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Hors-série n°8 janvier 2014
ORGANE du Syndicatdu National de l’ÉducationNational Physique de l’Enseignement Public - FSU Organe Syndicat de l’éducation
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Physique de l’Enseignement Public – FSU.
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EPS SPORTS CULTURES
Badminton
Directeur de publication : Serge Chabrol Imprimerie SIPé 91350 Grigny CPPAP 0614 S 07009 SNEP 76 rue des Rondeaux 75020 Paris Téléphone : 01 44 62 82 10 Email : [email protected] Numéro hors-série Contre Pied : 10 euros
Sommaire
Snep : hors-série de l’hebdomadaire du Syndicat national de l’éducation physique de l’enseignement public-FSU
*Suppléments et versions longues de certains articles sur le site
édito Paradoxal ? (A. Becker)
p. 3
Introduction Le badminton, un cas d’école (C. Couturier)
p. 4
Le dessous des mots Affrontement (J.P. Lepoix)
p. 7
Des pratiques Priorité vitesse ! (F. Girauld) Pour gagner le duel, jouer avec l’espace, se jouer du temps (M. Latourre) Le badminton à l’AS (V. Moullière) Remonter des solutions aux problèmes. Retour sur les comptes-rendus de pratiques (B. Lebouvier) Mettre en Intention les élèves (C. Leveau) Bureau d’EPS et Société Président : Alain Becker Secrétaires de rédaction : Christian Couturier, Jean-Pierre Lepoix Comité de rédaction : Alain Becker, Claude Collignon, Christian Couturier, Bruno Cremonesi, Sylvaine Duboz, Ysabelle Humbert, Jean lafontan, Bruno Lebouvier, Jean-Pierre Lepoix, Yvon Léziart, Sébastien Molenat, Claire Pontais, Anne Roger Trésorier : Claude Collignon Conseil scientifique culturel et social : Chantal Amade-Escot, Pascal Anger, Alain Becker, Marcel Berge, François Bouillon, Daniel Bouthier, Christian Bromberger, Marielle Cadopi, Jean-Pierre Cleuziou, Yves Clot, Émilienne Cosson, Annick Davisse, Raymond Deligny, Sylvaine Deltour, Pascal Duret, Bertrand During, Michel Fouquet, Jean-Pierre Garel, Michelle Gautier, Paul Goirand, Alain Goudard, Robert Joufret, Bernard Grosgeorges, Danièle Lenfle, Jean Lafontan, Yvon Leziart, Jacqueline Marsenach, René Moustard, Denis Paget, Dr. Gilbert Peres, Jacques Piasenta, Jean-Paul Poitou, Maurice Portes, Michel Rat, Roland Reynaud, Michel Rotenberg, Jean-Yves Rochex, Georges Vigarello. Site internet www.epsetsociete.net Secrétariat : 76 rue des Rondeaux 75020 Paris. Tél. : 01 44 62 82 23 Conception graphique Cyrille Fourmy Coordination du numéro Christian Couturier En couverture Raphael Sachetat Photographes Vladimir Cruels Philippe Esterellas Hervé Saby Raphael Sachetat
p. 8 p. 11 p. 14 p. 18 www.epsetsociete.net
Les petits riens Des idées pour aider (M. Duréault)
p. 20
Regard Le badminton, une pratique sociale paradoxale (A. Guidoux) Un jeu et un sport mixtes (R. Sachetat) Bien arbitrer pour permettre aux joueurs de se concentrer sur le jeu (T. Martinez) Du jeu de volant au badminton (J. Graal) Le badminton un sport de raquette comme les autres ? (B. Chaisy) Dix ans de badminton dans la revue EPS (2003-2013) (Y. Léziart) Lucidité, précision, explosivité ! (E. Silvestri)
p. 22 p. 24 p. 25 p. 26 p. 28 p. 30 p. 31
Résonance Sentir, dans son corps, le silence de la technique pour être dans le bruit tactique (P. Limouzin, B. Carème) p. 33 Faire des choses avec sérieux, sans se prendre au sérieux ! (R. Sachetat) p. 35 Le Parabad dans tous ses états ! (D. Toupé) p. 36
Controverse Programmes : attention aux contresens (L. Cantié) à quand les niveaux 3 et 4 (M. Duréault)
p. 37 p. 40
La recherche ça questionne Savoir ce qu’il y a à apprendre, vérifier ce qui est appris (C. Roustan et Y. Léziart)
p. 41
Magazine Rencontre : Benoit Heimermann (J.P. Lepoix)
p. 43
Grand format éthique du sport : B.Andrieu (Y. Léziart)
p. 44
Kiosque
p. 45
Adhérez au Centre EPS & Société
p. 47
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Voilà sans doute l’avis que ne manqueront pas de porter un grand nombre de collègues après la lecture de ce Contre Pied. Quelle mouche nous a donc piqué de nous intéresser, avec l’esprit tordu qui est celui de la revue, au badminton ? Quel est le problème ? Voilà une discipline plébiscitée par la profession où tout semble se passer au mieux pour les élèves, pour les enseignant(e)s. Elles, ils enseignent, ils, elles apprennent... Toutes les données, ou presque, se recoupent, programmations, AS, montrent un badminton omniprésent, facilitant l’entrée en culture du plus grand nombre, celle dans les « apprentissages » premiers, développant l’autonomie, la coopération, régulant les ambiances de classe, permettant aux « profs » de redevenir enseignant. « Facile » à organiser, facile à gérer, facile à enseigner, facile à apprendre, « récréatif », « ludique », distrayant, de « loisirs ». On doit s’interroger : le bad n’est-il pas l’EPS, toute l’EPS d’aujourd’hui ? Et ce n’est pas la moindre de ses vertus de nous faire découvrir, après un demi siècle de sornettes 1, contrairement à ce qui est convenu en EPS, que finalement, elle, (l’EPS), se confond avec ce qu’elle enseigne, qu’elle est ce qu’elle fait, pas un « au-delà » 2 mais un ici-bas, un ici et maintenant.
Bad-
Et pourtant rien, dans la formation initiale, continue, du côté de l’institution, de la prescription, de l’injonction3, rien donc n’a été fait pour introduire le bad comme pratique préférentielle à l’école. C’est en quelque sorte un phénomène professionnel naturel. Les profs l’ont décidé, ils l’ont fait.
édito
Paradoxal !
minton
Simultanément les caractéristiques les plus attrayantes du jeu de volant « scolaire » semblent être devenues pour le badminton fédéral un obstacle à sa « sportivisation », à son développement. Une rupture épistémologique s’imposerait, le monde communautaire du bad devrait perdre de vue son histoire lointaine pour satisfaire les appétits compétitifs contemporains. Voilà un bon sujet de discussion entre nous. Qu’en pensons-nous ?
Mais le bad a aussi une face cachée. C’est du moins ce qui ressort de l’écoute de certains collègues. Côté évaluation la promesse n’est pas tenue, les filles et les élèves « faibles » n’ont pas de meilleures notes que dans d’autres APSA. Sa prétendue facilité est interrogée. Et si le badminton était complexe, aussi ? Et si la réussite affichée n’était qu’une demi-réussite, faute d’ambition. Une panne didactique est évoquée : la difficulté dans l’atteinte du meilleur niveau possible. C’est un autre paradoxe : ce rapport entre une discipline sur-présente à l’école et la faiblesse de la réflexion à son sujet ; comme si l’objet se suffisait à lui-même. Mais d’ailleurs quel est-il cet objet ? C’est quoi finalement le bad ? Quels sont ses savoirs et comment l’enseigner alors ? Bref n’est-il pas en train de nous jouer un tour ? Non ou mal identifié, mal connu finalement, le voilà sur-enseigné, c’est le dernier paradoxe évoqué, proche de l’énigme. Pouvons-nous à l’occasion de ce numéro de Contre Pied, ensemble, en savoir un peu plus sur cet étrange étranger pourtant si familier ? Alain Becker (1) Ce sont les IO de 67 qui affirment que » l’EPS ne se confond pas avec les moyens qu’elle utilise »... Tout en affirmant préalablement que les APS(e) sont la matière de l’EPS ! (2) La formule est d’Alain Hébrard, ex doyen de l’inspection générale. (3) Pratique en plein développement, non durable pouvons-nous espérer.
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Le badminton, un cas d’école
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e badminton est devenu en quelques années un des sports phares de l’EPS et du sport scolaire. Première activité en nombre de pratiquants à l’UNSS, activité la plus programmée en lycée, en développement constant au collège et à l’école primaire, elle est aujourd’hui incontournable. Il est remarquable, il faut le souligner dès à présent, que ce mariage avec l’EPS se soit fait sans aucune prescription de quelque nature que ce soit, et même sans que les enseignants soient véritablement formés à cette activité (la préparation dans les UFR ne dépasse guère aujourd’hui l’équivalent d’un ou deux cycles et la possibilité de la prendre en « option » au CAPEPS que depuis 2011). C’est donc l’objet culturel n°1 à l’école, en décalage complet avec le poids du badminton dans les pratiques sociales qui, bien qu’en augmentation également, n’est pas comparable à celui d’autres sports. Le foot est remarquable pour des raisons inverses : bien que première activité sportive chez les jeunes, elle n’existe pratiquement plus à l’école, nous y reviendrons dans le prochain numéro. Chacun a pu s’interroger sur ce phénomène et a pu y apporter quelques réponses spontanées. A titre d’exemple, un rapport de l’Inspection Générale de la jeunesse et des sports cite un mémoire INSEP datant de 2004 qui explique le succès scolaire du badminton : « …une activité installée en quelques secondes, des élèves qui augmentent d’un coup leur temps réel d’activation en classe, (et donc des élèves qui suent), qui se fatiguent (ce qui devient rare durant la pratique sportive en temps scolaire), une activité ludique où tous les élèves progressent (car il est possible d’appliquer facilement une pédagogie par ateliers), une activité calme (…), une activité nouvelle, dans le confort du gymnase, peu onéreuse... ». On pourrait sans doute y rajouter d’autres arguments, mais ceux-ci donnent déjà le ton : une activité quasi miraculeuse pour l’EPS ! La logique concrète de tout cela devrait être un niveau global élevé des élèves en fin de cursus, au baccalauréat par exemple. En tout cas, le niveau devrait être supérieur à celui observé dans les autres activités, moins programmées. Ce n’est pourtant pas le ressenti de nombreux enseignants. Les commissions académiques d’harmonisations du Bac montrent à peu près toutes les mêmes données statistiques : le badminton fait partie des activités les plus fréquentées (dans l’académie de Versailles par exemple, elle arrive en seconde position après la course de demi-fond) mais n’est pas l’activité la plus « rentable », avec
une moyenne à 12,94 toujours à Versailles contre 14,72 pour la natation de vitesse, et l’écart de notes entre garçons et filles y est un des plus importants. Il y a donc un vrai paradoxe. Il est révélateur à nos yeux, plus que pour d’autres activités pour les raisons évoquées plus haut, des tensions propres à l’École et l’EPS. Tension, par exemple, entre l’activité ludique et le nécessaire apprentissage pour que chacun se développe, entre une organisation pédagogique qui « tourne » et la mise en place de contraintes pour cibler enjeux de savoirs et faire entrer chacun-e dans les apprentissages, entre simplicité apparente et complexité du jeu pour renverser un rapport de force, entre une didactique générale à tous les sports de raquettes et une didactique spécifique et rigoureuse. Le numéro propose quelques entrées, voir quelques clés, pour comprendre, mais surtout il propose un contre-pied à certaines questions historiques posées à l’EPS.
Objet culturel ou activité support ? Nous avons souvent développé cette idée, et nous le ferons sans doute encore : le discours sur « l’activité support » en EPS, présent depuis les IO de 67 et qui est devenu un dogme aujourd’hui, est source de confusions et de malentendus. Il laisse entendre, avec des variations plus ou moins grandes, que les apprentissages dans les APSA ne sont pas très importants et qu’ils servent exclusivement à « autre chose », en particulier à viser des finalités définies comme extérieures ou différentes des finalités culturelles propres à chaque APSA, aux systèmes de valeurs qui les constituent. Ainsi conçues de façon « séparatiste », ces finalités n’ont aucune chance d’être atteintes. Cette curiosité historique d’une discipline cherchant à afficher son utilité pour d’autres apprentissages a produit deux types de réponses concrètes. • Le conseil national des programmes au début des années 90, qualifie l’EPS de « discipline transversale par excellence », sans qu’aucune démonstration d’ailleurs n’en soit faite. Cela procède donc d’abord d’une idéologie. D’une manière ou d’une autre, c’est cette conception qui a prévalu en 2005 pour refuser, dans le socle commun, l’identification de savoirs et compétences spécifiques. Pas nécessaire a-t-on répondu à ceux
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vladimir cruels
introduction
(dont nous faisions partie) qui considéraient qu’il y a dans la culture physique sportive et artistique des savoirs fondamentaux. L’EPS est partout dans le socle !!! La visée utilitariste du socle a malgré tout dû concéder un « savoir-nager » socialement porteur. Mais quid d’un savoir jouer au badminton ? Moins noble, moins utilitaire, moins scolaire ? Pourquoi alors, comme tout le monde l’a constaté, cette activité est-elle plébiscitée ? De quoi est-elle le support ? • Dans le même temps où le socle refusait à l’EPS toute visée fondamentale, se préparaient les programmes qui installeront en 2008 la formulation des « compétences propres ». Nous nous intéresserons ici, non à la notion de compétence (nous avons déjà dit qu’elles n’en sont pas) ou de leur fonction dans les programmes, mais au terme « propre ». En effet ce qualificatif agit comme si les auteurs avaient senti les risques d’une dilution (et donc la négation de la nécessité d’une discipline scolaire), et voulu afficher qu’il y a bien quelque chose de « propre à l’EPS ». Mais en gardant le principe des activités dites support, la recherche de méta-formulations renvoient aux contradictions connues : s’il n’y a pas de savoirs et compétences propres aux APSA, d’où viendraient celles propres à l’EPS ? On ne fera croire à personne que « Conduire et maîtriser un affrontement individuel ou collectif. Rechercher le gain d’une
Allier recherche d’un plaisir immédiat par le jeu et plaisir différé par le progrès dans le jeu ?
rencontre, en prenant des informations et des décisions pertinentes, pour réaliser des actions efficaces, dans le cadre d’une opposition avec un rapport de forces équilibré et adapté en respectant les adversaires, les partenaires, l’arbitre. », ne vient pas des APSA. à l’opposé de cette schizophrénie stérile, nous pensons qu’une étape pour un progrès significatif de l’EPS passe par une analyse approfondie des APSA concrètement enseignées. Nous ne proposons pas seulement une étude pédagogique ou didactique, mais une approche véritablement culturelle, pour comprendre les véritables enjeux de formation qu’elle propose. à titre d’exemple, l’évolution du badminton (plusieurs auteurs de ce numéro le disent) semble montrer une contradiction historiquement construite entre activité dite de « loisir », censée être libre et conviviale, et les exigences d’un progrès dans la rigueur du sport compétitif. Pouvons-nous travailler au cœur cette contradiction ? Par exemple, le côté ludique et consensuel du badminton
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n’explique-t-il pas pour une part son succès scolaire ? Mais il faut alors poser la question sincèrement : qu’apprennent les élèves ? Tout le monde a fait l’expérience de l’adhésion spontanée des élèves au badminton, mais des limites de cette adhésion dès lors que l’on propose un progrès possible. Un progrès dans quoi ? Dans la capacité des élèves à s’auto organiser, à s’observer, à ranger le matériel, à s’aider, à arbitrer ? Autrement dit à s’inscrire dans un projet « d’auto-animation » ? Non, ce qui est difficile, c’est de leur demander de s’inscrire dans un projet de jeu en évolution, en s’appuyant sur leurs transformations techniques et tactiques. Comment l’enseignant joue sur cette tension comme variable didactique et pédagogique pour allier recherche d’un plaisir immédiat par le jeu et plaisir différé par le progrès dans le jeu ? Contre Pied fait ici un pari : la réussite de tous à « l’école du badminton », c’est possible.
Une activité « cardio » ou technico-tactique ? Parmi les explications de la progression fulgurante du badminton, autant en milieu scolaire que fédéral, on trouve celle d’une mise en activité rapide et une dépense physique importante. Les enseignants ont bien vu que le volume d’activité est plus grand, pour tous, que dans les autres activités de raquettes. Il a donc supplanté le tennis de table sans doute pour ces raisons. Mais si les élèves jouent beaucoup, encore une fois, apprennent-ils réellement ? Le constat mentionné en introduction sur les résultats au Bac peut être un indice des difficultés rencontrées pour conduire les apprentissages. Dès lors, on peut se poser la question : l’institution s’est-elle trompée de classification ? N’aurait-il pas fallu mettre le badminton avec les activités de développement de la condition physique avec une primauté à la « dépense physique » ? Une didactique superficielle autour de « conduire un affrontement » (voir le dessous des mots) permet-elle de sérieusement poser les enjeux de formation ? Un premier recours aux textes officiels (programmes, évaluations) n’est pas particulièrement éclairant. C’est la difficulté de toutes les activités dans lesquelles la présence d’un adversaire contrecarre en permanence son propre projet : comment rendre compte, par écrit, de cette dialectique entre attaque et défense ? Si les premiers articles de la revue EPS sur le Badminton dans les années 80 (n°165 en 1980, 213 en 1988) sont descriptifs (règles du jeu et repères techniques, quelques situations), le début des années 90 marquent une nouvelle étape avec la recherche d’une explication des enjeux de formation (n°229, 1991). Ainsi la gestion des contradictions attaque/défense, continuité/rupture est mise en avant comme « problème fondamental ». Mais à partir de cette période, l’institution s’engage dans une quête qui va éloigner la réflexion des objets
La variable « temps » par exemple est devenu déterminante (prendre le volant le plus vite possible). Est-ce que cela devient ou pas un objet d’enseignement ?
concrets, vers la recherche de généralités ou de transversalité. Ainsi on s’attache à définir une didactique des sports de raquette, puis des sports duels (ou de duel), puis les sports regroupés dans la compétence : « Conduire et maîtriser un affrontement… ». L’élargissement du champ pose évidemment des questions et les derniers avatars des programmes sont révélateurs d’une sorte d’emballement qui aujourd’hui percute le bon sens : comment le badminton pourrait-il « subir » le même traitement didactique que le rugby, récusant ainsi la technicité propre à l’objet et ouvrant une nouvelle voie au formalisme. Comment penser vraiment que les enjeux de formation sont identiques ? Même si on réduit le champ couvert par les catégories (par exemple les sports de raquette), comment ne pas faire de contre-sens lorsque dans un cas, le badminton, la cible est horizontale (le sol) et pas dans d’autres, en tennis et tennis de table ! De nombreux enseignants ont décrit cette activité en EPS comme fonctionnant dans un « ron-ron » : facilité (apparente) du jeu, facilité dans l’organisation… Mais au-delà, la confrontation avec le réel de l’enseignement ne montre-t-elle pas, au contraire, une panne du traitement didactique ? Aurions-nous tout dit sur le badminton ? à titre d’exemple, regardons le Bac en 2002 qui définit ainsi la compétence attendue : « Proposer, mener à leur terme ou adapter des projets tactiques pour obtenir le gain de la rencontre face à de adversaires identifiés d’un niveau proche, en utilisant la production de frappes variées en direction et en longueur et hauteur pour faire évoluer le rapport de force. » Le même niveau en 2012 est écrit ainsi : « Pour gagner le match, faire des choix tactiques et produire des frappes variées en direction, longueur, hauteur afin de faire évoluer le rapport de force en sa faveur ». Bref en 10 ans, rien de nouveau. Pourtant, comme nous le verrons dans Contre-Pied, la conception et l’analyse du Badminton a changé. La variable « temps » par exemple est devenu déterminante (prendre le volant le plus vite possible). Est-ce que cela devient ou pas un objet d’enseignement, intéressant car on peut y travailler avec le débutant, contrairement au tennis par exemple ? Nous avons déjà soumis l’hypothèse que nous explorons depuis pas mal de temps à Contre-Pied, le renouveau de l’EPS passera par un retour minutieux sur les APSA pour révéler la véritable « matière » d’enseignement. A contrario d’autres activités dans lesquelles les élèves manquent d’engagement, de participation (les annotations dans les bulletins scolaires n’en manquent pas), ici, comme on dit, on « mouille le maillot ». Nous tombons là sur une vieille problématique de l’EPS : suffit-il de faire pour apprendre ? Suffit-il d’enchainer des situations, des exercices, des matchs ? Quelques enseignants, nous en avons déjà interrogé quelques-uns dans nos précédents numéros (Nicolas Mascret par exemple), ont cherché à sortir des sentiers battus pour rechercher la transformation des élèves dans cette activité. Nous avons voulu continuer à explorer ces pistes, tout en offrant à chacun, par ce numéro, l’occasion de se cultiver un peu plus sur cette activité. Le pari est risqué car, pour la première fois sans doute, ContrePied vise une activité consensuelle et désormais enseignée par quasiment tous les enseignants d’EPS. Vous nous direz si le pari est réussi. ♦ Christian Couturier, avec le bureau
Le dessous des mots
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ezwaarhebbentegen ! En Néerlandais, franchement ça ne fait pas rêver, encore que la poésie se niche où on ne l’attend pas, mais tout de même, ce doit être quelque chose que cet affrontement-là, du coup on a envie de s’y…confronter ! A minima ça semble frontal, donc l’inverse du détour, du contournement, droit devant, au front ! Dur, on dit même qu’affronter un bavard est une épreuve, alors, affronter des idées, des problèmes, des questions… Dans l’affrontement sportif il faut affronter l’autre, qui me pose des problèmes, et lui en poser, s’opposer, lutter et même combattre, batailler… Ces derniers mots à connotation plutôt guerrière inquiètent, on s’en passerait volontiers à l’école où l’on cherche plutôt l’absence de ce genre de manifestation. Paradoxe alors que de vouloir provoquer ce que l’on cherche à éviter. D’autant que dans tout affrontement il y a risque : l’opposition front froid contre front chaud déclenche l’orage, la déflagration. Peut-on l’éviter? Dans la confrontation, un rapport de forces s’installe, comment alors ne pas provoquer le désordre ? L’affrontement fait appel à un front, une zone de combat, il évoque cet espace du face à face qui délimite, organise, fixe les règles. Tout autre chose que le combat improvisé, impulsif, invasif. S’il invite au défi sans conteste, il garantit les modalités. Certes, le choc frontal aura lieu. Pour autant est-il si « borné » que ça ? Un jeune effronté n’aurait-il pas tendance à dépasser les bornes, en cherchant à déjouer le prévisible au bénéfice de la surprise : tenir plusieurs fronts, varier les modes, alterner les coups, tenir
le coup ? C’est que l’affrontement sollicite l’invention, comme le courage, pour aller audevant de l’autre, le braver. Finalement s’il faut faire front, s’exposer et tenir tête, il faudra aussi faire preuve d’imagination : à observer l’autre tel qu’il est dans son camp, dans sa capacité à le défendre et son obstination à attaquer le mien, et, tout en trouvant des solutions, il me faudra lui poser des problèmes. Autrement dit en s’affrontant on va apprendre ensemble, puisqu’on va confronter nos manières de faire, de répondre, et faire le constat de ce qui est efficient et ce qui l’est moins. On va grandir ensemble. D’une représentation a priori agressive, qu’il faudrait bien concéder à un moment, afin de permettre que s’évacue le trop d’adrénaline accumulé par certains, on en vient à considérer cet affrontement comme indispensable afin de garantir l’émotion du jeu, la vision stratégique, l’appel à la technique spécifique : le contraire d’un aimable divertissement, comme celui d’un combat déchainé ! Donc, rien à voir non plus avec l’affront que l’on se doit de laver… sans délai et… dans le sang ! Mais une mise en jeu authentique de soi, dans le duel, où il faudra ne rien négliger de ce qui fait la force de l’autre, mettre en jeu tout son savoir et faire preuve de courage, pour tenir l’échange, et de ténacité, pour aller au bout du défi. Le produit d’un apprentissage, bien au-delà de la simple activité fonctionnelle, qui va nécessiter efforts, répétitions, collaborations et remises en cause etc. On aime… ces affrontements-là ! ♦ Jean-Pierre Lepoix
Le dessous des mots
Affrontement
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des pratiques
Rubrique réalisée par Sylvaine Duboz
Priorité
vitesse !
Bien que spécialiste de badminton, Frédéric Girault, enseignant dans un collège de la Creuse constatait que nombre de ses élèves ne progressaient plus lors d’un deuxième cycle. C’est ainsi qu’il a décidé de faire, dès le début des apprentissages, le pari de la vitesse comme facteur de progrès pour toutes et tous. Il choisit d’autres acquisitions techniques prioritaires pour passer du duo au duel. Deuxième cycle d’enseignement : les élèves en difficulté ne progressent pas, font de nombreuses fautes directes (réalisées sur des volants ne présentant pas de réel danger) et sont bien souvent dans l’incapacité de produire des trajectoires profondes en frappe haute type « dégagement » pour créer un espace libre. Quand bien même ils y arrivent, les trajectoires rapides (amorti, smash,...) susceptibles de leur assurer le gain du point ne sont pas maitrisées. Le jeu se cantonne à des échanges en cloche en frappe haute au milieu du terrain et la recherche de rupture est aléatoire et souvent liée à l’attente de la faute adverse.
antérieures concerne la priorité à accorder à la notion de vitesse plutôt qu’à à celle d’espace pour inscrire tous et toutes les élèves dans le duel. Un badminton centré sur l’espace implique de construire le dégagement comme coup fondamental. Cette approche me paraît peu pertinente compte tenu des contraintes horaires de l’EPS. Passer de l’exploitation de l’espace de jeu adverse (tridimensionnel : hauteur, longueur et largeur) à un jeu de vitesse où la création de trajectoires rapides types rush, drive, kill… est source de rupture. Cette approche obéit à 2 principes directeurs : – prendre le volant le plus tôt possible – donner au volant une vitesse maximale.
Deux priorités de transformation
Je repense alors ma conception didactique du badminton, autour de 2 axes directeurs : vitesse et maniabilité. Le jeu de vitesse La première rupture avec mes conceptions
Attention !
Aménagement matériel : Un filet bas (max à 1,40m) Un terrain réduit en profondeur (couloir du fond supprimé).
La maniabilité La deuxième rupture se situe dans le rapport à la raquette. L’hypothèse est que pour limiter les fautes directes et être capable de produire des trajectoires rapides pour créer la rupture, la raquette doit devenir un « 6e doigt ». Ceci implique un apprentissage précoce de la maniabilité.
Prendre de vitesse Des apprentissages techniques ciblés Je sélectionne les coups, outils techniques, que les élèves devront s’approprier pour passer du duo au duel et prendre l’adversaire de vitesse : – le service revers car il est facile à maîtriser et favorise l’apparition de trajectoires plates et/ou courtes. – le drive en coup droit (CD) et revers (RV) car il permet d’aplatir les trajectoires et d’accélérer le volant.
des pratiques
La rotation de l’avant bras Elle est essentielle pour assurer la maîtrise technique des coups, notamment dans l’optique de construction des frappes hautes. – le contre amorti et le kill où le joueur cherche à « tuer » le volant. – les frappes main basse en coup droit et en revers, quand on est contraint de frapper le volant en dessous du filet. La maîtrise de ces coups exige de développer conjointement la capacité de déplacement pour être le plus tôt possible sur le volant. Les apprentissages tactiques Les élèves doivent choisir les outils techniques pertinents et efficaces pour gagner le duel. Le choix entre la frappe haute ou la frappe basse par exemple constitue un problème majeur, puisqu’un un volant contacté en frappe haute en dessous du filet termine dans le filet. Cela nécessite donc de prendre une information sur le volant : est-il au dessus ou en dessous du filet ? C’est ainsi que j’alterne : – des situations de « multivolants » multipliant les répétitions lors des apprentissages techniques, – des challenges : réaliser le plus de…en temps limité – les coupes (matches thématiques).
La maniabilité C’est la capacité à modifier son grip (prise de raquette) en fonction du coup à jouer, lui-même tributaire de la situation de jeu. Je l’aborde à chaque séance.
DR
La raquette gène les débutant-e-s Elle est tenue comme une « poêle à crêpe ». Les élèves sont souvent très crispé-e-s sur le grip, ont du mal à changer de grip avec des prises inadaptées aux coups joués. Le coude est collé au corps, empêchant toute liberté de mouvement. Raquette, poignet, coude, voire épaules sont souvent alignés rigidifiant l’ensemble bras/raquette, et interdisant la rotation de l’avant-bras lors des frappes mains basses et induisant des frappes en « bloc », coûteuses énergétiquement. Les différentes prises à apprendre – construire les différentes prises en rapport aux coups joués : prise CD, RV, universelle. – en changer rapidement pour répondre efficacement à la situation de jeu : raccourcir son grip (meilleur contrôle lors du contre amorti) ou
Les « volants brûlants » But du jeu : lancer le plus de volants dans le terrain adverse. 2 ou 3 joueurs, avec 10 volants, de chaque côté du filet. Au bout de 1mn on compte là où il y a le plus de volants. Mon regard se porte sur la position du coude décollé du buste. Les élèves peuvent lancer à l’amble (précision) ou de profil (puissance). Le gardien de but Jeu sous forme de challenges. But : marquer un but. Mon adversaire ne bouge pas et défend une cible (cerceau) avec la raquette (possibilité de viser une cible derrière le filet). Consignes : 10 volants. Volant tenu entre pouce et index à la limite du bouchon. On peut jouer sur une alternative CD/RV (incertitude évènementielle) qui implique un changement de prise rapide. Le challenge main basse Par 2, sans filet, l’un en face de l’autre, réaliser le maximum d’échanges en 30’’ grâce à des frappes contactées en dessous de la ligne des épaules. Chercher à produire des trajectoires relativement plates.
L’apprentissage du service revers Je choisis le service RV car il est plus facile à réaliser (alignement corps/raquette/volant) et permet des trajectoires plus tendues que le service CD. Ce qu’il y a à apprendre : – Pied-raquette devant. – Volant tenu par la jupe entre le pouce et l’index, le bouchon regarde le tamis à hauteur du nombril. – Main-raquette devant le nombril, coude libre, décollé du corps et haut. – Grip : prise RV. – Frapper le volant en terminant bras tendu. L’attaque du mur à 2m du mur, envoyer le plus grand nombre de volants dans les cibles (cibles de tailles différentes, à une hauteur minimale d’1,40m). Variantes : des cibles au sol sur un terrain ou un « parcours de golf » (les trous sont remplacés par les cibles variées) en 1c1 (2 volants par trou et par élève. 1 point pour chaque cible visée).
Des pratiques
l’allonger pour augmenter le levier et gagner en puissance. – relâcher-serrer le grip pour conférer un maximum de vitesse au volant lors des kills et des drives. Cela consiste à relâcher le grip et le resserrer très fort au moment de la frappe. Il permet une frappe sèche, frappe « rebond » où la tête de raquette est accélérée
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L’apprentissage du drive Le drive est un coup rapide (CD ou RV) frappé à mi court et à mi-hauteur renvoyant le volant à plat dans le mi court adverse. Il permet aux joueurs de (re) prendre l’initiative en mettant de la vitesse dans le jeu. Je l’enseigne lorsque les élèves font des trajectoires en cloche (tamis orienté vers le ciel). Ce qu’il y a à apprendre – Raccourcir leur grip en CD ou en RV – Contacter le volant au-dessus de la ligne des épaules devant soi avec une frappe à l’amble (pied « raquette » devant soi) le plus tôt possible. – Réaliser une frappe « rebond » (sèche) grâce à la technique du relâché-serré. – Libérer et décoller le coude du corps devant l’épaule. Fixer le coude après la frappe : il ne tombe pas, sinon le tamis reste orienté vers le plafond. – Viser la bande du filet. – Être disponible sur les jambes pour se mettre à bonne distance du volant. Multivolants Un lanceur (10 volants) et un joueur. Un 3e élève peut fournir le lanceur en volants. Le lanceur lance le volant comme une fléchette dont la technique est très voisine de celle du drive (flexion/extension de l’avant-bras, à l’amble) et facilitante car elle permet l’alignement œil/raquette/ volant. Le joueur cherche à renvoyer le plus grand nombre de volants par une trajectoire plate ou descendante dans le mi court adverse. à réaliser en CD, RV, puis en alternative. Le drive challenge But du jeu : effectuer le maximum d’échanges en 30’’, par deux, de chaque côté du filet. Espace de jeu limité à la zone centrale du terrain (ni rivière derrière le filet, ni couloir de fond). On additionne toutes les frappes, même quand le volant tombe au sol. Service RV. Variante : le volant doit passer entre le filet et un surfilet positionné à 1m au dessus du filet. Cela favorise un feedback instantané sur la qualité des trajectoires produites. La drive cup Match en 7 points en 1c1 sur un demiterrain en longueur. Rivière et couloir de fond interdits. Service RV à tour de rôle. Les joueurs se positionnent à une distance comprise entre 1 et 2 m du filet. Seul le drive est autorisé, la mise en place du surfilet évite tout litige (hauteur
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modulable en fonction du niveau des élèves). But du jeu : gagner le match en faisant tomber le volant dans les limites du terrain adverse ou en interdisant tout retour réglementaire (trajectoire haute ou en dehors des limites du terrain). Possibilité de prendre l’adversaire pour cible.
Le jeu au filet J’utilise les mêmes modalités que pour le drive : multivolants, challenges, cups. Les coups sont toujours travaillés en CD, RV et en alternance. Utilisation de cibles et de surfilet. Le kill Joueur et lanceur de chaque côté du filet, chacun dans leur rivière. Décaler le lanceur sur le côté pour des raisons de sécurité (lui éviter de recevoir un volant frappé violemment dans la tête, les yeux notamment). La frappe se fait sur un amorti ou contre amorti (ou leur simulation). Ce qu’il y a à apprendre : Le relâché serré permet d’accélérer la tête de raquette, le coude libre devant soi est fixé, le tamis est orienté vers le sol lors du contact. Frapper le volant au plus tôt et très proche du filet avec l’intention de trouer le sol avec le volant sans toucher le filet avec la raquette. Maintien du coude après la frappe. Le contre amorti Même organisation. Seul le pied-raquette est dans la rivière (donc à l’amble) pour éviter que le joueur ne soit trop près du filet, grip raccourci, coude libre et décollé du corps, prendre le volant le plus haut possible avec une légère inclinaison du tamis vers le terrain adverse, laisser rebondir le volant pour avoir la trajectoire la plus courte (ne pas le frapper, ne pas entendre de bruit), et sortir de la rivière après la frappe. Jeu de duel : la rivière cup Match en 1c1 en 7 points. Service revers à tour de rôle. Dimensions du terrain : rivières sur demi terrain en largeur sauf si kill. Pas besoin de surfilet puisqu’alors la sanction est forte : le kill. Mais attention aux yeux, la tête de raquette est haute pour se protéger. Des matches en 2c1 par équipe Pourquoi ce type de match ? Les 2 joueurs sont-ils capables de tirer avantage de leur surnombre à partir de trajectoires rasantes, rapides et/ou tendues plus ou moins proche de l’adversaire
ou bien le joueur seul est-il capable de défendre son camp ou agresser les adversaires en les prenant pour cibles? Ce jeu permet de comprendre que la combinaison vitesse/débordement ou vitesse/joueur cible permet de mettre l’adversaire en difficulté. Avoir 1 ou 2 adversaires incite aux choix tactiques : – soit je décide de jouer un drive éloigné de la raquette de mon adversaire, mais je cours le risque de le mettre en dehors du terrain. – soit je décide de jouer sur le joueur au risque de ne pas le mettre en difficulté si ma trajectoire manque de vitesse. Enfin, ce jeu prolonge les acquisitions techniques, en particulier avec la nécessité d’orienter le tamis pour varier les trajectoires (croisé/décroisé). De plus, organisée comme suit, cela augmente le levier motivationnel par le jeu en équipe. Organisation Terrain de double sans le couloir du fond, filet à 1,40m. 2 équipes de 2 joueurs-ses : AB et CD. Matchs en 5 points dans l’ordre suivant : ABcC, ABcD, CDcA, CDcB. Dès que le score a atteint 5 points, C laisse sa place à D contre AB. D reprend le score là où il était pour aller jusqu’à 10. Puis on inverse les rôles pour les matchs où A, puis B rencontrent CD. On totalise l’ensemble des points marqués par les 2 équipes sur les différentes confrontations. L’équipe qui totalise le plus de points a gagné. Seuls les joueurs seuls servent, à droite ou à gauche en fonction du score, en diagonale. Variante : on peut bonifier les points directs pour valoriser les trajectoires « vitesse ». Au bout de 3 points directs : mort subite, le score passe directement à 10. Envisager un premier cycle collège de badminton à travers les notions de vitesse et de maniabilité permet d’inscrire les élèves au plus tôt dans une activité de duel. Cela suppose la maîtrise du drive (création de vitesse), coup d’autant plus pertinent qu’il part de ce que font les élèves (placement à l’amble, avec un volant toujours en visuel, sans mise de profil) et des aménagements matériels pour permettre à toutes et tous d’atteindre le fond du terrain adverse. ♦
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Marc Latourre, enseignant au collège d’Anduze rappelle que le badminton est avant tout une
activité de duel, un sport de combat. Et donc tout ce que fait le joueur, la joueuse dépend de son adversaire du moment. Aussi est-il crucial d’apprendre aux élèves à évaluer le rapport de force, à prendre des informations sur soi, le volant, l’adversaire pour prendre les décisions efficaces tout en maîtrisant les techniques conçues comme des solutions, des outils pour gagner le duel.
Les caractéristiques des élèves en 4e, 3e. J’observe mes élèves : – En situation de coopération : quelle posture d’attente ont-ils, ont-elles, dans la préparation au déplacement et à la frappe ? Où est organisée la rencontre raquette-volant ? – Et en situation d’opposition équilibrée : quelle stratégie dominante pour le gain de l’échange ? Après deux cycles de badminton, les problèmes d’anticipation-coïncidence sont globalement résolus et les élèves ont compris que plus on pousse l’adversaire au fond de son espace de jeu, plus il lui est difficile d’attaquer la cible adverse : le déplacement arrière, la prise d’informations, la production de trajectoires variées, posent alors problème.
Artengo - DR
Il faut apprendre à : – Se déplacer efficacement vers l’arrière (passage de la marche arrière aux pas chassés vers l’arrière, passage d’une frappe centrifuge à une frappe centripète). – Prendre à la fois des informations proximales (sur le volant, sa trajectoire, sa « densité », et distales (sur l’adversaire, son placement, sa posture). – Diversifier ses frappes (en puissance, en direction), mobiliser différents niveaux énergétiques. Pour faire évoluer le joueur/la joueuse vers des stratégies autres que celle du gagne-terrain, il est indispensable d’engager des apprentissages techniques. Si l’on prend l’exemple du déplacement vers l’arrière, tant que celui-ci n’est pas maîtrisé, la frappe est intégrée à un déplacement centrifuge, sans blocage sur ce que j’appelle l’appui directeur (droitier=pied droit) et elle éloigne le joueur/la joueuse de son espace de replacement. Il faut alors travailler le déplacement en pas chassés arrière avec blocage sur le pied directeur et évoluer vers une frappe intégrée au replacement (frappe centripète)
où le joueur/la joueuse « rentre » dans le volant (l’appui directeur repasse devant). Progresser, c’est donc acquérir des techniques nouvelles pour développer des stratégies alternatives ; c’est aussi prendre en compte le rapport de force dans le duel afin de procéder à des choix tactiques et techniques favorables : – Quels sont mes points forts et faibles, quels sont ceux de l’adversaire ? – Suis-je dominant-e ou dominé-e à ce moment de l’échange, du set, du match ?
Se déplacer, frapper, se replacer – déplacer l’adversaire. Il s’agit de dépasser le stade de « joueur repousseur » pour évoluer vers un joueur, une joueuse qui construit le point : – Dominé-e, je suis en retard sur le volant tandis que l’adversaire est replacé ; je n’ai aucun intérêt à jouer vite car cela augmenterait mon retard : je diffère la rupture et je tente un rééquilibrage. – Dominant-e, je suis en avance, je peux accélérer le jeu ; je cherche la rupture en créant: soit une crise d’espace, c’est à dire jouer le volant loin de l’adversaire ; soit une crise de temps, c’est à dire jouer vite grâce à une frappe offensive.
Choisir entre jouer loin/jouer vite en fonction de l’adversaire Le badminton est une activité de duel ; tout ce que l’élèvejoueur met en œuvre dépend de l’adversaire, de l’état du rapport de force dans l’échange. Il n’y a rien que l’on sache faire de manière définitive : ce qui est bien maitrisé
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Pour gagner le duel, jouer avec l’espace, se jouer du temps
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à un certain moment de la formation de l’élève-joueur, devient soudain approximatif, maladroit lorsque la vitesse de jeu augmente. Faire progresser les élèves vers un niveau supérieur en collège exige d’enclencher une logique qui prend en compte ce rapport de force pour choisir efficacement entre « jouer loin », « jouer vite », voire mettre en œuvre les deux à la fois. Parler du rapport de force, c’est aussi, en arrière-plan, prendre en compte ses ressources énergétiques, celles de l’adversaire, et la quantité d’énergie qui doit être mobilisée pour mettre en œuvre la stratégie choisie pour la rupture : un-e élève puissant-e peut s’épuiser, en vain, en multipliant des attaques énergivores au centre de l’espace de jeu pour finalement perdre l’échange face à un-e adversaire placé-e qui défend bien.
Prendre des informations pour évaluer le rapport de force Pour une prise de décision efficace, l’élève a besoin de savoir prendre des informations : – sur lui, sur elle : où est-il/elle dans son espace de jeu par rapport à sa zone de replacement ? – sur la frappe : où peut-il/elle organiser la rencontre avec le volant (dans le plan avant et au-dessus du filet, ailleurs) ? – sur l’adversaire : est-il/elle replacé-e, loin de sa zone de replacement ?
Prendre des informations sur le replacement de l’adversaire pour jouer loin = crise d’espace Exemple de situation Ce que les élèves savent déjà faire : ils/elles maitrisent l’amorti et le dégagement dans un rapport de force équilibré. Jeu sur ½ terrain divisé en 3 zones : avant, médiane, arrière. Les 2 joueurs démarrent en zone médiane : A sert puis va se placer en zone avant ou arrière ; B doit renvoyer dans la zone libérée.
Au début, il y a beaucoup d’erreurs : soit ils/elles ne voient pas ; soient ils/elles voient juste mais l’exécution est ratée, imprécise ou non stabilisée. Cette situation pose plusieurs problèmes : il faut, dans un temps contraint, prendre l’information sur la trajectoire du volant pour le frapper, prendre l’information sur le déplacement de l’adversaire après sa frappe, et enfin, décider de l’espace cible à atteindre. Selon le niveau de réussite des élèves, selon que l’on veut privilégier la prise d’informations, la qualité du renvoi, le travail sur le déplacement/replacement, la situation est évolutive et adaptable. Je peux demander : – à A de libérer l’espace puis de reprendre sa position en zone médiane. – à A de servir en zone arrière. – à B d’avoir rejoint sa zone médiane avant que le volant n’ait atteint le sol dans l’espace adverse. – De travailler la prise d’informations en coopération/ opposition: toutes les 3/5 frappes, l’un des joueurs doit poser un appui dans l’une des zones (avant, arrière), tandis que l’autre tente de jouer dans la zone opposée ainsi provisoirement libérée. – De travailler en opposition sur un terrain à trous (2 zones de marques, une à l’avant, l’autre à l’arrière). – De travailler sur terrain entier avec des zones valorisées (les quatre angles, des bandes)
Maîtriser des techniques pour exécuter les choix induits par la prise d’informations Cela passe par un travail de routines ; la routine est une répétition de séquences de frappes, toujours identiques, qui permet d’améliorer la précision et la fiabilité des coups. L’installation d’automatismes permet de « libérer » du temps, de l’espace, pour une prise d’informations plus efficace, plus rapide, anticipée ou, à partir d’un certain niveau, plus tardive afin de déjouer les feintes et masquages. Dans le travail sur les routines, il faut veiller à réintroduire le plus rapidement possible de l’incertitude
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Jouer vite = crise de temps Des repères pour jouer vite quand c’est opportun : – Quand je suis en situation de prendre le volant haut et devant moi. – Quand je suis dans la partie avant de l’espace de jeu (pas trop loin du milieu de ma cible car si je smashe, le volant peut revenir très vite, il faut que j’aie le temps de me replacer). Attention : le smash a un coût énergétique important, s’il faut 2 smashs, j’ai de grandes chances de perdre s’il en fallait un 3e !
Cette dernière situation peut être progressivement chargée en intensité et basculer du duo au duel : réussir 5 attaques/défenses modérées et dans l’axe, puis, s’il n’y a pas eu rupture, 5 attaques/défenses modérées en donnant de l’angle (gauche/droite), puis, s’il n’y a toujours pas eu rupture, continuer la routine en opposition (A attaque 5 fois et tente de faire le point tandis que B défend, puis on alterne les rôles jusqu’à la rupture de l’échange).
Il faut réussir à : – Jouer en avançant pour prendre le volant tôt, c’est-àdire le plus près possible du filet, le plus haut possible, en tout état de cause au-dessus du filet. – Accélérer le volant, c’est-à-dire exécuter une frappe puissante, rapide (drive, smash, rush), tendue ou descendante.
Quel travail faut-il privilégier ? Jouer vite ou jouer loin ?
Exemple de situation pour apprendre à jouer vite (le smash). Situation de coopération sur terrain entier : A effectue 10 frappes de mise en jeu (service dans la partie avant de l’espace adverse) ; B répond par un smash décroisé. Consignes pour réussir : se préparer à se déplacer pour avancer dans le volant au moment de la frappe, armer et « fixer » le coude puis « rentrer dans le volant » et fouetter pour frapper le volant à l’avant de l’appui avant (= c’est le pied directeur), tamis orienté vers le sol adverse. On privilégiera d’abord la pertinence de la trajectoire (le volant ne monte pas après la frappe), puis ensuite la puissance (le volant est « claqué » au sol). Selon le niveau de réussite des élèves, selon que l’on veut privilégier la prise d’informations, la puissance du smash, le travail sur le déplacement/replacement, la situation est évolutive et adaptable : – Pour travailler la prise en compte par B du rapport de force et donc l’opportunité de smasher, je peux demander à A de servir haut et dans la partie avant de l’espace adverse B répond alors par un smash, ou bien servir haut et en fond d’espace B répond par amorti ou dégagement décroisé. – Pour travailler la puissance je peux demander à A de toucher avec la raquette le volant renvoyé par B qui tente alors de prendre A de vitesse.
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Si la maitrise du smash est suffisante – Je peux ensuite mettre du mouvement, de l’incertitude, inclure le replacement dans une succession de smashs enchaînés avec 2 joueurs qui mettent en jeu en alternance (l’un à gauche, l’autre à droite). – Ou bien un lanceur avec une cartouche de volants qui « arrose » l’espace adverse. – Je peux aussi matérialiser l’espace de replacement (pastille, tapis, zone marquée à la craie) et demander à B de se replacer après chaque smash.
« Tout ce que les joueur-euse-s mettent en œuvre dépend de l’adversaire, de l’état du rapport de force dans l’échange. »
Les deux axes de travail sont, bien entendu à explorer, voire à combiner lorsque le niveau des élèves le permet. Il est important, en début d’apprentissage, que l’élève prenne conscience de son profil (joueur qui place ou joueur qui frappe) afin de travailler l’autre pôle. Dans un duel à rapport de force équilibré, si je crée la rupture uniquement ou prioritairement en « plaçant » le volant, je dois progresser sur le « jouer vite » et donc engager un travail pour pouvoir accélérer le jeu quand cela est possible. à l’inverse, si dans ce même duel, je crée la rupture uniquement ou prioritairement en « frappant fort vers le sol », je dois engager un travail sur le « jouer loin » afin de le mettre en œuvre lorsque la situation s’y prête. Observer le profil pour un diagnostic ou faire le bilan d’un match Un observateur comptabilise les échanges gagnés par le joueur qu’il a en charge : – échange gagné sur un volant non touché, tombé au sol hors de portée de l’espace proche adverse = crise d’espace = jouer loin. – échange gagné sur un volant smashé, accéléré (trajectoire descendante dès la frappe) = crise de temps = jouer vite. – échange gagné sur un volant = crise d’espace = jouer loin. – échange gagné sur un volant smashé, accéléré (trajectoire descendante dès la frappe) non touché, tombé au sol hors de portée de l’espace proche adverse = crise de temps = jouer vite et loin. – échange gagné sur une maladresse adverse. Du jeu d’opposition des débutants, organisé en duo de partenaires épisodiques, au jeu de duel avec des adversaires feinteurs, l’évolution du joueur passe par différentes étapes : partenaire en attente de rupture par maladresse adverse, adversaire repousseur, puis adversaire qui donne de l’espace à courir, qui ôte du temps à l’autre, qui combine les deux données pour conclure ou différer la rupture. Faire progresser nos élèves nécessite une attention particulière à chacun des différents pôles : physique, technique, tactique, stratégique. Tout est dans le dosage… ♦
Des pratiques
afin de ne pas « déconnecter » la réponse motrice de la prise d’informations. Par exemple : – En coopération, jouer « dégage, dégage, dégage, amorti, amorti ». – Puis jouer, toujours en coopération sur une séquence de cinq frappes, « dégage, dégage, dégage, dégage ou amorti, dégage ou amorti).
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Le
badminton
à
Vincent Moullière, enseignant dans un collège rural de St Jean du Gard, entraîne ses élèves
à l’AS. Le règlement des compétitions par équipe et des matches en double d’une part, et le temps dont il dispose d’autre part, influencent les choix d’apprentissages technico-tactiques. Lieu du vivre ensemble et des rencontres avec les citadins, l’AS badminton met l’activité des filles et des garçons à égalité.
Le badminton est une activité phare dans mon collège. Il est enseigné à chaque niveau de classe, un cycle de 8 séances de 2h, la formation totalise sur le cursus une soixantaine d’heures. 100 sur 250 élèves que compte le collège sont inscrits à l’AS badminton. 60% de garçons, 40% de filles. De plus les enfants du village pratiquent le badminton depuis l’école primaire jusqu’au lycée. En revanche, il n’y a pas de club dans le village. Les élèves de l’AS sont régulièrement présent-e-s aux championnats académiques, et sont allé-e-s 2 fois au championnat de France au cours des dix dernières années. Leurs résultats sont le pur produit de l’EPS et du sport scolaire.
Des équipes parfaitement mixtes et la valorisation du double D’une manière générale, l’entraînement à l’AS est plus individualisé et plus orienté en fonction des besoins des élèves. 3 entraînements dans la semaine, par groupe d’âge. Le règlement des compétitions a une influence importante sur les choix des savoirs à s’approprier par les élèves. Il est basé sur l’équipe mixte affrontant une équipe adverse de la manière suivante :
– un double garçons – un double filles – un simple garçon – un simple fille – un double mixte. Cette conception des compétitions multiplie par 2 le nombre de compétiteurs et compétitrices sur les terrains, donc cela multiplie par 2 leur activité lors des rencontres, et cela contribue à poser à égalité l’activité des filles. (Pas de filles = pas d’équipes !). La dimension ludique est très présente, les joueurs et joueuses sont plus en réussite car ils/elles ont moins d’espace à défendre, la dimension physique est donc diminuée.
Des apprentissages prioritaires à l’AS Apprendre à servir en simple et en double Le badminton est une activité de duel. Le joueur, la joueuse qui sert a la première arme dans sa raquette et cela détermine la suite des échanges. Savoir servir, c’est poser un problème à l’adversaire et ne pas se retrouver en position dominée après le service. C’est une nécessité absolue de maîtriser le service si on veut gagner le match. En simple, d’abord le service long et haut C’est l’arme la plus efficace pour mettre d’emblée l’adversaire en difficulté puisque ce service fait reculer l’adversaire. Si le volant ne va pas loin et
vladimir cruels
Le badminton : une activité au cœur du collège en EPS et à l’AS
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monte, il offre à l’adversaire la possibilité d’un coup facile en retour, le/la serveur-euse se retrouve en position dominée, le/la receveur-euse reprend l’initiative, les rôles sont inversés. Il faut donc apprendre à servir loin et haut pour progresser dans le duel, c’est une priorité. Or cela pose des problèmes aux débutant-e-s, cet apprentissage demande du temps, temps qu’offre l’entraînement à l’AS. Pourquoi ? Les débutant-e-s se placent de face et servent à la cuiller (ils-elles tiennent leur raquette comme une poêle) et le volant monte et n’avance pas. Ce n’est pas un geste naturel de « latéraliser » le coup, en coup droit, car la raquette doit s’éloigner du corps. Exemple de situation 2 joueurs-ses de chaque côté du filet, en diagonale, 7/8 volants. La diagonale s’inscrit dans le règlement, mais c’est aussi un facteur de progrès : cela aide à la construction du trajet de la raquette sur le côté. Frapper le volant sur le côté le plus loin possible, l’élève en face le laisse tomber au sol pour vérifier la longueur, puis possibilité de servir au dessus du receveur qui va se reculer jusqu’au fond en fonction des progrès. Ce que font souvent les élèves : ils-elles tiennent le volant (pas toujours par la jupe) devant eux/elles et non sur le côté, ce qui entraîne une frappe par
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l’AS
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en dessous et contribue à faire monter le volant. De plus, ils/elles lancent le volant vers le haut avant de le frapper (au lieu de le laisser tomber), cela crée un temps d’attente avant la frappe qui complique la réussite. Je suis donc contraint de rappeler les consignes : – Pour un-e droitier-ère, la jambe gauche est devant, la jambe droite en arrière. Le volant est tenu par la jupe, sur le côté, le bras gauche est parallèle au filet, c’est très important, le laisser tomber avant de le frapper. – Pour lancer le volant loin, il est nécessaire d’accélérer la tête de raquette, c’est ce que j’appelle « le geste de la claque ». Les élèves comprennent bien ! Mais je n’hésite pas à manipuler les élèves et à faire avec eux pour que chacun-e sente le mouvement, c’est un travail de proprioception. Puis le service court en simple peut être envisagé Il est utile si l’adversaire anticipe sur un service long, surtout s’il/elle a remarqué que le serveur, la serveuse ne maîtrise que ce coup et s’il/elle prend des informations sur son adversaire. C’est un peu le jeu du chat et de la souris ! La maîtrise de ces deux
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« Les joueur-euse-s doivent apprendre à écouter le bruit des déplacements de leur adversaire. » techniques permet au serveur, à la serveuse de créer de l’incertitude. En tout état de cause, le service long est prioritaire dans l’apprentissage : si je sais servir long, au moins je me protège. En double : le service court en revers La zone du fond ne peut être visée au service contrairement au simple, on ne peut donc faire reculer l’adversaire au fond. Donc, le service court est plus pertinent car si le volant monte, l’attaque en retour est immédiate. De plus le service revers est conseillé car la tête de raquette est plus haute en revers qu’en coup droit au moment de la frappe, donc moins de risque d’une trajectoire haute. Cela tombe bien, c’est plus facile, plus simple car le revers permet l’alignement corps/raquette/volant. Néanmoins la maîtrise du service est longue et difficile, il faut donc apprendre à viser les zones depuis lesquelles l’adversaire ne pourra pas en profiter pour reprendre le dessus. Le double favorise la vitesse d’action sur le terrain, l’interception. C’est pourquoi on vise, au service, prioritairement la zone de réception avant au centre, pour donner moins d’angle d’attaque au receveur, à la receveuse. Ainsi, par exemple, quand le service est à droite, et les adversaires droitiers, le service croisé court, proche du couloir sur le coup droit de l’adversaire n’est pas pertinent, l’adversaire peut jouer tout droit, le long de la ligne et mettre en difficulté le/la serveuse car les volants difficiles à jouer sont ceux qui ne passent pas par le centre du terrain. Apprendre à jouer long, à dégager, quand et pour quoi faire ? C’est une arme très efficace pour attaquer ou pour se défendre : mettre le volant au fond pour gagner du temps ou pour déborder son adversaire. En UNSS, celui/celle qui ne maîtrise pas ce coup a très peu de chances de gagner un match. Contrairement au smash, la tête de raquette au moment de la frappe sera orientée légèrement vers le haut afin d’imprimer une trajectoire haute au volant. Jouer long est un coup qui peut-être défensif pour me permettre de gagner du temps pour me replacer, et obliger mon adversaire à reculer et donc réduire ses chances d’attaquer. Cela peut permettre d’inverser le rapport attaquant/défenseur. Ce coup peut être offensif en étant plus tendu, pour attaquer la zone arrière et prendre de vitesse l’adversaire. Suivant les capacités de l’adversaire à se déplacer et à se replacer dans la zone de confort, ce coup peut devenir un coup gagnant. – Première étape : produire un déséquilibre simple grâce à un jeu en alternance. Mais long/court/long/ court pose peu de problème : l’adversaire est mis en difficulté parce qu’on lui demande de se déplacer mais
l’incertitude est minime. Il vaut toujours mieux mettre en œuvre l’alternance sur 3 coups. Rapidement on introduira le contre pied, surtout si l’adversaire anticipe ! – Deuxième étape : fixer un joueur dans une zone pour en attaquer une autre. Par exemple, fixer l’adversaire plusieurs fois en zone arrière par un dégagé offensif pour ensuite attaquer la zone avant. Parier sur le fait que l’adversaire va rester au fond et ne fera pas l’effort de se replacer. Le smash Le smash est l’une des armes d’attaque la plus efficace. Le smash vise une cible à mi distance ou vers le fond, sa trajectoire est descendante au moment de la frappe. L’interception haute du volant en zone avant permettra de finir l’échange en zone avant adverse. Il faut apprendre à avoir le coude haut ce qui permet d’avoir la raquette en l’air et l’ouverture des épaules, à orienter la raquette vers le bas au moment de la frappe et frapper devant soi pour assurer une trajectoire descendante (on voit le volant et la raquette au moment de la frappe). Cela nécessite un ajustement des déplacements pour être bien positionné-e. Enfin, l’accélération de la tête de raquette est nécessaire pour passer d’un volant poussé à un volant frappé. Pour faire comprendre cette accélération, j’ai recours à une image : « c’est comme si vous vouliez taper le volant au sol devant vous sans qu’il franchisse le filet ».
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En double Le but du jeu en double est de réduire au maximum les volants hauts. Il faut frapper le volant en avançant, intercepter le maximum de volants, jouer des volants tendus, harceler les adversaires en réduisant le temps. Donc si je vois l’adversaire frapper un volant haut, c’est qu’il/elle va attaquer. Par contre, s’il/elle veut se donner du temps par un volant haut et long, c’est qu’il/elle est en situation défensive. Les joueurs adoptent au début plutôt un placement côte à côte, chacun son côté. Ce choix permet aux adversaires d’avoir une zone avant et arrière accessible pour attaquer, ainsi que la zone entre les deux joueurs. Rapidement on va placer les joueurs plutôt l’un derrière l’autre en attaque pour intercepter devant ou attaquer derrière. Le placement côte à côte est un placement défensif pour réceptionner les attaques smashées adverses. C’est le joueur avant qui décide le changement de placement dès que le rapport attaquant/défenseur évolue. Les joueurs doivent apprendre à anticiper sur ce qui va se passer : – Si je joue un volant haut facile, mes adversaires vont attaquer, on se replace côte à côte. – Au contraire si j’attaque, un des deux joueurs doit avancer pour intercepter le volant. Les joueurs doivent comprendre que tout volant frappé à une hauteur plus haute que le filet est un volant qui est susceptible d’être attaqué (il faut se placer en mode défensif). En double mixte la différence physique en général instaure un positionnement de la fille en zone avant et du garçon en zone arrière. Le but du jeu va être d’obliger la fille à reculer ou de faire avancer le garçon ! Tout cela va nécessiter une entente fine entre les joueurs(ses).
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Apprendre à se déplacer/replacer en fonction de l’adversaire En simple On apprend aux élèves à se replacer au centre du terrain après chaque frappe, plus je domine l’échange plus je serai vers l’avant prêt à conclure l’échange. Si mon adversaire a un défaut de replacement je dois le prendre vitesse et utiliser un coup qui va me permettre de terminer l’échange au plus vite. L’élève doit apprendre à observer son adversaire pendant le match ou pendant la compétition et observer ses points faibles sur ses types de frappes et sur ses déplacements. En AS les rencontres se déroulent en deux sets gagnants, le coaching est autorisé uniquement entre les sets, c’est le moment privilégié pour intervenir. Pour travailler on peut donner comme consigne à l’adversaire à l’entraînement après un coup long je reste au fond, observer ce que fait le joueur. Prend-t-il l’info ? Puis de même en zone avant après un amorti. Le joueur doit apprendre à écouter le bruit des déplacements de son adversaire. Ce sont des informations importantes.
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Apprendre à jouer ensemble Sur le plan affectif : Le règlement des compétitions en badminton implique des apprentissages sur le plan affectif, concernant la relation entre les partenaires. Un double se rapproche plus d’un sport d’équipes au niveau de la gestion des émotions. Associer les deux meilleur-e-s joueurs-euses en simple n’est pas l’assurance de la meilleure équipe. Une vraie complicité doit s’instaurer entre les partenaires, elle ne peut s’installer qu’en construisant un vécu entre les joueurs-euses. Nombreuses sont les situations tendues au cours d’un match. Si un joueur, une joueuse perd l’échange, que doit faire ou ne pas faire son/sa partenaire ? J’insiste énormément sur le langage du corps : ne pas tourner le dos à son/sa partenaire après un coup raté. Il faut au contraire se retrouver, parler. Il est facile de se féliciter après un coup gagnant, plus dur de rester ensemble après une grosse erreur ou pendant un set mal embarqué. Cela est d’autant plus important lors du dernier match en compétition par équipes : le double mixte est souvent décisif, les enjeux sont cruciaux ; il conclut ou le gain ou la défaite. Or il existe parfois une différence de niveau physique entre le garçon et la fille. La fille se retrouve souvent en zone avant, le garçon en zone arrière car il a plus de puissance pour dégager ou smasher. Le rôle de la fille est dévalorisant a priori car le volant lui passe souvent au dessus, mais c’est elle qui fait gagner le match en réagissant très vite sur des volants bas et courts et surtout en interceptant des volants hauts. Elle joue par intermittence, c’est ingrat tout en devant rester très vigilante. Le garçon adverse va jouer sur elle des points décisifs. Il est donc nécessaire d’apprendre à garder son calme, rassurer le joueur, la joueuse qui perd son échange. Il y a une véritable relation à construire entre les partenaires, il y a des joueurs-euses qui ne peuvent pas jouer le mixte, ils n’ont pas la maturité nécessaire. ♦
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des pratiques
Remonter des solutions aux problèmes Retour sur les comptes-rendus de pratique
Ce Contre Pied émet en introduction l’hypothèse d’une panne didactique sur l’enseignement du badminton et ce faisant, celle d’une pensée professionnelle collective potentiellement en difficulté dans la détermination des contenus de cette APSA. Examiner les fonctionnements didactiques amène à étudier la définition et la progressivité des objets de savoir que les collègues enseignent, à discuter de la manière dont ils mettent en scène et régulent leurs démarches et à débattre des conditions dont on considère que le badminton s’apprend. Les comptesrendus de pratiques renseignent de ce point de vue sur les tentatives des collègues, les convergences et les divergences témoignent des « possibles » que la profession explore sur ces différentes dimensions. Le choix de ce qui doit être enseigné du badminton
Enseigner le badminton dans le cadre de l’école pose inévitablement la question de la sélection de ce qu’il faut transmettre et de la manière de l’organiser pour que les élèves se l’approprient et y gagnent pour leur activité corporelle. Sous cet angle, tous les comptes-rendus de pratiques évoquent des objets de savoirs liés à la technique et à la stratégie. Des nuances apparaissent toutefois sur la priorité accordée à l’une ou l’autre de ces dimensions ainsi que sur la manière de les isoler ou de les combiner. Que faut-il enseigner et apprendre du badminton en milieu scolaire : des tactiques, des techniques, les deux de manière successives ? Ces deux aspects doivent-ils s’articuler dans des unités « technico-tactiques » qui privilégient les réalisations
au service du jeu et de ses aléas ou dans des unités « tacticotechniques » qui s’attachent à coupler intentions et efficacité des actions ? Cette problématique du découpage ou de la combinatoire traverse également les comptesrendus de pratiques dans deux orientations différentes. Certains, par moments, privilégient des contenus liés à l’exploitation de l’espace (peut-être la stratégie la plus usuelle en milieu scolaire), d’autres posent en priorité l’utilisation du temps et de la vitesse comme agents d’apprentissages, tandis que d’autres encore insistent sur l’articulation de ces deux dimensions. Les collègues cherchent à mettre à disposition des élèves une certaine fonctionnalité des savoirs qu’ils dispensent. Ils en parlent en termes d’outils et leurs propositions de contenus valorisent le « comment ça marche » davantage que des formes à reproduire. La diversité des propositions questionne cependant sur ce qui fait référence et rend spécifique la pratique du badminton. Astolfi, didacticien des sciences, a porté l’idée que l’école a besoin de retrouver la saveur des savoirs 1 et le plaisir d’apprendre. Ce qui ne signifiait en rien pour lui qu’il faudrait céder sur les exigences du savoir. Soulignant que l’expertise des enseignants peut tendre à masquer leur propre conscience des savoirs, il invitait alors à un travail de réélaboration des contenus qui distingue l’abrégé et l’élémentaire. « L’abrégé réduit la culture commune à un minimum basique. On sélectionne les informations par soustraction, en éliminant celles qui apparaissent trop complexes ». L’élémentation quant à elle renvoie aux fondements, aux principes, aux significations globales, aux éléments
PHILIPPE MILLEREAU - DR
Drôle d’idée que de chercher les problèmes plus que les solutions ! Le quotidien tend à masquer nos choix. Les enseignants experts développent des techniques, des façons de faire qui ne sont pas toujours explicitables. La complexité des situations d’enseignement les rend de plus difficilement reproductibles. Les pratiques sont inventives, mais les techniques d’enseignement comme les techniques sportives demandent à être discutées et controversées pour être reconstruites et partagées. Remonter au problème c’est se donner l’occasion d’accéder aux logiques que nous poursuivons, de mener l’enquête sur nos expériences, ce qui les organise et pourrait éventuellement les renouveler. Le projet de la rubrique est de pointer ce qui fait l’originalité des propositions, d’étudier les difficultés que l’ingéniosité et les inventions des collègues tentent de surmonter.
des pratiques
Des pratiques
saillants et structurants. Elle consiste à simplifier sans perdre en complexité ni trahir l’épaisseur épistémologique des savoirs. La culture commune y est alors à définir par « distillation ». Par leur variété, les différentes propositions traduisent cette recherche de l’élémentaire du badminton et laissent entrevoir des pistes. Les « coups » (drive, kill, dégagé, smash) prennent leur signification dans le jeu et les rapports d’opposition. En relation aux configurations du jeu perçues, ils combinent l’interprétation des rapports de force, l’intention tactique et la réalisation. Leur mise en avant dans les enseignements pourrait-elle participer d’un processus d’élémentation ? Permettre le jeu, l’étude et des transformations qui font progresser
On perçoit assez facilement comment la définition de ce qu’il convient d’enseigner du badminton détermine les démarches d’enseignement. En retour, le choix des démarches n’est pas neutre du point de vue des contenus véhiculés. Tous les comptes-rendus évoquent la mise à disposition aux élèves des contenus dans des approches différentes. Il n’y a pas en la matière de bonne ou de mauvaise pratique et il est nécessaire de maintenir un regard pluraliste sur les enseignements et les apprentissages. Les situations proposées alternent entre des formes proches du jeu nommées parfois jeu à thème et d’autres, plus décontextualisées, qui vont provisoirement jusqu’à s’écarter de la logique d’opposition. La dimension ludique facilement accessible du badminton est recherchée en même temps qu’elle est pointée comme une limite si elle n’est pas entretenue par la construction de progrès. À l’inverse, on sait les situations décontextualisées difficiles à installer, car les élèves peuvent y perdre le sens de leurs apprentissages et les émotions que le jeu procure. La construction des scénarios d’enseignement et d’apprentissage se confronte donc à des nécessités contradictoires. Il faut en effet faire vivre le jeu sans trop d’infidélité à la pratique de référence. Maintenir l’interactivité avec le milieu et l’engagement des élèves dans des formes qui leur sont accessibles. Enfin, mettre les élèves à l’étude par la confrontation à des problèmes qu’ils s’ingénieront d’ailleurs souvent de détourner. Pris dans ces trois contraintes les comptes-rendus jouent de quelques leviers pour impliquer dans l’apprentissage, moduler la difficulté de la tâche ou susciter des transformations décisives. - Ils avancent des formes de rencontre et des coopérations (cf. p.14) pour faire vivre socialement des expériences du badminton qui permettent d’apprendre ensemble. - Ils proposent, de manière convergente et classique avec d’autres APSA d’opposition, de faire du rapport de force un facteur de la dynamique de la construction des savoirs. Les contraintes et les dispositifs didactiques usent de ce moyen. (cf. p.11). Les situations provoquent des déséquilibres dans le rapport d’opposition pour amener les joueurs à reconstruire des coups en réponse à ce déséquilibre. - La vitesse est envisagée comme une « variable de commande » possible au sens où elle est mise à disposition des élèves pour leur permettre d’explorer des informations et des actions nouvelles.
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Faire vivre le jeu sans trop d’infidélités à la pratique sociale, maintenir l’engagement des élèves dans des formes accessibles, les confronter à des problèmes. Les questions relatives au « comment cela s’apprend ? » sont généralement moins travaillées et ce d’autant plus qu’ici en badminton (activité récemment scolarisée), les données manquent pour y répondre. Les difficultés d’apprentissage récurrentes des élèves sont connues, mais les conditions de la transformation de l’activité du joueur restent souvent dans l’implicite. Préciser et renouveler les contenus supposerait de lever ces interrogations. À titre d’exemple : quelles informations nouvelles construire pour lire, agir et progresser dans le rapport de force ; comment l’interprétation des configurations de jeu se développe et participe des choix d’action ; quelles interactions d’apprentissages pour faire vivre ces contenus et aider les élèves à se transformer ? Sans doute il y t-il là de beaux terrains d’investigation pour des recherches en didactique qui associeraient chercheurs et enseignants.
« Le badminton, comment ça s’apprend ? » : une question en suspens qui mériterait des investigations rigoureuses.
Et la panne didactique ? En tout cas, les collègues le montrent, elle n’arrête ni l’enseignement ni la réflexion didactique. L’enjeu de l’analyse de pratiques est de comprendre, reconstruire les problèmes que les enseignants rencontrent. Une des conditions de la construction des ces problèmes est de suspendre le jugement. Ici, des points d’appui émergent, des doutes inévitablement demeurent, des questions apparaissent, c’est tout l’intérêt de ces comptes-rendus de pratique. Pour éviter d’attribuer trop vite des causes toutes faites aux problèmes, il nous faut collectivement poursuivre l’enquête. ♦ Bruno Lebouvier
Au-delà de ces comptes-rendus et de manière générale, les discours relatifs aux pratiques d’enseignement discutent et proposent assez facilement des réponses sur ce qui doit être enseigné et sur les démarches d’enseignement à favoriser.
1. J-P. Astolfi, La saveur des savoirs. Disciplines et plaisir d’apprendre. Paris : ESF, 2008.
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Des petits riens qui changent tout !
« Quand rien ne manque, il manque quelque chose qui n’est rien. Manque donc presque rien. Il ne manque que l’essentiel ». Vladimir Jankélévitch.
Des idées pour aider Marine Duréault, enseignante à l’université de Rennes, nous livre les contraintes et les aménagements qu’elle met en place pour aider à la transformation de la motricité des élèves (apprentissages de techniques tout en jouant) et qui participent à l’augmentation de temps de pratique des élèves. (cf. photos sur le site)
Les aménagements matériels : des contraintes et aides efficaces pour apprendre
de précision, à une gestion de déplacements (changements de direction) plus importante et d’une dépense énergétique plus grande.
Baisser le filet Cela paraît évident, une bande du filet plus haute que la taille du joueur, de la joueuse, l’incite à produire des trajectoires qui montent le volant. Si l’on veut que les élèves apprennent à smasher par exemple, ou si l’on veut privilégier la vitesse, il est indispensable de régler la hauteur des filets en fonction de la taille des élèves, quitte à avoir des terrains à différentes hauteurs de filet.
Les repères verticaux et les cibles horizontales Les cibles horizontales sont souvent exploitées, plus rarement les repères verticaux qui sont pourtant indispensables aux apprentissages car ils sont à la fois des contraintes pour transformer (augmenter le volume de jeu) mais aussi des critères de réussite simples.
Les dimensions du terrain Pour des débutants Ils ne peuvent envoyer un volant au fond du terrain adverse depuis leur propre zone de fond. Si le volant est envoyé dès le service dans le couloir du fond, le receveur, la receveuse est dans l’incapacité de construire le point. Aussi, le couloir du fond de court est interdit lors du service. Pour rééquilibrer un rapport de force Si deux élèves physiquement très différents se rencontrent, l’un très puissant par rapport à l’autre, on peut rééquilibrer le rapport de force en diminuant la profondeur du terrain (zone de fond interdite) que vise le plus puissant. Lors d’un travail en dyade dissymétrique Le meilleur joue sur un terrain entier, l’adversaire plus faible gère un demiterrain sur son espace coup droit (demi terrain droit pour un droitier). L’incertitude spatiale est diminuée pour l’élève le plus faible. Quand cet élève n’est pas sous pression temporelle, il est intéressant d’observer comment il/elle s’engage dans le duel, comment il/elle utilise la profondeur et la latéralité. Ses déplacements sont moins importants. A contrario, la cible plus petite contraint le meilleur à plus
Comment ça marche ? Il suffit d’utiliser 2 tiges de 2cm de diamètre et d’environ 2m de hauteur de chaque côté du filet, munies à leur extrémité d’élastiques dans lesquels viennent se fixer les extrémités d’un ruban de rubalise. Est ainsi matérialisé un espace entre le filet et la rubalise (sur-filet). A quoi ça sert ? Pour chaque trajectoire émise, le volant doit passer entre la bande blanche du filet et la rubalise. Une contrainte organisatrice Pour raccourcir le geste et gérer une vitesse de jeu plus grande (lors de la production de drive). Matches très courts (environ 2’30) sur ½ rectangle central, face à face. Le sur-filet augmente la vitesse du volant. Cela donne moins de temps entre les frappes car un volant qui part vite revient souvent vite. Cela contraint peu à peu à réaliser un geste plus court pour impacter le volant et, surtout, cela amène à conserver le tamis dans le champ visuel au lieu de le laisser descendre après l’impact. Le coude se libère pour amener la tête de raquette plus haute, la main devient plus disponible. Il devient nécessaire d’aller vers le volant et ne plus se contenter de l’attendre.
La vitesse amène par ailleurs un relâchement des doigts pour permettre le « relâché-serré » du manche à l’impact, et générer la frappe « rebond ». Rencontrer plusieurs adversaires pour apprendre à repérer les failles adverses. Bien sûr, il faut laisser du temps pour que les transformations se mettent en place. Variante : on peut faire la même chose en dessinant des 8 : l’un joue en croisé, l’autre droit. Pour apprendre l’amorti Jeu de concours, un challenge. Un relanceur, un joueur qui réalise les amortis. Lors de l’impact, la trajectoire doit être directement descendante, le volant doit passer entre la bande du filet et la rubalise. La trajectoire est « piquée ». Au début les élèves fléchissent le poignet avec un bras tendu ou baissent le coude et bloquent le geste pour ralentir le geste. Or il est question dans l’amorti d’un ralentissement actif (à la frappe) comme le freinage ABS qui ralentit sans bloquer. Cela nécessite des dissociations fines pour avoir la même préparation que pour les autres frappes hautes et contrôler le ralentissement. Cela prend du temps. Pour apprendre le dégagement de fond de court La rubalise est positionnée à mi court à environ 2,50m de hauteur. (Si c’est possible installer des crochets sur le mur de part et d’autre pour l’installer sur toute la largeur du gymnase). Le volant doit passer au- dessus. Pourquoi ? Un dégagé est efficace si le volant passe au-dessus de l’envergure de l’adversaire (c’est à dire raquette levée) et si le volant arrive dans le fond de court. Concours Les buts peuvent être différents : Soit réaliser le moins de frappes hautes en 15’’. La visée est ici défensive. Il s’agit
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Des petits riens qui changent tout !
Des ballons de baudruche pour les petits Pour les petits ou ceux et celles qui éprouvent de grosses difficultés lors du service (pas de dissociation des 2 bras), il est intéressant de remplacer les volants par des ballons de baudruche peu gonflés. Ils ont le coude dans les côtes car ils cherchent à voir la raquette et le volant simultanément. Le volant est touché mais monte vers le haut et va très peu vers l’avant. Le ballon de baudruche a une trajectoire plus lente lorsqu’il est lâché. L’élève accepte progressivement de ne plus voir le tamis qui passe derrière et permet un trajet plus long de la raquette. La consigne est d’aller toucher le ballon en bas et devant soi. Ensuite, quand l’anticipationcoïncidence est créée, alterner l’utilisation de ballons et de volants.
vladimir cruels
Les distributeurs de volants Des tubes réservoirs de volants La quantité de pratique est déterminante pour les progrès et les transformations. Récupérer les volants sans perdre de temps permet un important enchaînement de coups. Deux relanceurs-ses pour créer une survitesse Par exemple, pour des élèves qui « pistonnent » et alignent œil/main/ raquette/volant lors des frappes hautes.
Ils ne peuvent produire de trajectoires hautes et longues de dégagement de fond de court. On retrouve le même aménagement et critères de réussite (cibles horizontales et repère vertical) que dans la situation pour le dégagement de fond de court. Consignes : les relanceurs envoient le volant haut et devant (et pas sur) le/la joueuse en Z1. Dès que le joueur a frappé un volant, le 2e relanceur envoie le sien. Le joueur n’a pas d’autre choix que de changer son organisation. En effet la survitesse amenée par la distribution ne permet pas à l’élève de retrouver son mode d’organisation initial (l’alignement évoqué auparavant). L’objectif premier de cette situation qui est de supprimer la frappe en piston va être peu à peu atteint. Le tamis va passer derrière la tête du joueur avec le coude qui monte et va ainsi permettre d’accélérer le geste pour aller frapper le volant. Les routines se travaillent le plus possible en situation de matches pour préserver l’intentionnalité et amener des répétitions plus efficaces car elles prennent sens. Proposer des routines perpétuelles avec ¾ frappes maximum en match de 2’30.
La balade des bouchons : un jeu qui contraint à prendre des informations et analyser le rapport de force Objectifs S’engager énergétiquement. Produire un dégagement de fond de cours efficace pour se donner du temps. Réorganiser rapidement ses appuis pour être disponible. Construire l’échange pour contraindre l’adversaire à ne plus avoir comme
solution que d’envoyer le volant dans l’espace proche du filet. Gérer son émotion en particulier lors de la production de la trajectoire de rupture. Apprendre à être régulier et précis. Organisation Matches par poules de niveau. Durée : les matches sont courts, maximum 6mn. Les matches se déroulent au temps, il faut marquer le plus de points en 6mn. Chacun des 2 joueurs a un bouchon (choisir le plus épais des tubes de volants) et le dépose derrière son terrain. But : tout en jouant, amener le bouchon sous le filet pour marquer. Règles : Je n’ai pas le droit de prendre le bouchon juste après avoir servi. Si j’attrape le bouchon et que je gagne l’échange, je le garde en main. Si j’attrape le bouchon et que je perds l’échange, je le replace derrière mon terrain. Quand j’ai le bouchon en main, je ne peux pas le poser sous le filet juste après avoir servi. Si je pose le bouchon mais que je perds l’échange, je le replace derrière mon terrain. Et une dernière règle importante : quand je pose le bouchon sous le filet, mon adversaire doit pouvoir encore frapper au moins une fois le volant. Critère de réussite : je marque un point après avoir posé le bouchon et gagné l’échange. Ce que permet d’apprendre ce jeu Cela contraint à analyser la situation de jeu, repérer le meilleur moment pour déposer le bouchon. La dernière règle oblige à rester vigilant pour être disponible juste après avoir posé le bouchon. D’autre part, le fait que l’adversaire puisse frapper le volant après la pose du bouchon permet d’envisager l’inversion du rapport de force. Ce jeu nécessite aussi des déplacements efficaces pour se placer correctement par rapport au volant et frapper le volant en position équilibrée. Il apprend encore à gérer ses émotions notamment lors de la dernière frappe, quand le joueur sait qu’il a tout fait pour gagner. Sa frappe doit être précise. La contrainte de temps, 6mn, impose de gérer la contradiction risque/ sécurité : comment s’organiser pour marquer ? Au départ du jeu, laisser du temps pour que les élèves s’approprient les règles. Ensuite, ils éprouvent un réel plaisir à s’engager dans ce jeu qui exige un engagement physique très important et de conserver sa lucidité.♦
Des petits riens
de frapper le volant au-dessus de la tête et devant. La trajectoire est de plus en plus parabolique. Soit réaliser le plus de frappes hautes en 15’’. La visée devient offensive. Pour amener une accélération du geste à la frappe (donc de la longueur), il est indispensable de combiner à ces repères verticaux des cibles horizontales. Représenter 3 cibles au sol (bandes antidérapantes ou plots sur les côtés du terrain) : le couloir du fond de court puis deux autres de la même largeur que ce couloir. On peut aussi ajouter un surpoids en tête de raquette pour favoriser l’accélération du geste. CR : passer au-dessus de la rubalise et atteindre Z1 ou Z2 ou Z3. L’atteinte de la cible la plus éloignée(Z3) est valorisée : 3pts, puis 2pts pour celle du milieu (Z2), 1pt pour celle qui est la plus proche du filet (Z1). Pour le smash Utilisation d’une cible verticale qui est à viser. Elle est placée à différents endroits sur le terrain, sur l’axe de la profondeur. Cela pour apprendre à varier l’angulation de cette trajectoire.
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Regard
Le badminton, une pratique sociale paradoxale Anthony Guidoux est journaliste, spécialiste de badminton. Il a été rédacteur en chef adjoint du site Badzine, avant de devenir pigiste pour la fédération française. Très bon connaisseur de l’activité, il nous livre ici ses réflexions sur ce sport qui continue à se développer
Que représente aujourd’hui le badminton ? Les chiffres montrent à l’évidence son expansion en France : en 2011/2012 il y avait 165 000 licencié-es, 26 ligues régionales, 1800 clubs, 870 écoles de badminton, 566 entraineurs diplômés, etc. Certes nous sommes loin du foot, mais il faut savoir que la fédération est née en 1979, et qu’il n’y avait que 2 400 licenciés au départ. Dans le monde scolaire, on recensait en 2010/2011 près de 169 000 licencié-es à l’UNSS, répartis dans 7 638 associations, ce qui en fait l’activité la plus pratiquée dans le cadre du sport scolaire. Le badminton est donc une pratique en plein boom... Clairement. Mais de mon point de vue, il faut gratter un peu la surface. Le badminton arrive à un cap qui devrait lui imposer de « se réinventer ». Sa progression rapide butte aujourd’hui sur des problèmes de structures qui n’ont pu suivre le rythme. Il existe un déséquilibre entre l’offre qui ne peut s’ajuster à la demande. à titre d’exemple, dès qu’un club ouvre, il est immédiatement rempli. Dans de nombreux clubs de France, on refuse du monde. Le potentiel de personnes qui ont envie de pratiquer ne peut être aujourd’hui absorbé. Quelles en sont les raisons ? Une difficulté immédiate et évidente concerne le manque d’installations sportives. Toutes les collectivités territoriales ne sont pas équipées de gymnases, ou pas assez équipées. Cela concerne beaucoup les milieux ruraux qui sont les parents pauvres de structures couvertes. Mais même lorsque les gymnases existent, la concurrence est parfois rude avec les autres sports, et il n’est donc pas évident que le badminton puisse s’y implanter. C’est un point extrêmement problématique vu le coût des constructions. Je sais que la fédération est consciente du problème, et qu’elle travaille sur ces aspects de structuration. Existe-t-il d’autres freins ? Il s’agit là d’un point de vue très personnel. D’un côté, je sais que le badminton repose sur des valeurs de convivialité dont se revendiquent la plupart des membres de la communauté badiste. Et d’un autre côté j’ai le sentiment que les dirigeants aimeraient mieux structurer leur sport, sans toutefois agir en conséquence (organisation précise des tâches au sein d’un bureau, sérieux dans le suivi et l’activation d’une communication vers la presse locale, démarches de sponsoring local,
etc). Les même qui, dans leur for intérieur, sont attachés à l’image de sport amateur, hésitent fortement à évoluer vers une démarche plus professionnelle. J’utilise ce mot, non pas pour faire référence au sport professionnel, mais au sens où il faut aujourd’hui plus de rigueur, d’encadrement, de sérieux, de structuration pour faire évoluer le badminton… En somme, tout le monde souhaite une reconnaissance à la hauteur de l’intérêt que suscite la pratique de ce sport, mais je n’ai pas l’impression que tous y mettent les moyens. C’est donc assez paradoxal ? Tout à fait. Pour moi le badminton est une activité prise en quelque sorte entre le respect des valeurs qui l’ont vu naître et se développer,(fair-play, convivialité, bonne humeur, légèreté, passion… Ces valeurs proviennent principalement des usages ! Pour prendre un exemple : les compétitions regroupent dans une même salle plus de 100 joueurs chaque week-end. Cela créer une proximité et une convivialité propre au badminton) et la volonté de s’affirmer comme un sport majeur. On veut être reconnu, ça c’est sûr, mais en même temps on a tendance à ne pas trop bouger pour que ça change vraiment. Ça produit un badminton à deux vitesses : un badminton « loisir », mais qui veut encore se démarquer de son image « jeu de plage », et un badminton qui tend trop rapidement vers l’élite, même s’il est plus rare. D’un côté, on reste dans une démarche très loisir, de l’autre on tend vers l’ultra compétition. Peut-on vraiment opposer ainsi loisir et compétition. On peut faire des compétitions dans le cadre de loisirs ? Si j’oppose les deux notions, c’est parce qu’elles sont opposées au sein même des clubs ! Les clubs proposent des créneaux loisirs OU compétition. C’est assez restrictif. Ce qui est sûr, c’est que les “loisirs” pratiquent bien souvent (le plus souvent !) sur un créneau spécifique, et peuvent participer s’ils le souhaitent à des petites compétitions, dans la catégorie NC (non classé) le plus souvent, même si c’est loin d’être une généralité.
Ce que j’essaye de souligner, c’est que les clubs restent selon moi encore trop dans ces schémas “classiques” ou un(e) joueur/joueuse sera soit “très compétiteur”, soit “totalement loisir”. Alors qu’on devrait essayer de créer du lien entre les deux, pour ne pas laisser le badminton se développer dans un schéma à deux vitesses...
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DR
regard
En ce sens, certaines initiatives commencent à se mettre en place, comme le développement de compétitions “pour tous” appelées PROMOBAD 1. 170 000 licenciés dans la fédération, le même chiffre à peu près dans le sport scolaire, et, au bout du compte, une élite qui se compte sur les doigts de la main. C’est aussi paradoxal, non ? Bien sûr. Mais croyez-moi, la fédération et les badistes en général en sont très conscients. Il existe aujourd’hui un trop petit nombre de personnes capables de rivaliser au niveau international. Je pense qu’une conjugaison de plusieurs facteurs peut l’expliquer, parmi lesquels peut-être la jeunesse de la fédération, la structure d’entraînement, les ressources financières insuffisantes des joueurs de haut niveau, ou bien même le manque de professionnalisme des joueurs. Je ne sais pas vraiment. Ce qui est sûr, c’est que la « culture » du badminton aujourd’hui repose sur la convivialité et le loisir. C’est une bonne chose pour faire vivre un sport de masse, c’est dans le même temps un frein pour attirer des jeunes vers le haut niveau, avec les contraintes, voire les sacrifices, que cela implique. Existe-t-il chez les pratiquants une « culture bad » identifiable ? Oui. Entre nous, on parle facilement de « communauté badiste ». Cette culture, ce qui nous unit et en même temps
« Les joueur-euse-s de bad font plus de kilomètres qu’un joueur-euse de tennis » nous différencie d’autres sports, repose sur quelques repères. D’abord comme je le disais cette convivialité et cet esprit mêlant fête et compétition. Même si je n’ai aucun doute sur le fait qu’on le retrouve ailleurs. Il y a aussi le fait de s’être construits et développés sans être vraiment reconnus comme sport à part entière. Il y a à la fois une sorte de fierté et en même temps une revendication : que l’activité soit justement connue et reconnue. Par exemple il y a quelque chose qui a beaucoup circulé entre nous sur les réseaux sociaux : une étude a montré que bien que le terrain soit plus petit, les temps de jeu moins longs, le joueur de bad fait plus de kilomètres qu’un joueur de tennis... Au fond, c’est difficile peut-être de dire comment ça se traduit dans les comportements, mais je crois qu’il existe bien une identité que les badistes partagent.♦ 1. http://www.ffbad.org/competitions/organiser-une-competition/une-rencontrepromobad/
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Regard
Un jeu et un sport
mixtes
Raphaël Sachetat, président de « Bad sans frontière » dresse un panorama de la diffusion du badminton dans le monde, activité sportive qui doit sa fulgurante diffusion à son caractère convivial mais aussi à sa sportivisation plus récente en France.
On parle de l’existence de ce genre d’activité depuis des temps fort éloignés en Chine. Mais il faut bien avouer que c’est en Inde qu’il se développe vraiment notamment à partir d’une ville appelée Puna avec des règles basiques, un filet bas, de petites raquettes et un volant. Ce sont les Anglais qui édictent les règles et c’est donc dans tout leur empire, les pays du Commonwealth, comme la Malaisie et l’Inde que se déroulent les premières compétitions. Mais ce sport connait un succès parallèle sous sa forme ludique dans d’autres pays comme la chine ou l’Indonésie (…) Cette activité pénètre la France par la Normandie, où est créé le premier club et où l’ensemble des règles sont mises en application correspondant globalement aux règles actuelles. Puis se constituera plus tard la fédération qui est toute jeune puisqu’elle n’a que 26 ans, gagnant son autonomie vis-à-vis de la fédération de tennis qui a accueilli les premiers joueurs dans un premier temps.
DR
à l’international, la pratique est différente. En Chine, par exemple, des millions de gens de tous les âges, pratiquent le badminton dans les parcs, et leur équipe nationale est la plus forte du monde ( cinq titres olympiques à Londres). En Indonésie, c’est pareil, avec beaucoup de jeunes qui s’identifient à leurs idoles et jouent dans la rue. Dans ces deux cas, pratique d’élite et pratique de masse sont complémentaires et s’alimentent mutuellement. En Europe, c’est le Danemark qui domine : reposant sur une forte tradition et une conception du jeu portée à la fois sur la puissance et sur la tactique, ils ont su gêner leurs adversaires et ont accumulé de nombreux titres de champions du monde. Leur système consiste en un recrutement dès le plus jeune âge, tourné essentiellement vers la compétition et accompagné d’une pratique de loisir extrêmement développée. Il faut ajouter aujourd’hui le Japon
qui conteste les anciennes hiérarchies et prend une place de plus en grande au niveau international. Aujourd’hui la FFB accueille les Internationaux de France, compétition qui fait partie des douze évènements internationaux les plus prestigieux dont trois seulement sont organisés en Europe ( Angleterre, Danemark, France). Près de 300 joueurs, de 30 pays parmi lesquels la Malaisie, le Japon, la Corée et la Chine vont se disputer les trophées. Désormais la France joue dans la cours des grands : sponsoring renouvelé, médiatisation assurée par l’équipe21, la fulgurante ascension de ses licenciés et son orientation résolue vers une élévation du niveau de pratique vont lui assurer un réservoir important en vue des prochains défis. Quelle est l’évolution de la pratique en France ?
La fédération a créé un système de bad-pass, sorte de plumes colorées correspondant à des niveaux, comme pour les ceintures en judo par exemple, devant l’afflux du public et la nécessité de garantir un niveau de formation répondant à la demande les jeunes commencent très tôt à jouer et nous entrons dans une période où les nombreuses compétitions voient éclore un nombre important de jeunes de très bon niveau. Il nous manquait un porte-drapeau, une figure à qui s’identifier pour galvaniser encore nos jeunes joueurs. L’arrivée d’une jeune chinoise Pi Hongyan en 2004 a joué ce rôle moteur, fortement médiatisée en qualité de 2 e joueuse mondiale, Hongyan a été une véritable locomotive pour la pratique sportive de haut niveau chez nos jeunes pratiquants. Comment caractériser la « culture bad » ?
Pour qu’un sport se développe, il faut trois conditions : une pratique de masse à l’école, un ou des champions reconnus et charismatiques, une médiatisation. On peut dire que le phénomène badminton constaté aujourd’hui vient d’abord de l’école où c’est la première activité pratiquée à L’UNSS. Etre joueur, joueuse de badminton c’est participer à des entrainements collectifs, souvent en famille, garçons et filles mélangés, les copains, les copines. C’est ainsi que souvent on voit des familles entières venir au gymnase le soir, tous y ont leur place, avec des garçons et des filles sur le même terrain. Il y a trois ans, il y avait 40% de licenciés filles et une commission féminine a été créée à la fédération. Les compétitions mixtes sont nombreuses et se déroulent dans un état d’esprit de rencontre. C’est le cas des interclubs par exemple où les familles viennent soutenir comme dans d’autres sports mais où tout le monde joue puisque tous y ont leur place. Cela crée une atmosphère très conviviale et détendue.♦ Entretien réalisé par JP Lepoix
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Thierry Martinez, professeur d’EPS au Lycée Saint Exupéry à Marseille, membre depuis
1998 de la commission mixte nationale UNNS badminton, en charge de la formation des jeunes officiels. Il en donne les caractéristiques et les évolutions.
Thierry, en quoi le Badminton se distingue des autres APSA dans la formation de jeunes officiels ?
Une de nos spécificités était de proposer la possibilité pour un jeune officiel de pouvoir être aussi joueur pour l’équipe de son établissement scolaire et ce à tous les niveaux de championnat, mais depuis 2012, une uniformisation des règlements pour les activités sportives de l’UNSS nous impose de différencier ces deux statuts, (on est donc passé au niveau national de 114 « officiels-joueurs » en 2012 à 70 officiels en 2013). Nous avons renoncé avec regret à ce que nous considérions comme une richesse pédagogique. En effet, on constatait chez le joueurofficiel une certaine indulgence vis-à-vis de l’arbitre et des échanges constructifs dans les rares cas de contestation. De plus le joueur, pouvait utiliser dans le jeu les connaissances règlementaires apprises, par ex. le choix judicieux du tirage au sort en début de match. Mais reste-t-il des éléments spécifiques à l’arbitrage en Badminton ?
Oui, notamment le fait qu’en badminton l’arbitre doit assumer simultanément plusieurs rôles, à savoir : juger les volants dedans ou en dehors des lignes du terrain et décompter les points. Pour la première compétence, il faut s’habituer à la vitesse du volant. Les officiels ne peuvent acquérir cette vision qu’avec l’expérience et le niveau de jeu dans lequel il évolue. Pour un match de district avec des joueurs débutants, la vitesse du volant est la plupart du temps plus lente qu’au niveau national et donc facilite le jugement. La feuille de score est un élément complexe à gérer, car sa tenue nécessite des Aller-Retour permanents entre la marque et la gestion de la rencontre (vérification du placement des joueurs au service).En double, la gestion de la fiche implique une maîtrise que l’on exige seulement à partir du niveau académique. En championnat de France, les rôles de juge de ligne, de service (très rarement mis en place) ou encore de table de marque deviennent spécifiques. Nous avons donc établi des contenus et des durées de formation différents en fonction des niveaux de jeu à arbitrer. L’emploi du vocabulaire approprié s’apprend progressivement pour terminer avec les rencontres internationales par un arbitrage en anglais. Comment vous organisez vous pour former les jeunes officiels ?
La formation est entièrement assurée par les profs d’EPS, du district au France. Une progression des contenus est à disposition de chaque enseignant avec le livret de formation du jeune officiel (cf. document sur le site contrepied) complétée selon les académies par des journées spécifiques Jeunes officiels. Sur
chaque compétition, un ou plusieurs enseignants experts sont strictement mobilisés sur la formation des jeunes officiels (ex: 10 profs d’EPS sur les championnats de France). Des stages de formation élaborés par les membres UNSS et les représentants fédéraux de la CNM sont également proposés à tous les enseignants. Nous mettons nos officiels en situation de totale responsabilité et avec notre pleine confiance. Les championnats du Monde UNSS organisé en France en 2000 (Cergy) et 2006 (Tours) ont été entièrement arbitrés en langue anglaise par nos jeunes officiels. Des équivalences existent entre un niveau validé en UNSS et une certification fédérale (écussons de couleur). Il est vrai que les relations avec la Fédération de Badminton et la CNM sont facilités par la présence de nombreux profs d’EPS parmi leurs responsables. Désormais la prise en compte du niveau national jeune officiel pour une note d’option EPS, nous oblige à un niveau d’exigence renforcé de nos validations (30 certifications en lycée pour 2013). De plus, avec cette nouvelle possibilité, la motivation des élèves change : avant 2012, ils étaient « officiels-joueurs » à présent ils deviennent davantage « officielsoption ».
« Son rôle principal n’est pas de régler les conflits, de sanctionner les joueurs, mais de libérer les joueurs du souci du règlement » L’arbitrage au Badminton est-il moins « stressant » que dans certaines activités sportives ?
L’attitude Fairplay fait partie de l’essence de l’activité avec notamment : le rituel du salut des adversaires et de l’arbitre ; le point rejoué si suite à un incident de jeu aucun accord n’est trouvé ; la possibilité offerte au joueur sur un volant jugé « out » de demander à inverser la décision de l’arbitre et rendre le point à son adversaire. De ce fait, à ma connaissance aucun incident notoire n’est survenu dans les compétitions scolaires. Le Jeune Officiel fait respecter le règlement à la lettre et dans son esprit. Son rôle principal n’est pas de régler les conflits, de sanctionner les joueurs mais de libérer les joueurs du souci du règlement afin que ceux-ci se concentrent uniquement sur le jeu. Ne pas mettre le jeu à son service mais se mettre au service du jeu, c’est le message que nous essayons de faire passer. ♦ Entretien réalisé par Sébastien Molénat
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Bien arbitrer pour permettre aux joueurs de se concentrer sur le jeu
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Du jeu de volant au badminton En moins de trente ans, le badminton a connu un engouement quasi inégalé pour une pratique sportive, tant sur le plan fédéral que sur le plan scolaire. Pourtant, sa notoriété « sportive » serait encore à construire, notamment ou paradoxalement du fait de sa dimension ludique ? Ce bref détour historique auquel nous convie Julie Graal*, tentera d’appréhender la trajectoire spécifique d’une activité désormais incontournable.
Le badminton, une pratique scolaire ? L’actuel président de la Fédération française de badminton, Richard Rémaud, pense que la discipline n’en serait pas aujourd’hui à ce stade de développement si les enseignants d’éducation physique et sportive (EPS) ne se l’étaient pas appropriée. Alors qu’au moment de la création de la Fédération, fin 1978, l’activité ne compte que 2 576 licenciés, aujourd’hui le chiffre se porte à 179 431 badistes, avec une progression record de 443 % entre 1987 et 1999. Cette expansion, débutée dans les années 1980, s’accompagne de son intégration scolaire. En effet, très rapidement, quelques enseignants sont séduits par le caractère ludique, énergétique et compétitif du badminton, y percevant également une activité propice au développement des ressources informationnelles et décisionnelles. La « contagion par le virus du volant » est alors lancée. Preuve en est la multiplication des associations sportives scolaires proposant l’activité et la progression de 30 % par an du taux d’élèves la pratiquant à partir des années 1990. Il est ainsi le « premier sport scolaire » depuis 3 ans, avec 168 435 pratiquants en 2011. Aux origines était le jeu de volant… Ancré dans les mœurs et traditions populaires asiatiques et américains, le volant s’échange depuis plusieurs siècles à l’aide du pied, de la main, d’un battoir ou d’une raquette, avec pour seule règle de ne pas le faire tomber à terre. En France, on le retrouve dans la cours du Roi François 1er sous le nom de « coquantin ». Ouvert aux femmes, jeu sans véritables enjeux compétitifs, le volant s’inscrit principalement dans une dimension ludique et délassante. Dérivé de ces jeux de volant, on considère que les premières parties de « badminton » se déroulent en Inde, où il est pratiqué par les militaires britanniques. La rupture avec le traditionnel jeu de volant tiendrait du fait de l’introduction d’un filet, séparant deux camps opposés tracés à la craie. Il s’agit alors de faire en sorte que les adversaires ne puissent renvoyer le volant. Importée sur le territoire anglais, l’activité se voit progressivement codifiée. Le journaliste Henry Jones propose ainsi un premier règlement, en 1876. Il précise que le nombre de joueurs varie de quatre à huit, sur un terrain en forme de sablier aux dimensions standardisées, et que la première équipe marquant 15 points remporte la partie. La naissance institutionnelle de l’activité date de 1893 avec la création de la Badminton Association of England. En France, il apparaît à Saint-Servan, en 1898, où J.E. Jones, répétiteur de l’armée britannique, y fait installer des courts couverts. Malgré cette initiative, l’activité reste confidentielle, et même si, en 1907, un autre foyer de pratique
se retrouve à Dieppe, le badminton n’existe majoritairement qu’au sein de cercles fermés. La Première Guerre Mondiale met un frein à ces prémices de développement, et l’entre deux guerre ne voit pratiquer que très peu d’initiés, qui sont surtout des joueurs de tennis à la recherche d’un délassement pour l’hiver. à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, le badminton végète sous l’égide de la Fédération de Lawn-Tennis (FFLT), à laquelle il est rattaché. Cette situation évolue par la volonté de dirigeants de s’émanciper du tennis pour développer l’activité, chose faite en 1978. Outre cette reconnaissance institutionnelle en France, son entrée aux Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, après avoir été sport de démonstration à Séoul en 1988, semble conforter la place du badminton dans le paysage sportif.
« Propédeutique au tennis », il est perçu comme une activité plus d’adresse que de force et facile d’accès. « Facilité » qui mériterait sans doute d’être étudiée tant on pressent qu’elle peut constituer une façon d’éclairer et de comprendre la nature particulière du badminton. Une connotation ludique (trop ?) ancrée, une caractéristique sportive insuffisante, une dualité mal assumée ? Malgré cette « sportivisation », la représentation du Bad comme jeu de volant, « sport de plage », d’échanges, perdure et constitue pour certains un obstacle à l’affirmation du badminton comme « sport ». De fait, « sport » à part entière, il demeurerait entièrement à part, ayant le quasi-monopole du jeu, dépossédant en quelque sorte ainsi tous les autres sports de ce but, les renvoyant à un genre sportif amputé du jeu. Les premiers ouvrages, la presse, soulignent toujours la singularité récréative du badminton. C’est même cette identité qui expliquerait son attractivité tant auprès des filles que des garçons. « Propédeutique au tennis », il est perçu comme une activité plus d’adresse que de force et facile d’accès. « Facilité » qui mériterait sans doute d’être étudiée tant on pressent qu’elle peut constituer une façon d’éclairer et de comprendre la nature particulière du badminton. Henri Louchart pense même que le caractère ludique de l’activité, a été, dans les
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Jean-Baptiste Siméon Chardin
Finalement, avec l’intention de rompre l’échange, d’augmenter la pression temporelle pour l’adversaire, il semble que le badminton soit désormais loin du jeu de volant.
années 80, un des principaux freins à son intégration scolaire. Alain Citolleux, dirigeant et secrétaire de la FFBa va même jusqu’à écrire dans la revue EPS que le badminton doit rompre avec le jeu de volant et regrette qu’il souffre de cette représentation encore dominante, alors que selon lui, la sportivisation enrichit le badminton par l’extrême rapidité et l’engagement physique requis. Un règlement peu évolutif Depuis les premières codifications, les aspects réglementaires n’ont que peu évolué. Le volant est par exemple d’emblée normalisé et doit respecter un vol régulier variant de moins de 20 cm sur une distance de treize mètres. Néanmoins, le système de comptage des points a vu plusieurs remises en questions. Depuis la naissance du badminton, les rencontres se disputaient en 15 points au meilleur des trois sets, le joueur devant posséder le service pour marquer. En 1997, a été expérimenté le comptage en 5 sets de 9 points, puis en 2001, en cinq sets de 7 points. Ces expériences étant jugées peu satisfaisantes, il faut attendre 2006 pour voir arriver le scoring direct, en « tie-break », avec des rencontres qui se déroulent en 2 sets gagnants de 21 points. Cette évolution semblerait conduire un à jeu plus offensif, la durée des matches étant sensiblement réduite. L’évolution du jeu : du beau geste à la recherche de vitesse Du fait de sa proximité avec la FFLT, les techniques employées jusque dans les années 1960 sont voisines du tennis : les gestes
sont amples et la plupart des frappes se font main basse. Le niveau français évolue peu, accusant un retard par rapport aux autres nations. Les Malais s’imposent dès les années 1950, vitesse et dextérité créant la rupture avec « les frappes gracieuses des vieux maîtres du badminton ». Cette logique modifie alors les conceptualisations de l’entraînement. Aller plus vite que l’adversaire pour créer la rupture devient un leitmotiv. L’apparition de « sauts-chinois », du coup droit autour de la tête, du smash sauté, sont des évolutions techniques témoignant de cette intention de prendre tôt le volant. Les évolutions matérielles, particulièrement des raquettes, semblent participer à ces transformations du jeu vers un gain de vitesse. L’acier remplace le bois, de nouveaux matériaux tels l’aluminium, le graphite, le titanium, permettent de diminuer le poids des raquettes et d’effectuer des rotations d’avant-bras de plus en plus rapides. Les formes des cadres sont conçues pour gagner en aérodynamisme. Finalement, avec l’intention de rompre l’échange, d’augmenter la pression temporelle pour l’adversaire, il semble que le badminton soit désormais loin du jeu de volant. Des questions s’imposent à l’issue de ce trop bref parcours historique. Pourquoi le badminton français n’a pas d’emblée suivi les évolutions observables dans d’autres pays ? Le devenir « sportif » de l’activité impose-t-il d’opposer tradition et modernité, jeu de volant et badminton et de penser cette « contradiction » comme indépassable pour le développement même de ce sport ? ♦ *Julie Grall, professeur agrégée d’EPS, doctorante, laboratoire VIP§S Rennes 2
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Le badminton un sport de raquette comme les autres ? à propos de modélisation Benoit Chaisy enseigne au collège de Tonnerre. Son expérience l’incite à contester
certaines « évidences » fondées, selon lui, sur une modélisation insuffisante de cette activité donnant apparemment satisfaction.
Plusieurs postulats en préalable : d’abord, pour l’enseignement d’une APSA, sa connaissance la plus fine possible est un incontournable. La modélisation spécifique de l’APSA est un apport indispensable et nécessaire. Elle doit permettre de définir la nature même de l’APSA, sa signification humaine, ses particularités, sa dimension anthropologique, ses évolutions historiques et règlementaires, qui la rendent unique. Cela devra sûrement passer par une mobilisation de la recherche en STAPS plus en lien avec le terrain et les pratiques en EPS. Cette modélisation doit permettre, dans un premier temps, de répondre à ces quelques questions : pourquoi les humains ont inventé ce jeu, pourquoi y jouent-ils ? Quelle est donc cette discipline (disciplinante au sens d’Astolfi), son essence, ses problèmes clés ? Pour reprendre une certaine approche des apprentissages, en quoi une modélisation peut et doit permettre une « base d’orientation » du travail à réaliser avec les élèves, qu’il importe de rendre explicite auprès d’eux, de leur communiquer et de leur faire partager ? Partager les buts, les motifs fondamentaux d’agir en badminton étant l’une des conditions de l’existence dans la classe d’une communauté d’apprenants, instruits des visées essentielles du badminton, abordant ensemble des sujets d’étude explicites et communs. Cela semble une nécessité à l’émergence d’une culture commune en EPS. Qu’est-ce qui, dans le temps scolaire et en badminton peut, doit, faire l’objet d’un enseignement ? Le second postulat est de transmettre au mieux la culture physique et artistique et la transmettre à tous. Le « au mieux » peut bien sur prêter à discussion. Pour nous il doit se référer à une culture en mouvement (qui évolue encore à haut niveau, mais aussi dans les pratiques de masse), à une identité spécifique de l’APSA. Le « à tous » nous amène à repenser la construction de l’expertise de tous dans l’activité, ceci en corrélation avec les évolutions règlementaires, mais aussi structurelles de l’activité badminton Il y a un intérêt à une modélisation spécifique au badminton, pour que la représentation qu’en ait chacun soit la plus étayée possible. Une analyse trop rapide de cette activité pourrait nous amener à faire des choix didactiques et de contenus
d’enseignement qui risqueraient d’être contradictoires avec les apprentissages futurs de tous les élèves. Une des difficultés dans l’analyse de l’enseignement du badminton réside, à notre sens, pour partie, dans la facilité qu’offre le badminton aux élèves du collège d’entrer dans une activité de production de trajectoires. Dit autrement, les premières réussites spontanées et massives des élèves peuvent paradoxalement nous amener à négliger une modélisation précise de l’activité. Un certain nombre de particularités de l’APSA (sa logique interne, sa construction épistémologique…) nous amènent à penser que les choix didactiques à faire en EPS s’agissant du badminton seront, pour certains, radicalement opposés à ceux opérés dans d’autres sports de raquette. De nombreux ouvrages ou articles relatifs à l’enseignement du badminton, mais aussi les choix institutionnels proposent des pistes didactiques présupposant des analogies de « logique internes » entre le tennis, tennis de table et le badminton. Ces logiques ont été portées en 1996 par la notion de compétences de groupe, elles le sont aujourd’hui (depuis 2008) par celle de compétences propres affirmant implicitement qu’il y aurait, surplombant chaque APSA constitutive d’un « groupement » et a priori, un corpus de savoirs propres (à l’époque les compétences propres, aujourd’hui les capacités connaissances et attitudes…) relatifs à cet ensemble et disponibles pour l’enseignement. Corpus qui aujourd’hui, du point de vue de sa formulation, contourne l’ardente obligation, avant toute généralisation, d’avoir à procéder à une théorisation rigoureuse, à une analyse sérieuse de chaque APSA promise à l’enseignement, comme objet singulier. Si nous devions ici développer cette réflexion, nous poserions le fait qu’il y a peutêtre plus de points communs entre le volley et le badminton, qu’entre le badminton et le tennis de table. Par exemple, la question de l’espace effectif de jeu, la nature des trajectoires produites, la position de la tête dans les frappes hautes, l’alignement œil-main-projectile lors de nombre de frappes, les stratégies qu’entrainent les dimensions du terrain et le rapport de force, sont quelques éléments bien plus communs
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au volley et au badminton qu’au badminton et au tennis de table. Il serait intéressant, dans ce sens, de regarder la place de la Pétéca et du Speedminton qui commencent à émerger en milieu scolaire. En n’engageant pas une modélisation spécifique du badminton, le risque est grand à notre sens de passer à côté d’objets d’apprentissages importants. Il ressort souvent des constats professionnels que, si les premiers « apprentissages » semblent faciles et rapides, en fin de lycée, après pourtant plusieurs cycles de badminton, les difficultés sont là et le niveau attendu (espéré) n’est pas au rendez-vous. Il s’agirait alors de savoir comment faire progresser les élèves suite à 2 ou 3 cycles, le premier cycle ne posant pas de problème. Or l’option que nous souhaiterions poser ici est que c’est parfois l’orientation des apprentissages premiers qui peuvent poser problème et obérer, sans doute pour partie, les apprentissages futurs des élèves (de tous et toutes les élèves). Nous y reviendrons, mais par exemple, définir l’espace profond comme seul but (et parfois seule validation) des apprentissages (progrès) des élèves est pour nous une erreur stratégique, d’ordre épistémologique, qui nourrit des difficultés didactiques.
«Il y a peut-être plus de points communs entre le volley et le badminton, qu’entre le badminton et le tennis de table » Pour aller dans le sens d’une formalisation plus précise, il est important de souligner un certain nombre de différences objectives entre les activités tennis et badminton. Prenons par exemple l’espace effectif de jeu, qui au contraire du tennis et du tennis de table, ne dépasse pas en badminton les limites du terrain tracé. Cela emmène un certain nombre de conséquences sur l’utilisation du rapport espace/temps dans les situations. Cette contrainte du jeu nous conduit à porter une attention toute particulière à la question temporelle, peut-être prioritairement par rapport à l’espace (même si, bien sûr, les deux paramètres sont indissociables). Par exemple, réduire, pour les élèves, la longueur du terrain et travailler plutôt sur la largeur, peut permettre d’étudier la prise de volant le plus tôt possible, que ce soit main haute ou main basse. Cela permettra de réduire les contraintes spatiales et donc d’engager un travail sur les rythmes. Le badminton est bien sûr une activité où l’on
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produit des trajectoires, mais où il nous semble plus intéressant de jouer sur le rythme, à ce niveau, que sur l’espace. Jouer sur des zones à viser c’est parfois se donner l’illusion qu’on va induire des déplacements chez nos élèves...mais ce n’est pas nécessairement la réalité! Les changements de rythme nous paraissent bien plus efficaces dans cette perspective. Dit autrement, réduire le terrain n’amène pas nécessairement à moins de déplacements et moins de dépense énergétique de la part des élèves. Le travail de la mobilité articulaire, au niveau de la main et du coude que permet également cet aménagement, nous parait essentiel et nous amène à proposer des situations où l’on jouera plus sur des terrains courts et larges que rechercher la construction d’un dégagé permettant d’accéder à la profondeur. Une autre particularité du badminton tient aux trajectoires des volants (ce que l’on appelle parfois l’effet parachute). En effet, cela autorise un grand nombre de coups impossibles dans les 2 autres sports de raquettes déjà cités et notamment des trajectoires très tendues. Un grand nombre de productions, selon le principe d’une analogie entre tous les sports de raquette, veulent ainsi déconstruire une réponse spontanée efficace des élèves qui est la frappe à l’amble. Pour les reprendre, certaines d’entre elles visent au premier niveau à obtenir une « mise de profil », un « pied avant opposé au bras raquette », « exploiter toute la profondeur du terrain ». Le gage ultime de la progression devient le dégagé long et l’on cherche bien souvent à déconstruire une réponse qui pourtant est très utilisée en badminton. La taille du terrain, l’espace effectif de jeu ainsi que les trajectoires du volant impliquent de faire des frappes à l’amble sur toute la zone avant du terrain avec parfois même, à bon niveau, des alignements œil-raquette-volant, soi-disant source de tous les maux dans les sports de raquette. De plus, quand on analyse le gain des points au fur et à mesure du niveau, on s’aperçoit que nombre de points sont marqués par des frappes main basses (et nombre d’entre elles se faisant à l’amble). Dans le temps scolaire, la construction d’un dégagé profond, centré sur la mise de profil, amène nombre d’élèves à être en difficulté sur cette question et à quitter leur scolarité obligatoire sans être jamais parvenus à le construire. Il nous parait plus judicieux, au contraire, de partir de cette frappe à l’amble, par exemple en commençant tous les échauffements par le drive. Les appuis ainsi stabilisés pourront permettre de renforcer la « libération » articulaire du coude et de la main, plus qu’en s’engageant sur des dégagés de fond de court. L’objet de cet article est d’engager un débat professionnel sur l’enseignement d’une activité qui ne semble pas (plus) trop faire débat. De porter le débat sur ce qu’est, en fin de cursus scolaire, un élève formé et éduqué par et au badminton, sur les bagages techniques et tactiques nécessaires mais aussi sur une modélisation de l’APSA au service de l’EPS. De porter le débat sur une progression dont on pourrait penser comme allant de soi.♦
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Dix ans de badminton dans la revue EPS En étudiant la revue EPS sur les dix dernières années, Yvon Léziart confirme l’importance accordée au badminton comme discipline d’enseignement scolaire. Excepté l’année 2009, la revue diffuse, au moins une fois par an, un article sur le badminton. L’année 2010 est particulièrement prolixe puisque cinq articles lui sont consacrés, soit un article par numéro.
Dix-sept articles sont publiés dans les dix années prises en compte (janvier 2003 à janvier 2013). La distinction entre les articles sur les aspects techniques du badminton et les articles prenant le badminton pour support à des orientations globales ou au développement de capacités générales de l’élève s’impose (vivre des rencontres et apprendre à débattre, enseigner à une classe difficile, approche par compétences en badminton…). Soulignons également que le badminton est prétexte à des articles généraux sur l’EPS : compétences, badminton et foot : apprendre à faire apprendre…. Sept articles sur dix-sept sont de cette teneur. Les dix autres, abordent des questions de contenus d’enseignement de l’activité. Nous ne retiendrons que ces articles. Peut-on lire dans ces articles une évolution qui témoignerait d’un positionnement des enseignants d ’EPS sur l’enseignement du badminton ? Passe-t-on par exemple d’un enseignement technique à la recherche de stratégies gagnantes ? Les articles publiés, ne confirment pas un passage du technique au stratégique. En 2004, par exemple un auteur développe, dans un article, un cycle de dix séances sur le jeu de rupture. En 2013, un article s’intitule « Entrer par la vitesse et la maniabilité ». En début de période étudiée, les articles stratégiques sont plus nombreux et laissent place dans la seconde partie de la décennie, aux articles techniques. Est-ce pour autant une tendance dominante ? Le badminton est-il davantage pensé, par les auteurs de la revue, comme une activité technique ou comme une activité stratégique ? Si nous isolons deux articles concernant l’évaluation, les articles stratégiques et techniques sont également représentés. Les articles techniques s’attachent à l’apprentissage de l’amorti, à décider dans l’urgence, à entrer par la vitesse et la maniabilité. Les articles stratégiques développent une stratégie de rupture du jeu, une adaptation au filet pour enrichir la notion de la cible, une mise en place des défis, un jeu sur le bonus offensif.
Il apparait donc à la lecture de l’ensemble de ces articles que la distribution articles techniques, articles stratégiques,
est équilibrée et que les articles stratégiques sont tendanciellement antérieurs aux articles techniques. Il semble que la relative valorisation des articles techniques ait pour objet de combattre l’image du jeu de plage véhiculée par l’activité. Il s’agit donc de lui donner un caractère sérieux, un caractère scolaire. De même, la tendance qui conduit les enseignants à donner du plaisir aux plus faibles par le maintien de l’échange, et aux plus forts par la rupture de celui-ci, est remise en cause par certains auteurs. La cible à attaquer, par l’apprentissage de jeux de zone au sol à atteindre, apparaît aussi comme maintenant l’activité dans un enfermement du jeu pour le jeu. Jouer au badminton, c’est maitriser des éléments techniques pour dépasser l’unique plaisir du jeu (qui s’estompe s’il n’est pas enrichi) et s’engager dans une transformation de l’élève.
La tendance qui conduit les enseignants à donner du plaisir aux plus faibles par le maintien de l’échange, et aux plus forts par la rupture de celui-ci, est remise en cause par certains auteurs.
Pour conclure cette rapide analyse, n’émerge pas une vision particulièrement orientée. Les enseignants offrent, selon leur culture de l’activité et leur culture professionnelle, une entrée technique ou une entrée stratégique et tactique. L’entrée aisée des élèves dans l’activité, sans nécessité d’un bagage technique préalable, aide sans doute aux choix particuliers des enseignants. Un article (EPS n°320) confirme cette hypothèse en proposant une synthèse des diverses approches didactiques du badminton à partir des contenus distribués. Cette classification permet, selon l’auteur, à chaque enseignant de se situer et de choisir ses voies d’entrée dans l’enseignement du badminton. ♦
Philippe esterellas
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Eric Silvestri est entraineur national, en charge de la professionnalisation, l’emploi et des relations avec les universités à la fédération de badminton. Ancien enseignant d’EPS il œuvre aussi pour la formation des jeunes et une meilleure formalisation de l’activité du joueur. Ce travail, qui nous questionne, pourrait remettre en cause certaines habitudes de travail en EPS.
Quelle sont les tendances dans la réflexion sur la formation ces dernières années ?
Le badminton a subit une sorte de révolution culturelle, passant d’une conception techniciste de la pratique à une modélisation de l’activité du joueur. Je pense que toutes les fédérations sont passées par ce stade, souvent d’ailleurs sous l’impulsion d’enseignants d’EPS comme le montre votre numéro sur le Hand par exemple. En mettant en relation l’activité du pratiquant et le but de l’activité, on arrive à une modélisation autour de 3 concepts : lucidité – précision – explosivité qui permet de concevoir la formation des débutant-e-s jusqu’au plus haut niveau. La recherche d’une efficacité plus grande dans le jeu passe par le développement de ces ressources. Le travail a reposé sur l’analyse de l’activité déployée par le pratiquant ou la pratiquante et indique les voies de développement. Nous avons expliqué et détaillé tout cela dans une mallette pédagogique vendue actuellement par la fédération pour les clubs mais aussi pourquoi pas les particuliers, les enseignants d’EPS, qui souhaiteraient avoir un outil à la fois complet et synthétique. Pour clarifier, le joueur doit devenir de plus en plus :
FFBA
Peux-tu développer ?
Le secteur formation de la FFB a édité une « mallette pédagogique dispositif jeune » dont le contenu est très intéressant. Vendue au prix de 60 euros sur le site de la fédération, elle peut servir d’outil y compris en milieu scolaire. En tout cas elle mérite d’être étudiée, car elle propose une mise en oeuvre d’une conception moderne du Bad.
Lucide : c’est une autre façon de parler de « lecture du jeu », terme que l’on utilise dans d’autres sports comme les sports collectifs, auquel on ajoute une capacité à gérer ses émotions pour mieux fonder ses choix tactiques. Précis : pour envoyer le volant à l’endroit voulu et à la vitesse souhaitée. Cela demande de travailler ce que l’on appelle classiquement l’habileté (travail sur la maniabilité, le contrôle, etc.) orientée vers le but, c’est-à-dire l’atteinte de la cible adverse. Explosif : on renvoie ici à la gestion de l’effort spécifique, des efforts brefs mais intenses, la capacité à se mettre en action de plus en plus rapidement. Cela suppose par exemple d’être en tension musculaire pour réagir à un signal.
En quoi est-ce que c’est, comme tu le dis, une sorte de révolution culturelle ?
Actuellement, j’ai pu le constater lors de nombreuses formations avec les enseignants d’EPS ou des formateurs (nous avons mis en place une collaboration avec la conférence des directeurs de STAPS), qu’une approche technico-tactique classique amenait les enseignants à faire travailler les élèves sur le « dégagement » qui est une frappe main haute pour envoyer le volant le plus loin possible. Cela provoque un jeu de gagneterrain, encouragé par les conditions matérielles qui imposent souvent de travailler sur des demi-terrains. Cet axe de travail, par ailleurs répétitif, ne correspond pas à une analyse du jeu efficace. Dans le badminton moderne, le jeu s’organise tactiquement à partir de l’avant ou du mi-court, sur la largeur du
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Lucidité, précision, explosivité !
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Si on considère que, comme nous le disons encore une fois dans notre mallette, en badminton, il s’agit, dans une même frappe, de résoudre des problèmes posés par l’adversaire et lui en poser, alors le travail main basse s’impose ou obtenir des trajectoires qui laissent peu de temps et d’espace à l’adversaire pour s’organiser. Dans le badminton moderne, on gagne avec l’idée de ne pas relever le volant, en mobilisant l’adversaire sur la largeur pour rechercher tactiquement l’espace libre. Pour revenir sur le modèle que nous avons mis au point, la lucidité met l’accent sur la prise d’informations et la nécessité de développer le repérage des indices pertinents et les capacités bio-informationnelles, la précision impose le travail sur la maniabilité (prise et tenue de la raquette, capacité à en changer…) et l’explosivité sur la nécessaire gestion énergétique (nombre de sauts, de déplacements…). Est-ce que tout ça est abordé en EPS ? Pas sûr. Par exemple nous préconisons de travailler plutôt des frappes variées dans un espace proche, d’avoir une intention à chaque frappe, pour faire entrer tout de suite les jeunes vraiment dans le duel. Dans le dispositif- jeunes, nous avons établi des priorités et des modalités progressives de travail pour développer une « culture commune » du badminton. Pour terminer en EPS, d’après ce que j’ai pu voir des pratiques, des programmes et des contenus, on a tendance à rentrer par ce qu’on pourrait appeler « le volume de jeu » qui passe notamment par le jeu en profondeur. Je considère qu’il est intéressant d’entrer dans l’activité par la vitesse de jeu même chez le débutant.
plutôt parler de rencontres que de compétitions. Nous avons par exemple des formules de rencontres comme par exemple « la ronde suisse ». Son principe est simple : chaque joueur est opposé à un adversaire qui a fait, jusqu’à présent, le même parcours que lui. Le premier tour est tiré au sort. Les joueurs qui gagnent reçoivent un point, ceux qui font match nul reçoivent un demi-point et les perdants ne reçoivent aucun point. Qu’ils gagnent, perdent ou fassent match nul, tous les joueurs poursuivent le tournoi au tour suivant où les gagnants seront opposés aux gagnants, les perdants aux perdants et ainsi de suite. Au cours des tours suivants, les joueurs affrontent des adversaires qui comptent le même nombre de points (ou à peu près). Au cours d’un même tournoi, aucun joueur ne rencontre deux fois le même adversaire, et tout le monde fait le même nombre de matchs. Un dernier mot pour savoir comment évolue l’entrainement au hautniveau ?
Avant la préparation était essentiellement technique, avec un gros travail de préparation physique. Mais face aux meilleures nations asiatiques, ce n’est pas suffisant. Ils ont un tel réservoir que la sélection permet effectivement de propulser les meilleurs au plus haut niveau. Techniquement, physiquement, ils sont imbattables. La seule solution est de mieux former tactiquement, ce qui passe par la connaissance minutieuse de l’adversaire. D’autre part, la part psychologique est essentielle. Développer la « combativité » est déterminant. C’est ainsi que les Danois par exemple tirent leur épingle du jeu au niveau international, sans avoir la masse de pratiquants des asiatiques. FFBA
terrain plus que sur la longueur, à partir de frappes main basse. Au haut niveau, 70% des points joués se font main basse dans le mi-court et au filet.
Dans les propositions de la fédération, pour les plus jeunes, on voit que vous n’hésitez pas à modifier les règles des compétitions. Est-ce nécessaire ?
Dans le badminton moderne, on gagne avec l’idée de ne pas relever le volant, en mobilisant l’adversaire sur la largeur pour rechercher tactiquement l’espace libre.
Bien entendu. Nous avons mis en place de « plateaux de miniBad » pour les plus jeunes. Les modifications portent essentiellement sur la taille du terrain, la hauteur du filet, la mise en jeu et les modalités de rencontres, des matchs au temps… Un filet à 1m50, comme pour les adultes, mettrait les plus jeunes dans l’impossibilité d’attaquer et le jeu deviendrait un jeu de renvoi. La compétition est conçue par nous avant tout comme un temps d’apprentissage. Il faut donc que le jeu soit possible, qu’ils puissent se dépasser, en étant entourés par les parents et les entraineurs. Nous préférons d’ailleurs
Pour donner un exemple de ce passage du technique vers le tactique, il y a dix ans, on travaillait à être tôt sur le volant. Mais on a atteint un seuil où le monde finalement est au même niveau. Donc on s’oriente vers un travail plutôt de feinte, de masquage des coups, au contraire de frapper vite on va retarder sa frappe pour augmenter l’incertitude chez l’adversaire… ♦ Propos recuieillis par Christian Couturier
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à l’occasion des internationaux de France qui se déroulaient à Paris, symbolisant la reconnaissance de la place désormais accordée au plan international au badminton français, Baptiste Carème sélectionné en double, et Philippe Limouzin, nouveau DTN à la Fédération, font part de l’évolution du jeu au plus haut niveau. Comment caractériseriez-vous la pratique de haut niveau aujourd’hui et son évolution? Baptiste Carème. Pratiquer au haut niveau, c’est d’abord consacrer un temps énorme à l’entraînement. Ce sport exige une concentration permanente tant au plan physique que mental afin de ne pas se laisser emporter par les émotions. On en arrive à vivre en pensant tout le temps à son sport, c’est un combat dans tous les domaines. Il requiert en même temps une habileté très élaborée tant la précision doit être grande pour prendre son adversaire de vitesse. Auparavant on assistait à de longs rallyes où on promenait l’adversaire aux quatre coins du terrain pour le fatiguer avant de conclure. Aujourd’hui le badminton est un sport de plus en plus physique au sens où les déplacements sont de plus en plus anticipés : il faut bouger encore plus, aller encore plus vite, taper encore plus fort. Les asiatiques réputés pour aller très vite et taper très fort se recentrent maintenant sur les aspects tactiques après avoir vu leur domination contestée par les danois notamment qui les gênaient considérablement dans leur jeu par leurs capacités tactiques. Aujourd’hui toutes les nations tendent vers l’équilibre de ce point de vue. Baptiste Carème.
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Sentir, dans son corps, le silence de la technique pour être dans le bruit tactique
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« Le bad est mixte et non communautariste, tout le monde s’y exprime, il y règne un Fair-Play exceptionnel. »
Philippe Limouzin. Aujourd’hui on en revient aux origines de ce jeu qui est un acte tactique. En effet on mesure maintenant les limites du technicisme ; certes, comme dans tous les sports les apprentissages techniques, la condition physique, la préparation mentale sont indispensables, mais ils doivent être mis au service des problèmes à résoudre et à poser à l’adversaire. C’est le sens du jeu. Pour cela il faut acquérir beaucoup de rigueur : c’est un jeu d’adresse et d’explosivité qui exige énormément de temps d’entrainement. Comment gagne-t-on un match aujourd’hui ?
BC. En jeu il faut éviter au maximum les trajectoires ascendantes, c’est donner la possibilité de l’attaque à l’adversaire, or, tout se gagne à l’attaque. C’est un peu différent en simple et en double. En simple il faut beaucoup de vitesse, d’explosivité, les joueurs sont très secs, légers, avec beaucoup de détente (le champion du monde a 1,05 m de détente). En double aux mêmes qualités il faut aussi davantage de puissance, les deux joueurs se répartissant le terrain. Donc les joueurs de double ont tendance à être un peu plus puissant que les joueurs de simple. Dans toutes les disciplines, il faut être le plus vite possible sur le volant mais en même temps rester en équilibre pour être précis et bien se préparer pour le coup d’après, construire le point mais en même temps terminer rapidement. C’est l’objectif, mais comme les joueurs ont progressé aussi en défense on peut assister à des échanges très longs. Le principal en double c’est de faire la différence sur les quatre premiers coups : le serveur en double a une marge infime, il lui faut rechercher la précision au plus près de la bande du filet au service, pour éviter une
trajectoire ascendante et donc se retrouver le premier en situation d’attaque. Chercher, dès le retour du service à viser la zone de divorce (entre les deux joueurs), les points faibles adverses ou leurs coups préférés afin d’avoir une forte probabilité d’un type de réponse et donc de pouvoir anticiper, sont des stratégies courantes à haut niveau. PL. Je résume en une image : sentir dans ton corps le silence de la technique pour être dans le bruit tactique. Je n’ai pas peur, mon corps je ne l’entends pas et pourtant je suis sur un rythme terrible. Il faut voir la dépense physique que cela impose, c’est considérable, cet aspect est souvent méconnu peut-être parce qu’il est inimaginable. Quant à la tactique, ça fait du bruit ! Mais revenons sur l’importance de l’habileté : par exemple, le service tel qu’il est conçu donne à l’adversaire l’occasion de te battre, comment faire ? On voit bien que l’habileté technique va permettre d’éviter au mieux de faciliter l’action de l’adversaire, mais c’est dans l’objectif de l’obliger à te mettre en situation favorable pour attaquer. Les compétitions mixtes sont une grande spécificité du badminton. Qu’apportent-elles ?
BC. En double mixte, on a tendance à viser la fille. Mais c’est en même temps un piège, c’est un comportement un peu stéréotypé qui repose sur l’a priori que la fille est moins bonne en défense, qu’elle a de moins bons réflexes, en tous les cas qu’elle est moins puissante que le garçon. Ca devient un jeu très tactique qui nécessite de bien travailler les combinaisons avec son partenaire. Pourtant des fois c’est l’inverse et il m’est arrivé de chercher à déstabiliser plutôt le garçon que j’avais perçu
Posséder un large bagage technique immédiatement mobilisable pour permettre une grande disponibilité tactique permanente.
comme moins performant ou moins gênant que la fille. PL. Dans le double mixte je ne sais pas qui est meilleur, je constate que l’on cherche la fille, et celle-ci tend à poser le jeu, qu’on veut conclure sur elle, et elle remet sur l’ouvrage… la mixité au badminton, c’est la vie, la complémentarité des différences ! Faire vivre à des jeunes des défis de cette nature ensemble, ce ne peut être qu’un enrichissement. D’autant qu’à ce niveau la compétition est permanente, les joueurs sont classés, il leur faut sans arrêt se repositionner pour être mieux placés, c’est une vie terrible pour les athlètes. Le bad est donc mixte et non communautariste, tout le monde s’y exprime, il y règne un Fair-Play exceptionnel au point qu’une banale bagarre lors d’une compétition a déclenché une réaction internationale pour sanctionner les auteurs. Dès le plus jeune âge ils partent en Asie, ils jouent devant des milliers de spectateurs, dans des stades bourrés. Tout cela leur donne à voir une diversité du monde, tout en pratiquant le même sport. Ils en reviennent plus tolérants. J’aime la bienveillance dont ils sont capables. ♦ Entretien réalisé par JP Lepoix
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L’association Solibad,« Badminton sans frontières », dont le fondateur et président est Raphaël Sachetat, développe des projets caritatifs consistant à aider des enfants en difficulté dans le monde, en y associant le plus souvent la pratique du badminton. D’où est venue cette idée ?
De de mon histoire personnelle. Plus jeune je caressais l’idée de devenir médecin pour participer aux actions de « Médecins sans frontières ». Je suis devenu journaliste et photographe, tout d’abord spécialisé dans l’humanitaire, puis dans le badminton - un sport que je pratiquais depuis quelques années. J’ai donc transformé mon projet pour créer avec des proches cette association qui s’inspire des mêmes valeurs. En ce moment, nous récoltons des fonds pour aider un orphelinat en Malaisie et une communauté d’enfants séropositifs en Ouganda, comme nous développons une action de rescolarisation au Brésil en direction des jeunes d’une Favela de Recife : ils jouent au badminton chaque après-midi, en échange de quoi ils doivent aller à l’école le matin. Comment vous implantez-vous ?
Peu à peu les meilleurs joueurs au monde sont devenus nos ambassadeurs parce que l’esprit dominant est d’appartenir à une même communauté, une grande famille. Les joueurs voyagent en allant les uns chez les autres. Ils se connectent sur les forums d’échanges et trouvent facilement un logis. Au badminton, quand on se déplace, on ne va pas à l’hôtel, on va chez un joueur, une joueuse, quand bien même ils, elles ne parlent pas la même langue ou habitent à l’autre bout du monde. Les regroupements sont facilités, et on s’appuie sur des structures locales qui fonctionnent bien. L’esprit de Solibad s’appuie sur cet exemple de fraternité et le bouche à oreille fonctionne à merveille. Comment associez-vous sport et cause humanitaire ?
Quand on contacte les « ambassadeurs », on ne le fait pas pour les valoriser, nous avons l’idée de provoquer une prise de conscience chez eux du monde qui les entoure. Une sorte d’éducation des sportifs eux-mêmes. La cause devient alors un outil d’éducation et de socialisation pour eux en même temps qu’ils sont préparés à la défendre. Lors des
compétitions, comme champions, ils portent le logo de l’association et n’hésitent pas à en faire la promotion. Bien sûr cela renforce leur image mais nous ne cherchons pas à cultiver cet aspect. Il y a par ailleurs des exhibitions, c’est le sport spectacle où le sport passe après la cause, le badminton retrouve alors ses origines ludiques. Et bien sûr, l’argent collecté va sur le terrain – c’est tout de même notre objectif premier.
« Nous avons l’idée de provoquer une prise de conscience chez eux du monde qui les entoure » www.solibad.net Pourquoi ne pas mener de tels projets dans nos cités déshéritées ? Nous avons nos pauvres en France !
Dans nos projets à l’étranger nous nous appuyons sur des structures locales très fortes, en nombre d’adhérents, de joueurs de haut niveau et de moyens financiers. Crucial car Solibad est une toute petite structure. En France nous avons créé Paraplume, un travail sur le handicap (cf. article de David Toupé) où sont organisées des rencontres avec handicapés et valides sur le même terrain pour contribuer à changer le regard sur le handicap. Nous avons proposé à la Fédération française des projets communs, notamment sur le badminton dans les banlieues mais nous sommes en attente d’un accord de partenariat pour les mettre en place. Enfin notre Solibad – day marche bien : nous sommes parvenus à faire danser sur une même chorégraphie à partir de gestes de Bad, des joueurs dans 100 villes dans le monde le même jour ! Nous sommes fiers de ce chiffre record et espérons faire aussi bien lors de la prochaine édition en 2014.Le tout, avec cette maxime qui reste la mienne : « Faire des choses avec sérieux, sans se prendre au sérieux ! » ♦ Propos recueillis par JP Lepoix
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Faire des choses avec sérieux, sans se prendre au sérieux !
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Le Parabad
dans tous ses états ! C’est en fin de rééducation après mon accident de ski en 2003 que j’ai voulu me remettre à jouer. J’avais fait des études de kiné et je faisais partie du staff médical de la Fédération française de badminton, j’étais aussi ex joueur valide, alors, tenter de développer le badminton pour les personnes handicapées devenait à la fois logique et indispensable pour moi. La chose n’a pas dû être facile, comment cela s’est-il passé ?
Avec un entraineur, nous nous sommes déplacés sur un tournoi international, sans y participer, et nous en sommes revenus convaincus de l’intérêt et de la nécessité de développer le Parabad en France où rien n’existait, et où il suffisait, dans un premier temps, d’importer les règles existant à l’étranger. Parallèlement j’ai repris des études et obtenu un master d’Ingénierie de la santé spécialisé dans le handicap, à travers lequel j’ai effectué un stage à la fédération française de badminton (FFB). A cette époque 85% des clubs étaient ignorants de la pratique pour les joueurs handicapés, mais par contre ils étaient prêts à les accueillir. En 2006, avec le DTN adjoint, nous mettons au point un plan d’action, au sein de la FFB, avec une plaquette d’information (le para badminton : pour qui ? Pourquoi ? Comment ?) à destination des clubs, des ligues et comités départementaux. La direction technique prend aussi en charge une formation de futurs entraineurs débouchant sur un diplôme d’initiateur de parabad, constituant les premières bases d’accueil du public handicapé : des connaissances
théoriques et pratiques sur le handicap au plan général, ainsi que des bases d’initiation élémentaires dans des situations de jeu possibles. Mon palmarès, et mon passé me permettent de faire concevoir que l’accueil devait être d’abord celui de sportifs avant celui de handicapés et d’éviter l’amalgame parabad= pratique en fauteuil. En effet, il existe cinq catégories de joueurs : les personnes handicapées du membre supérieur du côté non raquette, des membres inférieurs joueurs debout (grand terrain ou ½ terrain selon l’atteinte du handicap), en fauteuil avec ou sans abdos. Et puis, avec le temps et de l’énergie, malgré quelques réticences institutionnelles, le parabad prend son essor. Quelles sont les adaptations matérielles et règlementaires pour le para badminton ?
Le parabad se joue sur le même terrain, avec le même filet, les mêmes raquettes et les mêmes règles que pour les valides. Seule une adaptation des espaces de jeu est mise en place : la pratique en fauteuil et des joueurs debout qui n’ont pas de déplacements latéraux se joue sur demiterrain dans le sens de la longueur. Les fauteuils sont semblables à ceux utilisés au tennis ou au basket avec des roulettes anti-bascule et des dossiers parfaitement ajustés en fonction de la nature du handicap. Comme les règles sont semblables, rien ne s’oppose à des rencontres valides-handicapés sur le même terrain, elles existent d’ailleurs à l’entrainement dans les clubs, même s’il n’y en n’a pas au plan officiel. La nécessité de disposer d’une
La gestuelle valide exige beaucoup de relâchement, la pratique handicap exige puissance et force pour le déplacement, relâchement et vitesse pour la frappe.
double licence (FFB et FFH, Fédération Française Handisport) ne facilite pas les choses. Mais le changement de présidence à la FFB, par contre, laisse espérer qu’au-delà du seul débouché international, les rencontres de para badminton, les rencontres mixtes valides-handicapés, vont pouvoir trouver légitimité et développement sur le territoire national. Quelles sont les qualités fondamentales des joueur(euse)s handicapé(e)s ?
En compétition les fondamentaux sont les mêmes que pour les valides : déplacement, frappe, replacement. Mais il faut maitriser une coordination complexe entre propulsion des deux mains sur le fauteuil, avec la raquette, et libération d’une main pour la frappe. La gestuelle valide exige beaucoup de relâchement, la pratique handicap exige puissance et force pour le déplacement, relâchement et vitesse pour la frappe. Tu viens de remporter une prestigieuse victoire en double aux paramondiaux. Pourquoi le double ? Qu’apporte- t-il d’intéressant par rapport au simple ?
Lorsque je jouais en équipe nationale « valide », j’étais spécialiste de double. Ce titre mondial en double me rappelle « mes premières amours » et est tout un symbole. C’est un vrai partage sur le court et cela me permet d’être plus exigeant dans mon jeu et pour mon partenaire. Même si la tactique de double en para badminton est totalement différente qu’en valide, notamment par le jeu d’attaque qui se traduit plus par l’utilisation des espaces adverses libres que par des smashs. Et en simple nous jouons sur demi-terrain en fauteuil ; le double nous permet donc d’utiliser des trajectoires sur la totalité du court, donc plus de perspectives, plus intéressant à mon goût! ♦ Entretien réalisé par JPLepoix
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Membre de l’équipe de France jeunes de badminton, David Toupé est victime d’un accident qui le rend paraplégique. Dès lors il n’aura de cesse de développer son sport pour les personnes handicapés tout en poursuivant sa trajectoire sportive autrement mais jusqu’à l’excellence, puisqu’il vient de décrocher la médaille d’or en double aux mondiaux de Dortmund.
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Hervé saby
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Programmes : attention aux contresens ! Léo Cantié enseigne au Collège Alain ZEP à Carcassonne (11), et anime depuis 1989 l’AS
badminton ; il a été responsable de la section sportive du Collège du Bosquet à Bagnols sur Cèze ZEP (30) jusqu’en 2006. Il est actuellement entraineur au Badminton Club de Trèbes (FFBAD). C’est au titre de ses expériences variées que nous sollicitons son point de vue sur les textes en vigueur en EPS.
La certification au DNB est le dernier texte officiel en date. Quel regard portes-tu sur les textes en EPS ?
A tout âge, quel que soit le niveau, chaque joueur est confronté à des choix de nature stratégique, c’est déterminant dans des activités comme le badminton. Toutefois les réponses des élèves peuvent être très rudimentaires avant de devenir au fil des apprentissages de plus en plus élaborées. Les textes donnent des éléments sur la construction de l’échange en proposant de faire évoluer les conduites offensives. Mais il est difficile de comprendre la gradation, la hiérarchie des savoirs enseignés dans le cursus des élèves, du niveau 1 au niveau 5. Ensuite, contrairement aux sports collectifs, rien n’est dit dans la compétence attendue à propos de : - l’activité défensive du joueur. L’adversaire va frapper, où suis-je, quels indices ai-je sur l’endroit où va aller le volant, est-ce que je peux anticiper la suite ?
- la prise d’information sur ce que fait l’adversaire avant de décider vers où (longueur, hauteur, direction) et comment (choix de la technique) je vais frapper le volant. C’est le rapport entre ce que m’impose, ou pas, l’adversaire et les solutions dont je dispose qui caractérisent le rapport de force, ma situation de dominé ou de dominant. Dans ce contexte, comment parler d’une construction offensive sans dire quelle est la nature de l’obstacle à vaincre ? Si quelqu’un en face de moi se place plus ou moins au hasard, si son action est limitée à telle ou telle partie du terrain, je ne vais pas agir de la même façon… à condition de le voir. Reprenons l’intitulé des niveaux, les compétences attendues, du Collège au Lycée : N1 : En simple, rechercher le gain loyal d’une rencontre en choisissant entre renvoi sécuritaire et recherche de rupture sur des volants favorables par l’utilisation de frappes variées en longueur ou en largeur.
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N2 : Rechercher le gain d’une rencontre en construisant le point, dès la mise en jeu du volant et en jouant intentionnellement sur la continuité ou la rupture par l’utilisation de coups et trajectoires variés. N3 : Pour gagner le match, s’investir et produire volontairement des trajectoires variées en identifiant et utilisant les espaces libres pour mettre son adversaire en situation défavorable. N4 : Pour gagner le match, faire des choix tactiques, et produire des frappes variées en direction, longueur et hauteur afin de faire évoluer le rapport de force en sa faveur. N5 : Pour gagner le match, concevoir et conduire des projets tactiques en enrichissant son jeu (varier le rythme, masquer les coups, …) face à un adversaire identifié. L’idée d’un adversaire n’apparait qu’au lycée (N3), la notion de choix tactique et de rapport de force qu’au niveau 4 et celle d’ « adversaire identifié » uniquement pour les options (N5). Au passage, on peut penser qu’au niveau 4, celui attendu au BAC, l’adversaire n’est pas identifié : quelle est donc la nature des choix tactiques avant le niveau 5 si l’adversaire n’est pas identifié ? Si les textes officiels n’ont pas hiérarchisé et clarifié de façon nette ce qu’il y a à apprendre aux élèves au cours de la scolarité, il me semble qu’ils peuvent induire des contresens sur ce qu’il y aurait à enseigner : un élève qui alterne les frappes (des coups et des trajectoires variées) peut donner l’illusion qu’il construit le point alors qu’en fait il ne s’occupe pas de l’adversaire. A quel moment, dans le cursus, faut-il amener les élèves à réfléchir sur la caractérisation de l’adversaire, ses points forts, ses points faibles ? à quel moment dans le cursus, faut-il apprendre aux élèves à regarder, pendant l’échange, celui qui est en face ? S’agit-il d’apprendre aux élèves des productions de trajectoires ou bien de construire le gain, en utilisant des trajectoires, des « suites » de trajectoires efficaces, pour mettre en difficulté un adversaire singulier ?
au fil de ses progrès, des suites d’images, puis un véritable film. Cette métaphore est assez efficace pour comprendre ce que pourrait-être le parcours d’un élève dans sa scolarité. La prise d’information, en direct, pendant l’échange, peut s’accompagner de l’activité intellectuelle des élèves entre les échanges et au fil du match. Cela fait partie intégralement de la culture de l’activité : savoir repérer ce qui est efficace pour marquer et ce qui ne marche pas, ce qui permet de bien défendre et bien attaquer, dans la même frappe. Tout ça pour dire, qu’à mon sens, un des gros problèmes des programmes (et par contrecoup de l’évaluation) du N1 au N4, est bien le fait que l’adversaire, et surtout son activité, ne sont pas identifiables. En définitive, plus les élèves seront capables d’envoyer le volant partout, et sous toutes les formes, plus on pourra avoir de certitudes sur leur motricité, leur technique, mais rien n’indiquera qu’ils se sont approprié la compétence à conduire et maîtriser un affrontement individuel. Par exemple pour avoir entre 10 et 16 au BAC : « Le candidat a identifié certains de ses points forts, il propose et tente de les utiliser le plus souvent possible. La relation avec les possibilités de l’adversaire apparaît » : la dernière partie de la phrase me laisse dubitatif… Venons-en maintenant à l’évaluation et aux critères retenus. Qu’est-ce qui est le plus marquant ?
Le découpage des points repose sur 3 catégories au DNB (la fiche bac propose d’autres pistes plus fructueuses) : « l’efficacité dans le gain des points et des rencontres », « l’efficacité dans la construction des points » et l’efficacité dans la gestion du tournoi, tenue des rôles, et aide à un partenaire ». Pour ce qui est des deux premiers, on peut légitimement se demander si ce n’est pas, dans le meilleur des cas, redondant, et, dans le pire des cas, contradictoire. La logique de séparation des critères dans l’attribution des points repose sur l’idée qu’un élève donné pourrait avoir une bonne note sur un critère et une mauvaise sur l’autre, que ce sont deux choses différentes qui sont notées. Sinon il est inutile de les séparer. Peut-on dire qu’un élève est très efficace dans le gain des points et peu efficace dans la construction du point ? à l’inverse la construction du point peut-elle être efficace, dans le cadre d’une activité où, rappelons-le, la finalité identifiée par la compétence est de « rechercher le gain d’une rencontre », si elle ne débouche pas sur le gain du point ?
Je pense que, sans être formellement fausse, cette façon d’énoncer les choses peut amener des contresens en contournant la difficulté de définir précisément l’enjeu tactique. Ça pourrait en effet laisser penser que, finalement, le badminton est une activité de « production de trajectoires variées ». De plus, ce terme est employé dans tous les sens, à propos des frappes (N1, N4), des trajectoires (N2, N3), des coups (N2), du rythme (N5)...
Pour ce qui est des points attribués pour le coaching... je trouve que c’est très intéressant dans le cadre de l’enseignement, mais je ne suis pas sûr du tout qu’il faille le faire rentrer dans une note certificative. On peut considérer que le travail d’échange, entre joueur élève et coach élève, est un excellent moyen pour faire progresser les élèves dans la compréhension de leur jeu, dans leurs choix, et au final dans l’acquisition de la compétence attendue. Par ailleurs, il faudrait, pour l’évaluer a minima, comparer ce que dit l’élève « coach » avec ce que dirait le prof pour pouvoir noter : partagent-ils le même point de vue sur la prestation du joueur observé ? Dans ce contexte, l’évaluation me parait très difficilement réalisable.
L’objet de l’enseignement devrait consister à enseigner la culture de l’activité, sa complexité, sa richesse. Si un débutant ne voit pas celui qui est face à lui, et n’en tient pas compte, il faudra l’amener à capter des images brèves, puis
En effet il faut évaluer chaque élève quand il joue (avant coaching et après coaching) et évaluer ce que le coach dit (conseille) à propos du jeu, avant son intervention : quid de l’autonomie du joueur conseillé, de la validité des conseils et
Le vocabulaire des textes répète le terme « varié » dans tous les niveaux. La variété semble donc être un objet d’apprentissage ?
vladimir cruels
Un des gros problèmes des programmes (et par contrecoup de l’évaluation) du N1 au N4, est bien le fait que l’adversaire, et surtout son activité, ne sont pas identifiables.
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de l’influence sur la suite de la prestation du joueur évalué ? Comment l’autre joueur va-t-il lui aussi réagir ? Quelle incidence du bon coach sur le résultat du match qui peut aussi rapporter des points. Et si le coach donne de mauvais conseil ? L’attribution de ces quatre points peut difficilement se réaliser sérieusement lors d’une séance d’évaluation terminale. Le professeur doit assister aux matchs pour évaluer les joueurs mais aussi et surtout les coaches : en conséquence le professeur doit voir beaucoup de matchs pour évaluer les élèves, et écouter tous les coaches. Les matchs peuvent avoir lieu, lors d’une séquence de 2 heures, mais le professeur lui, ne peut-être que sur un terrain à la fois…Dans ces conditions, je pense qu’il vaut mieux s’abstenir. Quelles seraient tes pistes de réflexion pour changer les textes ?
Si on était capable de bien définir ce qui est attendu, la réalisation de l’évaluation serait bien plus facile. Travaillons d’abord sur ce qu’on veut que les élèves apprennent. Sur la scolarité, l’enseignement du badminton en EPS pourrait se donner comme ambition quatre choses essentielles : – Enseigner les outils permettant aux élèves d’être plus maîtres de leur destin, plus autonomes, plus intelligents dans : construire de la tactique (choix contre un adversaire particulier), de la stratégie (se constituer et utiliser une bibliothèque de solutions générales ou de principes) pour attaquer, pour se défendre.
Pour le coaching... je trouve que c’est très intéressant dans le cadre de l’enseignement, mais je ne suis pas sûr du tout qu’il faille le faire rentrer dans une note certificative.
– Apprendre aux élèves les éléments techniques minimaux (au vu du temps disponible) pour réaliser leurs intentions au fur et à mesure de leur scolarité. – Apprendre aux élèves à rechercher et utiliser les informations (visuelles) pendant l’échange pour faire des choix en direct. – Apprendre à travailler en partenariat : se faire travailler à tour de rôle, pendant les exercices techniques, s’observer et débattre, après des séquences où l’un des deux joue contre un autre. Apprendre à conseiller tactiquement un partenaire pendant une séquence de jeu. La question de la programmation devrait sans doute être revue pour voir, autour de ces quatre axes, comment organiser, eu égard à l’âge et aux ressources des enfants, ce qui est possible et aurait du sens pour eux. ♦ Entretien réalisé par Christian Couturier
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Controverse
à quand
les niveaux 3 et 4 ? Marine Duréault enseigne au SUAPS de Rennes. Spécialiste de badminton, elle est aussi
responsable régionale jeune et entraineur. Elle pose la question de l’enseignement, après les classiques deux premiers cycles en EPS.1
Les niveaux 3 et 4 (comme les précédents d’ailleurs) devraient, selon moi, être organisés autour de la notion d’intentionnalité, qui pourrait être travaillée à partir de contraintes, plus ou moins fortes, pour avancer en même temps sur l’ensemble des ressources motrices, décisionnelles, émotionnelles et informationnelles. Enrichir les intentions et les moyens de ses intentions
Prenons l’exemple d’élèves qui frappent majoritairement le volant fort (récurrence du smash). Pour les inciter à construire l’échange différemment, je n’interdis pas le smash, mais n’en autorise qu’un seul par échange, pour les amener à identifier le moment pertinent pour produire cette trajectoire de rupture. Dans le même ordre d’idées, il me semble intéressant de valoriser le gain de l’échange sur smash, mais aussi la défense sur smash: + 3 points pour les deux. Ainsi, ici sont valorisées à la fois la pertinence et l’efficience de trajectoires d’attaque et de défense. Avec l’acquisition du niveau 2, les élèves se rendent vite compte qu’un des principaux espaces faibles est l’espace
espace et pour certains, la fixation (entendue comme retard de frappe) apparaît.
« fond de court revers » adverse. En effet, il est difficile pour les élèves de varier leurs réponses depuis cet espace. Pour permettre aux élèves d’enrichir leurs réponses, il est possible de poser la contrainte suivante : la frappe en revers haut depuis le mi court jusqu’au fond de court est interdite. Afin d’amener l’élève à s’organiser (sur des trajectoires montantes) à contourner le revers. Si le volant est haut, cela signifie qu’il est possible de s’organiser, au niveau des appuis, pour se mettre en situation de frappe en coup droit et ainsi accroître la variété de trajectoires. Autre possibilité : pour centrer l’élève sur la compréhension des moments favorables pour gagner l’échange, il faut valoriser les points marqués depuis sa zone des trois mètres (du filet jusqu’à 3 m) : l’idée étant d’amener l’élève à construire l’échange (fixer pour déborder… ) pour obtenir des volants favorables, dans cet espace, et déclencher la rupture (je l’appelle « zone de marque »). On l’amène ainsi à varier les trajectoires (kill, poussé offensif, contre-amorti…) depuis cet
Ici sont valorisées à la fois la pertinence et l’efficience de trajectoires d’attaque et de défense.
Je vise toujours le travail sur l’intentionnalité avec la mise en place d’une situation qui valorise la qualité tactique du serveur mais aussi celle du receveur. Ainsi, les élèves marquent 3 points si l’échange est gagné sur une des quatre premières frappes de l’échange. On incite l’élève à prendre des risques au service, notamment à rechercher des variations plus fines des trajectoires émises. De même, le receveur est incité à prendre l’initiative sur un service « moyen » ou alors à produire une trajectoire lui permettant de rentrer dans l’échange. On travaille ainsi aussi bien sur l’attaque que la défense. Ces différentes propositions permettent de rester dans la gestion du rapport de force. De plus, elles amènent les élèves à vouloir répéter des enchaînements plus techniques pour les stabiliser. A nous de proposer des situations en limitant plus fortement les incertitudes mais qui laissent toujours un choix à l’élève. Construire des indicateurs fiables
Pour aider l’élève à enrichir les moyens de ses intentions, il me semble nécessaire qu’il ait des indicateurs signifiants. Souvent nous disons aux élèves de « frapper en avançant vers le volant » ou « tu as frappé en déséquilibre arrière ». Ces retours verbaux ne sont pas toujours suffisamment explicites pour l’élève. Il faut aller vers des sensations plus fines. Le recours à la vidéo me semble un outil intéressant. Le feed-back visuel immédiat aide l’élève et j’ai pu constater des modifications rapides. La généralisation des tablettes peut permettre de développer ce travail. ♦ Entretien par Christian Couturier 1. Vous trouverez sur le site epsetsociété.fr des situations plus détaillées proposées par l’auteur
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La littérature EPS met beaucoup en avant les niveaux 1 et 2 des programmes scolaires. La formation des enseignants aussi, que ce soit dans la formation initiale ou dans la formation continue. Je pense qu’il faudrait s’intéresser de plus près aux niveaux 3 et 4. Le niveau 4 est le niveau qui devrait être atteint par une grande partie des élèves au bac général ou professionnel, cela permettrait de mieux cibler et orienter les niveaux 1 et 2.
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Christiane Roustan a soutenu une thèse en 2003, sous la direction de S.Joshua.
Cette thèse intitulée « La mise en place d’un milieu pour l’étude d’une APS au C.P. : le cas du badminton » garde son actualité. En effet l’essentiel de ce travail porte sur la mise en place et l’adaptation des séances en fonction des réponses fournies par les élèves. Il va de soi que le travail réalisé au C.P. se transfère aisément aux classes de collège et de lycée. Ce résumé écrit très simplement est à notre sens utile à chacun pour réfléchir à la façon de construire son enseignement en badminton et dans toutes les disciplines sportives supports de sa pratique.
Notre thèse s’appuie sur le constat suivant : quand l’EPS existe dans le premier degré, la base culturelle des savoirs (les APSA) est d ’autant plus réduite que les enfants sont jeunes. Nous avons pris le contrepied de cette tendance dominante en poussant notre choix au maximum : montrer que les élèves de C.P. (5-6 ans) peuvent, à certaines conditions, entrer dans une pratique scolaire du badminton, quand le milieu didactique est construit à cet effet.
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Cette option délibérément culturaliste a nécessité de construire un milieu pour l’étude (Joshua Félix 2002) spécifique à cette tranche d’âge. Ce concept issu de la didactique des mathématiques peut être caractérisé ainsi : il s’agit d’un « enclos » défini dans l’espace et le temps où l’enseignant installe des objets, des règles, des prescriptions afin de solliciter l’activité adaptative des élèves. Ce milieu inclut des « trous » ou des « ignorances », que nous nommerons problèmes, que
les enfants doivent résoudre pour passer d’une motricité usuelle à une motricité nouvelle plus élaborée. Ce milieu est labile avec des temps adidactiques et d’autres plus didactiques car en fonction des réponses des élèves cet enclos évolue. Il est co-construit. Cela signifie que ce qui est mis en place par le maître à des fins d’apprentissage subit des transformations apportées par les élèves. Ceci est déterminant dans le détour didactique car ce sont bien les apprenants qui autorisent à dire que ce milieu est adapté. Les réponses sont la base de cette coconstruction : aberrantes, le milieu est inadapté, entièrement positives, le milieu est insignifiant (du point de vue des apprentissages), partiellement significatives, elles orientent la reconstruction. Dans une situation très didactique de « mise en jeu » du volant, où nous avions construit un milieu dans lequel les enfants devaient frapper le volant pour atteindre des hauteurs différentes sur un mur, à partir de cerceaux à des distances progressives, ceux-ci ont évacué la plupart des contraintes pour ramener la tâche à une pratique quasi exclusive : la coïncidence tamis-volant. A cet âge, à ce niveau de coordination, ce problème, identifié par la totalité des élèves, élimine et occulte tous ceux inclus dans la tâche. Co-construire, à ce moment,
a constitué, dans un premier temps, à « accepter » que certains paramètres de la tâche de guidage sur les représentations dominantes soient oubliés (hauteur sur le mur, distances variées des cerceaux...) afin de centrer l’activité de guidage sur leurs représentations dominantes : comment parvenir à la coïncidence tamis-volant ? Les réponses sont multiples. Les élèves en difficulté, vont jusqu’à poser le volant sur le tamis. Pour la majorité des élèves, le volant lancé pose le rôle spécifique du bras concerné. Enfin, pour les plus prometteurs, c’est le rôle du bras lanceur (amplitude de l’armé, orientation du tamis…) qui est objet de formation. Ces observations justifient un étayage personnalisé. Ces faits que les enseignants connaissent bien, permettent de préciser ce que nous entendons par co-construction. Ce n’est pas un renoncement du maître, ni une soumission aux caprices des élèves, mais une recentration nécessaire sur « l’ignorance » que les élèves isolent des autres contraintes et qui est souvent le facteur déclencheur des apprentissages sollicités par l’enseignant. Ce travail a été fortement influencé par les données de la didactique des disciplines cependant la plupart des concepts doivent être transposés, précisés, adaptés à la nature des savoirs de notre discipline, qui sont
Ce qui est mis en place par le maître à des fins d’apprentissage subit des transformations apportées par les élèves. Ceci est déterminant dans le détour didactique car ce sont bien les apprenants qui autorisent à dire que ce milieu est adapté.
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Savoir ce qu’il y a à apprendre, vérifier ce qui est appris
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labiles, fluctuants et peu modélisables. En EPS, le corps est objet et sujet de transformation. Il constitue en ce sens, une composante majeure du milieu. De plus les notions de « trous » et « d’ignorances » sont, pour nous, davantage des obstacles d’ordre technique et non d’ordre épistémologique. En les surmontant, l’élève accède à des modes opératoires nouveaux, mieux élaborés, pertinents et propres au milieu installé.
fort), anticiper les déplacements et les replacements dans un équilibre postural adéquat. -Ces savoirs déclinés, quelles réponses (en C.P.) témoignent d’apprentissages effectifs ?
Nous poursuivons ce résumé, en déclinant notre démarche de construction de milieu pour l’étude du badminton pour les élèves de C.P. au travers d’un emboitement interactif de questions-guides du travail d’enseignement et d’apprentissage des élèves. La première série touche au badminton, ce qui le fonde, le caractérise et ce qui va concerner des enfants de 5-6 ans dont les ressources sont minimales eu égard aux exigences de cette activité. Les notions de duels, d’incertitudes temporelles et spatiales devant organiser l’activité adaptative des élèves. Nous avons retenu que la mise en jeu, l’accès au renvoi et l’intégration de certaines règles constitutives de l’activité, structureraient notre milieu didactique. Corrélativement il nous a fallu inventorier ce que ces choix allaient exiger de nos élèves. Après avoir élucidé ces contraintes nous avons induit les problèmes auxquels les enfants allaient être confrontés et qu’ils devaient résoudre, au moins partiellement, pour entrer dans une motricité nouvelle. Ces problèmes sont potentiellement porteurs de savoirs et savoir-faire à construire pour dépasser l’échec initial qui marque tout apprentissage nouveau. Enfin, car tout enseignement nécessite évaluation, nous voulions repérer des réponses significatives, preuves des apprentissages effectués.
Spécifions cet emboitement, sorte d’algorithme, à propos du renvoi, deuxième objet d’enseignement de notre milieu. -Quel que soit le niveau, le sujet, le contexte, au badminton il est nécessaire de renvoyer le volant pour rompre l’échange ou le continuer. Cette contrainte de l’APS exige de l’élève que dans la même action de frappe de renvoi, il défende son camp tout en tentant d’attaquer la cible adverse. Selon le contexte spatio-temporel l’attaque consistera soit à rompre l’échange en sa faveur soit à le continuer. -Ces exigences engendrent des problèmes soumis aux élèves : comment être au rendez-vous avec le volant reçu ? Comment s’organiser corporellement pour renvoyer avec le maximum d’efficacité ? Comment se préparer à enchainer les actions si nécessaire ? Les réponses à ces questions impliquent de construire des savoirs et savoir-faire nouveaux : effectuer une lecture active et précoce de la trajectoire reçue, produire des frappes maitrisées en précision et/ ou en vitesse (jouer placé, vite et/ou
Une recentration nécessaire sur « l’ignorance » que les élèves isolent des autres contraintes et qui est souvent le facteur déclencheur des apprentissages sollicités par l’enseignant.
Cet inventaire a constitué le cadre macro didactique à partir duquel nous avons construit le milieu pour l’étude et observé l’activité et les transformations des élèves. Cette démarche était portée par une double exigence : savoir ce que nous voulions que les élèves apprennent et pouvoir vérifier ce qu’ils avaient réellement appris. Les apports d’une recherche sur le terrain de l’enseignement ne peuvent qu’être incidents. La spécificité de notre population témoin (des élèves de C.P.) est telle que l’enseignante du second degré ne peut y jeter qu’un regard curieux. Par contre, tout le champ conceptuel, toutes les analyses transpositives, les études qualitatives de la motricité, la méthodologie évaluative et les données scientifiques touchant aux théories de l’apprentissage, au développement de l’enfant, à l’étude technique, historique d’une APS constituent le quotidien du professeur d’EPS et l’interrogent. En ce sens, nous pensons que notre travail correspond à un éclairage possible, particulier, de ce qui mobilise la pratique éducative. Nous savons aussi que chaque modèle théorique a son pouvoir explicatif, donc ses limites. Si la prudence est de mise dans l’appropriation des données de la recherche sur le terrain de l’enseignement, le dialogue entre chercheur et praticien doit alimenter les avancées de chacun. Au chercheur de trouver les moyens de diffuser son travail hors du champ restreint des laboratoires, à l’enseignant de puiser dans ce terreau épars et multiforme des connaissances scientifiques ce qui éclaire sa pratique et lui permet de la transformer positivement. ♦ Document recueilli par Y. Leziart
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Des mises en action au minimum à partir du sommet de la trajectoire reçue, des frappes régulées (forme, orientation, force), une diversification gestuelle (selon les zones de frappe).
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Rencontre
Journaliste à L’équipe Magazine, Benoît Heimermann a également publié plusieurs ouvrages consacrés au sport. S’il conserve un mauvais souvenir de ses séances d’EPS des années soixante, il n’en est pas moins resté un passionné de sport et d’aventure. Observateur attentif, il milite pour un sport aux liens forts avec les autres activités culturelles.
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En 2006 vous écrivez un ouvrage « Aventuriers », une rencontre avec treize hommes remarquables : « les chevaliers de l’inutile, au-delà de l’exploit ». Vous parlez d’eux comme des personnes pleines d’humilité et d’authenticité. Les adeptes de la performance dans les stades et dans les grands rendez-vous sportifs en seraient-ils dépourvus ?
J’ai toujours été passionné par le sport et de façon annexe par l’aventure, notamment en mer et à la montagne. Les personnages dont je parle sont d’une autre époque, ils ont ouvert une porte, ce sont des pionniers, il leur a fallu une forme d’audace, presque d’inconscience, pour réaliser leurs rêves…pour enlever leur masque au sommet de l’Everest par exemple, qu’on ne retrouve pas dans le geste sportif qui a un côté plus répétitif. Certes il y des barrières en matière de record, mais qui n’ont pas la même valeur que dans l’aventure où il y a mise en péril physique et psychologique. En sport on est plus souvent dans la logique d’améliorer l’existant, rarement dans l’inconnu qui est la permanence de l’aventure. Mais Il y a bien aujourd’hui, c’est vrai, certains sports où le jeu avec la mort, l’ordalie, constitue en quelque sorte le moteur et où on touche à un certain état de grâce comme chez ces aventuriers on accédait à une sorte de monde intermédiaire, un peu irréel quand même, et qui n’a rien à voir, bien sûr, avec un saut en hauteur ou un match de tennis. En 2007 vous publiez « Parlons sport » où vous interviewez des personnalités aussi différentes que Woody Allen, Raymond Depardon ou encore Michel Serres…Que cherchez-vous à dire ?
C’est une sorte de processus continu. Avant notre génération, le sport était défendu comme un monde exclusif, hors du périmètre du stade tout ce qui pouvait interférer avec le sport était considéré comme pollution. Puis dans les années 80, Il y a eu une confrontation entre deux mondes : celui des journalistes issus des centres de formation qui avaient une connaissance
olympique ! Comment dans un monde en crise, le sport pourrait-il être préservé ? Aux JO, les pays organisateurs perdent, les annonceurs gagnent. La machine s’est emballée, je ne crois pas à des jeux plus petits : si on supprime un sport c’est le tollé, et il y en a toujours plus qui frappent à la porte. A chaque nouvel évènement il faut un nouveau stade…Pour autant la magie persiste, le rapport d’admiration et d’identification aux athlètes fonctionne, même si personne n’est dupe. C’est l’exemple du cyclisme : les scandales du tour de France, les arrangements de l’UCI, l’ambiance délétère du peloton…n’ont pas entamé l’enthousiasme du public et il n’y a jamais eu autant de cyclistes en France ! beaucoup plus large, plus généraliste, intégrant les phénomènes sociaux, avec celui des jeunes, formés sur le tas, qui avaient une connaissance très pointue, spécialisée dans le sport, sans doute meilleure que la nôtre, mais moins ouverte sur l’extérieur. Nous avons su favoriser cette bascule, le dopage y a contribué sans doute, consistant à considérer le sport comme une activité normale. Devenant moins marginalisé, donc moins idéalisé, il reflétait l’état de la société, il était à son image, on gagnait en lucidité : on passait des Apollons mythifiés, à des gens normaux, un peu plus doués que la moyenne, mais comportant des tricheurs et des intègres. Le sport devenait ainsi phénomène culturel. On était tous passionnés par cette bascule qui nous éloignait du dualisme et faisait le lien avec la société. Malgré tout il persiste un anachronisme chez nous : comme dans les pays latins, nous avons un quotidien sportif en France, l’Equipe, il n’y en a aucun dans les pays anglo-saxons, qu’on ne peut pourtant taxer d’anti sport, mais qui ont su intégrer le sport dans l’information généraliste. Il persiste donc des résistances, mais ça avance. Cet enchevêtrement du sport avec les autres domaines de la vie est manifeste avec les JO. On en a fini avec l’esprit
Poursuivant vos réflexions dans d’autres ouvrages, vous persistez dans cet esprit de renforcer les liens entre le sport et son environnement, en présidant une association d’écrivains sportifs, pouvezvous en faire la présentation ?
L’association des écrivains sportifs « a pour objet de promouvoir le sport dans toute sa dimension culturelle et éducative à travers la littérature et toute autre forme de médias. Son but: le perfectionnement humain à travers l’idéal sportif ». Outre les réunions et manifestations qu’elle organise dans cet esprit, chaque année elle délivre des prix* rangés en plusieurs catégories attribués par un jury attentif tant à la qualité de l’écriture qu’à l’originalité et la pertinence du contenu des diverses publications. ♦ Entretien réalisé par JP Lepoix *Grand prix sport et littérature : « Le Ring invisible », Alban Lefranc (Ed. Verticales / Gallimard). Prix étrange : « De la boxe », Joyce Carol Oates (éditions Tristram). Prix du document sportif : « Desports », revue trimestrielle (éditions du sous-Sol). Prix de technique et pédagogie sportive « Rugby, Techniques et Skills. Formation du joueur débutant au joueur confirmé », Serge Collinet (éditions Amphora). Prix de la carrière : Pierre Louis Basse. Prix du commentateur sportif : Christian Olivier. Prix du beau livre : « François Cevert, pilote de légende », Jacqueline Cevert-Beltoise et Johnny Rives (éditions L’Autodrome).
Magazine
Entretien avec Benoit Heimermann.
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Grand Format
éthique du sport sous la direction de Bernard Andrieu
Cet ouvrage sur l’éthique et le sport parait après un long silence sur ce thème. Ce silence s’explique l’affirmation de deux thèses contradictoires : une vision apologétique, angélique (P. de Coubertin) du sport et une vision critique sans concession de ce dernier (J-M Brohm). L’opposition terme à terme de ces deux thèses a figé durant un certain nombre d’années les débats et a nui à une réflexion approfondie sur cette question. Ce temps est révolu. Nous entrons, avec ce livre dans une période de dépassement des positions antagonistes. Cet ouvrage imposant (800 pages) fait appel à de nombreux contributeurs (80). Cette grande disparité des contributions rend la recherche de l’unité théorique de l’ouvrage illusoire. Sans doute faut-il estimer que les articles du directeur de publications indiquent les orientations données à chaque contributeur et peuvent de ce fait jouer le rôle de textes de référence. Pour structurer cet ouvrage et lutter contre le sentiment de dispersion, B. Andrieu, regroupe les contributions en trois grandes parties : une morale universelle ?, l’éthique appliquée et une agentivité éthique. La morale universelle consiste en une analyse des règles et obligations morales qui constituent la morale humaniste en revendiquant la non violence, l’égalité, l’équité et la paix. L’éthique appliquée recense, pour l’auteur, les conflits entre les règles universelles et la multiplicité des cas particuliers que génère aujourd’hui la mondialisation sportive. Il s’agit donc de réfléchir à partir des pratiques sportives aux contestations, remises en cause, évolutions de la morale sportive universelle. Enfin, la troisième partie, analyse les effets de l’inventivité humaine, de la création de valeurs morales par les actrices et acteurs du sport. Ainsi se développe une normativité éthique. B.Andrieu parle alors d’éthique en première personne. Cet ouvrage ouvre la réflexion sur un champ un peu oublié au cours des décennies précédentes. B.Andrieu s’attache donc dans ses différents articles à recenser de manière la plus exhaustive possible les diverses productions sur ce thème, depuis la
naissance d’un champ de réflexion sur les activités physiques et sportives. Ce recensement montre, entre autres, que malgré un relatif effacement de l’intérêt porté aux questions de morale, les productions ont existé et qu’elles assurent aujourd’hui une base de réflexions intéressante. Une seconde dimension retient notre attention. Elle concerne ce que l’auteur nomme l’agentivité éthique. Ce chapitre de l’ouvrage prend en compte la morale, non pas seulement perçue comme une dimension théorique générale qui ouvre des débats philosophiques, mais comme l’expression des acteurs qui la vivent, qui la transforment. Ainsi les acteurs apparaissent comme étant maîtres de leur orientation éthique en matière sportive. L’autoconfrontation, les histoires de vie, le récit de soi et l’observation participante permettent d’avancer en ce domaine. Ainsi, se développe une sociologie de l’acteur en première personne qui s’oppose à « une conception passive de la sociologie qui consisterait à attendre l’application de règlements et de sanctions pour bien agir ». L’indépendance des acteurs et leur responsabilité est ainsi mise à jour. Nous aurions apprécié que ce dernier chapitre soit non pas présenté à la suite des deux premiers : une morale universelle et une éthique appliquée, mais qu’il soit mis en relation tout au long de l’ouvrage, avec ceux-ci. En effet, la confrontation entre morale théorique imposée et morale individuelle vécue est certainement riche d’enseignements quant à la dynamique de l’éthique sportive d’aujourd’hui. Enfin, nous recensons dans un ensemble de cinquante huit articles, deux articles directement consacrés à l’EPS. D’autres, un peu plus nombreux, prennent pour objet principal les pédagogies ou l’éducation du corps. Cet ouvrage ne se donne effectivement pas pour mission d’aborder directement ces questions. Il nous semble cependant que la parution de cet ouvrage qui remet en lumière les réflexions sur morale et sport, doit inciter les chercheurs et praticiens à s’interroger sur la (ou les morales) en éducation physique et sportive et à étudier son rapport aux morales scolaires, sociales et sportives.♦ Yvon Léziart
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Livres
Lexique pour l’action, Revue EPS. Une compilation des définitions des différents lexiques des ouvrages pour l’action. Les définitions très courtes ne peuvent pas être d’une grande utilité pour les professeurs si ce n’est leur donner une idée qui restera finalement assez générale. Par ailleurs, les quelques lignes ne permettent pas de mettre en tension des regards différents sur le mot et pourrait laisser croire que les mots ne constituent pas des objets de débats et de controverse. Bref ce n’est pas un livre que je vous conseille. Il est toujours étonnant que certains mots dans les lexiques soient toujours absents comme par exemple entrainement ou éducation physique et sportive.
relève d’une responsabilité partagée entre l’intervenant et le pratiquant. Mais pour autant la fonction de l’école est-elle simplement de travailler sur les motivations des élèves sans prendre en prendre en compte la part de construction sociale et de genre qu’elle constitue ? La fonction de l’école n’est elle pas aussi de travailler à partir des motivations pour en partir et construire du commun ambitieux pour tous ? Si le livre fait le point sur la notion, il aurait du intégrer un regard citrique sur la notion et son usage dans l’école. Si l’on pense que c’est parce que les filles ne sont pas motivées en compétition, on ne leur propose que des buts de maitrise, quid de la contribution de l’EPS à une société plus égalitaire entre filles et garçons en cette année de l’égalité en France. BC
KIOSQUE POLITIQUE ET SOCIETE
Bruno Cremonesi
La motivation, coordonnée par Damien Tessier, aux éditions Revue EPS. Le 21e de la collection pour l’action sur la motivation est une belle réussite. La collection essaie, sous la direction d’une personne, de réaliser de façon concise un point de situation sur la notion. Le livre tend à montrer que la motivation du pratiquant engagé dans un contexte sportif
Les métamorphoses du contrôle social, sous la direction de Romuald Bodin, aux éditions La Dispute. L’ouvrage est une série d’articles d’un collectif d’auteurs. Ils s’inscrivent dans le champ d’idées ouvertes par Michel Foucault et d’autres sur la question du contrôle social. Surveiller et punir restent deux verbes forts de nombreuses pratiques politiques. Nos démocraties occidentales se sont sans doute démarquées des pratiques plus anciennes et orthodoxes en la matière, mais les nombreux articles nous montrent comment les données chiffrées des études, le mode de fonctionnement scolaire, le contrôle des absences, les statistiques publiques, la normalisation de la santé ne sont ni plus ni moins qu’une façon de discipliner et d’ordonner les corps et en particulier ceux des
plus démunis. Un livre aux allures de film de science fiction d’une société futuriste qui se déroule dans le quotidien de nos vies mais qui, pour le moment, n’est pas assez visible pour le plus grand nombre. BC
Petite Poucette, Michel Serres, Ed. Le Pommier. Disons-le d’emblée, Michel Serres est aussi passionnant à l’oral qu’à l’écrit par la manière qu’il a d’associer ses connaissances scientifiques à sa grande culture. Avec « Petite Poucette », succès de librairie, l’auteur nous met en présence d’une société de transition vers un ordre inévitablement nouveau. D’une société pointue à la cime avec peu d’élus, très évasée à la base et soumise, nous entrons désormais dans une société de l’accès, transformant radicalement les rapports sociaux et le rapport des individus aux pouvoirs établis. Sa « Petite Poucette » est ce nouvel humain, experte en nouvelle technologie en devoir de réinventer des institutions devenues obsolètes, des manières de vivre ensemble, des façons d’être et de connaitre
mutations politiques, sociales mais aussi cognitives. Petite Poucette préfigure un nouvel égo : intime et secret mais aussi générique et public, double et sans frontière. Un regard avisé pour une vision du monde sans concession. JP Lepoix Pas assez pour faire une femme, Jeanne Benameur, aux éditions Thierry Magnier. C’est l’histoire d’une étudiante au début des années 70 qui découvre le militantisme en même temps que l’amour. Les deux vont lui permettre de s’émanciper de ses parents (surtout d’un père odieux). Un livre qui rappellera des souvenirs à bon nombre de personnes de ma génération, d’autant que
Kiosque
KIOSQU’EPS
l’héroïne passe le concours des IPES (qui permettait de percevoir un salaire d’élève -professeur pendant ses études) et grâce à eux, gagne une autonomie et une liberté inespérée. L’écriture de Jeanne Benamen est très belle. Ce livre, censé s’adresser aux adolescents, m’a beaucoup plu. Claire Pontais
S’engager dans une société d’individus, Jacques Ion, aux éditions Armand Colin, 2012. Ce n’est pas parce que les gens sont plus autonomes qu’ils sont forcément davantage préoccupés d’eux-mêmes . L’auteur va s’attaquer à ces idées, largement répandues, pour démontrer que l’individualisme n’est pas la recherche exclusive d’intérêts individuels ; qu’il peut même préparer des formes d’engagement au service de tous. Certes, elles bousculent, renouvellent l’engagement associatif, les formes d’actions (les indignés, OWS
) proposent donc des formes originales voire contestables, qui demandent à être mieux analysées et comprises. Les individus s’autonomisent de leurs « appartenances héritées », sans pour autant devenir indifférents aux grands enjeux du « monde
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Livres
commun ». Le politique connaît ses défauts d’engagements (abstention), défauts qui ne seront pas irrémédiables si les questions de la représentation sont revisitées. Jules Lafontan
KIOSQUE SPORT
Les sportifs ouvriers allemands face au nazisme, Guillaume Robin, L’Harmattan, 2010. Le sport est-il toxique ? Portet-il, comme les nuées appellent l’orage, l’échéance du fascisme ou le maintien du capitalisme ? Le travail de Guillaume Robin montre les nombreuses déclinaisons de ces engagements sportifs où adhérer à un club bourgeois ne signifie pas penser en bourgeois et où la dissolution des clubs ouvriers a été d’une grande complexité liée à de nombreuses formes de résistances. L’époque étudiée se situe entre 1918 et 1933 (montée et installation du fascisme en Allemagne). L’analyse de la nature des conflits en présence, entre les sensibilités socialistes et communistes, est d’un grand intérêt pour une approche non simpliste du rapport du sport à la politique.
Le sport et la grande guerre, Revue trimestrielle d’histoire, n°251, 2013, aux PUF. Un ensemble de six contributions qui nous disent la réalité du sport pendant la grande guerre. Entre moment de récupération d’une recherche de vie plus apaisée entre les montées au front et éléments de propagande pour exalter la combativité des soldats. Une série d’études qui nous ouvre le regard sur des aspects peu connus du grand public. JL
Identités sportives et revendications régionales, Sébastien Stumpp, Denis Jallat, PUG, 2013. Une revue des problématiques qui agitent l’expansion du sport lorsqu’il s’attache à promouvoir des identités ou promouvoir un régionalisme sportif. Le sport semble un excellent vecteur et montre une incontestable capacité à unifier différents courants et couches sociales pour valoriser un combat qui le dépasse. Quelque part cela questionne le sens d’un universalisme comme les J.O. JL
ses positions pour le moins controversées sur de nombreux sujets et notamment sur le sport. Il reprend dans cet ouvrage sur le sport, son point de vue qu’il a largement développé dans son livre précédent : le sport est il inhumain ? Redeker regrette l’envahissement des médias par le spectacle sportif qui a pour conséquence, selon lui, de chasser l’information politique au second plan et de laisser peu de place aux dimensions qu’il classe dans la culture comme les arts ou la philosophie. S’il est vrai que les arts et la philosophie devraient prendre plus de place dans les média et la vie, rien n’est moins sur que le fautif soit le spectacle sportif. Par ailleurs dans les arts et la philosophie certaines œuvres peuvent aussi être regardées avec le même regard critique qu’il semble ne limiter qu’au sport. Seul le dernier chapitre dénote de son précédent pamphlet littéraire contre le sport, avec les vieillîtes et la phraséologie des auteurs appartenant au courant de la critique radicale du sport. Il développe son regard sur la différence entre sport et jeu et redonne au jeu sportif tout son sens dans l’existence humaine. Redeker loin d’être un antisportif se révèle être un amoureux du sport de création et d’invention, d’un sport gratuit, curieusement nombres de ses points de vue résonnent avec notre vision. BC
JL
L’emprise sportive, Robert Redeker, aux éditions Francois Bourrin. Rober Redeker est connu pour
Atlas du sport mondial, Pascal Gillon, Frédéric Grosjean et Loïc Ravenel, aux éditions Autrement. Dans un monde sans cesse en mouvement, le sport auraitil acquis une portée et une importance qui le dépassent? L’Atlas du sport mondial tente de répondre aux questions qui confrontent le sport avec l’existence d’une société de dimension planétaire : quand et comment s’est-il diffusé ? Pourquoi s’est-il institutionnalisé?
Dans quelle mesure est-il devenu un instrument de puissance? Plusieurs cartes ludiques et inventives posent un regard original sur les sports, du rugby au basket-ball, du tennis à l’athlétisme. Parmi eux, seul le football apparaît véritablement universel ; les autres conservent un ancrage régional fort. En effet, la mondialisation n’a pas effacé toutes les origines spatiales et culturelles des sports : ils ont dessiné, avec elle, leur propre géographie, leurs propres territoires. BC
KIOSQUE DANSE
En attendant & Cesena, carnets d’une chorégraphe par Anne Teresa de Keersmaeker et Bojana Cvejic avec un cahier photos de Michel François, Rosas & Fonds Mercator, Bruxelles, 2013. Le nouveau coffret d’Anne Teresa de Keersmaeker et Bojana Cvejic poursuit le travail de fond qui avait été effectué dans le premier volume sur les premières pièces de la chorégraphe. On y découvre ainsi qu’après trente ans de création, cette dernière poursuit toujours ses recherches d’un nouveau langage chorégraphique fondé sur les relations entre structure musicale de l’Ars subtilior du XIVe siècle et structure chorégraphique, enrichies de principes de la pensée extrême orientale comme le yin et le yang. Les documents font état des processus de création du diptyque En atendant (2010) et Cesena (2011) présentées pour les premières fois lors du festival d’Avignon respectivement au crépuscule et à l’aube. Les entretiens en anglais sous titrés sont longs mais enrichis d’extraits filmés dans la cité des Papes qui illustrent parfaitement les notes de création de De Keersmaeker et sa collaboration avec le Grain de la Voix, chanteurs lyriques présents sur scène avec les danseurs. yann beudaert
KIOSQU’ENFANT
Small, Pef, Rue du Monde. Un tout petit livre pour une grande vie. Pef publie ici un tout petit format au dessin sommaire pour raconter le voyage de la vie. L’histoire de son voyage n’est pas très heureuse, une
Chouette de vie, Christian Voltz, éditions du Rouergue. Christian Volz raconte toujours des histoires touchantes et j’ai un faible particulier pour son choix de réaliser ses illustrations avec des objets de récup et du fil de fer. Son parti pris est de raconter la vie, la vie des hommes dans ce monde de chien ! Justement il usera et jouera avec toutes ces expressions de la langue française qui font référence à des animaux. Peut-être une façon de nous rappeler que notre condition humaine n’est pas si loin du monde animal si nous ne sommes pas capables d’en prendre soin et
Comment fonctionne une maitresse ? Susanne Mattiangeli et Chiara Carrer, Rue du Monde. L’illustratrice a sans doute découpé dans du vieux papier illustré les patrons de maitresses, qu’elle colle sur des décors éphémères et minimalistes. Cela donne une impression de vie superposée, de vie découpée entre des temps différents. Une vie faite de costumes dans l’école qu’il faut déposer à la sortie pour devenir un ou une autre, pourtant souvent difficile d’imaginer pour les enfants. Un livre sur la vie des maitresses qui ont sans aucun doute influencé l’une de nos vies, personne ne peut rester indifférent à ces premières années de notre vie. Un livre qui cultive un regard au second degré tout en racontant une histoire drôle. Un bel ouvrage que vous aurez sans aucun doute envie d’offrir à l’une des maitresses que vous connaissez. BC
www.contrepied.net
Philomène m’aime, Jean-Christophe Mazurie, P’tit Glénat. Philomène est une fille joyeuse au visage tout rond qui vit à la campagne. Tous les garçons aiment Philomène. Jules, Barnabé ou encore Prosper perdent leurs moyens et leur cœur s’emballe lorsque Philomène passe. Les bagarreurs s’arrêtent et les musiciens ne jouent plus
Tous ses amoureux essaient d’attraper son cœur mais Philomène aime Lili car elle est juste unique. Un album jeunesse très joyeux et sympathique sur l’amour chez les enfants et pour montrer que l’on a le droit d’aimer qui on veut. BC
de faire attention aux autres. Je vous conseille de visiter son site internet pour mieux comprendre son choix artistique. BC
3 numéros de Contre Pied pour 10 e
Du changement dans l’école. Les réformes de l’éducation de 1936 à nos jours, Antoine Prost, aux éditions du Seuil, 2013. Une approche bien synthétique de cette période à partir des grands enjeux de transformation de l’école. L’école change de façon plus radicale que le journalisme spécialisé ne le laisse entendre à partir de l’amer constat que l’école ne peut pas être réformée. Les grands acteurs économiques, politiques et intellectuels spécialisés sont convoqués pour établir les multiples façons dont les questions de démocratisation sont historiquement abordées. Ce qu’il y a de sûr c’est que les propositions de réforme sont rarement mises en œuvre dans leur totalité, parfois avortées et laissent des dépôts que les suivantes ressaisissent avec plus ou moins de constance. Au final, quand même, la démocratisation est toujours une idée urgente. JL
vie ordinaire d’un petit homme dans le grand monde. Peu être le début d’une série où les destins ordinaires révèlent toujours un part d’extraordinaire. Dommage tout de même le prix 10 euros ce n’est pas rien ! BC
étudiant-e, enseignant-e d’EPS, enseignant-e chercheurs, professeur-e des écoles, conseiller-e pédagogiques, pratiquant-e…
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Centre national d’étude et d’information pour le développement de l’EPS et du sport scolaire / prix : 10 euros