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RICHARD CAUMARTIN
RÉTRO-ANALYSE DE L'INSTABILITÉ D'UNE PENTE DANS UNE MINE À CIEL OUVERT ASSISTÉE DE LA MODÉLISATION NUMÉRIQUE UTILISANT LA MÉTHODE DES ÉLÉMENTS DISTINCTS
Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures dans le cadre du programme de maîtrise en génie des mines pour l'obtention du grade de Maître es sciences (M.Se.)
FACULTÉ DES SCIENCES ET DE GÉNIE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC
2007
© Richard Caumartin, 2007
Résumé À l'automne 2004, un glissement de roches estimé à près de 50 000m3 est survenu dans la fosse Versant Nord à la mine du Mont-Wright (Compagnie Minière Québec Cartier). Cette rupture de type multi-planaires est associée à la présence de différents éléments structuraux (fractures et contacts géologiques) ayant permis le glissement. La rupture est considérée comme un événement relativement soudain. Aucun signe avant coureur n'a été observé ou mesuré. Puisque la pente a été exposée sur une période de 9 à 16 ans, qu'aucune précipitation importante n'a été associée à la rupture et qu'aucun dynamitage n'a été effectué dans cette zone dans les jours qui ont précédés la rupture, il est difficile d'expliquer ce comportement. Néanmoins, les conséquences économiques de cet événement sont importantes puisque les activités d'extraction dans cette fosse ont été abandonnées. Ce projet de maîtrise vise à effectuer une rétro-analyse de l'instabilité de cette pente à partir des données disponibles. L'analyse est assistée du logiciel de modélisation numérique en trois dimensions utilisant la méthode des éléments distincts (3DEC). La conception du modèle numérique s'effectue par le transfert de données géométriques et géologiques provenant du logiciel de conception minier Surpac. Enfin, divers scénarios pouvant décrire les mécanismes importants de la rupture sont analysés à travers des simulations sur le modèle. Ces scénarios combinent la dégradation progressive des propriétés mécaniques des éléments structuraux et l'apparition de fracturation interne dans le massif rocheux.
Avant-Propos La réalisation de ce projet de maîtrise n'aurait pas été possible sans l'aide de gens qui y ont participé de près ou de loin. Je tiens tout d'abord à remercier sincèrement mon directeur de recherche, monsieur Martin Grenon, pour sa confiance et son support constant au niveau technique, académique et financier. De plus, la grande liberté accordée par M. Grenon et sa grande disponibilité se sont avérées très appréciées. J'aimerais aussi exprimer ma gratitude aux membres du personnel des services miniers de la mine du Mont-Wright (Compagnie Minière Québec Cartier) pour leur générosité. C'est grâce aux données qu'ils m'ont fournies que la rétro-analyse de l'instabilité a été possible. En terminant, je désire remercier la femme que j'aime pour son indéniable soutien. Les innombrables encouragements et la présence d'Annick à mes côtés ont grandement contribué à la réussite de ce projet.
Table des matières Chapitre 1 1.1 1.2 1.3 1.4
Introduction
Problématique Objectif Méthodologie Structure du mémoire
Chapitre 2
Revue de littérature
2.1 Introduction 2.2 Instabilité structurale 2.2.1 Représentation du massif rocheux 2.2.2 Types d'instabilité structurale 2.2.3 Mécanismes d'instabilité structurale 2.3 Analyse de stabilité de pente 2.3.1 Objectifs 2.3.2 Procédure générale d'analyse 2.3.3 Types d'analyse de stabilité 2.4 Méthodes assistant une analyse de stabilité de pente 2.4.1 Méthodes cinématiques 2.4.2 Méthodes des équilibres limites 2.4.2.1 Généralités 2.4.2.2 Glissement planaire et dièdre 2.4.2.3 Glissement circulaire (méthode des tranches) 2.4.3 Méthodes numériques 2.4.3.1 Généralités 2.4.3.2 Philosophie de la modélisation numérique 2.4.3.3 Approches numériques de résolution 2.4.3.4 Méthodes en milieux continus 2.4.3.5 Méthodes en milieux discontinus 2.4.3.6 Méthodes hybrides 2.5 Méthode des éléments distincts 2.5.1 Généralités 2.5.2 Applications 2.5.2.1 Conception 2.5.2.2 Rétro-analyse 2.5.2.3 Application avancée 2.6 Conclusion du chapitre Chapitre 3
Présentation du cas d'étude
3.1 Introduction 3.2 Rupture observée 3.3 Données disponibles 3.3.1 Géométrie de la fosse Versant Nord 3.3.2 Géologie
1 1 2 3 3 5 5 5 5 6 7 8 8 9 9 11 11 12 12 13 14 15 15 16 18 19 21 22 22 22 24 24 25 27 28 29 29 29 35 35 37
V
3.3.2.1 Géologie générale 3.3.2.2 Géologie de la fosse Versant Nord 3.3.2.3 Géologie de la zone d'analyse 3.3.3 Caractérisation des propriétés mécaniques 3.3.3.1 Roc intact : 3.3.3.2 Familles de fracture 3.3.3.3 Massif rocheux 3.4 Conclusion du chapitre Chapitre 4
Intégration des données minières dans le modèle 3DEC
4.1 Introduction 4.2 Conception du modèle 4.2.1 Géométrie du modèle 4.2.1.1 Définition de la zone d'analyse 4.2.1.2 Simplification du modèle numérique de terrain 4.2.1.3 Création de la géométrie du modèle 3DEC 4.2.2 Géologie du modèle 4.2.2.1 Définition des contacts géologiques 4.2.2.2 Création de la géologie du modèle 3DEC 4.2.2.3 Définition des éléments structuraux 4.2.3 Attribution des propriétés mécaniques 4.2.3.1 Propriétés des blocs (roc intact) 4.2.3.2 Propriétés des fractures et contacts géologiques 4.2.3.3 Conditions initiales 4.2.3.4 Points démesure 4.3 État d'équilibre 4.4 Conclusion du chapitre Chapitre 5
Rétro-analyse de l'instabilité
5.1 Introduction 5.2 Analyse avec la méthode cinématique 5.3 Analyse avec la méthode des équilibres limites 5.4 Mécanismes potentiels de rupture 5.4.1 Dégradation des propriétés mécaniques des fractures 5.4.2 Fracturation interne 5.5 Conclusion du chapitre Chapitrée 6.1 6.2 6.3
Conclusions
Sommaire Accomplissements de la présente recherche Travaux futurs
Bibliographie
37 38 38 40 41 42 43 45 47 47 48 48 49 50 52 56 57 59 61 63 64 64 66 67 67 69 71 71 71 73 76 76 78 91 93 93 95 96 98
Liste des tableaux Tableau 3-1 Propriétés mécaniques des différentes formations géologiques Tableau 3-2 Propriétés mécaniques des fractures, d'après Jean (1999) Tableau 3-3 Classification des massifs selon le RMR, Bieniawski (1976) Tableau 3-4 Classification géomécanique des formations géologiques, Piteau (1998) Tableau 4-1 Propriétés mécaniques des éléments structuraux Tableau 5-1 Analyse de sensibilité des angles de friction de la fracture discrète avec la méthode des équilibres limites Tableau 5-2 Programme des simulations (scénarios de rupture) Tableau 5-3 Propriétés mécaniques de la fracturation interne Tableau 5-4 Plausibilité des différents scénarios
41 43 44 45 65 75 81 83 89
Liste des figures Figure 1-1 Problématique de conception d'une pente, modifiée d'après Sjôberg (1999a).... 1 Figure 2-1 Niveau de fracturation dans les massifs rocheux et surfaces des ruptures associées, modifiée d'après Hudson et Harrison (1997) 6 Figure 2-2 Exemples d'instabilités structurales, modifiée d'après Hudson et Harrison (1997) 7 Figure 2-3 Forces agissantes pour une rupture planaire, modifiée d'après Sjôberg (1999b). 13 Figure 2-4 Méthode des tranches avec rupture circulaire, modifiée d'après Sjôberg (1999b). 14 Figure 2-5 Classification des problèmes en modélisation, modifiée d'après Starfield et Cundall(1988) 17 Figure 2-6 Cycle de calculs simplifié de la méthode des éléments distincts, modifiée d'après Sjôberg (1999b) 24 Figure 3-1 Photo de la zone d'instabilité peu après la rupture et éléments de la zone d'instabilité 30 Figure 3-2 Graphique des précipitations totales quotidiennes sous forme de pluie au cours des dix jours précédents l'effondrement, Environnement Canada (2007) 32 Figure 3-3 Graphique des températures moyennes horaires au cours des dix jours précédents l'effondrement, Environnement Canada (2007) 32 Figure 3-4 Graphique des précipitations totales mensuelles sous forme de pluie au cours des dix dernières années de l'exploitation de la fosse du Versant Nord, Environnement Canada (2007) 34 Figure 3-5 Graphique des températures moyennes mensuelles au cours des dix dernières années de l'exploitation de la fosse du Versant Nord, Environnement Canada (2007). 34 Figure 3-6 Fosse du Versant Nord et zone d'analyse définie dans Surpac 36 Figure 3-7 Éléments de la zone d'instabilité définis par le MNT (Surpac) 37 Figure 3-8 Géologie de la zone d'analyse définie par le modèle de blocs (Surpac) 39 Figure 3-9 Formations géologiques exposées sur la paroi avant la rupture, modifiée d'après Stewart (2004) ...40 Figure 4-1 Étapes de manipulations des données géométriques disponibles 48 Figure 4-2 Dimensions minimales pour un modèle en 2 dimensions, modifiée d'après Lorig (2000) 49 Figure 4-3 Configuration de la pente avant et après la simplification (Section 2300E) 51 Figure 4-4 Contours des limites selon la zone d'analyse 52 Figure 4-5 Étapes de manipulations de la géométrie pour une tranche 53 Figure 4-6 Génération d'une tranche composée de deux polyèdres (PGEN) 54 Figure 4-7 Vues orthogonales de la géométrie du modèle 3DEC 55 Figure 4-8 Étapes de manipulations des données géologiques disponibles 56 Figure 4-9 Zones de pendages et directions de pendage différents sur le contact QR/IF 57 Figure 4-10 Plans définissant le contact QR/IF 58 Figure 4-11 Géologie du modèle 3DEC en fonction de l'information du modèle de blocs..59 Figure 4-12 Géologie du mur sud du modèle 3DEC selon l'information de terrain 60
viii Figure 4-13 Délimitation de la zone de rupture dans le modèle 3DEC (Regard vers l'est). 61 Figure 4-14 Représentations du plan de glissement à la base de la rupture (Section 2270E). 63 Figure 4-15 Répartition des points de mesure le long de la fracture JS1 (Zone de rupture avec fractures non persistantes à la base, regard vers le nord) 67 Figure 4-16 Détermination de l'angle de friction du plan de glissement (fracture discrète persistante) selon la méthode du FRR 69 Figure 5-1 Stéréonet montrant les orientations moyennes des différentes familles principales de fractures et de la pente 72 Figure 5-2 Section simplifiée de l'instabilité utilisée pour l'analyse avec le logiciel RocPlane 74 Figure 5-3 Déplacement de la zone de rupture suite à la diminution cumulative des valeurs d'angle de friction 77 Figure 5-4 Déplacements en fonction des moments d'insertion de fractures internes (Cas 1). 84 Figure 5-5 Déplacements en fonction des moments d'insertion de fractures internes (Cas 2). 84 Figure 5-6 Déplacements en fonction des moments d'insertion de fractures internes (Cas 3). : 85 Figure 5-7 Déplacements en fonction des moments d'insertion de fractures internes (Cas 4). 86 Figure 5-8 Déplacements en fonction des moments d'insertion de fractures internes (Cas 5). 87 Figure 5-9 Déplacements en fonction des moments d'insertion de fractures internes (Cas 6).
Chapitre 1
Introduction
1.1 Problématique Actuellement, certaines mines à ciel ouvert atteignent des profondeurs et des dimensions inégalées. Parmi les diverses problématiques liées à la création de ces fosses, notons le dynamitage, le chargement et le halage d'une énorme quantité de matériel n'ayant aucune valeur économique (roches stériles). Cet aspect occupe une place importante au niveau des coûts d'opération. Dans un souci de rentabilité économique, différentes stratégies sont mises de l'avant afin de minimiser le déplacement de roches stériles. Parmi celles-ci, une règle de base dans la conception de fosses à ciel ouvert consiste à maximiser l'angle des pentes. En effet, la géométrie d'une pente dans une mine à ciel ouvert est étroitement liée à la rentabilité de cette dernière. Plus une pente est abrupte, moins il y aura de matériel stérile à miner (Figure 1-1). Les coûts de production s'en trouvent diminués. Cependant, la création de pentes par l'homme perturbe l'équilibre du massif rocheux. Pour des mêmes conditions géotechniques, plus une pente est abrupte, plus elle présentera un potentiel d'instabilité élevé (Figure 1-1). Dans le contexte d'une mine à ciel ouvert, le potentiel d'instabilité des pentes peut avoir un impact important sur la sécurité des travailleurs et sur les activités de production en général.
Figure 1-1 Problématique de conception d'une pente, modifiée d'après Sjôberg (1999a).
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La recherche de compromis entre la viabilité économique et la sécurité fait partie des enjeux majeurs au niveau des exploitations à ciel ouvert. Cette recherche de compromis est assistée par des analyses de stabilité des pentes. Des analyses de stabilité des pentes sont effectuées de façon routinière dans les mines à ciel ouvert. On les retrouve aux stades de la planification et de la conception des pentes. Ces analyses sont aussi effectuées au stade de la production lorsque les pentes présentent des signes d'instabilités ou de ruptures. À ce stade, il est fréquent d'effectuer des analyses sur des événements qui se sont déjà produits. On parle alors de rétro-analyses sur des instabilités de pente. Les instabilités de pente observées dans les mines à ciel ouvert, sont majoritairement contrôlées par des éléments structuraux dominants (failles, fractures discrètes, familles de fractures) présents près de la surface. Dans ces cas, les instabilités sont dites structurales et les rétro-analyses effectuées mettent l'emphase sur l'influence de ces éléments structuraux dominants.
1.2 Objectif Dans le cadre de ce mémoire, la rétro-analyse d'une instabilité structurale survenue sur une pente dans une mine à ciel ouvert est réalisée. Le mode de rupture de l'instabilité a été identifié comme étant multi-planaires mais aucun événement (séisme, dynamitage de production, période de gel ou pluies abondantes) n'a été directement associé avec ce phénomène. Dans cette situation, il est difficile de trouver une explication simple et satisfaisante sur les causes de l'instabilité. Pour cette raison, le premier objectif principal est l'obtention d'une meilleure compréhension des mécanismes de rupture par l'exploration de différents scénarios potentiels d'instabilités. Le point de départ d'une rétro-analyse est constitué de la collecte de données. Cette étude de cas est particulière puisque les données de terrain disponibles proviennent principalement d'informations contenues dans un outil de conception minier Surpac. L'utilisation appropriée de cette importante source d'informations requiert plusieurs étapes
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de manipulations et de modifications. Pour cette raison, le deuxième objectif principal est la création d'une méthodologie permettant l'utilisation efficace de données géométriques et géologiques numériques.
1.3 Méthodologie Les deux objectifs principaux seront atteints premièrement par l'élaboration d'une revue de littérature traitant des divers aspects importants d'une analyse de stabilité et présentant diverses méthodes de calculs assistant cette analyse. Ensuite, les différentes étapes nécessaires à la rétro-analyse seront mises en application. La première étape est celle de la collecte de données en lien avec l'étude de cas. Ces données proviennent principalement de l'outil de conception minier Surpac. La deuxième étape consiste en la création d'un modèle numérique approprié basé sur les informations disponibles. Le modèle numérique est créé avec logiciel 3DEC utilisant la méthode des éléments distincts. Le choix de cette méthode est principalement justifié par le fait que la zone de rupture est délimitée par divers éléments structuraux (fractures et contacts géologiques) et que le déplacement s'est produit le long de certains de ces éléments. De plus, l'utilisation d'une méthode en trois dimensions permet la délimitation latérale de la zone de rupture constituée de contacts géologiques. La dernière étape est celle de l'exploration et de la validation de divers scénarios de rupture à l'aide du modèle numérique. Ces scénarios sont basés sur certaines hypothèses rencontrées dans la littérature au sujet des mécanismes de dégradation des propriétés mécaniques des fractures et des mécanismes de fracturation interne.
1.4 Structure du mémoire Une revue des concepts généraux entourant l'analyse de stabilité des pentes et présentant diverses méthodes de calculs pour des instabilités structurales est présentée au Chapitre 2. Les forces et limitations de ces méthodes sont discutées. L'emphase est mise sur la modélisation numérique utilisant la méthode des éléments distincts puisque cette dernière est utilisée pour assister la rétro-analyse du cas d'étude.
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Une présentation du cas d'étude est effectuée au Chapitre 3. Les données géométriques, géologiques et les propriétés mécaniques des divers éléments du massif rocheux sont expliquées. La méthodologie permettant le transfert de données géométriques et géologiques provenant du outil de conception minier Surpac dans un logiciel de modélisation numérique utilisant la méthode des éléments distincts 3DEC est présentée au Chapitre 4. L'intégration des propriétés mécaniques y est aussi discutée. Les mécanismes potentiels de rupture sont analysés à travers plusieurs simulations sur le modèle numérique à travers la rétro-analyse de l'instabilité présentée au Chapitre 5. Une synthèse des travaux ainsi que l'orientation des travaux de recherche à venir sont présentées en conclusion au Chapitre 6.
Chapitre 2
Revue de littérature
2.1 Introduction Le présent chapitre introduit le concept général d'une analyse de stabilité des pentes dans les mines à ciel ouvert. De plus, différentes méthodes assistant les analyses de stabilité sont présentées. Une attention particulière est portée aux outils de modélisation numérique utilisant la méthode de résolution des éléments distincts puisqu'il s'agit de la méthode qui sera utilisée pour la rétro-analyse. Enfin, différents exemples d'analyse de stabilité utilisant cette méthode de résolution sont présentés. Ces exemples font un survol des différentes approches d'analyses fréquemment rencontrées dans l'industrie minière.
2.2 Instabilité structurale 2.2.1 Représentation du massif rocheux Le comportement d'un massif rocheux, soumis à des travaux d'excavation, dépend des différentes formations géologiques qui le composent et de leurs propriétés mécaniques. Le comportement de ce même massif rocheux est aussi gouverné par la présence de différents éléments structuraux (failles, fractures discrètes, familles de fractures, plans de faiblesses liés à des contacts géologiques ou à des zones d'altération). Ces structures sont aussi caractérisées par des propriétés mécaniques et des propriétés géométriques (direction de pendage, pendage, persistance, espacement des familles de fractures). Au niveau des mines où le terrain est constitué de roches dures, les massifs rocheux sont caractérisés par la présence d'éléments structuraux dominants. Dans ces cas, les massifs rocheux peuvent être représentés par un assemblage de blocs rocheux dont les dimensions sont fonctions de la configuration des éléments structuraux délimitant ces blocs. Différents types de massifs rocheux sont définissables selon leurs degrés de facturation (Figure 2-1). Un massif très fracturé et/ou altéré possède une résistance globale faible et se
6 comporte comme un continuum équivalent (matériel homogène). Les ruptures associées à ce type de massif rocheux sont majoritairement de type circulaire. Un massif rocheux constitué de quelques fractures dominantes ou de quelques familles principales de fractures se comporte de manière discontinue (Figure 2-1).
Figure 2-1 Niveau de fracturation dans les massifs rocheux et surfaces des ruptures associées, modifiée d'après Hudson et Harrison (1997).
Les massifs rocheux de type discontinu sont fréquemment rencontrés dans les mines où la qualité du roc est bonne et où des fractures sont prédominantes. Les instabilités associées à ce type de massif sont structurales. Les signes d'instabilités de type structural se retrouvent sous forme de déplacements de blocs rocheux le long des structures pouvant mener à des ruptures. Dans beaucoup de cas, les signes d'instabilités dans les massifs rocheux de type discontinu ou continu sont des fractures en tension à l'arrière ou dans la pente.
2.2.2 Types d'instabilité structurale Les configurations de rupture associées à un massif de type discontinu se retrouvent sous plusieurs formes selon la configuration des éléments structuraux présents dans le massif rocheux. Le sous coupage de plusieurs éléments structuraux forme des blocs libres
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d'effectuer des déplacements et/ou des rotations (Figure 2-2). Le comportement des mouvements est caractérisé par un déséquilibre au niveau des forces en présence.
Figure 2-2 Exemples d'instabilités structurales, modifiée d'après Hudson et Harrison (1997).
La Figure 2-2 présente des exemples d'instabilités structurales. Le glissement de blocs peut survenir le long d'un seul plan de glissement (planaire) ou le long de deux plans de glissement (dièdre). Des éléments structuraux de fort pendage peuvent permettent le détachement de blocs libres d'effectuer une rotation lors de la chute (basculement).
2.2.3 Mécanismes d'instabilité structurale Les mécanismes d'instabilités pour des glissements planaires ou dièdres sont relativement simples à expliquer lorsque les éléments structuraux sont persistants. Les instabilités commencent généralement lorsque le roc présent à l'endroit où une fracture voit le jour dans la pente est enlevé par les activités de la mine. La forme et la localisation de la zone de rupture sont déterminées par la localisation et l'orientation des fractures présentes. Le mécanisme dominant de rupture dans ce cas est une rupture en cisaillement (la résistance en cisaillement des fractures est excédée). Lorsque une pente est créée et qu'il y a présence de fractures voyant le jour dans la pente, l'initiation de l'instabilité sera contrôlée par les caractéristiques de résistance des fractures, les caractéristiques de résistance du roc intact et les conditions en eau souterraine. La majorité des cas d'instabilités impliquent des fractures non persistantes et un mécanisme progressif menant à une rupture totale dans la pente. Un mécanisme progressif de rupture
8 dans une pente est défini comme étant un développement successif de surfaces de rupture en fonction des redistributions de contraintes dans le massif et la perte de résistance en cisaillement du matériel, Einstein et al. (1983), Eberhardt (2004). Une rupture progressive dans une pente impliquerait une propagation de fissures le long de fractures non persistantes déjà existantes et une rupture dans le roc intact entre ces fractures. Les portions de roc intact entre les fractures sont appelées ponts rocheux. Des redistributions de contraintes causées par la propagation des fractures déjà existantes et des déformations internes conduiraient à la rupture interne dans les ponts rocheux, Kemeny (2005). La rupture des ponts rocheux modifie à son tour la distribution des contraintes ce qui peut provoquer de nouvelles ruptures internes. La surface de rupture finale est alors composée principalement de fractures déjà existantes et de portions de ponts rocheux fracturés.
2.3 Analyse de stabilité de pente 2.3.1 Objectifs Les interactions entre les éléments du massif rocheux combinés à la géométrie de la pente, à la présence d'eau, aux variations de température et aux activités de la mine font que chaque pente créée par l'homme se comporte de manière unique. Les répercussions des instabilités varient énormément et peuvent être catastrophiques tant au niveau humain qu'au niveau économique. Les analyses de stabilité des pentes permettent de mieux définir les risques et les causes des instabilités et de prendre des moyens concrets pour maintenir un niveau de sécurité acceptable tout en assurant une viabilité économique. Ces analyses déterminent quels mécanismes doivent être considérés et présentés comme initiateurs de ruptures (identification des mécanismes clés). Les analyses de stabilité sont employées à tous les stades de développement d'une mine (planification, conception, contrôles de terrain pendant l'exploitation).
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2.3.2 Procédure générale d'analyse L'analyse de stabilité se décompose en plusieurs étapes, Hoek et Bray (1981). Premièrement, la collecte de données sur le massif rocheux s'effectue à différentes échelles. Elle consiste en la quantification des propriétés mécaniques des composantes (roc intact et éléments structuraux) du massif rocheux et en la détermination de la classification géomécanique du massif rocheux en général. De plus, les informations collectées comprennent les éléments géométriques composés de la configuration de la pente et de la répartition spatiale des unités géologiques et des éléments structuraux. Les données de contrôle de terrain (mesures des déplacements, conditions en eau souterraine, données séismiques et les séquences de minage) font aussi parties des données collectées. Deuxièmement, l'analyse des observations de terrain en lien avec l'instabilité comprend la recherche des mécanismes clés impliqués dans l'instabilité. L'analyse des observations de terrain informe sur le mode de rupture. Troisièmement, l'utilisation de différentes méthodes assistant l'analyse aident à définir (quantifier) l'état de stabilité de la pente. Les données recueillies lors de la collecte d'informations sont généralement utilisées à cette étape. Le choix des méthodes de calculs dépend principalement du type d'instabilité. La dernière étape consiste à définir la corrélation entre les résultats des calculs et les observations de terrain de façon à valider les résultats, les mécanismes clés impliqués dans l'instabilité et les solutions mises de l'avant. Ces étapes constituent une ligne directrice générale et peuvent varier selon le type d'analyse de stabilité effectué.
2.3.3 Types d'analyse de stabilité Les analyses de stabilité se divisent généralement en deux catégories : La conception (étapes de planification et de conception des pentes) et la rétro-analyse (étapes de contrôle de terrain pendant l'exploitation). La conception vise à l'interprétation des caractéristiques
10 du massif rocheux et à la compréhension des interactions de ces caractéristiques en vue de concevoir des pentes sécuritaires. La rétro-analyse étudie des phénomènes d'instabilités déjà observés ou encore présentement actif. Cette étude vise à déterminer les causes d'instabilités en vue d'établir des mesures permettant de rétablir la situation ou d'éviter que ces phénomènes ne se reproduisent. La différence entre la conception et la rétro-analyse réside dans le fait qu'au niveau de la conception, les événements ne se sont pas encore produits. On tente de déterminer ce qui risque de se produire en fonction de la configuration des excavations. Les données de départ au niveau des phénomènes observés sont limitées. La base de cette étude réside dans la collecte des propriétés mécaniques des divers éléments du massif rocheux. L'analyse s'effectue généralement sous forme d'études de sensibilité faisant varier les paramètres jugés importants pour déterminer le comportement d'une pente sous différentes conditions. Les paramètres modifiables sont : la configuration des excavations et les variations des valeurs de paramètres physiques du massif rocheux. Ces analyses sont effectuées à différentes échelles (banc, pente inter-rampe, pente globale) pour déterminer les différents types potentiels de rupture. La conception se base aussi sur des rétro-analyses ou des données historiques de contrôle de terrain. De façon générale, une rétro-analyse commence par la détermination de données quantifiables. Ensuite, les mécanismes d'instabilités potentiels sont identifiés à partir de ce qui est observé sur le terrain ou tout simplement par hypothèses. Pour effectuer ce type d'analyse, les caractéristiques géométriques (pentes et éléments structuraux) doivent être déterminées en plus de la caractérisation du massif rocheux. Une meilleure compréhension des mécanismes peut être facilitée par l'utilisation de méthodes de calculs. La section suivante fait une brève présentation de certaines méthodes utilisées dans les cas d'instabilités structurales.
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2.4 Méthodes assistant une analyse de stabilité de pente 2.4.1 Méthodes cinématiques Les méthodes cinématiques se veulent l'étude des mouvements des corps, abstraction faite des forces qui les produisent. Une des méthodes cinématiques la plus couramment employée est appelée méthode d'analyse stéréographique (stéréonets). Cette méthode offre une représentation graphique en 2 dimensions de données géologiques structurales en 3 dimensions. Elle est principalement utilisée au premier moment d'une analyse de stabilité alors que les seules données disponibles au niveau des éléments structuraux proviennent de carottes de forage aux diamants ou de données de traverses sur des affleurements rocheux. L'analyse graphique sur stéréonets se base sur la géométrie de la pente (pendage et direction de pendage) et sur la géométrie des structures dominantes présentes dans le massif (pendage, direction de pendage et angle de friction). L'analyse de la disposition des éléments structuraux et de la pente permet de déterminer les éléments structuraux susceptibles d'initier des instabilités et les types d'instabilités potentielles (glissement planaire, glissement dièdre ou basculement). Cette méthode évalue la liberté de mouvement de blocs créés à la surface de la pente le long de un ou de plusieurs éléments structuraux. Hoek et Bray (1981) et Hudson et Harrison (1997) discutent de la méthodologie d'analyse stéréographique. Cette méthode peut être utilisée de façon manuelle ou à l'aide de logiciels commerciaux tel que Dips, Rocscience (2004). Une autre méthode cinématique est appelée méthode du bloc clé critique. Cette méthode a été développée par Goodman et Shi (1985) et utilise l'analyse stéréographique de façon plus avancée. À partir de la configuration des éléments structuraux, elle identifie le premier bloc susceptible de se déplacer. La perte de ce premier bloc créé un espace qui engendre le déplacement potentiel de blocs instables dans l'entourage immédiat. Elle peut analyser un nombre illimité de familles de fractures tandis que la forme et la position des blocs sont facilement identifiables, Sjôberg (1999b). Cette méthode peut être utilisée de façon manuelle ou à l'aide de logiciels commerciaux tel que Kblock, Pantechnica (2001).
12 Ces méthodes possèdent des avantages et des limitations, Stead et al. (2005). Elles sont simples d'utilisation et permettent de déterminer les modes potentiels de rupture. De plus, elles peuvent être combinées à des méthodes statistiques afin de déterminer des probabilités de rupture et les volumes de roches associés. Par contre, elles négligent les déformations et les ruptures dans le matériel, la cohésion des surfaces de glissement et la présence d'eau.
2.4.2 Méthodes des équilibres limites 2.4.2.1 Généralités La méthode des équilibres limites consiste à calculer un facteur de sécurité en comparant les forces et/ou moments statiques ayant pour effet de stabiliser et de déstabiliser la pente. Ces forces incluent au minimum les forces gravitationnelles, les pressions d'eau et la résistance mobilisée par les structures le long desquelles la rupture peut potentiellement avoir lieu. Cette résistance au cisaillement est définie par un critère de rupture. Le rapport entre les forces stabilisantes et déstabilisantes est appelé facteur de sécurité et est largement utilisé au niveau des analyses de stabilité. Un facteur de sécurité inférieur à l'unité indique que le système est instable. Un facteur de sécurité à l'unité indique que les sommations de forces sont égales et que la pente est en équilibre limite (au bord de la rupture). Un facteur de sécurité supérieur à l'unité indique que la pente est stable. Il est toutefois impossible de prédire avec certitude le niveau de risque de rupture. C'est pourquoi ces méthodes sont principalement utilisées dans un but comparatif pour une même pente, Sjôberg (1999b). Les principaux paramètres utilisés par cette méthode sont la géométrie de l'excavation, la configuration des plans de glissement, la résistance au cisaillement des plans de glissement (cohésion et angle de friction), les conditions en eau souterraine et les types de support et soutènement utilisés. Il existe plusieurs types d'outils employant la méthode des équilibres limites dépendamment des types de rupture analysés : glissement planaire, glissement dièdre et glissement circulaire. L'acquisition de données de terrain fiables est essentielle puisqu'elles
13 permettent de déterminer le type de rupture potentiel dictant le choix de l'outil le plus approprié. Ces méthodes possèdent des avantages et des limitations, Stead et al. (2005). Premièrement, plusieurs logiciels sont disponibles dépendamment des types de rupture. De plus, certains de ces outils permettent l'analyse probabilistique avec différents types de matériel et types de soutènement en incluant les conditions en eau souterraine. Enfin, elles permettent de déterminer des facteurs de sécurité en lien avec plusieurs paramètres d'entrée. Par contre, le fait de déterminer la surface de rupture est une limitation majeure. De plus, les contraintes in situ, les déformations internes et les ruptures internes du matériel intact ne sont pas prises en compte. 2.4.2.2 Glissement planaire et dièdre L'analyse des glissements planaires est généralement simple et est effectuée sur une géométrie en deux dimensions. Il est possible d'utiliser des relations directes ou des abaques qui approximent bien les solutions analytiques, Hoek et Bray (1981). Le facteur de sécurité se détermine selon les forces en présence. Pour une analyse en deux dimensions, un exemple des différents types de forces est présenté à la Figure 2-3.
Fracture de tension /\
Force agissante (pression
PpS c|e l'eau) Résistance au cisaillement x ^ /