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Les lois de la nature humaine Robert Greene
Commentaires Nous nous retrouvons souvent démunis face à des individus que nous trouvons sympathiques et serviables mais qui, en réalité, manœuvrent dans notre dos pour exploiter notre bienveillance ou précipiter notre chute. Il arrive également que nous nous sentions impuissants face à nos propres comportements : des propos malheureux à l’encontre d’un collègue ou une relation amoureuse vouée à l’échec déclenchent des ‘schémas de comportement autodestructeurs’. Pour maîtriser ce phénomène, il nous faut mieux comprendre les ‘racines du comportement humain’ et les forces contradictoires qui l’agitent en permanence. Ces 18 lois de la nature humaine inventoriées par Robert Greene vous aideront à décoder le comportement humain et ses multiples facettes.
Points à retenir
Ne laissez pas vos émotions dicter votre comportement, exploitez votre côté narcissique pour cultiver l’empathie et apprenez à faire tomber les masques. Identifiez vos schémas compulsifs pour les transformer en forces, faites-vous désirer pour augmenter votre aura et élargissez votre vision pour mieux anticiper les événements. Diminuez la résistance des autres pour mieux les influencer, modifiez votre manière de penser pour libérer votre énergie et pratiquez l’introspection pour maîtriser votre côté obscur. Faites du sentiment d’envie qui vous ronge une saine émulation, ne surestimez pas vos talents et exploitez votre énergie masculine et féminine pour fluidifier votre relation à l’autre. Identifiez votre mission pour lutter contre le tumulte intérieur qui vous ronge, restez vousmême lorsque vous êtes en groupe et consolidez votre autorité sans tomber dans le piège de l’autosatisfaction. Apprenez à identifier les différentes formes d’agressivité, affranchissez-vous du carcan générationnel et acceptez la mort pour mieux apprécier la vie.
Résumé Ne laissez pas vos émotions dicter votre comportement, exploitez votre côté narcissique pour cultiver l’empathie et apprenez à faire tomber les masques. ‘La loi de l’irrationalité’ : nous sommes par nature des êtres irrationnels, dont les émotions régissent le comportement. Les émotions sont à l’origine une réaction physiologique primale destinée à attirer notre attention sur une modification de notre environnement. Elles naissent dans une partie du cerveau distincte de celle de la pensée et du langage, d’où notre difficulté à les interpréter correctement. Pour cultiver votre rationalité, efforcez-vous donc d’identifier les biais cognitifs qui peuvent opérer en vous et chez les autres. Veillez à être conscient de vos émotions de niveau 2, ces émotions négatives qui ‘s’intensifient pour se transformer en réactivité permanente’ et à travers lesquelles vous interprétez tout ce que vous voyez ou entendez. Enfin, exprimez votre ‘moi rationnel’, notamment en analysant vos émotions à froid, en vous connaissant vous-même et en évitant de réagir immédiatement aux stimuli négatifs. Le krach de 2008 illustre parfaitement cette loi : ‘une vague d’optimisme débridé’ avait définitivement annihilé la capacité de raisonnement des individus et avait stimulé la course au profit et à l’argent facile. ‘La loi du narcissisme’ : l’égocentrisme ou le narcissisme font partie de notre vie, mais en apprenant à réorienter cette sensibilité vers autrui, nous pourrons améliorer notre empathie, un outil puissant qui nous permet de nous connecter aux autres. Développez les quatre types d’empathie suivants : 1) ‘l’attitude empathique’(faites preuve d’ouverture d’esprit et ne portez aucun jugement) ; 2) ‘l’empathie viscérale’ (efforcez-vous de capter les émotions de votre interlocuteur en observant sa gestuelle et en tenant compte du ton de sa voix) ; 3) ‘l’empathie analytique’ (pensez à recueillir des informations sur votre interlocuteur pour mieux comprendre ses réactions) ; et 4) ‘la faculté d’empathie’ (veillez à améliorer votre capacité à comprendre les autres en sollicitant des rétroactions). Cette démarche vous aidera également à débusquer les narcissiques toxiques et à échapper à leur contrôle pervers. « Nous sommes tous narcissiques, certains plus que d’autres. » ‘La loi de la persona’ : nous portons tous ‘un masque social’ qui nous montre sous notre jour le plus favorable aux yeux des autres. Nous apprenons à dissimuler nos émotions pour nous intégrer dans un groupe ou susciter la sympathie et l’affection. C’est aussi valable pour votre interlocuteur. Pour déjouer les intentions hostiles, vous devez tout d’abord apprendre à décrypter les signaux verbaux et non verbaux de la personne avec laquelle vous interagissez. Identifiez notamment les signaux essentiels que sont ‘l’attirance/la répulsion, la dominance/la soumission et l’imposture ou la tromperie’. Ensuite, il vous faudra apprendre à gérer votre propre image en maîtrisant vos signaux non verbaux, en vous adaptant à votre public et en créant une première impression positive. Adolescent, Milton Erickson – qui allait devenir l’un des psychologues les plus influents du 20e siècle – a contracté la polio et s’est retrouvé totalement paralysé. Durant cette période, il passa son temps à observer ses proches, et découvrit le pouvoir de la communication non verbale, une forme de connaissance inédite de l’autre qui active nos ‘neurones miroirs’. Identifiez vos schémas compulsifs pour les transformer en forces, faites-vous désirer pour augmenter votre aura et élargissez votre vision pour mieux anticiper les événements. ‘La loi du comportement compulsif’ : notre caractère est forgé par des éléments de notre passé et par certains ‘schémas’ négatifs récurrents dont on ne peut s’affranchir. Mais en prenant conscience de ceux-ci, vous parviendrez à les atténuer, à les transformer en forces et à créer de nouvelles habitudes pour prendre votre destin en main. Il est également important de bien identifier le caractère des personnes qui vous entourent et de ne pas juger uniquement sur les apparences, qui sont souvent trompeuses. Faites primer ‘le caractère sur le charme, l’intelligence ou la réputation’. Méfiez-vous des caractères dits toxiques : les hyper-perfectionnistes, les rebelles, les éternelles victimes, les baratineurs, les flagorneurs, etc.
‘La loi de la convoitise’ : les êtres humains sont mus par le désir constant de posséder ce qu’ils n’ont pas. Plus l’objet de leur convoitise est inatteignable, et plus ils s’échineront à l’obtenir. Ce comportement est dû à trois aspects du cerveau humain. Le premier est ‘l’induction’, qui nous ‘prédispose à penser et à désirer justement ce que nous n’avons pas’. Le second est un ‘biais négatif’ hérité de nos ancêtres, et qui les incitait à rester méfiants et extrêmement vigilants pour survivre face au danger. Enfin, le troisième aspect est l’expérimentation simultanée du réel et de l’imaginé dans notre cerveau. Lorsque nous imaginons quelque chose, nous déclenchons la même activité électrique et chimique cérébrale que lorsque nous vivons réellement cette chose. Or, si notre expérience sera toujours limitée par la réalité physique, notre imagination est, quant à elle, illimitée. Nous avons donc naturellement tendance à penser qu’il y a toujours mieux ailleurs. Appuyez-vous sur ce travers pour susciter la convoitise : soyez distant, encouragez la rivalité et faites preuve de transgression. « Nous rêvons d’être arrachés à notre vie ennuyeuse en allant découvrir une culture exotique où les gens sont plus heureux que dans la ville sale et grise où nous habitons. » ‘La loi du manque de vision’ : l’être humain est plus facilement sensible à ce qu’il voit et entend dans le présent, c’est-à-dire à la situation actuelle, qu’à ce qui ne lui est pas immédiatement visible. En lançant l’opération de vente d’actions de la Compagnie de la mer du Sud, John Blunt, un homme d’affaires anglais, était à tel point focalisé sur les opportunités d’enrichissement qu’il perdit prise avec la réalité et ne sut pas anticiper la frénésie spéculative qui s’empara de ses concitoyens et ses conséquences à moyen terme. Ce montage financier finit par aboutir à l’éclatement de la bulle financière de 1719 et à la ruine de nombreux porteurs. Certains schémas de comportement ne nous semblent pas évidents dans le moment présent, mais nous apparaissent avec plus de clarté à un moment ultérieur. Pour devenir un être humain clairvoyant, efforcez-vous d’élargir votre ‘cadre temporel mental’ pour mieux voir le lien entre vos actions et leurs conséquences. « Le temps est riche d’enseignements et c’est un puissant révélateur de la réalité. » Diminuez la résistance de vos interlocuteurs pour mieux les influencer, modifiez votre manière de penser pour libérer votre énergie et pratiquez l’introspection pour maîtriser votre côté obscur. ‘La loi de la défensive’ : pour atténuer la résistance naturelle de vos interlocuteurs, efforcez-vous de créer ‘un sentiment de chaleur mutuelle’ afin de les inciter à être plus coopératifs. Pour influencer les autres, mettez en avant leurs idées au lieu des vôtres, demandez-leur conseil et rendez-leur des services. En agissant ainsi, vous les encouragerez à abandonner leur méfiance et ils deviendront plus réceptifs à vos propres suggestions. ‘La loi de l’auto-sabotage’ : notre perception du monde et des événements qui nous touchent façonne notre vie. Les événements extérieurs affectent différemment chaque individu. Si vous êtes de nature craintive, il est peu probable que vous preniez des risques et il y a de fortes chances que vous ne vous focalisiez que sur le côté négatif de chaque situation vécue. Cette méfiance peut contribuer à faire échouer votre carrière et nuire à vos relations avec les autres. Efforcez-vous de développer un état d’esprit positif, de faire preuve d’une plus grande tolérance vis-à-vis des autres et de tirer les enseignements des moments difficiles. Ce faisant, vous créerez une dynamique positive qui vous aidera à vous épanouir et à libérer votre énergie. « Si nous avons un caractère craintif, nous aurons tendance à voir le côté négatif dans n’importe quelle situation. On s’empêche de prendre des risques. » ‘La loi du refoulement’ : nous nous forgeons tous un ‘personnage public’ qui met en avant nos forces et dissimule nos faiblesses. Nous cherchons tous à réprimer ‘les traits de caractère socialement moins acceptables’ de notre enfance sous un vernis de bienveillance et d’amabilité. Pour lutter contre ce côté obscur et destructeur, pensez à transformer ce comportement négatif en énergie positive et ‘votre vulnérabilité en empathie’. Abraham Lincoln et Winston Churchill, par
exemple, possédaient à la fois des capacités d’introspection et d’autodérision. Ces traits de caractère ont accentué leur côté humain, et renforcé leur charisme. Contrairement à Richard Nixon qui, malgré son intelligence, n’a pas su évaluer ‘le côté sombre de sa personnalité’. Ne laissez pas vos pulsions négatives vous tourmenter : libérez vos démons et montrez-vous sous votre vrai jour. Faites du sentiment d’envie qui vous ronge une saine émulation, ne surestimez pas vos talents et exploitez votre énergie masculine et féminine pour fluidifier votre relation à l’autre. ‘La loi de l’envie’ : l’envie surgit en général dans le cercle de nos relations amicales. Elle est motivée par notre penchant naturel à vouloir nous comparer aux autres. Comment identifier les signaux qui précèdent ce ressentiment ? Soyez à l’affût des ‘micro-expressions’ faciales, de l’obséquiosité, des commérages ou des amitiés trop empressées. Agir ainsi vous épargnera des souffrances affectives et vous permettra d’identifier les amis ou collègues toxiques. Il est fort probable que vous ayez également ressenti de l’envie vis-à-vis d’autres personnes. Pour combattre ce sentiment négatif, efforcez-vous de transformer l’envie en ‘émulation’, de ressentir de l’empathie plutôt que de la jalousie, et de renforcer votre estime de vous-même. « De toutes les émotions humaines, aucune n’est plus complexe ni sournoise que l’envie. » ‘La loi de la mégalomanie’ : nous sommes tous enclins à naturellement ‘surestimer notre talent’ et nos capacités. Notre confiance en nous est le moteur qui nous incite à relever des défis et à dépasser nos limites. Mais dès que nous réussissons, notre niveau de confiance augmente de manière significative, créant un décalage entre notre ‘amour-propre et la réalité’. Pour éviter de succomber à la mégalomanie, reconnaissez le rôle joué par le facteur chance dans votre réussite et l’aide extérieure que vous avez reçue. Admettez vos limites et choisissez de consolider et de canaliser vos forces. ‘La loi de l’inflexibilité des sexes’ : comme Catherine Sforza, ‘la belle comtesse guerrière de Forlì’, exploitez simultanément votre côté masculin et féminin pour développer ‘un mode de pensée et d’action unique’ et révéler votre ‘pouvoir créateur’. Améliorez vos relations en développant votre empathie ou en étant moins complaisant. Désamorcez les situations problématiques en réagissant différemment. Gardez cependant à l’esprit que cette démarche peut s’avérer difficile à appliquer. La pression sociale nous pousse naturellement à refouler nos traits féminins ou masculins pour nous sur-identifier au rôle féminin ou masculin qui est attendu de nous. « En faisant ressortir la nuance masculine ou féminine de votre personnalité, vous fascinerez les gens en étant authentiquement vous-même. Ne jouez pas le rôle attendu par votre sexe, mais créez-en un qui vous convienne. » Identifiez votre mission pour lutter contre le tumulte intérieur qui vous ronge, restez vous-même lorsque vous êtes en groupe et consolidez votre autorité sans tomber dans le piège de l’autosatisfaction. ‘La loi du désœuvrement’ : nous sommes des êtres complexes, et bien que nous nous efforcions de toujours présenter un visage rationnel et logique, nous ne pouvons pas nous empêcher de porter un masque lorsque les circonstances nous l’imposent. Cette situation crée un ‘chaos intérieur’ qui perturbe la réalisation de notre plein potentiel en nous poussant, sans discernement, vers une direction ou une autre. Suivez l’exemple de Martin Luther King, qui a combattu ses propres angoisses existentielles en se donnant pour mission d’améliorer les conditions de vie de la communauté noire dans le Sud des États-Unis. Vous devez donner un sens à votre vie et identifier une finalité qui vous guidera sur un chemin qui vous est propre, et non sur une voie tracée par vos proches ou vos pairs.
‘La loi de la conformité’ : notre personnalité sociale (la personne que nous devenons lorsque nous sommes en groupe) nous fait inexorablement perdre le caractère et le mode de pensée unique qui nous sont propres. Pour éviter d’agir de manière irrationnelle et de perdre en indépendance, soyez attentif aux changements qui s’opèrent en vous lorsque vous êtes en groupe. Démystifiez les leaders charismatiques, formulez des points de vue différents et guidez le groupe vers ‘une direction plus rationnelle’. « En groupe, les gens sont émotifs et surexcités. Leur désir primaire est de s’intégrer à cet esprit de groupe. Leur réflexion tend à être simpliste – le bien contre le mal, avec nous ou contre nous. » ‘La loi de l’inconstance’ : nous considérons que les autres nous doivent respect et considération, même si nous n’avons accompli que peu de choses. Cet état d’esprit nous rend ‘indifférents et imbus de nous-mêmes’, et nous encourage à ne pas faire d’efforts pour nous améliorer. Si vous occupez une fonction dirigeante, vos collaborateurs finiront par vous démasquer et vous manquer de respect. Pour éviter cette situation, efforcez-vous d’adopter un comportement contraire : n’attendez rien des personnes que vous dirigez, faites preuve d’empathie mais sachez vous monter ferme quand il le faut, et attelez-vous à agir pour le ‘bien-être du groupe’. Apprenez à identifier les différentes formes d’agressivité, affranchissez-vous du carcan générationnel et acceptez la mort pour mieux apprécier la vie. ‘La loi de l’agressivité’ : méfiez-vous du masque de façade que peuvent arborer certains individus. Aimables et bienveillants au premier abord, certains utilisent des moyens détournés pour vous influencer tandis que d’autres se montrent carrément agressifs. Apprenez à identifier les ‘agressifs chroniques’ et les ‘agressifs passifs’. Les premiers donnent l’impression d’être eux-mêmes et de ne pas chercher à manipuler les autres. Les seconds sont en proie à une ‘insécurité sous-jacente’ qu’ils tentent de combler en cherchant activement à exercer le pouvoir et le contrôle. Apprenez également à canaliser votre propre énergie agressive pour concrétiser vos ambitions et atteindre votre objectif ultime. ‘La loi de la myopie générationnelle’ : face à des bouleversements importants dans notre vie, nous sommes déstabilisés et nous nous accrochons obstinément au passé. Nous tentons en vain de ‘contrecarrer le courant, effort ô combien inutile’. Efforcez-vous d’envisager les événements en adoptant une perspective différente. Abandonnez vos anciens schémas de pensée qui ne font que vous aveugler. Sachez prendre de saines distances vis-à-vis des caractéristiques communes à ceux de votre génération. Tenez compte du Zeitgeist (ou ‘esprit du temps’) global pour ne pas enfermer votre esprit dans un carcan générationnel. « Notre rapport collectif au monde n’est pas le même quand nous sommes quinquagénaires ou de jeunes adultes. » ‘La loi du déni de mort’ : garder à l’esprit notre mortalité devrait être fondamental, car cette prise de conscience ‘donne du sens et ajoute une notion d’urgence à la réalisation de nos objectifs’. Cette acceptation nous permet de relativiser les échecs et autres déconvenues qui nous frappent au cours de notre vie. Elle met également en lumière ce qui nous lie véritablement à nos semblables. Efforcez-vous de vivre pleinement votre existence. Flannery O’Connor, femme de lettres américaine, considérait l’imminence de sa mort comme ‘une incitation à agir’ et l’occasion d’apprécier chaque instant du reste de sa vie.
À propos de l’auteur Robert Greene est rédacteur pour la revue Esquire et collabore à d’autres revues. Il est célèbre pour ses livres sur l’art du pouvoir.