XHN 100

à 7 jours

à 28 jours

10 30 50

30 60 100

Classe de résistance des ciments Portland composté (C.P.J.) Désignation de la classe

Résistance à la compression en bars (en méga pascal unité courante)

à 2 jours

à 28 jours

Limite inférieure nominale

Limite inférieure nominale

supérieure nominale CPJ 35 CPJ 45 CPJ 55

150 (15) 225 (22,5)

250 (25) 350 (35) 450 (45)

450 (45) 550 (55) 650 (65)

Limite

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4

ANNEXE

Réglementation LE MATERIAU, LES NORMES Les normes fixent uniquement les caractéristiques techniques minimales et maximales des matériaux. Elles s’appuient sur des conditions “test”, parfaitement décrites, permettant de caractériser le matériau par :

• son taux d’impureté • ses éléments constitutifs • sa résistance... Cette normalisation a permis d’obtenir la classification suivante : CAEB :

chaux aérienne éteinte pour le bâtiment

norme NFP

chaux hydraulique naturelle

norme NFP

chaux hydraulique artificielle

norme NFP

15 510 XHN : 15 310 XHA : 15 312 CPJ : ciment portland composé

norme NFP 15 301

CPA :

ciment portland artificiel

norme NFP

15 301 CM : ciment à maçonner

norme NFP 15 307

PGC :

plâtre gros de construction

norme NFP

eau

norme NFP

12 301 H2O : 18 303

LA MISE EN ŒUVRE, LES DTU Les documents techniques unifiés (DTU) déterminent les conditions générales de mise en œuvre de ces matériaux. Le DTU 26.1 inscrit les clauses techniques, relatives “aux enduits, aux mortiers de ciments, de chaux et de mélange plâtre et chaux aérienne”. Il traite : • des objets et domaines d’application, • des matériaux,

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• de l’état et de la préparation des supports, • des prescriptions communes à tous les enduits, • de l’exécution des enduits sur béton, • de l’exécution des enduits sur blocs de bétons cellulaires, • de l’exécution des enduits sur support fibragglos ou fibragglos composites, • de l’exécution des enduits sur supports en treillis métalliques, • de l’exécution des enduits sur les murs de soubassements neufs, • de l’exécution des enduits sur maçonnerie ancienne : montées aux mortiers peu résistants, • d’enduits aux mortiers de plâtre et chaux aérienne, • des caractéristiques des enduits sur supports neufs. Les DTU sont disponibles à la Fédération Nationale du Bâtiment : Union Nationale de la Maçonnerie, S. E. DI. MA., 9, rue la Pérouse, 75784 PARIS Cedex 16

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ANNEXE

5 Principaux fabricants

et distributeurs de chaux

CHAUX AERIENNE (Utilisation pour la construction) AIMOS

Marque commerciale

(importation de chaux aérienne grecque en pâte) Société Commingeoise de Restauration du Patrimoine 3, rue du Caro 31800 ST-GAUDENS Distribution possible suivant la quantité d’approvisionnement sur l’ensemble du territoire français par l’importateur. BATICAL

Marque commerciale

Biat Batical Manufacture de tabac – bâtiment A1 4, place Cigalusa 06300 NICE Distribution sur l’ensemble du territoire français par l’intermédiaire de négociants identifiés. BATIDOL

Marque commerciale

Chaux et dolomies françaises Usine de Neau–B.P. 40 53150 NEAU Distribution sur la région Ouest. BORIES Marque commerciale J. BORIES Labastide–Gabausse 81400 CARMAUX Distribution sur la région Sud-Ouest.

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CALCIA

Marque commerciale

Calcia Les Technodes 78931 GUERVILLE Distribution sur l’ensemble du territoire.

CHAUBAT

Marque commerciale

Carrière et chaux Balthazard et Cotte Usine de Poliènas 38120 TULLINS Les chaux du Périgord 47500 SAUVETERRE-LA-LEMANCE Etablissement Bonargent Goyon 36800 SAINT-GAULTIER Etablissement Lisbonis B.P. 15 13273 MARSEILLE CEDEX 9 Etablissement Delrieu SA Sauveterre La Lema nce 47500 FUMEL Distribution sur l’ensemble de la moitié Sud de la France.

CHAUBOR

Marque commerciale

Chaux de Boran Route de Boran 60460 PRECY-SUR-OISE Distribution sur la région Ile-de-France, Picardie, Nord.

DUGNY

Marque commerciale

Four à chaux de Dugny DUGNY SUR MEUSE 55100 VERDUN Distribution sur la région Est exclusivement par le producteur.

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CHAUX HYDRAULIQUE NATURELLE BOEHM

Marque commerciale

Chaux Michel BOEHM DALHLENHEIM 67310 WASSELONNE Distribution sur la région Alsace–Lorraine par le producteur. Distribution par Calcia sur la région parisienne et la région Champagne Ardennes.

BRUYERES

Marque commerciale

Ets Bruyères et fils Le Bourg 47500 ST FRONT SUR LEMANGE Distribution par le producteur sur les départements limitrophes. CALCIA Marque commerciale Calcia Les Technodes 78931 GUERVILLE Distribution sur l’ensemble du territoire par Calcia. LAFARGE

Marque commerciale

Ciments Lafarge Usine de Cruas Rue Gabriel Péri 07350 CRUAS Distribution sur l’ensemble du territoire. SAINT-ASTIER Marque commerciale Société nouvelle des Chaux et Ciments de St-Astier La Jarthe 24110 SAINT-ASTIER Distribution sur l’ensemble du territoire par le producteur et Calcia.

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SOCLI LACAVE Marque commerciale Socli Société chaux Lacave Izaourt 09160 LACAVE Distribution par le producteur sur la Région Sud-Ouest. WASSELONNE Marque commerciale Chaux et Ciments Reyser et Cie 36, route Hohengoeft 67310 WASSELONNE Distribution sur la région Alsace-Lorraine.