Taux de change : Ni fixe, ni flottant
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DÉVELOPPEMENT

Études du Centre de Développement

Études du Centre de Développement

Taux de change : ni fixe, ni flottant Taux de change : ni fixe, ni flottant parle de crédibilité, et de l’absence de crédibilité. Cet ouvrage traite des questions relatives à l’architecture financière internationale du point de vue des pays en développement, des marchés émergents et des économies en transition. Les autorités monétaires doivent-elles fixer le taux de change de la monnaie nationale ? Doivent-elles au contraire laisser flotter leur monnaie sur le marché du change ? Entre les solutions extrêmes – fixer ou laisser flotter – n’y a-t-il pas de place pour des marges de fluctuation, des paniers de monnaie, des parités ajustables ? Les réponses à ces questions sont bien évidemment primordiales pour les économies concernées mais, compte tenu de la globalisation des marchés financiers, leur portée va bien au-delà.

Les pays en développement, les marchés émergents et les économies en transition, de concert avec les pays de la zone OCDE, doivent faire face aux conséquences d’une conjoncture économique mondiale qui se détériore. Dans ce contexte, les questions de développement qui sous-tendent cet ouvrage acquièrent une importance capitale. Toutes les publications de l'OCDE sont disponibles en ligne

www.SourceOECD.org www.oecd.org

Cet ouvrage est édité sous les auspices du Centre de Développement de l’OCDE. Le Centre est un lieu d’analyse comparative du développement et de dialogue sur les politiques. Son site Internet peut être consulté à : www.oecd.org/dev

DÉVELOPPEMENT

Taux de change : ni fixe, ni flottant

Si l’institution d’un régime purement flottant peut sembler chimérique, même parmi les monnaies dominantes, la mise en place d’un régime à taux fixe n’ouvre pas nécessairement la voie rapide vers la crédibilité. C’est par un processus de développement qui renforce les institutions monétaires, financières et budgétaires qu’une économie obtient cette crédibilité vis-à-vis de l’étranger. Il est vrai que des règles d’ajustement budgétaire (telles que le déficit zéro en Argentine ou le pacte de stabilité et de croissance de l’UE) sont des conditions nécessaires pour qu’un régime de taux de change donné puisse assurer développement et croissance économique. Taux de change : ni fixe ni flottant, présente des propositions argumentées de régimes intermédiaires pour cinq groupes de pays en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

Taux de change : ni fixe, ni flottant

Sous la direction de Jorge Braga de Macedo, Daniel Cohen et Helmut Reisen

ISBN 92-64-29533-X 41 2001 07 2 P

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Études du Centre de Développement

Taux de change : ni fixe, ni flottant Les taux de change dans les marchés émergents, les économies en transition et les pays en développement Sous la direction de Jorge Braga de Macedo, Daniel Cohen et Helmut Reisen

CENTRE DE DÉVELOPPEMENT DE L’ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES

cover_f.fm Page 2 Thursday, August 16, 2001 4:59 PM

ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES En vertu de l’article 1er de la Convention signée le 14 décembre 1960, à Paris, et entrée en vigueur le 30 septembre 1961, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) a pour objectif de promouvoir des politiques visant : – à réaliser la plus forte expansion de l’économie et de l’emploi et une progression du niveau de vie dans les pays Membres, tout en maintenant la stabilité financière, et à contribuer ainsi au développement de l’économie mondiale; – à contribuer à une saine expansion économique dans les pays Membres, ainsi que les pays non membres, en voie de développement économique; – à contribuer à l’expansion du commerce mondial sur une base multilatérale et non discriminatoire conformément aux obligations internationales. Les pays Membres originaires de l’OCDE sont : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et la Turquie. Les pays suivants sont ultérieurement devenus Membres par adhésion aux dates indiquées ci-après : le Japon (28 avril 1964), la Finlande (28 janvier 1969), l’Australie (7 juin 1971), la Nouvelle-Zélande (29 mai 1973), le Mexique (18 mai 1994), la République tchèque (21 décembre 1995), la Hongrie (7 mai 1996), la Pologne (22 novembre 1996), la Corée (12 décembre 1996) et la République slovaque (14 décembre 2000). La Commission des Communautés européennes participe aux travaux de l’OCDE (article 13 de la Convention de l’OCDE). Le Centre de Développement de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques a été créé par décision du Conseil de l’OCDE, en date du 23 octobre 1962, et regroupe vingt-trois des pays Membres de l’OCDE : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Canada, la Corée, le Danemark, la Finlande, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Islande, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, le Mexique, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, la Suède, la Suisse, ainsi que l’Argentine et le Brésil depuis mars 1994, le Chili depuis novembre 1998 et l’Inde depuis février 2001. La Commission des Communautés européennes participe également à la Commission Consultative du Centre. Il a pour objet de rassembler les connaissances et données d’expériences disponibles dans les pays Membres, tant en matière de développement économique qu’en ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre de politiques économiques générales; d’adapter ces connaissances et ces données d’expériences aux besoins concrets des pays et régions en développement et de les mettre à la disposition des pays intéressés, par des moyens appropriés. Le Centre occupe, au sein de l’OCDE, une situation particulière et autonome qui lui assure son indépendance scientifique dans l’exécution de ses tâches. Il bénéficie pleinement, néanmoins, de l’expérience et des connaissances déjà acquises par l’OCDE dans le domaine du développement. LES IDÉES EXPRIMÉES ET LES ARGUMENTS AVANCÉS DANS CETTE PUBLICATION SONT CEUX DES AUTEURS ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT CEUX DE L’OCDE OU DES GOUVERNEMENTS DE SES PAYS MEMBRES. * *

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Also available in English under the title: DON’T FIX, DON’T FLOAT The exchange rate in emerging markets, transition economies and developing countries © OCDE 2001 Les permissions de reproduction partielle à usage non commercial ou destinée à une formation doivent être adressées au Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris, France, tél. (33-1) 44 07 47 70, fax (33-1) 46 34 67 19, pour tous les pays à l’exception des États-Unis. Aux États-Unis, l’autorisation doit être obtenue du Copyright Clearance Center, Service Client, (508)750-8400, 222 Rosewood Drive, Danvers, MA 01923 USA, or CCC Online : www.copyright.com. Toute autre demande d’autorisation de reproduction ou de traduction totale ou partielle de cette publication doit être adressée aux Éditions de l’OCDE, 2, rue André-Pascal, 75775 Paris Cedex 16, France.

Avant–propos

Cette étude a été menée dans le cadre des travaux de recherche du Centre de Développement de l’OCDE sur le système financier mondial, notamment suite à l’atelier sur le thème « Flux de capitaux : quel régime de change pour le développement ? » qui s’est tenu lors de la conférence annuelle des banques sur l’économie du développement, organisée au ministère français de l’Économie, des Finances et de l’Industrie le 26 juin 2000.

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Table des matières

Préface

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Chapitre 1

L’intégration monétaire pour une convergence soutenue : gagner plutôt qu’importer la crédibilité

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Jorge Braga de Macedo, Daniel Cohen et Helmut Reisen .......................... 13

Chapitre 2

Régimes de change intermédiaires pour cinq groupes de pays en développement William H. Branson ...................................................................................... 59

Chapitre 3

Pour un rattachement strict du taux de change dans le meilleur des mondes de la finance mondiale Guillermo A. Calvo ...................................................................................... 85

Chapitre 4

Les taux de change en transition Brigitte Granville ......................................................................................... 93

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Préface

Les autorités monétaires devraient–elles fixer le taux de change de leur monnaie nationale, ou au contraire la laisser flotter sur le marché du change ? Entre les solutions « extrêmes », fixer ou laisser flotter, y a–t–il place pour des marges de fluctuation, des paniers de monnaies et des parités ajustables ? Ces questions ont leur importance pour l’architecture internationale du développement et de la coopération économiques et les réponses, au–delà des frontières nationales, ont des répercussions à l’échelle mondiale. Les effets de chacune de ces options sur le développement national et international ont fait l’objet de discussions depuis le milieu des années 1870, quand l’étalon–or basé sur la livre sterling commença à s’étendre de l’Angleterre vers le reste du monde. Le débat s’est poursuivi lorsque le sterling s’effondra en 1931 et à nouveau à l’occasion de la mise en place du système Bretton Woods basé sur le dollar américain. Au début des années 1970, un taux de change fixe, mais ajustable, a laissé place au flottement entre les monnaies dominantes. Les universitaires, les haut–responsables des banques centrales, les gouvernements nationaux et les organisations internationales, les investisseurs, les analystes et les divers observateurs du marché ont participé côte à côte au débat portant sur la question de savoir s’il est possible de combiner les effets bénéfiques des deux solutions extrêmes, et si oui, comment ? Les questions sur le taux de change sont souvent à l’ordre du jour de l’agenda diplomatique international et sont en première ligne chaque fois qu’éclate une crise financière. Dans les années 90, « le meilleur des mondes de la globalisation financière » (chapitre 3, dans cet ouvrage), commença à s’étendre au–delà des États–Unis, de l’Europe de l’Ouest et du Japon, ainsi qu’il s’était produit auparavant pour l’étalon– or. L’effort conjoint d’un économiste et d’un historien a démontré par exemple, à l’occasion d’une conférence qui s’est récemment tenue en Israël (où le chapitre 2 de cet ouvrage a été présenté pour la première fois), que l’origine des « deux options extrêmes » pouvait se trouver au sein de l’Organisation économique et financière de la Société des Nations. L’Autrichien Gottfried von Haberler y défendait le flottement, tandis que l’Estonien Ragnar Nurske prônait le taux fixe. Ce dernier point de vue, partagé par le Hollandais Jacques Polak, qui dirigea plus tard la section Recherche du Fonds monétaire international, détermina la mise en application du système Bretton Woods pendant plusieurs décennies.

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Dans le débat actuel, Jacob Frankel était favorable au flottement lorsqu’il était Économiste en Chef au FMI et quand il occupa les fonctions de gouverneur de la Banque d’Israël. L’autre solution extrême est celle du rattachement strict du taux de change, obtenu par un système de caisse d’émission, thèse défendue par Guillermo Calvo, qui a quitté le FMI et pris les fonctions d’Économiste en chef à la Banque interaméricaine de développement. Tous deux furent invités à défendre leur point de vue lors d’un atelier de travail organisé par le Centre de Développement de l’OCDE à l’ABCDE Europe 2000. Le titre de cet ouvrage souligne les déficiences respectives des solutions extrêmes — taux fixe, taux flottant — sur le terrain du développement économique. Si l’institution d’un régime purement flottant peut paraître chimérique, même parmi les monnaies dominantes, la mise en place d’un régime à taux fixe n’ouvre pas nécessairement la voie rapide vers la crédibilité. Des règles d’ajustement budgétaire (telles que le déficit zéro en Argentine ou le pacte de stabilité et de croissance de l’UE), sont des conditions nécessaires pour qu’un régime de taux de change donné puisse assurer développement et croissance économiques. Pour citer la formule courageuse du ministre argentin de l’Économie, Domingo Cavallo — une figure récurrente dans ce débat, et un « ancien » remarquable du Centre — la crédibilité à l’étranger s’obtiendra par la croissance des marchés émergents. Dans « L’Argentine doit croître », (“Argentina Must Grow Up”, Financial Times du 26 juillet 2001), il montre comment le processus domestique peut être amélioré par le renforcement des institutions monétaires, financières et budgétaires. ❊ ❊ ❊

Cet ouvrage contribue à répondre à la question « fixes, flottants, ni l’un, ni l’autre », dans un sens qui soutient le processus de construction de la crédibilité pour chaque situation particulière nationale ou internationale. De la célèbre incompatibilité entre des flux de capitaux libres, une politique monétaire indépendante et un taux de change fixe, les quatre chapitres tirent des conséquences politiques relatives aux pays en développement, aux économies émergentes et aux économies en transition. Après avoir examiné l’expérience de la zone franc en Afrique et de la caisse d’émission en Argentine, le chapitre 1 démontre qu’un vaste code de conduite non–écrit est apparu durant les années 80 parmi les pays membres du Système monétaire européen (SME), les autorisant à laisser flotter leur monnaie afin de pouvoir l’ajuster et préparer l’introduction de la monnaie unique. Les bénéfices à tirer d’un régime n’appartenant à aucune des deux solutions extrêmes sont évidents pour les pays adhérents de l’UE (l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, la Grèce), qui ont acquis leur crédibilité à l’extérieur en temps de crise. Mais il est possible d’en tirer une leçon à plus grande échelle : le cadre de contrôle multilatéral qui sous–tend le SME est transposable aux candidats à l’Union européenne, et même à l’Amérique latine, à l’Asie et à l’Afrique.

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Le chapitre 2 s’attache à montrer que certains régimes intermédiaires valent mieux pour les pays en développement que l’un des deux régimes extrêmes. Il présente également, à titre d’exemple, des facteurs de pondération pour le rattachement à un panier de monnaies donné, pour cinq groupes de pays potentiels. Les facteurs de pondération pour le dollar, l’euro et le yen seraient équivalents pour neuf pays de l’Asie de l’Est (en gros, les pays de l’ANSEA plus la Chine et la Corée du Sud), et pour quatre pays de la côte Pacifique de l’Amérique latine. Le dollar et l’euro obtiendraient la même pondération sur la côte atlantique de l’Amérique latine. En Afrique de l’Ouest, la part de l’euro serait deux fois celle du dollar, tandis que l’Afrique de l’Est se rattacherait prudemment à l’euro. L’objectif principal du régime de taux de change proposé est de stabiliser le taux de change effectif réel par rapport à un panier de monnaies, se traduisant par une marge de fluctuation pour le taux nominal. Cette forme de contrôle pourrait être utilisée par des groupes de pays aux conformations commerciales similaires et usant d’un panier de monnaies commun. Ce raisonnement est compatible avec l’expérience européenne dans la mesure où des arrangements communs dispersent la pression spéculative au lieu de la concentrer sur un seul pays à la fois. Le chapitre 3 montre qu’un rattachement strict est un cas particulier de ciblage du taux d’inflation, où l’autorité monétaire s’efforce d’atteindre un taux de change prédéterminé pour un panier de biens et services. Pour autant que le change ne soit pas le seul bien compris dans le panier, le ciblage du taux d’inflation sera compatible avec un taux de change flottant (ainsi que cela se pratique pour deux monnaies de l’Union européenne hors–euro). Étant donné que la crédibilité liée au ciblage du taux d’inflation est plus difficile à obtenir dans un pays en développement qu’au Royaume– Uni ou en Suède, la flexibilité par rapport au rattachement strict pourrait ne pas être d’une grande utilité dans « le meilleur des mondes de la globalisation financière ». Le chapitre 4 se concentre sur la transition. Tandis que l’interprétation de la crise du SME y diffère de celle du chapitre 1 et 2, il convient que la plupart des régimes de taux de change en vigueur dans les pays en transition, quelle que soit leur classification théorique, ne sont en réalité « ni fixes, ni flottants ». Les six auteurs s’accordent sur le fait qu’une politique budgétaire insoutenable joue en défaveur de la crédibilité à long terme. Cette « incrimination » va bien plus loin que le débat doctrinal discutant de la validité des taux fixes, flottants ou intermédiaires. Dans le discours du programme actuel de travail du Centre de Développement de l’OCDE, une meilleure gouvernance politique et davantage de concertation sont requis pour donner aux populations les moyens de faire face au défi de la globalisation. ❊ ❊ ❊

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François Bourguignon, de DELTA et de la Banque mondiale à Paris, nous a demandé d’organiser un atelier de travail sur les régimes de taux de change pour les pays en développement lors de l’ABCDE Europe 2000. Nous avons invité Guillermo Calvo, Jacob Frankel et Brigitte Granville à présenter leurs études et à les soumettre à l’opinion de Daniel Cohen et Helmut Reisen, collègues du Centre de Développement. Entre temps, l’ancien Gouverneur de la Banque d’Israël, maintenant à Merryl Lynch, a dû se désister. Cependant, William Branson, de Princeton, qui a rendu visite au Centre de Développement une ou deux fois durant le premier semestre 2001, a rédigé pour cet ouvrage une étude sur les systèmes intermédiaires de taux de change dans les pays en développement. D’autres contributions, produites dans le cadre de nos programmes de travail passés et actuels (comme celle de Martin Grandes, Document technique du Centre de Développement No. 177, juin 2001), ont été utilisées dans le chapitre 1. Ce chapitre vient essentiellement étayer les commentaires de ceux qui ont participé au débat et notre propre synthèse, s’inspirant des expériences nationales exposées durant l’atelier de travail, depuis celle des Balkans jusqu’à celle du Pakistan (voir la note 40, p. 30, du Document technique du Centre de Développement, No. 162, juin 2001). Nous remercions tous ces auteurs qui ont rendu cette publication possible. ❊ ❊ ❊

Un an après l’ABCDE Europe 2000, les pays en développement, les économies émergentes et les économies en transition, de concert avec les pays de l’OCDE, doivent faire face aux conséquences d’une conjoncture économique mondiale qui se détériore. Dans ce contexte, l’accent mis sur les questions du développement dans cet ouvrage est d’une importance particulière. Nous avons présenté des parties du chapitre 1 à l’occasion de plusieurs réunions, notamment à l’invitation de la Banque centrale d’Argentine à Buenos Aires, de l’Association européenne pour les Études économiques comparées à Barcelone, du Centre de recherche en politiques économiques (CEPR) à Londres, et du Bureau national de recherches économiques (NBER) à Cambridge, Mass. D’utiles commentaires nous ont été fournis de la part d’autres participants au panel de discussion sur la dollarisation qui clôtura le dernier Séminaire interaméricain sur l’économie ; il est vrai que l’affirmation selon laquelle le code de conduite du SME est transposable au Cône Sud ou à l’Asie de l’Est a été accueillie avec scepticisme.

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Malgré cela, le Congrès argentin a mis en pratique les propositions de basculer vers un rattachement à un panier de monnaies incluant l’euro, proposition émise par Domingo Cavallo à l’occasion de la remise de son titre de Docteur honoris causa à Paris, il y a deux ans. Espérons qu’il s’agira là d’un autre exemple où la construction d’une crédibilité à long terme pour le développement et la croissance économiques se réalisera sans passer par l’un des régimes extrêmes de taux de change. En d’autres termes : « ni fixe, ni flottant ». Jorge Braga de Macedo Président Centre de Développement de l’OCDE Août 2001

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Chapitre 1

L’intégration monétaire pour une convergence soutenue : gagner plutôt qu’importer la crédibilité Jorge Braga de Macedo, Daniel Cohen et Helmut Reisen*

Introduction L’identification et la mise en œuvre d’un régime de change approprié donnent actuellement lieu à des débats enflammés et à des recherches dans l’urgence. Des crises financières violentes et contagieuses n’ont cessé de frapper différents pays émergents au cours de la dernière décennie, le dernier exemple en date étant celui de la Turquie, l’un des membres fondateurs de l’OCDE. La récurrence des crises a redéfini les choix et les compromis dans un contexte d’intense mobilité des capitaux. Les « solutions extrêmes », qu’il s’agisse du passage à un régime de flottement pur ou à une parité fixe comme la dollarisation ou les caisses d’émission, sont actuellement en vogue, dans les recommandations sinon dans la pratique. De plus, l’introduction de l’euro a provoqué une période de plus fortes fluctuations entre les monnaies dominantes — dollar, euro et yen — menaçant de déstabiliser les taux de change pondérés par le commerce extérieur dans de nombreux pays dotés de plusieurs marchés d’exportation différents. D’où la quête d’une intégration monétaire régionale pour gagner de la crédibilité sur les marchés financiers mondiaux et, de ce fait, promouvoir une convergence soutenue des niveaux de vie. Nous concédons que le flottement pur est rarement pratiqué par les marchés émergents, et ce pour de bonnes raisons. L’histoire ancienne et récente met en garde contre les parités fixes ou la mise en œuvre de programmes d’intégration monétaire en l’absence d’une série suffisante de prérequis institutionnels constitués en amont. Cette expérience sera mise en évidence dans le présent document. Nous nous fonderons sur l’expérience de la zone CFA et sur la caisse d’émission argentine pour avancer que les solutions extrêmes ne sont pas une panacée. *

Les auteurs sont respectivement Président, Conseiller spécial et Chef de Division du Centre de Développement de l’OCDE

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Un flottement « lâche » peut–il s’avérer financièrement « correct » ? Il y a beaucoup à apprendre du Système monétaire européen (SME), en particulier de son passé récent, après la crise de 1992. La parité centrale avec de larges bandes de fluctuation semble avoir raisonnablement bien fonctionné compte tenu des grandes incertitudes concernant la constitution de l’Union économique et monétaire (UEM). Pour résoudre le casse–tête « ni fixe, ni flottant », il faut comprendre qu’il peut falloir flotter pour fixer. Une sorte de « qui aime bien, châtie bien » financier, en somme (Braga de Macedo, 2000). Dans la pratique, le fonctionnement du SME a fait ressortir un code de conduite en majeure partie non écrit au travers du Mécanisme de change européen (MCE). Celui–ci a transformé ce qui était essentiellement un accord entre les banques centrales en un instrument de discipline budgétaire, puis en un vecteur de convergence pour l’Irlande, l’Espagne et le Portugal vers les critères fixés par le Traité de l’Union de 1992. Acquérir une bonne réputation financière était une condition préalable essentielle pour que les pays dits « de la cohésion » se mettent à niveau avec la moyenne de l’UE (voir, par exemple, Reisen, 1993a ; Braga de Macedo, 1996). Les mécanismes de coordination entre les autorités monétaires et budgétaires comme ceux de l’Union européenne (EU) ont été la meilleure mesure pour contrer les menaces de contagion des crises nationales. En effet, le système international actuel nécessite des mesures régionales et mondiales plus efficaces pour adapter les méthodes de l’UE dans des cas comme ceux de l’Accord de libre–échange d’Europe centrale (ALEEC), de l’Association des nations de l’Asie du Sud–Est (ANASE) et du Marché commun des pays du Cône Sud (Mercosur dans la suite de cet ouvrage). L’évolution des accords de swaps entre l’ANASE, la Chine, le Japon et la Corée vers des consultations macro–économiques plus systématiques et la création d’un « groupe de contrôle macro–économique » au sein du Mercosur sont des exemples spécifiques présentés in Braga de Macedo (2000). Le Financial Times du 7 mars 2001 passe ces accords en revue sous le titre « Aspirer à la stabilité favorise l’apparition d’une harmonie régionale ». Le code de conduite du MCE reflète une mesure de gouvernance particulière contre la pression de la mondialisation qui affectait l’économie européenne. En ce qui concerne les économies africaines, qui en sont à la toute première étape de leur effort institutionnel, ce pourrait être une voie plus sûre vers la stabilité monétaire qu’un passage en une seule fois à la pleine intégration monétaire. L’adoption d’un Cadre de surveillance multilatérale régional venant compléter la surveillance mondiale du FMI peut favoriser le type de « pression des pairs » aujourd’hui associé au code de conduite du MCE. Tout comme les marchés émergents évoluant vers plus d’intégration, les pays africains tireront des enseignements utiles du fonctionnement pratique du SME. Les leçons durement acquises dans les pays de la zone CFA mettent en évidence l’importance d’une monnaie d’arrimage appropriée. Ce document traitera d’abord des solutions dites « extrêmes » comme les caisses d’émission ou la dollarisation ; il présentera le contexte historique et un bref exposé des contributions récentes à la littérature politique ; il traitera l’expérience de la zone CFA et expliquera pourquoi la dévaluation de 1994 était inévitable en raison de l’appréciation du taux de change effectif réel ; il expliquera de la même façon pourquoi l’Argentine ne pouvait pas gérer le désalignement de son taux de change réel. 14

Nous tenterons ensuite de montrer pourquoi une transition au cours de laquelle un pays « gagne » sa crédibilité est une condition préalable cruciale à tout accord de taux de change fixe. Nous passerons en revue l’expérience du SME en insistant sur la transposabilité du Cadre de surveillance multilatérale qui a résulté du code de conduite du MCE, et tirerons les enseignements du choix d’un régime de change dans les marchés émergents et pour l’architecture financière internationale. En conclusion générale, nous interpréterons la charade « ni fixe, ni flottant », choisie pour titre de cet ouvrage, comme une apologie des régimes intermédiaires aptes à gagner une crédibilité à l’étranger par le biais de la pression des pairs.

SOLUTIONS

EXTRÊMES

: THÉORIE

ET PRATIQUE

Contexte théorique L’impossible trinité L’adoption du régime de change approprié est devenue un thème brûlant de l’actualité. Considérons les trois importantes déclarations suivantes : « …le choix d’un régime de change approprié qui, pour les économies ayant accès aux marchés de capitaux internationaux, signifie de plus en plus un éloignement de la voie médiane des parités fixes mais ajustables vers des régimes extrêmes de taux flexibles ou de taux fixes soutenus, le cas échéant, par la volonté de renoncer à l’indépendance de sa politique monétaire » (Summers, 2000). « Je soutiens que les partisans de ce que l’on appelle désormais le point de vue bipolaire — dont je fais partie — ont probablement grossi le trait pour obtenir un effet dramatique. La bonne formulation serait de dire que, pour les pays ouverts aux flux financiers internationaux : i) la parité fixe n’est pas durable à moins d’être très rigide, mais ii) qu’une vaste gamme d’accords flexibles est possible. » (Fischer, 2001). « Les pays cherchant à la fois à maintenir la flexibilité et à éviter une volatilité excessive des taux de change devraient envisager des régimes intermédiaires comme les accords de bandes de fluctuation » (Troisième réunion des ministres des Finances Asie–Europe, déclaration du président, 2001). Juste après la crise asiatique, il était courant de penser que les régimes intermédiaires (bandes de fluctuation, paniers de monnaies ou parités ajustables) n’étaient pas durables dans un environnement d’intense mobilité des capitaux. Peu d’efforts furent consacrés à la restauration de l’option intermédiaire (mais voir Williamson, 2000). Il fut conseillé aux pays, par le ministre des Finances américain, par exemple, d’adopter des solutions extrêmes, stricte fixité ou flottement libre. Comme l’a souligné Fischer (2001), depuis 1994 chaque grande crise internationale liée aux marchés financiers a évolué d’une façon ou d’une autre vers un régime de change fixe. Au début de 2001, la Turquie est venue allonger la liste des victimes de l’échec d’un arrimage fixe. Mais le conseil du ministre des Finances traduisait également le désir de maintenir ouverts les marchés de capitaux, comme l’indique la figure 1.1. 15

La logique sous–tendant la proposition en faveur des solutions extrêmes est l’impossible trinité (voir Frankel, 1999). Impossible trinité, parce qu’un pays doit renoncer à l’un des trois objectifs suivants : stabilité du taux de change, indépendance monétaire (utile pour gérer les récessions économiques) ou l’intégration au marché financier. Il ne peut y avoir les trois en même temps. Un pays ne peut atteindre simultanément que deux de ces trois objectifs : —

l’absence d’intégration financière permet la recherche simultanée de la stabilité du taux de change et de l’indépendance monétaire ;



la parité fixe (dollarisation, union monétaire) permet de combiner intégration et stabilité du taux de change ;



le flottement total permet l’intégration et l’indépendance monétaire.

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Ces compromis peuvent sembler être un « embarras de richesse ». Ne sont pas concernés les nombreux pays pauvres en développement qui ne sont pas encore dans la ligne de mire des investisseurs étrangers et dont les résidents nationaux placent leur argent à l’étranger. Mais cela coûte cher en apports étrangers perdus, qu’une étude récente du Centre de Développement a révélé être particulièrement importants sur le plan des investissements directs et en valeurs de portefeuille (Reisen et Soto, 2001). C’est pourquoi le présent document n’examinera pas seulement les marchés émergents, mais également ceux des pays les moins développés qui veulent échapper à ce sort en acquérant une réputation financière et entrer ainsi dans la ligne de mire des investisseurs étrangers. Solutions extrêmes Ainsi que l’affirme Guillermo Calvo, à juste titre, dans le chapitre 3 de cet ouvrage, la « peur du flottement » est très répandue dans les marchés émergents. Dans un pays typiquement émergent, le gouvernement ne peut guère tolérer une surévaluation ou une sous–évaluation massive de sa monnaie. Calvo explique la peur du flottement par la transmission de l’inflation et ses effets dévastateurs sur les bilans. Nous ajoutons à cette liste les effets perturbateurs, pour la croissance, de périodes de désalignement prolongées (comme en Nouvelle–Zélande dans les années 80), qui menacent les stratégies de croissance fondées sur la diversification des exportations de cultures traditionnelles au profit d’industries non traditionnelles (voir, par exemple, Joumard et Reisen, 1992). La parité fixe est une meilleure solution pour les économies ouvertes, sous réserve de certaines conditions préalables institutionnelles et de régulation, et selon leur degré d’endogénéité par rapport au régime de change (Eichengreen, 2000). Ces conditions peuvent être résumées de la façon suivante : —

le système bancaire doit être renforcé de telle sorte que la capacité plus limitée de la banque centrale à fournir des services de prêteur en dernier ressort n’expose pas le pays à l’instabilité financière ;



la situation budgétaire doit être forte pour que l’incapacité de la banque centrale à absorber une nouvelle dette publique n’aboutisse pas à une crise de financement ;



des lignes de crédit commerciales et intergouvernementales doivent avoir été négociées pour garantir la liquidité en cas de crise de confiance de la part des investisseurs ;



le marché du travail doit être rendu flexible de façon à absorber les chocs asymétriques sans augmenter le niveau de non–développement ou de sous– développement ;



les structures économiques réelles doivent être alignées de façon à ce que les conditions cycliques et monétaires coïncident avec celles du partenaire d’ancrage.

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Ces nombreuses conditions ne sont pas faciles à remplir. Afin de comprendre pourquoi il ne faut pas partir du principe qu’elles le seront (de façon quelque peu endogène), nous examinerons ce que nous considérons comme deux cas incitant à la prudence : l’expérience de la zone CFA et la caisse d’émission d’Argentine. Outre ce que nous verrons plus loin concernant l’expérience du SME en la matière, le chapitre 2 de William Branson traite de l’entrée de la livre sterling dans le SME et des conditions monétaires requises pour l’entrée dans l’UE des pays candidats à l’adhésion. Le chapitre 4 de Brigitte Granville traite des questions plus vastes de régimes de change dans les pays en transition. Bénassy–Quéré et Cœuré (2000) ont récemment mis l’accent sur la dimension régionale du débat sur les solutions extrêmes. Ils invoquent que le flottement pur et la parité fixe rendent tous deux plus difficile une future coopération régionale. Ce point est important dans un monde de blocs commerciaux régionaux cherchant des moyens d’intensifier la coopération. De façon inhérente, le flottement est un régime instable pour les pays se faisant concurrence sur les marchés mondiaux pour une gamme similaire de produits et, par conséquent, incite à une dévaluation concurrentielle protectionniste. Le flottement induit des stratégies non coopératives, en particulier lorsque les voisins en concurrence sont confrontés à un choc commun. Les parités fixes sont rigides parce qu’il est très difficile d’en changer et qu’il n’existe pas de stratégie de sortie. Elles ne conviennent donc qu’aux pays souhaitant rejoindre une union monétaire avec la monnaie d’arrimage, et ce, dans un avenir pas trop lointain (c’est le cas de plusieurs pays d’Europe centrale). D’un autre côté, la perspective de rejoindre ou de créer une union monétaire peut renforcer entre temps la robustesse des régimes intermédiaires. Avec l’accroissement de l’intégration financière, les marchés émergents peuvent donc choisir de renoncer à une part de stabilité du change et à une part d’autonomie monétaire. Entre les extrêmes, le choix de régimes monétaires est ample, bien que la plupart impliquent une certaine politique de ciblage de l’inflation. Edwards (2000) énumère la gamme de régimes : 1) flottement libre (le taux de change étant déterminé par le seul marché) ; 2) flottement avec « règle de rétroaction » (intervention indirecte qui ne modifie pas les réserves) ; 3) flottement contrôlé (avec une intervention modifiant les réserves de devises étrangères) ; 4) zone–cible (flottement à l’intérieur d’une bande de fluctuation, la parité centrale étant fixe) ; 5) bande glissante (avec une parité centrale ajustable) ; 6) bande à crémaillère (au–dessous ou au–dessus de la parité centrale) ; 7) parité à crémaillère (parité ajustable passive ou active) ; 8) parité fixe mais ajustable ; 9) caisse d’émission ; 10) adoption de la monnaie d’un autre pays. Fischer (2001) exclut les parités fixes mais ajustables et les systèmes de change à bande étroite comme étant non viables dans les pays ouverts aux entrées de capitaux internationaux. Grâce à sa discipline budgétaire, l’Asie du Sud–Est a réussi pendant une certaine période (1978–96) à concilier taux de change stables, inflation faible et flux de capitaux massifs sans recourir à des contrôles des opérations en capital. En l’absence de marchés financiers développés, les banques centrales d’Asie du Sud–Est ont étendu les instruments de stérilisation du marché ouvert courants dans les pays industrialisés en utilisant les institutions publiques telles que le fonds de sécurité sociale, les banques

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nationales et les entreprises publiques comme instruments monétaires (Reisen, 1993b). Or, à partir du milieu des années 90, le régime a cessé de maintenir la stabilité du taux de change effectif réel et, petit à petit, s’est rattaché au dollar, comme l’ont démontré Bénassy–Quéré et Cœuré (2000). En outre, des zones–cibles de taille modérée et soumises à de faibles interventions intramarginales ont connu un certain succès au Chili, en Colombie et en Israël au début des années 90 (Williamson, 1996), en dépit d’un important niveau d’ouverture financière dans ces pays : leurs bandes de fluctuation à crémaillère contribuaient à réaliser le compromis entre les objectifs conflictuels de réduction de l’inflation et de maintien de la croissance des exportations. Le fait que toutes aient été abandonnées mérite une explication. Une logique théorique possible est la complexité des paniers de monnaies avec bandes, qui entrave leur vérifiabilité mais est toutefois nécessaire pour la crédibilité (Frankel et al., 2000). Selon nous, dès lors que l’efficacité du Cadre de surveillance multilatérale est vérifiable, la tolérance sera plus grande envers les régimes intermédiaires : l’argument selon lequel ils sont « trop compliqués pour les locaux et pour Wall Street » ne prévaut donc pas.

L’expérience de la zone CFA Un arrimage de longue date sur le franc Même lorsqu’elles survivent, les unions monétaires peuvent être néfastes pour la croissance si le taux de change effectif (pondéré par le commerce extérieur) se désaligne, ce qui peut se produire dans l’Amérique latine dollarisée comme cela s’est produit dans la zone CFA en Afrique, ancrée au franc depuis 1949. Lorsque, au milieu des années 80, le franc français a commencé à s’apprécier par rapport au dollar mais que, parallèlement, une chute prolongée des prix des produits de base a réduit les échanges commerciaux de la zone CFA, les pays de la zone ont enregistré une croissance faible par rapport au reste de l’Afrique, des déficits courants accrus et une augmentation de leur dette extérieure. Les mesures d’ajustement n’ont pas réussi à rectifier les déséquilibres et 1994 a marqué la fin du plus long ancrage de l’histoire : une dévaluation de 50 pour cent du franc CFA vis–à–vis du franc français. Le tableau 1.1 résume de façon très précise ce qui s’est produit jusqu’à la dévaluation massive de janvier 1994 et ensuite. Pendant la décennie 1975–85, les pays de la zone CFA ont connu une croissance supérieure de 3 pour cent à celle de leurs homologues non CFA. Cette réussite s’est accompagnée d’une inflation (légèrement) plus faible et d’un déficit des opérations courantes plus élevé. Cela s’est produit à une époque où les échanges commerciaux étaient extrêmement favorables. Puis est arrivée une période difficile : en 1986–93, la croissance était de 3 pour cent inférieure dans les pays de la zone CFA, ce qui a réduit à néant tous les bénéfices des années précédentes. L’absence d’inflation dans ces pays prouve la pression déflationniste du niveau des prix, qui devait être résolue par la

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Tableau 1.1. Indices de performance du CFA avant la dévaluation 1975-85

1986-93

Croissance (par hab., en %) CFA Non-CFA

1.7 -1.3

-3.1 -0.1

Inflation (en %) CFA Non-CFA

11.8 17.8

1.0 53.5

Solde budgétaire (% du PIB) CFA Non-CFA

-5.0 -6.1

-7.2 -5.1

Balance des paiements courants (%du PIB) CFA Non-CFA

-6.5 -1.9

-5.0 -0.9

Source :

FMI (1998a).

dévaluation. Les bonnes années avaient créé une sur–évaluation de la monnaie, qui est devenue insoutenable lorsque le dollar a chuté par rapport au franc. Même si les déséquilibres budgétaires étaient nettement plus importants comparés à ceux des pays non–CFA, il est difficile d’envisager qu’ils aient pu constituer le facteur critique. Au vu de ce très rapide aperçu de l’histoire de la CFA, on peut honnêtement affirmer qu’un régime de change fixé de façon irrévocable est un pari dangereux ; il nécessite un carcan budgétaire crédible, ce qui n’est pas facile à mettre en place. Pourtant, même lorsque la question budgétaire ne semble pas être le problème critique, une économie émergente typique demeure trop volatile pour fixer son taux de change à un niveau donné. Les monnaies africaines devraient–elles s’ancrer à l’euro ? Structure des échanges commerciaux Malgré les difficultés des pays de la zone CFA pour profiter des avantages de leur intégration au franc, que pourrait–on faire d’autre qu’arrimer les monnaies africaines à l’euro ou, éventuellement, au dollar ? Le tableau 1.2 (de Cohen et al., 1999) montre la diversité des régimes de change en Afrique. Il serait indiqué de les unifier en un accord monétaire, euroisation ou dollarisation. Cela favoriserait, espérons– le, le commerce intra–africain et réduirait la volatilité inhérente à tous ces accords au coup par coup.

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Tableau 1.2. Régimes de taux de change, 31 décembre 1997 (ou après) Pays

Afrique occidentale et centrale Zone CFA

Régime de taux de change

Euro (anciennement rattaché au franc français)

Ancrage fixe

Gambie Ghana Guinée Liberia Mauritanie Nigeria Sierra Leone East and Southern Africa Angola

Ancrage fixe

Botswana

Ancrage fixe

Burundi

Ancrage fixe

Congo (Rép. Dém.) Érythrée Éthiopie Kenya

Flottement libre Flottement libre Flottement contrôlé Flottement contrôlé

Lesotho Madagascar Malawi

Ancrage fixe Flottement libre Flottement contrôlé

Maurice Mozambique Namibie

Flottement contrôlé Flottement libre Ancrage fixe

Rwanda Somalie

Flottement libre Flottement libre

Afrique du Sud

Flottement libre

Soudan Tanzanie Ouganda

Flottement contrôlé Flottement libre Flottement libre

Zambie

Flottement libre

Zimbabwe

Flottement libre

Source :

Panier ou zone cible ; remarques

Flottement libre Flottement libre Flottement libre Flottement libre Flottement contrôlé Flottement contrôlé Flottement libre

Rattaché au dollar américain Structure à double taux de change Rattaché au dollar américain

Rattaché au dollar américain depuis le 1 juillet 1996 Panier de monnaies pondérées des partenaires commerciaux de la Région et DTS Panier de monnaies des principaux partenaires commerciaux

Le dollar américain est la principale monnaie d’intervention Rand sud-africain Taux de change contrôlé de manière flexible, les interventions se limitant à réduire les fluctuations du taux de change, en tenant compte des niveaux de réserves

Rattaché au rand sud-africain

Structure à double taux de change. Le taux officiel s’applique aux biens et services et au service de la dette du gouvernement. Le dollar américain est la principale monnaie d’intervention. La valeur externe est déterminée par le marché interbancaire

FMI (1998b) et Cohen et al. (1999).

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La valeur externe est déterminée par le marché interbancaire Structure à taux de change multiples. Taux officiel déterminé par le marché Valeur externe déterminée par le marché. Le dollar américain est la monnaie d’intervention

Tableau 1.3. Destination des exportations des pays d’Afrique subsaharienne, 1997 (en pourcentage) Pays

Pays en développement d’Asie

Autres

12.6 30.8 8.4 10.0 1.4 25.4 1.6 1.0 17.6 6.7 1.6 10.7 1.3 8.5 10.9 8.8 10.5 36.6 4.0 9.7 22.1

27.3 23.2 12.4 3.5 29.4 4.7 11.0 31.2 4.4 8.5 82.2 26.6 7.3 44.1 1.8 7.8 11.1 27.8 0.7 24.3 4.8

39.6 12.7 4.7 38.2 8.8 10.6 3.4 2.3 11.6 36.6 0.9 0.3 43.0 13.4 2.8 7.5 10.1 19.3 16.7 16.3 29.7

4.9 0.1 .. 0.0 3.7 .. 11.2 0.8 .. 5.8 4.5 0.6 8.0 .. 0.7 0.0 0.0 4.2 7.5 10.7 6.7

13.8 1.5 .. 2.7 10.2 .. 5.8 40.5 .. 8.0 25.1 5.7 25.1 .. 2.2 4.8 1.6 2.4 16.9 20.8 37.7

11.7 15.4 .. 0.7 3.4 .. 2.5 9.8 .. 3.8 6.3 1.8 12.0 .. 3.3 8.0 2.1 11.6 28.4 28.9 8.9

35.2 3.5 .. 46.9 1.7 .. 17.7 11.4 .. 3.7 24.4 3.6 7.4 .. 15.9 17.4 83.0 44.1 10.5 12.1 9.6

3.3

13.3

11.6

20.2

UE

États-Unis

Japon

16.9 30.7 73.0 47.5 36.2 52.4 12.7 86.1 49.4 39.0 14.4 37.1 48.0 31.5 59.9 46.0 29.0 15.8 69.7 45.2 14.7

3.2 0.5 0.7 0.5 23.8 6.7 68.0 1.6 8.4 12.4 0.1 10.3 0.4 1.4 0.1 29.8 38.1 0.2 8.0 2.8 2.4

0.6 2.1 0.7 0.3 0.4 0.3 3.2 4.7 4.4 0.4 0.8 15.0 0.0 1.0 24.5 0.2 1.1 0.3 0.9 1.6 0.0

Afrique du Sud Angola Botswana Burundi Congo (Rép. Dém.) Érythrée Éthiopie Kenya Lesotho Madagascar Malawi Maurice Mozambique Namibie Ouganda Rwanda Somalie Soudan Tanzanie Zambie Zimbabwe

28.8 14.6 .. 48.8 59.5 .. 50.8 34.5 .. 69.1 27.9 74.0 35.5 .. 71.9 66.1 13.3 35.3 33.1 23.1 31.8

5.5 64.9 .. 0.9 21.4 .. 12.0 3.0 .. 9.6 11.8 14.3 12.0 .. 6.0 3.6 0.1 2.3 3.6 4.4 5.2

Afrique subsaharienne

33.5

18.1

Pays en développement d’Afrique

Afrique occidentale et centrale Bénin Burkina Faso Cameroun Centrafrique Congo (Rép.) Côte d’Ivoire Gabon Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Guinée équatoriale Liberia Mali Mauritanie Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Tchad Togo Afrique orientale et du Sud

Source :

FMI, Direction des bases de données commerciales et Cohen et al. (1999).

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On peut avancer en faveur d’une euroisation que 43 pour cent des importations de marchandises vers l’Afrique subsaharienne proviennent de l’Union européenne, et que les pays membres de l’UE reçoivent 24 pour cent des exportations de marchandises en provenance de l’Afrique subsaharienne. Pour les pays de la zone CFA, cette part est encore plus importante, soit 40 pour cent, dont un quart vers la France (tableau 1.3 tiré de Cohen et al., 1999). Ces chiffres sont toutefois trompeurs si l’on ne tient pas compte du fait que la plupart des exportations d’Afrique subsaharienne vers les pays de l’UEM sont presque exclusivement des produits de base comme le coton, les fruits, les noix, le poisson, le café, les perles, l’argent, le platine et le pétrole brut. A lui seul, le pétrole représente 35 pour cent de la valeur des exportations de l’Afrique subsaharienne vers les pays de l’OCDE. Du fait que les produits de base, dont l’élasticité–revenu est généralement faible, représentent la plus grande part des exportations de l’Afrique subsaharienne, une hausse éventuelle des exportations vers les pays de l’UEM induite, par exemple, par la croissance économique en Europe, sera limitée. Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’impact à moyen terme sur les pays de la zone CFA d’une hausse de 1 pour cent du PIB de la zone euro serait une augmentation de 0.6 pour cent des exportations et une hausse de 0.2 pour cent du PIB (Feldman et al.,1999). De plus, les prix de la plupart de ces produits de base sont exprimés en dollars, ce qui, en termes de stabilité, réduit encore plus les avantages d’un ancrage à l’euro. En d’autres termes, malgré l’importance des relations commerciales entre les pays d’Afrique et l’Europe, le degré d’intégration économique est plus faible qu’il n’y paraît à première vue. Un ancrage à l’euro rendrait ces pays vulnérables aux fluctuations du taux de change réel de l’euro par rapport aux autres monnaies, notamment au dollar. On peut dire la même chose en cas de rattachement au dollar. Tel est l’enseignement spécifique que l’on peut tirer de l’expérience des pays de la zone CFA, qui ont d’abord bénéficié de la dépréciation du franc face au dollar puis pâti de l’inverse. Si l’euro devait s’apprécier face au dollar, les pays de la zone CFA dont la part d’exportations vers l’UE est relativement faible seraient les plus affectés. En font partie le Bénin (16.9 pour cent), le Togo (15.8 pour cent), le Sénégal (14.7 pour cent), la Guinée–Bissau (14.4 pour cent) et le Gabon (12.8 pour cent). Le Cameroun est en fait le seul pays de la zone CFA dont plus de la moitié des exportations va vers l’UE (73 pour cent). Intégration du compte de capital Le commerce est une dimension du problème ; l’intégration financière en est une autre. Si les pays africains devaient rattacher leur régime de change à l’une des deux grandes monnaies, quelles en seraient les implications financières ? Cela pourrait– il améliorer leur profil créancier ou, mieux encore, faciliter leur accès aux marchés financiers mondiaux, et leur procurer des investissements directs étrangers (IDE) ?

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Commençons par ces derniers. La distribution des IDE est très inégale : à eux seuls, l’Afrique du Sud et le Nigeria ont représenté 68 pour cent des IDE de l’Afrique en 1997. En Afrique subsaharienne, une très large part des IDE soit concerne les ressources naturelles, soit est concentrée en Afrique du Sud, où le marché intérieur est important. En cas d’euroisation ou de dollarisation, y aurait–il des remaniements de portefeuilles en faveur de l’Afrique ? La plupart des pays d’Afrique subsaharienne sont dépourvus des éléments de base nécessaires pour attirer les investisseurs privés étrangers (en particulier les fonds de pension) : à savoir une stabilité macro–économique de longue date, une bonne notation de crédit (selon Moody’s, Standard & Poors et d’autres), et des marchés domestiques et des bourses de valeurs raisonnablement bien développés. Peu de ces pays sont notés par les agences internationales. Euromoney et The Institutional Investor, qui notent un plus grand nombre de pays, dont ceux d’Afrique subsaharienne, les classent les uns par rapport aux autres en termes de risques (tableau 1.4 tiré de Cohen et al.). Tous les pays d’Afrique subsaharienne ont un classement très bas, à l’exception du Botswana, de Maurice et de l’Afrique du Sud. Selon Euromoney, le tableau général qui en résulte est celui de marchés de capitaux intérieurs sévèrement sous–développés, caractérisés par un accès limité au financement étranger privé, sauf pour les trois mêmes pays, relativement mieux classés en termes de risques. En particulier, on observe que les pays de la zone CFA ne sont pas notés de façon plus favorable, ni en termes de crédit ni en termes d’accès aux marchés financiers internationaux. Cela confirme le point de vue selon lequel les accords monétaires n’améliorent pas beaucoup la notation de crédit d’un pays ou son accès aux marchés de capitaux. Une politique saine semble plus efficace en la matière, comme l’illustre la notation de Maurice, notamment, par rapport à la Côte d’Ivoire ou au Sénégal. En conclusion, les pays africains n’ont pas de solution facile à leur disposition. Leurs structures d’échanges commerciaux sont trop diverses pour que l’on puisse proposer une formule unique qui serait attractive en termes d’accords monétaires. Même les pays de la zone CFA, malgré leur lien historique avec la France, ne connaissent pas une intégration commerciale forte avec l’Europe. En outre, l’analyse de l’évaluation de ces pays en termes de solvabilité ou celle de leur niveau d’intégration financière aux marchés financiers internationaux n’indique pas de meilleures performances de leur part que les autres États africains.

La caisse d’émission d’Argentine : de la panacée monétaire au carcan budgétaire Arguments en faveur des caisses d’émission Les caisses d’émission, conçues initialement en tant qu’accord monétaire pour les colonies britanniques, puis méprisées à mesure que les pays obtenaient leur indépendance politique, sont revenues à la mode récemment. Elles existent aujourd’hui en Argentine, en Bosnie, en Bulgarie, en Estonie, à Hong Kong et en Lithuanie. Il s’agit de taux de change strictement fixes déterminés par voie politique mais également

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Tableau 1.4. Classement des risques-pays, mars 1999 Classement des risques

Accès au marché a des capitaux

Pays Euromoney

The Institutional Investor

Euromoney

Afrique occidentale et centrale Bénin Burkina Faso Cameroun Centrafrique Congo (Rép.) Côte d’Ivoire Gabon Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Guinée équatoriale Liberia Mali Mauritanie Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Tchad Togo

144 105 135 158 140 121 99 103 86 133 163 155 173 108 154 129 128 90 170 157 119

115 106 110 .. 128 96 98 .. 78 118 .. .. 131 119 .. .. 113 100 134 .. 114

0.13 0.13 0.13 0.00 0.00 0.17 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 1.00 0.33 0.00 0.00 0.00

Afrique orientale et du Sud Afrique du Sud Angola Botswana Burundi Congo (Rép. Dém.) Érythrée Éthiopie Kenya Lesotho Madagascar Malawi Maurice Mozambique Namibie Ouganda Rwanda Somalie Soudan Tanzanie Zambie Zimbabwe

56 149 61 .. 168 .. 148 97 116 162 131 46 150 151 95 165 172 160 145 147 101

50 124 40 .. 136 .. 116 97 .. .. 102 39 111 66 103 .. .. 132 109 117 91

2.67 0.00 0.75 .. 0.00 .. 0.00 0.17 0.00 0.00 0.00 2.50 0.00 0.50 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.50

130

103

0.22

Afrique subsaharienne (moyennes non pondérées) a. Source :

Le maximum est de 5.00, obtenu par la plupart des pays de l’OCDE. Euromoney and The Institutional Investor and Cohen et al. (1999).

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législative. La monnaie nationale ne peut être émise que si elle est entièrement adossée à des réserves en devises, le gouvernement et la banque centrale perdant ainsi leur pouvoir discrétionnaire en matière de politique monétaire. Les défenseurs du système de la caisse d’émission ont souligné que ce régime apporte crédibilité, transparence, inflation faible et stabilité financière dans les pays dont la banque centrale est incapable de garantir un faible taux de croissance monétaire. Si, traditionnellement, le problème de l’incohérence temporelle de la politique monétaire s’explique par la création d’emplois, le désir d’alléger la dette nominale et de renforcer la compétitivité externe sont des considérations bien plus importantes pour les économies en développement et émergentes. Selon les tenants de la caisse d’émission, l’une des caractéristiques majeures de ce régime est l’abaissement et la stabilisation des taux d’intérêt nationaux par la réduction du risque de dévaluation et de défaut et celle de la vulnérabilité du pays aux attaques spéculatives. Des taux d’intérêt faibles et stables, quant à eux, favorisent les investissements et la croissance. Ces affirmations ont été validées par l’historique des caisses d’émission. Selon Ghosh et al. (2000), les pays fonctionnant sous un tel régime ont connu une inflation inférieure à celle des pays dotés d’un régime flottant ou de rattachement à une seule monnaie, ce qui a produit un effet à la fois de discipline (taux de croissance monétaire plus faible) et de crédibilité (croissance plus élevée de la demande monétaire). Les auteurs précisent que ces meilleures performances en termes d’inflation ne se sont pas faites au détriment de la croissance de la production, tout en concédant qu’elles peuvent être dues à un effet de rebond, les niveaux de production étant typiquement déprimés avant l’adoption de la caisse d’émission. Spécificités du régime argentin L’Argentine constitue l’un des cas les plus débattus de régime de caisse d’émission. En avril 1991, après une longue période de mauvaise gestion macro– économique et deux épisodes d’hyperinflation, la caisse d’émission a été mise en place, le peso étant rattaché au dollar. Le régime, fondé sur la Loi de convertibilité votée par le Congrès en mars 1991, qui octroie au dollar le statut de monnaie légale, a été ensuite soutenu par une dérégulation complète de l’économie et une totale libéralisation des comptes courants et de capitaux de la balance des paiements. Le régime argentin se différencie par certains éléments notables d’un régime de caisse d’émission pur. Ces éléments ont été introduits pour compenser la perte du principe de prêteur en dernier ressort induite par le principe–même de la caisse d’émission et exposant le pays à des crises financières en cas d’insuffisance de liquidités : cela nécessite donc que les banques nationales soient fortes et possèdent d’importantes réserves de change. Tout d’abord, la caisse d’émission est intégrée à la banque centrale et il n’existe pas de comptes de caisse d’émission désignés. En second lieu, 20 pour cent de la couverture de la base monétaire peuvent prendre la forme d’une dette publique à court terme de l’Argentine plutôt que celle de réserves de devises. Enfin, le système argentin se caractérise par d’importants besoins en capitaux

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et en réserves liquides. Les banques sont obligées de détenir 21 pour cent de tous les dépôts en liquidités internationales auprès de la Banque centrale ou de la Deutsche Bank de New York. La Banque centrale dispose par ailleurs d’une ligne de crédit éventuelle auprès d’une douzaine de banques internationales couvrant 10 pour cent des dépôts dans le système bancaire. Aperçu des performances Comme l’indiquent les figures 1.2 et 1.3, les performances économiques de l’Argentine ont été mitigées. La contribution à court terme de la caisse d’émission aux performances économiques du pays a très certainement été positive. La caisse a servi de pivot pour réformer en profondeur une économie fortement dénaturée et a contribué à réduire rapidement l’inflation. L’inflation et les taux d’intérêt ont rapidement baissé, soutenant ainsi une croissance rapide du PIB (aidée par la capacité de production non utilisée). La caisse d’émission argentine a survécu à deux grandes crises importées, l’une du Mexique en 1994–95, l’autre du Brésil en 1999, notamment grâce à la robustesse de son système de réglementation bancaire. La politique de réglementation bancaire a promu la privatisation, la libéralisation des capitaux, la liberté d’accès et une bonne gestion des risques de la part des banques (Calomiris et Powell, 2000). Finalement, toutefois, le système de caisse d’émission n’a pas permis de réduction soutenue du risque de dévaluation ou du risque souverain. La croissance, hormis les épisodes de reprise après l’adoption de la caisse d’émission et après la crise mexicaine en 1994–95, a été faible et volatile, les investissements et les créations d’emplois demeurant anémiques. L’incapacité du système de caisse d’émission argentin à diminuer davantage les primes de risque et à stimuler les investissements, la croissance et l’emploi, est due à une discipline budgétaire insuffisante, à un taux de change effectif réel surévalué et à l’absence d’incitations à l’épargne en raison des forts besoins en liquidités du système bancaire. Discipline budgétaire insuffisante, déclin de la compétitivité et fortes demandes en liquidités Le régime argentin de caisse d’émission n’a pas été accompagné d’une discipline budgétaire suffisante et le déficit consolidé du secteur public a progressivement augmenté à partir de 1995, culminant en 1999 à 4.1 pour cent du PIB. Cela a provoqué l’apparition progressive d’un cercle vicieux de hausse des primes de risque–pays et de fléchissement de la croissance qui, à leur tour, ont alimenté le déficit public en raison de la contraction des recettes fiscales et du renchérissement du coût du service de la dette. Dans une simulation portant sur l’Argentine, Grandes (2001) a démontré la forte endogénéité de ces variables. En décomposant les écarts des prévisions, il constate que 40 à 60 pour cent des écarts du déficit budgétaire corrigé des variations saisonnières, de la croissance de la production corrigée des variations saisonnières et de la prime de risque souverain peuvent s’expliquer par un choc sur ces mêmes variables. Si cette 28

constatation peut confirmer l’hypothèse des défenseurs de la parité fixe selon laquelle, en théorie, les régimes de change très rigides peuvent provoquer un cycle vertueux de baisse de déficit, diminution des écarts de rendement et hausse de la croissance, dans la pratique, le cycle est devenu vicieux. La Deutsche Bank (2000), dans une étude complète sur la viabilité de la dette en Amérique latine, conclut que « l’Argentine devra combler son fossé budgétaire sous–jacent, qui dépasse les recettes fiscales en progrès associées à la croissance (p. 3) ». La banque, qui a calculé que le solde budgétaire sans intérêt (primaire) se monte à 0.63 pour cent du PIB pour 2000, préconise une amélioration du solde primaire de 2 pour cent du PIB pour stabiliser le ratio dette publique/PIB. Par comparaison, en 2000, le Brésil et le Mexique, pays dotés d’un régime de change flottant, ont fait preuve d’une discipline budgétaire suffisante pour assurer la viabilité de leur dette selon les indicateurs de la Deutsche Bank. L’inertie initiale de l’inflation et la rigidité actuelle des salaires nominaux ont entraîné une appréciation réelle du peso argentin, assortie des déficits courants correspondants et d’un impact récessif sur l’économie. Tandis que la désinflation compensait une bonne partie de la surévaluation pendant les années 90, la dévaluation du Brésil, début 1999, a produit un fort impact sur le taux de change effectif réel de l’Argentine, indicateur de compétitivité externe. Début 2000, la surévaluation réelle du peso était estimée entre 7 et 17 pour cent selon la Deutsche Bank, Goldman Sachs et J.P. Morgan (Edwards, 2000). Même si les estimations sur les déséquilibres des taux de change doivent être considérées avec prudence, le fait que des banques d’investissement influentes les fournissent ne peut que porter atteinte à la crédibilité du régime de caisse d’émission de l’Argentine. Fait encore plus important, le dollar est pour l’Argentine une monnaie d’ancrage qui déstabilisera certainement son taux de change effectif réel : à peine 8 pour cent des exportations du pays vont vers les États–Unis. Les cycles économiques des États–Unis et de l’Argentine n’ont pas été synchronisés pendant les années 90 et, étant donné la différence de structure des deux économies, ne risquent pas de coïncider avant longtemps. En fait, Domingo Cavallo — architecte de la Loi de convertibilité argentine — a suggéré que, au vu de la confiance croissante envers l’économie argentine, une éventuelle union monétaire entre les membres du Mercosur pourrait être fondée sur un panier de devises incluant l’euro (Financial Times, 17 mars 1999 : « Cavallo dit que l’Argentine pourrait laisser flotter sa monnaie »). Les marchés ont réagi de façon négative à cette proposition, provoquant une hausse soudaine de la prime de risque de change (mesurée par l’écart entre les taux locaux des dépôts à terme en peso et les taux locaux interbancaires de dépôt en dollars américains pour les échéances à deux mois maximum) (voir Schmukler et Servén, 2001). Enfin, pour compenser l’absence de fonction de prêteur en dernier ressort dans une caisse d’émission (ou dans un système intégralement dollarisé), d’importantes liquidités sont nécessaires afin de résister à un retrait massif des dépôts en période de crise. Comme toutes réserves obligatoires minimales, les réserves obligatoires élevées provoquent un écart important entre les taux de prêt, qui augmentent, et les taux d’épargne, qui diminuent (McKinnon et Mathieson, 1981). Une telle distorsion décourage à la fois l’épargne et l’investissement. Cela peut soutenir un cycle de 29

croissance vicieux limité par de faibles investissements et une dette extérieure alimentée par l’insuffisance de l’épargne locale. Ce processus peut aboutir à ce que l’explosion de la dynamique de la dette (provoquée par la différence entre le coût de la dette et le taux de croissance) et le risque de défaut accru ne laissent au pays que trois options : sortir de la caisse d’émission, défaut, ou nouveaux financements étrangers. Début 2001, le FMI a approuvé un prêt destiné à couvrir les besoins de financement de l’Argentine pour 2001 (et au–delà), le Fonds accordant 13.7 milliards de dollars, la BID et l’Espagne 6 milliards et des sources privées, dont certaines nationales, quelque 20 milliards. La caisse d’émission avait une nouvelle chance, peut– être la dernière, de justifier son bien–fondé. En mars 2001, Domingo Cavallo a été appelé à défendre le régime qu’il avait introduit une décennie plus tôt. A la mi–juin, le Congrès a approuvé son plan consistant à ajouter l’euro au dollar dans la parité du peso. Curieusement, la réaction première des marchés fut une hausse soudaine du risque de change. Par ailleurs, les coûteuses réserves obligatoires imposées au système bancaire du pays ont été allégées, tandis qu’une taxe sur les transactions financières, processus qui avait prouvé son efficacité budgétaire au Brésil, a permis de réduire l’impôt sur les entreprises et de rééquilibrer les comptes publics. Ces mesures politiques ont corrigé les éléments essentiels causant le cycle vicieux du régime rigide de caisse d’émission d’Argentine. Elles devraient contribuer à stabiliser les taux de change effectifs (donc, à enrayer la baisse de la compétitivité) et à réduire l’écart entre les taux d’épargne et d’emprunt (donc, à stimuler l’épargne et l’investissement). Entre temps, la nécessité de restaurer l’équilibre budgétaire devenait de plus en plus urgente en raison des écarts accrus des instruments de la dette argentins. La politique de zéro emprunt mise en place en 2001, confirmée fin juillet par le Sénat, dépassant même les objectifs fixés par le FMI, a été qualifiée d’« impressionnante » par le Trésor américain, malgré les inquiétudes récurrentes du marché quant au maintien de la viabilité de la dette à long terme. Même lorsque la dynamique de la dette est stable, s’il devait y avoir une ruée sur les dépôts bancaires, comme après la crise mexicaine, cela produirait un effet néfaste, les troubles sociaux et politiques étant associés avec un ajustement budgétaire contraignant. Le programme de surveillance bancaire bien conçu qui a été mis en place fournit une plus grande transparence que d’habitude dans les marchés émergents mais, en lui–même, ne renforce pas l’engagement à discipliner les banques existant déjà (Diamond, 2001). En tout état de cause, si la politique budgétaire de zéro emprunt ne réussit pas à stabiliser la dynamique de la dette, une crise financière pourrait se produire dans une période où aucun paiement sur la dette existante n’est échu. Ce serait une revanche cruelle du carcan budgétaire.

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Enseignements tirés de ces deux cas En résumé, on ne peut aborder les avantages d’une parité fixe sans répondre d’abord à cette question : d’où provient l’instabilité financière ? Elle peut trouver son origine dans le manque de crédibilité des gouvernements du point de vue de la viabilité budgétaire et de l’inflation sous–jacente ; ou des perturbations extrinsèques provenant des hauts et des bas de l’euphorie financière. Il convient de se demander si la dollarisation fera l’affaire et protégera les pays émergents contre ces risques. Comme nous l’avons vu, la réponse n’est pas évidente. En cas de crise financière, le risque que les banques locales perdent leur accès au marché interbancaire international demeure intact. La réaction optimale (attendue) de l’autorité confrontée à un tel risque est facile à déduire des exemples classiques : la suspension de la convertibilité. Le risque d’un resserrement du crédit et de défaut généralisé est donc toujours bien là. La dollarisation en elle–même ne protège pas le pays contre le risque de perte de confiance généré par la menace de défaut et de suspension de la convertibilité. En ce sens, la dollarisation peut être une voie rapide vers la crédibilité à l’importation, mais la crédibilité politique à long terme ne peut être importée, elle doit se mériter. Les réformes nationales permettant d’acquérir de la crédibilité à l’étranger étant souvent impopulaires, le régime de change n’est qu’un des choix difficiles que les marchés émergents et les nations en développement doivent opérer. Si l’on pense que le moteur déterminant d’une telle prise de risque est l’absence de discipline budgétaire, la dollarisation ne peut être la réponse que si l’on croit que la dette nationale sera contenue une fois libellée en dollars. Les défauts massifs des obligations internationales constatés dans le passé montrent que le respect de cette contrainte n’est pas la norme. On peut invoquer que, au minimum, le reste de l’économie sera plus à l’abri d’un défaut du gouvernement. Mais ce n’est pas davantage évident : les banques régionales et les secteurs privés sont susceptibles de détenir des obligations d’État, et il sera donc plus difficile de différencier les défauts envers les créanciers étrangers et envers les créanciers nationaux ; cette difficulté augmenterait, et non réduirait, le risque systémique. On ne peut s’empêcher de penser que la dollarisation ne peut fonctionner qu’avec un certain carcan budgétaire. Si l’on part du principe que des engagements semi–constitutionnels en vue d’abaisser le déficit sont envisageables, la question qui se pose alors est la suivante : aller jusqu’à la dollarisation reste–t–il une solution optimale ?

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Une autre leçon politique importante tirée des expériences de la CFA et de l’Argentine est le choix du numéraire. Lorsque la monnaie d’ancrage reflète un choc, l’endogénéité des variables structurelles n’est pas suffisamment élevée pour empêcher que les monnaies lui étant rattachées soient victimes de chocs asymétriques. Cette suggestion tirée de la littérature sur la zone monétaire optimale suppose, selon Frankel et Rose (1996), que les critères de choix entre flottement et parité fixe sont en fait endogènes (nous y reviendrons plus loin). Les critères suggèrent que les pays considérés comme petits (dont le secteur des biens non échangeables est négligeable) et ouverts (en termes de part des échanges commerciaux dans le PIB) devraient adopter la parité. Certains pays afficheront un haut niveau de concentration régionale des échanges vers le pays pouvant leur fournir un ancrage monétaire potentiel et subiront des chocs similaires à ceux du pays émetteur de la monnaie d’arrimage. Des variantes du modèle de Barro–Gordon dans les économies ouvertes suggèrent la parité pour les pays qui ont historiquement abusé de leur discrétion monétaire. Ces pays peuvent atteindre un niveau d’équilibre plus bas en matière d’inflation s’ils peuvent s’engager de façon crédible à soutenir leur parité avec la monnaie d’ancrage qui bénéficie d’une meilleure réputation que la monnaie locale. Une parité devient fixe lorsqu’il est difficile d’en sortir. La discussion qui a précédé sur les expériences de la CFA et de l’Argentine a montré que la parité fixe, ou la dollarisation, n’apporte pas automatiquement de crédibilité politique à long terme. L’importance du choix du numéraire a également été soulignée et il a été fait référence à l’euroisation et aux paniers de devises. Cela semble suggérer que la création d’une monnaie unique européenne serait équivalente à une parité fixe. Si l’euro reflète certainement le casse–tête « ni fixe, ni flottant », nous croyons qu’il doit être interprété comme l’aboutissement d’un processus de convergence entre les membres de l’UE partageant un Cadre de surveillance multilatérale commun. A cet égard, l’euro répond davantage à la formule « flotter pour fixer » et est plus transposable à l’extérieur de la zone euro qu’on ne le croit généralement. Nous nous emploierons à le montrer plus loin. Nous décrirons d’abord l’expérience du SME, puis nous l’intégrerons dans une optique d’intégration européenne fondée sur la « pression des pairs » et suggérerons qu’elle constitue un moyen de gagner en crédibilité accessible à tous les marchés émergents du monde soucieux d’acquérir une réputation financière.

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GAGNER

EN CRÉDIBILITÉ PAR LA

« PRESSION

DES PAIRS

»

L’expérience du SME L’évolution du MCE Après l’effondrement du système de taux de change fixes mais ajustables de Bretton Woods, en 1973, divers accords continentaux ont été tentés pour stabiliser les taux de change, le dernier en date étant le SME créé en 1978 par une résolution du Conseil des ministres des Finances de la CE (Ecofin) et finalisé par un accord entre les banques centrales participantes. L’objectif premier de l’Acte unique européen de 1986 était d’assurer le libre– échange des biens, des services et des capitaux, mais également la libre circulation des personnes entre les 12 États–nations. L’abolition des frontières internes a créé une pression du marché vers la stabilité des taux de change en termes de panier de l’Unité monétaire européenne (ECU). Après s’être aperçus qu’ils ne pouvaient plus améliorer leur compétitivité à l’exportation en procédant à des dévaluations des taux de change, la plupart des États– membres ont modifié leur régime économique en faveur d’une discipline budgétaire et d’une stabilité des prix. Cela s’est produit après la création du MCE, les Pays–Bas renonçant à dévaluer après 1982 et la France après 1983. Les pays plus pauvres ont été plus longs à convaincre, mais l’Irlande a modifié son régime économique après 1987, l’Espagne après 1989 et le Portugal après 1992. Le SME a fonctionné sans réalignement à partir de janvier 1987 et le processus vers la monnaie unique s’est accéléré. Lors du Conseil européen de Madrid, en 1989, le rapport d’un Comité des gouverneurs de la Banque centrale, présidé par le président de la Commission européenne (CE), a été entériné comme texte fondateur de l’UEM. L’objectif de la monnaie unique serait réalisé en trois phases, la première débutant le 1er juillet 1990. Plutôt que de se reposer sur les monnaies de réserve nationales, on a choisi une nouvelle monnaie, l’ECU (Unité monétaire européenne), rebaptisée euro lors du Conseil européen de Madrid, en 1995. Au fil des ans, un code de conduite a vu le jour à mesure que le MCE passait d’un simple accord de change à un puissant instrument de convergence. Outre l’intervention obligatoire, pour des montants illimités en deçà des limites bilatérales convenues, et la nécessité de parvenir à un consensus pour modifier la parité, l’Accord Basle–Nyborg exigeait la convergence pour établir et maintenir des taux de change stables. La réglementation prévoyait également la création d’ECUS par le biais d’opérations croisées, la mise à disposition des monnaies à des fins d’intervention, le règlement des créances résultant de l’intervention, etc.

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Le code de conduite du MCE impliquait l’acceptation du Deutschmark (DM) comme ancrage du système et, par conséquent, la reconnaissance de la position dominante de la Bundesbank. Il impliquait par ailleurs un consensus sur la gestion des crises. Peu après le début de la première phase de l’UEM, le Royaume–Uni a rejoint le MCE. La livre sterling a donc changé son allégeance passée à la puissante monnaie– étalon américaine pour un bloc continental plus restreint. Cette première expérience a duré moins de deux ans mais a impliqué le Royaume–Uni dans la conception d’un Cadre de surveillance multilatérale qui s’est révélé décisif pour la viabilité du système. En ce qui concerne le Cadre de surveillance multilatérale, les règles du jeu ont changé pour tous les États–membres, Royaume–Uni inclus. Sans une base aussi large, le Cadre aurait été moins crédible et, par conséquent, aurait pu empêcher la gouvernance de l’eurosystème. Cette importance particulière du Cadre reflète par ailleurs la découverte, due à Cooper (1968), que les coûts et les avantages des réponses coopératives à l’interdépendance accrue sont tributaires de la coordination des institutions nationales. La nécessité d’un changement de régime Les programmes sur la monnaie unique ont été entérinés au Conseil européen de Maastricht, fin 1991. Ils étaient soumis à une condition de convergence et de cohésion, comme l’a expliqué Braga de Macedo (2001a). La seconde phase de l’UEM devait débuter le 1er janvier 1994, et la troisième et dernière, après la révision de 1996 du traité de Maastricht si la convergence était suffisante, en 1999 si elle ne l’était pas. Une orientation à moyen terme de la politique macro–économique, accompagnée de mesures destinées à améliorer le fonctionnement des mécanismes de marché et du secteur public est en principe préconisée. Les économies en transition et en développement ne disposent pas du cadre institutionnel requis pour une telle orientation, de sorte que les règles de stabilité monétaire ne sont pas crédibles. L’adhésion à l’UE sous condition de convergence et de cohésion apporte cette crédibilité. Contrairement aux expériences asiatiques et latino–américaines mentionnées précédemment, les candidats à l’adhésion n’ont pas voulu établir de MCE en dépit de l’existence d’un organe institutionnel comme l’ALEEC (Braga de Macedo, 2000). C’est pourtant le moyen pour les périphéries géographiques d’acquérir une réputation mondiale. D’une certaine façon, le coût de la distance physique est compensé par une proximité financière. Bien entendu, les conditions initiales et finales sont aussi importantes que la capacité de transformation. Les controverses doctrinales reflètent souvent des positions différentes sur chacun de ces trois facteurs. Le principe de la politique orientée vers la stabilité et fondée sur le respect des droits de la propriété intellectuelle et des marchés ouverts remonte à l’étalon–or et reflète des « règles de gestion en bon père de famille » valables au centre comme à la périphérie (Bordo et Rockoff, 1995 ; Braga de Macedo et al., 1996).

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Pour l’UEM, un « changement de régime durable » a été identifié au sein de la CE (Commission européenne,1990, chapitre 9) comme condition nécessaire pour que les nations ou les régions périphériques bénéficient des avantages. Cet argument était particulièrement fort compte tenu de la mobilité et de la flexibilité limitées de la main– d’œuvre, associées à la faible redistribution budgétaire entre États qui prévaut dans l’économie européenne. Dans de telles circonstances, des ajustements de taux de change peuvent devenir nécessaires pour contrecarrer les baisses de compétitivité mais ne réussiront pas nécessairement à modifier les prix relatifs. Plus la mobilité sous–jacente du capital est grande et plus la répétition des ajustements de taux de change est probable, moins une dévaluation sera efficace. Se fondant sur les résultats d’enquêtes, la CE (Commission européenne,1990) a par ailleurs suggéré que les entreprises n’attendaient pas que la dévaluation résolve leurs problèmes mais pensaient plutôt que les restrictions de crédit entraveraient plus sérieusement l’expansion aux périphéries qu’au centre. La crainte que les restrictions de politique budgétaire exigées par la procédure concernant les déficits excessifs prévue par le Traité et, plus tard, par le Pacte de stabilité et de croissance, n’affectent la croissance et la prospérité a été traitée par Buti et al. (1997), qui ont montré que l’application rétroactive du Pacte n’aurait pas aggravé les récessions sur la période 1961–97. Toutefois, affermir la stabilité des prix et du change et assainir les finances publiques est une tâche formidable dans les pays ayant connu une inflation élevée, où ni les partenaires sociaux ni les fonctionnaires n’apprécient forcément les avantages du changement de régime que les décideurs politiques tentent d’instaurer. Les erreurs d’appréciation en matière de choix politique peuvent élever à l’excès les coûts de la réforme lorsque les marchés financiers internationaux ne disposent pas d’informations sur le changement de régime. Ce défaut d’information peut provoquer de la part du marché des tests répétés de la volonté des autorités à stabiliser le change. Si ces tests grèvent de façon importante le coût de protection du taux de change, ils peuvent conduire à des retournements de politique. Inversement, si la volatilité du taux de change est une conséquence directe de la turbulence du système, le marché ne testera pas longtemps les autorités et la menace d’un retournement sera de moins en moins crédible, tant à l’extérieur que sur la scène nationale. Depuis sa réunion à Bruxelles, fin 1993, le Conseil européen a publié de « larges directives » pour jauger la politique et les performances des États–membres au moyen de ce qui est devenu un test régulier du Cadre de surveillance multilatérale pour tous les membres de l’Union. La progression de la réforme politique dépend de l’efficacité de ce Cadre mis à disposition des responsables de l’Union, qui devront rendre compte auprès de leurs parlements respectifs et du Parlement européen de leur interaction avec les responsables nationaux.

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Le temps nécessaire à chaque nation pour acquérir une réputation de probité financière est variable mais implique typiquement plusieurs élections générales où différentes alternatives de société peuvent se confronter. Le nombre d’années le plus fréquemment cité dans les cercles financiers est de 10. Cela suggère qu’il peut être préférable de prendre son temps pour mettre en œuvre un processus de réforme s’auto– renforçant plutôt que de tenter une succession de mesures trop ambitieuses et drastiques qui aboutiront à un échec affectant la crédibilité politique. Pour réaliser un consensus social au niveau national, des signaux crédibles indiquant que les autorités ont la volonté d’opérer des réformes peuvent être nécessaires. Si les gouvernements démocratiques stables réussissent à mettre en œuvre des réformes contribuant à la convergence entre nations et régions plus pauvres et plus riches, ils peuvent déclencher un cycle vertueux de stabilité et de croissance. A l’opposé, il y aura un cycle vicieux si des gouvernements éphémères, par crainte des conflits sociaux associés aux réformes, retardent celles–ci et affaiblissent la convergence. Les cas de l’Espagne, de la Grèce et du Portugal examinés in Bliss et Braga de Macedo (1990) confirment à la fois la nécessité d’un changement de régime et la difficulté à le réaliser sans surmonter la résistance des intérêts particuliers. Les conditions initiales dont hérite un gouvernement peuvent limiter les possibilités dont il dispose. Par exemple, la récession de 1992–93 a aggravé le chômage en Europe, rendant plus une moindre générosité en matière d’indemnités de chômage plus difficile. Parallèlement, en révélant le coût des rigidités du marché du travail et l’importance de la compétitivité au niveau de l’entreprise, l’expérience de la récession de 1992–93 a sans doute encouragé l’ajustement structurel et, finalement, la cohésion. La gestion des crises du MCE Au printemps 1992, toutes les monnaies de la Communauté hormis la drachme grecque étaient dans la grille de parité de l’ECU, mais la dimension atlantique était très faible. Malgré la présence de la livre sterling, le bloc continental demeurait aligné sur le DM. En fait, il incluait les monnaies de pays de l’Association européenne de libre–échange qui allaient devenir membres de l’Union, comme la Finlande et la Suède. En septembre 1992, la livre sterling et la lire italienne ont quitté le MCE. Jusqu’à août 1993, l’instabilité politique et les attaques spéculatives sur la grille ont été associées à une grave récession et au plus haut niveau de chômage jamais enregistré par la Communauté. Les crises monétaires menaçaient la réputation de stabilité financière des petits marchés nationaux, au point que les politiques nationales devenaient moins pertinentes que la proximité d’un grand marché turbulent. Le Portugal et l’Irlande ont fourni des exemples de cet effet des données fondamentales « géographiques » plutôt qu’« économiques » sur la valeur des monnaies : ces deux pays ont subi des attaques monétaires fondées sur ce qui se passait pour les monnaies espagnole et britannique.

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Les attaques ont été de courte durée mais ont toutefois conduit l’Irlande à demander un réalignement en janvier 1993 et le Portugal à suivre partiellement plusieurs réalignements de la peseta. Étudiant le cas de l’escudo portugais à l’aide d’une technique d’analyse des changements de variance du taux de change appliquée d’abord à la bourse des valeurs américaine, Braga de Macedo et al. (1999), mis à jour in Braga de Macedo, 2001a) fournissent des probabilités hebdomadaires pour la période précédant l’élargissement des bandes de fluctuation en août 1993. La période débute par la dernière entrée dans le MCE, dont celle de l’escudo en avril 1992. Elle inclut certains des réalignements concernant la peseta et l’escudo et les passages de haute à très haute volatilité montrent l’incidence d’une crise montaire. Les rares exemples de très faible volatilité de l’échantillon montrent, quant à eux, une intervention massive de la banque centrale peu avant le réalignement de novembre 1992. En 1993, en revanche, il n’y a aucun exemple de cette « stabilité artificielle », ce qui suggère que la Banque du Portugal a entretemps appris le code de conduite. Étant donné que la réputation financière du pays n’était pas entièrement établie puisque le changement de régime était relativement récent, cela permet d’illustrer la puissance du code de conduite du MCE en tant qu’instrument de convergence. Dans le cas du Portugal, le changement de régime a été progressif en raison de la nécessité d’allier la « vente » de stabilité politique sur le front interne et l’« acquisition » de crédibilité à l’étranger (Braga de Macedo, 1996). Une raison liée est que le fait de tester la parité du MCE avait un sens lorsque l’appréciation réelle était perçue comme excessive par les entreprises orientées vers l’exportation et que le gouvernement était sensible à leur pression. La raison pour laquelle le processus de convergence n’a pas été affecté par la décision d’élargir la bande de fluctuation est que la crédibilité externe, nécessaire à la crédibilité politique à moyen terme de tout État–nation, n’est jamais suffisante. Cela est apparu de nouveau dans les perturbations de début mars 1995, qui ont poussé l’Espagne à demander un nouveau réalignement malgré des données économiques fondamentales relativement saines. L’absence de stabilité politique sapait la confiance en la monnaie. Finalement, après ce réalignement, l’Italie a rejoint le MCE fin 1996 et la Grèce début 1998, consolidant ainsi leur changement de régime respectif. C’est pourquoi, chacun en son temps, tous les États–membres de l’UE ont fini par suivre le code de conduite du MCE. L’Autriche s’y est rattachée par son adhésion en 1995 et la Finlande en octobre 1996. La Suède a jeté de l’ombre sur le MCE avant la crise bancaire de 1991. Le marché unique des services financiers, établi en 1993, était également fondé sur le fonctionnement du code de conduite du MCE. En effet, l’acceptation progressive de politiques orientées vers la stabilité est au cœur–même d’un tel code de conduite. C’est pourquoi il est resté applicable après l’élargissement des bandes de fluctuation, alors même qu’il était peu probable que l’obligation d’intervention illimitée aux marges bilatérales convenues fût appliquée.

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La nécessité de parvenir à un consensus pour modifier un taux central s’est maintenue car la grille de parité n’a pas été changée par la décision d’élargir les bandes de fluctuation. Notons par ailleurs que les priorités économiques du Traité (faible inflation, finances publiques saines, cadre de stabilité à moyen terme) n’étaient pas contestées par les États–membres et les institutions de la Communauté, ce qui soulignait la nécessité de convergence et le maintien de taux de change stables. Pendant la seconde phase du MCE, le Cadre de surveillance multilatérale conçu pour garantir la convergence des économies nationales vers la stabilité des prix et des finances publiques saines est devenu obligatoire. La procédure concernant les déficits excessifs, notamment, déterminait si un État–membre pouvait ou non adhérer à la monnaie unique. La majorité des économies nationales n’ayant pas atteint la convergence, le Conseil Ecofin a approuvé le Pacte de stabilité et de croissance pour garantir que les conditions d’entrée pour le MCE continueraient d’être remplies après la création de l’euro et a fixé le début de la troisième phase à 1999. L’élargissement des bandes de fluctuation du MCE Lorsque la mobilité des capitaux est élevée, la stabilité du taux de change nécessite un processus de convergence réel et nominal rapide. Les indicateurs de discipline budgétaire sont devenus des signaux de changement de régime soutenu par la réforme structurelle du secteur public. Les marchés financiers tendant à exagérer plutôt qu’à atténuer ces signaux, les retournements apparents sont susceptibles d’être mal interprétés lorsque la convergence est relativement rapide. L’objectif de la cohésion implique un degré de conscience sociale qui peut ne pas être requis en matière de convergence des variables budgétaires. Dans tous les cas, quelle que soit la crédibilité des politiques nationales, il s’est avéré pendant la première phase de l’UEM qu’une convergence rapide était plus difficile lorsque la croissance était plus lente. De plus, pendant la transition, les principaux coûts macro–économiques se manifestent avant que les principaux bénéfices microéconomiques se fassent ressentir. En matière de stabilité des taux de change, le critère de convergence du Traité est le respect des « marges de fluctuation normales » pendant deux ans, et à condition de ne pas avoir subi de réalignement au cours de la même période (ou de ne pas en avoir opéré). Le maintien des monnaies dans la grille de parité est plus que le résultat d’une simple intervention de la part des banques centrales participantes. Il reflète la crédibilité des politiques nationales, surtout en Allemagne, mais également celle de l’ensemble du SME par rapport au dollar ou au yen.

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Si, en analyse finale, le taux de change reflète la crédibilité des politiques nationales à moyen terme, cela peut entraîner des perturbations considérables si l’intégralité de la grille de parité subit des attaques. C’est pourquoi les réalignements opérés durant cette période donneraient peu d’indications sur la crédibilité de la politique nationale. Les attaques spéculatives sur des parités monétaires plus vulnérables produiront plus d’effets négatifs sur le système si les parités sont déjà fixes que si elles continuent d’être flexibles. La flexibilité au sein d’une bande de fluctuation suffisamment large permet que la spéculation ne soit pas un pari unilatéral. Tel est l’enseignement tiré des 12 mois précédant le 2 août 1993, lorsque de très larges bandes de 15 pour cent ont remplacé les marges de fluctuation normales. Malgré la nature temporaire de l’élargissement, ces nouvelles « marges de fluctuation normales » ont éliminé la nécessité de mesures exceptionnelles comme le contrôle des changes conçu pour traiter la seconde phase reportée de l’UEM. De ce que l’on peut savoir du MNC, les perturbations du marché des changes ont commencé fin août/début septembre 1992, lorsque les taux d’intérêt du dollar ont baissé de façon importante. Parallèlement, les taux d’intérêt à court terme allemands sont demeurés élevés. Les pressions en faveur d’une revalorisation des salaires ont accru l’hésitation de la Bundesbank à reconnaître l’imminence d’une récession touchant toute l’Europe. Le conflit politique a abouti à la sortie de certaines monnaies du MCE et à des attaques spéculatives contre d’autres. L’attaque de juillet 1993 a été si massive que le Conseil Ecofin, lors d’une réunion d’urgence comprenant les gouverneurs des Banques centrales, a élargi les marges de fluctuation à 15 pour cent de part et d’autre de la parité. Cette bande de 15 pour cent n’a été utilisée par aucune banque centrale participante et des marges de 2.25 pour cent ont été observées entre le DM et le florin néerlandais. La principale différence avec la marge de fluctuation normale précédente était l’absence de paris unilatéraux sur les parités. La discipline externe fournie par la grille n’était plus assurée et chaque banque centrale a décidé d’intervenir ou non sur les anciennes bandes de fluctuation. La plupart ont décidé de le faire afin que le processus de convergence ne soit pas affecté par la décision d’élargir la bande. Flotter pour fixer ? Aujourd’hui, on reconnaît largement que le flottement « lâche » du SME a fonctionné, du moins pour ceux qui ne considèrent pas l’euro comme une nouvelle étape de la création d’un « super––État » européen. Lorsque la décision a été prise d’élargir les bandes, toutefois, de nombreux observateurs et économistes de renom ont pensé que le SME et l’euro étaient morts. Comme l’a fait remarquer Branson (1994) à l’époque, ce fut plutôt le contraire. Que l’on puisse flotter pour fixer introduit le processus de gain de crédibilité de façon explicite dans ce que nous pensons être le principal enseignement tiré de l’expérience européenne. Selon une expression bien connue, il s’agit là d’un « qui aime bien châtie bien » financier (Braga de Macedo, 2001b).

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Après les crises du SME, différents marchés émergents ont été touchés de la même façon en 1997–99. Les opérateurs du marché ayant manqué peu d’opportunités de tester la crédibilité des parités de change, le régime de change est devenu un déterminant de stabilité macro–économique aussi crucial que la politique budgétaire, bancaire et de gestion de la dette. L’impression que le flottement pur dépassait la plupart des marchés émergents mentionnés précédemment a eu pour effet de rationaliser les mesures politiques telles que le contrôle des changes, d’une façon comparable à la taxe dite Tobin sur les transactions financières à court terme. Bartolini et Drazen (1997) soulignent l’effet de crédibilité de la libéralisation du compte de capital. Voir aussi Dornbusch (1998). On trouve une position plus prudente in Eichengreen (1999). En ce qui concerne le régime de change, à l’exception du DM qui était la monnaie d’ancrage du MCE, les anciennes monnaies nationales de l’eurosystème ne pouvaient flotter ni être fixées de façon crédible sans le Cadre de surveillance multilatérale institutionnel, bien défini, fourni par le Traité de 1992 — comprenant l’introduction de la procédure concernant les déficits excessifs et du SEBC (Système européen de banques centrales) — ni sans les ajustements qui ont suivi comme le Pacte de stabilité et de croissance et le Groupe euro. La livre sterling et la couronne suédoise suivent une règle monétaire de ciblage de l’inflation qui permet au taux de change de flotter mais, en fait, la couronne a été plutôt stable face à l’euro. Au chapitre 3 du présent ouvrage, Calvo examine les similarités entre parités fixes et ciblage de l’inflation dans les marchés émergents. La question de la crédibilité est différente pour les membres de l’UEM car ils sont plus habitués à suivre un Cadre de surveillance multilatérale. Les crises financières ont éprouvé certains pays mais, à ce jour, n’ont pas menacé la mondialisation. Toute tendance à se retirer des marchés financiers mondiaux, comme cela a été le cas pour la Malaisie, à été isolée et temporaire. La question de la crise de la Malaisie est résumée dans Edwards et Frankel (2001), Dornbusch (2001) affirmant que la présomption générale contre les contrôles demeure. La même présomption s’applique à l’expérience chilienne décrite in Reisen (1999). De façon à revitaliser la bourse nationale, le Chili a abaissé, au printemps 1998, ses obstacles sur les flux de capitaux à court terme (les encaje) et, à l’automne, a fixé le taux de taxation à zéro pour quelques mois. Même pour un pays doté d’une administration fonctionnant relativement bien, il est difficile de maintenir un contrôle des changes visant le long terme lorsque l’environnement est perturbé. L’objectif était d’améliorer la composition des entrées de capitaux pour en faire des instruments à long terme, en particulier les IDE relatifs aux flux à court terme, considérés comme plus volatils. Quoi qu’il en soit, la logique des encaje était claire pendant l’expansion du milieu des années 90, mais a cessé de s’appliquer ensuite, ce qui renforce l’idée selon laquelle de telles mesures fonctionnent de façon temporaire et seulement si elles sont introduites au bon moment.

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Le problème est plutôt de savoir comment adapter les accords macro–économiques et financiers aux impératifs de la mondialisation et, en particulier, comment limiter la vulnérabilité de l’économie nationale au problème de la crise. La complexité du problème est manifeste dans le dilemme du taux de change. Il est aujourd’hui évident que les systèmes de change impliquant des taux fixes mais ajustables, des bandes et des parités à crémaillère, sont de plus en plus susceptibles de provoquer une crise. Les autres solutions sont de laisser flotter librement les taux, ainsi qu’ont commencé à le faire les pays d’Amérique latine comme le Brésil, le Chili, la Colombie et le Mexique et les pays asiatiques comme les Philippines, la Corée et la Thaïlande, ou de s’ancrer à une monnaie forte, comme l’ont fait l’Argentine, Hong Kong et, plus récemment, l’Équateur. La crise a favorisé des mesures qui n’auraient pas été possibles en période calme. La restructuration bancaire opérée pendant la crise ne se serait pas produite ; de ce fait, la structure des dettes est meilleure maintenant que si les pays avaient reporté les réformes. L’enseignement tiré de l’élargissement des bandes du MCE, décrit plus haut, est qu’un Cadre de surveillance multilatérale doit aller au–delà de la surveillance des taux de change. De plus, c’est en permettant des réponses que l’on n’obtiendrait pas en période de calme que les crises financières servent de dispositifs de coordination. En effet, les systèmes coordonnés comme celui induit par le code de conduite du MCE sont difficiles à adapter à un système mondial sans valeurs communes, même s’ils se rapportent au taux de change, variable commune par essence. Le régime de change n’est qu’un exemple des améliorations nécessaires que l’on doit apporter à l’architecture financière. Il joue toutefois un rôle central dans le débat sur la réforme du système des relations internationales et ses principales institutions qui, pour la plus grande part, ont été mises en œuvre après la Seconde Guerre mondiale. Transposer le Cadre de surveillance multilatérale européen sur une plus large échelle présuppose que le régime de change soit bien défini. Les solutions intermédiaires entre flottement pur et caisse d’émission sont parfois considérées comme trop complexes pour être crédibles, mais la crédibilité d’un régime de change ne peut être jugée de façon générale. Le meilleur indicateur de la crédibilité politique étant l’existence et l’efficacité d’un Cadre de surveillance multilatérale, c’est ce dernier qui détermine le choix du régime de change. C’est pourquoi la solution du casse–tête « ni fixe, ni flottant » peut être qu’il faut laisser flotter pour fixer. En conséquence, le Cadre de surveillance multilatérale qui émerge parmi les membres du Mercosur et de l’ANASE+3 n’implique pas pour le moment un régime de change unique pour tous. D’un autre côté, le Cadre de l’eurosystème ne néglige pas les tendances en matière de compte courant, ainsi que l’affirment Decressin et Dysiatat (2000).

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Intégration flexible et architecture financière internationale Convergence et cohésion : un bien commun Le système international actuel nécessite une réponse régionale et mondiale plus efficace aux menaces de contagion des crises nationales. L’intérêt national qu’ont les États–Unis de préserver la stabilité mondiale est l’une de ces réponses. Les mécanismes de coordination entre les autorités monétaires et budgétaires, comme ceux de l’UE et de la zone euro qui reposent sur des valeurs économiques et sociales communes aux États souverains, en sont une autre. Les intérêts américains et européens ont été à maintes reprises complémentaires et remontent à 50 ans, lors du processus d’allocation d’aide du Plan Marshall par le biais de l’Union européenne de paiements et de l’Organisation européenne de coordination économique (OECE), devenue plus tard l’OCDE. La pertinence actuelle de ces origines lointaines est décrite par Eichengreen et Braga de Macedo (2001). Bergsten (2000) fournit une liste de similarités et différences entre l’intégration européenne et asiatique et conclut que la première commence à l’emporter sur la seconde. L’expérience européenne peut à l’évidence être appliquée à l’échelle mondiale pour la recherche d’un « bien commun », car elle s’articule autour d’un « centre » européen qui n’est pas un État–nation mais une communauté. En outre, l’enseignement tiré des crises du SME est que le code de conduite du Cadre de surveillance multilatérale, en majeure partie non écrit, a généré entre les autorités monétaires et budgétaires des mécanismes de coordination plus efficaces qu’on ne s’y attendait. Le non–respect de ce code de conduite a joué un rôle majeur dans le développement des perturbations monétaires mais, à partir du 2 août 1993, le SME a retrouvé sa stabilité grâce à l’élargissement des bandes de fluctuation qui ont limité la pression spéculative en éliminant les paris unilatéraux et en réintroduisant les risques bilatéraux. L’option « flotter pour fixer » montre que le train de principes, règles et code de conduite sous–tendant la phase deux de l’union monétaire s’est avéré correct pour l’euro également. L’adaptation du code de conduite du MCE en vue d’améliorer l’architecture financière internationale permettrait par ailleurs la création de nouveaux réseaux incluant de grands marchés émergents, à condition que ceux–ci parviennent à une stabilité financière. Cela s’applique au Forum de stabilité financière et au G–20, par exemple. La stabilité financière peut conduire à un cycle vertueux dans lequel la stabilité monétaire fournie par l’union monétaire génère un environnement économique plus favorable à l’emploi. Inversement, lorsque les conditions finales manquent de crédibilité peut apparaître un processus de convergence « stop–go » empêchant le changement. Des revirements de sentiment temporaires et inexplicables sur les marchés financiers peuvent ainsi interrompre de façon permanente le processus de convergence. Un gouvernement ne peut se protéger contre cette menace qu’en acquérant la réputation de subordonner d’autres objectifs économiques à la poursuite de la convergence.

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Le Cadre de surveillance multilatérale peut jouer un rôle en fournissant des informations régulières sur les politiques économiques nationales de façon à renforcer la réputation des gouvernements méritants. Le même principe s’applique si l’on adopte les procédures budgétaires appropriées aux niveaux national et de l’union. Grâce à son code de conduite, le MCE a servi d’instrument de convergence vers la monnaie unique. En partie non écrit, le code comprenait des instruments spécifiés dans le Traité de l’UE de 1992. Il s’agissait principalement d’un calendrier en trois phases, de programmes de convergence et de procédures spécifiques incluses dans le Cadre de surveillance multilatérale, notamment celles concernant les déficits excessifs. De plus, la progression des banques centrales nationales vers l’indépendance a été impressionnante pendant la phase deux de l’union monétaire, de même qu’a été impressionnant le fait que le secteur public ne pouvait plus être financé par les banques centrales ou par un accès privilégié aux institutions financières. L’Institut monétaire européen a été fondé à la fin de la phase un de l’union monétaire en vue de contribuer à la réalisation des conditions nécessaires au passage à la phase trois. Que cette phase ait été reportée de 1997 à 1999 a sans doute empêché une politisation trop rapide de la politique monétaire. Cette politisation aurait accru la tentation d’assouplir la procédure concernant les déficits excessifs et provoqué la crainte que certains gouvernements soient évincés de l’Union, en contradiction avec les dispositions de l’Article 103 du Traité de Rome (dans sa version de 1999). L’approbation, en 1996, du Pacte de stabilité et de croissance a également contribué à atténuer ces craintes en raffermissant la procédure concernant les déficits excessifs prévue au Traité de l’UE de 1992. La création de la Banque centrale européenne (BCE) à la fin de la phase deux de l’union monétaire s’est faite à la date prévue malgré un litige politique sur la durée du mandat du premier gouverneur. Une fois encore, l’efficacité du Cadre de surveillance multilatérale, soutenu par tous les États–membres, s’est révélée décisive pour la crédibilité politique à moyen terme, tant au niveau national qu’à celui de l’Union. En fait, tous ces instruments et procédures ont effectivement apporté convergence et cohésion. Associé à la stabilité politique ou au consensus social et à la cohésion nationale, le Cadre a été un instrument de convergence. Le consensus social implique avant tout que les partenaires sociaux et l’opinion publique comprennent et acceptent l’orientation à moyen terme de la politique économique. En particulier, les syndicats doivent reconnaître l’interaction perverse entre les hausses des prix et celles des salaires, qui touche de façon disproportionnée les pauvres et les sans–emploi. Étant donné l’impact des salaires sur les prix, la stabilité de ces derniers ne sera pas durable sans modération salariale. L’acceptation de ces normes par la société peut devenir un facteur de cohésion si le gouvernement prend la direction des négociations salariales pour les employés du secteur public. Un marché unique doté d’une monnaie unique reflète une combinaison particulière de biens privés et publics, déterminée par la mobilité de la base fiscale et la disponibilité des transferts inter–régionaux ou internationaux. L’Article 2 du Traité de l’UE, dans sa version de 1999, indique que « le renforcement de la cohésion

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économique et sociale » est un instrument de « développement économique et social équilibré et durable ». C’est pourquoi une certaine redistibution des ressources entres les États–nations devrait corriger la géographie économique instaurée par l’intégration des marchés. Cela ne devant pas servir de prétexte pour ajouter une charge supplémentaire aux entreprises, les fonds structurels destinés aux États–membres sont soumis à des conditions de politiques appropriées. Cette conditionalité s’est révélée difficile à mettre au point lors du Conseil européen de Maastricht, les pays de la cohésion se montrant hésitants sur les propositions d’intégration flexible présentées lors de la préparation de la révision de 1996 du Traité. Cette hésitation a été surmontée, comme nous le verrons plus loin. Mais elle renforce l’impression que les pays–membres plus pauvres sont plus favorables que les riches à une intégration politique par la simple redistribution des revenus. Un tel sentiment non seulement nuit à la cohésion, mais alimente la crainte d’un futur « super–État » européen, où la fiscalité serait excessive en raison de la redistribution internationale, scénario tout à fait improbable. Là où existent des monopoles financiers locaux, des différences peuvent persister entre les taux d’intérêt au centre et à la périphérie, même en présence d’une pleine convertibilité de la monnaie et d’une mobilité parfaite des capitaux entre les marchés de base. Faire partie du « club » de la convertibilité et de la stabilité est néanmoins utile, dans la mesure où cela indique aux acteurs du marché que le pays tient à mettre en place sa crédibilité externe sans recourir uniquement aux instruments qu’il peut contrôler et, par conséquent, manipuler. Un pays convergent tente de se forger une crédibilité nationale en récompense de ses efforts. C’est la seule façon dont les autorités nationales peuvent échapper à la sélection défavorable dont de nouveaux participants au marché financier international ont souffert par le passé. Les instruments et procédures sous–tendant le code de conduite du MCE ont apporté convergence et cohésion grâce à la crédibilité acquise et au « bien commun européen». La notion de crédibilité politique à moyen terme est essentielle dans l’évaluation du Cadre de surveillance multilatérale de l’UE. Le Système européen de banques centrales (SEBC) assure la stabilité des prix dans la zone euro grâce à une politique monétaire unique, mais le cadre institutionnel de l’eurosystème encourage le fonctionnement du SME fondé sur une politique monétaire commune (aujourd’hui unique) et des politiques budgétaires nationales. La politique monétaire unique est menée par le SEBC, sous la conduite de la BCE, indépendamment des gouvernements nationaux et de la CE. Les politiques budgétaires nationales sont coordonnées par les procédures de surveillance multilatérale. Celles–ci comprennent le Pacte de stabilité et de croissance et sont contrôlées par le Groupe euro (qui rassemble les membres du Conseil Ecofin de l’eurosystème) et par le Conseil Ecofin lui–même. Toutefois, le SEBC, le Groupe euro et le Pacte de stabilité et de croissance ne sont pas tout à fait conformes aux « règles de gestion en bon père de famille » de l’étalon–or car certains aspects de l’articulation entre la politique monétaire unique et les politiques budgétaires nationales demeurent ambigus. Le SEBC doit–il rendre des comptes au Parlement européen, aux parlements nationaux, aux deux ou à aucun ? 44

Qui est responsable de la politique de change ? Cruciaux ou non, ces aspects ne sont pas seuls responsables de la faiblesse observée de l’euro face au dollar et au yen (Gros, 2000). La difficulté de donner à l’architecture institutionnelle plus de souplesse et la propension (liée) des gouvernements à retarder les réformes impopulaires y sont également pour quelque chose, comme nous le verrons plus loin. Auparavant, nous allons expliquer les avantages de la pression des pairs par analogie avec la « concurrence par comparaison » (Shleifer, 1985). Pression des pairs et concurrence par comparaison Si le fait de considérer l’UE comme une tentative ambitieuse de promotion de règles de bonne conduite parmi ses membres permet de tirer des enseignements pour d’autres pays et régions, il faut souligner que les institutions de Bretton Woods et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont également joué un rôle dans la diffusion des résultats d’autres voies politiques pour leurs États–membres. Elles ont renforcé l’idée que certaines voies fonctionnent mieux que d’autres au–delà du cercle des démocraties expérimentées réunies au sein de l’OCDE. Le fait que ces voies ont été largement acceptées suggère que les décideurs politiques nationaux suivent ces deux principes en partie parce qu’ils ont vu d’autres le faire. La question de savoir si la pression des pairs améliore les performances a été traitée par Besley et Case (1995) dans le contexte de la « concurrence par étalonnage », une expression issue de l’industrie, qui suggère une comparaison entre des entreprises régulées de façon similaire. Pour une entreprise donnée, le régulateur se fonde sur les coûts d’entreprises comparables pour induire le niveau de coûts qu’elle peut atteindre. Cela ne surmonte pas entièrement les problèmes d’aléa moral, mais la procédure est certainement préférable à la comparaison traditionnelle entre les coûts actuels et futurs et les performances passées. La pression des pairs est certes susceptible de manipulation de la part des entreprises participantes mais, coopérer en vue d’imposer des « comportements de collusion » étant difficile, ce scénario pervers est moins probable. Notons également que, dans le cas où l’hétérogénéité est observable et peut donc être corrigée, Shleifer (1985) montre qu’un programme de régulation fondé sur la pression des pairs peut conduire à de meilleures performances. Cela implique que le régulateur peut, de façon crédible, menacer de faire perdre de l’argent aux entreprises inefficaces et imposer une réduction des coûts. Lorsque des objectifs nationaux sont en jeu, on peut donc mettre en œuvre les meilleures pratiques plutôt que permettre une convergence vers la moyenne. Inversement, lorsque l’on se sert de la pression des pairs pour retarder des réformes au lieu de les promouvoir, le résultat équivaut à l’équilibre de collusion et il est nécessaire de concevoir d’autres instruments de mesure à des fins de comparaison. C’est pourquoi, en adaptant le même raisonnement, lorsqu’il y a entre les décideurs politiques nationaux une pression des pairs pour suivre les meilleures pratiques, celles– ci sont susceptibles d’être de plus en plus acceptées. Les examens par les pairs ont renforcé la concurrence en faveur de meilleures politiques macro–économiques et

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commerciales parmi les Membres de l’OCDE. Une technique similaire d’évaluation des performances commence à être appliquée aux politiques structurelles, notamment celles se rapportant au cadre de régulation. La plus grande complexité de ces politiques les rend plus susceptibles d’être reportées, ce problème ayant été observé dans l’UE, comme nous le verrons. Cela entrave le changement institutionnel et rend plus difficile la gouvernance d’entreprise et politique. Au sein du G–7, seuls les quatre États européens ont tenté de prendre des mesures concernant leur architecture régionale pour que les présidents de la Commission européenne (CE), de la Banque centrale européenne (BCE) et du conseil (en particulier l’Ecofin) assistent aux réunions. Il n’existe aucun centre national souverain équivalent à celui des États–Unis, du Japon et du Canada (sans parler de la Russie, qui doit devenir le huitième membre), bien que la complexité de l’actuel cadre institutionnel de l’UE laisse une grande marge de manœuvre au Royaume–Uni et aux trois principaux membres de l’eurosystème. La question de la représentation à l’extérieur de l’UE a été source de controverse depuis la création de celle–ci. La CE ayant participé aux débats du G–7 depuis 1977, les quatre membres de l’UE (dont trois de la zone euro) ont tendance à ignorer leurs 11 (huit) « pairs » dès qu’il s’agit de questions mondiales. Il en va de même pour l’OCDE, dont la CE fait également partie. Au FMI, comme dans le G–7, un représentant de la BCE traite toutes les questions se rapportant directement à la politique monétaire. L’ambiguïté des solutions traduit, une fois encore, la complexité du cadre institutionnel de l’UE. Toutefois, les forces de cette perspective peuvent être employées à bon escient dans le contexte mondial tant que l’identité européenne sera perçue comme un partenariat flexible transposable à d’autres groupes de nations. La création d’une monnaie unique commune à la plupart de ses membres et fondée sur un Cadre de surveillance multilatérale soutenu par tous contribue à une intégration flexible. Le Cadre de surveillance multilatérale développé par les États–nations de l’UE peut être adapté de façon à construire une architecture financière mondiale résistant aux crises financières. Pour commencer, sa dimension intercontinentale reflète des liens culturels et commerciaux de longue date. En outre, l’UE étudie les procédures budgétaires et les normes de gouvernance d’entreprise d’une façon qui pourrait porter atteinte à la souveraineté nationale si elle était appliquée à Washington ou Tokyo. Pour l’examen par les pairs à l’OCDE et les normes adoptées par la Banque des règlements internationaux (BRI), l’unanimité est requise de façon à préserver l’intégralité de la souveraineté nationale. Le rôle de régulateur de la Commission et celui joué par la Cour de justice contribuent à rapprocher les procédures d’un cadre de régulation permettant la concurrence par comparaison. Le Cadre de surveillance multilatérale de l’UE ne s’attache pas uniquement à l’ajustement de la balance des paiements, mais tente plutôt de réunir des principes de bonne gouvernance communément acceptés et transférés conjointement aux institutions communautaires. Le degré d’engagement envers l’UE et chacune de ses principales institutions a changé dans divers domaines problématiques, réponse partielle à un environnement mondial et régional plus perturbé. La création de l’eurosystème, en 46

janvier 1999, a été suivie d’une période institutionnelle difficile qui a retardé le calendrier d’accession. Ce retard reflète plus une propension à remettre les réformes structurelles que le débat européen récurrent sur la question de savoir si une convergence à plusieurs vitesses vers les objectifs de l’Union est possible et souhaitable. Les principes de la géométrie variable Le débat sur la convergence à plusieurs vitesses illustre la complémentarité entre le bien commun mondial et régional. Une position extrême du débat européen porte sur un État constitutionnel unifié pour lequel la géométrie variable est impossible. L’autre position extrême exige une série d’accords contractuels dans lesquels les institutions communes sont indésirables. Depuis le début, la Communauté européenne a tenté de transcender la nature intergouvernementale rigide de l’OCDE et du G–7 (qui n’a même pas de secrétariat permanent) au profit d’institutions supranationales comme la CE. Mais la convergence a cessé bien avant que ne soit établie une légitimité démocratique au niveau de l’ensemble de la Communauté. En conséquence, le cadre institutionnel est devenu de plus en plus complexe, surtout après la création d’une Union à trois piliers (la Communauté et deux instances intergouvernementales) lors du Traité de l’UE en 1992. De ce fait, la flexibilité a été perdue et c’est pourquoi le débat sur la convergence à plusieurs vitesses vers les objectifs de l’union a refait surface. Une autre raison, bien entendu, est l’imminence de l’élargissement. Quel que soit le nombre des États–membres, il y a un compromis entre la liberté de conclure des accords contractuels incluant certains membres et excluant d’autres, et la condition suprême du principe « un homme, une voix » qui serait associée à un nouvel État émergeant de l’intégration de tous les membres. Dans la figure 1.4, adaptée du Centre for Economic Policy Research (CEPR,1996, p. 47), l’axe vertical mesure la flexibilité et l’axe horizontal le niveau d’intégration. L’origine représente la coopération intergouvernementale entre les mêmes États–membres. L’axe vertical représente l’efficacité économique et les performances exécutives, ou les forces de concurrence, tandis que l’axe horizontal représente le statut légal et l’activité législative ou les forces de coopération. Chaque point du quart de cercle peut donc être considéré comme une combinaison concurrence/coopération. Le point le plus élevé de l’axe vertical, qualifié de « à la carte », équivaut à un projet institutionnel purement contractuel dans lequel toute combinaison de sous– groupes d’États–membres est acceptable, de sorte que le principe intergouvernemental fondamental d’égalité des États–membres s’applique et que l’unanimité est préservée dans les prises de décision. Lors des révisions du Traité de l’Union, en 1996 et 2000, des programmes intergouvernementaux de « coopération renforcée » ont été demandés à certains États–membres car leur création nécessite toujours l’unanimité des membres et la participation est ouverte à tous les États–membres répondant aux conditions (Braga de Macedo, 1996, décrit les positions adoptées par le parlement portugais en faveur d’une « géométrie variable positive »).

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Figure 1.4. Institutions européennes “A la Carte” Groupe euro

Coopération renforcée JAI

FLEXIBILITÉ

PESC Pacte de stabilité et de croissance

Banque centrale européenne

Communauté

G-7 NIVEAU D' INTÉGRATION

« Super-État »

Ces manifestations d’intégration flexible sont cohérentes avec le principe de proximité (ou de subsidiarité) mentionné au début, selon lequel une plus grande décentralisation est acceptable et souhaitable. De fait, le CEPR (1996, p. 65) mentionne un principe de subsidiarité généralisé, dans lequel la décentralisation peut concerner des groupes d’États plutôt que des organes locaux et régionaux au sein de chaque État. L’axe horizontal atteint sa limite lorsque le scrutin majoritaire s’applique à la population votant, quelle que soit son lieu de rattachement national, ce qui équivaut à un « super–État ». La coopération entre les (anciens) États–membres cesserait alors d’être pertinente sur les plans politique, économique ou social. Il est clair que, même dans les régions où des politiques uniques ont existé longtemps, telles que les tarifs douaniers, et où la CE dispose d’un mandat incontesté, la pertinence des États–membres existe toujours. Il en va de même pour la politique monétaire administrée par l’eurosystème. L’objectif de libre circulation des personnes a été atteint correctement pour la première fois le 19 mars 1995 par les sept États–membres (Belgique, France, Allemagne, Luxembourg, Pays–Bas, Portugal et Espagne) signataires de la convention de Schengen. Lorsque le Traité de l’UE, modifié lors du Conseil européen d’Amsterdam, est entré en vigueur le 1er mai 1999, la liberté de circulation a été étendue à tous les autres, à l’exception du Royaume–Uni et de l’Irlande.

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Toutes les combinaisons de flexibilité et d’intégration définies par les deux axes ne sont pas possibles, voire souhaitables. En effet, pour chaque domaine problématique, lorsque l’intégration devient plus poussée, les accords purement contractuels sont restreints et, lorsque le principe de l’égalité des membres est sacrifié à l’avantage démocratique, la flexibilité est restreinte. C’est pourquoi on peut définir une ligne descendante entre le point de flexibilité maximale et d’absence d’institutions communes et le point à la droite duquel une intégration plus poussée empêche toute flexibilité dans la coopération entre les États–membres. L’intersection se trouve à la gauche du point appelé « super–État ». On part du principe que, sur l’axe à 45 degrés, il y a équilibre entre intégration et flexibilité. Cela signifie que les programmes d’intégration flexible situés le long de cette ligne équilibreront l’engagement contractuel et l’intégration plus poussée, comme l’exigent les programmes de « coopération renforcée » mentionnés plus haut. Si les combinaisons de base commune et de partenariats ouverts, définies en termes fonctionnels plutôt que géographiques (CEPR, 1996, p. 59) sont situées sur cette ligne, elles équilibrent l’intégration et la flexibilité de la meilleure façon possible, étant donné le nombre d’États impliqués. La création de l’UE a nécessité celle de nouvelles institutions comme le SEBC, tandis que la procédure concernant les déficits excessifs régulait la surveillance en matière de politique budgétaire requise pour un fonctionnement durable de l’eurosystème. Citons par exemple le renforcement de la coopération intergouvernementale en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de justice et affaires intérieures (JAI), cette dernière étant liée avec la libre circulation des personnes et la création d’une politique commune en matière d’asile et d’immigration. Ces procédures institutionnelles ont été mises en place graduellement, mais cela n’a pas surmonté le fait que l’architecture résulte de négociations de dernière minute au Conseil européen de Maastricht, et non d’un engagement explicite envers l’intégration flexible. Comme le montre la figure 1.4, le grand nombre de partenariats ouverts fournis par les deux piliers complète la Communauté : cette base très importante inclut tous les membres, mais les zones d’interaction sont limitées. Dans le domaine économique et financier, en revanche, la BCE et le Groupe euro sont complétés par le Pacte de stabilité et de croissance. Dans les trois structures, mais surtout dans le Pacte, les pays extérieurs à l’eurosystème en suivent de toute façon les règles. De plus, le Danemark continue à observer le code de conduite du MCE. En tout état de cause, le cadre institutionnel qui en résulte est extrêmement complexe, avec des zones redondantes et inefficaces là où les ressources sont insuffisantes. Cela s’applique aux différents secrétariats mais également à la Commission elle–même qui, depuis plusieurs années, opère une restructuration interne difficile. Quelle que soit la place de l’intégralité de l’architecture communautaire, dans la figure 1.4, il est peu probable que la combinaison des trois piliers soit sur la diagonale. Une approche formaliste placerait sans doute davantage l’architecture de l’union vers la Communauté que vers les piliers intergouvernementaux. Si, près de dix ans après la négociation du Traité de l’UE, avec les révisions convenues aux Conseils

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européens d’Amsterdam et de Nice, la base commune demeure difficile à distinguer des partenariats ouverts, on peut soupçonner que l’équilibre penche vers l’axe vertical, mais sans amélioration, jusqu’à présent, des performances exécutives. Tous les États–membres ayant rempli les critères d’entrée dans l’union monétaire (indépendamment du souhait d’accession de la Suède et du Royaume–Uni et de la participation du Danemark au MCE), le progrès vers l’intégration flexible a été renforcé par l’euro et l’on accepte davantage que la géométrie variable soit inévitable dans le cas d’une monnaie unique. Jacquet et Pisani–Ferry (2001) soulignent en conclusion que le Traité de Nice fournit la possibilité de recourir à la « coopération renforcée » dans le domaine de l’union économique et monétaire. Somme toute, l’approche de la flexibilité pour l’intégration européenne fait ressortir la transposabilité de l’expérience européenne aux pays situés à différents stades de développement économique et financier. De ce fait, elle peut faciliter l’élargissement. Mais elle contribue également à améliorer le cadre institutionnel de l’UE, en particulier son architecture financière, maintenant que la culture de la stabilité prévaut chez ses 15 membres. Remettre à plus tard : un danger La notion de crédibilité politique à moyen terme s’est révélée essentielle pour évaluer dans quelle mesure le régime du Traité de l’UE a combiné convergence et cohésion. Cette crédibilité s’articule autour du fonctionnement du SME. Elle dépend maintenant du cadre institutionnel de l’eurosystème, qui est fondé sur une politique monétaire unique et sur les politiques budgétaires nationales. Le manque de crédibilité du « bien commun européen » sur les marchés financiers mondiaux reflète l’absence de réformes dans les États–membres. Si la propension à remettre à plus tard s’inverse, une identité européenne pourrait se former, même dans les domaines de coopération renforcée entre certains États– membres, comme la monnaie et la finance, sans compter le développement et la migration. Cette combinaison entre l’unité mondiale et la diversité régionale et nationale accroîtrait certainement la transposabilité des procédures de l’UE aux marchés en transition et émergents. Malheureusement, les gouvernements nationaux ont pris prétexte de l’euro pour reporter des réformes structurelles impopulaires mais essentielles. Or, même si le Cadre de surveillance multilatérale fondé sur l’euro est efficace, il ne peut remplacer une réforme des marchés du travail, de la sécurité sociale, de l’enseignement et de la formation, etc. Seules des réformes pourront garantir la crédibilité à moyen terme, de sorte que remplacer les monnaies nationales par l’euro produira des effets correspondant aux notations de crédit des nations, des villes et des entreprises et non à leur emplacement géographique. En fait, si les pays se servent de l’union monétaire pour reporter leurs réformes impopulaires, les bénéfices de la culture de la stabilité peuvent disparaître,

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tant au centre qu’à la périphérie. Le problème de « hold up » mentionné dans la littérature sur l’organisation industrielle, évoqué par Buiter et Sibert (1997), suggère le danger similaire d’un « hold up sur l’euro » (Braga de Macedo et al., 1999). Traditionnellement, la stabilité du système est fournie par la plus grande économie nationale. Le bien public international est fourni par des moyens souvent déterminés par les traditions et les institutions nationales. Il est par ailleurs d’intérêt national et, dans ce cas, est souvent assuré par les institutions sensibles aux besoins du contribuable et, par conséquent, mieux à même de comprendre et de lutter contre la tentation de chacun des membres d’opérer seul. En l’absence d’un acteur principal au sein de l’UE, il a fallu concevoir et mettre en œuvre des procédures reposant sur un Cadre de surveillance multinationale. La tentation de profiter des biens publics sans en supporter le coût est nettement plus forte pour les petits pays, mais en l’absence de décision d’adhésion bénéficiant d’un soutien national, les avantages de la convertibilité et de la stabilité sont également moins apparents. L’aspect « bien public » de l’euro ne peut être obtenu contre le sentiment du marché, mais la crédibilité politique peut surmonter la hiérarchie. Toute solution qui ne serait pas fondée sur la cohésion nationale des États–membres serait instable. Aucun État–membre ne peut rester à un rythme de convergence plus lent contre son intérêt national, ce dernier étant exprimé par un scrutin majoritaire. La cohésion nationale et celle de l’union sont donc devenues des nécessités pour la compétitivité du commerce européen au niveau mondial. En d’autres termes, l’euro est clairement une réforme habilitante qui nécessite un ajustement structurel supplémentaire. Si elles sont menées par les États de l’UE, les réformes structurelles renforceront le potentiel de l’euro à devenir une monnaie mondiale mais également la compétitivité des entreprises européennes. Nonobstant le rôle de l’UE, les institutions de gouvernance économique et financière mondiale ont contribué d’une façon ou d’une autre à empêcher que la crise financière de 1997–99 des marchés émergents ne se transforme en récession mondiale comme celle des années 30. Et cela, malgré l’interruption spectaculaire du Millenium Round de l’OMC fin 1999, à Seattle, et des protestations qui ont suivi lors des réunions des institutions de Bretton Wood. S’il est essentiel de permettre aux populations d’affronter les défis de la mondialisation, les changements de gouvernance requis ne peuvent devenir protectionnistes sans menacer les avantages fondamentaux de l’ouverture des marchés des biens, des services et des capitaux et la libre circulation des personnes. Pas de transposabilité dans un contexte protectionniste L’interprétation de l’expérience européenne présentée plus haut s’accorde avec le point de vue selon lequel la création de l’euro ne reflète pas une parité fixe collective mais va au–delà. En effet, l’argument de l’intégration flexible fait du Cadre de surveillance multilatérale européen une institution plus facilement transposable que

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l’interprétation habituelle dans l’optique de l’intégration politique. Comme nous le verrons ensuite, même l’interprétation de l’intégration européenne, telle qu’elle est déterminée par l’alliance franco–allemande de l’après–guerre, est inadéquate, car les effets de la pression des pairs s’appliquaient dans une mesure similaire à l’Italie et aux pays du Benelux. Bien entendu, un processus d’intégration Argentine–Brésil aurait des effets positifs pour le Mercosur, mais le rôle des plus petits États ne pourrait toujours pas être négligé. Le Chili, membre associé, peut être aussi vital pour le Mercosur que le Royaume–Uni l’a été pour la promotion du code de conduite du MCE et, par conséquent, le succès de l’euro ! Les dévaluations et les contrôles des changes peuvent–ils être coordonnés au niveau régional ou mondial de façon à atténuer leur caractère protectionniste ? Probablement pas sans des mécanismes de coordination entre les autorités monétaires et budgétaires comme ceux existant dans l’UE. Reste à savoir comment, précisément, le Cadre de surveillance multilatérale issu du code de conduite du MCE pourrait s’appliquer à l’ANASE ou au Mercosur. Il n’a pas été appliqué formellement aux relations internes de l’ALEEC, en partie parce que les pays candidats sont déjà fortement impliqués dans l’UE ; en revanche, des exemples d’adaptation ont récemment vu le jour en Asie et en Amérique latine. Les leçons tirées des crises du MCE peuvent également aider à concevoir une nouvelle architecture financière internationale car ces crises ont été surmontées grâce au code de conduite du MCE. L’expérience acquise les deux premières années après l’introduction de l’euro pourrait développer un nouveau code de conduite confirmant l’importance de la surveillance bancaire internationale. Les coûts, la stabilité et l’ampleur des flux de capitaux privés potentiels en direction des pays en développement sont un critère important pour évaluer les propositions actuelles de réforme du fonctionnement du système financier international. A cet égard, les propositions de forums régionaux qui ont été présentées aideraient le FMI à améliorer ses performances lorsque les problèmes de taux de change et bancaires sont difficiles à démêler, comme c’est de plus en plus fréquemment le cas. L’utilité de l’euro pour l’architecture financière internationale s’articule autour de la reconnaissance du rôle de la pression des pairs et de la concurrence par comparaison telles qu’elles sont appliquées depuis des décennies. Les propositions d’intégration européenne flexible se fondent sur la garantie que les institutions économiques et financières régionales sont complémentaires avec leurs homologues au niveau mondial : le FMI, la Banque mondiale et l’OMC. L’effet immédiat des crises des marché émergents, en 1997–99, a été de mettre en évidence une leçon tirée de la période de l’entre–deux guerres : la libéralisation et la mondialisation doivent être gérées de façon à faire face aux menaces de pressions protectionnistes, qui pourraient aller de la hausse des tarifs douaniers à des barrières non tarifaires comme les contrôles des changes. C’est pourquoi, contenir l’instabilité financière revient à éviter une résurgence du protectionnisme en promouvant la réforme du système international. Ce serait une réponse régionale et mondiale plus efficace aux menaces de contagion des crises nationales. En bref, il est largement reconnu que

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la mondialisation nécessite une meilleure gouvernance aux niveaux national et mondial. Notre interprétation de l’expérience européenne suggère que la gouvernance régionale fondée sur la pression des pairs pourrait être un ingrédient essentiel de meilleure gouvernance au niveau national et, certainement, au niveau mondial.

Conclusions Les caractéristiques dominantes du début de ce XXIe siècle sont une évolution vers l’intégration mondiale et régionale des finances, de la production et des échanges commerciaux, l’introduction de l’euro dans une plus grande partie de l’Europe et le laisser–faire correspondant concernant les fluctuations entre les monnaies–clés mondiales, ainsi que la forte incidence des crises monétaires et financières dans un contexte d’intense mobilité des capitaux. Tel est le contexte dans lequel de nombreux pays du monde en développement doivent choisir une stratégie appropriée d’intégration monétaire et de régime de taux de change. Ces derniers temps, on leur conseillait principalement d’opter pour des « solutions extrêmes » monétaristes : la parité fixe pour le monétarisme international et le flottement pur pour le monétarisme national. Nous réfutons ce point de vue. Nous montrerons que, contrairement à ce qui est souvent affirmé, les solutions extrêmes n’évitent pas toujours les crises. Le flottement pur a parfois conduit à un désalignement coûteux des taux de change, à une détérioration des bilans non couverts et à une inflation importée, raisons pour lesquelles il est rarement pratiqué dans les pays en développement. La parité fixe est aujourd’hui plus populaire, mais nous examinerons deux cas d’importation – celui de la CFA (Communauté financière africaine) en Afrique et celui de la caisse d’émission argentine — qui constituent un avertissement contre la sous–estimation des risques possibles. En termes de navigation, aucun marin sensé ne jette l’ancre avant que le bateau ne soit à l’arrêt. Si la parité fixe apporte souvent au départ un gain de crédibilité, et, par conséquent, un moindre coût en capital, ce gain peut être éphémère s’il n’est pas soutenu par un niveau suffisant de développement institutionnel et de flexibilité économique. La zone CFA et l’Argentine ont toutes deux été « piégées » par une monnaie d’arrimage inadaptée car l’ancre ne reflétait ni leurs orientations commerciales ni leurs besoins cycliques. Peu de monnaies transférant indirectement la crédibilité dont elles jouissent, ce fait peut se reproduire : il est donc préférable de choisir un ancrage sur un panier de monnaies ou, si possible, de créer et non d’emprunter la crédibilité. La perspective de l’intégration régionale invalide les solutions extrêmes en ce qu’elles sont non coopératives (flottement) et coûteuses à quitter (parité fixe), mais justifie un régime de change intermédiaire. L’expérience du Système monétaire européen (SME) montre que des zones–cibles, associées à des codes de conduite efficaces, suffisamment complètes pour permettre une flexibilité satisfaisante, peuvent apporter une crédibilité soutenue de façon à éviter d’importants désalignements et à réduire la vulnérabilité aux crises. Ce qu’il faut pour atteindre ces objectifs dépasse la

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perception générale selon laquelle la parité centrale est cohérente avec les données économiques fondamentales. Les attentes doivent être guidées par des codes de gouvernance mutuellement convenus et surveillés favorisant une intégration intensifiée fondée sur une progression visible de la stabilité macro–économique et de la réforme réglementaire. Le Cadre de surveillance multilatérale doit « appartenir » aux pays concernés plutôt que leur être imposé. Il doit donc être soutenu par une pression des pairs et une concurrence par comparaison, toutes deux mises en place progressivement. L’approche « eurocentrique » du gain de crédibilité en vue de l’intégration monétaire a connu un succès impressionnant dans les pays de l’ancienne périphérie. C’est pourquoi le fonctionnement pratique du SME fournit d’importants enseignements aux autorités luttant pour mettre en place des régimes de change durables afin de soutenir la convergence économique. Ces enseignements commencent à se répandre au–delà du continent européen pour atteindre l’Asie et l’Amérique latine. Si le Cadre de surveillance multilatérale de type UE n’est pas non plus une panacée, le fait qu’il ne semble pas éviter les choix difficiles sera certainement bien accueilli par les gouvernements du monde entier procédant à des réformes.

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Chapitre 2

Régimes de change intermédiaires pour cinq groupes de pays en développement William H. Branson

Introduction et résumé* Le présent chapitre examine les régimes de change intermédiaires pour les pays en développement, en alternative aux solutions « extrêmes » que constituent le flottement ou l’ancrage fixe à une seule grande monnaie. Nous nous attachons à la stabilisation du taux de change effectif réel par rapport à un panier de monnaies, éventuellement par le biais d’une marge de fluctuation de la parité correspondant à une moyenne pondérée décroissante des taux de change effectifs réels passés. Cette méthode portant sur un panier monétaire et une marge de fluctuation autour d’une parité ajustable a été qualifiée de « règles BBC » (de l’anglais band, basket and crawl) par John Williamson (2000), ce dernier attribuant l’expression à Rudi Dornbusch. Nous ajoutons à cette notion la nécessité, pour les pays en développement similaires, de gérer conjointement leurs taux de change. Le présent chapitre insiste donc sur la stabilisation du taux de change effectif réel et sur la nécessité d’une action collective. Par pays en développement similaires, on entend des pays présentant des similitudes en matière de commerce extérieur, aussi bien par la composition de leurs produits de base que par l’origine et la destination géographique de ces derniers. Nous considérons comme similaires des pays en développement faisant le commerce de produits similaires dans des marchés tiers essentiellement identiques. En d’autres termes, le commerce que pratiquent ces pays présente un caractère potentiellement concurrentiel. C’est en cela qu’ils se distinguent de l’Union européenne (UE) ou des pays de l’ALENA, où les échanges commerciaux se font essentiellement à l’intérieur de ces zones. Les groupes de pays en développement que nous tentons de définir pour les besoins du présent document sont l’Asie de l’Est, la Communauté andine, un marché Mercosur élargi, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est. *

Des versions antérieures du présent document ont été présentées lors de la Conférence sur le macro–modèle d’économie de marché des universités Bar Ilan/Ben Gurion en Israël, les 18 et 19 juin 2001, et lors d’un séminaire du Département des affaires économiques de l’OCDE, le 29 juin 2001.

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Le présent document est une réflexion sur deux crises ayant donné lieu à une série d’attaques spéculatives et de dévaluations, apparemment dues à l’absence de toute action conjointe. La première de ces crises a été celle du SME en 1992 et la seconde, la crise financière de 1997 en Asie du Sud–Est. Dans le cas du SME, afin de préserver la stabilité du taux de change de l’écu suite à la réunification allemande et à l’accroissement des dépenses budgétaires de l’Allemagne, une hausse unilatérale du DM dans le panier de monnaies était nécessaire. Les marchés ont interprété le refus d’une telle mesure par les autres membres du SME comme le signe d’un risque de dévaluation de la part de ces derniers. La spéculation s’est alors portée sur le maillon le plus faible de la chaîne, à savoir le markka finlandais ; ensuite, ce sont la couronne suédoise, le sterling et d’autres monnaies « périphériques » par rapport au SME qui ont été attaquées. Cet exemple illustre nettement l’effet de contagion et l’effet–domino dus au refus des membres du SME, en dehors de l’Allemagne, de mener une action conjointe. Ce cas est analysé par Branson (1994). Finalement, l’Allemagne a accepté l’intégration du DM à l’euro. Les conséquences éventuelles de cette décision sur l’architecture du système financier international sont décrites par Braga de Macedo (2000). La crise en Asie du Sud–Est constituait un cas plus complexe. Les pays de l’ANASE ont subi des chocs externes, dus à la stagnation de l’économie japonaise et à la dépréciation du yen par rapport au dollar. Ces pays présentaient également un certain nombre de déséquilibres intérieurs, l’explosion de l’investissement ne s’étant pas accompagnée d’une hausse équivalente de l’épargne intérieure. Le déficit des balances courantes s’est creusé, entraînant une appréciation, en termes réels, des monnaies de ces pays. Ces derniers ont également été déstabilisés par un endettement extérieur libellé en monnaies étrangères. Les marchés ont fini par s’en apercevoir et la Thaïlande a été le premier pays à être attaqué. Après la dévaluation du baht, les attaques se sont propagées aux monnaies de Malaisie, d’Indonésie et de Corée du Sud. Les attaques des marchés s’exerçant sur un seul pays à la fois, la pression spéculative a été maximale et les dévaluations trop importantes. Malgré l’existence d’un déséquilibre fondamental, l’absence de toute action conjointe n’a fait qu’aggraver le problème. Une gestion conjointe des règles dites BBC aurait pu diluer la pression spéculative au lieu de la concentrer. Le présent chapitre est structuré comme suit. Tout d’abord, il décrit sommairement les solutions « extrêmes » et leur enracinement dans le principe de l’« impossible trinité » (ou du « trilemme »), à savoir des marchés de capitaux ouverts, un régime de change fixe et une politique monétaire indépendante. L’hypothèse de la solution « extrême » consiste à dire que les pays doivent — ou devraient — s’orienter vers une solution tranchée. La section se conclut par la question de l’application de l’ « impossible trinité » à de nombreux pays en développement. Nous étudions ensuite les preuves empiriques récentes selon lesquelles les pays en développement n’adoptent pas de solution tranchée, principalement en raison d’une « crainte du flottement ». Les régimes intermédiaires semblent en effet être une pratique courante dans certains pays. Nous expliquons ensuite les raisons pour lesquelles ces craintes vis–à–vis du flottement sont justifiées et proposons d’instaurer une politique de stabilisation du taux de change effectif réel dans les pays concernés. Il s’agirait d’une alternative à l’emploi d’un taux de change nominal servant de « point d’ancrage nominal », nécessitant une certaine discipline interne, par exemple la rigueur budgétaire. 60

L’analyse présente alors l’idée d’une gestion conjointe des règles dites « BBC » au moyen d’un panier commun de monnaies. Une telle méthode permettrait d’éviter la contagion, l’effet–domino, ainsi que d’autres formes de dévaluation compétitive. Tel qu’il existait à ses débuts, le SME pourrait constituer un modèle de gestion conjointe de ce type. Nous évoquons ensuite les évolutions institutionnelles pouvant être stimulées par une gestion conjointe. Cette dernière nécessiterait une coopération des banques centrales et une certaine coordination budgétaire ; par ailleurs, une telle méthode stimulerait la mise en place de politiques et d’institutions commerciales communes. Nous terminons par la présentation, à titre d’exemple, des calculs provisoires des facteurs de pondération du taux de change effectif réel pour différents groupes de pays en développement. Ce qu’il convient de retenir, c’est que non seulement les pays en développement n’adoptent pas de solutions tranchées, mais qu’ils ne doivent pas le faire. La stabilisation des taux de change effectifs réels au sein des différents groupes de pays et le recours à des mesures intérieures de stabilisation constituent une meilleure solution.

L’hypothèse de la solution « extrême » Selon cette hypothèse, compte tenu de la mobilité croissante des capitaux, les pays ont tendance, soit à laisser librement flotter leur monnaie, soit à l’ancrer de façon fixe à une grande monnaie, ce qui revient à adopter cette dernière. Dans ce dernier cas de figure, on parle de dollarisation, d’euroisation ou de yenisation de la monnaie nationale. L’hypothèse de la solution « extrême » est apparue brutalement, dans le sillage de l’effondrement financier en Asie du Sud–Est, en 1997, comme l’explique Ricardo Hausmann : « Ce cataclysme a également réduit à néant l’opinion largement partagée par les milieux bancaires, les responsables politiques, les universitaires et les idéologues, concernant la politique économique adaptée aux pays émergents. A l’heure où les spécialistes en économie retravaillent leurs modèles théoriques, une question provoque un débat particulièrement houleux : les pays émergents devraient–ils laisser leur monnaie flotter librement ou devraient–ils y renoncer purement et simplement pour adopter une monnaie forte sur le plan international ou supranational, comme le dollar américain ou l’euro ? Fait intéressant, les opinions se sont rapidement polarisées, les partisans de l’une ou de l’autre solution semblant reconnaître qu’il ne peut y avoir de compromis, d’arrangement intermédiaire entre le flottement libre d’une monnaie ou son ancrage intégral à une autre » (Hausmann,1999, pp. 65-79). En décembre 1999, lors de la réunion du G–20, le ministre américain des Finances, Lawrence H. Summers, proposait que les prêts octroyés par le FMI soient conditionnés, pour les pays qui adoptent une solution tranchée en matière de taux de change.

61

Bien que cela soit implicite, dans la citation de Hausmann et la position du ministre américain des Finances, l’aspect positif ou normatif de la solution tranchée est rarement exprimé clairement dans les déclarations à ce sujet. Les pays concernés doivent–ils — ou devraient–ils — s’orienter vers une solution tranchée ? Nous constatons plus loin que les pays ne montrent généralement pas de tendance nette à s’orienter vers l’une ou l’autre solution « extrême » et qu’il est donc possible d’éviter la solution tranchée. Nous poursuivons en constatant que la solution tranchée est même déconseillée, dans l’ensemble. L’hypothèse de la solution tranchée repose sur ce que l’on a appelé l’« impossible trinité », à savoir la liberté des mouvements de capitaux, un taux de change fixe et une politique monétaire indépendante. Cette triple conjonction a été décrite par Branson (1991). Elle remonte à Padoa–Schioppa (1987) et, auparavant, à Haberler (1937), mais l’on peut sans doute remonter encore plus loin. Dans un régime fixe, la mobilité parfaite du capital lie le taux d’intérêt intérieur au taux mondial (réel ou nominal) par le biais d’une parité ouverte des taux d’intérêt. La politique monétaire se retrouve ainsi liée aux évolutions de la production et du niveau des prix sur le marché intérieur, afin de maintenir l’équilibre des marchés financiers et du taux d’intérêt en lien avec les taux d’intérêt internationaux. Pour être plus précis, ces idées peuvent être résumées dans un modèle simple. Compte tenu d’une mobilité parfaite des capitaux, d’une parité des intérêts non couverte et de l’absence de tout arbitrage, on peut énoncer : I = I* + dE

(1)

I étant le taux d’intérêt nominal national, I* le taux mondial, et dE le différentiel attendu du taux de change nominal. Si le taux de change est fixé à un niveau crédible, dE est alors égal à zéro. L’équation (1) lie le taux d’intérêt intérieur au taux mondial. Toute décision de politique monétaire sur les taux de change ou d’intérêt reste ainsi sans effet sur l’activité intérieure. L’équilibre du marché monétaire s’exprime dans la formule standard suivante : M/P = m(I,Y), or M = Pm(I,Y)

(2)

M étant la base monétaire, P le niveau des prix sur le marché intérieur et m la demande en monnaie centrale réelle, elle–même fonction du taux d’intérêt et du PIB, Y. La valeur de I étant déterminée par l’équation (1), M doit suivre les variations de P et de Y pour que l’on puisse maintenir l’équilibre financier. Une augmentation de M se traduira simplement par une sortie de capitaux. Inversement, une augmentation insuffisante de M entraînera un afflux de capitaux. Dans un petit pays à économie de marché, P est également limité par le niveau international des prix P* et par le taux de change fixe, à savoir : P = EP*.

(3)

Dans ce cas, l’inflation est déterminée par les prix internationaux, la base monétaire devant évoluer conformément aux prix internationaux et au PIB de façon à éviter un déséquilibre de la balance des mouvements de capitaux. 62

Dans ce contexte, une augmentation excessive de M, due, par exemple, au financement d’un déficit budgétaire, entraînera des sorties de capitaux et une baisse des réserves, compromettant ainsi la crédibilité du taux de change tel qu’il a été fixé. Lorsque les marchés s’apercevront des sorties de capitaux et de la baisse des réserves, on risque d’assister à une attaque spéculative sur la monnaie. Par conséquent, toute tentative d’utilisation de la politique monétaire indépendamment de l’équation (2) compromettra la crédibilité du taux de change et entraînera un effondrement de ce dernier. Une solution tranchée à ce dilemme consiste, dans un premier temps, à laisser flotter le taux de change, ce qui réduira les contraintes pesant sur la politique monétaire. L’autre solution tranchée consiste soit à adopter un ancrage rigide de la monnaie par le biais d’une caisse d’émission, soit à renoncer au maintien d’une monnaie nationale pour adopter une monnaie forte, ce qui revient à dollariser l’économie. Il est difficile d’appliquer parfaitement, voire correctement, le principe de l’« impossible trinité » à de nombreux pays en développement. Une mobilité parfaite des capitaux ne passe pas uniquement par l’absence de tout contrôle sur les mouvements de capitaux. Pour se réaliser, cette condition requiert également que les avoirs libellés dans la monnaie nationale puissent se substituer le plus totalement possible aux avoirs libellés dans les monnaies mondiales, aux yeux des investisseurs internationaux. Or, cela est loin d’être le cas dans de nombreux pays en développement. Il faut alors intégrer une substantielle prime de risque à l’équation (1). Cette prime de risque dépend, d’une part, de l’endettement du pays et, d’autre part, de ses perspectives en matière d’endettement, telles qu’elles sont perçues par les marchés. Le principe de l’impossible trinité est donc largement remis en question par cette mobilité imparfaite des capitaux, les balances des opérations courantes et des mouvements de capitaux devant alors également être intégrées dans la politique adoptée, comme le montrent Branson et Braga de Macedo (1996). En outre, Frankel (1999) fait remarquer que le choix ne se limite pas à un taux de change fixe sans aucune indépendance de la politique monétaire d’un côté, ou à un régime de flottement et à une politique monétaire indépendante de l’autre. Selon lui, on pourrait envisager de renoncer à une partie de cette fixité et de cette indépendance, pour adopter un régime intermédiaire. L’expérience montre que de nombreux pays ont adopté une forme ou une autre de régime intermédiaire.

Mise en évidence empirique des régimes intermédiaires Dans sa version positive, l’hypothèse des solutions tranchées porte sur l’obligation, pour les pays, d’adopter une solution tranchée en matière de régime de change ; la version normative repose sur l’opportunité de cette solution. Cette section rapporte un certain nombre d’expériences tendant à prouver que les pays ne s’engagent pas vers les extrêmes. Les pays membres du FMI sont classés en fonction du régime de change qu’ils publient chaque année. Le tableau 2.1, publié par Bénassy–Queré et Cœuré (2000), résume l’évolution de cette classification. Les pays ayant adopté une grande monnaie ou une caisse d’émission sont très rares. On trouve notamment l’Équateur et le Panama (dollar), l’Argentine, l’Estonie et Hong Kong (caisse d’émission). L’Union

63

européenne adopte actuellement une monnaie unique, l’euro. Compte tenu de la dévaluation du CFA en Afrique, le classement de la zone franc est difficile. Plusieurs pays anglophones d’Afrique de l’Ouest ont l’intention de stabiliser leurs taux sur la zone franc. Cette question est brièvement abordée dans la partie « Spéculation, contagion, effet–domino ». L’augmentation du nombre de pays à avoir adopté un régime à flottement plus ou moins libre constituerait la principale indication d’une évolution vers une solution tranchée. C’est du moins ce que semble indiquer le tableau 2.1. La proportion de pays ayant institué un régime de flottement a en effet augmenté, passant de 6 pour cent en 1983 à 32 pour cent en 1999. Toutefois, il est toujours plus manifeste que certains pays affirmant pratiquer le flottement libre contrôlent en réalité leur taux de change, principalement sous la forme d’une indexation sur le dollar. Cette partie examine rapidement les preuves dans ce sens figurant dans trois études, réalisées respectivement par Calvo et Reinhart (2000), Frankel et al. (2000), et par Bénassy– Queré et Cœuré (2000). Toutes ces études étayent l’idée selon laquelle certains pays ne laissent pas flotter leurs taux de change, tout en prétendant le contraire ; ce phénonème a été qualifié de « crainte du flottement » par Calvo et Reinhart. Tableau 2.1. Part des différents types de régimes de change dans différents pays membres du FMI (fin de l’année) Régime de taux de change

1983

1988

1994

1999

Rattachement fixe à une monnaie, caisse d’émission comprise Dollar américain FF, DM, euro Autres devises

35.6 23.3 8.9 3.4

38.2 25.7 9.2 3.3

26.0 13.8 8.3 3.9

29.9 15.0 12.3 2.7

Rattachement fixe à un panier de monnaies DTS ECU Autres paniers

27.4

25.7

13.3

9.6

8.9 17.8 17.8

5.3 19.7 19.7

1.7 11.0 11.0

3.2 6.4 6.4

Flottement limité Mécanisme de change européen Autres dispositifs comportant une marge de fluctuation

11.0 4.8 6.2

7.2 4.6 2.6

7.2 5.0 2.2

5.9 1.1 4.8

Ajustement progressif, flottement contrôlé

19.9

17.8

19.9

23.0

6.2

11.2

33.7

31.6

TOTAL

100.0

100.0

100.0

100.0

Nombre de monnaies

146

152

181

187

Flottement libre

Source:

Bénassy-Queré et Cœuré, Document de travail n° 2000-10, CEPII (2000).

64

La valeur des taux de changes flottants est déterminée par les transactions au jour le jour sur les marchés financiers. Ces taux reflètent généralement la variabilité des cours des actifs financiers. C’est ce qui s’est passé avec le dollar, le yen, le DM et l’euro au cours des vingt dernières années. Par conséquent, les pays disposant d’un véritable régime de flottement devraient voir leurs taux fluctuer conformément à ces grandes monnaies. Ces pays devraient également se caractériser par une faible variation de leurs réserves de change, puisqu’ils n’ont pas besoin, théoriquement, d’intervenir sur le marché des changes. Le flottement étant lié à une politique monétaire indépendante, cette dernière devrait porter sur des objectifs d’économie intérieure, comme la maîtrise de l’inflation. Cela laisserait donc présager une moins grande fluctuation des taux d’intérêt que dans le cas où la politique monétaire servirait à stabiliser le taux de change. Dans le cas d’un régime de taux fixes, le taux de change lui–même devrait être plus stable, le niveau des réserves devrait l’être moins et, comme dans le cas de l’ « impossible trinité », les taux d’intérêt devraient fluctuer dans le même sens que les taux d’intérêt internationaux. Calvo et Reinhart (2000) ont comparé la volatilité des taux de change, des réserves et des taux d’intérêt de pays affirmant disposer d’un régime de flottement, aux variables correspondantes en provenance des États–Unis, du Japon et d’Allemagne (le G–3), ces pays servant donc de référence. Reinhart (2000) fournit également un résumé bien utile. Les tableaux 2.2 à 2.4 ont été publiés par Calvo et Reinhart. Dans chaque tableau, une formule statistique mesure la fluctuation de la variable correspondante pour le groupe de pays du FMI pratiquant apparemment le flottement, puis la compare aux chiffres américains et japonais. Cette statistique mesure la probabilité, pour la variable en question, de fluctuer, chaque mois, alternativement, dans une fourchette comprise entre + et –1 pour cent, et + et –2.5 pour cent. Le tableau 2.2 montre les résultats obtenus par Calvo et Reinhart en matière de fluctuation du taux de change. Dès l’instauration des taux de change flottants par le G–3 en 1973, et jusqu’en 1999, la probabilité d’une évolution mensuelle du dollar par rapport au DM comprise entre +1 pour cent et –1 pour cent était de 26.8 pour cent ; elle était de 33.8 pour cent pour le dollar par rapport au yen. Pour la plupart des pays pratiquant officiellement le flottement, la probabilité d’une évolution mensuelle à l’intérieur de la fourchette était plus élevée, puisqu’elle s’établissait à 51.7 pour cent en moyenne, soit une probabilité deux fois plus importante que celle du taux de change dollar/DM. On peut donc en conclure que la fluctuation des taux de change dans ces pays était considérablement plus stable qu’au sein du groupe G–3. La stabilité des taux de change se traduirait par une certaine instabilité des réserves internationales de change et/ou des taux d’intérêt. Le premier cas se vérifierait s’il y avait une intervention sur le marché des changes afin de stabiliser les taux de change et le second si cette stabilisation était réalisée par le biais d’une politique monétaire sur le marché intérieur. Le tableau 2.3 montre les résultats publiés par Calvo et Reinhart en matière de fluctuation des réserves de change. La probabilité d’évolution mensuelle de ces réserves dans une fourchette comprise entre –1 pour cent et +1 pour cent est de 28.8 pour cent pour les États–Unis et de 44.8 pour cent pour le Japon. Pour les pays

65

Tableau 2.2. Fluctuation des taux de change dans des régimes « flottants » récents ou en cours Pays

Période

Probabilité pour que le taux de change mensuel fluctue dans une fourchette comprise entre + et - 1%

États-Unis $/DM Japon Afrique du Sud Australie Bolivie Canada Espagne Inde Kenya Mexique Nigeria Norvège Nouvelle-Zélande Ouganda Pérou Philippines Suède Fluctuation moyenne, hors États-Unis et Japon Écart-type, hors États-Unis et Japon Source :

entre + et - 2.5%

février 1973-avril 1999

26.8

58.7

février 1973-avril 1999

33.8

61.2

janvier 1983-avril 1999 janvier 1984-avril 1999 septembre 1985-décembre 1997 juin 1970-avril 1999 janvier 1984-mai 1989 mars 1993-avril 1999 octobre 1993-décembre 1997 décembre 1994-avril 1999 octobre 1986-mars 1993 décembre 1992-décembre 1994 mars 1985-avril 1999 janvier 1992-avril 1999 août 1990-avril 1999 janvier 1988-avril 1999 novembre 1992-avril 1999

32.8 28 72.8 68.2 57.8 82.2 50 34.6 36.4 79.2 39.1 52.9 45.2 60.7 35.1

66.2 70.3 93.9 93.6 93.8 93.4 72.2 63.5 74 5 95.8 72.2 77.9 71.4 74.9 75.5

51.67

79.27

17.83

11.41

Calvo et Reinhart, document de travail, Université du Maryland, 2000.

ayant opté officiellement pour le flottement, ce chiffre est beaucoup plus bas, puisqu’il s’établit à 16.2 pour cent en moyenne. Les réserves sont donc plus fluctuantes pour ces pays, ce qui est conforme à une politique d’intervention destinée à stabiliser le taux de change. Le tableau 2.4 montre les résultats obtenus en matière de fluctuation des taux d’intérêt. La probabilité d’évolution mensuelle des taux d’intérêt à court terme dans une fourchette comprise entre –1 pour cent et +1 pour cent est de 59.7 pour cent pour les États–Unis et de 67.9 pour cent pour le Japon. Pour les pays ayant opté officiellement pour le flottement, ce pourcentage s’établit à 33.3 pour cent. Par conséquent, les taux d’intérêt nationaux sont plus fluctuants dans ces pays, conformément à la politique monétaire menée, destinée à stabiliser le taux de change. Les résultats obtenus par Calvo et Reinhart étayent donc la proposition selon laquelle de nombreux pays classés par le FMI comme ayant adopté un régime de flottement stabilisent leur taux de change nominal, par rapport aux fluctuations observées dans le groupe du G–3, d’où leur qualification de pays « craignant le flottement ». Cette attitude est conforme à l’emploi répandu de régimes intermédiaires d’un type ou d’un autre.

66

Tableau 2.3. Fluctuation des réserves de change dans des régimes « flottants » récents ou en cours Pays

Période

Probabilité pour que les réserves de change mensuelles fluctuent dans une fourchette comprise

entre + et -1%

entre + et -2.5%

États-Unis Japon

février 1973 - avril 1999 février 1973 - avril 1999

28.6 44.8

62.2 74.3

Afrique du Sud Australie Bolivie Canada Espagne Inde Kenya Mexique Nigeria Norvège Nouvelle-Zélande Ouganda Pérou Philippines Suède Venezuela

janvier 1983 - avril 1999 janvier 1984 - avril 1999 septembre 1985 - décembre 1997 juin 1970 - avril 1999 janvier 1984 - mai 1989 mars 1993 - avril 1999 octobre 1993 - décembre 1997 décembre 1994 - avril 1999 octobre 1986 - mars 1993 décembre 1992 - décembre 1994 mars 1985 - avril 1999 janvier 1992 - avril 1999 août 1990 - avril 1999 janvier: 1988 - avril 1999 novembre 1992 - avril 1999 mars 1989 - juin 1994

8.7 23.9 8.1 15.9 18.5 21.6 13.7 13.2 7.7 36.1 11.8 17.7 23.1 9.7 8.9 20.3

17.4 50 19.6 36.6 40.1 50 27.4 28.3 12.8 51.9 31.4 32.9 48.1 26.1 33.3 35.9

16.18 7.66

33.86 11.99

Fluctuation moyenne, hors États-Unis et Japon Écart-type, hors États-Unis et Japon Source :

Calvo et Reinhart, document de travail, Université du Maryland, 2000.

Calvo et Reinhart étudient la fluctuation des taux de change afin d’observer la façon dont ces derniers sont contrôlés. Une autre méthode permettant de faire la distinction entre flottement et contrôle du taux de change consiste à étudier le rapport moyen entre les taux d’intérêt nationaux et internationaux. Selon le principe de l’ « impossible trinité », dans les pays à régime de taux fixes, ou, plus largement, ayant opté pour le contrôle des taux, les fluctuations des taux d’intérêt sont, en moyenne, limitées par les fluctuations des taux internationaux, comme dans l’équation (1) décrite plus haut. De leur côté, les pays ayant opté pour le flottement, dans la mesure où ils peuvent mener une politique monétaire indépendante, devraient être en mesure de modifier les taux d’intérêt indépendamment des fluctuations internationales de ces taux. Cette méthode permettant d’opérer la distinction entre taux de change flottants, contrôlés, voire fixes, a été adoptée par Frankel et al. (2000). Ces derniers calculent la courbe de régression des taux d’intérêt sur le marché monétaire intérieur à partir de l’évolution mensuelle des taux des bons du Trésor dans les années 70, 80 et 90. Leur étude porte sur les pays classés par régime de change par le FMI, mais aussi par niveau de revenu, par degré de développement et par décennie. Les équations élaborées

67

Tableau 2.4. Fluctuation des taux d’intérêt nominaux dans des régimes « flottants » récents ou en cours Pays

Période

Probabilité pour que le taux d’intérêt nominal mensuel fluctue dans une fourchette comprise entre + ou -0.25% (25 points de base)

entre + ou -0.5% (50 points de base)

États-Unis Japon

février 1973-avril 1999 février 1973-avril 1999

59.7 67.9

80.7 86.4

Afrique du Sud Australie Bolivie Canada Espagne Inde Kenya Mexique Nigeria Norvège Nouvelle-Zélande Ouganda Pérou Philippines Suède Venezuela Fluctuation moyenne, hors États-Unis et Japon Écart-type, hors ÉtatsUnis et Japon

janvier 1983-avril 1999 janvier 1984-avril 1999 septembre 1985-décembre 1997 juin 1970-avril 1999 janvier 1984-mai 1989 mars 1993-avril 1999 octobre 1993-décembre 1997 décembre 1994-avril 1999 octobre 1986-mars 1993 décembre 1992-décembre 1994 mars 1985-avril 1999 janvier 1992-avril 1999 août 1990-avril 1999 janvier 1988-avril 1999 novembre 1992-avril 1999 mars 1989-juin 1994

35.6 28.1 16.3 36.1 30.8 6.4 19.6 5.7 89.7 32.1 40 11.6 24.8 22.1 71.8 62.5

53.1 53.9 25.9 61.9 41.5 15.9 25.5 9.4 91 51.9 59.4 32.6 32.3 38.9 91.1 62.5

33.33

46.68

23.44

23.68

Source :

Calvo et Reinhart, document de travail, Université du Maryland, 2000.

comprennent des variables de contrôle, notamment l’inflation relative, et des variables muettes permettant de comparer des périodes agitées et calmes. Selon cette étude, le coefficient de la pente par rapport au taux américain est de 1 pour les taux fixes, d’environ 0 pour les taux flottants et compris entre ces deux valeurs pour les régimes intermédiaires. Le tableau 2.5, tiré de leur étude, montre des résultats assez typiques. Le coefficient du taux américain est de 1 environ, quel que soit le régime considéré, à l’exception du Mexique. En d’autres termes, les pays ne pratiquent pas une politique monétaire indépendante, quel que soit le régime de change pratiqué.

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Tableau 2.5. Réactivité de certains taux d’intérêt au taux des bons du Trésor américain Pays en développement Échantillon

Constante

Bon du Trésor américain

Pente = 1 (valeur de p)

Racine carrée

Nombre d’observations

Argentine

3/91-12/99

0.01 (0.04)

1.33 (0.87)

0.70

0.71

106

Hong Kong

1/94-12/99

0.01 (0.01)

1.01 ** (0.16)

0.96

0.16

72

Chili

1/90-8/99

0.03 50.04°

1.99 ** 50.80°

0.21

0.49

116

Indonésie

1/90-6/99

0.05 * 50.03°

1.35 ** (0.67)

0.60

0.50

102

Israël

1/90-12/99

0.08 ** (0.01)

0.94 ** (0.12)

0.65

0.41

120

Singapour

1/90-12/99

0.00 (0.01)

0.86 ** (0.11)

0.21

0.41

120

Thaïlande

1/90-3/97

0.02 (0.01)

1.42 ** (0.29)

0.15

0.44

87

Régimes fixes

Régimes intermédiaires

Régimes de flottement libre Afrique du Sud

1/90-12/99

0.06 ** (0.01)

1.44 ** (0.19)

0.02

0.44

120

Mexique

12/94-12/99

0.22 * (0.12)

-1.22 (2.54)

0.38

0.76

61

Philippines

1/90-12/99

0.05 ** (0.02)

1.29 ** (0.46)

0.52

0.24

120

Note :

Ce tableau montre la constante et la pente de certains taux d’intérêt (marché de l’argent) par rapport aux bons du Trésor américains. Le coefficient d’inflation n’est pas publié, mais est intégré à toutes les courbes de régression. Le taux d’erreur standard de Newey-West est indiqué entre parenthèses. ** et * signifient que l’estimation est statistiquement différente de zéro, à 5 pour cent et 10 pour cent respectivement.

Source :

Frankel et al.,Document du travail, Banque mondiale, juin 2000.

69

La conclusion à cette étude convient d’être citée : « Le principal résultat de cette étude est qu’au cours des dix dernières années, quel que soit le régime de change considéré, une importante sensibilité des taux d’intérêt nationaux par rapport aux taux internationaux a été constatée. En effet, dans les années 90, l’effet de transmission (correspondant à un coefficient de pente sensiblement inférieur à un) est total dans l’écrasante majorité des cas, quel que soit le régime de change considéré. Ce résultat provient des estimations pays par pays et d’un examen détaillé de l’ensemble des estimations. Quelques grands pays industrialisés constituent l’exception à la règle. Selon les résultats obtenus dans cette étude, il s’agit des seuls pays ayant la possibilité de mener une politique monétaire indépendante ou l’ayant adoptée », Frankel et al.(2000, p. 21). Ces résultats sont cohérents avec le phénomène de crainte du flottement et laissent entendre que ces pays ne s’orientent pas vers un système de flottement. Une troisième méthode empirique permettant de connaître le régime de change de facto de certains pays est celle employée par Bénassy–Queré et Cœuré (2000). Une fonction de régression semblable à celle utilisée par Branson (1981) sert à estimer le facteur de pondération implicite de certains ancrages sur des paniers. L’équation : a($, i)dE($, i) + a(EU, i)dE(EU, i) + a(Y, i)dE(Y,i) = B + u,

(4)

permet d’estimer les ancrages implicites de 111 monnaies pour i pays, sur des données mensuelles. a est le coefficient de régression, dE l’évolution en pourcentage du taux de change mensuel de la monnaie considérée par rapport au dollar, à l’euro et au yen respectivement ; B est une constante et u une valeur d’erreur aléatoire. Ces estimations sont calculées selon la méthode des moments généralisés, le total des coefficients a( ) devant être égal à un. Les coefficients a dans l’équation (4) peuvent être estimés directement. Un coefficient significatif égal à un pour chaque occurrence de a signifie que la monnaie du pays i est effectivement ancrée à la monnaie considérée. Un seul coefficient significatif compris entre zéro et un correspond à un ancrage partiel. Deux ou trois coefficients significatifs correspondent à un ancrage sur un panier de monnaies. L’équation a été calculée pour chaque monnaie, sur la période allant d’avril 1995 à juin 1997 (à savoir, avant la crise asiatique), puis d’octobre 1998 à décembre 1999. Les résultats présentés dans le tableau 2.6, sont ceux obtenus par Bénassy–Queré et Cœuré. L’ancrage sur une seule monnaie correspond aux cas où l’un des coefficients a est égal à un ; en cas d’ancrage partiel, l’un des coefficients est significatif et compris entre zéro et un ; on est en présence d’un ancrage sur un panier lorsque deux ou trois coefficients sont significatifs ; les régimes flottants correspondent à l’absence de tout coefficient significatif.

70

Tableau 2.6. Régimes de facto (% des monnaies étudiées) Pays

avril 1995- juin 1997 (avant la crise asiatique)

octobre 1998- décembre 1999 (après la crise asiatique)

Rattachement à une seule monnaie Dollar américain Euro Yen

50.6 10.3 0.9

49.5 10.3 0.0

Rattachement partiel à une seule monnaie Dollar américain Euro Yen

12.1 0.9 0.0

6.5 1.9 0.9

Rattachement à un panier Dollar/euro Dollar/yen Euro/yen Euro/dollar/yen

12.1 5.6 1.9 0.9

14.0 2.8 2.8 7.5

Flottement libre

4.7

3.7

Total

100.0

100.0

Nombre de monnaies

107

107

Note :

La zone franc est considérée comme un seul pays (une estimation). Les coefficients négatifs n’ont pas été considérés comme des rattachements partiels.

Source:

Bénassy-Queré et Cœuré, document de travail n° 2000-10, CEPII (2000).

Les résultats du tableau 2.6 devraient être comparés au tableau 2.1, qui indique la distribution des régimes de change publiée en 1999. Deux constatations s’imposent. Dans le tableau 2.1, 15 pour cent des pays ont officiellement ancré leur taux de change sur le dollar, tandis qu’au tableau 2.6, ils sont 50 pour cent à l’avoir fait. Par ailleurs, dans le tableau 2.1, 31.6 pour cent des pays sont officiellement dans un régime de change flottant, alors que, selon le tableau 2.6, ils ne sont plus que 4 pour cent dans ce cas. En outre, au tableau 2.6, 14 pour cent des pays ont ancré leur monnaie sur un panier dollar/euro et 7.5 pour cent sur un panier composé des trois grandes monnaies. Ces chiffres seront utiles lors du calcul des facteurs de pondération des paniers, à la fin de ce chapitre. Les preuves empiriques résumées plus haut mettent en évidence l’existence de régimes de change intermédiaires. D’une manière générale, les pays ne renoncent pas à leur monnaie pour adopter des monnaies fortes et ils ne laissent pas non plus librement flotter leur monnaie. Ils contrôlent ou cherchent à stabiliser leurs taux de change par rapport à l’une des monnaies du G–3 ou un panier de monnaies. Dans la section suivante, nous étudions les avantages de cette méthode pour la plupart des pays en développement.

71

Stabilisation du taux de change effectif réel dans le cadre d’un régime intermédiaire Branson et Katseli (1980, 1981, 1982) ont plaidé en faveur d’une stabilisation du taux de change effectif réel par rapport à un panier de monnaies comme étant une politique de change optimale pour les pays en développement. Branson et Braga de Macedo (1982) ont mis au point des règles d’ajustement du taux de change effectif réel permettant de maintenir ce dernier proche de l’équilibre. Williamson (1996) a proposé d’ajuster le taux de change effectif réel au moyen d’une marge de fluctuation. C’est ce qu’il a appelé les règles dites BBC, de l’anglais band, basket et crawl (cf. introduction). Branson (1983), puis Branson et Braga de Macedo (1989) ont mis en application cette idée de stabilisation du taux de change effectif réel. Branson et Braga de Macedo (1996) ont inclus cette idée de pré–ancrage des taux valable pour les pays candidats à l’adhésion à l’UE, à un ensemble de mesures macro–économiques générales. Le panier de monnaies pour l’Europe centrale était l’écu. Nous reprenons l’argument de la stabilisation du taux de change effectif réel dans le débat sur les régimes intermédiaires. Commençons par la peur du flottement. Pourquoi les pays en développement disent–ils qu’ils laissent flotter leur taux alors qu’ils continuent à les contrôler ? La réponse donnée par Branson et Katseli (1981) est qu’ils ont peur de l’instabilité de leur marché des changes. En effet, la demande des investisseurs internationaux en actifs libellés dans la monnaie du pays est faible, pour de nombreux pays en développement. A cet égard, les marchés financiers de ces pays ne sont pas bien intégrés au système financier international. Les États–Unis, l’Allemagne et le Japon peuvent adopter un régime de flottement en toute confiance, étant donné que les investisseurs détiennent des portefeuilles diversifiés libellés en dollars, en DM et en yens. Des fluctuations réduites de la rentabilité relative de ces investissements éliminent les déséquilibres sur les marchés des changes concernés. Or, cela ne s’applique pas à de nombreux pays en développement dont les actifs financiers font l’objet d’une demande limitée. Ce phénomène est mis en évidence par la fluctuation des taux d’intérêt dans ces pays et par la nécessité, pour ces derniers, d’élever considérablement leurs taux d’intérêt afin de conserver les investissements libellés dans leur monnaie. A cet égard, la crainte du flottement est justifiée, tout comme le contrôle du marché des changes. La banque centrale doit arbitrer le marché. Comment les taux de change doivent–ils alors être contrôlés ? Une solution extrême consiste à adopter une monnaie forte. Cette solution est peut–être la bonne lorsque le pays de la monnaie forte joue un rôle dominant dans les échanges commerciaux du pays en développement et si celui–ci souhaite renoncer à l’indépendance de sa politique monétaire. La préférence manifeste d’un nombre réduit de pays pour cette solution signifie qu’il en existe d’autres. La plupart des pays en développement étant caractérisés par une certaine diversification de leurs échanges commerciaux, une méthode de contrôle utile pourrait consister à définir un taux de

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change effectif par le biais d’un panier de monnaie. Cela reviendrait alors à contrôler ou à stabiliser un taux de change effectif nominal ou réel. Les partisans d’une stabilité des prix importée se prononcent en faveur d’une stabilisation du taux nominal, dans la mesure où cette dernière fournit un « ancrage nominal ». Une autre solution consiste à intégrer le taux de change à un programme d’équilibre intérieur et extérieur, comme le préconise Mundell (1962). On aboutit ainsi au choix consistant à stabiliser le taux de change effectif réel en ciblant la balance des paiements courants : cette méthode a été développée par Branson et al. (1998) pour les pays d’Europe centrale. L’ancrage nominal du taux de change porte le débat au niveau de la discipline budgétaire. Le ciblage du taux de change nominal est destiné à « importer » la stabilité des prix et à supprimer l’indépendance monétaire. La banque centrale se retrouvant ainsi dans l’impossibilité de financer un déficit budgétaire, une telle méthode est destinée à imposer une certaine rigueur en matière de politique budgétaire. Or, une telle éventualité est peu vraisemblable si la politique budgétaire n’est pas véritablement maîtrisée, et elle n’est pas nécessaire dans le cas contraire. Une meilleure approche consisterait à instaurer directement une discipline budgétaire et à viser l’équilibre interne en matière de politique budgétaire. Il s’agit de la stratégie d’ajustement budgétaire pluriannuel conçue par Bliss et Braga de Macedo (1990) et appliquée aux pays d’Europe centrale par Branson et al. (1998). Une fois la discipline budgétaire établie, la politique monétaire et le taux de change peuvent être ciblés sur la recherche d’un équilibre extérieur. Dans ce cas, on peut axer le taux de change effectif réel sur un niveau déterminé de la balance des transactions courantes en prévoyant un ajustement progressif conformément à l’évolution du taux de change effectif réel d’équilibre. Cet ajustement peut prendre la forme d’une marge de fluctuation dont la valeur pivot correspond à la moyenne pondérée décroissante du taux de change effectif réel constaté par le passé. Un tel dispositif serait conforme aux règles dites « BBC » de Williamson. Le régime intermédiaire reposerait ainsi sur une stabilisation du taux de change effectif réel. Reste un facteur important, celui des pondération utilisées dans le taux de change effectif réel. Un point de départ s’imposant naturellement serait de tenir compte de la part totale des échanges commerciaux de chaque pays avec leurs principaux partenaires. Ces paramètres évoluent lentement et fournissent un fondement solide pour le calcul du taux de change effectif réel. Ces facteurs peuvent également être ajustés, lorsque l’équilibre fondamental de la balance des paiements s’accompagne d’une certaine stabilité des mouvements de capitaux. Il faut alors définir la notion de stabilité des mouvements de capitaux dans un contexte de mondialisation de la balance des mouvements de capitaux. La volatilité des mouvements de capitaux a été à l’origine de l’instabilité ayant entraîné la survenue de crises financières récentes. Il conviendrait également de tenir compte de l’élasticité des échanges commerciaux de pays qui n’ont pas d’influence sur les prix mondiaux. Branson et Katseli (1980) donnent un exemple de ce type d’ajustement. Un autre exemple est constitué par le modèle multilatéral de taux de change du FMI (MERM — multilateral exchange rate model), qui fournit les facteurs de pondération implicites des pays répertoriés. Des pondérations correspondant à différents groupes de pays en développement sont données à titre d’exemple, dans la section conclusive.

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Spéculation, contagion et effet–domino : arguments en faveur d’un regroupement Au cours des vingt dernières années, les accords commerciaux régionaux se sont multipliés. Ces accords reposent sur la similitude des échanges entre pays géographiquement proches. Dans les pays industriels, ces similitudes tendent à être fondées sur les échanges commerciaux, souvent intrasectoriels. Des exemples de ce type se rencontrent en Amérique du Nord (ALENA) et en Europe (UE). Pour les pays en développement, ces similitudes reposent généralement sur le commerce de produits similaires, ayant une même origine et une même destination ; ces accords sont fréquemment fondés sur des échanges intersectoriels et des ressources différentes, comme en Asie du Sud–Est (ANASE) et en Amérique du Sud (Mercosur et Pacte andin). L’Afrique de l’Est et de l’Ouest présentent également des similitudes de cet ordre, bien que les accords commerciaux régionaux y soient moins formels. Dans les différents groupes de pays en développement, le commerce tend à être marqué par la concurrence dans des marchés tiers. Cela s’applique également à certaines sous– catégories de pays industrialisés, en partie dans l’Europe du Nord et de la Méditerranée. Dans ces régions, les dévaluations sont généralement destinées à favoriser la compétitivité des exportations, et une coopération évitant cette forme de concurrence pourrait être utile. Les marchés financiers perçoivent la possibilité de dévaluation compétitive dans ces groupes de pays ; lorsqu’un déséquilibre dans le taux de change effectif réel de l’un de ces groupes apparaît, l’information parvient apparemment jusqu’au réseau de spéculation. Dans ce cas, c’est le maillon le plus faible de la chaîne qui est attaqué le premier, les marchés remontant ensuite en fonction du niveau perçu de faiblesse. Une fois que le pays le plus faible a dévalué, le pays suivant est pressé de le faire, et ainsi de suite. Cette faiblesse peut se manifester de différentes façons. Il peut s’agir tout simplement d’un déséquilibre commercial, d’une dynamique instable de l’endettement ou d’une certaine vulnérabilité des marchés financiers. Ce déplacement de la pression spéculative a été qualifié d’effet de contagion entraînant des dévaluations en cascade (effet–domino). La crise du SME en 1992, analysée par Branson (1994), et la crise asiatique de 1997, sont deux exemples de ce processus. La réunification allemande, en 1990–1991, a entraîné l’apparition d’un déficit du budget allemand, après des années d’excédent, ainsi qu’une forte progression des taux d’intérêt allemands. Selon le modèle classique de Mundell–Fleming, l’équilibre face à cette nouvelle situation s’est rétabli par une appréciation du DM en termes réels. La Bundesbank a demandé à ses partenaires du SME de l’autoriser à réaligner unilatéralement sa monnaie à la hausse, afin de diminuer la pression liée à ce déséquilibre, mais ces derniers ont refusé en pensant qu’ils pouvaient acquérir une image anti– inflationniste par le biais de la Bundesbank. Percevant ce déséquilibre, les marchés se sont attaqués au maillon le plus faible de la chaîne. Celui–ci était la Finlande, qui avait rattaché son taux au SME, mais qui ne participait pas aux accords de partage des réserves et dont les exportations vers la Russie avaient chuté à la suite de l’effondrement de l’URSS. Lorsque la Finlande a dévalué, en août 1991, la pression spéculative s’est

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alors tournée vers la Suède. Après la dévaluation par la Suède, les attaques se sont portées sur le Royaume–Uni, et ainsi de suite. Les marchés ont semblé suivre un schéma de faiblesse compétitive telle qu’elle a été décrite ensuite par Eichengreen et Wyplosz (1993). Dans ce cas, une action collective au sein du SME, en autorisant le réalignement à la hausse du DM, aurait évité ces attaques spéculatives en série. Le second cas concerne la crise asiatique de 1997. Les pays du Sud–Est asiatique, et plus particulièrement la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie et la Corée, avaient subi des chocs externes et internes indiquant l’éventualité d’une dévaluation en termes réels. Le choc externe a été lié au ralentissement de la croissance japonaise, qui durait depuis dix ans, et à la dépréciation du yen par rapport au dollar après 1995. Le choc interne a été constitué par une explosion de l’investissement, ce dernier augmentant par rapport à l’épargne. Cette situation a entraîné un creusement du déficit de la balance des transactions courantes, financé par des afflux de capitaux rendus plus faciles en raison de la baisse des taux d’intérêt au Japon. Dans le même temps, compte tenu de la stabilité de leur monnaie vis–à–vis du dollar, ces pays avaient apprécié leur taux de change réel, ce qui a déstabilisé leur dynamique de l’endettement. La dette libellée en devises étrangères augmentait, tout comme le déficit de la balance des transactions courantes, ce qui a accéléré l’accumulation de la dette tandis que les taux de change s’appréciaient, en termes réels. En outre, ces pays se caractérisaient par une certaine fragilité de leur secteur financier, de telle sorte qu’une dévaluation mettrait les établissements financiers sous pression. Cette situation ayant été perçue par les marchés, ces derniers ont augmenté la pression spéculative sur la Thaïlande, au printemps 1997. La Thaïlande a fini par céder, en juillet. Une fois la dévaluation adoptée par ce pays, la pression compétitive s’est immédiatement exercée sur la Malaisie et l’Indonésie, qui pratiquaient le même type d’exportations que la Thaïlande, et vers les mêmes pays. L’effet de contagion était manifeste. Finalement, la Malaisie et l’Indonésie ont dévalué et la pression spéculative s’est alors étendue à l’ensemble de l’Asie du Sud–Est. Le même type de pression compétitive s’exerce en Afrique et en Amérique du Sud. La dévaluation du franc CFA en Afrique a suscité une pression sur les pays anglophones exportant le même type de produits que ceux de la zone franc, à destination de l’Europe et de l’Amérique du Nord. La dévaluation en Argentine a créé une pression du même ordre sur les autres pays du Mercosur. Ces effets de contagion entraînent des dévaluations trop importantes de chacun des pays. Cela est particulièrement évident pour l’Asie du Sud–Est. Les grands mouvements de dévaluations, les uns après les autres, ont tous été inversés en partie. La concentration de la spéculation sur un seul pays à la fois crée une pression maximale sur ce dernier et une dévaluation exagérée. Cela renforce la pression compétitive sur le pays suivant et entraîne une série de dévaluations exagérées qui finiront éventuellement par s’inverser en partie. Cette situation aurait pu être corrigée si les membres du groupe avaient géré conjointement leur système BBC de stabilisation du taux de change effectif réel par rapport à un panier commun.

75

Ce type de regroupement permettrait d’étaler la pression spéculative sur une zone plus étendue, réduisant ainsi la pression s’exerçant sur chaque pays. Cela éliminerait les dévaluations en série et les baisses trop importantes du taux de change. Cela minimiserait également la possibilité de procéder à des dévaluations compétitives au sein du groupe. Ce type de dispositif ressemblerait à un accord de partage des réserves. Il devrait prévoir des réalignements occasionnels au sein du groupe, en fonction du différentiel de productivité. Le SME à ses débuts, avec ses réalignements à parité de pouvoir d’achat et son dispositif de partage des réserves, pourrait constituer un modèle utile pour la politique de change dans ces groupes de pays. Ces groupes pourraient être les suivants : Asie de l’Est, Afrique de l’Est, Afrique de l’Ouest, Mercosur et Communauté andine. Évolution des institutions financières au sein de groupes monétaires L’instauration d’un groupe d’union monétaire doit passer en premier lieu par la coopération entre banques centrales. Cela se traduirait notamment par le partage de l’information et le calcul des fluctuations de taux tant que la marge commune du taux de change effectif réel est conservée. Un tel système nécessiterait également des décisions prises conjointement, ou encore une intervention commune ou déléguée à une autre autorité sur le marché des changes. Cela se traduirait par des changements dont on ne peut que se féliciter dans les banques centrales et les marchés financiers, en particulier pour les groupes de pays africains. Les accords entre banques centrales destinés à conserver la marge commune de fluctuation du taux de change effectif réel nécessiteraient également une certaine coordination des politiques macro–économiques menées sur le marché intérieur. Les politiques budgétaires devraient être ciblées sur l’équilibre interne. Une coopération entre ministres des Finances, par exemple, sur le modèle du conseil ECOFIN de l’UE, serait également la bienvenue. Une fois de plus, le partage d’informations et les discussions sur les problèmes de politique commune pourraient stimuler l’évolution des institutions. Un taux de change effectif réel commun exclurait pratiquement toute dévaluation compétitive entre les groupes. Une telle solution favoriserait des accords commerciaux communs, ces derniers comprenant des positions communes sur les négociations commerciales, des droits de douane communs et des institutions commerciales communes ayant par exemple pour objet le développement des exportations ou des accords de crédit. Ces exemples de développement institutionnel pourraient donner lieu à la création d’institutions communes, ce qui diminuerait le capital humain nécessaire au développement d’institutions distinctes. Cette économie en capital humain serait un effet secondaire important de la participation à un accord sur un taux de change commun.

76

Candidats potentiels à des accords sur les taux de change Cette partie présente un certain nombre de facteurs préliminaires et très approximatifs de pondérations du taux de change effectif réel pour différents groupes de pays en développement. Ces chiffres sont fondés sur la part géographique de chaque pays au commerce international, sans tenir compte de la stabilité des mouvements de capitaux ni de la puissance commerciale de chacun de ces pays. Pour obtenir une pondération plus précise, il faudrait effectuer des recherches sur des indices de similitude commerciale, afin de définir les groupes présentant une compétitivité potentielle optimale. Si une telle proposition devait être adoptée, les pondérations devraient ensuite être calculées et agréées par les pays concernés. C’est la raison pour laquelle les valeurs données dans ce document ont seulement valeur d’exemple. Nous commençons par les pays d’Asie de l’est, dont Williamson (2000) a calculé des indices de similitude commerciale. Nous examinons ensuite l’Amérique du Sud et l’Afrique, dont les indices n’ont pas été calculés. Asie de l’Est Williamson a calculé des indices de similitude commerciale pour les pays d’Asie de l’Est. Il montre que la moitié au moins des principaux concurrents de la totalité des neuf pays répertoriés au tableau 2.7, à l’exception (étonnante) de l’Indonésie, se trouvent dans cette région. Chaque pays, excepté l’Indonésie et les Philippines, est l’un des principaux concurrents d’au moins quatre autres pays de la région. Singapour se distingue des autres pays par la faible part de ses échanges commerciaux avec le Japon, comme le montre le tableau 2.7. Williamson a calculé la part du commerce extérieur pour chacun de ces pays et il fournit des facteurs de pondération pour un panier commun de trois monnaies s’appliquant aux neuf pays, à huit si l’on exclut Singapour et à six si l’on exclut, en outre, l’Indonésie et les Philippines. Ces facteurs de pondération figurent en bas du tableau 2.7. La variation entre ces poids en fonction du nombre de pays est minime. Dans un souci de simplicité et de transparence, on peut affirmer que le dollar, l’euro et le yen représentent respectivement 33 pour cent du poids du panier.

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Tableau 2.7. Orientation des échanges commerciaux dans les pays d’Asie orientale, hors échanges intra-groupe, en 1994 (pourcentage)

États-Unis Japon Europe de l’Ouest Reste du monde occidental Reste du monde Écart par rapport à la moyenne pondérée

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États-Unis Japon Europe de l’Ouest Reste du monde occidental Reste du monde Écart par rapport à la moyenne pondérée

E

Chine I

Total

E

Hong Kong I

Total

E

Indonésie I

Total

E

Corée du Sud I

Total

E

Malaisie I

Total

28.5 28.6 21.2

18.0 33.9 25.4

23.2 31.3 23.3

40.9 9.8 28.2

17.9 39.0 28.9

31.0 22.4 28.5

24.7 45.4 25.8

14.7 40.1 31.0

20.2 43.0 28.1

30.8 20.3 16.9

24.9 29.2 17.1

27.4 27.4 17.0

36.0 20.3 24.7

24.3 39.0 24.2

29.7 30.4 24.4

4.9 16.8

5.1 17.6

5.0 17.2

7.8 13.2

2.7 11.5

5.6 12.5

3.0 1.1

4.9 9.3

3.8 4.8

9.7 22.3

5.4 23.4

7.3 22.9

4.2 14.8

2.1 1.5

3.0 12.5

23.3

11.4

14.9

22.4

18.4

12.5

55.2

27.3

39.2

24.5

24.6

22.9

6.7

21.8

10.8

E

Philippines I

Total

E

Singapour I

Total

E

E

Thaïlande I

Total

E

50.4 19.7 23.2

26.0 34.1 16.5

35.6 28.4 19.2

35.2 13.2 26.5

24.1 3.5 53.8

29.0 7.7 41.7

55.1 21.1 14.3

24.8 34.6 24.3

37.7 28.9 20.0

35.4 27.5 26.9

14.9 40.1 23.2

23.1 35.1 24.7

36.7 20.8 22.7

21.4 31.0 22.7

28.6 26.2 25.4

3.2 3.5

3.6 19.8

3.4 13.4

4.0 21.2

2.0 16.7

2.9 18.7

9.5 0.0

3.9 12.4

6.3 7.1

3.7 6.5

2.8 19.1

3.1 14.1

6.4 13.4

3.7 16.2

5.0 14.9

28.4

22.6

18.4

23.1

58.5

41.1

43.7

14.4

26.1

21.6

24.0

17.7

Panier de neuf monnaies

Poids dans le panier commun Dollar américain Yen japonais Deutsche Mark

38.1 32.6 29.3

Taipei chinois I Total

Panier de huit monnaies

Moyenne pondérée I Total

Panier de six monnaies

39.7 31.0 29.3

Note :

E = exportations, I = importations. Les chiffres sur le Taipei chinois correspondent aux données publiées par le Taipei chinois et par ses partenaires commerciaux.

Source :

Williamson, document de travail, IIE, 2000.

39.3 33.8 26.8

Amérique du Sud La part de certains pays d’Amérique du Sud dans le commerce international est représentée au tableau 2.8, tiré de Bénassy-Queré et Cœuré (2000). Ces chiffres ne tiennent pas compte du commerce à l’intérieur de l’Amérique latine. Deux groupes se distinguent au tableau 2.8. Si l’on exclut les exportations argentines vers les ÉtatsUnis, ce dernier pays et l’Europe représentent les principaux partenaires commerciaux de l’Argentine, du Brésil, de la Colombie et de l’Équateur. Ce groupe de pays pourrait pondérer son panier de monnaies à hauteur de 50 pour cent respectivement sur le dollar et l’euro. L’Argentine et le Brésil sont déjà liés par leur appartenance au MERCOSUR, la première ayant récemment appliqué ces facteurs de pondération à ses transactions commerciales. Il conviendrait de calculer un indice de similitude commerciale afin de savoir si ces quatre pays, et peut-être d’autres, pourraient former un groupe cohérent. L’autre groupe est constitué par les deux pays de la Communauté andine, le Chili et le Pérou. Ces pays ont des échanges commerciaux plus importants avec l’Asie, de telle sorte qu’une pondération à hauteur de 33 pour cent pour chacune des trois monnaies serait plus adaptée.

Tableau 2.8. Part de l’Amérique latine au commerce international, 1997 États-Unis

Japon et autres pays asiatiques

UE

20.2 25.5 36.8 31.8 23.9 25.8

9.9 12.0 11.3 10.5 17.1 12.6

29.5 27.5 19.3 17.8 21.3 18.3

8.7 17.4 38.3 36.5 13.1 27.2

10.4 15.5 3.8 12.1 35.2 25.2

18.3 25.2 22.5 18.7 26.1 21.6

A. Exportations Argentine Brésil Colombie Équateur Chili Pérou B. Importations Argentine Brésil Colombie Équateur Chili Pérou Source :

Bénassy-Queré et Cœuré, document de travail n° 2000-10, CEPII (2000).

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Tableau 2.9. Part de l’Afrique au commerce international (pourcentages) États-Unis

UE

Japon

Cameroun Congo Gabon Guinée équatoriale République centrafricaine Tchad Total CEMAC (A) Bénin Burkina Faso Côte d’Ivoire Guinée-Bissau Mali Niger Sénégal Togo Total UEMOA (B) Total zone franc CFA (A+B)

3.7 18.3 33.6 27.8 1.4 4.1 20.6 5.0 1.7 6.2 0.6 2.7 2.0 2.8 1.9 4.4 11.2

61.5 25.7 41.2 42.5 70.2 53.7 44.4 38.7 35.6 45.6 25.8 30.6 39.5 50.5 22.9 41.3 42.6

2.6 0.2 1.4 4.5 1.4 1.7 1.7 2.8 2.1 1.1 0.6 0.6 10.5 3.2 1.5 1.9 1.8

Cap-Vert Gambie Ghana Guinée Liberia Nigeria Sierra Leone Total autres pays d’Afrique de l’Ouest

2.4 5.0 8.6 13.1 2.0 25.8 6.0 18.5

82.9 49.5 41.5 50.1 29.3 32.4 36.6 35.1

0.0 3.0 2.9 1.5 0.0 2.4 0.7 2.1

Kenya Madagascar Mozambique Ouganda Rwanda Soudan Tanzanie Zambie Zimbabwe Total autres pays d’Afrique de l’Est

5.8 4.5 3.9 4.0 15.1 0.4 5.3 3.6 5.3 4.7

34.9 47.3 12.3 35.4 24.4 31.0 25.0 23.5 28.4 29.4

3.7 4.7 3.8 4.5 2.3 5.1 8.4 6.8 5.6 5.1

Source :

Répartition géographique, FMI, 1998.

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Afrique Bien qu’aucun indice de similitude commerciale n’ait été calculé pour les pays d’Afrique subsaharienne, il semble probable que ces derniers se livrent une concurrence sévère. Les exportations portent principalement sur les produits agricoles et miniers, et sont destinées à l’Europe, tandis que ces pays importent des biens d’équipements et des produits industriels intermédiaires, principalement en provenance d’Europe. La part des pays africains dans les échanges commerciaux des États–Unis, de l’UE et du Japon est présentée au tableau 2.9, à partir de la répartition géographique du commerce extérieur du FMI. Étonnamment, deux groupes se détachent du tableau 2.9 : l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est. L’Afrique de l’Ouest réalise une part considérable de ses échanges commerciaux avec les États–Unis. En fait, les États–Unis représentent environ un tiers de ses échanges commerciaux, contre deux tiers pour l’Union européenne. Ces chiffres pourraient constituer un bon point de départ pour l’Afrique de l’Ouest. L’UE domine, dans les échanges commerciaux extérieurs de l’Afrique de l’Est. Une simple stabilisation du taux de change réel par rapport à l’euro pourrait constituer la meilleure solution pour l’Afrique de l’Est.

Conclusion Depuis l’effondrement des économies de l’Asie du Sud–Est, l’idée que les pays en développement doivent choisir entre deux régimes « extrêmes » de taux de change, l’ancrage fixe ou le flottement, fait partie du bon sens commun. Le Trésor américain a proposé que cela soit une condition au soutien du FMI. Or, ce chapitre montre que les régimes intermédiaires qui stabilisent le taux de change effectif réel par rapport à un panier de monnaies valent mieux que les solutions extrêmes. Cela se traduirait par une marge de fluctuation du taux nominal. Nous montrons également que ce type de système devrait être adopté par des pays présentant des courants commerciaux équivalents et utilisant des paniers de monnaies communs. Cela disperserait la pression spéculative au lieu de la concentrer sur un seul pays à la fois. Des facteurs de pondération pour cinq groupes de pays ont été calculés à titre d’exemple. En conclusion, non seulement les pays en développement n’ont pas opté pour des solutions extrêmes, mais ils ont raison de ne pas le faire. Stabiliser le taux de change effectif réel au sein de groupes de pays et utiliser les politiques nationales pour lisser le marché intérieur constituent une bien meilleure solution.

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Chapitre 3

Pour un rattachement strict du taux de change dans le meilleur des mondes de la finance mondiale Guillermo A. Calvo

Rappel des faits* En première approximation, on peut comparer les récentes crises monétaires des marchés émergents à des ouragans. Elles sont arrivées d’on ne sait où, elles ont provoqué des dégâts importants et elles sont parties avec la même violence, laissant les populations abasourdies, déconcertées et inquiètes. Au lendemain de la crise Tequila de 1994–95, les observateurs sont rapidement parvenus à la conclusion que les pays touchés par cette crise étaient punis pour avoir ignoré le commandement : Tu épargneras. Mais, les vents dévastateurs qui ont soufflé sur l’Asie peu de temps après ont conduit à douter de la validité de ce genre d’explication. Les Asiatiques avaient suivi ce commandement à la lettre et leur seule faute, si tant est qu’il y eut faute, était d’avoir fait plus que leur devoir. C’est ainsi que tout le monde a commencé à se focaliser sur le régime du taux de change pour expliquer les crises, bien qu’il n’existe aucun saint commandement pour guider les choix d’orientation dans ce domaine. Un ouragan provoqué par un léger battement d’aile ? L’arrêt brutal Calvo et Reinhart (1999) montrent que les crises monétaires sont liées à une forte contraction du crédit international (arrêt brutal). Au cours des récentes crises, par exemple, les entrées de capitaux ont enregistré des baisses représentant 10 à 20 pour cent, voire davantage encore, du PIB. Cette baisse est d’une trop grande ampleur pour pouvoir être expliquée par des facteurs strictement économiques dans des périodes de tranquillité relative. Dans ces conditions, on peut raisonnablement supposer que les facteurs externes ont joué un rôle fondamental (de contagion par exemple) et qu’ils *

Cette note a été présentée à l’ABCDE Europe, à Paris, le 26 juin 2000. Guillermo Calvo est Directeur du Centre de l’économie internationale de l’Université du Maryland, College Park. L’auteur tient à exprimer ses remerciements à Daniel Cohen, Helmut Reisen et à d’autres participants au séminaire pour leurs observations fort utiles.

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sont venus s’ajouter à de graves déficiences structurelles qui pouvaient engendrer des équilibres multiples. Dans un tel contexte, un système financier intérieur faible est un suspect naturel. Premièrement, comme l’ont montré Kaminsky et Reinhart (1999), les crises monétaires s’accompagnent habituellement de crises bancaires (le phénomène de la double crise). Deuxièmement, la combinaison peu recommandable du crédit et d’un système de paiement au sein du secteur bancaire signifie que les ondes de choc des crises bancaires se propagent dans l’ensemble du système économique. C’est ce qui amène dans bien des cas les autorités à monter des plans de sauvetage en faveur des banques, décision qui implique de sacrifier un volume important de réserves internationales et qui entame sérieusement la crédibilité des gouvernants. L’effet sur la crédibilité des gouvernants est le plus important car il contribue à réduire les possibilités d’accès du pays concerné aux financements internationaux. Les plans de sauvetage seront donc financés par une augmentation des impôts et l’inflation, ce qui produit un choc réel sur le secteur privé non financier. Par voie de conséquence, la demande de crédit diminue. Dollarisation des dettes Que va–t–il se passer si, en plein milieu d’un ouragan, les autorités refusent de défendre le taux de change et le laissent dépasser tous les plafonds ? Selon certains observateurs, une réaction en ce sens aurait permis de limiter les dégâts. De prime abord, on pourrait penser que c’est vrai. Il est certain que cela stopperait l’hémorragie de réserves qu’entraînent les mouvements spéculatifs contre la monnaie. Mais c’est oublier un point très important : une caractéristique fondamentale des marchés émergents, c’est la dollarisation des dettes, ce qui signifie que les contrats financiers sont libellés dans une monnaie étrangère (disons le dollar). La cause immédiate de la crise mexicaine de 1994–95, par exemple, a été l’incapacité de l’État à refinancer sa dette à court terme libellée en dollars (les tesobonos). Un taux de change flexible n’aurait pas permis d’endiguer l’hémorragie des réserves qui a suivi. En outre, une forte dévaluation dans de telles circonstances risquerait d’avoir des conséquences très préjudiciables pour le système financier intérieur. A moins que les débiteurs ne soient totalement couverts — ce qui est peu probable sauf si l’État offre des instruments de couverture ainsi que l’a fait le Brésil en 1998 — une dévaluation importante causera des ravages dans le système financier, les faillites se multiplieront et le portefeuille des créances des banques se détériorera. En fait, ce sont des considérations de ce genre qui poussent les banquiers centraux à éviter d’importantes fluctuations du taux de change. L’aléa de moralité Cet argument ne convaincra peut–être pas ceux qui pensent que tous les maux proviennent du rattachement des taux de change. L’endettement risqué en dollars peut lui–même être lié à l’anticipation que l’État viendra à la rescousse lorsque les pressions

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sur la monnaie augmenteront et qu’il mettra ses réserves internationales à la disposition de ceux qui courent un risque de change. C’est un argument intéressant. S’il est pertinent, la solution serait de convaincre le secteur privé que, quoi qu’il puisse arriver, la banque centrale ne jouera plus jamais le rôle de prêteur en dernier ressort. C’est une chose très difficile à faire. Il n’est même pas évident qu’il serait optimal de gérer une économie sans prêteur en dernier ressort. Les pays souverains sont sujets à des risques qui ne peuvent être assurés par le marché privé parce que ces risques émanent des autorités politiques. Il est possible, par exemple, que les banques, considérées individuellement, se trouvent dans l’impossibilité d’emprunter en cas de crise systémique parce que leurs homologues craindront que le pays où elles sont implantées n’impose un contrôle des changes. Par conséquent, elles ne peuvent être assurées que par l’État. Les prêteurs en dernier ressort sont aussi une caractéristique des économies avancées. Comment se fait–il que les problèmes paraissent tellement moins graves dans ces économies ? La réponse est que le prêteur en dernier ressort d’une économie avancée est capable d’emprunter (il est en somme l’emprunteur en dernier ressort), alors que, comme on l’a noté plus haut, pendant les crises, les marchés émergents voient leur capacité d’emprunt se réduire comme peau de chagrin. Comment s’expliquent les arrêts brutaux ? L’analyse nous ramène à la question de l’arrêt brutal. S’il n’y avait pas eu d’arrêt brutal, il n’est pas certain que le rattachement des taux de change aurait posé des problèmes, et il n’est même pas certain non plus qu’il y aurait eu des crises monétaires pour commencer. A notre avis, le problème fondamental des marchés émergents se lit en filigrane dans leur appellation même — marchés de capitaux naissants. Les flux de capitaux vers les marchés émergents ont fortement augmenté à partir de 1989, ils ont un peu diminué pendant la crise Tequila en 1995, ils se sont encore tassés pendant la crise asiatique en 1997, et ils ont brutalement chuté après la crise russe de 1998. Depuis lors, les investissements de portefeuille ne reprennent que de façon hésitante. Mais, dans le même temps, une nouvelle catégorie d’investissements connaît un grand succès, surtout en Amérique latine. Ce sont les investissements directs étrangers. On peut penser que les investissements de portefeuille, qui ont dominé la scène entre 1989 et 1998, sont liés au développement du marché des obligations Brady. Ces obligations prenaient le relais des créances souveraines improductives détenues à l’origine par des banques privées. Comme elles étaient facilement négociables, elles ont suscité de l’intérêt pour les marchés émergents, intérêt qui s’est traduit par une amélioration de l’information sur ces marchés naissants. Grâce à cela, les nouveaux titres de créance émis par les marchés émergents ont pu être plus facilement écoulés sur le marché, entraînant une forte progression des investissements étrangers de portefeuille. Toutefois, la base de ces flux était assez mouvante. Leur marché n’était pas très liquide. La cession de créances par un détenteur important ou l’émission de nouvelles obligations à bas prix avait un impact majeur sur le marché des capitaux des

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marchés émergents. Cela s’explique par le fait que, si l’information sur les marchés était meilleure qu’auparavant, les marchés émergents souffraient de diverses faiblesses structurelles (comme les nouvelles configurations politiques) qui rendaient l’information rapidement obsolète. En outre, la valeur marchande d’un actif ne dépend pas seulement de l’information dont disposent les spécialistes. La plus grande partie des actifs sont détenus par des non spécialistes, qui s’en remettent aux conseils de spécialistes. Dans ces conditions, lorsque les spécialistes ont des problèmes de liquidité — comme cela s’est apparemment produit lors de la défaillance de la Russie en 1998 — les non–spécialistes deviennent comme des poulets sans tête, ils sont pris de panique et se détournent des titres offerts par les marchés émergents, à moins que leur prix ne tombe à une fraction de leur valeur réelle. La contrepartie de cette fuite vers la sécurité, c’est l’arrêt brutal [voir Calvo (2000a) and Calvo, (1998)]. Que faire ? Si l’on veut analyser utilement les dispositions à prendre pour empêcher le retour des crises que l’on a connues récemment, il faut prendre ces problèmes à bras le corps. Il ne sert à rien de s’inspirer des « pratiques optimales » des économies avancées, et cela pourrait même être une mauvaise chose. Alan Greenspan (Président, US Federal Reserve Board) peut remuer les marchés avec une allusion subtile ou 25 points de base. Ce n’est pas le cas des marchés émergents, où la banque centrale devra éventuellement s’amarrer au mât d’une caisse d’émission pour arriver à se faire respecter tant soit peu. Lorsque l’arrêt brutal est dans l’ordre des choses possibles, il faut mettre l’accent sur la crédibilité.

Le régime du taux de change : un plaidoyer pour le rattachement strict Le taux de change est un stand de foire, presque une amusette, à côté du grand théâtre de l’ouragan. Lorsqu’ils sont pris dans les vents forts, les gouvernements sont prêts à sacrifier tout ce qu’ils possèdent pour calmer la tempête. Les réserves internationales sont jetées par les fenêtres, et le taux de change file vers le ciel comme un missile en folie. Les récentes dévaluations de la Corée, du Brésil et du Mexique en témoignent. Même si ces dévaluations ont eu un résultat étonnamment favorable, elles ne nous fournissent aucune base pour conclure que la flexibilité des taux de change est une bonne chose pour les marchés émergents. Nous avons vu des taux de change qui « explosaient », pas des taux de change flexibles au sens où l’entendent des économies avancées telles que les États–Unis. Permettez–nous de définir deux concepts pour commencer : le rattachement strict du taux de change, et les taux de change flexibles ou flottants. La définition du rattachement strict du taux de change va de soi. Cela consiste à fixer le taux de change par rapport à une devise forte et à maintenir un volume suffisant de réserves pour soutenir ce taux (par exemple, en détenant un stock de réserves internationales égal à

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la base monétaire). La dollarisation totale en est un exemple. Mais il est nettement plus difficile de définir les taux de change flexibles. Si l’on se reporte aux manuels de cours, c’est un système où l’autorité monétaire détermine la masse monétaire et laisse les prix et le taux de change atteindre leur niveau d’équilibre du marché. Rares sont toutefois les pays qui appliquent cette méthode. Le système qui connaît une grande vogue ces temps–ci est celui du ciblage du taux d’inflation, système où l’objectif central de l’autorité monétaire est de ne pas dépasser un taux d’inflation déterminé à l’avance. On peut montrer que le rattachement à une devise forte est un cas particulier du ciblage du taux d’inflation parce que le premier cible le prix de la devise tandis que le second cible le prix d’un panier. Mais, dans la mesure où le taux de change n’est pas le seul produit contenu dans le panier, il aura une certaine flexibilité dans le cas du ciblage du taux d’inflation. Le ciblage du taux d’inflation doit donc être classé comme un système de changes flexibles. Compte tenu de l’intérêt que cela représente pour l’analyse de la politique économique, nous allons centrer nos observations sur le ciblage du taux de change, ses similarités avec le rattachement à une devise forte, et les avantages et inconvénients respectifs des deux systèmes. Le prêteur en dernier ressort Le problème majeur que l’on associe au système du rattachement strict du taux de change et au ciblage du taux d’inflation (que la plupart des gens associent à tort exclusivement au rattachement strict) est que la banque centrale risque d’être forcée d’abandonner son rôle de prêteur en dernier ressort. Mais ce n’est pas nécessairement vrai. Un prêteur en dernier ressort efficace (comme la Réserve fédérale des États– Unis) est capable d’emprunter pour pouvoir prêter à un secteur bancaire en difficulté. Le pouvoir de faire marcher la planche à billets n’est pas indispensable et, au mieux, il permet de résoudre un problème en en créant un autre, qui est une inflation forte. Toutefois, l’obstacle fondamental auquel se heurtent les marchés émergents, c’est l’arrêt brutal, ainsi qu’on l’a noté plus haut. Dans ces conditions, la question pertinente est de savoir si un prêteur en dernier ressort qui n’est pas en mesure d’emprunter peut améliorer la situation en émettant de la monnaie pour renflouer les banques, et donc en laissant le taux de change dépasser le plafond. Si l’on réfléchit un peu, on se rend compte que la réponse est loin d’être évidente. Premièrement, une dévaluation forte risque d’amplifier le défaut de concordance dans la composition monétaire des éléments d’actif et de passif des bilans, ce qui aggravera les difficultés financières. Deuxièmement, si la crédibilité est un élément fondamental, la politique monétaire va nécessairement être en grande partie inefficace, ce qui conduira éventuellement l’autorité monétaire à adopter une politique discrétionnaire, qui lui fera encore perdre de la crédibilité. Mais naturellement, plus d’un dirigeant s’inquiétera de ce que le rattachement strict du taux de change ou le ciblage (crédible) du taux d’inflation lui interdit de recourir à la planche à billets pour renflouer le système bancaire, et il adoptera une variante ou une autre du rattachement souple du taux de change. L’option n’est pas

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sans coût. En dehors des considérations décrites au début de cette note, si le public est conscient que le prêteur en dernier ressort recourra à des financements inflationnistes pour renflouer le secteur bancaire, les anticipations inflationnistes vont augmenter, ce qui poussera vers le haut le niveau des taux d’intérêt intérieurs. Les taux d’intérêt intérieurs élevés vont eux–mêmes devenir des taux d’intérêt réels élevés dans les périodes tranquilles (c’est ce qu’on appelle le problème peso dans les ouvrages sur la question), ce qui entraînera une détérioration du portefeuille des prêts des banques. En fait, pour éviter ce problème, les banques peuvent offrir des dépôts indexés, ce qui aura pour effet d’augmenter les conséquences inflationnistes des plans de sauvetage des banques. Dans ce cas, en effet, l’inflation sera sans doute beaucoup moins efficace pour diminuer la valeur réelle des dettes bancaires indexées. On voit donc que la solution qui consiste à conserver l’option d’un financement inflationniste des renflouements peut être une source de difficultés financières et rendre en fin de compte le prêteur en dernier ressort en grande partie inefficace. Le rattachement strict du taux de change ou le ciblage du taux d’inflation pose un autre problème en ce sens que la politique monétaire ne peut être utilisée pour amortir les chocs qui exigent parfois des changements douloureux et lents dans les prix relatifs. Par exemple, un choc négatif sur les termes de l’échange peut impliquer de tirer vers le bas l’équilibre des salaires réels. Si l’ajustement n’est pas facilité par la politique monétaire, cette situation peut entraîner un chômage prolongé. C’est là un argument en faveur des taux de change flexibles (version manuels scolaires), popularisé par les analyses sur les zones monétaires optimales. Le principal problème posé par cet argument est qu’il ignore l’angle financier. Dans le contexte de l’exemple qui nous occupe, une dévaluation peut contribuer à résoudre le problème du chômage, mais elle risque d’accroître les difficultés financières. Rattachement strict du taux de change ou ciblage du taux d’inflation Comme l’a montré l’expérience du Chili avec le ciblage du taux d’inflation, ce système peut être efficace pour atténuer le problème de la dollarisation des dettes, dont on a parlé plus haut. Au Chili, la plupart des contrats financiers nationaux sont libellés sur la base d’un indice des prix. Ce système a semble–t–il favorisé le développement d’un marché de créances à long terme (comme celui des titres hypothécaires). Il en va de même pour le système du rattachement strict du taux de change, comme le montre l’expérience de Hong Kong (caisse d’émission) et du Panama (dollarisation totale). Toutefois, le rattachement strict du change présente un avantage par rapport au ciblage du taux d’inflation, qui est celui de la transparence. Contrairement à un indice de prix, le taux de change est facilement observable, et l’information est disponible pratiquement sans décalage temporel. En outre, avec le ciblage du taux d’inflation, la banque centrale ne peut influencer que de manière indirecte l’indice des prix pertinent, à l’inverse de ce qui se passe avec la dollarisation totale par exemple, où le rattachement du taux de change est automatique. Tout ceci est d’une grande importance dans les cas où la crédibilité de la politique économique ou des gouvernants

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est fondamentale. Un autre avantage du rattachement strict du taux de change par rapport au ciblage du taux d’inflation tient au fait que de nombreux marchés émergents sont déjà partiellement dollarisés, et il y a peu de chances que le ciblage du taux d’inflation remette cette dollarisation en question. L’un des grands problèmes du rattachement strict du taux de change, et de la dollarisation totale en particulier, c’est l’irrévocabilité. Abandonner le rattachement strict du change est parfaitement visible. Tout le monde peut le constater et en témoigner. Le ciblage du taux de change offre un degré de liberté plus grand. Personne n’espère que l’objectif sera parfaitement et systématiquement atteint. De plus, compte tenu de la viscosité des prix, les autorités peuvent temporairement utiliser la politique monétaire à des fins autres que la maîtrise de l’inflation. Ce sont là des éléments positifs dans un contexte de haute crédibilité. Toutefois, ce n’est pas précisément le contexte dans lequel opèrent la plupart des pays émergents, ainsi qu’on l’a souligné plus haut. Le spectre d’un arrêt brutal hante constamment ces économies. Le public le sait et c’est pourquoi il cherche toujours à regarder par dessus l’épaule des autorités pour avoir une idée de ce qu’elles projettent de faire. Une décision malencontreuse entraîne rapidement une perte de crédibilité (voir Calvo, 2000b). L’observation des faits montre amplement que la volatilité des taux de change dans les marchés émergents est nettement plus faible que dans les pays avancés, phénomène que l’on appelle la peur du flottement. Il semble que ce soit là le résultat de la dollarisation des dettes et du niveau élevé des coefficients de transmission (qui mesurent la rapidité avec laquelle une dévaluation alimente l’inflation) (voir Calvo et Reinhart, 2000). La peur du flottement semble donc traduire la peur de l’effondrement financier et la peur de l’inflation. Il y a peu de chances que cet état de chose change rapidement. Le ciblage du taux d’inflation peut donc fonctionner en grande partie comme le rattachement strict du taux de change sans avoir l’avantage d’être assorti d’une réelle détermination à fixer le taux de change. En l’absence d’une telle détermination, les taux d’intérêt peuvent rester élevés et volatils. En résumé, le ciblage du taux d’inflation ne présente pas d’avantage clair sur le rattachement strict du taux de change, et sa crédibilité n’est pas aisée à fonder. Ce serait une erreur grave de laisser influencer son choix par le chant des sirènes de la plus grande liberté que laisse le ciblage du taux d’inflation. Cela ne signifie pas pour autant que le rattachement strict du taux de change conduise automatiquement une économie à la béatitude. Ce régime de change doit être complété par des institutions et un cadre réglementaire appropriés. Il est indispensable, par exemple, que les salaires de la fonction publique et les prix réglementés aient un degré de flexibilité élevé. Sinon, tout le poids de l’ajustement tombera sur le secteur privé, ce qui rendra toute récession encore plus douloureuse et provoquera des remous sociaux. La rigidité des salaires du secteur public aura pour effet d’alourdir les déficits budgétaires en période de récession. Si ces récessions s’accompagnent d’un arrêt brutal, les autorités budgétaires seront contraintes d’augmenter les impôts (parce qu’elles ne pourront recourir à l’emprunt), enfonçant davantage le pays dans la récession (l’expérience récente de l’Argentine illustre ce point).

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Chapitre 4

Les taux de change en transition Brigitte Granville*

Introduction La mobilité accrue des capitaux conjuguée aux crises assez violentes des taux de change et des paiements des années 90 ont amené les économistes contemporains à repenser les systèmes de taux de change. Malgré cet effort de réflexion, les progrès réalisés à ce jour restent assez modestes, la conclusion théorique la plus solide étant qu’il n’existe « aucun régime de change qui soit susceptible de convenir à tous les pays ou à toutes les époques »1. Ce document analyse les systèmes de taux de change intéressant les pays en transition. Au début du processus de transition, les taux de change fixes ont joué un rôle particulier en servant de point d’ancrage pour le niveau des prix et les prix relatifs. Avec le temps et sous la pression des mouvements de capitaux, les taux de change fixes ont été soumis à de fortes tensions, ce qui a conduit à recommander aux pays d’adopter des systèmes de parités ajustables. Mais, pendant les crises financières des années 90, ces systèmes ont été balayés, de sorte que l’on s’accorde aujourd’hui à penser que, compte tenu de la mobilité des capitaux, le choix est entre les taux de change flexibles et un rattachement très rigide des taux de change. A mesure que le processus de transition progresse, l’argument selon lequel le taux de change sert de point d’ancrage au niveau des prix perd de son importance particulière, et le taux de change ne devient plus qu’un élément de la stratégie économique globale. Aujourd’hui, les pays de l’Europe centrale et orientale (PECO) aspirent à faire partie de l’UE et de son Union économique et monétaire (UEM). Aucun d’entre eux ne remplit à l’heure actuelle tous les critères de qualification de Maastricht (touchant l’inflation, le déficit public, la dette publique, les taux d’intérêt à long terme et la stabilité du taux de change), mais ces critères leur servent de points de repère pour modeler leurs politiques économiques2. *

L’auteur est Directrice du Programme d’économie internationale à l’Institut royal des affaires internationales de Londres et Directrice du CAIS à l’Institut de l’économie en transition (Moscou).

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La question n’est pas de savoir si les PECO devraient adhérer à l’UEM, mais de savoir si leur stratégie de taux de change comporte des risques compte tenu de l’obligation que fait le Traité de Maastricht de libéraliser le compte de capital. Trois solutions s’offrent à eux : la formule de la caisse d’émission (currency board), la marge de fluctuation autour d’une parité ajustable (c’est–à–dire le MCE2), ou la flexibilité du taux de change3.

Le rattachement strict du taux de change : la formule de la caisse d’émission Nous avons tendance à partager les vues de Roubini (1998) car nous ne voyons pas ce qu’il y a de si magique dans les caisses d’émission et ce qu’elles ont de si différent des taux de change. On a par exemple suggéré une caisse d’émission pour la Russie4. Mais la grande instabilité des échanges et la dépendance de l’économie à l’égard des exportations de produits primaires implique que la banque centrale soit capable de stériliser les flux de capitaux. Or justement, après la décision de la Russie de ne pas honorer ses engagements au titre de la dette intérieure en août 1998 et l’effondrement du marché des obligations d’État, la banque centrale n’avait rien à stériliser5. La formule de la caisse d’émission introduirait des fluctuations d’une telle ampleur dans la base monétaire de l’économie qu’elle aurait une influence profondément déstabilisatrice. On dit que la crédibilité d’un tel système tient au fait que l’impossibilité pour les autorités monétaires de recourir à l’émission de billets est inscrite dans la loi, ce qui rend le coût politique d’une modification de ce régime de change très élevé. Mais comme pour tous les autres régimes de changes fixes, s’il y a déséquilibre budgétaire et si le secteur bancaire est mal réglementé, il y a peu de chances pour qu’un tel système survive à une attaque spéculative. Il est révélateur, par exemple, que l’Estonie projette d’abandonner le système de la caisse d’émission. En effet : Du fait de l’accroissement des entrées de capitaux (parallèlement à une augmentation du déficit commercial) et de la situation de l’économie, qui frôle la surchauffe, le taux de change réel subit le phénomène bien connu du rattachement, qui est une appréciation substantielle en valeur réelle. Comme les autorités monétaires ne disposent pas des instruments de politique macro–économique sophistiqués qui auraient permis de ralentir l’économie et d’établir un équilibre durable de la balance extérieure, on peut douter de la pérennité de la caisse d’émission à long terme.6

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Les régimes de change intermédiaires : les systèmes de parité ajustable Avec un régime de change à parité ajustable, la banque centrale a deux objectifs : la base monétaire et la marge de fluctuation du taux de change. Un marché des capitaux ouvert conduit immédiatement les autorités monétaires à opérer un choix entre la maîtrise des taux d’intérêt ou la maîtrise du taux de change. Cela a conduit à l’identification du principe appelé le « trilemme de l’économie ouverte »7. Autrement dit, les pays ne peuvent simultanément conserver une politique monétaire indépendante, des taux de change rattachés à une devise et un compte de capital ouvert. Si l’on admet, selon la convention, qu’un système de parité ajustable (que l’ajustement soit progressif ou galopant) soit désormais « compris comme une bande de fluctuation dont les marges de part et d’autre de la parité centrale sont inférieures ou égales à 2.25 pour cent »8, le trilemme ne peut être résolu, ni même atténué, par la marge effective de fluctuation d’un côté ou de l’autre de la parité centrale. L’expérience du Portugal et celle de l’Espagne en 1995, par exemple, illustrent bien ce point : Le MCE2, qui liera l’euro aux monnaies de l’UE autres que l’euro, doit être plus flexible que le MCE du début des années 90 puisque les bandes de fluctuation sont nettement plus larges. Il faut toutefois reconnaître que de fortes pressions se sont aussi développées à l’intérieur de la bande de fluctuation élargie en mars 1995, pressions qui ont conduit à la dévaluation de la peseta et de l’escudo. En fait, bien avant que les taux de change n’atteignent la limite de fluctuation de 15 pour cent, des anticipations fortes d’un réalignement prennent naissance, contraignant à des ajustements dans une atmosphère de crise.9 La Russie offre un autre exemple des risques qu’implique ce système quelle que soit la largeur de la bande de fluctuation. En juillet 1995, un point d’ancrage du taux de change a été introduit. Il a pris la forme d’un corridor ou d’une bande de fluctuation dont les limites extérieures étaient fixées d’abord pour une période de trois mois, ensuite pour six ou douze mois, permettant au rouble de fluctuer à l’intérieur d’une fourchette de 12 pour cent environ. La bande de fluctuation elle–même a été légèrement ajustée à la baisse par rapport au dollar dans des périodes successives, afin de permettre au rouble de conserver une parité à peu près constante en valeur réelle, autrement dit de le déprécier à hauteur du différentiel d’inflation de la Russie par rapport au taux d’inflation moyen du monde extérieur. Ces arrangements ont duré jusqu’à l’automne 1997, date à laquelle ils ont été modifiés pour tenir compte de l’afflux important de capitaux de l’année précédente. Le taux de change avait été un élément clé pour attirer les capitaux étrangers sur le marché des bons du Trésor russes (les GKO), puisque les rendements en dollars sur ces titres dépendaient de la crédibilité du rattachement du rouble à la monnaie américaine et que les effets des entrées de capitaux venaient renforcer cette crédibilité. Le régime modifié du taux de change impliquait un ciblage à plus long terme du taux central, et une fluctuation plus importante (jusqu’à 15 pour cent) d’un côté et de l’autre du taux de change annuel moyen10.

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Et pourtant, « le trilemme de l’économie ouverte » relevait la tête ici pour la première fois. En ouvrant le pays aux entrées de capitaux, les autorités avaient été contraintes à leur corps défendant de relâcher la politique monétaire et d’adapter les systèmes de taux de change pour tenir compte de l’appréciation du rouble que pouvaient entraîner ces entrées de capitaux. Mais, à peine ce changement avait–il été annoncé que la crise asiatique éclatait, et le trilemme a réapparu dans le sens polaire opposé. La question maintenant était de savoir si le rattachement du taux de change au dollar pouvait résister aux pressions qui s’exerçaient dans le sens d’une dévaluation. La crise asiatique a entraîné du jour au lendemain un changement de direction des flux de capitaux, qui se sont retirés des marchés émergents. Mais en l’absence d’un système intérieur efficace d’intermédiation financière, le gouvernement russe dépendait de ces entrées de capitaux pour financer son déficit budgétaire chronique, ou tout au moins pour refinancer le stock énorme de créances intérieures à court terme qu’il avait rapidement accumulé pour financer ce déficit au cours des deux précédentes années. Pourtant les investisseurs étrangers, qui se découvraient une aversion pour les risques, étaient encore moins disposés à financer le budget russe car le deuxième effet de la crise asiatique se faisait sentir. Il s’agissait en l’occurrence d’un choc massif sur les termes de l’échange lié à la chute des cours du pétrole et donc des rentes que ce produit procurait au budget et dont dépendait en grande part la solvabilité du pays. A un moment où, en raison des circonstances, les autorités s’efforçaient de limiter les sorties de capitaux, il était hors de question d’imposer des contrôles sur les mouvements de capitaux. La libéralisation du compte de capital avait été décidée avant tout pour permettre aux capitaux étrangers de financer le déficit budgétaire, et y renoncer, c’était acculer le pays à ne plus pouvoir honorer ses engagements. Il en allait de même pour la dévaluation : tout espoir de faire revenir les capitaux étrangers se serait évanoui si le rattachement du taux de change avait été abandonné et si les rendements des GKO en dollars avaient été réduits à néant. Le seul élément du trilemme qui restait était la politique monétaire. Le taux d’escompte de la Banque centrale fut porté à 150 pour cent en mai 1998. Mais ce n’était pas une véritable solution car l’incitation était perverse. Pour les investisseurs en effet, la perspective de rendements réels extraordinairement élevés était plus que contrebalancée par les inquiétudes que suscitait la hausse continue des taux d’intérêt en ce qu’elle compromettait l’aptitude de l’État à faire face à l’alourdissement du service de la dette que cela impliquait. D’où la perception que le risque de défaillance augmentait, perception qui a conduit le marché à penser que le gouvernement serait contraint de renoncer au rattachement du taux de change. Une dévaluation rapide aurait peut–être offert une porte de sortie. Mais les autorités avaient des raisons impérieuses de défendre le rattachement du rouble. Certaines étaient contingentes (telles que la vulnérabilité du système bancaire intérieur aux instruments de couverture qu’il avait vendus aux détenteurs étrangers de GKO) ; mais d’autres étaient mieux fondées. Toute dévaluation significative entraînerait une hausse brutale de l’indice des prix à la consommation étant donné l’importance des produits importés sur le marché des denrées alimentaires11 et d’autres marchés de

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produits de consommation. En outre, à plus long terme, la stabilité du taux de change faciliterait le retour des capitaux expatriés en rendant le rouble plus crédible en tant qu’actif financier intéressant pour ses détenteurs. Et jusqu’à ce que ce but soit atteint, avec un niveau normal d’épargne intérieure pour pourvoir aux besoins de financement de l’État et du secteur privé, un taux de change réel stable serait indispensable pour attirer des capitaux internationaux privés sur une base volontaire. (Cette considération stratégique dépassait le cadre de la phase critique du refinancement des bons du Trésor.) La seule véritable porte de sortie pour échapper au trilemme et éviter ainsi la débâcle d’août 1998, qui combinait dévaluation et défaillance, aurait été d’éliminer les déséquilibres budgétaires. Mais ce n’est que dans la situation d’urgence créée par la crise « asiatique » que les autorités ont trouvé la volonté politique nécessaire pour prendre des mesures budgétaires décisives. Il restait alors trop peu de temps pour surmonter tous les obstacles, qu’ils soient externes (la confiance des marchés) ou internes (l’opposition politique). Les taux de change flexibles Les systèmes de changes flexibles paraissent donc être la solution la plus intéressante. Mais la définition de la « flexibilité » est extrêmement vague. Selon Fischer et Sahay (2000) par exemple, « à l’heure actuelle, tous les pays sauf quatre ont officiellement adopté un régime de change flexible »12. Les auteurs présentent le tableau ci–après (sous une forme résumée) pour étayer leur affirmation. La classification des auteurs conduit à penser que les taux de change des PECO sont soit fixes, soit flexibles, le terme « flexible » signifiant un flottement libre ou impur (voir la note b du tableau 4.1). La réalité est plutôt différente puisque les PECO couvrent à l’heure actuelle un large éventail de systèmes — allant d’un rattachement très strict au flottement impur en passant par de nombreuses variations entre ces deux options13. C’était encore plus vrai en 1998, lorsque les auteurs ont compilé leurs données. Ils définissent, par exemple, le régime de taux de change de la Hongrie comme un régime flexible alors qu’elle avait un régime de parités ajustables à l’intérieur d’une marge de fluctuation de 2.25 pour cent, et ils qualifient le régime russe de régime de changes fixes alors que la marge autour du taux central a d’abord été fixée à 12 pour cent puis à 15 pour cent. Obstfeld (1998) s’approche davantage d’une définition : « Le choix entre les taux de change fixes et flottants ne doit pas être considéré comme un choix dichotomique. En fait, le degré de flexibilité d’un taux de change s’inscrit dans un continuum avec les zones–cibles, les parités ajustables, les zones ajustables, et les flottements impurs de divers autres types de régimes situés entre les deux extrêmes que sont les changes flottants et les changes irrévocablement fixés. De fait, la notion d’un flottement « libre » est une abstraction qui a peu de contenu empirique étant donné que peu de pays sont disposés à déterminer leur politique monétaire sans tenir compte d’une façon ou d’une autre de ses effets sur le taux de change »14.

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Tableau 4.1. Économies en transition : Programmes de stabilisation et taux d’inflation, 1989–98 Pays

Date du programme de stabilisation

Albanie Arménie Azerbaïdjan Bélarus c Bulgarie Croatie Estonie Georgie Hongrie Kazakhstan Lettonie Lituanie Macédoine Moldavie Ouzbékistan Pologne Rép. kirghize Rép. slovaque Rép. tchèque Roumanie Russie Slovénie Tadjikistan Turkménistan Ukraine a. b. c. d. e. f. Sources :

Août 92 Déc. 94 Janv. 95 Nov. 94 Févr. 91 Oct. 93 Juin 92 Sept. 94 Mars 90 Janv. 94 Juin 92 Juin 92 Janv. 94 Sept. 93 Nov. 94 Janv. 90 Mai 93 Janv. 91 Janv. 91 Oct. 93 Avril 95 Févr. 92 Févr. 95 Non lancé Nov. 94

Inflation avant a le programme

293 1 885 1 651 2 180 245 1 903 1 086 5 647 26 2 315 818 709 248 1 090 1 555 1 096 934 46 46 314 218 288 73 20 645

Régime de taux de change b adopté

Régime actuel b du taux de change

Flexible d Flexible/fixe Flexible/fixed Flexible/fixed Flexible Fixe e Fixe Flexible/fixed Fixe d Flexible/fixe d Flexible/fixe Fixe Flexible Fixe Flexible Flexible d Flexible/fixe Fixe Fixe Fixe d Flexible/fixe Flexible Flexible Sans objet d Flexible/fixe

Flexible Flexible Flexible Flexible e Fixe Flexible e Fixe Flexible Flexible Flexible f Fixe e Fixe Flexible Flexible Flexible Flexible Flexible Flexible Flexible Flexible Flexible Flexible Flexible Flexible Flexible

Inflation en 1998

8.7 –1.2 –7.6 181.7 1 5.3 4.5 10.6 10.6 1.9 2.8 2.4 –2.4 18.2 26.1 8.5 18.3 5.6 6.8 40.6 84.4 7.5 2.7 19.8 20

L’inflation avant le programme est le taux sur les douze mois précédant le mois du programme de stabilisation. Pour le Turkménistan, le chiffre se rapporte à la dernière année disponible (1998). Tous les autres taux d’inflation sont calculés de décembre à décembre. Les régimes de change fixes sont ceux qui reposent sur le système de la caisse d’émission, le rattachement (explicite ou implicite) à un taux fixe, ou sur une marge d’ajustement étroite. Les régimes de change flexibles comprennent tous les régimes de flottement libre ou impur. Données relatives à la première tentative de stabilisation. Depuis 1995, ces pays ont adopté un système de rattachement de fait au dollar pendant un ou deux ans. Caisse d’émission. La Lituanie a adopté un système de caisse d’émission en avril 1994, et la Bulgarie a fait de même en juillet 1997. La monnaie lettone a été rattachée au DTS en février 1994. La Russie a annoncé une bande de taux de change en juillet 1995. Avant ces dates, les deux pays avaient des régimes de change flexibles. Fonds monétaire international, Statistiques financières internationales, Perspectives de l’économie mondiale ; estimations des services du FMI citées dans Fischer et Sahray (2000), tableau 2, p. 35.

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En fait, « la fonction objective des autorités est de ne pas faire cas des ouvrages classiques sur le choix du régime de change, et en particulier de l’arbitrage à opérer entre le désir de maîtriser l’inflation (autrement dit, fournir un point d’ancrage nominal) et le désir de limiter les fluctuations de la compétitivité ou de minimiser les pertes de production »15. Mais lorsque le taux d’intérêt et le taux de change sont ciblés, des tensions surviennent tout le temps. Une solution examinée dans les travaux publiés est d’adopter d’autres moyens d’ancrer les anticipations inflationnistes. Plusieurs pays, tels que la Pologne et la République tchèque, ont introduit le ciblage de l’inflation. Mais il manque les éléments de référence nécessaires (tels que la modélisation du mécanisme de transmission de la politique monétaire, l’estimation de l’impact de la volatilité du taux de change sur l’inflation et les anticipations inflationnistes, et le calcul de l’écart de production)16. Par ailleurs, du fait de la part qu’occupent les importations dans la consommation, il est difficile d’atteindre une cible étroite de taux d’inflation compte tenu de la volatilité des taux de change et des prix des produits de base.

Conclusion Cette note conteste le point de vue qui reflète « le sens commun » actuel, point de vue selon lequel il y a, compte tenu de la mobilité des capitaux, un choix clair entre les taux de change flexibles et le rattachement strict du taux de change. La flexibilité est définie de façon très vague dans la plupart des cas, ce qui conduit à se demander ce qui peut différencier les changes flexibles des systèmes intermédiaires. On dit que les caisses d’émission sont plus crédibles que les taux de change fixes, mais là encore le cadre d’analyse théorique utilisé pour étayer cette affirmation est très léger et il semble reposer entièrement sur le fait qu’il est coûteux d’abandonner le système de la caisse d’émission, mais cela est vrai également pour les taux de change fixes. La vérité est qu’on a fait très peu de progrès au plan théorique sur la question du régime optimal de change dans un contexte caractérisé par la mobilité des capitaux. Dans le même temps, les régimes de taux de change continueront d’être décidés au cas par cas en fonction des cibles économiques et des fondamentaux de l’économie.

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Notes

1.

Frankel (1999).

2.

Voir Temprano–Arroyo et Feldman (1998), tableau 2, p. 9 et p. 25.

3.

Voir Masson (1999).

4.

Chown (1999).

5.

Voir Granville (2001).

6.

Eden et al. (1999), p. 38.

7.

Voir Obstfeld et Taylor (1998).

8.

Mussa et al. (2000), p. 48.

9.

Masson (1999), p. 17.

10.

Entre 1998 et décembre 2000, il aurait dû y avoir un taux central ciblé de 6.2 roubles pour un dollar EU, avec une marge de fluctuation de 15 pour cent de chaque côté (ce qui donnait un taux de change plafond de 5.25 et un taux plancher de 7.15 par rapport au dollar). L’objectif pour 1998 était un taux de change moyen de 6.1 roubles pour un dollar.

11.

Non moins de 60 pour cent selon les estimations officielles.

12.

Fischer et Sahay (2000), p. 8.

13.

Voir Eden et al. (1999), tableau 4.1, p. 36.

14.

Obstfeld (1998), p. 8.

15.

Eichengreen et al. (1999), p. 5–6.

16.

Masson (1999).

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