Que Seulement de Tes Yeux Tu Regardes...: Etude Structurelle de Treize Psaumes (Beihefte zur Zeitschrift fur die Alttestamentliche Wissenschaft) 3110178672, 9783110178678, 9783110200751 [PDF]


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French Pages 398 [399] Year 2003

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Table of contents :
Que seulement de tes yeux tu regardes … Etude structurelle de treize psaumes......Page 4
Avant-Propos......Page 6
Table des Matières......Page 8
Abréviations......Page 12
I. Jouez pour YHWH assis à Sion: Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10......Page 14
II. YHWH mon rocher: Etude structurelle du psaume 18......Page 48
III. Comme un compagnon, comme un frère pour moi: Etude structurelle du psaume 35......Page 83
IV. Les justes posséderont la terre: Etude structurelle du psaume 37......Page 144
V. Il a donné de sa voix: Etude structurelle du psaume 46......Page 181
VI. Il est monté, Dieu, dans l’acclamation: Etude structurelle du psaume 47......Page 193
VII. Faites le tour de Sion: Etude structurelle du psaume 48......Page 200
VIII. Etude structurelle de l’ensemble des psaumes 46–48......Page 212
IX. Royaumes de la terre, chantez pour Dieu! - Etude structurelle du psaume 68......Page 220
X. Il ouvrit les portes des cieux: Etude structurelle du psaume 78......Page 261
XI. Sur toute la terre ses jugements: Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104......Page 305
XII. Selon l’abondance de sa loyauté: Etude structurelle du psaume 106......Page 341
XIII. En ta justice: Etude structurelle du psaume 143......Page 372
Publications de l’auteur sur la structure littéraire des Psaumes......Page 398
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Que Seulement de Tes Yeux Tu Regardes...: Etude Structurelle de Treize Psaumes (Beihefte zur Zeitschrift fur die Alttestamentliche Wissenschaft)
 3110178672, 9783110178678, 9783110200751 [PDF]

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Zitiervorschau

Pierre Auffret Que seulement de tes yeux tu regardes …

Beihefte zur Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft Herausgegeben von Otto Kaiser

Band 330

≥ Walter de Gruyter · Berlin · New York 2003

Pierre Auffret

Que seulement de tes yeux tu regardes … Etude structurelle de treize psaumes

≥ Walter de Gruyter · Berlin · New York 2003

앝 Printed on acid-free paper which falls within the guidelines of the ANSI 앪 to ensure permanence and durability. ISBN 3-11-017867-2 Bibliographic information published by Die Deutsche Bibliothek Die Deutsche Bibliothek lists this publication in the Deutsche Nationalbibliografie; detailed bibliographic data is available in the Internet at . 쑔 Copyright 2003 by Walter de Gruyter GmbH & Co. KG, D-10785 Berlin All rights reserved, including those of translation into foreign languages. No part of this book may be reproduced or transmitted in any form or by any means, electronic or mechanical, including photocopy, recording, or any information storage and retrieval system, without permission in writing from the publisher. Printed in Germany Cover design: Christopher Schneider, Berlin

Avant-Propos Nous avons ici rassemblé treize études pour la plupart trop longues pour pouvoir être publiées dans des revues. Elles portent sur la structure littéraire des treize psaumes traités, et en outre sur les ensembles des Pss. 9–10 et 46–48, ainsi que sur l’enchaînement entre les Pss. 104 et 105. Nous poursuivons ainsi la mise à jour de la structure de chacun des cent cinquante psaumes du Psautier, chantier où nous nous sommes lancés il y a plus de vingt-cinq ans 1. Nous n’ignorons pas pour autant les recherches plus récentes sur le Psautier comme livre et, dans cette perspective, sur les ensembles de psaumes. Nous nous y sommes nous-mêmes risqués à plusieurs reprises, et nous reprenons ici même l’étude de l’ensemble des Pss 46–48, ainsi que 9 + 10 et 104 + 105. Mais nous pensons que les deux points de vue s’appellent l’un l’autre, soit celui qui considère les psaumes pris individuellement et celui qui prend en compte les collections présentes dans le livre et, au terme, le livre en son entier. Un point de vue ne doit pas faire abandonner l’autre, et nous prétendons bien servir indirectement la recherche sur les ensembles en menant aussi avant qu’il nous est possible la recherche sur la structure interne de chaque psaume. S’il s’avère que la meilleure manière de procéder pour l’étude de la structure littéraire d’un psaume est d’aller des plus petites unités structurées à des ensembles structurés de plus en plus vastes, on pourra en dire autant des collections : ce sont des psaumes déjà eux-mêmes structurés qu’elles rassemblent en des ensembles à leur tour structurés. On aura donc tout intérêt à prendre le plus possible en considération les psaumes individuels en leur cohésion structurelle pour considérer avec plus d’à-propos les ensembles qu’ils constituent. Il se peut par contre que l’étude de tel ou tel ensemble

1

Le lecteur trouvera en annexe au terme du présent volume la suite de notre bibliographie sur les Psaumes, les premières tranches en ayant été données sous ce même mode dans cette même série BZAW, 235 (Merveilles à nos yeux) et 289 (Là montent les tribus). Pour ce qui est du présent ouvrage nous ne voyons pas l’utilité de récapituler au terme la liste de tous les livres et articles pris en considération. Ils sont indiqués à propos de chaque chapitre et ont là leur utilité plus que pour l’ensemble du livre qui se présente en somme comme un recueil d’études n’ayant pour traits communs que l’appartenance des textes étudiés au Psautier et la mise en œuvre d’une même méthode (structurelle).

VI

Avant-Propos

permette de rendre compte de tel ou tel verset qui dans un psaume considéré individuellement ne s’intègre pas ou difficilement à la structure d’ensemble.

Table des Matières Avant-Propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre I:

Chapitre II:

Chapitre III:

Chapitre IV:

V XI

Jouez pour YHWH assis à Sion – Etude structurelle des Pss 9, 10 et 9–10 . . . . . . . . . . . Psaume 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Psaume 10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’ensemble des deux psaumes . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1 1 10 27

YHWH mon rocher – Etude structurelle du Ps 18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Première partie (2–20) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Deuxième partie (21–32) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Troisième partie (33–51) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

35 39 48 52 61

Comme un compagnon, comme un frère pour moi – Etude structurelle du Ps 35 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1–3, 4–6 et 1–6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9–10 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11–12 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13–14 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15–16 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20–21 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22–24a et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 b–26 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 et unités précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Autres structures de l’ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . .

70 74 76 77 78 80 82 84 87 90 93 95 101 106 113 120 127

Les justes posséderont la terre – Etude structurelle du Ps 37 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 1–9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134

VIII

Table des Matières

10–20 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 21–40 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144 L’ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 Chapitre V:

Il a donné de sa voix – Etude structurelle du Ps 46 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168

Chapitre VI:

Il est monté, Dieu, dans l’acclamation – Etude structurelle du Ps 47 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180

Chapitre VII: Faites le tour de Sion – Etude structurelle du Ps 48 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187 Chapitre VIII: Etude structurelle de l’ensemble des Pss 46–48 . . . . . 199 Chapitre IX:

Chapitre X:

Chapitre XI:

Royaumes de la terre, chantez pour Dieu ! Etude structurelle du Ps 68 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les cinq premières unités (2–11) . . . . . . . . . . . . . . . . 12–15 et 2–15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16–17 et 6–17 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18–19 et 4–19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20–21 et six ensembles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22–24 et sept ensembles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25–28 et six ensembles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29–30 a et six ensembles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30b–32 et cinq ensembles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33–36 et dix ensembles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’ensemble du psaume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

207 210 217 219 220 223 225 229 232 234 236 242

Il ouvrit les portes des cieux – Etude structurelle du Ps 78 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1–11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12–51 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52–72 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12–51 et 52–72 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1–11 et 12–51 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1–11 et 52–72 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

248 253 258 272 279 286 288

Sur toute la terre ses jugements – Etude structurelle du Ps 105 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1–11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12–25 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26–45 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12–25 et 26–45 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1–11 et 12–45 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’enchaînement des Pss. 104 et 105 . . . . . . . . . . . . .

292 292 299 305 310 314 317

Table des Matières

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté – Etude structurelle du Ps 106 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La structure interne des unités . . . . . . . . . . . . . . . . . 6–46 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6–23 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28–46 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1–5 et 47–48 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1–5 et 6–46 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6–46 et 47–48 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre XIII: En ta justice – Etude structurelle du Ps 143 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1–2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3–6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7–10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11–12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’ensemble du psaume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La proposition de Girard (chiasme et parallèle) Autres propositions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

IX 328 331 343 349 350 351 352 355 359 360 362 365 367 368 372

Publications de l’auteur sur la structure littéraire des Psaumes . . . . . 385

Abréviations ACEBT Amsterdamse Cahiers voor Exegese en Bijbelse Theologie AOAT Alter Orient und Altes Testament Auffret, La Sagesse Pierre Auffret, La Sagesse a bâti sa maison – Etudes de structures littéraires dans l’Ancien Testament et spécialement dans les Psaumes, OBO 49, Fribourg (S.) et Göttingen 1982. Auffret, Quatre psaumes Pierre Auffret, Quatre psaumes et un cinquième – Etude structurelle des psaumes 7–10 et 35, Paris 1992 Avishur Y. Avishur, Stylistic Studies of Word-Pairs in Biblical and Ancient Semitic Literatures, AOAT 210, Neukirchen-Vluyn 1984 BeO Biblia e Oriente BN Biblische Notizen BNB Biblische Notizen – Beihefte BZAW Beihefte zur Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft BZ.NF Biblische Zeitschrift EgT Eglise et Théologie (= Theoforum à partir de 2000) EstBib Estudios Biblicos ETR Etudes Théologiques et Religieuses FoOr Folia Orientalia Girard, Analyse structurelle Marc Girard, Les Psaumes – Analyse structurelle et interprétation, 1–50, Montréal – Paris 1984 Girard, Psaumes redécouverts Marc Girard, Les Psaumes redécouverts – De la structure au sens, I (1996), II et III (1994), Montréal (ce sont ces volumes que nous citons quand nous indiquons le seul nom de Girard) JANES The Journal of the Ancient Near Eastern Society of Columbia University JSOT Journal for the Study of the Old Testament OBO Orbis Biblicus et Orientalis OTE Old Testament Essays RivB Rivista Biblica Italiana ScEs Science et Esprit SEL Studi Epigrafici e Linguistici

XII SJOT SVT Tfm UF VT ZAW

Abréviations

Scandinavian Journal of the Old Testament, Aarhus, Denmark Supplements to Vetus Testamentum, Leiden Theoforum (EgT jusqu’en 1999) Ugarit-Forschungen Vetus Testamentum Zeitschrift für die Alttestamentlische Wissenschaft

Chapitre I Jouez pour YHWH assis à Sion Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

Pour tenir compte des travaux plus récents de Marc Girard nous reprenons ici notre étude de la structure littéraire des Pss 9, 10, ainsi que de l’ensemble qu’ils constituent. Pour le Ps 9 1 c’est surtout la structure de l’ensemble que nous avons à reconsidérer. La traduction utilisée pour le tableau de la page suivante est celle de Girard 2. Dans ce tableau sont soulignés les termes récurrents à l’intérieur soit des deux premières, soit des trois dernières colonnes, et sont mis en caractères gras les termes communs à chacun de ces deux ensembles (des deux premières ou des trois dernières colonnes). L’utilité de ces relevés apparaîtra sous peu. Une fois attribuées les lettres A.B.C.D 3 respectivement aux 2ème, 3ème (et 5ème), 4ème, et 1ère colonnes (dans cet ordre pour suivre l’ordre du texte dont l’amorce se situe dans la 2ème colonne), on étudiera tout d’abord chacune des séries d’unités A.B.C.D pour fonder la pertinence de cette répartition 4. On en viendra ensuite aux 1

2

3 4

Auffret, Quatre Psaumes, pp. 49–61. Nous y prenions en compte la première étude de Girard, Analyse structurelle. Mais, même après sa seconde étude (voir note suivante), nous n’avons à revenir sur la structure interne de chaque petite unité que pour 7 (en 6–7) et 12, ce que nous ferons ci-dessous. Les autres sont analysées aux pp. 51–55 de notre livre. Marc Girard, Psaumes redécouverts. Cependant nous la modifions sur quelques points. En 7 nous maintenons, à la suite d’une proposition de D. T. Tsumura (in VT 38 [1988] 234–236), notre traduction de Quatre Psaumes, en la simplifiant même encore. On verra que ce choix n’est pas sans quelque impact pour l’étude structurelle du psaume, laquelle en quelque sorte le confirme. Avec la première traduction de Girard (1984) nous ne mettons pas de (ô) en 3b, préférons lire en 5b juge de justice, en 16b dans ce filet (qu’)ils ont dissimulé, en 17b simplement par l’œuvre de ses paumes (pour ne pas orienter l’interprétation, même si nous sommes d’accord avec celle de Girard: il s’agit plus probablement des paumes du méchant). Girard a adopté notre proposition pour la fin de 7. Mêmes sigles pour les mêmes unités que dans notre livre de 1992 (pp. 55ss). La distinction A/B/C/D est celle-là même que nous avions proposée en 1984, mais dans ce qui va suivre nous améliorons de beaucoup la perception de

2

Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion 2a Je rendrai grâce à Yhwh de tout mon cœur. 2b Je décrirai toutes tes merveilles. 3a Je me réjouirai et je jubilerai pour toi. 3b Je jouerai (pour) ton nom, Monté-Haut.

10a Il sera, Yhwh, une citadelleélevée pour l’(homme) écrasé, 10b une citadelle-élevée pour les temps (où l’on est) dans l’adversité*.

4a Quant (ils se mettront à) revenir, mes ennemis*, en arrière, 4b ils seront ébranlés et ils périront (loin) de ta face.

5a Car tu as fait mon jugement+ et l’arbitrage en ma faveur. 5b Tu t’es assis au trône du juge+ de justice+.

6a Tu as menacé les nations*, tu as fait périr le méchant*. 6b Leur nom, tu (l’)as effacé pour toujours et à jamais. 7a Le(s) ennemi(s)* ont été achevés - ruines à perpétuité : 7b les villes, tu (les) as déracinées il a péri, leur souvenir* (à) eux.

8a Yhwh pour toujours s’assiéra. 8b Il a affermi pour le jugement+ son trône. 9a Lui jugera+ le monde avec justice+. 9b Il arbitrera+ les populations avec droiture+.

11a Qu’ils aient confiance en toi, les (gens) connaissant ton nom.

11b Car tu n’as pas abandonné les (gens) te recherchant,Yhwh. 12a Jouez pour Yhwh assis (à) Sion; 12b annoncez parmi les peuples ses actions.

PSAUME 9

13a Car, recherchant les (gens) faisant silence, d’eux il s’est souvenu*. 13b Il n’a pas oublié* le cri des humiliés 14a Aie pitié de moi, Yhwh, vois mon humiliation (provenant) des (gens) me haïssant*, 14b (en) me haussant (loin) des portes de la mort,

15a afin que je décrive toutes tes louanges 15b aux portes de la fille de Sion 15c (que) j’exulte pour ton salut+.

[- chaque colonne a sa typographie propre, pour le moins différente de sa voisine - les termes récurrents à l’intérieur d’une même colonne sont soulignés - les termes communs à plusieurs colonnes sont portés en caractères gras]

16a Ils ont enfoncé, les (gens des) nations*, dans la tombe (qu’)ils ont faite. 16b Dans ce filet (qu’)ils ont dissimulé s’est pris leur pied.

17a (Ce sera) connu : Yhwh, le jugement+, il (l’)a fait.

17b Par l’œuvre de ses paumes a été piégé le méchant*. 18a Ils reviendront, les méchants*, au shéol 18b toutes les nations oubliant* Dieu . 19a Car (ce n’est pas) à perpétuité (que) sera oublié le pauvre, 19b (que) l’espérance des humiliés périra à jamais.

20a Lève-toi, Yhwh ! (Qu’)il ne soit-pas-fort, l’homme (mortel) !

21a Mets, Yhwh, la crainte en eux. 21b (Qu’)ils connaissent, les (gens des) nations,(qu’ils sont) homme(s mortels), eux ! .

20b (Qu’)ils soient jugés+, les (gens des) nations*, auprès de ta face.

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

3

trois sous-ensembles structurés repérables dans notre psaume, pour en étudier ensuite les rapports réciproques, ce qui nous amènera au terme à découvrir la structure d’ensemble du psaume et les divers rapports qui s’y jouent. Pour la commodité du lecteur, affichons une première fois, à l’aide du tableau ci-dessous, la structure d’ensemble du psaume dans l’agencement suivant des unités, toutes justifications utiles étant bien entendu à attendre des pages qui suivent: A (2–3) ▼

D (10) D (11b)

B (4) B (6–7)

C (5) C (8–9)

B (16) B (20a)

C (17a) C (20b)

A (11a) A (12)

D (13) D (14) ▼

D (19)

A (15)

B (17b–18) B (21)

Mais avant de découvrir plus avant la pertinence de la structure d’ensemble ainsi représentée, commençons par présenter chaque colonne, c’est-à-dire chacun des types d’unités contenues dans une colonne (ou deux pour B dans la troisième partie). Nous prenons ici en considération les récurrences jouant entre les unités de chaque colonne. Dans notre premier tableau ci-dessus elles ont été soulignées. Pour commencer dans l’ordre du texte, regardons d’abord la colonne A (soit la deuxième). Elle contient en 2–3, 11a, 12 5 et 15 les expressions de l’action de grâce et de la confiance de la

5

l’ensemble à partir de cette distinction. Nous n’avions pas encore découvert la plus juste répartition des trois volets, en attribuant à tort les vv. 10–11 au premier. C’est ici chose faite, et on en verra la portée. Par ailleurs les récurrences (dont nous avions déjà fait le relevé) sont ici plus soigneusement prises en compte, même celle du verbe s’asseoir en 12. La critique de Girard (Les Psaumes redécouverts, p.252 n.19) nous semble ainsi honorée. Dans Quatre Psaumes (p.53) nous n’avions pas repéré de structure interne à 12. Il nous semble cependant qu’on peut y percevoir une petite symétrie concentrique (à cinq termes) précédée de l’annonce de son centre, soit: Jouez (c) / pour YHWH assis (a) + à Sion (b) + annoncez (c’) + parmi les peuples (b’) + ses actions (a’). Les passages de YHWH à ses actions et de Sion à les peuples s’entendent sans peine.

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Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

part du psalmiste et de ceux qui comme lui connaissent YHWH. On lit YHWH en 2a et 12a, décrire en 2b (avec pour complément toutes tes merveilles) et 15a (avec pour complément toutes tes louanges), jouer en 3b et 11a, ton nom en 3b et 11a, Sion en 12a et 15b. Ajoutons les répartitions en ces unités des termes de plusieurs paires stéréotypées, soit rendre grâce et louanges en 2a et 15a 6, se réjouir et exulter en 3a et 15c 7, ainsi que décrire et connaître en 2b.15a et 11a 8, décrire et annoncer en 2b.15a et 12b 9. Alors que décrire se lit dans les unités extrêmes (2–3 et 15), c’est dans les deux unités centrales que nous lisons connaître (en 11a) et annoncer (en 12). On lit ton nom dans les deux premières de ces quatre unités, Sion dans les deux dernières. Qu’en est-il des unités B qui se lisent dans nos 3ème et 5ème colonnes, soit 4, 6–7 10, 16, 17b–18, 20a et 21? Elles contiennent la contre-offensive victorieuse de YHWH contre les ennemis, lesquels finissent par se prendre à leur propre piège, ce qui laisse espérer de leur part une reconnaissance de leur vraie condition. On y lit revenir en 4(a) et (17b–)18, ennemi en 4(a) et (6–)7, périr en 4(b), 6–7 (bis), nations en 6(–7), 16, (17b–)18, 21, méchant en 6(–7), 17b–18 (bis), eux en 7 et 21, YHWH en 20a et 21. Et ici aussi sont répartis entre certaines de ces unités les termes de paires stéréotypées, soit ennemi et méchant 11, cités ci-dessus, ennemi et se lever (20a) 12, nations et méchants (voir ci-dessus)13, souvenir et oubli en (6–)7 et 1814, faire et œuvrer en 16 et 17b(–18) 15, Dieu et homme mortel en 18 et 20a.21 16. Dans le premier colon tant de 16 que de 17b–18 nous lisons nations, et tant au terme de 20a que de 21 homme mortel. De 4 à (6–)7 nous avons relevé ennemis et périr (selon une séquence inverse d’ici à là). 6 7

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hll/ydh selon Avishur, pp. 146.283.328. s´mh./gyl selon Avishur p.768, à l’index. Notons encore que jouent à l’intérieur de 2–3 les paires stéréotypées s´mh./ydh (Avishur pp. 236–237) en 2a et 3a, et c ls./s´mh. (Avishur pp. 72.147–148) en 3a. spr/ydc selon Avishur pp. 390–391. ngd/spr selon Avishur p.644. Sans renoncer à notre présentation de la structure de 6–7 (Quatre Psaumes p.52), il nous semble possible de percevoir une certaine symétrie concentrique en 7 autour de les villes, s’y correspondant successivement comme ruines à perpétuité et tu as déracinées, puis ont été achevés et il a péri, leur souvenir, et enfin les ennemis et eux. Toutes thématiques qu’elles soient, ces correspondances n’en sont pas moins joliment ordonnées. Les trois termes centraux visent les villes, les quatre termes extrêmes les ennemis. ’yb/rsˇ c selon Avishur pp. 19–20. ’yb/qwm selon Avishur p.753, à l’index. gwy/rsˇ c selon Avishur p.670. zkr/sˇkh. selon Avishur pp. 31.74.230.242. pcl/ c´s´h selon Avishur pp. 148.197.288.318. ’lhym/’nwsˇ selon Avishur p.754, à l’index.

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

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Dans la 4ème colonne (C) nous lisons 5, 8–9, 17a, 20b. Ce sont les unités traitant du jugement. On lit d’ailleurs le terme (substantif ou verbe) dans chacune de ces unités. En 5 et 9 il est doublé par arbitrage/arbitrer avec lequel il constitue une paire stéréotypée 17. On lit aussi, avec comme complément jugement, le verbe faire en 5 et 17a. Il est dit par deux fois, en 5 et 9, que ce jugement s’exerce avec justice. Les deux termes constituent d’ailleurs une paire stéréotypée 18. Pour ce jugement YHWH s’assoit sur le trône de la fonction comme il est précisé en 5 et 8, ce YHWH qui est nommé en 8 et 17a. Dans la première colonne (D), en 10, 11b, 13, 14 et 19, nous voyons comment YHWH prend soin des siens pour les libérer. De 11b à 13 se répondent les deux recherches, soit celle de ceux qui recherchent YHWH et celle de YHWH à la recherche des silencieux. YHWH est nommé en 10, 11b et 14. Les humiliés ou leur humiliation apparaissent en 13, 14 et 19, 13 et 19 précisant qu’ils ne seront pas oubliés. En 13 nous retrouvons les termes de la paire stéréotypée souvenir et oubli, en 19 ceux de la paire humilié et pauvre 19. Et en 10 et 14 se trouvent répartis adversité et haïssant qui eux aussi constituent une paire stéréotypée 20. Bien entendu il reste des récurrences que nous n’avons pas encore relevées, et nous le ferons sous peu. Commençons même sans plus tarder en considérant d’abord certains sous-ensembles. Ces derniers apparaissent quand nous considérons la structure d’ensemble à partir des repérages ci-dessus. En 10–15, au beau milieu du psaume, nous repérons une symétrie concentrique régulière autour de 12 (A), immédiatement entouré de 11b (D) et 13 (D), puis de 10 (D) + 11a (A) et 14 (D) + 15 (A). Sur l’ensemble on peut voir que les unités A étaient déjà amorcées par celle, initiale dans le poème, de 2–3 (avant 4–5), tandis que les unités D seront rappelées une dernière fois par celle de 19 (avant 20–21). Jouer pour YHWH se retrouve de 2–3 au centre 12 de 10–15. De 2(–3) à 12 (b) on rapprochera encore, à la suite de Girard (p.244 n.7) les merveilles et les actions de YHWH, termes qu’on retrouve en parallèle en Pss 77,12; 78,11; 105, 1–2. Nous avons noté ci-dessus comment se correspondaient 2–3 et 11a (ton nom) ainsi que 13.14 et 19 (humiliés), et nous ajouterons maintenant autour du centre 12, tant 11b et 13 (recherchant) que 10 et 14 (adversité/haïssant), tout comme, faisant suite à 10 et 14, 11a et 15 (paire décrire/connaître) 21. Ces deux dernières unités prennent le relais, à partir 17 18 19 20 21

dyn/sˇpt. selon Avishur p. 756, à l’index. sˇpt./s.dq selon Avishur p.768, à l’index. c ny/’bywn selon Avishur 27.132.138.259. s.rr/s´n’ selon Avishur pp. 258.479.494. On peut hésiter sur l’exact agencement de 10–15. Dans Quatre Psaumes (p.54), à la suite de Trublet et Aletti, nous avions retenu comme le plus déterminant le chiasme, par ailleurs incontestable, qui commande les rapports des quatre unités de 12–15 (Sion – Humiliés / Humiliation – Sion), ce que Girard (Les

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Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

des indices ainsi relevés, de 2–3 où le psalmiste s’engage à décrire les merveilles de YHWH. L’écho en 19 se fait principalement à partir de 13 et 14 (oublié/humilié : unités D). Cependant notons encore en 11b et 13 (entourant immédiatement le centre 12) comme en 19 la tournure car … ne … pas, marquant l’absence d’abandon ou d’oubli des siens par YHWH. De 14 à 15 on aura relevé l’opposition entre les portes de la mort et les portes de la fille de Sion, cette dernière faisant écho à la citadelle qu’est YHWH lui-même selon 10, soit au début de l’ensemble 10–15. En 4–9 et 16–18 + 20–21 nous avons deux parallèles, le premier selon B + C // B + C, le second selon B + C + B // B + C + B. Le parallèle en 4–9 est comme indiqué par les récurrences de ennemis et périr de 4 à 6–7, puis de jugement/arbitrage, justice, assis/trône, de 5 à 8–9. Les encadrements (en BCB) de 16–18 et de 20–21 22 sont marqués par les récurrences de nations de 16 à (17b–)18 et de YHWH et homme mortel de 20a à 21, ainsi que par la répartition des termes des paires stéréotypée œuvrer/faire (relevée ci-dessus n.15) et paumes/pieds 23 en 16 et 17b(–18). En 16 et 17b–18 nous voyons les nations prises à leurs propres pièges. En 20a et 21 le psalmiste en appelle à YHWH contre l’homme mortel afin qu’il se reconnaisse comme tel. Notons aussi certains rapports des unités ici centrales avec les unités extrêmes de l’ensemble 16–21: en 16 et 17a nous

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Psaumes redécouverts, pp. 249–250) accepte à son tour. Mais les indices que nous venons de relever nous amène à considérer comme un ensemble concentrique 10–15. Dans sa proposition d’un ensemble 2–11 Girard fait se correspondre 2–3 et 10–11 autour du parallèle (incontestable) en 4–9. Mais d’une part 10–11 ne comportent pas moins de trois unités (respectivement D, A, D), et d’autre part c’est seulement avec 11a que 2–3 se trouvent en rapport à partir de la récurrence de ton nom, seul indice convaincant fourni par Girard (qui reconnaît comme hypothétique un rapprochement entre le Monté-Haut de 3b et la citadelle-élevée de 10. De 2 à 11a Girard croit pouvoir relever aussi « l’homéophonie [et l’affinité sémantique] des deux racines (…) ydh et ydc). En fait 10–11b, comme nous venons de le montrer, appartiennent à un ensemble 10–15. Girard (Les psaumes redécouverts, p.250) propose comme probable une construction concentrique de 20–21 autour de 21a, avec les indices de nations et homme mortel. Mais il nous semble que la syntaxe oblige à voir autour de 20b qui, comme 20ab et 21b, formule un souhait concernant les nations, une ordonnance parallèle de 20aa (impératif adressé à YHWH) + 20bb et de 21a (impératif à YHWH) + 21b. En fait dans les trois souhaits nous lisons, avec un certain effet de crescendo, respectivement homme mortel, puis nations, puis les deux. kp/rgl selon Avishur p.83, si bien qu’on lit concentriquement autour de 17a (qui comporte lui-même le verbe faire) : nations + [tombe] + faite…pied, puis : œuvre… paumes + [shéol] + nations.

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

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lisons le verbe faire, en 20b et 21 une mention des nations. En 16 et 17a s’opposent, et aussi convergent en un même effet, le faire des nations et celui de YHWH. En 20b et 21 le psalmiste en appelle contre les nations à ce jugement qui les amènera à reconnaître leur condition. Les deux centres 17a et 20b annoncent ou appellent le jugement. De 17a + 17b –18 à 20b + 21 nous lisons connu/YHWH + nations et nations + YHWH/connaissent. Le jugement de YHWH est chose connue: il mènera au shéol les nations, ces nations sur lesquelles, au terme du psaume, est appelé le jugement exercé par ce YHWH qui les amènera à connaître qui elles sont. Ainsi se perçoit au milieu du psaume l’ensemble concentrique de 10–15, entouré par les deux ensembles parallèles de 4–5 + 6–9 et 16–18 + 20–21, tandis qu’avant 4–5 et avant 20–21 les deux unités 2–3 (A) et 19 (D) font référence à l’ensemble central 10–15. Mais qu’en est-il des rapports indiqués par le texte (à l’aide ces récurrences en caractères gras dans notre tableau initial) entre 2–3 + 10–15 + 19 d’une part (unités D et A, soit les deux premières colonnes de notre tableau initial) et d’autre part 4–9 + 16–18 + 20–21 (unités B et C, soit les deux dernières colonnes de notre tableau initial)? Notons tout d’abord une sorte d’inclusion de l’ensemble dans les deux premières et les deux dernières unités. Nous lisons en effet en 2–3 et 21 le nom divin et les termes de la paire stéréotypée décrire/ connaître (voir n.8), puis en 4 et 20b les deux seules mentions en notre psaume de ta face. Les deux connaissances sont complémentaires, soit celle des merveilles de YHWH (2b) et celle de la fragilité humaine (21b). Devant la face de YHWH les nations seront non seulement jugées (20b), mais même elles périront (4b) suite à ce jugement 24. Partons maintenant du centre 12 de 10–15. Nous y sommes invités à jouer pour YHWH assis à Sion, puis à annoncer parmi les peuples ses actions. Or cette même position assise pour YHWH (roi et juge) se lisait déjà en 5 et 8(–9), soit dans les deuxièmes termes du parallèle (à 2 + 2 termes) de 4–9. Et quant aux peuples, ils constituent une paire stéréotypée avec ces nations 25 que nous retrouvons ensuite en (17b–)18 26 et 21, soit dans les troisièmes termes du parallèle (à 3 + 3 termes) de 16–18.20–21. On les retrouve encore au début du deuxième volet du premier parallèle 24

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Dans son étude de 1984 (Analyse structurelle, p.107, n.7) Girard relevait aussi une certaine correspondance entre le Monté-Haut de 3b et l’invitation faite au même en 20a: Lève-toi, les deux racines clh et qwm se retrouvant en position de correspondance parallélistique en Ps 24,3, correspondance qui, précédant de peu 20b au terme, renforcerait encore l’effet d’inclusion de l’ensemble. Mais le rapprochement de qwm avec ’yb (selon la paire stéréotypée relevée ci-dessus n.11) nous paraît plus déterminant. c m/gwy selon Avishur pp. 663–664, et aussi gwy/ cm (p.650). De 12a à 18a Girard (Psaumes redécouverts, pp. 249 et 252) signale aussi le rapport homéographique entre ywsˇ b et ywsˇ bw.

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Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

susdit (soit en 6[–7]) comme au début du premier volet du deuxième (soit en 16) 27. Le centre 12 nous invite donc à annoncer parmi les peuples ce juge des nations qui nous est présenté en 4–9 et 16–18.20–21, les nations jugées étant elles-mêmes destinataires de cette annonce. Considérons maintenant les récurrences ou autres indices structurels partant à la fois des deux volets extrêmes de 2–3.10–15.19 vers l’autre ensemble. En 2–3, 11a et 15 (ces deux derniers disposés concentriquement autour de 12), nous lisons soit décrire (2 et 15), soit connaître (11a), deux termes constituant une paire stéréotypée (voir n.7), dont l’objet est toujours YHWH (toutes ses merveilles, son nom, toutes ses louanges), connaître se retrouvant au terme de 16–18.20–21, avec cette fois pour objet le caractère mortel de l’homme, connaissance complémentaire de la précédente, mais qui en 16–21 prend le relais de celle de 17a, laquelle a encore une fois pour objet YHWH (juge). En 10 et 14 (disposés concentriquement autour de 12) nous lisons les termes d’une paire stéréotypée (signalée ci-dessus dans notre n.20): adversité et haïssant, puis en 19 un emploi du verbe périr. Or en 4 et 6–7 (se correspondant dans le parallèle de 4–9) nous lisons ennemis (4a et 7a) et périr (4b et 6b.7b). Ennemi constitue une paire stéréotypée tant avec adversité 28 qu’avec haïssant 29. Ainsi YHWH fait périr les ennemis selon 4 et 6–7, et il libérera son fidèle tant de l’adversité (10) que de ceux le haïssant (14), et ainsi se vérifiera que l’espérance n’est pas destinée à périr à jamais (19). Notons enfin l’indice plus fragile du car de 5 à 11b.13.19: sont ainsi soulignés en 5 le jugement en faveur du psalmiste, en 11b.13.19 le nonabandon du même par YHWH. D’autres récurrences jouent encore entre les deux ensembles ici considérés, mais cette fois soit à partir de 2–3 + 10–11, soit à partir de 13–15 + 19. Considérons d’abord les indices disposés respectivement entre les premiers ou entre les deuxièmes volets des deux ensembles. Ainsi nous voyons le nom de YHWH en (2–)3 et 11a, nom (re)connu et qu’on célèbre, opposé au nom des ennemis destiné à être effacé à jamais selon 6(–7), cela entre les premiers volets. Dans les deuxièmes volets nous retrouvons les verbes se souvenir et oublier, soit en 13 et 19 comme en (17b–)18. Ceux qui oublient Dieu (18) verront le souvenir d’eux-mêmes périr (7). Mais YHWH s’est souvenu, n’a pas oublié le cri des humiliés, et le pauvre 30 ne 27

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Et, en tenant compte de la paire stéréotypée cm/l’m (Avishur p.305), on trouvera encore un écho des peuples de 12 dans les deux dernières unités de 4–9 (en 6–7: nations et 8–9: populations), comme dans celles de 16–18.20–21 (nations en 20b et 21). ’yb/s. rr selon Avishur p.753, à l’index. ’yb/s´ n’ selon Avishur p.753, à l’index. Relevons ici que ceux qui ne sont pas oubliés en 13b et 19a constituent la paire stéréotypée cny/’bywn selon Avishur pp. 27.132.138.259, ladite paire fonctionnant dans le seul chiasme que présente le v.19 (abc/c’b’a’).

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

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sera pas oublié à perpétuité. En 14 et (17b–)18 nous voyons répartis les termes de la paire stéréotypée sheol/mort 31, la mort étant épargnée au fidèle tandis que les méchants iront au shéol. En 14b et 20a nous lisons respectivement les verbes rwm et qwm, dont Girard 32 a noté la parenté: ici YHWH rehausse (relève) son fidèle, là il est à appelé à se lever contre l’homme mortel qui l’oublie. Quant aux indices se répondant du premier volet au second et inversement d’un ensemble à l’autre, ce sont les suivants. En 11a et 20a nous lisons respectivement confiance et force, soit les termes d’une paire stéréotypée 33: ceux qui connaissent YHWH se sentent avec lui en sécurité; mais, face à YHWH se levant contre lui, le mortel n’a aucune chance de se retrouver le (plus) fort 34. Les expressions d’une longue durée se lisent en 6–7 (pour toujours, à jamais, à perpétuité), 8(–9) (pour toujours) et en 19 (à perpétuité, à jamais). Elles connotent en 6–7 l’extermination des ennemis, en 8 la stabilité du trône royal de YHWH, en 19 le souvenir que garde YHWH du pauvre et partant la non disparition de l’espérance de ce dernier. Le même YHWH, au pouvoir indéracinable, peut tout aussi bien faire disparaître à jamais les ennemis et garder pour toujours souvenir du pauvre 35. Par rapport à notre travail de 1992 nous n’avons pas renoncé à la détermination des unités alors mise au point. Mais nous n’avions pas alors pleinement saisi la structure d’ensemble, d’où notre proposition quelque peu compliquée de deux structures d’ensemble. A remettre l’ouvrage sur le métier, il nous a semblé qu’en tenant compte plus à fond des types d’unités et des sous-ensembles structurés qui alors apparaissent, la structure du Ps 9, pour complexe qu’elle soit, se laisse cependant nettement percevoir. Les trois volets 4–9, 10 –15 et 16–18 + 20–21, possédant chacun sa structure interne, sont agencés entre eux selon un triptyque dont les deux volets extrêmes se répondent. Cependant le volet central est d’une part annoncé (en ses unités A) en 2–3, avant la première partie (4–5) du parallèle de 4–9, et d’autre part rappelé (en ses unités D) en 19, avant la deuxième partie (20 –21) du parallèle final (16–18 + 20 –21). Divers indices structurels

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sˇ ’wl/mwt selon Avishur pp. 26.257.258.294. Dans son étude de 1984 (Analyse structurelle, p.105 n.4), citant à l’appui Pss 7, 7–8; 18, 49; 89, 43– 44; 92, 11–12). c wz/bt.h. selon Avishur pp. 174.224.280.654. De 10 à 20a on peut rapprocher citadelle-élevée et Lève-toi (soit les racines s´gb et qwm), selon la suggestion de Girard (Analyse structurelle, p.107 n.7, citant fort opportunément Ps 59,2): ici la citadelle protège, là le défenseur s’en prend à l’ennemi. De 2(–3) et 15 à (17b–)18 nous retrouvons l’adjectif tout, mais dans des contextes trop hétérogènes pour qu’il puisse constituer l’indice d’une correspondance.

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Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

(principalement des récurrences) articulent aussi entre eux ces trois volets, soit les trois ensemble, soit deux à deux 36. * * * Ayant ainsi considéré la structure d’ensemble du Ps 9 dans une confrontation avec la dernière proposition de Marc Girard. nous voudrions ici reprendre celle du Ps 10. Mais pour ce psaume ce n’est pas tant la structure d’ensemble qui requiert une remise sur le métier 37, mais la structure interne de chacun des trois volets 1–5, 6–15 et 16–18, par quoi nous commencerons donc à nous appliquer, quitte à revenir autant qu’il sera nécessaire sur la structure d’ensemble de ce psaume. Donnons ici dès l’abord une traduction du Ps 10 en y indiquant à l’aide de diverses typographies les indices structurels 38: 1a 1b 2a 2b 3a

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Pourquoi (lmh), YHWH, te tiens-tu au loin, te dissimules-tu (tc lym) pour les temps (où l’on est) dans l’adversité? Avec orgueil le méchant s’enflamme (contre) l’humilié. Ils seront attrapés par ces complots auxquels ils ont pensé. Car il s’est loué, le méchant, pour le désir de sa g o r g e ,

Nous pensons ainsi avoir pleinement honoré les réticences et critiques de Girard (Les Psaumes redécouverts, principalement p.252 n.19). Pour pouvoir tenir compte de toutes les récurrences de mots, il nous a suffi de repérer plus exactement les sous-ensembles structurés. Girard simplifie par trop la structure complexe de ce psaume en y distinguant un grand diptyque à double tranche (2–3 + 4–11 // 12–15 + 16–21). Mais, nous l’avons vu, 10–11 appartiennent à 10–15 et c’est plutôt d’un triptyque qu’il faut parler, 4–9 et 16–18 + 20–21 entourant 12–15 annoncés en 2–3 et rappelés en 19. Les divers sous-ensembles structurés proposés par Girard (sauf 12–15) ne parviennent pas à rendre compte de manière satisfaisante des indices de structure par lui retenus. Ainsi pour 2–11 il a bien perçu le parallèle entre 4 + 5 et 6–7 + 8–9, mais pour faire se correspondre 2–3 et 10–11, il doit négliger 10 et 11b. Pour obtenir un parallèle en 4–11, s’il retient la correspondance entre 5 et 8–9, il doit sectionner l’unité 6–7 (voir Quatre Psaumes, p.52) et recourir pour 6 et 10–11 à un rapport d’antithèse alors que les rapports entre 4 et 7 et entre 5 et 8–9 sont d’un tout autre type. Le parallèle proposé entre 12–15 + 16–17 et 18–19 + 20–21 néglige entre autres choses le rapport de 12 et 15 à 11a et 2–3 (c’est à 13 et 14 que 19 se rapporte) ainsi que l’appartenance de 18 à 16–18. L’accord sur ce point étant fait dès notre proposition de 1992 (Quatre psaumes), où pour la répartition des trois volets nous reprenons Girard, Analyse structurelle. Nous utiliserons la traduction la plus récente (1996) de Girard, quitte ici ou là à revenir à la première (1984) ou à apporter quelques modifications sur lesquelles nous nous expliquerons au fur et à mesure de notre étude.

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

3b 4a 4b 4c 5a 5b 5c

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le profiteur a béni (sa propre personne); il a dédaigné YHWH. Le méchant, comme (en témoigne) la morgue de son n e z , ne recherche point: « Il n’y a pas de Dieu (’lhym) ». Tous ses complots rendent puissant son chemin en tout temps. Ils se sont détournés, tes jugements, de devant lui. Tous ses adversaires, il souffle sur eux.

6a

Il a dit dans son c œ u r : « Je ne chancellerai point, de génération en génération; 6b je marcherai-tout-droit, non pas dans le mal(heur). » 7a De malédiction sa b o u c h e s’est remplie, de fourberie et de brutalité. 7b Sous sa l a n g u e (il y a) du tourment et de l’iniquité. 8a Il s’assoit en embuscade (dans) les enclos; 8b dans des cachettes il tue l’innocent. 8c Ses y e u x vers le miséreux se camouflent. 9a Il s’embusque dans une cachette comme un lion dans son abri; 9b il s’embusque pour s’emparer de l’humilié; 9c il s’empare de l’humilié en le conservant dans son filet. 10a (Celui-ci) est écrasé, il s’affaisse; 10b ils sont tombés en son pouvoir, les miséreux. 11a Il a dit dans son c œ u r : « Il a oublié, Dieu (’l), 11b il a caché sa f a c e , il n’a point vu à perpétuité. » 12a Lève-toi, YHWH! Dieu (’l), élève ta m a i n ! 12b N’oublie pas les humiliés. 13a 13b 14a 14b 14c 14d 15a 15b

Pour quelle raison (cl mh) a-t-il dédaigné, le méchant, Dieu (’lhym)? Il a dit dans son c œ u r : « Tu ne rechercheras pas. » Tu as vu – oui, toi – le tourment et l(e sujet d)’irritation. Tu regardes pour donner avec ta m a i n . A toi il (s’)abandonne, le miséreux. (Pour) l’orphelin, toi tu as été aidant. Brise le b r a s du méchant et du mal(faisant). Tu rechercheras sa méchanceté: tu ne trouveras point.

16a YHWH (est) roi toujours et (à) jamais (cwlm). 16b Elles ont péri, les nations, (loin) de sa terre. 17a Le désir des humiliés, tu (l’)as entendu, YHWH. 17b Tu fixes leur c œ u r , tu rends-attentive ton o r e i l l e , 18a pour juger l’orphelin et l’(homme) écrasé. /18b/ Il ne continuera point encore /18b/ à terrifier (les pauvres gens), l’homme (mortel, une fois parti loin) de la terre.

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Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

Considérons donc tout d’abord Ps 10, 1–5 39: 1a 1b 2a 2b 3a 3b 4a 4b 4c 5a 5b 5c

Pourquoi, YHWH, te tiens-tu au loin, te dissimules-tu pour les temps (où l’on est) dans l’adversité? Avec orgueil le méchant s’enflamme (contre) l’humilié. Ils seront attrapés par ces complots auxquels ils ont pensé. Car il s’est loué*, le méchant, pour le désir de sa g o r g e , le profiteur a béni* (sa propre personne); il a dédaigné YHWH. Le méchant, comme (en témoigne) la morgue de son n e z , ne recherche point: « Il n’y a pas de Dieu (’lhym) ». Tous ses complots rendent puissant son chemin en tout temps. Ils se sont détournés, tes jugements, de devant lui. Tous ses adversaires, il souffle sur eux.

Dans sa traduction la plus récente (1996) Girard s’en tient pour 3b au Texte Massorétique et voit, avec raison nous semble-t-il, se correspondre «il s’est loué, le méchant» de 3a et «le profiteur a béni (sa propre personne) » de 3b 40. Avant de considérer l’ensemble 1–5 repérons deux mini-structures en 3aba et 4ab. En 3aba nous découvrons une petite symétrie concentrique autour de cl t’wt npsˇw, entouré immédiatement par rsˇ c et bs. c, puis par les termes de la paire stéréotypée hll/brk 41. En 4ab nous pouvons peut-être voir un certain chiasme avec comme termes centraux les deux négations bl et ’yn et comme termes extrêmes, en opposition l’un à l’autre, le méchant et Dieu: chez le méchant point de recherche, mais au contraire il part de sa conviction qu’il n’y a pas de Dieu. Mais nous devons maintenant découvrir la structure de 1–5 à partir du tableau suivant:

39

40 41

Pour 1–5 nous gardons le simple Pourquoi en 1a et marquerons autrement la différence avec 13a (voir ci-dessous). En 2b démonstratif + relatif nous semblent rendre suffisamment zw (comme pour 9,16b). Pour 4a nous préférons l’unique substantif morgue (avec Girard 1984). En 4b l’explicitation « (en dehors de lui-même) » nous semble superflue, et de même en 5b le « (loin) ». Ainsi évite-t-il la fausse récurrence de chemin de 3b (correction) à 5a, laquelle nous avait en partie égaré dans notre proposition de 1984. Selon Avishur, pp. 70–71 et 288.

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

1

YHWH… b…

2

b…

3a [ky hll] 3b …[brk]… 4a 4b 4c 5ab 5c

rsˇ c… rsˇ c c l… npsˇw YHWH



rsˇ c k… ’pw… ’lhym



lctwt bs.rh bmzmwt…

13



kl mzmwtyw… bkl ct… kl s.rryw… ▼

Le chiasme est bien lisible qui comprend aux extrêmes les termes accompagnés d’une flèche au trait plein sur notre tableau (temps/adversité, temps/adversaires), puis, en se rapprochant des centres, la mention des mzmwt (complots), et enfin les séries de trois termes accompagnés sur notre tableau d’une flèche au trait discontinu (méchant/gorge/YHWH et méchant/nez/Dieu). On aura aussi remarqué que les termes en caractères gras de 3ab et 4ab (méchant et YHWH/Dieu) sont préparés, en ordre inverse, par ceux relevés de la même façon en 1–2. Curieusement les trois derniers termes relevés ici en 1–2 sont précédés de peu ou prou par la préposition b, et ceux de 4c–5 par l’adjectif kl. La correspondance entre npsˇw et ’pw se fonde sur leur appartenance au corps humain (gorge et nez). On voit aussi que les termes de la paire stéréotypée hll/brk précèdent respectivement les premier et troisième de la série de 3 (flèche au trait discontinu). Ainsi si le psalmiste en appelle en 1–2 à YHWH contre le méchant pour les temps de l’adversité et des complots, c’est que selon 4c–5 ces complots rendent puissant le méchant en tout temps, lui qu’on voit souffler sur ses adversaires. Le méchant s’est loué pour le désir de sa gorge et il a dédaigné YHWH, ce méchant, avec la morgue de son nez, qui va jusqu’à déclarer: il n’y a pas de Dieu. Ce premier volet de notre psaume est donc fort bien structuré selon le chiasme dont les indices se trouvent parfaitement répartis à cette fin 42.

42

Girard y voit (Psaumes redécouverts, pp. 263–264) aussi un chiasme, mais en 1.2–3.4–5a.5bc, faute d’avoir bien situé les récurrences de rsˇ c et YHWH/’lhym les unes par rapport aux autres.

14

Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

Considérons sans plus attendre le dernier volet 16–18 43, et nous reviendrons ensuite au volet central. 16a YHWH (est) roi* toujours et (à) jamais. 16b Elles ont péri, les nations, (loin) de sa terre. 17a Le désir des humiliés, YHWH. 17b Tu fixes leur c œ u r + ,

tu (l’)as entendu°, tu rends-attentive ton o r e i l l e ° + ,

18a pour juger* l’orphelin et l’(homme) écrasé. /18b/ Il ne continuera point encore /18b/ à terrifier (les pauvres gens), l’homme (mortel, une fois parti loin) de la terre. Girard voyait en 16–18 un chiasme dans son étude de 1984. Il y voit une symétrie concentrique en 1992, un centre 17ba y étant selon lui entouré successivement de 17a et 17bb–18aa, puis de 16 et 18abb. Nous reprendrons néanmoins notre proposition de 1992, non prise en compte par Girard. En 16a et 18aa nous lisons, se rapportant au même YHWH, les deux fonctions de roi et de juge, soit de surcroît les termes d’une paire stéréotypée 44, puis en 16b et 18abb de sa terre et de la terre, de la première étant chassées les nations, de la seconde l’homme mortel. Ainsi, comme il est clairement indiqué par le texte, 16 et 18 sont entre eux parallèles. Une autre paire stéréotypée joue de 17ab à 17bb, soit entendre et oreille 45. Et dans la première partie de chacun de ces deux cola nous lisons respectivement « le désir des humiliés » et « tu affermis leur cœur ». Le désir, c’est le désir du cœur 46. Ainsi 17a et 17b sont-ils eux aussi parallèles entre eux. On peut même garder la place centrale au YHWH final de 17a et voir l’ensemble disposé concentriquement autour de lui, ce YHWH étant sujet et du verbe qui le précède (tu l’as entendu), et du verbe qui le suit (tu affermis) 47. Ainsi, face à YHWH, roi pour toujours et juge de l’opprimé, les

43

44 45 46

47

Nous adoptons ici sans modification la dernière traduction de Girard, qui a pris soin entre autres choses de rendre la récurrence de bl en 18a par ne…point comme en 4b.6a.15b (voir Quatre Psaumes, p.75). mlk/sˇ pt. selon Avishur p.762, à l’index. sˇ mc/’zn selon Avishur p.768, à l’index. On a encore dans les deux parties de 17b la répartition des termes de la paire stéréotypée lb/’wzn (Avishur p.278). Selon l’expression de Ps 21,3. En fait, c’est plus souvent npsˇ qui est employé avec t’wh, mais on connaît l’équivalence entre gorge et cœur (paire stéréotypée: voir Avishur p.761). On pourrait aussi voir les deux mentions de YHWH au début de 16 et au terme de 17a inclure le premier volet d’un chiasme 16 + 17a / 17b + 18. Mais en s’en tenant à notre proposition on voit d’une part YHWH en 16 annoncer la

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

15

nations mortelles devront disparaître de la terre, car YHWH entend le désir du cœur des humiliés 48. Nous pouvons maintenant en venir à la partie centrale 6–15 49: 6a

Il a dit dans son c œ u r : « Je ne chancellerai point, de génération en génération; 6b je marcherai-tout-droit, non pas dans le mal(heur). » 7a De malédiction sa b o u c h e * s’est remplie, de fourberie et de brutalité. 7b Sous sa l a n g u e * (il y a) du tourment et de l’iniquité. 8a Il s’assoit en embuscade (dans) les enclos; 8b dans des cachettes il tue l’innocent. 8c Ses y e u x vers le miséreux se camouflent. 9a Il s’embusque dans une cachette comme un lion dans son abri; 9b il s’embusque pour s’emparer de l’humilié; 9c il s’empare de l’humilié en le conservant dans son filet. 10a (Celui-ci) est écrasé, il s’affaisse; 10b ils sont tombés en son pouvoir, les miséreux. 11a Il a dit dans son c œ u r : « Il a oublié, Dieu (’l), 11b il a caché sa f a c e , il n’a point vu à perpétuité. » 12a Lève-toi, YHWH! Dieu (’l), élève ta m a i n ! 12b N’oublie pas les humiliés. 13a Pour quelle raison (cl mh) a-t-il dédaigné, le méchant, Dieu(’lhym)? 13b Il a dit dans son c œ u r : « Tu ne rechercheras pas. » 14a Tu as vu – oui, toi – le tourment et l(e sujet d)’irritation. 14b Tu regardes pour donner avec ta m a i n . 14c A toi il (s’)abandonne, le miséreux. 14d (Pour) l’orphelin, toi tu as été aidant.

48

49

mention du même en 17, et on retrouve d’autre part de 17 à 18 ce que Girard appelle la terminologie du pauvre (les humiliés et l’orphelin, l’écrasé). On peut repérer une inclusion discrète de l’ensemble dans le jeu de mots allant de cd (à jamais) en 16a à cwd (plus, c’est-à-dire, après bl, non encore) en 18ab. La royauté de YHWH et la disparition des nations sont voués à durer. Pour 6ab nous préférons la traduction Girard de 1984, plus sobre. Nous traduisons ’lh en 7a par malédiction et en 7b (comme plus loin en 14a) cml par tourment. En 8a nous préférons encore pour h.s. rym la traduction de 1984: un terme (enclos) pour un terme, et plus concret que espaces-clos. On verra ci-dessous comment la traduction mieux ajustée de Girard permet ici plusieurs fois une meilleure découverte de la structure, laquelle se trouve ainsi la confirmer.

16

Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

15a Brise le b r a s du méchant et du mal(faisant). 15b Tu rechercheras sa méchanceté: tu ne trouveras point. Cette partie centrale est évidemment constituée de trois volets (6–10, 11–12, 13–15), mais un problème de frontière se pose entre les deuxième et troisième. Girard, qui veut que ses trois volets commencent par la même formule « il a dit dans son cœur » rattache à cette fin 13a à 11–12. Mais il faut faire à cette proposition plusieurs objections. La première est formulée par Girard lui-même: cela oblige à couper le v.13, ce qui est encore plus embarrassant si, comme il serait possible, on voit le questionnement initial de 13 porter sur les deux premières propositions (Pourquoi a-t-il dédaigné, le méchant, Dieu, a-t-il dit dans son cœur…? 50). De plus de 12 à 13 on passe pour Dieu de la 2ème à la 3ème pers. Enfin, on va le voir, tant 11–12 que 13–15 constituent des unités autonomes d’un point de vue structurel 51. C’est d’ailleurs par l’étude de la structure propre à chacun de ces trois volets qu’il convient de commencer. En 6–10 il convient de distinguer 6–7 sur ce que le méchant a au cœur et manifeste dans les discours de sa bouche et de sa langue, puis 8–10 sur ses méfaits. L’inclusion de 6–7 repose sur les paires stéréotypées bouche/ cœur 52 et cœur/langue 53, cœur se lisant en 6aa et bouche et langue respectivement en 7aa et 7bb. En 6abb nous pouvons repérer chiasme et parallèle superposés, soit ce que nous appelons une symétrie croisée. Le parallèle est syntaxique puisque par deux fois nous voyons un verbe suivi d’un complément. Mais à considérer les contenus on découvre aussi un chiasme en ce que aux extrêmes il s’agit d’écueils à éviter (ne pas chanceler, non le malheur, avec une négation ici et là), tandis qu’aux centres s’ouvrent les heureuses perspectives d’une longue durée (de génération en génération) ou d’une marche assurée (je marcherai-tout-droit). Mais la structure de 7 semble encore plus nette. Présentons-la dans le tableau suivant: De malédiction

x sa bouche*…

de fourberies et de brutalité.

Y X’

Sous sa langue* du tourment et de l’iniquité

50 51

52 53

y X

C’est l’option par exemple de la Bible de Jérusalem. Dans son tableau p.261 Girard met en parallèle 7–10, 12–13a et 14–15. Mais 13a est hétérogène à l’ensemble. Son recours à la dramatique (n.6) n’est pas convaincant. Si 13 (entier) appartient bien au troisième volet, c’est de 11 qu’il convient de le rapprocher. ph/lb selon Avishur p.765, à l’index. lb/lsˇ wn selon Avishur p.279.

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

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Le tandem central (fourberie et brutalité) est encadré d’abord par bouche et langue 54, bouche étant suivie d’un verbe (d’où la majuscule Y), puis par malédiction (un seul terme, d’où la minuscule x) et le tandem final (tourment et iniquité). On aura noté l’inversion entre le crescendo de x à X et le decrescendo de Y à y. L’ensemble 8–10 est soigneusement structuré. Tant 8ab, en bref, que 8c–10, en plus développé, comportent le temps du guet (8a et 8c–9b) et celui de la prise (8b et 9c–10), et les deux temps centraux sont mis en rapport comme le fera voir le tableau suivant: 8a 8b

en embuscade …

8c–9b

[le miséreux] il s’embusque dans une cachette il s’embusque [s’emparer de l’humilié] [s’empare de l’humilié]

9c–10

dans les cachettes

il tue …

écrasé s’affaisse tombés

[les miséreux] On sera sensible à la différence de proportions entre 8a + b et 8c–9b + 9c–10. Elle permet d’ailleurs à l’auteur de travailler plus avant l’articulation entre ces deux dernières unités. En effet dans le second volet 8c–10 on voit les temps du guet et de la prise articulés par le chiasme (dont les indices sont mis sur notre tableau entre crochets) de le miséreux (8c) + s’emparer de l’humilié (9b) avec s’empare de l’humilié (9c) + les miséreux (10b) 55. Le temps du guet en 8a et 8c–9b comporte embuscade ou s’embusquer, celui de la prise en 8b et 9c–10 les termes désignant des événements à peu près successifs, soit: tuer, être écrasé, s’affaisser, tomber. Ainsi 8ab sont-ils comme une annonce de 8c–10. Le deuxième temps de 8ab et le premier de 8c–10 comportent la mention des cachettes, lieu d’abord de l’acte de tuer,

54 55

Lesquelles constituent une paire stéréotypée selon Avishur p.765, à l’index. On peut même percevoir une certaine structure dans le seul deuxième volet 9c–10 de 8c–10, soit le chiasme suivant: l’humilié dans son filet (b… -w) est écrasé s’affaisse en son pouvoir (b… -w) les miséreux A sa manière cette structure est en faveur de la traduction de Girard pour 10b.

18

Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

puis du guet. Ainsi se trouvent articulés entre eux les deux volets 8ab et 8c–10 56. En 11–12 la structure mérite d’être regardée avec plus de précision que nous ne l’avons fait en 1984. Après l’annonce de 11aa (il a dit dans son cœur), l’ensemble est inclus entre les deux emplois de oublier, mais disposé selon un parallèle à six termes, soit: Dieu (’l) + sa face + négation (bl) // Dieu + ta main + négation (’l). Au discours du méchant avançant que il a oublié, Dieu, caché sa face, n’a point vu, s’oppose la demande du psalmiste à Dieu, pour qu’il élève sa main et n’oublie pas les humiliés. Nous avons donc là une unité structurellement autonome et n’appelant aucun complément. Il est inopportun de vouloir y rattacher 13a surtout si, comme nous allons le voir, 13–15 constituent eux-mêmes une unité structurelle. Venons-en donc à 13–15. Ils semblent bien structurés selon un petit triptyque où 13 et 15, se correspondant entre eux, encadrent 14. Ce dernier verset est inclus entre les deux pronoms indépendants toi (’th) 57, précédé au début et suivi au terme d’un verbe dont le sujet est YHWH. Mais le premier est suivi et le dernier précédé par deux termes de significations voisines, soit respectivement cml wkcs et h.lkh ytwm, au centre de quoi nous lisons les deux actions, qui s’enchaînent, soit celle de celui (YHWH) qui regarde pour donner avec sa (pronom-suffixe 2ème pers. dans le discours) main, et celle de celui (le miséreux) qui à lui (pronom-suffixe 2ème pers.) s’abandonne. Récapitulons comme suit le chiasme de l’ensemble: Tu as vu – oui, toi tourment et …irritation tu regardes pour donner avec ta main A toi il s’abandonne le miséreux… l’orphelin toi tu as été aidant On aura relevé les quatre emplois du pronom 2ème pers., indépendant dans les deuxième et avant-dernier termes, suffixe dans les deux termes centraux. Dans le premier volet du chiasme le pronom (indépendant, puis 56

57

Girard (Les Psaumes redécouverts, p.263) simplifie par trop les choses en ne voyant en 8–10 qu’un parallèle entre 8ab + c et 9 + 10, cela à partir de s’embusquer et miséreux. Que dans sa dernière traduction Girard restitue très heureusement en 14a.

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

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suffixe) est précédé par les deux verbes synonymes voir et regarder, qui d’ailleurs constituent une paire stéréotypée 58. Ainsi se trouve inclus ce premier volet. Quant à 13 et 15, ils respectent entre eux et un parallèle aux extrêmes), et un chiasme (aux centres), lesquels nous ferons voir dans le tableau suivant où nos deux versets sont disposés en vis-à-vis: 13a

dédaigné le méchant

brise

15a

le b r a s * du méchant

13b

son c œ u r *

tu ne rechercheras pas

tu rechercheras sa méchanceté

15b

tu ne trouveras point

C œ u r et b r a s constituent une paire stéréotypée 59. A la première ligne nous voyons se donner la réplique ici le dédain de Dieu par le méchant, là Dieu qui en retour est invité à lui briser le bras. A la dernière ligne s’opposent la conviction du méchant selon laquelle Dieu ne recherchera p as et la victoire si totale de Dieu que quiconque se mettrait à chercher la méchanceté du méchant ne la trouverait p oint (pour la simple raison que le méchant a disparu). En 15 on notera la disposition en parallèle permettant de passer du méchant à sa méchanceté (cette dernière en quelque sorte le définissant), et de la recherche du premier à l’impossibilité de trouver la seconde. Aux centres nous avons donc relevé le chiasme mettant en rapport méchant et méchanceté ainsi que c œ u r et b r a s . Le méchant dédaigne Dieu dans son c œ u r, et Dieu est invité comme en retour à lui briser le b r a s et à faire en sorte que sa méchanceté même devienne introuvable. Nous avons donc en 13–15 un ensemble à la structure bien repérable, et il n’est pas pertinent de vouloir en séparer 13a pour le rattacher à ce qui précède, soit 11–12, qui eux-mêmes d’ailleurs – comme nous l’avons vu ci-dessus – possèdent leur autonomie structurelle. Ainsi les trois volets 6–10, 11–12 et 13–15 possèdent chacun leur autonomie structurelle. Qu’en est-il de leur ensemble? Tous trois commencent par la même formule il a dit dans son cœur dont on a vu cidessus comment elle était structurellement articulée en 6–10 et 13–15, dans les volets extrêmes, à ce qui suit. Dans les propositions antérieures tant de Girard que de nous-même la prise en considération trop rapide de critères morphocritiques pour parvenir à saisir l’ensemble 6–15 nous a

58 59

r’h/nbt. selon Avishur pp. 269.295.639.659. lb/zrwc selon Avishur p.378.

20

Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

distrait des repérages proprement structurels que nous voulons tenter ici. Considérons à cette fin successivement les rapports de chacun des trois volets avec les deux autres. De 6–10 à 11–12 nous pouvons mettre en valeur la disposition des indices de correspondance dans le tableau suivant:

blbw



bl

’mwt.

qwmh

l’

ns´’

bmstrym

8c

c

9

bmstr c

10

ynyw

ny (bis)

wnpl



8ab

11

pnyw

bl



6



hstyr

12

ydk c

nyym

’l

Nous avions distingué en 6–10 successivement 6–7 et 8–10, en 11–12 chacun des deux versets. On voit que parmi les indices relevés dans notre tableau, un de 6–7 (l’) « mord » sur la deuxième partie (après le trait horizontal) en 6–10, tandis qu’en 11–12 inversement un de 12 (qwmh) « mord » sur la première partie. Les négations ont été mises en caractères gras, les quatre verbes exprimant le risque de chute (chanceler), la chute (tomber), ou le fait de se lever ou de lever (en petites capitales. Les simples récurrences et les parties du corps (cœur, yeux, face, main, reliés par les doubles flèches) ont été laissées en caractères simples. En 11–12 nous n’avons pas reporté au début de 11 blbw pour deux raisons. La première est qu’il ne s’incorpore pas à 11 comme le même terme en 6–7. La seconde est que les autres parties du corps en 11–12 (face et main) sont attribuées à YHWH, à la différence de blbw. Cela dit, nous n’entendons évidemment pas réduire le rôle de cette récurrence dans l’ensemble 6–15, nous l’avons même relevé ci-dessus. Ces précisions étant données, observons – ce qu’aident à repérer sur notre tableau doubles flèches et traits discontinus – ce que dans la première partie horizontale de notre tableau nous avons en parallèle et dans la seconde en chiasme. De même que dans la seconde partie de 6–10 cynyw, soit les yeux du méchant, ici au centre des termes du chiasme, est encadré par deux termes de racine str, de même dans la première partie de 11–12 le premier terme, désignation de la face de YHWH, est précédé d’un mot de racine str. Dans les secondes parties les

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Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

deux termes ultimes (npl et la négation), sont l’un et l’autre précédés de deux (en 9) ou une (en 12) mentions de humilié(s). Ainsi le cœur et les yeux (en ses cachettes) malveillants du méchant lui font croire que YHWH a caché sa face, mais gare à lui quand ce dernier répondra à l’appel qui est fait à sa main. Il peut bien penser qu’il ne trébuchera ni ne fera un pas dans la mauvaise direction, que YHWH n’a rien vu; mais que YHWH entende seulement l’appel qui lui est fait de ne pas oublier les humiliés! Lui ne trébuchera pas, pense-t-il, et les humiliés sont tombés en son pouvoir; mais YHWH répondra à qui lui demande de se lever et de lever sa main en faveur des humiliés. Ainsi s’articulent et se répondent, assez richement on le voit, les deux volets consécutifs de 6–10 et 11–12. Qu’en est-il des deux autres volets consécutifs, soit 11–12 et 13–15? Ici encore un tableau permettra de situer aisément les indices de correspondance: 11 cœur / Dieu (’l) bl + VU

12

DIEU (’lhym) / cœur* l’ VU TA MAIN Dieu (’l) + TA MAIN bras* ’l bl

13 14 15

En 13–15 nous avions vu comment 13 et 15, se répondant entre eux, encadrent 14. Nous voyons ici comment Dieu et Dieu en 11 et 12, sont chacun suivis d’une négation (lesquelles se lisent sur notre tableau en transcription sans parenthèses), et reçoivent un écho en DIEU en 13, tandis que cœur et bras (termes d’une paire stéréotypée 60) qui en 13 et 15 sont chacun suivis d’une négation, étaient comme annoncés par cœur en 11. Par ailleurs VU et TA MAIN qui se lisent respectivement après la négation en 11 et après Dieu en 12, se lisent à nouveau, et dans le même ordre, en 14, verset central en 15. On voit ainsi très précisément situés les indices de correspondance entre 11–12 et 13–15. Celui qui s’égare en son cœur finira par avoir le bras brisé par ce Dieu qu’il a dédaigné (13) jusqu’à croire qu’il pouvait oublier (11), mais qui cependant est ce même Dieu invoqué (12), et non en vain, par son fidèle. Ce Dieu dont le méchant croit qu’il n’a pas vu, sa main est appelée à la rescousse par le fidèle, et elle agira après avoir bel et bien vu l’oppression subie par les siens. Il nous reste à étudier les rapports entre les deux volets extrêmes, 6–10 et 13–15. Présentons les indices dans le tableau suivant

60

lb/zrwc selon Avishur p.378.

22

Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

6

7



il a dit dans son cœur bl l’ mal(heur) bouche/langue tourment et …

il a dit dans son cœur l’

tu as vu* tu regardes*

ses yeux (8c) miséreux (10b)



8 10

13

tourment et … ta main miséreux

14

le bras mal(faisant) bl

15

Pour ce qui est des parties du corps, imprimées en gras sur notre tableau, on conviendra que bouche, langue, yeux en 6–10 appartiennent à la tête, et on se souviendra qu’en 13–15 cœur et main d’une part, et de l’autre main et bras constituent des paires stéréotypées 61. On lit en 6 comme en 13 il a dit dans son cœur et peu après la négation l’. On voit aussi confluer de 7 et 8c à 14 tourment et miséreux. Accompagnant cette dernière récurrence on voit le thème de la vision passer également de 8c à 14 avec les yeux et la paire de verbes (stéréotypée 62) voir et regarder. Mais certaines correspondances s’ordonnent encore sous mode d’inversion entre les quatre unités extrêmes. On lit en effet, accompagnées d’une flèche sur notre tableau, la négation bl + malheur + parties du corps (bouche/langue) en 6–7, et partie du corps (bras) + mauvais + bl en 15, l’inversion se poursuivant encore d’une certaine manière en 8c et 13 où on voit répartis les termes de la paire stéréotypée que constituent yeux et cœur 63. Ce dont le méchant croit en son cœur que cela n’arrivera pas arrivera bel et bien. Et le tourment qu’il impose au miséreux n’échappera pas à Celui auquel s’abandonne ce dernier. Le méchant croit qu’il ne lui arrivera aucun malheur, ce que confirme les propos tenus par sa bouche et sa langue et ce à quoi s’appliquent ses yeux, mais les pensées de son cœur n’y feront rien: son bras finira par être brisé, ce bras du malfaisant dont on n’aura plus aucune chance de trouver la méchanceté. Ainsi peut-on voir, d’un point de vue proprement structurel, comment se répondent autour de 11–12 les volets de 6–10 et 13–15 64. 61 62 63 64

Avishur pp. 279.504–505.522 pour le premier, p.759 (à l’index) pour le second. r’h/nbt. selon Avishur 269.295.639.659. lb/cynyym selon Avishur pp. 279.607.623–625. Pour ce qui est de l’analyse structurelle proprement dite Girard (Les Psaumes

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

23

Pour saisir la structure d’ensemble du psaume il nous reste à comparer successivement 1–5 avec 16–18 autour du triptyque de 6–15, puis successivement 1–5 et 16–18 avec le triptyque central de 6–15. Commençons donc par comparer 1–5 et 16–18. Nous avons ici et là distingué quatre petites unités, soi 1–2.3.4ab.4c–5 et 16.17a.17b.18. Nous y voyons répartis les indices suivants: 1–2

YHWH lm humilié désir sa gorge* YHWH [son nez] bl jugements c

3

4ab 4c–5

YHWH wlm désir humiliés YHWH leur cœur* [ton oreille] juger bl

16

c

17a

17b 18

Les deux premières lignes comportent des termes disposés parallèlement d’ici à là, les quatre suivantes des termes inversés deux à deux (gorge et cœur constituant la paire stéréotypée que l’on sait), puis de nouveau, après les parties du corps mises entre crochets, deux termes en ordre inversé. Par rapport à nos quatre unités ici et là les deux premiers termes se lisent dans les premières unités, puis il y a chevauchement sur 2 et 3 pour les deux suivants (humilié/désir), sur 17a et 17b pour les deux suivants (YHWH: leur cœur), sur 4ab et 4c–5 pour les deux derniers (bl/jugements). Il s’agit donc de YHWH au début ici pour lui poser la question de son absence, là pour proclamer sa royauté. La même racine clm en 1b et 1a, le « mystère » de 1b laissant entendre que YHWH échappe à son fidèle (se cache), celui de 16a au contraire manifestant la royauté de YHWH pour toujours, une durée telle qu’elle échappe à son fidèle. Selon 2–3 l’humilié est traqué et le méchant se loue du désir de sa gorge, mais selon 17a c’est cette fois le désir des humiliés qui est entendu. Selon 3, tout au désir de sa gorge le profiteur a dédaigné YHWH, mais selon 17 YHWH a entendu les siens et affermi leur cœur. Selon 4–5 le méchant ne cherche point et se détourne des jugements de Dieu, mais selon 18 c’est l’orphelin que YHWH viendra juger, tant et si bien que l’homme mortel ne continuera point à terroriser

redécouverts, pp.260–261) se contente pour l’ensemble 6–15 de relever les principales récurrences marquant les rapports entre premier et deuxième, premier et troisième, deuxième et troisième volets (ses distinctions en soustranches après les formules d’introduction relèvent, de son propre aveu, de la morphocritique).

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Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

encore les pauvres gens. Entre le nez prétentieux du méchant selon 4a et l’oreille tout attentive de YHWH selon 17b l’opposition n’est pas difficile à saisir. Il nous reste encore une correspondance un peu moins patente et que pour cette raison nous n’avons pas inscrite sur notre tableau. Nous avons vu plus haut que roi et juge forment une paire stéréotypée. 0r en 4c–5 les jugements sont précédés d’une indication de durée (en tout temps) et en 16 roi est suivi d’une autre indication de durée (pour toujours et à jamais). Nous passons ainsi de la dernière unité de 1–5 à la première de 16–18: en tout temps les jugements de YHWH sont absents de la vie du méchant, bien que YHWH soit roi pour toujours et à jamais. Considérons maintenant les rapports entre 1–5 et le triptyque central de 6–15. Les récurrences et autres indices structurels d’ici à là se trouvent situés comme suit (en tenant compte de la détermination des unités obtenue ci-dessus tant pour 1–5 que pour 6–15): 1

Pourquoi (lmh) YHWH

2

méchant …humilié

3

méchant… g o r g e dédaigné YHWH

4ab

méchant …n e z … bl recherche ’yn ’lhym

c œ u r … bl… l’ bouche/langue y e u x … humilié (bis) cœur … face bl … YHWH m a i n … ’l… humiliés

6–10 [8–10] 11–12 [12]

Pour quelle raison (cl mh) 13–15 dédaigné… méchant ’lhym… c œ u r … l’… rechercheras main [14] b r a s … méchant [15] rechercheras… méchanceté bl… [trouveras]

[4c5] Le dernier volet 4c5 de 1–5 ne joue pas dans les correspondances entre 1–5 et 6–15. Nous ne le mentionnons donc qu’entre crochets sous un trait discontinu au terme de 1–5. Se trouvent donc en vis-à-vis sur notre tableau d’une part 1–2, 3, 4ab, et d’autre part 6–10, 11–12, 13–15. YHWH se lit dans les deux premières unités en 1–5 et dans la deuxième en 6–15, humilié dans les deux premières unités en 6–15, et en 1–5 dans la première. Mais tandis que méchant se lit dans les trois unités de 1–4b, mais seulement dans la dernière en 6–15 (soit trois fois en 13–15), de même et inversement la négation bl se lit dans les trois unités de 6–15 (où de plus on lit à chaque fois une autre négation), mais seulement dans la dernière de 1–4b.

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

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En 3 et 4ab c’est de la g o r g e et du n e z du méchant qu’il s’agit, comme en 6–10, pour ce qui est des parties du corps, de son c œ u r et de ses b o u c h e et l a n g u e , en 11–12 de son c œ u r , et en 13–15 de son c œ u r et de son b r a s ; mais en 11–12 et 13–15, 2ème et 3ème unités comme 3 et 4ab en 1–5, mention est faite de la f a c e (11b) et de la m a i n (12a.14b) de YHWH, cette dernière étant appelée à l’aide pour faire échec aux pensées et entreprises du méchant. On retrouve d’ici à là selon un ordre parallèle humilié en 1–2 et 6–10, YHWH en 3 et 11–12 (ainsi que les termes de la paire stéréotypée cœur/gorge 65), méchant, bl, rechercher, et ’lhym en 4ab et 13–15. L’humilié est ici et là opprimé, YHWH méprisé par le méchant, mais appelé à l’aide par le fidèle, le méchant hostile à Dieu et se figurant qu’il n’a rien à en redouter, ne recherchant rien au sujet de Dieu, alors que Dieu, lui, va bel et bien le rechercher. On notera encore que si bl en 4(a)b et 6(–10) sert à exprimer l’assurance du méchant qui ne s’applique à aucune recherche, ni ne voit qu’il pourrait bien chanceler, en 1–3 (avant 4ab) et en 11–15 (après 6–10) nous lisons dans chacune des deux unités consécutives humilié (9 et 12), puis dédaigné (3b et 13): le premier est poursuivi par celui-là qui dédaigne YHWH. Nous avons vu plus haut comment, à partir de méchant et de bl, 13–15 se trouvait en rapport avec les trois unités de 1–4ab et par ailleurs 4ab avec les trois unités de 6–15. Comme indices complémentaires de ces assemblages on ajoutera de 1–2 à 13–15 les interrogations initiales (lmh et cl mh), de 3 à 13–15 la paire stéréotypée cœur/gorge, de 4ab à 13–15 les nombreux indices déjà relevés (dans le parallèle 1–4b // 6–15), puis de 4ab aux trois unités de 6–15 les parties du corps du méchant (nez, cœur / bouche / langue / yeux, cœur, cœur / bras) ainsi que, une fois encore, les nombreux indices de 4ab à 13–15. Comme autres assemblages on relèvera encore celui de 3 dans son rapport avec les trois unités de 6–15, cela à partir de la paire stéréotypée cœur/gorge (du méchant), mais aussi d’autres indices déjà relevés et que le lecteur retrouvera sans peine. Il découvrira de même aisément les assemblages des trois unités de 1–4b en chacune de celles de 6–15, cela en se référant simplement au tableau ci-dessus. Ainsi apparaît-il bien que 1–5 (1–4b) et 6–15 sont mis en rapport étroit à partir d’indices nombreux et structurellement bien situés. Qu’en est-il entre le triptyque central de 6–15 et 16–18? Présentons ici encore dans un tableau les récurrences et autres indices structurels:

65

Avishur p.61, à l’index.

26

Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

6–7

cœur… bl ldr wdr°

8–10 11

wlm° wcd

16

humilié/écrasé cœur… bl VU* lns.h.

12 13 14 15

c

humilié… ENTENDU* cœur

17a 17b

orphelin/écrasé

18

humilié cœur VU* bl

orphelin

bl… cwd

L’opposition est patente entre le cœur du méchant mentionné dans l’amorce des trois unités de 6–15 (6, 11, 13) et celui des humiliés mentionné dans l’unité centrale de 16–18 (17). On voit aussi un certain parallèle d’un ensemble à l’autre, se lisant en 6(–10) et 16 les termes de la paire stéréotypée c wlm/dwr wdwr 66, de 11(–12) à 17(a) ceux de la paire stéréotypée voir/ entendre 67 et humilié, de 13–15 à 18 orphelin et la négation bl. Est-il quelqu’un qu’il ne voie point tôt ou tard celui qui est roi à jamais? Celui dont on croyait qu’il ne verrait point le sort infligé aux humiliés, il a bel et bien entendu leur désir. Son aide et son jugement favorable sont assurés à l’orphelin. En 18 on peut repérer un assemblage des trois unités de 6–15 puisqu’on y lit bl, une indication de temps, et écrasé comme en 6–10, bl et une indication de temps comme en 11–12, et les indices déjà relevés entre 13–15 et 18. Contrairement à ce que pense le méchant, l’oppression qu’il fait subir à l’écrasé ne durera pas perpétuellement, ni l’apparent aveuglement (selon lui) de YHWH 68. On peut encore, secondairement, repérer un certain chiasme tant de 6–12 à 16–17 que de 11–15 à 17–18. Le premier est indiqué par humilié de 6–10 à 17 et par les deux indications de temps de 11(–12) et 16(a), le second par bl et une indication de temps de 11(–12) à 18 et par les termes de la paire voir/entendre de 13–15 (14) à 17(a). L’humilié est maltraité par le méchant (6–10), mais entendu jusque en son désir par YHWH (17). Comment ne finirait-il pas par voir (11) celui qui est roi à jamais (16)? Il est bien faux de dire que YHWH n’y verra jamais rien (11), c’est ce que démontrera la fin de toute terreur infligée par le

66 67 68

Avishur p.764, à l’index. Avishur pp. 87.263.286. ns.h./dwr (wdwr) constituent également une paire stéréotypée selon Avishur pp. 195.225.554.

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

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méchant aux pauvres gens (18). De même que YHWH a vu le tourment infligé au miséreux (14), de même il a entendu le désir des humiliés (17). Ainsi s’articule 16–18 au triptyque central de 6–15. * * * Ayant ainsi étudié la structure propre de chacun des deux psaumes 9 et 10, il nous reste à repérer celle de l’ensemble structuré qu’à eux deux ils constituent. Tant Girard 69 que Fokkelman 70 ont proposé de voir un parallèle entre les deux psaumes, le premier s’astreignant à en donner les justifications structurelles. Pour Girard il se joue entre Ps 9, 2–11.12–15.16–21 et Ps 10, 1–5.6–15.16–18, pour Fokkelman entre Ps 9, 2–9.10–13.14–21 et Ps 10, 1–8.9–11.12–18. Girard voit aussi une certaine disposition en chiasme de l’ensemble, mais entre d’une part 9, 2–11 + 9, 12–21 + 10, 1–3 et d’autre part 10, 4–5 + 6–15 + 16–18. Si tous deux ont bien pressenti l’allure générale de l’ordonnance des rapports entre nos deux psaumes, ils ont sans nécessité négligé l’autonomie de chacun des trois volets tant du Ps 9 (2–9.10–15.16–21) que du Ps 10 (1–5.6–15.16–18). Fokkelman ne se trouve la respecter que pour 9, 2–9, Girard dans son parallèle pour 9, 16–21 et 10 (les trois volets), dans son chiasme pour 10, 6–15 et 16–18. Nous voudrions ici montrer que tant parallèle que chiasme apparaissent bel et bien dans le texte respecté en ses six volets tels que repérés en leur structure autonome dans les pages précédentes.

69

70

Psaumes redécouverts, pp. 269–274, mettant à profit notre « inventaire méticuleux des récurrences » (Quatre Psaumes, chapitre VII) pour améliorer sensiblement sa proposition de 1984 (Analyse structurelle, pp. 114–116), mais avec les limites qu’on va dire. J. P. Fokkelman, Major Poems of the Hebrew Bible, SSN, Assen 2000, pp. 81–83. Au point de vue structurel c’est à ce point que l’analyse de F. présente le plus d’intérêt. Pour les quelques structures partielles qu’il croit percevoir en ses pp. 75–76 (Ps 9, 14–21), et 81 (Ps 10, 1–8), nous ne pouvons trouver l’accord. Cela vient de sa détermination des strophes et stances (à partir de critères que nous n’avons pas ici à discuter) qui ne coïncide que rarement avec notre détermination des unités (fondée pour sa part sur les contenus et un relevé précis des récurrences et autres indices de structures). Ainsi F. distingue en Ps 9 les stances (avec entre parenthèses les différentes strophes) I (2–3.4–5), II (6–7.8–9), III (10–11.12–13), IV (14–15.16–17), V (18–19.20–21), puis en Ps 10: VI (1–2.3–4), VII (5–6.7–8), VIII (9–11), IX (12–13.14), X (15–16.17–18). En se reportant à notre étude de chacun des deux psaumes le lecteur aura vite fait de se rendre compte des divergences. Au niveau des strophes (Fokkelman) nos analyses ne se rejoignent que pour 2–3, 6–7, et 8–9. Voir notre confrontation avec les travaux de F. au sujet du cantique d’Ex 15 dans Là montent les tribus, BZAW 289, Berlin/New York 1999, chapitre XXV et XXVI.

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Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

Commençons par le parallèle à partir des indices de correspondance relevés dans le tableau que voici (nous n’y porterons pas, pour gagner en clarté, le nom de YHWH, présent dans les six volets): 9, 2–9 jugement/juge(r) (5a.8b) méchant (6a) rendre grâce* (2a) cœur* (2a) ennemis* (4a)

10, 1–5 jugement (5b) méchant (2a.3a.4a) louer*71 (3a) et bénir*72 (3b) gorge* (3a) adversaires*73 (5c, 1b)

9, 10–15 écrasé (10a) abandonner (11b) rechercher (11b.13a) s’asseoir (12a) oublier (13b) humiliés (13b.14a) voir (14a)

10, 6–15 écrasé (10a) abandonner (14c) rechercher (13b.15b) s’asseoir (8a) oublier (11a.12b) humiliés (9b.c.12b) voir (11b.14a)

9, 16–21 nations (16a.18b.20b.21b) jugement/juger (17a.20b) humiliés (19b) périr (19b) à jamais (19b) l’homme (mortel) (20a.21b)

10, 16–18 nations (16b) juger (18a) humiliés (17a) périr (16b) (à) jamais (16a) l’homme (mortel) (18b)

On le voit, les indices d’un parallélisme entre les trois volets de 9 et les trois de 10 sont assez nombreux. Entre les deux premiers volets on voit en 9 le méchant exterminé par YHWH, ce méchant dont par deux fois sont dénoncés les méfaits en 10. Mais le jugement aura bel et bien lieu (9) pour ceux-là mêmes qui se sont détournés des jugements de YHWH. Et c’est l’action de grâce du fidèle (9) qui l’emportera, et non louange et bénédiction perverties du méchant (10). Le cœur du fidèle est adonné à ladite action de grâce (9), tandis que le méchant ne sait que se louer du désir de sa gorge (10,3a). Les ennemis seront vaincus (9), ceux-là qui

71 72 73

hll/ydh selon Avishur pp. 146.283.328. ydh/brk selon Avishur pp. 283.288.486.495. ’yb/s.rr selon Avishur p.753, à l’index.

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soufflent sur leurs adversaires (10,5c) 74. Entre les deux volets centraux on voit en 9 YHWH devenu une citadelle pour l’homme écrasé qui selon 10 était devenu tel par le fait du méchant. On voit ensuite s’opposer la recherche mutuelle de YHWH et des siens (9) et la conviction du méchant que YHWH ne le recherchera pas, ce qui pourtant adviendra bel et bien (10). Alors que YHWH est assis (comme juge) à Sion (9), le méchant, lui, s’assoit en embuscade contre l’innocent (10). YHWH ne peut oublier les humiliés (9), ne pas répondre à la demande qui lui en est faite (10). YHWH voit bel et bien l’humiliation des siens selon 9 et 10, même si selon 10 encore le méchant pense le contraire. Dans les derniers volets on voit que le non-abandon par YHWH en 9 et l’abandon du fidèle à YHWH en 10 sont de même sens. Nous voyons ensuite les nations être jugées et recevoir le sort qu’elles méritent (9), ou, tandis que les nations périssent, l’orphelin et l’homme écrasé bénéficier pour leur part du jugement divin (10). L’espérance des humiliés ne périra jamais (9), car elle est mise en celui qui est roi à jamais (10), mais ce sont les nations qui, elles, périront. Elles ne sont en effet qu’hommes mortels (9), et, une fois passé le jugement, cesseront un jour de terrifier les pauvres gens (10). Entre 9, 16–21 et 10, 16–18 on peut même pousser la comparaison plus avant d’un point de vue structurel. Chacun de ces deux volets est bâti selon un petit triptyque, soit 9, 16–18 et 20–21 autour de 19, puis 10, 16 et 18 autour de 17. Les deux petits volets centraux de ces triptyques, soit 9,19 et 10,17, défendent pour ainsi dire pour le premier l’espérance des humiliés, pour le second le désir des humiliés. On se souviendra des parallèles aux extrêmes ici entre trois et trois termes, là entre deux et deux termes. Aux centres 9, 17a et 20b et aux amorces 10, 16a et 18aa, nous lisons jugement/juger ou (en 16a) roi, dont nous avons dit plus haut 75 le rapport avec juge (paire stéréotypée). Puis aux extrêmes 9, 16 et 17b–18a comme en 10,16b (après l’amorce de 16a) nous lisons nations, et de même aux extrêmes 9, 20a et 21 comme en 10, 18abb (après l’amorce de 18aa) nous lisons homme mortel. On voit pour ainsi dire le parallèle entre 9, 17–18 (jugement + nations), 20b–21 (jugés + hommes mortels) et 10, 16 (roi + nations), 18 (juger + homme mortel), en 9 nations et homme mortel se lisant déjà une première fois avant jugement et jugés. Ainsi les correspondances entre les derniers volets de nos deux psaumes tiennent non seulement à des récurrences, mais aussi à des structures très comparables 76. 74

75 76

Etant donné les mots qu’il qualifie on pourrait peut-être relever aussi les emplois de l’adjectif tout de 9, 2–9 à 10, 1–5: en 9,2 c’est le fidèle qui rend grâce de tout son cœur, en 10, 4–5 c’est le méchant qui monte tous ses complots en tout temps et souffle sur tous ses adversaires. Voir notre n.44. Les deux volets centraux sont bien composés l’un et l’autre d’un triptyque (9, 10–11/12/13–15 et 10, 6–10/11–12/13–15) avec centres brefs par rapport aux

30

Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

Mais, comme l’a pressenti Girard, il existe aussi entre nos deux psaumes une ordonnance en chiasme. Nous n’avons pas à revenir ici sur le rapport entre les volets centraux, examiné ci-dessus. Entre les volets extrêmes nous relevons les indices récapitulés dans le tableau suivant: ▼

9, 2–9 cœur (2) jugement/juger (5a.b.8b.9a) nations (6a) pour toujours (6b.8a) à jamais (6b) 9, 16–21 celui (zw: 16b) jugement/juger (17a.20b) méchant (17b.18a) humiliés (19b) connaître* (21b.17a)



10, 16–18 cœur (17b) juger (18a) nations (16b) toujours (16a) (à) jamais (16a) 10, 1–5 ceux (zw: 2) jugements (5b) méchant (2a.3a.4a) humilié (2a) penser*77 (2b)

Considérons d’abord les volets extrêmes (9, 2–9 et 10, 16–18). Ici le cœur du psalmiste est tout adonné à l’action de grâce (9), là il a été fixé par YHWH (10). En 9 le jugement est celui des nations, en 10 celui de l’orphelin et de l’homme écrasé, les nations en 10 étant non seulement jugées, mais exterminées. Selon 9 YHWH est juge pour toujours, et le nom des nations effacé pour toujours et à jamais, selon 10 YHWH est roi toujours et à jamais (on se souviendra du rapport entre les fonctions de roi et de juge) 78. Dans les volets contigus (9, 16–21 et 10, 1–5) nous voyons jugées ces nations (9, avec leur filet, celui qu’ils ont dissimulé) qui méprisent les jugements de YHWH (10, rattrapés par ces complots, ceux auxquels ils ont pensé). En 9 le méchant est piégé, relégué au shéol, celui-là qui selon 10 traque l’humilié, méprise Dieu et se loue du désir de sa gorge. Même les nations auront à connaître qui elles sont selon 9, et selon 10 on retrouvera ceux-là qui les composent attrapés par ces complots auxquels ils ont pensé.

77 78

deux volets extrêmes plus développés, mais le rapprochement au point de vue structurel s’arrête là (c’est-à-dire à un point de vue formel), les récurrences d’un psaume à l’autre n’étant pas réparties selon ces structures. Les premiers volets sont de structures très différentes (xyzy’z’ en 9, 2–9, chiasme en 10, 1–5). ydc/h.sˇ b selon Avishur p.337. De 9,18b à 10,5c l’adjectif tout qualifie ici les nations (promises au shéol), là leurs adversaires (sur lesquels souffle le méchant).

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

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Ainsi des trois volets de 9 aux trois volets de 10 se superposent un parallèle et un chiasme, leurs rapports étant donc commandés par ce que nous appelons une symétrie croisée. Mais il nous reste encore à considérer les rapports entre les deux premiers volets ici et là, puis les deux derniers. Entre les deux premiers le parallélisme a été montré ci-dessus. Cependant ils sont aussi ordonnés entre eux selon un chiasme, comme le montrent les indices relevés dans le tableau suivant: ▼

9, 2–9 cœur (2a) face (4b) s’asseoir (5b.8a) méchant (6a) à perpétuité (7a) souvenir* (7b) 9, 10–15 les temps (10b) adversité (10b) rechercher (11b.13a) humilié (13b.14a)79 louanges (15a) connaître* (11a)



10, 6–15 cœur (6a.11a.13b) face (11b s’asseoir (8a) méchant (13a.15a.b) à perpétuité (11b) oublier* (11a.12b) 10, 1–5 les temps (1b.5a) adversité (1b.5c) rechercher (4b) humilié (2a) louer (3a) penser* (2b)

Considérons d’abord les rapports entre 9, 2–8 et 10, 6–15. Au cœur du fidèle tout adonné à la louange en 9 s’oppose nettement celui du méchant qui en 10 ne médite que pensées hostiles à Dieu. Selon 9 les méchants périront loin de la face de YHWH, eux qui selon 10 croyaient que YHWH avait caché sa face. En 9 nous voyons YHWH assis sur son trône de juge, pour juger entre autres celui qu’en 10 on voit assis en embuscade pour guetter l’innocent. Selon 9 il périra, le méchant, et 10 renchérit en annonçant que le bras du méchant sera brisé si bien que sa méchanceté sera introuvable, cela pour prix de son mépris de Dieu. Oui, selon 9 les ennemis ont été achevés à perpétuité, ceux-là mêmes qui selon 10 croyaient à l’aveuglement de Dieu à perpétuité. Selon 9 leur souvenir a péri, eux qui selon 10 croyaient que Dieu avait oublié les humiliés. Qu’en est-il par ailleurs des rapports entre 9, 10–15 et 10, 1–5? La réponse à la question de 10 sur la présence de YHWH pour les temps où l’on est dans l’adversité

79

A s’en tenir au texte massorétique il pourrait y avoir une récurrence de rwm de 9,14 à 10,5, mais pour ce dernier nous sommes d’accord avec Girard. Voir sa note de traduction.

32

Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

était déjà donnée (dans les mêmes termes) en 9. Ces temps s’opposent à ceux où ses complots rendent puissant le méchant. D’ailleurs, 10 le reconnaît, YHWH souffle sur tous ses adversaires. La recherche mutuelle de YHWH et des siens selon 9 s’oppose à l’absence de toute recherche de la part du méchant selon 10. YHWH n’a pas oublié les humiliés selon 9, et le méchant qui selon 10 s’enflamme contre l’humilié ferait bien de s’en souvenir. Quelles oppositions radicales entre la louange du fidèle adressée à YHWH (9) et celle que le méchant s’adresse à lui-même (10), entre ceux qui ont connaissance du Nom divin et ceux dont les pensées aboutiront à leur propre perte ! 80 Ainsi donc au parallèle entre les deux premiers volets de chacun de nos deux psaumes se superposent, on le voit, des rapports organisés en chiasme. C’est là encore une symétrie croisée. Considérons maintenant les deux derniers volets ici et là. Leur parallèle a été montré ci-dessus. Pour repérer les rapports disposés entre eux en chiasme procédons à un relevé dans le tableau suivant: ▼

9, 10–15 écrasé (10a) humiliés (13b.14a) voir* (14a) 9, 16–21) filet (16b) méchant (17b.18a) oublier (18b.19a) Dieu (’lhym: 18b) à perpétuité (19a) humiliés (19b) lève-toi (20a) face (20b) paumes* (17b)



10, 16–18 écrasé (18a) humiliés (17a) entendre* 81 (17a) 10, 6–15 filet (9c) méchant (13a.15a.b) oublier (11a.12b) Dieu (’lhym: 13a) à perpétuité (11b) humiliés (9b.c.12b) lève-toi (12a) face (11b) main* (12a.14b)

Du volet central de 9 au volet final de 10 on retrouve les humiliés et l’homme écrasé, ici et là bénéficiant de l’action bienfaisante de YHWH, lequel voit (en 9) et entend (en 10). Mais les rapports sont plus nombreux et plus étroits du volet final de 9 au volet central de 10. En 9 les méchants sont pris à leur propre filet, contrepartie heureuse de leur prise de l’humilié au filet selon 10. Le méchant qui oublie Dieu est réduit à merci en 9, et de

80 81

De 9,15a à 10,4c on notera que l’adjectif tout qualifie ici les louanges adressées à YHWH, là les complots dont le méchant poursuit le fidèle. r’h/sˇ mc, paire stéréotypée selon Avishur pp.87.263.286.

Etude structurelle des psaumes 9, 10, et 9–10

33

même en 10 où est dénoncé son mépris de Dieu. Mais le fidèle, lui, ne sera pas oublié selon 9, quoi qu’en pense selon 10 le méchant contré par la prière du fidèle (N’oublie pas). Non, selon 9, ce n’est pas à perpétuité que sera oublié le pauvre, l’aveuglement de Dieu n’étant pas, comme le pense le méchant selon 10, à perpétuité 82. L’espérance des humiliés ne sera pas vaine (9), quelle que soit leur détresse présente (10), d’ailleurs déjà contrée par leur prière. Notons enfin tant en 9 qu’en 10 les deux appels à YHWH: Lève-toi! Les nations seront jugées devant la face de YHWH selon 9, cette face dont le méchant croyait selon 10 que YHWH la cacherait à perpétuité. A partir de la paire stéréotypée main/paume 83 ajoutons l’opposition entre les paumes du méchant par lesquelles il se piège lui-même et la main de YHWH qu’il élèvera et ouvrira en faveur de son fidèle 84. Ainsi donc les deux derniers volets de nos Pss. 9 et 10 respectent entre eux tant un parallèle qu’un chiasme, soit ce que nous appelons une symétrie croisée. A partir des divers rapports étudiés entre les six volets de l’ensemble 9–10 on peut finalement constater que chacun des trois volets du Ps 9 est en rapport avec chacun des trois du Ps 10, et inversement. Mieux encore, puisque dans l’étude de nos deux psaumes nous avons étudié les rapports de chacun des volets avec les deux autres, nous pouvons avancer que sur l’ensemble du Ps 9–10 chacun des six volets est en rapport avec les cinq autres. Ajoutons quelques remarques sur des récurrences situées de façon particulière. Ainsi juge(r)/jugement se lit dans les volets extrêmes tant de 9 que de 10, jugement tantôt en faveur des fidèles, tantôt contre les ennemis. Souvenir/oublier se lisent dans les trois volets de 9, mais dans le seul volet central de 10, et de même tantôt pour effacer le souvenir des ennemis,

82

83 84

Nous pensons ainsi avoir rendu compte de cette récurrence d’un psaume à l’autre de à perpétuité qui embarrasse Girard (Psaumes redécouverts, p.274). Voir ci-dessus la comparaison entre les deux premiers volets pour celle de 9,7a à 10,11b. Doublant pour ainsi dire cette récurrence de 9, 7a.19a à 10,11b relevons de 9, 7a.19a à 10,6a (donc encore dans le volet central du Ps 10) la répartition des termes de la paire stéréotypée ns.h./dwr (Avishur pp. 195.225.554), les rapports s’interprétant ici comme avec 10,11b. De 9, 2–9 (6b) à 10, 6–15 (6a) on pourrait encore relever la répartition des termes de la paire stéréotypée cwlm/dwr wdwr (Avishur p.764, à l’index), la durée n’étant décidément pas le fait du méchant, quoi qu’il en pense. yd/kp selon Avishur p.759, à l’index. Mais si l’on entendait en 9,17b les paumes comme appartenant à YHWH, il y aurait correspondance de même sens entre ici les paumes piégeant le méchant et là la main œuvrant pour le fidèle. Sans qu’ils constituent une paire stéréotypée mais parce qu’ils désignent des parties du corps fort voisines, on notera encore la présence des paumes du méchant (selon notre option) en 9,17b et de son bras en 10,15a, les premières le piégeant, le second étant brisé par YHWH.

34

Chapitre I: Jouez pour YHWH assis à Sion

tantôt pour assurer celui des fidèles. La face de YHWH se rencontre dans les volets extrêmes de 9, mais dans le seul volet central de 10, face terrible à l’ennemi en 9, et que selon 10 il a bien tort de soupçonner de faiblesse 85. Il est remarquable que les humiliés ainsi que les termes qui leur sont apparentés (en 10: miséreux, écrasé, orphelin) sont mentionnés dans tous les volets sauf le premier qui précisément rend grâce à YHWH de son jugement victorieux sur les méchants. Notons enfin que s’asseoir se lit dans les deux premiers volets de 9 et dans le deuxième de 10, tandis que rechercher se lit dans le deuxième volet de 9, mais dans les deux premiers volets de 10. Il y a évidemment opposition entre la session de YHWH juge (9, 5.8.12) et celle du méchant qui s’asseoit pour guetter l’innocent (10,8), et de même entre cette recherche mutuelle entre YHWH et ses fidèles (9, 11.13) et l’absence de recherche de Dieu par le méchant (10,4), ou l’illusion qu’il nourrit que YHWH n’ira pas le rechercher (10,13), l’avenir devant montrer son erreur (10, 15) 86. Chacun des deux Pss 9 et 10 présente une structure qui lui est propre, en triptyque pour l’un et l’autre, mais leur ensemble se perçoit au mieux, structurellement parlant, à partir précisément de cette structure qui est la leur. Nous découvrons ainsi un ensemble de six volets entre eux organisés tant en parallèle qu’en chiasme. Il s’avère que nous avons bel et bien à faire en quelque sorte à trois psaumes, soit 9, 10, et 9–10.

85

86

Rappelons que c’est aussi dans les volets extrêmes du Ps 9 et dans le volet central du Ps 10 que nous lisons à perpétuité. Voir à ce sujet ci-dessus notre n.82. Avons-nous « réussi […] à mettre en lumière un système méga-structurel suffisamment évident pour satisfaire (aux) exigences critiques » de Girard (Psaumes redécouverts, p.269)? En tout cas nous n’avons pas eu besoin de supposer comme il le fait de nouveaux ensembles pour saisir le chiasme d’ensemble de 9–10 et il nous semble avoir tenu compte au mieux de tous les indices de structures à tous les niveaux. G. Barbiero, Das erste Psalmenbuch als Einheit, OBS 10, Frankfurt/Berlin 1999, pp. 140–141 oublie dans son tableau 59 les récurrences de cd en 9, 6b.19b et 10,16a, ’lhym de 9,18b à 10,13, rsˇ c en 10,13a, ct en 10,5 (devant donc se compter à son tour parmi ces auteurs dont il signale que leurs listes de récurrences sont incomplètes!). Son commentaire des diverses récurrences est fort intéressant. Pour notre part nous sous sommes efforcé de les situer dans les structures respectives de chaque psaume, leurs contextes ainsi situés contribuant pour sa part à en saisir toute la portée.

Chapitre II YHWH mon rocher Etude structurelle du psaume 18 Par deux fois Marc Girard s’est efforcé de présenter la structure littéraire du Ps 18 1. Entre temps nous avons aussi risqué une proposition tenant compte de la première de Girard 2. Nous voudrions ici reprendre l’étude à nouveaux frais. Nous critiquerons au fur et à mesure les propositions antérieures. Notre premier travail consistera à reprendre l’étude de la structure des petites unités en découvrant peu à peu les ensembles structurés qu’elles constituent. Comme Girard le proposait dans son étude de 1984 3 et nous-mêmes dix ans après, nous distinguerons trois grandes parties en 2–20, 21–32 et 33–51, d’où les trois premières étapes de cette étude. La quatrième consistera à étudier la structure d’ensemble du psaume, soit le rapport de chacune de ces trois grandes parties avec les deux autres. Mais auparavant donnons ci-dessous une traduction, soit la dernière (1996) de Girard (on voudra bien se reporter à ses notes de traduction pour les explications que nous ne reprenons pas ci-dessous). Nous y relevons systématiquement les récurrences en italiques, italiques simples quand une récurrence ne joue qu’à l’intérieur d’un seul volet composant chacune des parties, italiques soulignées quand elle ne joue (d’un volet à un autre) qu’à l’intérieur d’une des trois parties, italiques en caractères gras quand elle joue entre deux (ou même trois) parties. Il n’est évidemment pas exclu qu’une même récurrence puisse jouer à plusieurs niveaux (volet, partie, ensemble du psaume). Pour les prépositions (l, b, mn,…) qu’il n’est pas toujours possible de traduire par une même préposition en français, nous les signalons entre parenthèses à côté de leur traduction, laquelle est cependant mise aussi en italiques quand elle se lit plusieurs fois dans le psaume, éventuellement (selon les contextes où elle s’inscrit) en italiques gras quand elle passe d’une partie à l’autre. Nous

1 2 3

Dans Analyse structurelle, pp. 157–168, et Psaumes redécouverts, pp. 344–371. «C’est un peuple umilié que tu sauves » Etude structurelle du psaume 18, ScEs 46 (1994) 273–291 et 47 (1995) 81–101.219 (ci-après: ScEs et les pages). Mais non dans celle de 1996, comme nous le rappellerons le moment venu.

36

Chapitre II: YHWH mon rocher

signalons entre parenthèses ’l quand c’est ce terme qui est traduit par Dieu (et non ’lhym). La distinction des unités et parties (soit les trois susdites) est celle que nous allons ci-dessous proposer et justifier. Nous voyons pas l’utilité du « (toi) » en 2. Nous sommes d’accord avec Girard pour préférer 2S 22 en 5a, 8b, 12a, 12b, 13a, 42b, mais nous préférons encore 2S 22 en 3 (texte plus long: voir les crochets [] dans notre traduction), 7d (omission de en face de lui), 14c (omission, signalée aussi par des crochets […] dans notre traduction), 48b (descendre plutôt que subjuguer), 49. S’il y a lieu, nous signalerons au long de notre étude telle ou telle remarque d’ordre structurel en faveur de l’une ou l’autre de ces options. 2 3a 3b 3c 3d 3e 4a 4b 5a 5b 6a 6b 7a 7b 7c 7d 8a 8b 8c 9a 9b 9c 10a 10b 11a 11b 12a

Je t’affectionne, YHWH, mon renfort. YHWH (est) mon rocher, ma forteresse et (Celui) me libérant. mon Dieu, mon roc, – je me réfugie en lui –, mon bouclier et la corne de mon salut, ma citadelle [et mon lieu-de-fuite, (Celui) me sauvant. De (mn) la violence tu me sauves.] (En) louant, j’appelle YHWH, et de (mn) mes ennemis je suis sauvé. Elles m’ont cerné, les vagues de la Mort; les torrents du lieu-fatal (blycl) m’ont terrifié; les cordes du shéol m’ont entouré; ils sont venus-au-devant de moi, les pièges de la Mort. Dans (b) l’adversité (qui vient) à moi (ly), j’appelle YHWH, vers mon Dieu je crie. Il entend de (mn) son temple ma voix, mon cri (par)vient à (b) ses oreilles. Elle s’est ébranlée et a tremblé, la terre; les fondations des cieux ont frémi, se sont ébranlées. Car elle l’a brûlé, elle est montée, la fumée, dans (b) son nez-en-colère. Un feu (sortant) de (mn) sa bouche a dévoré; des charbons ont flambé (à partir) de chez lui (mmnw). Il a tendu les cieux (vers le bas) et est descendu, un (épais) brouillard sous ses pieds. Il a monté (à califourchon) sur (cl) un chérubin et a volé. Il a plané sur (cl) les ailes d’un souffle-de-vent. Et il a aménagé la ténèbre (comme) sa cachette (aux al)entours de lui;

Etude structurelle du psaume 18

12b

37

13a 13b

son abri, (c’est) une condensation d’eaux, des nuages de poudre (de brume). De (mn) la lueur (qui rayonne) devant lui, ses nuages ont flambé: (en sont sortis) de la grêle et des charbons de feu.

14a 14b 15a 15b 16a 16b 16c 16d 17a 17b

Il a tonné dans (b) les cieux, YHWH; le Monté-haut (clywn) a donné (de) sa voix […]: Il a envoyé ses flèches et les a dispersées; les éclairs (en) abondance, il (les) a disséminés. Ils ont été vus, les fonds des eaux; elles furent mises-à-nu, les fondations du monde, (sous le coup) de (mn) ta menace, YHWH, de (mn) la respiration du souffle-de-vent de ton nez-en-colère. Il envoie (sa main) d(’en) (mn) haut, il me prend, il me retire des (mn) eaux abondantes.

18a 18b

Il me délivre de (mn) mon ennemi fort, et des (mn) (gens) me haïssant, car ils ont été-solides plus que moi (mmny). Ils viennent-au-devant de moi au (b) jour de ma détresse. (Mais) il est, YHWH, tel (l) un point-d’appui pour moi (ly). Et il me fait sortir au (l) large, Il m’affranchit, car il s’est plu en moi (by).

19a 19b 20a 20b

---------21a 21b

25b

Il agit (envers) moi, YHWH, selon (k) ma justice; selon (k) la pureté de mes mains il fait revenir (les choses) pour moi (ly). Car j’ai gardé les chemins de YHWH, et je n’ai pas été-méchant (loin) de (mn) mon Dieu. Car tous ses jugements (sont) devant moi (lngdy); ses lois, je ne (les) détourne pas de moi (mmny); je suis parfait pour lui (lw), et je me garde de (mn) ma faute. Il fait revenir (les choses), YHWH, pour moi (ly), selon (k) ma justice; selon (k) la pureté de mes mains devant (lngd) ses yeux.

26a 26b 27a 27b

Avec le loyal tu es-loyal; avec le brave (homme qui est) parfait, tu es-parfait; avec le purifié tu es-pur; et avec le pervers tu es-rusé.

28a 28b 29a

Car toi, (c’est) un peuple humilié (que) tu sauves; et les yeux haut(ain)s, tu (les) abaisses. Car toi, tu (es) ma lampe, YHWH;

22a 22b 23a 23b 24a 24b 25a

38

Chapitre II: YHWH mon rocher

29b 30a 30b

mon Dieu fait luire ma ténèbre. Car, par (b) toi, je cours (par-dessus) la tranchée; par (b) mon Dieu, je saute le mur.

31a 31b 31c

Dieu (’l), parfait (est) son chemin; le dire de YHWH (est) passé-au-creuset. (Il est) un bouclier, lui, pour (l) tous les (gens) se réfugiant en lui. Car qui (est) Dieu (’l) hormis (l+) YHWH, et qui (est) roc en dehors de notre Dieu?

32a 32b

---------33a 33b 34a 34b 35a 35b 36a 36b 37a 37b 38a 38b 39a 39b 40a 40b 41a 41b 42a 42b 43a 43b 44a 44b 44c 45a 45b

Le Dieu (’l) me ceinturant de puissance donne (la capacité de devenir) parfait (à) mon chemin. Plaçant mes pieds comme (k) (ceux) des biches, sur (cl) les buttes il me fait tenir (debout). apprenant à mes mains (les stratégies) pour (l) le combat. Il se courbe, l’arc de bronze, (entre) mes bras. Tu me (ly) donnes le bouclier de ton salut. Ta droite me soutient et ta réponse me fait abonder (d’énergie). Tu élargis mon pas sous moi; elles n’ont pas vacillé, mes chevilles. Je poursuis mes ennemis et je les atteins; et je ne reviens pas jusqu’à ce que (j’aie réussi à) les achever; je les écrase, et ils ne peuvent pas se lever: ils tombent sous mes pieds. Tu me ceintures de puissance pour (l) le combat. Tu fais plier les (gens) se levant (contre) moi, sous moi. Mes ennemis, tu me (ly) donnes l(eur) nuque; les (gens) me haïssant, je les abats. Ils crient, et (il n’y a) point de (personne les) sauvant, vers YHWH, et il ne leur (= les) répond pas. Je les pulvérise comme (k) de la poussière contre (cl) la face du souffle-de-vent comme (k) la boue des rues, je les vidange. Tu me libères des (mn) disputes du peuple. Tu me mets à (l) la tête des nations. (Les citoyens d’)un peuple (que) je ne connaissais pas me servent; Des fils d(e pays) étranger se rétractent pour moi (ly); à (l) l’entendement de l’oreille ils m’entendent.

39

Etude structurelle du psaume 18

46a 46b 47a 47b 48a 48b 49a 49b 49c 50a 50b 50c 51a 51b 51c

des fils d(e pays) étrangers se flétrissent: ils éprouvent-de-l’angoisse, (à partir) de (mn) leurs lieux-fermés. Vivant (est) YHWH et béni, mon roc! Il est-haut, le Dieu de mon salut. (Il est) le Dieu (’l) me (ly) donnant (l’occasion d’exercer) les vengeances, faisant descendre les peuples sous moi. et me faisant sortir. (Loin) de (mn) mes ennemis et des (mn) (gens) se levant (contre) moi, tu me hausses; de (mn) l’homme de violence tu me délivres Aussi je te rends grâce parmi (b) les nations, YHWH, et pour (l) ton nom je joue, (lui), faisant grandir les saluts de son roi et faisant (preuve de) loyauté pour (l) son oint, pour (l) David et pour (l) sa lignée jusqu’à toujours.

PREMIÈRE PARTIE: 2–20 Nous avons à considérer en 2–20 successivement 2–7, 8–13 et 14–17, et 18–20, puis l’ensemble. En 2–7 apparaît en 2–3 un premier ensemble structuré que nous présenterons d’abord dans le tableau suivant: 2 3a 3b

JE T’AFFECTIONNE YHWH YHWH MON

DIEU

MON RENFORT MON ROCHER

ma forteresse MON ROC°

me libérant*

JE ME RÉFUGIE EN LUI

3c 3d

mon bouclier la corne de ma citadelle+ mon lieu-de-fuite+

mon salut*° me sauvant*°

Dans l’avant-dernière colonne nous lisons tous les moyens de protection offerts par YHWH à son fidèle. On peut voir ici deux petites symétries concentriques, imbriquées l’une dans l’autre. La première comporte ce qui se lit en petites CAPITALES, la seconde ce qui se lit en italiques. Aux extrêmes de la première nous lisons les deux verbes dont le psalmiste est le sujet et, sous forme d’un pronom-suffixe, YHWH le complément, au

40

Chapitre II: YHWH mon rocher

centre YHWH MON ROCHER, et autour de ce centre d’une part YHWH MON RENFORT et de l’autre MON DIEU MON ROC, le parallèle entre ces deux dernières expressions se percevant sans peine. Le centre de l’autre symétrie est la corne de mon salut, tandis qu’aux extrêmes lui correspondent mon lieu-de-fuite me sauvant et ma forteresse me libérant. On sait que libérer/ sauver constituent une paire stéréotypée 4. Entre les extrêmes et le centre se lisent mon bouclier et ma citadelle, moyens de protection individuelle pour le premier, collective pour le second. Les deux termes citadelle et lieu-de-fuite constituent eux aussi une paire stéréotypée 5. Marquant aussi l’homogénéité thématique du morceau notons encore la paire stéréotypée roc/salut 6 dont les termes sont répartis de l’une à l’autre de nos deux symétries. On voit que la version de 2S 22 adoptée ici pour 2–3 présente au niveau structurel une homogénéité perdue dans celle du Ps 18. Notre option va être confirmée dans la suite de 2–7 et plus loin lors de l’étude de la structure d’ensemble du psaume. Mais inversement il apparaît déjà (ce qui sera aussi confirmé par la structure d’ensemble) que, comme l’avance Girard, 2 appartient bien au psaume et est omis malencontreusement par 2S 22. Avant d’en arriver à 2–7 il nous faut encore repérer quelques ministructures, et d’abord en 3e–4 où une affirmation centrale « En louant j’appelle YHWH » 7 est encadrée par les deux affirmations entre elles parallèles: « De la violence tu me sauves » et « et de mes ennemis je suis sauvé ». Quant à 5 et 6 ils se présentent comme ceci: 5 6

Elles m’ont cerné les torrents du lieu-fatal les cordes du shéol ils sont venus-au-devant de moi

les vagues de la Mort m’ont terrifié m’ont entouré les pièges de la Mort

soit deux chiasmes dont les données correspondantes s’inversent de l’un à l’autre, la mention de la Mort au terme de 5a et de 6b incluant l’ensemble. En 7ab et 7cd nous avons deux chiasmes, soit: … j’appelle + YHWH / vers mon Dieu + je crie, et: il entend… + ma voix / mon cri + parvient à ses oreilles. Ce dernier s’appuie sur deux paires stéréotypées, soit entendre/ oreille 8 et voix/cri 9. On notera les deux situations, en quelque sorte 4 5 6 7 8

plt./ysˇ c, selon Avishur p.286. ms´gb/mnws selon Avishur p.130. s.wr/ysˇ c selon Avishur pp. 163–164. Pour mhll en 4a nous adoptons la proposition de Girard dans sa note pour la traduction. sˇ mc/’zn selon Avishur pp. 101.285.665–666. Contrairement à notre n.8 de ScEs (p.280), et à partir de l’analyse structurelle de 7 que nous proposons ici, nous

Etude structurelle du psaume 18

41

opposées, d’une part du psalmiste dans l’adversité au début de 7a et d’autre part de YHWH depuis son temple en 7c. Quoi que de façon un peu moins nette qu’en 5–6, ces deux chiasmes de 7ab et cd inversent eux aussi leurs données, appel et cri étant aux extrêmes en 7ab, aux centres en 7cd, YHWH mon Dieu aux centres en 7ab, c’est-à-dire selon 7cd, aux extrêmes, celui qui entend. En 7, aidant en quelque sorte à en percevoir l’unité, on pourrait encore relever la petite symétrie concentrique que voici: j’appelle/ YHWH (x) + vers mon Dieu/je crie (y) / il entend (z) / de son temple/ma voix (y’) + mon cri/à ses oreilles (x’). Cela étant précisé, nous pouvons donner un premier aperçu de la structure de 2–7 dans le tableau suivant: 2–3d 3e 4a 4b 5–6 7ab 7cd

De la violence de mes ennemis* [MORT] Dans l’adversité*

[SALUT] tu me sauves j’appelle YHWH je suis sauvé j’appelle YHWH il entend…

La structure de l’ensemble se percevra aisément pourvu qu’on considère successivement 2–6 et 4–7, soit deux petits ensembles structurés ayant en commun 4–6. On se souvient en effet de la simple symétrie concentrique (aba’) de 3e–4: ici nous voyons que tu me sauves de 3e reprend d’un mot 2–3d, tandis qu’on comprend à fond ce qu’il en est des assauts des ennemis de 4b quand on lit 5–6. Et si on lit 4–7 il apparaît que 5–6 au centre est entouré d’abord par les termes de la paire stéréotypée ennemi/adversité 10, mais aussi par le parallèle entre j’appelle YHWH + je suis sauvé et j’appelle YHWH + il entend. Ainsi 4–6 font-ils partie simultanément de l’unité structurée de 2–6 et de celle de 4–7, le centre de la première étant l’appel à YHWH de 4a, celui de la seconde les assauts de la mort en 5–6, ledit appel aboutissant au salut (2–3e et 4b), les assauts de la mort étant vaincus par ce même salut (4b et 7). Avec 8–17 nous avons à faire en 8–13 et 14–17 aux volets d’une majestueuse théophanie. Considérons d’abord le premier volet en 8–13. En 8 nous lisons d’abord le chiasme suivant:

9 10

adoptons l’opinion de Girard qui voit en 7d en face de lui redondant par rapport à à ses oreilles, et nous appuyant sur l’omission par 2S 22, nous l’omettons. qwl/sˇw ch selon Avishur pp. 172.177.321. ’yb/sˇ rr selon Avishur p.751, à l’index.

42

Chapitre II: YHWH mon rocher

Elle s’est ébranlée et a tremblé la terre* les fondations des cieux* ont frémi se sont ébranlées On notera aux centres les termes de la paire stéréotypée très courante de terre et cieux, aux extrêmes le même verbe s’ébranler. On peut ensuite noter en 9 les parallèles entre fumée + son nez(-en-colère) // feu + sa bouche, mais aussi feu + de (mn) sa bouche // charbons + de (mn) chez lui. En 11 on peut voir un chiasme de … sur les chérubins + a volé à a plané + sur les ailes…11 C’est une petite symétrie concentrique qui commande 12: ténébre (x) + cachette (y) / aux alentours de lui (z) / abri (y’) + condensation d’eaux, nuages de poudre (X’). Et de même, en plus simple, en 13: lueur (v) / devant lui (z’) / flambé… charbons de feu (V’). On aura remarqué en 12 et 13 la similitude des centres et comment les derniers termes de ces symétries sont développés (d’où les majuscules pour nos sigles). En 10–13, ou mieux 10b–13, on pourrait avec Girard (p.352) voir un certain chiasme où 11a appellent 11b comme 10b appelle 12, 10b et 12 décrivant ce qui se trouve sous YHWH (brouillard) ou autour de lui (ténèbres et nuages) lors de la théophanie. Considérons maintenant l’ensemble de 8–13, et cela à partir du tableau suivant: 8

(terre)

cieux

9a

elle est montée*° son nez

9bc feu… sa bouche charbons flambé

cieux

10aa

est descendu* (brouillard) sous ses pieds à califourchon° sur sur les ailes… (vent) (eaux/nuages) [aux alentours de lui] (nuages)

flambé charbons feu

10ab 10b 11a 11b 12 13

On découvre ainsi un parallèle entre les deux tableaux de 8–9 et 10–13. Aux extrêmes ici et là nous avons porté en caractères gras les quatre

11

Pour 11a nous préférons garder la première traduction de Girard (1984) pour faire voir justement la récurrence de sur (cl) de 11a à 11b. Le lecteur prendra garde qu’il n’y a point de récurrence du verbe monter de 9a à 11a.

Etude structurelle du psaume 18

43

récurrences de cieux 12 et feu/charbons/flambé (ces trois dernières en ordre inverse de 9bc à 13). Entre ces extrêmes on voit monter*° + dans son nez appeler en 10–11 d’une part descendre* + sous ses pieds et d’autre part monter à califourchon° + sur les ailes. Deux paires stéréotypées aident à percevoir la correspondance entre les verbes, soit clh/yrd et clh/rkb 13. Notons de plus que le verbe monter (9a) et la préposition sur (11a et 11b, où elle s’oppose à sous en 10b) sont en hébreu de même racine. Quant au nez (avec un peu plus loin la bouche) et aux pieds, ils appartiennent à YHWH. La correspondance est moins serrée avec les ailes qui appartiennent au vent et désignent une partie du corps animal de l’oiseau, jouant cependant du même mode de métaphore. Nous avons porté entre parenthèses les éléments autres que les cieux, mais appartenant comme eux au cosmos, soit la terre au début de 9 et le brouillard et les eaux et les nuages en 10b–12, les nuages à nouveau en 13. Considérons maintenant 14–17. Nous montrerons ci-dessous comment la structure de ce petit ensemble incite à ne pas tenir compte de 14c, absent en 2S 22. L’ensemble 14–17 se présente comme suit: 14

Il a tonné dans les cieux* YHWH le Monté-haut (clywn) a donné+ de la voix° 15 Il a envoyé+ ses flèches" et les a dispersées les éclairs"° en abondance il a disséminés 16ab Ils ont été vus les fonds des eaux elles furent mises-à-nu, les fondations du monde 16cd de (mn) ta menace YHWH de (mn)… ton nez-en-colère 17 Il envoie+ d’en haut* (mmrwm) et me prend me retire des (mn) eaux abondantes

12

13

On voit ici, outre le parallélisme synthétique signalé par Girard (terre/cieux en 8ab) une première raison structurelle (à l’intérieur de 8–13) de choisir cieux avec 2S 22. La seconde apparaîtra ci-dessous dans la comparaison entre 8–13 et 14–17. Nous situons donc autrement que Girard les arguments d’ordre structurel portant à faire le choix ici de 2S 22. Avishur pp. 510 et 522 pour la première, 422 pour la seconde.

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Chapitre II: YHWH mon rocher

Autour de 16ab (16a // 16b) nous lisons en parallèle 14 + 15 et 16cd + 17. On lit YHWH comme un des centres du chiasme de 14 et comme centre de la petite symétrie concentrique de 16cd. On lit envoyer (avec le même sujet) au début de la symétrie concentrique de 15 et au début du chiasme de 17 14, ainsi que abondance/abondant ici et là. En 14 et 16cd nous entendons voix et menace de YHWH, en 15 et 17 nous le voyons passer à l’action. Autour du centre de 15 on lit les termes de la paire stéréotypée flèches/éclairs 15. De 14 à 15 nous voyons répartis les termes des deux paires stéréotypées donner/envoyer et voix/éclairs 16. En 16cd et 17 on aura remarqué comment fonctionne la préposition mn pour la correspondance des termes extrêmes tant de la symétrie concentrique de 16cd que du chiasme de 17. Des extrêmes de 15 (chiasme initial) au début de 17 (chiasme final) on remarquera, à partir des paires stéréotypées cieux/haut(eur) 17 et donner/envoyer (voir ci-dessus), que se répondent: « il a tonné dans les cieux » et « il a donné de la voix » avec « il envoie d’en haut 18 ». S’il fallait tenir à 14c [absent en 2S 22] (= 13b), il apparaîtrait comme déséquilibrant le chiasme de 14, alors que dans cet ensemble chiasmes (14 et 17), symétries concentriques (15 et 16cd), et parallèle (16ab) sont tous assez serrés, pour ne rien dire de la difficulté d’interprétation dans le seul verset 14 19. Nous pouvons maintenant considérer l’ensemble de la théophanie de 8–17. Disposons-en les deux volets en vis-à-vis comme ceci: 8 9 10

11

les fondations des cieux nez les cieux* est descendu° souffle-de-vent

12 (13) eaux 14

15 16 17 18 19

cieux

le Monté°(-haut) les fondations souffle-de-vent nez d’en haut* eaux

14 (15)

16

17

Bien que le point soit formel, le lecteur aura remarqué comment 16ab est encadré d’abord par deux symétries concentriques en 15 et 16cd, puis, aux extrêmes, par deux chiasmes en 14 et 17. h..s/brq selon Avishur p.243. ntn/sˇlh. selon Avishur pp. 10.542–543.577, et qwl/brq p.398. sˇmym/mrwm selon Avishur p.665. La correspondance entre les débuts serait encore plus étroite si on lisait avec 2S 22 depuis (mn) les cieux en 14a. On le voit, une analyse structurelle plus serrée nous amène donc à une opinion contraire à celle que nous soutenions au sujet de 14c dans ScEs (p.283 n.11). Nous rejoignons donc l’opinion de Girard sur ce point.

Etude structurelle du psaume 18

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Les paires stéréotypées sont rappelées par des signes en exposant. On constate ici d’abord le parallèle de: cieux + descendu° + souffle-de-vent + eaux, avec: cieux + Monté° + souffle-de-vent + eaux, puis dans les trois premiers versets des six de 8–10 et les deux derniers des quatre de 14–17: fondations + nez + cieux* // fondations + nez + d’en haut*. Les fondations des cieux ont frémi quand la colère est montée au nez de YHWH, qu’il a tendu les cieux vers le bas pour descendre en planant sur les ailes d’un souffle-de-vent, caché dans une condensation d’eaux. Il a tonné dans les cieux, le Monté-haut, mis à nu les fondations du monde 20, sous la menace du souffle-de-vent de son nez en colère, et d’en haut il m’a retiré des eaux. Ainsi les deux volets de la théophanie de 8–17 se trouvent-ils articulés l’un à l’autre. L’unité structurelle suivante se lit en 18–20. Autour de l’affirmation centrale de 19b au sujet de ce qu’est YHWH pour son fidèle, on voit les deux volets extérieurs ordonnés chacun à l’aide de car qui articule ceci à cela, soit: 18a 18b 19a 19b 20a 20b

il me délivre*

de (mn) mon ennemi° des (mn) me haïssant° car… plus que moi (mmny) au (b) jour de ma détresse 19b il est, YHWH, tel (l) un point d’appui pour moi (ly) il me fait sortir* au (l) large il m’affranchit car il s’est plu en moi (by)

Avant car on opposera les tandems ennemi/haïssant 21 de 18 et faire sortir/ affranchir de 19b–20a. Cependant chacun des deux volets commence par l’un des terme de la paire stéréotypée délivrer/(faire) sortir 22. On remarquera que dans ce qui concerne les ennemis en 18–19a le texte emploie trois fois mn et une fois b, tandis que dans ce qui relève de la libération par YHWH en 19–20 il emploie trois fois l et une fois b. On lit le même suffixe 1ère pers. au terme de 18b dans mmny, en 19b dans ly, et en 20b dans by. Les ennemis ne constituent même pas le total du premier volet, puisque le verbe initial nous met sous les yeux la libération qui en

20

21 22

Avant fondations en 8 nous lisons terre, et monde après en 16b, ’rs. /tbl constituant une paire stéréotypée selon Avishur p.754, à l’index. En 8 la terre est en parallèle avec les cieux (en leurs fondations, en haut), en 16ab le monde (en ses fondations) est en parallèle avec les eaux (en bas). Lesquels constituent une paire stéréotypée selon Avishur p.753, à l’index. ns.l/ys.’ selon Avishur p.88.

46

Chapitre II: YHWH mon rocher

est faite. Cette libération est aussi le thème de l’affirmation centrale et du dernier volet. C’est donc elle qui envahit le champ. Nous avons étudié de près le rapport entre 8–13 et 14–17. Qu’en est-il, aux extrêmes de la première partie, de 2–7 à 18–20? Repérons d’abord les indices ainsi disposés dans le texte: 2 3

Je t’affectionne

en lui (bw) 4

YHWH YHWH libérant sauver/salut (ter) YHWH

de mes ennemis sauvé* 6–7 venus-au-devant de moi dans (b) l’adversité°

à moi (ly) YHWH entend

délivre* de mon ennemi me haïssant° viennent-au-devant de moi au (b)…

18a

18b–19a

YHWH pour moi (ly)

19b

sortir affranchit il s’est plu en moi (by)

20

Considérons d’abord les trois chiasmes successifs au milieu de notre tableau. Le premier se joue à partir de la récurrence de de (mn) + ennemi(s) et de la répartition ici et là des termes de la paire stéréotypée délivrer/ sauver 23, le second à partir de la récurrence de venir au devant de moi (avec des sujets analogues) et de la répartition ici et là des termes de la paire stéréotypée adversaire/haïssant 24, le troisième à partir des récurrences de YHWH et ly (à moi/pour moi), cette dernière correspondance (à partir de ly) jouant dans des contextes opposés. Au début de 2–7 et au terme de 18–20, portés sur notre tableau en caractères gras, nous lisons, se répondant de façon complémentaire, d’une part l’affection que voue le fidèle à YHWH, se réfugiant en lui, d’autre part le plaisir 25 que YHWH prend en 23 24 25

ns.l/ysˇc selon Avishur pp. 88 et 225. s.rr/s´n’ selon Avishur pp. 258.479.494. Dans sa n.1 Girard relève en Mi 7, 18d–19a le parallèle entre affectionner et se plaire (citant aussi Is 13, 17–18).

Etude structurelle du psaume 18

47

lui (moi = le fidèle). On pourra encore comparer après nos trois chiasmes, comme expressions du salut apporté, entendre et faire sortir. Pour affranchir en 20 et ce qui se lit en plus en 2–4 (trois fois YHWH, trois fois sauver et encore libérer), le lecteur sait comment ces diverses expressions entrent dans la structure propre de 2–7 ou (et surtout) de 18–20. Nous avons montré ci-dessus les riches rapports entre 8–13 et 14–17. Nous venons de montrer ici ceux entre 2–7 et 18–20. Nous pouvons donc à présent avancer que l’ensemble 2–20 est structuré selon un large chiasme où unités centrales et unités extrêmes respectivement se répondent. Existerait-il également entre ces quatre unités une ordonnance en parallèle, 2–7 appelant 14–17, puis 8–13 appelant 18–20. Examinons d’abord ce qu’il en est entre 2–7 et 14–17. Relevons d’ici à là les récurrences de YHWH (quatre fois en 2–7, deux en 14–17) et de voix (7c et 14b), ainsi que la répartition des termes de la paire stéréotypée voir/entendre 26 en 7c et 16a. Des récurrences de YHWH on retiendra surtout, au vu de leurs contextes, celles de 7c à 14a (et 16c), l’appel lancé par le fidèle obtenant une sorte de réponse dans le tonnerre par YHWH dans les cieux. Il en va de même à partir des contextes où nous lisons voix, soit celle du fidèle en 7c, mais celle de YHWH en 14b. Le rapport entre les termes de la paire stéréotypée susdite est plus lâche: depuis son temple YHWH entend ma voix, son intervention permet de voir les fondations du monde. Lui entend depuis là-haut, et il permet de voir jusque en bas. Ajoutons encore une certaine opposition entre les noms de Belial (soit le lieu-fatal comme traduit Girard) et de Monté-haut. Si l’on accepte en effet l’étymologie proposée par A. Caquot 27 pour le premier, ce lieu d’où l’on ne remonte pas (bly + ycl), l’opposition est claire avec celui qu’on appelle clywn. L’un est à situer tout en bas, en un lieu d’où on ne remonte pas, l’autre tout en haut, en un lieu où seul il peut faire monter qui il lui plaît. Tous ces rapports sont réels. Ils sont loin d’être aussi nombreux et aussi significatifs que ceux relevés entre unités centrales et extrêmes en 2–20. Le point est encore plus vrai pour ce qui est du rapport entre 8–13 et 18–20. On ne relève ici que la récurrence de car, et dans des contextes trop disparates pour être rapprochés. Qu’en est-il enfin d’éventuels enchaînements entre 2–7 et 8–13, puis entre 14–17 et 18–20? Entre ces deux dernières unités on ne relève guère que la récurrence de YHWH, et dans des contextes qui ne se prêtent point à comparaison. La cueillette est un peu plus riche de 2–7 à 8–13. De 6a à 12a nous retrouvons entour(er), avec une belle opposition entre ce qui entoure ici le fidèle (les cordes du shéol menaçantes) et là YHWH (la ténèbre dominée et protectrice). On lit encore en 6a et 8a les termes de la

26 27

r’h/sˇmc selon Avishur pp. 87.263.286. Annuaire du Collège de France 85, 1984–1985, p.624.

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Chapitre II: YHWH mon rocher

paire stéréotypée terre/shéol 28: le fidèle est menacé par les cordes du shéol, mais la terre elle-même tremble devant la colère de YHWH. Si Belial de 5b est bien à entendre comme on vient de le dire, on rapprochera encore 5b de 9a (et 11a.11b): on ne remonte pas du lieu-fatal, mais la fumée monte bel et bien dans le nez en colère de YHWH, et lui peut descendre des cieux, à califourchon sur un chérubin et planant sur les ailes du vent. Il existe donc bien quelques enchaînements entre les deux premières et les deux dernières unités de notre ensemble, même s’ils restent discrets, surtout entre les deux dernières. Dans son étude la plus récente Girard reprend pour 2–20 sa proposition d’un large chiasme à 12 termes, en ajustant seulement un peu plus avant leur détermination. Il ne tient donc pas compte de l’autonomie structurelle des quatre unités 2–7, 8–13, 14–17 et 18–20. Les huit termes centraux du chiasme qu’il propose se lisent en 7c–14. Nous avons vu ci-dessus comment 7cd faisaient partie de la première unité 2–7, tandis que d’une part les correspondances entre 10b (plutôt que 10) et 12 comme entre 11a et 11b se lisent en 10–13 et celles entre 9bc et 13 au terme de chacun des deux volets 9 et 10–13 de 8–13. Faire se correspondre 7c–9a et 14–17, c’est assez bien vu, mais c’est forcer la position de 7cd et négliger les autres indices de correspondance mis en valeur dans notre proposition pour la structure de 8–17. Pour les rapports en chiasme entre 2–4aa + 4ab –7 et 18–19a + 19b–20, nous pourrions presque souscrire à la proposition de Girard avec les quelques ajustements que montre notre tableau ci-dessus sur les rapports entre 2–7 et 18–20. Une fois situées à leur niveau propre, les correspondances repérées par Girard se révèlent donc largement pertinentes. Pour notre part, par rapport à notre proposition de 1994, nous avons surtout montré ici que, étant données l’autonomie et les correspondances réciproques de 8–13 et 14–17, l’ensemble ne se présente pas selon un triptyque, mais bien plutôt comme un large chiasme. DEUXIÈME PARTIE: 21–32 En 21–32 nous serons amenés à distinguer à nouveau quatre unités, soit 21–25, 26–28, 29–30, et 31–32. Etudions chacune tour à tour, puis leur ensemble. Comme nous l’avions déjà montré en 1994 la structure de 21–25 se perçoit aisément pourvu qu’on y constate les correspondances que fera voir le tableau suivant:

28

’rs./sˇ’wl selon Avishur p.278.

Etude structurelle du psaume 18

21a 21b 22a 22b 23a 23b 24a 24b 25a 25b

49

… YHWH selon ma justice*°+ selon la pureté de mes mains il fait revenir… pour moi Car j’ai gardé les chemins de YHWH je n’ai pas été-méchant* loin de (mn) mon Dieu Car tous ses jugements+ sont devant moi ses lois, je ne les détourne pas de (mn) moi je suis parfait° avec lui et je me garde de (mn) ma faute Il fait revenir…, YHWH, pour moi selon ma justice*°+ selon la pureté de mes mains devant ses yeux

Le parallèle entre 21aba et 25abb est patent, avec YHWH en plus en 21a. On lit en se rapprochant du centre 21bb et 25aa, avec YHWH en plus en ce dernier. Dans sa première étude Girard (p.165) a fort pertinemment remarqué que « les v. 22–24 consistent en six hémistiches exprimant la même idée de façon alternativement positive (v. 22a.23a.24a) et négative (22b.23b.24b). Cette idée, c’est l’observance intégrale de la Loi ». Les trois formulations négatives comportent la préposition mn, les deux premières précédées par la négation étant donné leur complément. L’ensemble de ces trois versets est inclus par la récurrence de garder de 22a à 24b. Des extrêmes à 22b et 24a on notera la répartition symétrique des termes des paires stéréotypées just(ic)e/méchan(ce)t(é) et justice/perfection 29. Le verset central 23 comporte chacun des termes de la paire stéréotypée loi/jugement 30. Et jugements de 23a (dans la formulation positive) constitue aussi une paire stéréotypée avec justice 31 de 21 et 25. Nous tenons donc là un petit ensemble savamment structuré. En 26–30 nous pouvons distinguer en 26–27 et 28–30 comme deux volets qui se répondent symétriquement. En 26 deux comportements positifs de l’homme appellent deux comportements positifs de YHWH, mais s’il en est encore bien ainsi en 27a, en 27b un comportement négatif de l’homme appelle un comportement négatif de YHWH. En 28–30, dans un style différent, c’est l’ordonnance inverse que l’on trouve: positif et négatif en 28 (comme en 27), mais deux fois positif en 29 et 30 (comme en 26). S’il s’agit encore d’un certain échange de procédés en 28 (humilié… tu sauves; hautains… tu abaisses), cet aspect disparaît en 29–30 où il ne

29 30 31

s.dq/rsˇc et s.dq/tmm selon Avishur p.765 à l’index. h.qq/sˇ pt. selon Avishur p.758, à l’index. sˇ pt./s.dq selon Avishur p.768, à l’index.

50

Chapitre II: YHWH mon rocher

s’agit plus que des bienfaits de YHWH, sans plus préciser qu’ils soient la réponse à un bon comportement de l’homme. Veut-on symboliser l’ensemble à l’aide de signes + et –, cela donnerait: 26 27

+ +

+ –

(échange) (échange)

28 29–30

+ +

– +

(échange) (unilatéral)

Répartis au début de chacune de nos deux unités on relèvera les termes de la paire stéréotypée loyauté/salut 32 (26a et 28a). Les parallèles en chacun des versets sont des plus faciles à repérer (à partir d’oppositions en 27 et 28). En 28–30 on notera encore que chacun des trois versets commence par car. En 28a et 29a on trouve répartis les termes de la paire stéréotypée lumière/salut 33, et en 29b et 30b nous lisons mon Dieu. L’unité de 31–32 ne se perçoit pas aussi aisément que pour les unités précédentes. Même si le terme employé est différent, notons quand même l’inclusion de ce petit ensemble par Dieu (h’l et ’lhynw). On relèvera aussi l’agencement parallèle A + B // a + b. On lit en effet ce qui concerne Dieu lui-même en 31ab (A) comme en 32a (a), mais sa fonction de protecteur en 31c (B: bouclier) comme en 32b (b :roc). Nous pouvons maintenant étudier l’ensemble 21–32. Nous avons vu plus haut comment s’articulaient 26–27 et 28–30. Considérons maintenant les rapports entre 21–25 et 31–32. Ils se jouent à partir des indices répartis comme suit:

32 33

h.sd/ysˇ c selon Avishur p.281. ’wr/ysˇ c selon Avishur p.105. On trouve aussi à l’intérieur de 29 la paire ’wr/ngh (Avishur pp. 243.316.327.662).

51

Etude structurelle du psaume 18

21

YHWH pour (moi)

22 car

23 car

les chemins YHWH mon Dieu tous

24

parfait

25

YHWH pour (moi)

car

parfait

31a

son chemin YHWH pour tous

31b 31c

YHWH notre Dieu

32a 32b

De 21–22 à 31–32 le lecteur peut voir le parallèle entre les mots écrits en caractères gras. Par ailleurs chemin(s) et tous encadrent ici les deux derniers, là les deux premiers. On lit encore parfait ici après les deux derniers, là avant les deux premiers. La conjonction car se lit en 22–23 avant et après les deux derniers, seulement avant les deux derniers en 32. En 25 les termes sont récurrents par rapport à 21. Si donc nous lisons 21–23 et 31–32, le parallèle se lit comme nous l’avons dit, mais les derniers termes ici, les premiers là sont encadrés comme nous l’avons montré. Si par contre nous lisons 22–25 et 31–32, il y a inversion pour ce qui regarde les termes en caractères gras, mais l’encadrement joue ici et là pour les premiers termes (YHWH notre Dieu et YHWH pour). Ce Dieu de l’alliance, protecteur des siens, a des chemins que le fidèle gardera, jouant en sa perfection celle de YHWH. Ainsi donc, si les rapports entre unités centrales et unités extrêmes sont bien pertinents, comme nous l’avons montré, on pourra dire que l’ensemble 21–32 est structuré selon un large chiasme où, de façons certes sensiblement différentes, 21–25 appellent 31–32, tandis que 26–27 appellent 28–30. Pour ce qui concerne l’ensemble des quatre unités de 21–32 inscrivons encore ici dans un tableau les indices autres que ceux commandant les seuls rapports entre unités centrales et unités extrêmes: 21–25: car YHWH mon Dieu 26–27: 28–30: car YHWH mon Dieu 31–32: car YHWH notre Dieu

parfait parfait parfait

(justice) pur/avec (loyal) pur/avec (sauves) toi lui

yeux yeux

52

Chapitre II: YHWH mon rocher

Tout à droite de notre tableau nous découvrons les indices qui assurent une articulation soit entre les deux premières unités (pur, avec), soit entre les deux dernières (pronoms indépendants toi et lui, se rapportant au même YHWH sous son aspect bienfaisant). On lit aussi, dans des contextes opposés, « yeux » en (21–)25 et 28(–30). Les autres indices mis en italiques se lisent dans trois des quatre unités, soit la première et les deux dernières (car, YHWH mon/notre Dieu), soit les deux premières et la dernière (parfait), soit les trois premières pour ce qui concerne les termes mis entre parenthèses dont chacun constitue une paire stéréotypée avec les deux autres 34. En ce qui concerne parfait, on notera qu’il est question en 26, au centre, de la perfection de l’homme et de celle de Dieu, mais en 24, au début, de celle de l’homme, et en 31, au terme, de celle de Dieu. Les choses vont un peu de même pour ce qui concerne les termes de paires stéréotypées: il s’agit en 26 de la loyauté et de l’homme et de Dieu, mais en 21.25 de la justice du fidèle et en 28 du salut accordé par Dieu. Secondairement on notera encore que car se lit quatre fois en 29–30, mais une seule en 21–25 et 31–32, tandis que YHWH se lit trois fois en 21–25, deux en 31–32, mais une seule en 28–30, parfait deux fois en 26–27, mais une seule en 21–25 et 21–32. Ainsi se présente le tissu de cet ensemble. Girard, dans son parallèle de 21 + 22–24 // 25 + 26–31b, sépare malencontreusement 25 de l’ensemble 21–25 auquel il appartient très certainement. N’ayant pas perçu la structure de 31–32, il rattache 31c–32 à la dernière partie. Il a bien perçu quelques liens entre 22–24 et 26–31b, mais sans les situer de manière ajustée dans la structure d’ensemble de 21–32. Pour notre part, grâce à une étude plus rigoureuse de chaque unité, nous espérons avoir ici mieux distingué 26–27 et 28–30 et pu ainsi percevoir le chiasme commandant l’ensemble 21–32. TROISIÈME PARTIE: 33–51 Commençons ici avec 33–39. Nous les découvrons agencés comme ceci:

34

Soit h.sd/ysˇc, h.sd/s.dq, ysˇ c/s.dq selon Avishur respectivement pp. 281, 237 et 282, 760 (à l’index).

Etude structurelle du psaume 18

33 34 35

[donne]

36

[donne]

37 38

39

53

mon chemin mes pieds… sur… debout (cmd) +  mes mains ° (l) l’arc…  + mes bras  (l) le bouclier…   Ta droite° mon pas… sous… vacillé (mcd) mes chevilles  je poursuis mes ennemis*  je les atteins je ne reviens pas…   je…les achever  je les écrase se lever* ils tombent sous mes pieds

Les passages accompagnés d’une accolade sont précédés et suivis pas trois autres qui entre eux se correspondent. De 33–34 à 37 on voit se répondre mon chemin… mes pieds… sur les buttes… debout (cmd) et mon pas élargi sous moi de telle sorte que n’aillent pas vaciller (mcd: jeu de mots avec c md) mes chevilles. Puis de 37 au terme de 39 les oppositions entre ne pas vaciller et tomber, sous moi mon pas au large et sous moi mes ennemis défaits. Dans les accolades nous voyons successivement armer le fidèle, puis celui-ci partir pour la victoire sur les ennemis, avec ici et là une petite symétrie concentrique. La première est ordonnée autour de mes bras qui aux extrêmes appellent mes mains et ta droite, nous étant connues les paires stéréotypées main/droite et main/bras 35 Immédiatement autour du centre nous lisons arc et bouclier, soit deux pièces particulièrement représentatives de l’armement (offensif et défensif). Dans la deuxième accolade nous assistons aux phases successives du combat: poursuite, jonction, extermination, non cependant sans une certaine ordonnance concentrique. Les deux actions extrêmes sont suivies par l’emploi d’un terme de la paire stéréotypée ennemi/se lever 36, au centre est déjà affirmée l’impossibilité d’un retour (avant la défaite complète de l’ennemi). Ainsi donc 33–39 constituent-ils une unité bien structurée sur l’armement et la victoire assurés par YHWH à son fidèle 37.

35 36 37

yd/ymyn et yd/zrw c selon Avishur p.759, à l’index. ’yb/qwm selon Avishur p.753, à l’index. En 31c–43 Girard (pp. 360–362) ne perçoit aucune structure interne en 31c–36, 37–39, mais il a quand même perçu 31c–39 une certaine inclusion à partir de

54

Chapitre II: YHWH mon rocher

Nous reviendrons plus loin sur le milieu de cette partie, dont le mode de structuration est particulier. Considérons donc sans plus attendre un autre ensemble structuré au terme de 33–51, soit en 47–51, lesquels nous commencerons par présenter dans le tableau suivant: 47a Vivant YHWH béni♦ mon roc 47b est-haut le Dieu (’lhy) de mon salut∇ 48a le Dieu (h’l) me (ly) donnant les vengeances

 descendre les peuples   sortir°

48b 49a

de mes ennemis + des… se levant+  hausses* de l’homme de violence   délivres°∇

49b 49c

50ab 50c 51a 51b 51c



je te rends grâce♦ parmi les nations●, YHWH pour (l) ton nom je joue grandir* les saluts∇ de son roi loyauté pour (l) son oint pour (l) David pour (l) sa lignée

En 47–48a la bénédiction destinée à YHWH correspond aux trois affirmations le concernant, comme nous l’indiquent à leur manière les trois paires stéréotypées brk/h.yh, rwm/brk, brk/ntn 38. Vivant et il est-haut se lisent avant le Dieu (’lhy) de…, donnant après le Dieu (h’l). Au terme de chacune de ces trois premières lignes de notre tableau on lit respectivement roc, salut, et vengeances (accordées au fidèle). Les deux premiers de ces trois termes constituent une paire stéréotypée (voir ci-dessus notre n.6). Passons tout de suite à 50–51, à l’autre extrême de notre unité. Ici nous découvrons sans peine d’abord un chiasme en 50 comme le montre la disposition sur notre tableau. En 51 salut et loyauté constituent une paire

38

mes pieds, lesquels se lisent en 34 a et 39b (on voit que 31c–32 n’est pas ici pris en compte). Selon Avishur respectivement pp. 445–446 et 461; 288 et 289; 446 et 461.

Etude structurelle du psaume 18

55

stéréotypée 39, puis à leur tour roi et oint 40. La première est précédée par faire grandir (lesdits saluts), la seconde suivie par le nom de David accompagné de la lignée. Les trois derniers termes sont introduits par l (pour), récurrent par rapport à 50, ce qui suggère l’échange entre celui qui joue pour le nom de YHWH et ce YHWH qui fait grandir les saluts pour lui et sa descendance. Nous pouvons maintenant préciser les rapports entre 47–48a et 50–51, cela à partir du petit tableau suivant: 47

48

YHWH… béni♦ [il est-haut*] roc // salut ly (me)

rends grâce♦… YHWH 50 [faisant grandir*] 51 salut // loyauté l (oint, David, lignée)

Bénir et rendre grâce constituent une paire stéréotypée 41. Dans la troisième ligne on lit, ici et là salut et le terme d’une paire stéréotypée avant en 47, après en 51. En 48 et au terme de 51 le l introduit au bénéficiaire de l’action divine, moi en 48, le roi et sa descendance en 51. Nous avons aussi inscrit dans la deuxième ligne les termes de la paire stéréotypée gdl/rwm 42, mais il faut noter que il est-haut qualifie YHWH lui-même, tandis que faisant grandir concerne son action: il y a pourtant homogénéité pourrait-on dire entre ce qu’il est et ce qu’il fait 43. Venons-en maintenant au volet central de ce petit triptyque de 47–51, puis à ses rapports avec les volets extrêmes. En 48–49 nous lisons aux centres les termes de la paire stéréotypée ’yb/qwm (voir ci-dessus notre n.36). En 48b–49aa et 49bb –c nous lisons au milieu deux désignations équivalentes à ennemis: les peuples et l’homme de violence, ici entouré par faisant descendre et me faisant sortir (deux participes hiphil), là par tu me hausses et tu me délivres (deux modes personnels). On notera d’une part l’opposition entre faire descendre (les ennemis) et hausser (le fidèle), et d’autre part que sortir et délivrer constituent une paire stéréotypée (voir ci-dessus notre n.22). Nous pouvons maintenant étudier les rapports entre le volet central 48b–49 et les volets extrêmes. De 47b à 49bc nous retrouvons être haut/hausser et voyons répartis ici et là les termes de la paire stéréotypée délivrer/salut 44: celui qui est haut et se définit comme le Dieu du salut de son fidèle peut 39 40 41 42 43

44

h.sd/ysˇc selon Avishur p.281. mlk/msˇyh. selon Avishur p.250. ydh/brk selon Avishur pp. 283.288.486.495. Avishur pp. 131–132 et 191. Peut-être pourrait-on encore faire jouer de 48a à 51a la paire stéréotypée ’l/mlk (Avishur pp. 350.440.636), les deux termes s’en lisant ici et là après salut(s): ici le Dieu donne, là le roi reçoit le(s) salut(s). plt./ysˇc selon Avishur p.286.

56

Chapitre II: YHWH mon rocher

donc le hausser et délivrer. En 48b–50 et 50–51a nous lisons selon une même séquence: peuples + hausses + délivres et nations + faisant grandir + saluts, fonctionnant ici successivement les paires stéréotypées cm/gwy 45, gdl/rwm (voir ci-dessus n.42), et plt./ysˇ c (voir ci-dessus n.44): les peuples vaincus seront témoins de l’action de grâce du vainqueur haussé, délivré, aux saluts grandis par YHWH. Ainsi 47–51 constituent-ils un ensemble structuré selon un petit triptyque 46. Nous pouvons maintenant considérer entre 33–39 et 47–51 les vv. 40–46. Il convient ici de prêter grande attention aux sujets des verbes. Ce sont YHWH lui-même, interpellé à la 2ème pers., en 40–41a et 44ab, le fidèle en 41b et 43, les ennemis en 42 et 44c–46. Ainsi nous apparaît une certaine disposition concentrique de l’ensemble autour de 42, le centre recevant un écho en 44c–46 (A.B.C.B’.A’/ C’). On retrouve en 40–41a la paire stéréotypée ennemi/se levant (voit ci-dessus n.36), puis de 40–41a (A) à 41b (B) les termes de la paire stéréotypée ennemi/haïssant (voir ci-dessus n.21). En 42 le parallèle se repère à première lecture. Peut-être y aurait-il une certaine structure en 44c–46 pour peu qu’on tienne compte de la paire stéréotypée entendre/connaître 47: je ne connaissais* pas fils d’étranger fils d’étranger

me servent se rétractent pour moi ils m’entendent* se flétrissent éprouvent-de-l’angoisse…

On peut considérer que sous mode d’opposition je ne connaissais pas introduit au centre ils m’entendent de la symétrie concentrique qui y fait suite. Autour du centre on lit que des fils d’étranger se rétractent ou se flétrissent. Le rapport entre servir et éprouver de l’angoisse est, reconnaissons-le, plus lâche, l’un n’impliquant pas nécessairement l’autre. Autour du centre les deux verbes qui le précèdent ont un complément à la 1ère pers., mais non les deux verbes qui le suivent, ce qui n’est pas sans effet de sens: il n’y a même plus là de quoi justifier leur flétrissure ou leur angoisse, mais ces dernières seules pour ainsi dire. En 44c–46 nous retrouvons des extrêmes de la symétrie concentrique peuple (44c et 44a) et ly (45a et 41a). On verra dans ce qui va suivre que nous retiendrons tantôt la symétrie

45 46 47

Avishur pp. 663–664 et 650. Tout comme, nous le verrons, la troisième partie du psaume et le psaume en son entier. sˇmc/ydc selon Avishur pp. 226.515–516.522.

57

Etude structurelle du psaume 18

concentrique en 40–44b, puis le rappel de son centre en 44c–46 (en quelque sorte comme une nouvelle unité), tantôt l’ensemble 40–46, le rappel du centre en 44c–46 s’intégrant à ladite unité 48. Qu’en est-il de la structure d’ensemble de 33–51? Nous l’étudierons en partant du tableau suivant: 33–39

40–46

47–51

33 Dieu (’l) me ceinturant

40 tu me ceintures pour le combat

47 YHWH Dieu (’l)

donne… (mon…) 41 mes ennemis

se levant

34 comme… (cl)… 35 pour le combat 36 me (ly) donnes ton salut

me (ly) donnes 42 sauvant

réponse 37 ne…pas

YHWH… ne répond pas comme… (cl)… comme peuples

38 mes ennemis ne… pas… jusqu’à… ne… pas se lever

mon salut 48 me (ly) donnant

49 mes ennemis se levant 44 peuple nations peuple ne… pas

50 nations, YHWH

45 pour moi (ly)

51 saluts jusqu’à

Considérons d’abord les indices portés ci-dessus en caractères gras. Du premier au troisième volet on retrouve Dieu…, puis me donnes… ton salut / mon salut… me donnant, et mes ennemis… se lever / mes ennemis… se levant. On lit dans le deuxième volet me donnes… sauvant, et ici avant (ce qui se repère à l’aide des italiques): se levant… mes ennemis. Dans le premier volet donner (avec un complément à la 1ère pers.) se lisait déjà en 33, dans le troisième salut se lit encore en 51. Dans le volet central on lit encore ly (pour moi) en 45a, dans un contexte différent, mais convergeant avec celui de 41, en vérifiant en quelque sorte l’authenticité: tu m’as donné leur nuque, les voilà qui pour moi se rétractent. Considérons maintenant les indices portés en simples italiques. Après me donnes/sauvant dans le

48

Girard (p.361) ne voit aucune structuration en 40–43, et 44 appartient selon lui à 44–50.

58

Chapitre II: YHWH mon rocher

volet central nous lisons ne répond pas… comme… cl… comme; or autour de me donnes/ton salut dans le premier volet nous lisons d’abord comme… cl…, puis réponse: la négation montre qu’il y a opposition entre réponse et ne répond pas. Mais on notera que s’opposent également les comparaisons en 34 pour le fidèle (comme des biches sur les buttes) et en 43 pour les ennemis (comme boue et poussière face au vent). En 44, donc ici encore après me donnes/sauvant nous lisons peuple… nations… peuple; or autour de mes ennemis/se levant dans le troisième volet nous lisons peuples et nations. En 42 et 44, dans le volet central, on trouve sur notre tableau en tête des termes mis en italiques YHWH (qui ne répond pas à la prière des ennemis) et au terme la négation ne… pas (à propos de ce peuple que le fidèle ne connaissait pas); or nous lisons dans le premier volet la même négation après réponse (les chevilles n’ont pas vacillé), et dans le troisième volet YHWH après nations (témoins de l’action de grâce qui lui est rendue). Nous ne voyons pas que les autres récurrences (me ceinturer pour le combat… jusqu’à – précédé et suivi d’une négation en 38–39 – occupent une position bien repérable (structurellement parlant). Elles n’en sont pas moins importantes, surtout les premières. Mais jusqu’à, une fois inscrit dans ses contextes, invite à rapprocher la victoire définitive sur les ennemis (je ne reviens pas jusqu’à ce qu’ils ne puissent pas se lever) et la loyauté promise au roi élu (jusqu’à toujours). Ainsi les trois volets de ce triptyque sont-ils étroitement articulés les uns aux autres. Nous pouvons tenter de saisir encore autrement la structure de l’ensemble 33–51, en étendant ici à l’ensemble le critère de structuration de 46–51, à partir des sujets des verbes. Partons pour cela du tableau suivant: 33–35

[IL] donne

36–37 [TU] donnes salut 38–39aa [je] 39abb [ils] se lever 40–41a [TU] se levant

41b [je…] 42 [ils] personne… sauvant 43 [je…] 44ab [TU] peuple 44c–46 [ils] peuple 47–49a [IL] 49b [TU] me hausses est-haut / donnant 50–51 [je] saluts

Nous avons porté entre crochets les sujets (2ème, 1ère, ou 3ème pers.), les majuscules revenant à YHWH (3ème ou 2ème pers.), [je] n’étant autre que le psalmiste, [ils] ceux auxquels il a à faire. Si l’on considère ces sujets on peut voir la disposition parfaitement symétrique de l’ensemble, une fois précisé qu’en 36–39aa et 49b–51 nous avons un parallèle des sujets [TU + je // TU + je], alors qu’en 39ab –41a et 44–46 ils sont disposés en chiasme

Etude structurelle du psaume 18

59

[ils + TU / TU + ils]. Cette disposition très ordonnée des actions selon leurs auteurs se trouve comme accompagnée de quelques récurrences. Nous en signalerons ici quelques-unes que nous ne pouvions pas porter sur notre tableau sans en entamer la lisibilité. Ainsi on lit dans la première unité 33–35 et en 40–41a me ceinturer de puissance (avec même sujet divin), puis en 44ab (symétrique de 40–41a) et dans la dernière unité 50–51 respectivement à la tête des nations et parmi les nations. On lit en 33–35 comme en 47–49a un emploi du verbe donner, puis en 36–39aa et 49b–51 salut + ennemis et ennemis + saluts. On lit aussi le verbe sauver dans le centre 42. De 36–37 à 42 salut et sauver sont doublés par réponse et répondre. De 33–35 à 36–37 on retrouve donner; de 47–49a à 49b haut/hausses. De 39abb à 40–41a on retrouve se lever, de 44ab à 44c–46 peuple. De 33–35 à 40–41a on retrouve donner et pour le combat; et de 44ab à 47–49a, en positions symétriques, on retrouve peuple(s). En 39abb se lever répond à ennemis, comme en 40–41a ennemis est parallèle à se levant. Notons encore que ly se trouve dans les unités extrêmes de 36–41a (en 36 et 41a) et dans les unités centrales de 44–46 + 49b–51 (en 45 et 48). Dans cette structure d’ensemble nous retrouvons la symétrie concentrique de 40–44b dont le critère de distinction (par les sujets) a été ici étendu à l’ensemble. En rattachant 44c–46 au troisième volet, nous pourrions encore parler ici d’un triptyque, mais selon 33–39, 40–44b et 44c–51. Cette proposition nous paraît moins manifeste que la précédente, laquelle nous retiendrons quand il s’agira d’étudier la structure de l’ensemble du psaume. Nous restent encore à examiner les enchaînements entre les deux premiers et les deux derniers volets de notre triptyque. Qu’en est-il tout d’abord entre 33–39 à 40–46? Les indices s’en trouvent disposés comme ceci: 33–39

40–46

33a me ceinturant de puissance = Tu me ceintures de puissance 33b donne pour le combat 34 comme… cl se levant sous moi 35a pour le combat ▼ mes ennemis 36a tu me (ly) donnes = tu me (ly) donnes salut = sauvant 36b réponse = répond 38a mes ennemis 39a se lever comme… cl… comme 39b sous mes (pieds) ▼ pour moi (ly)

40a 40b 41a 42a 42b 43 45a

La quasi-identité des deux amorces de 33a et 40a n’est que trop manifeste. On remarquera aussi la séquence parallèle des termes relevés de 36 à

60

Chapitre II: YHWH mon rocher

41ab –42 (signes = sur notre tableau). Après et avant ces deux séquences nous lisons en 38–39 et 40b–41a les séquences accompagnées d’une flèche sur notre tableau, mes ennemis + se lever…sous mes appelant se levant… sous moi + mes ennemis. On peut donc prétendre à une certaine disposition en chiasme de 36 + 38–39 à 40b–41aa + 41ab –42. On lit encore donner en 33b comme en 36a et ly en 45a comme en 41a. Le premier est suivi en 34 et le second précédé en 43 par comme + cl. Il n’est donc que pour le combat que nous ne voyons pas dans une position un peu comparable de 35a à 40a. Il n’est pas nécessaire de commenter chacune de ces récurrences dans ses contextes respectifs. Le lecteur y procédera sans peine. Notons quand même qu’il y a opposition des contextes pour comme cl de 34 à 43, ainsi que pour salut/sauvant et réponse/répond de 36 à 42. En 40–51 Girard (pp. 360–361: pour lui il s’agirait seulement de 40–50) propose de voir une symétrie concentrique où autour de 44–46 se répondraient respectivement 42–43 et 47, puis 40–41 et 48–50. Il nous semble possible de voir en effet ici une symétrie concentrique, mais plus précisément autour de 44c–46 dont nous avons vu plus haut l’unité, tandis que tant 40–44b que 47–51 constituent des unités possédant leur structure propre. Mais la répartition des récurrences entre les deux volets qui entourent le centre est plus complexe que ne l’entrevoit Girard. Mettons-les dans le tableau ci-dessous en vis-à-vis :

40

42

44ab

a

se levant sous moi ennemis tu me donnes

=

YHWH salut

47

me donnant peuples sous moi

48a 48b 49

de (mn)… ennemis de (mn)… se levant

49

nations YHWH saluts

50

sauvant YHWH

des (mn)… peuple nations

=

51

Du centre en 42 aux extrêmes en 47 et 50–51 nous voyons s’inverser sauvant + YHWH en YHWH + salut(s). Des extrêmes en 40 et 44ab au 49

Notre option pour 48b–49 (sortir, et non libérer) fait que saute la récurrence de libérer de 44a à 49a.

61

Etude structurelle du psaume 18

milieu en 48b et 49 nous voyons se croiser (en inversant les termes) se levant + mes ennemis et peuple en peuples et mes ennemis + se levant. Après se levant + ennemis (premier tandem en 40–44b) et avant peuples nous lisons tu me donnes et donnant. Mais après peuple en 44ab et avant YHWH + saluts (dernier tandem en 47–51) nous lisons nations. De 40 à 48b on notera après se levant et peuples sous moi, et de 44a à 49b avant peuple et se levant (ainsi qu’avant ennemis) la préposition mn (des/de). Rien n’empêche avec Girard de considérer 44c–46 (44–46 pour lui) comme compris entre 40–44b (40–43 selon lui) et 47–51 (47–50 selon lui). Girard a bien vu le rapport de 42 à 47, mais omis de prendre en compte les récurrences de YHWH et salut en 51. Il a bien vu aussi les rapports entre 40–41 et 48–50, mais pour ainsi dire dans le désordre et en négligeant la récurrence de peuple 50 de 44a à 48b du fait de son découpage des unités. On aura noté ici que si tous les rapports vont dans le même sens, cependant ceux indiqués par sauver/salut + YHWH indiquent une opposition très parlante entre 42 (pas de salut auprès de YHWH pour les méchants) et 47.50–51 (YHWH auteur du salut pour les siens). LA STRUCTURE D’ENSEMBLE DU PS 18 Nous considérerons ici d’abord les enchaînements entre 2–20 et 21–32, puis entre 21–32 et 33–51, puis les rapports entre les deux parties extrêmes 2–20 et 33–51. De 2–20 à 21–32 les indices nous guident vers un certain chiasme de l’ensemble ou vers un certain parallèle comme le montreront les parties gauche et droite du tableau que voici: 2–7 8–13 14–17 18–20 21–25 26–27 28–30 31–32

50

YHWH mon Dieu roc se réfugier en lui bouclier car descendu* ténèbre lueur xxx xxx mn car YHWH ----mn car YHWH xxx xxx car abaisses* ténèbre luire YHWH notre Dieu roc se réfugier en lui bouclier

mon Dieu YHWH ses oreilles° xxx xxx d’en haut car

ly

YHWH ly ----mon Dieu YHWH ly ses yeux° xxx xxx hautain car

(sauver) (oreilles°)

b

b

YHWH

l…

Et même celle de libérer si l’on s’en tient à sa traduction de 49a.

(sauves) (yeux°)

62

Chapitre II: YHWH mon rocher

Considérons d’abord le chiasme. De 2–7 à 31–32 les récurrences sont, on le voit, nombreuses, et cela malgré la disproportion des morceaux. Etant donné que presque toutes se lisent en 2–3 à l’intérieur de 2–7 (mon Dieu est seulement repris de 3b à 7b), on peut pour le moins parler d’une inclusion de 2–32 en 2–3 et 31–32. De 8–13 à 28–30 la cueillette est encore substantielle. On lit en effet ici et là l’opposition entre ténèbre et luire accompagnant ici la venue de YHWH, là ses bienfaits envers le fidèle. Les car de 8c et 29 introduisent des thèmes apparentés, feu et lueur. A partir de la paire stéréotypée descendre/abaisser51, on verra aussi un rapport entre la descente de YHWH en 10 et le fait qu’il abaisse les yeux hautains selon 28. On ne voit ni récurrence, ni autre correspondance entre 14–17 et 26–27. Mais, après ce blanc, on retrouve notre chiasme avec les rapports entre 18–20 et 21–25. Ils requièrent une attention particulière. Présentons les indices, à première vue ténus, dans le petit tableau suivant (où nous tenons compte de la structure interne de 18–20 et 21–25 telle que découverte ci-dessus): 18aba

mn… mn…

18bb 19a

[ky… mn]

19b

21

YHWH… ly

22

ky

23–24

ky

25

YHWH… ly

YHWH

mn

wyhy YHWH… ly mn

w’hy

mn

20aba 20bb

ky

Relevons d’abord du centre 19b aux extrêmes 21 et 25 YHWH + ly, étant exprimée dans ces trois passages l’attitude favorable de YHWH pour son fidèle. On lit ensuite ky et mn en 22 et 23–24, mais aux extrêmes de 18–20 respectivement mn et ky. Ces récurrences peuvent sembler ténues, mais une fois inscrites dans leurs contextes respectifs elles prennent valeur d’indices. En 18aba il s’agit de creuser l’écart entre le fidèle et ses ennemis, en 22 et 23–24 entre lui et sa faute (24), mais non entre lui et son Dieu ou les lois de ce dernier (22–23). De 20bb à 22 et 23 nous voyons ky introduire ici l’attitude aimante de Dieu pour son fidèle, là la fidélité de ce dernier à son Dieu. On lit encore ky… mn… en 18bb, mais ici sans symétrique en 20aba et pour traiter de la supériorité de l’ennemi sur le fidèle. Dans le centre de 18–20 on lit l’un des deux emplois dans notre psaume du verbe hyh et le nom de YHWH: on lit YHWH en 22 et l’autre

51

yrd/sˇpl selon Avishur p.438.

Etude structurelle du psaume 18

63

emploi de hyh en 23: YHWH est pour moi un point d’appui, et pour ma part j’ai gardé ses chemins et je suis parfait pour lui. Ainsi donc, exception faite pour 14–17 et 26–27 on voit que 2–20 et 21–32 se répondent selon un chiasme presque complet 52. Considérons maintenant l’aspect parallèle entre 2–20 et 21–32. En 2–7 et 21–25 on lit mon Dieu, YHWH, ly ainsi qu’un des termes de la paire stéréotypée yeux/oreilles 53, oreilles et yeux appartenant ici comme là à YHWH. Le Dieu de l’alliance, favorable à son fidèle, tend vers lui l’oreille et constate de ses propres yeux sa justice. On ne voit pas de correspondance de 8–13 à 26–27. Mais en 14–17 et 28–30 on trouve la racine rwm en 17a et 28b. Celui qui est situé en haut (d’où il vient délivrer son fidèle) ne supporte pas les yeux hautains. Pour 18–20 et 31 et 32 nous dresserons encore un petit tableau: 18–20: ky + b YHWH + ly ky + by

31–32:

YHWH l + bw + ky YHWH

Les trois mentions de YHWH sont en son honneur: point d’appui, parfait, seul Dieu. Mais si ky + b en 18 s’inscrivent dans le contexte de la supériorité des ennemis, il en va en sens contraire de ky + by en 20b et de bw + ky en 31c32a: YHWH, lui, s’est plu en moi (raison pour laquelle il m’affranchit: car…), et il existe des gens qui se réfugient en lui (étant donné qui il est: car…). Quant au l au terme de 19b et de 31c il sert ici et là à décrire la faveur de YHWH pour son fidèle ou ceux qui se réfugient en lui. Ainsi donc, exception faite pour 8–13 et 26–27, on voit que 2–20 et 21–32 se répondent aussi selon un parallèle presque complet. Qu’en est-il de 21–32 à 33–51? Ici nous avons à faire à plusieurs types de structures. Présentons-les dans le tableau suivant:

52

53

Bien qu’elles ne s’inscrivent pas exactement dans ledit chiasme notons encore de 2–7 à 28–30 la récurrence de sauver et la répartition des termes de la paire stéréotypée yeux/oreilles (voir note suivante). Il s’agit bien du même salut, mais il y a opposition entre les oreilles attentives de YHWH en 7 et les yeux hautains en 28. c yyn/’wzn selon Avishur pp. 570–571 et 578.

64

Chapitre II: YHWH mon rocher

21–25

26–27

k (4f.) mes mains [nég.] ly chemins parfait revenir+

ly

YHWH mn (ter)

ly

yeux° [[nég.]]

(loyal*)

//// YHWH peuple sauver

(cours… saute)

peuple

28–30

loyal

[nég.] parfait (bis) hautains

31–32

Dieu (’l) l… roc

Dieu (’l) parfait chemin bouclier

l(kl)

33–39

k mes mains [nég.] ly chemins parfait réponse+

Dieu (’l) parfait chemin bouclier

(pieds… pas… chevilles)

parfait

40– 44b

(sauvant*)

YHWH peuple sauver

l(y)

[nég.]

44c– 46

peuple

////

47–51

Dieu (’l) ly roc ly

YHWH mn (ter)

ly oreilles° [[nég.]] loyauté

////

//// haut/hausses

Dans la première colonne (large) on peut découvrir les indices d’un parallèle. La correspondance entre revenir et réponse s’appuie sur la paire stéréotypée répondre/revenir 54 Si loyal et sauver sont en correspondance, c’est à partir de la paire stéréotypée loyauté/salut 55. Si le fidèle est ce qu’il est selon 21–25, c’est selon 33–39 à YHWH qu’il le doit. Puisqu’il n’est pas tombé dans le péché, son ennemi ne remportera pas la victoire, une négation entraînant l’autre. YHWH est envers lui loyal (26), alors qu’il refuse le salut aux ennemis (42). Non seulement il sauve le peuple humilié (28), mais il lui soumet un peuple étranger (44c–46). C’est qu’il est pour son fidèle comme pour tous ceux qui se réfugient en lui un roc. La deuxième colonne permet de repérer un chiasme presque complet. Ne manque que la correspondance entre 26–27 et 44c–46. YHWH est favorable à son fidèle qui évite toute méchanceté, faute, écart par rapport à lui et à ses lois (21–25), et c’est pourquoi, lui accordant toujours la même faveur, il écarte de lui ses ennemis (47–50). C’est un peuple humilié que YHWH sauve

54

55

c

nh/sˇ wb selon Avishur pp. 10.396.664. On trouve encore revenir en 38b, mais avec un autre sujet et dans un autre contexte. On lit aussi répondre en 42, et si l’on prenait l’ensemble de l’unité 40–46, sans en distinguer 44c–46 comme nous le faisons on pourrait alors lire en parallèle dans les deux unités extrêmes de 21–51 il fait revenir (21–25) + loyal (26[–27]) et tu ne réponds pas (42 en 40–46, s’opposant à faire revenir) + loyauté ([47–]51). h.sd/ysˇc selon Avishur p.281.

Etude structurelle du psaume 18

65

selon 28, il ne saurait sauver les méchants (42), et prend bien soin de libérer son élu des disputes du peuple (44). Ce Dieu parfait en son chemin (31) rend parfait le chemin de son fidèle (33). Il est pour lui un bouclier (31 et 36) 56. La troisième colonne de notre tableau présente un chiasme de l’ensemble en prenant les unités deux à deux (en parallèle). Pour lui (ly) le fidèle a l’action restauratrice de YHWH (21 et 25) et le peuple étranger soumis (45). Il peut paraître devant les yeux du premier, le second a l’oreille tendue pour lui obéir 57. Inscrite en ces deux contextes la négation n’a pas valeur ici d’indice de correspondance (de 22–23 à 44c, d’où les doubles crochets sur notre tableau). La loyauté de YHWH s’adresse au loyal (26) et à l’élu (51). Notre rapprochement entre 28–30 et 33–39 est d’ordre thématique, et pourtant assez manifeste: si le fidèle court et saute, c’est grâce à ce YHWH (30) qui selon 34 et 37 assure les pieds, les pas, les chevilles de son élu. En (31–)32 et 41 (en 40–44b) nous lisons que YHWH est un bouclier pour tous (lkl) ceux qui se réfugient en lui, ou qu’il donne à son élu (ly) la nuque de ses ennemis, tandis qu’on lit encore dans le même sens en 44b: tu me mets à la tête (lr’sˇ) des nations. Certes cette troisième symétrie (chiasme par tandems) est moins manifeste que les précédentes. Permettant cependant la mise en valeur de plusieurs indices, elle nous a paru digne d’être présentée au lecteur. Dans la dernière colonne de notre tableau on peut voir comment ce qui se lit dans les centres en 21–32 se retrouve aux extrêmes en 33–51: le Dieu parfait accorde la perfection, il ne tolère pas les yeux hautains, celui qui est-haut, mais il sait par contre hausser son fidèle 58. Complémentairement on notera encore en 21–25 (avant 26–27) et 40–44b (après 33–39) la négation: le fidèle n’est pas tombé dans l’infidélité et sera traité selon sa justice, les ennemis, eux, ne recevront pas de réponse à leur demande salut. Nous examinerons enfin les rapports entre les deux parties extrêmes 2–20 et 33–51. Le tableau suivant permettra peut-être au lecteur de suivre plus commodément les étapes de notre présentation:

56

57 58

La récurrence de bouclier fonctionne donc à l’intérieur du large chiasme que nous venons de présenter, et non comme incluant une hypothétique unité 31c–36 ou 31c–35 comme le voudrait Girard (pp. 361 et 366). Sur la paire stéréotypée ici en jeu voir ci-dessus la n.53. En ce qui concerne le rapport de la deuxième à la troisième partie Girard (p.366) ne relève qu’une concaténation à partir de parfait et chemin, concède en note (21) d’y ajouter Dieu (’l), mais est d’avis que les récurrences de revenir, peuple, et haut/hausser « ne s’inscrivent dans aucun système structurel plausible » (il ajoute celle de être large, mais au large en 20 appartient à la première partie, non à la seconde). Tel n’est pas notre avis, comme nous venons de le montrer.

66

Chapitre II: YHWH mon rocher

2–7 33–39 8–13 40–46 4–17 47–51 18–20 Nous examinerons successivement les symétries croisées (chiasme et parallèle superposés) en 2–13 et 33–46, 14–20 et 40–51 – ces deux premières à quatre termes –, puis en 2–17 et 33–51, 8–20 et 33–51 – ces deux dernières à six termes –. Nous considérerons enfin les rapports entre les unités extrêmes. De 2–13 à 33–46 le parallèle est indiqué par les récurrences de mes ennemis et ly de 2–7 à 33–39, cl + souffle-de-vent et poudre/pulvériser de 8–13 à 40–46: YHWH en sa venue a plané sur (cl) les ailes d’un soufflede-vent, avec autour de lui une poudre de brume; et c’est le même qui donne à son élu de pulvériser ses ennemis contre (cl) la face du soufflede-vent. Quant au chiasme il est indiqué de 8–13 à 33–39 par sous ses/mes pieds, sous ici et là voisinant avec sur (en 11 et 34), comme nous avons déjà eu l’occasion de le constater. De 2–7 à 40–46 les rapports sont assez nombreux et organisés pour justifier ici leur présentation dans un tableau: 2–3

YHWH (bis)

4 7

mes ennemis + ly (–) YHWH

41 /42 44

mes ennemis + ly (+) /crient

crie cri

libérant sauvant (ter) sauvé entend oreilles

YHWH sauvant libères

ly (+) 45

entendement oreilles entendent

67

Etude structurelle du psaume 18

Dans la colonne tout à droite nous avons inscrit toutes les expressions du salut et de l’exaucement. Nous ne pensons pas avoir à revenir ici sur les paires stéréotypées et autres correspondances qui justifient l’inscription sur une telle liste. Les lignes de 7 (avec le petit parallèle au terme crie + entend // cri + oreilles) et celle de 41/42 sont chacune précédées de mes ennemis. De plus la première est aussi précédée par sauvé, tandis que la seconde est suivie par libères. Libérer + sauver se lisent en 2–3 comme sauver + libérer en 42.44; sauver + entendre/oreilles se lisent en 4.7 comme en 42.45. En 7 ly s’inscrit dans le contexte de l’épreuve pour le fidèle, en 41 dans celui de la victoire accordée par YHWH, en 45 dans celui de la soumission du peuple étranger. De 14–20 à 40–51 le chiasme est indiqué par les récurrences de donner, haut/hausser de 14–17 à 47–51, et de mes ennemis, me haïssant, ly de 18–20 à 40–46. Le parallèle est indiqué par les récurrences de donner, souffle-de-vent, mn de 14–17 à 40–46, tandis que celles de 18–20 à 47–51 requièrent le tableau suivant: 18

me délivre

19 20

de mon ennemi + YHWH… ly me fait sortir il s’est plu

YHWH… ly me faisant sortir de mes ennemis me délivres YHWH… l… David(-le-bien-aimé)

47–48 49

50–51

Considérons d’abord les récurrences mises en italiques. En 18–19 nous lisons de mon ennemi entre me délivre et me fait sortir; à l’inverse en 49 nous lisons de mes ennemis entre me faisant sortir et me délivres. Les récurrences portées en lettres grasses, soit YHWH… l(y) se lisent après de mon ennemi (au centre) en 18–19, mais avant et après me faisant sortir et me délivres (aux extrêmes) en 47–51. Au terme de chacune des unités nous rapprochons avec Girard la relation aimante exprimée par il s’est plu et dans le nom même de David-le-bien-aimé. Ainsi 14–20 et 40–51 voient-ils leurs rapports ordonnés selon une symétrie croisée, et en chiasme, et en parallèle. Considérons maintenant 2–17 et 33–51. Nous connaissons déjà le parallèle d’ici à là avec les rapports entre 2–7 et 33–39, 8–13 et 40–46, 14–17 et 47–51. Le chiasme reprend le rapport entre 8–13 et 40–46. Nous restent à examiner ceux entre 2–7 et 47–51, puis 14–17 et 33–39. Commençons par ce dernier. On lit ici et là donner (14 et 33.36), abonder (15.17 et 36), et, de même racine, Monté-haut (clywn en 14b) et sur (cl en 34b): le Montéhaut a donné de la voix (14b), il m’a donné de tenir debout sur les buttes (33–34), et aussi un bouclier (36). Envoyant ses éclairs en abondance pour me tirer des eaux abondantes, il me fait par sa réponse abonder d’énergie.

68

Chapitre II: YHWH mon rocher

De 2–7 à 47–51 les rapports sont plus riches et multiples. présentons-les d’abord dans le tableau suivant: 2 3

4

5–7

Je t’affectionne YHWH Vivant*   YHWH YHWH    libérant° béni″ mon roc = mon roc mon salut (sauvant) = mon salut ennemis violence < sauves* = violence < délivres* louant+… YHWH = rends grâce+″ ennemis  sauvé YHWH   Mort* (bis) + ly saluts° + l…    YHWH David(le-bien-aimé)

47

49 50 51

Du début de 2–7 au terme de 47–51 nous relevons avec Girard (p.364 et n.17) le rapport, « hypothétique mais vraisemblable », entre les deux termes relevant de la terminologie de l’amour: affectionner et bien-aimé. Cela dit partons des extrêmes avec les indices accompagnés ci-dessus de crochets. En 3 et 51 nous est mis sous les yeux YHWH libérant ou auteur de salut (paire stéréotypée: voir ci-dessus n.4). De 5–7 et 47 jouent correspondance et opposition: Ici, face à la Mort qui le menace, le fidèle appelle à son secours YHWH; là il est dit de ce dernier: Vivant YHWH! Les antonymes mort/vie constituent une paire stéréotypée 59. On voit ensuite les séquences semblables (signes = sur notre tableau) pour mon roc… mon salut, ici purement et simplement à partir de récurrences, puis en 3/4 et 49/50 à partir aussi de paires stéréotypées: de la violence tu me sauves… louant // de l(’homme de) violence tu me délivres… je te rends grâce, délivrer/sauver constituant une paire stéréotypée (voir ci-dessus n.23) ainsi que louer/rendre grâce 60. De même que YHWH qui fait suite à louant se lisait déjà en 2–7 avant YHWH/libérant, de même je rends grâce constitue en 47–51 une paire stéréotypée avec béni (voir ci-dessus n.37) qui se lit après Vivant/YHWH. On lit ennemis et sauvé après « violence… louant », et mon salut et ennemis avant « violence… je rends grâce ». On voit que ces deux unités 2–7 et 47–51 sont étroitement apparentées. Qu’en est-il des rapports entre 8–20 et 33–51. Nous connaissons déjà le parallèle à partir des rapports entre 8–13 et 33–39, 14–17 et 40–46, 59 60

mwt/h.yh selon Avishur p.440. hll/ydh selon Avishur pp. 146.283.328.

Etude structurelle du psaume 18

69

18–20 et 47–51. pour le chiasme éventuel il nous reste à considérer les rapports entre 8–13 et 47–51, puis entre 18–20 et 33–39. De 8–13 à 47–51 nous retrouvons le verbe descendre (10 a et 48 b) ainsi que la préposition sous (10b et 48 b), comme si une seconde descente prolongeait la première: YHWH est descendu, un épais brouillard sous ses pieds, puis il a fait descendre les peuples sous moi 61. Lui domine au-dessus des nuages, moi au-dessus des peuples. En 18–20 et 33–39 nous lisons mon/mes ennemi(s) (18 et 38), tu fais sortir au large (20) et tu élargis (37): délivré de mon ennemi, me voilà au large, tu élargis mes pas que je puisse poursuivre mes ennemis et les achever. Ainsi de 8–20 à 33–51 nous voyons les six unités en jeu respecter entre elles des rapports disposés tant en parallèle qu’en chiasme. Il convient enfin de relever les rapports entre unités extrêmes ici et là. Nous les avons étudié ci-dessus. Ils sont particulièrement riches entre 2–7 et 47–51. Notons que nous avons là les deux unités extrêmes du psaume, lesquelles donc l’incluent de la façon que nous avons dite 62. Les rapport de 18–20 à 33–39 est beaucoup moins marqué. On ne dira autant du rapport entre 2–7 et 33–39, mais nous avons de nouveau de 18–20 à 47–51 un rapport étroit. Ici nous sommes au terme de chacune des parties extrêmes de notre psaume 63. Il s’avère au total que chacune des trois parties est en rapport manifeste avec les deux autres. On dira donc que la première ouvre aux deux dernières, tandis que la dernière récapitule les deux premières, et enfin que la partie centrale est comme encadrée par les deux parties extrêmes, l’ensemble pouvant être perçu comme un triptyque. Les premier et deuxième volets en sont structurés selon un chiasme, mais le dernier se présente lui-même comme un triptyque.

61 62

63

On voit ici un argument d’ordre structurel en faveur de la leçon de 2S 22 pour 48b (descendre plutôt que subjuguer). Girard présente clairement cette inclusion pp. 362–364, mais il est regrettable qu’il n’y tienne pas compte de 6–7 (opposition Mort/Vivant, ly… YHWH) et ne voie aucune ordonnance des récurrences et autres indices d’ici à là. Dans sa comparaison entre 2–20 et 31c–50 (dont il sépare malencontreusement 31c–32 et 51) Girard (pp. 364–365) ne tient aucun compte du chiasme commandant la première partie et du triptyque en la troisième. Il distingue approximativement: début… (2–4 et 31c–39), vers le milieu…(7b–12 et 42–43), à la fin… (17–20 et 47–50), et relègue en notes les récurrences dont il ne sait comment tenir compte (voir ses nn. 16–18). Peut-être Girard s’est-il laissé trop influencer par les commentaires en maintenant un statut spécial pour 51. Nous avons toujours considérer ci-dessus 47–51 comme une unité, 51 en étant partie prenante, cela que nous traitions de 47–51 en eux-mêmes ou dans les multiples rapports avec d’autres unités. Qu’une telle cohérence soit l’œuvre d’un dernier rédacteur du texte n’enlève rien à sa pertinence.

Chapitre III Comme un compagnon, comme un frère pour moi Etude structurelle du psaume 35 Marc Girard s’est appliqué par deux fois à découvrir la structure littéraire du psaume 35, en 1984 et en 1996 1. Entre temps nous nous y étions nousmêmes risqué 2, sans que cela suscite chez Girard (p.610) autre chose que l’appréciation suivante: « Auffret y [au Ps 35] a consacré récemment une étude minutieuse, riche et méritoire, mais excessivement élaborée et demeurant, à notre avis, bien en deçà du seuil de l’intégration des données qui s’impose en la matière », ajoutant en note plus sévèrement, à propos du même travail: « Pour nous, il importe de mettre en œuvre une méthodologie critique sérieuse, pour limiter les élans de l’hyper-analyse et de l’empilement des hypothèses 3.» A défaut d’arguments, voilà néanmoins une critique qui, venant d’un tel connaisseur et praticien de la méthode en question, doit être prise très au sérieux, à quoi nous nous appliquerons. Nous remettrons donc l’ouvrage sur le métier, nous efforçant de prendre en compte les avertissements de Girard, mais procédant, plus prudemment que lui qui considère d’emblée de grands ensembles, de petite unité en petite unité, pour saisir peu à peu des ensembles partiels, et au terme la structure de l’ensemble du psaume. Nous partons du fait que pour interpréter une nouvelle unité le lecteur bénéficie de cette partie du texte qu’il a déjà lue, d’abord la plus proche, puis de plus en plus en remontant jusque vers le début du psaume. Ainsi, par exemple pour la 5e unité, il

1

2

3

Marc Girard, Analyse structurelle, pp. 275–285, et Psaumes redécouverts I, pp. 592–612. C’est, sauf avis contraire, cette seconde étude que nous citerons ci-dessous en nous référant simplement à Girard. Pierre Auffret, Quatre Psaumes, aux pp. 129–266. C’est à cet ouvrage que nous nous référons quand nous donnons seulement la page au sujet de notre proposition antérieure. Girard va cependant trop loin quand il avance que j’attribue à la conscience de l’hagiographe la virtuosité littéraire dont témoigne ce texte. Je n’ai rien écrit de tel, et c’est là lancer la discussion sur un terrain invérifiable. Mieux eut valu parler du métier de l’hagiographe. Mais c’est au texte et à lui seul qu’il convient de s’en tenir. L’auteur en est hors de nos prises.

Etude structurelle du psaume 35

71

dispose successivement des ensembles 4e–5e, 3e–5e, 2e–5e, 1er–5e, à condition évidemment que ces ensembles existent comme tels. Il peut alors découvrir des ensembles structurés de plus en plus importants au fur et à mesure qu’il remonte vers le commencement du texte en ayant avancé de plus en plus loin dans sa lecture. C’est ainsi que nous procéderons, sans préjuger au départ de ce qu’il en est des grandes parties. Nous ne les découvrirons et ne les ferons découvrir au lecteur que peu à peu. Ainsi pourra-t-il vérifier la pertinence de nos propositions et de leurs points d’appui. Selon Girard le psaume se compose de trois parties, soit 1–10, 11–17 et 18–28, les deux premiers respectant un chiasme à quatre termes, le dernier un chiasme à six termes. Selon nous il existe de nombreuses possibilités de percevoir la structure d’ensemble, entre lesquelles il faudra choisir, ce que nous n’avons sans doute pas suffisamment fait dans notre proposition de 1992, trop partagés entre deux méthodes (des formes et de l’analyse structurelle), ce que nous éviterons ici à tout prix. Mais nous commencerons une fois encore par repérer chaque unité et sa structure propre, puis, peu à peu, les ensembles partiels qu’elles constituent, pour en venir enfin à la structure d’ensemble du psaume. Au fur et à mesure de notre lecture nous découvrirons des ensembles structurés de plus en plus importants, chaque nouvelle unité s’inscrivant comme progressivement dans le contexte qui la précède, lequel se prend en considération pied à pied, de l’unité antécédente jusqu’à la première unité du poème. Parce qu’elle est pleinement adaptée pour le type d’étude que nous entreprenons ici, nous donnons ci-dessous la traduction de Girard pour notre psaume. La distinction des différentes unités sera justifiée ci-dessous: 1a 1b 2a 2b 3a 3b 3c 3d

Dispute, YHWH, (avec) les (gens) disputant (contre) moi; combats les (gens) me combattant. Renforce le bouclier et le pelte, et lève-toi à mon aide. Brandis la lance et ferme (toute issue), (en venant) à la rencontre des (gens) me poursuivant. Dis à ma gorge: « Ton salut, (c’est) moi. »

4a 4b 4c 4d 5a 5b 6a 6b

(Qu’)ils aient honte et soient déshonorés, les (gens) cherchant ma gorge! (Qu’)ils reculent en arrière et (qu’)ils rougissent [h.pr], les (gens) pensant mon mal(heur)! (Qu’)ils soient comme la menue-paille en face d’un souffle-de-vent, un ange de YHWH (les) repoussant (Qu’)il soit, leur chemin, ténèbre et glissoires, un ange de YHWH les poursuivant!

72

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

7a 7b

Car, sans motif, ils ont dissimulé pour moi leur filet; (c’est) une tombe (que), sans motif, il ont cavée [h.pr] pour ma gorge.

8a 8b 8c

(Que) lui vienne une destruction (qu’)il ne connaît pas, et (que) son filet, (celui) qu’il a dissimulé, l’attrape! En (guise de) destruction, (qu’)il y tombe!

9a 9b 10a 10b 10c 10d

Et ma gorge exultera en YHWH, elle débordera-d’allégresse en son salut. Tous mes os-foisonnants diront: «YHWH, qui (est) comme toi, délivrant l’humilié du (méchant) plus renforcé que lui, l’humilié et le pauvre, du (méchant) le pillant? »

11a 11b 12a 12b

Ils se lèvent, les témoins de violence, (ce) que je n’ai pas connu, ils me (le) demandent. Ils me payent le mal en échange du bien; (c’est comme la) perte-d’un-enfant, pour ma gorge.

13a 13b 13c 13d 14a

Et moi, quand (ils venaient à) être-malades, mon vêtement (était) un sac (pénitentiel), j’humiliais par le jeûne ma gorge et ma supplication sur mon sein revenait, comme (si c’était) un compagnon, comme (si c’était) un frère pour moi; j’allais (et venais) comme (si c’était) le deuil d’une mère; sombre, j’étais affaissé.

14b 14c 15a 15b 15c 15d 16a 16b 17a 17b

(Mais eux,) de mon trébuchement ils se sont réjouis, et ils ont été attirés; ils ont été attirés contre moi, avides de frapper, et je n’ai pas connu (leur mauvais dessein), ils ont déchiré et n’ont pas fait silence. Quand je (me suis mis à) être pollué (de sang), les moqueurs de malhonnêteté (se sont mis à) grincer contre moi de leurs dents.

17c

Seigneur, combien (de temps) verras-tu (cela sans broncher)? Fais revenir ma gorge (hors de portée) de leurs actes-de-destruction, (hors de portée) des lionceaux, mon ensemble (organique).

18a 18b

Je te rendrai grâce dans l’assemblée abondante; dans un peuple foisonnant je te louerai.

19a 19b

(Qu’)ils ne se réjouissent pas de moi, mes ennemis de mensonge! (Que) les (gens) me haïssant sans motif (ne) clignent (pas) de l’œil!

Etude structurelle du psaume 35

20a 20b 20c 21a 21b 21c

Car (ce n’est) pas de paix qu’ils parlent; contre les tranquilles de la terre, (c’est à) des paroles de fourberies (qu’)ils pensent. Ils ont élargi contre moi leur bouche; Ils ont dit: Ah! Ah! il a vu, notre œil! »

22a 22b 23a 23b 24a

Tu as vu, YHWH. Ne fais pas le sourd-muet! Seigneur, ne sois -pas-loin de moi! Eveille-toi, réveille-toi pour mon jugement, mon Dieu et Seigneur, pour ma dispute (en justice). Juge-moi comme (l’exige) ta justice, YHWH mon Dieu.

24b 25a 25b 25c 26a 26b 26c 26d 27a 27b 27c 27d 27e

Et (qu’)ils ne se réjouissent pas de moi! (Qu’)ils ne disent pas dans leur cœur: « Ah! notre gorge (a avalé)! » (Qu’)ils ne disent pas: « Nous l’avons englouti. » (Qu’)ils aient honte et rougissent ensemble, (les gens) se réjouissant de mon mal(heur)! (Qu’)ils soient revêtus de honte et de déshonneur, les (gens) s’étant faits-grands contre moi! (Qu’)ils crient et se réjouissent, (les gens) se plaisant (à) ma justice! Et (qu’)ils disent continuellement: « Il est-grand, YHWH, lui, se plaisant (à) la paix de son serviteur. »

73

28a Et ma langue murmurera ta justice, 28b tout le jour, ta louange. Comme nous l’avons déjà montré (p.135), selon des critères morphocritiques les unités peuvent être distinguées (et classées) comme suit 4: Appels à YHWH: 1–3 17 22–24a Imprécations: 4–6 8 19 24b–26 Dénonciations des ennemis: 7 11–12 15–16 20–21 Protestation d’innocence: 13–14 Promesse de louange: 9–10 18 27+28

4

La seule modification que nous apportions à ce tableau est la détermination des unités 11–12 et 13–14 (et non pas 11–12a et 12b–14). Nous y reviendrons en temps utile.

74

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

Nous vérifierons donc d’un point de vue structurel que telles sont bien les différentes unités, puis en viendrons alors à l’étude structurelle d’ensembles plus importants. * * * La première unité se lit en 1–3. Elle nous semble présenter la structure suivante 5: 1a 1b

Dispute, YHWH, combats

2a 2b 3aa

Renforce le bouclier et le pelte, et lève-toi à mon aide*. Brandis la lance

3abb

et ferme (toute issue) (…) à la rencontre des (gens) me poursuivant.

3cd

(avec) les (gens) disputant (contre) moi; les (gens) me combattant.

Dis à ma gorge: « Ton salut*, (c’est) moi. »

En 1 par deux fois et en 3abb nous lisons des appels à YHWH (Dispute…, combats…, ferme…) contre les ennemis (disputant…, combattant…, poursuivant…). Entre ces appels nous lisons en 2b un appel à l’aide, entouré par deux invitations à s’armer adressées elles aussi à YHWH (bouclier et pelte, lance). Ainsi lisons-nous en 1–3b une symétrie concentrique autour de 2b. En 3cd, comme il arrive souvent à la suite (ou avant) une symétrie concentrique, on en rappelle le centre, ici à l’aide de salut, lequel constitue avec aide une paire stéréotypée6. Du début à la fin nous lisons YHWH et le pronom indépendant moi qui s’y rapporte. On se souviendra ici de la formule d’auto-présentation: moi, YHWH, même si en 1a ce n’est pas YHWH qui parle (ou qu’on fait parler) 7. En 4–6 on distingue sans peine deux volets, chacun respectant un parallèle très régulier, soit 4a + 4b // 4c + 4d et 5a + 5b // 6a + 6b. De 4a à 4c relevons la répartition des termes de la paire stéréotypée avoir honte/ rougir 8. En 4b, concernant le méchant, et 6b, concernant l’ange de 5 6 7

8

Nous améliorons ici notre proposition de Quatre psaumes, pp. 137–138. c zr/ysˇ c selon Avishur, pp. 71–72. Girard (p.597) est trop pessimiste quant à la structure de 1–3. En tout cas la proposition qu’il fait (au conditionnel) d’un parallèle où 1 appellerait 3 tandis que 2 appellerait 4 ne tient guère. Il faut être plus précis et ne pas s’en tenir au découpage des versets. bwsˇ /h.pr selon Avishur pp. 286 et 320. En 4a seul on lit les termes de la paire stéréotypée bwsˇ/klm selon Avishur p.755, à l’index.

Etude structurelle du psaume 35

75

YHWH, nous lisons les termes de la paire stéréotypée poursuivre/ chercher 9. l’ensemble étant ainsi inclus, pourrait-on dire, entre attaque et contre-attaque. Pour obtenir une inclusion de 4–6 Girard (p.597) est obligé de remonter jusqu’à 3b pour y retrouver le poursuivant de 6b, récurrence qu’il commente fort bien mais qui joue dans l’enchaînement de 1–3 à 4–6, comme nous le verrons ci-dessous. En note il distingue fort pertinemment 4 et 5–6. Si maintenant nous considérons ensemble 1–3 et 4–6 nous pouvons y découvrir une certaine structure qui en assure l’articulation 10. Présentons-la comme suit: 1a

DISPUTE, YHWH, (avec) les (gens) disputant (contre) moi;

1b

COMBATS

les (gens) me combattant. 2a 2b 3aa

RENFORCE LE BOUCLIER ET LE PELTE, et lève-toi à mon aide+. BRANDIS LA LANCE

3a b 3b

ET FERME (TOUTE ISSUE),

(en venant) à la rencontre des (gens) me poursuivant*. Dis à ma gorge: « Ton salut+, (c’est) moi. »

3cd 4a 4b 4c 4d 5a

(QU’)ILS AIENT HONTE° ET SOIENT DÉSHONORÉS, les (gens) cherchant* ma gorge! (QU’)ILS RECULENT EN ARRIÈRE ET (QU’)ILS ROUGISSENT°, les (gens) pensant mon mal(heur)! (QU’)ILS SOIENT COMME LA MENUE-PAILLE EN FACE D’UN SOUFFLE-DE-VENT,

5b 6a 6b

YHWH (LES) REPOUSSANT (QU’)IL SOIT, LEUR CHEMIN, TÉNÈBRE ET GLISSOIRES, UN ANGE DE YHWH LES POURSUIVANT*! UN ANGE DE

On voit d’une part les parallèles entre 1a, 1b, 3abb, 4ab, et 4cd, et d’autre part 2a, 3aa, 5 et 6, la défaite des ennemis commençant par l’armement de leur vainqueur (2a et 3aa) pour finir par leur confusion finale (5 et 6), mais

9 10

rdp/bqsˇ selon Avishur p.654. Nous améliorons ici notre proposition de Quatre psaumes, pp. 138–140.

76

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

ici sans plus aucune mention de leur attaque. Mais on rappellera qu’en 2–3aa les deux invitations à l’armement encadrent un appel à l’aide, et ici nous noterons que l’appel au salut de 3cd est encadré par 3abb et 4. Ainsi les deux invitations de 1 appellent celles de 3abb et 4 qui encadrent l’appel au salut, tandis que les deux invitations de 2a et 3aa qui encadrent l’appel à l’aide, appellent les invitations finales de 5 et 6. Tentons un schéma: 1a + 1b

(deux invitations à la contre-attaque)

  





2a (armement) 2b (appel à l’aide*) 3aa (armement)

 3abb (une invitation à la contre-attaque)  3cd (appel au salut*)  4ab + 4cd (deux appels à la victoire finale) 5–6 (deux appels à la victoire finale)

Entre les appels à combattre adressés à YHWH (en 1–3) et les imprécations (en 4–6), la marge n’est pas grande, et c’est pourquoi on peut percevoir l’enveloppement de 3cd par 3abb et 4. Nous avons mentionné plus haut la paire stéréotypée poursuivre/chercher. Nous en retrouvons les termes en 3b et 4b. De 1a à 5 et 6, aux extrêmes de cet ensemble on notera ici l’appel à YHWH, là la demande d’intervention de l’ange de YHWH, la récurrence du nom divin constituant une inclusion de l’ensemble. * * * La dénonciation des méfaits des ennemis en 7 est bâtie selon un chiasme (et non un parallèle comme nous l’avancions dans Quatre psaumes) dont les termes extrêmes se répondent en parallèle, ce qui ne fait que mieux ressortir les termes centraux filet et tombe: 7a

Car,

7b (que),

sans motif, ils ont dissimulé leur filet; (c’est) une tombe sans motif, il ont cavée

pour moi

pour ma gorge.

L’articulation entre 4–6 et 7 est assurée par le jeu de mots entre ils rougissent (4c) et ils ont cavée (7b) à partir de la racine bisémique h . pr comme l’a signalé Girard (p.597) et par la récurrence de ma gorge qu’on voit ici et là dans l’épreuve (4b et 7b). Les gens cherchant ma gorge, qu’ils rougissent,

Etude structurelle du psaume 35

77

car c’est une tombe qu’ils ont cavée pour ma gorge. On ne voit pas que 1–7 constitue un tout au point de vue structurel. De 1–3 à 7 nous lisons bien la récurrence de à/pour ma gorge (lnpsˇ y), et cela en des contextes assez manifestement opposés: Dis à ma gorge: Ton salut! (3cd)… une tombe pour ma gorge (7b), ce qui correspond bien à la note propre de chacune de ces deux unités. Ainsi peut-on peut-être avancer que les trois unités de 1–7 respectent entre elles une symétrie concentrique. * * * L’imprécation de 8 semble construite selon une symétrie concentrique autour de 8b comme on le verra dans le tableau suivant: 8a 8b 8c

(Que) lui vienne une destruction (qu’)il ne connaît pas, et (que) son filet, (celui) qu’il a dissimulé, l’attrape! En (guise de) destruction, (qu’)il y tombe! 11

Le filet dissimulé fait le joint entre 7 et 8 : ils ont dissimulé pour moi un filet… que son filet, qu’il a dissimulé, l’attrape 12! En 4–8 nous pouvons repérer, autour de 7, en 4–6 et 8 la répartition des termes de la paire stéréotypée connaître/penser 13: L’opposition entre 4d et 8a ne manque pas d’une certaine ironie: ils savent peut-être penser mon malheur, mais ils n’ont aucune connaissance de la destruction qui vient sur eux. Nous avons repéré plus haut 14 les articulations entre 1–3 et 4–6, 4–6 et 7 et enfin 7 et 8, ainsi que l’enveloppement de 7 par 4–6 et 8. Mais finale-

11

12

13 14

Mais si l’on rapproche le filet qu’il a dissimulé (tant et si bien qu’il n’en connaît plus lui-même l’emplacement) de la destruction qu’il ne connaît pas, on peut peut-être (comme nous le faisions dans Quatre psaumes) percevoir un chiasme en 8ab: que lui vienne + une destruction qu’il ne connaît pas / son filet qu’il a dissimulé + l’attrape, et encore, de façon cependant moins nette, un parallèle en 8bc: son filet + l’attrape // destruction + qu’il y tombe. L’avantage de notre proposition ci-dessus est qu’elle prend en considération tout le verset et laisse jouer la récurrence de destruction. Girard (p.598) s’appuie sur ces récurrences pour faire de 7–8 une seule unité. Pourtant il distingue nettement 7 (comme l’exposé de la situation) et 8 (comme l’imprécation). Comme en 4–6 il « récupérait » poursuivant qui en fait joue pour l’enchaînement entre 1–3 et 4–6, ici il attribue à une unité 7–8 ces récurrences qui en fait jouent pour l’enchaînement entre 7 et 8. ydc/h.sˇb selon Avishur p.337. Le lecteur trouvera en annexe à ce chapitre un tableau lui indiquant dans quel ensemble un rapport entre deux unités a été étudié pour la première fois dans notre parcours.

78

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

ment sur l’ensemble 1–8 nous pouvons découvrir le dispositif suivant des récurrences: 1–4

YHWH

5–6

YHWH (bis)

poursuivants… ma gorge (bis) rougissent (h.pr) [pensant*] poursuivant 7 dissimulé filet cavée (h.pr) ma gorge 8 [connaît*] filet dissimulé

On voit que YHWH + poursuivant(s) est suivi par deux fois par l’amorce d’un chiasme, les deux chiasmes s’imbriquant l’un dans l’autre, soit celui dont les indices sont transcrits ci-dessus en italiques et l’autre. Nous avons aussi situé dans le tableau ci-dessus les termes de la paire stéréotypée connaître/penser. Le lecteur peut voir qu’ils se situent par deux fois entre les premiers et les derniers termes des deux chiasmes. Cette répartition ne se fait pas selon la détermination des unités. Mais à sa façon elle n’en montre pas moins l’unité structurelle de 1–8 15. * * * Venons-en à 9–10. Nous les disposons comme ceci pour en faire percevoir la structure: 9a 9b 10a 10b 10c 10d

Et ma gorge exultera x en YHWH, elle débordera-d’allégresse x’ en son salut*. Tous mes os-foisonnants diront: X «YHWH, qui (est) comme toi, délivrant* l’humilié du (méchant) plus renforcé que lui, l’humilié et le pauvre, du (méchant) le pillant?»

y y’ Y Y’

Le parallèle en 9 est simple à saisir. L’objet de l’exultation est YHWH luimême et le motif de l’allégresse est ce salut dont il est l’auteur. En 10a la 15

Nous avons ici pris en compte plus d’indices que dans Quatre psaumes et partant mieux présenté la structure de cet ensemble.

Etude structurelle du psaume 35

79

partie du corps désignée est passée au pluriel (mes os contre ma gorge) et vise même la totalité. Exultation et allégresse aboutissent ici à un discours, et ce discours vise à nouveau YHWH et la délivrance qu’il apporte. Délivrance et salut constituent une paire stéréotypée 16. Mais ici YHWH n’est pas simplement nommé, il est donné comme l’incomparable, et incomparable précisément dans cette délivrance qu’il apporte, délivrance qui n’est pas simplement mentionnée, mais dont il nous est dit qui en sont les bénéficiaires 17 et de quel péril ils ont été délivrés. Le lecteur comprendra donc à présent sans peine qu’on puisse décrire la structure de ces deux versets comme xy / x’y’ / XYY’ 18. Aucun indice ne marque une articulation entre 8 et 9–10. Mais en 7–10 on remarquera au moins autour de 8 le terme final de 7 et le terme initial de 9–10, soit ma gorge, ici aux prises avec une menace de mort, là prête à jubiler en YHWH. En 4–10 nous pouvons repérer un chiasme. Nous avons déjà étudié le rapport entre 7 et 8, soit les centres de notre chiasme. En 4– 6 et 9–10, outre ma gorge dans des contextes opposés (d’oppression en 4b et d’exultation en 9a), on notera aussi les deux comparaisons de 5a et de 10b, toutes deux introduites par comme: rien de plus facile que de trouver une comparaison pour exprimer l’inconsistance des impies, mais il est bien impossible de comparer YHWH à qui que ce soit. On lit aussi ici et là le nom de YHWH: son ange est à l’œuvre pour poursuivre les ennemis en 5–6, et c’est lui-même qui délivre l’humilié selon 10bcd. Nous pouvons à présent rejoindre Girard et considérer comme un ensemble 1–10. C’est en effet selon lui le premier ensemble structuré du psaume, ce qu’il appelle la première section. Lui y voit un large chiasme où 1–3 appellent 9–10 tandis qu’aux centres 4–6 appellent 7–8. En 4–8 il prend ensemble 7 et 8 qui sont des unités distinctes. Pour notre part nous percevons en ces versets une symétrie concentrique autour de 7. Nous avons vu plus haut comment 7 prenait le relais de 4–6 (ma gorge…h.pr) et préparait 8 (filet dissimulé) tandis qu’en 4–6 et 8 sont répartis les termes de la paire stéréotypée connaître/penser. Il nous reste donc à considérer les rapports entre 1–3 et 9–10. On y lit les indices de correspondances disposés comme suit 19:

16 17 18

19

ns.l/ysˇ c selon Avishur pp. 88 et 225. ny/’bywn constituent une paire stéréotypée selon Avishur pp. 27.132.138.259. Nous sommes donc moins pessimiste que Girard (p.597) qui ne veut retenir que deux micro-unités (en 9 et 10) et deux parallélismes courts en 9 et 10cd. La distinction entre YHWH et son œuvre de salut (ou de délivrance) est pourtant bien perceptible. Nous pensons ici avoir progressé par rapport à notre proposition de Quatre psaumes. Nous ajustons ici notre proposition de Quatre psaumes, pp. 144–145.

c

80

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

YHWH (1a)

Renforce (2a) aide* (2b) dis (3c) ma gorge (3c)…

ma gorge (9a)… diront (10a) YHWH (10b) délivrant* (10c) renforcé (10c)

ton salut (3d) son salut (9b)

A part le nom de YHWH les autres indices sont disposés d’ici à là en chiasme pour peu qu’on tienne compte de la succession de ma gorge + mon/son salut. Ce sont tous des récurrences, sauf aide(r) et délivrer qui, outre qu’ils constituent chacun, comme nous l’avons vu, une paire stéréotypée avec salut, en constituent une eux-mêmes entre eux 20. * * * Venons-en maintenant à 11–12. Bien qu’ils ne contiennent pas de récurrences et que nous en soyons réduits à un repérage purement thématique, il nous semble pouvoir proposer la structure suivante 21: 11a 11b 12a 12b

Ils se lèvent, les témoins de violence, (ce) que je n’ai pas connu, ils me (le) demandent. Ils me payent le mal en échange du bien; (c’est comme la) perte-d’un-enfant, pour ma gorge.

Nous rapprochons violence et mal, ils me demandent et ils me payent (les deux expressions sont phonétiquement apparentées), et enfin ce que je n’ai pas connu et perte d’un enfant, ce qui peut s’entendre si l’on comprend ladite perte par avortement ou autre accident ayant empêché le père de connaître son enfant (on pourrait peut-être comprendre: celui que je n’ai pas connu). On a alors un parallèle entre les deux premières et les deux dernières lignes de notre tableau, tandis qu’aux centres se répondent ils me demandent et ils me payent. Cette proposition est fragile, mais peut-être paraîtra-t-elle digne d’intérêt. Girard (pp. 598–599) distingue 11 et 12

20 21

ns.l/czr selon Avishur p.236. Où nous améliorons sensiblement notre proposition de Quatre psaumes, p.147.

Etude structurelle du psaume 35

81

pour rapprocher ce dernier de 13–14. Il est pourtant manifeste que 12 relève comme 11 de la dénonciation des méfaits des ennemis et qu’une césure plus radicale s’opère entre 12 et 13–14. En 8 et 11(–12) nous lisons une forme du verbe connaître précédée de la négation: les deux ignorances s’opposent évidemment, celle qui garantit la perte de l’ennemi, celle qui vient à l’appui de ses méfaits. Ainsi en 8–12 ces deux unités encadrent-elles celle de 9–10. Si l’on se souvient de l’opposition relevée ci-dessus entre les contextes de ma gorge au terme de 7 et au début de 9–10, on pourra voir un parallèle en 7–12, 7 (… une tombe pour ma gorge) appelant donc sous mode d’opposition 9–10 (Et ma gorge exultera…), tandis que, comme nous venons de le voir, s’opposent aussi deux connaissances en 8 et 11–12. Qu’en est-il en 4–12? Il suffit ici d’élargir la symétrie concentrique de 7–10 à 4–12. De 4–6 à 11–12 nous retrouvons mal, les termes de la paire stéréotypée connaître/penser et ma gorge. En 4b ils cherchent ma gorge, et selon 12b ce qu’ils m’infligent est pour ma gorge comme la perte d’un enfant. Ils ne pensent qu’à mon malheur selon 4d, et selon 11b12a ils me demandent ce que je n’ai pas connu, me payant le mal en échange du bien. Il ne nous reste plus qu’à considérer 1–12. Ici une récapitulation des indices dans un tableau facilitera le repérage de la structure: 1–3 4–6 7 8 9–10 11–12

: à (l) ma gorge : ma gorge : pour (l) ma gorge : : ma gorge : pour (l) ma gorge

ton salut pensant* connaît* son salut connu*

renforce YHWH lève-toi malheur YHWH comme … filet filet… renforcé YHWH comme mal se lèvent

Nous avons déjà étudié le chiasme en 4–10. ici il est possible de l’élargir en tenant compte des récurrences de 1–3 à 11–12, et particulièrement de celle du verbe se lever: Lève-toi YHWH… (2b), car ils se lèvent… (11a) 22. Mais ce dispositif n’en exclut pas d’autres. Autour de 7–8 notons un parallèle entre 1–3 + 4–6 et 9–10 + 11–12 puisque, comme nous l’avons déjà repéré existent des rapports entre 1–3 et 9–10 (ci-dessus aux extrêmes de l’ensemble 1–10) comme entre 4–6 et 11-12 (ci-dessus aux extrêmes de l’ensemble 4–12). Notons enfin les termes de la paire stéréotypée connaît-

22

Girard (p.605) a bien vu les rapports entre 1–3 et 11–12, mais on ne voit pas pourquoi il veut ici rattacher 4 à 1–3 pour obtenir une seconde occurrence de ma gorge pour 1–4. L’opposition entre 3 (la gorge sauvée) et 12 (la gorge maltraitée) suffit à fonder un rapport entre 1–3 et 11–12.

82

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

re/penser en 8 comme en 4–6 et 11–12, et ma gorge en 7 comme dans les quatre unités extrêmes 23. * * * En 13–14 une certaine structure peut se repérer avec plus de certitude qu’en 11–12. Lisons ces deux versets comme ceci 24: 13a 13b 13c 13d 14a 14b 14c

Et moi, quand (ils venaient à) être-malades, mon vêtement (était) y un sac (pénitentiel), j’humiliais par le jeûne ma gorge y et ma supplication sur mon sein revenait, y’ comme (si c’était) un compagnon*, comme (si c’était) un frère* pour moi; j’allais (et venais) y’ comme (si c’était) le deuil d’une mère; sombre, j’étais affaissé.

x z z z x x Z

En 13bc, s’aidant des sigles le lecteur aura tôt fait de repérer un chiasme à quatre termes avec les deux expressions de pénitence aux centres et ce à quoi elles s’appliquent aux extrêmes. En 13d–14 on repérera aussi un chiasme, mais cette fois à six termes, avec les expressions de pénitence aux extrêmes, aux centres les qualités prêtées à ceux qui la motivent, et entre centres et extrêmes deux mouvements, le premier avec un but (sur mon sein), le second désorienté (aller et venir). D’un chiasme à l’autre on aura noté l’inversion des positions structurelles des expressions de pénitence (aux centres en 13bc, aux extrêmes en 13d–14). Les centres de 13d–14 reviennent sur ceux dont il est question en 13a: leur situation de malades les fait accéder pour ainsi dire au statut de compagnon et de frère, deux termes qui d’ailleurs constituent une paire stéréotypée 25.

23 24

25

Nous considérerons de plus près ci-dessous le rapport entre 7 et 11–12 (dans l’ensemble 7–14). Laisser 12b à l’unité précédente entraîne nécessairement une nouvelle perception de la structure en 13–14 (par rapport à celle que nous proposions dans Quatre psaumes, pp. 151ss), et donc des rapports dans les structures d’ensemble qui impliquent 11–12 et 13–14. ’h./rc selon Avishur p.751, à l’index. Sans tenir compte de la syntaxe on pourrait voir sur l’ensemble un parallèle en début et fin (x + y + zz // xx + y’ + Z) autour de y.z.y’ au centre, ces derniers y et y’ comportant chacun une partie du corps,

Etude structurelle du psaume 35

83

De 11–12 à 13–14 on rapprochera 12b et 13c (avec la récurrence de ma gorge), la perte d’un enfant et le jeûne s’enchaînant logiquement 26. De 9–10 à 13–14 nous retrouvons encore la gorge du fidèle, mais ici en deux situations opposées, soit l’exultation en 9a, le jeûne en 13c. On notera aussi que si l’humiliation de 10cd vient de la situation infligée au fidèle, celle de 13c est choisie volontairement par lui pour compatir à la maladie de ceux qu’il considère comme frères. De 10b à 14a on retrouve des comparaisons introduites par comme. Ici YHWH est donné comme incomparable, mais en 14a il y a aussi de quoi s’étonner devant l’attitude du fidèle se conduisant avec ses ennemis malades comme avec des frères. Ainsi donc on peut constater que en 9–14 9–10 et 13–14 encadrent 11–12 (selon une symétrie concentrique simple). Si nous considérons maintenant les quatre unités en 8–14, on peut voir entre elles un certain parallèle. Nous venons de dire en effet le rapport entre 9–10 et 13–14, et nous avons vu plus haut le rapport entre 8 et 11–12 (opposition entre les deux connaissances). En 7–14 on peut peut-être repérer une symétrie concentrique autour de l’annonce de la louange de 9–10. Joue ici encore une fois le rapport entre 8 et 11–12 (ne pas connaître). De 7 à 13–14, outre la récurrence de ma gorge, on relèvera celle de pour moi: en 7a eux ont dissimulé pour moi leur filet et prévu en 7b une tombe pour ma gorge, en 14a il sont au contraire comme frères pour moi au point que pour eux j’humiliais par le jeûne ma gorge 27. Continuons à remonter dans le texte en considérant maintenant les six unités contenues en 4–14.

| |

26 27

| |

4 –6 7 8 9–10 11–12 13–14

: : : : : :

YHWH… ma gorge pour ma gorge

penser*

mal comme pour moi

connaître* YHWH… ma gorge pour ma gorge ma gorge

comme connaître* mal pour moi comme

soit la gorge et le sein. Mais, quand aucun indice structurel ne vient à l’appui, s’éloigner par trop de la syntaxe pour proposer une structure d’ordre thématique est sans doute trop aventureux. On pensera évidemment à l’étonnement des familiers de David en 2S 12,21. Girard (p.607) propose de lire en parallèle 7–8 + 9–10 et 11–12 + 13. Si on tient compte des unités, on distinguera 7 et 8 et on joindra 14 à 13. Cela fait, c’est 8, et non 7, qui appelle 11–12 (ne pas connaître ici et là). Nous venons de voir comment se correspondent 7 et 13–14. Certes 9–10 et 13–14 sont aussi en rapport (humilier ici et là), mais, comme nous l’avons vu plus haut, la chose est vraie aussi pour 7 et 9–10, et ces rapports jouent dans d’autres ensembles (9–14 et 7–10, étudiés ci-dessus).

84

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

On prendra ici les unités par tandems. Comparons donc d’abord les tandems d’unités aux extrêmes, soit 4–6 + 7 et 11–12 + 13–14. Nous connaissons déjà les rapports entre 4–6 et 11–12 comme entre 7 et 13–14. On parlera donc ici d’un parallèle. Considérons maintenant les tandems d’unités aux centres, soit 7 + 8 et 9–10 + 11–12. Nous avons déjà situé la récurrence de ma gorge au terme de 7 et au début de 9–10 et relevé le rapport de 8 à 11–12. Nous pouvons donc ici aussi parler d’un parallèle. YHWH se lit deux fois (ainsi que comme) en 9–10 comme en 4–6 (l’ange de YHWH), c’est-à-dire dans la première unité du premier tandem et du troisième, tandis que dans la première unité du deuxième tandem et du dernier nous lisons pour ma gorge au terme de 7 comme au terme de 11–12, dans des contextes très semblables. On notera enfin comment en 8–10, entre les deux tandems extrêmes, on lit connaître (8) + ma gorge (9–10) comme dans le dernier tandem, et également dans le premier si l’on se souvient que penser (en 4–6) forme une paire stéréotypée avec connaître. Les comparaisons de 5a et de 14a dans les unités extrêmes incluent d’une certaine façon cet ensemble 4–14. Considérons maintenant l’ensemble des sept premières unités en 1–14. Nous ne trouvons pas d’autre indice de 1–3 à 13–14 que la récurrence de ma gorge, indice faible au vu des contextes respectifs, 3cd et 13c ne se prêtant pas à un rapprochement très significatif. On ne parlera donc pas d’un ensemble 1–14. Nous rappellerons seulement ici que tant les quatre unités de 1–8 et que celles de 8–14 possèdent leur structure propre, la charnière entre les deux ensembles étant assurée par 8. * * * Nous parvenons ainsi à l’unité de 15–16 dont nous disposerons le texte comme suit: 15a

15b 15c 15d 16a 16b

(Mais eux,) de (b) mon trébuchement ils se sont réjouis, et ils ont été attirés; ils ont été attirés contre moi, avides de frapper, et je n’ai pas connu (leur mauvais dessein), ils ont déchiré et n’ont pas fait silence. Quand (b) je (me suis mis à) être pollué (de sang), les moqueurs de malhonnêteté (se sont mis à) grincer contre moi de leurs dents.

Nous avons mis en deux alinéas ce qui concerne le fidèle et ce qui concerne ses ennemis. On peut alors constater au centre de chacun des deux la

Etude structurelle du psaume 35

85

négation, s’appliquant soit au fidèle (15c b), soit aux ennemis (15db). Ce qui concerne le premier commence aux deux extrêmes par b, ce qui concerne les seconds comporte aux deux extrêmes contre moi. Au plan thématique on notera le passage de avides de frapper à ils ont déchiré, puis de ils n’ont pas fait silence à se sont mis à grincer contre moi de leurs dents. Bien que reposant sur des indices assez formels, cette proposition retiendra peut-être l’attention du lecteur. En 13–14 et 15–16 on découvre un enchaînement un peu semblable entre 13 et 15 ou 16 avec b… cl… dans chacun de ces trois versets. Quand eux étaient malades, ma supplication revenait contre mon sein, quand je trébuchais ils se sont attroupés contre moi, quand j’étais pollué de sang ils grinçaient des dents contre moi, les deux attitudes ainsi décrites étant à l’opposé l’une de l’autre. En 11–16 nous lisons autour de 13–14 en 11–12 et 15–16 je n’ai pas connu + ils payent, puis ils se sont réjouis + je n’ai pas connu. Payer, c’est en l’occurrence assurer une fausse paix. Il existe une paire paix/joie 28. Et cette paix, et cette réjouissance sont mauvaises, exploitant l’une et l’autre l’ignorance du fidèle. Nous venons de voir le rapport entre 11–12 et 15–16, et nous avons vu plus haut celui entre 9–10 et 13–14, d’où nous pouvons déduire la disposition en parallèle entre les quatre unités de 9–16. Pour ce qui est des cinq unités de 8–16 nous les verrons facilement ordonnées concentriquement autour de 11–12. En 8 et 15–16, comme d’ailleurs dans le centre 11–12, nous lisons connaître précédé de la négation: l’ignorance des ennemis (8) comme celle du fidèle (15) leur joue un mauvais tour, et c’est sur celle du fidèle que revient 11. Nous connaissons le rapport entre 9–10 et 13–14, lesquels ici entourent immédiatement le centre 11–12. Ainsi est démontrée la symétrie concentrique de 8–16. En 7–16 on peut repérer une alternance entre les unités à partir des indices suivants: 7 8 9–10 11–12 13–14 15–16

: : : : : :

une tombe pour ma gorge il ne connaît pas je n’ai pas connu

Et ma gorge exultera… [un deuil pour ma gorge] par le jeûne ma gorge

je n’ai pas connu

Ma gorge se lit en 7 et 13–14 dans des contextes d’affliction, en 9–10 dans un contexte de jubilation. Mais en 7 et 13–14 l’affliction est de sens opposée, infligée au fidèle en 7, voulue par lui en 13. Nous avons dit plus

28

sˇlwm/s´mh.h selon Avishur p.537.

86

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

haut comment les deux ignorances de 8 et 15 s’opposent aussi l’une à l’autre. En 11–12, dans la deuxième unité de notre tandem central nous lisons également, comme en 7 (affliction imposée), et préparant 13–14 (il est question de deuil ici et là), ma gorge dans un contexte d’affliction. Qu’en est-il en 4–16? 4–6 7 8 9–10 11–12 13–14 15–16

ma gorge ma gorge ma gorge ma gorge ma gorge

pensant* pour moi connaît*

malheur

connu* pour moi connu*

mal

exultera*… allégresse°

se sont réjouis*°…

Autour de 9–10 nous repérons un parallèle entre 4–6 + 7 + 8 et 11–12 + 13–14 + 15–16 nous avons déjà présenté tous ces rapports entre 4–6 et 11–12, 7 et 13–14, 8 et 15–16. Rappelons également le rapport entre 4–6 et 9–10, lequel, comme nous allons le voir, a son pendant dans celui entre 9–10 et 15–16, l’unité centrale 9–10 étant ainsi en rapport avec chacune des unités extrêmes. Le rapport entre 9–10 et 15–16 se fonde en particulier sur les paires se réjouir/exulter 29 et déborder d’allégresse/se réjouir 30. La jubilation du fidèle en YHWH s’oppose évidemment à celle, mauvaise, des ennemis à ses dépens. Aboutissant à 15–16 il ne nous reste plus à considérer que l’ensemble 1–16. Les indices d’une structure d’ensemble y sont disposés comme suit: 1–3 4–6 7 8 9–10 11–12 13–14 15–16

YHWH… renforce… dis… ma gorge… ton salut ma gorge…pensant*… malheur pour moi… ma gorge il ne connaît pas YHWH… renforcé… diront… ma gorge… son salut ma gorge… je n’ai pas connu*…mal pour moi… ma gorge je n’ai pas connu

Nous connaissons ici tous les rapports fondant ce parallèle, soit entre 1–3 et 9–10, qui s’adressent à YHWH, 4–6 et 11–12, où l’ignorance du fidèle

29 30

s.mh./gyl selon Avishur p.768, à l’index. s´ ys´ /s´ mh. selon Avishur pp. 137.216.259.287.320. Notons que s´ ys´ /gyl forment aussi une paire stéréotypée (Avishur pp. 268.294.324).

87

Etude structurelle du psaume 35

conforte la pensée méchante des ennemis, 7 et 13–14, où s’opposent la malveillance des ennemis et la bonté du fidèle, 8 et 15–16 enfin où s’opposent l’ignorance désastreuse des ennemis et celle du fidèle. La structure est simple à percevoir et aide à lire l’une à la lumière de l’autre les unités se correspondant. * * * Passons à 17. Après 17a on y repère sans peine un chiasme entre ma gorge + de leurs actes destructeurs et des lionceaux + mon ensemble organique. En 15–16 et 17 nous voyons répartis les termes de la paire stéréotypée connaître/voir 31: moi, je ne vois pas leurs stratagèmes, mais toi, Seigneur, combien de temps resteras-tu à voir sans intervenir? Si on considère ensemble les trois unités de 13–17 on y lit: 13–14

ma gorge revenait 15–16 (b…) contre moi ne… pas ne… pas (b…) contre moi 17 verras-tu* revenir ma gorge

connu*

Nous avons déjà étudié la structure de 15–16. Nous la rappelons ici sommairement et de telle sorte à faire ressortir le dispositif en chiasme des indices. Ce dispositif est comme prolongé en 13–14 et 17 où nous lisons, en ordre inverse d’ici à là, ma gorge + revenait et revenir + ma gorge. Cette gorge à laquelle le fidèle imposait un jeûne en faveur de ses propres ennemis tandis que sa supplication pour eux lui revenait, elle mérite bien que le Seigneur la fasse revenir. Ainsi 13–14 et 17 encadrent 15–16 selon une symétrie concentrique simple. Le tableau des méfaits des ennemis est entouré par la bienveillance pour eux de celui-là même qu’ils persécutent et par l’appel à la libération de celui qui se montre fidèle jusque là. En 11–17 nous voyons un simple parallèle. Il suffira au lecteur de se souvenir des rapports entre 11–12 et 15–16 comme entre 13–14 et 17 tels que nous les avons déjà étudiés. Girard (pp. 598–599), qui retient 11–17 comme la deuxième section du psaume, y voit pour sa part un chiasme où 11 appellerait 15–17 aux extrêmes, tandis qu’aux centres se répondraient 12 et 13–14. Mais il scinde ainsi l’unité de 11–12 et par ailleurs soude les

31

yd c/r’h selon Avishur pp. 259.261.293.294.

88

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

deux unités 15–16 et 17 32. La récurrence de ma gorge sur laquelle il s’appuie (en 12 et 13) pour fonder un rapport entre 12 et 13–14 a pour fonction, on l’a vu, d’articuler entre elles les unités 11–12 et 13–14 (soit les centres de son chiasme), mais celle de revenir de 13 à 17 (avec d’ailleurs ma gorge dans les mêmes versets) a la même importance que celle de je n’ai pas connu (11 et 15) et à elles deux elles fondent le parallèle susdit. Autrement dit il a inversé les fonctions de ma gorge (en 12 et 13) et de revenir: la première (en 12 et 13) articule entre elles les deux premières unités du parallèle, mais ne fonctionne pas comme indice pour les deux termes du chiasme hypothétique proposé par Girard, la seconde indique les deuxièmes termes du parallèle (avec ma gorge dans les mêmes versets 13 et 17), mais ne fonctionne pas comme une articulation entre les deux derniers termes dudit chiasme. En 9–17 les cinq unités de 9–17 sont ordonnées selon une symétrie concentrique autour de 13–14. Nous connaissons déjà le rapport entre 11–12 et 15–16. De 9–10 à 17 relevons les interpellations à YHWH et au Seigneur, la présentation de ma gorge comme exultant ou libérée, et enfin les deux mentions introduites par de(s) (mn) des ennemis dont le fidèle attend d’être libéré (du plus renforcé que lui, de l’homme l’ayant pillé, de leurs actes destructeurs, des lionceaux). Ainsi 9–17 sont-ils ordonnés concentriquement autour de 13–14. Les six unités de 8–17 présentent les indices structurels suivants: 8 9–10 11–12 13–14 15–16 17

32

il ne connaît pas une destruction ma gorge… YHWH… de… // de… je n’ai pas connu ma gorge je n’ai pas connu ma gorge… Seigneur… de… // des… actes de destruction

Ce dont il a bien conscience: « Pourquoi avoir intégré le v.17 à la présente section [11–17], alors qu’il relève manifestement d’une forme littéraire tout autre? » (p.599). Mais la question serait plus pertinente une fois posée simplement par rapport à 15–16. Quand il ajoute que 11–12 « ne fournit pas le moindre indice d’unité interne » Girard force un peu la note. De l’absence d’indice proprement structurel on ne peut conclure au manque d’unité pour deux versets. Nous avons d’ailleurs montré ci-dessus que 11–12 présentent bel et bien une certaine unité, et, au vu de la structure d’ensemble dans laquelle ils s’inscrivent, c’est sans doute forcer le texte que de les séparer. D’ailleurs Girard, un peu plus loin (pp. 604–605) considérera 11–12 comme allant ensemble. Il ne s’interroge pas sur l’unité interne des unités telles qu’il les voit en 11–17 (11, 12, 13–14, 15–17).

Etude structurelle du psaume 35

89

On voit l’alternance régulière entre les emplois du verbe connaître (toujours précédé de la négation) et les récurrences de ma gorge. Le premier et le dernier tandems comportent également dans leur deuxième terme une interpellation à YHWH ou au Seigneur et la précision sur ceux dont le fidèle veut être libéré, comme nous l’avons vu ci-dessus. Aux extrêmes la récurrence de destruction de 8 à 17 inclut l’ensemble: la destruction attend ceux qui l’ont pratiquée. Pour ce qui est de 7–17 nous y trouvons la répartition suivante des indices d’une structure: 7 8 9–10 11–12 13–14 15–16 17

ma gorge ma gorge ma gorge ma gorge ma gorge

pour moi il ne connaît pas YHWH! je n’ai pas connu pour moi je n’ai pas connu Seigneur!

On lit en 11–12, unité ici centrale, ma gorge et un emploi du verbe connaître. On retrouve ma gorge en 7 et 9–10 comme en 13–14 et 17, encadrant ici et là un emploi du verbe connaître, soit en 8 et 15–16. Autour du centre 11–12, dans la première unité et la troisième comme dans la cinquième et la septième on lit pour moi et une interpellation soit à YHWH, soit au Seigneur. Nous avons déjà présenté tous ces rapports. Mais ici on voit comment ils s’ordonnent autour de 11–12, dénonciation des témoins de violence. En 4–17 nous voyons répartis selon un parallèle régulier les indices suivants: 4–6 7 8 9–10 11–12 13–14 15–16 17

mal(heur) + ma gorge pour moi + ma gorge il ne connaît pas YHWH! + ma gorge mal + ma gorge pour moi + ma gorge je n’ai pas connu Seigneur! + ma gorge

Nous avons déjà rencontré tous les rapports ainsi indiqués. Il nous suffit ici d’en montrer l’ordonnance parallèle. Chaque volet du parallèle aboutit sur une interpellation à YHWH Seigneur, l’incomparable dont on vante ou auquel on demande le salut.

90

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

L’ensemble 1–17 comporte neuf unités réparties comme l’indiquent les indices inscrits dans le tableau suivant: 1–3 4–6 7 8 9–10 11–12 13–14 15–16 17





YHWH!… pensant*… pour moi… connaît* YHWH!… connu*… pour moi… pas connu* Seigneur!…

+ ma gorge + ma gorge + ma gorge

lève-toi ▼

destruction + ma gorge + ma gorge + ma gorge

ils se lèvent

+ ma gorge

destruction



L’unité centrale est ici 9–10. Elle comporte une interpellation à YHWH et une mention de ma gorge, tout comme les unités extrêmes 1–3 et 17 (où on lit plus précisément Seigneur!). Entre ces unités on lit en parallèle ce qui sur notre tableau est accompagné d’une flèche au trait plein. Chacun des volets entourant le centre comporte dans sa première unité un emploi de se lever et dans sa dernière destruction. Tous ces rapports ont été commentés ci-dessus. Contentons-nous de relever ici la place éminente que prennent ici 9–10, soit l’engagement à la louange et à la confession de YHWH. * * * Le chiasme en 18 se repère sans peine. Ses termes centraux constituent la paire stéréotypée abondant/foisonnant 33 Par rapport à 17 on ne verra guère qu’une certaine opposition entre les deux emplois de mn (de…des…) et les deux de b (dans…. dans…): tiré du milieu des lionceaux, le fidèle dans l’assemblée liturgique, peuple foisonnant. En 15–18 on pourra voir 15–16 et 18 entourer 17, leur correspondance reposant sur une opposition entre la joie mauvaise des ennemis selon 15a et l’action de grâce du fidèle selon 18a. Se réjouir et rendre grâce constituent en effet une paire stéréotypée 34. Les emplois de b en 15a et 16a pour indiquer les circonstances et causes de la joie des ennemis et ceux de la même préposition en 18a et 18b pour indiquer les lieux et associés à la louange du fidèle ne sont peut-être pas sans un certain effet d’opposition. Nous pouvons désormais saisir sans peine le parallélisme qui organise entre elles les quatre unités de 13–18. Nous venons de voir comment 15–16 et 18 sont en rapport. Nous avons vu plus haut comment 17 correspondait à 13–14. En 11–18 nous découvrons 33 34

rbb/ cs.m selon Avishur pp. 127.203.205.261.399. Pour 18 nous parlons plus volontiers de chiasme que de parallèle comme le fait Girard (p.601). s´mh./ydh selon Avishur pp. 236–237. En 18 nous lisons les deux termes de la paire hll/ydh (Avishur pp. 146.283.328).

91

Etude structurelle du psaume 35

un parallèle particulier en ce que ses deux volets (11–16 et 15–18) se chevauchent en 15–16. Nous avons vu en effet ci-dessus les rapports entre 11–12 et 15–16, 13–14 et 17, 15–16 et 18. Pour 9–18, ensemble de six unités, nous ne voyons pas d’autre structure que A + BC / B’C’ + A, soit l’encadrement du parallèle de 11–17, étudié ci-dessus, par 9–10 et 18 dont nous avons vu la correspondance il y peu. En 8–18 les choses se présentent un peu différemment. Nous y voyons au centre la symétrie concentrique de 11–16 35 étudiée ci-dessus, et aux extrêmes un parallèle, sur lequel nous devons nous attarder un peu, entre 8 + 9–10 et 17 + 18. Nous avons vu ci-dessus le rapport entre 8 et 17 (destruction ici et là). En 9–10 et 18 nous lisons foisonnant en 10a et 18b, ainsi que deux couples de verbes exprimant la jubilation, exulter et déborder d’allégresse en 9, rendre grâce et louer en 1836. La démarche individuelle de 9–10 est pour ainsi dire poussée à son terme et accomplie devant témoins en 18. Malgré la récurrence de ma gorge de 7 à 8–18 (9.12.13.17), l’ensemble de 7–18 ne semble pas structuré en tant que tel 37. Mais il n’en va pas de même avec 4–18. Donnons ici dans un tableau les indices structurels: 4–6 7 8 9–10 11–12 13–14 15–16 17 18

35 36 37

ma gorge comme pour ma gorge ma gorge comme pour ma gorge ma gorge comme ma gorge

destruction foisonnants /

destruction foisonnant

connaît* connu connu verras*

Rappelons que ladite symétrie concentrique pourrait être élargie à 9–17, comme nous l’avons vu plus haut. Ici comme là les deux termes constituent une paire stéréotypée, comme nous l’avons signalé en son temps. Notre proposition de 1992, compliquée avouons-le, s’appuyait par trop sur des considérations morphocritiques. Girard (p.605) voit des rapports entre 7–10 et 13–18. Le premier de ces volets comporte trois unités (7, 8 et 9–10), le second quatre (13–14, 15–16, 17 et 18). Presque tous les rapports relevés par Girard nous semblent pertinents (sauf peut-être celui entre 7 et 17 à partir de la récurrence de ma gorge), mais ils ne prennent tout leur sens qu’une fois situés dans les unités auxquelles ils appartiennent (ma gorge de 7 à 13–14, de 9–10 à 13–14 et de 9–10 à 17; connaître de 8 à 15–16; foisonnant de 9–10 à 18; humilier de 9–10 à 13–14). On pourra retenir de la proposition de Girard que 11–12 se trouvent au centre d’une symétrie concentrique où se correspondent 9–10 et 13–14 (ma gorge et humilier ici et là), puis 8 et 15–16 (ne pas connaître ici et là), d’où notre proposition ci-dessus pour 8–16.

92

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

Les italiques veulent simplement rappeler la symétrie concentrique en 7–17. Mais ici nous repérerons à l’aide des caractères gras un parallèle entre chacun des deux volets entourant l’unité centrale de 11–12. Nous avons déjà étudié ci-dessus ces rapports entre 4–6 et 13–14, 8 et 17, 9–10 et 18. On ne voit guère d’indice d’ordre proprement structurel pour le rapport entre les unités 7 et 15–16. Tout au plus pourrait-on relever la répétition en 7 de pour moi… pour ma gorge, comme en 15–16 de contre moi, et les quatre fois dans un contexte d’hostilité contre le psalmiste 38. Mais on peut au moins rappeler que d’un point de vue thématique ce sont là deux dénonciations des méfaits des ennemis. De plus nous lisons pour ma gorge en 7 comme en 12, et connu en 11 comme en 15(–16), les rapports ainsi indiqués ayant été eux aussi étudiés ci-dessus. Qu’en est-il pour l’ensemble 1–18? 1–3 4–6 7 8 9–10 11–12 13–14 15–16 17 18

lève-toi ma gorge (h.pr) ma gorge (h.pr) connaît* foisonnants ------ils se lèvent ma gorge… je n’ai pas connu* verras* foisonnant

comme dissimulé… filet filet… dissimulé comme

comme

contre (mon sein) contre (moi)

Les deux volets 1–10 et 11–18 se lisent en parallèle. Nous connaissons déjà les rapports entre 1–3 et 11–12, 4–6 et 13–14, 7 et 15–16, 8 et 17, 9–10 et 18. Pour ce qui est de 7 et 15–16 relevons que leurs rapports aux contextes se trouvent structurellement marqués. Nous connaissons en effet les rapports tant entre 4–6 et 7 qu’entre 7 et 8 (indices rappelés ci-dessus en italiques), tout comme ceux entre 13–14 et 15–16, puis 15–16 et 17. Ainsi 7 et 15–16, au milieu de 1–10 et de 11–18, se rapportent-ils l’un et l’autre tant à ce qui les précède qu’à ce qui les suit. Nous avions d’ailleurs repéré ci-dessus une petite symétrie concentrique tant en 4–8 qu’en 13–17. * * *

38

On notera aussi ici et là une répétition significative, soit celle de sans motif en 17 et celle de ils se sont attroupés en 15, le procédé aboutissant à rendre le harcèlement.

Etude structurelle du psaume 35

93

Nous abordons maintenant une nouvelle unité en 19. Ce verset respecte un chiasme avec deux désignations des ennemis aux centres et deux expressions de leurs réactions hostiles aux extrêmes 39. Par rapport à 18 on notera le même bâti, ce que montrera au mieux une simple synopse: 18 19 Je te rendrai grâce* Qu’ils ne se réjouissent* pas de moi dans l’assemblée abondante° mes ennemis+ de mensonge! dans un peuple foisonnant° Que les gens me haïssant+ sans motif je te louerai ne clignent pas de l’œil!

Les amorces constituent la paire stéréotypée se réjouir/rendre grâce 40. L’action de grâce convient avec cette assemblée et ce peuple, non la réjouissance pour ces ennemis pleins de haine 41. On ne voit pas que 17–19 constituent un ensemble structuré. Mais il en va sans doute différemment pour 15–19. Nous avons plus haut décelé une certaine opposition entre 17 et 18. En 15(–16) il nous est dit que les ennemis se sont réjouis, mais en 19 il est souhaité qu’ils ne se réjouissent plus. De 15 à 19 le désavantage marqué par la négation passe du fidèle (je n’avais pas connu) aux ennemis (qu’ils ne se réjouissent pas). On peut donc voir un certain chiasme en 15–19 avec aux centres et aux extrêmes deux oppositions. En 13–19 nous avons vu plus haut comment autour de 17 se répondaient 15–16 et 18. En 13–14 et 19 nous lisons ly, soit pour dire en 14a que l’ennemi malade est devenu comme un frère pour le fidèle, soit pour demander que lesdits ennemis n’aillent pas se réjouir pour le fidèle à son tour éprouvé. L’indice peut paraître fragile. Il s’inscrit cependant en deux unités dont l’opposition, toute thématique qu’elle soit, est difficilement contestable: quand les ennemis sont malades, le fidèle compatit par un véritable deuil, mais quand le fidèle est à son tour dans l’épreuve, ses ennemis ne trouvent rien de mieux à faire que de s’en réjouir. Du point de vue structurel on peut avancer que 11–19 constituent un chiasme à six termes 42. Nous connaissons déjà le rapport entre 15–16 et 17, ici les deux termes centraux du chiasme. Entre 13–14 et 18 jouent comme des clichés ces oppositions qu’on trouve dans d’autres psaumes, par exemple en Pss 30, 12b (sac) et 13b (action de grâce); 69, 11–12 (jeûne et sac) et

39 40 41

42

Girard (p.601) considère comme un tout 19–21, ce qui est défendable comme nous le verrons plus loin, mais pas au niveau des simples unités. s´ mh./ydh selon Avishur pp. 236–237. Notons que ’yb/s´ n’ constituent une paire stéréotypée selon Avishur p.753, à l’index. On se souvient qu’il en va de même pour les centres de 18 (abondant/foisonnant). Dans Quatre psaumes nous n’avions pas considéré cet ensemble.

94

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

31 (louange et action de grâce); 109, 24 (jeûne) et 30 (action de grâce et louange). En 11–12 et 19 nous voyons répartis les termes de la paire stéréotypée bien/réjouissance 43: Puisque quand le fidèle leur fait du bien et ils ne trouvent à l’en récompenser que par du mal, que, par une espèce de juste retour des choses, ils n’aient pas lieu de se réjouir au sujet du fidèle. Autour de la symétrie concentrique de 13–17 nous pouvons peut-être voir dans un ensemble 9–19 se répondre en parallèle 9–10 + 11–12 et 18 + 19. Nous avons déjà relevé la correspondance entre 9–10 et 18 (foisonnant ici et là), ainsi que, dans le paragraphe précédent, celle entre 11–12 et 19 (bien/réjouissance). Nous ne voyons de structure d’ensemble pour 8–19. Venons-en maintenant à 7–19. Nous avons vu ci-dessus que les unités de 8–18 respectaient une structure d’ensemble. Il suffit d’y ajouter 7 et 19 pour découvrir la structure de 7–19. En effet de 7 à 19 nous retrouvons sans motif: non seulement les méfaits des ennemis sont sans motif, mais même la haine qu’ils portent au fidèle. Ainsi, comme nous l’avons vu ci-dessus, autour de la symétrie concentrique de 11-16 nous lisons le parallèle entre 8 + 9–10 et 17 + 18, puis, comme nous venons de le voir, la correspondance entre 7 et 19. En 4–19 nous pouvons découvrir un parallèle entre cinq et cinq unités, puisque nous avons montré plus haut les correspondances entre 4–6 et 13–14 (en 4–14), 7 et 15–16 (en 4–18), 8 et 17 (en 8–17), 9–10 et 18 (en 8–18), 11–12 et 19 (en 9–19). Aux extrêmes, non sans un effet d’inclusion, on verra se correspondre honte, déshonneur, rougissement en 4(–6) et non réjouissance en 19, correspondance se fondant sur la parenté entre ces thèmes complémentaires en 24b–26, comme nous le verrons plus loin en étudiant cette unité. Venons-en à 1–19. nous y découvrons dans une structure d’ensemble les indices répartis comme suit: 1–3 4–6 7 8 9–10

YHWH (ma gorge) comme (ma gorge) sans motif ne pas connaître foisonnants

MOI

comme (ma gorge) ne pas connaître Seigneur (ma gorge) foisonnant sans motif

MOI

EXULTERA…

11–12 13–14 15–16 17 18 19 43

.twb/s´mh. selon Avishur pp. 281 et 534.

NE SE RÉJOUISSENT

Etude structurelle du psaume 35

95

Tous les rapports que nous allons mentionner ont déjà été repérés ci-dessus à l’intérieur d’autres structures. Autour du centre 11–12 on trouve disposés symétriquement 8 et 15–16. Les unités 1–3 et 7, première et troisième, appellent dans le même ordre 17 et 19, les antépénultième et dernière. Semblablement 4–6 (la deuxième) et 9–10 (contiguë au centre) appellent 13–14 (contiguë au centre) et 18 (avant-dernière). On notera encore le pronom indépendant de la première personne dans la première unité de chaque volet (soit en 1–3 et 13–14), tandis que dans la dernière (soit 9–10 et 19) se lisent les verbes d’exultation dont nous avons étudié les correspondances (paires stéréotypées). * * * Nous pouvons maintenant considérer l’unité 20–21. 20a 20b 20c

Car (ce n’est) pas de paix qu’ils parlent*; [contre les tranquilles de la terre, [(c’est à) des paroles* de fourberies (qu’)ils pensent°.

21a 21bc

[contre moi [Ils ont dit*° : « Ah! Ah!

Ils ont élargi leur bouche; il a vu, notre œil! »

En 20 nous lisons en parallèle aux extrêmes : pas de paix + ils parlent et de fourberies + ils pensent. En 21 nous lisons dans la colonne de droite de notre tableau les deux expressions qui manifestement se répondent: ils ont élargi… leur bouche et il a vu, notre œil, la première dans le récit, la seconde dans le discours. Entre les éléments du parallèle signalé en 20 et devançant les deux termes centraux du parallèle montré en 21 nous lisons ici contre… + paroles et là contre… ils ont dit. On se souviendra ici de la paire stéréotypée dire/parler 44. Cette paire stéréotypée et celle de dire/penser 45 établissent un pont également entre ils ont dit de 21 et ils parlent et ils pensent de 20 46.

44 45 46

’mr/dbr selon Avishur p.242 (et dbr/’mrh, ibid.). dbr/h.sˇb selon Avishur p.80. Girard (p.600) note comme en passant que 20–21 sont une lamentation, mais il n’en étudie pas la structure interne. A la même page il fait de même pour 22–24a (supplication de salut pour soi), 19 et 24b–26 (supplications d’antisalut dirigée contre les ennemis), autant d’unités dont on ne trouve pas dans ses pages l’étude de la structure interne.

96

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

De 19 à 20–21 nous retrouvons la négation, le mot œil, tandis que sont répartis ici et là les termes de la paire stéréotypée paix/réjouissance déjà rencontrée ci-dessus (en 11–16), et cela dans le même ordre, soit: qu’ils ne + se réjouissent* + œil (19) et pas + paix + œil (20–21): Qu’ils ne se réjouissent pas et (ne) clignent (pas) de l’œil, ceux-là qui ne parlent pas de paix et croient leur œil avisé 47! A considérer 18–21 on peut lire au début de chacune des unités 18, 19 et 20–21 respectivement Je te rendrai grâce…, qu’ils ne se réjouissent pas…, ce n’est pas de paix… Nous venons de rappeler la paire stéréotypée que constituent paix et se réjouir. Rappelons aussi celle de se réjouir/rendre grâce (voir ci-dessus à propos de 18–19). On voit ainsi que l’interdiction de réjouissance de 19 s’oppose à l’action de grâce de 18 et sanctionne l’absence de paix de 20(–21). Qu’en est-il en 17–21? Nous venons de dire le rapport entre 18 et 19. En 17 et (20–)21 nous lisons un emploi du verbe voir. L’agencement est ici en chiasme. Il y a aux centres opposition entre l’action de grâce du fidèle et la réjouissance des ennemis (à proscrire), comme aux extrêmes entre la manière de voir du Seigneur porté à sauver son fidèle et celle des ennemis qui préparent sa perte. En 15–21 nous voyons un parallèle entourer le centre 18 de la façon suivante: 15–16 17 18 19 20–21





ils se sont réjouis*… ils n’ont pas… contre moi verras-tu je rendrai grâce* qu’ils ne se réjouissent* pas il a vu contre moi

Nous appuyant sur la paire stéréotypée se réjouir/rendre grâce, nous pouvons, au vu des contextes, avancer qu’il y a opposition entre l’action de grâce (18) du fidèle et le fait que ses ennemis se réjouissent (15 et 19). Les négations en 15d et 19a se correspondent d’une certaine manière: ceux qui n’ont pas fait silence, qu’ils ne se réjouissent pas! Dans la deuxième unité et la dernière on lit ensuite un emploi du verbe voir, selon une opposition que nous avons déjà relevée. Les unités ici extrêmes, 15–16 et 20–21 possèdent entre elles de riches rapports et incluent ainsi puissamment ce petit ensemble 15–21, mais nous préférons les étudier plus loin au sujet de l’ensemble 15–24a où ils sont mieux mis en relief. Le lecteur pourra se reporter à l’étude de cet ensemble ci-dessous. 47

Girard (p.601) voit un chiasme en 19–21 à partir de l’inversion des récurrences œil… parlent… paroles… œil, mais ses deux termes centraux appartiennent en fait à l’unité 20–21. Nous utilisons d’autres indices répartis dans chacune des deux unités.

Etude structurelle du psaume 35

97

Qu’en est-il en 13–21? Repérons dans un tableau les indices de structure: 13–14 15–16 17 18 19 20–21

[sac… jeûne…] ma gorge* ils se sont réjouis*… ils n’ont pas… verras-tu [je te rendrai grâce… je te louerai…] qu’ils ne se réjouissent* pas il a vu leur bouche*

Nous voyons ici un parallèle. Nous connaissons déjà les rapports fondant ce parallèle. En 13(–14) et (20–)21 nous lisons les termes de la paire stéréotypée bouche/gorge, selon une opposition qui en quelque sorte inclut l’ensemble: pour eux j’humiliais par le jeûne ma gorge, mais eux ils ont élargi contre moi leur bouche menaçante 48. Pour ce qui concerne 11–21 il nous semble possible, sans prétendre ici à l’évidence, de percevoir une certaine symétrie concentrique autour des interpellations au Seigneur en 17 en retenant les indices suivants de correspondance 11–12 13–14 15–16 17 18 19 20–21

payent [pour moi (ly)] ils se sont réjouis* contre moi (leurs dents) je te rendrai grâce* [pour moi (ly)] paix

contre moi (leur bouche)

En 11–12 nous voyons les ennemis bien mal payer le fidèle du bien qu’il leur fait, et en 20–21 nous les retrouvons comme ceux dont la parole n’est pas une parole de paix. Comme nous l’avons vu ci-dessus (en 13–19), en 13–14 le fidèle considère son ennemi comme un frère pour lui (pour moi), et en 19 il voudrait bien qu’ils cessent de se réjouir à ses dépens (pour moi). En 15–16 et 18 nous voyons répartis – nous l’avons vu – les termes de la paire, déjà rencontrée, se réjouir/rendre grâce: ils se sont réjouis du mal qu’ils me faisaient, je te rends grâce du salut que tu m’apportes. Au terme de chaque volet 11–16 et 18–21 nous lisons contre moi: ils grinçaient de leurs dents contre moi, ils ont élargi leur bouche contre moi, avec, on le voit, à chaque fois une partie de la tête présentée comme menaçante. 48

N’oublions pas que les ennemis ont été qualifiés en 17c de lionceaux. On pourrait dont entendre ici qu’il s’agit de la gueule menaçante du lion (comme en Ps 22,14.22). Pour la paire ph/npsˇ voir Avishur pp. 512 et 522.

98

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

Sur 9–21 nous repérons la répartition suivante des indices: 10 12 14 16

foisonnants payent/connu revenait se sont réjouis revenir foisonnant ne se réjouissent paix/a vu

21

YHWH (ma gorge)

DIRONT ▼

9 11 13 15 17 18 19 20



contre moi Seigneur (ma gorge) ▼



contre moi

ONT DIT

Dans la première colonne on voit (en suivant les caractères gras) que les indices se lisant aux extrêmes en 9–16 se retrouvent dans le même ordre aux centres de 17–20, tandis que (en suivant les italiques) ceux qui se lisent aux centres en 9–16 se retrouvent en ordre inverse aux extrêmes de 17–21. Chacun de ces deux volets comporte dans sa première unité soit YHWH, soit Seigneur, et dans sa dernière contre moi, les deux partenaires du fidèle étant ainsi présents aux extrêmes de chaque volet, soit ce YHWH Seigneur auquel il ne s’adresse pas en vain, et ces ennemis qui s’acharnent contre lui. Dans les unités extrêmes de l’ensemble nous lisons une forme du verbe DIRE. Il est à peine besoin de souligner l’opposition entre les deux discours de 10 et de 21. Tous les autres rapports ici rappelés ont déjà été présentés. La structure couvrant 8–21 est assez complexe 49. Commençons par en présenter les indices dans le tableau suivant: 8 9–10 11–12 13–14 15–16 17 18 19 20–21

: : : : : : : : :

destruction foisonnants

destruction foisonnant

je n’ai pas connu revenait je n’ai pas connu revenir

SE…RÉJOUIS VERRAS SE RÉJOUISSENT A VU

Nous avons déjà présenté tous les rapports rappelés ici par les termes récurrents les plus significatifs. Chaque tandem d’unités a sa typographie propre. En acceptant le fait du chevauchement entre 15–17 et 17–18, on pourrait décrire cette structure d’ensemble à l’aide du schéma suivant: 49

Nous en donnons ici une présentation nouvelle et, nous semble-t-il, mieux ajustée au texte par rapport à celle de Quatre psaumes (pp. 190–192).

Etude structurelle du psaume 35

A [8–10]

A [17–18]

99

(destruction/foisonnant) + B [11–14] (je n’ai pas connu/revenir) = B [15–17] (je n’ai pas connu/revenir) = C [15–17] (SE REJOUIR/VOIR) (destruction/foisonnant) + C [19–21] (SE REJOUIR/VOIR)

▼ ▼ ▼





7 [car] sans motif 8 ne connaît pas 9–10 foisonnants 11–12 payent 13–14 revenait



Des deux tandems compris en 15–17 l’un (B) reprend celui (B) de 11–14, lequel fait suite à celui de A en 8–10, l’autre (C) aura pour écho celui (C) de 19–21, lequel fait suite également à celui de A ici en 17–18. On pourrait voir enfin une discrète inclusion de l’ensemble à partir de la paire stéréotypée (déjà rencontrée) connaître/voir, ces deux verbes ayant pour sujet le(s) ennemi(s) en 8 et (20–)21: Que lui vienne une destruction qu’il ne connaît pas, celui-là qui croit pouvoir se vanter avec d’autres en disant: Il a vu, notre œil! En 7–21 nous pouvons repérer la disposition suivante des indices structurels de l’ensemble 50: n’ai pas connu revenir foisonnant sans motif paix [car]

15–16 17 18 19 20–21

Ici aussi nous connaissons déjà chacun des rapports ainsi repérés. On voit comment leurs positions réciproques autour de 9–10 et 18 sont parfaitement symétriques dans leur inversion de 7–14 à 15–21. Notons que tant 7 que 20–21 aux extrêmes commencent par car. Rappelons que 7–14 et 15–21 possèdent chacun leur structure propre, laquelle nous avons étudiée ci-dessus en son temps. La première a pour centre précisément 9–10, et la seconde 18, le rapport entre ces deux unités étant ici comme orchestré par ceux entre les unités qui les entourent. L’ensemble 4–21 est agencés autour de 13–14 comme le montrera le tableau suivant:

50

On trouvera ici une proposition nouvelle et meilleure par rapport à celle de Quatre psaumes (pp. 192–193).

100

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

4–6 pensant 7 sans motif 8 destruction 9–10 foisonnants (YHWH) 11–12 je n’ai pas connu 13–14 15–16 je n’ai pas connu 17 destruction (Seigneur) 18 foisonnant 19 sans motif 20–21 pensent Le seul rapport nouveau ici est celui entre 4–6 et 20–21. On y lit ici et là le verbe penser pour dénoncer ici et là les pensées des ennemis, soit le malheur du fidèle et les paroles de fourberies à lui adresser. Nous pouvons donc maintenant en venir à l’ensemble 1–21. Dis (ma gorge*)

moi pensant*

sans motif destruction foisonnants ▼

13–14 15–16 ▼ 17 destruction 18 foisonnant ▼ 19 sans motif 20–21 Ils ont dit (leur bouche*)



je n’ai pas connu* ----moi je n’ai pas connu* ▼



1–3 4–6 7 8 9–10 11–12

pensent*

Sauf celui que nous montrerons en dernier, tous les rapports ici rappelés ont déjà été présentés ci-dessus. Considérons d’abord les termes relevés en caractères gras. On se souvient de la paire stéréotypée connaître/penser (voir ci-dessus notre n.13). On voit ci-dessus comment après moi en 1–3 se lit pensant en 4–6, puis, quatre unités plus loin, je n’ai pas connu en 11–12, ce que nous retrouvons dans le second volet avec moi en 13–14, puis je n’ai pas connu en 15–16, et, quatre unités plus loin, pensent en 20–21. Ici le verbe connaître a pour sujet le fidèle et le verbe penser les ennemis, ce qui souligne l’inversion de leurs emplois de 4–6 et 11–12 à 15–16 et 20–21. Entre ces unités se lisent celles où nous avons relevé des indices en italiques. Nous retrouvons ici le parallèle entre 8–10 et 17–18

Etude structurelle du psaume 35

101

(destruction + foisonnant), les premiers précédés et les seconds suivis par sans motif, ce qui ici aussi donne une inversion. Notons enfin, avec un certain effet d’inclusion, le verbe dire en 1–3 comme en 20–21, introduisant à deux discours de contenus opposés, et la répartition ici et là des termes de la paire stéréotypée bouche/gorge 51, avec encore une certaine opposition: à ma gorge est adressée une promesse de salut en 3, mais leur bouche profère contre moi des menaces selon 21. Cet effet d’inclusion est comme renforcé par la correspondance entre 4–6 et 19 que nous avons présentée ci-dessus (aux extrêmes de 4–19). * * * Nous pouvons maintenant progresser dans notre lecture et considérer une nouvelle unité, soit 22–24a 52. Présentons-les comme ceci: 22a Tu as vu, YHWH. 22b Seigneur, 23a

23b

Ne fais pas le sourd-muet! ne sois -pas-loin de moi! Eveille-toi*, réveille-toi* pour mon jugement+°,

mon Dieu et Seigneur, pour ma dispute+ (en justice). +

24a

Juge °-moi comme (l’exige) ta justice°, YHWH mon Dieu.

Après le constat « Tu as vu » les demandes qui suivent sont présentées selon une symétrie concentrique. Notons d’abord au centre et aux extrêmes les interpellations, à YHWH en 22a et 24a, suivi ici de Seigneur, là de mon Dieu, soit ces deux interpellations que nous retrouvons en ordre inverse en 23b, au centre. Autour du centre nous lisons les termes de la paire stéréotypée dispute/jugement 53, puis, en nous éloignant du centre, les invitations à se réveiller et éveiller 54, cela précisément pour mon jugement et pour ma dispute, termes repris d’abord purement et simplement dans l’impératif

51 52 53 54

ph/npsˇ selon Avishur pp. 512 et 522. Girard (p.601) n’a vu que les récurrences de jugement/juger et mon Dieu en 23–24a qu’il dit ainsi doublement inclus. ryb/sˇ pt. selon Avishur p.766, à l’index. Soit les termes de la paire stéréotypée cwr/qws. selon Avishur p.681.

102

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

Juge-moi, récurrence et composant de la paire stéréotypée susdite, puis par la précision comme l’exige ta justice, car jugement/justice constituent une paire stéréotypée 55. Les deux invitations initiales à ne pas faire le sourd et à ne pas se tenir à distance préparent évidemment les invitations positives dont nous venons de dire comme elles se rapportent les unes aux autres. Peut-être pourrait-on préciser: ne rien entendre pour ne pas être éveillé, rester à distance du fidèle (loin de moi) pour ne pas avoir à procéder au jugement (juge-moi, avec le même complément de la 1ère pers.)? La structure interne de cette unité ayant ainsi été perçue, lisons ladite unité en rapport avec le contexte antérieur, et d’abord avec l’unité précédente, 20–21. Partant de la paire stéréotypée jugement/paix 56, nous pouvons voir d’ici à là s’inverser paix (21a) + il a vu (21c) et Tu as vu (22a) + jugement (23a). Eux ne cherchent pas la paix et triomphent en se vantant d’avoir vu la perte du fidèle, mais toi, YHWH, tu as vu ça, et c’est un juste jugement que tu vas opérer. Qu’en est-il en 19–24a? On lit œil en 19, voir + œil en (20–)21, et voir en 22(–24a), et de plus la même négation (’l) pour conjurer la joie des ennemis en 19 (avant œil) ou l’oubli de YHWH en 22 (après tu as vu). L’œil malveillant des ennemis croit avoir vu la perte du fidèle, mais YHWH a vu et va juger. Deux choses font souffrir le fidèle: la joie perverse des ennemis, l’indifférence de YHWH, mais ni l’une, ni l’autre ne dureront. Nous ne voyons pas de structure particulière en 18–24a. Nous avions par contre perçu ci-dessus celle de 18–21, soit une symétrie concentrique autour de 19. Or il se trouve qu’aux extrêmes, soit en 17 et 22–24a, nous lisons et une interpellation au Seigneur, et un emploi du verbe voir dont il est ici et là le sujet: il est ici et là demandé au Seigneur de voir ce qu’il en est des méfaits des ennemis et de réagir en conséquence. Ainsi 17–24a sont-ils ordonnés selon une symétrie concentrique autour de 19 57. En 15–24a on découvrira sans peine la structure présentée dans le tableau que voici: 15–16 17 18 19 20–21 22–24a

55 56 57

ils se sont réjouis*# je n’ai pas connu+°…contre moi Seigneur… verras-tu je te rendrai grâce* qu’ils ne se réjouissent*# pas pas de paix#… pensent+…contre moi… vu° Tu as vu… Seigneur (bis)

sˇpt./s.dq selon Avishur p.768, à l’index. (m)sˇpt./sˇ lwm selon Avishur p.288. Nous n’avions pas perçu cette structure en Quatre psaumes.

103

Etude structurelle du psaume 35

Nous connaissons déjà le rapport entre 18 et 19, ici les centres de 15–24a. Autour de ces centres se répondent en parallèle 15–16 + 17 et 20–21 + 22–24a. Nous venons de voir les rapports entre 17 et 22–24a. Ils sont encore plus étroits entre 15–16 et 20–21. On y lit ici et là contre moi et des négations, et y sont répartis les termes des paires stéréotypées paix/ réjouissance, connaître/penser, déjà rencontrées, ainsi que connaître/ voir 58, ces rapports se présentant d’ici à là comme ceci: 15

16

ils se sont réjouis# contre moi je n’ai pas connu+° contre moi

ce n’est pas de paix# contre les tranquilles… ils pensent+ contre moi il a vu°

20

21

Leur joie est mauvaise, car ce n’est pas de paix qu’ils parlent. Ils sont hostiles tant au fidèle qu’à ceux dont il fait partie (les tranquilles de la terre). Le fidèle n’a pas eu connaissance de leurs machinations tandis qu’ils ne pensent qu’à des paroles de fourberies à son adresse et se vantent, eux, d’avoir déjà vu sa perte. On notera aussi que par rapport aux centres 18 et 19, il existe un rapport entre 15(–16) et 18 (paire stéréotypée se réjouir/ rendre grâce) comme entre 19 et 20–21 (paire stéréotypée paix/réjouissance). Ainsi finalement, autour de 18 et 19 se répondent bien en parallèle 15–16 + 17 et 20–21 + 22–24a, 15 –16 appelant le premier centre 18, et le second centre 19 appelant 20–21 59. En 13–24a nous pouvons peut-être repérer un ensemble structuré autour de 18, les trois unités de 13–17 et 19–24a se correspondant en parallèle. Nous connaissons déjà les rapports entre 13–14 et 19, 15–16 et 20–21, 17 et 22–24a, lesquels fondent ce parallèle 60. Pour montrer la

58 59

60

ydc/r’h selon Avishur pp.259.261.293.294. Girard (p.608) propose de lire en parallèle 15–16 + 17 et 18–21 + 22–23. Si le premier volet respecte les unités, il n’en va pas de même pour le second: 18–21 en comportent trois, mais 22–23 appartiennent à la seule unité 22–24a. Nous étudierons ci-dessous (en 17–24a) le rapport, pertinent, entre 17 et 22–24a. Mais si 15–16 est bien en rapport avec chacune des unités 18, 19 et 20–21, c’est plutôt le premier et le troisième qu’il convient de retenir ici. Nous avons présenté le deuxième ci-dessus en 15–19. On pourrait dire ici, il est vrai, qu’il joue dans les premières unités de chacun des deux volets (15–16 et 19). Il reste que, comme nous l’avons vu, la structure de l’ensemble est un peu plus complexe que ne l’a vue Girard. De manière moins manifeste on pourrait peut-être proposer de voir une autre structure. Nous avons vu en 15–21 comment autour de 18 se répondaient en parallèle 15–16 + 17 et 19 + 20–21. Peut-on considérer que 13–14 et 22–24a

104

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi



connu*

bien°

ils se sont réjouis+



11–12 13–14 15–16 17



structure de 11–24a, selon un agencement assez original, proposons le tableau suivant:



18 19 20–21 22–24a

je te rendrai grâce+ pensent*… paix°

Nous connaissons déjà les rapports entre 13–14 et 19, 15–16 et 20–21, 17 et 22–24a, et voyons donc le parallèle entre 13–17 et 19–24a. Quant à 11–12 et 18 il se trouvent en rapport avec l’unité du milieu de 19–24a pour 11–12, et du milieu de 13–17 pour 18. Nous connaissons en effet les rapports entre 11–12 et 20–21 comme celui entre 15–16 et 18, les indices en étant ici rappelés sommairement 61. La symétrie concentrique que respectent entre elles les unités contenues en 9–24a autour de 17 repose sur des rapports qui, à l’exception du plus externe, nous sont tous connus et que nous rappelons simplement dans le schéma ci-dessous: 9–10 11–12 13–14 15–16 17 18 19 20–21 22–24a

son salut*… YHWH payent… pour moi (ly) ils se sont réjouis° Seigneur… je te rendrai grâce° pour moi (ly) paix YHWH… ta justice*

En (9–)10 et 22–24a YHWH est interpellé par son nom, étant fait référence en 9 à son salut, en 24a à sa justice, soit les termes de la paire stéréotypée

61

encadrent cet ensemble? On y rencontre ici et là les deux prépositions pour (l) et comme/selon (k): malade, mon ennemi est comme (k) un frère pour (l) moi, et toi, Seigneur, quand j’en ai besoin, j’attends de toi que tu t’éveilles pour (l) mon jugement (ou ma dispute), un jugement exercé comme (k) ta justice l’entend. Moi, je considère mon ennemi comme un frère, toi, en ta justice, exerce pour moi ce jugement sauveur que j’attends. Nous pensons que cette structure est plus proche des données du texte que celle que nous proposions dans Quatre psaumes (pp. 199–200), même si nous donnons pas cette dernière pour périmée.

Etude structurelle du psaume 35

105

salut/justice 62. Alors que 9–10 évoque l’exultation consécutive au salut, 22–24a nous ramène à la supplication qui l’a précédé. En 8–24a, en nous appuyant sur les rapports déjà connus, nous pouvons comparer les deux volets de cinq unités de 8–16 et 17–24a. Aux extrêmes de chacun de ces deux volets de cinq unités, on lit un emploi du verbe connaître en 8 et 15–16, et un emploi du verbe voir en 17 et 22–24a, deux verbes dont nous savons qu’ils constituent la paire stéréotypée connaître/ voir. En 8 et 17 on lit en outre destruction. Si nous laissons la première unité (8) de 8–16 et la dernière (22–24a) de 17–24a, nous nous trouvons avec 9–16 et 17–21 que nous avons déjà comparés ci-dessus. On pourrait donc dire que 8 annonce en quelque sorte la dernière unité de 9–16, alors qu’à l’inverse 22–24a rappelle la première unité de 17–21. De 8 à 22–24a, tenant compte de la paire stéréotypée susdite, on pourrait opposer l’ignorance du méchant par rapport à la destruction qui le menace et la claire vision que YHWH a de ses machinations. Pour saisir l’ensemble 7–24a le lecteur voudra bien se reporter à 8–21 tels que nous les avons présentés ci-dessus. Ici nous nous contenterons de montrer comment 7 et 22–24a s’y articulent. Mais auparavant relevons en 7 comme en 22–24a les deux emplois de pour avec un complément comportant la 1ère pers. désignant le fidèle (pour moi, pour ma gorge et pour mon jugement, pour ma dispute), les situations étant opposées d’ici à là puisque l’action menée en 7 est le fait des ennemis et en 22–24a celui de YHWH. Nous pouvons donc déjà avancer que 7 et 22–24a incluent l’ensemble 8–21 tel que nous l’avons présenté ci-dessus. Mais on peut encore repérer ou rappeler certains rapports entre 7 et les deux dernières unités de 8–21, puis de 22–24a avec les deux premières. On lit sans motif en 7 comme en 19, avec la signification que nous avons déjà dite, et car au début de 7 comme de 20–21, deux dénonciations des méfaits des ennemis. Nous venons de montrer ci-dessus le rapport entre 8 et 22–24a. En 9–10 et 22–24a – nous l’avons vu – nous lisons des interpellations à YHWH en vue du salut ou de la justice. Ainsi 7 et 22–24a non seulement incluent un ensemble 7–24a, mais de même que 7 prépare les deux dernières unités de 8–21, de même et inversement 22–24a rappellent les deux premières unités de 8–21. Qu’en est-il pour 4–24a? Nous avons plus haut découvert la structure de 7–21. Il nous suffira ici de montrer qu’autour de cet ensemble, et l’incluant, se correspondent 4–6 et 22–24a. Ici et là il est fait appel à YHWH (ou à l’ange de YHWH) par deux fois, soit contre les ennemis, soit en faveur du fidèle. La récurrence de k de 5 à 24a ne joue pas comme un

62

ysˇ c/s.dq selon Avishur p.760, à l’index. On pourrait aussi faire valoir en 10cd et 24a la répartition des termes de la paire stéréotypée s.dq/cnwh (selon Avishur pp.57.141.176): la justice est particulièrement à même de délivrer l’humilié.

106

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

indice au vu des contextes par trop disparates ici et là. On notera aussi les rapports, symétriquement disposés entre 4–6 et 20–21 (avant-dernière unité de notre ensemble) comme de 7 (deuxième unité de notre ensemble) à 22–24a, rapports que nous avons déjà présentés ci-dessus (à partir de penser pour le premier, du double pour + la 1ère pers. pour le second). Dès lors on peut lire aux extrêmes en parallèle 4–6 + 7 et 20–21 + 22–24a. Nous pouvons en venir maintenant à 1–24a. Cet ensemble respecte une symétrie concentrique qui vient augmenter de deux unités celle que nous avons découverte en 4–21. En effet 1–3 et 22–24a se correspondent nettement. On y lit ici (une fois) et là (deux fois) des interpellations à YHWH, lequel ici et là est appelé à assumer la dispute (en justice) de son fidèle (1a et 23b). Nous voyons aussi répartis dans ces deux unités les termes de la paire stéréotypée déjà rencontrée salut/justice. Il suffira donc au lecteur de se reporter à notre tableau pour 4–21 et d’y ajouter aux extrêmes 1–3 et 22–24a. * * * L’unité suivante se lit en 24b–26. 24b 25a 25b 25c 26a 26b 26c 26d

Et (qu’)ils ne se réjouissent pas de moi! (Qu’)ils ne disent pas dans leur cœur*: « Ah! notre gorge* (a avalé)! » (Qu’)ils ne disent pas: « Nous l’avons englouti. » (Qu’)ils aient honte et rougissent ensemble, (les gens) se réjouissant de mon mal(heur)! (Qu’)ils soient revêtus de honte et de déshonneur, les (gens) s’étant faits-grands contre moi!

Les parallélismes sont limpides en 25 et 26. A 24b 25a et 25c empruntent la négation et 26b le verbe se réjouir. En 25ab on notera les termes de la paire stéréotypée cœur/gorge 63. Le seul lien formel entre 22–24a et 24b–26 est la présence des négations en 22a.b comme en 25c, cela pour conjurer les malheurs qui pourraient venir de YHWH ou des ennemis. Mais ce n’est qu’avec 20 –26 que nous découvrons un petit ensemble structuré. En 20–21 et 24b–26 on comparera 21b et 25: Ils ont dit: Ah! Ah!… Qu’ils ne disent pas…: Ah!… On voit à l’action en 21 bouche (dans le récit) et œil (dans le discours) des ennemis, et en 25 leur cœur (dans le récit) et leur gorge (dans le discours), correspondances pouvant se référer aux paires stéréotypées bouche/gorge 64, bouche/ 63 64

lb/npsˇ selon Avishur p.761, à l’index. ph/npsˇ selon Avishur pp. 512 et 522.

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Etude structurelle du psaume 35

cœur 65, cœur/yeux 66. Ainsi 20–21 et 24b–26 encadrent 22–24a, formant ainsi une petite symétrie concentrique pour 20–26. En 19–26 nous découvrons la disposition suivante des indices: 19 20–21 22–24a 24b –26

qu’ils ne se réjouissent pas de moi il a vu (paix*) tu as vu (jugement*) qu’ils ne se réjouissent pas de moi

[œil] ils ont dit [tu as vu] qu’ils ne disent pas

Dans la colonne de gauche apparaît clairement la disposition en chiasme. Nous avons déjà présenté le rapport entre 20–21 et 22–24a. L’identité de 19a et 24b (amorce de l’unité ici et là) suffit largement à fonder le rapport entre 19 et 24b–26. Dans la colonne de droite apparaît un parallèle. Comme nous l’avons déjà vu, l’indice de 20–21 à 24b–26 est ils ont dit… qu’ils ne disent pas… avec les discours apparentés ainsi introduits. Pour saisir le rapport entre 19 et 22–24a nous avions ci-dessus recouru à 21c: « il a vu, notre œil », l’œil étant, comme chacun sait, l’organe de la vue, d’où notre proposition d’un rapport ici entre 19 et 22–24a: l’œil des ennemis a beau cligner, il en est un autre, celui de YHWH, qui lui a vu ce qu’il en est. Ainsi nos quatre unités, présentant chiasme et parallèle superposés, respectent ce que nous appelons une symétrie croisée. Il ne sera pas bien difficile de saisir la structure concentrique de 18-26. Elle apparaîtra dans le tableau suivant: 18 19 20–21 22–24a 24b–26

je te rendrai grâce+… nombreuse* œil il a vu, notre oeil tu as vu qu’ils ne se réjouissent+ pas… s’étant faits-grands*

Nous avons déjà étudié la symétrie concentrique en 19–24a. En 18 et 24b–26 nous voyons jouer la répartition des termes de deux paires stéréotypées: se réjouir/rendre grâce, déjà rencontrée, et grand/nombreux 67: je te rendrai grâce, mais eux, qu’ils ne se réjouissent pas. Me voilà dans l’assemblée nombreuse de ton peuple, eux ne sont que des gens qui se sont faits grands contre moi. La structure de 17–26 est légèrement plus complexe. Le tableau suivant la montrera: 65 66 67

ph/lb selon Avishur p.765, à l’index. lb/ cynyym selon Avishur pp. 279.607.623–625. gdl/rbh selon Avishur p.756, à l’index.

108

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

17 18 19 20–21 22–24a 24b–26

Seigneur… verras-tu ma gorge… mon ensemble je te rendrai grâce*… œil œil tu as vu… Seigneur qu’ils ne se réjouissent*… notre gorge… ensemble

Nous avons déjà étudié le rapport entre 19 et 20–21, ici aux centres. Aux extrêmes 17 + 18 et 22–24a + 24b–26 se correspondent en parallèle. Nous connaissons déjà les rapports entre 17 et 22–24a comme entre 18 et 24b–26. Ajoutons aux extrêmes de cet ensemble et l’incluant d’une certaine manière la récurrence de gorge de 17 à 25 et celle de ensemble en 17 et 26: que ma gorge soit sauvée et qu’ils cessent eux de se rengorger! Que mon ensemble organique soit sauvé de la destruction et que eux au contraire ensemble aient honte et rougissent. L’ensemble de 15–26 est structuré à l’aide des indices suivants (pour les rapports déjà étudiés nous ne les indiquons pas tous): 15–16 17 18 19 20–21 22–24a 24b–26

contre moi… Seigneur… verras-tu Je te rendrai grâce*

ils se sont réjouis

Qu’ils ne se réjouissent contre moi… Tu as vu… Seigneur Qu’ils ne se réjouissent* = Qu’ils ne se réjouissent

Nous connaissons déjà les rapports jouant dans le parallèle entre 15–18 et 20–26 autour du centre 19. Constatons ici la récurrence de se réjouir de 15 à 19 et 24b (toujours en début d’unité): ils se sont réjouis de mon trébuchement, qu’ils ne s’en réjouissent plus. En 13–26 nous découvrons la structure en chiasme que nous montre la répartiti on suivante des indices: 13–14 15–16 17 18 19 20–21 22–24a 24b–26

vêtement… ma gorge je n’ai pas connu*… contre moi Seigneur…verras-tu Je te rendrai grâce°… Qu’ils ne se réjouissent°… ils pensent*… contre moi Tu as vu… Seigneur notre gorge… revêtus

109

Etude structurelle du psaume 35

Nous considérons ici en leur parallèle 15–16 + 17 et 20–21 + 22–24a. On lit entre ces deux tandems, aux centres du chiasme, 18 et 19 dont nous connaissons aussi le rapport. Aux extrêmes nous découvrons le rapport entre 13–14 et 24b–26. Sont récurrents d’ici à là gorge et vêtement/revêtus: alors que pour eux je prenais le vêtement de pénitence et humiliais ma gorge, eux continuent à me poursuivre. Ne les laisse plus se rengorger et qu’ils soient revêtus de honte et de déshonneur. Pour 11–26 la structure est concentrique selon le dispositif suivant: 11–12 13–14 15–16 17

je n’ai pas connu* mal vêtement… ma gorge ils se sont réjouis verras-tu 18 Qu’ils ne se réjouissent il a vu Tu as vu* notre gorge… revêtus mal(heur)

19 20–21 22–24a 24b–26

On voit comment les tandems d’unités (entre eux parallèles) de 11–14 et 22–26, puis 15–17 et 19–21 entourent concentriquement 18. Nous connaissons tous les rapports ici mis en jeu. On se souviendra que 18 est structuré selon un chiasme simple (abb’a’). Tout se passe donc comme si le large de chiasme de 11–17 + 19–26 englobait le chiasme de 18. Notons enfin la récurrence de mal(heur) de la première à la dernière unité 68, avec un certain effet d’inclusion de cet ensemble: ceux qui me payent le mal en échange du bien, qu’ils cessent de se réjouir de mon malheur. Le tableau suivant nous permettra de découvrir la structure de 9–26 69: 9–10 11–12 13–14 15–16 17 18 19 20–21 22–24a 24b–26

68

69

foisonnants

diront je n’ai pas connu* vêtement

YHWH mal

diront/gorge/exulter°…

ils se sont réjouis



ensemble foisonnant Qu’ils ne se réjouissent ▼

ensemble

ont dit Tu as vu* revêtus

YHWH malheur

disent/gorge/se réjouir°

Dans Quatre psaumes nous avions aussi relevé que chacune des unités extrêmes 11–12 et 24b–26 se trouve en rapport tant avec 15–16 qu’avec 20–21, cela selon des rapports qui ont tous été étudiés ci-dessus. Ici nous ajustons beaucoup plus avant notre proposition de Quatre psaumes pp. 214–215.

110

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

ma gorge



9



Nous avons en 9–17 et 18–26 deux ensembles de cinq unités. Leurs unités extrêmes se correspondent, soit les premières (9–10 et 18) et les dernières (18 et 24b–26), les rapports entre elles nous étant connus. Comparons ensuite aux extrêmes trois unités (en 9–14 et 20–26), puis deux (en 9–12 et 22–26), puis une (en 9–10 et 24b–26). On constate pour les groupes de trois et de deux un parallèle. Pour ce qui est des groupes de trois nous connaissons en effet les rapports entre 9–10 et 20–21. Le rapport entre 11–12 et 22–24a repose sur la répartition ici et là des termes de la paire stéréotypée connaître/voir: ce que je n’ai pas connu ne me facilite pas la vie auprès des témoins de violence, mais ce que toi, tu as vu doit te permettre d’exercer un juste jugement. Nous connaissons déjà les rapports entre 13–14 et 24b–26, de même que ceux entre 9–10 et 22–24a et entre 11–12 et 24b–26. Les deux unités extrêmes se répondent à partir des indices ainsi disposés:



renforcé*

▼ ▼ ▼



exultera+/… d’allégresse° 10 diront

ne se réjouissent+° ne disent pas notre gorge ne disent pas se réjouissant+° faits-grands*

24b 25

26

Outre les récurrences (gorge, dire) on retrouve ici les paires stéréotypées déjà rencontrées de se réjouir/exulter et déborder d’allégresse/se réjouir, et on découvre celle de grand/renforcé 70: ma gorge exultera et débordera d’allégresse, et mes os diront bien haut que YHWH délivre l’humilié de celui qui est plus renforcé que lui, aussi que mes ennemis ne se réjouissent pas trop vite à mon sujet et ne disent pas: Ah! notre gorge! et d’autres paroles de triomphe, car la honte et le déshonneur attendent ceux qui se réjouissent de mon malheur et se sont faits grands contre moi. En 9–26 il nous reste à relever, symétriquement disposés (après les trois premières unités et avant les trois dernières), les deux emplois, déjà relevés, de se réjouir en 15–16 et 19: ils se sont réjouis… mais ils feraient bien de ne plus le faire. Ainsi, d’une manière assez complexe, et pourtant parfaitement repérable, 9–26 constituent bel et bien un ensemble structuré. Venons-en à 8–26. Nous avons découvert ci-dessus la symétrie concentrique structurant 9–24a autour du centre 17. Qu’en est-il de 8 et 24b–26 aux extrêmes de cet ensemble? Constatons d’abord que le texte n’indique aucun rapport entre ces deux unités. Il en existe par contre entre 8 et 15–16 qui précédent immédiatement le centre 17, comme entre 18, qui

70

gdl/h.zq selon Avishur p.203.

Etude structurelle du psaume 35

111

suit immédiatement le centre 17, et 24b–26, rapports ici et là d’opposition. Rappelons en effet que nous lisons en 8a il ne connaît pas et en 15(–16) je n’ai pas connu, deux ignorances qui coûtent cher à leurs auteurs, mais en 8 c’est de l’ennemi qu’il s’agit, en 15 du fidèle. En 18 le fidèle s’engage: je te rendrai grâce, mais en 24b il fait le nécessaire pour que les ennemis ne se réjouissent pas. On se souvient de la paire stéréotypée se réjouir/rendre grâce. On se souvient aussi que la destruction menace l’ennemi en 8, tandis que le fidèle en sera délivré selon le centre 17. En 17 c’est la gorge du fidèle qui est libérée, tandis qu’en 25 on voit les ennemis se rengorger bien à tort. Reportons ces remarques sur un tableau complétant par 8 et 24b–26 la symétrie concentrique de 9–24a: 8 (destruction…

il ne connaît pas)

9–10 11–12 13–14



15–16

(je n’ai pas connu) 17 (ma gorge… destruction) 18 (je te rendrai grâce*) 19 20–21 22–24a



24b–26 (ne se réjouissent*… notre gorge) Pour ce qui est de la structure littéraire de 7–26 on pourrait se contenter de voir l’ensemble structuré de 8–24a tel que nous l’avons découvert plus haut encadré par 7 et 24b–26. On lit en effet gorge dans ces deux unités: en 7b ma gorge (1ère pers. = celle du fidèle) est menacée par les ennemis, en 25ab les ennemis vantent notre gorge (1ère pers. = celle des ennemis), croyant tenir déjà leur triomphe sur le fidèle. Mais peut-être 7–26 présentent-ils une structure propre. Commençons par y situer comme suit les indices:

112

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

7 8 9–10

sans motif MA GORGE destruction foisonnants

car connaît+ renforcé* /

ma gorge

11–12 13–14 15–16

mal /

ai connu+ /

mal

ai connu / se… réjouis…

se… réjouis

17 18 19

destruction foisonnant sans motif

verras+ /

20–21 22–24a 24b–26

il a vu… / paix

payent MA GORGE

VERRAS

ma gorge

se réjouissent

TU AS VU

malheur / se réjouissent

car tu as vu+ grand* / notre gorge/malheur

A une exception près tous les rapports que nous utilisons ici ont été présentés précédemment. Ils ne sont rappelés que sommairement que par l’un ou l’autre indice (récurrences ou termes de paires stéréotypées). Nous considérons ici les groupes de trois unités. Dans la colonne de gauche ils sont ordonnés en parallèle. On voit en effet (en suivant les indices portés sur notre tableau) s’inverser de 7–10 à 20–26 : 7 + 8–10 et 17–18 + 19, puis de 11–16 à 20–26 : 11 + 15–16 et 20–21 + 24b–26. De plus ces quatre unités se correspondent en parallèle (comme l’indiquent les récurrences portées en italiques). De même que de 7 à 13–14 on retrouve MA GORGE dans l’épreuve, de 17 à 22–24a on retrouve l’affirmation que YHWH VOIT ce qui se passe. Dans la colonne de droite on voit nos quatre groupes de trois se correspondre en chiasme. Les trois unités de 7–10 et celles de 20–24 se correspondent en parallèle, et de même les unités extrêmes de 11–16 et 17–19. Mais nous ne voyons pas de rapport entre 13–14 et 18, ce qui rend un peu moins convaincant ce chiasme. Le rapport de 11–12 et 17 est le seul que nous n’avons pas pris en considération dans les pages précédentes. On lit ici et là les termes de la paire stéréotypée connaître/voir ainsi que ma gorge: ce que je n’ai pas connu met ma gorge dans une dure épreuve, mais toi, tu ne verras pas cela sans faire revenir ma gorge de la destruction qui la menace. Dans les dernières unités de 7–10 et 20–26 nous lisons respectivement ma gorge et malheur, indices des correspondances déjà étudiées, mais, en ordre inverse, dans les premières de 11–16 et 17–19 mal et ma gorge. Nous en arrivons ainsi à 4–26. Le lecteur voudra bien se souvenir ici de 7–24a en tant qu’ensemble structuré tel que nous l’avons présenté cidessus. On peut montrer que 4–6 (avant 7) et 24b–26 (après 24a) se répondent et incluent ainsi l’ensemble 4–26. Comparons ces deux unités:

Etude structurelle du psaume 35

4

Qu’ils aient honte et soient déshonorés ma gorge qu’ils rougissent mon malheur



= = = ▼

leur cœur* notre gorge* Qu’ils aient honte et rougissent mon malheur honte et déshonneur

113

25 26

Ainsi honte et déshonneur se lisent au début de 4-6 et au terme de 24b–26, et après ce tandem en 4–6 et avant en 24b–26: ma/notre gorge + rougissent + mon malheur, en 24b–26 notre gorge en 25 étant comme doublée par leur cœur 71 qui précède, et de même rougissent en 26 par Qu’ils aient honte. Ainsi 4–6 et 24b–26 encadrant 7–24a (ensemble structuré) font de l’ensemble 4–26 un ensemble structuré. Si par ailleurs on se souvient que 11–18 constituent un ensemble structuré on pourra ici le voir encadré par les correspondances en ordre inversé des quatre unités qui les précèdent avec les quatre qui les suivent. Nous venons de dire celle de 4–6 et 24b–26, et il nous suffira de rappeler celles de 7 et 22–24a, puis de 8 et 20–21, déjà prises en considérations dans les pages qui précèdent. Quant à 9–10 et 19 on découvre en leur amorce les termes de ces paires stéréotypées déjà relevées de se réjouir/exulter et déborder d’allégresse/se réjouir: ma gorge exultera en YHWH et débordera d’allégresse en son salut, mais mes ennemis ne tarderont pas à regretter de se réjouir de mon trébuchement. On dira donc soit que 4–6 et 24b–26 encadrent l’ensemble 7–24a, soit que 4–10 et 19–26 encadrent 11–18. Qu’en est-il de l’ensemble 1-26? Connaissant déjà l’ensemble structuré de 7–21, il ne nous sera pas difficile d’en découvrir l’encadrement par 1–6 et 22–26, et ainsi un nouvel ensemble 1–26. Nous connaissons déjà les rapports entre 1–3 et 22–24a et ceux entre 4–6 et 24b–26. Ainsi donc ces quatre unités sont disposées entre elles selon un parallèle 1–3 + 4–6 // 22–24a + 24b–26. * * * Nous pouvons donc en venir maintenant à l’avant-dernière unité de notre psaume, soit le verset 27. On y lit:

71

On sait que lb/npsˇ constituent une paire stéréotypée selon Avishur p.761, à l’index.

114

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

27a (Qu’)ils crient et se réjouissent, 27b (les gens) se plaisant (à) ma justice! 27c Et (qu’)ils disent continuellement: 27d « Il est-grand, YHWH, 27e lui, se plaisant (à) la paix de son serviteur. » En 27a et 27c nous retrouvons l’enchaînement de 24b–25a entre se réjouir et dire. Crier et se réjouir forment une paire stéréotypée 72. La récurrence de se plaire à montre que ceux qui se plaisent à ma justice ne font que rejoindre ce YHWH dont est célébrée la grandeur en 27d, lequel se plaît à la paix de son serviteur. En 27a et 27e, avec un léger effet d’inclusion, notons la répartition des termes de la paire stéréotypée paix/joie 73: S’ils se réjouissent, c’est en la paix accordée par YHWH à son serviteur. De 24b–26 à 27 on retrouve dans le même ordre : ils se réjouissent + ils disent + grand. Mais il y a opposition entre ceux qui ne devraient ni se réjouir, ni dire (24b et 25a) et ceux qui au contraire sont invités à se réjouir et à dire (27a et c), et encore entre ceux qui se sont faits grands (26d) et celui qui réellement est grand (27d) 74. En 22–27 nous nous découvrons une simple symétrie concentrique autour de 24b–26. On lit en effet en 22–24a et 27 YHWH et justice. Il est d’abord prié d’exercer sa justice, puis est reconnue cette justice du fidèle qu’il tient de YHWH. L’ensemble 20–27 se compose de quatre unités qui respectent entre elles un parallèle comme le montreront les indices suivants: 20–21 22–24a 24b–26 27

contre moi / ils ont dit / Ah! YHWH/ta justice Ah!/ils ne disent pas/contre moi ma justice/YHWH

[paix… ils ont dit]

[ils disent… la paix]

On voit que l’ordre des récurrences s’inverse de 20–21 à 24b–26 comme de 22–24a à 27. 20–21 racontent le dénigrement par les ennemis, 24b–26 cherchent à le conjurer. En 22–24a nous lisons un appel à la justice divine que nous voyons accomplie en 27, à même de provoquer la liesse de ceux qui en sont témoins. Aux extrêmes, en 20–21 et 27, nous lisons les récurrences mises entre crochets sur notre tableau: selon 20–21 ce n’est pas de

72 73 74

rnn/s´mh. selon Avishur pp. 100.204.234.287.654. sˇ lwm/s´mh.h selon Avishur p.537. Girard (p.602) présente dans un tableau clair et bien commenté notre proposition de 1992. Mais nous sommes réticents à accepter une « borne débordante » pour voir inclus 24b–27 par ta justice (24a) et ma justice (27b).

Etude structurelle du psaume 35

115

paix qu’ils parlent, ils ont dit des paroles de triomphe, mais en 27 le fidèle en appelle à ce qu’ils devraient dire, ceux qui ont constaté la paix accordée par YHWH à son serviteur (ici aussi l’ordre des récurrences s’inverse). Ainsi donc les unités extrêmes se correspondent. Peut-on prétendre qu’il en va de même pour les deux unités centrales ? Peut-être si l’on tient compte du fait que toutes deux commencent par conjurer à l’aide d’une négation, soit la surdité et l’éloignement de YHWH en 22, la joie et la parole des ennemis en 24b25a. L’indice est cependant un peu faible. Retenons plutôt les correspondances entre 20–21 et 27 comme incluant l’ensemble. En 19–27, pour complexe qu’elle soit, la structure est claire. Elle nous sera montrée par la répartition suivante des indices: 19 20–21 22–24a 24b–26 27

[19a] paix… ils ont dit

Qu’ils ne se réjouissent pas contre moi / ils ont dit / Ah!

[24b] ils disent… la paix

Ah! / ils ne disent pas / contre moi Qu’ils… se réjouissent

Le centre est en 22–24a, appel à la justice divine, qui se trouve ici singulièrement mis en relief. Entre 19–21 et 24b–26, à l’aide de rapports presque tous déjà étudiés ci-dessus, nous repérons et une ordonnance en parallèle, comme le montrent les indices relevés dans notre première colonne, et une ordonnance en chiasme comme le montrent ceux de la dernière colonne. A ne considérer que ces derniers, on dira que 19–27 respectent une symétrie concentrique autour de 22–24a. Le rapport entre 19 et 27 se fonde sur la récurrence de se réjouir appelant l’opposition entre les ennemis qui ne devraient pas se réjouir et les compagnons du fidèle qui au contraire ont à se réjouir, les motifs étant ici et là explicités. Girard (p.600) tient 18–28 pour la troisième section de notre psaume. Nous reviendrons ci-dessous sur la correspondance, manifeste, entre 18 et 28. En 19–27 Girard voit un chiasme où s’appelleraient respectivement 19–21 et 24b–27, puis, aux centres, 22 et 23–24a. A notre avis les rapports entre 19–21 et 24b–27 doivent être précisés, puisque, comme nous venons de le voir, ils sont commandés par une symétrie croisée (parallèle et chiasme superposés). Quant à 22–24a nous avons vu plus haut qu’ils sont structurés selon une symétrie concentrique autour de mon Dieu et Seigneur. La césure proposée par Girard ne convient donc pas. On pourrait au contraire rappeler cette structure concentrique de 22–24a au centre de la symétrie concentrique de 19–27. En 18–27 est compris l’ensemble structuré de 19–26 déjà étudié comme tel ci-dessus. Et nous voyons répartis en 18 et 27 les termes de la paire stéréotypée, déjà rencontrée, se réjouir/rendre grâce: pour ma part je te rendrai grâce dans l’assemblée, peuple nombreux, et mes compagnons,

116

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

ceux-là qui constituent ladite assemblée, qu’ils se réjouissent de ce que tu as fait pour moi! En 17–27, c’est au tour de la dénonciation de 20–21 de se trouver mise en relief. Les trois unités qui les précèdent et les trois qui les suivent se trouvent ordonnées selon un parallèle. Nous connaissons en effet les rapports entre 17 et 22–24a (Seigneur… voir), 18 et 24b–26 (rendre grâce/se réjouir), 19 et 27 (se réjouir). Cette manière de percevoir est sans doute la plus simple et la plus manifeste, mais il y a encore une autre possibilité de percevoir structurellement cet ensemble. En 17–27 est compris le petit ensemble structuré de 19–24a que nous avons décrit ci-dessus. On compte en plus deux unités avant et deux unités après. Les indices d’une structure d’ensemble pour 17–27 sont alors répartis comme suit: 17 18 x 19 20–21 22–24a x 24b–26 27

ma gorge… mon ensemble je te rendrai grâce…

Seigneur

verras-tu

[19a] ils ont dit… il a vu Seigneur notre gorge… ensemble Qu’ils… se réjouissent…

[24b] qu’ils disent

Nous connaissons déjà les rapports entre 17 et 24b–26 comme entre 18 et 27 et voyons donc sans peine le parallèle 17 + 18 // 24b–26 + 27. On peut aussi percevoir un chiasme entre 17–18 et 24b–26. Pour en ménager la lisibilité, et parce que les indices n’en sont pas tous aussi convaincants que pour le parallèle, nous n’en avons pas porté les indices sur notre tableau. Il n’en existe pas moins. On lit en effet en 18 je te rendrai grâce et en 24b–26 Qu’ils ne se réjouissent pas…, marquant un rapport que nous avons déjà repéré, puis en 17 Seigneur… et en 27 YHWH …: Le Seigneur est ici prié de réaliser la libération de son fidèle, là YHWH est reconnu comme prenant plaisir à la paix de son serviteur. Nous connaissons aussi le rapport entre 19 et 24b–26, soit entre la première unité de 19–24a et la première de 24b–27, mais aussi celui entre 17 et 22–24a, soit entre la première unité de 17–18 et la dernière de 24b–27. Enfin on notera dans l’unité centrale 20–21 et le verbe voir que nous lisions déjà en 17, première unité de notre ensemble, et le verbe dire que nous lisons à nouveau en 27, dernière unité de notre ensemble. Tous les rapports ainsi indiqués nous sont connus. Ce sont encore 20–21 qui de cette façon se trouvent mis en relief. Les huit unités comprises en 15–27 présentent les indices suivants des rapports entre elles:

Etude structurelle du psaume 35

15–16 17 18 19 20–21 22–24a 24b–26 27

117

contre moi (se… réjouis*… connu°) ils se sont réjouis Seigneur… verras-tu [ma gorge … ensemble] Je te rendrai grâce+ Qu’ils ne se réjouissent l’œil contre moi (paix*… pensent°) notre œil Tu as vu… Seigneur ne se réjouissent+ [notre gorge… ensemble] se réjouissent Qu’ils se réjouissent

Nous connaissons tous les rapports, rappelés sur notre tableau à l’aide des principaux indices, fondant le parallèle entre les quatre unités de 15–19 et les quatre de 20–27. Sans qu’il y ait à proprement chiasme, à cause de l’absence de rapport entre 18 et 22–24a, on notera comment le rapport entre 19 et 20–21 (œil) articule entre eux les deux volets, tandis qu’aux extrêmes les rapports entre 17 et 24b–26, puis 15–16 et 27 incluent l’ensemble. Ce dernier rapport est indiqué par la récurrence de se réjouir : les ennemis se sont réjouis à tort (15a), mais à présent que ce soit les fidèles qui crient et se réjouissent (27a). Qu’en est-il en 13–27? Repérons la position des indices à l’aide du tableau suivant: 13–14 15–16 17 18 19 20–21 22–24a 24b–26 27

vêtement/ma gorge se sont réjouis Seigneur/verras-tu Je te rendrai grâce* Qu’ils ne se réjouissent*° pas pas de paix° Tu as vu/Seigneur notre gorge/revêtus qu’ils se réjouissent

On se souvient de la structure de 18–21 où 19 se trouve en rapport tant avec 18 qu’avec 20–21. En allant vers les extrêmes, il suffira de rappeler le rapport entre 17 et 22–24a, et aux extrêmes, se présentant en parallèle, ceux entre 13–14 et 24b–26 et entre 15–16 et 27. L’ensemble a donc l’allure d’une symétrie concentrique autour de 19. Pour saisir la structure de 11–27 il suffit de découvrir le rapport entre 11–12 et 27 autour de l’ensemble 13–26 tel que nous l’avons décrit cidessus (en complétant le chiasme selon lequel ils sont structurés). En effet de 11–12 à 27 nous retrouvons la racine de payent dans paix: ils me payent le mal en échange du bien, alors que les fidèles constatent que

118

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

YHWH se plaît pour sa part à la paix 75. Qu’en est-il en 9–27? On se souvient de la symétrie ordonnant 11–26 autour de 18. Si à 11–26 on ajoute 9–10 et 27 on verra aux extrêmes de ce nouvel ensemble se correspondre en ordre inversé d’une part 11–12 et 24b–26, comme nous l’avons déjà vu, et d’autre part 9–10 et 27, comme nous allons le montrer maintenant. Disposons en synopse le texte de ces deux unités: Et ma gorge exultera+ en YHWH, 9b elle débordera-d’allégresse° en son salut*. 10a Tous mes os-foisonnants diront: 10b « YHWH, qui (est) comme toi, 10cd délivrant l’humilié du […]? »

9a

(Qu’)ils crient+

27a

et se réjouissent°, (les gens) se plaisant (à) ma justice*! 27b Et (qu’)ils disent continuellement: 27c « Il est-grand, YHWH, lui, 27de se plaisant (à) la paix de son serviteur. »

Nous avons rappelé par des sigles en exposant les paires stéréotypées marquant les rapports dans les première, troisième et quatrième lignes de notre petite synopse. Les récurrences sont en italiques. Ainsi la jubilation tant du fidèle que de ceux qui lui sont associés a pour thème l’action de cette justice qui opère le salut 76 et son auteur, incomparable en son œuvre de délivrance de l’humilié et se plaisant à la paix offerte à son serviteur. En 8–27 il n’existe pas de rapport entre les unités extrêmes 8 et 27. Mais si le lecteur veut bien se souvenir ici de l’ensemble 13–21, il le verra ici encadré par un parallèle entre 8 + 9–10 + 11–12 et 22–24a + 24b–26 + 27. Nous avons en effet repéré ci-dessus les rapports entre 8 et 22–24a, puis 9–10 et 24b–26, et enfin 11–12 et 27 77. En 7–27 on ne voit pas non plus de rapport entre les unités extrêmes 7 et 27. Mais si le lecteur veut bien se souvenir de l’ensemble structuré de 13–19, il pourra constater ici, selon

75

76

77

Si on voulait comparer les ensembles 11–18 et 19–27, qui ensemble constituent 11–27, on pourrait constater d’abord certains rapports entre leurs premières et leurs dernières unités (11–12 et 19, 18 et 27, rapports étudiés ci-dessus), puis, selon une inversion entre 13–14 et 24b–26 comme entre 17 et 20–21 (également déjà étudiés). Mais les deux « centres » 15–16 et 22–24a ne présentent pas de rapport entre eux. On pourrait tout au plus, indice bien fragile, y voir s’opposer les ennemis contre moi de 15b et 16b et YHWH pour mon (jugement), pour ma (dispute) de 23. Rappelons de plus la paire justice/humiliation (voir ci-dessus notre n.62), jouant ici de 10cd à 27b : ma justice n’est autre que celle d’un humilié sauvé par YHWH. Cette proposition est plus simple et plus pertinente que celle de Quatre psaumes (pp. 228–229) pour ce même ensemble. La même remarque veut pour l’ensemble suivant.

119

Etude structurelle du psaume 35

des rapports tous déjà étudiés, l’encadrement de 13–19 par la disposition parallèle entre 7 + 8 + 9–10 + 11–12 et 20 –21 + 22–24a + 24b–26 + 27. Nous en arrivons ainsi à 4–27. L’opposition et la complémentarité entre 4–6 et 27 sautent aux yeux. Ici jouent des oppositions qui nous sont données comme telles par le texte, d’abord entre honte, déshonneur, rougissement (4a.c) et se réjouir (27a) selon 24b.26abc, puis entre malheur (4d) et paix (27e) selon 12a. En 4–6 YHWH (l’ange de YHWH très précisément) a pour tâche de chasser les ennemis, en 27 YHWH se réjouit de la paix dont jouit son serviteur. On voit aussi répartis en 5–6 et 27 les termes de la paire stéréotypée ange/serviteur 78: un ange de YHWH aide à la libération qui aboutira à la paix de son serviteur. On lit enfin en 4d et 27c les termes de la paire stéréotypée dire/penser 79: les ennemis pensent mon malheur, mais les fidèles, eux, disent la grandeur de YHWH. Ainsi l’ensemble 4–27 est-il inclus par ce jeu d’oppositions. Mais qu’en est-il de sa structure? On peut avancer tout simplement que l’ensemble structuré de 7–26 tel que nous l’avons présenté ci-dessus est encadré par 4–6 et 27 qui entre eux s’opposent comme nous venons de dire. Mais ici un autre fait structurel remarquable apparaît, soit l’assemblage en 4–6 de toutes les unités de 7–16 et en 27 de toutes celles de 17–26, assemblages dont voici les indices principaux: pensant* YHWH/comme mal ma gorge/comme pensant° ▼









4–6: rougissent (h.pr) 7: fossoyé (h.pr) 8 9–10 11–12 13–14 15–16 17 18 19 20–21 22–24a 24b–26: disent 27 disent

connaît* YHWH/comme mal ma gorge/comme connu° Seigneur je te rendrai grâce+ se réjouissent paix justice ▼

justice



paix







se réjouissent se réjouissent+ YHWH

Les flèches indiquent un indice du rapport de chaque unité avec 4–6 (en 4–16) ou avec 27 (en 17–27). Tous ces rapports nous sont connus, sauf un, entre 4–6 et 15–16. En 4 et 15 nous lisons les termes de la paire stéréotypée connaître/penser: ils pensent mon malheur, et je n’ai pas eu connaissance

78 79

ml’k/ cbd selon Avishur pp. 634–635. ’mr/h.sˇb selon Avishur p.80.

120

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

de leur stratagème. Ainsi dans les unités extrêmes de cet ensemble nous découvrons un assemblage de celles de la première moitié dans la première, de celles de la deuxième moitié dans la dernière, 4–6 apparaissant ainsi comme se déployant pour ainsi dire en 7–16, tandis que 27 recueille ou récapitule 17–26. Nous pouvons à présent considérer l’ensemble 1–27. De 1–3 à 27 nous retrouvons YHWH et dire, et encore ici et là un pronom indépendant se rapportant à YHWH (moi en 3d, lui en 27d), ainsi que les termes de la paire stéréotypée salut/justice. Ici YHWH est prié de dire au fidèle: ton salut, c’est moi. Là c’est au tour des gens se plaisant à ma justice de dire: YHWH, lui, se plaît à la paix de son serviteur. Ainsi donc nous pourrions prétendre que 1–3 et 27 encadrent l’ensemble structuré de 4–26 tel que nous l’avons présenté ci-dessus. Mais la structure de l’ensemble 1–27 peut encore être perçue autrement. Le lecteur voudra bien ici se souvenir de la structure de 11–18 telle que nous l’avons présentée ci-dessus. Or de 1–10 à 19–27 nous pouvons repérer une inversion (un chiasme) entre les unités ainsi comprises. Rappelons sommairement dans le tableau suivant les rapports en jeu:

YHWH… dis… ton salut*… moi honte… déshonorés… rougissent pour moi… pour ma… il ne connaît° pas exultera+… allégresse++… qu’ils ne se réjouissent+++ pas ils pensent° pour mon… pour ma… honte… rougissent… déshonneur ma justice*… disent… YHWH, lui

▼ ▼

1–3 4–6 7 8 9–10 11-18 19 20–21 22–24a 24b–26 27

Sauf un, tous les rapports ici relevés ont déjà été étudiés ci-dessus. Il nous faut seulement montrer celui entre 8 et 20–21. On trouve ici et là les termes de la paire stéréotypée connaître/penser: Que lui vienne une destruction qu’il ne connaît pas, lui qui avec d’autres pense à des paroles de fourberie contre moi. * * * Nous en venons maintenant à la dernière unité de notre psaume, soit 28. Ce verset ne présente pas de structure bien particulière. Mais 27–28 semblent agencés selon la structure que voici:

Etude structurelle du psaume 35

27a 27b 27c 27de

121

(Qu’)ils crient et se réjouissent, (les gens) se plaisant (à) ma justice! Et (qu’)ils disent continuellement: Il est-grand* YHWH, lui se plaisant (à) (à) la paix de son serviteur. Et ma langue murmurera ta justice°, tout le jour, ta louange*°.

28a 28b

Aux extrêmes 27a et 28b se répondent cris de réjouissance et louange, lesquels encadrent un parallèle où se répondent d’abord les gens se plaisant à ma justice et celui-là se plaisant à la paix de son serviteur. Ce serviteur n’est autre que le moi auteur du psaume. Quant au lien entre justice et paix, il se suffira de se référer au Ps 85,11 pour l’entendre. Puis il est question de dire au sujet de la grandeur de YHWH et de murmurer au sujet de sa justice. Tant grandeur que justice constituent une paire stéréotypée avec louange 80: c’est bien à la grandeur et à la justice de celui-là que convient la louange. Dans ces six lignes on notera que les deux premières mettent en scène les compagnons du fidèle, les deux dernières ce fidèle luimême, tandis qu’entre elles c’est YHWH qui est présenté. Ainsi les deux unités 27 et 28 constituent-elles à elles deux un petit ensemble structuré. Qu’en est-il en 24b–28? 24b–26

27

ne disent (bis) pas dans leur cœur°… disent…

28

:

ma langue° murmurera

s’étant faits-grands* est-grand*

ta louange*

Nous avons relevé ci-dessus la paire stéréotypée louange/grandeur. De grandeur il est question en 26 et 27, de louange en 28. Mais ladite louange revient à la vraie grandeur, celle de YHWH, non à celle de ceux qui se sont eux-mêmes faits grands. Une parole se lit dans chacune de nos trois unités. La première est dite par les ennemis dans leur cœur, la dernière murmurée par la langue du fidèle, celle du centre énoncée par ses compagnons. Cœur et langue constituent une paire stéréotypée 81. On voit qu’autour de 27 où

80 81

Soit hll/gdl d’après Avishur p.289, et s.dq/thlh ibid. pp. 109 et 126. lb/lsˇ wn selon Avishur p.279.

122

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

est proclamée la grandeur de YHWH s’opposent 24b–26 et 28, soit le cœur de ceux qui se sont faits grands et la langue de celui qui murmure la louange de YHWH. En 22–28 les quatre unités respectent entre elles une symétrie croisée, en chiasme et parallèle superposés comme le montrera le tableau suivant: 22–24a 24b–26 27 28

ta justice ne disent… grands disent… grand ta justice

ta justice, YHWH… leur cœur°… s’étant faits-grands* ma justice… YHWH… ma langue°… ta louange*

Nous connaissons déjà le rapport entre 24b–26 et 27. On retrouve de 22–24a à 28 ta justice : elle s’exerce ici et là en faveur du fidèle, appelée en 24a, reconnue en 28a. Nous connaissons déjà les rapports entre 22–24a et 27 comme entre 24b–26 et 28, lesquels fondent le parallèle. En 20–28 c’est autour de l’unité centrale 24b–26 que s’ordonnent entre elles et en chiasme et en parallèle les deux premières unités et les deux dernières, comme le montrera le tableau suivant: 20–21 22–24a 24b–26 27 28

leur bouche* ta justice, YHWH [leur cœur] ma justice… YHWH ma langue*

paix… ils ont dit ta justice [ne disent] ils disent… paix ta justice

Nous connaissons déjà le rapport entre 22–24a et 27. En 20–21 et 28 nous lisons les termes de la paire stéréotypée bouche/langue 82: la bouche des ennemis ne cherche que fourberies, la langue du fidèle murmure la justice de YHWH. Au centre de la symétrie concentrique nous lisons, encore à propos des ennemis, leur cœur, là où ils triomphent à tort du fidèle. Or cœur constitue une paire stéréotypée tant avec bouche qu’avec langue 83. Nous connaissons déjà les rapports qui fondent la disposition parallèle entre 20–24a et 27–28 comme signalé dans la colonne de droite de notre tableau. Ici le centre 24b–26 emploie le même verbe dire que les premiers termes du parallèle (20–21 et 27), Ils ont dit, les ennemis… (20–21)… Qu’ils ne disent pas… (24b–26)… Qu’ils disent, les fidèles… (27). Une fois neutralisée (25a.c), la parole des ennemis (21b) peut laisser place à celle des fidèles (27c).

82 83

ph/lsˇ wn selon Avishur p.765, à l’index. ph/lb d’après Avishur p.765, à l’index, et lb/lsˇ wn, ibid. p.279.

Etude structurelle du psaume 35

123

Nous pouvons donc maintenant considérer 19–28. Leur structure d’ensemble est complexe et serrée. Nous pouvons d’abord y voir un parallèle comme l’indiquent les récurrences suivantes: 19 20–21 22–24a 24b–26 27 28

ne se réjouissent pas paix… ils ont dit ta justice ne se réjouissent pas ils disent… paix ta justice

Nous avons déjà rencontré tous les rapports ainsi indiqués et fondant ce parallèle entre 19–24a et 24b–28 84. Mais on peut encore percevoir autrement la structure de ces versets en les groupant deux à deux comme ceci: 19 20–21 22–24a 24b–26 27 28

Qu’ils ne se réjouissent pas leur bouche contre moi… dit… Ah! YHWH… ta justice ne disent pas… Ah! … contre moi Qu’ils se réjouissent ma justice… YHWH ma langue

Nous connaissons tous les rapports ainsi indiqués. On voit donc comme un chiasme en chevauchements, les termes extrêmes s’en lisant en 19–21 et 27–28 (parallèles entre eux), les termes centraux en 20–24a et 24b–27 (parallèles entre eux). Pour percevoir la structure de 18–28 commençons par constater qu’aux extrêmes, en 18 et 28, il est question ici et là de louange de YHWH. Girard (p.600), proposant comme troisième section de notre psaume précisément 18–28, voit donc avec raison 18 et 28 se correspondre autour de 19–27, sa proposition pour ce dernier ensemble ayant été examinée ci-dessus en son lieu. Et dès lors il suffit d’ajouter à la symétrie concentrique que nous avons montrée en 19–27 ces deux termes extrêmes, le centre 22–24a étant entouré de six unités se répondant en ordre inverse. Ici est mise en relief

84

A ce parallèle on pourrait voir, de manière moins manifeste cependant, superposé un chiasme. Nous connaissons déjà le rapport entre 22–24a et 24b–26, et celui entre 20–21 et 27. Mais le rapport entre 19 et 28, pour manifeste qu’il soit, reste thématique: tout est fait en 19 pour conjurer la joie mauvaise et le coup d’œil qui l’accompagne, tandis qu’en 28 la langue du fidèle s’adonne à la louange.

124

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

l’interpellation à YHWH de 22–24a. En 17–28 nous observons un parallèle entre les quatre unités de 17–21 et les quatre de 22–28. Nous connaissons en effet les rapports entre 17 et 22–24a, 18 et 24b–26, 19 et 27, 20–21 et 28 85. Les neuf unités contenues en 15–28 s’organisent autour de 20–21 en couples d’unités parallèles, chaque second couple inversant l’ordre des unités du premier, comme ceci:



20–21



[contre moi… il a vu] ▼

22–24a 24b–26 27 28

ils se sont réjouis… contre moi Seigneur… verras-tu je te louerai Qu’ils ne se réjouissent

tu as vu… Seigneur Qu’ils ne se réjouissent… contre moi Qu’ils se réjouissent ta louange



15–16 17 18 19

Nous connaissons déjà tous les rapports ici signalés par leurs principaux indices. Le centre 20–21 use de deux des récurrences mettant en rapport 15–17 et 22–26 (contre moi et voir). En 13–28 nous repérons 86 deux agencements, soit un parallèle entre 13–17 + 18–19 et 20–26 + 27–28, mais où les groupes d’unités (trois et deux) se répondent selon un ordre inverse, puis un parallèle entre 15–18 et 22–27, ce que fera mieux voir le tableau suivant où ne sont donnés que quelques indices significatifs puisque, à l’exception d’un seul, nous connaissons déjà les rapports ici mis en jeu:

85 86

Cette proposition est nouvelle par rapport à celle de Quatre psaumes (pp. 237–238). En progressant nettement par rapport à notre proposition de Quatre psaumes (pp. 238–239).

Etude structurelle du psaume 35

vêtement je n’ai pas connu° je n’ai pas connu+ [contre moi] verras-tu ensemble… je te louerai ▼ je te rendrai grâce* [te louerai] ▼ ne se réjouissent il a vu Tu as vu° revêtus se réjouissent ta louange ▼





13–14 15–16 17 18 19 -----20–21 22–24a 24b–26 27 28

125

[contre moi]



Tu as vu+ ensemble… se réjouissent* [ta louange]

De 13–17 à 20–26 le seul rapport dont nous n’ayons pas encore pas parlé est celui entre 15–16 et 22–24a. Il s’appuie sur la répartition des termes de la paire stéréotypée (déjà rencontrée) connaître/voir: moi je n’ai pas connu leur mauvais dessein, mais toi, YHWH, tu as vu ce qu’il en est. Les rapports entre 18–19 et 27–28 nous sont connus. Ceux (en parallèle) entre 15–18 et 22–27 également, mais ici nous pourrions ajouter une précision. On lit en 15–16 avant je n’ai pas connu (15c) contre moi (15b), et en 18 après Je te rendrai grâce (18a) je te louerai (18b). Or contre moi se lit en 20–21, avant 22–24a donc, et ta louange en 28, après 27 donc. On voit donc d’ici et là ces deux récurrences de contre moi et louer compléter le parallèle susdit, à cette différence près qu’en 13–19 il ne se lit qu’en 15–18 tandis qu’il s’étend sur tout 20–28. En 11–28 sont comprises onze unités, celle du centre étant 19. Nous connaissons le rapport entre les premières (11–12 et 20–21) et dernières (18 et 28) de chaque volet autour de 19. Entre ces unités extrêmes de chaque volet se lisent en ordre inversé 13–14 + 15–16 et 17 qui s’inversent dans 22–24a et 24b–26 + 27. Nous connaissons déjà en effet les rapports entre 13–14 et 24b–26 comme entre 15–16 et 27, et aussi celui entre 17 et 22–24a. Pour saisir la structure de 9–28 il suffit d’élargir le chiasme commandant celle de 11–27 à 9–10 et 28. Ces deux dernières unités se correspondent en effet du fait qu’on y voit répartis les termes de la paire stéréotypée salut/justice 87: ma gorge débordera d’allégresse en son salut… et ma langue murmurera ta justice, tout le jour, ta louange. On lit aussi en 10a et 28b l’adjectif tout: Tous mes os sont requis pour confesser YHWH en 10, et ma langue tout le jour pour sa louange en 28. Nous souvenant de la paire justice/humiliation, on notera comment en

87

Voir ci-dessus notre n.62 où nous citons également la paire justice/humiliation qui joue ici de 10cd à 28a: il s’agit de louer cette justice si bien faite pour délivrer l’humilié.

126

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

9–14 l’unité 11–12 comporte ma gorge tandis que nous lisons humilié (er) en 9–10 et 13–14, et comment en 22–28 nous lisons notre gorge en 27 tandis que justice se lit en 24b–26 et 28. Pour ce qui est de 8–28, 7–28 et 4–28 nous n’y découvrons pas de structure en faisant des ensembles structurés. Mais en 1–28 nous pouvons percevoir un large chiasme mettant en rapport d’une part (aux centres) 9–16 et 17–21, comme nous l’avons vu en étudiant l’ensemble 9–21, et d’autre part (aux extrêmes) 1–8 et 22–28, comme nous allons le montrer 88. Ces deux derniers groupes de quatre unités se correspondent selon une inversion (un chiasme). On lit en effet en (1–)3 et 28 les termes de la paire stéréotypée salut/justice, déjà rencontrée. De YHWH le fidèle attendait qu’il soit son salut, et au terme il loue la justice qui opère un tel salut. Nous connaissons aussi les rapports entre 4–6 et 27. De 7 à 24b–26 – nous l’avons vu – s’opposent la gorge du fidèle menacée de mort et celle des ennemis qui croient la leur en plein bonheur. Nous avons déjà repéré les rapports entre 8 et 22(–24a) où nous lisons les termes de la paire stéréotypée connaître/voir: l’ennemi ne connaît pas ce qui l’attend, car YHWH, lui, a vu et va intervenir. De même que nous avons vu se répondre les deux unités extrêmes 1–3 et 28, de même nous pouvons rappeler le rapport entre les deux unités contiguës de nos deux volets, soit 15–16 et 17. Ainsi l’ensemble du psaume se trouve agencé selon un vaste chiasme où se correspondent entre elles tant les huit (4 + 4) unités centrales que les huit (4 et 4) unités extrêmes 89. Etant donné les ensembles structurés découverts ci-dessus, on pourrait encore, en s’en tenant évidemment aux ensembles existants, étudier sur l’ensemble du psaume maints ensembles structurels successifs (de 4 + 12 unités, 5 + 11, etc…). Contentons-nous ici de recenser le nombre de structures couvrant un nombre impair ou un nombre pair d’unités (mais en laissant les enchaînements sur seulement deux unités). Sur les quatorze possibilités de structures à trois unités le psaume en offre douze (manquent 1–7 et 17–19). Mais nous y trouvons les douze possibilités de

88 89

Cette proposition est nouvelle par rapport à celle de Quatre psaumes (pp. 240–241). Dans ses paragraphes IV et V (pp. 603–609) Girard compare des panneaux du texte sans tenir compte des ensembles structurés commandant les rapports entre les unités dont il ne respecte pas la détermination. Il compare ainsi 1–4 et 20–27 (au titre d’une grande inclusion), 1–4 et 11–12, 7–10 et 13–18, 7–10 et 11–13, 15–17 et 18–23, sans s’expliquer plus avant sur ces répartitions. Nombre de récurrences sont utilisées au service de ces tentatives, mais sans que soit précisées clairement la position, dans des ensembles structurés, des unités auxquelles elles appartiennent. Nous avons cependant pris soin ci-dessus de nous y référer, chaque fois que c’était possible en précisant justement la situation des correspondances dans les ensembles structurés.

127

Etude structurelle du psaume 35

structures à cinq unités. Sur les dix possibilités de structures couvrant sept unités n’en manque qu’une (1–14). On en compte donc neuf. Mais on trouve les huit structures couvrant neuf unités ainsi que les six couvrant onze unités. Des quatre possibilités sur treize unités n’en manque qu’une (8–28), et une aussi des deux sur quinze unités (soit 4–28). Des treize possibles à quatre unités n’en manque qu’une (18–26). Mais on trouve réalisées les onze possibilités de structures couvrant six unités. Pour les neuf possibilités sur huit unités en manquent deux (7–18 et 8–19), pour les sept possibles de dix une seule (4–19). On trouve les cinq de douze unités, mais en manque une sur les trois de quatorze unités (soit 7–28). Peut-être le lecteur aimera-t-il trouver ici un tableau récapitulatif: Nombre d’unités dans un ensemble

Nombre théorique (possibles) de ces ensembles en Ps 35

Nombre effectif dans le psaume 35

Impaires: 3

14 (– 1– 7 et 17–19 = )

12

5

12

(=)

12

7

10

(– 1–14 = )

9

9

8

(=)

8

11

6

(=)

6

13

4

(– 8 – 28 = )

3

15

2

(– 4 – 28 = )

1

Paires: 4

13

(– 18 – 26 = )

12

6

11

(=)

11

9 (– 7–18 et 8 –19 = )

7

10

7

(– 4 –10 = )

6

12

5

(=)

5

14

3

(– 7 – 28 = )

2

8

Il pourrait encore valoir la peine d’examiner ce que donnerait sur l’ensemble du psaume des ensembles ayant une unité commune (appartenant simultanément au terme du premier et au début du second). Mais d’une part cela resterait secondaire par rapport aux propositions que nous avons faites ci-dessus, et d’autre part on en reviendrait toujours et encore aux mêmes rapports. Laissons donc au lecteur le soin de ces parcours, sans jurer pourtant qu’aucun n’apporterait encore quelque chose à la lecture. Mais ce relevé donne à sa manière une idée de la savante et complexe com-

128

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

position de ce texte, laquelle ne peut que payer de sa peine le lecteur qui voudra bien lui prêter quelque attention 90. Mais on peut encore, à titre complémentaire et secondaire, considérer la structure d’ensemble de notre psaume à partir de la typologie morphocritique qui au départ nous a permis de distinguer les unités, soit des appels à YHWH (A), des imprécations (I), des dénonciations des ennemis (D), des promesses de louange (L), et une protestation d’innocence (P). De ce point de vue constatons d’abord l’enveloppement de 13–14 (P), seule unité de ce type, par 11–12 (D) et 15–16 (D), et autour de cette simple symétrie concentrique l’ensemble se trouve agencé comme suit : A (1–3) I (4–6) D (7) I (8) L (9–10)

L (18) A (22–24a)

A (17) I (19) D (20–21) I (24b–26) L (27) + L (28)

Autrement dit, à considérer la première colonne et la dernière, nous percevons un parallèle (A.I.D.I.L // A.I.D.I.L). Mais dans le dernier volet les imprécations (19 et 24b–26) sont précédées la première par une promesse de louange (18), la seconde par un appel à l’aide (22–24a), soit ces types d’unités qu’on retrouve aux extrêmes de chacune de nos deux colonnes extrêmes. Toutes les correspondances ici utilisées ont été confirmées par l’analyse structurelle, sauf celles entre 1–3 et 17, puis entre 8 et 24b–26. Notons quand même en 1–3 et 17 les interpellations à YHWH ou au Seigneur, ainsi que la récurrence de ma gorge, ici et là dans un contexte de libération. Mais aucun indice ne passe de 8 à 24b–26. Cette manière de percevoir la structure n’est évidemment pas la plus évidente. Elle met en évidence 13–14 dont par ailleurs le type est unique dans notre psaume 91. * * * 90

91

En se servant du tableau dressé en annexe, on peut encore calculer, en se souvenant que notre psaume comporte en tout seize unités, que l’unité 1–3 est en rapport avec huit autres, 4–6 avec douze (11 + 1), 7 avec onze (9 + 2), 8 avec sept (5 + 2), 9–10 avec treize (10 + 3), 11–12 avec douze (8 + 4), 13–14 avec dix (6 + 4), 15–16 avec treize (7 + 6), 17 avec dix (5 + 5), 18 avec neuf (5 + 4), 19 avec dix (4 + 6), 20–21 avec quatorze (4 + 10), 22–24a avec quatorze (3 + 11), 24b–26 avec treize (2 + 11), 27 avec douze (1 + 11), 28 avec six. Se trouvent donc en rapport avec quatorze unités: 20–21 et 22–24a, avec treize: 9–10, 15–16 et 24b–26, avec douze: 4–6, 11–12 et 27, avec onze: 7, avec dix: 13–14, 17, 18 et 19, avec huit: 1–3, avec sept: 8, avec six: 28. L’interprétation de chaque unité a tout intérêt à prendre en compte les rapports qu’elle entretient avec les autres. Dans Quatre psaumes (chapitre XV), à l’aide encore d’autres estimations

Etude structurelle du psaume 35

129

Ainsi notre perspective de départ s’est-elle trouvée largement vérifiée et fructueuse pour la lecture. Au fur et à mesure que le lecteur avance dans le psaume, il a tout intérêt à lire l’unité à laquelle il est parvenu dans ses rapports structurels avec le contexte antérieur, en allant du plus proche au plus lointain (jusqu’à la première unité). Une fois qu’un tel parcours est accompli, il est bien certain que les rapports d’une quelconque unité avec la contexte postérieur (jusqu’à la dernière unité) sont eux-mêmes tout aussi utiles et nécessaires à l’interprétation. Mais il est de bonne méthode et payant d’aller des plus petits ensembles aux plus importants, sous peine de passer à côté d’ensembles recelant pour le lecteur maints rapports riches de signification. ANNEXE: Dans quel ensemble trouver la présentation du rapport entre deux unités? Nous partons successivement de chaque unité et repérons ceux des rapports qu’elle présente avec celles qui la suivent, indiquant entre parenthèses l’ensemble où on en trouve la présentation. Nous mettons entre crochets les rapports entre seulement deux unités (enchaînements plutôt que structure d’ensemble). Nous accompagnons d’un point d’interrogation les rapports pour une part discutables.

statistiques, nous avons poussé plus loin (peut-être trop) l’examen des possibilités de structures d’ensemble pour notre psaume.

130

Chapitre III: Comme un compagnon, comme un frère pour moi

1–3:

[4–6 (1–6)] 7 (1–7) 9–10 (1–10) 11–12 (1–12)

20–21 (1–21) 22–24a (1–24a) 27 (1–27) 28 (1–28) 8:

11–12 (8–12) 15–16 (8–16) 17 (8–17)

20–21 (1–27) 22–24a (8–24a)

13–14: [15–16 (13–16)] 17 (13–17) 18 (11–19)? 19 (13–19) ? 20–21 (13–21) 24b–26 (13–26) 18:

[19 (18–19)]

24b–26 (18–26) 27 (18–27) 28 (18–28) 22–24a: 24b–26 (22–26) 27 (22–27) 28 (22–28)

4–6 :

7: [7 (4–7)] 8 (4–8) 9–10 (4–10) 11–12 (4–12) 13–14 (4–14) 15–16 (4–27) 19 (4–19) 20–21 (4–21) 22–24a (4–24a) 24b–26 (4–26) 27 (4–27) 9-10 : 13–14 (9–14) 15–16 (4–16) 17 (9–17) 18 (8–18) 19 (4–26) 20–21 (9–21) 22–24a (9–24a) 24b–26 (9–26) 27 (9–27) 28 (9–28) 15-16 : [17 (15–17)] 18 (15–18) 19 (15–19) 20–21 (15–24a) 22–24a (13–28) 24b–26 (15–26) 27 (15–27) 19: [20–21 (19–21)] 22–24a (19–26) 24b–26 (19–26) ? 27 (19–27)

8 (7–8) 9–10 (7–10) 11–12 (4–14) 13–14 (7–14) 15–16 (4–18) ? 19 (7–19) 20–21 (7–24a) 22–24a (7–24a) 24b–26 (7–26)

11-12 : [13–14 (11–14)] 15–16 (11–16) 17 (7–26) 19 (9–19) 20–21 (11–21) 22–24a (9–26) 24b–26 (11–26) 27 (11–27) 17 : [18 (17–18) ?] 20–21 (17–21) 22–24a (17–24a) 24b–26 (17–26) 27 (17–27)? 20–21 : [22–24a (20–24a)] 24b–26 (20–26) 27 (20–27) 28 (20–28)

24b–26 :

27 :

[27 (24b–27)] 28 (24b–28)

[28 (27–28)]

Chapitre IV Les justes posséderont la terre Etude structurelle du psaume 37 A la suite de M. Girard en 1984 1, nous risquions à notre tour en 1990 une étude structurelle du Ps 37 2. En 1996 Girard reprenait son étude 3, en appréciant comme suit (n.36, p.648) notre travail: « Il tient compte des récurrences bien entendu, mais procède d’abord et avant tout sur une base de contenus sémantiques. Son analyse, toutefois, recoupe passablement la nôtre jusqu’au v.32; c’est par après que les pistes s’embrouillent quelque peu ». Remettons donc l’ouvrage sur le métier en reconsidérant une fois encore successivement la structure des petites unités, des ensembles partiels de plus en plus importants jusqu’à en venir à la structure d’ensemble du psaume. Nous pourrons ainsi nous rendre compte si notre étude se base sur les récurrences ou sur les contenus sémantiques, ou sur ce que les unes disent des autres, voir aussi si notre proposition recoupe vraiment celle de Girard jusqu’à 32, et tâcher enfin de tracer un peu plus nettement ces pistes qui pour 33ss sont apparues embrouillées au lecteur des plus qualifiés qu’est Girard pour ce genre de travail. Nous utiliserons à cette fin sa traduction, si précieuse pour ce genre de parcours. Nous nous permettons seulement de rendre la traduction du w en 6a et b. Les termes ayant droit à une typographie particulière sont ceux qui sont communs aux trois parties (avec éventuellement leur contexte proche). Voici donc cette traduction, avec des interlignes dont nous tenterons de montrer ci-dessous la pertinence: 1a 1b 2a 2b 1 2 3

Ne brûle pas (d’indignation) contre les (gens) commettant-le-mal, ne jalouse pas les (gens) faisant l’injustice. Car comme l’herbe, vite, ils seront fauchés; comme le vert de l’herbage ils se flétriront.

Analyse structurelle, pp. 291–304. P. Auffret, « ‹ Aie confiance en lui, et lui, il agira › Etude structurelle du psaume 37 », SJOT 4 (1990) 13– 43. Psaumes redécouverts. C’est cette dernière publication que, sauf avis contraire, nous citerons ci-dessous.

132 3a 3b 4a 4b 4c 5a 5b 6a 6b 7a 7b 7c 7d 8a 8b

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

9a 9b 9c

Aie confiance en YHWH et fais le bien. Demeure (sur) la terre et pais (avec) fidélité. Délecte-toi auprès de YHWH; et il te donnera les demandes de ton cœur. (Dé)roule auprès de YHWH ton chemin; aie confiance auprès de lui, et lui, il fera. Et il fera-sortir comme la lumière ta justice, et ton jugement, comme le midi. Fais-silence vers YHWH et tourne-toi vers lui. Ne brûle pas (d’indignation) contre (celui) réussissant son chemin, contre l’homme faisant des complots. Arrête la colère-du-nez et abandonne la fureur. Ne brûle pas (d’indignation), surtout pour commettre-le-mal (toi-même) Car les (gens) commettant-le-mal seront coupés, et les (gens) espérant YHWH, eux, posséderont la terre.

10a 10b 11a 11b 12a 12b 13a 13b 14a 14b 14c 14d 15a 15b 16a 16b 17a 17b 18a 18b 19a 19b 20a 20b

Encore un peu, et plus (w’yn) de méchant; tu discernes son lieu (de séjour): il n(’y en a) plus (w’ynnw). Et les humiliés posséderont la terre; ils se délecteront d’une abondance de paix. (Il) complot(e), le méchant, contre le juste, grinçant contre lui (de) ses dents. Le Seigneur rit de lui, car il a vu, car il viendra, son jour. L(a gaine de l)’épée, ils (l’)ont ouverte, les méchants, et ils ont acheminé leur arc pour faire tomber l’humilié et le pauvre, pour égorger les (hommes) droits (quant au) chemin. Leur épée viendra dans leur cœur, et leurs arcs seront brisés. (C’est) bien, un peu pour le juste, plus qu’une fortune de méchants abondants. Car les bras des méchants seront brisés. Et (il) sout(ient) les justes, YHWH. (Il) connaît, YHWH, les jours des parfaits: leur héritage pour toujours sera. Ils n’auront pas honte au temps du mal(heur); aux jours de famine ils se rassasieront. Car les méchants périront; les ennemis de YHWH,

Etude structurelle du psaume 37

133

20c 20d

comme le précieux (herbage vert) des prés, se sont achevés en fumée, se sont achevés.

21a 21b 22a 22b 23a 23b 24a 24b 25a 25b 25c 26a 26b 27a 27b 28a 28b 28c 28d 29a 29b 30a 30b 31a 31b 32a 32b 33a 33b

Obtenant-un-prêt, le méchant, il ne paye pas (son dû), et le juste (a) pitié et donn(e). Car ses bénis posséderont la terre; et ses maudits seront coupés. De (par) YHWH, les pas du brave ont été fixés: (à) son chemin il se plaît. Car (s’)il tombe, il n’est pas terrassé, car YHWH sout(ient) sa main. Jeune j’ai été, même j’ai vieilli, et je n’ai pas vu le juste abondonné et (le fruit de) sa semence (humaine) cherchant de la nourriture. Tout le jour, (il a) pitié et (il) prêt(e). (Le fruit de) sa semence (humaine est voué) à la bénédiction. Détourne-toi du mal et fais le bien. Et demeure pour toujours. Car YHWH aim(e) le jugement, et n’abandonne pas ses loyaux. Pour toujours ils ont été gardés. Et (le fruit de) la semence des méchants a été coupé. Les justes posséderont la terre et demeureront à jamais sur elle. La bouche du juste murmure la sagesse; sa langue parle du jugement; l’enseignement de son Dieu (est) dans son cœur. Il ne vacille pas (dans) ses pas-de-marche (Il) surveill(e), le méchant, le juste, cherchant à le faire mourir. YHWH ne l’abandonnera pas dans sa main et ne le laissera-pas-assimiler-au-méchant quand il (viendra à) être jugé. Espère en YHWH et garde son chemin; il te haussera pour (que tu puisses) posséder la terre. Quand (viendront à) être coupés les méchants, tu verras (cela). J’ai vu le méchant terrible mis-à-nu comme une pousse-qui-lève (toute) verdissante: il a passé, et voici, il n(’est) plus (’ynnw); je l’ai cherché, et il n’a pas été trouvé. (Re)garde le parfait et vois l(’individu) droit: car (il y a) un après pour l’homme de paix. Les transgresseurs ont été détruits ensemble:

34a 34b 34c 34d 35a 35b 36a 36b 37a 37b 38a

134

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

38b 39a 39b 40a 40b 40c

l’après des méchants a été coupé. Et le salut des justes (vient) de YHWH; (il est) leur place-forte au temps de l’adversité. Il les aide, YHWH, et les libère; il les libère des méchants et les sauve, car ils se sont réfugiés en lui.

En 1–9 on peut très facilement distinguer comme petites unités des invitations tournées soit du côté des impies, soit du côté de YHWH, ainsi que les motivations respectives des unes et des autres. Nous y reviendrons ci-dessous. En 1 comme en 2 le parallélisme est des plus faciles à percevoir. En 3–4a nous lisons une série de cinq invitations dont la première et la dernière comportent comme complément YHWH. Aucune structure particulière ne commande la simple proposition de 4bc. Les deux invitations de 5aba sont orientées vers YHWH, nommé dans la première, désigné par un pronom dans la seconde, les deux introduits par la même préposition cl (auprès de). En 5bb –6 deux verbes ayant YHWH comme sujet sont suivis de deux compléments agencés entre eux en chiasme: comme la lumière + ta justice, ton jugement + comme le midi. Justice et jugement constituent une paire stéréotypée 4. Les deux invitations de 7ab se présentent sensiblement comme celles de 5 (YHWH nommé, puis désigné par un pronom), chacune introduisant son complément par la même préposition l (vers). L’unité des invitations en 7c–8 semble respecter une petite structure. On y lit en effet: 7c Ne brûle pas (d’indignation) contre (celui) réussissant son chemin, 7d contre l’homme faisant des complots. 8a Arrête la colère-du-nez* et abandonne la fureur*. 8b Ne brûle pas (d’indignation), surtout pour commettre-le-mal (toi-même)

Les quatre invitations (sur la gauche de notre tableau) sont ordonnées entre elles en chiasme. Les plus extrêmes sont identiques. Les centrales utilisent une paire stéréotypée des plus classiques 5. La première a deux compléments et la dernière une subordonnée qui entre eux s’opposent d’une certaine façon: il ne faudrait pas que par indignation contre les impies le fidèle se mettre à agir comme eux. La simple proposition de 9a ne présente pas de structure particulière. En 9bc on notera seulement

4 5

sˇpt./s.dq selon Avishur p.768, à l’index. ’p/h.mh selon Avishur p.754, à l’index.

Etude structurelle du psaume 37

135

l’insistance sur le sujet à l’aide d’un pronom indépendant (eux) tout comme en 5bb (lui). Pour faire saisir plus facilement la structure de 1–9 nous en inscrivons le texte dans le tableau de la page suivante 6. Dans la première colonne nous avons mis les exhortations à se tourner vers YHWH, et dans la dernière leurs motivations, dans la deuxième les exhortations à ne pas s’irriter contre les impies et dans la troisième leurs motivations. Il existe un parallèle facile à percevoir entre 1 + 2 et 7c–8 + 9a, soit les deux exhortations contre les impies et leurs motivations. Les amorces sont les mêmes: Ne brûle pas d’indignation contre… car… L’expression initiale est même reprise de la première à la dernière proposition en 7c–8. On lit encore deux récurrences d’ici à là, soit (commettre-le-)mal et faisant en ordre inverse d’ici à là. Les deux invitations avec leurs motivations en 3–4 et 5–6 présentent elles aussi un schéma comparable: Aie confiance…auprès de YHWH… + et il… (3– 4a + 4bc) et … auprès de YHWH… aie confiance auprès de YHWH + et lui… (5aba + 5bb –6). Si l’on tient compte de la paire stéréotypée cœur/chemin 7 on peut encore repérer une certaine disposition en chiasme à l’intérieur de 3–6. On lit en effet faire dans la première invitation (3a) et dans la dernière motivation (5bb ), mais cœur dans la première motivation (4c) et chemin dans la deuxième invitation (5a). Parallèle et chiasme se superposant ainsi en 3–6, nous les disons commandés par une symétrie croisée. Renforçant en quelque sorte ce dispositif, notons encore les rapports entre les deux premières invitations et les deux dernières. On lit en effet en 1 (contre les impies) comme en 3– 4a (vers YHWH) et le verbe faire et les antonymes bien/mal, lesquels d’ailleurs constituent une paire stéréotypée 8, puis en 5ab (vers YHWH) et 7c–8 (contre les impies) ton/son chemin dans des contextes qui leur donnent un contenu opposé d’ici à là. Relevons encore les rapports d’opposition entre première et troisième motivation comme entre deuxième et quatrième invitation. On lit en effet en 2 comme en 5bb –6 deux comparaisons introduites par comme, mais qui s’opposent à l’évidence (herbe fauchée et herbage flétri contre lumière et midi), puis en 3–4a fais le bien, mais en 7c–8 faisant… mal, attitudes évidemment opposées.

6 7

8

Nous reprenons ici en en améliorant la présentation et l’argumentation notre proposition de 1990. lb/drk selon Avishur p.279. Une telle paire n’a rien de surprenant à partir du moment où l’on se souvient que le cœur est le lieu des décisions, celui à partir duquel précisément on oriente ses chemins, ce à quoi le fidèle est justement invité ici en 5a. c .twb/r selon Avishur pp. 93.122.281.

136

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre I N V I TAT I O N S VERS YHWH

les (gens) faisant

M OT I VAT I O N S

VERS LES IMPIES

DU COTE DES IMPIES

1a. Ne brûle pas (d’indignation) contre les (gens) commettant-le-mal*, 1b. ne jalouse pas ils se flétriront. l’injustice.

2a. C a r comme l’herbe, vite, ils seront fauchés; 2b. comme le vert de l’herbage

DU COTE DE YHWH

3a. Aie confiance en YHWH et fais le bien*. 3b. Demeure (sur) la terre et pais (avec) fidélité. 4a. Délecte-toi auprès de YHWH;

4b. et il te donnera 4c. les demandes de ton cœur.

5a. (Dé)roule auprès de YHWH ton chemin; 5ba. aie confiance auprès de lui,

5bb. et lui, il fera. 6a. Et il fera-sortir comme la lumière ta justice°, 6b. et ton jugement, comme le midi.

7a. Fais-silence vers YHWH 7b. et tourne-toi vers lui.

7c. Ne brûle pas (d’indignation) contre (celui) réussissant son chemin, 7d. contre l’homme faisant des complots. 8a. Arrête la colèredu-nez et abandonne la fureur. 8b. Ne brûle pas (d’indignation), surtout pour commettre-le-mal* (toi-même)

9a. C a r les (gens) commettant-le-mal seront coupés

9b. et les (gens) espérant YHWH, 9c. eux, posséderont la terre.

A s’en tenir à ces quatre premiers enchaînements, la structure serait des plus simples, soit un chiasme où aux extrêmes 1–2 appelleraient 7c–9a tandis qu’aux centres ce serait 3–4 et 5–6. Mais 7ab et 9bc viennent étoffer ce schéma. A considérer 7–9 on leur trouve une structure simple puisqu’aux deux invitations de 7ab et 7c–8 répondent en ordre inverse les motivations de 9a (pour 7c–8) et 9bc (pour 7ab). La dernière motivation

Etude structurelle du psaume 37

137

est d’ailleurs est d’ailleurs la seule (de toutes les précédentes, mais particulièrement de celles se rapportant à la confiance) où nous lisions YHWH, comme dans l’invitation de 7ab. Et puisque nous lisons commettre-le-mal tant en 7c–8 qu’en 9a, nous voyons le chiasme de 7–9 clairement indiqué par ces deux récurrences 9. Comme les autres enchaînements de 3–4 et 5–6 (tournés du côté de YHWH) l’invitation de 7ab comporte le nom divin. Quant à la motivation de 9bc, on y lit comme en celle de 5bb-6 un pronom indépendant, en 5 lui soulignant l’auteur des bienfaits qui vont être explicités en 6, en 9bc eux soulignant les bénéficiaires desdits bienfaits. Mais sur l’ensemble 1–9 il existe encore d’autres rapports structurellement situés. De la première invitation à la dernière motivation tournées du côté des impies on retrouve mal, de la première invitation à la dernière motivation tournées du côté de YHWH on retrouve terre. Inutile de se laisser prendre à l’indignation devant le mal commis par les impies. Mieux vaut demeurer paisiblement sur la terre donnée aux siens en possession par YHWH. Nous ne pouvons pas souscrire à la proposition de Girard pour 1–9. Il y distingue 1, 2, 3 auxquels répondraient soit en chiasme, soit en parallèle, 4–5, 6, et 7–9. Mais si nous sommes d’accord pour distinguer 1 et 2, nous ne le sommes plus pour les unités suivantes, comme on l’aura vu ci-dessus. Il convient en particulier de bien distinguer les quatre unités présentes en 7–9. A 1 c’est proprement 7c–8 qui répondent comme la deuxième invitation tournée du côté des impies. Il ne convient d’y souder ni 7ab, ni 9a, ni 9bc, soit une invitation vers YHWH, le motif pour 7c–8, et un ultime motif tourné vers YHWH. A la décharge de Girard rappelons cependant que 7–9 constituent bien un petit ensemble (deux invitations et deux motivations agencées en chiasme 10). On ne peut voir des symétries concentriques (aba’) en 1–3 et 4–9 (Girard pp. 630–631) qu’en n’y regardant pas de trop près pour ce qui est des contenus de 1 et 3 (autour de 2), ou en soudant malencontreusement plusieurs unités tant en 4–5 (où 4a se rattache à ce qui précède et la fin de 5 à ce qui suit 11) et en 7–9. Il est juste

9

10

11

Elles sont disposées à l’inverse pour les deux invitations au sujet des impies (aux extrêmes) et les deux premières au sujet de YHWH (aux centres), avec cette nuance qu’ici YHWH se lit deux fois dans la première. Mais lui y voit une symétrie concentrique autour de 8a, se répondant 7ab et 9, puis 7cd et 8b. C’est là méconnaître la complexité de 9 (où se distinguent 9a et 9bc, 9bc seulement correspondant à 7ab), méconnaître au centre de 7c–8 la distinction entre 8aa et 8ab, et échapper à la correspondance entre 7c–8 et 9a. Girard n’est pas plus heureux quand il propose de voir en 7–8 une symétrie concentrique simple autour de 8a, là cependant à deux doigts de percevoir celle qui existe bel et bien en 7c–8. D’ailleurs (p.631) Girard voit en 4–5 un parallèle où 4a appelle 5aba et 4bc

138

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

que les deux comparaisons s’appellent de 3 (nous dirions plutôt 3–4a) à 6 (nous dirions plutôt 5bb –6), mais comme faire et bien/mal de 3–4a à 7c–8. Enfin de 3 à 4–5, la correspondance est plus précisément entre 3–4a et 5aba, la motivation de 4bc faisant suite à 3–4a comme celle de 5bb –6 à 5aba. On ne peut sans dommage escamoter l’autonomie des petites unités et leurs contenus propres. Il nous semble que notre proposition évite cet écueil et tient compte au mieux et des indices structurels et des contenus sur lesquels ils attirent notre attention de lecteur. * * * L’ensemble suivant se lit pour nous en 10–20. Nous l’étudierons de la même manière que le précédent. Le parallèle en 10 se perçoit à partir des finales, littéralement: et plus de méchant… et plus de lui, avant lesquelles le début de 10a laisse s’écouler pour ainsi dire un temps bref tandis que le début de 10b nous précipite sur le constat de sa disparition. En 11 le schéma a.b.c // b’.C’ se perçoit sans peine, puis en 12 a.b.c // a’.b’.a" 12. En 13 la « traduction littérale à outrance » que nous propose Girard (il emploie l’expression dans ses notes de traduction) suggère de donner au deuxième ky un sens différent de celui du premier et de comprendre ky yb’ comme une incise dont ky aurait comme fonction de souligner le contenu, ce qui donnerait: car il a vu – oui il viendra! – son jour. Bien que 13, 14, et 15 traitent de deux thèmes différents, le crime et son châtiment, leur ensemble présente une certaine structure que nous ferons percevoir en présentant le texte comme ceci: 13a 13b 14a 14b 14c 14d 15a 15b

12

Le Seigneur rit de lui, car il a vu, car il viendra°, son jour. L(a gaine de l)’épée, ils (l’)ont ouverte, les méchants, et ils ont acheminé°* leur arc pour faire tomber l’humilié et le pauvre, pour égorger les (hommes) droits (quant au) chemin°*. Leur épée viendra° dans leur cœur*, et leurs arcs seront brisés.

ensuite 5bb. Rien de plus juste. Il aurait suffi de constater que 4a fait suite à 3ab tandis que 5bb amorce 6ab. Girard (p.635) voit en 10–12 le modèle concentrique, proposition défendable à ce point du texte, mais, comme nous le verrons bientôt, dans l’ensemble 10–22 il se trouve que 12 correspond plus étroitement à 14, s’agissant ici et là du comportement hostile du méchant vis-à-vis du juste ou de l’humilié.

Etude structurelle du psaume 37

139

Nous voyons ici un chiasme simple où se répondent aux extrêmes 13 et 15 (annonces du châtiment) et aux centres 14ab et 14cd. On lit viendra en 13 et 15 et acheminé ou chemin en 14ab et 14cd, ces deux termes constituant une paire stéréotypée 13. Mais, ne respectant pas exactement cette répartition, nous lisons après viendra d’une part épée (en 14a) et de l’autre arc (en 15b), et après (a)chemin(é) d’une part arc et de l’autre épée 14, l’ordre des deux armes étant finalement le même de 14a à 14b comme de 15a à 15b. La répartition en chiasme pour venir/chemin et en parallèle pour épée/arc se joue sur 13b + 14, puis sur 14d + 15, le déboîtement de cet agencement sur celui des thèmes étant du plus heureux effet. On pourrait dire qu’il se joue en 14ab en mordant sur 13 et en 15 en mordant sur 14cd. Nous avons ici un bel exemple de l’attention conjointe qu’il faut porter aux indices formels de structures (ici les récurrences) et aux contenus. En 14cd nous lisons, exprimée sous deux modes voisins, l’intention des méchants, à chaque fois introduite par pour. En 14ab comme en 15 nous lisons donc les mentions successives de épée et arc, ici dirigés contre les fidèles, là retournés contre les méchants eux-mêmes. En 14(c)d chemin prépare la mention de cœur en 15a, s’il est vrai que cœur/chemin constituent une paire stéréotypée (voir ci-dessus notre n.7). Les méchants ne connaissent comme chemin que celui de leur arc, les hommes droits celui qu’ils ont appris de YHWH. L’épée des méchants se retournera contre leur cœur, ce cœur qui n’a pas su trouver le bon chemin 15. A s’en tenir au TM, comme le fait Girard, le parallélisme est parfait en 16: bien + un peu + pour le juste // plus que + une fortune + de méchants abondants. Ce qui est ainsi suggéré c’est que le peu que posséderait un juste vaut encore mieux que la fortune qu’on pourrait trouver chez de nombreux méchants. La raison en est donnée en 17a 16. En 17b –19 nous lisons:

13 14 15

16

Soit bw’/drk selon Avishur pp. 444.458.460– 461. h.rb/qsˇ t constituent aussi une paire stéréotypée selon Avishur p.258. Girard (pp. 635–636) écrit que 14–15 « constituent une unité fort consistante qui déborde même sur la fin du v.13 », puis il s’appuie les quatre récurrences en question, décrivant leur séquence comme WXYZ… YXWZ, mais, faute de prendre pleinement en compte 13, sans percevoir le chiasme commandant l’ensemble de 13–15. Girard (p.635) verrait volontiers par ailleurs une symétrie concentrique en 10–12 / 13 / 14–15, mais si 13 constitue bien une unité homogène (jour du châtiment pour le méchant), il n’en va pas de même pour 10–12 et 14–15, comme nous l’avons montré ci-dessus. En fait, de 10–12 à 14–15, 11 n’a pas de correspondant. Girard (p.636) voit un chiasme en 16–17, 16a appelant 17b, 16b pour sa part 17a. Rendus à ce point la proposition est parfaitement défendable, mais il va bientôt apparaître que 17b est à lire avec 18–19. On en dira autant de 18–19 que Girard (ibid.) voit inclus entre les deux mentions de jour(s).

140

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

17b 18a 18b 19a 19b

Et (il) sout(ient) les justes°, YHWH. (Il) connaît, YHWH, les jours* des parfaits°: leur héritage pour toujours sera. Ils n’auront pas honte au temps* du mal(heur)+; aux jours* de famine ils se rassasieront.

En 17b18a le schéma a.b.c /a’.c.B est évident, fondé entre autres sur la récurrence de YHWH (c) et l’appartenance de justes et parfaits (b et B) à une même paire stéréotypée 17. En 19 nous repérons un chiasme dont chacun des termes centraux est introduit par un des termes de la paire stéréotypée jour/temps 18. De 18a à 19b se répondent les jours, et le centre 18b comporte lui aussi une indication de temps avec pour toujours. Si l’héritage se maintient vraiment pour toujours, cela signifie que malheur et famine n’y porteront pas atteinte, et cela grâce à la garantie de l’action divine. La structure de 20 peut se présenter comme ceci: 20a Car les méchants* périront; 20b les ennemis* de YHWH, 20c comme le précieux (herbage vert) des prés, 20d se sont achevés en fumée, se sont achevés.

Le verbe est entouré en 20ab par deux désignations des méchants qui constituent une paire stéréotypée 19, tandis qu’en 20d le même verbe entoure un complément, lequel complément est une image qui prend le relais de celle de 20c: l’herbage est parti en fumée. Nous pouvons maintenant tenter de saisir la structure d’ensemble de 10–20 20. En 10, 13, 15, 17a et 20 nous retrouvons le thème, déjà rencontré en 1–9 (dans les motivations données pour ne pas s’attarder à la colère contre eux), du châtiment des impies. En 11 et 17b–19 nous retrouvons aussi un thème donné en 2–9 comme fondant l’invitation à se tourner vers YHWH, soit le bonheur que ce dernier lui assure. En 12, 14 et 16 nous découvrons trois unités dénonçant le comportement des impies. Nous pouvons alors, en donnant un même alinéa aux unités se correspondant, écrire 10–20 comme ceci, en faisant ressortir les récurrences et autres indices fondant cette proposition:

17 18 19 20

s.dq/tmm selon Avishur p.765, à l’index. ywm/c t selon Avishur p.535. ’yb/rsˇ c selon Avishur pp. 19–20. Nous reprenons et ajustons ici notre proposition de 1990, en particulier en repérant comme centres de l’ensemble 12–13 et 14–15, et en découvrant le parallèle entre 16–17a et 17b–20.

Etude structurelle du psaume 37

141

10a Encore un PEU, et plus (w’yn) de méchant; 10b tu discernes°° son lieu (de séjour): il n(’y en a) plus (w’ynnw). 11a Et les humiliés posséderont la terre*; 11b ils se délecteront d’une ABONDANCE de paix. 12a 12b 13a 13b 14a 14b 14c 14d 15a 15b

(Il) complot(e), le méchant, contre le juste°, grinçant contre lui (de) ses dents. Le Seigneur rit de lui, c a r il a vu**, car il VIENDRA, son jour. L(a gaine de l)’épée, ils (l’)ont ouverte, les méchants°, et ils ont acheminé leur arc pour faire tomber l’humilié et le pauvre, pour égorger les (hommes) droits (quant au) chemin++. Leur épée VIENDRA dans leur cœur++, et leurs arcs SERONT BRISÉS.

16a 16b 17a 17b 18a 18b 19a 19b 20a 20b 20c 20d

(C’est) bien+, un PEU pour le juste°, plus qu’une fortune de méchants ABONDANTS. C a r les bras des méchants SERONT BRISÉS. Et (il) sout(ient) les justes°, YHWH. (Il) connaît°°**, YHWH, les jours des parfaits°^ : leur héritage* pour toujours sera. Ils n’auront pas honte au temps du mal(heur)+; aux jours de famine ils se rassasieront. C a r les méchants périront; les ennemis de YHWH, comme le précieux (herbage vert) des prés, se sont achevés^ en fumée, se sont achevés^.

Aux extrêmes nous voyons se correspondre selon un ordre inverse 10 + 11 et 17b–19 + 20. De 10 à 20 on constate la récurrence de méchants, tandis qu’en 11 et 17b–19 sont répartis les termes de la paire stéréotypée terre/héritage 21. On notera comment en 17b–20 YHWH, nommé ici et là, est explicitement donné comme auteur tant du bonheur des justes que du malheur des méchants. Tant en 10 + 11 qu’en 17b–19 + 20 nous rencontrons une opposition. En 10–11 elles nous est indiquée par la répartition en 10a et 11b des termes de la paire stéréotypée abondant/peu 22 il y aura peu à attendre pour constater la disparition du méchant, mais les humiliés se délecteront d’une abondance de paix. En 18a et 20d sont répartis

21 22

’rs. /nh.lh selon Avishur pp. 199 et 278. rb/mc.t selon Avishur pp. 122 et 215.

142

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

les termes de la paire stéréotypée achevé/parfait 23: YHWH soutiendra toujours ceux qui sont parfaits, mais les méchants connaîtront une autre sorte d’achèvement! Mais il y a aussi une inversion entre de nouveau 10–11 et cette fois 16a + 16b–17a. Nous retrouvons ici la paire stéréotypée abondant/peu: le premier se lit en 11 à propos des humiliés, mais en 16b à propos des méchants (les uns et les autres au pluriel), tandis que le second se lit en 10 à propos du méchant, mais en 16a à propos du juste (l’un et l’autre au singulier), tant et si bien que nous avons ici une symétrie parallèle pour ce qui est des récurrences relevées (et de l’emploi successif du singulier et du pluriel pour ce qui concerne les personnes visées), mais en chiasme pour ce qui est des personnes visées (méchant/humiliés, juste/méchant). Notons ici que juste/humilié constituent une paire stéréotypée 24. Ainsi 10–11 reçoivent un double écho, d’abord en 16a + 16b–17a, puis en 17b–19 + 20. Dans le volet 16–20 on peut repérer un certain parallélisme entre 16a + 16b–17a et 17b–19 + 20. On lit en effet en 16a et 19a ces antonymes bien et mal(heur) qui constituent une paire stéréotypée (voir ci-dessus notre n.8), puis en 17a et 20a méchants: il y a du bien authentique pour les justes, et ils n’ont pas à redouter le malheur, mais les méchants, leurs bras seront brisés et ils périront. Au centre de l’ensemble nous lisons 12–15. Nous avons étudié ci-dessus le petit ensemble savamment structuré de 13–15. Ici il nous faut considérer 12–15. 12 traite des méfaits du méchant contre le juste, alors que 14 traite des méfaits des méchants contre l’humilié. Nous avons relevé ci-dessus que juste et humilié constituent une paire stéréotypée. Nous savons déjà comment 13 et 15 se correspondent. Nous pouvons donc avancer que 12–15 sont bâtis selon un parallèle où 12 appelle 14 comme 13 appelle 15. Sur l’ensemble 10-20 il est question du sort du méchant en 10, 13, 15, 16b–17a et 20. Le passif de briser se lit en 15 comme en (16b–)17a, et on voit aussi répartis ici et là cœur et bras, termes d’une paire stéréotypée 25. En 15 et (16b–)17a on voit ici le cœur des méchants pénétré par une épée et leurs arcs brisés, là leur bras brisés. On lit car en 13b et 20a, ainsi qu’en 17a. En 13 il est précédé par Le Seigneur , en 20 suivi par YHWH. En 17b–19 et 10 sont répartis les termes de la paire stéréotypée connaître/ discerner 26: tu discernes qu’il n’est plus, alors que YHWH connaît les jours (à venir) des parfaits. Une autre paire stéréotypée, de sens assez voisin, accompagne encore l’opposition entre les sorts respectifs du juste et du méchant : on lit en effet en 17b–19 et 13, non seulement la récurrence de jour, mais aussi les termes de la paire stéréotypée connaître/voir 27: Le Seig23 24 25 26 27

klh/tmm selon Avishur p.761, à l’index. s.dq/cnwh selon Avishur pp. 57.141.176. lb/zrw c selon Avishur p.378. ydc/byn selon Avishur p.759, à l’index. ydc/r’h selon Avishur pp. 259.261.293.294.

Etude structurelle du psaume 37

143

neur a vu venir le jour du méchant, mais YHWH connaît les jours des parfaits. Il y a donc ici trois indices de correspondance: la récurrence de jour, les correspondances entre Seigneur et YHWH, entre voir et connaître. Dans le chiasme d’ensemble (AB"B’A’A") que nous avons repéré en 10–20 cette opposition se joue entre le premier centre (B" = 12–13) et le second panneau du quatrième terme (17b–20), articulant ainsi plus étroitement le premier centre au dernier terme extrême de notre chiasme, lequel pourrait donc se symboliser au mieux par: A (10–11) / B" (12–13) / B’ (14–15) / A’ (16–17a) + A" (17b–20). Adversaires l’un pour l’autre, juste ou humilié et méchant apparaissent en conflit (du fait des méchants) en 12 et en 14; mais il est encore question d’eux, cette fois séparément, pour ce qui est de leur sort respectif en 10 (méchant) + 11 (humiliés), puis en 16a (juste) + 16b–17a (méchants), et enfin en 17b–19 (justes/parfaits) + 20 (méchants). Il est remarquable qu’en 12–15, dans le volet central, les méchants ne sont pas désignés comme tels en 13 et 15 qui pourtant traitent bel et bien de leur sort. Ils n’y sont rappelés que par des pronoms (deux en 13, trois en 15). Ils sont, pourrait-on dire, déjà un peu disparus du texte comme le sort qui les attend les fera disparaître de la réalité. Girard (p.632) croit percevoir un ensemble structuré en 10–22. Selon lui, dans un large chiasme, 10–12 appelleraient 20–22, puis 13 pour leur part 18–19, et 14–15 enfin 16–17. Mais pour faire jouer la correspondance, en effet manifeste, entre 9 et 22, Girard (p.625) reprend ici 9. Mais, nous le verrons, cela ne s’impose nullement, et cette correspondance a une autre fonction au niveau de la structure d’ensemble du poème 28. Par ailleurs 10–12 contiennent successivement trois thèmes, soit: sanction pour le méchant (10) + sanction pour le juste (11) + comportement du méchant (12), alors que 20–22 en contiennent quatre, dont un (aux extrêmes) par deux fois: sanction pour le méchant (20) + comportement du méchant (21a) + comportement du juste (21b) + sanction pour le juste (22a) + sanction pour le méchant (22b), unités dont l’ordonnance d’ici à là pose pour le moins problème. La correspondance entre 13 et 18–19 peut se défendre, mais puisqu’elle repose sur une opposition, il serait souhaitable que les autres rapports proposés reposent aussi sur des oppositions. Par ailleurs il convient de joindre 17b à 18–19. Si l’on fait jouer en 14 + 15 l’enchaînement entre comportement des méchants et sanction, il convenait d’en faire autant pour 12 + 13. En 16–17 il faut distinguer 16a, 16b–17a et 17b, tandis qu’en 14–15 on ne compte qu’une unité par verset. Certes l’analyse structurelle n’a pas forcément à tenir compte de ces distinctions de type

28

Et, à notre avis, Girard était plus avisé, dans sa première étude de ce psaume, de faire commencer la seconde partie à 10.

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Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

plutôt morphocritique, mais puisqu’ici nous avons vu que, accompagnées d’un jeu d’indices structurels, elles permettent de reconnaître la structure de l’ensemble, il n’y a pas lieu d’en faire fi. Au contraire la convergence entre contenus et indices ne donnent que plus de poids à la proposition ci-dessus. En tout cas on ne peut conclure ici non plus que notre analyse « recoupe passablement » celle de Girard. Elle en est en fait bien différente. * * * A partir de 21 les différents ensembles se chevauchent de différentes façons. Les unités sont désormais de quatre types. Soit, selon le premier type, elles exhortent à un comportement orienté vers YHWH comme nous en avons déjà rencontrées en 1–20 (en 3–4a, 5aba, 7), soit ici simplement elles le décrivent. Le second type montre les effets d’une telle docilité (comme en 4bc, 6ab et 11, 16, 17b–19) Dans le troisième type nous retrouvons la description du comportement du méchant (comme en 12, 14, 16), et dans le quatrième nous retrouvons les effets d’un tel comportement (comme en 2, 9a et 10, 13, 15, 17a, 20). Le premier ensemble que nous aurons à étudier se lit en 21–28. En 21 et 22 s’opposent par deux fois méchants et justes, 21 opposant leurs comportements, puis 22, en ordre inverse, la sanction qu’elles reçoivent: 21a 21b 22a 22b

Obtenant-un-prêt, le méchant*, il ne paye pas (son dû), et le juste* (a) pitié et donn(e)°. Car ses BÉNIS°+ POSSÉDERONT LA TERRE; et ses maudits+ seront coupés.

Deux paires stéréotypées accompagnent ces oppositions, soit juste/ méchant 29 et maudire/bénir 30. En 21b et 22a sont répartis les termes de la paire stéréotypée bénir/donner 31: celui qui sait donner sera en retour béni32. On peut ensuite découvrir en 23–25 un petit ensemble traitant des bienfaits accordés au juste par YHWH et structuré comme ceci:

29

30 31 32

s.dq/rsˇ c selon Avishur p.765, à l’index. Il existe aussi une paire lwh/h.nn (Avishur pp. 263 et 294: on la retrouvera ci-dessous en 26a): s’il a obtenu un prêt, c’est que le méchant a suscité la pitié de son créancier, le juste est celui qui a pitié et qui non seulement prête, mais donne. D’ailleurs h.nn/ntn constituent eux aussi une paire stéréotypée (Avishur pp. 423– 424). ’rr/brk selon Avishur pp. 231.313.322. brk/ntn selon Avishur pp. 446 et 461. Girard, qui voit 20–22 comme dernier terme d’une symétrie couvrant 9–22, puis 21–26 comme premier terme d’une symétrie couvrant 21–38, ne propose pour 21–26 (p.641) qu’une inclusion de 21–22 à 26 à partir des récurrences de

145

Etude structurelle du psaume 37

23a

24a 24b 25a 25b 25c

De (par) YHWH, les pas du brave 23b ont été fixés : (à) son chemin il se plaît. C a r (s’)il tombe, il n’est pas terrassé, c a r YHWH sout(ient) sa main. Jeune* j’ai été, même j’ai vieilli*, et je n’ai pas vu le juste abandonné et (le fruit de) sa semence (humaine) cherchant de la nourriture.

Dans la première colonne nous lisons ce qui arrive d’heureux au brave. En tenant compte de la récurrence de YHWH et de la parenté entre pas, chemin et main on peut y repérer le simple agencement suivant: 23

De par YHWH les pas du brave à son chemin .... 24b car YHWH soutient

ont été fixés il se plaît ..... sa main

(A / B. c) (b".c") (A / c’. b’)

On voit que les trois verbes indiquent un rapport positif entre YHWH et le brave. Si, comme il est possible, on entend la ligne centrale du brave se plaisant au chemin de YHWH, l’originalité de cette affirmation n’en ressort que mieux. Dans la seconde colonne en 23–25 (selon notre tableau) nous lisons ceci (nous en venons bientôt à 25a): 24a Car s’il tombe il n’est pas terrassé, (a.b) [25a] .......... 25b et je n’ai pas vu le juste abandonné (b’.c) 25c et sa semence cherchant de la nourriture (C)

prêt, pitié, et bénir (dont nous verrons plus loin les fonctions structurelles en 21–28). En 20–22 il croit voir (p.635) une symétrie concentrique. Si nous avons bien compris, outre une inclusion allant de 20a à 21, l’ordonnance concentrique se prendrait à partir des méchants dont le comportement (21a, en opposition à 21b) les mène à un règne éphémère (selon 20 et 22b, ce dernier opposé à 22a). Mais le chiasme limpide de 21–22 dissuade d’y rattacher 20 pour proposer une symétrie peu convaincante en 20–22.

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Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

La situation de départ (il tombe) vaut pour les trois lignes de 24a et 25. Dans les deux premières lignes son évocation est suivie d’une négation portant sur un verbe. Le deuxième verbe a deux compléments, lesquels se lisent au terme des deux dernières lignes, le dernier complément étant plus développé que le précédent. La structure peut donc être symbolisée par a.b / b’.c / C. Pour ce qui regarde la structure de 23–25, on la verra surtout en parallèle quant aux contenus (23 + 24a // 24b + 25), mais aussi en chiasme pour ce qui est des proportions). On relèvera YHWH en 23a comme en 24b, la négation en 24a comme en 25, et enfin le car introductif pour les deux termes centraux du chiasme. La deuxième partie du second volet est introduite par 25a qui donne du poids au constat qui suit. Vieux/jeune est une paire stéréotypée 33. En 26a et b nous lisons en bref un enchaînement entre le comportement du juste et sa sanction. Et de même, en un peu plus développé en 27 + 28abc, lesquels sont construits de la même manière, avec deux propositions parallèles conclues par une troisième, comme le montrera le tableau suivant: 27a Détourne-toi du mal* et fais le bien* 27b Et demeure pour toujours

Car YHWH aime le jugement° 28a et n’abandonne pas ses loyaux° 28b Pour toujours ils ont été gardés 28c

Deux paires stéréotypées confirment le parallèle en 27a et 28ab, soit bien/mal 34 et loyauté/jugement 35. On note aussi la récurrence de pour toujours de 27b à 28c. En 28d une proposition lapidaire exprime la sanction du comportement des méchants 36. A considérer ensemble 26b–28 on

33

34 35 36

zqn/ncr selon Avishur p.117. Existe aussi la paire ncr/zqn d’après Avishur p.93. Les antonymes de bénir/maudire de 22 se trouvent peut-être aux centres d’un chiasme. Si l’on considère en effet l’ensemble 21b–25 on pourrait peut-être y voir un chiasme: nous aurions comme centres bénir/maudire (paire stéréotypée) en 22a et 22b, et quant à 21b et 23–25, où on lit ici et là le juste, ils traitent respectivement du comportement du juste et de sa sanction (comme déjà, en bref, en 22a). c .twb/r selon Avishur pp. 93.122.281. h.sd/msˇpt. selon Avishur p.282. En 27–29 Girard (p.641) voit une symétrie concentrique où se correspondraient 27 et 28c–29 autour de 28ab. Mais c’est négliger le caractère propre de 28d (sanction du comportement du méchant) qui n’a pas de correspondant en 27, et confondre le comportement du juste (27) et sa sanction (28c et 29). Ces derniers ne sont certes pas sans rapport (nous en usons dans notre proposition de la n.33 ci-dessus), mais une structure tenant compte de leur différence devra évidemment être préférée.

Etude structurelle du psaume 37

147

pourra y percevoir un certain chiasme. On lit en effet pour toujours en 27 et 28abc, aux centres, et semence en 26b comme en 28d, soit bénie pour ce qui est celle du juste, soit coupée pour ce qui est celle du méchant. Comparons maintenant 21–25 et 26–28, et ce à partir de la synopse suivante, où nous ne relèverons cette fois que les indices utiles à cette comparaison:

Comportement du juste: 21b : a pitié* Sanction du comportement du juste: 22a : [ses bénis°]

Sanction du comportement du juste: 26b : [semence (bénédiction)] Comportement du juste (appel): 27: fais le bien*

Sanction du comportement du juste 28abc : car YHWH n’abandonne pas ses loyaux°… ▼

Sanction du comportement du méchant: 22b: [ses maudits°]

Comportement du juste : 26a : il prête



Comportement du méchant: 21a: obtenant un prêt

Sanction du comportement du juste: 23–25 : car YHWH… n’… pas… le juste° abandonné… [semence]

Sanction du comportement du méchant 28d : [semence (coupée)]

Nous lisons donc prêt dans les premières unités et semence dans les dernières, le premières s’opposant dans la présentation du comportement du méchant (à qui il est prêté) et du juste (qui prête), les dernières dans la présentation de la sanction du comportement du juste (semence nourrie) et du méchant (semence coupée). Au passage d’un volet à l’autre ces deux occurrences (semence en 25, et prête en 26a) se trouvent encadrées en 22b et 26b par les antonymes maudire (maudits) et bénir (bénédiction). Mais de 21b–25 à 26b–28 les deux chiasmes se répondent. C’est aux centres de 21b–25 que s’opposent bénis et maudits, aux extrêmes de 26b–28 que s’opposent les sorts respectifs de la semence du juste et du méchant. Dans ces quatre termes il s’agit toujours de la sanction du comportement. Mais inversement il y a correspondance des extrêmes de 21b–25 aux centres de 26b–28. On lit en effet dans les deux présentations du comportement du juste en 21b et 27 les termes de la paire stéréotypée pitié/bien (bonté) 37. Et dans les deux présentations de la sanction du comportement du juste en 23–25 et 28abc les récurrences ou synonymes sont nombreux. On y lit en effet:

37

h.n/t.wb selon Avishur pp. 253 et 281.

148

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

23 24

25

YHWH car car YHWH nég. juste*° abandonné

car YHWH jugement* nég. abandonne loyaux°

28a

28b

Ici et là se trouvent répartis les termes des paires stéréotypées jugement/ just(ic)e 38 et loyaux/justes 39. On rapprochera en particulier car YHWH en 24 et 28a et les trois termes relevés en 25 et 28b, ici et là liés par la syntaxe de la proposition où ils s’inscrivent. On voit donc que 21–28 constituent un ensemble structurellement bien repérable 40. Aux remarques ci-dessus nous pouvons d’ailleurs ajouter un certain parallèle cette fois entre 21b–25 (après 21a) et 26–28c (avant 28d), comme ceci: 21a: 21b: 22a: 22b: 23–25:

38 39 40

… le méchant… a pitié bénis [seront coupés] pas… juste abandonné

a pitié bénédiction [demeure pour toujours] n’abandonne… loyaux … des méchants…

:26a :26b :27 :28abc :28d

sˇpt./s.dq selon Avishur p.768, à l’index. h.sd/s.dq selon Avishur pp. 237 et 282. De plus h.sd/msˇpt., comme nous l’avons vu (ci-dessus n.35) constituent une paire stéréotypée. Le rapport entre les unités extrêmes du chiasme de 21b–25 (voir notre n.33) et les unités centrales de celui de 26b–28 pourrait encore être fondé par les rapports (inversés d’ici à là) entre 21b et 28abc comme entre 23–25 et 27. On lit en effet en 21b et 28b les termes de la paire stéréotypée h.sd/h.n (Avishur p.758, à l’index): c’est montrer son appartenance aux loyaux de YHWH que de savoir avoir pitié. En 24b il est question de la main du fidèle (soutenue par YHWH) et en 27a il est invité à faire le bien. Sur ce rapport entre faire et main(s) voir P. Auffret, « Note on the Literary Structure of Psalm 134 », JSOT 45 (1989) 87–89, p.88, où nous citons Pss. 19,2; 28,5; 92,5; 102,26; 111,7; 138,8; 143,5 (Voir aussi P. Auffret, Là montent les tribus – Etude structurelle de la collection des Psaumes des Montées, d’Ex 15, 1–18 et des rapports entre eux, BZAW 289, Berlin/New York 1999, pp. 119–120). On sait que l’œuvre de ses mains est une expression fréquente en Is où elle désigne le plus souvent le peuple élu (par exemple en 5,12; 29,23; 60,21; 64,7;), l’œuvre de leurs mains visant les idoles (par exemple en 2,8; 37,19; 17,8). Nous avons donc ici la séparation des termes d’une expression stéréotypée. La main soutenue par YHWH, le fidèle saura faire le bien, comme il y est invité.

Etude structurelle du psaume 37

149

Seul le rapport (d’opposition) entre 22b et 27 est thématique et plus fragile. Mais pour les trois autres du parallèle il se joue entre unités du même type: comportement du juste en 21b et 26a, sanction de ce comportement en 22a et 26b, et de nouveau en 23–25 et 28abc (dont nous avons montré plus en détail ci-dessus le rapport). De 21a à 28d, aux extrêmes de l’ensemble nous passons du comportement du méchant à sa sanction. Poursuivons le repérage des unités cette fois jusqu’à 32. Le parallélisme de 29 respecte un schéma a.b.C // B.c. En 30–31 nous voyons d’abord un parallélisme limpide en 30, confirmé par la répartition des termes de deux paires stéréotypées, soit bouche/langue 41 et, répartis sur deux termes différents du parallélisme, jugement/just(ic)e, déjà rencontré ci-dessus (voir notre n.38). De 30b à 31a on repère sans peine un chiasme, dont deux des termes constituent une paire stéréotypée, soit cœur/langue 42. On peut aussi avancer un rapport en chiasme entre 30a et 31a, fonctionnant ici la paire stéréotypée bouche/cœur 43, tant et si bien que l’ensemble 30–31a pourrait s’écrire: 30a

La bouche* du juste

30b 31a

sa langue°

murmure la sagesse parle du jugement L’enseignement de son Dieu (est)

dans son cœur*° Puis 31b conclut sur l’effet de la docilité ainsi triplement exprimée. Pour sa part 32, au sujet du comportement du méchant hostile au juste, ne présente pas de structure bien nette. Rendus à ce point commençons par découvrir la structure des seuls versets 26b–32 selon un agencement qu’on pourrait appeler de parallélisme emboîté 44. Nous y lisons en effet les indices ainsi disposés: 26b 27 28abc 28d 29 30–31 32

41 42 43 44



… sa semence… … demeure pour toujours … le jugement… … des méchants… /



… la semence… … demeureront à jamais… … du jugement… … le méchant…

ph/lsˇ wn selon Avishur p.765, à l’index. lb/lsˇwn selon Avishur p.279. ph/lb selon Avishur p.765, à l’index. Nous reprenons ici et ajustons notre proposition de 1990 pour 26b–32.

150

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

Sont communes aux ensembles 21–28 et 26b–32 les quatre unités 26b, 27, 28abc et 28d. Or ces quatre unités répartissent en chiasme les récurrences de semence aux extrêmes (26b et 28d) et de pour toujours aux centres (en 27[a]b et en 28[ab]c. Tandis que s’opposent 26b et 28d aux extrêmes, 27 et 28abc articulent le comportement demandé au fidèle et ce qu’ils peut en attendre en retour de YHWH. Les deux ensembles structurés de 21–28 et 26b–32 ont donc en commun 26b–28. Or ces derniers respectent eux-mêmes entre eux un certain chiasme. On voit en effet s’opposer les deux semences de 26b et 28d. Quant à 27 et 28abc, ils font valoir chacun la pérennité (pour toujours) soit de la demeure du fidèle, soit de la garde dont bénéficient les loyaux. Mais nous devons maintenant considérer un ensemble structuré plus large, aboutissant lui aussi à 32, soit celui que constituent à notre avis 21–32 45. Il s’agit d’une ample symétrie concentrique autour de 26b. Nous connaissons déjà les rapports entre 26a et 27 (pitié et bien) et entre 23–25 et 28abc. De 22b à 28d la récurrence de couper suffit à indiquer le rapport entre ces deux brèves mentions de la sanction réservée aux méchants. De 22a à 29 revient, avec des sujets proches, l’expression posséderont la terre, ici pour annoncer la récompense pour les justes. Enfin de 21b à 30–31, dans deux présentations du comportement du juste, nous trouvons ce dernier donné comme tel. Aux extrêmes, dans deux présentations du comportement du méchant, nous le voyons désigné comme tel, qu’il ne rende pas ce qu’il doit ou qu’il aille jusqu’à chercher la mort du juste. Les deux mots constituant le centre 26b se lisent pour le premier (semence) dans la troisième unité du dernier volet (soit 28d), selon une opposition, et pour le second (bénédiction) trouve son antonyme (maudits) dans l’unité symétrique, soit dans la quatrième unité du premier volet (soit en 22b). Ainsi cette affirmation centrale est-elle posée en opposition aux deux termes situés symétriquement dans l’ensemble. Nous pouvons alors écrire comme suit l’ensemble 21–32:

45

Nous reprenons ici et améliorons nettement (pour 23–28) notre proposition de 1990 pour ce même ensemble.

151

Etude structurelle du psaume 37

21a 21b 22a 22b 23a 23b 24a 24b 25a 25b 25c 26a

Obtenant-un-prêt, le méchant, il ne paye pas (son dû), et le juste (a) pitié et donn(e). Car ses bénis posséderont la terre; et ses MAUDITS seront coupés. De (par) YHWH, les pas du brave ont été fixés: (à) son chemin il se plaît. Car (s’)il tombe, il n’est pas terrassé, car YHWH sout(ient) sa main. Jeune j’ai été, même j’ai vieilli, et je n’ai pas vu le juste° abandonné et (le fruit de) sa semence (humaine) cherchant de la nourriture. Tout le jour, (il a) pitié* et (il) prêt(e).

26b

(Le fruit de) sa SEMENCE (humaine est voué) à la BÉNÉDICTION.

27a 27b 28a 28b 28c 28d 29

Détourne-toi du mal et fais le bien*. Et demeure pour toujours. Car YHWH aim(e) le jugement, et n’abandonne pas ses loyaux°. Pour toujours ils ont été gardés. Et (le fruit) la SEMENCE des méchants a été coupé. Les justes posséderont la terre et demeureront à jamais sur elle. 30–31 La bouche du juste murmure la sagesse sa langue parle du jugement; l’Enseignement de son Dieu (est) dans son cœur. Il ne vacille pas (dans) ses pas-de-marche. 32 Il surveille, le méchant, le juste, cherchant à le faire mourir.

En 33, sanction du comportement du juste, nous ne voyons pas de structure particulière. Mais on peut en découvrir une en 28–33à partir des indices suivants: 28a(bc) 28d 29 30–31 32 33

YHWH… le jugement = jugement des méchants méchants* les justes = justes* du juste (30a) jugement le méchant juste* YHWH… être jugé méchant*

cœur+ main+

A partir des récurrences de YHWH + juge(ment), méchant, juste on voit sur la gauche de notre tableau la disposition en chiasme des six unités: YHWH aime le jugement et y pourvoit en faveur des siens; si la semence

152

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

des méchants est coupée (28d), c’est en conséquence de leur comportement; mais si les justes possèdent la terre (29), c’est par suite de leur comportement (30–31). Mais on peut prétendre aussi qu’il existe un certain parallèle entre 28–29 et 30–33. Il nous faut ici recourir à la paire stéréotypée que constituent les antonymes juste et méchant 46. On voit alors après la mention du jugement sur lequel s’accordent YHWH (28abc) et le juste (30–31), se répondre le sort final des méchants (28d) et les épreuves présentes du juste (32), puis le bonheur final des justes (29) et l’inefficacité présente des méchants (33). Le second volet 30–33 comporte en ses extrêmes les termes de la paire stéréotypée cœur/main : le cœur du fidèle appliqué à l’enseignement de son Dieu étant bien évidemment opposé à la main du méchant cherchant à faire mourir le juste. Poursuivons maintenant jusqu’au terme notre repérage des petites unités pour découvrir les structures d’ensemble aboutissant au terme du poème. Nous ne voyons pas de structure particulière en 34 qui appelle le juste à un heureux comportement en 34ab, pour en indiquer ensuite la sanction en 34c. Mais avec 35–36 nous avons à faire à une unité plus conséquente pour exprimer ce qui attend le méchant. Peut-être, mais en nous situant, faute de mieux, à un plan purement thématique, pourrait-on proposer d’y voir la structure suivante: 35a 35b 36a 36b

J’ai vu le méchant terrible mis-à-nu comme une pousse-qui-lève (toute) verdissante: il a passé, et voici, il n(’est) plus; je l’ai cherché, et il n’a pas été trouvé.

Deux oppositions se perçoivent en 35 et en 36b, soit entre le terrible devenu comme un fragile surgeon, et entre la recherche et son échec. Entre ces deux oppositions nous lisons deux affirmations concises de sa disparition. Mais on ne peut pas prétendre ici plus qu’à une probabilité. Il n’y a pas de structure repérable en 37 sur ce qui advient à l’homme de paix. En 38 peutêtre peut-on percevoir la petite symétrie suivante : les transgresseurs (a) ont été détruits ensemble (B) / l’après (c) / des méchants (a’) a été coupé (b) 47.

46 47

s.dq/rsˇ c selon Avishur p.765, à l’index. Girard (pp. 642–643) propose de lire en parallèle 32–33 + 34abc + 34d et 35–36 + 37 + 38. Mais si 35–36 répondent bien à une unité, tel n’est pas le cas en 32–33 où de plus ni 32 (comportement du méchant), ni 33 (sanction du comportement du juste) n’appellent 35–36 (sanction du comportement du méchant). La correspondance entre 34abc et 37 est correcte (comportement

Etude structurelle du psaume 37

153

En 39–40b nous est une dernière fois dit ce qui advient des justes, et ce de la façon suivante 48: 39a 39b 40a 40b

Et le salut*+° des justes (…) leur place-forte" Il les aide*°, et les libère+°; il les libère+° et les sauve*+",

(…) de YHWH; au temps de l’adversité. YHWH, des méchants

Six expressions du salut, alignées dans notre colonne de gauche se voient suivies pour la première et la quatrième du nom de leur auteur, YHWH, pour la deuxième et la cinquième d’une expression du danger dont ont été sortis ses bénéficiaires. Les paires stéréotypées jouant dans la première colonne sont nombreuses, soit aide/salut 49, libérer/salut 50, place-forte/ salut 51, aider/libérer 52. On aura noté que salut et sauve incluent l’ensemble, le premier suivi de justes, le second précédé de méchants, deux termes (antonymes) dont nous savons qu’ils forment une paire stéréotypée (voir notre n.46 ci-dessus). Ainsi 39–40b sont-ils comme doublement inclus. En 40c enfin nous lisons une dernière évocation du comportement des justes 53. Relevons ici un chiasme en 37–40b. On lit en effet une mention de l’après tant en 37b qu’en 38, tandis qu’en 37a et 39(–40b) se trouvent répartis les termes des deux paires stéréotypées juste/parfait et juste/droit 54: s’il est invité à regarder le parfait et l’homme droit, c’est pour constater ce salut qu’est pour eux YHWH au temps de l’adversité: leur après s’oppose on ne peut plus radicalement à l’après des méchants. – Mais, aboutissant au terme du psaume, on peut encore percevoir un ensemble structuré un peu plus large en 34d–40, ici selon un parallélisme entre coupés/méchants (34d–36) + parfait/droit (37a) + car (37b) et méchants/coupé (38) + justes (39–40b) + car… (40c). Alors que 34d–36 et 38 présentent la sanction

48 49 50 51 52 53

54

du juste et sa sanction ici et là), ainsi que celle entre 34d et 38 (sanction du comportement du méchant ici et là). Nous corrigeons ici notre proposition de 1990 pour ces mêmes versets. c zr/ysˇ c selon Avishur pp. 71–72. plt./ysˇ c selon Avishur p.286. c wz/ysˇ c selon Avishur pp. 174.324.280. c zr/plt. selon Avishur pp. 8 et 397. Girard (p.644, n.27) verrait un parallèle entre 39a + 39b et 40ab + 40c, s’enchaînant thématiquement ici et là salut et protection. Mais si 39– 40b sont bien le fait de YHWH, 40c change de sujet et en vient à l’attitude des justes. s.dq/tmm et s.dq/ysˇr selon Avishur p.765, à l’index.

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Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

pour le méchant, 37a et 37b enchaînent l’invitation à regarder du côté de la perfection et de la sanction à en attendre, tandis que, à l’inverse, 39–40b et 40c enchaînent la sanction heureuse et l’attitude de confiance qui la motive 55. Notons que 34d–40 compte six unités, par rapport aux quatre de 37–40b, soit une de plus avant et une de plus après cet ensemble. Poursuivant notre remontée dans le texte, nous pouvons maintenant en venir à 28d–40 56. Tout s’ordonne ici en deux volets 28d–34b et 34d–40 autour de 34c, selon plusieurs agencements que fera voir le tableau suivant que nous nous appliquerons aussitôt à commenter:

 méchants/coupé  justes°+  dans (b)  cherchant méchant  [méchant]  Espère* ▼ garde



(juste) (juste)

34c ¤ 34d–36 méchant  cherché 37a  [parfait°/droit+] ▼ (re)garde 37b (après)  après* 38 méchants/coupé (après)  39–40b  justes 40c  en (b)



▼ ▼

28d 29 30–31 32 33 34ab

méchants/coupé justes°+ dans (b) méchant/juste méchant Espère* coupés/méchants parfait°/droit+ après* méchants justes/méchants en (b)

Immédiatement autour de 34c nous lisons en parallèle (accompagnés d’une flèche au trait discontinu) méchant + garder (sˇmr). Accompagnés sur notre tableau d’une accolade nous lisons des parallèles, disposés sur l’ensemble en ordre inversé, entre 28d–31 et 38–40 comme en 32–34b et 34d–37. Le deuxième terme du second (entre crochets dans notre tableau) joue sur l’opposition entre méchant et parfait ou droit et le troisième sur la paire stéréotypée que constituent après et espoir 57. Un mot crochet fonctionne entre les deux accolades ici et là, soit juste (en 30–31 comme en 32) et après en 37b comme en 38, les contextes s’inversant à chaque fois. 55

56 57

L’articulation entre 39– 40b et 40c est accompagnée par la répartition en 39b et 40c des termes de la paire stéréotypée cwz/h.sh (Avishur p.764, à l’index): cette place forte qu’est YHWH appelle à se réfugier en lui. A l’autre extrême de ce petit ensemble les deux premières unités comportent le verbe voir (35a et 37a), utilisé ici en des contextes opposés. Nous avons ici repris à nouveaux frais notre proposition de 1990 pour 34– 40. A partir d’ici nous reprenons de fond en comble nos propositions de 1990, quitte à en donner de nouvelles, plus ajustées aux données du texte. ’h.ryt/tqwh selon Avishur pp. 102.105.330.

Etude structurelle du psaume 37

155

Notons encore entre les accolades extrêmes la même succession de: châtiment pour les méchants (28d et 34d-36) + bienfaits pour les justes (29 et 39-40b) + attitude des justes (30–31 et 40c). Entre les accolades centrales, du même point de vue du type d’unités, il y a inversion d’ici à là entre centres et extrêmes: en 32–34b on lit au centre (33) le bienfait pour le juste, thème que nous retrouvons aux extrêmes de 34d–37, soit en 37b où il fait pendant à celui du châtiment pour le méchant en 34d–36; mais aux extrêmes de 32–34b nous voyons s’opposer l’attitude du méchant (32) et celle du juste (34ab), thème que nous retrouvons au centre (37a) de 34d– 37b pour le seul juste. Dans la colonne la plus à droite on verra d’abord un parallèle entre 28d–29 et 34d–37a, le deuxième terme s’appuyant sur les paires stéréotypées que forme juste tant avec parfait que avec droit 58, puis un chiasme (accompagné sur notre tableau de flèches au trait plein) entre 30–34b et 37b–40, dont la correspondance entre les termes centraux (espère et après) s’appuie sur la paire stéréotypée susdite. Le lecteur pourra facilement suivre les pistes ainsi indiquées par ces récurrences, en les situant simplement dans leurs différents contextes, soit de même sens, soit opposés. Il apparaît bien finalement que 28d– 40 constituent un ensemble structuré. Si nous considérons simultanément 21–32 et 28d–40 nous constatons qu’ils ont en commun, selon un chevauchement, 28d–32. Or ces derniers respectent un certain chiasme. On lit en effet méchant en 28d (au pluriel) et 32 (au singulier), soit du châtiment des méchants à une présentation de leurs méfaits, cela aux extrêmes de notre chiasme, mais juste en 29 (au pluriel) et 30–31 (au singulier), soit de la récompense promise aux justes à une présentation de leur justice. Nous avons plus haut repéré un ensemble structuré en 28–33, soit un ensemble couvrant six unités, une de plus avant et une de plus après celui de 28d–32 (qui comptent quatre unités). Formellement nous nous trouvons devant le même agencement que entre 37– 40b (quatre unités) et 34– 40 (six unités, dont une avant et une après 37– 40b), ensembles structurés étudiés ci-dessus. Mais, aboutissant au terme de notre psaume, nous pouvons encore découvrir un ensemble plus vaste, soit en 27– 40. La structure en est particulièrement complexe et ouvragée. On y distingue un vaste parallèle entre 27–29 + 30–33 et 34–38 + 38– 40 (avec chevauchement sur 38), tandis que les rapports deux à deux s’ordonnent en chiasme. Mais on repérera aussi un autre dispositif sur l’ensemble. Relevons les indices dans le tableau suivant:

58

s.dq/ysˇr et s.dq/tmm selon Avishur p.765, à l’index.

156

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre



bien* gardés coupé posséderont la terre



garde posséder la terre coupés (re)garde paix* coupé





27 28abc 28d 29 30–31 32 33 34ab 34c 34d–36 37a 37b 38 39–40b 40c

dans (b) juste méchant

méchants justes en (b)





bien° car méchants justes dans (b) cherchant

cherché droit° car méchants justes en (b)

On voit (dans la première colonne de notre tableau) l’inversion de 27 à 34c–37, compte tenu que bien et paix constituent une paire stéréotypée 59. En 34–38 les deux termes coupés et (re)garde se retrouvent pour le premier après la série que nous venons de dire, pour le second avant. Dans la deuxième colonne de notre tableau l’inversion est visible entre 30–33 et 38–40. On notera de 31 à 40c la préposition b avec ses compléments respectifs: le cœur du fidèle qui accueille l’Enseignement de son Dieu, ce dernier, désigné par un pronom, qui à son tour accueille qui vient se réfugier en lui. Nous ne pensons pas utile de commenter chaque correspondance. Le lecteur y pourvoira facilement en jetant un coup d’œil pour chacune sur les contextes. Dans la colonne de droite nous avons relevé les séries parallèles de 27–31 à 37–40, en tenant compte de ce que bien et droit constituent une paire stéréotypée 60. Après la première de ces deux listes et avant la seconde nous lisons en 32 et 34d–36 un emploi du verbe chercher, et enfin en 33–34c, ici uniquement du point de vue des contenus, deux présentations de l’avenir heureux pour le juste (en 33 et 34c) autour des invitations à la docilité à YHWH en 34ab. Sans vouloir ici commenter chacune des récurrences, on notera pour ce qui est de leurs contextes, qu’il est à chaque fois du même type, puisque se succèdent en 27–31 comme en 37–40: invitation au bien (27 et 37a) + l’avenir ainsi ouvert (28abc et 37b) + la fin du méchant (28d et 38) + de nouveau l’avenir pour le juste (29 et 39– 40b) + une dernière considération sur le comportement du juste (30–31 et 40c). Cet ensemble 27–40 est donc structurellement doublement

59 60

.twb/sˇlwm selon Avishur p.759, à l’index. .twb/ysˇ r selon Avishur p.281.

Etude structurelle du psaume 37

157

organisé, de telle sorte que chaque unité entretient des rapports avec plusieurs autres, ouvrant ainsi autant de chemins à la lecture. Si nous considérons simultanément 21–32 et 27–40 nous constatons qu’ils ont en commun, selon un chevauchement, 27–32. Or ces derniers présentent une certaine structure que nous présenterons d’abord dans le tableau suivant: 27 28abc 28d 29 30–31 32

mal*

justes juste juste

demeure pour toujours jugement… [pour toujours] méchants* demeureront à jamais jugement méchant*

Dans la colonne de droite on voit les indices d’un parallèle entre 27–28 et 29–32. Dans le deuxième volet les trois termes du parallèle comportent en outre tous trois juste. La paire stéréotypée mal/méchant 61 voit ses termes répartis en 27 et 32, constituant ainsi une inclusion de l’ensemble 62. Tentons de récapituler les ensembles structurés découverts en 21–40 à partir du tableau suivant (entre parenthèses le nombre d’unités): 21–28 (10) 21–32 (13)

26b–32 (7) 28d– 40 (13)

21–32 (13)

27– 40 (15)

Chevauchement en 26b–28 (4) Chevauchement en 28d–32 (4) [28–33 (6)] [37– 40b (4)] [34d– 40 (6)] Chevauchement en 27–32 (6)

A partir de 21 nous découvrons deux ensembles, de dix (en 21–28) et treize unités (en 21–32), et aboutissant à 32 deux ensembles de sept (en 26b–32) et treize unités (en 21–32). Aboutissant à 40 nous découvrons deux ensembles de treize (en 28d– 40) et quinze unités (en 27– 40). Les deux ensembles 21–32 et 28d– 40 comportent chacun treize unités. Mais, prenant aussi son départ en 21, nous avons repéré un ensemble de dix unités (trois de moins) en 21–28, et aboutissant également en 40 nous

61 62

r c/rsˇ c selon Avishur p.80. En outre, en 28d et 29, dans les unités centrales, on lit les termes de la paire stéréotypée s.dq/rsˇ c (Avishur p.765, à l’index). Et puisqu’on lit jugement en 28abc comme en 30–31, on pourrait aussi tenir qu’un certain chiasme structure entre elles ces six unités.

158

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

avons repéré un ensemble de quinze unités (deux de plus) en 27– 40. Les deux ensembles de treize unités se chevauchent en 28d–32 (soit sur quatre unités), les deux ensembles les plus longs à partir de 21 ou aboutissant à 40, soit 21–32 et 27–40, se chevauchent en 27–32 (soit sur six unités). Sur la colonne de droite de notre tableau, dans les quatre lignes centrales nous avons relevé 28d–32 (quatre unités) qui, élargi de deux unités donne 28–33 (six unités), puis 37–40b (quatre unités) qui, élargi de deux unités donne 34d– 40 (six unités). Les deux chevauchements aboutissant à 32, soit 28d–32 (sur 21–32/28d–40) et 27–32 (sur 21–32/27– 40), comportent respectivement quatre et six unités. En 21–40 nous n’avons jusqu’ici repéré que des structures partielles. Existe-t-il une structure d’ensemble pour ces vingt versets? Girard en fait la proposition pour 21–38. Mais étant donné ce que nous avons ci-dessus découvert c’est pour notre part 21– 40 qu’il convient de considérer ici. Nous retiendrons les ensembles les plus étendus, c’est-à-dire 21–32 et 27– 40, lesquels se chevauchent en 27–32, et nous pouvons alors situer les récurrences de l’ensemble dans le tableau suivant:

23 24 25

NE PAYE PAS ▼

21 22

car

car pas vu ▼

28

car

29 32



33 garde

35/36 37

j’ai vu (re)garde vois car

38 40c

n’abandonne pas a été coupé posséderont la terre cherchant n’abandonnera pas sa main son chemin posséder la terre être coupés j’ai cherché ▼

34

posséderont la terre seront coupés son chemin sa main abandonné cherchant

PAIX

a été coupé car

ont été gardés

tu verras

159

Etude structurelle du psaume 37

Considérons d’abord la colonne centrale de ce tableau. En 27–32, entre deux traits horizontaux, nous lisons ces indices inscrits dans le chevauchement entre nos deux ensembles. En caractères gras, en 22 au centre et en 28–29 et 34 aux extrêmes nous lisons posséder la terre + couper (à chaque fois dans des contextes opposés, visant les justes ou les méchants) aux extrêmes, les mêmes termes en ordre inverse au centre. En 25/28 et 32/33, c’est-à-dire dans le chevauchement et le débordant, nous lisons en lettres grasses italiques chercher 63 + ne pas abandonner. Et entre ces tandems que nous venons de dire nous lisons son chemin et main en 23 et 24, mais main et son chemin en 33 et 34. Avant et après les tandems extrêmes nous lisons, relevée par Girard, la récurrence d’une même racine en NE PAYE PAS de 21 et PAIX de 37. L’occurrence d’abandonner en 25 fait qu’on a une exacte inversion de quatre termes (accompagnée sur notre tableau d’une flèche au trait discontinu) de 23–25 à 32–34. Prenons maintenant en compte car en 22 et 37. On dira que cherchant au terme du chevauchement (en 32b) se retrouve en j’ai cherché (en 36b) avant PAIX, alors que symétriquement car au début du chevauchement (en 28a) était annoncé par car (en 22a) après PAYE. Considérons maintenant les termes relevés (en italiques) dans les colonnes extrêmes de notre tableau. Ils se présentent selon l’ordonnance suivante: car (22a) car (28a)

+ car (24a) ONT ÉTÉ GARDÉS

tu verras (34d) + j’ai vu (35a) vois (37a) car (37b)

je n’ai pas vu (25b) (28c) + GARDE (34b)

+

(re)GARDE (37a) car (40c)

A gauche de ce tableau le lecteur peut voir comment on lit d’abord deux fois, puis une fois soit car, soit des formes du verbe voir, et un même dispositif se retrouve à droite de notre tableau dans les deux lignes centrales pour le verbe GARDER. De 22/24a à 37b/40c on retrouve deux emplois de car 64; et symétriquement, sur les mêmes lignes, de 25b à 37a une forme du verbe voir. Cet agencement n’est pas réparti du tout comme le précédent, 63

64

A chercher de 25 et de 32 on pourrait joindre les termes de la paire stéréotypée mwt/npl (Avishur pp. 389 et 653). Le premier se lit en 24 et le second en 32b. Le juste risque de tomber, ou de mourir du fait du méchant, mais il est si bien préservé du premier danger qu’on ne verra même pas sa semence (descendance) cherchant de la nourriture, et du second danger encore, qu’il est bien vain au méchant de chercher à le faire mourir. Après le premier et avant le second nous lisons les termes de la paire stéréotypée smk/czr (Avishur p.233): YHWH soutient la main du fidèle (24b) et aide les justes (40a).

160

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

puisque ici le chevauchement n’est représenté que par 28 (car… ONT ETE Il n’en existe pas moins et attire l’attention sur le second volet. En découvrant ainsi une structure à 21– 40 nous rejoignons en partie la proposition de Girard qui voyait 27–31 entourés par 21–26 et 32–38 se correspondant entre eux. Il nous paraît seulement plus pertinent de voir au centre 27–32 dont d’ailleurs nous avons découvert ci-dessus qu’ils présentaient une structure interne. Par ailleurs il n’est pas nécessaire de laisser pour compte, hors de cet ensemble, 39– 40 qui, quelle que soit l’histoire de la rédaction, s’intègrent assez bien à l’ensemble. Nous avons aussi repéré l’ordonnance rigoureuse des récurrences, laquelle confirme pour sa part la pertinence de cette proposition. Nous ne partageons pas l’opinion de Girard quand il écrit (p.649): « Du point de vue de la stylistique structurelle, on remarquera surtout la présence de zones-charnières entre les trois sections majeures, aux frontières un peu plus floues (c’est nous qui soulignons) que ce à quoi l’analyse des autres psaumes nous a habitués. Ces zones concernent au minimum les v. 9 et 21–22, mais tendent à englober des portions de texte passablement plus développées (v. 7–14, 13–29) ». Selon l’étude qui précède il appert que ni 9, ni 21–22 ne constituent des chevauchements d’une partie sur l’autre, et par ailleurs les chevauchements que nous avons repérés en 21– 40, soit 26b–28d, 28d–32, et 27-32 (ainsi que les structures partielles de 28–33, 37–40b et 34d–40) ne sont nullement flous et présentent même chacun des petites structures bien repérables.

GARDES).

* * * Il ne nous reste plus qu’à considérer la structure d’ensemble du psaume, soit les rapports d’ordre structurel entre chaque partie et les deux autres, puis l’ensemble des trois simultanément. Commençons par comparer les deux premières parties. Nous y repérons les indices ainsi disposés d’ici à là: (commettant-le-)mal car comme… herb(ag)e

3 4 5 7

bien ton cœur chemin chemin complots



9bc

terre 6. comme 8. (… le-)mal 9. car (… le-)mal

posséderont la terre

posséderont la terre ▼

1 2

complote acheminé chemin leur cœur bien

11

: 12/13 : car : 14 : 15 : 16/17 : car 18

mal(heur) car… comme… prés

19 20

Etude structurelle du psaume 37

161

En 1–2 et en 19–20, aux extrêmes de cet ensemble, nous lisons mal et car suivi d’une ou deux comparaisons introduites par comme, visant le sort des méchants, et empruntant leurs images à la végétation. En 9bc et 11, à la frontière entre les deux volets, nous apprenons la récompense réservée aux fidèles: ils posséderont la terre. Entre ces extrêmes, accompagnés d’une flèche sur notre tableau, nous lisons cinq récurrences dans un ordre inversé d’ici à là. Les rapports vont tantôt dans le même sens, soit positif pour bien et pour chemin en 5 et 14d, soit négatif pour complot et (a)chemin(er) en 7 et 14b, tantôt en des sens opposés pour ton cœur et leur cœur. A droite de ces deux séries sur notre tableau nous avons porté en italiques d’autres récurrences qui reportent aux débuts et fins. Ainsi terre en 3 nous prépare à l’affirmation de 9c, mais comme, mal, car nous reportent à 1–2. En 10–20 car de 13 et 17 nous préparent à celui de 20, les contenus ainsi introduits concernant tous les méchants. On pourrait encore relever les récurrences du nom divin. Il est présent en 20, mais absent en 2 qui y correspond, présent en 9bc, mais absent en 11 qui y correspond, présent en 3, 4, 5, 7, mais absent en 16, 15, et 14 qui leur correspondent, présent encore en 17 et 13 (où plus précisément on lit Seigneur), après car, comme en 20 (13, 17, et 20 visant, nous l’avons vu plus haut, le sort des méchants). Autrement dit, si on laisse hors de considération 13, 17 (et 18) qui n’ont point leur correspondant en 1–9, à l’exception de mal et de complot, les autres récurrences sont toujours accompagnées de celle de YHWH, soit dans un volet, soit dans l’autre, cinq fois avec en 1–9 pour bien, cœur, chemin (bis), complot (et donc sans dans les versets correspondants en 10–20), et une fois sans en 1–9 pour la comparaison végétale (et donc avec dans le verset correspondant en 10–20). Ainsi ces deux premières parties se présentent, pourrait-on dire, comme un diptyque dont les deux volets se répondent de façon soigneusement structurée. Comparons maintenant les deux parties extrêmes de notre psaume, et cela à partir d’un tableau qu’il nous suffira ensuite de commenter:

162

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

5: 6: 7:

chemin (LUMIÈRE*) JUSTE chemin

8: mal 9aa: car… mal

9a: 9b: 9c:

coupés espérant posséderont la terre



bien, demeure (terre) 4: donnera cœur

chemin: 23



3:

mal: 27

24: car… car 25: juste



car comme l’herbe…

bien… demeure: 27 / 28: car… coupé 29: justes posséderont la terre demeureront/ 30: juste cœur: 31 32: juste



2:

21: JUSTE donne car… posséderont la terre: 22 seront coupés

chemin

Espère: 34 34: posséder la terre coupés

comme pousse / car: 35/37 38: coupé 40ab: (SALUT*/SAUVE) 40c: car

Considérons d’abord les récurrences portées ci-dessus en caractères gras. De 2 et 22 à 9 et 35/37, aux extrêmes de chacune des deux parties, le lecteur peut voir s’inverser l’image végétale et l’opposition entre ceux qui seront coupés et ceux qui posséderont la terre. Entre ces quatre extrêmes les flèches indiquent comment chemin qui se lit autour du centre 6 de 2–22 se retrouve dans la dernière partie aux extrêmes de 23–34, tandis que en 23–34 c’est aux centres que l’on retrouve, selon une inversion, ce qui se lit avant et après chemin en 3–9a, soit d’abord bien, demeure, cœur, puis mal. On lit deux fois mal en 8–9a, mais deux fois demeurer en 27.29. Alors que donner se lit entre demeure et cœur en 3–4, puis juste avant 22, espérer se lit entre coupés et posséderont la terre en 9, puis juste avant chemin en 34. Ainsi donner se lit au début de l’ensemble central la première partie et au début de la dernière, espérer se lit au terme de la première partie et au terme de l’ensemble central de la dernière. Nous avons enfin porté en caractères simples d’autres récurrences se lisant d’ici à là. En 6 nous lisons que YHWH fera sortir comme la LUMIÈRE la JUSTICE du fidèle. Or nous retrouvons JUSTE en 21, 25 et 29, sa justice proprement dite étant mise en valeur en 21 (il a pitié et il donne), la récompense qu’elle mérite en 25 et 29, tandis qu’en 39– 40, à l’autre extrême de la dernière partie, nous lisons SALUT et SAUVER, mot formant avec LUMIÈRE une paire stéréo-

Etude structurelle du psaume 37

163

typée 65. Ainsi le verset 6, au centre de la première partie reçoit-il un écho aux extrêmes de la dernière qui d’une part nous montre le juste à l’œuvre et de l’autre célèbre le salut à lui destiné. Notons enfin que l’opposition entre possession de la terre pour les justes et avenir coupé pour les méchants se retrouve du terme de la première partie par deux fois dans le corps central de la seconde (en 28–29 et 34, sans compter encore coupé en 38), mais sans qu’un dispositif symétrique se découvre d’une partie à l’autre. La présence de ce thème en 28–29 et 34 (+ 38) a montré sa fonction structurelle dans notre présentation de la dernière partie. Nous avons scrupuleusement relevé les récurrences de car, sans leur découvrir une fonction structurelle particulière dans les rapports entre ces deux parties extrêmes de notre psaume. Comparons maintenant entre elles les deux dernières parties de notre psaume. Nous partirons à cette fin du tableau de la page suivante. L’ensemble se présente selon une symétrie concentrique autour de 21–25. Les récurrences entre les termes correspondants de cette symétrie sont portées en lettres droites. Au lecteur donc de bien vouloir les constater de 10–12 à 36–40, de 13–17a à 30–34, de 17b–20 à 26–29. On relèvera aussi celles de 13–17a au centre 21–25 comme de ce dernier à 30–34, symétriques de 13–17a, ces trois termes de la symétrie étant pour cette raison disposés dans la même colonne. L’affrontement entre juste(s) et méchant(s) est présent dans tous les termes de cette symétrie Pour ce qui est des deux premières colonnes on le constate très explicitement en 12 et 32, visant plus le sort qui respectivement les attend en 16 et 39–40, selon – on le voit – un ordre inversé de la première à la seconde colonne. Mais dans la troisième colonne il s’agit ici et là du sort qui les attend respectivement 66, et au centre (en 21) de leurs comportements respectifs. De 11 à 37 paix fait inclusion pour l’ensemble, contrastant avec l’inexistence (’yn) à laquelle se trouvent voués les méchants. Et c’est dans l’unité centrale de 21(–25) que nous retrouvons la même racine pour dénoncer, par contraste, le fait que le méchant ne paye pas son dû. De 13–17a à 30–35 relevons les récurrences de chemin, cœur et la répartition ici et là des termes de la paire stéréotypée main/bras 67. Il s’agit ici et là (en 14d précisément) du chemin du juste, mais on voit l’opposition entre l’épée qui pénètre dans leur cœur, c’est-à-dire celui des impies, et l’Enseignement de Dieu qui pénètre dans son cœur, c’est-à-dire celui du juste. De même, grâce à YHWH (nommé ici 65 66 67

’wr/ysˇ c selon Avishur p.105. On se souvient de l’amorce de Ps 27,1. En 18(–20) il n’est pas question nommément des justes, mais des parfaits. Mais on se souviendra de la paire s.dq/tmm (Avishur p.765, à l’index). yd/zrw c selon Avishur p.759, à l’index. De 13(14)–17a à 30(32)–35, exception faite pour cœur en 15 et 30, les récurrences sont disposées en ordre inverse d’ici à là, soit: méchants + acheminé + méchants + bras* + méchants s’inversant en méchant + main* + méchant + chemin + méchants.

164 10 11 12

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

méchant.. il n’y en a plus (w’ynnw) posséderont la terre… paix le méchant contre le juste 13 car… son jour 14 méchants… [acheminé] chemin… tomber 15 dans leur cœur 16 juste/méchants 17a bras… méchants/justes 17b SOUTIENT 18 jours des parfaits… pour toujours… SERA 19 mal(heur)… jours 20 car les méchants comme… prés 21 22 23 24 25

le méchant ne paye pas… le juste… AYANT PITIÉ car SES BÉNIS POSSÉDERONT LA TERRE son chemin car… tombe…SOUTIENT sa main J’AI ÉTÉ…le juste… SA SEMENCE

26 le jour AYANT PITIÉ… SA SEMENCE… BÉNÉDICTION 27 mal… pour toujours 28 car… pour toujours… méchants 29 les justes POSSÉDERONT LA TERRE… à jamais 30 juste 31 dans son cœur 32 le méchant/le juste 33 sa main… méchant 34 son chemin… POSSÉDER LA TERRE… les méchants 35 le méchant… comme une pousse… 36 il n’est plus (’ynnw) 37 le parfait… paix 38 méchants 39 salut… justes 40 méchants… sauve… car…

Etude structurelle du psaume 37

165

et là), que les bras des méchants seront brisés selon 17a, de même la main du méchant ne pourra rien contre le juste selon 33. De 13–17a à 21–25 68 se retrouvent chemin, tomber, main/bras, car. Ici encore il s’agit les deux fois du chemin du juste, mais il y a opposition entre les bras brisés des méchants et la main du juste soutenue par YHWH, de même qu’entre l’intention du méchant qui veut faire tomber le juste et celle de YHWH qui au contraire veille à ce que la chute soit sans suite pour le juste. Quant à car il introduit en 13 au sort du méchant, en 22 et 24 à celui du juste. De 21–25 à 30–35 nous relevons posséder la terre, chemin, main. La perspective est ici et là tournée en faveur du juste. C’est à lui qu’il reviendra de posséder la terre, son chemin plaît à YHWH dont il a à garder le chemin, sa main est soutenue par ce même YHWH qui le garde de la main du méchant. De 17b–20 à 26–29 relevons mal, jour, pour toujours (à jamais). Le mal(heur) ne saurait l’emporter (19) sur celui qui se détourne du mal (27). Les jours des parfaits (18) ne sont point jours de famine (19): c’est que tout le jour il a pitié et prête (26). Leur bonheur sera pour toujours et à jamais (18, 28–29), il leur suffit de demeurer pour toujours là où YHWH les veut (27). Il nous reste à repérer quelques correspondances qui s’inscrivent bien dans cette symétrie concentrique, mais non point purement et simplement selon ce dispositif. Ainsi le centre 21–25 est en rapport tant avec les deux unités qui le précèdent qu’avec celles qui le suivent. Nous l’avons déjà constaté ci-dessus de 13–17a à 21–25 et de 21–25 à 30–35. De 17b–20 à 21–25 nous retrouvons les verbes SOUTENIR et ÊTRE, et de 21–25 à 26–29 AYANT PITIÉ, BÉNIS/BÉNÉDICTION, POSSÉDERONT LA TERRE, SEMENCE. On voit aussi que de 10–12 (en 11) à 17b–20 (en 18) comme de (26–)29 à 36– 40 (en 37) nous passons de posséder la terre à parfait, cela donc aux extrêmes de chaque volet entourant le centre 21–25. De 13(–17a) à (17b–)20 comme de (26–)29 à (30–)35, dans ces quatre unités qui entourent immédiatement le centre, nous passons de jour à la comparaison végétale (comme…) pour exprimer la disparition de l’impie. C’est du jour de l’impie qu’il est

68

De 14c–16 (avant bras en 17a) à 21–24a (avant main en 24b) on peut voir s’inverser l’ordonnance des récurrences suivantes: méchants (14a) tomber (14c) méchant (21a) chemin (14d) juste (21b) juste (16a) chemin (23b) méchants (16b) tombe (24a) (bras*: 17a) (main*: 24b) juste (25b) En 14a méchants annonce le deuxième terme de l’opposition entre juste et méchants en 16, et en 25b juste rappelle le deuxième de l’opposition entre méchant et juste en 21.

166

Chapitre IV: Les justes posséderont la terre

question en 13, mais de celui du fidèle en 26 69. On peut donc conclure que nos dernières parties constituent en 10– 40 un ensemble assez puissamment structuré autour de 21–25. Pour conclure sur cette structure d’ensemble du Ps 37 nous relèverons ici les termes qui se lisent dans les trois parties, quitte à découvrir entre ceux-là même une certaine ordonnance. Présentons-les dans le tableau suivant. Nous mettons en italiques ce qui se rapporte aux méchants, et laissons en lettres droites ce qui se rapporte aux justes: 1 2 3 4 8.9a 9c 11 15 16 19 20 22 27 29 31 34 35–36

mal* comme (vég.)… bien* ton cœur mal.mal* posséderont la terre posséderont la terre leur cœur bien* mal* comme (veg.) posséderont la terre mal* bien* posséderont la terre son cœur posséder la terre comme (vég.)

Dans la première colonne s’opposent (paire stéréotypée d’antonymes) mal et bien, dans la seconde les sorts respectifs des méchants (comme l’herbe…) et des justes (qui posséderont la terre), dans la troisième cœur des méchants et cœur du juste. Nous pouvons comparer chaque partie avec les deux autres. Commençons par 1–9 et 10–20. En laissant le seul v.1 (1a annonce 8b et 9a) on peut observer le chiasme suivant:

69

On pourrait peut-être ajouter, sur une suggestion de Girard (p.646, en l’appliquant à une autre occurrence pour la deuxième forme), la correspondance entre deux formes substantives de zr c en 17a et 26b, que nous commenterions alors comme ceci: YHWH brise tant la portée brachiale que la portée familiale du méchant.

Etude structurelle du psaume 37

2 3 4.8.9a 9c

comme… bien ton cœur + mal posséderont la terre

11 15.16 19 20

posséderont la terre leur cœur + bien mal comme…

167

Les termes extrêmes et centraux sont de même sens, soit négatif (comme…), soit positif (posséderont la terre), mais entre eux jouent les oppositions bien/mal et ton cœur/leur cœur. En 4.8.9a et 15.16 on aura noté une petite symétrie croisée, parallèle pour ce qui est des termes employés, en chiasme pour ce qui est de ceux auxquels ils se rapportent. De 10–20 à 21– 40, en laissant les deux dernières mentions de « posséder la terre », nous pouvons repérer aux débuts précisément cette expression et aux termes comme… Entre ces extrêmes nous lisons leur cœur + bien + mal et, inversement, mal + bien + son cœur. De 1–9 à 21– 40, ici en laissant les deux dernières mentions de « posséder la terre », nous pouvons observer le chiasme suivant : comme… + bien/ton cœur + mal + «posséderont la terre» de 1–9, lesquels reviennent en 21–40 en: « posséderont la terre » + mal + bien/son cœur + comme… On voit donc que ces termes communs aux trois parties de notre psaume n’y sont pas répartis n’importe comment, soulignant ces thèmes opposant bien et mal, posséder la terre ou disparaître comme l’herbe, et le cœur. Ces thèmes ainsi répartis unifient l’ensemble, n’en permettant que mieux de saisir ce qui est propre à chaque partie ou commun à deux d’entre elles.

Chapitre V Il a donné de sa voix Etude structurelle du psaume 46 1 Dans sa dernière étude structurelle du Ps 46 Marc Girard 2 y voit se correspondre deux tranches de correspondances selon une formule AB // AB (2–7 + 8 // 9–11 + 12), ou plus précisément A1A2 B // A1A2 B (2–6.7.8 // 9–10.11.12). Il renonce, avec raison nous le verrons, au rôle charnière de 8 que nombre d’auteurs (dont lui et nous) croyaient pouvoir lui reconnaître. Cette mise au point le distrait de certains apports de notre étude de 1989 3, apports que nous reprendrons ici en les argumentant et présentant plus clairement. La traduction est celle de Girard, avec quelques légères variantes visant l’allégement ou une meilleure compréhension, ainsi pour 2 4, 6b, 8b.12b, 9b, 10c, et 11b. Nous gardons le pluriel pour mers en 3b, quitte à signaler en 4 entre parenthèses la 3ème pers. du singulier de l’hébreu pour les pronoms 5. On verra plus loin pourquoi. Les signes en exposant veulent indiquer les termes de paires stéréotypées. Nous considérerons

1

2 3 4

5

Avec la présente étude nous arrivons, dans l’ordre chronologique de nos travaux, au terme de nos réponses à toutes les critiques à nous adressées par Girard dans les trois volumes de son commentaire (Psaumes redécouverts). Nous ne comptons évidemment pas parmi ce que nous appelons critiques nombre d’appréciations d’ordre général et non argumentées, et encore moins les simples références à nos travaux. La confrontation prend alors autrement son point de départ. Voir Psaumes redécouverts I, ad loc. « La ville de Dieu. Etude structurelle du Psaume 46 », ScEs 41 (1989) 323–341. On y trouvera références et critiques des propositions antérieures. Autres interprétations de m’d en 2 chez D. T. Tsumura, « The Literary Structure of Psalm 46, 2–8 », AJBI 6 (1980) 29–55, pp. 44– 46 (might), ou chez N. Lohfink, « ‹ Der den Kriegen einen Sabbat bereitet › Psalm 46 – Ein Beispiel alttestamentlicher Friedenslyrik », BK 44 (1989) 148–153, p.148 (von alters). Puisque Girard met (lieu) entre parenthèses en 2a (que nous modifions), il convient d’en faire autant en 5b. Avec je suis-haut en 11b Girard crée un faux effet de récurrence par rapport au Monté-Haut de 5b. Il ne nous semble pas nécessaire de préciser citadelle-élevée, l’architecture impliquant cette position pour la citadelle.

Etude structurelle du psaume 46

169

successivement chaque verset ou couple de versets puis la structure d’ensemble. 2a DIEU (est) POUR (l) NOUS refuge et forcevx, 2b de l’aide dans (b) les adversités, (que) nous trouvons très (présente). 3a

4a 4b

Aussi ne craignons-nous pas quand (b) (vient à) changer la terre*, quand (b) (viennent à) chanceler les montagnes au (b) cœur+ des mers" (que) grondent, bouillonnent leurs (ses) eaux°6, (que) tremblent les montagnes (de) par (b) leur (son) orgueilvm.

5a 5b

Le fleuve: ses rivières réjouissent la ville* de DIEU, le (lieu-)saint des demeures du Monté-Haut.

3b

6a DIEU (étant) au (b) milieu+ d’elle, elle ne chancelle point. 6b Il l’aide, DIEU, au (l) (moment où) fait (sur)face le matin. 7a 7b

Elles ont grondé, les nations; ils ont chancelé, les royaumes. Il a donnén de (b) sa voix: elle mollit, la terre*.

8a YHWH DES ARMÉES (EST) AVEC NOUS, 8b CITADELLEx POUR (l) NOUS LE DIEU DE JACOB. 9a 9b 10a 10b 10c

Allez, contemplez les œuvres de YHWH qui a misn des désolations (de) par (b) la terre*, faisant cesser les combats jusqu’à l’extrémité de la terre*. L’arc, il (le) brise; il casse la lance; les chars, il (les) brûle par (b) le feu°.

11a Arrêtez et (re)connaissez que moi (je suis) DIEU. 11b Je suis élevém parmi b les nations, je suis élevém (de) par (b) la terre*. 12a YHWH DES ARMÉES (EST) AVEC NOUS, 12b CITADELLEx POUR (l) NOUS LE DIEU DE JACOB.

6

J. P. Fokkelman, Major Poems of the Hebrew Bible at the Interface of Prosody and Structural Analysis, volume II: 85 Psalms and Job 4–14, SSN Assen 2000, pp. 158–160.419.500 sur le Ps 46 (ci-après: Fokkelman et les pages), propose (p.158) de rapporter les suffixes masc. sg. de 4 à ’lhym de 2a (comprenant alors g’wtw de 4b comme sa majesté). La chose est possible, et le rapprochement

170

Chapitre V: Il a donné de sa voix

Le v.2 ne présente pas de structure bien particulière. Tant 2 que 3– 4 commencent par une première affirmation (2a et 3a) dont la finale est ensuite développée (2ab en 2b 7, 3ab en 3b–4). En 3ab– 4 nous lisons aux extrêmes les termes des paires stéréotypées chanceler/trembler et terre/montagnes 8 et en 3b et 4a respectivement les mers et leurs eaux. Cependant mieux vaut sans doute entendre terre en un sens global en 3a (comprenant terres et mers) et découvrir dans la suite le chiasme suivant 9: chanceler les montagnes au cœur des mers grondent bouillonnent leurs eaux tremblent les montagnes 10 On aura noté ici que tant montagnes que mers et eaux sont au pluriel, à la différence de terre au terme de 3a, comme si nous avions ici toutes ces choses que la terre contient. En 5 nous retrouvons la même présentation qu’en 2 et 3– 4, soit un développement des derniers termes de 5a (la ville de Dieu) en 5b. Le jeu de mots entre bqrbh (au milieu d’elle) et bqr (matin) nous aide à découvrir en 6 un chiasme à quatre termes, les deux extrêmes étant DIEU au milieu d’elle et DIEU au… matin, les deux centraux elle ne chancelle point et il l’aide. Aux extrêmes sont exprimés le lieu et le moment du salut, aux centres son effet et sa cause. On peut encore, en

7

8

9 10

entre g’wtw et ’rwm de 11b est d’autant plus pertinent qu’ils appartiennent à une paire stéréotypée, comme nous le verrons plus loin. Mais on peut aussi y voir – et c’est l’option que finalement nous retiendrons – une opposition. Ce qui fait difficulté dans la proposition de Fokkelman, c’est le fait qu’en 3– 4 les mers et leurs eaux tiennent sans doute le rôle que remplissent en 7 et 9–11 les nations (de la terre). Ci-dessus les possessifs au singulier en 4 veulent indiquer ce qu’il en est dans le texte, et selon l’interprétation que nous retenons ils se rapportent à mers (pluriel emphatique). Fokkelman (p.158 n.26) dit n’avoir pas trouvé chez les auteurs l’option du verbe au Qal (1ère pers. pl.) pour 2b. Il cite pourtant (n.35) Girard qui l’adopte dans son commentaire en 1996, et déjà dans la première édition du tome I (Les Psaumes – Analyse structurelle et interprétation, 1–50, Montréal 1984). Pour la première voir Tsumura, p.35 et n.35 (avec références utiles) et pour la seconde Avishur, p.278. Notons qu’en 3a b… précède terre tandis qu’il suit montagnes en 4b. Relevé pour ce qui est de ses termes extrêmes dès 1961 par M. Weiss comme le note Tsumura (p.32) Ici encore b… précède montagnes en 3b, mais le suit en 4b.

171

Etude structurelle du psaume 46

utilisant les remarques de Fokkelman (p.159 n.29), voir un peu autrement la structure de notre verset à partir de son matériau consonantique. Lisons-le comme ceci:

BQR

6a ’lhym 6b yczrh + bb.l + t.m(t.)

’lhym + l.p + n.t

BQR

Nous lisons ici au centre le verbe initial de 6b (il l’aide). 6a comme la suite de 6b commencent par ’lhym. La suite ici et là est ordonnée en chiasme avec aux extrêmes BQR et aux centres les deux enchaînements que nous allons maintenant présenter. On y lit d’abord, avec les consonnes se correspondant en ordre inverse: bb + l et l + p, puis, avec encore une inversion: t + m et n + t. De bqr(b) à bqr nous retrouvons la distinction entre espace et temps. De bl tm(t.) à lpnt nous pourrions voir ici et là la perspective d’un avenir, éventuel ou effectif. En 7 sont donnés trois effets d’une cause qui est énoncée avant le troisième. On notera ici les termes des paires stéréotypées terre/nation et terre/royaume 11. Il nous semble que la meilleure façon de percevoir la structure de 8 et 12 est d’y voir un chiasme avec aux extrêmes les deux désignations de YHWH et DIEU de Jacob (les deux noms propres se lisant aux extrêmes dudit verset), et aux centres les deux expressions de sa puissance favorable pour nous : des armées + avec nous et citadelle + pour nous 12. Le v.9 ne présente pas à lui seul de structure bien particulière. En 10 sont donnés trois effets d’une cause qui est énoncée avant le premier. Cette facture rappelle celle de 7. En 10bc on perçoit facilement le parallèle entre les propositions extrêmes (verbe + complément), et le chiasme que chacune forme avec la proposition centrale. Nous reviendrons plus loin sur la structure de 10 en étudiant le petit ensemble 9–11. En 11 on retrouve un agencement semblable à celui de 2, 3–4, 5, les deux derniers mots de 11a (moi Dieu) étant explicités en 11b. On pourrait considérer qu’il en va de même en 9 (les œuvres de YHWH, c’est-à-dire celles par lesquelles il a mis des désolations de par la terre). On notera dans le petit parallèle que présente à lui seul 11b la présence des termes de la paire stéréotypée terre/nations (comme en 7).

11

12

’rs. /gwy et ’rs./mmlkwt selon Avishur p.278 pour la première, 184.278 pour la seconde. Notons encore que gwy/mmlkh constituent également une paire stéréotypée (Avishur p.213). On peut aussi avec Tsumura (p.44) voir une symétrie concentrique avec pour centre citadelle entouré successivement de avec nous et pour nous, puis YHWH des armées et Dieu de Jacob.

172

Chapitre V: Il a donné de sa voix

Nous pouvons maintenant tenter de saisir, toujours d’un point de vue structurel, des ensembles plus importants, puis l’ensemble du psaume. Considérons tout d’abord l’articulation entre 3– 4 et 5, et même le petit ensemble 3–5. Le tableau qui suit nous y aidera: 3a 3b

la terre*z les montagnesz des mers"

4a 4b

ses eauxw les montagnes

z

le fleuve"w ses rivières

5a la ville*

Les signes ou lettres en exposant indiquent les paires stéréotypées. De 3 à 5 relevons comme une symétrie croisée. Il y a surtout chiasme en ce que terre et ville comme mer et fleuve sont les termes de paires stéréotypées 13, mais aussi un certain parallèle en ce que ici et là les premiers termes sont doublés, soit terre par montagnes (paire stéréotypée déjà rencontrée) et fleuve par rivières. Au centre de l’ensemble, en 4, nous lisons la même ordonnance qu’en 5 (eaux/fleuves sont encore une paire stéréotypée 14), mais l’ordonnance inverse de celle de 3 (montagnes + mers le cède à eaux + montagnes). Ainsi peut-on avancer que 3–5 constituent un petit ensemble de type A.B.A’, même s’il reste bien évident que 5 aborde quelque chose de nouveau avec la ville et les demeures du Monté-Haut. La distinction entre 3–4 et 5 peut aussi s’appuyer sur le fait que de même que la mer (le singulier veut rendre ici la valeur emphatique du pluriel) a ses eaux en 3– 4 le fleuve a ses rivières en 5 15.

13 14

15

’rs. / cyr selon Avishur p.278, et ym/nhr p.760, à l’index. mym/nhr selon Avishur pp. 28.184.507–508. En s’en tenant à 4b–5a on pourrait aussi repérer un chiasme (montagnes + fleuves / rivières + ville). De 4a à 5a notons aussi l’inversion de deux verbes + un sujet à deux sujets + un verbe, les oppositions jouant d’abord entre les verbes (gronder/bouillonner et réjouir), mais aussi, de ce fait, entre les sujets (eaux et fleuve/rivières). Tsumura p.38: « It is clear thar ‹ sea › – ‹ its waters › of the former contrasts with ‹ rivers › – ‹ its streams › of the latter. » Puis, après avoir cité plusieurs textes de la littérature ambiante sur la paire stéréotypée mer/fleuve, il conclut: « However noteworthily, the autor of Ps 46 deliberately opposes this formulaic word pair by the poetic technique of contrast. »

173

Etude structurelle du psaume 46

Elargissons maintenant notre enquête en comparant 2 et 6. Deux récurrences passent de l’un à l’autre de ces versets, soit DIEU, premier mot de 2a comme de 6a, et aide, premier de 2b comme de 6b. L’aide apportée par Dieu est ici pour nous, là pour la ville 16. Des extrêmes au centre notons encore les rapports suivants à partir de deux paires stéréotypées, soit cwz/g’h 17 (2a et 4b) et chanceler/trembler (voir n.8 ci-dessus): force favorable de notre Dieu et orgueil menaçant s’opposent évidemment, et si les mers font trembler les montagnes, Dieu au milieu de la ville empêche qu’elle ne chancelle. Il semble possible de pousser un peu plus avant la comparaison entre 2 et 6 en exploitant les dispositions que fera voir le tableau suivant: 2

DIEU pour nous refuge/force/aide dans les adversités nous trouvons très

DIEU au milieu d’elle elle ne chancelle point il l’aide DIEU au… matin

6

La première ligne affiche DIEU dans un rapport favorable soit avec nous, soit avec la ville. Les deux lignes suivantes se correspondent en ordre inverse, ce qu’indiquent d’une part la récurrence de aide (au terme de la série de trois termes de sens voisins) et d’autre part les deux expressions indiquées comme exprimant les dangers conjurés (adversités, chanceler). Les avant-dernières reprennent la première, mais pas de la même façon ici et là: en 2 on revient sur nous, en 6 sur DIEU. La dernière ligne indique un rapport assez lâche qu’on pourrait voir de l’ordre des modalités: abondance en 2, moment choisi en 6. Ainsi 2–6 se présentent comme un ensemble structuré selon une symétrie concentrique où autour du centre 4 se répondent 3 et 5 comme 2 et 6 18. Notons encore les riches correspondances entre 3 et 6, soit au terme de chacun des deux volets 2–3 et 5–6. On lit en effet ici et là le verbe chanceler, en 3b suivi par au cœur de, en 6a précédé par au milieu de, cœur/milieu constituant une paire stéréotypée 19, ainsi qu’une négation

16

17 18 19

D’un point de vue formel on notera les deux prépositions l et b en 2a et b, mais b et l en 6a et b. En 2a et 6a l et b introduisent aux bénéficiaires (nous et la ville), en 2b b a pour complément les adversités tandis qu’en 6b l introduit au moment sauveur (le matin). Avishur pp. 174.260.280. Si l’on tient à la distinction (fondée) entre 3– 4 et 5, on parlera d’un chiasme pour 2 + 3– 4 / 5 + 6. Soit lb/qrb selon Avishur pp. 279.505–506.522.672. Nous voyons donc différemment de Girard (p.760) la fonction structurelle de la récurrence de chanceler (en y joignant les autres indices que nous relevons ici) de 3 à 6. Pour lui 2 n’appelle que 6b, puis 3– 4 pour leur part 5– 6a. Mais nous avons vu

174

Chapitre V: Il a donné de sa voix

(l’ en 3a, bl en 6a). Une fois Dieu pour nous, les montagnes peuvent bien chanceler au cœur des mers, nous ne craignons pas; et si Dieu est au milieu de la ville, elle-même ne chancelle point. On pourrait même lire selon un certain parallèle 2 + 3 et 5 + 6, car ce qui est avancé en 3 dépend de ce qui est dit de DIEU pour nous selon 2, et si la ville ne chancelle point selon 6, c’est qu’elle est, comme le dit 5, la ville de DIEU 20. La situation est comparable pour ce qui concerne 9–11. Il est bien clair que 11 est différent de 9–10 en ce que il invite à une reconnaissance de Dieu élevé au dessus des nations 21. Et cependant l’ensemble 9–11 semble bel et bien présenter une structure repérable. On lit terre au terme de 9 et de 11 avec la même préposition (b), mais aussi au terme de 10a. On peut lire 10ab entre d’une part l’énoncé général de 10aa et son développement en trois points en 10bc. Faire cesser les combats [jusqu’à l’extrémité de la terre], cela signifie en effet briser l’arc, casser la lance, brûler les chars. Par ailleurs 9 et 11 commencent l’un et l’autre par deux impératifs qui ne sont pas sans parenté. Cela se perçoit sans peine pour les seconds: contemplez et reconnaissez, mais les premiers, au delà de leur apparente opposition si on les entend matériellement, introduisent l’un et l’autre au second: faites la démarche de contempler, arrêtez-vous pour reconnaître 22. En 9a il s’agit de contempler les œuvres de YHWH, en 11a de reconnaître celui qui est DIEU. L’identité de 8 et 12 s’ajoutant aux remarques précédentes, nous pouvons voir 8–12 structuré selon la symétrique concentrique que voici: 8 (= 12) 9: Allez/contemplez… YHWH… par la terre 10aa: faisant cesser les combats 10ab: jusqu’à l’extrémité de la terre 10bc : arc/brise… casse/lance… chars/brûle 11: Arrêtez/reconnaissez… DIEU… par la terre 12 (= 8)

20

21 22

ci-dessus d’un point de vue structurel la correspondance limpide tant entre 2 et 6 qu’entre 3– 4 et 5. Notons encore en 2 (premier verset) et 4 (centre) la répartition des termes de la paire stéréotypée cwz/g’h (Avishur pp. 174.260.280), s’opposant ainsi à la force bienveillante de Dieu pour les siens et l’orgueil menaçant des mers. Girard (p.760) n’est pas assez précis dans sa proposition d’un chiasme pour 2–6, 2 selon lui appelant 6b (mais pourquoi pas 2 et 6 ou 2b et 6b?), puis 3– 4 appelant 5–6a (à partir de chanceler). Ni 4, ni 5 ne sont vraiment pris en considération dans cette proposition. Girard (p.762) s’en tient là et propose pour 9–11 un diptyque 9a + 9b–10 // 11a + 11b. Ce qui n’exclut pas de voir en arrêtez un écho à il fait cesser de 10a (avec le même objet des combats).

175

Etude structurelle du psaume 46

Il reste que, même si on peut tenir avec Fokkelman (p.159) que l’ensemble 9–11 est à mettre dans la bouche de YWHH, 9–10 parlent de ce dernier à la 3ème pers. tandis que 11 est une parole de Dieu lui-même. A partir de quelques remarques de Fokkelman (p.159 et nn 30.31) et en les complétant nous pouvons peut-être percevoir un peu plus avant la structure de 9–10 à partir des rimes et consonnes. Partons du tableau que voici des indices de correspondances:

9a 9b

[MP CLWT] [s´M sˇMWT]

10a

MsˇBYT

10b. a 10bb 10c

qsˇt

+ WQS S + ..

[mlh.mwt] YsˇBR h.nyt [cglwt] Ys´RP B’sˇ

[clwt] [s´.sˇ ]

b’rs. c

d qs.h

’rs.

[c.lwt] [s´.sˇ ]

Les actions de YHWH sont mises en petites CAPITALES. Entre crochets nous avons les effets de rimes et d’assonances faisant écho de 9 à 10c, les sifflantes indiquant deux actions destructrices de YHWH. Les rimes sont signalées en caractères gras. Nous revenons bientôt sur les autres présentes en 10. En 10 Fokkelman a relevé la finale semblable de MsˇBYT et de h.nyt. Relevons pour notre part la parenté entre YsˇBR et Ys´RP B’sˇ, soit l’amorce semblable, l’inversion b + r et r + p, et du début à la fin l’inversion de sˇ + B et B + sˇ. On voit alors comme une succession semblable de MsˇBYT + YsˇBR à h.nyt + Ys´RP B’sˇ. Devant le deuxième terme ici et là devant le premier on lit respectivement qsˇt et WQs.s., phonétiquement apparentés entre eux. Entre les deux premiers termes et entre les deux derniers on lit respectivement [mlh.mwt] et [cglwt], soit ces deux termes qui rappellent par un effet de rime (et en ordre inverse) [MP CLWT] et [sˇMWT] de 9, le passage se faisant à chaque fois de l’action divine à ces ennemis à combattre. Quant à ’rs., il fonctionne quasiment comme une sorte de mot-crochet entre 9 et 10. En 10a il est précédé par qs.h, lequel annonce les premiers termes relevés sur notre tableau pour 10ba et b. Notre typographie telle que précisée ci-dessus permet de retrouver le chiasme en 10b et celui qui commande le rapport entre 10a et 10c, chiasmes que nous avions relevés en étudiant la structure interne de 10. On voit donc que si 9–11 forment bien un ensemble structuré, il n’en existe pas moins des liens plus étroits entre 9 et 10 dont on peut à bon droit distinguer 11. Il reste que sur l’ensemble 8–12 on peut voir qu’en 9 l’attention est orientée vers les œuvres de YHWH, en 11 sur DIEU lui-même. En 8–9 il

176

Chapitre V: Il a donné de sa voix

est question successivement de YHWH (des armées), du Dieu de Jacob, puis de YHWH (en ses œuvres), et inversement en 11–12 de Dieu (se présentant par rapport aux nations), de YHWH (des armées), puis du Dieu de Jacob. Ici le Dieu de Jacob n’est autre que ce YHWH des armées capable de ravager la terre, là YHWH des armées est tout à la fois maître des nations et Dieu de Jacob. Nous voilà donc devant deux ensembles structurés en 2–6 et 8–12. Qu’en est-il de 7? On y lit terre couplé avec un autre terme comme en 3– 4 et en 11. En 7 et 11 l’autre terme est nations avec lequel, on l’a vu, ils constitue une paire stéréotypée, alors qu’en 3(–4) l’autre terme est montagnes. C’est qu’en 3– 4 la perspective est directement cosmique, tandis qu’en 7 et 11 on est entré plus spécifiquement dans la sphère politique. De 3– 4 à 7 on retrouve aussi chanceler et gronder, de 7 à 11 les termes de la paire stéréotypée, déjà présents en 7, de nations/royaumes. Nous souvenant du rapport entre 2 et 6, repéré ci-dessus, et de celui, évident, entre 8 et 12, nous pouvons alors avancer qu’autour de 5 se lisent en parallèle 2 + 3– 4 et 6 + 7, puis qu’autour de 9–10 se lisent en parallèle 7 + 8 et 11 + 12. De 2 à 8 et 12 Tsumura (pp. 43– 44) relève, à la suite de Weiss le chiasme entre 2a et 8b (ou 12b): Dieu + pour nous + refuge / citadelle + pour nous + le Dieu de Jacob. Fokkelman (p.158) relève aussi la correspondance entre les expressions pour nous refuge et citadelle pour nous. Il relève aussi (p.158 n.27) que si Dieu se lit en 2a (précisons: Dieu pour nous) comme en 8b et 12b (précisons: pour nous le Dieu…), on lit également en 2b comme en 8a et 12a deux mots se répondant par allitération soit bs.rwt et s.b’wt. (on pourrait dire les adversaires en présence), ce qui donne finalement un rapport inversé de 2a + 2b à 8a (12a) + 8b (12b). Mais on peut aussi relever que si Dieu se lit deux fois en 6 (et une fois en 2) tandis que la 1ère pers. du pluriel se lit deux fois en 2 (pronom-suffixe et verbe), en 8 et 12 nous lisons YHWH + Dieu de Jacob et avec nous + pour nous, les deux partenaires y étant donc mentionnés deux fois, comme en 6 pour Dieu, comme en 2 pour nous 23. Tsumura (pp. 32–36) relève de 3– 4 à 7 l’ordonnance entre terre + chanceler + gronder et gronder + chanceler + terre,

23

Certes il n’y a à strictement parler que deux emplois d’un refrain (8 et 12) dans notre psaume, et il est parfaitement injustifié de vouloir le « restituer » après 4 comme le proposent certains. Mais étant donné les fonctions structurelles de 2 et 6, comparables à celles de 8 et 12, on peut au moins dire que, sans être des refrains, 2 et 6 jouent un rôle très comparable à celui de 8 et 12 dans la structure d’ensemble de notre psaume. Dans sa proposition d’un diptyque pour 2–8 (2 + 3– 6 y appelant en ordre inversé 7 + 8), Girard a bien vu la correspondance entre 2 et 8 ainsi que celle de 3– 4 à 7, mais 5-6 n’y est pas vraiment pris en considération. Tant qu’à voir un ensemble en 2–8 mieux vaudrait le voir concentrique autour de 5– 6 (sur Dieu dans la ville). C’est ce que nous proposions dans notre étude de ScEs p.336.

177

Etude structurelle du psaume 46

puis il montre comment selon lui 4 et 7 (moins la dernière proposition) présentent un parallélisme semblable (Ab//a’b’c’ en 4, et ab//a’b’C en 7). Mais si conjointement on prête plus attention aux contenus, on pourra comparer comme suit 3– 4 et 7 en leur entier: 3a 3b

changer la terre chanceler les montagnes [mers

4a

grondent bouillonnent

4b

tremblent les montagnes

eaux] par (b) son orgueil

de (b) sa voix

ont grondé les nations ont chancelé les royaumes mollit la terre

7a 7b

Nous avons mis en italiques ce qui est cause du reste, soit en 3–4 les mers et leur orgueil, en 7 la voix de Dieu. On voit que si terre 24 et chanceler appartiennent bien ici et là aux effets, il n’en va pas de même de gronder, appartenant en 4 à la cause, en 7 à l’effet. La différence manifeste entre les deux unités est la présence du développement (en chiasme) à propos de la mer en 3b– 4: il n’a point d’équivalent en 7, où l’on ne retrouve que ntn bqwlw qui répond à bg’wtw de 4b, comme l’a bien vu Tsumura. Mais si l’on fait abstraction dudit développement on constate qu’en 3– 4 trois effets (les deux premiers comportant terre et chanceler) trouvent leur cause après le troisième 25, tandis qu’en 7 trois effets (les deux derniers comportant chanceler et terre) trouvent leur cause avant le troisième. Tsumura commente excellemment: « C’est l’action destructrice de YHWH comme juge de l’histoire qui est comparée à l’action destructrice des eaux de la mer […]. Le point souligné dans ce psaume est la tension entre la mer et les montagnes ou la terre aux vv. 3– 4 et l’opposition entre YHWH et les nations ou la terre au v.7 ». De 3– 4 à 7 on aura remarqué que la terre n’est pas regardée du même point de vue. En 3– 4 elle est la victime des mers qui y jouent le rôle

24

25

Fokkelman (pp. 159–160) veut à tort attribuer l’article à ’rs. en 7. Il n’y est pas plus qu’en 3a. L’article pour terre ne se lit que dans les trois occurrences de 9–11. On verra plus loin comment le mot y est structurellement situé dans ce petit ensemble. Nous découvrons ici que 3– 4 ont quelque chose de comparable à 7 et 10 (trois effets pour une cause).

178

Chapitre V: Il a donné de sa voix

de rebelles à réduire. En 7 (comme en 11) c’est cette fois la terre qui est regardée comme rebelle à mater. Si en 3– 4 la terre est plutôt apparentée à ce peuple de Jacob qui a besoin du secours divin, en 7 et 11 elle est plutôt apparentée à ces mers qui doivent être réduites à merci par YHWH 26. De 7 à 8 comme de 9–10 à 11 la terre est en opposition avec Jacob. De 2 à 3– 4 elle est, dira-t-on, du même côté que le nous; de 6 à 7 elle est en opposition avec la ville, comme elle le sera plus loin avec Jacob. Ainsi donc le verset charnière entre deux parties du psaume n’est pas 8, mais 7, dernier verset d’un ensemble 2–7, premier verset d’un ensemble 7–12. Les deux centres 5 et 9–10 se répondent admirablement pourvu qu’on se souvienne de la paire stéréotypée terre/ville: ici la ville de Dieu est dans la joie, demeure du Monté-Haut, là la terre est débarrassée de la guerre. La joie de la première lui vient du cours paisible du fleuve, la libération de la seconde entre autres de l’œuvre bienfaisante du feu. Il convient que la terre entière finisse par connaître l’heureux sort de la Ville. Dressons un schéma récapitulatif où ces premiers rapports ordonnés sont indiqués à l’aide des flèches (les autres vont être présentés ensuite):



2 3–4 5 ▼

6 7



8

9–10 11 ▼

12

Expliquons les autres correspondances indiquées sur ce schéma. Certaines correspondances (marquées par des traits discontinus) permettent encore de percevoir une inversion de 2 + 3–4 + 5 à 9–10 + 11 + 12 d’un extrême à l’autre du psaume. De 2 à 12 jouent la récurrence de DIEU , mais aussi la répartition ici et là des termes de la paire stéréotypée cwz/s´gb 27: c’est rien moins qu’un DIEU 28 qui est force pour nous, citadelle pour nous le DIEU de Jacob. De 3– 4 à 11 joue la récurrence de terre (en tandem avec un autre terme ici et là), ici assaillie par les eaux, là soumise à Dieu. Dans le même sens on repérera la répartition en 4b et 11b des termes de la paire 26 27 28

L’ambivalence est comparable à celle des eaux destructrices en 3– 4 et bénéfiques en 5 (Girard pp. 760–761). Avishur p.280. Lohfink (pp. 149–150) traduit non sans raison 2a: Ein Gott ist uns Zuflucht und Festung.

Etude structurelle du psaume 46

179

stéréotypée g’h/rwm 29: celle qui ici menace la terre en son orgueil, c’est la mer, celui qui se présente là comme élevé de par la terre, c’est Dieu. Nous avons étudié le rapport de 5 à 9–10 ci-dessus. Il n’y a pas de correspondance bien perceptible entre 6 et 8, mais relevons que si 2 (où nous lisons force) et 6 commencent tous deux par DIEU, 8 (où nous lisons citadelle) et 12 eux commencent par YHWH, tandis qu’on lit DIEU en 5, mais YHWH en 9–10 30. En 5 et 7 nous lisons les termes de la paire stéréotypée terre/ville, en 7 et 9(–10) il a donné… la terre et (il) a mis… la terre, donner et mettre constituant une paire stéréotypée 31. Ici il donne de la voix et la terre mollit, là il a mis des désolations de par la terre. On se rappellera aussi, de 7 à 10, l’agencement ici et trois effets pour une cause, laquelle se lit en 7 avant le troisième effet, en 10 avant le premier, les contenus n’étant pas sans rapport puisqu’il s’agit en 7 de soumettre les nations et en 10 de les désarmer. On notera encore en (3–)4 et (9–)10 la répartition des termes de la paire stéréotypée feu/eaux 32 et, symétriquement, de 5 à 11 non seulement les termes de la paire terre/ville, mais aussi l’idée de hauteur pour ce Monté-Haut élevé parmi les nations de la terre. Ainsi tous les indices ont-ils leur fonction dans cette structure d’ensemble qui permet de distinguer à la fois les deux parties 2–7 et 7–12, mais aussi l’inversion des trois premières aux trois dernières unités, le rapport des deux centres à 7, le chiasme entre 3–4 + 5 et 9–10 + 11. Nous reprendrons ici la conclusion de notre étude de 1989, mais cette fois mieux fondée nous semble-t-il et donc plus à même de guider le lecteur vers le sens de ce psaume. On voit que si en 2–7 le centre 5 était un tableau paisible de la ville, demeure de Dieu, en 7–12 le centre 9–10 est la présentation, pourrait-on dire, d’une guerre à la guerre sur toute l’étendue de la terre, comme si la paix déjà acquise pour la ville devait s’étendre à toute la terre. Ici la correspondance entre ville et terre reçoit, nous semble-t-il, sa portée maximale. Si terre (7) et montagnes (3– 4) vont jusqu’à chanceler par le fait du Dieu qui est pour nous (2) au dedans de la ville (6), si les nations et la terre, ébranlées (7), doivent se soumettre (11) par le fait du Dieu de Jacob (8 et 12), c’est pour qu’au terme la terre entière entre en partage de la paix que connaît la ville (9 –10 et 5). Telle nous paraît être la signification du psaume peu qu’on le considère comme littérairement structuré, c’est-à-dire faisant jouer et ordonnant selon sa visée les rapports entre les diverses unités comme entre les différents volets. 29 30

31 32

Avishur p.700. Lohfink (p.150, n.3) écrit: « Die Gottesbezeichnungen sind hier also genau kalkuliert. Ihre jetzige Verteilung hat alle Chancen, ursprünglich zu sein ». Il fait remarquer que dans notre psaume Dieu se lit sept fois et YHWH trois fois. Soit s´ ym/ntn selon Avishur pp. 640– 641 et 654. Soit ’sˇ /mym selon Avishur pp. 483– 484 et 495. En 3– 4 les eaux, malfaisantes, s’en prennent à la terre, en 9–10 le feu, bienfaisant, s’en prend à la guerre.

Chapitre VI Il est monté, Dieu, dans l’acclamation Etude structurelle du psaume 47 Dans un article paru il y a douze ans 1 nous faisions référence à cinq propositions antérieures, plus ou moins argumentées, sur la structure du Ps 47. Nous ne les reprendrons pas ici, nous contentant de nous référer à la dernière en date des deux propositions de Girard 2. Comme plusieurs auteurs, dont les deux susdits, nous distinguons 2–6 et 7–10, pour en venir ensuite à l’ensemble. Nous empruntons à Girard sa traduction: 2a 2b 3a 3b 4a 4b 5a 5b 6a 6b 7a 7b 8a 8b 9a 9b 10a 10b 10c 10d

1 2

Tous les peuples, battez (de) la paume, Acclamez Dieu avec la voix d’un cri (joyeux). Car YHWH (est) Monté-haut, craint, roi grand sur toute la terre. Il subjugue les peuples sous nous, les populations, sous nos pieds. Il choisit pour nous notre héritage, la fierté de Jacob qu’il a aimé. Il est monté, Dieu, dans l’acclamation, YHWH, avec la voix du cor. Jouez (de la musique pour) Dieu, jouez, jouez pour notre Roi, jouez. Car le Roi de toute la terre, (c’est) Dieu. Jouez un poème. Il est-devenu-Roi, Dieu, sur les nations; Dieu s’est assis sur le trône de son lieu-saint. Les nobles des peuples ont été attirés, peuple du Dieu d’Abraham. Car à Dieu (sont) les boucliers de la terre. Tout à fait il a été monté.

Pierre Auffret, «’Il est monté, Dieu’ Etude structurelle du Psaume 47, ScEs 42 (1990) 61–75. Girard, Psaumes redécouverts, pp. 766–774.

Etude structurelle du psaume 47

181

Aux extrêmes de 2–6 on voit 2–3 et 6 se répondre comme le montrera le tableau suivant: 2. 3.

Acclamez

6 l’acclamation

Dieu YHWH Monté-haut Il est monté Dieu YHWH

avec la voix

avec la voix

On voit dans la colonne centrale aux centres la correspondance entre le titre de Monté-haut et le verbe Il est monté, respectivement précédé et suivi par Dieu + YHWH. Aux extrêmes Dieu et YHWH sont précédés et suivis par les mêmes termes, comme le montre notre tableau. En 3abba on notera, fondé sur la paire stéréotypée gdl/yr’ 3, le parallèle entre Montéhaut + craint et roi + grand. La paire stéréotypée terre/peuples 4 permet de voir un effet d’inclusion de 2–3 avec tous les peuples et toute la terre aux extrêmes. Qu’en est-il entre les deux extrêmes 2–3 et 6, soit en 4–5? Ecrivons-les comme ceci, ce dont nous nous expliquerons aussitôt : [3b

roi grand sur (cl) toute la terre*°].

4a

Il subjugue les peuples*" sous nous,

4b

les populations", sous nos pieds.

5a

Il choisit pour nous notre héritage°, la fierté

5b

de Jacob qu’il a aimé. [6aa

3 4

Il est monté (clh)…]

Selon Avishur, pp. 128–129 et 132. ’rs. /cmym selon Avishur p.278.

182

Chapitre VI: Il est monté, Dieu, dans l’acclamation

Les deux versets 4 et 5 nous offrent comme deux démonstrations de la royauté de YHWH proclamée en 3. Deux paires stéréotypées nous aideront à le percevoir, soit celle de terre/peuples et terre/héritage 5: le roi sur toute la terre peut comme tel mettre les peuples et les populations 6 qui l’habitent sous nos pieds, et y choisir pour nous un héritage. On notera les parallèles entre 3b et 4a: roi + sur toute la terre // subjugue + les peuples, puis entre 4a et 4b: les peuples + sous nous // les populations + sous nos pieds, et l’opposition et la correspondance entre sur (pour le dominant) et sous (pour les dominés). En 4b–5a on pourrait voir une petite symétrie concentrique autour de Il choisit, s’y correspondant sous nos pieds et pour nous, puis les populations et notre héritage. En 5 nous voyons un chiasme avec les verbes aux extrêmes (sujet YHWH), puis, en se rapprochant des centres deux désignations des destinataires (nous et Jacob), et aux centres cet héritage qui est fierté pour ceux auxquels il est destiné. Comparons encore 2–3 et 4–5 à partir du tableau que voici:

2a 2b 3a 3b

peuples

grand

paume*

Monté (clywn) sur (cl) terre°

4a 4b 5a 5b

peuples pieds* héritage° fierté

sous sous

Nous lisons peuples en 2a comme en 4a. Que en 3b et 5b il existe une certaine correspondance entre grand (rapporté à YHWH) et fierté (rapporté à Jacob), c’est ce que suggère l’existence des deux paires stéréotypées gdl/rwm et g’h/rwm 7 où deux termes se trouvent apparentés à un terme commun dont le sens (se hausser) n’est pas très loin de celui de la racine clh qui joue un rôle si important dans notre psaume. En 3b après grand ainsi qu’en 3a nous lisons deux termes de racine clh, soit le titre de Monté-haut et la préposition sur; mais c’est après peuples ainsi qu’en 4b que nous lisons l’antonyme sous. Deux paires stéréotypées indiquent des correspondances de 2a et 3b, aux extrêmes de 2–3, à 4b et 5a, aux centres de 4–5, soit paumes/pieds et terre/héritage 8. Ce sont les peuples assujettis à Israël qui sont invités à battre de la paume, acclamer Dieu, autrement dit YHWH, ce roi grand, fierté de Jacob. Il est le Monté-haut, roi sur toute la terre, et peut donc soumettre peuples et populations sous les pieds de son

5 6 7 8

Voir note précédente pour la première et pour la seconde, ’rs. //nh.lh, Avishur pp. 199 et 278. c m/l’m constituent eux aussi une paire stéréotypée selon Avishur p.305. Selon Avishur pp. 131-132 et 191 pour la première, 700 pour la seconde. kp/rgl selon Avishur p.83, et ’rs. /nh.lh ibid. pp. 199 et 278.

Etude structurelle du psaume 47

183

peuple élu. Disposant de toute la terre, il peut y choisir l’héritage destiné aux siens 9. Pour saisir la structure de 7–10 disposons-en le texte comme suit: 7a [Jouez] 7b [jouez]

(pour) Dieu (x), pour notre Roi" (y),

[jouez], [jouez].

8a CAR le Roi" (y) de toute la terre* (z), (c’est) Dieu (x).

[8b Jouez un poème.]

9a Il est-devenu-Roi" (y), Dieu (x), sur les nations* (z);

9b Dieu (x)s’est assis sur le trône" (y) de son lieu-saint. 10a Les nobles des peuples° (z) ont été attirés,

10b peuple (z) (sont) les boucliers

du Dieu (x) d’Abraham.

10c CAR à Dieu (x) de la terre° (z). 10d Tout à fait il a été monté (y).

Nous avons mis entre crochets les invitations à [jouer] qui successivement encadrent les deux désignations de Dieu appelé ensuite notre Roi en 7, et pour la dernière (8b) se lit entre 8a et 9a sur lesquels nous revenons sous peu. Dieu est porté en caractères gras ainsi que toutes les expressions de sa royauté: roi, assis sur le trône, cette dernière expression constituant une paire stéréotypée avec roi 10, monté, parallèle à roi au v.3 de notre psaume. Les sujets dudit roi sont en caractères gras italiques. Cela étant précisé on voit l’échange des extrêmes de 7a et b au centre de 8–9a ([jouez]), mais des centres de 7a (Dieu) et b (notre Roi) aux extrêmes de 8–9a (roi de toute la terre Dieu et roi, Dieu sur les nations, fonctionnant ici la paire stéréotypée terre/nations 11), l’extension de la royauté étant maximale quand son pouvoir passe de nous à toute la terre (ou les nations). Jusqu’ici nous célébrons donc juxtaposés en quelque sorte l’empire de YHWH sur son peuple et

9

10 11

Girard voit un diptyque 2 + 3 // 4–5 + 6, à partir de peuples pour les premiers termes, de YHWH et monter pour les seconds. A partir de la paire stéréotypée terre/peuples on pourrait même tenir une correspondance entre 2 et 6 (acclamer ici et là) comme entre 3 (toute la terre) et 4 (les peuples). Nous aurions ainsi une symétrie croisée x + y’ / x’ + y. Mais c’est laisser trop dans l’ombre le v.5 (qu’il faudrait introduire comme z entre x’ et y, comme un élément de dissymétrie). Il nous semble au bout du compte plus pertinent de lire comme deux volets complémentaires 4 (les peuples sous nous) et 5 (pour nous notre héritage) entre 2–3 et 6. Nous avons ici amélioré de beaucoup, nous semble-t-il, notre proposition de 1990. mlk/ysˇb cl ks’ selon Avishur pp. 141 et 384. Existe aussi la paire ks’/mlkwt, ibid. p.184. ’rs. /gwy(m) selon Avishur p.278.

184

Chapitre VI: Il est monté, Dieu, dans l’acclamation

son empire sur les nations. Mais avec 9b–10 un nouveau rapport apparaît entre Dieu et ce double empire. Autour de 10b, soit en 9b–10a et 10cd on découvre trois et trois termes en correspondance, soit les deux successions comparables de Dieu + assis sur son trône + les nobles des peuples et Dieu + les boucliers de la terre + il a été monté, soit ce Monté-haut qu’on trouvait en parallèle au v.3 de notre psaume, selon donc une succession r (roi/trône/Monté) + t (terre/peuples/nations) + d (Dieu) le cédant à r + d + t. Ces deux panneaux encadrent en quelque sorte la promotion des sujets ainsi indiqués comme peuple du Dieu d’Abraham en 10b. On lit donc dans chacun des trois panneaux successivement Dieu, peuple, Dieu, puis peuples, Dieu, terre. Attirés les peuples sont devenus peuple du Dieu d’Abraham, car ils appartiennent à ce dernier qui en a ainsi disposé. Chacun des deux volets commence par une présentation de Dieu fort semblable d’ici à là, soit Dieu notre roi et Dieu assis sur le trône de son lieu saint, pour peu qu’on entende ce dernier le temple même de Jérusalem, soit le lieu même de sa résidence royale en Israël. Alors qu’en 8–9a on lisait dans les panneaux extrêmes r + t + d et r + d + t, on lit ici dans les mêmes panneaux d + r + t et d + t + r. De 8a.9a à 9b10a.10cd on notera alors l’agencement que voici: 8a x 9a

rt + d

d + rt

9b10a

r + dt

dt + r

10cd

Le lecteur peut donc voir l’exacte inversion des termes tant de 8a à 9b que 9a à 10cd. Dieu a le dernier mot en 8a et le premier en 9b, ici comme roi sur toute la terre, là sur son trône royal attirant les nobles des peuples. Mais c’est sous son aspect royal qu’il nous est présenté au début de 9a comme au terme de 10cd, ici comme Dieu sur les nations, là comme Dieu à qui appartiennent les boucliers de la terre 12. Nous pouvons maintenant considérer la structure d’ensemble du poème. On aura constaté qu’en 2-6 les deux premières unités (2–3 et 4–5) entretiennent entre elles des rapports plus étroits, tandis qu’en 7–10 ce sont des deux dernières (8–9a et 9b–10) qu’on peut dire la même chose.

12

Girard (p.771) voit en 7–10 un diptyque 7 + 8a // 8b + 9–10. Il n’a pas vu l’encadrement de 8b par 8a et 9a, inverse de ceux de 7a et 7b, et qu’en 9b commence comme un second volet lui-même soigneusement structuré. Il signale avec raison la récurrence de CAR en 8a et 10c, présent dans notre proposition au début de 8–9a (car… la terre, Dieu) et au terme de 9b–10 (car à Dieu… la terre), soit aux extrêmes de 8–10. Nous avons ici encore amélioré de beaucoup, nous semble-t-il, notre proposition de 1990.

Etude structurelle du psaume 47

185

Or entre 2–5 et 8–10 nous pouvons observer des rapports organisés selon une symétrie croisée, soit selon un chiasme et un parallèle superposés. Repérons d’abord la disposition en parallèle. En 2–3 et 8–9a nous lisons car, roi (bis), toute la terre (tout déjà en 2a de 2–3), Dieu, sur, et la même paire stéréotypée que de 2–3 à 7. On comparera en particulier 3b avec 8a et 9a. C’est ici et là une invitation à la jubilation en l’honneur de ce Dieu roi sur toutes les nations de la terre. En 4–5 et 9b–10 nous lisons peuple(s), les noms propres de Jacob et Abraham, les antonymes sous et sur, ce dernier préparant en quelque sorte en 9b–10 l’affirmation finale il a été monté (même racine), et les termes de la paire stéréotypée, déjà rencontrée, terre/héritage. Les peuples sont soumis au peuple élu référé à ses éminents ancêtres. Mis sous nos pieds, ils se trouvent aussi au dessous de celui qui est sur le trône royal (il a été monté). Notre héritage nous a été réservé par celui auquel appartiennent les boucliers de la terre. Pour ce qui est du chiasme, de 2–3 à 9b–10 on retrouve (en 10cd) car, Dieu, la terre, monté, soit une même affirmation de la suprématie du Monté-haut de Dieu sur la terre. En 4–5 et 8–9a on trouve les termes de la paire stéréotypée terre/héritage, avec le sens déjà signalé, également ceux de la paire stéréotypée terre/peuples (voir notre n.4), et enfin les prépositions de sens opposé sous (4) et sur (9a): le roi de toute la terre, et donc sur toutes les nations, met les peuples sous nos pieds et nous assure un héritage de choix. Notons ici que l’agencement peuples (2a) + car… la terre (3), puis peuples (4a) en 2–5 fait place en 8–10 à celui, de car… la terre (8a), puis peuples (10a) + car…la terre (10c). Le premier terme (peuples) de 2–3 est repris en 4, tandis que car… la terre en 8-9a revient au terme de 9b–10. On se souvient que terre/peuples constituent une paire stéréotypée. Les invitations à quelque jubilation se lisent en 2–3, 6, puis 7 et 8–9a. Dès lors on peut percevoir l’agencement de l’ensemble selon le schéma suivant



(Acclamez) 6 (acclamation) 7 (jouez) ▼ 8–9a (jouez)

+

4–5

+

9b–10



2–3



Selon les ensembles 2–5 et 8–10, 2–3 reçoit en 4–5 un prolongement pour ce qui est des motifs de l’acclamation, et 8–9a en 9b–10 pour ce qui est des raisons de jouer. Ici et là les peuples sont concernés, subjugués en 4a, attirés en 10a. Ils sont soumis, mis sous les pieds du peuple élu, Jacob, en 4–5; mais en 9b-10, face à celui qui est sur le trône (monté), ils sont devenus peuple du Dieu d’Abraham. De 2–3 à 7, dans la première unité de chacun de nos deux volets, nous retrouvons Dieu et roi, ainsi que, répartis ici et là, les termes de la paire

186

Chapitre VI: Il est monté, Dieu, dans l’acclamation

stéréotypée crier (de joie)/jouer 13, soit une même invitation à la jubilation en l’honneur de ce Dieu roi. De 6 à 9b–10, dans la dernière unité de chacun de nos deux volets, nous retrouvons le verbe monter avec pour sujet Dieu, cette montée n’étant autre que celle de sa prise de pouvoir comme roi sur toute la terre. On peut constater finalement que les deux unités extrêmes se trouvent en rapport avec chacune des trois unités de l’autre partie, soit 2–3 avec 7, 8–9a et 9b–10, et 9b–10 avec 2–3, 4–5 et 6. Entre les unités extrêmes on peut peut-être découvrir un certain parallèle de 4–6 à 7–9a. C’est en effet en 4–5 et 7, et là seulement dans notre psaume, que nous lisons la 1ère pers. du pluriel par laquelle le psalmiste parle au nom des siens: les peuples sont sous nos pieds, Dieu est notre roi, et c’est à ce titre qu’il nous choisit notre héritage. En 6 et 8–9a, selon un rapport plus ténu, nous lisons ici monté et là sur, de même racine en hébreu, rapportés l’un et l’autre à Dieu,: il est monté, Dieu, devenu roi, Dieu, sur les nations 14.

13 14

rnn/zmr selon Avishur p.231. Les rapports qui selon Girard fondent un rapport en parallèle (2 + 3 + 4–5 + 6 // 7 + 8 + 9 10b + 10cd) entre les deux parties existent bel et bien, mais ceux-là sont loin d’être les seuls, et par ailleurs la détermination des tranches selon Girard ne correspond pas aux petites unités du texte. Si 2 se rapporte à 7, cela n’exclut pas qu’il se rapporte aussi à 8, et de même pour 3 non seulement avec 8, mais aussi avec 9b–10, pour 4–5 avec 9b–10, mais aussi avec 8–9a, et ainsi de suite.

Chapitre VII Faites le tour de Sion Etude structurelle du psaume 48 Dans notre première étude structurelle du Psaume 48 (1990) 1 nous tenions compte de la première proposition de Girard (1984) 2 ainsi que de celle de Ravasi dans son commentaire (1981) 3. Depuis sont parues quelques notations d’ordre structurel dans un article de Smith 4 et une autre proposition de Girard (1996) 5. Nous reprenons ici complètement l’étude, quitte à revenir au fur et à mesure sur les propositions antérieures pour en apprécier la justesse. Nous étudierons donc tout d’abord la structure de chacune des unités (1–3, 4–9, 10–11, 12–14, 15) pour en venir ensuite à la structure d’ensemble. Nous empruntons à Girard sa dernière traduction (1996), ne la modifiant que pour 3d à la suite de la proposition de Barré 6 et pour 14a 7. 2a 2b 2c 2d

1 2 3 4

5 6 7

Grand (est) YHWH et loué tout à fait dans la ville de notre Dieu. La montagne de son lieu-saint,

Pierre Auffret, « Dans la ville de notre Dieu – Etude structurelle du Psaume 48 », ScEs 42 (1990) 305–324. Analyse structurelle, pp. 383–390. Gianfranco Ravasi, Il libro dei Salmi (1–50), Bologne 1981, pp. 856–858. Mark S. Smith, « God and Sion – Form and Meaning in Psalm 48 », SEL 6 (1989) 67–77. Mais nous ne retiendrons pas tous les chiasmes proposés ou retenus par cet auteur, car ils sont pour plus d’un repérés indépendamment des contextes propres à chaque récurrence retenue, contextes pourtant indispensables pour en apprécier la fonction de composition. Girard, Psaumes redécouverts, pp. 776–784. C’est à cette dernière proposition de Girard que nous ferons référence ci-dessous. Michael L. Barré, « The seven epithets of Zion in Ps 48, 2–3 », Bib 69 (1988) 557–563, pp. 5650–563, déjà cité et adopté dans notre article de 1990. Soit sa fortification (avec d’ailleurs Girard en 1984), et non la fortification. Sur ce point voir Smith, art.cit., n. 15.

188

Chapitre VII: Faites le tour de Sion

3a 3b 3c 3d 3e

belle Memphis, allégresse de toute la terre. La Montagne de Sion, hauteurs du Saphon, la cité du Roi abondant (de puissance).

4a 4b 5a 5b 6a 6b 7a 7b 8a 8b 9a 9b 9c 9d 9e

Dieu, dans ses palais, a été connu en (tant que) citadelle. Car voici : les rois se sont rassemblés, ils ont passé ensemble. Eux, ils ont vu : ainsi ils ont été consternés, ils ont été bouleversés, ils se sont affolés; un tremblement les a saisis là, un tressaillement-en-rond, comme une (femme) donnant-naissance, (comme) dans un souffle-de-vent d’est (qui) brise les vaisseaux de Tarsis. Comme nous avons entendu (dire), ainsi nous avons vu, dans la ville de YHWH des armées, dans la ville de notre Dieu: Dieu l’a stabilisée jusqu’à toujours.

10a 10b 11a 11b 11c 11d

Nous avons médité-en-silence, Dieu, (sur) ta loyauté, au dedans de ton temple. Comme ton nom, Dieu, ainsi (est) ta louange sur les extrémités de la terre. (De) justice s’est remplie ta droite.

12a 12b 12c 13a 13b 14a 14b 14c 14d

Elle se réjouit, la montagne de Sion; elles exultent, les filles de Juda, en raison de tes jugements. Faites-le-tour de Sion, circulez-autour-d’elle; décrivez ses grandes-tours, mettez vos cœurs vers sa fortification-en-rond; différenciez ses palais, en raison (du fait que) vous (les) décriviez à la génération d’après.

15a 15b 15c 15d

Car ce Dieu (est) notre Dieu, toujours et (à) jamais; lui, il nous guide(ra) sur le (chemin du) mourir.

Etude structurelle du psaume 48

189

La première unité se lit en 2–3 8, lesquels se trouvent structurés comme le montrera la disposition suivante du texte: 2a 2b 2c 2d 3a. 3b 3c 3d 3e

Grand*° YHWH et loué° tout à fait dans la ville +w de notre Dieu La montagnev de son lieu-saint belle Memphis allégresse de toute la terre vw La montagne v de Sion hauteurs du Saphon la cité+ du Roi abondant* (de puissance)

Les signes en exposant veulent aider à repérer les termes de paires stéréotypées. En 2ab se répondent d’une ligne à l’autre grand et loué, termes d’une paire stéréotypée. Notons ensuite aux extrêmes la répartition des termes de la paire stéréotypée grand/abondant 9: il s’agit de qualifier le même ici et là. Quant à ville en 2c le mot constitue une paire stéréotypée tant avec terre 10, que nous lirons au centre de l’ensemble, qu’avec cité 11 qui se lit symétriquement (par rapport au centre) en 3e. La ville est celle de notre Dieu, la cité celle du Roi, termes désignant le même YHWH 12. A la suite de Barré 13 retenons le parallèle entre 2d3a et 3cd, les premiers mentionnant le sanctuaire (la montagne de son lieu-saint, la montagne de Sion), les seconds un lieu saint étranger renommé. Comme le remarque 8

9 10 11 12

13

Comme le propose Girard avec raison dans sa présentation de 1996. Nous reprenons ici, argumentons plus avant (à partir de paires stéréotypées) et ajustons à l’aide de Barré sa proposition de structure concentrique pour 2–3 (p.780): W (2ab: gdwl YHWH) + X (2c: cyr) + Y (2d–3a: hr) / Z (3b) / Y’ (3c: hr) + X (3da: qryh) + W’ (3db: mlk rb). Girard en 1984 adjoignait artificiellement 4 à 3, mais avait déjà perçu la symétrie concentrique en 1–3. Notre tentative de 1990 pour saisir la structure de tout 1– 4 nous paraît périmée. Voir sur cette détermination de 1–3 comme une unité Barré art.cit. n.3 (voir aussi n.11). gdwl/rb selon Avishur p.756, à l’index. ’rs. / cyr selon Avishur p.278. c yr/qryh selon Avishur p.646. Il existe une paire stéréotypée ’l/mlk (Avishur pp. 350.440.636), laissant entendre ce rapport entre Roi et Dieu (ici ’lhym). P.350 Avishur cite Ps 68,25 où se lisent ’lhym… ’ly / mlky… Art. cit. pp. 560–561, mais nous retenons pas le troisième terme du parallèle proposé par Barré (allégresse de toute la terre // la cité du roi abondant de puissance, au titre d’une référence internationale), le rapport de 3e à 2abc nous paraissant plus pertinent.

190

Chapitre VII: Faites le tour de Sion

Barré (p.563) les deux lieux saints étrangers sont situés pour le premier au sud, pour le second au nord. On sait comme la bipolarité de termes opposés exprime souvent la totalité. De 2d3a et 3cd à 3b le passage du lieu particulier à la perspective universelle s’opère à l’aide des termes de la paire stéréotypée montagne/terre 14. Cette montagne réjouit toute la terre, et le roi qui habite la ville qui y est bâtie n’est autre que notre Dieu, grand et abondant en puissance. La structure de 4–9 se perçoit à partir des indices ainsi disposés 15: 4

Dieu

+

dans ses palais* a été connu°" en citadelle

5–6aa (les rois…) ont vu°+… 6ab –7ba ainsi… 7bb –8 comme… dans la ville* dans la ville*

9

comme… nous avons entendu"+ ainsi nous avons vu°+

+ +

de YHWH des armées de notre Dieu:

Dieu l’a stabilisée pour toujours Aux extrêmes, selon une inversion, doublée au terme, nous trouvons Dieu dans ses palais*, puis nous sommes dans la ville* de YHWH des armées, dans la ville* de notre Dieu. On relèvera ici la récurrence de la préposition dans et que ville et palais constituent une paire stéréotypée 16. Après quoi nous lisons en tant que citadelle en 4, et au terme cette affirmation selon laquelle Dieu l’a stabilisée pour toujours. En 4 c’est Dieu lui-même, situé dans ses palais, qui est réputé être tel une citadelle, en 9 c’est dans la ville YHWH notre Dieu qui l’a stabilisée pour toujours. Autrement dit une qualité analogue est prêtée ici à Dieu, là à la ville. Le passif suggère une action divine en 4, et Dieu est donné explicitement comme sujet de l’action 14 15

16

hr/’rs. selon Avishur p.278. Nous affinons ici la proposition de Girard (p.781) pour 4–9, en précisant les rapports entre 4 et 9cde (certainement préférable à 9e comme dernier terme: Girard hésite) comme entre 5–8 et 9ab (certainement préférable à 9abcd comme troisième terme: ici encore Girard hésite), soit les quatre termes du chiasme qu’il entrevoit. La première proposition de Girard (1984) comme la notre (1990) pour saisir une structure propre à 5–9 nous paraissent périmées (restant toujours utile le relevé des indices de correspondances). c yr/’rmwn selon Avishur pp. 687–688.

Etude structurelle du psaume 48

191

en 9e. On lit donc en 4b le verbe le verbe connaître, puis en 6a et 9ab les verbes, entendre et voir. Or chacun de ces trois verbes forme une paire stéréotypée avec chacun des deux autres 17. Si Dieu est connu, c’est d’une part par ce qu’il a été donné de voir aux rois en déroute, et d’autre part par ce que nous, membres de son peuple, nous avons entendu et vu. Nous avons réparti sur notre tableau sur deux colonnes contiguës ce qui revient à chacun de ces deux partenaires. On peut du coup y repérer l’inversion en 5–8 et 9ab de vu… ainsi… comme… en comme… ainsi… vu. En 5–8 on pourrait grouper les trois premiers verbes (se sont rassemblés, ont passé, ont vu, avec le sujet explicité pour le premier et le dernier), puis les trois premières réactions (consternés, bouleversés, affolés), puis les deux suivantes (tremblement, tressaillement), avec enfin les deux images (la femme, le vent) qui les explicite. 10–11 présentent une structure assez simple 18. Présentons-la comme ceci: 10

Dieu sur ta loyauté* au dedans de ton temple comme ton nom°

11 Dieu

ainsi ta louange° sur les extrémités de la terre de justice* ta droite Il s’agit d’une symétrie concentrique autour de Dieu en 11. Aux extrêmes on lit encore Dieu en 10 et, lui correspondant, ta droite au terme de 11. Loyauté et justice se correspondent comme le suggère aussi la paire stéréotypée qu’ils constituent 19, et de même nom et louange 20. Quant à temple et extrémités de la terre, ils représentent pour le premier le lieu de concentration maximale de la présence divine, et pour l’autre son extension maximale. La méditation dans le temple sur la loyauté divine fait bientôt

17 18

19 20

sˇmc/ydc selon Avishur pp. 515–516 et 522, ydc/r’h pp. 259.261.293.294, r’h/sˇ mc pp.87.263.286. Ni Girard (dans ses deux propositions), ni nous-même ne sommes parvenus à une hypothèse satisfaisante pour les petites unités à partir de 10, faute d’avoir perçu l’autonomie structurelle de 10–11 (et non 10–12) et 12–14 (et non 13–15 selon Girard ou 13–14 selon nous). h.sd/s.dq selon Avishur pp. 237 et 282. sˇ m/thlh selon Avishur pp. 111.245.294.

192

Chapitre VII: Faites le tour de Sion

réaliser que la justice divine s’étend jusqu’aux extrémités de la terre. A elles deux elles suscitent la louange de leur auteur. La structure de 12–14 paraît plus complexe, et cependant les indices suivent une ordonnance assez facilement repérable, soit: 12a(b) 12c 13(14ab) 14cd

Sion en raison de Sion en raison de

+ +

décrivez décriviez

Autrement dit les deux derniers termes du parallèle sont chacun suivis du même troisième terme (décrire). Le premier terme du parallèle comporte la paire stéréotypée se réjouir/exulter 21. Les proportions sont en 13–14b et 14cd à peu près doubles de 12ab et 12c. La joie de Sion lui vient des jugements divins. Et s’il convient de faire le tour de Sion et de la bien décrire, c’est pour cette raison qu’il faudra en rendre compte à la génération à venir. Ici comme là une action concernant Sion (se réjouir ou décrire) est ensuite motivée, soit du côté de Dieu (ses jugements), soit du côté des siens (transmettre aux générations). A lui seul 15 présente une certaine structure 22. Il nous faut pour bien la percevoir recourir ici à l’hébreu: zh (ce) ’lhym (Dieu) ’lhy- (Dieu) -nw (de nous) cwlm wcd (toujours et à jamais) hw’ (lui) ynhgynw (guide nous) c l mw t (sur le… mourir)

Le démonstratif zh 23 et le pronom hw’ désignent le même qui est qualifié entre eux de ’lhym. Après les deux derniers termes de ce chiasme nous lisons deux fois le suffixe 1ère pers. pl. -nw, puis deux expressions dont la parenté consonantique ne fait pas de doute, quoi qu’il en soit des difficultés d’interprétation de la seconde. Pourquoi ne pas comprendre: à cause du (c’est un des sens de la préposition cl) [danger de] mourir, c’est-à-dire pour parer au danger de mort? Voilà un guide des plus sûrs. Nous voilà donc face à cinq unités dont nous espérons avoir montré ci-dessus l’autonomie d’un point de vue structurel. Qu’en est-il de leur

21 22 23

s´ mh./gyl selon Avishur p.768, à l’index. Que nous avions déjà perçue en 1990 (art.cit. pp. 309–310), même si nous sommes ici plus précis. Voir à son sujet Smith (art. cit. p.69).

193

Etude structurelle du psaume 48

ensemble 24? Considérons tout d’abord les enchaînements entre unités successives, puis nous en viendrons aux ensembles plus importants. De 2–3 à 4-9, soit en 2-9, nous découvrons la disposition suivante des indices: 2. dans la ville*°

YHWH de notre Dieu

3. la cité°

du Roi

4. Dieu dans ses palais* 5. rois 9.

dans la ville*° dans la ville*°

de YHWH de notre Dieu

Dieu

On voit dans la deuxième colonne alterner YHWH et notre Dieu, puis dans la dernière roi et Dieu. Les signes en exposant rappellent les paires stéréotypées ville/palais et ville/cité. Alors que de notre Dieu spécifie à chaque fois ville seule la deuxième mention de YHWH se trouve avec la même fonction. Mais alors que Roi sert à spécifier à qui appartient la cité il n’en va pas de même pour Dieu en 9e. Au centre Dieu et rois, soit les adversaires, se trouvent encadrer dans ses palais qui bien entendu se rapportent à Dieu. On voit le dispositif symétrique, même les dissymétries étant inversées de façon régulière. Ainsi se trouvent mis en valeur, comme structurant l’ensemble, les deux pôles thématiques de notre psaume, soit la ville et Dieu. Qu’en est-il de 4–9 à 10–11? Ici encore un tableau aidera à saisir la composition de l’ensemble: 4.

Dieu palais+°

6. 7.

ainsi comme

9.

comme ainsi

Dieu temple°

comme ainsi

10

Dieu terre*

11

ville+* (bis) Dieu (bis)

24

Du fait d’une détermination mal ajustée des unités, tant nous même (qui en distinguions six) que Girard (qui en distinguait quatre, dont deux seulement en

194

Chapitre VII: Faites le tour de Sion

Les signes en exposant veulent rappeler les paires stéréotypées déjà signalées ci-dessus ainsi que celle de palais/temple 25. On voit alors les parallèles Dieu + palais // Dieu + temple de 4 à 10 et comme + ainsi de 9ab à 11ab. En 11 on lit comme… Dieu… ainsi… terre. Or les premier et troisième termes se lisaient déjà en ordre inverse en 6a.7b, et les deuxième et quatrième (ou l’équivalent pour ce dernier) en 9cde (deux fois l’un et l’autre). Une fois encore nous nous trouvons donc aux prises, au vu du premier des tandems ici considérés, avec le rapport entre Dieu et la ville, qui tient comme une épine dorsale tout notre psaume. De 10–11 à 12–14 les indices de quelques rapports sont simplement disposés comme ceci: 10

loyauté*

11

louange°

montagne"

12

jugements*+ terre" grandes° (tours)

13

justice+ Tout se joue ici à partir de paires stéréotypées, dont deux que nous n’avons pas encore rencontrées: loyauté/jugement 26 et jugement/justice 27. On voit sur notre tableau les parallèles et leur inversion régulière. La loyauté et la justice de Dieu se manifestent dans ses jugements. Elles sont dignes de faire partie de sa louange, les grandes tours de sa ville. Cette louange qui s’en va par toute la terre commence bien sûr à la montagne de Sion. De 12–14 à 15 nous voyons seulement répartis les termes de la paire stéréotypée toujours/génération 28. La ville devra être décrite aux générations à venir, et ce Dieu restera notre Dieu toujours et à jamais. Nous pouvons maintenant en venir à la structure d’ensemble. Nous le ferons en considérant successivement les quatre premières, puis les quatre

25 26 27 28

10–15, dans sa dernière proposition) ne pouvions parvenir à une hypothèse pleinement satisfaisante pour la structure d’ensemble du psaume. Nous espérons dans les pages qui suivent parvenir à une proposition fondée sur une juste répartition des unités et du coup mieux fondée. Le texte ne forme pas un grand diptyque quoi qu’en ait Girard, mais, si l’on veut, comme deux diptyques emboîtés l’un dans l’autre, soit 2–14 et 4–15 comme nous allons le montrer. ’rmwn/hykl selon Avishur p.688. h.sd/msˇpt. selon Avishur p.282. msˇpt./s.dq selon Avishur p.768, à l’index. c wlm/dwr wdwr selon Avishur p.764, à l’index. cwlm w cd de 15b constituent eux-mêmes une paire stéréotypée, selon Avishur pp.163.189.698.

Etude structurelle du psaume 48

195

dernières unités, puis l’ensemble. Dans les quatre premières les indices pointent pour les uns vers un chiasme, pour les autres vers un parallèle. Nous avons étudié plus haut les rapports entre 4–9 et 10–11. Pour ce qui est du chiasme nous n’avons donc plus qu’à considérer ceux entre 2–3 et 12–14. On découvre d’une unité à l’autre les indices suivants: 2. Grand ville+ montagne =

3. allégresse*° la montagne de Sion [Roi+]



12. se réjouit* = exultent° la montagne [jugements+] de Sion = 13. Sion ---grandes-tours 14. palais+

Nous nous appuyons ici sur deux nouvelles paires stéréotypées, soit allégresse/se réjouir et allégresse/exulter 29. La consonance entre ce Dieu grand dans sa ville et ces grandes-tours et palais à contempler dans cette dernière va de soi et donc l’écho donné au début de 2–3 par la fin de 12–14. On notera ensuite le parallèle de 3 à 12a, autour de la flèche dans notre tableau. Le terme central en 3 est préparé en 2d par une première mention de la montagne. Les termes extrêmes en 12a sont ensuite repris en 12b et 13a avec exultent et Sion. Cette montagne de Sion suscite l’allégresse de toute la terre selon 2–3. Elle se réjouit elle-même et les filles de Juda y exultent en raison des jugements divins selon 12–13. Au sujet de ces derniers (qui se lisent avant Sion) mentionnons leur rapport au Roi (qui se lit après Sion) qui les prononce, ces deux termes répartis en 3d et 12c nous référant à la paire stéréotypée roi/juge 30. Si donc on considère l’ensemble des quatre unités comprises en 2–14 on peut dire que leur ensemble est ordonné selon un chiasme où 2–3 appellent 12–14 comme 4–9 appellent 10–11. Mais il se trouve que ces quatre unités respectent également entre elles, même si c’est de façon moins marquée, un certain parallèle. On lit en effet en 2–3 et en 10–11 loué / louange, (toute) la terre / (les extrémités de) la terre, notre Dieu / Dieu (bis). La louange a le même destinataire ici et là. Ici il est loué dans la ville, là sur la terre, et l’on connaît le rapport entre ces deux termes d’une paire stéréotypée. En 2–3 la terre est saisie d’allégresse à la vue de la montagne de Sion, en 11 c’est la louange même de Dieu qui gagne les extrémités de la terre. En 4–9 et 12–14 on peut voir se répondre les indices selon l’ordonnance suivante:

29 30

Soit s´ ys´ /s´ mh. et s´ys´ /gyl selon Avishur p.768, à l’index. mlk/sˇpt. selon Avishur p.762, à l’index.

196

Chapitre VII: Faites le tour de Sion

4 5–8 9

palais (. . . . .) 12 connu° jugements* rois* (tressaill…-en-rond) décrivez° 13–14b (. . . . . ) (fortif…-en-rond) palais decriviez° 14cd jusqu’à toujours+ (. . . . .) génération+

Nous avons mentionné ci-dessus les paires stéréotypées roi/juge(ment) et toujours/génération. Ajoutons ici celle de décrire/connaître 31. On voit maintenant l’inversion entre les trois premiers termes ici et là. Le troisième est ici suivi par tressaillement-en-rond (se rapportant aux rois), là précédé par fortification-en rond (entre tours et palais). Alors que connaître se lit en 4, mais non en 5–8 et 9 (ce que veulent suggérer nos parenthèses sur notre tableau), décrire ne se lit pas en 12, mais en 13–14b et 14cd. Dieu dans ses palais est connu, terreur pour les rois qui en tressaillent comme il est dit, tandis que les siens constatent comme la ville est stabilisée jusqu’à toujours. Les jugements divins réjouissent les filles de Juda. Restent à décrire fortifications et palais, pour pouvoir aussi les décrire à la génération qui vient. Autant le tressaillement des rois manifeste leur panique, autant les fortifications de la ville sont un signe de la force de celui qui l’habite. Le dispositif parallèle en 2–14 est certes moins manifeste que le chiasme entre les quatre unités qui les composent. Il n’est pourtant pas négligeable. Et puisque ici chiasme et parallèle se superposent, nous parlons de symétrie croisée. Venons-en maintenant aux quatre dernières unités, soit celles comprises en 4–15. On parlera ici aussi de symétrie croisée puisque nous nous trouvons devant chiasme et parallèle superposés. Le chiasme nous est indiqué par les récurrences suivantes. En 4–9 car… eux… (5–6) précèdent et en 15 car… lui… encadrent les deux inversions de notre Dieu + Dieu (9de) en Dieu + notre Dieu (15) et de cd + cwlm (jusqu’à toujours) en cwlm wcd 32 (toujours et à jamais) 33. Les rois tremblent, eux, tandis que notre Dieu, 31 32 33

spr/ydc selon Avishur pp. 390–391. Chiasme signalé par Smith pp. 70–71. Accessoirement on notera aussi que c’est en 4b5a et 15bd que nous avons deux des jeux de mots de notre psaume (nwdc/nwcdw et cwlm wcd et cl mwt). On notera que le matériau consonantique et vocalique y est pour le moins semblable. Smith (art.cit., p.71) voit encore un jeu de mots entre sˇ m (là, c’est-à-dire Jérusalem, en 7a) et sˇ mk (ton nom, c’est-à-dire YHWH, en 11a, en fait ksˇ mk, comme ton nom), désignant donc les deux grands partenaires de notre psaume, et cela dans les deux unités centrales du chiasme que constituent les quatre premières unités de notre psaume. Smith (n.16) relève encore un jeu de mots possible en 13–14 avec sprw… psgw… tsprw.

Etude structurelle du psaume 48

197

Dieu a stabilisé la ville jusqu’à toujours, tandis que Dieu, notre Dieu toujours et à jamais, lui nous guidera là même où menacerait la mort. Nous avons étudié ci-dessus les rapports entre 10–11 et 12–14. Pour ce qui est du parallèle nous avons déjà étudié ci-dessus les rapports entre 4–9 et 12–14. Il nous reste donc à repérer ceux entre 10–11 et 15. On lit ici et là deux fois Dieu ainsi que la préposition sur (en 11c et 15d), mais cette dernière avec des compléments peu en rapport l’un avec l’autre. On notera qu’en 10–11 la louange de Dieu est présentée dans un espace maximal, jusqu’aux extrémités de la terre, tandis qu’en 15 Dieu est présenté comme notre Dieu dans une durée maximale, toujours et à jamais. Nous pensons donc pouvoir tenir qu’une symétrie croisée commande les rapports entre les quatre unités de 4–15, même si ici les indices sont moins nombreux et pour certains moins manifestes qu’en 1–14. Qu’en est-il de la structure d’ensemble du psaume? Un schéma nous permettra tout d’abord de récapituler ce que nous avons décelé tant en 2–14 (traits continus dans le tableau ci-dessous : symétrie croisée) qu’en 4–15 (traits discontinus pour ce qui est des nouveaux rapports considérés: symétrie croisée). Les rapports indiquant chiasmes et parallèles sont indiqués à l’aide de flèches:

2–3 4–9

▼▼





10–11







12–14

15

Il n’y a donc qu’un seul rapport que nous n’ayons pas examiné, soit celui entre les unités extrêmes 2–3 et 15. D’ici à là nous ne trouvons qu’une récurrence, celle de notre Dieu. Mais on voit aussi jouer ici et là une extension maximale, soit celle de l’espace en 3b (toute la terre) et celle du temps en 15b (toujours et à jamais). Rappelons aussi la parenté entre Roi en 3d (au terme de 2–3) et Dieu en 15a (au début de 15). Mais les rapports de 15 avec 4–9 étant plus étroits, nous verrions mieux sur l’ensemble 10–11 au centre, avec, l’encadrant, un parallèle de 2–3 (grand… la montagne… la montagne de Sion…) + 4–9 (car… eux… notre Dieu: Dieu… toujours…) et 12–14 (la montagne de Sion… Sion… grandes…) + 15 (car… Dieu notre Dieu… toujours…lui…). Et dès lors la symétrie concentrique de 10–11 n’en prend que plus de relief, son centre (Dieu) devenant en quelque sorte

198

Chapitre VII: Faites le tour de Sion

le centre du poème 34. D’ailleurs, l’entourant symétriquement, nous lisons en 10b ton temple et en 11e la terre. Or cette dernière se lit en 2–3 (au centre), première unité de 2–3 + 4–9, tandis que temple forme, on l’a vu, une paire stéréotypée avec palais que nous lisons en (12–)14, première unité de 12–14 + 15 35.

34

35

Le parallèle proposé par Girard entre 2–3 + 4–9 et 10–12 + 13–15 ne tient pas compte des petites unités structurelles en 10–15 (10–11 + 12–14 + 15). Du coup sa proposition ne retient que quelques-uns des rapports jouant sur l’ensemble. Il est vrai que palais se lit aussi au début de 4–9. D’ailleurs les riches rapports entre 4–9 et 12–14 en font un encadrement de 10–11, comme s’ils en prolongeaient la symétrie concentrique. Reste que, en comparaison, le rapport entre 2–3 et 15 est trop ténu, et en tout cas beaucoup moins riche que celui de 4–9 à 12–14, pour qu’on puisse parler d’une symétrie concentrique couvrant l’ensemble du psaume (autour de 10–11).

Chapitre VIII Etude structurelle de l’ensemble des psaumes 46– 48 Dans la plupart des commentaires la parenté entre les Pss 46 et 48 est à ce point mise en valeur que le Ps 47 apparaît entre eux comme une sorte de parenthèse. Un auteur écrit par exemple: « Le psaume 47 paraît étranger aux problèmes soulevés par les psaumes 46 et 48 qui l’entourent, tous deux consacrés à la gloire de YHWH en Sion »1. Tel n’est pas notre avis, et nous voudrions ici montrer comment ces trois psaumes constituent comme un ensemble. Les étapes d’une telle étude s’imposent d’ellesmêmes, soit les rapports entre 46 et 47, 47 et 48, 46 et 48, puis une considération de l’ensemble des trois psaumes. Commençons donc par les Pss. 46 et 47. En 46 par deux fois des unités disposées entre elles en parallèle entourent un centre, soit 2 + 3– 4 et 6 + 7 autour de 5, puis 7 + 8 et 11 + 12 autour de 9–10. En 47 nous lisons 2–3 + 4–5 et 8–9a + 9b–10 également en parallèle, tandis que 6 se réfère nettement à 2–3 et que 7 prépare 8–9a. Comparons successivement 46, 2–7 et 47, 2–6, 46, 7–12 et 47, 7–10, 46, 2–7 et 47, 7–10, 46, 7–12 et 47, 2–6, à quoi pourra aider le relevé suivant des indices:

1

Evode Beaucamp, Le Psautier I, Paris 1976, p.205, que nous citons dans notre article « L’ensemble des trois psaumes 46, 47 et 48. Etude structurelle », ScEs 43 (1989) 339–348. Etant donné les chapitres précédents et les ajustements apportés à la mise en valeur de la structure de chacun de ces psaumes, il va de soi que nous reprenons ici l’ensemble de notre proposition de 1991, ne retenant que certaines de nos conclusions d’alors.

200

Chapitre VIII

46,2

DIEU… pour nous 3– 4 5: DIEU… saint… MONTÉ-HAUT 6 DIEU (bis) 7 ----7 les nations… 8 les royaumes… la terre 9–10: la terre (bis) 11 DIEU… les nations 12 la terre ---------47, 2–3 DIEU… YHWH 4–5 MONTÉ-HAUT… Roi… la terre 6 MONTÉ… DIEU… YHWH ----7 DIEU… Roi… 8–9a Roi (bis)… DIEU (bis) 9b-10 la terre (bis)… les nations

la terre la terre ----YHWH… pour nous… DIEU de Ja c o b YHWH… pour nous… DIEU de Ja c o b ---------pour nous… Ja c o b …

DIEU (ter)… saint DIEU d ’ A b r a h a m … la terre… MONTÉ

Comparons donc tout d’abord 46, 2–7 et 47, 2–6. On lit DIEU en 46, 2 et 6 comme en 47, 2–3 et 6 où cependant il est aussi nommé par son nom de YHWH. De 46, 2 à 3–4 comme, inversement de 47, 4–5 à 2–3 nous lisons pour nous et la terre. Le centre 5 de 46, 2–6 se diffuse en quelque sorte en 47, 2–3 et 6. On lit en effet dans ces trois unités DIEU ainsi que MONTÉHAUT ou MONTÉ. Ajoutons encore que la terre se lit dans la dernière unité de 46, 2–7 (en 7) comme dans la première de 47, 2–6 (en 3). Les deux psaumes chantent ainsi de DIEU, maître de la terre, MONTÉ-HAUT, qui agit pour nous. En 46, 7–12 à 47, 7–10, comparons d’abord 46, 7 et 11 avec 47, 7 et 8–9a. On lit et les nations et la terre en 46, 7 et 11 2, mais seulement en 47, 8–9a; par contre si royaumes ne se lit qu’en 46,7, on lit Roi en 47, 7 et 8–9a. Ainsi un rapport étroit est-il perceptible entre 46,7 et 47, 8–9a (trois récurrences d’ici à là), tandis que 46,11 leur « emprunte » deux récurrences et 47,7 une. En 46, 8 et 12, puis en 47, 9b–10 nous lisons les noms propres de Ja c o b (en 46) et A b r a h a m (en 47), toujours désignés comme partenaires de l’alliance (DIEU de un tel). DIEU se lit en 47, 7 et 8–9a comme déjà en 46, 8 et 12, mais là accompagnant le nom divin. Ce DIEU maître de la terre et des nations comme des royaumes, en réalité leur Roi, n’est autre que YHWH, le DIEU de Jacob et d’Abraham. Comparons maintenant 46, 2–7 et 47, 7–10. Nous avons étudié ci-dessus le rapport entre 46, 7 et 47, 8–9a. Il nous faut ici noter les deux récurrences de

2

On lit encore la terre au terme de 47, 7–10 (en 10) comme au début de 46, 7–12 (en 7), et encore en 46, (9–)10.

Etude structurelle des psaumes 46–48

201

47, 9b–10 Dieu (d’Abraham) car



▼ ▼

Dieu… YHWH roi grand toute la terre



47, 2–3

▼ ▼

MONTÉ(-HAUT) et saint de 46,5 à 47, 9b–10. Remarquons aussi que DIEU se lit en 46 une fois en 2 et deux en 6, et qu’il en va de même de 47,7 à 8–9a. C’est sa présence qui rend saint le lieu évoqué en 46,5 comme en 47,9b, sainteté exprimée en d’autres termes quand on l’appelle le MONTÉ-HAUT ou qu’on le dit MONTÉ tout à fait. En 46, 7–12 et 47, 2–6 notons d’abord entre les deux premières unités ici et là d’abord la terre et roy(aume)s (46,7 et 47,3), puis Ja c o b (46,8 et 47,5). DIEU et YHWH se lisent tant en 46, 8 et 12 qu’en 47, 2–3 et 6. Il domine les royaumes de la terre le roi de toute la terre, et il agit en faveur de Jacob, son élu. Ainsi, en inscrivant les récurrences de l’un à l’autre psaume à l’intérieur de leurs structures nous découvrons que les rapports de l’un à l’autre se trouvent ordonnés de telles sorte que leur parenté apparaît clairement. Mais on n’oubliera pas du même coup, ce qui n’en ressort que mieux, la note propre de chacun, la présence de YHWH des armées dans la Ville dans le Ps 46, les peuples soumis et associés à la louange dans le Ps 47. Considérons maintenant les rapports entre les Pss 47 et 48. Commençons par comparer leurs premières et leurs dernières unités. On y trouve les récurrences suivantes: grand YHWH… Dieu toute la terre roi

48, 2–3

car (notre) Dieu

48, 15

Dans les premières unités est célébrée ici et là la grandeur de ce roi de toute la terre, YHWH Dieu3, tandis que dans les dernières on proclame qu’au Dieu d’Abraham appartiennent tous les boucliers de la terre (soit l’étendue de son pouvoir) ou que notre Dieu le sera toujours et à jamais (soit la durée de son alliance). Le rapport entre les deux premières unités ici (2–3 + 4–5) et là (2–3 + 4–9) pourrait être considéré selon l’inversion de car… Roi (47, 2–3) + Ja c o b (4–5) en S i o n (48, 2–3) + car… les rois (4–9). L’opposition est flagrante entre le Roi et les rois, mais tant Jacob que Sion sont comblés par celui qui les a élus. Comparons maintenant les deux dernières unités de 47 et les deux premières de 48. Les rapports sont indiqués comme ceci:

3

C’est aussi la première qualité de Dieu chantée dans le Ps 104.

202

Chapitre VIII

47, 8–9a

Car le Roi

9b–10

DIEU +

trône* saint

DIEU + ABRAHAM terre DIEU + x tout à fait

tout à fait + DIEU saint terre x Sion x roi* x

48, 2–3

car… les rois

4–9

On n’aura pas de peine à voir l’opposition entre le roi dont il est question en 47, 8–9a et ceux de 48, 4–9. En 47, 9b–10 et 48, 2–3 le lecteur repérera un chiasme à huit termes, dont le premier terme ici et là est suivi par l’adjectif saint. En 46 les trois premiers termes du chiasme sont précédés par DIEU, en 48 le fumier est suivi par DIEU. Si nous indiquons la correspondance entre trône et roi, c’est qu’ils constituent une paire stéréotypée 4. Ainsi Dieu, roi, siège sur le trône de son lieu saint. Il a été monté tout à fait, loué tout à fait. Dieu d’Abraham, il réside à Sion. Dieu auquel appartiennent les boucliers de la terre, la montagne de son lieu saint déclenche l’allégresse de toute la terre. Ainsi 47, 8–9a + 9b–10 appellent en ordre inverse 48, 2–3 + 4–9. Prolongeant d’une certaine manière cette inversion constatons que de 47, 9b–10 à 4–5 on lit ici et là un nom propre de personne (Abraham et Jacob), tandis qu’en sens inverse de 48, 2–3 à 12–14 on lit ici et là le même nom propre de lieu (Sion). De 47, 2–3 (première unité) à 48, 15 (dernière unité) nous voyons un rapport semblable à celui que nous avons repéré plus haut entre les dernières unités: ce Dieu (2b) exerce son pouvoir sur toute la terre (3: car…), et ce Dieu (15a: car…) est notre Dieu toujours et à jamais 15b), étant mises en valeur ici l’étendue de son pouvoir et là la durée de son alliance. On peut même, sans que les indices que nous allons relever ci-dessous s’inscrivent cette fois dans les unités, percevoir sur l’ensemble un certain effet de miroir d’un psaume à l’autre, prolongeant en quelque sorte les inversions relevées ci-dessus, à partir des indices suivants:

4

Avishur mlk/… ks’ selon Avishur pp. 141 et 384.

Etude structurelle des psaumes 46–48

203

DIEU (47,2b) [car] grand terre (3)… Jacob (5b) DIEU (6a)… YHWH (6b)… DIEU (7a) car… Roi (8a) Roi, DIEU (9a) Abraham (10b) [car] DIEU… terre (10c) tout à fait (10d) grandes(-tours) YHWH (48,2a) tout à fait (2b) DIEU (2c)… terre (3b) Sion (3c) Roi… DIEU (3e.4a) car… rois (5a) YHWH (9c)… DIEU (9e) DIEU (10a) terre (11c)… Sion (12a) grandes (13b) [car] DIEU (15a)

Tout se passe comme si l’affirmation de 48, 2a était presque régulièrement entourée par des indices s’inversant régulièrement d’un psaume à l’autre. Certes les récurrences de YHWH, DIEU, Roi, et terre étant plus nombreuses en 47 qu’en 48, nous avons retenu ici celles qui se prêtent au jeu de miroir avec celles de 48. Nous ne prétendons donc pas parvenir ici à une régularité absolue. Mais tel quel ce tableau laisse quand même percevoir une certaine régularité dans la disposition de ces récurrences d’un psaume à l’autre. Il n’est pas nécessaire de commenter ici les correspondances ainsi indiquées. Cela a déjà été fait plus haut, et le lecteur y parviendrait sans peine. Qu’en est-il des correspondances entre 46 et 48? En 46, 2–7 et 7–12 comme en 48 nous lisons, par trois fois donc, une unité encadrée par quatre autres disposées entre elles en parallèle deux à deux: 46, 5 encadrée par 2 + 3–4 et 6 + 7, 46, 9–10 par 7 + 8 et 11 + 12, 48 10–11 par 2–3 + 4–9 et 12–14 + 15. Nous comparerons donc chacun des deux ensembles de 46 à celui de 48. De 46, 2–7 à 48 nous repérons les indices de correspondance disposés comme suit:

204 46,2

Chapitre VIII

[Dieu pour nous]

3–4 terre… montagnes (bis)… cœur

⇒ 5: réjouissent… ville de Dieu… saint 6 au milieu de 7 royaumes… terre ---------48, 2–3: ville de… Dieu… saint… 4–9 rois… ville de… Dieu terre… montagne (Sion)… Roi ⇒ 10–11: au milieu de 12–14 se réjouit…montagne (Sion) 15 cœurs

[Dieu notre Dieu]

De 46, 3–4 à 7 de terre/montagnes (avec cœur) n’est retenu que terre (avec royaumes). De 48, 2–3 à 12–14 de terre/montagne (de Sion, avec Roi) n’est retenu que montagne (de Sion, avec cœurs). En 46,2 et 48,15 est souligné le rapport de Dieu à nous. Du centre 5 en 46 aux deux unités 2–3 et 12–14 en 48 nous retrouvons d’une part ville de Dieu et saint, puis (se) réjouir. Complémentairement on lit au milieu de (bqrb) en 46,6 et au centre 10(–11) de 48. On lit en 46,7 et 48, 4–9 « royaumes » et « rois » concernant les mêmes. En 48, 2–3 il s’agit par contre de leur adversaire Dieu comme Roi. Ici et là Dieu, notre Dieu, réside en sa ville, son lieu saint d’où il menace tous ses adversaires. Face à lui, la terre (46) comme les royaumes et les rois (46 et 48) tremblent. Les montagnes du cosmos chancellent (au cœur des mers: 46), mais la montagne de Sion s’associe à la joie de toute la terre (et ses habitants mettent leur cœur à la contempler: 48). En 46 c’est Dieu lui-même qu’on voit au milieu de sa ville comme Roi puissant, en 48 ce sont les siens qui viennent méditer au milieu de son temple. Comparons à présent 46, 7–12 à 48. Les indices se trouvent d’ici à là répartis comme suit: 46,7

royaumes… terre 9–10

YHWH… citadelle DIEU de Ja c o b [contemplez*]… YHWH… [brise]

YHWH… citadelle DIEU de Ja c o b ----------48, 2–3 YHWH… notre DIEU 4–9 [vu*]… citadelle… rois… EUX… terre… Roi [brise] YHWH… notre DIEU 10–11 DIEU … terre 11

MOI

DIEU… terre

8

12–14 Ju d a

12

15

notre DIEU… LUI

Etude structurelle des psaumes 46–48

205

De 46,7 à 11 comme de 48, 4–9 à 15 nous lisons royaumes (auquel s’oppose le Roi de 48, 2–3) ou rois, puis un pronom indépendant (MOI ou LUI, ce dernier s’opposant en quelque sorte à EUX de 48, 4–9) pour présenter Dieu. Dans la colonne de gauche de notre tableau nous lisons trois fois terre (non en 48, 12–14), dans la colonne de droite trois fois citadelle (non en 48,15). Dans la colonne de droite YHWH est déterminé en 46 comme le Dieu de Jacob, en 48 comme notre Dieu (comme déjà en 48, 2–3). De 46, 9–10 à 48, 10–11 on retrouve le verbe briser tandis qu’y sont répartis les termes de la paire stéréotypée voir/contempler 5. Ainsi donc c’est le Dieu de l’alliance, citadelle pour son peuple, grand Roi vainqueur des royaumes et rois de la terre, qui est ici et là célébré, restant sauf d’autant mieux le caractère particulier de chacun des deux psaumes. Nous venons donc d’étudier d’un point de vue structurel les rapports de chacun de nos trois psaumes avec les deux autres. On peut emboîter le pas aux commentaires et reconnaître que 47 est encadré par 46 et 48. Nous avons fourni ci-dessus nombre d’arguments en faveur d’une telle proposition. Mais elle ne doit pas distraire des rapports que par ailleurs 47 entretient tant avec 46 qu’avec 48. Pour conclure cette étude repérons ici les termes communs aux trois psaumes. Le mot Dieu se lit six fois en 46, sept en 47, huit en 48. Il est intéressant que s’il est employé sans autre détermination dans nos trois psaumes, ce n’est qu’en 46 et 48 que nous lisons ici Dieu de Jacob (46, 8b.12b) et là notre Dieu (48, 2c.9d.15b), lesdites déterminations le présentant donc comme le Dieu de l’alliance. Le nom divin YHWH se lit trois fois en 46, deux en 47 et deux encore en 48. En 46 il se lit dans la deuxième partie (au centre 9–10 et au terme de chacun des deux volets [7–]8 et [11–]12, à chaque fois peu avant la mention du Dieu de Jacob), mais en 48 dans la première partie (avant le centre 10–11, soit aux extrêmes 2 et 9, à chaque fois peu avant la mention de notre Dieu). Ce dispositif contribue, on le voit, à l’effet d’encadrement de 47 par 46 et 48. En 47 le nom divin se lit aux extrêmes de la première partie (en [2–]3 et 6), à l’inverse de 46, mais comme en 47. Considérons ici clh/ clywn et les emplois de la préposition cl. Le verbe monter (clh) ne se lit que dans le psaume central 47 (en 6a et 10d, au terme de chaque partie), clywn seulement en 46,5b (au centre de la première partie) et 47,3b (au début de la première partie), mais la préposition cl seulement en 47 (3b.9a.9b) et 48 (11c et 15d). Cette dernière est suivie de terre en 47, 3b (et de l’équivalent nations en 47,9a), et en 48,11c, ici pour dire l’étendue de son pouvoir, là celle de sa louange. En 47,9b ladite préposition introduit à la mention du trône symbolisant le pouvoir royal de Dieu. L’emploi de 48,15d est hétérogène aux précédents. Pour ce qui est de roi, il s’applique tantôt à YHWH, tantôt aux rois de la terre. Il est fait mention de ces derniers [ou plus

5

r’h/h.zh d’après Avishur p.766, à l’index.

206

Chapitre VIII

précisément de leurs royaumes] en 46,7 (soit en ce verset charnière qui à la fois termine la première partie et commence la seconde) et en 48,5a (dans la première partie), mais du Roi YHWH dans la première unité de 47 et de 48 (en 2–3 ici et là), mais encore trois fois dans la deuxième partie de 47. Le lieu-saint, résidence de ce Roi, est mentionné au centre de la première partie en 46 (en 5b), dans la dernière unité de 47 (en 9b), et dans la première de 48 (en 2d). On peut le contre-distinguer de la terre. Dans la première partie de 46, au terme de chacun des deux volets extrêmes (en 3a et 7b), on voit la terre ébranlée, mais en fait de par YHWH, comme il est dit clairement au centre de la deuxième partie (en 9b et 10a), étant peu après énoncé le pouvoir de YHWH sur cette même terre (11b). En 47, par trois fois, dans la première unité (en 3b) et dans les deux dernières (en 8a et 10c), est encore affirmé ce pouvoir royal de YHWH sur la terre. En 48 y répond par deux fois (en 3b et 11bc) allégresse et louange de la part de cette même terre, lesquelles s’opposent nettement aux réactions d’affolement de la terre devant ce même pouvoir en 46. Cette dernière enquête nous montre aussi à sa façon comment la séquence de nos trois psaumes mérite grande attention de la part de qui veut les lire tels que le livre du Psautier les lui propose.

Chapitre IX Royaumes de la terre, chantez pour Dieu! Etude structurelle du psaume 68 Les deux études structurelles du Ps 68 par Marc Girard 1 et par nous-même 2 ont paru à peu près en même temps. Girard a eu l’occasion d’écrire quelques lignes à propos de notre travail 3. Nous y reviendrons ci-dessous. Nous croyons utile pour notre part de remettre l’ouvrage sur le métier pour faire profiter le lecteur d’une confrontation pied à pied avec la proposition de Girard. Nous utiliserons ici la traduction de Girard, ne la modifiant que sur deux points pour éviter de faux effets de récurrences 4, et accordant la répartition des cola à celle de J. P. Fokkelman 5. Découvrant le texte, toujours d’un point de vue structurel, unité par unité, et au fur et à mesure selon des ensembles structurés de plus en plus vastes, nous en viendrons ainsi peu à peu à sa structure d’ensemble. Voici donc la traduction. Les interlignes y sont aménagés en fonction de l’étude qui va suivre. Toutes les récurrences passant d’une unité à d’autres (sauf celle de Dieu) ont été portées ici en italiques, car il n’est pas possible de faire voir pour nombre d’entre elles leurs fonctions multiples dans des ensembles structurels variés:

1 2

3 4

5

Psaumes redécouverts, pp. 210–234. Pierre Auffret, Merveilles à nos yeux – Etude structurelle de vingt psaumes dont celui de 1Ch 16, 8–36, BZAW 235, Berlin/New York 1995 (ci-après: Merveilles et les pages), Chapitre I, pp. 1–30. On trouvera là les références aux recherches antérieures. Dans son CR de mon livre cité à la note précédente dans ScEs 49 (1997) 241–242. Soit en 7b: les prisonniers, et non les captifs, à cause de 19a où captifs traduit un autre terme, et en 13b: la dame (de la maison), et non l’habitante, à cause de 7a.11a.17b où habiter traduit un autre terme. J. P. Fokkelman, « The structure of psalm 68 », dans In quest of the past, ed. van der Woude, OTS 26 (1988–1990) 72–83. En 15bc nous attribuons bh à 15a en fonction de l’option de traduction de Girard. Acceptant la traduction de Girard pour 18c nous répondons du même coup à la critique qu’il nous fait d’avoir « favorisé une lecture fondée sur un amendement hypothétique du texte ».

208

Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

2a 2b 2c 3a 3b 3c

Il se lève, Dieu, ils se dispersent, ses ennemis; ils fuient, les (gens) le haïssant, (loin) d’en face de lui. Comme (se met à) se dissiper la fumée tu (les) dissipes, comme (se met à) fondre la cire d’en face du feu, ils périssent, les méchants, (loin) d’en face de Dieu.

4a 4b 4c 5a 5b 5c

(Que) les justes se réjouissent, (qu’)ils jubilent en face de Dieu et débordent-d’allégresse dans la réjouissance! Chantez pour Dieu, jouez (pour) son nom; exaltez-vous pour (Celui) chevauchant dans les (steppes) arides, pour YAH – (c’est) son nom –; et jubilez en face de lui.

6a 6b 7a 7b 7c

(C’est lui,) le père des orphelins et l’arbitre des veuves, Dieu, dans sa résidence sainte, Dieu, faisant habiter aux (gens) seuls une maison, faisant sortir les captifs avec succès. Oui (’k), les révoltés ont demeuré au (désert) sec.

8a 8b 9a 9b 9c 9d

Dieu, quand tu (t’es mis à) sortir en face de ton peuple, quand tu (t’es mis à) passer dans la (région) désolée, la terre a tremblé, oui (’p), les cieux ont distillé d’en face de Dieu, – c(’est) le Sinaï –, d’en face de Dieu, le Dieu d’Israël.

10a 10b 11a 11b

(C’est) une pluie de générosités (que) tu répands, Dieu. Ton héritage épuisé, toi, tu l’as stabilisé. Ta (bête) vivante ont habité en lui. Tu (le) stabilises, dans ta bonté pour l’humilié, Dieu.

12a 12b 13a 13b 14a

Le Seigneur donne un dire, les annonciatrices (sont) une armée nombreuse: «Les rois des armées s’enfuient, s’enfuient; et l’habitante de la maison partage le butin; (je ne m’appelle pas YHWH) si vous couchez entre (deux) parcs (à moutons).» Les ailes de la colombe (sont) recouverte(s) d’argent, et ses plumes, de vert or. Quand tu (te mets à) éparpiller, (ô) Dévastateur, les rois (qui combattent) contre elle, tu fais neiger sur (le mont de) l’Ombre.

14b 14c 15a 15b

Etude structurelle du psaume 68

209

16a 16b 17a 17b 17c

Montagne de Dieu, montagne de Bashan, montagne de pics, montagne de Bashan, pourquoi observez-vous (jalousement), montagnes, pics, la montagne qu’il a désirée, Dieu, pour l’habiter? Oui (’p), YHWH (y) demeurera à perpétuité.

18a 18b 18c

La chevauchée de Dieu: (elle se chiffre à) vingt-mille-nombreux, avec des milliers de rechange; le Seigneur (est) parmi eux. Le Sinaï (est désormais) dans le lieu-saint. Tu es monté en haut, tu as emmené-en-captivité le(s) captif(s); tu as pris des dons sur l’humain, oui, (sur) les révoltés, pour demeurer (chez eux) YAH Dieu.

19a 19b 19c 20a 20b 21a 21b

Béni (soit) le Seigneur jour (après) jour! Il se charge de nous (lnw), le Dieu de notre salut. Dieu (est) pour nous (lnw), un Dieu pour les saluts. Et à YHWH le Seigneur (appartiennent) les (portes de) sorties vers la mort!

22a 22b 23a 23b 24a 24b

Oui (’k), Dieu écrase la tête de ses ennemis, le crâne chevelu allant (et venant) dans ses actes-coupables. Il a dit, le Seigneur: «De Bashan je fais revenir, je fais revenir des gouffres de la mer, de sorte que tu écrases ton pied dans le sang, (que) la langue de tes chiens (ait) d’ennemis sa part.

25a 25b 26a 26b 27a 27b 28a 28b 28c

Ils ont vu tes allées (et venues), Dieu, les allées (et venues) de mon Dieu, de mon Roi, dans le lieu-saint. Marchaient-en-avant les chantres; derrière (se trouvaient) les joueurs (de musique); au milieu, les jeunes-filles tambourinant. Dans les assemblées bénissez Dieu, YHWH, depuis la source d’Israël. Là (se trouvent) Benjamin le petit, les dirigeant, les chefs de Juda (avec) leur foule, les chefs de Zabulon, les chefs de Nephtali.

29a 29b 30a

Il a commandé, ton Dieu, ta force. Rends-fort, Dieu, ce que tu as fait pour nous, depuis ton temple, au-dessus de Jérusalem.

30b 31a

Vers toi, (qu’)ils apportent, les rois, un tribut! Menace la (bête) vivante de la joncheraie,

210

Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

31b le rassemblement des (taureaux) vigoureux avec les veaux des peuples, 31c se soumettant avec des pièces d’argent. 31d Il a disséminé les peuples (qui) aux approches (belliqueuses) se plaisent! 32a (Qu’)ils viennent, les dignitaires, depuis l’Egypte! 32b (Que) Kouch accoure, ses mains (tendues) vers Dieu! 33a 33b 34a 34b 35a 35b 35c 36a 36b 36c 36d

Royaumes de la terre, chantez pour Dieu, jouez (pour) le Seigneur, pour (Celui) chevauchant dans les cieux des cieux d’avant. Voici: il donne de sa voix, voix de force. Donnez la force à Dieu! Sur Israël (repose) sa fierté, et sa force (est) dans les nues. (Tu es) craint, Dieu, depuis tes lieux-saints! le Dieu d’Israël, (c’est) lui, donnant force et foisonnement au peuple. Béni (soit) Dieu!

LES CINQ PREMIÈRES 4–11 ET 2–11:

UNITÉS

(2–3, 4–5, 6–7, 8–9, 10–11)

ET LES ENSEMBLES

Pour saisir la structure de 2–3 disposons-en le texte comme suit 6: 2a 2b 2c

Il se lève, Dieu, ils se dispersent, ses ennemis+* ils fuient, les (gens) le haïssant+ d’en face de lui

3a

COMME… se dissiper la fumée tu (les) dissipes

3b

COMME…

fondre la cire

d’en face du feu 3c

ils périssent, les méchants* d’en face de Dieu

On lit dans ce tableau tant le chiasme (à quatre termes) en 2, ennemis et haïssant (aux centres) constituant une paire stéréotypée7, que le parallèle

6 7

Nous ajustons et améliorons ici notre proposition de Merveilles, pp. 3–5. Selon Avishur, p.751 à l’index. Qu’à lui seul 2 constitue une petite structure, c’est ce que montre encore le fait que 2ab sont inclus entre les termes de la paire

Etude structurelle du psaume 68

211

(à huit termes, quatre fois deux) en 2c–3. Mais à leur tour 2c–3 sont structurés selon un chiasme, car on lit deux images, introduites l’une et l’autre par COMME aux centres 3a et 3b et deux affirmations au style direct en 2c et 3c. C’est ce second chiasme que Girard (p.221) a vu comme la structure de 2–3. En fait il ne couvre que 2c–3. Les deux chiasmes et leur articulation pourraient être ainsi schématiquement représentés:

A . B / B’ A’ b a b a B" A" Dans la première colonne de notre premier tableau le lecteur remarquera la disposition concentrique autour de tu (les) dissipes, Dieu se lisant aux extrêmes, d’en face de/du autour du centre. Et dans la deuxième colonne nous lisons aux extrêmes les termes de la paire stéréotypée ennemi/ méchant 8. Finalement l’ensemble est joliment inclus aux deux premières et deux dernières lignes par Dieu + ennemis… méchants + Dieu. En 4–5, après le sujet initial (les justes) sur lequel nous reviendrons ci-dessous, les correspondances se trouvent disposées comme suit 9: 4a 4b 4c

5a

chantez* jouez*

5b 5c

8 9

se réjouissent+ jubilent+ débordent d’allégresse dans la réjouissance+

exaltez-vous x jubilez

x en(l) face de Dieu x pour (l) Dieu … son nom pour (l) celui chevauchant dans… pour (b) YAH – (c’est) son nom en (l) face de lui

stéréotypée ’yb/qwm (Avishur p.753, à l’index, ici en ordre inverse), et 2c par les termes de la paire nws/pnh (Avishur p.147). Cette structure interne de 2a échappé à Girard qui cependant a vu le chiasme global sur 2–3, ce qui n’était pas notre fait dans Merveilles. ’yb/rsˇ c selon Avishur pp. 19–20. Nous reprenons ici dans une présentation peut-être un peu améliorée notre proposition de Merveilles p.5.

212

Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

Nous distinguons 4 et 5bc comme volets extrêmes et 5a au centre. En 4 nous avons trois invitations à la joie, la première et la troisième comportant se réjouir et le substantif correspondant, lesquels constituent avec le verbe de l’invitation centrale une paire stéréotypée 10. Mais, articulée à la deuxième de ces invitations, nous ne lisons qu’une seule mention du destinataire en 4b. La troisième invitation est particulièrement développée, comportant un verbe (déborder-d’allégresse) qui constitue avec le se réjouir initial une paire stéréotypée 11. En 5bc par contre nous lisons trois mentions du destinataire (la première et la dernière introduites par un l en hébreu), dont les deux premières sont particulièrement développées, à l’inverse donc des invitations en 4 (long/long/court contre court/court/long). Et 5bc ne comportent que deux verbes, aux extrêmes de ce volet, le dernier (jubilez) reprenant celui du centre de 4, ainsi que l’introduction de son complément (en face de). Au centre 5a nous lisons deux invitations concises avec comme verbes les termes de la paire stéréotypée très connue chanter/ jouer 12, et comme compléments ceux-là mêmes qu’on lit aux centres de 4 (Dieu, introduit ici et là en hébreu par un l) et de 5bc (son nom). Ainsi s’articulent ces centres aux volets extrêmes 13. Les deux impératifs centraux sont précédés de trois propositions mettant l’accent sur la joie, et suivis de trois autres propositions qui, elles, soulignent celui qui est la cause et le destinataire de tant de jubilation. Girard dans sa présentation de l’ensemble soude 4–5 à 6–9 (nous y reviendrons). Il a pourtant bien pressenti (p.221) la structure en chiasme de 4–5, même s’il n’en détermine pas avec assez de justesse chacun des quatre termes (pour lui: 4 / 5a / 5bca / 5c b). L’articulation entre 2–3 et 4–5 est facile à percevoir à partir des récurrences de face et d’une paire que nous présentons comme suit: 2c 3c

les méchants*

4ab 5c

10 11 12 13

les justes*

d’en face de lui d’en face de Dieu en face de Dieu en face de lui

Soit cls.(clz)/s´ mh. selon Avishur pp. 72.147–148. Soit s´ys´ /s´mh. selon Avishur p.768, à l’index. Soit sˇyr/zmr selon Avishur p.767, à l’index. On pourrait ajouter la répartition aux extrêmes de 4 d’une part et en 5a des termes de la paire stéréotypée sˇyr/s´mh. (Avishur p.204). Girard a vu les récurrences (en négligeant celle de Dieu) et pressenti l’agencement chiastique de l’ensemble, mais sans donner aux indices qu’il relève leur exacte fonction structurelle. Nous ne faisons pour notre part que reprendre ici en la présentant un peu autrement notre proposition de Merveilles.

213

Etude structurelle du psaume 68

Les antonymes justes/méchants constituent une paire stéréotypée 14. Ils sont chacun suivis par (d’)en face de Dieu, tandis qu’avant et après on lit en face de lui (le pronom se rapportant à Dieu). Les méchants ne sauraient tenir devant la face de Dieu, mais c’est devant elle que les justes trouvent leur joie. En 6–7 nous lisons une présentation des bienfaits de Dieu, lequel nous est présenté au beau milieu de cette unité comme ceci 15: 6a

le père l’arbitre

des orphelins+ des veuves+

6b

Dieu

7a

Dieu

dans sa résidence" sainte

7b 7c

faisant habiter* faisant sortir° les révoltés

aux (gens) seuls les prisonniers ont demeuré*°

une maison" avec succès au (désert) sec

On voit au premier coup d’œil la symétrie concentrique de l’ensemble autour de dans sa résidence sainte. Cependant frappe aussi immédiatement une dissymétrie, ou plus précisément une disproportion entre les volets extrêmes, le premier comportant deux modes d’agir de Dieu, le dernier trois, le troisième étant inattendu, puisqu’il n’est plus en faveur de déshérités, mais contre des révoltés. Il est pourtant clair que 7c appartient à l’ensemble. Deux indices sont en faveur de cette manière de voir: la paire stéréotypée habiter/demeurer 16, premier et dernier verbes de ce volet, et l’opposition entre maison et désert sec. Ce volet présente d’ailleurs à lui seul une certaine structure que fera voir la disposition suivante:

14 15

16

s.dq/rsˇ c selon Avishur p.765, à l’index. Nous reprenons ici en améliorant notre perception du centre notre proposition de Merveilles pp. 5–6. Girard (pp. 221–222) n’a pas vu l’autonomie structurelle de 6–7. Il tente, mais de façon peu convaincante, de découvrir une structure en 6–9 (en récupérant en face de 5c). Il propose pourtant dans sa n.7 quelques remarques à propos de 8–9 comme de 6–7. Au sujet de ces derniers il se demande si on ne pourrait pas voir un rapport entre «orphelins et veuves» et «prisonniers». Mais pourquoi n’a-t-il pas fait également le rapprochement avec les « (gens) seuls »? Il eût alors perçu les tandems orphelins/veuves et (gens) seuls/prisonniers. Sur 8–9 nous revenons ci-dessous. ysˇb/sˇkn selon Avishur pp. 71 et 314.

214

Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

faisant habiter* aux… seuls faisant sortir les prisonniers […] les révoltés ont demeuré*

une maison

au désert sec

Les correspondances se trouvent en colonnes. Aucun lieu n’est précisé au sujet des prisonniers, mais les solitaires et les révoltés ont droit à une demeure, évidemment opposée. Dans le premier volet de 6–7 on aura relevé la paire stéréotypée très connue orphelin/veuve 17. Le centre se trouve en rapport avec le dernier volet comme le montre la paire stéréotypée maison/ résidence 18. Celui qui a sa propre résidence songe à en assurer une tant aux déshérités qu’aux révoltés. En 8–9 nous découvrons l’agencement suivant 19: 8a 8b 9a 9b 9c 9d

Dieu

quand… sortir en face de ton peuple quand… passer dans la (région) désolée la terre* a tremblé les cieux* ont distillé d’en face de Dieu c’est le Sinaï d’en face de Dieu, le Dieu d’Israël

Aux centres de ce chiasme nous lisons la paire stéréotypée cieux/terre 20, lesquels réagissent au passage de Dieu. Aux extrêmes se répondent ton peuple et Israël, et, les suivant et précédant, la région désolée et le Sinaï. Autrement dit il y a identification du peuple (c’est Israël) comme de la région désolée (c’est le Sinaï). Aux extrêmes on lit aussi Dieu et en face de. Chacun des couples des deux premières et des deux dernières lignes reçoit comme un dénominateur commun, soit quand avec un verbe en 8, d’en face de Dieu en 9cd. Les réactions de terre et cieux sont donc encadrées par ce qui les a provoquées, Dieu en face de son peuple dans le désert, Dieu au Sinaï comme Dieu d’Israël. Pour ce qui est de l’articulation à 6–7 notons que Dieu qui se lisait au centre en 6–7 se lit ici dans les volets extrêmes et que de sortie il était question dans le dernier volet de 6–7, mais ici

17 18 19

20

ytwm/’lmnh selon Avishur p.760, à l’index. byt/mcwn selon Avishur pp. 282 et 321. Nous reprenons ici notre proposition de Merveilles p.7, mais en améliorant la perception des rapports entre les volets extrêmes. Dans sa n.7 Girard signale seulement l’inclusion par en face de et d’en face de. sˇmym/’rs. selon Avishur p.767, à l’index.

215

Etude structurelle du psaume 68

dans le premier volet. De 2–3 à 8–9 on aura relevé ce qui se passe pour qui se trouve en face de Dieu, soit les ennemis et méchants aux extrêmes de 2–3, soit terre et cieux aux centres de 8–9. Qu’en est-il en 10–11? Ils se présentent comme ceci 21: 10a

une pluie de générosités tu répands

10b

Dieu ton héritage épuisé

toi 11a

tu l’as stabilisé*

ta (bête) vivante

ont habité* en lui

11b

tu (le) stabilises dans ta bonté

pour l’humilié, Dieu

On voit facilement la structure concentrique de 10 autour de ton héritage épuisé entouré immédiatement par Dieu et le pronom toi qui s’y rapporte, tandis qu’aux extrêmes se lisent les verbes qui l’ont pour sujet. En 11 la symétrie est du même type, mais ici les verbes entourent immédiatement le centre (lui = ton héritage). Ils ont des sujets différents, la (bête) vivante en 11a, Dieu en 11b, lesquels sont mentionnés aux extrêmes. Sur l’ensemble on relèvera que les centres visent le même héritage. Dans la dernière colonne on lit Dieu aux extrêmes, et aux centres les termes d’une paire stéréotypée (stabiliser/habiter 22). Rendus à ce point nous pouvons honorer une critique de Girard qui 23 conteste notre proposition d’une petite unité structurelle autonome en 8–11, articulant donc 8–9 et 10–11: « Auffret prétend découvrir aux v.8–11 (p.9) une petite unité textuelle que nous estimons très difficile à défendre: le seul argument un peu soutenable tiendrait à une inclusion du nom de « Dieu » […] (v.8a.11c), mais on retrouve ce mot d’un bout à l’autre du poème; quant au supposé rapport de « la terre a tremblé » avec « tu as stabilisé ton héritage », il manque terriblement d’évidence ». Reprenons donc et ajustons et notre proposition, et nos arguments, à l’aide du tableau suivant: 21

22 23

Nous reprenons et ajustons ici notre proposition de Merveilles pp. 7–9. Girard ne voit aucune structure en 10–11, mais un ensemble concentrique en 10–15 où cependant, reconnaît-il, « aucune récurrence, à vrai dire, ne relie […] 10–11 à […] 13–15 » (soit les deux volets extrêmes selon lui), ignorant donc du même coup la structure présente, on va le voir, en 12–15. kwn/ysˇb selon Avishur p.649. P.241 de son CR de Merveilles.

216

Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

8

Dieu sortir ton peuple

9a 9b 9c 9d 10a 10b 11a 11b

la terre*… les cieux ont distillé (nt. pw) d’en face de Dieu… Sinaï d’en face de Dieu… Israël une pluie… tu répands (tnyp) ton héritage*… ta (bête) vivante habité Dieu

Dieu se lit donc aux extrêmes et aux centres. Les autres correspondances entre 9c et 9d ont été étudiées ci-dessus. La pluie descend des cieux, ce que suggère à sa manière les allitérations rappelées ci-dessus entre parenthèses. Terre et héritage constituent une paire stéréotypée 24. La première est effrayée par la sortie de Dieu, le second est stabilisé par ce même Dieu. On nous concédera au moins que l’une et l’autre sont ici en rapport avec une action de Dieu. Il s’agit bien du même bénéficiaire des actions divines quand le texte dit ton peuple ou ta(bête) vivante. Le rapport entre sortir et habiter peut se référer à la paire stéréotypée sortir/demeurer 25. La sortie que Dieu opère devant son peuple a pour but cette habitation de sa (bête) vivante dans l’héritage. Nous garderons les unités 8–9 et 10–11 et éviterons, à la suite de l’avertissement de Girard, de parler d’une unité 8–11, mais on reconnaîtra au moins que ces deux unités 8–9 et 10–11 sont étroitement articulées entre elles. Mais nous pouvons maintenant considérer deux petits ensembles aboutissant à 10–11, soit 4–11 et 2–11. Les quatre unités de 4–11 sont ordonnées entre elles selon une symétrie croisée, c’est-à-dire selon un chiasme et un parallèle superposés. Considérons d’abord le parallèle. il est indiqué par les récurrences de en face de 4–5 (bis) à 8–9 (ter) 26, et de habiter de (6–)7 à (10–)11 27. Les réactions des justes en 4–5 et de la terre et des cieux 24 25 26

27

’rs./nh.lh selon Avishur pp. 199 et 278. ys.’/sˇkn selon Avishur pp. 503–504 et 522. On connaît par ailleurs la paire ysˇb/sˇkn selon Avishur pp. 71 et 314. Cette correspondance prolonge en quelque sorte la symétrie concentrique découverte en 6–7 (les trois unités de 4–9 respectent entre elles un agencement concentrique ABA’). Cette correspondance prolonge en quelque sorte le chiasme découvert en 8–9 (les trois unités de 6–11 respectent entre elles un agencement concentrique ABA’).

Etude structurelle du psaume 68

217

en 8–9 face à Dieu se répondent à merveille l’une à l’autre 28. Quant à l’habitat des esseulés et de la (bête) vivante, il concerne ici et là ceux qui sont l’objet des soins de Dieu. Le chiasme se perçoit pour ses éléments centraux à partir de la récurrence de sortir de (6–)7 à 8(–9), et pour ses éléments extrêmes à partir de la répartition en 4(–5) et (10–)11 des termes de la paire stéréotypée bonté/réjouissance 29: la joie des justes (4–5) a pour motif la bonté divine (10–11). Sur 2–11 nous comptons cinq unités. Nous avons vu plus haut comment 4–5 s’articulait à 2–3 ainsi que 10–11 à 8–9. Mais il se trouve par ailleurs que, autour de 6–7, 2–5 et 8–11 sont ordonnés en parallèle. On lit en effet en face en 2–3 comme en 8–9, et de 4–5 à 10–11 nous venons de découvrir la répartition des termes de la paire bonté/réjouissance. Ces différents rapports ont été présentés ci-dessus. Ce que nous percevons de nouveau, c’est maintenant un ensemble structuré partiel en 2–11, y étant exaltés au centre 6–7 les bienfaits divins pour les déshérités. 12–15 ET LES ENSEMBLES 6–15, 4–15 ET 2–15 L’unité 12–15 présente l’agencement suivant 30: 12a 12b

13a 13b 14a 14b 14c 15a 15b

28 29 30

Le Seigneur* donne un dire les annonciatrices une armée nombreuse Les rois* des armées s’enfuient, s’enfuient et la dame de la maison partage le butin si vous couchez entre… parcs… les ailes de la colombe… recouvertes d’argent et ses plumes de vert or Quand tu… éparpiller, ô Dévastateur les rois*… contre elle tu fais neiger sur (le mont de) l’Ombre

On songera ici à la dernière strophe du Ps 104 avec une réaction analogue de la terre (32) et mêmes chant et musique de la part du psalmiste (33). .t wb/s´mh. selon Avishur pp. 281 et 534. Nous reprenons ici, complétons et ajustons notre proposition de Merveilles p.10.

218

Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

Construit sensiblement en chiasme (les paroles aux centres, leurs auteurs aux extrêmes) 12 est une introduction à 13–15. On y lit aux extrêmes Seigneur et, là pour le servir, une armée de messagères, de même qu’on lira aux extrêmes de 13–15, désignant cette fois ses adversaires, les rois des armées en 13a et les rois en 15a. Seigneur et roi constituent une paire stéréotypée 31. De 13a à 15a on voit se correspondre en ordre inversé la désignation des rois et ce qui leur arrive, soit la fuite en 13a et l’éparpillement en 15a. Chacun est suivi de scènes hautes en couleur. En 13b–14, entourant l’engagement de Dieu en 14a, nous contemplons le partage du butin, d’abord de façon globale en 13b, puis en entrant dans le détail en 14bc. Ailes et plumes ainsi que argent et or vert constituent des paires stéréotypées 32. En 15b nous est donnée à contempler la chute de (blanche) neige sur le mont de l’Ombre. Ce spectacle pour les yeux fait suite à celui de l’or et de l’argent lors du partage du butin. A ne considérer que 13–15a on y verrait une symétrie concentrique, l’engagement central de 14a faisant contraste avec le traitement infligé aux rois selon 13a et 15a. Arrivés à ce point nous pouvons considérer trois ensembles partiels structurés comme on va le voir, soit 6–15, 4–15, et 2–15. Pour ce qui est de 6–15 on se souvient du chiasme décelé plus haut en 8–11 (soit les deux unités centrales de 6–15). On peut ici le prolonger en repérant la correspondance entre 6–7 et 12–15 à partir de la récurrence de maison (7a et 13b), maison ici et là lieu d’un bonheur pour ceux dont Dieu a pris le sort à cœur. Mais on peut voir aussi en 6–15 un certain parallèle. Comme nous l’avons déjà vu, 6–7 et 10–11 se correspondent (récurrence de habiter); et on peut en dire autant de 8–9 et 12–15, ici non à partir d’une récurrence, mais à partir de l’opposition entre ton peuple (8a) et les rois (13a et 15a) 33: la façon dont Dieu traite son peuple fait trembler la terre 34 et s’enfuir les rois. En 4–15 nous découvrons autour de 8–9 un parallèle entre 4–5 + 6–7 et 10–11 + 12–15. Nous avons vu plus haut les correspondances entre 4–5 et 10–11 (réjouissance/bonté) et entre 6–7 et 12–15 (maison). On voit ainsi la présentation de Dieu au désert (8–9) magnifiquement encadrée. En 2–15 nous découvrons, à partir des correspondances déjà étudiées, un parallèle 2–3 (en face de) + 4–5 (réjouissance) + 6–7 (maison) // 8–9 (en face de) + 10–11 (bonté) + 12–15 (maison). Il s’agit donc là d’un petit 31 32 33

34

mlk/’dn selon Avishur pp. 383–384. Soit knp’/’brh (Avishur pp. 298.504.522) et ksp/h.rws. (p.761, à l’index). Ainsi 8–9 et 12–15 prolongent en quelque sorte le petit diptyque de 10–11 (les trois unités de 8–15 respectant entre elles un agencement concentrique ABA’). Nous verrons plus loin qu’il est même au centre d’une symétrie plus vaste. En 8–9 à 12–15 on pourrait encore relever la présence ici de la pluie (9b), là de la neige (15b). On pourrait peut-être faire jouer de 9 à 13 la paire stéréotypée ’rs. /byt (Avishur p.66): ici la terre tremble devant Dieu avec son peuple, là la dame de la maison partage le butin, deux scènes contrastées.

Etude structurelle du psaume 68

219

diptyque régulier, offrant les comparaisons et jeux de significations que nous avons précisés ci-dessus. On se souvient du chiasme commandant l’ensemble 4–11. On pourrait, nous semble-t-il le prolonger pour peu qu’on accepte de voir, d’un point de vue thématique il est vrai, la correspondance entre 2–3 et 12–15. Ici et là en effet les ennemis ou les rois sont dispersés, fuient, s’enfuient, sont éparpillés. Les images leur sont destinées en 2–3 (fumée et cire), mais elles reviennent au peuple en 12–15 (colombe en argent et or). On pourrait alors prétendre que 2–15 sont commandés par une symétrie croisée, parallèle et chiasme s’y superposant. 16–17 ET LES ENSEMBLES 8–17 ET 6–17 Avançons dans notre lecture en considérant à présent 16–17 35, et d’emblée dans la disposition suivante: 16a 16b 17a 17b

17c

Montagne de Dieu, montagne de Bashan montagne de pics, montagne de Bashan pourquoi observez-vous (jalousement) montagnes, pics, la montagne qu’il a désirée Dieu, pour l’habiter*, Oui, YHWH (y) demeurera* à perpétuité

Partons du chiasme central en 17aba: montagnes et pics (au pluriel) s’y opposent à la montagne (au singulier), et l’observation jalouse (de la montagne de Bashan) au désir (de Dieu). Dans les deux premières et les deux dernières lignes de notre tableau nous lisons précisément les sujets des verbes observer (jalousement) et désirer. Ici et là nous lisons Dieu et un nom propre (Bashan et YHWH): la montagne de Dieu (ici, de l’avis des commentateurs un simple superlatif) , montagne de Bashan, observe jalousement, tandis que désire le Dieu YHWH. Nous percevons donc en ces deux versets un chiasme à six termes. Dans les deux dernières lignes le parallèle peut s’appuyer pour ses seconds termes sur la paire stéréotypée habiter/demeurer 36.

35

36

Nous ajustons ici notre proposition de Merveilles pp. 10–11. Girard (p.225, n.12) propose une structure X.YZ/YZ.X avec: montagne de Dieu. montagne de Bashan/montagne de pics et montagne de Bashan/montagne, pics. montagne… Dieu. Astucieux, mais polarisé sur la seule récurrence de montagne, ce qui empêche de percevoir la répartition entre deux volets 16–17a et 17bc. ysˇb/sˇkn selon Avishur pp. 71 et 314.

220

Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

Ici se découvrent à nous deux ensembles structurés, soit en 8–17 et 6–17. On peut lire en effet en parallèle 8–9 + 10–11 et 12–15 + 16–17. Nous avons repéré plus haut le rapport entre 8–9 et 12–15 (ton peuple… les rois). De 10–11 à 16–17 passe la récurrence de habiter. Non seulement Dieu veut faire habiter les siens dans son héritage, mais il a choisi la montagne (de Sion) pour y habiter lui-même. Dans les unités extrêmes, incluant donc ici notre parallèle, on notera en 9 et 17 les deux seules occurrences dans notre psaume de ’p (oui) et la répartition en 8 et 16–17 des termes de la paire stéréotypée terre/montagnes 37, ainsi que le nom des deux grandes montagnes (grandes non au même titre bien sûr), soit Sinaï et Bashan. La terre a tremblé lors de la sortie de Dieu au Sinaï, et pourquoi les montagnes de Bashan se mettraient-elles à jalouser la montagne choisie par ce même Dieu? En 6–17 nous découvrons une symétrie concentrique autour de 10–11. Nous avons déjà vu comment s’appellent 8–9 et 12–15. De 6–7 à 16–17 nous retrouvons la paire stéréotypée habiter/demeurer, habiter se lisant également dans le centre 10–11. Selon 7 Dieu trouve une maison pour y faire habiter les gens seuls. En 10–11 il est question plus explicitement d’un habitat pour les siens. Mais en 17b c’est pour lui-même qu’il désire habiter la montagne (de Sion). En 7c il fait demeurer les révoltés au désert, mais en 17c il désire demeurer lui-même sur ladite montagne. Ainsi le petit diptyque de 10–11 se trouve-t-il concentriquement entouré par deux et deux unités en 6–9 et 12–17. 18–19 ET LES ENSEMBLES 10–19, 8–19, 6–19, ET 4–19 Venons-en maintenant à 18–19 38. Chaque verset présente les indices suivants dans l’ordre indiqué: 18a 18c

La chevauchée* parmi // dans (b)

19ab Tu es monté* /19c sur (b)

37 38

de Dieu le lieu-saint° des dons° / Dieu

’rs./hrym selon Avishur p.278. Nous corrigeons ici notre proposition de Merveilles pp. 11–12 où nous prenions en compte un hypothétique emploi de bw’ que l’interprétation de Girard nous amène à abandonner. Pour autant Girard (p.225) ne voit pas de structure à 18–19, sinon une inclusion par demeurer et YHWH dont il va chercher les premières occurrences en 17c.

Etude structurelle du psaume 68

221

Pour préserver sa lisibilité nous n’avons pas repris dans ce tableau tous les parallèles en 18ab (ving-mille et milliers), 19ab (tu as emmené… tu as pris…), 19bc (l’humain… les révoltés), mais seulement retenu ce qui articule l’un à l’autre nos deux versets. Dans la première colonne nous lisons d’abord un des deux termes de la paire stéréotypée clh/rkb 39, puis deux (en 18c) ou un (en19b) emploi de la préposition b. Dans la deuxième colonne nous lisons Dieu aux extrêmes, et aux centres les termes de la paire stéréotypée ntn/qdsˇ 40. La chevauchée fantastique de Dieu a cela d’étonnant qu’elle inclut sa présence au (b) beau milieu d’eux tout comme le Sinaï est dans (b) le sanctuaire. S’il est monté, c’était pour prendre des dons sur (b) l’humain et demeurer, lui Dieu, chez eux. Considérons ici les quatre ensembles structurés s’achevant avec 18–19. En 10–19 les récurrences de habiter (11a et 17b), Seigneur (12a et 18c) 41, don(ner) (12a et 19b) et nombreux (12b et 18a), ainsi que ces deux racines de maison (13b) et demeure(r) (19c) qui constituent une paire stéréotypée 42, nous indiquent un parallèle (ab.a’b’) entre les quatre unités 43. Comme nous l’avons vu, en 10–11 c’est de l’habitat des élus qu’il est question, mais en 16–17 de celui de Dieu. En 12–15 et 18–19 nous sont présentés les deux groupes des annonciatrices et de la chevauchée au service du Dieu victorieux, chacun constitué de nombreux membres. Ici le Seigneur donne un dire, là il prend des dons sur l’humain; et, un peu comme de 10–11 à 16–17, pour l’habitat, il s’occupe d’abord des siens, puis de lui-même. Même si les indices en sont plus ténus, fondés presque uniquement sur des paires stéréotypées, il existe aussi un certain chiasme entre nos quatre unités. On voit en effet répartis en 12–15 et 16–17 les termes des paires stéréotypées maison/habitation et maison/demeure 44, et en 10–11 et 18–19 ceux de la paire stéréotypée habiter/demeurer (voir n.36): De 10–11 à 18–19 comme de 12–15 à 16–17 nous passons de l’habitat des siens à l’habitat de Dieu lui-même. Les cinq unités de 8–19 sont ordonnées concentriquement autour de 12–15 comme nous l’indiquent les récurrences de Sinaï de (8–)9 à 18(–19) 39 40 41

42 43

44

Avishur p.422, ici en ordre inverse. Avishur pp. 450–451 et 709. Nous sommes d’accord avec Girard pour ne pas retenir comme indice structurel Dieu/’lhym étant donné sa fréquence dans notre psaume, mais il n’en va pas de même avec Seigneur (12a.18c.20a.21b.23a.33c), Yah (5c et 19c), et YHWH (17c.21b.27b), et même Dieu/’l (20.21.25.36b). byt/msˇkn selon Avishur pp. 157.206.282. Répartis entre 10–11 et 12–15, et en assurant ainsi une certaine articulation, relevons les termes de la paire stéréotypée byt/mwsˇ b (Avishur pp. 183 et 282) en 11a (habité) et 13b (maison), et de même de 16–17 à 18–19 la récurrence de demeurer au dernier colon ici et là: pour assurer sa demeure le Seigneur procède à une expulsion. byt/mwsˇb et byt/msˇkn selon Avishur pp. 183.282 et 167.206.282.

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

et de habiter de (10–)11 à (16–)17. Nous venons de rappeler le rapport entre 10–11 et 16–17. Celui de 8–9 à 18–19, à partir de la récurrence de Sinaï et de la répartition ici et là des termes de la paire stéréotypée sortir/ demeurer 45, s’entend sans peine si l’on veut bien comprendre simplement le texte comme le fait Girard: il y eut certes le Sinaï peu après la sortie d’Egypte, mais à présent il le faut chercher dans le lieu saint 46, là où Dieu a décidé de demeurer. En ce qui concerne les six unités que comportent 6–19, nous pouvons d’abord constater l’encadrement du parallèle repéré ci-dessus en 8–17 par les unités 6–7 et 18–19 qui entre elles se correspondent comme nous l’indique les récurrences de saint (6b et 18c), révoltés et demeurer (7c et 17c): Depuis sa résidence sainte Dieu envoie les révoltés demeurer au désert. Le Sinaï est désormais dans le lieu-saint. Dieu a pris des dons aux révoltés pour demeurer chez eux. Mais il nous semble que l’ensemble 6–17 peut aussi se lire simplement selon un parallèle 6–7 + 8–9 + 10–11 // 12–15 + 16–17 + 18–19. On lit en effet en 6–7 et 12–15 mention de la maison (7a et 13b). Nous avons étudié ci-dessus [en 8–17] le rapport entre 8–9 et 16–17 comme entre 10–11 et 18–19 [en 10–19]. En 6–7 et 12–15 ressort le bonheur de qui habite la maison (fin de la solitude, butin). En 8–9 et 16–17 nous assistons d’abord à la réaction positive de la terre tremblant devant Dieu au Sinaï, puis à celle, injustifiée, des montagnes de Bashan devant la montagne choisie par Dieu. C’est aussi une opposition que nous lisons de 11 à 19: ici Dieu a restauré l’héritage pour un faire habiter les siens, là il dépouille les révoltés pour demeurer chez eux. Considérons enfin l’ensemble 4–19, soit sept unités. Il est structuré selon une symétrie concentrique de centre 10–11. Nous avons déjà étudié la symétrie concentrique à cinq termes en 6–17. Il nous suffira ici d’y ajouter la correspondance entre 4–5 et 18–19, deux unités où nous lisons chevaucher et Yah, chevauchée encore bien « modeste » en 5, mais très impressionante en 18, même si ici et là on insiste sur celui qui la mène en le désignant par son nom de YAH (les deux seules occurrences dans notre psaume). Notons comment en 4–19 chaque volet extrême est comme inclus, le premier par en face de de 4 à 9, le dernier par donner de 12 à 19. Nous aurons encore à revenir sur cet ensemble 4–19, particulièrement important dans notre psaume.

45 46

ys.’/sˇkn selon Avishur pp. 503–504 et 522. Se référant à d’autres passages de notre psaume, Girard explique: « Dorénavant le lieu théophanique du Dieu d’Israël n’est plus, comme aux origines, la haute cime du désert, mais bien l’humble colline de la ville sainte » (p.216).

Etude structurelle du psaume 68

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20–21 ET LES SIX ENSEMBLES DONT ILS SONT LE TERME 47 Considérons maintenant 20–21 et les ensembles qui se terminent avec cette unité. 20–21 sont structurés selon le chiasme suivant 48: 20a

Béni

20b 21a 21b

le Seigneur jour (après) jour Il se charge de nous (lnw) le Dieu de notre salut Dieu pour nous (lnw) un Dieu pour les saluts et à YHWH le Seigneur vers la mort… les sorties

Nous restituons l’ordre des termes en hébreu pour la fin de 21 (impossible à rendre en français). L’opposition entre bénédiction et mort n’est pas à démontrer. Les autres indices du chiasme sont portés ici en caractères gras 49. Le tout constitue une bénédiction au Dieu (’l) auteur du salut pour les siens. Considérons maintenant les ensembles structurés de 12–21, 10–21, 8–21, 6–21, 4–21 et 2–21. L’ensemble 12–21 se présente selon un certain parallèle. Nous avons étudié plus haut [en 10–19] les rapports entre 12–15 et 18–19. En (16–)17 et (20–)21 nous voyons répartis les termes de la paire stéréotypée sortir/demeurer 50. Aux siens le Seigneur donne une parole de victoire (12a), mais à l’humain il prend des dons (19b). Il permet à la dame de la maison de partager le butin (13b), mais il confisque aux révoltés leur demeure (19c). A lui appartiennent non seulement cette montagne où il entend demeurer (17c), mais aussi les sorties vers la mort dont il est maître (21b). En 16–17 et 20–21 relevons aussi les deux indications de temps en 17c (au terme) et 20a (au début). La première accompagne le fait pour YHWH de demeurer sur sa montagne, la seconde la bénédiction à lui adressée. Si l’on prend en considération la paire stéréotypée brk/ ntn 51, on peut aussi voir un certain agencement en chiasme pour 12–21. On lit en effet Le Seigneur donne en 12a et Béni (soit) le Seigneur en 20a, amorce ici et là de l’unité, avec la récurrence de Seigneur. Au don répond

47 48

49 50 51

A partir des six premières unités du psaume. Nous reprenons ici Merveilles p.12, en améliorant la présentation. Girard (p.225) a bien vu le chiasme d’ensemble, mais sans repérer l’inversion de 20a à 21b. En hébreu on lit l à chacune des lignes du second volet (pour les saluts, à YHWH, vers la mort). Voir ci-dessus à la n.35. On lit aussi une indication de temps en 17c (dernier colon de 16–17) comme en 21a (premier colon de 20–21). Avishur pp. 446 et 461.

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

une bénédiction. Mais au dernier colon de 16–17 comme de 18–19 nous lisons demeurer: le Seigneur demeurera à perpétuité sur sa montagne, il s’attribuera la demeure des révoltés. Ainsi, pour ce qui est des correspondances ici relevées, les quatre unités de 12–21 sont-elles ordonnées entre elles selon une symétrie croisée (parallèle et chiasme superposés). En 10–21 nous découvrons une symétrie concentrique autour de 16–17. Nous avons déjà étudié [en 10–19] le rapport entre 12–15 et 18–19. En 10–11 et 20–21 nous pouvons voir la répartition des termes des paires stéréotypées bénir/vie et mort/vie 52. On pourrait dire que la bénédiction adressée au Seigneur selon 20 est un juste retour de la part de la (bête) vivante dont selon 11 il prend tant de soin, lui auquel appartiennent les sorties vers la mort. Qu’en est-il en 8–21? On pourrait ici se contenter de constater qu’autour de l’ensemble 10–19, structuré selon un parallèle comme nous l’avons vu ci-dessus, les unités 8–9 et 20–21 se répondent. En effet on lit sortir/sorties en 8 et 21, l’ensemble 8–21 étant même de cette façon comme inclus. Les deux sorties en question se correspondent, puisque la première n’est autre que libération de la servitude, la seconde la libération (possible avec le Seigneur) de(s sorties vers) la mort. Mais il se trouve aussi qu’un parallèle entre 8–9 + 10–11 + 12–15 et 16–17 + 18–19 + 20–21 commande l’ensemble. Nous avons déjà étudié chacun des trois rapports ici en jeu [en 6–19 pour les deux premiers, 12–21 pour le troisième]. Considérons maintenant 6–21. La structure concentrique de cet ensemble autour de 12–15 ne fait pas de doute. Elle prolonge celle de 8–19 par 6–7 et 20–21. On lit en effet en effet sortir/sorties en 6–7 et 20–21 53. Dieu fait sortir les prisonniers tout comme il peut épargner des sorties, en un tout autre sens, vers la mort. Aux extrêmes on pourrait aussi lire en parallèle 6–7 + 8–9 avec 18–19 + 20–21. Nous avons étudié plus haut [en 6–19] les correspondances entre 6–7 et 18–19 et dans le paragraphe précédent celle entre 8–9 et 20–21. Ce parallèle entre 6–9 et 18–21 encadre donc la simple symétrie concentrique (aba’) de 10–17. Venons-en donc à 4–21. Ici la structure est en chiasme, mais à partir de couples d’unités comme le montrera le tableau suivant que nous nous emploierons ensuite à justifier: 4–5 + 6–7 8–9 + 10–11 12–15 + 16–17 18–19 + 20–21

52 53

brk/h.yh selon Avishur pp. 445–446 et 461. Il existe également un parallèle entre 6–11 et 16–21, mais nous nous réservons de le présenter plus loin à l’intérieur de la structure de 6–24.

Etude structurelle du psaume 68

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Tous les rapports ici en jeu ont déjà été étudiés. Que 4–5 + 6–7 soient parallèles à 18–19 + 20–21, c’est ce que montrent les rapports déjà étudiés entre 4–5 et 18–19 [voir en 4–19] comme entre 6–7 et 20–21 [voir en 6–21], et de même ceux de 8–9 avec 12–15 [voir en 6–15] et de 10–11 avec 16–17 [voir en 8–17]. L’ensemble 2–21 ne sera autre que celui de 4–19, étudié ci-dessus, en y ajoutant aux extrêmes 2–3 et 20–21. Ces deux dernières unités se correspondent comme le montre la répartition ici et là des termes de la paire stéréotypée mwt/’bd 54: que les méchants périssent à coup sûr (comme se dissipe la fumée, comme fond la cire), c’est ce dont on ne peut douter quand on sait à qui appartiennent les sorties vers la mort. Ainsi avons-nous vu la symétrie concentrique de 6–17 s’élargir successivement en 4–19 puis 2–21, avec toujours le même centre 10–11. 22–24 ET LES SEPT ENSEMBLES DONT ILS SONT LE TERME 55 Pour faire voir commodément la structure de 22–24 disposons-en le texte dans un tableau qu’il nous reviendra ensuite d’expliquer 56: 22a 22b

[…] Dieu

23a

[…]le Seigneur:

de ses ennemis dans ses actes-coupables

De Bashan je fais revenir je fais revenir des gouffres de la mer

23b

24a 24b

écrase la tête le crâne […]

[…]

tu écrases ton pied dans le sang la langue de tes chiens d’ennemis sa part

Dans les quatre lignes extrêmes (en 22 et 24) on relèvera un emploi du verbe écraser suivi de deux désignations de parties du corps (tête et crâne, pied et langue), lesquelles sont suivies, en ordre inverse d’ici à là, d’abord de ennemis et de dans introduisant à ces actes-coupables du méchant, puis de dans, suivi de sang évocateur de la vengeance, et de ennemis. En 23 le chiasme est limpide avec comme centres les deux je fais revenir et aux extrêmes les lieux (introduits par de = mn) d’où le Seigneur fait revenir,

54 55 56

Avishur pp. 487 et 495. Soit à partir des sept premières unités du psaume. Nous reprenons ici Merveilles pp. 12–13. Girard (pp. 225–226) a bien vu le chiasme ici en jeu.

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

l’un étant une grande montagne, l’autre les gouffres de la mer, sorte d’expression holistique bipolaire. On ne lit explicitement mention de Dieu ou du Seigneur que dans le premier volet (22–23a), tandis que le second volet (23b–24) est caractérisé par l’apparition des chiens à la dernière ligne, collaborateurs inattendus à la vengeance, montrant l’abaissement complet des ennemis. Considérons ici l’ensemble des quatre unités contenues en 16–24. On y lit YHWH ou YAH dans les trois premières unités, et le Seigneur dans les trois dernières. L’agencement semble celui d’un chiasme. On lit en effet Bashan dans les unités extrêmes (en 16 et 23). Dans les unités centrales nous lisons donc et YH(HWH), et le Seigneur, mais aussi les termes, répartis ici et là, des paires stéréotypée ’l/’dm 57 (19b et 20b.21a: bis) et brk/ntn 58. Ces montagnes de Bashan ont beau être des montagnes de Dieu (sorte de superlatif), le Seigneur en fait revenir tout comme des gouffres de la mer. De l’humain le Seigneur requiert des dons, mais les siens ont à bénir celui qui s’est montré avec eux le Dieu de leur salut. En 12–24 il nous semble percevoir une symétrie concentrique autour de 18–19, mais aussi un parallèle entre les deux volets extrêmes, cela à partir des indices disposés comme suit: 12–15

Le Seigneur… un dire [s’enfuient, s’enfuient] les ailes de la colombe

16–17

YHWH… demeurera°

Le Seigneur donne*

Bashan

18–19 20–21

YHWH… sorties°

22–24

Il a dit, le Seigneur [je fais revenir, je fais revenir] la langue de tes chiens

Béni* soit le Seigneur Bashan

En 12–15 comme en 22–24 le Seigneur dit (deux seuls emplois dans notre psaume) une parole annonciatrice de victoire. Ici et là est répétée la mention des deux mouvements, soit celui de la fuite des ennemis, soit celui par lequel YHWH fait revenir des lieux les plus inaccessibles. Si la colombe est magnifiquement parée et si les chiens se régalent, ce n’est évidemment pas

57 58

Avishur pp. 442–443.458.549. Avishur pp. 446 et 461.

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Etude structurelle du psaume 68

dans le même contexte, même si les deux scènes sont complémentaires, consécutives à la victoire: la parure trouvée dans le butin pour la colombe, le sang même des ennemis pour les chiens. Nous avons étudié plus haut [en 12–21] les rapports entre 16–17 et 20–21 59. Nous avons déjà relevé [en 12–21] les amorces de 12–15 et 20–21 avec: Le Seigneur donne… Béni soit le Seigneur 60, ainsi que la mise en valeur des montagnes de Bashan tant en 16–17 qu’en 22–24 [en 16–24]. On voit ici comment 18–19 bénéficient d’un riche encadrement. En 10–24 on peut découvrir une certaine structure en chiasme. Les termes extrêmes en seraient, se correspondant en parallèle, 10–11 + 12–15 et 20–21 + 22–24. Nous connaissons les rapports entre 10–11 et 20–21 [vus en 10–21] comme entre 12–15 et 22–24 (voir ci-dessus). Les termes centraux de notre chiasme seraient 16–17 et 18–19, dont le rapport nous est aussi connu [en 12–21]. En 8–24 nous avons de nouveau une symétrie concentrique ici autour de 16–17, les volets extrêmes respectant également entre eux un parallèle, comme ceci: 8–9 10–11 12–15 16–17 18–19 20–21 22–24

sortir* [cieux] vivante° donne/nombreuses



Sinaï vivante° dire



Sinaï mort° a dit

[montagne] dons/nombreux mort° allant* [mer]

Nous connaissons déjà les rapports entre 12–15 et 18–19 [en 10–19] comme entre 10–11 et 20–21 [en 10–21], cela à l’intérieur de la symétrie concentrique commandant l’ensemble 10–21, laquelle nous allons ici en somme

59

60

Il ne serait peut-être pas impossible de prolonger cette symétrie concentrique par 10–11 et 25–28 en repérant ici et là les expressions de l’Alliance: en 8a, s’adressant à Dieu, le psalmiste lui parle de ton peuple; en 25, s’adressant aux siens, le psalmiste leur parle de mon Dieu. Sous cet angle de l’Alliance, Dieu est dit Dieu d’Israël en 9, ton Dieu en 29 (auxquels on peut peut-être ajouter Dieu de notre salut en 20). Mais l’expression ton peuple est unique et n’a pratiquement pas d’équivalent dans le reste du psaume, sauf peut-être ta (bête) vivante en 11a. En 12–15 et 20–21 il y a bien aussi des répétitions, mais celle de 20 (ywm ywm) est d’un contenu trop différent de celle de 13a) pour qu’on puisse y voir l’indice d’un quelconque rapport.

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

prolonger. En 8–9 et 22–24 nous voyons répartis les termes de la paire stéréotypée sortir/aller 61, et s’y opposer deux parties extrêmes du cosmos, soit les cieux et la mer, entre lesquels se situent justement les montagnes dont il est question au centre 16–17. L’opposition est claire entre la sortie de Dieu dont il est question en 8 et les allées et venues du malfaiteur en 22. Les cieux tout comme la mer sont ici et là soumis à Dieu. Accompagné de flèches nous avons porté à droite de notre tableau le parallèle entre 8–15 et 18–19. Nous en avons déjà commenté plus haut chacune des correspondances [successivement en 8–19, 10–21, et 12–24]. Passons maintenant aux trois plus vastes ensembles aboutissant à 22–24. Les huit unités de 6–24 respectent entre elles une symétrie parallèle à huit termes. Nous en connaissons déjà toutes les correspondances, soit entre 6–7 et 16–17 [en 6–17], 8–9 et 18–19 [en 8–19], 10–11 et 20–21 [en 10–21], 12–15 et 22–24 [ci-dessus en 12–24] 62. Incluant en quelque sorte le présent ensemble (et encadrant celui de 8–21), notons encore les rapports entre 6–7 et 22–24, soit ici les unités extrêmes. On lit ici et là les deux emplois dans notre psaume de ’k (oui) ainsi que les termes de la paire stéréotypée sortir/aller (n.61): on opposera donc les deux actions de Dieu qui fait sortir les prisonniers et du pécheur qui va et vient en ses actes coupables. Il ne sera pas plus difficile de décrire l’ensemble 4–24, puisqu’à la symétrie concentrique repérée plus haut en 6–21 il suffira d’ajouter deux termes aux extrêmes, soit 4–5 et 22–24. La correspondance entre ces deux unités se joue à partir de la paire stéréotypée face/tête 63. La face de Dieu (4b et 5c) ne provoque qu’allégresse selon 4–5, mais la tête de ses ennemis (22a), il l’écrase 64. Autour du centre 12–15 on aura ainsi vu s’élargir les symétries concentriques de 8–19 en 6–21, puis de 6–21 en 4–24. Pour ce qui est de 2–24 il suffira d’élargir le chiasme repéré en 4–21 en ajoutant aux extrêmes les unités 2–3 et 22–24, lesquelles se correspondent à partir de la récurrence de ennemis: en 2–3 ils fuient et périssent, en 22(–24) nous voyons de plus près leur extermination. Rappelons que Girard voit en 2–24 la première partie du psaume et qu’elle serait selon lui composée selon une symétrie concentrique autour de 10–15, 2–3 et 4–9 appelant en ordre inverse 16–21 et 22–24. Nous sommes bien d’accord sur la correspondance entre les unités extrêmes 2–3 et 22–24. Mais nous 61 62

63 64

Soit ys.’/hlk selon Avishur p.309. Les trois premiers termes de ce parallèle encadrent donc 12–15, le rapport concentrique de 6–11 à 16–21 s’enrichissant ainsi d’un agencement parallèle. On peut ainsi compléter notre description de la structure de 6–21 comme nous l’avons annoncé dans notre note 44. pnym/r’sˇ d’après Avishur pp. 512 et 522. Tout comme son crâne, r’sˇ /qdqd constituent une paire stéréotypée selon Avishur p.766, à l’index.

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avons montré plus haut comment (en 4–21) les tandems de 4–5 + 6–7 et 8–9 + 10–11 appelaient en ordre inverse ceux de 12–15 + 16–17 et 18–19 + 20–21. Il est bien exact que 10–11 et 12–15 (deux unités, et non pas une en 10–15) se trouvent au centre, mais non point seules, chacune avec l’unité qui lui est contiguë, soit avant, soit après. Et conjointement ce ne sont pas 4–9 et 16–21 qui se correspondent aux extrêmes, mais seulement 4–5 + 6–7 et 18–19 + 20–21. Nous avons vu plus haut ce qu’il en est des micro-structures que Girard envisage en 2–24. Et nous verrons à la fin de cette étude s’il est pertinent de considérer 2–24 comme une première partie du psaume (la seconde se lisant en 25–36). 25–28 ET LES SIX ENSEMBLES DONT IL SONT LE TERME 65 Pour saisir la structure de 25–28 disposons-les comme suit 66: 25a 25b

26a 26b 27a 27b 28a 28b 28c

Ils ont vu tes allées (et venues), Dieu, les allées (et venues) de mon Dieu de mon Roi dans le lieu-saint Marchaient-en-avant les chantres derrière les joueurs (de musique) au milieu les jeunes-filles* tambourinant Dans les assemblées bénissez Dieu YHWH, depuis la source d’Israël Là Benjamin le petit*, les dirigeant les chefs de Juda (avec) leur foule les chefs de Zabulon les chefs de Nephtali

Il nous semble que ces quatre versets respectent un parallèle. De 25 à 27 nous retrouvons Dieu 67 et la préposition dans introduisant à des compléments apparentés. Mis à part le verbe, 27 est construit sensiblement selon un chiasme avec les indications de lieux aux extrêmes et les désignations

65 66

67

A partir des huit premières unités du psaume sauf 2–3 et 10–11. Nous reprenons ici notre proposition de Merveilles pp. 13–14. Girard (pp. 226227) croit voir une structure tout au plus thématique en 25–32 (25–26 + 27 // 28 + 29–32) et ne s’attarde que sur la structure de 29–32. Nous y revenons donc plus loin. En 25b le texte porte ’ly, non ’lhy. Nous y revenons sous peu.

230

Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

de Dieu aux centres. En 25 on a une construction en escalier presque régulière: Ils ont vu

les allées et venues les allées et venues

Dieu de mon Dieu de mon Roi

dans le lieu-saint

En 26 et 28 nous avons deux présentations de procession, avec trois précisions de place (devant, derrière, au milieu) en 26, et une notation globale de lieu (là) en 28. En 26 les deux premières lignes font jouer deux paires stéréotypées, soit devant/derrière 68 et chanter/jouer 69. On notera au terme de la liste de 26 et au début de celle de 28 les mentions des jeunes filles et du petit, deux sexes et deux âges offrant donc une double complémentarité 70. De 25 à 27 (avec YHWH et Israël) comme de 26 à 28 (avec les quatre tribus nommées) on notera l’apparition de noms propres, comme si on se rapprochait pour pouvoir distinguer nommément de qui il s’agit. Qu’en est-il de la structure du petit ensemble de quatre unités en 18–28? Il nous semble percevoir ici un certain chiasme. On lit en effet lieu-saint en 18(–19) comme en 25(–28), ainsi que les termes des paires stéréotypées (déjà rencontrées) brk/ntn (27a et 19b: voir n.58) et ’l/’dm (25b et 19b: voir n.57), tandis qu’en (20–)21 et 22(–24) sont répartis les termes de la paire stéréotypée sortir/aller (voir n.61). Le Sinaï est désormais dans le lieu-saint et Dieu a pris des dons sur l’humain. C’est donc maintenant dans le lieu-saint qu’on peut voir les allées et venues de Dieu, de celui que le psalmiste reconnaît comme son Dieu (’ly) et qu’il invite à bénir. A Dieu appartiennent les sorties vers la mort, et il peut écraser la tête de ceux allant et venant dans des actes-coupables 71. En 16–28 on voit clairement, autour de 20–21, 16–17 + 18–19 et 22–24 + 25–28 se répondre en parallèle. Comme nous l’avions déjà relevé [en

68 69 70

71

qdm/’h.wr selon Avishur p.675. sˇyr/ngn selon Avishur p.196. Celle entre les sexes/genres est ce que W. G. Watson, Classical Hebrew Poetry, JSOT Sup. 26, pp. 123–124, appelle (en termes de grammaire) Gender-matched parallelism. Ici sont comme cumulées en une seule paire ce que Ps 148, 12 monnaye en deux paires (sexes et âges), et s’y ajoute la différence pluriel/singulier. Si on accepte de voir une certaine opposition entre les deux grandes montagnes dans ce poème, on pourrait encore voir un certain agencement parallèle de ces quatre unités. On y trouve en effet le Sinaï en 18–19 et la montagne de Bashan en 22–24, le premier désormais dans le lieu-saint, la seconde incapable de garder quiconque, et en 20–21 et 25–28 une bénédiction pour Dieu (20a et 27a), 20–21 en déployant amplement le motif (le salut), 25–28 en présentant le contexte liturgique.

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16–24] on lit en effet Bashan en 16–17 comme en 22–24 (la jalouse ne pourra rien soustraire à Dieu), et nous venons d’étudier ce qu’il en est des rapports entre 18–19 et 25–28. Ajoutons qu’on lit ’l (ter) au centre 20–21 comme en 25(–28), tandis que la paire ’l/’dm établit aussi un certain rapport entre (18–)19 et 20–21. Ce Dieu qui est le Dieu du psalmiste domine l’humain. Entre les unités extrêmes 16–17 et 25–28 on pourrait encore voir, outre la récurrence de YHWH, le rapport que nous suggère la paire stéréotypée roi/siéger 72. C’est sur cette montagne que ce Roi entend siéger. Ainsi se trouve encadrée par 16–19 et 22–28 la bénédiction de 20–21 73. L’ensemble 12–28 comporte six unités. Nous avons découvert plus haut 16–24 structurés selon un chiasme. Il suffira ici de reconnaître le rapport entre 12–15 et 25–28 pour compléter ce premier ensemble et y reconnaître un chiasme à six termes (abc/c’b’a’). On lit roi en 13.15 et 25 ainsi que les termes de la paire stéréotypée brk/ntn (voir n.58) en 12 et 17. Ces rois et ce Roi sont adversaires. Si au sujet des premiers Dieu donne la bonne nouvelle de leur défaite, il mérite alors qu’on le bénisse dans les assemblées. Quant à 8–28, ils se trouvent disposés en parallèle de 4 + 4 unités. Nous avons plus haut étudié les rapports entre 8–9 et 18–19 [en 8–19], 10–11 et 20–21 [en 10–21], 12–15 et 22–24 [en 12–24], ainsi que celui de 16–17 à 25–28 ci-dessus en 16–28. Entre les unités extrêmes 8–9 et 25–28, incluant donc d’une certaine façon le présent ensemble (et encadrant celui de 10–24), on notera d’abord la répartition des termes de la paire stéréotypée sortir/aller (voir n.61): la sortie de Dieu jusqu’au Sinaï fait trembler terre et cieux, ses allées et venues dans le lieu-saint sont accompagnées par tous les acteurs de la liturgie et les chefs d’Israël. Relevons ensuite qu’il s’agit explicitement ici et là du Dieu de l’alliance, Dieu d’Israël en 9 (cet Israël qui est dit ton peuple en 8), mon Dieu (mon Roi) en 25 (voir n.59). L’ensemble 6–28 est agencé selon une symétrie concentrique autour de 16–17. Nous avons déjà étudié la symétrie concentrique en 8–24. Il suffira donc ici de repérer le rapport entre 6–7 et 25–28. Il se prend à partir de la récurrence de saint (6b et 25b) et de la répartition ici et là des termes de la paire stéréotypée sortir/aller (voir n.61): ici et là nous contemplons Dieu dans son lieu saint, faisant sortir les prisonniers en 6–7, allant et venant lui-même dans le lieu saint selon 25(–28). Il ne nous reste plus à considérer que 4–28. Il apparaît ici que l’ensemble 8–21 que nous avons étudié ci-dessus (comme un parallèle à six termes) se trouve comme encadré par les enchaînements parallèles de 4–5 + 6–7 et 22–24 + 25–28. Nous avons en effet déjà repéré les rapports entre 4–5 et 22–24 [en 4–24] comme entre 6–7 et 25–28 (ci-dessus).

72 73

mlk/ysˇb (cl ks’) selon Avishur pp. 141 et 384. On lit YHWH au centre (20–21) comme aux extrêmes (18–19 et 25–28) de cet ensemble.

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

29–30a ET LES SIX ENSEMBLES DONT ILS SONT LE TERME 74 On ne voit pas de structure bien particulière en 29–30a 75. Notons seulement l’inversion Dieu + force en rends-fort + Dieu, et le changement de personne de 20a à 29b–30a. L’ensemble des quatre unités de 20–30a est commandé par un chiasme comme l’indiquent les récurrences de pour nous de 20–21 à 29–30a et de aller de 22(–24) à 25(–28). On notera aussi aux extrêmes, en 20–21 et 29–30a, la répartition des termes de la paire stéréotypée force/salut 76. Ce Dieu qui nous est favorable en nous accordant salut et force oppose ses allées et venues à celles des pécheurs. En 18–30a nous voyons d’abord, autour de 22–24, 18–19 + 20–21 et 25–28 + 29–30a se répondre en parallèle. Nous avons déjà repéré le rapport entre 18–19 et 25–28 [en 18–28], et nous venons d’étudier celui entre 20–21 et 29–30a. On peut aussi percevoir une certaine disposition concentrique autour de 22–24 pour peu qu’on accepte de voir une correspondance entre le Sinaï (18–19) et Jérusalem (29–30a) comme lieux de résidence de Dieu: le premier est désormais dans le lieu saint, et ce dernier, autrement dit le temple, se trouve précisément à Jérusalem. Même en l’absence de toute récurrence ou autre indice proprement structurel, on n’aura pas de peine à saisir le rapport: si le Sinaï est désormais dans le lieu-saint, c’est donc au temple de Jérusalem qu’il se trouve. Ce n’est plus le Sinaï qui contient le lieu saint de la présence divine (Ex 3,5), mais à Jérusalem qu’on trouvera désormais le temple. En 20–21 et 25–28 nous lisons bénir, Dieu (’l), YHWH ainsi que la correspondance, fondée sur une paire stéréotypée 77, entre Seigneur et Roi: Dieu de notre salut, mon Dieu, YHWH, le Seigneur et mon Roi est en droit d’attendre des siens leur bénédiction. Du centre 22–24 aux unités qui lui sont contiguës notons encore de 20–21 à 22–24 les termes de la paire stéréotypée sortir/aller [voir ci-dessus en 18–28], et de 22–24 à 25–28 la récurrence de aller [voir en 25–30a]. Ainsi 18–30a sont-ils assez amplement structurés. Qu’en est-il de 16–30a? Ici le parallèle est limpide entre trois et trois unités. Nous avons déjà étudié les rapports entre 16–17 et 22–24 [en 16–24], 18–19 et 25–28 [en 18–28], et nous venons de voir le rapport entre 20–21 et 29–30a. A un plan thématique on notera le rapport aux extrêmes entre la montagne désirée et le temple qui précisément s’y trouve. La structure de 12–30a se percevra sans peine à partir du simple schéma suivant: 74 75

76 77

A partir de 20, 18, 16, 12, 10 et 6. Dans Merveilles pp 14–15 nous distinguions comme unités 29 et 30–32. Nous changeons donc ici d’avis et distinguons 29–30a et 30b–32. On verra que si 29–30a n’ont pas de structure bien particulière, tel n’est pas le cas pour 30b–32. Nous revenons ci-dessous sur la proposition de Girard pour 29–32. c wz/ysˇ c selon Avishur pp. 174.234.280. mlk/’dn selon Avishur pp. 383–384.

Etude structurelle du psaume 68

233

12–15 16–17

18–19 ▼

20–21 ▼



22–24

25–28 ▼

29–30a Nous connaissons tous les rapports ici marqués par des flèches, et nous avons déjà reconnu en 16–28 l’agencement ici repris ici dans notre schéma [pour 12–15/20–21 voir en 12–21, et pour 20–21/29–30a voir en 20–30a]. Ce qui se découvre ici, c’est la place de 20–21 non seulement en 16–28, mais aussi en 12–30a du fait des rapports existant entre eux et les unités extrêmes 12–15 et 29–30a. Le fort donne vie à ses élus. En 12–15 et 29–30a, aux extrêmes nous voyons répartis les termes de la paire stéréotypée maison/temple 78: de sa demeure (le temple) le Seigneur veille sur le bonheur des siens dans leur demeure (leur maison). En 10–30a le parallèle est presque aussi évident entre quatre et quatre unités. Nous avons déjà étudié les rapports entre 10–11 et 20–21 [en 10–21], 12–15 et 22–24 [en 12–24], 16–17 et 25–28 [en 16–28]. Mais à ce parallèle se superpose un chiasme, si bien que nous avons à faire ici à une symétrie croisée. Nous avons déjà étudié la disposition en chiasme de 12–28. Ajoutons ici en 10–11 et 29–30a (aux extrêmes) les termes de la paire stéréotypée force/vie 79 et, réparties ici et là, deux expressions complémentaires de l’Alliance avec ta (bête) vivante (s’adressant à Dieu) en 11 et ton Dieu (s’adressant à Israël) en 29: c’est celui qui rend fort qui donne vie aux siens. En 6–30a notons seulement comment l’ensemble 8–28 étudié plus haut se trouve en quelque sorte encadré par 6–7 et 29–30a. On lit en effet dans ces deux unités les termes de la paire stéréotypée maison/temple: depuis son temple (soit sa résidence sainte selon 6b) Dieu se soucie que l’esseulé trouve une maison 80.

78 79 80

Avishur p.755, à l’index. wz/h.yym selon Avishur p.280. Nous hésitons à prolonger cet encadrement par 4–5 et 30b–32. Notons pourtant dans ces deux unités le phénomène de l’identification: Dieu, c’est-àdire… YAH (4b…5c), et les peuples, c’est-à-dire… l’Egypte/Kouch (31b.d… 32). Le parallèle n’est pas parfait dans la mesure où l’Egypte et Kouch ne sont en somme qu’un échantillon de tous les peuples.

c

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

30b–32 ET LES CINQ ENSEMBLES DONT ILS SONT LE TERME 81 30b–32 nous semblent à lire comme ceci82: 30b 31a 31b 31c 31d 32a 32b

Vers toi (qu’)ils apportent, les rois, un tribut Menace la (…) vivante de la joncheraie le rassemblement des (…) vigoureux avec les veaux des peuples se soumettant avec des pièces d’argent Il a disséminé les peuples (qui) aux approches (belliqueuses) se plaisent (Qu’)ils viennent, les dignitaires, depuis l’Egypte (Que) Kouch accoure, ses mains (…) vers Dieu.

Nous voyons en cette unité une symétrie concentrique autour de 31c. De 30b à 32 on voit l’inversion: le destinataire est indiqué (vers) tout au début et tout à la fin, les démarches ensuite en 30b (démarche des rois) et avant en 32 (démarches des dignitaires de l’Egypte, et de Kouch). On retrouve une démarche analogue au centre 31c de l’ensemble (soumission avec tribut de pièces d’argent). En 31ab et d, autour du centre que nous venons de dire, on lit en parallèle un acte de YHWH et ceux qui sont visés par cet acte. En 31ab la menace vise symboliquement trois espèces d’animaux, dont la dernière est appelée veaux des peuples. En 31d la dissémination vise les peuples qui… Les mains tendues en 32b ne le sont sans doute pas en geste de supplication, mais on peut les voir, comme 30b, en rapport avec l’offrande d’un tribut. Ainsi centre et extrêmes se référeraient-ils à cette même démarche. En 20–32 on peut voir les quatre unités extrêmes disposées selon un certain parallèle autour du centre 25–28. Nous avons déjà étudié les rapports entre 20–21 et 29–30a [en 20–30a]. En 22–24 et 30b–32 on repérera ici et là les termes de la paire stéréotypée apporter/aller 83 (30b et 22b), la mention de pied en 14a et de mains en 32b, la présence d’animaux 81 82

83

Commençant en 20, 18, 16, 12, et 10. Nous reprenons ici et améliorons notre proposition dans Merveilles pp. 14–15. Nous n’y avions pas perçu la position centrale de 31c et donc la symétrie concentrique de l’ensemble, ce qui est aussi le cas de Girard dans sa proposition pour 30b–32 (p.227: soit un chiasme 30b + 31abc / 31d + 32). Dans sa proposition pour 20–32 (ibid.) Girard procède en fait à une analyse structurelle distincte pour 29–30a et 30b–32, et en 29–30a il ne signale que le double emploi de la racine czz (être fort). ybl/hlk selon Avishur pp. 635 et 666.

Etude structurelle du psaume 68

235

menaçants et soumis, chiens ou taureaux, ainsi que la mention de deux contrées rivales, pourrait-on dire, de la montagne, soit Bashan (au nord) et l’Egypte (au sud, ainsi que Kouch, encore plus au sud), l’une et l’autre soumises au pouvoir du Seigneur. Ceux qui en leurs allées et venues commettent des méfaits, leur sang sera foulé sous le pied des fidèles et les chiens en auront leur part, puis, leur puissance de taureaux une fois matée, ils finiront par apporter un tribut au Seigneur, mains tendues vers Dieu. En 18–32 nous voyons les six unités disposées selon un parallèle limpide. Nous connaissons déjà les rapports fondant ce parallèle, soit entre 18–19 et 25–28 [en 18–28], 20–21 et 29–30a [en 20–30a], 22–24 et 30b–32 (ci-dessus). En 16–32 nous découvrons une symétrie concentrique autour de 22–24. Nous connaissons déjà les rapports entre 20–21 et 25–28 [en 18–30a] et entre 18–19 et 29–30a [en 18–30a]. De 16–17 à 30b–32 nous retrouvons Bashan (au nord) et l’Egypte (et Kouch, au sud) ainsi que la répartition des termes de la paire roi/habiter (siéger) (voir n.72). L’attitude jalouse de Bashan le cède à la soumission de l’Egypte et de Kouch. C’est à celui qui siège sur la montagne que les rois soumis apportent leur tribut. En 12–32 nous voyons le parallèle (de 3 + 3 unités) repéré ci-dessus en 16–30a encadré par les deux unités 12–15 et 30b–32. Dans ces deux dernières unités nous trouvons les rois et dans le butin l’argent (14b et 31c). Ici ils s’enfuient et la dame de la maison partage le butin qui comprend de l’argent, là ils apportent le tribut, dont des pièces d’argent. Pour découvrir la structure de 10–32 il suffira de reprendre celle de 12–30a pour l’insérer entre 10–11 et 30b–32. Ces deux unités sont les seules dans notre psaume où on lise (bête) vivante, s’agissant ici de celle choisie par Dieu, là de celle qu’il doit menacer pour la neutraliser.

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

33–36 ET LES DIX ENSEMBLES DONT ILS SONT LE TERME 84 Considérons à présent la structure interne de l’unité 33–36 85: 33a 33b 34a 34b 35a 35b 35c 36a 36b 36c 36d

Royaumes de la terre* chantez pour Dieu jouez (pour) le Seigneur POUR (CELUI) CHEVAUCHANT DANS LES CIEUX* DES CIEUX* D’AVANT VOICI : IL DONNE DE SA VOIX, VOIX DE FORCE° Donnez+ la force° à Dieu Sur Israël repose sa fierté° ET SA FORCE° (EST) DANS LES NUES (TU ES) CRAINT, DIEU, DEPUIS TES LIEUX-SAINTS Le Dieu d’Israël, (c’est) lui donnant+ force et foisonnement au peuple Béni+ soit Dieu

Nous lirons ici deux chiasmes se chevauchant en 35a. Distinguons invitations et motifs, et à l’intérieur de ces derniers ceux qui considèrent en quelque sorte Dieu lui-même (lignes mises en petites CAPITALES dans notre tableau) et ceux qui visent son rapport à Israël. Considérons donc tout d’abord 33–35a. Les deux invitations de 33 86 et celle de 35a entourent (en chiasme) les deux motifs de 34a et 34b. Invitations et motifs sont soigneusement articulés, 33 à 34a par la répartition des termes de la paire stéréotypée cieux/terre 87, 34b à 35a par les deux récurrences de donner et force. Dans les deux motifs on notera ici et là une répétition de terme (cieux/ cieux et voix/voix). En 35–36 le chiasme est légèrement plus complexe, passant de quatre à six termes. On lit aux extrêmes les deux invitations,

84 85

86 87

Commençant avec chacune des unités comprises entre 4 et 28. Nous reprenons ici, en améliorant la présentation, notre proposition de Merveilles pp. 15–18. Girard (p.228) parle pour 33–36 d’un « pattern concentrique évident» autour de 36a, s’y correspondant selon lui 34b–35 et 36bc, puis 33–34a et 36d. Ladite évidence nous échappe. Girard ne prend pas suffisamment soin de considérer non seulement les récurrences, mais aussi leurs contextes, ici en distinguant par exemple les invitations et les deux types de motifs, en constatant en conséquence que par exemple la récurrence de force s’inscrit tantôt dans les motifs, tantôt dans une invitation (35a), et pour ce qui est des motifs tantôt dans ceux qui se rapportent à Dieu (34b.35c), tantôt dans ceux qui visent son rapport à Israël (36c). 36a est peut-être bien au centre, mais plutôt aux centres avec 35c, et non de 33–36, mais de 35–36, lesquels ont pour centre, structurellement déterminé, 35a. Aux extrêmes duquel nous retrouvons les termes de la paire stéréotypée mlk/’dn (Avishur pp. 383–384). sˇmym/’rs. selon Avishur p.767, à l’index.

237

Etude structurelle du psaume 68

puis les motifs concernant le rapport à Israël (avec récurrence de ce terme), et enfin aux centres les motifs concernant Dieu lui-même. Dans les invitations sont répartis les termes de la paire stéréotypée bénir/donner voir n.51). Les trois premiers termes du chiasme d’une part, et de l’autre les trois derniers sont soigneusement articulés entre eux. Les trois derniers utilisent chacun le terme Dieu 88. Les trois premiers font usage de la paire stéréotypée force/fierté 89 puisqu’on lit force en 35a et c et fierté en 35b 90. Pour ce qui est de l’ensemble 33–36 on pourra en voir le centre en 35a, invitation qui a pour écho celles des extrêmes. Entre ces invitations se lisent les motifs, enrichis dans le second volet par la prise en considération du rapport de Dieu à Israël. L’ensemble 25–36 respecte un agencement en symétrie croisée, parallèle et chiasme superposés. Nous en présentons les indices dans le tableau suivant: 25–28

Roi allées* (bis) [Benjamin, Juda,…]

Roi

lieu-saint bénissez

avant Israël

29–30a

force (bis)

force°

30b–32

rois apportent* [Egypte, Kouch]

vivante° [Egypte, Kouch]

33–36

force (ter)

[Jérusalem]

Royaumes avant lieux-saints

Israël (bis) béni

Les indices du parallèle sont inscrits dans la colonne de gauche, ceux du chiasme dans celle de droite. Le parallèle s’appuie sur les récurrences de roi et de force, ainsi que sur les termes de la paire stéréotypée apporter/ aller (voir n.83) et sur les noms de tribus (d’Israël) ou de pays étrangers. A ce roi qui va et vient dans son sanctuaire, accompagné des tribus, les rois apportent un tribut depuis l’Egypte ou Kouch. Sa force est manifestée dans ce qu’il fait pour les siens, lesquels doivent savoir la reconnaître. Le chiasme s’appuie sur non moins de cinq récurrences de 25–28 à 33–36, et de façon moins marquée sur la répartition des termes de la paire stéréotypée force/vie (voir n.79) et l’opposition entre Jérusalem et l’Egypte (et Kouch) de

88

89 90

Pour ce qui est de 36bc et d on peut y relever encore la répartition des termes de la paire bénir/donner (voir note précédente pour le rapport entre 33ab et 34a). c wz/g’h selon Avishur pp. 174.260.280. Le chiasme en 35bc est très parlant.

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

29–30a à 30b–32. Ce Roi dans son lieu-saint a droit à la bénédiction d’Israël en une procession ordonnée, avec un avant et un arrière. Les Royaumes de la terre sont aussi invités à célébrer, à bénir, celui qui chevauche les cieux d’avant et à reconnaître sa relation à Israël dans les lieux-saints. Le Seigneur manifeste sa force à Jérusalem où la bête vivante de la joncheraie viendra le célébrer depuis l’Egypte et Kouch. Pour Girard c’est en 25–36 que nous devrions lire la deuxième partie du psaume. Il la voit agencée selon un parallèle où s’appelleraient respectivement 25–26 et 33–34a, puis 27–32 et 34b–36. Nous avons examiné plus haut ce qu’il en est de ces divisions entre 26 et 27, puis 34a et 34b. En fait les unités ici en jeu sont 25–28, 29–30a, 30b–32 et 33–36. Par ailleurs ce n’est pas seulement un parallèle qui en commande les rapports, et ce parallèle ne joue pas entre les deux premières unités et la dernière (la troisième, 30b–32, échappe au parallèle proposé par Girard), mais entre les deux premières et les deux dernières, comme nous venons de le montrer. Par ailleurs à ce parallèle se superpose un chiasme (jouant lui aussi sur les quatre unités) qui a échappé à Girard. Quant à considérer 25–36 comme la deuxième partie du psaume, nous verrons au terme de cette étude quelle est la pertinence de cette proposition. Dans l’ensemble 22–36, autour de 29–30a les tandems de 22–24 + 25–28 et 30b–32 + 33–36 sont ordonnés entre eux à la fois en chiasme (ce qui fait de l’ensemble une symétrie concentrique) et en parallèle. De 22–24 à 33–36 (aux extrêmes) nous repérons la récurrence de Seigneur et la présence de grands éléments du cosmos, mer en 23, terre et cieux en 33–34. Le Seigneur domine la mer d’où il peut faire revenir qui il entend, et il va de soi que terre et cieux, autres éléments du cosmos, s’emploient à le célébrer. Nous venons d’étudier [en 25–36] les rapports entre 25–28 et 30b–32 (ici immédiatement autour du centre). Pour ce qui est du parallèle de 22–28 à 30b–36, nous avons déjà étudié les rapports qui le fondent, soit entre 22–24 et 30b–32 [en 20–32], puis entre 25–28 et 33–36 [en 25–36]. Pour ce qui est des noms propres se rapportant aux hommes en 22–36, autour de la mention de Jérusalem dans l’unité centrale 29–30a, nous lisons en parallèle en quelque sorte Bashan (22–24) + Israël (avec Benjamin, Juda, Zabulon, Nephtali) (25–28) et Egypte (avec Kouch (30b–32) + Israël (33–36). Les six unités de 20–36 se trouvent ordonnées entre elles selon un parallèle. Nous avons déjà étudié les rapports fondant ce parallèle, soit entre 20–21 et 29–30a [en 20–30a], 22–24 et 30b–32 [en 20–32], et ci-dessus entre 25–28 et 33–36. La structure de l’ensemble 18–36 est légèrement plus complexe. C’est une symétrie concentrique, mais selon le schéma suivant:

Etude structurelle du psaume 68

8–19 25–28 33–36

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chevauchée / Seigneur / lieu-saint / dons 20–21 + 22–24 lieu-saint 29–30a + 30b–32 chevauchant / Seigneur / lieux-saints / donner (bis)

Nous avons déjà étudié dans l’ensemble 20–32 le parallèle entre 20–24 et 29–32. Les rapports entre 18–19 et 33–36 se fondent sur les trois récurrences relevées dans notre tableau. C’est le même Seigneur qui chevauche ici et là, en rapport avec le même lieu-saint, mais si les dons pris aux hommes selon 19 reçoivent bien un écho dans l’autre don que des hommes doivent lui faire selon 35a, nous voyons aussi en 33–36 Dieu donner sa force (34b.35a). Ajoutons en 19 et 35 la répartition des termes de la paire stéréotypée fierté/haut 91: celui-là même qui est monté en haut, sa fierté repose sur Israël. Dans le centre 25–28 comme dans les extrêmes nous lisons une mention du lieu-saint, toujours évidemment en rapport avec le même Dieu. Si l’on accepte de faire jouer des rapports entre les lieux, tous hautement théologiques dans ce psaume, on pourra voir en 16–36 une répartition en chiasme de leurs huit unités, et peut-être même une répartition en parallèle (si bien qu’on pourrait parler de symétrie croisée). Considérons d’abord le chiasme. Nous connaissons déjà les rapports en chiasme à l’intérieur de 20–30a. De 18–19 à 30b–32 nous verrions une certaine parenté entre le Sinaï et l’Egypte (+ Kouch), car ils sont deux étapes particulièrement importantes de l’exode, l’un et l’autre finalement se rendant dans le lieu-saint (18 et 32). De 16–17 à 33–36, soit aux extrêmes de notre chiasme, nous relevons la répartition des termes de la paire stéréotypée terre/montagnes (voir n.37). En 16–17 nous découvrons le rapports entre les montagnes de Bashan et la montagne choisie par Dieu; de façon semblable nous voyons en 33–36 le rapport de la terre avec celui qui chevauche dans les cieux. C’est Dieu qui provoque la réaction des montagnes de Bashan ou de(s royaumes de) la terre. Nous connaissons déjà les rapports entre 16–17 et 25–28 [en 16–28] comme entre 18–19 et 29–30a [en 18–30a]. Entre 20–21 et 30b–32 joue la répartition des termes de la paire stéréotypée mort/vie 92: qui détient les sorties vers la mort peut menacer de façon redoutable la (bête) vivante de la joncheraie. On pourrait aussi faire jouer ici la paire stéréotypée sortir/apporter 93: c’est un choix, soit la sortie vers la mort, soit apporter le tribut. Nous avons étudié ci-dessus le rapport entre 22–24 et 33–36 (en 22–36). Reconnaissons cependant que ce parallèle 92 93 94

g’h/rwm selon Avishur p.700. ys.’/ybl selon Avishur pp. 42 et 638–639. mwt/h.yh selon Avishur p.440.

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

entre 16–24 et 25–36 est moins évident que le chiasme que nous y avons décelé en un premier temps. En 12–36 nous découvrons principalement une symétrie concentrique autour de 22–24. Connaissant la symétrie concentrique en 16–32, il nous suffira ici de montrer le rapport entre 12–15 et 33–36, cela à partir des trois récurrences de Seigneur (12a et 33b), donner (12a et 34b.35a.36c) et rois/royaumes (13a.15a et 33a). Après leur défaite par le Seigneur les rois et royaumes n’ont pas mieux à faire que d’honorer le Seigneur. Les dons du Seigneur (12a.34b.36c) en appellent d’autres de la part des hommes (35a). Sans prétendre à un parallèle entre les volets 12–21 et 25–36 autour de 22–24, relevons quand même les correspondances entre leurs débuts et entre leurs fins. Nous connaissons déjà le rapport entre 12–15 et 25–28 [en 12–28]. De 20–21 à 33–36 on remarquera les récurrences de bénir et de Seigneur, le même Seigneur étant à bénir ici et là. On se souvient de la structure de 12–32, 12–15 et 30b–32 encadrant en quelque sorte un parallèle entre six unités en 16–30a. Pour saisir la structure de 10–36 il suffira de constater la prolongation de cet encadrement par la correspondance entre 10–11 et 33–36. On voit répartis dans ces deux unités les termes des paires stéréotypées terre/héritage (voir n.24) et bénir/vivre (voir n.52). On y trouve également un pronom indépendant se rapportant à Dieu (toi en 10, lui en 36) et un emploi de pour (l) avec pour complément l’humilié en 11, Dieu en 33. L’horizon s’élargit du seul héritage à la terre entière. La (bête) vivante pourra marquer sa reconnaissance en participant à la bénédiction destinée à Dieu, ce Dieu dont sont soulignés et l’action (toi), et l’identité (lui). Il y a comme un échange entre ce que Dieu fait pour l’humilié et ce que la terre entière pourra chanter pour Dieu 94. Qu’en est-il en 8–36? Nous sommes là sans doute devant une vaste symétrie concentrique autour de 20–21.On lit en effet le Seigneur en 18–19 et 22–24, puis YHWH en 16–17 et 25–28, mais les deux dans le centre 20–21 (Seigneur… YHWH Seigneur), les termes de la paire stéréotypée maison/temple 95 répartis en 12–15 et 29–30a [voir en 12–30a], (bête) vivante en 12–15 et 30b–32 [voir en 12–32], et enfin peuple, terre, cieux, Israël en 8–9 comme en 33–36. On le voit, les indices deviennent de plus en plus convaincants au fur et à mesure qu’on va vers les extrêmes. En 18–19 et 22–24 nous voyons le Seigneur en rapport de domination avec les deux grandes montagnes du Sinaï et de Bashan: la première est désormais

94

95

N’était le rapport trop fragile (ou trop thématique: la montagne… Jérusalem) entre 16–17 et 29–30a, on pourrait presque voir en 10–36 un large chiasme. Nous venons d’étudier le rapport entre 10–11 et 33–36 [en 10–36], et nous connaissons déjà les rapports entre 12–15 et 30b–32 [en 12–32] comme entre 18–19 et 25–28 [en 18–28], puis 20–21 et 22–24 [en 18–28]. byt/hykl selon Avishur p.755, à l’index.

Etude structurelle du psaume 68

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dans le lieu-saint, à la seconde le Seigneur soustraira qui il voudra. En 16–17 et 25–28 YHWH est mis en rapport avec deux lieux semblables, la montagne de son choix et la source d’Israël. La maison de 12–15 est celle des siens, le temple de 29–30a son temple. Les deux (bêtes) vivantes de 10–11 et 30b–32 sont à l’opposé l’une de l’autre comme l’indiquent clairement les contextes. En 8–9 comme en 33–36 on voit le peuple d’Israël bénéficier des bienfaits divins. En 9 la terre et les cieux réagissent lors de la sortie. En 33–34 ce sont cette fois les royaumes de la terre qui sont invités à célébrer celui qui chevauche dans les cieux. Les cieux et la terre ont pour ainsi dire changé de fonctions de 9 à 33–34: simples compléments l’un de l’autre dans le cosmos en 9, ils sont devenus pour les cieux le lieu où chevauche Dieu en 34, tandis que la terre pour sa part est devenue le lieu des royaumes 96. En 6–36 nous allons découvrir une ample symétrie croisée (chiasme et parallèle superposés) à douze termes. Examinons tout d’abord le chiasme. Nous l’avons déjà examiné plus haut pour ce qui concerne les huit unités de 10–30a. Ajoutons ici les quatre termes extrêmes. On lit en 8–9 et 30b–32 peuple et les termes de la paire stéréotypée sortir/apporter (voir n.93). Les peuples et les mouvements s’opposent: ici Dieu sort (d’Egypte) avec son peuple, là les peuples apportent le tribut (à Jérusalem). En 6–7 et 33–36 nous lisons résidence sainte et lieux-saints. En 6–7 le ton est celui d’une leçon d’expérience, en 33–36 le contexte est celui d’une liturgie, mais ici et là Dieu est situé dans un lieu qui du fait de sa présence est dit saint. Venons-en maintenant au parallèle. Nous connaissons déjà les rapports entre 6–7 et 20–21 [en 6–21], 8–9 et 22–24 [en 8–24]. En 10–11 et 25–28 nous voyons répartis les termes de la paire stéréotypée bénir/vivre (voir n.52): la vie reçue suscite la bénédiction à son auteur. Nous connaissons les rapports entre 12–15 et 29–30a [en 12–30a], 16–17 et 30b–32 [en 16–32], 18–19 et 33–36 (ci-dessus en 18–36). Ainsi 6–36 sont-ils bien structurés selon une symétrie croisée, chiasme et parallèle s’y superposant. Venons-en maintenant au dernier ensemble dont 33–36 sont le terme, soit 4–36. On peut y voir tout d’abord une symétrie concentrique autour de 18–19, lesquels (et particulièrement 18c) recevront de cette position un singulier relief. On lit YHWH en 16–17 et 20–21 comme YAH dans le centre 18–19. Nous connaissons par ailleurs les rapports entre 16–17 et 20–21 [en 12–21], 12–15 et 22–24 [en 12–24], 10–11 et 25–28 [en 6–36]. Pour ce qui est de 6–9 et 29–32 nous y voyons deux tandems se correspondre en parallèle, soit 6–7 avec 29–30a et 8–9 avec 30b–32. Nous avons étudié ces rapports respectivement en 6–30a et 6–36. Enfin, aux

96

On pourrait ici encore comparer débuts et fins de chacun des deux volets 8–19 et 22–36. Nous connaissons en effet les rapports entre 8–9 et 22–24 [voir en 8–24] comme entre 18–19 et 33–36 [voir en 18–36].

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

extrêmes de notre symétrie concentrique nous découvrons la correspondance entre 4–5 et 33–36. Cette dernière s’appuie sur les récurrences de chanter, jouer, chevaucher. En 4–5 ce sont les justes qui sont invités à chanter et jouer pour celui qui chevauche dans les steppes arides, en 33–36 ce sont tous les royaumes de la terre qui sont invités à chanter et jouer pour celui qui chevauche dans les cieux. On aura vu que l’élargissement du cercle de ceux qui sont invités à chanter et jouer s’accompagne d’une présentation plus radicale de celui qu’ils ont à célébrer ainsi. Mais, autour de 18–19, les deux volets 4–17 et 20–36 respectent aussi entre eux un parallèle. En 4–5 et 20–21 nous lisons YAH et YHWH, et nous voyons répartis ici et là les termes de la paire stéréotypée salut/justice 97: les justes se réjouissent du salut à eux accordé. Nous connaissons déjà les rapports entre 6–7 et 22–24 [en 6–24], 8–9 et 25–28 [en 8–28], 10–11 et 29–30a [en 10–30a], 12–15 et 30b–32 [en 12–32], 16–17 et 33–36 [en 16–36]. LA STRUCTURE D’ENSEMBLE DU PSAUME: Dans les ensembles partiels étudiés ci-dessus au fur et à mesure que nous avancions dans la lecture de notre psaume, nous avons constaté que certains en englobaient, un peu comme des poupées russes, d’autres plus restreints étudiés précédemment. Faisons-en ici une récapitulation en partant des plus importants pour aller aux moins importants, et cela du terme au début du psaume. On pourrait considérer que, ajoutant à chaque fois deux nouvelles unités aux extrêmes 8–36 englobent 10–32 qui de la même façon englobent 12–30a qui de la même façon englobent 16–28, même si chacun de ces ensembles ne présente pas à chaque fois le même type de structure (il arrive quand même qu’un chiasme inclut un chiasme plus restreint, et surtout une symétrie concentrique une symétrie concentrique plus restreinte). On en dira autant de 10–36 à 12–32, puis 16–30a, la série ici ne pouvant se poursuivre jusqu’à 18–28 puisque nous avons un chiasme en 18–28, mais un parallèle en 16–30a. Reprenons ces deux premières séries et ajoutons-y les suivantes maintenant que le lecteur aura pu saisir par ces premiers exemples comment les séries sont complètes ou s’interrompent:

97

ysˇ c/s.dq selon Avishur p.760, à l’index.

Etude structurelle du psaume 68

8–36 10–36 12–36 16–36 18–36 6–30a 10–30a 6–28 2–24 4–24 6–24 2–21 6–19 (2–15

243

10–32 12–30a 16–28 12–32 16–30a [non 18–28] 16–32 18–30a 18–32 [non 20–30a] 20–32 8–28 10–24 [non 12–21] 12–28 16–24 8–24 10–21 4–21 6–19 8–17 6–21 8–19 8–21 10–19 4–19 6–17 8–17 4–11?: rapport thématique 2–3/14–15)

Soit trois emboîtements à partir de 8–36 et 2–24, deux à partir de 10–36, 12–36, 6–30a, 10–30a, 6–28, 4–24, 6–24, 2–21, un à partir de 16–36, 18–36, 6–19 (et 2–15?). On relèvera comme remarquables les emboîtements de symétries concentriques (inchangées d’un ensemble à l’autre), et en conséquence le relief qu’en reçoivent les centres signalés ci-dessous entre parenthèses en – 16–28/12–30a/10–32 – 18–30a/16–32/12–36 – 20–32/18–36 – 10–21/8–24/6–28 – 8–19/6–21/4–24 – 6–17/4–19/2–21

(autour de 20–21) (autour de 22–24) (autour de 25–28) (autour de 16–17) (autour de 12–15) (autour de 10–11).

Au vu de leur position dans le psaume on ne s’étonnera guère de ne pas voir les quatre premières et les trois dernières jouer le rôle de centres pour des symétries concentriques 98, mais on peut pour le moins remarquer qu’en 10–28 seuls 18–19 ne jouent pas un tel rôle. L’emboîtement de chiasmes est plus rare. On ne le trouve guère qu’en 16–24/12–28/10–30a, et, de façon moins certaine au vu de la correspondance thématique entre 2–3 et 12–15, en 4–11/2–25. 98

Du moins de plus de trois termes, car 6–7 peut fort bien se lire entre 4–5 et 8–9 (en face de…: voir ci-dessus n.26), 8–9 entre 6–7 et 10–11 (habiter: voir ci-dessus n.27), de même que 29–30a entre 25–28 et 30b–32 (roi), et 30b–32 entre 29–30a et 33–36 (force). Le lecteur retrouverait facilement ci-dessus l’étude des rapports ici rappelés avec un seul indice entre parenthèses.

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25–28



29–30a 30b–32 ▼

(2–3) 4–5 6–7 (8–9) 10–11 12–15 (16–17) 18–19 20–21 (22–24)



Si l’on veut trouver la meilleure manière de percevoir les grandes parties de notre psaume, cinq possibilités s’offrent à nous à la suite de notre étude de la structure des différents ensembles, soit 2–3/4–36, 2–11/12–36, 2–15/16–36, 2–21/22–36, et 2–24/25–36. On peut se demander, au vu de l’ensemble 4–36, s’il ne conviendrait pas de considérer 2–3 comme une sorte d’introduction à cet ensemble structuré de 4–36. Cependant les rapports de 2–3 avec 4–5, 8–9, et 22–24, ne s’inscrivent pas de manière ordonnée dans la structure de 4–36. Qu’en serait-il de 2–11 à 12–36? Les premiers sont ordonnés autour du centre 6–7, les seconds autour de 22–24. Mais autour de 6–7 les volets 2–5 et 8–11 se répondent en parallèle, et autour de 22–24 les volets 12–21 et 25–36 en chiasme, ce qui n’offre pas une ordonnance assez facilement repérable des rapports jouant d’ici à là. En 2–15 la structure la plus nette est le parallèle, en 16–36 le chiasme, ce qui nous amène à la même conclusion que pour l’hypothèse précédente. Sur 2–21 et 22–36 nous revenons ci-dessous. Avec 2–24 et 25–36 nous retrouvons la proposition de Girard. Nous avons critiqué plus haut sa proposition de structure interne pour chacun de ces ensembles. Mais ici nous avons à faire ici et là à un chiasme (doublé d’un parallèle en 25–36). Il vaut donc la peine de nous y attarder. Reprenons et mettons en vis-à-vis les deux ensembles:

33–36

Puisque 2-3 n’entretient aucun rapport avec les unités de 25–36, nous n’en tenons pas compte, ni, en conséquence, de son symétrique 22–24. Nous ne retenons ici que les rapports fondés sur des récurrences, ceux que nous qualifions de suffisamment manifestes. L’unité 4–5 ne se trouve dans un rapport suffisamment manifeste qu’avec 33-36 [voir en 4–36], et il se trouve que, symétriquement, c'est aussi le cas pour 20–21 avec 25–28 [voir en 18–30a] (20–21 étant également en rapport avec d’autres unités de 25–36), d’où les doubles flèches sur notre tableau. Quant aux unités 6–7 et 18–19, elles sont toutes deux en rapport avec 25–28 et 33–36 [voir ci-dessus en 6–28 et 16–36, puis 18–28 et 18–36 pour la justification de ces rapports], unités extrêmes en 25–36. Si dans notre tableau nous avons

Etude structurelle du psaume 68

245

mis sur la même ligne 10–11 et 29–30a ainsi que 12–15 et 30b–32, c’est que les centres de nos deux chiasmes se correspondent ainsi en parallèle [voir en 10–30a et 12–32]. Mais pour ce qui concerne 8–9 et 16–17, ils ne se trouvent pas en rapport suffisamment manifeste de façon symétrique avec deux autres unités (symétriques) de 25–36 99. Ainsi, si les rapports structurellement situés que nous avons retenus ci-dessus sont nets et incontestables, il reste que de 2–24 à 25–36, si l’on veut tenir compte de la structure de chaque ensemble, quatre unités sont comme laissées pour compte. Elles sont symétriquement situées en 2–24, et les trois dernières ne sont pas sans rapports avec quelques unités de 25–36, rapports qui cependant ne s’inscrivent pas dans la correspondance entre nos deux ensembles considérés selon leurs structures. Nous reste à considérer les deux parties selon 2–21 et 22–36. Nous le ferons à partir du tableau suivant qui facilitera au lecteur le repérage des observations sur lesquelles nous nous appuyons: 2–3

20–21 22–24

33–36

ses ennemis [+ face°]… (périssent*) (4–5 chevauchant / YAH) (6–7 habiter / demeurer) 8–9 ton peuple 10–11 ta (bête) vivante (pour…) 12–15 les rois (16–17 habiter / demeurer) (18–19 chevauchée / YAH) Béni [+ salut+]… (mort*) ses ennemis [+ tête°]… (mer) 25–28 mon Roi 29–30a ta force (pour…) 30b–32 les rois / les peuples Béni [+ force+]… (terre/cieux)

Aux extrêmes de 2–21 et de 22–36 nous lisons ici comme là ses ennemis dans les premières unités, et Béni dans les dernières. Les premiers termes sont accompagnés de chacun des termes de la paire stéréotypée face/tête 100 99 Certes 8–9 et 16–17 se trouvent en rapport avec 25–28, et encore 8–9 avec 33–36, mais le rapport de 16–17 à 33–36 ne repose que sur la paire stéréotypée terre/montagnes, ce qui, à l’échelle de l’ensemble du psaume, nous paraît trop faible comme indice. 100 Nous ne redonnons pas ici les références pour les paires stéréotypées citées. Le lecteur les retrouverait facilement dans nos études des ensembles 2–21 et 22–36 (pour force/vie voir à notre n.79).

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Chapitre IX: Royaumes de la terre, chantez pour Dieu!

et les derniers de ceux de la paire force/salut. On se souviendra des rapports entre 2–3 et 20–21 (à partir de la paire stéréotypée mort/périr) comme entre 22–24 et 33–36 (à partir du rapport entre mer et terre/cieux). Pour faciliter au lecteur le repérage nous avons inscrit en 4–7 et 16–19 les indices des rapports en ordre inverse d’ici à là, mais ces quatre unités n’entretiennent pas de rapports suffisamment manifestes symétriquement situés avec celles de 22–36. Pour retrouver toute la symétrie concentrique en 2–21 le lecteur voudra bien se reporter à l’étude que nous en avons faite ci-dessus. Laissons ces quatre unités pour comparer à présent les trois de 8–15 et les trois de 25–32, à l’aide de ces indices portés en caractères gras sur notre tableau. Les rapports respectent entre eux tant une ordonnance parallèle qu’une ordonnance en chiasme. Etant donné la position de 10–11 et 29–30a en 8–15 et 25–32 on se souviendra ici de la paire stéréotypée force/vie. Le parallèle voit se répondre successivement ton peuple (ce que je suis) et mon Roi (ce que tu es), soit les deux partenaires de l’alliance, puis ta bête vivante (moi) et ta force (en toi), et enfin les rois et les rois, ici et là dans la position de vaincus. Mais pour le troisième terme, afin de retrouver le même type de correspondance que pour le premier, on peut ici voir se correspondre les rois et les peuples. L’ordonnance en chiasme voit s’opposer aux extrêmes ton peuple et les peuples, et les rois et mon roi (on voit le passage inverse du peuple d’Israël aux autres peuples, puis des autres rois à mon Roi). Ce parallèle et ce chiasme sont encore indiqués par d’autres indices que nous n’avons pas portés sur notre tableau ci-dessus pour en préserver la lisibilité. Reconsidérons d’abord le parallèle. En 8–9 il est question d’une sortie de Dieu dans laquelle Israël est impliqué, en 25–28 des allées et venues de Dieu accompagné par Israël. On se souvient de la paire stéréotypée sortir/aller. En 12–15 il est question de la colombe, en 30b–32 des taureaux, bêtes symbolisant à l’évidence les partis opposés. Ces deux rapports peuvent accompagner (en ses termes extrêmes) le parallèle repéré ci-dessus. Quant au chiasme il est aussi indiqué (en ses extrêmes également) par les paires stéréotypées bénir/donner et terre/peuples, jouant pour la première de 12–15 à 25–28, pour la seconde de 8–9 à 30b–32. Notons encore en 10–15 et 29–32 l’inversion de (bête) vivante + maison en temple + (bête) vivante. Les deux bêtes en question, étant donné leurs contextes (10–11 et 30b–32) s’opposent, mais il y a une belle consonance, relevée plus haut, entre la maison où on se partage le butin selon 12–15, et le temple 101 d’où YHWH fortifie son œuvre en notre faveur selon 29–30a. Ce chiasme se lit après 8–9 et 25–28, premiers termes du parallèle entre 8–15 et 25–28. Entre les termes extrêmes du chiasme, soit 8–9 et 30b–32, on découvre cette fois un parallèle entre 10–15 et 25–32, soit entre bête vivante + maison et bénissez + temple, cela à partir des paires stéréotypées

101 On se souvient bien sûr de la paire stéréotypée maison/temple.

Etude structurelle du psaume 68

247

bénir/vie et maison/temple. Nous ne commenterons pas à nouveau tous les rapports ainsi indiqués puisque nous l’avons déjà fait, mais nous les voyons articuler ici de plusieurs façons ordonnées 8–15 et 25–32. On le voit, les rapports symétriquement ordonnés de 2–21 à 22–36 sont plus nombreux et plus riches qu’entre 2–24 et 25–36. Il semble donc que nous tenions là les deux grandes parties du psaume, articulées entre elles comme nous venons de le voir, soit en leurs unités extrêmes (2–3.20–21 et 22–24.33–36), soit en leurs unités centrales (en 8–15 et 25–32). Cet agencement est très semblable à celui que nous avons découvert pour 33–36, avec deux différences: ici il n’y a pas de charnière, d’unité fonctionnant simultanément pour la première comme pour la deuxième partie (comme c’est le cas pour 35a en 33–36), et d’autre part ce n’est pas la seconde partie qui comporte des unités « supplémentaires » (comme 35b et 36bc en 35–36), mais la première (en 4–7 et 16–19) 102. Si cette proposition paraît pertinente, on découvre alors l’importance particulière des unités 10–11, au centre de 2–21, et 29–30a, au centre de 22–36. Nous avons vu ci-dessus que 10–11 se trouvait aussi en 2–21 au centre d’une vaste symétrie concentrique sur tout cet ensemble. C’est aussi le cas de 29–30a en 22–36. En 10–11 est célébrée la bonté de Dieu pour l’humilié, en 29–30a l’exercice de sa force pour nous. Ce psaume est tout simplement un chef-d’œuvre de composition, les significations multiples des rapports posés entre unités s’y jouant pour bonne part dans des structures d’ensembles partiels, mais aussi selon la structure d’ensemble du psaume telle que nous venons de la découvrir.

102 Pour un autre exemple d’une mini-structure de même type que celle de l’ensemble du psaume, voir Ps 51,9 tel que présenté dans notre étude de La Sagesse, chapitre IX, « Essai sur la structure littéraire du psaume 51 », aux pp. 249 et 263.

Chapitre X Il ouvrit les portes des cieux Etude structurelle du psaume 78 En 1993 nous avons publié une proposition sur la structure littéraire du Ps 78 1, et un an après Girard faisait de même 2. Sur un si court laps de temps il ne pouvait guère faire plus que de donner la référence à notre travail, non sans relever cependant (dans sa n.24): « Nous parvenons à un tout autre découpage des sections », cela sans autre précision. Nous avons eu depuis la possibilité de lire à fond le travail de Girard, et nous nous y référerons ici avec le plus de précision possible 3. On mesurera au terme l’importance de son apport et tout ce dont la présente étude lui est redevable. Nous étudierons successivement chacune des unités structurées (selon nous 1–7, 7–11, 12–16, 17–22, 23–29, 30–42, 43–51, 52–55, 56–58, 59–67, 68–72) pour en venir au fur et à mesure aux ensembles plus vastes (1–11, 12–51 et 52–72), et enfin à l’ensemble du psaume. Nous nous référerons aux deux propositions ci-dessus au fur et à mesure de notre étude. Nous empruntons à Girard sa traduction, n’y apportant que de légères modifications. Nous traduisons cwz par puissance (et non par force) en 4c.26b.61a pour éviter un faux effet de récurrence avec forts en 25a, et de même wyptwhw en 36a par ils le flattaient (et non ils le trompaient) pour éviter le faux effet de récurrence avec tromperie en 57b, ksh en 53b par il recouvrit (et non il couvrit) pour éviter le faux effet de récurrence avec couvrait en 38b. Ne trouvant pas le moyen d’éviter la récurrence (fausse) de haut dans hauts-lieux en 58a et hauteurs en 69a, nous nous sommes du moins abstenus des italiques marquant les récurrences et avons signalé entre parenthèses le mot hébreu, de même que pour le Monté-haut. Les récurrences sont donc signalées en italiques,

1

2 3

Dans Pierre Auffret, Voyez de vos yeux – Etude structurelle de vingt psaumes, dont le psaume 119, SVT 48, Leiden 1993, chapitre XI: « Lui et eux: Etude structurelle du psaume 78 », pp. 175–236 (Ci-après: Voyez et les pages). Les Psaumes redécouverts, ad loc. Il ne nous semble pas utile de revenir ici sur les quatre propositions citées dans Voyez pp. 176–177.

Etude structurelle du psaume 78

249

mais en lettres grasses pour Dieu (’lhym), Dieu (’l), et ses autres désignations (YHWH, Monté-haut, le Saint, le Seigneur). Les interlignes se trouveront justifiés dans l’étude qui suit. Cela étant précisé, voici donc cette traduction: 1a 1b 2a 2b 3a 3b 4a 4b 4c 4d 5a 5b 5c 5d 6a 6b 6c 6d 7a 7b 7c

Prête l’oreille, mon peuple, à mon enseignement, tendez votre oreille aux dires de ma bouche! J’ouvre avec un exposé ma bouche, je proclame des choses-complexes d’autrefois (qdm). (Les choses) que nous avons entendues, nous les avons connues: nos pères nous (les) ont décrit(es). Nous ne (les) voilerons pas à nos fils, à la génération derrière, (leur) décrivant les louanges de YHWH, et sa puissance, et ses merveilles qu’il a faites. Il a fait lever le témoignage en Jacob, l’enseignement, il (l’)a mis en Israël, (alors) qu’il a commandé à nos pères de les faire connaître à leurs fils, afin qu’ils connaissent, (ceux de) de la génération derrière, (eux,) les fils (qui) seraient engendrés, (afin qu’)ils se lèvent (eux aussi), et décrivent (tout cela) à leurs fils! (Qu’)ils mettent en Dieu leur rein! Et (qu’)ils n’oublient pas les actions de Dieu (’l)! Ses commandements, (qu’)ils (les) observent!

8a 8b 8c 8d 9a 9b 10a 10b 11a 11b

(Qu’)ils ne soient pas, comme leurs pères, une génération perverse et se rebellant, une génération (qui) n’a pas rendu-stable son cœur: il n’a pas été-fidèle à Dieu (’l), son souffle. Les fils d’Ephraïm, armés, tirant l’arc, ont changé (d’allégeance) au jour du combat. Ils n’ont pas gardé l’alliance de Dieu; dans son enseignement ils ont refusé d’aller. Ils ont oublié ses actions et ses merveilles qu’il leur avait fait voir.

12a 12b 13a 13b

Devant leurs pères, il fit une merveille sur la terre d’Egypte, le champ de Çoan. Il fendit la mer et les fit passer; il plaça les eaux comme (en) un tas.

250

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

14a 14b 15a 15b 16a 16b

Il les guidait par une nuée, de jour, et toute la nuit, par la lumière d’un feu. Il fend(it) des rocs dans le désert et (les) fit boire comme des océans, beaucoup; il fit sortir des ruisseaux du rocher, il fit descendre comme des fleuves les eaux.

17a 17b 18a 18b 19a 19b 19c 20a 20b 20c 20d 20e 21a 21b 21c 22a 22b

Ils continuèrent (wywsypw) encore à pécher contre lui, à se rebeller (contre) le Monté-haut (clywn) dans le lieu-sec. Ils tentèrent Dieu (’l) dans leur cœur, à demander du manger pour leur gorge. Ils parlèrent contre Dieu. Ils dirent: «Est-ce qu’il peut, Dieu (’l), préparer une table dans le désert? Voici: il a frappé le roc, elles ont coulé, les eaux, les torrents ont débordé. Est-ce qu’aussi du pain il peut (en) donner? (Verra-t-on jamais) s’il rend-stable la viande pour son peuple?» C’est pourquoi il entendit, YHWH, et s’emporta. Un feu s’alluma contre Jacob; aussi la colère-du-nez monta contre Israël. Car ils n’étaient pas fidèles à Dieu et n’avaient pas confiance en son salut.

23a 23b 24a 24b 25a 25b 26a 26b 27a 27b 28a 28b 29a 29b

Il commanda aux nuages d’en haut (mmcl); les portes des cieux, il (les) ouvrit. Il fit pleuvoir sur eux la manne à manger; le froment des cieux, il (le) leur donna. Le pain des forts (’byrym), (voilà ce que) mangea (chaque) homme; de la nourriture, il leur (en) envoya pour se rassasier. Il retir(a) le vent-d’est (qdym) dans les cieux; il amena par sa puissance le vent-du-sud. Il fit pleuvoir sur eux, comme poussière, de la viande, comme sable des mers, le volatile ailé; il (en) fit tomber au milieu de son camp, autour de ses demeures. ils mangèrent et se rassasièrent tout à fait; leur désir, il (le) fit venir vers eux.

30a 30b 31a

Ils n’étaient pas détournés de leur désir, encore leur manger (étant) dans leur bouche: la colère-du-nez de Dieu monta contre eux;

Etude structurelle du psaume 78

31b 31c 32a 32b

il (en) tua parmi leurs huilés, les jeunes-de-choix d’Israël, il (les) fit plier. Malgré tout cela, ils péchèrent encore: ils n’étaient pas fidèles à ses merveilles.

33a 33b 34a 34b 35a 35b 36a 36b 37a 37b 38a 38b 38c 38d 38e 39a 39b 40a 40b 41a 41b 42a 42b

Il acheva dans la buée leurs jours, leurs années, dans la terreur. S’il les tuait, (alors) ils le cherchaient, ils revenaient et recherchaient Dieu (’l). Ils se souvenaient que Dieu (est) leur roc, le Dieu (’l) Monté-haut (clywn) les ayant rachetés. Ils le flattaient de leur bouche, de leur langue ils lui mentaient. Leur cœur n’était pas stable avec lui, ils n’étaient pas fidèles à son alliance. Lui, affectueux, couvrait la faute et ne détruisait pas. Il faisait-beaucoup pour faire revenir la colère-du-nez, il n’éveillait pas toute sa fureur. Il se souvenait q(’ils n’étaient que) chair, eux, souffle s’en allant et (qui) ne revient pas. Combien (de fois) ils se rebellent (contre) lui dans le désert, ils le font souffrir dans le lieu-désolé! Ils revinrent et tentèrent Dieu (’l); le Saint d’Israël, ils (le) chagrinèrent. Ils ne se souvinrent pas de sa main, du jour qu’il les avait délivrés de l’adversaire.

43a 43b 44a 44b 45a 45b 46a 46b 47a 47b 48a 48b 49a 49b 49c

(Lui) qui mit en Egypte ses signes, ses prodiges dans le champ de Çoan, il changea en rouge-sang leurs rivières, et leurs ruisseaux (de telle manière qu’)ils ne boivent point. Il envoie contre eux le taon: il les a mangés. Et la grenouille: elle les a détruits. Il donna à la sauterelle leur récolte, (le fruit de) leur labeur à beaucoup-de-locuste(s). Il tue par la grêle leur vigne et leurs sycomores par le gel. Il livra à la grêle leur bétail, et leurs biens-acquis aux éclairs. Il envoie contre eux la brûlure de son nez-en-colère, – emportement, courroux et adversité –; (c’est) un envoi d’anges (porteurs) de maux.

251

252

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

50a 50b 50c 51a 51b

Il aplanit un sentier pour son nez-en-colère. Il ne préserva pas de la mort leur gorge; leur vie, à la peste il (la) livra. Il frappa tout premier-né en Egypte, le principe des forces-viriles dans les tentes de Cham.

52a 52b 53a 53b 54a 54b 55a 55b 55c

Il retira comme du petit-bétail son peuple, il les amena comme un troupeau dans le désert. Il les guidait vers la confiance et ils ne tremblaient pas. Leurs ennemis, elle (les) recouvrit, la mer. Il les fit venir vers son territoire saint, cette montagne (qu’)a acquise sa (main) droite. Il chassa (loin) d’en face d’eux des nations; il les fit tomber dans la corde de l’héritage. Il fit demeurer dans leurs tentes les tribus d’Israël.

56a 56b 56c 57a 57b 58a 58b

Ils tentèrent et se rebellèrent contre le Dieu Monté-haut. Ses témoignages, ils ne (les) gardèrent pas. Ils reculèrent et trahirent comme leurs pères; il se changèrent (de côté), comme un arc de tromperie. Ils l’irritèrent par des hauts-lieux (bbmwtm); par leurs images-sculptées, ils le rendirent-jaloux.

59a 59b 60a 60b 61a 61b 62a 62b 63a 63b 64a 64b 65a 65b 66a 66b 67a 67b

Il entendit, Dieu, et s’emporta. Il mésestima tout à fait Israël. Il quitta la demeure de Silo, la tente (où) il avait demeuré chez l(es) humain(s). Il donna en captivité sa puissance, sa beauté, dans la main de l’adversaire. Il livra à l’épée son peuple. Contre son héritage il s’emporta. Ses jeunes-de-choix, (voilà que les) mangea le Feu. Ses vierges ne furent pas louées. Ses prêtres par l’épée tombèrent. Ses veuves ne pleurèrent plus. Il se réveilla comme un dormeur, le Seigneur, comme un brave criant-de-joie (à cause) du vin. Il frappa ses adversaires (par) derrière. Du mépris (pour) toujours, (voilà ce qu’)il leur donna. Il mésestima la tente de Joseph (ywsp); la tribu d’Ephraïm, il ne (la) choisit pas.

68a 68b

Il choisit la tribu de Juda, la montagne de Sion qu’il a aimée.

253

Etude structurelle du psaume 78

69a 69b 70a 70b 71a 71b 71c 72a 72b

Il bâtit comme les hauteurs (célestes: rmym) son lieu-saint, comme la terre: il l’a fondée pour toujours. Il choisit David son serviteur: il le prit d(e derrière l)es parcs à petit-bétail, de derrière les (brebis) allaitant, il le fit venir, pour paître Jacob son peuple, Israël son héritage. Il les fit paître selon la perfection de son cœur; avec discernements, (de) ses paumes il les guidait.

Considérons tout d’abord 1–11. Nous y montrerons successivement la structure de 1–7, 7–11, puis de l’ensemble. Pour 1–7 partons du tableau suivant: 4cd 1

oreille°!

2

enseignement! bouche! [mon peuple!] dires

lever

autrefois* autrefois*

3–4b

enseignement [Jacob/Israël]

mis

5ab

derrière* bouche

derrière* entendues+ entendues° nég. décrivant

lèvent!

commandé observent+! nég!

5c–6

commandements! 7 mettent!

Les indices sont disposés sur ce tableau de telle manière qu’on perçoive les systèmes de correspondances et non dans l’ordre où ils apparaissent à l’intérieur de chaque unité. On répète même ceux qui ont plusieurs fonctions (autrefois et entendues). Les indices portés en lettres grasses montrent le parallèle (autour de 4cd) entre 1 + 2 + 3– 4b et 5ab + 5c–6 + 7. En 2 et 6 les antonymes autrefois/derrière (avenir) constituent une paire stéréotypée 4, et de même entendre/observer 5. Les indices en italiques signalent les termes se correspondant à l’intérieur de chaque volet d’un extrême à l’autre: oreille et entendre, puis dire et décrire en tant que termes de paires stéréotypées 6, 4

5 6

qdm/’h.wr selon Avishur, p.675. Dans sa n.4 Girard reprend (en oubliant de donner la référence) notre proposition (Voyez pp. 177–178) d’un parallèle en 1–4b à partir de oreille/entendre ainsi que dire/décrire (paires stéréotypées: voir ci-après) en 1 et 3, puis de autrefois/derrière en 2 et 4. Peut-être la paire stéréotypée susdite fera-t-elle reconnaître un peu plus d’évidence au dernier indice. Il reste que la séquence par deux fois entre écoute et enseignement est bien perceptible. Peut-être d’ailleurs pourrait-on la répartir plus précisément de 1aba à 1bb –2 et de 3a à 3b–4. sˇmc/ns.r selon Avishur pp. 302.518.522.661. sˇmc/’zn selon Avishur pp. 101.285.665–666, et ’mr/spr p.635.

254

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

le verbe mettre en 5b et 7a. Les autres indices sont communs soit aux deux premières unités (bouche et se lever), soit aux deux dernières (autrefois/ derrière et commandé/commandements). Le lecteur n’aura aucune peine à percevoir la portée de ces indices pour peu qu’il les situe dans le contexte où chacun d’eux s’inscrit. Mais relevons quand même quelques-unes de ces correspondances. L’enseignement que livre ici le psalmiste se trouve en rapport avec celui que le Seigneur a mis en Israël. Le lecteur est d’ailleurs situé entre autrefois et les générations de derrière, c’est-à-dire à venir, la sollicitude divine, qui ne date pas d’aujourd’hui, s’inscrivant donc tout au long de la durée du temps. Les choses entendues doivent porter à observer les commandements. Il convient ensuite de remarquer d’abord que tant 1 que 7 comportent des invitations pressantes, ce que nous avons voulu signifier sur notre tableau en accompagnant ici et là les indices de points d’exclamation. On peut encore dire la même chose de 6d: ce qui est visé, c’est qu’ils se lèvent et décrivent tout cela à leurs fils. Ainsi pour « bouche » on remonte d’un contexte d’invitation (1b) à celui d’une affirmation (2a), mais pour « lever » on passe de l’affirmation (5a) au but souhaité (6d). On remonte aussi d’un contexte d’invitation pour oreille (1a) à un autre d’affirmation pour entendues (3a), tandis que pour les deux emplois de mettre c’est l’inverse de 5b à 7a. On lit donc des invitations en 1 et 7, mais des énoncés purement et simplement en 2 et 5ab. Or 2 et 5ab sont respectivement suivis par 3–4b et 5c–6, lesquels il convient que nous comparions maintenant de plus près, et cela à l’aide du tableau suivant: 3–4b

nos pères nos fils génération

5c–6 connues* décrites* décrivant*

nos pères leurs fils génération [les fils] [leurs fils]

connaître* connaissent* décrivent*

Les verbes connaître et décrire constituent une paire stéréotypée 7. On voit que le premier est employé une fois en 3–4b, mais deux en 5c–6, alors qu’il en va à l’inverse pour décrire. Notre tableau laisse voir comment on lit ici et là d’abord une mention de «nos pères», puis celles de «fils» et de «génération» selon une ordonnance assez repérable des trois dernières lignes en 3–4b aux trois premières en 5c–6. Dans cette dernière unité on lit encore deux mentions de «fils», celles que nous avons mises entre crochets. Ainsi donc de 1–4b à 5–7 nous lisons non seulement le parallèle

7

spr/ydc selon Avishur pp. 390–391.

Etude structurelle du psaume 78

255

que nous avons montré en un premier temps, mais encore après les invitations de 1 et avant celles de 7 (aux extrêmes) les deux enchaînements des énoncés de 2 et 5ab suivis respectivement de 3–4b et 5c–6 dont nous venons de montrer les correspondances. On n’oubliera pas évidemment que ces deux volets encadrent 4cd sur louanges, puissance et merveilles de YHWH 8. Qu’en est-il en 7–11? Notons-y d’emblée les chiasmes commandant 7b/c et 10a/b. Les termes centraux en sont semblables: les actions de Dieu (’lhym) et ses commandements, l’alliance de Dieu (’l) et son enseignement. Les termes extrêmes sont aussi de contenus comparables, mais il s’agit en 7 de recommandations (qu’ils n’oublient pas! qu’ils observent), et en 10 de tristes constats (ils n’ont pas gardé… ils ont refusé). En 8 la construction en escalier est très remarquable: Qu’ils ne soient pas comme (x) / leurs pères (y) une génération (y’) / perverse (z) et se rebellant (z) une génération (y’) / qui n’a pas… stable (z’) / son cœur (w) il n’a pas… fidèle (z’) / son souffle (w)

En 9 on ne voit pas de structure interne. Peut-être pourrait-on voir un chiasme en 11 en acceptant de mettre en rapport l’action des rebelles (ils ont oublié) et celle de Dieu (il avait fait voir), avec dans les centres ses actions et ses merveilles. Pour ce qui est de la structure d’ensemble de 7–11 elle nous semble indiquée par le texte comme ceci:

8

Nous avons ici amélioré notre analyse de 1–7 dans Voyez pp. 176–181 où cependant le lecteur pourrait trouver l’analyse interne de certains versets que nous n’avons pas jugé utile de reprendre ici. Girard (pp. 356–357) considère 1–6 comme un petit ensemble structuré selon un parallèle entre 1–2 + 3–4 et 5ab + 5c–6. A ne pas inclure le v.7 dans ce premier ensemble il rate ses correspondances avec 3–6. A ne pas suffisamment distinguer les niveaux de structuration il manque les distinctions entre 1 et 2 et entre 3–4b et 4cd. Il faut accepter que la borne soit débordante (sur 3a) pour voir 1–2 inclus entre oreille et entendues, mais on peut avec lui voir 5–6 inclus entre les deux emplois de lever (5a et 6d). Tant qu’à voir une inclusion pour 3–4b (mais non 3–4) nous la verrions plutôt à partir des termes de la paire stéréotypée, relevée ci-dessus, connues (3a) et décrivant (4b).

256

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

7a 7b 7c 8a 8d 9a 10 11

Dieu qu’ils n’oublient pas les actions de Dieu ils observent* ----leurs pères + 8bc il n’a pas été fidèle (n’mnh) Dieu les fils d’Ephraïm + 9b ----ils n’ont pas gardé* Dieu ils ont refusé (m’nw) ils ont oublié ses actions

Nous sommes d’accord avec Girard (en sa n.5) pour penser que fils d’Ephraïm doit désigner les mêmes personnes que le mot pères. Après ces deux désignations suivent en 8bcd et 9b la dénonciation desdits pères et fils d’Ephraïm. Le lecteur verra bientôt pourquoi nous distinguons 8d entre 8abc et 9. On se souviendra de ce que nous avons dit plus haut des chiasmes commandant 7bc et 10 et de leur parenté. Mais par ailleurs de 7 à 10–11 nous lisons ici au terme et là au début les termes de la paire stéréotypée garder/observer 9. Précèdent en 7 et suivent en 10–11 Dieu et oublier les actions. En 7 comme en 10–11 c’est le premier verbe qui est accompagné de la négation (qu’ils n’oublient pas et ils n’ont pas gardé). Il en allait de même de 8a à 9b. En 7 et 10–11, dans la deuxième et l’avant-dernière ligne de notre tableau nous lisons Dieu en 7b, lequel se lit à nouveau au milieu de 8d, et m’nw (ils ont refusé) en 10b, lequel fait jeu de mots avec au début de 8d n’mnh (il a été fidèle): ce deuxième étant accompagné de la négation, le rapport de sens est manifeste: non-fidélité et refus vont de pair 10. On voit donc comment 7–11 constituent un ensemble structuré dénonçant l’infidélité des pères 11. Avant de considérer la structure de 1–11 nous pouvons remarquer la fonction de charnière remplie par 7 en constatant comment il est comme au centre de 4c–11 ainsi que le montrera le tableau suivant:

9 10

11

sˇmr/ns. r selon Avishur pp. 62.328.453.461. Nous serions presque tenté de voir 8d compris entre son cœur (au terme de 8c, la borne étant donc ici, selon la terminologie de Girard, débordante) et son souffle (au terme de 8d), soit les termes d’une paire stéréotypée bien connue (lb/rwh. selon Avishur pp. 306.477.494.662). Nous sommes donc d’accord avec Girard (pp. 357–8) pour voir en 7–11 un petit ensemble structuré, mais il nous semble d’une structure plus complexe que ne l’avance Girard (X: 7 / Y: 8–9 /X: 10–11).

257

Etude structurelle du psaume 78

4cd merveilles [/YHWH] 5ab enseignement a mis 5c–6 pères/fils/génération/fils (bis) 7a mettent 7b [n’oublient pas les actions (11)] [de Dieu (4cd: YHWH)] 7c observent* 8–9 pères/génération (bis)/fils 10 enseignement pas gardé* 11 merveilles [/ils ont oublié ses actions] Le lecteur peut repérer facilement l’inversion de 4c–6 à 8–11. Il peut voir aussi comment 7a rappelle 5ab (récurrence de mettre) tandis que 7c annonce 10 (paire observer/garder), symétrique de 5ab. En 7b le début de la proposition annonce mot pour mot celle de 11a, tandis qu’au terme Dieu rappelle YHWH qu’on lit en 4c. Rappelons-nous que pour sa part 4cd était au centre de 1–7. De centre il est devenu ici première unité, tandis que 7 qui était dernière unité en 1–7 devient ici centre de 4c–11. Mais il est possible de saisir la structure d’ensemble de 1–11 d’une seule venue. Nous le ferons à partir du tableau suivant: 1–2 3–4

dires*

enseignement mon peuple [oreille♥… autrefois] entendues+ pères/fils/génération/connaître merveilles enseignement a mis Jacob/Israël

5ab x 5c–6 décrire* pères/fils/génération/décrire 7–11 [cœur♥… au jour du] voir+ enseignement mettent merveilles

dires° décrire°

connaître∇ gardé∇

Nous avons montré ci-dessus comment 7–11 constituait un petit ensemble possédant sa structure propre. Nous pouvons donc ici le considérer légitimement comme une unité à l’intérieur de l’ensemble 1–11. On voit comment enseignement et pères/fils/génération (ainsi que les verbes connaître et décrire) donnent à l’ensemble une certaine disposition concentrique. Respectivement après et avant enseignement aux extrêmes nous lisons les termes de la paire stéréotypée cœur/oreille 12, chacun suivi d’une indication de temps (autrefois et au jour du combat): cette oreille doit s’ouvrir aux

12

lb/’wzn selon Avishur p.278.

258

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

choses complexes d’autrefois, ce cœur aurait du se montrer plus fidèle au jour du combat. Par ailleurs le centre 5ab est relié au début 1–2 par la correspondance entre mon peuple et Jacob/Israël et au terme 7(–11) par la récurrence du verbe mettre. Nous voyons répartis dans les deux premières unités les termes de la paire stéréotypée dire/décrire 13 et dans les deux dernières ceux de la paire garder/connaître déjà rencontrée ci-dessus. En parallèle dans les deux premières et les deux dernières unités nous lisons les termes des paires stéréotypées dire et décrire, puis entendre et voir 14. On remarquera que de dire et décrire à entendre et voir le rapport est très comparable á celui de dire à entendre en 1–4 ou de décrire à voir en 5c–11. On lit merveilles au terme de 3–4 comme de 7–11. Ainsi on pourrait tenir que 1–11 présentent, imbriqués l’un dans l’autre, deux petits ensembles structurés en 1–7 et 4c–11, mais on y distingue aussi comme structurés de façon autonome tant 1–7 que 7–11, et finalement même l’ensemble 1–11. Si 4cd se lit au centre de 1–7 et 7 au centre de 4c–11, 5ab se lit pour sa part au centre de l’ensemble 1–11. Si l’on réfère ces trois centres aux deux derniers versets on constate que l’enseignement donné en 4cd est refusé en 10b, que les merveilles accomplies en 4cd sont ignorées en 11b, que l’oubli redouté en 7b est malheureusement devenu un fait en 11a 15. * * * Nous lisons ensuite comme un ensemble structuré 12–16. Le chiasme est limpide en 14 où se répondent jour et (toute la) nuit comme nuée et (la lumière d’un) feu. Autour de ce verset central se répondent les deux volets de 12–13 et 15–16 de la façon que fera voir le tableau suivant:

13 14

15

’mr/spr selon Avishur p.635. Soit ’mr/spr (voir note précédente) et r’h/sˇ mc selon Avishur pp. 87.263.286. Voir la n.6 de Girard (p.357) sur le rapport de synthèse entre le pôle auditif (soit entendre) et le pôle contemplatif (soit voir), synthétisant toute l’attitude humaine de réceptivité face aux dons divins (paroles et actions respectivement). Nous sommes d’accord avec Girard (pp. 357–358) pour reconnaître en 1–11 un ensemble structuré, et même plus qu’il ne l’avance. Mais, comme nous l’avons montré plus haut, la récurrence de commander / commandements joue à l’intérieur de 1–7, et quant à celles de pères / fils / génération, elle jouent pour partie en 1–11 (5c,8a / 5d.6c.9a / 8b.8c) et pour partie en 4c–11 (3b / 4a.5d.6c / 4b.6b).

Etude structurelle du psaume 78

12–13:

sur la terre*° d’Egypte le champ° de Çoan il fendit la mer

il fendit le roc

15–16

dans le désert*

les fit passer

plaça les eaux comme en un tas

259

les fit boire

  

comme des océans+ fit sortir des ruisseaux∇ du rocher fit descendre comme des fleuves+ les eaux∇

De 12b–13a à 15a nous repérons sans peine un chiasme grâce à la récurrence de il fendit avec un complément opposé d’ici à là (mer et roc), et à la paire stéréotypée terre/désert 16. En 12b terre et champ sont eux aussi une paire stéréotypée 17, 12b en son ensemble correspondant donc à la finale de 15a. On lit ensuite ici et là un factitif: les fit passer (à travers la mer fendue), les fit boire (grâce au roc fendu). Par contre les deux finales 13b et 15bb –16 sont disproportionnées entre elles. Les seules récurrences d’ici à là sont celles de comme et de les eaux, cette derniére recevant en 15–16 de nombreux équivalents. On découvre en effet en 15–16 comme termes de paires stéréotypées océans et fleuves 18, l’un et l’autre précédés de comme, et ruisseaux et eaux 19. Au centre se lit rocher, immédiatement entouré par ruisseaux et fleuves comme compléments de deux verbes au factitif. On a vu plus haut l’opposition entre fendre la mer et fendre le roc. On voit ici celle entre mettre les eaux en un tas et faire sortir des ruisseaux ou faire descendre les eaux. On notera ici les compléments d’objet des verbes, soit eaux pour plaça et fit descendre et pour fit sortir: ruisseaux, terme constituant avec eaux, nous l’avons vu, une paire stéréotypée 20. On dira donc que 12–13 à 15–16 (autour de 14) les rapports sont ordonnés en parallèle, chacun des trois couples de ce parallèle ayant son mode propre de correspondance 21.

16 17 18 19 20 21

’rs. /mdbr selon Avishur p.278. ’rs. /s´dh selon Avishur p.754, à l’index. nhr/thwm selon Avishur pp. 78 et 386–387. mym/nwzlym selon Avishur pp. 288–289 et 664. En 16b nous lisons encore les termes d’une paire stéréotypée, soit mym/nhrwt selon Avishur pp. 28.184.507–508. Reprenant et ajustant ainsi notre proposition de Voyez (pp. 183–185) nous sommes d’accord avec la proposition de Girard (pp. 358–359), mais en précisant plus avant ladite structure (12–13a + 13b // 15–16a + 16b autour de 14), la parallèle entre 12–13 et 15–16 comportant selon nous non pas quatre, mais six termes.

260

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

En 17–20 il convient d’étudier d’abord 17–19, puis un deuxième tout structuré que nous découvrirons le moment venu. En 17–19 nous découvrons la disposition suivante: 17a 17b 18a 18b 19a 19bc

pécher contre (l) lui se rebeller (contre) le Monté-haut tentèrent Dieu (’l) demander parlèrent contre (b) Dieu (’lhym) dirent Dieu (’l)

dans (b) le lieu-sec* dans (b) leur cœur° pour (l) leur gorge° dans (b) le désert*

On peut lire soit 3 + 3 lignes, soit 2 + 2 + 2. Les verbes initiaux se regroupent sous le thème de la rébellion pour les trois premiers, de la parole pour les trois derniers. En 18a et 19bc le dernier de chaque série est suivi de Dieu (’l) et d’une indication de lieu avec la préposition dans (b). Mais les groupements par deux manifestent une certaine organisation en chiasme de l’ensemble. En 17 et 19 chaque verbe est suivi d’une désignation de Dieu (lui et Monté-haut, Dieu et Dieu) et les lieux désignés au terme constituent la paire stéréotypée désert/lieu-sec. En 18 les deux propositions s’achèvent sur l’un des termes de la paire stéréotypée cœur/gorge 22. Considérons maintenant un autre ensemble structuré selon un chiasme dont l’amorce est comme prise dans le précédent, soit en 18b–20. Le voici d’abord dans un tableau: 18b 19b 19c 20b

manger + pour (leur gorge) peut préparer table coulé

[19a]

[20a] eaux* torrents*

20c débordé 20d

20e

22

pain peut donner viande + pour (son peuple)

lb/npsˇ selon Avishur p.761, à l’index. A s’en tenir aux seuls indices de correspondance, abstraction faite de la syntaxe, on peut voir en 17b–19 la disposition en chiasme de dans le lieu sec + Dieu (’l) + leur cœur et leur gorge + Dieu (’l) + dans le désert. Pour la paire mdbr/s.yh voir Avishur p.244.

Etude structurelle du psaume 78

261

Les questions de 19b–20 sont introduites par 19a, le constat (central) de 20bc par la cause rappelée en 20a. Cela dit le lecteur peut constater le chiasme à dix termes dans cet ensemble 18b–20. Les deux termes centraux appartiennent à une paire stéréotypée 23. On lit pour dans les deux extrêmes, puis peut dans les suivants. Les autres s’entendent thématiquement, mais de façon limpide (manger/viande, préparer/donner, table/pain, coulé/ débordé). Ainsi en 17–20 deux petits ensembles structurés se chevauchent partiellement, 17–19 et 18b–20. Le péché et les paroles malheureuses sont motivés par la faim et la question incrédule sur les capacités de Dieu à nourrir son peuple 24. En 21 on peut peut-être voir un certain parallèle après l’affirmation initiale (Qui s’achève sur le nom propre de YHWH): s’emporta et colère appartiennent à une paire stéréotypée 25, contre Jacob (nom propre) et contre Israël (nom propre) se correspondent évidemment: il entendit, YHWH s’emporta*… contre Jacob colère* contre Israël Le parallélisme en 22 ne requiert pas d’explication. On aura remarqué qu’en 17–22 le v.21 sur la colère de YHWH est encadré par deux présentations du péché du peuple. On notera de 19a à 22a, dans un même contexte de rébellion, la récurrence de b’lhym. Par ailleurs en 17b et 22a nous retrouvons se rebeller et ne pas être fidèle dont nous avons vu ci-dessus la correspondance en 8. Avec 23–29 nous parvenons à un ensemble structuré assez important. Il est composé de deux volets qui se déroulent en parallèle comme nous le verrons ci-dessous. Mais considérons d’abord le premier, soit 23–25, en lui-même. On voit facilement les chiasmes en 23 et 24, puis le parallèle en 25. Mais les trois versets possèdent les indices suivants de correspondances entre eux:

23 24

25

mym/nh.lym selon Avishur pp. 82–83 et 184. Si donc nous sommes d’accord avec Girard (p.361) pour considérer 17–20 comme une unité et y distinguer deux micro-unités, nous ne déterminons pas ces dernières de la même façon (non 17–19a + 19b–20, avec ici et là une inclusion, mais 17–19 et 18b–20 se chevauchant) et y découvrons une structure assez élaborée et significative. ’p/cbrh selon Avishur pp. 157.189.283.714.

262

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

23 24a 24b 25

(nuages) d’en haut (mmcl) (les portes) des cieux il fit pleuvoir sur eux (clyhm) (la manne) à manger (le froment) des cieux (il leur) donna* (le pain)… mangea (il leur) envoya*

On retrouve cl au terme de mm.cl comme au début de cl.yhm: c’est d’en haut que Dieu fait pleuvoir sur eux la manne. Les verbes donner et envoyer constituent une paire stéréotypée 26. Ces précisions étant données, le lecteur peut voir le parallèle des indices entre 23–24aa.24ba et 24ab.24bb –25, les deux parallèles se chevauchant en leurs termes les plus proches comme le montre le tableau ci-dessus. En 26–29, quoi que de façon moins manifeste, nous pouvons sans doute repérer comme un chiasme à partir des indices de correspondance situés comme suit: 26 27

28 29

dans (b°)… il amena… il fit pleuvoir + sur eux (clyhm) comme poussière + de la viande comme sable des mers + le volatile ailé il fit tomber* + au milieu de (bqrb°) son camp autour de ses demeures il fit venir* vers eux (lhm)

Tout thématiques qu’ils soient les rapports entre il amena et il fit venir, il fit pleuvoir (+ le lieu) et il fit tomber (+ le lieu), poussière et sable, viande et volatile, sont suffisamment manifestes. On notera en amorce des deux termes centraux le même comme. Par ailleurs un discret dispositif parallèle met en rapport les deux premiers et les deux derniers termes de notre chiasme. On sait en effet que b (26a) et bqrb (28a) constituent une paire stéréotypée 27, et par ailleurs cl (27a) et l (29b) introduisent au même pronom-suffixe hm. Au vu de leurs contextes ces récurrences n’apparaissent pas comme purement formelles. On passe en effet d’un lieu à l’autre, des cieux aux demeures du peuple, et l’action de faire pleuvoir comme celle de

26 27

ntn/sˇlh. selon Avishur pp. 10.542–543.577. Avishur pp. 10.42.461.

Etude structurelle du psaume 78

263

faire venir sont au profit des mêmes destinataires. De 28 à 29 signalons encore la répartition des termes de la paire stéréotypée venir/tomber 28, les deux actions en question ne s’en trouvant que mieux coordonnées. Nous pouvons maintenant en venir à l’ensemble des deux volets 23–25 et 26–29. Le parallèle s’en perçoit aisément: 23 24 25

(les portes) des cieux il fit pleuvoir sur eux mangea (chaque homme) pour se rassasier

(le vent d’est dans) les cieux il fit pleuvoir sur eux ils mangèrent et se rassasièrent

26 27 29

En 23 et 26 Dieu mobilise nuages et vents. En 24 et 27 il procure la nourriture, manne et froment, viande et volatiles. En 25 et 29 nous voyons les destinataires manger et être rassasiés 29. La structure du petit ensemble suivant, soit 30–32 30, s’entendra au mieux en le mettant sans plus tarder en parallèle avec l’ensemble de 17–22. Ces deux ensembles encadrent 23–29, et nous y reviendrons. Nous avons vu en 17–22 que 17–20 et 22 sur la rébellion du peuple encadrent 21 sur la colère divine. Il en va exactement de même en 30–32. Précisons le parallèle dans le tableau suivant: 17–20 (18) 21

22

28

29

30

Dieu manger pour leur gorge* la colère-du-nez monta contre Israël ils n’étaient pas fidèles Dieu

[encore] manger dans leur bouche* 30 la colère-du-nez 31 de Dieu monta contre… Israël ils n’étaient pas fidèles 32 [encore]

bw’/npl selon Avishur p.42. Il existe aussi une paire stéréotypée bw’/sˇ kn (Avishur p.81) qui pourrait inciter à mettre en rapport les demeures et ce que Dieu fait venir: il fait tomber les volatiles autour de leurs demeures, il fait venir vers eux (l’objet de) leur désir? Les deux termes constituent la paire stéréotypée ’kl/s´ bc selon Avishur pp. 302.47O.493.659. Reprenant ici notre proposition de Voyez p.191 nous nous trouvons d’accord avec Girard (p.363), précisant seulement la structure propre à chacun des deux volets 23–25 et 26–29. A partir d’ici nous distinguons 30–42, 43–51, 52–55, 56–58, 59–67, 68–72, alors que Girard distingue 30–39, 40–42, 43–53, 54–58, 59–67, 68–72. Nous ne retrouvons donc que pour les deux dernières unités. Nous justifierons ci-dessous, évidemment d’un point de vue structurel, nos options.

264

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

En 18 et 30 nous lisons les termes de la paire bouche/gorge 31, chacun complément de manger. En plus du parallèle nous lisons Dieu aux extrêmes en 17–22, dans le centre en 30–32. Notons enfin de 30 à 32 la récurrence de encore: Israël est insatiable de nourriture… et de péchés. Si nous considérons l’ensemble 17–32 nous pouvons donc y découvrir un large chiasme où 17–22 appelle 30–32 aux extrêmes, tandis qu’aux centres se répondent 23–25 et 26–29. Considérons maintenant 33–42, et nous verrons ensuite comment ils s’articulent à 30–32. Une simple considération des contenus fait percevoir du côté de Dieu l’opposition entre 33 (Dieu extermine) et 38–39 (Dieu ne détruit plus), et du côté du peuple entre 34–35 (ils recherchent Dieu) et 40–42 (ils se rebellent). En 36–37 également nous est mise sous les yeux la rébellion. En inscrivant en face des titres les récurrences nous pouvons présenter l’ensemble comme ceci (nous revenons bientôt sur 36–37): 33 EXTERMINATION: 34–35 Fin du péché: 36–37 38–39

jours ils revenaient… ils se souvenaient… Dieu (’l)

Péché FIN DE L’EXTERMINATION:

FAIRE REVENIR… IL SE SOUVENAIT

40–42

Péché:

(ne revient pas) ils revinrent… Dieu (’l) ils ne se souvinrent pas jour

On voit de 33–35 à 38–42 et le parallèle, puisqu’il s’agit successivement ici et là d’extermination et de péché, et l’inversion, puisque l’extermination est effective en 33, mais le péché terminé en 34–35, tandis que l’extermination est terminée en 38–39 32, mais le péché effectif en 40–42. Ce jeu d’oppositions s’accompagne de certaines récurrences. Ainsi lit-on en 34–35 et 38–39, là où tantôt leur péché, tantôt l’extermination trouvent leur fin, les deux verbes revenir et souvenir, accompagnant ici l’inversion de 33–35 à 38–42. Mais ces deux verbes se lisent également là où il est question 31 32

ph/npsˇ selon Avishur pp. 512 et 522. Rappelons ici la structure interne de 38–39 (Voyez p.197): Lui (pron. indépendant) (38a) Soit deux symétries concentriques nég (38c) imbriquées l’une dans l’autre, revenir (38d) ou termes parallèles trois à trois aux extrêmes nég (38e) autour de la négation centrale. eux (pron. indépendant) (39a) nég (39b) revient (39b)

Etude structurelle du psaume 78

265

(dans les volets entourant le centre) du péché, qu’il y soit mis un terme comme en 34–35, qu’il reparte de plus belle comme en 40–42, ces deux unités comportant également Dieu, récurrences accompagnant ici le parallèle entre 33–35 et 38–42. On notera enfin aux extrêmes la récurrence de jour(s) de 33 à 42: lors du châtiment leurs jours se trouvent achevés, voilà qui sanctionne leur oubli du jour où il les avait délivrés de l’adversaire. Avec les deux verbes revenir et se souvenir l’auteur parvient à opposer les deux attitudes du peuple (cessant de pécher ou se remettant à pécher) ainsi que celles de Dieu et du peuple (qu’ils reviennent vers lui et se souviennent, lui alors se souvient, mais eux derechef de revenir… à leur péché et de ne plus se souvenir de lui). En 39 il y a même un nouveau registre pour revenir: eux ne sont qu’un souffle qui s’en va et ne revient pas, ce non-retour là touchant Dieu et suscitant son retour vers eux. Revenons maintenant sur le centre de l’ensemble, soit 36–37. Nous y lisons en alternant désignations du péché et de parties du corps: 36

ils le flattaient de leur bouche°* de leur langue°+ ils lui mentaient

37

leur cœur*+ pas stable avec lui pas fidèles à son alliance

Le chiasme en 36 est comme accompagné par la paire stéréotypée bouche/ langue 33. Mais si l’on considère l’ensemble 36–37 ils lui mentaient apparaît au centre de deux volets entre eux inversés: cœur constitue une paire stéréotypée tant avec bouche qu’avec langue 34, tandis que n’être ni stable ni fidèle n’est avec la flatterie qu’une autre forme du péché. Aboutissant à un certain parallélisme formel on notera qu’à un terme pour le péché en correspondent deux, tandis qu’inversement à deux parties du corps n’en correspond qu’une (1 + 2 // 2 +1). On aura remarqué que 33–42 reprennent les thèmes de 30–32 (péché du peuple et colère divine), mais en leur donnant ici pour ainsi dire leur contrepoint (conversion du peuple et apaisement divin). Il convient donc que nous considérions ici l’ensemble 30–42. Nous le ferons à partir du tableau suivant:

33 34

ph/lsˇwn selon Avishur p.765, à l’index. Soit ph/lb selon Avishur p.765, à l’index, et lb/lsˇ wn p.279.

266

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

30

leur bouche + la colère-du-nez [+ Israël]

31

32

Dieu monta tua + ils n’étaient pas fidèles

33 34–35

36–37 leur bouche + 38–39 la colère-du-nez

tout… péchèrent* + jours

tuait Dieu Monté-haut + ils n’étaient pas fidèles faute*… tout + jour [+ Israël]

40–42

En 32a et 38b nous lisons pécher et faute qui constituent une paire stéréotypée 35. A partir des indices relevés le lecteur peut voit disposés les enchaînements comme ceci:

31 + 32 (II) 34–35 + 36–37 (II’)

30 + 31 32 + 33 36–37 + 38–39 38–39 + 40–42

(I) (III) (I’) (III’)

On trouve aussi au terme du premier (31) comme au terme du dernier (40–42) la mention d’Israël. Pour chacun des enchaînements on remarquera l’opposition qui dans le second panneau se dégage pour l’un des termes, ainsi de 31 à 38–39 où la colère s’apaise, de 31 à 34–35 où le Dieu Monté-haut cesse de tuer, et de 32 à 38–39 où le péché est comme neutralisé, cela toujours de par l’action de Dieu. Même si thématiquement il est indéniable que 36–37 et 40–42 qui traitent tous deux de la rébellion encadrent 38–39 sur la retenue de la colère, il n’apparaît pas que le texte veuille nous attarder sur un ensemble

35

c

wh/h..t ’ selon Avishur p.763, à l’index.

Etude structurelle du psaume 78

267

36–42. Notons quand même deux paires stéréotypées qui lient les extrêmes au centre, soit cœur/souffle de 37 à 39 et délivrer/couvrir pour 38 et 42 36. Les deux sont porteuses de sens: au cœur instable du pécheur s’ajoute le souffle éphémère pour faire de l’homme un être très fragile; et si Dieu est capable de couvrir la faute, il l’est tout autant de délivrer de l’adversaire. Nous avons plus haut comparé 17–22 et 30–32, ici et là avec le péché encadrant la colère. Nous retrouvons le même agencement en 36–42, avec cette différence de taille: la colère est ici contenue. De 30–32 à 36–42 les rapports sont assez peu marqués par quelque indice: on lit colère-du-nez dans les deux centres 31 et 38(–39), ainsi que ils n’étaient pas fidèles en 32 et (36–)37, et aussi leur bouche en 30 et 36(–37). Mais il sera plus payant de faire un parallèle entre 17–22 et 36–42, cela à l’aide du tableau suivant: 17–20 leur cœur il rend stable 21

se rebeller Dieu (’l)

tentèrent dans le désert

LA COLERE-DU-NEZ

22

[salut] ----36–37 leur cœur pas stable 38–39

ils n’étaient pas fidèles ----ils n’étaient pas fidèles

LA COLERE-DU-NEZ

40–42 [délivrés]

se rebellent Dieu (’l)

tentèrent dans le désert

Outre leur parenté de sens salut et délivrer forment tous deux une paire stéréotypée avec un troisième terme de sens voisin 37. A lire la colonne de gauche de notre tableau nous sommes donc invités à lire en parallèle 17–22 et 36–42. Mais l’inversion – colonne de droite de notre tableau – est encore plus manifeste, les rapports entre 22 et 36–37 comme entre 17–20 et 40–42 étant très nettement indiqués. Si donc 17–22 se trouve en rapport avec 30–32 et surtout avec 36–42 on pourra considérer que d’une part 17–22 et de l’autre 30–42 encadrent pour ainsi dire 23–29. On notera d’ailleurs qu’en 33 et 34–35, donc entre 30–32 et 36–42, nous lisons d’abord jour(s) (33a) que nous retrouvons en 40–42, dernière unité de 36–42, puis roc (35a) que nous lisions en (17–)20, première unité de 17–22 38. 36 37 38

lb/rwh. selon Avishur pp. 306.477.494.662, et pdh/kpr pp. 692–693. Soit ns.l/ysˇ c et ns.l/pdh selon Avishur pp. 88.225 et 657–658. En faisant se correspondre 17–20 et 40–42 (soit ses unités B) Girard (p.361)

268

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

En 43–51 l’agencement chiastique se perçoit assez aisément à l’aide des indices répartis comme le montrera le tableau suivant: 43 44 45 46 47 48 49ab 49c50a 50bc 51

Egypte (// champ de Çoan) sang* il envoie il donna° la grêle la grêle il envoie° un envoi gorge* Egypte (// tentes de Cham)

Deux paires stéréotypées jouent ici, soit de 44 à 50bc sang/gorge 39 et de 46 à 49ab donner/envoyer 40. Aux extrêmes Egypte reçoit ici et là une désignation parallèle 41. On peut aussi distinguer dans cet ensemble les sept plaies dont il est question et ces versets qui y introduisent, lesdites plaies et introductions étant disposées comme suit:

plaie (45) plaie (47: bbrd) introd. (49ab: colère)

39 40 41

introduction (43: Egypte) plaie (44) + plaie (46) + plaie (48: il livra… lbrd) + introd. (49c50a: colère) plaie (50bc: ldbr… il livra) plaie (51: Egypte)

gomme l’originalité de 21 et les correspondances entre 17–20 et 22 comme entre 40–42 et 36–37. Il voit ensuite se répondre 21–22 et 30–39 (soit ses unités C). C’est encore une fois gommer le caractère propre de 21. En 30–39 selon lui 30–32 appelleraient 36–37, puis 33–35 pour leur part 38–39. Mais cette fois c’est le caractère propre de 31 qui est négligé, et si par ailleurs il y a opposition entre 33 et 38–39, c’est en 34–35 et 36–37 qu’on en trouve une autre, soit entre les deux unités 33 et 38–39 (le tout 33–39 respectant une symétrie croisée: châtiment + recherche de Dieu / pardon + rébellion). dm/npsˇ selon Avishur pp. 253.559.577. ntn/sˇlh. selon Avishur pp. 10.542–543.577. Ledit chiasme s’arrête à 51. Aucun des termes soulignés par Girard (pp. 352 et 359) en 52–53 ne reporte à 43–51. Les correspondances à partir des deux paires stéréotypées (sang/gorge et donner/envoyer) ont échappé à Girard, d’où le côté approximatif du chiasme qu’il nous propose de voir en 43–53. Pour la

Etude structurelle du psaume 78

269

Les deux plaies de 45 et 46 sont apparentées par leur contenu, et de même celles de 47 et 48. Une récurrence et un jeu de mots relient 50bc à 47 et 48 (soit trois plaies): livrer (48a/50c) et grêle (brd: 47a.48a) et peste (dbr: 50c). Les deux introductions de 49ab et 49c–50 comportent colère. On peut rappeler ici que Egypte (avec les expressions parallèles) se lit dans la première unité et la dernière. On pourrait considérer de nouveau 47 et 48 comme les centres. Avant eux on lit 1 (introduction) + 1 (plaie) + 2 unités (plaies), et après, inversement pour ce qui est des nombres d’unités, mais parallèlement pour ce qui est de leur succession de contenus, 2 (introductions) + 1 (plaie) + 1, (plaie). Puisque nous avons considéré ci-dessus les rapports entre 30–42 et 17–22 (autour de 23–25/26–29), il convient d’étudier ici ceux de 12–16, avant 17–22, et 43–51, après 30–42. On retrouve en tête ici et là la mention de l’Egypte, champ de Çoan, le cadre initial étant donc le même ici et là. Il est même le seul cadre en 43–51 puisqu’on lit au terme en Egypte comme au début. Mais deux autres récurrences nous font mettre le doigt cette fois sur une opposition: il est dit en 15–16 qu’il fit sortir des ruisseaux pour faire boire son peuple, mais en 44 qu’il changea en sang leurs ruisseaux de telle manière que les égyptiens ne boivent point. On trouve encore d’ici à là la récurrence de beaucoup, avec encore une certaine opposition: cette abondance est celle de l’eau à boire pour le peuple, mais celle des locustes dévastatrices pour les égyptiens. Pour ce qui regarde l’ensemble 12–51 nous pouvons maintenant voir son agencement en chiasme puisque, nous l’avons vu, 12–16 appellent 43–51 (à peu près deux fois plus longs), puis 17–22 à leur tour 30–42 (eux aussi à peu près deux fois plus longs), tandis qu’aux centres 23–25 et 26–29 sont deux épisodes qui se répondent. Mais à l’intérieur de ce chiasme il existe aussi des rapports autrement ordonnés et qui contribuent à l’unité de l’ensemble. Nous en relèverons les indices dans le tableau suivant:

fonction des autres récurrences relevées par Girard et non encore prises en considération ici voir ce qui suit.

270

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

12–16

17–22

boire* (15)

merveilles (12) jour (14) toute (14) rocs (15)

manger* (18)

Dieu (19) Dieu (18–19) 23–25 26–29

manger* (24.25) manger*(29)

dans le désert (19) colère (21)

[envoya (25)] [mers (27b)]

manger* (30) tout (32) merveilles (32) Dieu (31.35) jour(s) (33.42) Dieu (34.35) roc (35) boire* (44) manger* (45)

beaucoup (15) [mer (13a)]

leur gorge (18) frappé (20) donner (20) s’emporta (21)

30–42

43–51

dans le désert (15)

dans le désert (40) colère (31.38) beaucoup (38)

donna (46) emportement (49) colère (49.50) leur gorge (50) beaucoup (46) frappa (51) [envoie (45.49)]

Nous avons indiqué en chiffres gras les références aux épisodes de la générosité divine et en italiques ceux des rébellions du peuple. Pour ce qui est des récurrences de Dieu (’lhym) et Dieu (’l) il est bien remarquable qu’elles ne paraissent que dans le cadre de la colère et des châtiments divins envers son peuple en 17–22 et 30–42. Le fait vaut d’être noté. Il souligne en quelque sorte le côté scandaleux du péché du peuple (plus précisément en 18–19 et 31, 34–35, 41). Dans la colonne suivante de nos récurrences nous constatons la présence de manger dans les trois épisodes centraux et de boire dans les épisodes extrêmes, les deux termes, qui forment une paire stéréotypée 42, se lisant dans le dernier épisode. C’est dire l’importance fondamentale de ce thème, le manger et le boire étant tout autant l’objet de la générosité divine que l’occasion de la rébellion du peuple. Dans les deux colonnes suivantes de notre tableau nous avons disposé un certain nombre de récurrences qui montrent que 12–16 + 17–22 et 30–42 + 43–51 non seulement se correspondent en ordre inverse, mais aussi selon un parallèle où 12–16 appellent 30–42 tout comme 17–22 appellent 43–51. On voit en effet en 12–16 et 30–42 s’opposer l’accom42

’kl/sˇth selon Avishur p.754, à l’index.

Etude structurelle du psaume 78

271

plissement et la méconnaissance des merveilles, alors que les rocs fendus suscite le souvenir de Dieu comme leur roc, s’accorder le temps où il les guidait de jour par une nuée et le jour où il les avait délivrés, même si ce dernier s’oppose au temps où il achevait leurs jours dans la buée. La récurrence de tout, étant donné ses contextes, ne donne pas lieu à des jeux de sens. De 17–22 à 43–51 nous voyons que l’emportement a des destinataires opposés de 21 (contre Israël) à 49 (contre l’Egypte), que les rappels des moments où Dieu frappa sont de couleurs opposées de 20 (dans un moment d’incrédulité d’Israël) à 51 (où se célèbre l’extermination des premiers-nés de l’Egypte), de même encore pour les emplois du verbe donner: en 20 il s’inscrit dans une mise en question rien moins que confiante, alors qu’en 46 le fait que la récolte des égyptiens soit donnée aux locustes s’inscrit dans la célébration de la victoire sur eux. Pour ce qui est de leur gorge, c’est en 18 celle du peuple rebelle, en 50 celle des égyptiens, Israël et l’Egypte se trouvant donc ici comme apparentés dans leur attitude rebelle 43. Notons encore entre les couples d’unités extrêmes les récurrences, mises en italiques dans notre tableau ci-dessus, de dans le désert et colère(-du-nez). La première se lit dans les deux premières unités et dans l’avant-dernière, la seconde dans les deux dernières unités et dans la deuxième. Le désert est le cadre de bienfaits divins en 15, mais de rébellion en 19 et 40, la colère est déchaînée en 21 et 31, mais il convient ici de s’attarder sur ses deux autres récurrences: en 38 en effet elle est retenue et ne se déchaîne plus contre le peuple, cela dans le contexte général de rébellion de 30–42, tandis qu’en 50 elle est bien déchaînée, mais finalement contre les égyptiens. On peut donc dire que tant en 38 qu’en 50 elle tourne (dans sa retenue ou dans son déchaînement contre les ennemis) au profit d’Israël. La petite unité 38–39 n’en prend que plus de relief en l’originalité qu’elle présente (avec 34–35) en 30–42. On lit encore beaucoup dans les deux unités extrêmes, mais aussi en 30–42: étant donné que cette troisième récurrence s’inscrit précisément en 38–39, l’abondance évoquée va toujours dans le sens des bienfaits divins, comme on peut s’y attendre dans les contextes de 12–16 (abondance des eaux) et de 43–51 (abondance des locustes libératrices pour Israël), mais comme il est plus étonnant dans le contexte de 30–42: le Seigneur ne ménage pas sa peine pour retenir sa colère qu’on voyait déchaînée au début de cette même unité (en 31). Reste ces récurrences que pour plus de clarté nous avons mises entre crochets, soit [mer(s)] et [envoyer]: elles se lisent dans les unités centrales et extrêmes, c’est-à-dire

43

On voit que Girard en nous proposant un large chiasme de 12–16 + 17–20 + 23–25 à 26–29 + 30–39 + 40–42 + 43–53 avait perçu l’allure de l’ensemble, mais manqué de précision dans la détermination des unités se correspondant (sauf pour les deux centres).

272

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

toujours dans le contexte des exploits divins en faveur de son peuple: il fend la mer, envoie de la nourriture, de la viande comme sable des mers, envoie contre les égyptiens sa colère et des anges exterminateurs. Il nous reste à examiner les enchaînements entre unités successives, exceptées les deux unités centrales qui forment le tout (23–29) que nous avons étudié plus haut. Tous ces enchaînements se jouent entre unités de sens opposés. De 12–16 à 17–22 nous retrouvons feu (14b) et eaux (16b) avec eaux en 20b et feu en 21b: ici bénéfiques, ils s’inscrivent là dans le contexte de la révolte et le feu s’y allume contre Jacob. A l’autre extrême, entre 30–42 et 43–51 nous avons comme récurrences tuer, détruire, et adversaires/adversité. En 31 et 34 c’est son propre peuple que Dieu tue, mais en 47 il charge les locustes de tuer cette fois les récoltes des égyptiens. En 38 il se refuse à détruire son propre peuple, mais en 45, envoyée par lui, la grenouille détruit chez les égyptiens. En 42 il libère son peuple de l’adversaire, mais en 49 il envoie l’adversité cette fois contre les égyptiens. De 17–22 à 23–25, outre la récurrence de manger déjà relevée, nous trouvons celles de pain et donner, et nous pouvons y ajouter les mots de même racine monta, Monté-haut et d’en haut. La colère monta contre Israël selon 21, en réponse à sa rébellion contre le Monté-haut, mais c’est comme en sens inverse que d’en haut selon 23 les nuages vont dispenser le bienfait divin, le pain, comme une réplique généreuse à la provocation de Dieu au sujet de ce même pain en 20: peut-il en donner? Eh bien oui, il leur donna le froment des cieux selon 24. De (26–)29 à 30(–42) on notera désir ici au terme, là au début, fonctionnant donc comme un mot-crochet: ce désir est exaucé selon 29, mais il s’est selon 30 perverti. On notera encore en parallèle de 17–22 à 23-25 comme de 26–29 à 30–42 viande (en 20 et 27) et les deux termes de même racine d’en haut (23) et monta (31). La viande demandée dans une provocation est néanmoins accordée (comme le pain). Les bienfaits divins viennent d’en haut (23), mais la colère pour sa part monte contre le peuple rebelle (31): l’opposition physique des directions indique on ne peut mieux l’opposition des sens. * * * Ayant ainsi étudié la structure d’ensemble de 12–51 nous pouvons en venir aux diverses unités de la dernière partie de notre psaume. Qu’en est-il en 52–55? Ici nous ne disposons d’aucune récurrence (si ce n’est celle de la préposition b devant un complément de lieu), mais les contenus nous guident aisément vers la disposition concentrique suivante:

Etude structurelle du psaume 78

52–53a 53b 54 55a 55bc

273

son peuple il amena… dans le désert leurs ennemis, elle (les) recouvrit, la mer cette montagne il chassa d’en face d’eux des nations il fit demeurer dans leurs tentes les tribus d’Israël

Chronologiquement les trois étapes de 52–53a (désert), 54 (montagne) et 55bc (tentes) se font suite. De 52–53a à 53b l’ordre chronologique est inversé, mais il est respecté de 55a à 55bc, ce qui met en valeur la position de 54 où il est question du territoire saint. Cette unité traite d’un nouvel épisode de l’exode après ceux de 12–16, 23–29 et 43–51 44. L’unité suivante comporte 56–58. On y lit deux chiasmes entourant un parallèle, comme ceci: 56

57 58

Ils tentèrent et se rebellèrent contre le Dieu Monté-haut Ses témoignages ils ne gardèrent pas Ils reculèrent et trahirent comme leurs pères ils changèrent comme un arc de tromperie Ils l’irritèrent par des hauts-lieux par leurs images-sculptées ils le rendirent-jaloux

On peut voir s’opposer monté-haut + ses témoignages et hauts-lieux 45 + images-sculptées. Tous les verbes de la première colonne expriment l’infidélité du peuple. En 57 ils sont suivis de deux comparaisons. Cette unité traite du péché du peuple comme le faisaient précédemment 8–11, 17–20, 22, 30, 32, 36–37, et 40–42. En 59–67 nous lisons un long développement sur le châtiment divin, après ceux, très brefs, de 21, 31, et 33. Il est agencé en deux volets 59–62 et 63–67 qui se répondent comme le montrera le tableau suivant: 44 45

En faisant commencer cette unité à 54 Girard rate les correspondances entre les volets 52–53 et 55. Rappelons qu’il n’y a pas en hébreu récurrence correspondant à celle ici de haut.

274

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

59a 59b 60 61

62

63

64

65

[Dieu] s’emporta mésestima… Israël la demeure de Silo la tente  donna sa force+  sa beauté+  adversaires  à l’épée son peuple  son héritage  s’emporta

     

ses jeunes-de-choix feu° ses vierges ne… pas louées ses prêtres par l’épée° ses veuves ne pleurèrent* plus [le Seigneur] criant-de-joie*

66 67

adversaires donna mésestima la tente de Joseph la tribu d’ Ephraïm ne choisit pas

De 59b–60 à 67 nous retrouvons mésestimer et tente 46, de 61 à 66 donna et adversaires. Ainsi se correspondent les deux volets extrêmes 59–62 et 66–67. Pour les volets centraux nous n’avons comme repère que la répartition des termes d’une paire stéréotypée, soit pleurer/crier de joie 47, l’absence des pleurs (rituels) des veuves étant aussi affligeante qu’est réjouissant le réveil du guerrier criant de joie. Considérons de plus près

46 47

En 60 nous avons la paire stéréotypée ’hl/sˇkn (selon Avishur p.753, à l’index). bkh/rnn selon Avishur p.279.

Etude structurelle du psaume 78

275

61–64. En 61 et 62 nous lisons deux chiasmes, en 63 et 64 deux parallèles 48. Le terme épée se lit dans le deuxième chiasme comme dans le deuxième parallèle. En 61 les deux termes centraux constituent une paire stéréotypée 49. Les deuxièmes termes des parallèles en 63 et 64 constituent la paire stéréotypée feu/épée 50. En 63 et 64 encore le dernier terme de chaque parallèle est accompagné de la négation, et l’on appréciera le contraste et l’unique perspective dans la comparaison entre les chants de louange pour les vierges et les pleurs des veuves. Dans les correspondances entre les termes centraux des chiasmes de 61–62 et les termes initiaux des parallèles de 63–64 on relèvera le parallèle très régulier (en hébreu) entre masculins et féminins. De plus en 61–62 on ne lit que des singuliers, et en 63–64 que des pluriels 51. Le dernier terme de 62 est s’emporta qu’on lisait au début de 59–66, le premier de 63–64 comporte choix qu’on retrouve au terme de 59–66. L’unité est donc soigneusement structurée et forme incontestablement un tout qui structurellement se tient 52. Nous pouvons en venir maintenant à la dernière unité du psaume, soit 68–72. On peut en schématiser la structure de la façon suivante: 68a 68b 69 70–72

(personnes) (lieu) (LIEU) (PERSONNE) choix]  [70a mission]  [70b–71a CHOIX ]  [71b–72 MISSION]

      

On lit en 68 un chiasme dont les premiers termes visent des personnes (la tribu de Juda), les seconds un lieu (la montagne de Sion) 53. Du lieu il est

48 49 50 51

52

53

En 63 les premiers termes du parallèle constituent la paire stéréotypée bh.wr/btwlh selon Avishur p.122. Soit cwz/p’r selon Avishur p.764, à l’index. ’sˇ /h.rb selon Avishur pp. 549–550.577.667–668. W. G. E. Watson, Classical Hebrew Poetry, JSOTSup 26, Sheffield 1984, parle de « balancing m. and f. terms » et de « singular-plural parallelism » (voir pp. 314–315, 356–357). Girard (pp. 366–357) propose de voir un chiasme entre 59–60 + 61 + 62 et 63–64 + 65–66 + 67. Acceptant la possibilité de disproportions entre les unités nous distinguons 59–62 + 63–64 et 65 + 66–67, ce qui nous permet de rendre compte de plus d’indices de structures (tout en tenant compte de ceux retenus par Girard). Girard (p.367) distingue bien personnes et lieux, mais sans voir la disposition

276

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

de nouveau question en 69, et d’une certaine personne en 70–72. Ainsi 68a annonce au terme 70–72, tandis que 68b prépare 69. On pourrait symboliser cette structure, en essayant de respecter les proportions respectives: a (68a).b (68b) / B’ (69). A’ (70–72). Le chiasme en 68 est limpide. En 69 nous sommes devant une symétrie concentrique dont le centre, son lieu-saint, est entouré par les deux comparaisons complémentaires comme les hauteurs et comme la terre, tandis qu’aux extrêmes on lit les termes de la paire stéréotypée bâtir/fonder 54. A eux seuls 70–72 ont une petite structure. On lit en effet en 70a: il choisit David son serviteur. Or ledit choix nous est présenté en 70b–71a et ledit service en 71b–72: a + b (70b) annoncent A (70b–71a) + B (71b–72), nos sigles essayant ici encore de respecter les proportions respectives. On voit donc que dans le parallèle de 70–72 les proportions réciproques s’établissent de façon très semblable à celles que nous leur voyons dans le chiasme de 68–72. On repère sans peine un chiasme en 70b–71a (il prit… petit bétail / brebis allaitant… il fit venir). Au terme de 70b–72 nous lisons encore, en 72, un chiasme dont les termes centraux constituent d’ailleurs la paire stéréotypée cœur/paumes 55. Entre les deux chiasmes de 70b–71a et de 72 est énoncée en 71bc la mission du serviteur: faire paître Jacob son peuple, Israël son héritage. Le verbe paître est récurrent de 71b à 72a. En 71b il prend évidemment le relais de ce qui a été dit des origines de David en 70b–71a. En 68b (la montagne de Sion aimée) et 70a (il choisit David) nous lisons les deux termes d’une paire stéréotypée 56: la montagne de Sion (un lieu) est dite aimée par Dieu, et le nom même de David (une personne choisie parmi la tribu de Juda) signifie le bien-aimé. Leurs fonctions s’enracine donc dans un choix aimant de Dieu. Que peut-on avancer sur la structure d’ensemble de 55–72? D’abord les riches rapports entre les unités extrêmes dont nous présenterons les indices dans le tableau suivant 57:

54 55 56 57

en chiasme que cela entraîne pour 68–72, sans doute à cause de la disproportion entre les termes extrêmes (élections de Juda et de David). bnh/ysd selon Avishur p.532. lb/kp selon Avishur pp. 218.279.504. ddym/’hbh selon Avishur p.756, à l’index. En lisant 52–53 avec 54–55 Girard (p.365) n’aurait pas eu besoin de faire déborder la borne initiale (ce qui n’est que rarement convaincant) pour les trois termes de 52–53 récurrents en 68–72.

277

Etude structurelle du psaume 78 TRIBU

68

MONTAGNE

52 53

comme petit bétail son peuple comme GUIDAIT

54a

fit venir

54b–55b 55c

MONTAGNE

(…)

TRIBUS

saint

comme saint comme petit bétail fit venir son peuple

héritage Israël (…)

69 70 71a 71b

Israël héritage

71c

GUIDAIT

72

Le lecteur voudra bien repérer les chiasmes entre, deux à deux, les termes mis en caractères gras. En 52–54a et 69–71b petit bétail et fit venir qui se lisent d’abord avant son peuple et saint se lisent ensuite entre eux. Le comme encadre les premiers termes en 52 et le premier en 69. Quant aux termes en PETITES CAPITALES ils se lisent pour GUIDAIT après le premier terme du chiasme en 52–54a, après le dernier en 71c–72. MONTAGNE et TRIBU se lisent respectivement avant chacun des termes du chiasme en 54b–55, mais tous deux avant en 68–71b. Les (…) veulent situer en 54b cette droite par laquelle Dieu s’est acquis la montagne, en 72 ces paumes de David par lesquelles il guide le peuple. Le lecteur n’aura aucune peine à faire chacun des rapprochements indiqués par ces divers indices. On voit que la moisson est riche. L’image pastorale pour la façon qu’a Dieu de guider son peuple vers le territoire saint reçoit comme un écho dans ce qu’il attend de David. Entre ces deux unités nous lisons donc 56–58 et 59–67, lesquels ne traitent pas de la même chose, rébellion et châtiment ne se confondant pas. Il convient cependant de considérer comment ces deux unités s’articulent l’une à l’autre. Dressons à cette fin le tableau suivant: (56b) Dieu (56c) + neg.

(57)

COMME

(bis)

arc*

....

Dieu ....

(59a)

 nég. + (63b)  épée* (64a)  + nég. (64b)

COMME (bis) (65) + nég. (67b)

Arc et épée forment une paire stéréotypée 58. On voit ici comme l’un est précédé en 57 et l’autre suivi en 64–65 par COMME répété. Mais en 63–65 épée et COMME sont pour la première encadrée et pour les seconds suivis de négations. On observe la même différence, mais dans l’ordre inverse, pour 58

Soit h.rb/qsˇ t selon Avishur p.258.

278

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

Dieu au début de 56–58 (la négation suit en 56) et de 59–67. Ainsi l’arc de tromperie appelle l’épée meurtrière. Ils sont fourbes comme leurs pères et comme l’arc en question, mais lui est comme un guerrier au mieux de sa forme sachant et dormir et s’éveiller. Ils n’agiront pas contre Dieu sans que ce dernier s’en avise. Il n’y a pratiquement aucune récurrence entre les unités extrêmes de 52–72 et celle de 56–58, si ce n’est celle de comme, mais en 57 les comparaisons ainsi introduites sont très négatives, alors qu’elles sont toutes positives en 52 (petit bétail et troupeau) et 69 (les hauteurs et la terre). Nous sommes donc amenés à comparer les unités extrêmes et 59–67. En tenant compte des paires stéréotypées main/droite et main/paume 59 Les indices communs à ces trois unités se trouvent répartis comme le montrera le tableau suivant: 52–55: comme son peuple comme droite* héritage tribu + Israël

59–67: Israël *main° son peuple héritage comme tribu

68–72: tribu + comme (bis) son peuple Israël héritage °paumes

Grâce aux caractères gras on voit le système identique de répartition entre quatre et quatre termes de 53–55 à 59–67 comme de 59–67 à 68–72. Du terme de 52–55 au début de 59–67 revient Israël, et du terme de 59–67 au début de 68–72 tribu. On lit tribu avant Israël au terme de 52–55 et avant comme au début de 68–72, ainsi qu’au terme de 59–67. Au début de 52–55 comme de 68–72 on lit des comparaisons introduites par comme. Il existe en outre des récurrences entre les volets extrêmes et 59–67. On lit en effet tomber en 55b et 64a, demeurer en 55c et 60 (bis), tente en 55c et 60b.67a, puis derrière en 66a et 71a et il choisit en 67b et 68a.70a. Par rapport aux groupes de termes en caractères gras on notera comment demeurer et tente se lisent après héritage en 52–55, mais avant main en 59–67. Par ailleurs il choisit se lit tout au terme de 59–67 et tout au début de 68–72, jouant comme mot crochet. Ainsi le lit-on après tribu en 67b et avant tribu en 68a (67b et 68a se répondant ainsi en chiasme). Etant donné le contenu d’une part de 59–67 et d’autre part de 52–55 et 68–72 on ne sera pas étonné que ces indices mettent sur la piste de nombreuses oppositions. Ainsi son peuple est objet de soins en 52 et 71, mais livré à

59

yd/ymyn et yd/kp selon Avishur p.759, à l’index.

Etude structurelle du psaume 78

279

l’épée en 62. Les comparaisons de 52 et 69 sont toutes en faveur soit du peuple, soit du lieu saint, mais celles de 65 promettent un dur traitement aux ennemis de ce guerrier. La droite de Dieu a acquis la montagne pour y résider avec son peuple, et les paumes de David sauront guider ce même peuple, mais en 61 le peuple rebelle est livré à la main de l’adversaire. L’héritage est soigné en 55 et 71, mais Dieu s’emporte contre lui en 62. Les tribus d’Israël ont une demeure selon 55, et Dieu choisit la tribu de Juda selon 68, mais il ne choisit pas la tribu d’Ephraïm selon 67. Les siens tombent dans la corde de l’héritage selon 55, mais ce sont ses prêtres qui tombèrent par l’épée selon 64. Ayant d’abord assuré une demeure à Israël selon 55, Dieu quitte la demeure de Silo selon 60. Les tentes de 55 sont habitées, mais celles de 60 et 67 abandonnées ou méprisées. Ses adversaires, Dieu les frappe par derrière (66), mais David, il s’en va le chercher de derrière ses brebis (71). Et s’il ne choisit pas la tribu d’Ephraïm (67), il choisit bel et bien celle de Juda ainsi que David (68 et 70). On dira donc qu’en 52–72 l’unité 59–67 est encadrée par 52–55 et 68–72, et précédée par 56–58 (soit le châtiment par le péché) 60. * * * Nous voilà donc face à trois ensembles, soit 1–11, 12–51 et 52–72. Il nous reste à considérer les rapports de chacun avec les deux autres. Nous commencerons par comparer entre elles les deux grandes parties de 12–51 et 52–72, puis nous étudierons le rapport à chacune d’elles de la grande introduction de 1–11 61. De 12–51 à 52–72 les quatre premières unités et les quatre dernières nous paraîtront ordonnées autour de 43–51 pour peu qu’on s’avise en un premier temps des indices de correspondances répartis entre unités du même type (bienfaits ou péchés/châtiments) comme le montrera le tableau suivant:

60 61

Nous rejoignons ici la proposition de Girard (pp. 365–366) pour cet ensemble. En ces trois étapes nous pousserons beaucoup loin que Girard l’étude structurelle de l’ensemble, ce qui nous évitera d’avoir à recenser comme Girard dans sa note 26 nombre de récurrences (trente-six en comptant les quatre noms propres) laissées pour compte dans sa proposition. Mais c’est aussi en étudiant avec plus précision la structure d’unités plus restreintes que nous avons pu plus haut prendre en considération une bonne part de ces récurrences. Girard prétend que ce ne sont là que certains mots très courants, mais il est difficile de minimiser la portée de termes comme dire, louer, être stable, changer, garder, ouvrir, manger, frapper, pécher, souffle, gorge, force, pain, témoignage, alliance, confiance, …

280

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

12–16:

terre mer guidait dans le désert (comme: ter)

17–22:

ils continuèrent (wywsypw) se rebeller Monté-haut tentèrent manger Dieu (bis) il a frappé son peuple pain* il entendit s’emporta feu Israël

23–29:

retira amena mers fit tomber demeures fit venir (comme: bis)

30–42: manger Dieu (bis) jeunes-de-choix Israël (bis) Monté-haut se rebellent tentèrent sa main adversaires

43–51 52–55:

retira amena dans le désert guidait mer fit venir fit tomber demeurer (comme: bis)

59–67:

entendit Dieu s’emporta (bis) Israël la main son peuple jeunes-de-choix mangea feu vin* il frappa adversaires Joseph (ywsp) choisit

68–72:

56–58:

tentèrent se rebellèrent Dieu Monté-haut

terre fit venir guidait (comme: bis)

Celles des récurrences qui ne sont pas ici relevées le seront dans le tableau suivant qui nous montrera un autre aspect de la structure. Sont mis en italiques les termes appartenant à ces unités qui parlent du péché et de sa sanction. On va voir qu’autour de 43–51 se répondent successivement de manière concentrique 23–29 + 30–42 et 52–55 + 56–58, puis 17–22 et 59–67, et enfin 12–16 et 68–72. On lit en effet en 23–29 et 52–55: il retira, il amena, il fit tomber, il fit venir, demeures/demeurer, comme (bis), et de 12–16 à 68–72: terre, il guidait, comme (ter et bis). Dieu retire et amène tout aussi bien les vents que son peuple. Il fait tomber pour ce dernier la nourriture dans le désert et le magnifique héritage. Il fait venir à eux (l’objet de) leur désir, il les fait venir eux-mêmes vers son territoire. Les demeures du désert le céderont à celles, stables, du pays promis. Les comparaisons de 27 et 52 sont toutes en faveur du peuple, ici comblé de volatiles comme poussière et comme sable, là guidé comme l’est le petit bétail ou un troupeau. En 12–16 et 68–72 on lit: terre, il guidait, comme (ter et bis). Il s’agit en 12 de la terre d’Egypte, mais en 69 la terre est prise comme terme de comparaison. La récurrence de il les guidait est plus éloquente, car on passe de la conduite par Dieu en 14 à celle par David, le roi choisi, en 72,

Etude structurelle du psaume 78

281

deux guides très attentifs au même peuple d’abord au désert, puis dans le pays. Quant aux comparaisons qu’on lit en 13.15–16 et en 69 on remarquera leur caractère complémentaire, puisque les premières ont rapport aux eaux et les dernières aux hauteurs célestes et à la terre, soit au total aux trois grandes parties du cosmos. En 30–42 et 56–58 nous lisons: se rebeller, tenter, Dieu, Monté-haut. Tenter Dieu et se rebeller contre lui est le fait des mêmes en 40–41 et 56, le péché étant récurrent du désert au pays, ce Dieu Monté-haut contre lequel ils se rebellent (56) étant pourtant celui-là même qui les avait rachetés (35). En 17–22 et 59–67 nous lisons: manger, Dieu, frapper, son peuple, il entendit, il s’emporta, feu, Israël, ainsi que deux autres indices sur lesquels nous revenons ci-dessous. Ceux qui tentaient Dieu en demandant à manger (18), Dieu les entendit et s’emporta contre eux et un feu s’alluma contre eux (21), et quand la rébellion se renouvelle, de nouveau Dieu entend et s’emporte (59.62), et un feu les mange (63). A chaque fois c’est son peuple Israël qu’il châtie. Il avait frappé le roc pour les désaltérer (20), il frappera aussi bien ceux qui sont devenus ses adversaires (66). De 17–22 à 59–67 notons encore deux correspondances plus ténues, et cependant dignes d’intérêt. On lit les termes de la paire stéréotypée pain/vin 62 en 20 et 65: ici c’est la question des rebelles s’interrogeant sur la capacité de Dieu à dispenser du pain, là c’est le Seigneur lui-même présenté comme un guerrier qui a bu assez de vin pour accompagner sa joie. Pain et vin, il en dispose comme il lui plaît. On lit enfin deux mots de même racine (ysp) en 17a (ils continuèrent) et 67a (Joseph), le nom de Joseph pouvant ainsi évoquer l’entêtement des pères dans le péché. Ainsi donc la disposition concentrique de 12–42 et 52–72 comme décrite ci-dessus est bel et bien indiquée par des récurrences judicieusement situées à cette fin. Mais il s’avère que tant les quatre unités se rapportant aux bienfaits de Dieu que les quatre rapportant péchés et rébellions du peuple sont respectivement ordonnées entre elles selon un parallèle que nous voudrions maintenant montrer. En 12–16 et 52–55 nous lisons en effet (ces termes sont soulignés dans le tableau ci-dessus : mer, il les guidait, dans le désert, comme (ter et bis). La mer est en 13 le lieu du passage du peuple, en 53 celui de l’engloutissement des ennemis. Ici et là c’est le peuple qui est guidé dans le désert. Les comparaisons de 12–16 donnent à penser sur la puissance du créateur, celle de 52–55 sur sa sollicitude pour les siens. En 23–29 et 68–72 nous lisons: il fit venir, comme (bis). Ici c’est (l’objet de) leur désir qu’il fait venir vers eux, là c’est David qu’il fait venir de derrière les brebis. Les comparaisons de 27 et celles de 69 donnent une idée de sa puissance, faisant valoir ici le nombre extraordinaire des volatiles qu’il fit pleuvoir sur les siens dans le désert, là la magnificence de son lieu saint comparable aux hauteurs et à la terre. 62

lh.m/yyn selon Avishur pp. 8.46.379.439.

282

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

Les quatre unités sur péchés et rébellions se répondent elles aussi en parallèle. On lit en effet en 17–22 et 56–58: se rebeller, tenté, Dieu, Montéhaut, le même peuple éprouvant le même Dieu tant dans le désert qu’une fois rendu dans le pays promis. En 30–42 et 59–67 nous lisons: manger, Dieu, jeunes-de choix (choisir), Israël, main, adversaires. Manger se rapporte au péché en 30, à son châtiment en 63: qui a ainsi mangé sera ainsi mangé, étant particulièrement visés les jeunes-de-choix. Puisqu’ils ne se sont pas souvenu de sa main qui les avait délivrés de l’adversaire (42), les voilà livrés à la main de l’adversaire (61). Voilà comment Israël s’est comporté envers Dieu, et comment en retour ce dernier se comporte envers lui. Mais d’autres récurrences, celles que nous n’avons pas encore prises en compte, nous invitent à faire jouer principalement des oppositions entre unités de types opposés (bienfaits et péchés/châtiments). Relevons d’abord dans le tableau ci-dessous celles d’entre elles qui signalent des oppositions ordonnées concentriquement autour de 43–51, et pour certaines à partir justement de ce centre 43–51: [12–16] 17–22

manger / frappé / donner / s’emporta

23–29

donna ▼

30–42

43–51

d’en haut (mmcl) + comme (bis) désert / saint / Israël

mangés / donna / emportement / frappa changea

52–55

désert / saint / Israël ▼

Monté-haut (clywn) + comme (bis)

56–58

changèrent

59–67

s’emporta / donna / s’emporta / mangea / frappa / donna

[68–72] Nous avons mis 12–16 et 68–72 entre crochets, car il n’entrent pas ici en compte. Unités du même type que l’unité centrale, ils n’entretiennent d’ailleurs quelque rapport avec elle que pour 12–16, comme nous l’avons vu plus haut. Le centre 43–51 se trouve en opposition avec les deux unités symétriques de 17–22 et 59–67 à partir des récurrences dont nous considérerons la disposition à partir du tableau suivant:

283

Etude structurelle du psaume 78

s’emporta (59a) donna (61a) s’emporta (62b) mangea (63a) frappa (66a) donna (66b)



mangés (45a) donna (46a) emportement (49b) frappa (51a)

▼ ▼



manger (18b) frappé (20a) donner (20d) s’emporta (21a)

On lit donner et s’emporter au terme en 17–22, au centre en 43–51, presque au début en 59–67. Du centre de 43–51 aux extrêmes on lit encore, mais en ordre inversé d’ici à là donner et s’emporter. Par ailleurs manger et frapper se lisent au début en 17–22, mais presque au terme en 59–67. On lit manger comme première récurrence en 17–22 et 43–51, et frapper comme dernière récurrence en 43–51 et avant-dernière en 59–67. Si donc, comme nous l’avons vu plus haut, les deux unités 17–22 et 59–67 se correspondent, elles sont aussi toutes deux en opposition avec l’unité centrale 43–51. Certes les taons ont mangé (45) la récolte des ennemis d’Israël, mais ce dernier qui dans son incrédulité demandait à manger (18), le feu le mangea (63). Certes Dieu a frappé (51) tout premier-né en Egypte, mais ceux qui ne croyaient pas en celui qui avait frappé le roc (20), les voilà frappés par derrière comme des adversaires (66). Certes Dieu donna à la sauterelle (46) la récolte des Egyptiens, mais qui s’interroge sur sa capacité à donner du pain (20), il ne lui sera donné que mépris (66), tandis que la puissance de Dieu sera donnée en captivité (61). Oui, Dieu s’emporte contre l’Egypte (49), mais tout autant, quand celui-ci se rebelle, contre son peuple (21 et 62.66). Si de 43–51 à 23–29 (deux unités avant) on peut lire deux emplois de donner dans un contexte favorable à Israël (en 24 et 46), on repérera par contre une opposition dans les deux emplois de changer de 43–51 à 56–58 (deux unités après le centre): pour Israël Dieu change l’eau en sang (44), mais Israël pour sa part trahit et change de côté comme un arc trompeur (57). Autour de 43-51 nous voyons s’opposer les unités 30–42 et 52–55 à partir des récurrences relevées dans notre tableau, dans le même ordre ici et là. En 30–42 les trois récurrences en question se lisent en 40–42 sur la rébellion récurrente d’Israël: Dans le désert ils se rebellent contre le saint d’Israël, mais lui les mènera comme un troupeau dans le désert (52) jusqu’à son territoire saint (54), que les tribus d’Israël demeurent dans leurs tentes (55). On peut encore percevoir une certaine opposition entre 23–29 et 56–58 à partir des indices relevés ci-dessus: d’en haut Dieu comble son peuple, lui donnant la viande comme poussière, comme sable; mais ce même peuple se rebelle contre le Monté-haut, tout comme ses pères ou comme un arc trompeur. Si maintenant nous considérons l’ensemble de nouveau selon la première disposition que nous y avons décelée ci-dessus nous pourrons découvrir

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Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

d’autres oppositions ordonnées autour de 43–51, et même à partir de ce centre. Relevons les indices dans le tableau suivant: 12–16

[feu / désert]

17–22 désert / son peuple / confiance

[désert / feu + cœur / Jacob/Israël]

23–29 manger (ter) / donna / pain* puissance / demeures / tout à fait

30–42



43–51

[manger]

[manger / changea]

52–55 son peuple / désert / confiance

56–58



[changèrent]

59–67 tout à fait / demeure / donna (bis) puissance / mangea / vin* [son peuple / choisir] 68–72

[choisir / son peuple + Jacob/Israël / cœur]

Considérons d’abord les oppositions entre 17–22 et 52–55. Le désert sert de cadre à une provocation de Dieu par son peuple en 19, alors qu’en 52 il est le lieu où ce même Dieu le mène comme un troupeau. Son peuple doute de l’être vraiment en 20, alors qu’en 52 il est l’objet de la sollicitude divine. Selon 22 ils n’avaient plus confiance en son salut, et pourtant en 53 il les guide vers la confiance. Pour bien repérer les oppositions de 23–29 à 59–67 et leur ordonnance d’ici à là dressons le tableau que voici:

manger (24a) ▼

il leur donna (24b) pain* (25a) mangea (25a) puissance (26b) demeures (28b)

tout à fait (59)



demeure (60a)… il donna (61a) puissance (61a) mangea (63a) vin* (65b) il leur donna (66b)

mangèrent (29a) tout à fait (29a) On voit l’inversion des deux séquences des deux séries accompagnées de flèches en sens inverses. De plus le terme certes central de 25a (manger) se lit encore aux extrêmes (24a et 29a) en 23–29, et tout à fait au terme de 23–29 comme au début en 59–67. Il leur donna le froment des cieux en

Etude structurelle du psaume 78

285

29, mais du mépris pour toujours en 66. La récurrence de donna en 61a introduit à la mention de la puissance. Chacun mangea le pain des forts selon 25a, mais en 65 le guerrier fortifié par le vin est celui qui va combattre les mêmes. On se souvient que pain/vin constituent une paire stéréotypée (voir ci-dessus n.62). Chacun mangea donc le pain des forts selon 25a, mais en 63 c’est le feu qui mangea les jeunes-de-choix d’Israël. En 26 on voit Dieu faire venir par sa puissance le vent du sud pour apporter à son peuple de la viande, mais en 61 il livre sa puissance à la captivité. La viande tombe autour des demeures d’Israël en 28, mais en 60 Dieu quitte la demeure de Silo. Une fois inscrite dans ses contextes respectifs, même la récurrence de tout à fait permet de percevoir une certaine opposition de 29 à 59: Israël est ici tout à fait rassasié, là tout à fait mésestimé. On peut enfin considérer les unités deux à deux en 12–22 et 59–72, puis en 23–51 et 43–51.56–58. En 12–16 comme en 17–22 nous lisons dans le désert et feu, mais aussi en 17–22 cœur et Jacob/Israël. En 59–67 comme en 68–72 nous lisons son peuple et choisir, mais aussi en 68–72 Jacob/Israël et cœur. Ainsi s’opposent de 12–16 à 17–22 le feu qui éclaire et le feu prêt à dévorer, le désert comme cadre des bienfaits divins et le désert comme cadre de la mise à l’épreuve de Dieu, et de 59–67 à 68–72 peuple livré à l’épée et son peuple doté d’un bon pasteur, le non-choix d’Ephraïm et le choix de Juda et de David, et enfin de 17–22 à 68–72 le cœur perverti d’Israël et le cœur parfait de David, Jacob/Israël se trouvant du coup tantôt sous le coup de la colère divine, tantôt doté du pasteur David. De 30–42 à 43–51 on relèvera la récurrence de manger, comme, symétriquement, de 43–51 à 56–58 celle de changer. Ceux qui mangent en 30 sont en train de pécher contre Dieu, mais celui qui mange en 45a (le taon) accomplit un ordre divin. En 44 le changement de l’eau en sang sert le dessein divin, mais au contraire ceux qui se changent de côté en 57. Dans ce qui précède le lecteur retrouvera facilement les correspondances, disposées concentriquement entre 12–16 et 68–72 (entre unités de même type), 17–22 et 59–67, 23–29 et 56–58, 30–42 et 52–55 (ces trois dernières entre unités de types opposés). Mais il existe encore des rapports autrement ordonnés où vont jouer les dernières récurrences que nous n’avons pas encore pris en considération. Nous allons découvrir ici deux symétries croisées (chiasme et parallèle superposés) l’une jouant de 12–22 à 52–58, puis l’autre de 23–42 à 59–72. De 12–16 + 17–22 à 52–55 + 56–58 nous avons vu ci-dessus le parallèle (correspondances entre unités du même type). Mais il s’y joue aussi des correspondances disposées en chiasme. De 12–16 à 56–58 nous retrouvons leurs pères et trois ou deux comparaisons introduites par comme. Les deux références au temps des pères s’inscrivent dans des contextes opposés (témoins de merveilles ici, là rebelles). Les comparaisons empruntent au cosmos en 15–16, mais en 57 à ce qui peut tromper (les pères ou un arc). Nous avons étudié ci-dessus les correspondances entre 17–22 et 52–55. Entre 23–29 + 30–42 et 59–67 + 68–72 nous

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Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

avons étudié ci-dessus les correspondances ordonnées en chiasme (entre unités de même type). Nous avons aussi étudié les correspondances entre 23–29 et 59–67, premières unités dans le parallèle entre nos deux couples d’unités. Entre 30–42 et 68–72 les indices de correspondances peuvent être présentés dans la tableau suivant:

jeunes de choix (31c) Israël (31c) cœur (37a) Saint (41b) Israël (41b)

= = =





choisit (68a) (lieu) saint (69a) choisit (70a) Israël (71c) cœur (72a)

Les trois termes qui se lisent selon la même séquence sont accompagnés du signe =. Ils sont ici suivis, là précédés par saint. Israël se lit à nouveau après Saint en 30–42, et choisir se lit déjà avant saint en 68–72. On n’aura pas de peine à découvrir l’opposition entre ce qui arrive ici et là à ceux qui sont choisis ou à Israël. Le cœur de ce dernier est instable selon 37a, tandis que celui de David est parfait selon 72a. Le Saint est bafoué en 41b, mais le lieu saint bâti selon 69 tout comme le cosmos. Ainsi les deux unités de 23– 42 et celles de 59–72 ne se répondent pas seulement en chiasme, comme nous l’avions vu plus haut, mais aussi en parallèle. Nous avons maintenant à étudier les rapports de 1–11 à 12–51 et 52–72. Nous avons distingué en 1–11 d’une part 1–7 comme une invitation à transmettre aux nouvelles générations la mémoire des actions de Dieu, ces actions rappelées précisément en 12–16, 23–29 et 43–51, et d’autre part 7–11 comme le malheureux contrepoint de la désobéissance des pères, désobéissance sur laquelle reviennent 17–22 et 30–42. De 1–11 à 12–51 les indices de correspondance se trouvent répartis selon une symétrie croisée à partir de 1–11 avec successivement 12–22, 17–29, 23–42 et 30–51, c’est à dire tous les couples d’unités successifs en 12–51. Il existe en effet des rapports tant de 1–7 que de 7–11 avec toutes les unités 12–16, 17–22, 23–29, 30–42 et 43–51 de 12–51, ce que nous allons montrer. Mais risquons un schéma pour que le lecteur ne perde pas le fil:

Etude structurelle du psaume 78

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12–16

17–22 1–7 23–29 7–11 30–42

43–51 Nous considérerons successivement les symétries croisées de 1–11 à 12–22 et à 30–51, puis de 1–11 à 17–29 et à 23–42. De 1–7 + 7–11 à 12–16 + 17–22 considérons d’abord le parallèle. En 1–7 et 12–16 nous lisons faire une (des) merveille(s) en 4cd, c’est-à-dire au centre (structurel) de 1–7 et en 12, c’est-à-dire en tête de 12–16: nous sommes invités en 1–7 à célébrer lesdites merveilles, et elles nous sont contées en 12–16. En 7–11 et 17–22 nous lisons se rebeller (8 et 17), rendre stable (8 et 20), cœur (8 et 18), fidèle (8 et 22). Les pères n’étaient qu’une génération rebelle et non fidèle, au cœur instable, ne cherchant qu’à tenter Dieu. Ayant le cœur ainsi instable, ils ne croyaient pas que Dieu pouvait être, lui, stable dans son devoir de nourrir son peuple. Pour ce qui est du chiasme, il est indiqué par les récurrences suivantes. On lit en 1–7 et en 17–22: mon/son peuple (1 et 20), dire (1 et 19), entendre (3 et 21), Jacob/Israël (5 et 21). Les deux dires de 1(–7) et 19(–20) ne s’opposent que trop clairement dans leur contenu. Dans le premier Dieu invite (par l’intermédiaire du psalmiste) celui qu’il appelle son peuple à célébrer ses actions, dans le second Israël doute bel et bien que Dieu aille se comporter envers lui comme envers celui qui serait son peuple. S’opposent encore nettement les choses entendues de 3 (les merveilles de Dieu) et ce que Dieu est contraint d’entendre selon 21 (la mise à l’épreuve par son peuple). Jacob/Israël avait reçu l’enseignement divin selon 5; mais en 21 il s’avère qu’il ne mérite plus que la colère divine. En 7–11 et 12–16 nous lisons leurs pères (8 et 13) ainsi que le comme de comparaison (8 et 13.14.15). L’incrédulité des pères est d’autant plus scandaleuse que devant eux Dieu avait accompli des merveilles: que leurs fils ne soient donc pas comme eux qui ne crurent pas en celui qui fit boire aux pères comme des océans, descendre pour eux comme des fleuves.

288

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

De 1–11 à 30–51 le parallèle se fonde sur les indices suivants. En 1–7 et 30–42 nous lisons merveilles (4 et 32) et bouche (1.2 et 36), merveilles bel et bien accomplies et qui pourtant ne suscitent pas la fidélité du peuple; et en réponse aux invitations de la bouche du porte-parole divin le peuple ne sait que flatter Dieu de sa bouche. En 7–11 et 43–51 nous lisons le verbe changer en 9 et 44: ici les pécheurs changent d’allégeance au jour du combat, là Dieu, pour sauver ceux-là mêmes, change l’eau en sang. Quant au chiasme nous le percevons à partir de la récurrence du verbe mettre de 1–7 (en 5.7) à 43–51 (en 43), et en 7–11 et 30–42 à partir des récurrences de se rebeller (8 et 40), fidèle (8 et 32), et jour (9 et 33.42). Si Dieu met son enseignement en Israël, c’est pour qu’ils mettent en lui leur foi, et c’est aussi pour cela qu’il met en Egypte ses signes. Mais eux ne trouvent qu’à se rebeller et se montrer infidèles, abandonnant leur fidélité au jour du combat, oubliant le jour où il les avait délivrés, tant et si bien que leurs jours à eux finiront par s’achever dans la buée. Pour ce qui est de 1–11 et 17–29, nous connaissons déjà le rapport entre 1–7 et 17–22. Il nous suffira donc, pour reconnaître le parallélisme, d’étudier celui de 7–11 à 23–29. Il nous est indiqué par la récurrence de commandements/commanda (7c et 23a), deux termes qui se lisent ici et là au début de l’unité: Dieu leur donne ses commandements pour vivre l’alliance, et s’il commande aux nuages, c’est pour assurer la subsistance nécessaire à leur vie. Pour ce qui est du chiasme nous connaissons déjà le rapport entre 7–11 et 17–22, il nous reste donc à étudier celui entre 1–7 et 23–29. Il repose sur les récurrences de ouvrir (2 et 23), puissance (4 et 26), et commander (5.7 et 23). L’ouverture de la bouche pour dispenser l’enseignement divin et celle des cieux pour faire pleuvoir la manne sont évidemment apparentées de par celui qui ici et là comble les siens. Elle est à louer cette puissance divine qui entre autres choses maîtrise les vents en faveur des siens. C’est le même qui commande aux pères de transmettre aux générations l’enseignement et aux nuages de faire pleuvoir la manne. Pour ce qui est de 1–11 et 23–42, le lecteur voudra bien se référer à ce qui précède pour ce qui est des rapports en parallèle de 1–7 à 23–29 comme de 7–11 à 23–29, ainsi que pour les rapports en chiasme de 1–7 à 30–42 et de 7–11 à 23–29. Ainsi se trouve justifié le schéma par lequel nous introduisions à l’étude des rapports entre 1–11 et 12–51, rapports multiples et pourtant soigneusement situés dans une structure complexe et riche en significations. Nous pouvons maintenant considérer les rapports entre l’introduction de 1–11 et la dernière partie 52–72. Ils sont moins nombreux du fait de la structure plus simple de 52–72 et aussi de son éloignement par rapport à 1–11. On aurait pourtant tort de ne pas leur prêter l’attention qu’à coup sûr ils méritent. Nous pouvons en présenter l’ensemble dans le tableau que voici (où quand un même terme est cité plusieurs fois il est précédé ou suivi du signe =):

289

Etude structurelle du psaume 78

1–7

7–11

mon peuple (1) [nos pères (3.5)]

= mon peuple (1) derrière (4.6) =

comme (8) leurs pères (8) se rebellant (8) arc/changé (9) pas gardé (10) Dieu (’lhym) (10) ---------

= comme (8) SON CŒUR

(8)

= Dieu (’lhym) (10) ---------

son peuple (52)

56–58

se rebellèrent (56) comme (bis: 57) = comme (bis: 57) Dieu (’lhym) (56) ne gardèrent pas (56) leurs pères (57) changèrent/arc (57)

comme (bis: 52)

Dieu (’lhym) (59) comme (bis: 65) Ephraïm (67)

68–72

DERRIÈRE

Ephraïm (9)

52–55

59–67

(3) (4.6)

ENTENDUES

son peuple (71) [comme (bis: 69)] derrière (71)

(59) (66)

IL ENTENDIT DERRIÈRE

SON CŒUR

(72)

En exploitant ce tableau par colonnes, nous pouvons d’abord, à partir des récurrences relevées sur notre tableau, voir dans la première un parallèle 1–7 + 7–11 // 52–55 + 56–58. En 1–3 celui qui est interpellé comme mon peuple est invité à prêter attention, en 52–55 on voit avec quelle sollicitude Dieu guide son peuple. De 7–11 à 56–58 les indices se trouvent distribués comme suit: comme leurs pères se rebellant l’arc changé (ng.) gardé Dieu

se rebellèrent Dieu gardèrent (ng.) comme leurs pères changèrent comme un arc

290

Chapitre X: Il ouvrit les portes des cieux

On voit le chiasme au huit termes reliés par des traits sur notre tableau. Chacun des deux volets en est précédé par la mention de la rébellion. La comparaison avec les pères précède les deux premiers termes du premier, suit les deux premiers termes du second. De pères en fils l’histoire malheureusement se répète: même arc vain, même inconstance, même négligence par rapport à Dieu, même rébellion en somme. Dans la colonne la plus à droite de notre tableau (récurrences relevées en petites CAPITALES) on voit une même succession dans les couples d’unités des extrêmes, sans oublier que les unités ainsi rapprochées par des récurrences sont de contenus opposés (d’où une certaine inversion). Ainsi en 1–7 le peuple est invité à prêter attention aux choses entendues des pères, de génération derrière à une autre génération derrière, tandis qu’en 59 ce que Dieu entendit, c’est la rébellion de son peuple, lequel il va en conséquence frapper par derrière. En 7–11 son cœur, c’est celui de la génération rebelle d’autrefois, mais en 68–72 c’est le cœur parfait de David. Dans la colonne centrale de notre tableau nous pouvons repérer une disposition en chiasme sur l’ensemble des 2 + 4 unités de 1–11 + 52–72 ou au moins entre les deux unités de 1–11 et les deux dernières de 52–72. De 1–7 à 68–72 nous voyons se répondre les mentions de mon/son peuple et de derrière: peuple invité ici à recevoir un précieux enseignement, peuple là guidé par un pasteur incomparable, derrière une génération suit une autre génération pour transmettre l’enseignement, derrière le troupeau se trouvera le pasteur selon le cœur de Dieu. De 7–11 à 59–67 nous retrouvons Ephraïm, Dieu, comme. Le premier est ici rebelle (9), là rejeté (67). Ici et là Dieu doit endurer les égarements de son peuple (10 et 59). Ils se sont rebellés comme leurs pères, mais cela n’a fait que réveiller le Seigneur comme un dormeur, un brave ragaillardi par le vin. Les couples de comparaisons en 52 et 57 sont de contenus clairement opposés tout comme les unités auxquelles ils appartiennent. Sans doute ne constituent-ils que des indices un peu trop ténus pour fonder un rapport entre 52–55 et 56–57, unités qui d’ailleurs appartiennent toutes deux à la dernière partie du psaume. On dira donc plutôt, à partir de ce qui précède, que les deux unités de 1–11 appellent les deux premières de 52–72 selon une ordonnance en parallèle, et les deux dernières à la fois selon un parallèle et selon un chiasme (c’est-à-dire selon une symétrie croisée). Nous avons donc pu saisir, d’un point de vue structurel, l’ensemble des deux grandes parties en 12–72 ainsi que le rapport de l’introduction de 1–11 à chacune des deux parties 12–51 et 52–72. Girard conclut son étude structurelle (p.371) en avançant qu’elle est une première: « Jamais, à notre connaissance, on n’avait développé une radiographie aussi claire de l’ossature du texte [aussi bien l’épine dorsale de l’ensemble que les ramifications mineures]… Quoique perfectible dans le détail, notre étude fournit une base solide de données pour les recherches ultérieures. » Nous lui concédons volontiers le point pour ce qui est de « l’épine dorsale », au

Etude structurelle du psaume 78

291

prix quand même de quelques ajustements, mais plus difficilement pour ce qui est des structures partielles. A prendre en considération de façon méthodique ces dernières, nous avons peut-être non seulement mieux repérer les unités partielles et leur structure interne, mais aussi, à partir d’elles, mieux ajusté la proposition d’ensemble, globalement juste, de Girard. Aux recherches ultérieures de progresser encore dans la mise au jour de tous les agencements structurels de ce psaume, nombreux, complexes, et riches de significations.

Chapitre XI Sur toute la terre ses jugements Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104 A moins de dix ans de distance ont paru deux études structurelles du Ps 105, par nous même en 1985 1 et par Marc Girard en 1994 2. L’accord n’étant pas fait sur tous les points il convient de remettre l’ouvrage sur le métier. Nous reprendrons ici l’ensemble du parcours, quitte à marquer au fur et à mesure ce que la présente étude soit au travail de Girard et ce que nous croyons devoir laisser de sa proposition. La traduction qu’on trouvera aux pages suivantes est celle de Girard 3. Nous étudierons successivement 1–3, 4–7, 8–11 et l’ensemble 1–11, puis les deux grandes parties de 12–25 et 26–45 dont nous indiquerons alors les différentes unités. Nous en viendrons ensuite à une étude, d’un point de vue structurel, des rapports entre les Pss consécutifs 104 et 105. La première unité structurée de notre psaume se lit en 1–3. La symétrie qui la commande se présente comme ceci: 1a 1b 2a 2b 3a 3b 1

2 3

Rendez grâce* à YHWH, appelez son nom. Faites connaître chez les peuples ses actions. Chantez° pour lui, jouez° pour lui. Méditez sur toutes ses merveilles. Louez-vous de son nom très saint. (Que) se réjouisse* le cœur des (gens) cherchant YHWH!

P. Auffret, Essai sur la structure littéraire du psaume 105, BNB 3, München 1985. Ce livre comporte aussi une étude du rapport entre le Ps. 105 et les Pss. 104, 106 et 136. Nous ne reprendrons pas ici la référence aux auteurs antérieurs dont nous avons honoré les apports dans cette étude de 1985. Psaumes redécouverts III, ad loc. Nous changeons seulement, pour des raisons de lisibilité, le « pour dire » de 11a par « en disant », sens d’ailleurs relevé par Girard dans sa note de traduction. La récurrence de dire reste ainsi préservée.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

1a 1b 2a 2b 3a 3b

8a 8b 9a 9b 10a 10b 11a 11b 11c

12a 12b 13a 13b

Rendez grâce à YHWH, appelez son nom. Faites connaître chez les peuples ses actions. Chantez pour lui, jouez pour lui. Méditez sur toutes ses merveilles. Louez-vous de son nom très saint. (Que) se réjouisse le cœur des (gens) cherchant YHWH! 4a Recherchez YHWH et sa force. 4b Cherchez sa face continuellement. 5a Souvenez-vous de ses merveilles qu’il a faites, 5b de ses prodiges et des jugements de sa bouche, 6a race d’Abraham son serviteur, 6b fils de Jacob, ses choisis. 7a (C’est) lui, YHWH, notre Dieu. 7b Sur toute la terre (sont) ses jugements. Il s’est souvenu pour toujours de son alliance, – une parole (qu’)il commanda à mille génération(s), qu’il coupa avec Abraham –, et de son serment à Isaac. Il l’a maintenu pour Jacob en une Loi, pour Israël (en) alliance de toujours, en disant: « A toi je donnerai la terre de Canaan, la corde de votre héritage. »

17a 17b 18a 18b

Quand ils étaient des hommes (d’une) description comme peu (nombreux), séjournant-en-immigrants sur elle, ils allaient de nation en nation, d’un royaume à un peuple autre. 14a Il ne laissa pas un (seul) humain les opprimer; 14b il châtia à cause d’eux des rois: 15a «Ne touchez pas à mes oints, 15b à mes prophètes ne faites pas de mal!» 16a Il appela une famine sur la terre; 16b tout bâton de pain, il (l’)a brisé. Il envoya en face d’eux un homme. Pour (être) serviteur il fut vendu: Joseph. Ils humilièrent d’une entrave ses pieds; au(x) fer(s) vint sa gorge,

19b

19a jusqu’au temps (où allait) venir sa parole; le dire de YHWH le passa-au-creuset (de l’épreuve).

293

294

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

20a 20b 21a 21b 22a 22b

25a 25b

28a 28b 29a 29b 30a 30b 31a 31b 32a 32b 33a 33b 34a 34b 35a 35b 36a 36b

Il envoya un roi (qui) le délia, un dirigeant de peuples (qui) lui ouvrit (les chaînes). Il le mit seigneur sur sa maison, dirigeant sur tout son bien-acquis, pour lier ses princes à sa gorge; ses vieux (conseillers), il (les) rendra(it)-sages.

23a (C’est alors que) vint Israël (en) Egypte, 23b Jacob séjourna-en-immigrant sur la terre de Cham. 24a Il fit fructifier son peuple tout à fait 24b et le fit foisonner plus que ses adversaires. (Voilà que) changea leur cœur (assez) pour haïr son peuple. pour exploiter ses serviteurs.

26a Il envoya Moïse son serviteur, 26b Aaron qu’il s’était choisi. 27a Ils mirent en eux les paroles-gestes de ses signes 27b et prodiges, sur la terre de Cham. Il envoya la ténèbre et enténébra. Ils ne se rebellèrent pas contre ses paroles-gestes. Il changea leurs eaux en sang et fit mourir leur(s) poisson(s). Elle fourmilla, leur terre, de grenouilles, dans les appartements de leurs rois. Il dit, et vint le taon, des moustiques sur tout leur territoire. Il donna leurs pluies (en) grêle, du feu, des flammes sur leur terre. Il frappa leur vigne et leur figuier, il brisa l’arbre de leur territoire. Il dit, et vint la locuste-abondante, la sauterelle: point de description (numérique possible). Elle mangea toute l’herbe sur leur terre, elle mangea le fruit de leur humus. Il frappa tout premier-né sur leur terre, prémice(s) de toute leur force-virile. 37a Il les fit sortir avec argent et or; 37b (il n’y avait) point (d’homme), dans ses tribus, vacillant. 38a Elle se réjouit, l’Egypte, de leur sortie, 38b car elle était tombée, leur peur vis-à-vis d’eux.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

39a 39b 40a 40b 41a 41b

44a 44b 45a 45b 45c

295

Il étendit une nuée en (guise d’)abri, et un feu pour illuminer la nuit. (On) demanda, et il fit venir la caille; de pain des cieux il les rassasia. Il ouvrit le roc et elles coulèrent, les eaux; elles allèrent dans les lieux-secs (en) un fleuve. 42a Car il s’est souvenu de sa parole sainte 42b à Abraham son serviteur. 43a Il fit sortir son peuple avec allégresse, 43b avec cri (de joie) ses choisis. Il leur donna les terres des nations; du (fruit du) labeur des populations ils prirent-possession, de sorte qu’ils gardent ses lois et, son Enseignement, (qu’)ils l’observent. Louez Yah!

Ces trois premiers versets se présentent selon un chiasme à huit termes. Les centres en sont les termes de la paire stéréotypée chanter/jouer 4, à la même forme, suivie du même complément. On lit aussi aux extrêmes les termes d’une paire stéréotypée, soit s´mh./ydh 5, chacun suivi d’un complément comportant le nom de YHWH. En se rapprochant des centres on lit ensuite deux propositions avec le même complément son nom. Pour thématique qu’elle soit, la correspondance entre 1b et 2b ne fait guère de doute, l’ordre « chronologique » étant ici inversé puisque la méditation des merveilles semble plutôt devoir précéder l’annonce chez les peuples des actions 6.

4 5

6

sˇ yr/zmr selon Avishur, p.767, à l’index. Avishur pp. 236–237, ici en ordre inverse. Deux autres paires stéréotypées mettent en rapport rendre grâce et louer (hll/ydh: Avishur pp. 146.283.328) ainsi que chanter et louer (sˇyr/hll: Avishur pp. 178 et 661), chanter se lisant dans le premier des deux centres. Nous n’avons fait ici que reprendre notre proposition de 1985. Nous y relevions (p.16) le caractère particulier de 3 où il ne s’agit plus de la gloire à rendre à YHWH, mais (surtout en 3b) de la joie de ceux qui sont à sa recherche. On comprend donc que Girard ait cru devoir distinguer 3b et le rattacher à ce qui suit, mais ce rattachement n’est pas heureux: en 4 il ne s’agit plus que de la recherche de YHWH. Quant à la récurrence de chercher de 3b à 4b servant selon Girard à inclure une unité 3b–4, nous découvrirons ci-dessous sa fonction à l’intérieur non seulement de 3b–4, mais de l’ensemble 1–7. Dans sa n.2 Girard, sans donner aucune référence, relève les six termes centraux du chiasme ci-dessus au titre, écrit-il, d’« une analyse plus fine ».

296

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

La seconde unité comporte 4–7, lesquels présentent la structure suivante: 4a 4b 5a 5b

Recherchez YHWH et sa force. Cherchez sa face continuellement. + Souvenez-vous de ses merveilles qu’il a faites, de ses prodiges et des jugements de sa bouche, 6a 6b

7a 7b

race* d’Abraham son serviteur, fils* de Jacob, ses choisis.

(C’est) lui, YHWH, notre Dieu. + Sur toute la terre (sont) ses jugements.

Les deux enchaînements, parallèles entre eux, de 4 + 5 et 7a + 7b encadrent les deux interpellations parallèles de 6a et 6b. En 4 et 7a il s’agit de YHWH à rechercher et identifier, en 5 et 7b de ses merveilles, prodiges et jugements, dont il convient de se souvenir, jugements s’exerçant sur toute la terre. En 6 race et fils constituent une paire stéréotypée 7, et il n’est pas utile d’insister sur le rapport entre Abraham et Jacob 8. De 1–3 à 4–7 les rapports sont marqués par l’ordonnance en chiasme des indices suivants: 1. YHWH… les peuples* 2b. ses merveilles 3b. le cœur° cherchant YHWH 4a. YHWH 4b. cherchez sa face° 5a. ses merveilles 7. YHWH… la terre*

7 8

bn/zrc selon Avishur pp. 555.578.657. Ici encore nous ne faisons que reprendre notre proposition de 1985. A Girard (qui distingue 3b–4 et 5–7) ont échappé les rapports entre 4–5 et 7. Il tient un rapport entre 5 et 7 autour de 6, mais n’a pas perçu l’originalité de 7a en 7.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

297

Jouent ici deux paires stéréotypées, soit terre/peuples 9 et cœur/face 10. En 1 comme en 7 la perspective est universelle, qu’il s’agisse de l’action de grâce à YHWH ou de l’étendue de ses jugements. Ses merveilles sont objets de méditation (2b) et de souvenir (5a). Le chercher, cela se fait par le cœur (3b) et vise à trouver sa face même (4) 11. L’unité suivante se lit en 8–11. Elle est structurée comme le montrera le tableau que voici: 8a

Il s’est souvenu pour toujours" de son ALLIANCE°+, 8b – une PAROLE* (qu’)il commanda à mille génération(s)", 9a qu’il coupa avec Abraham –, 9b et de son SERMENT° à Isaac. 10a Il l’a maintenu pour Jacob 10b. pour Israël en une LOI+, (en) ALLIANCE°+ de toujours", 11a en disant*: 11b

11c

« A toi je donnerai la terre de Canaan, la corde de l’héritage de vous. »

8–11a est comme une longue introduction à 11bc. Etudions successivement l’un et l’autre. Les désignations de l’ALLIANCE sont portées en petites CAPITALES, les actes par lesquels elle est instaurée en lettres grasses, les noms des patriarches en grasses italiques, les désignations de durées en italiques. Les indices en exposant veulent indiquer les paires stéréotypées. Aux extrêmes de 8–11a nous lisons, s’inversant: Il s’est souvenu + pour toujours" + de son ALLIANCE et: ALLIANCE + de toujours" + en disant, le 9 10 11

’rs./ cmym selon Avishur p.278. lb/pnym selon Avishur pp. 279.308.505.522. Nous avons repris ici en l’améliorant notre proposition de 1985. Girard (p.84) a perçu que son unité 3b–4 « déborde doublement: sur ce qui précède et sur ce qui suit » avec la récurrence de ses merveilles de 2b à 5a. Mais il y a là plus que « un truc pour unifier 1–4 » et « un moyen pour assurer la transition entre 1–4 et 5–11 » (Girard p.85). En fait le débordement est encore plus large et amène à découvrir l’ensemble 1–7 tel que nous le présentons ici. Et, puisque la seconde unité, nous l’avons vu, commence à 4 et non à 5, ce n’est pas 5–11 qu’il faudra ensuite considérer comme ensemble, mais 4–11.

298

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

tout étant ainsi triplement inclus. Mais, après l’introduction de 8a, 8b–11a se présentent comme un tout soigneusement structuré 12. Retenons ici les indices: 8b 9a 9b 10a

11a

PAROLE*

commanda coupa SERMENT° maintenu LOI+, ALLIANCE°+ disant*:

à mille génération(s)", Abraham –, Isaac. Jacob 10b. Israël de toujours",

Les désignations des Pères se lisent dans les quatre lignes centrales. Les précédant et suivant, dans la dernière colonne de notre tableau nous lisons les indications de durée, toujours et génération constituant une paire stéréotypée 13. Dans les deux premières colonnes nous lisons, inversement de l’une à l’autre, pour la première 1 + 1 + 2 termes, pour la seconde 2 + 1 + 1 termes. LOI et ALLIANCE constituent une paire stéréotypée 14, mais également SERMENT et ALLIANCE 15. L’ensemble bénéficie même d’une inclusion qui lui est propre de par les correspondance entre PAROLE et disant, lesquels constituent aussi une paire stéréotypée 16. Quant à 11bc nous y lisons une petite symétrie concentrique, une fois reporté au terme (comme dans l’hébreu) le complément de la corde de l’héritage. Les deux pronoms 2ème pers. se lisent aux extrêmes, et autour du centre la correspondance entre don et héritage ne fait pas de doute. De 4–7 à 8–11 nous repérons la même séquence de se souvenir (5 et 8) + Abraham/Jacob (6 et 9–10) + terre (7 et 11). En 4–7 Abraham et Jacob sont interpellés, appelés à se souvenir des jugements de YHWH sur toute la terre, en 8–11 c’est YHWH qui se souvient d’Abraham et de Jacob et du serment qu’il leur a fait de leur donner la terre de Canaan. Nous avons donc jusqu’ici repéré trois unités, chacune possédant sa structure propre. La deuxième 4–7 se trouve en rapport tant avec la première 1–3 qu’avec la troisième 8–11. On la dira donc au centre de cet ensemble, ou pour le moins comme constituant une charnière entre 1–3 et 8–11. 12

13 14 15 16

Nous précisons ici notre proposition de 1985, découvrant même la structure de cette petite unité, qui alors nous avait échappé. Girard ne s’attarde en aucune façon sur une structure interne à 8–11. Soit cwlm/ldwr wdwr selon Avishur p.764, à l’index. h.q/bryt selon Avishur p.192. bryt/sˇ bwch selon Avishur pp. 70 et 193. dbr/’mrh et ’mr/dbr selon Avishur p.242.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

299

* * * Avec 12–25 le psaume fait un retour sur les événement compris entre l’errance en Canaan et la libération en Egypte. Nous y repérerons un triptyque où 12–18 et 20–25 encadrent le verset 19 17. Considérons successivement 12–18, 19, 20–25, puis l’ensemble 18. En 12–18 nous découvrons un chiasme dont les centres se lisent en 15. Présentons-le comme ceci: 12a 12b

Quand ils étaient des hommes (d’une) description comme peu (nombreux), séjournant-en-immigrants sur elle, 13a 13b 14a 14b

ils allaient de nation* en nation*, d’un royaume à un peuple° autre. + Il ne laissa pas un (seul) humain+ les opprimer; il châtia à cause d’eux des rois: 15a 15b

16a 16b 17a 17b 18a 18b

17

18

« Ne touchez pas à mes oints, à mes prophètes ne faites pas de mal! »

Il appela une famine sur la terre*°; tout bâton de pain, il (l’)a brisé. + Il envoya en face d’eux un homme+. Pour (être) serviteur il fut vendu: Joseph.

Ils humilièrent d’une entrave ses pieds; au(x) fer(s) vint sa gorge,

Comme en 1985 et avec Girard nous rapportons le suffixe de 19a à YHWH. C’est décidément de sa parole qu’il s’agit, ce que confirme tant la structure interne de 12–25 que leur rapport à 1–11 et 26–45, comme on le verra ci-dessous. Nous reprenons ici à frais nouveaux l’étude de la structure de 12–25. En 1985 nous avions ignoré la structure de 12–18 et 20–25, en venant trop vite à l’ensemble 12–25. C’est aussi ce que fait Girard, n’en venant qu’ensuite, selon son habitude, aux structures de 12–19 (premier volet selon lui) et 20–25, sur quoi nous revenons ci-dessous au terme de notre étude de l’ensemble 12–25.

300

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

Aux extrêmes, en 12 et 18, nous voyons s’aggraver en quelque sorte la situation: simples immigrants en 12, le peuple voit un de ses membres éminents mis en prison en 18 19. On pourrait aussi, en prenant en compte le verbe initial de 13 voir s’opposer avec un humour un peu sombre les allées et venues (hlk est au hitpaël en 13) et l’entrée (bw’) de l’ancêtre… en prison! Le chiasme central en 15 se perçoit sans peine. Autour de 15 se répondent en parallèle les enchaînements de 13 + 14 et 16 + 17. De 13 à 16 joue la répartition des termes des deux paires stéréotypées que terre constitue tant avec nation qu’avec peuple 20. En 14 et 17 sont répartis les termes de la paire stéréotypée humain/homme 21. Quand ils erraient de nation en nation, Dieu ne laissa personne les opprimer, pas même des rois; et quand survint la famine sur la terre, il envoya en face d’eux un homme, vendu comme serviteur, ce qui à première vue n’était qu’une situation aggravée (et qui ne fera qu’empirer en 18). Le v.19 comporte en son centre les termes de la paire stéréotypée déjà repérée plus haut (voir notre n.16), lesquels sont à rapporter tous deux à YHWH comme le montrera la position structurelle de 19 dans l’ensemble 12–25. On peut d’ailleurs étendre la portée de la donnée initiale jusqu’au terme du verset et comprendre: 19a 19b

jusqu’au temps (où allait) venir sa parole*, (où) le dire* de YHWH le passa-au-creuset (de l’épreuve).

Ainsi la parole est pleinement identifiée en 19b où également sa venue montre son utilité: mise à l’épreuve de Joseph. En 20–25 nous découvrons un parallèle entourant 23, comme ceci:

19

20 21

Les deux verbes séjourner-en-immigrant (gwr: 12) et venir (bw’: 18) se lisent en parallèle au v.23. A prendre en considération le tout de chacun de ces deux versets, on pourrait dire qu’il est question ici et là d’un statut peu enviable (immigrant et prisonnier). Soit ’rs./gwy et ’rs. cm(ym) selon Avishur p.278. ’dm/’ysˇ selon Avishur pp. 58. 266–267.269.641.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

20a 20b 21a 21b 22a 22b

Il envoya un roi (qui) le délia, un dirigeant de PEUPLES (qui) lui ouvrit (les chaînes). Il le mit seigneur sur sa maison*, dirigeant sur tout son bien-acquis, + pour lier ses princes+ à sa gorge°; ses vieux (conseillers), il (les) rendra(it)-sages". 23a 23b

24a 24b 25a 25b

301

(C’est alors que) vint Israël (en) Egypte (ms.ryw), Jacob séjourna-en-immigrant sur la terre* de Cham.

Il fit fructifier SON PEUPLE tout à fait et le fit foisonner plus que ses adversaires (ms.ryw). + (Voilà que) changea leur cœur°" (assez) pour haïr SON PEUPLE. pour exploiter ses serviteurs+.

En 23 les correspondances respectent le schéma abc/b’a’c’. Il se trouve que ce verset est en rapport tant avec 20–21 (première unité de 20–22) qu’avec 24 (première unité de 24–25). On lit en effet en 21 et 23b les termes de la paire stéréotypée terre/maison 22: sur la terre de Cham Joseph acquiert un statut enviable dans la maison de son maître. Du terme de 23a au terme de 24b nous découvrons un jeu de mots (signalé entre parenthèses sur notre tableau 23) entre Egypte et plus que ses adversaires: venu en Egypte, Israël prospère plus que ses adversaires (les égyptiens précisément). De 20–21 à 24 joue la récurrence de PEUPLE: Joseph fait fructifier son peuple plus que celui du dirigeant des peuples. Les indices de rapports entre 22 et 25 sont assez nombreux. On voit s’y opposer la gorge de Joseph et le cœur des adversaires, deux termes d’une paire stéréotypée 24. Notons encore la répartition ici et là des termes de la paire stéréotypée prince/serviteur 25. On voit alors que si Joseph dispose comme il l’entend des princes d’Egypte, par contre le cœur des adversaires se retourne contre les serviteurs de Dieu. La paire stéréotypée sage/coeur 26 invite à considérer ce qui est arrivé

22 23

24 25 26

’rs. /byt selon Avishur p.66. Ledit jeu de mots se lit aussi en Ps 136, 10 et 24, avec un effet d’inclusion. Voir notre « Note sur la structure littéraire du Psaume 136 », VT 27 (1977) 1–12, p.10, et aussi « Rendez grâce au Seigneur! Etude structurelle du Psaume 136 », BN 86 (1997) 7–13, p.12. lb/npsˇ selon Avishur p.761, à l’index. s´r/cbd selon Avishur p.657. h.km/lb selon Avishur p.281.

302

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

au cœur de ceux qui pourtant avaient été rendus sages. A lui seul le volet 20–22 semble présenter une certaine structure. On y lit en effet: envoya

ROI*°+ DIRIGEANT*

mit

seigneur° dirigeant* lier

princes+# sages#

Nous avons mis en caractères gras les verbes indiquant la poursuite de son projet par celui qui est appelé ROI et DIRIGEANT, deux termes formant une paire stéréotypée 27. Mais par ailleurs ce même roi fait de Joseph un seigneur et un dirigeant, deux termes formant chacun une paire stéréotypée avec ROI 28. Enfin ce seigneur et dirigeant reçoit à son tour pouvoir sur les princes dont il va faire des sages, deux termes formant paire stéréotypée 29 et dont le premier (comme seigneur) forme une paire stéréotypée avec ROI 30. Notons enfin les rapports entre premier et dernier verset de cet ensemble. Un petit tableau y aidera: 20

25

Roi dirigeant ------haïr exploiter

(–) (–) (–) (–)

délia ouvrit -----son peuple ses serviteurs

(+) (+) (+) (+)

Les personnes se lisent avant les actions en 20, après en 25, ce qui manifeste une certaine ordonnance en chiasme où jouent les oppositions entre roi/dirigeant (de peuples) et son peuple/ses serviteurs et surtout entre délier/ouvrir et haïr/exploiter. Par contre ici et là nous avons d’abord sous les yeux les adversaires (roi/dirigeant, chef de ceux qui se mettront à haïr/exploiter), puis le peuple choisi (l’homme bénéficiaire de délia/ouvrit étant un chef de son peuple/ses serviteurs). Considérons maintenant l’ensemble des trois volets en 12–25. La structure en est complexe et manifeste l’ordonnance de nombreux rap-

27 28 29 30

Soit mlk/msˇl selon Avishur pp. 289 et 635. Le second comme nous venons de le voir à la note précédente et pour le premier mlk/’dn selon Avishur pp. 383–384. Soit h.km/s´ rr d’après Avishur p.281. Soit mlk/s´ rr selon Avishur p.762, à l’index.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

303

ports 31. Nous commencerons par en présenter les indices dans le tableau suivant: 12–13

Royaume Peuple

peuple

Peuple

Immigrant Peuple

Description+

14–16

Terre

Rois/tout Terre*º

Terre

Mal*

Rois/tout Terre*º

17–18

Serviteur Gorge*

Envoya Gorge Serviteur*

19a

Vint

Serviteur Gorge*

Parole

19b

venir +

Dire

Dire

Envoya Gorge Princes*

Rois/tout Peuples* Maisonº

20–22

Roi Peuples

Roi/tout Peuples* Maisonº

23–24

Terre

Son peuple Terre

25

Serviteur Cœur*

Son peuple

Immigrant Son peuple Haïr*

Vint

Vint

Serviteurs Cœur*

Ce tableau se lit deux par deux colonnes. Les lettres droites sont les indices de parallèles, les italiques les indices de chiasmes. Les indices en exposant veulent rappeler les paires stéréotypées déjà repérées ci-dessus, à l’exception de celles entre mal et haïr (quatrième colonne) 32 et entre décrire et dire (cinquième colonne) 33. Ainsi dans la première colonne (une fois omise celle des références) nous lisons, autour de 19, un parallèle entre 12–18 et

31

32 33

Girard (pp. 88–89) y voit un parallèle entre 12–16 (roi [2f.], peuple) + 17–19 (serviteur, venir [2f.]) et 20–22 (roi, peuples, [dirigeant 2f.]) + 23–25 (serviteur, venir, [son peuple 2 f.]), un terme se trouvant répété à l’intérieur de chacune de ces unités. Mais c’est ignorer la place centrale de 19 et laisser pour compte nombre de récurrences, lesquelles nous prenons ci-dessous en considération (immigrant, terre, envoyer, tout, et plusieurs paires stéréotypées). Dans notre proposition de 1985, même si notre relevé des indices était plus complet que celui dont Girard se contentera par la suite, nous n’avions pas saisi toute la complexité des rapports telle que nous tentons de la présentons ci-dessous. s´ n’h/rc d’après Avishur pp. 463 et 461. ’mr/spr selon Avishur p.635.

304

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

20–22; mais, dans la deuxième colonne, un chiasme entre 12–16 et 20–24 (entre les deux premières unités ici et là). Dans la troisième colonne un chiasme couvre l’ensemble (de quatre et quatre unités), tandis que dans la quatrième un parallèle commande les rapports entre 12–16 et 23–25 (entre les deux premières unités et les deux dernières). Dans la cinquième colonne nous pouvons voir un parallèle entre 12–18 et 19b–24, mais dans la sixième un chiasme entre 17–19a et 23–25. Ce sont évidemment les troisième et première colonnes, couvrant l’ensemble des unités ordonnées autour du centre 19, qui doivent retenir en priorité notre attention. La troisième manifeste donc un chiasme couvrant l’ensemble 12–25. En 12–13 ils errent d’un royaume à un peuple différent, en 25 eux qui sont son peuple sont l’objet de la haine de leurs adversaires. Alors qu’en 14–16 la terre est touchée par la famine, en 23–24 Israël s’en vient sur la terre pour y foisonner. A l’envoi de Joseph comme serviteur, aventure qui commence pour lui par sa gorge mise aux fers (17–18), répond l’envoi par lequel le roi l’élargit, lui donnant pouvoir sur ses princes désormais dépendants de sa gorge (20–22). Telle est l’œuvre de la parole (19a) et du dire (19a) de YHWH. Accompagnant pour ainsi dire les deux premiers et deux derniers termes de ce chiasme nous avons donc relevé un certain parallèle de 12–16 à 23–25. Immigrant d’un royaume à un autre peuple, Israël est cependant protégé par YHWH du mal que des rois voudraient lui faire (14–16); et quand il en vient à immigrer en Egypte, YHWH fait croître son peuple de si belle façon (23–24) que ce dernier n’a pas à s’inquiéter quand ses adversaires se mettent à le haïr (25). Dans la première colonne les indices nous font découvrir une ordonnance en parallèle de 12–18 et 20–25 autour de 19. En 12–13, errant d’un royaume à un autre peuple, Israël n’est nulle part bien accueilli. Le vent a tourné en 20–22 quand un roi, dirigeant de peuples envoie élargir Joseph pour lui donner pouvoir en sa maison. Nous avons déjà examiné ci-dessus le rapport entre 14–16 et 23–24. De 17–18 à 25 le vent a encore tourné, mais cette fois en sens inverse: le serviteur Joseph a les grands dépendants de sa gorge en 17–18, mais en 25 le changement au cœur des adversaires d’Israël n’augure rien de bon pour les serviteurs de YHWH. Conjointement nous avons repéré dans notre deuxième colonne un chiasme entre les deux premières unités ici et là de notre parallèle. De 12–13 à 23–24 nous passons de l’errance d’Israël d’un royaume à un autre peuple à sa présentation comme peuple de YHWH rendu par lui prospère. En 14–16 nous voyons les rois surveillés et la terre touchée par la famine de sorte que tout bâton de pain est brisé, le céder en 20–22 à ce roi dirigeant de peuples établissant Joseph sur sa maison et tout son bien. Dans nos deux dernières colonnes nous voyons le parallèle entre 12–18 et 19b–24 comme relayé par le chiasme entre 17–19a et 23–25. Examinons donc d’abord ledit parallèle. De 12–13 à 19b l’opposition est sensible entre cette description qu’on peut facilement faire de ce peuple si peu nombreux

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

305

et le dire de YHWH qui commande les événements. Nous avons examiné ci-dessus les rapports entre 14–16 et 20–22. L’opposition à partir de vint en (17–)18 et 23(–24) est manifeste, venue ici dans les fers, là sur la terre de Cham pour y connaître croissance et prospérité. Quant au chiasme, il se joue d’abord sur l’opposition examinée ci-dessus entre 17–18 et 25, puis sur la correspondance entre deux venues: celle du moment où intervient la parole de YHWH et celle d’Israël sur cette terre où l’attend la prospérité. Ainsi cet ensemble 12–25 est-il soigneusement structuré de telle sorte qu’on ne puisse entendre pleinement chacune de ses unités que dans ses rapports à d’autres selon les différents agencements structurels que nous venons de repérer. En ressort en particulier l’importance de 19. C’est la parole de YHWH qui suscite tous les événements, tant directement pour Israël qu’indirectement par la médiation des autres peuples. * * * Nous pouvons maintenant considérer le dernier ensemble de notre psaume, soit 26–45. Il n’est pas de structure bien remarquable en 26 (abc/b’c’) et 27 (abc/c’b’) 34, même si le choix et l’action de Moïse les constituent en unité. Mais avec 28–36 nous arrivons à un ensemble qui mérite de retenir plus longuement notre attention. Nous le transcrivons ci-dessous avec des systèmes typographiques qui nous permettront d’exposer commodément les différentes structures 35.

34

35

Si toutefois on comprend bm des égyptiens, et non de Moïse et Aaron comme l’entendent certaines versions qui par ailleurs mettent le verbe au singulier (avec pour sujet YHWH). C’est là harmoniser 27 avec ce qui le précède et le suit où YHWH est sujet, mais à ce prix on raye Moïse et Aaron comme acteurs, collaborateurs de YHWH, et le changement de sujets si significatif de 27 à 28ss. Girard (p.91) voit en 26–28 « un mini-diptyque plus qu’évident » (envoya + paroles // envoya + paroles), reconnaissant cependant à ces récurrences « un rôle plus formel que sémantique: peu de rapport, en effet, entre Moïse et Aaron et la ténèbre envoyée ». Ne s’agirait-il donc pas plutôt d’articuler 26–27 à l’ensemble 28ss? Dans notre essai de 1985 nous nous en sommes tenu à des considérations encore trop thématiques, et pour comble de malheur inaccessibles au lecteur à cause de l’omission à l’édition de deux pages, dont la première contenait le code, soit e = calamités provoquées par les éléments, n = invasion d’animaux en nombre, V = mort d’êtres vivants, v = ravages de la végétation. Même si cette classification nous paraît encore digne d’intérêt, nous l’abandonnons ici pour nous en tenir à des critères plus strictement littéraires et mieux appropriés à l’analyse structurelle. Sur la proposition de Girard nous revenons ci-dessous selon le déroulement de l’analyse.

306

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

28a 28b 29a 29b 30a 30b

Il envoya la ténèbre et enténébra. Ils ne se rebellèrent pas contre ses PAROLES-GESTES*. Il changea leurs EAUX+ en sang et fit mourir leur(s) poisson(s). Elle fourmilla, leur TERRE°, de grenouilles, dans les appartements de leurs rois.

31a 31b 32a 32b 33a 33b

IL DIT*, et vint le taon, des moustiques sur tout leur territoire°. Il donna leurs pluies (en) grêle, du FEU+, des flammes sur leur terre°. Il frappa leur vigne et leur figuier, il brisa l’arbre de leur TERRITOIRE°.

34a 34b 35a 35b 36a 36b

Il dit*, et vint la locuste-abondante, la sauterelle : point de description (numérique possible). Elle mangea toute l’herbe sur leur terre°, elle mangea le fruit de leur humus. Il frappa tout premier-né sur leur terre°, prémice(s) de toute leur force-virile

Considérons tout d’abord les rapports entre les trois premiers versets et les trois centraux, puis entre les trois centraux et les trois derniers. Il s’agit ici et là de parallèles, et d’abord, de 28–30 à 31–33, à partir des termes (mis ci-dessus en petites CAPITALES) de paires stéréotypées. On lit en effet PAROLE en 28 et DIRE en 31, paire déjà relevée ci-dessus, puis EAUX en 29 et FEU en 32, autre paire stéréotypée 36, et enfin TERRE en 30 et TERRITOIRE en 33, dernière paire stéréotypée37. Sa parole est irrésistible, capable de déchaîner tant les eaux que le feu, d’envahir la terre de grenouilles ou de la priver de sa végétation. De 31–33 à 34–36 on lit successivement (soulignés ici et là) la même formule initiale en 31 et 34, puis sur leur terre en 32 et 35, et enfin il frappa en 33 et 36, le premier suivi par territoire, le second par terre, dont nous venons de voir qu’ils constituent une paire stéréotypée. Son dire atteint la terre par des moyens plus terribles les uns que les autres, et quand il frappe tant la végétation de leur territoire que les premiers-nés de leur terre sont exterminés. La place centrale de 32 se perçoit d’abord en 31–33 où se lit territoire au terme tant de 31 (en italiques) que de 33, mais aussi dans un rapport marqué avec les extrêmes de notre ensemble: on lit en 32 et 28 les termes de la paire stéréotypée donner/envoyer 38, et de 32 à 36 37 38

’sˇ /mym selon Avishur pp. 483–484 et 495. ’rs. /gbwl selon Avishur pp. 183 et 278. ntn/sˇ lh. selon Avishur pp. 10.542–543.577.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

307

36 nous retrouvons sur leur terre. C’est le même qui envoie la ténèbre et transforme la pluie en grêle, qui envoie la foudre sur leur terre et y frappe tout premier-né 39. Bien que situés d’un point de vue différent, celui d’Israël et celui de l’Egypte, 37 et 38 présentent entre eux un certain parallèle 40. On y lit en effet en 37a et 38a le verbe sortir au sujet des mêmes, puis en 37b et 38b les termes de la paire stéréotypée vaciller/tomber 41: lorsqu’Israël sortit d’Egypte, alors qu’en Israël pas un ne vacillait, la peur, elle, était tombée sur l’Egypte. L’unité suivante se lit en 39–41, structurée comme le montrera le tableau suivant: 39a 39b 40a

40b

41a 41b

Il étendit une nuée en (guise d’)abri, et un feu° pour illuminer la nuit. ----(On) demanda, et il fit venir la caille; de pain des cieux il les rassasia. ----Il ouvrit le roc et elles coulèrent, les eaux°*; elles allèrent dans les lieux-secs (en) un fleuve*.

On repère une action de Dieu au début de 39 comme de 41, mais, après la demande initiale, deux actions de Dieu aux extrêmes de 40. En 40 elles encadrent les deux dons des cailles et de la manne et constituent ainsi avec eux un chiasme. Après l’action de Dieu on lit en 39 un parallèle (à chaque 39

40

41

Girard (p.91) voit un parallèle entre 30–31 (il dit, et vint) + 32–33 (sur leur terre… il frappa) et 34 + 35–36. Mais la série des plaies commence bel et bien en 29, et 28 en est l’introduction. La proposition de Girard ne vaut que pour 31–36 et ampute l’ensemble de sa première unité. A partir de 37 Girard (p.93) renonce à la distinction de petites unités structurées. Il distingue en 26–45 deux volets 26–36 et 37–45, mais sans s’attarder à étudier structurellement le second (pour lui-même ou pour les unités le composant). Le lecteur verra bientôt pourquoi les indices donnés par le texte amènent à distinguer 26–38 et 39–41, volets composés chacun de trois unités. En 1985 nous distinguions en 39–45: 39–41 (ce que nous maintenons), 42 et 43–45 (ce que nous abandonnons pour une distinction 42–43/44–45, justifiée ci-dessous). ksˇ l/npl d’après Avishur p.268.

308

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

fois: ce qui est donné, puis sa fonction), et en 41 une construction du type abc/b’a’c’, soit un parallèle si l’on retient comme plus étroits les rapports bc // b’c’. En 39 et 41 se lisent les termes de la paire stéréotypée feu/eaux 42, le Seigneur étant maître de l’un comme des autres. La nuée et le feu se situent en haut, les eaux 43 en bas, et la nourriture dont il est question dans le verset central vient d’en haut vers le bas. Secondairement on notera aussi que si la nuée sert le jour (même si cette dernière précision n’est pas explicitement donnée) et le feu la nuit selon 39, en 40 il est question de rassasier et en 41 de désaltérer (même si cette précision n’est pas explicitement donnée). En 42–43 nous découvrons d’abord un certain parallèle: il s’est souvenu… Abraham son serviteur // il fit sortir son peuple, mais surtout en 43 un chiasme limpide après le verbe initial: son peuple + avec allégresse / avec cri (de joie) + ses choisis. En 44 comme en 45 nous percevons sans peine un chiasme: donna + terre des nations / labeur des populations + prirent possession; gardent + ses lois / son Enseignement + observent. La chose paraît ici d’autant plus assurée pour peu qu’on se souvienne des paires stéréotypées garder/observer 44 et loi/enseignement 45. Sur l’invitation finale de 45 (alleluia) nous reviendrons ci-dessous. Nous pouvons maintenant tenter de percevoir la structure de l’ensemble 26–45. Nous sommes ici devant deux groupes de trois unités agencés, comme nous allons le montrer, de la façon que fera voir le schéma suivant:

42–43

44–45



39–41



37–38 ▼

28–36 ▼

26–27

Autrement dit les unités extrêmes de 26–38 confluent en 42–43, centre de 39–45, et les unités extrêmes de 39–41 se trouvent en rapport avec l’unité centrale 28–36 de 26–38. Nous aurons à considérer quels agencements structurels jouent à l’intérieur de 26–38, puis de 39–45. En 26a et 42 nous trouvons mentionnés des serviteurs de YHWH, soit Moïse et Abraham, mis en parallèle en 26b avec Aaron qu’il s’était choisi, et en 43 avec ses choisis. On lit encore en 27 et 42 parole(s) ici et là rapportée à YHWH, ici comme des ordres donnés à Moïse et Aaron, là cette promesse faite autrefois à Abraham. En 37 et 43 nous est dit que YHWH fait sortir son peuple, 42 43 44 45

’sˇ /mym selon Avishur pp. 483–484 et 495. Qui forment avec fleuve la paire stéréotypée mym/nhr selon Avishur pp. 28.184.507–508. sˇ mr/ns.r d’après Avishur pp. 68.328.453.461. h.qh/twrh selon Avishur p.161.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

309

l’Egypte s’en réjouissant en 38, mais le peuple lui-même selon 43 sortant dans l’allégresse et les cris de joie, cette dernière expression constituant une paire stéréotypée avec se réjouir 46. Inversement nous voyons 28–36 recevoir quelques échos aux extrêmes de 39–45. Les eaux sont changées en sang en 29, mais elles coulent en 41 pour désaltérer. Le feu détruit en 32, éclaire en 39, deux actions ici aussi de sens opposé. On voit venir le taon en 31 et la locuste en 34, pour détruire, mais les cailles en 40, elles pour nourrir. En tenant compte de la paire stéréotypée cieux/terre 47, on verra encore s’opposer tous les malheurs qui surviennent sur la terre d’Egypte selon 30.32.35.36, et cette manne qui tombe du ciel selon 40. De même la paire stéréotypée manger/rassasier 48 nous amène à opposer plus précisément ces sauterelles qui selon 35 mangent toute herbe et tout fruit en terre d’Egypte et ce pain des cieux dont YHWH rassasia les siens selon 40. De 28–36 à 44–45 les récurrences sont plus rares, mais pourtant significatives. Ce sont celles de donner (32 et 44) et terre (30.32.35.36 et 44). Ce que YHWH donne aux égyptiens, c’est la grêle et la foudre en leur terre, ce qu’il donne aux siens, ce sont les terres des nations. Un tel dispositif montre du même coup que tant 26–36 et 39–43 que 28–38 et 42–45 ont leurs unités ordonnées entre elles selon un chiasme. Par ailleurs tant les trois unités de 26–38 que les trois de 39–45 méritent d’être considérées pour elles-mêmes. En (26–)27 et (37–)38 nous lisons respectivement chacun des deux noms d’Egypte et Cham qui désignent le même pays. Par ailleurs dire se lit tant en 27 qu’en 28(–36) et point de (’yn) en 34 comme en 37, alors qu’en 33 et 38 se trouvent répartis les termes de la paire stéréotypée tomber/briser 49. Les prodiges produits sur la terre de Cham ont fini par semer la terreur en Egypte. Par ailleurs les paroles(-gestes) réalisées n’ont rencontré que pour un temps la rébellion. YHWH a brisé les arbres de l’Egypte et accumulé contre elle tant de prodiges que sur elle est tombée la terreur. Et si les sauterelles, qui dévorent les récoltes d’Egypte, sont impossibles à compter, lors de la sortie d’Israël il est impossible de trouver un seul israélite qui vacille. En 38–45 on lit au extrêmes les cieux (40) et les terres des païens (44), constituant la paire relevée ci-dessus (notre n.47), deux lieux d’où proviennent de précieux dons pour Israël, soit la manne, soit le fruit du labeur des païens. De 41 à 43 comme de 42 à 45 jouent les termes de deux paires stéréotypées. On lit en effet dans les premiers elles (les eaux) allèrent et il fit sortir (son peuple), deux verbes formant une paire stéréotypée 50, et dans les deux autres il (YHWH) s’est souvenu et qu’ils (ceux d’Israël) gardent, les deux verbes ici aussi formant 46 47 48 49 50

rnn/s´ mh. selon Avishur pp. 100.204.234.287.654. sˇ mym/’rs. selon Avishur p.767, à l’index. ’kl/s´ bc selon Avishur pp. 302.470.493.659. npl/sˇ br selon Avishur p.233. ys.’/hlk selon Avishur p.309.

310

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

une paire stéréotypée 51. C’est le même YHWH qui permet que les eaux coulent pour les siens et qu’ils puissent eux-mêmes sortir d’Egypte; et puisqu’il leur a ainsi montré comme est vivant et efficace le souvenir de sa parole en leur faveur, il leur revient en retour de garder ses lois. En 43 et 44 nous voyons encore répartis les termes de la paire stéréotypée peuple/ populations 52: il fait sortir son peuple pour qu’il prenne possession du fruit du labeur des populations. On voit donc les rapports entre 42–43 et 44–45 commandés par un certain chiasme où aux extrêmes se souvenir appelle garder, tandis qu’aux centres peuple appelle populations. Il existe encore des indices de rapports en chiasme entre les unités extrêmes de 26–38 et 39–45. On voit en effet répartis en 26(–27) et 44(–45) les termes de la paire stéréotypée envoyer et donner 53 et en 37 et 40 ceux de la paire venir/sortir 54. L’envoi de Moïse et Aaron aboutit au don des terres des païens. L’acte par lequel il fit venir les cailles dans le désert était comme la suite de celui par lequel il avait fait sortir son peuple d’Egypte. Nous avons donc en 26–45 un ensemble très soigneusement structuré où se jouent des rapports soigneusement situés et significatifs 55. * * * Nous voilà à même d’étudier la structure d’ensemble de notre psaume. Nous commencerons par les rapports entre 12–25 et 26–45, pour en venir ensuite aux rapports entre 1–11 et 12–25, et enfin 1–11 et 26–45. Commençons donc par examiner les rapports entre 12–25 et 26–45. Rappelons ici pour la commodité du lecteur les différentes unités dans chacune des deux parties considérées 56, en indiquant déjà quelques récurrences dans leur position clé sur l’ensemble:

51 52 53 54 55

56

zkr/sˇ mr selon Avishur p.656. c m/l’m selon Avishur p.305. s´ ym/ntn selon Avishur pp. 640–641 et 654. bw’/ys.’ selon Avishur pp. 217 et 315. La proposition par Girard (pp. 89ss) d’un large chiasme 26–28 + 29 + 30–36 / 37–40 + 41 + 42–45b se fonde sur des unités déterminées de manière arbitraire, sans avoir pris soin de rechercher d’abord leur propre structure, leur autonomie structurelle. Les récurrences jouent toujours à partir du contexte où elles se trouvent situées, soit le contexte d’unités qui elles-mêmes présentent le plus souvent une structure qu’il importe de respecter quand on veut exploiter lesdites récurrences à l’intérieur d’ensembles structurés plus vastes. Nous nous efforçons donc non seulement de tenir compte des récurrences, mais aussi de les inscrire dans les unités auxquelles elles appartiennent. Quand Girard en vient à la structure d’ensemble il décroche trop facilement, nous semble-t-il, des unités telles qu’il les a déterminées précédemment. Il propose en effet (pp. 94ss) de voir en 5–45b un large chiasme à six termes: B (5–11) + C (12–16) + D (17–25) / D (26–29) + C (30–41) + B (42–45b). Nous revenons

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104



(il envoya) ▼

(ses serviteurs)

26–27 28–36 37–38 – 39–41 42–43 44–45

(son serviteur / il envoya) ▼

(nation / ils allaient)



12–13 14–16 17–18 19 20–22 23–24 25

311

(elles allèrent) (nations)

Nous voyons déjà que les récurrences portées en caractères gras se lisent en ordre inverse aux extrêmes de chaque partie, et celles portées en italiques, également en ordre inverse, au début de chacun des volets extrêmes ici et là. Se jouent ainsi certaines correspondances et oppositions. Les nations sont inhospitalières en 12–13, mais elles doivent céder leurs terres en 44–45, Les serviteurs sont à l’épreuve en 25, mais envoyés pour rétablir la situation en 26–27. Il allaient sans pouvoir se fixer en 12–13, mais en 38–41 les eaux allèrent en plein désert pour les désaltérer. Nous pouvons ici ajouter (ce que nous n’avons pas fait sur notre tableau pour en préserver la lisibilité) la récurrence du verbe mettre de 21 à 27: le roi mit Joseph seigneur sur sa maison, et Moïse et Aaron mirent en Egypte les paroles-gestes de Dieu, Joseph, puis Moïse et Aaron étant donc ici et là investis d’un pouvoir. En 20–22 un roi est envoyé par Dieu pour libérer Joseph, en 26–27 Dieu envoit à son tour cette fois son propre serviteur Moïse. Mais allons plus avant en considérant tout d’abord le parallèle entre les trois premières et les trois dernières unités de chacune des deux parties. De 12–13 à 26–27 nous voyons répartis les termes des paires stéréotypées terre/nation et terre/peuple 57, ainsi que la même proposition b avec suffixe désignant soit la terre de Canaan (cf 11), soit les égyptiens. En terre de Canaan ils ne jouissent que du statut d’immigrants, mais en terre de Cham ont lieu ces signes et prodiges qui vont leur permettre d’en sortir. De 14–16 à 28–36 nous retrouvons roi, terre, briser, et nous voyons répartis ici et là

57

ci-dessous sur la correspondance entre 5–11 et 42–45b, mais au titre des rapports entre 1–11 et 26–45. Quant à D en 17–25 il cumule ce que Girard voyait comme les deux unités centrales (17–19 et 20–22) et la dernière unité (23–25, correspondant à 12–16) en 12–25, tandis que D en 26–29 cumule les deux premières unités (26–28 et 29, toujours selon Girard), et C en 30–41 les quatre dernières unités du chiasme à six termes couvrant selon Girard 26–45. Avant d’en venir à un tel décrochage, il faut au moins examiner si la structure d’ensemble ne peut se découvrir en respectant les unités et leurs agencements réciproques telle que les a déterminés une première étape de l’analyse. Or c’est ici chose possible et payante, comme nous tentons de le montrer. ’rs. /gwy et ’rs. /cm selon Avishur p.278.

312

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

les termes de la paire stéréotypée dire/appeler 58. Les rois sont châtiés en 14 et en 30 ils voient les grenouilles pénétrer jusqu’en leur appartement. C’est la famine qui afflige la terre en 16, mais la terre d’Egypte connaît encore bien d’autres épreuves selon 30.32.35.36. En 16 est brisé tout bâton de pain, en 33 ce sont les arbres d’Egypte. C’est YHWH qui appelle la famine en 16, et ce sont ses paroles qui sont exécutées en 28(–36). En 17–18 et 37–38 nous voyons répartis les termes de la paire stéréotypée venir/sortir 59: la gorge de Joseph est comme entrée dans les fers selon 18, mais en 37 et 38 Israël opère une sortie triomphale. Nous reviendrons sur 19 ci-dessous. De 20–22 à 39–41 nous retrouvons ouvrir: YHWH envoit un roi ouvrir à Joseph emprisonné en 20, et en 41 YHWH lui-même ouvre le roc pour qu’en coulent les eaux pour son peuple assoiffé. De 23–24 à 42–43 nous retrouvons son peuple, et nous y voyons répartis encore une fois les termes de la paire venir/sortir: ici son peuple, une fois venu en Egypte, y prospère, et là il en sort dans la jubilation. En 25 et 44–45 nous voyons répartis les termes des paires stéréotypées déjà rencontrées ci-dessus peuple/nation et peuple/population. Ici le peuple est haï par l’Egypte, là il bénéficie des biens des nations et populations. Quant à 19 (au centre de 12–25), relevons ses rapports tant avec 28–36 (au centre de 26–38) qu’avec 42–43 (au centre de 39–45). On trouve dans ces trois unités parole, ainsi que dire en 19 et 28–36. En 19 parole et dire de YHWH interviennent pour retourner la situation de Joseph, en 28.31.34 ils infligent à l’Egypte un dur traitement. En 42 le psalmiste reconnaît que tout s’est joué à partir de la fidélité de Dieu à sa propre parole. En 19 et 43 nous retrouvons la paire stéréotypée venir/sortir: une fois la parole divine venue, elle s’avère au terme capable de faire sortir le peuple de la servitude d’Egypte. Mais ce parallèle et les rapports entre centres sont loin d’épuiser tous les indices de rapports structurellement situés de 12–25 à 26–45. Commençons par montrer comment, après et avant les rapports entre unités extrêmes montrés ci-dessus (à partir de nation et de serviteur), les tandems d’unités en 14–18, 20–24, 28–38 et 39–43 s’appellent en chiasme, les deux unités concernées respectant entre elles à chaque fois un ordre parallèle. Ainsi 14–16 + 17–18 appellent 39–41 + 42–43. On lit en effet pain en 16 comme en 40: ici il manque cruellement lors de la famine, là il est le pain des cieux eux-mêmes. En (17–)18 et (42–)43 nous retrouvons encore une fois répartis les termes de la paire venir/sortir: la gorge rentre dans les fers, mais le peuple sort de la servitude avec des cris de joie. De même 20–22 + 23–24 appellent 28–36 + 37–38. On lit en 20(–22) comme en 28(–36) envoyer, et en 20 comme en 30 roi. C’est le même qui envoie un roi libérer Joseph pour sauver Israël et les ténèbres pour vaincre ses ennemis, par

58 59

dbr/qr’ selon Avishur pp. 120 et 309. bw’/ys.’ selon Avishur pp. 217 et 315.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

313

exemple en faisant envahir les appartements des rois. On retrouve encore en 23(–24) et 37–38 les termes de la paire venir/sortir: Israël vint en Egypte pour y séjourner, mais au terme Dieu l’en fit sortir de telle façon que l’Egypte ne put que se réjouir de leur sortie. Nous pouvons encore comparer entre elles les unités centrales de 12–18 (soit 14–16) et 20–25 (soit 23–24) et celles de 26–38 (soit 28–36) et de 39–45 (soit 42–43), ce qui nous amènera à constater entre elles des correspondances disposées en chiasme. On lit en effet en (14–)16 et 42(–43) les termes de la paire stéréotypée parler/appeler (voir notre n.58), puis en (23–)24 comme en 35 (de 28–36) fructifier/fruit: Dieu appelle la famine sur la terre pour affliger l’Egypte, mais en faveur de son peuple il se souvient de sa parole; s’il fait fructifier son peuple en Egypte, il prive par contre cette dernière du fruit de sa récolte. Située en tête de la dernière partie, en 26–27, la mission de Moïse et d’Aaron reçoit sur l’ensemble 12–45 un encadrement assez remarquable, le tout couvrant 19–43. On y découvre en effet la disposition concentrique suivante: 19 20–22 23–24 25 26–27 28–36 37–38 39–41 42–43

sa parole (venir*) ouvrit (vint*) Egypte changea les paroles changea (sortir*) Egypte ouvrit sa parole (sortir*)

(sa parole)

(ses serviteurs) (son serviteur) (ses paroles)

(son serviteur)

Il n’est pas utile que nous commentions à nouveau toutes ces correspondances déjà rencontrées précédemment, sauf une, soit la récurrence de changea de 25 à 29, le changement du cœur des égyptiens appelant comme sa sanction le changement de leurs eaux en sang. On notera comment le centre appelle les extrêmes de par la mise en relief dans ces trois unités de la parole de Dieu. Chacun des deux volets 19–25 et 28–36 commence d’ailleurs par une mention de la parole et s’achève sur la mention de quelque serviteur, ce que nous avons signalé en italiques et entre parenthèses sur notre tableau, les deux termes étant au singulier aux extrêmes, au pluriel dans les unités contiguës au centre. D’ailleurs ces termes se lisent tous deux dans le centre 26–27, au singulier (comme au terme de 28–43) pour serviteur, au pluriel pour paroles (comme au début de 28–43) 60. La 60

Si bien que de 26–27 aux extrêmes de 28–43 nous lisons: son serviteur + les paroles / ses paroles + son serviteur.

314

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

paire stéréotypée venir/sortir joue tant de 19 à 42–43 que de 23–24 à 37–38. * * * Nous pouvons maintenant considérer les rapports de 1–11 tant à 12–25 qu’à 26–45. De 1–11 à 12–25 les indices sont situés comme le montrera le tableau suivant: 1 2 3

appelez*

peuples

4 5 6 7

face+ [jugements°] serviteur Jacob terre

8–9 10 11

parole* Jacob/Israël Dire terre (Canaan)

cœur+

12–13 14–16 17–18

19

peuple appela* face+

terre [rois°] serviteur

parole* dire

20–22 peuples 23–24 Israël/Jacob 25 cœur +

[roi°] terre (Cham) serviteurs

A partir des récurrences en caractères gras le lecteur repérera aisément serviteur et terre en 6–7 comme en 14–18 et 23–25, et, toujours du centre aux extrêmes, face en 4 comme en 17–18, ainsi que leur correspondance avec cœur en 25 puisque cœur/face constitue une paire stéréotypée 61. Et encore du centre de 1–11 aux extrêmes de 12–25, à partir de la paire stéréotypée roi/juge 62, le lecteur repérera jugements en 5 et roi(s) en 14–16 et 20–22. On lit aussi Jacob en 6 et 23–24. Inversement, du centre de 1–11 aux extrêmes de 12–25, à partir de la paire stéréotypée déjà relevée de parler/appeler, on relèvera appelez en 1, parole (et dire) en 8–9 (et 11), et parole (et dire) en 19. Entre les extrêmes, on repérera de 1–3 à 12–18: appeler, peuple, cœur/face (paire), et de 8–11 à 20–25: Jacob, Israël, terre (de Canaan ou de Cham). Nous n’avons pas retenu les récurrences de peuple en 24 et 25, car à la différence de celles de 1, 13 et 20, elles désignent le peuple élu. Qu’il cherche sa face, qu’il se souvienne, Abraham son serviteur, ainsi que les fils de Jacob: c’est lui YHWH dont les jugements s’exercent sur toute la terre (4–7), il a soumis des rois, appelé la famine sur la terre, envoyé en face d’eux un homme, Joseph, comme serviteur, envoyé un roi des peuples pour que Jacob puisse séjourner en terre d’Egypte,

61 62

lb/pnym selon Avishur pp. 279.308.505.522. mlk/sˇpt. selon Avishur p.762, à l’index.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

315

poursuivant son dessein en changeant ensuite le cœur de ses adversaires contre ses serviteurs. A vous d’appeler le nom de YHWH, de le faire connaître chez les peuples, vous dont le cœur le cherche; à YHWH, voyant les siens errer d’un peuple à un autre, d’appeler la famine sur la terre et d’envoyer en face d’eux Joseph. Ayant établi sa loi en Jacob/Israël, il lui promet la terre de Canaan, mais Jacob/Israël devra d’abord vivre sur la terre de Cham. Relevons enfin de 1–3 à 20–25 les récurrences de peuples et cœur qui ont à ces places un certain effet d’inclusion: qu’ils fassent connaître chez les peuples la force de YHWH les gens dont le cœur le cherche; mais si le roi des peuples a libéré Joseph, cela n’a pas empêché que le cœur des adversaires d’Israël ne se mette à le haïr. De 1–11 à 26–45 le mieux est de comparer 1–11 d’abord à 26–38, puis à 39–45, et enfin à l’ensemble 26–45. De 1–3, première unité de 1–11, à 37–38, dernière unité de 26–38, relevons la récurrence de se réjouir: en 3 le cœur des gens cherchant YHWH est invité à se réjouir, mais en 38 c’est l’Egypte qui se réjouit de la sortie d’Israël tant l’a saisie la terreur des prodiges divins. On peut ensuite relever un certain parallèle entre 4–7 + 8–11 (après 1–3) et 26–27 + 28–36 (avant 37–38). On lit en effet en 4–7 comme en 26–27 prodiges (5b et 27b), serviteur // choisi (6 et 26), et enfin terre (7 et 27): Souvenez-vous de ses prodiges sur la terre de Cham, vous les serviteurs et choisis dont deux ont été désignés pour les accomplir comme signes que les jugements de YHWH s’exercent sur toute la terre. En 8–11 et en 28–36 nous lisons: parole (8 et 28), dire (11a et 31.34), donner (11b et 32), terre (11b et 30.32.35.36): parole et dire de YHWH sont aussi efficaces dans ses exigences et promesses à Israël que dans les châtiments infligés à l’Egypte. Il sait tout aussi bien donner une terre à son peuple que donner de terribles avertissements à ceux qui habitent la terre d’Egypte. Pour ce qui est de la comparaison entre 1–11 et 39–45 il convient tout d’abord de comparer 1–3 + 4 et 39–41. Le lien est ténu. On lit en 3b et 4b d’une part et en 40a d’autre part les termes de la paire stéréotypée demander/chercher 63: si l’on comprend le sujet du verbe en 40 des israélites, on dira que leur demande de nourriture fait suite à leur recherche de YHWH; si on l’entend de YHWH, on dira qu’il répond à la recherche des siens par sa demande (aux anges) de leur dispenser la nourriture. Mais de 5–7 + 8–11 à 42–45 relevons en 5–7, 8–11 et 42–45 les séquences parallèles que montrera le tableau suivant 64:

63 64

sˇ ’lh/bqsˇh selon Avishur pp. 31 et 268. Nous rejoignons ici Girard pp. 94–95.

316

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

…5. Souvenez-vous

8. Il s’est souvenu… parole

42. Il s’est souvenu de sa parole

6. Abraham son serviteur Jacob, ses choisis

9. Abraham 10. Jacob

42. Abraham son serviteur 43. ses choisis

7. toute la terre

une loi 11. je donnerai la terre de Canaan

44. Il leur donna les terres des nations 45. ses lois

On voit comment 42–45 font écho plus explicitement d’abord à 8 (sujet et objet du souvenir), puis à 6 (Abraham donné comme serviteur, avec la mise en parallèle des choisis), puis à 10–11 (spécification du don de la terre, en rapport avec la loi). Si 5–7 contiennent une invitation à se souvenir faite à Abraham serviteur et aux choisis à l’égard de YHWH maître sur toute la terre, 8–11 et 42–45 rappellent que YHWH le premier s’est souvenu de sa parole en faveur d’Abraham son serviteur et de ses choisis, la promesse du don d’une terre ayant été bel et bien tenue, promesse en lien avec une loi (des lois) qui oblige(nt) Israël. Avant 4–11 nous lisons en 1 YHWH… peuples, en 3a louez… saint, quatre termes 65 que nous retrouvons en 42 (parole sainte), 43 (son peuple) et 45c (louez Yah): faire connaître YHWH chez les peuples et se louer en son nom saint, ce n’est que justice de la part du peuple en faveur duquel YHWH a donné sa parole sainte, et l’on comprend d’autant mieux alors l’invitation finale. A partir de la paire stéréotypée louer/rendre grâce 66 on verra se correspondre la toute première et la toute dernière invitation de notre psaume. Venons-en maintenant à une dernière comparaison qui prendra en considération d’une part 4–11 et d’autre part l’ensemble 26–45. On voit d’ici à là les indices répartis comme suit: 4–7: 8–11:

serviteur/choisis parole

26–27: 28–36: 42–43:

serviteur/choisi paroles parole serviteur/choisis

65 66

TERRE (toute) donnerai/TERRE (de Canaan) TERRE (de Cham) donna/TERRE (leur: 4 f.)

44–45

donna/TERRES (des nations)

YHWH se lit encore en 4 et 7 aux extrêmes de l’unité 4–7. hll/ydh selon Avishur pp. 146.283.328.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

317

Même lorsqu’il s’agit de la terre destinée à Israël, elle est désignée comme terre de Canaan, c’est-à-dire terre appartenant à un autre peuple. En 26–36 c’est de la terre de Cham qu’il s’agit, celle-là aussi appartenant à l’évidence à un autre peuple. Aux extrêmes la perspective est élargie à toute la terre, ou aux terres des nations. En 4–7 comme en 42–43 le serviteur dont il est question est Abraham, mais en 26–27 c’est de Moïse qu’il s’agit. Quant à la parole divine, elle est au singulier quand en 8–11 et 42–43 elle n’est autre que celle adressée à Abraham, mais en 28–36 elle est au pluriel quand il s’agit de ces ordres qui vont déclencher les châtiments pour l’Egypte. On notera quelque chose d’analogue dans les emplois du verbe donner: il vise le don de YHWH aux siens en 8–11 et 44–45, mais le « don » de châtiments à l’Egypte en 28–36. Tout se passe donc comme si, autour de 26–36, 42–45 revenaient à la perspective initiale de 4–11 pour en vanter la réalisation. Nous voyons donc que chacune des parties 1–11 (d’introduction), 12–25 et 26–45 entretient des rapports structurellement situés et significatifs avec chacune des deux autres. En 1–11 les invitations à l’action de grâce, au chant, au souvenir, sont motivées par les jugements et prodiges opérés par YHWH, fidèle à la parole donnée aux siens, jugements et prodiges dont on voit le déploiement en 12–25 et 26–45 au terme desquels revient le thème de cette parole dont YHWH s’est toujours souvenu. * * * Tentons maintenant d’étudier les rapports entre les Pss 104 et 105 à l’aide de leurs structures. Rappelons 67 que le Ps 104 est structuré concentriquement autour de 24 sur l’intelligence divine manifestée dans les nombreuses œuvres de la création. Ce centre est entouré immédiatement par une présentation du cosmos côté terre (12–18 + 19–23) et côté mer (25–26), puis par deux présentations de son rapport fondamental à YHWH, soit dans l’œuvre initiale (5–9), soit pour sa vie présente (27–30). Aux extrêmes se

67

Sur la structure du Ps 104 nous nous permettons de renvoyer à nos publications: « La structure littéraire du Ps 104 et celle du grand Hymne à Aton d’El Amarna. Conséquences de leur confrontation quant au problème des influences égyptiennes sur le psaume biblique », Annuaire de l’EPHE (Vème section), 88 (1979–1980) 505–506, Hymnes d’Egypte et d’Israël – Etudes de structures littéraires, OBO 34, Fribourg (S.) et Göttingen (1981), deuxième partie: chapitres I et II (pp. 137–228), « Note sur la structure littéraire du Psaume 104 et ses incidences pour une comparaison avec l’hymne à Aton et Genèse 1 », RevScRel 56 (1982) 63–82, « Note sur la comparaison entre l’hymne à Aton et le Ps 104 à partir de leurs structures littéraires d’ensemble », RevScRel 57 (1983) 64–65, « Avec sagesse tu les fis: Etude structurelle du psaume 104 – Réponses et compléments », EgT 27 (1996) 5–19.

318

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

répondent comme deux théophanies (1–4 et 31–35). Il nous a semblé que le plus pertinent était de comparer successivement le Ps 104 à chacun des volets du Ps 105, soit 1–11, 12–25 et 26–45. Le lecteur verra bientôt la pertinence d’un tel choix. Commençons donc par une comparaison entre Ps 104 et Ps 105, 1–11. D’ici à là les indices sont répartis comme le fera voir le tableau suivant: 104, 1–4:

Bénis* YHWH faisant

105, 1–3: Rendez grâce* à YHWH les peuples… chantez… jouez se réjouisse… LE CŒUR… YHWH

5–9: la terre… TOUJOURS 10–18: la terre… réjouit LE CŒUR LA FACE… LE CŒUR + 19–23: il a fait 24: faits… tu as faits… la terre

4–7: YHWH… SA FACE… il a faites YHWH… la terre

25–26: tu as façonné 27–30: donner… donnez… TA MAIN TA FACE… LEUR SOUFFLE… TON SOUFFLE… ils sont créés… LA FACE de l’humus 31–35: YHWH… POUR TOUJOURS se réjouisse YHWH… faits… la terre je chante pour YHWH… je joue… je me réjouisse de YHWH… la terre Bénis*… YHWH

8–11: POUR TOUJOURS… DE TOUJOURS je donnerai la terre (de Canaan)

Relevons d’abord dans les deux centres la mention de ce que YHWH a fait: ses œuvres(faits)de création en 104,24, ses merveilles en 105,5. Dans le Ps 104 le thème et le terme se retrouve aux extrêmes (4 et 31), mais aussi autour du centre avec les termes de la paire stéréotypée façonner/faire 68: YHWH a fait la lune (pour marquer les temps) et façonné Leviathan (pour rire de lui). Et si de 104, 5–9 à 27–30 on ne retrouve pas exactement ce thème, c’est que la terre n’est pas précisément créée, mais posée sur ses fondations. Il reste qu’en 104,30 les vivants sont créés, terme constituant une paire stéréotypée avec faire 69. Dans les deux centres nous lisons égale-

68 69

ys.r/cs´ h selon Avishur pp. 119–120 et 652. br’/cs´ h selon Avishur pp. 84.283.664.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

319

ment la terre: ici remplie des créatures de YHWH, là soumise à ses jugements. Or on lit en 104, 5.9 et (27–)30 (dans des unités symétriques) les termes de la paire stéréotypée 70 terre / humus, et en 105, 1(–3) et (8–)11 (autour du centre) ceux d’une autre paire stéréotypée 71 terre/peuples: ici la terre est établie sur ses bases et l’humus renouvelé par l’action du créateur, là les peuples vont connaître des actions de YHWH et la terre de Canaan sera donnée à Israël, la perspective du Ps 105 se prenant plus sous l’angle politique. De 104, 27–30 à 105, 8–11 relevons ici la récurrence du verbe donner: celui qui donne la nourriture aux créatures est aussi celui qui donne à son peuple une terre. Dans Ps 104, 31–35 on lit bien, nous l’avons vu, la terre, mais non en 1–4 où, par opposition entre les unités extrêmes, il s’agit des cieux. Considérons maintenant en 104 les unités 5–9 et 10–18 (les deux dernières du premier volet – en laissant ici hors de considération 19–23 en 10–23), puis 27–30 et 31–35 (les deux dernières du dernier volet) dans leurs rapports aux unités extrêmes 1–3 et 8–11 dans le Ps 105. On lit (POUR) TOUJOURS en 104, 5(–9) et 31(–35) comme en 105, 8–11 (8 et 10), tandis qu’en 104 on lit d’une part en 10–18 CŒUR (bis en 15) et FACE (ibid.) et d’autre part MAIN, FACE, SOUFFLE, en 27–30, autant de parties du corps qui forment avec CŒUR des paires stéréotypées 72, CŒUR se lisant à nouveau en 105, (1–)3: la terre établie sur ses bases pour toujours (104,5) se trouve par là comme apparentée à la gloire de YHWH qui doit subsister pour toujours, mais à cette pérennité dans la création répond en quelque sorte celle de l’alliance de toujours dont YHWH ne cessera de se souvenir (105, 10.8). Par ailleurs cœur, face, souffle de l’homme sont dépendants de main, face, souffle de YHWH créateur selon le Ps 104, considération qui n’est pas sans donner encore plus de consistance à l’invitation de 105,3. Il convient ici de relever la forte parenté entre 104, 31–35 (au terme du psaume) et 105, 1–3 (au début du psaume). On lit en effet ici et là chanter/jouer 73, se réjouir, ainsi que les termes des paires stéréotypées terre/peuples (déjà relevée) et rendre grâce/bénir 74: joie de YHWH regardant la terre, mais aussi joie, chant et jeu du psalmiste bénissant YHWH en 104, tandis qu’en 105 les peuples sont invités rendre grâce et partager chant et jeu du psalmiste, et ceux qui cherchent YHWH à se réjouir en lui. Dans le centre 105, 4–7 nous lisons mention de la FACE de YHWH (en 4) comme de celle de l’homme et de la création en 104, 10–18 et 27–30 (où il est également fait mention de la FACE de YHWH), puis de

70 71 72 73 74

’rs. /’dmh selon Avishur pp. 278.635.650.651. ’rs. / cmym selon Avishur p.278. Soit lb/yd, lb/pnym, lb/rwh. selon Avishur p.761, à l’index. Soit la paire stéréotypée sˇyr/zmr selon Avishur p.767, à l’index. ydh/brk selon Avishur pp. 283.288.486.495.

320

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

la terre (en 7) comme en 104, 5–9 (avant 10–18) et 31–35 (après 27–30): cette FACE à rechercher continuellement n’est autre que celle du créateur qui en sa création fait briller la FACE de l’homme et renouvelle celle de l’humus 75. Il faut enfin relever la parenté des deux invitations initiales à partir de la paire stéréotypée relevée ci-dessus: Bénis, mon âme, YHWH, Rendez grâce à YHWH. Tels sont donc les rapports du Ps 104 au volet 1–11 du Ps 105, nombreux, structurellement bien situés, et riches de significations. Comparons maintenant de nouveau le Ps 104, mais cette fois à la deuxième partie (12–25) du Ps 105. Nous commencerons cette fois encore par un tableau où seront situés les indices de rapports d’ici à là: 104, 1–4: MA GORGE allant ses messagers° 5–9:

TERRE

10–12: envoyant vont 13–15: fruit terre SERVICE (cbdh) humain CŒUR pain 16–18: 19–23: venue humain… SERVICE (cbdh) 24:

abondé* sagesse créatures (acquises)

25–26: description"

27–30:

VONT

temps ouvres BONNES° tu envoies HUMUS

TOUS

31–35: terre

MA GORGE

105, 12–13:

peu*

14–16: MAL°

ALLAIENT

HUMAIN

17–18:

terre

TOUT

pain

il envoya

serviteur (cbd) vint SA GORGE 19: temps venir dire"

20–22: il envoya ouvrit bien (acquis) SA GORGE rendrait-sages 23–24: vint

25: CŒUR

TERRE

fructifier

SES SERVITEURS

(cbdyw)°

Avant les deux centres nous lisons selon les unités en parallèle (caractères gras): allant + terre + envoyant/venue/service (bis) et allaient + terre + envoya/vint/serviteur. Le mouvement magnifique de YHWH dans les cieux et celui du peuple errant s’opposent à l’évidence. La terre est assurée de son avenir en 104, 5–9, mais frappée par la famine en 105, (14–)16. Il y a bien quelque similitude dans l’intention bienfaisante de l’envoi des sources pour désaltérer la terre et celui de Joseph pour sauver le peuple, mais si les sources commencent par aller entre les montagnes pour permettre au 75

On pourrait étoffer les rapports à partir des diverses parties du corps, mentionnées ci-dessus, en 104, 10–18 et 27–30.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

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terme à l’homme d'assurer son service avant la venue (le coucher) du soleil, Joseph, lui, en est d’abord réduit à la dure condition de serviteur, et, pire encore, doit commencer par laisser sa gorge venir dans les fers. Entre ces deux mêmes volets précédant le centre on peut encore découvrir (à partir de récurrences mises en italiques sur notre tableau) la disposition inversée (en chiasme) de ma gorge + terre + vont et allaient + terre + sa gorge: aux sources qui vont entre les montagnes s’opposent ceux qui allaient errant de nation en nation, et à la gorge du fidèle adonnée à la bénédiction s’oppose celle de Joseph prise entre les fers. Nous avons dit plus haut ce qu’il en est pour terre. On peut encore voir des parallèles entre les unités précédant le centre en Ps 104, mais le suivant en 105, et inversement. Ainsi, selon les unités, on lit en parallèle (inscrits en petites CAPITALES sur notre tableau) en 104, 1–23 MA GORGE + TERRE (bis) + CŒUR / SERVICE (bis) et en 105, 20–25 SA GORGE + TERRE + SES SERVITEURS. La gorge est vouée à de hautes œuvres tant en 104,1 qu’en 105,22. La terre entière est mise en place et protégée selon 104, 5–9; Israël, arrivé en immigrant en terre de Cham, va y prospérer. Si l’humain assume paisiblement son service en Ps 104,23, les serviteurs de YHWH se trouvent en danger selon 105,25. On lit encore en parallèle (selon les unités) cette fois de 104, 25–35 à 105, 12–18 VONT + TOUS / BONNES / [HUMUS 76] + MA GORGE et ALLAIENT + MAL / [TERRE] / TOUT + SA GORGE. On perçoit sans peine le contraste entre les ALLERS et venues des bateaux sur la mer et ceux d’Israël de nation en nation. TOUS les vivants reçoivent du créateur de BONNES choses et L’HUMUS est par lui renouvelé, mais, s’il n’en était point protégé par YHWH, le peuple subirait le MAL. Pourtant YHWH n’hésite pas, pour parvenir à ses fins, à appeler la famine sur la TERRE et briser TOUT bâton de pain. De 104, 1–23 à 105, 20–25 on peut également repérer une inversion (selon les unités, en italiques sur notre tableau) de ses messagers* + la terre + envoyant à il envoya + la terre + ses serviteurs*, les termes extrêmes constituant une paire stéréotypée 77. YHWH a les vents pour messagers et les membres de son peuple comme serviteurs. Il pose la terre sur ses bases et dispose de la terre de Cham pour les siens. Il peut aussi bien envoyer les sources dans les torrents qu’un roi pour délier Joseph. Du centre 104,24 aux premières unités de 105, 12–18 et 20–25 on notera d’une part la répartition des termes de la paire stéréotypée abonder/peu 78 en 104,24 et 105,12, et d’autre part les récurrences de sage(sse) et acquis de 104,24 à 105, 21–22. Ce que YHWH a créé est abondant et rempli de sagesse, mais son peuple était peu nombreux avant de rentrer en 76 77 78

Nous mettons ici HUMUS et plus loin TERRE entre crochets comme les termes de la paire stéréotypée signalée ci-dessus dans notre note 70. c bd/ml’k selon Avishur pp. 634–635. rb/mc.t selon Avishur pp. 122 et 215.

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Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

Egypte, et il a fallu qu’avec Joseph il accède aux biens de l’Egypte et dispense là sa sagesse pour retourner la situation. Par ailleurs 104, 19–23 et 25–26 (autour du centre 24) préparent en quelque sorte le centre 105,19 car on lit ici venue (19) et description (25), qu’on retrouve en 105,19 avec venir et dire, dire/décrire constituant une paire stéréotypée 79: le soleil connaît sa venue et il est impossible de décrire les innombrables vivants que contient la mer; mais encore plus sûrement que le soleil, va venir ce dire de YHWH qui libérera son peuple. Restent encore à examiner quelques récurrences. On lit en 104, 10–23 pain en 14 et 15, mot qu’on retrouve en 105, (14–)16. Dans les unités où il se lit se trouvent également, comme nous l’avons vu ci-dessus, terre et humain (104, 13–14.23 et 105, 14.16). On lit par ailleurs le verbe ouvrir en 104, 27–30 (28) et 105, 20(–22), unités où se lit également le verbe envoyer (104,30 et 105,20). L’unité 10–23 est juste avant le centre de 104, celle de 20–22 juste après le centre 19 de 105. Quant à 27–30 ils se lisent deux unités après le centre 24 en 104, mais 14–16 deux unités avant le centre 19 en 105. On voit la situation comparable de ces quatre unités dans nos deux psaumes. Le pain est dispensé en 104, 14–15 (sorti de la terre par le travail de l’humain), enlevé en 105,16 (sur toute la terre, pour arriver à bout de l’humain oppresseur). En 104, 27–30 YHWH ouvre la main et envoie son souffle pour faire vivre les créatures, en 105, 20–22 est envoyé un roi pour ouvrir à Joseph. Pour honorer les récurrences non encore prises en considération, en les joignant à quelques unes des précédentes, nous proposons de comparer 104, 10–35 et 105, 19–25 comme ceci: 104, 10–23: fruit venue 24:

105, [17–18]

sagesse (créat.) acquises

25–26:

27–30:

description*

ont abondé

dire* dire*

description*

ouvres envoies

en son temps

31–35:

20–22:

(bien) acquis sages

envoya ouvrit

23–24:

vint fructifier

la terre

[25] la terre

79

19:

’mr/spr selon Avishur p.635.

jusqu' au temps

fructifier foisonner

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

323

Ce tableau permet au lecteur de voir l’exacte inversion des indices de 104, 10–26 à 105, 19–24 (termes portés en italiques), puis le parallèle entre 104, 25–35 et 105, 19–24 (étant ainsi prises en considération les récurrences de fruit/fructifier, et de vint [en 105,23], de ouvrir, et de envoies [en 104,30]). En 104,24 et 105, (23–)24 on voit répartis les termes des paires stéréotypées abonder/foisonner et fructifier/abonder 80, tandis que temps se retrouve de Ps 104, 27(–30) à Ps 105,19. Nous avons déjà rencontré et commenté plusieurs des récurrences et indices ici repérés. Ajoutons ici la comparaison possible entre les fruits assurés par YHWH dans sa création comme au sein de son propre peuple, tandis que le soleil qui s’en vient à son coucher est comme une évocation lointaine et contrastée d’Israël qui s’en vient en Egypte pour y trouver la prospérité. L’abondance des œuvres divines en la création reçoit comme un écho au sein de l’histoire d’Israël quand celui-ci se met à fructifier et foisonner grâce au même créateur. Et si ce créateur sait assurer à chacun sa nourriture en son temps, il sait aussi, quand le temps est venu, laisser opérer sa parole. Il nous reste à présent à comparer le Ps 104 à la troisième partie du Ps 105, soit 26–45. Nous comparerons d’abord les premiers volets, soit 104, 1–23 et 105, 26–38, puis les derniers, soit 104, 25–35 et 105, 39–45, puis le premier au dernier, et inversement. Considérons donc tout d’abord 104, 1–23 et 105, 26–38. Pour ce qui concerne 104, 1–18 (laissant provisoirement 19–23) et 105, 26–38 dressons le tableau suivant: 104, 1–4: mettant / feu ses messagers*

5–9:

la terre / tu as mis°

-----10–12: brisent 13–15: fruit / fait sortir 16–18: arbres

    

105, 26–27: son serviteur* mirent -----28–30: leur terre 31–33: il donna° / feu leur terre / brisa arbre 34–36: fruit / leur terre

37–38:

fit sortir

Le parallèle s’appuie sur les récurrences de mettre (104,3 et 105,27), la répartition des termes de la paire stéréotypée serviteur/messager (104,4 et 105,26: voir notre n.77), la récurrence de terre (104, 5.9 et 105, 30.32.35), la répartition des termes de la paire stéréotypée mettre/donner (104,9 et

80

rbb/cs. m selon Avishur p.766 (à l’index) et prh/rbh pp. 205 et 640.

324

Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

105, 32: voir notre n.53), la récurrence de faire sortir. YHWH dispose des nuages comme Moïse et Aaron de ses prodiges. YHWH se choisit les vents comme messagers et Moïse comme serviteur. La terre est par lui mise en place et protégée, mais à la terre d’Egypte il inflige toutes sortes de maux. Il a mis une limite aux eaux pour qu’elles n’aillent pas submerger la terre, mais sur la terre d’Egypte il a donné la grêle. Et de même qu’il permet à l’homme de faire sortir le pain de la terre, il fait sortir son peuple d’Egypte. Sur notre tableau nous avons porté en caractères gras des termes qui passent des extrêmes de 104, 1–18 au centre de 105, 26–38, soit feu (de 104, 4 à 105,32) et briser (104,11 et 105,33), fruit (104,13 et 105,35), arbre (104,16 et 105,33). Du feu YHWH dispose pour lui-même ou contre ses ennemis. Il peut tout autant briser la soif de ses créatures que les arbres de ses ennemis, tandis que ses arbres à lui se rassasient. La terre se rassasie du fruit de ses œuvres, mais, envoyée par lui, la sauterelle dévore le fruit en l’Egypte. Un autre jeu de récurrences se découvre de 104, 19–23 à 105, 26–38. Présentons-le dans le tableau suivant:

104,19 104,20 104,21 104,23

venue ténèbre ----manger sort ----son service

son serviteur ----ténèbre vint ----mangea sortie

105,26 105,28 105, 31.34 105,35 (bis) 105,38

Un peu comme dans le Ps 104 le soleil ne nous est pas présenté à l’heure de sa splendeur, mais à celle de son coucher (sa venue), en 105, 31.34 c’est la sinistre venue du taon et de la locuste voraces qui nous sont mis sous les yeux. La ténèbre quotidienne du soir annonce la nuit, et c’est une ténèbre toute spéciale que YHWH envoie sur l’Egypte. Si en 104 les lionceaux réclament leur manger, puis l’homme sort pour son ouvrage, en 105 les bêtes dévastatrices font de vrais ravages tant elles mangent, si bien que l’Egypte ne peut que se réjouir de la sortie de cet Israël qui lui vaut ces désastres. L’homme chaque jour assure son service (son travail), mais en Egypte est dépêché un serviteur avec la mission particulière que l’on sait. De 104, 25–35 à 105, 39–45, soit entre les derniers volets ici et là, on ne relève, dans le même ordre, qu’une récurrence, soit aller en 104, (25–)26 et 105, (39–)41, et la répartition des termes de la paire stéréotypée louer/ bénir (voir ci-dessus notre note 74) dans l’invitation qui se lit au terme de chaque psaume. Ici ce sont les bateaux qui vont sur la mer, là ce sont les eaux qui vont dans les lieux secs. On est donc ici et là dans l’aire marine. Les

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

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invitations finales se répondent plus nettement, mais au total ces parties de chacun des deux psaumes ont peu de rapport. Considérons maintenant comment les mêmes volets se répondent en ordre inverse, et commençons avec 104, 1–23 (premier volet du psaume) et 105, 39–45 (dernier volet de 26–45). Il convient de relever d’abord un riche rapport entre 104, 1–4 et 105, 39–41, les deux premières unités ici et là. On lit en effet en 104,2 lumière… cieux… eaux, et de même en 105, 39–40 illuminer… cieux… eaux. Suivent ici et précèdent là en 104, 3–4 nuages… feu, en 105, 39 nuée… feu (nuages et nuée constituant une paire stéréotypée 81). On lit aussi le verbe aller en 104,3 et 105,41. Vêtu de lumière, YHWH utilise les cieux et les eaux pour aménager son domaine, et c’est lui aussi qui trouve comment illuminer les siens durant la nuit, les rassasier du pain des cieux, faire couler pour eux les eaux. Nuages et feu lui servent de char et de serviteurs, mais avec la nuée il protège les siens et avec le feu il les éclaire. Il va sur les ailes du vent, et pour les siens les eaux vont comme un fleuve dans le lieu sec. Ajoutons que de 104, 1–4 à 105 nous trouvons répartis les termes des paires stéréotypées louer/bénir en 104,1 et 105, (44–)45, mettre/donner en 104,3 et 105, 44(–45), serviteur/messager en 104,4 et 105, 42(–43). On comparera facilement bénédiction et louange, ce que YHWH met et donne ici et là (nuages des cieux et terres des nations), et qui est à son service (les vents comme messagers et Abraham comme serviteur). Ainsi on voit 104, 1–4 comme déployer ses rapports en 105, 39–41 + 42–43 + 44–45. Mais le phénomène inverse est également observable en ce que 105, 39–41 récapitulent des rapports avec chacune des unités de 104, 1–23. Nous venons de voir ce qu’il en est de 104, 1–4 à 105, 39–41. De 104, 5–9 (6) à 105, (39–)41 nous retrouvons les eaux, ici maîtrisées en raison de la menace qu’elles représentent pour la terre, là amenées comme un bienfait pour le peuple assoiffé, de 104, 10(–12) à 105, 41 aller, avec pour sujet ici et là les eaux vues sous l’angle bienfaisant, de 104, 13–15 à 105, 39–41 (40) rassasier et pain, s’agissant ici et là de bienfaits accordés par le même YHWH soit aux créatures, soit à son peuple, de 104, 16–18 à 105, 40, encore rassasier, dans le même sens, et de 104, 19–23 à 105, 39–41 venue/venir et, répartis ici et là, les termes de la paire stéréotypée demander/chercher 82: la venue des cailles est prometteuse de rassasiement alors que celle du soleil allant se coucher n’annonçait que la nuit, et cependant ces lionceaux cherchant auprès de Dieu leur manger annoncent joliment la demande de nourriture par le peuple au désert. Il nous reste à comparer le dernier volet du Ps 104 (25–35) et le premier en 105, 26–45 (26–38). D’ici à là les rapports se jouent à partir des indices répartis comme le montrera le tableau suivant: 81 82

Soir cb/cnn selon Avishur pp. 173 et 682. Soit les substantifs sˇ ’lh/bqsˇh selon Avishur pp. 31 et 268.

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Chapitre XI: Sur toute la terre ses jugements

104, 25–26: point de description vivants*

27–30: tu donnes… l’humus

105, 26–27: ils mirent…

la terre

leur terre  28–30: fit mourir* leur terre  31–33: il donna…  34–36: point de description leur terre leur humus

31–35: se réjouisse… la terre point

37–38: point se réjouit

On peut percevoir un certain chiasme de 104, 25–30 à 105, 26–36, puis un certain parallèle de 104, 27–35 à 105, 28–38. On lit point de description en 104, 25(–26) comme en 105, 34(–36), tandis que de 104, 27–30 à 105, 26–27, à partir de paires stéréotypées déjà repérées ci-dessus (mettre/donner et terre/humus), nous voyons se répondre tu donnes… l’humus et ils mirent… la terre. Autant est heureux le nombre indescriptible des animaux marins dans le Ps 104, autant est menaçant celui des sauterelles dans le Ps 105. Et si YHWH donne généreusement aux vivants et renouvelle la face de l’humus selon le Ps 104, dans le Ps 105 nous voyons ses envoyés mettre ses signes redoutables dans la terre de Cham. Les deux oppositions sont des plus parlantes. De 104, 27–30 à 105, 31–33 nous retrouvons donner et l’humus, ce dernier étant comme une autre désignation de la terre mentionnée par trois fois en 28–36 (comme le suggère la paire stéréotypée. rappelée ci-dessus). De 104, 31–35 à 105, 37–38 nous retrouvons le verbe se réjouir et la négation point (’yn). Les deux dons en question s’opposent, et les sorts advenant ensuite aux deux humus visés. On verra aussi facilement l’opposition entre d’une part YHWH se réjouissant de la terre tremblant sous son regard de créateur, à cette joie répondant celle du psalmiste en YHWH, son désir le plus cher étant que de pécheur sur la terre il ne s’en trouve point désormais, et d’autre part la joie de soulagement de l’Egypte voyant partir ce peuple qui n’a nullement fait sa joie, départ si réussi qu’il n’en est point qui vacille. Enfin des extrêmes en 104, 25–26 et 31–35 au centre en 105, 28–36 relevons d’une part la répartition des termes de la paire stéréotypée vie/mort 83 en 104,25 et 105,29 et la récurrence de terre de 104, 32.35 à 105, 30.32.35.36: les vivants surabondent dans la mer selon 104, mais selon 105 YHWH fait mourir les poissons en Egypte; la terre tremble devant YHWH et sera débarrassée des

83

h.yym/mwt selon Avishur p.217.

Etude structurelle du psaume 105 et de ses rapports au psaume 104

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pécheurs, mais selon 105, 28–36 la terre d’Egypte est pour sa part affligée de multiples calamités. Ainsi en comparant le Ps 104 successivement à chacun des volets 1–11, 12–25 et 26–45 du Ps 105 nous avons pu découvrir de multiples rapports, d’autant plus parlants qu’il se trouvent disposés fort heureusement en fonction de la structure de chacun de nos deux psaumes. Nul doute que l’enchaînement de nos deux psaumes dans le livre du Psautier invite à les lire l’un à la lumière de l’autre, les deux présentations qui nous y sont faites de YHWH s’appelant et se complétant l’une l’autre: c’est ce même créateur du cosmos qui y tient tout en sa main qui maîtrise tout autant les événements de l’histoire pour y poser comme il l’entend le peuple qu’il s’est choisi.

Chapitre XII Selon l’abondance de sa loyauté Etude structurelle du psaume 106 La même année Marc Girard 1 et nous-même 2 proposions une étude de la structure littéraire du Ps 106. Pour Girard, selon une ample construction chiastique, il conviendrait de voir 1–5 + 6–12 + 13–22 + 23–25 appeler en ordre inverse 26–34 + 35–39 + 40–46 + 47 (48 étant laissé comme n’appartenant certainement pas au poème original). Pour nous il conviendrait de voir l’ensemble s’ordonner concentriquement, s’appelant autour de 24–27 successivement 19–23 et 28–31, 16–18 et 32–33, 13–15 et 34–42, 6–12 et 43–46, 1–5 et 47–48. On le voit, ces deux propositions divergent sensiblement. Il convient donc de remettre l’ouvrage sur le métier, ce que nous ferons en considérant tour à tour la structure littéraire des plus petites unités, puis celle des diverses parties, et enfin celle de l’ensemble. Pour faciliter la confrontation et parce qu’on ne saurait trouver meilleur outil pour une telle étude, nous utilisons ici la traduction de Girard, laquelle nous donnons dès l’abord en son entier: 1a 1b 1c 2a 2b 3a 3b 4a 4b 5a

1 2

Louez Yah! Rendez-grâce à YHWH car (il est) bon, car pour toujours (est) sa loyauté. Qui discourra (sur) les bravoures de YHWH, fera entendre toute sa louange? (O) bonheurs des (gens) gardant le jugement, de (l’homme) faisant justice en tout temps! Souviens-toi de moi, YHWH, dans la complaisance (envers) ton peuple! Visite-moi par ton salut, pour (que je puisse) voir le bon(heur) de tes choisis,

Psaumes redécouverts III, pp. 106–125. Pierre Auffret, « ‹ Afin que nous rendions grâce à ton nom › Etude structurelle du psaume 106 », SEL 11(1994) 75–96. Dans cet article nous avons recensé et apprécié les propositions antérieures.

Etude structurelle du psaume 106

5b 5c 6a 6b 7a 7b 7c 7d 8a 8b 9a 9b 10a 10b 11a 11b 12a 12b 13a 13b 14a 14b 15a 15b 16a 16b 17a 17b 18a 18b 19a 19b 20a 20b 21a 21b 22a 22b 23a 23b 23c

me réjouir de la joie de ta nation, louer avec ton héritage. Nous avons péché avec nos pères, nous avons fauté, nous avons agi-méchamment. Nos pères en Egypte n’ont pas compris tes merveilles; ils ne se souvinrent pas de l’abondance de tes loyautés; ils se rebellèrent près de la mer, à la mer du roseau. Il les sauva en raison de son nom, pour faire connaître sa bravoure. Il menaça la mer du roseau et elle tourna-en-lieu-sec; il les fit aller dans les abîmes comme (dans) un désert. Il les sauva de la main d(e l’homme) haïssant; il les racheta de la main de l’ennemi. Elles recouvrirent, les eaux, leurs adversaires; (auc)un d’eux ne resta. Ils furent fidèles à ses paroles; ils chantèrent sa louange. Il se hâtèrent, oublièrent ses (hauts) faits, n’attendirent pas son projet. Ils désirèrent un désir dans le désert, ils tentèrent Dieu dans le lieu-désolé. Il leur donna (l’objet de) leur demande. Il envoya l’amaigrissement dans leur gorge. Ils jalousèrent Moïse dans le camp, Aaron, le saint de YHWH. Elle s’ouvre, la terre, elle avala Datan, elle recouvrit le groupe-assemblé d’Abiram. Il brûla, le feu, leur groupe-assemblé, une flamme embrase les méchants. Ils font un veau dans le lieu-sec, ils se prosternèrent vers du (métal) fondu. Ils échangèrent leur Gloire pour une chose-bâtie (de main d’homme): un bœuf mangeant de l’herbe. Ils oublièrent Dieu les ayant sauvés, ayant fait de grandes (choses) en Egypte, des merveilles sur la terre de Cham, des choses-à-craindre près de la mer du roseau. Il aurait dit (quelque chose) pour les détruire, n’eût été que Moïse, son choisi, se tint (debout), pendant le déchaînement (de sa colère), en face de lui,

329

330 23d 24a 24b 25a 25b 26a 26b 27a 27b 28a 28b 29a 29b 30a 30b 31a 31b 32a 32b 33a 33b 34a 34b 35a 35b 36a 36b 37a 37b 38a 38b 38c 39a 39b 40a 40b 41a 41b 42a 42b 43a 43b 43c

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

pour faire revenir sa fureur (de son intention) d’anéantir. Ils mésestimèrent une terre de convoitise. Ils ne furent pas fidèles à sa parole. Ils murmurèrent dans leurs tentes. Ils n’entendirent pas la voix de YHWH. Il éleva sa main contre eux pour les faire tomber dans le désert, pour faire tomber leur race chez les nations, pour les disperser sur les terres. Ils se sont rattachés au Baal de Péor. Ils ont mangé les sacrifices des morts. Ils ont irrité (Dieu) par leurs actions. Il déchaîna contre eux un fléau. Il se tint (debout), Pinhas, il trancha (l’affaire): (ainsi) fut contraint le fléau. (Cela) lui est imputé à justice pour une génération et une (autre) génération jusqu’à toujours. Ils ont courroucé (Dieu) près des eaux de la Dispute. Ce fut mauvais pour Moïse à cause d’eux. Car ils se rebellèrent contre son souffle, et il s’exprima-témérairement avec ses lèvres. Ils ne détruisirent pas les peuples qu’il leur avait dit, YHWH, (de détruire). Ils frayèrent avec les nations, ils apprirent leurs faits (et gestes). Ils servirent leurs idoles: elles furent pour eux un piège. Ils sacrifièrent leurs fils et leurs filles aux démons-dévastateurs. Ils versèrent du sang innocent, le sang de leurs fils et de leurs filles qu’ils sacrifièrent aux idoles de Canaan Elle fut polluée, la terre, de sangs. Ils se souillèrent par leurs faits (et gestes), ils se prostituèrent par leurs actions. Il s’indigna, le nez-en-colère de YHWH, contre son peuple, Il abomina son héritage. Il les donna dans la main des nations. Ils dominèrent sur eux, les (gens) les haïssant; ils les opprimèrent, leurs ennemis; ils furent abaissés sous leur main. Des fois abondantes il les délivra, (mais) eux se rebellaient dans leur projet, ils languissaient dans leur faute.

Etude structurelle du psaume 106

44a 44b 45a 45b 46a 46b

Il vit l’adversité (qui s’en prenait) à eux quand il (se mit à) entendre leur cri. Il se souvint pour eux de son alliance; il (les) consola selon l’abondance de sa loyauté. Il les donna en affections à la face de tous les (gens) les emmenant-captifs.

47a 47b 47c 47d 48a 48b 48c 48d

Sauve-nous, YHWH notre Dieu, et rassemble-nous d(’entre l)es nations, pour (que nous puissions) rendre-grâce à ton nom saint pour (que nous puissions) nous calmer par ta louange. Béni (est) YHWH, Dieu d’Israël, depuis toujours et jusqu’à toujours. Il dira, tout le peuple: «Amen! Louez Yah!»

331

STRUCTURE INTERNE DES UNITÉS Commençons donc avec 1b–5, l’accord étant fait ici au moins sur début et fin. Girard voit 1–2 et 4–5 se correspondre en encadrant ainsi 3 au centre. Nous pouvons sans inconvénient laisser pour le moment le Louez Yah! qui inclut l’ensemble de 1a 3 à 48d. Il nous semble rendre mieux justice au texte en distinguant 1b–2, 3, 4, et 5, ce qu’aidera à percevoir la disposition suivante du texte (les signes en exposant veulent attirer l’attention sur les mots constituant des paires stéréotypées):

3

1b 1c 2a 2b

Rendez-grâce* à YHWH car (il est) bon°w, car pour toujours (est) sa loyauté°. Qui discourra (sur) les bravoures de YHWH, fera entendre+ toute sa louange*?

3a 3b

(O) bonheurs des (gens) gardant le jugement, de (l’homme) faisant justicew en tout temps!

4a 4b

Souviens-toi de moi, YHWH, dans la complaisance (envers) ton peuple"! Visite-moi par ton salut,

5a 5b 5c

pour (que je puisse) voir+ le bon(heur)° de tes choisis, me réjouir de la joie de ta nation" louer* avec ton héritage.

Girard (n.2) y consent volontiers et suggère alors de recourir aux synonymes ydh et hll comme incluant 1b–2, ce que nous allons faire. Voir note suivante.

332

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

1b–2 sont inclus entre les deux termes de la paire stéréotypée louer/rendre grâce 4. On peut percevoir en 1b–2 une certaine symétrie concentrique, soit 1b

1c 2a

2b

Rendez-grâce* à YHWH car (il est) bon°, car pour toujours (est) sa loyauté°. Qui discourra (sur) les bravoures de YHWH, fera entendre toute sa louange*?

La correspondance entre les termes extrêmes s’appuie sur la paire stéréotypée susdite. Puis vient la récurrence de YHWH. Entre le centre et ces deux occurrences de YHWH on lit les motifs de l’action de grâce ou de la louange. Les deux premiers constituent une paire stéréotypée 5. Au centre s’amorce la question développée dans le second volet. On y lit un verbe comme aux extrêmes. En 3 nous avons l’agencement a + b/ b’ + c. La correspondance entre b et b’ peut s’appuyer sur la paire stéréotypée jugement/justice 6. Le parallélisme en 4 est presque parfait, n’était l’interpellation à YHWH en 4a. Quant à 5 il se trouve agencé comme ceci: 5a 5b 5c

pour (…) voir me réjouir louer

le bon(heur)* de la joie*

de tes choisis, de ta nation, avec ton héritage.

Le parallèle est clair : a.b.c // a’ b’.c’ / a" c",– b et b’ n’étant autres que les termes de la paire stéréotypée bonheur/joie 7. Nous pouvons maintenant considérer l’ensemble 1b–5, et cela à partir des indices de correspondance ainsi répartis: 1b–2: 3: 4: 5:

4 5 6 7

BON…

RENDEZ GRÂCE… ENTENDRE

SA LOUANGE

justice* SOUVIENS-TOI+ bon(heur)… louer

gardant+ SALUT*

hll/ydh selon Avishur, pp. 146.283.328. .t wb/h.sd selon Avishur pp. 238.253.281. sˇpt. /s.dq selon Avishur p.768, à l’index. .t wb/s´mh. selon Avishur pp. 281 et 534.

voir… louer

Etude structurelle du psaume 106

333

De 1b–2 à 5 nous retrouvons bon et louange/louer (dans le même ordre), mais également, et ici selon un ordre inverse, les termes des paires stéréotypées louer/rendre grâce (déjà rencontrée ci-dessus) et entendre/voir8. Nous avons vu plus haut que bon(heur) se lit en parallèle en 1 avec loyauté, en 5 avec joie. En 3 et 4 nous voyons répartis, en ordre inverse d’ici à là, les termes des paires stéréotypées salut/justice 9 et garder/se souvenir 10. Si nous avons écrit les indices en 1b–2 et 4 en CAPITALES et en 3 et 5 en lettres ordinaires, c’est que en 1b–2 et 4 il s’agit de ce qui se rapporte à YHWH (qui n’est nommé que dans ces deux unités), mais en 3 et 5 de ce qui concerne les bénéficiaires de son action. De 1–2 à 4 on voit aussi répartis les termes de la paires stéréotypée loyauté/salut 11 et de 3 à 5 ceux de la paire bon(té)/just(ic)e 12. La loyauté de YHWH se traduit dans le salut qu’il apporte. Qui poursuit la justice connaîtra le bonheur réservé à ceux qu’il a choisis 13. Ainsi peut-on voir ce petit ensemble ordonné en chiasme, mais également selon un certain parallèle. De 1–2 à 5 on peut voir que l’action de grâce pour la bonté de YHWH, le souci de faire entendre la louange qui lui en revient, reçoivent en écho cette joie qu’éprouve le fidèle à voir le bonheur du peuple élu et à s’en louer. De 3 à 4 nous découvrons le rapport entre la justice pratiquée par le fidèle et le salut accordé par YHWH, mais aussi entre deux actions, celle de l’homme qui observe le droit et celle de Dieu qui, lui, a à se souvenir de son fidèle. Ainsi de 1–2 à 5 nous passons de ce qui se rapporte à YHWH à ce qui se rapporte au peuple élu, mais inversement de 3 à 4 de ce qui est le fait de l’homme à ce qui est le fait de Dieu14. 8 9 10 11 12

13

14

sˇ mc/r’h selon Avishur pp. 87.263.286. ysˇ c/s.dq selon Avishur p.760, à l’index. sˇmr/zkr selon Avishur p.656. h.sd/ysˇ c selon Avishur p.281. .t wb/s.dq selon Avishur p.281. On pourrait encore relever dans chacun des deux volets du parallèle la répartition des termes des paires stéréotypées .t wb/s.dq (que nous venons de citer à propos de 3 et 5) en 1b et 3b, la bonté étant rapportée à YHWH, la justice au fidèle, et cm/gwy selon Avishur pp. 650 et 663–664, en relation avec YHWH en 4, avec le fidèle en 5. On lit aussi en 3a et 5b bonheurs et joie, deux termes souvent présents dans le même contexte (Pss 32, 1.9.11; 33, 12.21; 34, 9.3; 40, 5.17; 119, 1.2.74; 137, 8.9.3.6). C’est faute de ne pas avoir distingué 4 et 5 que Girard n’a pas perçu avec assez de précision la structure de 1b–5. Pour notre part nous avons repris ici, en en précisant et clarifiant la présentation, notre proposition de 1994. Dans le premier volet (1–3) autour de 2 nous pouvons encore voir s’inverser les correspondances entre les termes des deux paires stéréotypées .t wb/s.dq (voir ci-dessus n.12) et h.sd/msˇpt. (Avishur p.282). Et de même que de 1b à 2a nous retrouvons YHWH, de même de 2b à 3b nous retrouvons tout: A la bonté de YHWH fait écho la justice du fidèle, à sa loyauté l’application du fidèle au jugement. Ce YHWH il s’agit de lui rendre grâce et d’en parler, de faire entendre

334

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

Une nouvelle unité se distingue ensuite en 6–7 concernant notre péché inscrit dans la suite de celui des pères. Sa structure interne se verra dans le texte disposé comme suit: 6a 6b 7a 7b 7c 7d

Nous avons péché avec nos pères, nous avons fauté, nous avons agi-méchamment. Nos pères en Egypte n’ont pas compris tes merveilles; ils ne se souvinrent pas de […] de tes loyautés; ils se rebellèrent près de la mer, à la mer du roseau.

On distingue aisément 6 (notre péché) et 7 (le péché des pères). En 6abb comme en 7abc la mention des pères précède deux expressions parallèles de la faute. Aux extrêmes on lit une seule expression du péché, soit le nôtre, soit celui des pères. Le volet concernant les pères a en propre les précisions de lieu qui en quelque sorte l’inclut de la première à la dernière ligne (en Egypte… près de la mer, à la mer du roseau) 15. En 8–12 il est question du salut accordé. Nous en percevrons la structure en nous aidant de la présentation suivante:

15

toute sa louange et de pratiquer sa justice en tout temps. Récapitulons dans un tableau: 1b YHWH Bon* 1c sa loyauté+ 2a YHWH 2b toute 3a le jugement+ 3b tout justice* Nous avons repris ici, en en améliorant la présentation, notre présentation de 1994. Girard (pp. 112–113) qui en tient pour une section 6–12, n’examine pas la structure interne de 6–7. Son argument pour une section 6–12 repose sur une récurrence de hll de 5c à 12, au titre d’une « borne débordante » et sur une opposition entre « idée d’infidélité » en 6–7 et « idée de fidélité » en 12, arguments bien fragiles au regard de l’autonomie structurelle de 6–7, 1–5 et 8–12.

Etude structurelle du psaume 106

8a 8b 9a 9b 10a 10b 11a 11b 12a 12b

335

Il les sauva en raison de son nom**, pour faire connaître sa bravoure. Il menaça la mer du roseau et elle tourna-en-lieu-sec; il les fit aller dans les abîmes++ comme (dans) un désert. Il les sauva° de la main d(e l’homme) haïssant*; il les racheta° de la main de l’ennemi@. Elles recouvrirent, les eaux++, leurs adversaires@*; (auc)un d’eux ne resta. Ils furent fidèles à ses paroles; ils chantèrent sa louange**.

En 8 deux motivations font suite à l’affirmation initiale. Elles s’achèvent respectivement par un des termes de la paire stéréotypée nom/bravoure 16. En 9 l’affirmation principale (il les fit aller) est au centre, entourée de deux transformations salvatrices pour leurs bénéficiaires, soit celle de la mer en lieu sec et celle des abîmes en désert (pour ceux les traversant). Mer et abîmes constituent une paire stéréotypée 17. En 10 le parallèle est parfait: main est récurrent de a à b; quant aux extrêmes leurs correspondances peut s’appuyer sur les paires stéréotypées racheter/sauver 18 et ennemi/ haïssant 19. En 11 le chiasme est perceptible, mais seulement à partir des centres: eux désignent les adversaires, et les eaux les recouvrirent de telle sorte que pas un ne resta. Le parallèle en 12 fait comprendre comment le chant porte à son terme la fidélité, tandis que la louange s’appuie sur les paroles reçues 20. Qu’en est-il de l’ensemble 8–12 21? Girard (p. 112) voit un parallèle entre 8 + 9 et 10 + 11, et non sans raisons. De 8 à 10 est récurrente l’expression il les sauva, tandis que s’opposent son nom et sa bravoure aux

16 17 18 19 20 21

sˇm/gbwrh selon Avishur pp. 246.488–489.495. ym/thwmwt selon Avishur p.424. g’l/ysˇ c selon Avishur p.635. ’yb/s´ n’ selon Avishur p.753, à l’index. En 12b nous lisons les termes de la paire stéréotypée sˇyr/hll (Avishur pp. 178.661). Nous reprenons ici, dans une présentation améliorée, notre proposition de 1994 (pp.78–79). Que le lecteur se rassure, nous ne nous contenterons pas de reprendre jusqu’au terme notre analyse de 1994. Il nous faudra en changer sur plusieurs points.

336

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

haïssants et ennemis. En 9b et 11a nous lisons les termes de la paire stéréotypée eaux/abîmes 22: ici les eaux sont maîtrisées en faveur des fidèles, là elles sont lancées contre les ennemis. On remarquera la présence des ennemis en 10 et 11, mais des seuls fidèles en 8 et 9. Mais qu’en est-il de 12? Notons d’abord qu’il se termine sur une mention de la louange qui avec le nom de 12a constitue une paire stéréotypée 23, et constatons à partir de là la complémentarité entre 8 et 12: lui se fait connaître et eux en retour chantent sa louange. De même qu’en 8 son nom a pour contenu sa bravoure, de même en 12 ce sont ses paroles (dbryw) qui fournissent ses thèmes à la louange. Mais si 8 et 12 se correspondent, qu’en est-il des trois versets qu’ils incluent? Partons de 10: on y trouve tout à la fois les fidèles, désignés par le pronom les, et les haïssants/ennemis. Or des fidèles, avec ce même pronom, il est déjà question en 9 (au centre), et tant haïssant que ennemi forment une paire stéréotypée avec adversaires qu’on lit en 10 24. Ainsi en 10 sont pour ainsi dire mis face à face ceux dont il est question respectivement en 9 et en 11 25. On peut donc avancer que la structure de 8–12 est concentrique et pourrait se symboliser par a.b.+ b’/c’ + c.a’. Autour de 10 il y a complémentarité entre 9 et 11 en ce que la libération des fidèles (9) suppose la victoire sur les ennemis (11), puis entre 8 et 12 en ce que la louange des fidèles (12) se fonde non seulement sur le salut obtenu, mais aussi et d’abord sur son auteur tel qu’il s’y est manifesté. Les extrêmes 8 et 12 se situent justement à l’origine (8) et au terme (12) du salut obtenu selon 10 (et même 8–11). Considérons maintenant 13–14 26 qui reviennent sur le thème du péché des pères. Le parallélisme est presque parfait en 13. Quant à 14 il est construit selon un schéma inverse de celui de 4, c’est-à-dire selon un parallélisme qui serait parfait (ou presque), n’était la mention de Dieu ici en 14b. En 15 il s’agit sans doute d’un châtiment. Ici c’est Dieu qui devient

22 23 24 25

26

mym/thwm selon Avishur pp. 184 et 305. sˇm/thlh selon Avishur pp. 111.245.295. Soit s.rr/s´n’ selon Avishur pp. 258.479.494, et ’yb/s.rr, p.753, à l’index. En 11a on lit encore un pronom-suffixe désignant les fidèles, mais d’une part il est différent (-hm) de celui qui est employé en 9–10 (-m), d’autre part il ne sert ici qu’à déterminer les ennemis, sans désigner comme tels les bénéficiaires de l’action divine. Pour Girard 13 appellerait 21 et 22, puis 14–15 à leur tour 19–20 dans un ensemble 13–22. Mais 13–14, déjà par leur seul contenu (le péché) se distinguent nettement de 15 (l’action de Dieu en conséquence). Et si 14–15 contiennent péché et châtiment, il n’en va pas de même de 19–20 (qui selon Girard leur correspondent), lesquels ne traitent que du péché. Au centre de cet ensemble Girard lit 16–18, lesquels amalgament péché (16) et châtiment (17–18). On le verra, une plus grande attention aux indices structurels oblige à une autre segmentation et à une autre perception des ensembles structurés.

Etude structurelle du psaume 106

337

sujet pour deux expressions parallèles. Ainsi 13–14 et 15 enchaînent-ils péché et châtiment 27. Nous retrouvons le même enchaînement en 16 et 17–18, les proportions étant inversées par rapport à 13–14 + 15. En 17 il y a parallèle après la première proposition (Elle s’ouvre, la terre), en 18 la structure s’ordonne selon le schéma a.b.c / b’.a’.c’. On lit cinq verbes en 17–18. Il est remarquable que le complément du verbe central (en 17b) commence par le complément du verbe suivant (groupe-assemblé) et s’achève par un nom propre (d’Abiram) comme le complément du verbe précédent (Datan). L’ensemble pourrait se transcrire comme ceci: 17a 17b 18a 18b

Elle s’ouvre, la terre, elle avala elle recouvrit Il brûla, le feu*, une flamme* embrase

le groupe-assemblé leur groupe-assemblé, les méchants

Datan d’Abiram

Feu et flamme constituent une paire stéréotypée 28 Deux acteurs se partagent le travail, la terre et le feu (flamme). Verbes et sujets sont dans le même ordre en 17a et 18a, les deux petits volets de 17a et 18 (autour de 17b) commençant ainsi de semblable façon. Verbes et sujets (feu et flamme) sont inversés de 18a à 18b, donnant ainsi à 18 une certaine autonomie structurelle. On lit en 16 les deux noms de Moïse et Aaron, victimes de la jalousie, et en 17(–18) les deux noms de Datan et Abiram, les meneurs de la révolte 29. Avec 19–22 nous avons à faire à un péché amplement présenté 30. Laissons-en percevoir la structure dans la présentation suivante du texte:

27

28 29

30

Nous ne croyons pas devoir maintenir notre proposition de 1994 (pp. 79–80) d’une symétrie croisée pour 13–15. En fait si 14a et 15a, lus indépendamment de leurs contextes, sont des affirmations de soi « neutres » (n’impliquant de soi ni péché, ni châtiment), 14a est pour sa part entouré de 13 et 14b qui eux dénoncent clairement le péché, tandis que 15a est seulement suivi de 15b qui annonce clairement le châtiment. Cela fait au total cinq termes, chiffre qui à lui seul rend impossible une symétrie croisée. ’sˇ /lhbh selon Avishur p.754, à l’index. Nous avons ici repris, précisé, et mieux présenté notre proposition de 1994 (pp. 80–81). Girard situe bien 16–18 au centre de son ensemble 13–22, mais sans étudier leur structure interne. Nous améliorons ici sensiblement notre proposition de 1994 (p.81), où nous distinguions (selon une symétrie concentrique) 19a + 19b–20 + 21a + 21b–22. Girard, on l’a vu, sépare malencontreusement 19–20 et 21–22 à l’intérieur de son ensemble 13–22.

338

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

19a 19b 20a 20b 21a 21b 22a 22b

Ils font un veau dans (b) le lieu-sec, ils se prosternèrent vers du (métal) fondu. Ils échangèrent leur Gloire* pour une chose-bâtie (de main d’homme): un bœuf mangeant de l’herbe. Ils oublièrent Dieu les ayant sauvés, ayant fait de grandes*+ (choses) en (b) Egypte, des merveilles+° sur la terre de Cham, des choses-à-craindre° près de la mer du roseau.

On voit s’opposer de 19a à 21b–22 ce que eux font dans le lieu sec et ce que Lui a fait dans (le pays d’)Egypte. En 21b–22 notons comment les parallélismes peuvent prendre appui sur les paires stéréotypées grandes (choses)/merveilles 31, merveilles/(choses à) craindre 32, et comment se correspondent encore les trois noms propres. En 19b–21a nous lisons par deux fois une opposition du même type, le métal fondu appelant cette choses bâti de main d’homme, en l’occurrence un bœuf mangeant de l’herbe, la Gloire n’étant autre que celle de Dieu lui-même. Les deux termes centraux appartiennent à la même proposition, chacun des extrêmes à une proposition, mais le parallèle se perçoit sans peine. L’agencement d’ensemble respecte donc ici le schéma a / b.c / b’.c’ / a’. Les deux éléments centraux se trouvent en rapport avec les extrêmes selon un ordre inversé. En effet gloire de 20a forme une paire stéréotypée avec grand de 21b 33, et de 19a à 20b nous retrouvons la même espèce animale avec le veau et le bœuf. Avec 23 nous assistons à la conjuration du châtiment grâce à l’intervention de Moïse. 23a 23b 23c

23d

31 32 33

Il aurait dit (quelque chose) pour les détruire, n’eût été que Moïse, son choisi, se tint (debout), pendant le déchaînement (de sa colère), en face de lui, pour faire revenir sa fureur (de son intention) d’anéantir.

gdl/pl’ selon Avishur pp. 58–59 et 142. pl’/yr’ selon Avishur pp. 128–129 et 132. gdl/kbd selon Avishur pp. 514 et 652.

Etude structurelle du psaume 106

339

Il semble qu’on puisse repérer ici un chiasme à six termes. En 23a et 23d on voit s’opposer les intentions respectives du Seigneur (détruire: l + un hiphil) et de Moïse (empêcher d’anéantir: l + un hiphil). Suivant le premier et précédant le dernier nous lisons face à face Moïse (que désigne le pronom-suffixe w au terme) et lui, c’est-à-dire le Seigneur (que désigne le pronom-suffixe w au terme), et aux centres l’attitude respective de chacun: Moïse se tient debout… malgré la colère du Seigneur qui déferle 34. Avec 24–25 et 26–27 35 nous retrouvons l’enchaînement péché + châtiment. Des quatre verbes de 24–25 le deuxième et le quatrième sont précédés par la négation et suivis pour l’un de parole, pour l’autre de voix, parole et voix se rapportant au même YHWH. Entre 24a et 25a on relèvera l’opposition entre cette terre désirable et les tentes dans lesquelles il vivent présentement. Ainsi la structure de 24–25 apparaît assez nettement. En 26–27 nous découvrons un agencement très semblable à celui de 21–22, soit une affirmation (26a) suivie de trois autres parallèles entre elles (26b.27a.27b). Relevons les paires stéréotypées terre/désert 36 en 26b et 27b, terre/nations 37 en 27a et 27b. Avec 28–31 38 nous nous trouvons devant une structure basée sur des oppositions, soit entre 28 (péché) et 31 (justice), 29a (irriter Dieu) et 30a (se tenir devant Dieu), 29b (déchaîner le fléau) et 30b (fléau arrêté). De même qu’en 23 Moïse se tient devant Dieu pendant le déchaînement de sa colère pour l’en faire revenir, de même ici Pinhas, quand Dieu déchaîne contre eux un fléau, se tient debout pour trancher l’affaire. Nous pourrions donc aider à voir cette structure (a / b.c / b’.c’ / a’) en écrivant ces quatre versets comme ceci:

34

35 36 37 38

Nous avons ainsi ajusté plus avant notre proposition de 1994. Girard distingue 23a, b, et cd auxquels il fait correspondre en ordre inverse dans son ensemble 23–34: 28–31, 32–33, 34. Nous verrons plus loin que 28–31 comporte en fait deux unités distinctes, et que 34 doit se lire avec ce qui suit. Nous devrons aussi bien entendu tenir compte (autrement) des récurrences sur lesquelles Girard fonde cette proposition: détruire en 23a et 34, Moïse en 23b et 32, déchaîner en 23c et 29, terre en 24 et 27. Soit les deux termes centraux du chiasme que Girard propose pour 23–34 (voir note précédente). ’rs. /mdbr selon Avishur p.278. ’rs. /gwy(m) selon Avishur p.278 Que Girard non sans raison tient pour un ensemble (en 23–34), mais c’est un ensemble de deux unités distinctes.

340

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

28a 28b 29a 29b 30a 30b 31a 31b

Ils se sont rattachés au Baal de Péor. Ils ont mangé les sacrifices des morts. Ils ont irrité (Dieu) par leurs actions. Il déchaîna contre eux un fléau. Il se tint (debout), Pinhas, il trancha (l’affaire): (ainsi) fut contraint le fléau. (Cela) lui est imputé à justice pour une génération et une (autre) génération jusqu’à toujours.

Au plan des contenus on mettra en parallèle 19–22 avec 28 (le péché ici et là), puis 23 avec 29–31 (Moïse ou Pinhas face à la colère divine), en notant l’insistance sur le péché en 19–23, mais sur l’intervention de Pinhas en 28–31. En 32–33 nous lisons successivement le péché du peuple en 32a, puis comme un châtiment pour Moïse en 32b, puis de nouveau le péché du peuple en 33a auquel s’ajoute celui de Moïse en 33b, construction qui pourrait donc se symboliser par a.b.A. Avec 34–39 + 40–42 nous retrouvons encore une fois l’enchaînement péché + châtiment. Pour ce qui est de 34–39 39 on peut les voir structurés selon un chiasme qui se présente comme ceci: 34a 34b 35a 35b 36a 36b 37a 37b 38a 38b

38c 39a 39b

39

Ils ne détruisirent pas les peuples* qu’il leur avait dit, YHWH, (de détruire). Ils frayèrent avec les nations°, ils apprirent leurs faits (et gestes). Ils servirent leurs idoles: elles furent pour eux un piège. Ils sacrifièrent leurs fils et leurs filles aux démons-dévastateurs. Ils versèrent du sang innocent, le sang de leurs fils et de leurs filles qu’ils sacrifièrent aux idoles de Canaan Elle fut polluée, la terre*°, de sangs. Ils se souillèrent par leurs faits (et gestes), ils se prostituèrent par leurs actions.

Girard a raison de ne pas y joindre 40 comme nous l’avons fait malencontreu-

Etude structurelle du psaume 106

341

De 34–35 à 38c–39 nous voyons se répondre d’abord les termes des paires stéréotypées terre/peuples et terre/nations 40, puis les deux mentions de leurs faits (et gestes): compromis avec les peuples et les nations ils apprirent leurs faits et gestes, et ainsi la terre se trouva polluée et eux-mêmes souillés par leurs faits et gestes. Remarquons qu’à peuples et nations correspond seulement terre, tandis qu’inversement à leurs faits de 35b correspond non seulement leurs faits de 39a, mais aussi le parallèle leurs actions. Ensuite de 36 à 38 il suffit de se laisser guider par les récurrences portées en caractères gras ci-dessus: le piège des idoles fit qu’ils sacrifièrent leurs fils et leurs filles, versant ainsi un sang innocent, le sang de leurs fils et de leurs filles qu’ils sacrifièrent aux idoles de Canaan. En 40–42 nous lisons encore le récit d’un châtiment. Ces trois versets semblent structurés comme le montrera le tableau suivant: 40a 40b

Il s’indigna, le nez-en-colère de YHWH, contre son peuple*, Il abomina son héritage.

41a 41b 42a 42b

Il les donna dans la main des nations*. Ils dominèrent sur eux, les (gens) les haïssant°; ils les opprimèrent, leurs ennemis°; ils furent abaissés sous leur main.

Il est bien clair que 41–42 sont commandés par un chiasme, ce qu’indiquent la récurrence de main en 41a et 42b et la répartition en 41b et 42a des termes de la paire stéréotypée ennemi/haïssant 41. Mais tout ce qui est conté en 41–42 est déclenché par la colère mentionnée en 40, et de 40a à 41a nous voyons jouer la paire stéréotypée peuple/nation 42. Nous découvrons une certaine parenté entre les amorces de 34–39 et 40–42 puisque ici et là nous lisons YHWH et peuple (en 34 et 40). C’est ce même YHWH offensé par le péché, qui déclenche le châtiment. En 43a nous lisons une mention rapide des délivrances accordées par YHWH, puis en 43bc un bref parallèle sur le péché récurrent. En 44–46,

40 41 42

sement à la suite de Trublet et Aletti. Mais ces derniers nous ont mis sur la piste d’une structure plus travaillée que ne l’a vue Girard, et nous tentons ici de le montrer pour 34–39. Par contre 34 ne se rattache pas à ce qui précède, comme le fait Girard, mais, comme on va le voir, à l’ensemble 34–39. ’rs. /cm et ’rs. /gwym selon Avishur p.278. ’yb/s´ n’ selon Avishur p.753, à l’index. c m/gwy selon Avishur pp. 663–664 et 650. Avec cette remarque et celle qui suit nous pensons avoir mieux (qu’en 1994) repéré la position structurelle de 40. Girard qui met en parallèle (p.109) 40–42 et 44–46 ne s’attarde pas à considérer la structure interne ni des uns ni des autres.

342

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

qui comme 43a portent sur la délivrance, on peut voir un certain chiasme 43 dont les termes sont répartis comme suit: 44a 44b 45a 45b x 46a 46b

Il vit° l’adversité (qui s’en prenait) à eux quand il (se mit à) entendre° leur cri. Il se souvint pour eux de son alliance+; il (les) consola selon l’abondance de sa loyauté+*. Il les donna en affections* à la face de tous les (gens) les emmenant-captifs.

De 44 à 46b se répondent l’adversité et les (gens) les emmenant captifs, de 45 à 46a loyauté et affections se répondent comme termes d’une paire stéréotypée 44. En 44 joue la paire stéréotypée voir/entendre 45, en 45 celle de alliance/loyauté 46. YHWH ne se contente pas de voir et d’entendre la détresse et le cri de son peuple. Cela réveille en lui la mémoire de l’alliance et de sa loyauté pour son peuple, sentiments qu’il suscite (sous mode d’affections) chez ceux qui jusque là causaient la détresse de son peuple. En 47 nous lisons un appel au salut. Deux appels et deux motivations s’y font suite. En 47ab on peut repérer un chiasme simple: Sauve-nous (x) + YHWH (b) / notre Dieu (b’) + et rassemble-nous d’entre les nations (x’). En 47cd nous retrouvons les termes de la paire stéréotypée nom/louange (voir ci-dessus notre n.23). Il est bien clair que 48 appartient à un ultime stade de la rédaction, celui de la composition du livre du Psautier. En lui-même il présente une certaine structure en chiasme qu’on peut faire voir ainsi: Béni* (est)

+ YHWH , Dieu d’Israël depuis toujours et jusqu’à toujours Il dira tout le peuple Amen! Louez* + Yah Le peuple, c’est Israël. Louer et bénir constituent une paire stéréotypée 47. La correspondance entre les deux termes centraux va de soi. Mais si 48 43 44 45 46 47

Nous reprenons ici notre proposition de 1994, p.85. h.sd/rh.m selon Avishur p.758, à l’index. r’h/sˇ mc selon Avishur pp. 87.263.286. bryt/h.sd selon Avishur pp. 102.105–106.191.281. brk/hll selon Avishur pp. 70–71.288–289.

Etude structurelle du psaume 106

343

« n’appartient certainement pas au poème original » (Girard, p.110), il ne s’en suit pas qu’il soit négligeable et que son ajout soit purement artificiel, et sans importance pour l’interprétation pour le psaume tel que nous le propose le Psautier. Cet ajout est loin d’être malhabile. Considérons en effet l’ensemble 47 + 48 48:

47a

YHWH Dieu de nous

= =

47b nations+ 47c/d (rendre grâce) louange°

= =





Béni*° YHWH Dieu d’Israël peuple+ louez° Yah

48a

[48b] 48c 48d

Nous avons traduit servilement 47a pour suivre l’ordre même des mots en hébreu (pronom-suffixe du nom). La paire stéréotypée bénir/louer et la correspondance entre YHWH Dieu et Yah, accompagnés d’une flèche sur notre tableau encadrent 48. En 47a on lisait YHWH Dieu comme en 48a, en 47d louange comme louez en 48d. Après YHWH Dieu ici et là nous est précisé que ce Dieu est celui de nous ou d’Israël, ce qui revient au même. Avant louange nous lisons nations, lesquelles s’opposent à peuple que nous lisons avant louez. On voit que 48 s’articule fort bien à 47. Nous verrons plus loin que cela n’est pas sans importance pour ce qui est de la composition d’ensemble du poème. STRUCTURE DE 6–46 Nous pouvons maintenant en venir à la structure d’ensemble de notre psaume. Laissons provisoirement tant 1–5 au début que 47–48 au terme. Il s’avère qu’en 6–46, en retenant globalement le contenu de chaque unité, nous pouvons prendre une première vue d’ensemble qu’il nous faudra bien sûr fonder plus avant, mais qui permettra au lecteur d’y situer chacune des étapes que nous allons parcourir 49:

48 49

Nous reprenons ici à frais nouveaux notre proposition de 1994 pour 47–48. Girard distingue d’abord 1–5 et 6–12, mais ensuite considérer 13–22 comme un ensemble obligerait en quelque sorte à en faire autant de 28–42 qui leur sont symétriques: or c’est impossible à cause de l’« insertion » de 29–31. Ses sections suivantes (23–34, 35–39, 40–47 [et 48]) posent les problèmes que nous avons soulevés au fur et à mesure de notre étude. Quant à notre proposition de 1994 (pp. 86ss), elle nous paraît globalement juste, sauf à en justifier encore un peu plus avant la pertinence, ce que nous allons nous efforcer de faire.

344 6–7: péché 13–14: péché 16: péché 19–22: péché x 24–25: péché x 28: péché 32a.33: péché 34–39: péché 43bc: péché

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

8–12: salut 15: châtiment 17–18: châtiment 23: intervient Moïse 26–27: châtiment 29–31: intervient. Pinhas 32b: châtiment 40–42: châtiment 43a.44–46: salut

Quatre et quatre unités entourent dans la première colonne (sur le péché) l’unité centrale de 24–25. Les deux du milieu ici et là sont suivies d’une unité contant le châtiment, tout comme l’unité centrale. Mais aux extrêmes, en 6–12 et 43–46 l’unité rapportant le péché est suivie d’une autre rapportant le salut, et autour du centre, en 19–23 et 28–31, l’unité contant le péché est suivie d’une unité rapportant l’intervention soit de Moïse, soit de Pinhas. Reste à préciser ces correspondances et à considérer avec plus de précision les rapports entre unités symétriquement situées. Nous prenons ici en considération certaines récurrences, pas toutes. Que le lecteur veuille bien patienter. Les autres récurrences seront honorées ci-dessous lorsque nous étudierons pour eux-mêmes les volets 6–23 et 28–46 entourant 24–27. Nous ne commenterons pas chaque récurrence. Le lecteur peut facilement y pourvoir en considérant les contextes où chacune s’inscrit successivement, avec des effets soit de convergence, soit d’opposition. Dressons d’abord un tableau où seront situées les récurrences sur lesquelles nous voulons attirer l’attention du lecteur dans cette première étape:

Etude structurelle du psaume 106 6–7: fauté, se rebellèrent se souvinrent, abondance, tes loyautés

8–12 : sauva*, adversaires paroles* main, haïssant/ennemi fidèles à ses paroles

13–14: faits, désert*, Dieu faits*

15: donna = donna

16 Moïse

17–18: méchants° (Datan…) feu+

19–22: mangeant (Egypte…)

24–25: YHWH terre fidèles à sa parole entendirent

345

23: se tint (Moïse) déchaînement dire + détruire 26–27: désert / terres

28: mangé (Péor)

29–31: se tint (Pinhas) il déchaîna imputé* / justice°

32a.33 eaux+

32b: mauvais (Moïse) Moïse

34–39: YHWH, faits, terre* dire + détruire

40–42: donna main, haïssant/ennemi

43bc: se rebellaient, faute projet*

43a.44–46: délivra*, adversité se souvint, abondance, sa loyauté / donna / entendre

Les unités concernant le péché (première colonne dans notre tableau) sont presque parfaitement organisées selon une symétrie concentrique. On lit en effet en 6–7 comme en 43bc se rebeller et faute(r), en 13–14 comme en 34–39 faits (ceux de Dieu en 13, ceux des nations impies en 35 et 39), manger en 19–22 et 28 (s’agissant d’un bovin en 20, et de manger le sacrifice des morts en 28). Seuls 16 et 32a.33 n’ont point de terme commun. En 13–14 et 34–39 on relèvera aussi la répartition des termes de la paire stéréotypée terre/désert 50 ainsi que les mentions de Dieu en 14b et de YHWH en 34b. Pour ce qui est des unités visant les châtiments (deuxième colonne dans notre tableau), on repérera la même disposition. On lit en 50

’rs. /mdbr selon Avishur p.278.

346

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

effet donner en 15 comme en 40–42, l’action ici comme là les menant à leur perte. En 17–18 et 32b nous voyons répartis les termes de la paire stéréotypée mauvais/méchant 51, et on lit ici et là des noms propres, ceux de Datan et d’Abiram les révoltés châtiés pour leur méfait en 17, celui de Moïse pâtissant du péché d’Israël en 32b. Venons-en à 8–12 et 43a.44–46 (unités se rapportant au salut). Nous lisons ici et là adversaires/adversité ainsi que l’un des termes de la paire stéréotypée délivrer/sauver 52. En 23 et 29–31, avec le nom des deux héros intervenant, Moïse et Pinhas nous lisons aussi, se rapportant à chacun, se tint (debout), et cela face au déchaînement de la colère divine. Considérons encore l’ensemble selon les couples d’unités disposés comme tels concentriquement autour de celui de 24–27, et cela pour y repérer encore quelques autres indices symétriquement disposés. Aux centres 25 et 26–27 nous lisons respectivement terre et désert (on lit aussi terres au pluriel en 27) dont nous avons vu qu’ils se correspondaient de 13–14 à 34–39. Notons encore d’autres répartitions symétriques sur l’ensemble: main, haïssant, ennemi en 8–12 et donner en 44-46 comme, à l’inverse, donner en 15 et main, haïssant, ennemi en 40–42. On verra s’opposer la main des ennemis en 10 et 41–42 et celle de YHWH lui-même dans la deuxième unité centrale (26–27). On lit encore dire + détruire en 23 et imputer en 30–31, comme, à l’inverse, faits en 13–14 et dire + détruire en 34–39, compte tenu du fait que imputer/faire constituent une paire stéréotypée 53; fidélité en paroles et entendre en 24–25 (première des deux unités centrales) comme, dans deux unités symétriques entre elles, fidélité en paroles en 8–12 et entendre en 44–46. De même que nous lisons Moïse en 23 et 32b, dans des situations opposées, de même on voit répartis en (17–)18 et (30–)31 (symétriques de 23 et 32b) les termes de la paire stéréotypée just(ic)e/méchant 54, la justice de Pinhas s’opposant bien évidemment à la méchanceté du groupe assemblé autour de Datan et Abiram. On lit face en 23 et 44–46, soit dans la dernière unité de chacun des deux volets entourant 24–27. On notera aussi des récurrences assurant l’enchaînement entre unités successives, ainsi mer du roseau en 6–7 et 8–12, terre(s) en 24–25 et 26–27, , peuple/nation et YHWH en 34–39 et 40–42, mais aussi désert en 8–12 et 13–14 55, terre en 17–18 et 19–22, et encore la répartition des termes de la paire stéréotypée manger/avaler 56 en 17–18 et 19–22. 51 52 53 54 55

56

rc/rsˇ c selon Avishur p.80. ns.l/ysˇ c selon Avishur pp. 88 et 225. h.sˇ b/cs´ h selon Avishur pp. 83.192.283. s.dq/rsˇ c selon Avishur p.765, à l’index. A quoi on pourrait joindre la répartition dans ces deux unités des termes de la paire stéréotypée parole/projet (dbr/cs.h selon Avishur p.106), ce qui permet de saisir d’autant mieux l’opposition entre les attitudes décrites en 12 et en 13. ’kl/blc selon Avishur p.677.

Etude structurelle du psaume 106

347

Mais il se trouve par ailleurs que les différents couples d’unités parallèles entre eux sont aussi, d’une façon moins manifeste et cependant bien perceptible, ordonnés à chaque fois selon un chiasme. Ainsi on trouve se souvenir, abondant, loyauté en 6–7 et paroles en 8–12 comme, à l’inverse, projet en 43bc et se souvenir, abondant, loyauté en 44–46, compte tenu que parole/projet constituent une paire stéréotypée 57. Les trois récurrences relevées de 6–7 à 44–46 donnent à ces deux unités une fonction d’inclusion de l’ensemble 6–46. Dans les couples suivants, soit en 13–15 et 34–42, on lit en 15 et 34–39 les termes de la paire stéréotypée sang/gorge 58: en 15 c’est leur gorge qui est touchée par le châtiment, en 38 c’est le sang de leurs fils et de leurs filles qui est honteusement sacrifié aux idoles (on lit trois fois sang dans ce seul verset). En 13–14 et 40–42 on lit ici Dieu (en 14), là YHWH (en 40): du premier ils ont oublié les (hauts) faits; quant au second, il les livre à la main des nations (41 et 42). Or faire et mains sont en rapport dans de nombreuses textes, comme nous avons eu l’occasion de le montrer 59. En 16 (péché) + 17–18 (châtiment) nous lisons successivement le nom de Moïse, puis mention du feu agent du châtiment, mais en 32a (péché) + 32b (châtiment), c’est l’inverse: on lit une mention des eaux en 32a, eaux constituant avec feu une paire stéréotypée60, et en 32b de nouveau une mention de Moïse. Moïse pâtit par deux fois, la première fois de la jalousie du peuple, la seconde du mauvais cas où ils l’ont mis. Le feu a puni les responsables la première fois. Les eaux étaient l’occasion de la dispute la seconde. Pour ce qui concerne 19–31 considérons d’abord les correspondances entre les unités extrêmes 19–22 et 29–31: en 19–22 nous lisons par deux fois, en 19a et 21b, un emploi du verbe faire, et en (29–)31 un emploi de imputer. Or ces deux termes constituent une paire stéréotypée 61: l’action de Pinhas lui est imputée à justice, ce qui va dans le sens de celui qui a fait de grandes choses en Egypte, mais s’oppose à ce veau qu’ils font dans le lieu-sec. Pour saisir plus aisément le rapport entre 23 et 28, considérons

57 58 59

60 61

dbr/cs.h selon Avishur p.106. dm/npsˇ selon Avishur pp. 253.559.577. Voir P. Auffret, « Note on the Literary Structure of Psalm 134 », JSOT 45 (1989) 87–89, p.88, où nous citons Pss. 19,2; 28,5; 92,5; 102,26; 111,7; 138,8; 143,5 (Voir aussi P. Auffret, Là montent les tribus – Etude structurelle de la collection des Psaumes des Montées, d’Ex 15, 1–18 et des rapports entre eux, BZAW 289, Berlin/New York 1999, pp. 119–120). On sait que l’œuvre de ses mains est une expression fréquente en Is où elle désigne le plus souvent le peuple élu (par exemple en 5,12; 29,23; 60,21; 64,7;), l’œuvre de leurs mains visant les idoles (par exemple en 2,8; 37,19; 17,8). Nous avons donc ici la séparation des termes d’une expression stéréotypée. ’sˇ /mym selon Avishur pp. 483–484 et 495. h.sˇ b/cs´h selon Avishur pp. 83.192.283.

348

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

maintenant l’ensemble 23–28. Relevons les indices de correspondance dans le tableau suivant: 23 Moïse son choisi

il aurait dit° face de lui

détruire anéantir

x 24–25

terre* de convoitise sa parole° voix de YHWH

x 26–27

sa main désert*… disperser sur les terres*

x 28

rattachés au Baal de Péor

morts

De 23 à 28 deux alliances s’opposent, soit celle de YHWH avec Moïse, son choisi, et celle de ceux qui se sont rattachés au Baal de Péor. De 24(–25) à (26–)27, ce sont deux terres qui s’opposent, soit la terre désirable mésestimée par le peuple et celles où il se retrouvera dispersé. Cette dernière sanction vient au terme d’une série de trois: tomber dans le désert, tomber chez les nations étant les deux premières. On se souvient que terre et désert constituent une paire stéréotypée (voir ci-dessus notre n.36). En 23 et 28 on lit aussi des mentions de la mort, soit d’abord cette destruction et cet anéantissement que Moïse évite au peuple, puis cette mort dont les sacrifices se déroulent dans le culte du Baal de Péor. Les trois premières de nos quatre unités sont encore articulées entre elles par deux thèmes voisins, d’abord celui de la parole divine 62 (dire, parole, voix), puis celui, anthropomorphique, du corps de YHWH, plus précisément de sa face et de sa main. La séquence est parallèle de dire + face à parole (voix) + main. En 24–25 et 26–27 on relèvera que parole et voix se lisent après la terre de convoitise, mais la main avant ces terres où ils seront dispersés. C’est que cette parole et cette voix promettaient la terre de convoitise, tandis que la main sanctionnera son refus. On voit le chiasme à six termes (que veulent indiquer les caractères gras sur le tableau ci-dessus): Moïse son choisi… anéantir (x) + terre de convoitise (y) + sa parole / sa voix (z) / sa main (z’) + disperser sur les terres (y’) + rattachés au Baal de Péor… morts. On voit donc maintenant plus facilement la correspondance entre 23 (après 19–22) et 28 (avant 29–31). S’il est bien vrai que chacun des couples d’unités susdits se répondent et en parallèle et en chiasme, on dira que chacun correspond à l’autre selon 62

Dire et parole constituent la paire stéréotypée ’mr/dbr selon Avishur p.242 (où on trouve aussi dbr/’mrh).

349

Etude structurelle du psaume 106

une symétrie croisée. Mais alors, étant donnée en outre la correspondance entre les deux unités centrales, on peut voir l’ensemble de 6–46 structuré selon un vaste chiasme dont nous rappelons dans le tableau ci-dessous les indices (sommairement pour certaines unités; les termes de paires stéréotypées sont signalés par*): 6–7 8–12 13–14 15 16 17–18 19–22 23 24–25 26–27 28 29–31 32a[33] 32b 34–39 40– 42 43bc [43a]44–46

ils ne souvinrent pas de l’abondance de tes loyautés ses paroles* faits… Dieu leur gorge* Moïse le feu* faire* … détruire TERRE TERRES

… morts imputer* les eaux* Moïse sang* (ter) YHWH… la main dans leur projet* Il se souvint… selon l’abondance de sa loyauté

STRUCTURE DE 6–23 ET 28–46 Il convient maintenant d’étudier la structure propre à chacun des deux volets 6–23 et 28–46 qui entourent 24–27. Pour ce qui est de 6–23 les deux unités 15 et 16 ne semblent pas rentrer en ligne de compte, si ce n’est que 15 fait suite à 13–14 (c’est la demande de 15 qui constitue la tentation de 14), tandis que 16 (Moïse et Aaron) précède et motive le châtiment qui suit en 17 (pour Datan et Abiram). Notons aussi une mention de Moïse en 16 comme en 23, soit aux extrêmes de 16–23 63 Mais considérons plus précisément les trois unités de 6–14 et les trois de 17–23. Elles présentent entre elles les indices de rapports situés comme ceci:

63

On voit encore répartis en 15 et 16 les termes de la paire stéréotypée ntn/qdsˇ (Avishur pp. 450–451 et 709), mais dans des contextes qui ne font pas jouer le parallélisme de sens entre ces deux mots (comme par exemple, cités par Avishur, en Jr 1,5; Nb 8, 16–17; Neh 12,47; Lv 27, 22–23).

350

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

6-7

Egypte/merveilles mer du roseau agi-méchamment

recouvrit/terre*

17–18

méchants ▼

8-12



paroles* recouvrirent/désert* sauva (bis) mer du roseau ▼

13-14 oublièrent/faits/Dieu/désert*

oublièrent/Dieu/fait/terre* 19–22 Egypte/merveilles mer du roseau sauvés mer du roseau ▼

dit*

23

A partir des indices portés en caractères gras le lecteur peut percevoir le parallèle entre 6–7 + 8–12 et 17–18 + 19–22. De 6–7 à 17–18 on passe du péché au châtiment, de 8–12 à 19–22, comme à l’inverse, du salut au péché. Relevons ensuite des parallèles qui sont entre eux ordonnés en ordre inversé de 6–14 à 17–23. De 6–7 à 8–12 comme de 19–22 à 23 (ici et là du péché à son issue: voir nos flèches au trait plein) on lit les récurrences relevées en lettres droites, dit/parole constituant une paire stéréotypée (voir ci-dessus notre n.62): ils ont méprisé les merveilles de Dieu en Egypte, à la mer du roseau 64; à ses paroles ils se sont montrés fidèles, mais Moïse, lui, dut s’y opposer. De 8–12 à 13–14 comme de 17–18 à 19–22 (voir nos flèches au trait discontinu) on lit les récurrences relevées en italiques, jouant aussi la correspondance entre les termes de la paire stéréotypée terre/désert (voir ci-dessus notre n.36): ce sont les adversaires qui sont recouverts en 11a, mais en 17b c’est le groupe d’Abiram, mais de 13–14 à 19–22 ce sont les mêmes qui oublient les (hauts) faits de Dieu. Considérons maintenant 28–46. Nous donnons d’abord un schéma de l’agencement d’ensemble, que nous justifierons ensuite point par point:

64

De 7 à 21–22, en tenant compte des paires stéréotypées sˇkh . /l’ zkr (Avishur pp. 13 et 230) et gdl/rbh (Avishur p.756, à l’index), on peut même découvrir l’agencement en chiasme des deux enchaînements que voici: 7 Egypte oublièrent* 21 + merveilles + grandes° ne se souvinrent pas* Egypte + abondance° + merveilles 22

Etude structurelle du psaume 106

351

28–29: sacrifices/actions: 34–39 30–31: justice* (Pinhas) 32b:

(32a) mauvais* 33: (Moïse)

se rebeller: 43bc

40–42: haïssant*+ donna (ennemis°) (43a) 44–46: loyauté* donna (adversité°+)

Les références en italiques gras indiquent ces unités qui se rapportent au péché, celles en italiques simples les châtiments, celles en caractères gras les libérations soit par l’intermédiaire de Pinhas (30–31), soit directement par YHWH (43a.44–46). Les deux premières unités quant au péché ont en commun sacrifices et actions, les deux dernières se rebeller. Et les correspondances de contenus entre 30–31 et 44–46 comme entre 32b et 40–42 sont appuyées par des indices, ici les répartitions des paires stéréotypées loyauté/justice 65 et haïssant/mauvais 66: la justice reconnue à Pinhas s’accorde à la loyauté dont bénéficie tout le peuple, mais le mauvais cas où se retrouve Moïse est comme annonciateur des assauts des gens haïssant tout le peuple. En 30–31 et 32b on a ici et là mentionné un héros de l’histoire du désert, soit Pinhas et Moïse. En 40–42 et 44–46 non seulement nous lisons ici et là donna, dans des contextes opposés, mais adversités de 44a forme une paire stéréotypée tant avec haïssant 67 qu’avec ennemi 68, les contextes étant toujours opposés. On voit donc comment les deux volets 28–33 et 34–46 se répondent selon des symétries très ajustées. Ainsi donc, autour de 24–27, chacun des deux volets 6–23 et 28–46 possède sa propre structure. RAPPORTS STRUCTURELS ENTRE 1–5, 6–46 ET 47–48 Il nous reste maintenant à considérer les rapports de 1–5 et 47–48 tant entre eux qu’avec le corps du psaume en 6–46. Commençons par comparer 1–5 et 47–48. On peut y voir les indices se correspondre selon la répartition que voici:

65 66 67 68

h.sd/s.dq selon Avishur pp. 237 et 282. s´ n’h/rc selon Avishur pp. 453 et 461. s.rr/s´n’ selon Avishur pp. 258.479.494. ’yb/s.rr selon Avishur p.753, à l’index.

352

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté



2a 2b 4a

YHWH louange YHWH… ton peuple

4b 5b 5c

salut ta nation louer+

= = = = ▼

1c 2a

Rendez-grâce+ YHWH toujours discourra*

1b



Sauve… YHWH nations rendre grâce+

47a 47b 47c

louange+ YHWH jusqu’à toujours dira*

47d 48a 48b 48c

le peuple48c Louez Yah

48d



Nous avons montré ci-dessus l’unité structurelle tant de 1–5 que de 47–48. Ici nous voyons comment la série des trois termes relevés au terme de 1–5 se retrouve au début de 47–48, à cette différence près que la nation de 5b se trouve rassemblée des nations selon 47b. Mais c’est la même demande de salut visant à aboutir à la louange ou à l’action de grâce (on se souvient que ces deux termes constituent une paire stéréotypée). De 1b–2a à 47d–48c nous lisons encore quatre termes se correspondant selon une succession parallèle d’ici à là. Nous y retrouvons rendre grâce et louer (louange), et y découvrons les termes de la paire stéréotypée dire/discourir 69. L’action de grâce et la louange sont destinées au même YHWH. La pérennité (pour toujours) s’applique en 1c à la loyauté divine, en 48b (depuis toujours et jusqu’à toujours) à la bénédiction. Le discours à tenir concerne ici et là ce même YHWH. En 2 + 4a et 48cd la situation est inverse de la précédente en ce que ici les indices de correspondance inversent leur séquence. C’est à YHWH que s’adresse la louange, ce YHWH qui est en lien avec son peuple (2 et 4a), ce même peuple à qui il revient de dire: Louez Yah! (48cd). Tels sont les rapports entre les deux unités extrêmes de notre psaume. Mais qu’en est-il des rapports entre ces unités extrêmes et le corps du psaume? Considérons d’abord 1–5 et 6–46. Les indices s’y trouvent répartis comme suit:

69

’mr/mll selon Avishur pp. 288 et 312.

353

Etude structurelle du psaume 106 NE SE SOUVINRENT° PAS



tes loyautés+++ sauva"+ sauva"+ / louange

7 8 10 / 12

//

3 4

justice++



2

toujours sa loyauté+++ ENTENDRE*



1

OUBLIÈRENT° OUBLIÈRENT° ▼



4

5

ton peuple



ton salut"+ VOIR* / le bonheur** / tes choisis / louer / ton héritage

sauvés"+ / son choisi N’ENTENDIRENT* PAS

SOUVIENS°-TOI





13 21

justice++ toujours / mauvais**

/ 23 25 31 / 32b

son peuple son héritage délivra" IL VIT* ENTENDRE*

40

SE SOUVINT°

45

43 44

sa loyauté+++

Les signes en exposant veulent rappeler les paires stéréotypées déjà rencontrées ci-dessus (NE PAS SE SOUVENIR/OUBLIER, loyauté/justice, loyauté/salut, VOIR/ENTENDRE). Ajoutons ici celle de bon/mauvais 70 dont les termes se lisent en 1b et 5a pour le premier, 32b pour le second. Nous rapprocherons le bonheur de tes choisis (5a, un bonheur qui leur vient bien évidemment de celui qui selon 1b est bon) de ce qui arrive à Moïse son choisi (23b), soit du mauvais (32b). A partir d’elles le lecteur peut percevoir le parallèle entre les termes relevés ci-dessus en 7–10 et 13 + 21: SE SOUVENIR + loyauté/sauver et OUBLIER + sauver. Or ces termes trouvent leurs correspondants en ordre inverse en 3–4: justice + SE SOUVENIR, et dans le même ordre en 45: SE SOUVENIR + loyauté, d’où la flèche au trait simple qui accompagne ces successions (quatre fois). En 1–2 on lit quelque chose d’un peu différent, qu’on retrouve en ordre inverse en 25 + 31 (avec sur notre tableau une flèche au trait épais): toujours + loyauté + ENTENDRE et ENTENDRE + justice + toujours. En 4–5 enfin et en 40–44 on trouve, accompagnés sur notre tableau d’une flèche au trait discontinu, le parallèle entre ton peuple + ton salut + VOIR et son peuple/son héritage + délivra + IL 70

c .twb/r selon Avishur pp. 93.122.281.

354

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

VIT/ENTENDRE,

les termes extrêmes étant ici, on le voit, doublés par un terme du même type. On peut donc lire en ordre inversé ce qui est ici relevé pour 7–10/13.21 + 25.31 et pour 1–2 + 3–4 (flèches simples et flèches au trait épais), ou encore pour 3–4 + 4–5 et 40–44 + 45 (flèches simples et flèches au trait discontinu). Quelques récurrences se situent un peu différemment, soit choisi en 5 et 23, louer/louange en 2, 5 et 12, tandis qu’on lit héritage en 5 comme en 40, et les antonymes bon et mauvais en 5 et 32b. Notons seulement comme s’inverse la succession de bon + tes choisis + louer en louange + son choisi + mauvais, ici la louange faisant suite au bonheur accordé aux choisis, là la louange étant compromise au sujet de son choisi auquel advient du mauvais. Quant aux termes désignant ceux qui appartiennent à YHWH on notera que le dernier ici et là est héritage (en 5c et 40b), tandis que les deux autres inversent leur succession: on lit peuple en 4a et 40a, mais choisi en 5a et 23b. Pour les termes indiquant les bienfaits divins ils sont finalement situés d’ici à là comme le montrera le tableau suivant: sa loyauté (1c) xxx justice (3b) ton salut (4a) xxx

=

tes loyautés (7c) il les sauva (10a) justice (31a) il les délivra (43a) sa loyauté (45b)

SOUVIENS-TOI (4a) VOIR ▼

(5a) (5c)

LOUER



SA LOUANGE

NE SE SOUVINRENT

(7c)

SA LOUANGE

(12b)

OUBLIERENT

(13a.21a)

ENTENDRE/VOIR ▼

(2b) (2b)

FERA ENTENDRE ▼



Et pour les termes visant ouïe, vue, souvenir et louange, l’agencement est le suivant:

IL SE SOUVINT

(25b.44) (45a)

Précisons que le souvenir de YHWH en 4a s’oppose évidemment à leur oubli en 13a et 21a, ou encore de 7c (ils ne se souvinrent pas) à 45a (lui se souvint). ENTENDRE et VOIR s’entendent toujours en un sens positif, sauf en 25b. De 2 et 5 à 44 on passe de ce que le peuple entend et voit à ce que YHWH lui-même voit et entend. Pour ce qui est de l’enchaînement de 6–46 à 1–5, il nous semble possible de considérer selon une certaine structure d’ensemble 1–5 + 7–12 (qui nous permettra entre autres choses d’intégrer la récurrence de bravoure), cela à partir du repérage suivant des indices de correspondances:

355

Etude structurelle du psaume 106

1 sa loyauté

7 NE SE SOUVINRENT 7 tes loyautés

2 les bravoures

2 SA LOUANGE

4 SOUVIENS-TOI

4 ton salut

5 LOUER

8a il les sauva 8b sa bravoure 10 il les sauva

12 SA LOUANGE

Les deux colonnes de gauche se rapportent à 1–5, celles de droite à 7–12. Dans chaque couple de colonnes on lit de gauche à droite, puis de haut en bas. On voit aux premières et dernières lignes de notre tableau se correspondre aux extrêmes soit les récurrences de loyauté, soit celles de LOUER/ LOUANGE. C’est aux extrêmes de la deuxième ligne et aux centres de la troisième que se lisent, en ordre inverse, bravoure et sauver/salut, autant d’œuvres de YHWH. De même que SA LOUANGE se lit au terme de 1–2 comme de 8b–12, de même et inversement SE SOUVENIR au début de 4–5 comme de 7–8a. Ainsi l’articulation de 1–5 au premier enchaînement 6–7 + 8–12 de 6–46 est-elle particulièrement soignée. Nous pouvons maintenant considérer les rapports entre 6–46 et 47–48. Les indices sont disposés d’ici à là comme le montrera le tableau suivant:

= jusqu’à toujours

48b



47a 47b 47c



il dira

47d

48c

le peuple Louez



son nom + Il les sauva sa louange le saint + les… sauvés Il aurait dit x jusqu’à toujours + les peuples il avait dit + les nations son peuple + des nations il les délivra ▼

35 40 41 43

Sauve-nous les nations ton nom saint ta louange



10 12 16 21 23 24–27 31 34

Il les sauva



8

48d

Nous repérons en 6–46 la séquence inversée de Il les sauva + Il aurait dit à il avait dit + il les délivra, mais en 47–48 la séquence parallèle de les nations + ta louange // le peuple + Louez. De 34 à 48c le dit divin reçoit comme une réponse dans ce que le peuple dira. De 8 à 47a la mémoire du salut: il les sauva fonde la demande ce de même salut: Sauve-nous. En 8–23 la mémoire du salut de 8 trouve un écho après le nom (au terme de

356

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

8a) en 10, et en 21 après mention d’Aaron le saint (en 16). On connaissait depuis 40 le peuple qui doit selon 48c donner la réplique liturgique. En 31–43 on lit aussi peuples après jusqu’à toujours, puis nations après il avait dit, et encore après son peuple, lequel se contre-distingue d’elles. En 8 et 47c le nom est donné comme sauveur, et donc digne d’action de grâce. Aaron est dit saint en 16, tout comme il est dit du nom divin selon 47c. Etant donné son haut fait, Pinhas selon 31 aura droit à voir reconnue sa justice jusqu’à toujours, et la même est chose est dite de la bénédiction pour le Dieu d’Israël selon 48ab. En distinguant 6–23, 28–46, 47 et 48 on verra les principales récurrences ci-dessus ainsi réparties: louange 6–23

aurait dit

avait dit

28–46 peuple/nations

sauva

délivra

il dira

louange 47 nations x Louez 48 peuple

Sauve

On le voit, chacun des indices se lit dans trois des quatre volets, et jamais les trois mêmes. La louange de 12 reçoit double écho en 47–48, mais les deux mentions du dire divin en 8–46 un seul écho en 48. Le salut est deux fois mentionné (et même trois) en 8–46, mais, après l’avoir demandé en 47, on n’y revient plus en 48, tout occupé à louer son auteur. Le peuple choisi et les nations dont il se distingue sont mentionnées en 28–46, et on retrouve les secondes en 47 pour dire précisément qu’en fut rassemblé ce peuple qui en 48 est invité à la célébration de YHWH. De même que nous avons décelé un dispositif structurel pour le rapport entre 1–5 et 6–12, premier enchaînement (6–7 + 8–12) en 6–46, de même nous pouvons peut-être découvrir un dispositif entre la fin de 6–46 (et plus précisément 31–43) et 47–48. Les indices d’un ensemble se trouvent répartis comme suit (on lit d’abord les deux premières colonnes, puis les deux dernières, chaque ligne [demi-ligne] de gauche à droite): jusqu’à toujours (31b)

se rebellèrent (33a)

se rebellaient (43b)

il leur avait dit (34b)

Sauve-nous° (47a)

les nations* (35a)

son peuple* (40a)

les nations* (47b)

Il les donna (41a)

des nations* (41a)

Israël* (48a)

il les délivra° (43a)

Il les donna (46a)

jusqu’à toujours (48b) Il dira (48c) le peuple* (48c)

Etude structurelle du psaume 106

357

Les deux encadrés en haut à gauche et en bas à droite se répondent avec leurs trois termes se correspondant en parallèle (nations et peuple forment une paire stéréotypée: voir ci-dessus n.42), et de même les encadrés en bas à gauche et en haut à droite avec leurs deux termes se correspondant également en parallèle (délivrer et salut constituent une paire stéréotypée: voir ci-dessus n.52). Dans les deux colonnes centrales nous lisons se rebeller en 33a (après: jusqu’à toujours) et 43b (avant: Il les donna), et de nouveau la distinction entre son peuple et les nations, en ordre inverse de 40a et 47b à 41a (après: Il les donna) et 48a (avant: jusqu’à toujours). Le passage d’un volet à l’autre se fait avec l’opposition entre 43a et 43b. On notera que 31b et 48b (jusqu’à toujours) nous font passer de la gloire pour Pinhas à la gloire pour YHWH, mais que de 34b (il leur avait dit) à 48c (Il dira) on passe du commandement de YHWH à la réponse du peuple. En 35a il s’agit de se protéger des nations pour devenir précisément ce peuple capable d’assurer le répons. L’opposition est patente de 41a à 46a (Il les donna), s’y opposant la délivrance en 43a, s’y ajoutant la demande de salut en 47a 71. Les termes communs à 1–5, 6–46 et 47–48 ne sont pas nombreux. On y compte bien sûr le nom divin (1b.2a.4a + 16b.25b.34a.40a + 47a.48a, ainsi qu’aux extrêmes la forme abrégée en 1a et 48d), pour (jusqu’à) toujours (1c + 31b + 48b), louange/louer (2b.5c + 12b + 47d et 48d), salut/sauver (4b + 8a.10a.21a.43a [délivra] + 47a), nation(s) (5b + 27a.35a.41a + 47b), et peuple(s) (4a + 34a.40a + 48c), à quoi on pourrait ajouter les verbes visant les paroles: discourir (2a), paroles (12a et 24b), et dire (23a.34b et 48c) 72. Aux extrêmes la pérennité vise la loyauté divine et la bénédiction qui en quelque sorte lui répond; au centre elle vise la justice assurée à Pinhas. La louange est toujours adressée à YHWH. Le salut s’inscrit dans une demande tant en 1–5 qu’en 47–48. En 6–46 il en est fait mémoire en 8.10 comme en 43, tandis qu’entre ces rappels on mentionne l’oubli auquel il eut droit de la part de son bénéficiaire même (en 21). Le psaume parle en 1–5 de ta nation, celle de YHWH donc, mais ensuite toujours des nations, auxquelles la première s’oppose ou devrait s’opposer (27.35.41), mais dont YHWH finira, selon la prière de 47, par la rassembler. On lit ton peuple ou le peuple (au singulier) aux extrêmes (en 4 et 48), mais en 34 et 40, dans un contexte d’affrontement, tant les peuples que son peuple, comme si le peuple choisi se retrouvait du début à la fin après un temps d’épreuve dans l’affrontement avec les peuples. Dans la note juste pour ce qui est de ses discours selon les unités extrêmes (en 2

71 72

On pourrait encore relever avant il les délivra en 43 et Il les donna en 45b–46 la récurrence de abondant: l’« abondance » divine est ici et là à l’œuvre. On souvient de la paire stéréotypée ’mr/mll (voir ci-dessus n.69). Mentionnons ici dbr/mll (Avishur pp. 288 et 313).

358

Chapitre XII: Selon l’abondance de sa loyauté

et 48), le peuple ne s’est pas toujours montré fidèle aux paroles de YHWH (selon 24 et 34), et Moïse a du pour lui affronter la menace d’un châtiment (23). C’est seulement au terme du salut accordé qu’ils furent fidèles à ses paroles (12). Faute d’avoir considéré assez attentivement l’autonomie structurelle des petites unités ainsi que leurs divers enchaînements avant de tenter de découvrir la structure d’ensemble du psaume, Girard n’a pas perçu avec justesse cette dernière. Nous avons ici refait notre parcours de 1994, étape par étape, et si nous avons eu à ajuster plus d’une fois notre perception des structures partielles, pour la structure d’ensemble nous n’avons fait que mieux étayer notre précédente proposition. Ce psaume est bâti comme une magnifique ogive, avec au sommet l’enchaînement de 24-27 sur le péché d’infidélité à la Parole avec le châtiment qui devrait s’en suivre, mais comme bases l’action de grâce et la louange du peuple pour le salut finalement obtenu.

Chapitre XIII En ta justice Etude structurelle du psaume 143 Parues presque en même temps la proposition de Girard 1 et la nôtre 2 sur la structure du Ps 143 divergent sensiblement. Girard voit l’ensemble ordonné simultanément selon un diptyque chiastique où 1–2 appellent 11–12 tandis que 3–6 appellent 7–10, et selon un diptyque ordinaire où 1–2 appellent 7–10 tandis que 3–6 appellent 11–12, l’ensemble respectant donc une double structure superposée (chiasme et parallèle), ce que nous appelons symétrie croisée. Pour notre part nous distinguions 1–7, 8–10 et 11–12, soulignant cependant le rapport entre 1–2 et 11–12 et les rapports de 1–2 et 3–4 à 8–10 et 11–12. Il faut donc remettre l’ouvrage sur le métier. Nous commencerons par reprendre à notre compte la proposition de Girard, mais en la précisant et en lui découvrant des points d’appui mieux situés dans le texte. Puis nous en viendrons à d’autres propositions pour la structure d’ensemble, à partir d’une autre répartition des différentes parties. Nous examinons tout d’abord la structure des petites unités, en repérant peu à peu celle d’ensembles de plus en plus importants. La traduction ci-dessous est celle de Girard. Nous ne la modifions que pour 9b afin de faire apparaître la récurrence de vers toi (6a, 8d, 9b). Les différences typographiques veulent rendre commode au lecteur le repérage des termes récurrents. 1a 1b 1c 2a 2b 3a 1 2

YHWH, entends ma supplication, prête-l’oreille à mes appels-à-la-pitié, en ta fidélité! Réponds-moi, en ta JUSTICE! Ne viens pas en jugement contre TON SERVITEUR, CAR il n’est-pas-JUSTE (eu égard) à TA FACE, tout VIVANT. CAR il a poursuivi, l’ennemi, MA GORGE;

Les Psaumes redécouverts – De la structure au sens – 101–150, Montréal 1994, pp. 476–484. « Fais que je vive en ta justice! Etude structurelle du Psaume 143 », soit le chapitre XVI, pp. 249–261 de notre livre Merveilles à nos yeux, BZAW 235, Berlin/New York 1995. C’est à cet ouvrage que nous ferons référence quand nous donnerons seulement les pages de notre proposition antérieure.

360

Chapitre XIII: En ta justice

3b 3c 3d 4a 4b 5a 5b 5c 6a 6b 7a 7b 7c 7d 8a 8b 8c 8d 9a 9b 10a 10b 10c 10d 11a 11b 12a 12b 12c

il a écrasé à TERRE ma VIE. Il m’a fait habiter dans les ténèbres comme les (gens) morts (pour) toujours. Il défaille sur moi, mon souffle; au milieu de moi se désole mon cœur. Je me suis souvenu des jours d’avant; j’ai murmuré toute ton œuvre, sur la chose-f a i t e de tes mains je médite; j’ai tendu les mains vers toi, ma gorge (est) comme une TERRE épuisée (par rapport) à toi. Vite, réponds-moi, YHWH! Il s’est achevé, mon souffle. Ne cache pas TA FACE (loin) de moi! J’ai été comparé avec les (gens) descendant (dans) la fosse. Fais-moi entendre au matin ta loyauté, CAR en toi j’ai eu confiance. Fais-moi connaître le chemin où je vais, CAR vers toi j’ai levé MA GORGE. Délivre-moi de mes ennemis, YHWH! Vers toi toi j’ai été mis-à-couvert. Apprends-moi à f a i r e ton (bon) plaisir, CAR (c’est) toi, mon Dieu. (Que) ton souffle bon me conduise sur une TERRE de droiture! En raison de ton nom, YHWH, tu me feras VIVRE; en ta JUSTICE tu feras sortir de l’adversité MA GORGE. En ta loyauté tu abattras mes ennemis, tu feras périr tous les adversaires de MA GORGE. CAR moi, (je suis) TON SERVITEUR.

Le v.1 semble avoir sa propre structure. On y lit en effet, en rattachant 3 en ta fidélité au second impératif: 1a 1b 1c

YHWH, entends prête-l’oreille à Réponds-moi,

ma supplication, mes appels-à-la-pitié,

en ta fidélité! en ta JUSTICE!

La structure est donc Ab / ab’c /a’c’. Les deux premiers verbes constituent une paire stéréotypée 4 ainsi que fidélité et justice5. Le v.2 contient les 3 4 5

Avec M. Mannati, Les Psaumes 4, Paris 1968, p.249. sˇ mc/’wzn selon Avishur pp. 101.285.665–666. ’mt/s.dq selon Avishur p.751, à l’index.

Etude structurelle du psaume 143

361





Ne… pas viens (2ème pers.) en jugement* contre ton serviteur



2a



termes de la paire stéréotypée jugement/justice 6. Il présente une structure intéressante à repérer car d’un type que nous retrouverons dans la suite de notre psaume, soit: car il n’… pas 2b est-juste* à ta face (2ème pers.), tout vivant

En hébreu la négation est (tout entière) avant le verbe comme nous l’avons disposée ci-dessus. Elle amorce donc chacune des deux propositions, lesquelles se terminent par les mentions du serviteur qui à sa place fait partie de tout vivant. Entre ces extrêmes se répondent en chiasme les 2ème pers. désignant YHWH et les termes de la paire stéréotypée susdite. D’ici à là il y a échange des sujets (YHWH et tout vivant) et des compléments (ton serviteur et ta face). D’après Girard (p.480), « Les v. 1–2 n’ont pour tout principe de cohérence interne que l’homogénéité morphocritique ». Puis il y distingue 1ab et 1c–2 pour tenir compte de la récurrence de just(ic)e, mais c’est là une segmentation artificielle, 1 en son entier traitant du dialogue, 2 seulement du jugement. Nous avions pour notre part considéré 1–2 comme une unité, mais sans argument d’ordre structurel. Reconsidérons ici ce petit ensemble d’un point de vue structurel en l’écrivant comme ceci: 1a YHWH entends ma supplication 1b prête l’oreille à mes appels-à-la-pitié en ta fidélité*+ 1c réponds-moi en ta justice* 2a ne viens pas en jugement°+ contre TON SERVITEUR 2b car il n’est pas juste° à ta face TOUT VIVANT

En 1a YHWH annonce en quelque sorte la mention de ses (deux) partenaires au terme de 2: TON SERVITEUR, TOUT VIVANT, puis entends ma supplication prépare l’expression équivalente de 1b et le réponds-moi auquel elles aboutissent en 1c. Après ces amorces de 1bc et avant les deux désignations des partenaires au terme de 2a et de 2b nous lisons les quatre termes mis ci-dessus en colonne. Nous avons déjà relevé que fidélité et justice comme jugement et juste appartenaient à des paires stéréotypées. Ajoutons ici qu’il en va de même pour fidélité et jugement 7, tant et si bien qu’on peut lire en parallèle fidélité + justice et jugement + juste. Si l’on 6 7

sˇ pt. /s.dq selon Avishur p.768, à l’index. ’mt/msˇ pt. selon Avishur pp. 155.183.184.252.288.

362

Chapitre XIII: En ta justice

voulait transposer la structure de cette petite unité structurelle avec des lettres, cela donnerait: a+b --b + c’ b’ + c c’ + a’ c + a’. Les deux termes a et b initiaux sont repris en doublé par bb’ et a’a’, lesquels sont pour les premiers suivis et pour les derniers précédés par des termes apparentés entre eux. On peut donc bel et bien prétendre que, même si 1 et 2 possèdent chacun leur structure propre, leur ensemble 1–2 est agencé selon une structure repérable. Compte tenu d’une part de la paire stéréotypée gorge/vie 8 et d’autre part de la parenté entre les trois termes terre, ténèbres, et morts, dont les premiers pointent vers le lieu du shéol 9 tandis que les deux derniers font partie d’une paire stéréotypée 10, on verra 3 agencé selon le schéma A.c / a.b.c’ / a’ b’.B: 3a 3b 3c 3d

Car il a poursuivi, l’ennemi, MA GORGE°; il a écrasé à terre MA VIE°. Il m’a fait habiter dans les ténèbres* comme les (gens) morts* (pour) toujours.

En somme 3b cumule a.b de 3cd et a.c de 3a. Remarquons comme le premier terme (A) et le dernier (B) sont explicités, le sujet étant explicité en 3a, la durée en 3d. Au plan du contenu on peut voir une progression entre poursuivre, écrasé, faire habiter dans, et entre terre, ténèbres, morts, les actions désignées étant de plus en plus oppressives, la destination de plus en plus explicitement donnée. Il convient ensuite de considérer 4–6, ce que nous ferons à partir du tableau suivant:

8 9 10

npsˇ /h.yym selon Avishur p.66. Il existe aussi une paire h.yym/mwt (ibid., p.217). ’rs. /sˇ ’wl constituent une paire stéréotypée selon Avishur p.278. h.sˇk/s..l mwt selon Avishur pp. 101.135.287.313. Voir aussi la paire sˇ ’wl/mwt selon Avishur pp. 26.257.258.294.

Etude structurelle du psaume 143

4a 4b 5a 5b 5c

6a 6b

363

Il défaille sur moi, mon souffle+*; au milieu de moi se désole mon cœurµ*°. ----JE ME SUIS SOUVENU des jours d’avant; J’AI MURMURÉ toute ton œuvre, sur la chose-faite de tes mainsµ JE MÉDITE; ----vers toi, j’ai tendu les mainsµ + ma gorge ° comme une terre épuisée à toi.

En 4 et 6 nous avons une structure semblable, soit en 4 un chiasme (défaille + sur moi / au milieu de moi + se désole) dont le dernier terme de chaque volet est suivi par des termes qui se correspondent, soit les termes de la paire stéréotypée cœur/souffle 11, et en 6 de même: j’ai tendu + les mains / ma gorge + comme une terre épuisée, avec au terme de chaque volet respectivement vers toi et à toi. De 4 à 6 on voit que les pronoms moi et toi (suffixes en hébreu) se lisent dans le chiasme en 4, mais au terme de 6a et b, tandis qu’inversement les parties du corps (ou ce qui s’y rapporte) se lit au terme de 4a et b (mon souffle et mon cœur), mais dans le chiasme en 6 (les mains et ma gorge). A l’appui des correspondances entre ces derniers citons les paires stéréotypées gorge/souffle (en 4a et 6b, aux extrêmes), cœur/main (en 4b et 6a, contigus à 5), et cœur/gorge 12. Au centre 5b se lit entre 5a avec lequel il est ordonné selon un parallèle et 5c avec lequel il est ordonné selon un chiasme, si bien que 5a et 5c respectent entre eux un chiasme. Le chiasme en 5bc peut s’appuyer sur la paire stéréotypée œuvre/faire des mains 13. On le voit l’ensemble se trouve structuré concentriquement autour de 5b, 5a s’inversant en 5c, et déjà 4 (pronoms + parties du corps) en 6 (parties du corps + pronoms). L’articulation du centre 5 aux extrêmes se prend à partir de la récurrence de main de 5c à 6a: tant les mains de YHWH ont œuvré, tant celles du fidèle, tout comme son souffle, son cœur et sa gorge, sont présentement dans un état de faiblesse et de désolation (4), capables seulement de se tourner vers YHWH (6), ce YHWH dont précisément le fidèle vient en 5 de se rappeler les œuvres.

11 12 13

lb/rwh. selon Avishur pp. 306.477.494.662. Dans Avishur npsˇ /rwh. pp. 41 et 413, lb/yd pp. 279.504–505.522, lb/npsˇ p.761, à l’index. pcl/mcs´ h ydyym selon Avishur p.256. Voir aussi pcl/cs´ h pp. 148.197.288.318.

364

Chapitre XIII: En ta justice

Que penser des propositions antérieures pour 3–6? Girard (p.481) ne percevait qu’une inclusion de 3 à 6 (gorge et terre ici et là). Nous avions pour notre part (pp. 252–253) tenté de découvrir un certain ensemble 3–6 où 3 et 5–6 encadrent 4 (nous appuyant sur les mêmes récurrences que Girard pour 3 et 6). Reprenons et précisons ici cette proposition à partir du tableau suivant: 3ab 3cd

ma gorge+° ma vie (les morts)

à terre

(pour) toujours 4

mon souffle*+ mon cœur*°

5 6

jours d’avant (tes mains) les mains ma gorge+°

comme une terre

Nous avons vu ci-dessus que gorge/vie de 3ab comme souffle/cœur de 4 constituent des paires stéréotypées. Mais il faut en dire autant de gorge/ souffle et cœur/gorge 14, tant et si bien que les divers constituants ou parties du corps se répondent de 3 à 5 (récurrence de gorge) comme de 4 aux extrêmes. Après gorge on lit tant en 3ab qu’en 6 terre: ici elle est écrasée à terre, là comme une terre épuisée. Ma vie de 3b est, menacée, comme doublée par la mention des morts en 3cd, ces antonymes constituant une paire stéréotypée 15. Quant à la mention des mains du fidèle, elle est précédée en 5 par celle des mains de YHWH. Au terme de 3 et au début de 5–6 nous lisons deux expressions d’ordre chronologique: pour toujours quand il s’agit des morts, les jours d’avant quand il s’agit des œuvres de YHWH. Ainsi l’avenir est bouché pour les premiers, mais le second est à rechercher dans le passé. Il convient de distinguer les plaintes au sujet des ennemis (3) et au sujet du fidèle lui-même (4–6), unités qui possèdent chacune sa structure propre. Pourtant cela n’empêche pas de reconnaître au petit ensemble 3–6 la structure qu’on vient d’y voir. La plainte de 4 a pour pendants celles de 3ab et 6, tandis que de 3cd à 5 s’opposent un avenir bouché dans la mort et un passé où au contraire le fidèle peut retrouver l’œuvre de YHWH.

14 15

npsˇ /rwh. selon Avishur pp. 41 et 413 et lb/npsˇ ibid p.761, à l’index. h.yym/mwt selon Avishur p.217.

Etude structurelle du psaume 143

365

En 7 alternent demandes (7a et c) et motivations (7b et d). Le psalmiste veut attirer l’attention de YHWH sur lui, et plus précisément sur sa détresse présente. En 8 alternent aussi très régulièrement demandes (8a et c) et motivations (8b et d), lesquelles ici se prennent à partir de l’attitude du psalmiste. Les impératifs de 8a et c appartiennent à des verbes constituant une paire stéréotypée entendre/connaître 16. Les motivations de 8b et d commencent chacune par car. On lisait déjà un enchaînement de ce type en 2, la motivation concernant là tout vivant. Le v.9 ne présente pas de structure bien particulière, mais même si sa seconde proposition ne comporte par de car initial comme 8b et d, on peut y voir un motif à la demande qui précède. En 10ab nous lisons comme en 8ab et 8cd une demande suivie d’une motivation introduite par car, mais se prenant ici à partir de Dieu. Le verbe apprendre de 10a constitue une paire stéréotypée avec entendre 17 qu’on lit en 8a comme avec connaître 18 qu’on lit en 8c. Ainsi les demandes de 8 et 10ab (fais-moi entendre… car…, fais-moi connaître… car…, apprends-moi… car…) se répondent-elles clairement quant à leurs contenus. Celle de 9 est originale par rapport à ses voisines, concernant seule la libération des ennemis (délivre-moi de mes ennemis…). En 10cd nous retrouvons quelque chose du corps de YHWH, soit ici son souffle, après sa face en 7bcd. La demande est négative en 7c: le psalmiste redoute que YHWH lui cache sa face, mais positive en 10cd: il espère que le souffle de YHWH le conduira sur une terre de droiture. Mais d’ici à là fonctionnent encore deux autres oppositions, soit entre le souffle exténué du psalmiste en 7b et celui de YHWH en 10c, et entre de la fosse où il risque bien de descendre selon 7d et la terre de droiture où il attend que YHWH le conduise 19. En 7–10 L’ensemble de ces demandes motivées (sauf la dernière) se présente comme le montrera le tableau suivant:

16 17 18 19

sˇ mc/ydc selon Avishur pp. 515–516 et 522. sˇ mc/lmd d’après Avishur pp. 302.516–517.522. ydc/lmd d’après Avishur pp. 502–503 et 522. Tant fosse que terre constituent une paire stéréotypée avec shéol (Avishur pp. 688 pour sˇ ’wl/bwr et 278 pour ’rs./sˇ ’wl), ce qui aide à voir de quelle fosse il s’agit et, par opposition, de quelle terre.

366 7a! 7b 7c! 7d x 8a! 8b car 8c! 8d car x 9a! 9b 10a ! 10b car 10cd!

Chapitre XIII: En ta justice

Réponds-moi!

YHWH! mon souffle*

de (mn) [fosse] fais-moi entendre! fais-moi connaître! vers toi de (mn) vers toi apprends-moi

ma gorge* YHWH!

mon Dieu TON SOUFFLE!

[terre]

A ne considérer que les demandes motivées (soit toutes sauf la dernière) on voit que la première de 7 appelle la deuxième de 8 (réponds-moi… mon souffle // fais-moi connaître… ma gorge) tandis que la première de 8 appelle la deuxième de 9–10b (fais-moi entendre… car… // apprendsmoi… car…). Les deux demandes et leurs motifs en 8 sont parallèles, comme nous l’avons vu. La première demande de 7 comme la première de 9–10 comportent une interpellation à YHWH. De 7ab à 10bcd on lit en parallèle YHWH + mon souffle et mon Dieu + TON SOUFFLE, mais alors que YHWH se lit dans la demande, mon Dieu se lit dans la motivation, et inversement pour mon souffle et TON SOUFFLE, les rapports respectant donc à la fois une ordonnance en parallèle et en chiasme. Dans la deuxième demande de 7 et dans la première de 9–10 nous repérons un emploi de la préposition mn: que YHWH fasse en sorte de ne pas éloigner sa face de son fidèle, mais qu’il le délivre de ses ennemis! Ainsi se répondent 7 et 9–10 autour des deux demandes parallèles de 8. Les articulations de chaque groupe (7, 8, 9–10) avec les deux autres et la structure de l’ensemble sont manifestes. Mais si, du point de vue du contenu, 8 est parfaitement homogène, il n’en va pas de même de 7 et de 9–10. La première demande est ici et là particulière, 7a comme demande de réponse, 9 comme demande de libération des ennemis. Nous aurons à y revenir.

Etude structurelle du psaume 143

367

Quant à 11–12 leur structure 20 apparaîtra dans la mise en page suivante: 11a

En raison de

ton nom YHWH

11b

en ta justice

12a 12b

En ta loyauté tu abattras tu feras périr

12c

car

tu me feras vivre° tu feras sortir de l’adversité*

ma gorge°

mes ennemis* les adversaires* de ma gorge

moi ton serviteur

L’ensemble respecte un chiasme où 11aa appelle 12c comme 11ab–b à leur tour 12ab. Aux extrêmes se lisent des motifs, le premier concernant YHWH, le second le fidèle. Le premier ne peut se référer qu’à lui-même (son nom), le second fait état de sa qualité de serviteur du premier. Les deux volets centraux concernent d’une part celui qui est à sauver (le faire vivre, le faire sortir), d’autre part ceux dont il doit être sauvé (à abattre et faire périr). En 11b et 12a jouent les deux paires stéréotypées que constituent justice et loyauté, puis adversité et ennemis 21. Et de même que gorge de 11b constitue une paire stéréotypée avec vivre qui précède 22, de même ennemis et adversaires en 12a et b (voir ci-dessus). On aura aussi noté les deux récurrences (adversité/adversaires + ma gorge) au terme de chacun des termes centraux de notre chiasme. Ainsi 11–12 se présentent-ils bien comme une unité structurelle. Chacun des deux partenaires de l’alliance peut à bon droit, chacun de son point de vue, engager l’heureuse issue de la situation présente 23. Secondaire, parce que chevauchant 7–10 et 11–12 dont elle assure ainsi l’articulation, étudions ici une structure concentrique couvrant 10b–12. Présentons-la d’abord dans un tableau:

20 21 22 23

Nous précisons ici notre proposition antérieure pour 11–12 (p.256, 2ème paragraphe). h.sd/s.dq selon Avishur pp. 237 et 282, ’yb/s.rr ibid. p.753, à l’index. npsˇ /h.yh selon Avishur pp. 272 et 295 (voir aussi pp. 419 et 758 les mêmes termes en ordre inverse). Girard (pp. 481–482) a bien perçu les deux motifs aux extrêmes, mais sans distinguer les deux types de demandes.

368

Chapitre XIII: En ta justice

10b 10c

car toi, mon Dieu ton souffle

10d une terre 11a en raison de ton nom, YHWH /11b vivre / /12a (ma gorge) / 12b ma gorge 12c car moi, ton serviteur

bon* de droiture° ta justice° ta loyauté*

Aux extrêmes nous lisons, comme motivations, les présentation respectives de chacun des deux partenaires de l’alliance, en des tournures semblables (car + pronom indépendant + précision du rapport à l’autre), et au centre, motivation introduite ici par en raison de, une mention du nom de YHWH. Entre ces trois motivations sont disposées symétriquement les termes des paires stéréotypées gorge/souffle 24, bon(té)/loyauté 25, justice/ droiture 26. Avant chacun des termes de cette dernière paire nous lisons respectivement terre et vivre, termes qui s’opposaient en 3b, mais qui ici, instaurés l’un et l’autre par YHWH, vont dans le même sens. Bonté, droiture, justice et loyauté sont toutes le fait de ce même YHWH dont le nom est mentionné au centre de ce passage. Nous avons donc adopté et précisé la proposition de Girard percevant quatre parties dans notre psaume, 1–2, 3–6, 7–10 et 11–12. Selon lui les rapports en sont commandés par un chiasme, sans exclure pour autant un parallèle. Examinons donc à notre tour ledit chiasme, en tentant de préciser beaucoup plus avant que ne le fait Girard les indices et leur position structurelle. Commençons donc par comparer 1–2 et 11–12. On peut découvrir d’ici à là le dispositif suivant:

2a

2b

24 25 26

  

YHWH justice viens* ton serviteur car vivant

= = =

YHWH vivre justice sortir* car son serviteur

npsˇ /rwh. selon Avishur pp. 41 et 413. t. wb/h.sd selon Avishur pp. 238.253.281. s.dq/ysˇr selon Avishur p.765, à l’index.

11a 11b

  

  

  

1

12c

Etude structurelle du psaume 143

369

Nous nous référerons ici à la paire stéréotypée venir/sortir 27. On voit la séquence parallèle de justice + venir + ton serviteur et justice + sortir + ton serviteur. On lit ensuite vivant en 1–2, mais avant en 11–12 vivre. Ici et là YHWH et car précèdent respectivement le premier et le dernier des termes que nous venons de mentionner (voir les accolades sur notre tableau). Ici et là de la justice divine est attendu un bienfait. Mais si en 2 YHWH est prié de ne pas venir en jugement, en 11 il est prié de faire sortir la gorge du fidèle de l’adversité. Le serviteur se sent menacé en 2, fondé à attendre la libération en 12. La première proposition ici et là comporte une interpellation à YHWH, capable de justice, auteur de la vie. Les deux dernières sont introduites par car, ces deux motivations finales s’opposant en quelque sorte: aucun vivant ne peut se prévaloir de quelque justice devant YHWH, mais le fidèle au terme fait valoir sa qualité de serviteur. Qu’en est-il de 3–6 à 7–10? Pour permettre au lecteur de situer les indices de rapports selon leurs positions symétriques proposons le schéma suivant qui, suivi du texte disposé de même, sera aussitôt justifié: 7 3

8 9

4–6

10ab 10cd

27

bw’/ys.’ selon Avishur pp. 217 et 315.

370

Chapitre XIII: En ta justice 7 Vite, réponds-moi, YHWH! Il s’est achevé, mon souffle*. Ne cache pas ta face (loin) de moi! J’ai été comparé avec les (gens) descendant (dans) la fosse.

3.CAR il a poursuivi, l’ennemi, MA GORGE*; il a écrasé à TERRE ma vie. Il m’a fait habiter dans les ténèbres comme les (gens) morts (pour) toujours.

8 Fais-moi entendre au matin ta loyauté, CAR en toi j’ai eu confiance. Fais-moi connaître le chemin où je vais, CAR VERS TOI j’ai levé MA GORGE. 9 Délivre-moi de mes ennemis, YHWH! VERS TOI j’ai été mis-à-couvert.

4 Il défaille sur moi, mon souffle; au milieu de moi se désole mon cœur. 5 Je me suis souvenu des jours d’avant; j’ai murmuré toute ton œuvre, sur la chose-f a i t e de tes mains je médite; 6 j’ai tendu les mains VERS TOI, ma gorge (est) comme une TERRE épuisée (par rapport) à toi.

10ab Apprends-moi à f a i r e ton (bon) plaisir, CAR (c’est) toi, mon Dieu.

10cd (Que) ton souffle bon me conduise sur une TERRE de droiture!

Examinons les rapports entre unités extrêmes. Nous lisons terre en 3, 4–6 et 10cd, souffle en 4–6, 7 et 10cd. L’opposition entre 4–6 et 10cd est facile à percevoir: mon souffle en ma gorge qui est comme une terre épuisée…, ton souffle qui me conduit une terre de droiture. Entre 3 et 7 il y a plutôt convergence. On comparera en particulier 3d et 7d où le fidèle s’assimile ici et là à ceux qui sont morts ou vont mourir. On peut aussi faire jouer d’ici à là la répartition des termes de la paire stéréotypée gorge/souffle, la première étant poursuivie, le second achevé. De 3 à 10cd s’opposent les emplois de terre: elle est ici voisine du shéol, là le lieu de la vie. De 4–6 à 7 il y a par contre convergence dans l’épreuve infligée au souffle du fidèle. De 3 à 9 nous retrouvons ennemi: ici oppresseur, là remis à YHWH. De 4–6 à 9 nous retrouvons VERS TOI (YHWH): la prière de 6 semble exaucée en 9. Enfin repérons les rapports entre 3 et 8 comme entre 4–6 et 10ab. En 3a et 8d nous lisons car… ma gorge, mais elle est ici aux prises avec l’épreuve et là levée vers le maître. En 4–6 et 10ab nous lisons faire: en 5 le fidèle se tourne vers ce que YHWH a fait aux temps anciens, en 10ab il lui demande de savoir à son tour faire ce qui plaît à YHWH. On ne voit pas que les contenus de 3 et 10ab permettent de faire jouer la récurrence de CAR d’ici à là comme l’indice d’un rapport entre ces deux unités. Par contre de 4–6 à 8 les références de ma gorge et vers toi permettent de rappro-

371

Etude structurelle du psaume 143

cher 6 et 8d, le mouvement du fidèle vers son Dieu étant exprimé ici et là en des termes voisins. Faut-il tenir, comme le fait Girard, qu’il existe également un certain parallèle entre 1–2 + 3–6 et 7–10 + 11–12, tant et si bien que commandant les rapports entre ces quatre parties nous aurions un chiasme et un parallèle superposés? Il semble que oui, et à notre tour tentons de montrer les rapports indiquant le parallèle en précisant et complétant le premier repérage de Girard. Entre 1–2 et 7–10 nous repérons, situés comme le montrera notre tableau, les indices suivants: 1

YHWH ▼

entends (ta fidélité*) réponds-moi

2 ▼ ▼

réponds-moi YHWH …entendre (ta loyauté*) + ta face (fosse) 9

car (bis) YHWH car mon Dieu droiture° ▼

7 8

ta justice° ton serviteur car + ta face (vivant)

10

On se souviendra ici des paires stéréotypées loyauté/fidélité 28 et justice/ droiture 29. De 1 à 7–8 on voit se répondre en ordre inversé les termes portés en gras italique, le premier précédé ici et là suivi de YHWH, entendre étant suivi de peu par ta fidélité et ta loyauté, termes de la paire stéréotypée susdite. De 1c–2 à 10 nous voyons se répondre en ordre inversé les termes portés en gras: aux extrêmes les termes de la paire stéréotypée susdite, puis la mention de chacun des deux partenaires de l’alliance (ton serviteur et mon Dieu), et enfin car. On lit ta face au terme du premier volet à droite de notre tableau, du second à gauche. Le contexte est opposé: nul vivant ne peut tenir devant la face divine selon 2b, mais le vœu le plus ardent du fidèle est que YHWH ne lui cache pas sa face. Alors qu’en 1–2 nous lisons une fois YHWH… car, en 7–10 on rencontre deux fois la même succession. On le voit, les indices sont soigneusement situés de 1–2 à 7–10, deux parties qui se font largement écho à partir d’eux.

28 29

h.sd/’mt selon Avishur, p.758, à l’index. s.dq/ysˇ r selon Avishur p.765, à l’index.

372

Chapitre XIII: En ta justice

De 3–6 à 11–12 les indices se trouvent situés comme suit: car (3a) ennemi ma gorge vie (3[bcd]) + ma gorge ([4–]6)

vivre (11a) + ma gorge (11b) ennemis (12a) ma gorge (12b) car (12c)

Les termes extrêmes s’inversent, les termes centraux sont en parallèle. Vie et gorge sont en grand danger en 3–6, mais en passe de s’en sortir selon 11. L’ennemi s’en prenant à la gorge du fidèle ici le tient, là en sera bientôt libéré. Le danger qui motive en 3 la demande antécédente le cède à une protestation d’alliance en 12c pour motiver la demande antécédente. Ainsi donc il apparaît bien que les rapports entre nos quatre parties 1–2, 3–6, 7–10 et 11–12 sont commandés par une symétrie croisée, c’est-à-dire où parallèle et chiasme se superposent. Mais ce n’est peut-être pas là la seule structure d’ensemble de notre psaume. Pour aider à la découverte des propositions qui vont suivre nous croyons utile de redonner ici le texte disposé avec des encadrés d’une façon dont le lecteur verra bientôt les raisons: 1a 1b 1c

YHWH, entendsd ma supplication, prête-l’oreilled à mes appels-à-la-pitié, en ta fidélitée! Réponds-moi, en ta JUSTICEe!

2a 2b

Ne viensl pas en jugementf contre TON SERVITEUR, CAR il n’est-pas-JUSTEf (eu égard) à TA FACE, tout VIVANT.

3a 3b 3c 3d

CAR il a poursuivi, l’ennemi, MA GORGEg; il a écrasé à TERRE ma VIEg. Il m’a fait habiter dans les ténèbresh comme les (gens) mortsh (pour) toujours.

4a 4b 5a 5b 5c 6a 6b

Il défaille sur moi, mon soufflev; au milieu de moi se désole mon cœurvwx. Je me suis souvenu des jours d’avant; j’ai murmuré toute ton œuvre, sur la chose-f a i t e g de tes mainsw je médite; j’ai tendu les mainsw v e r s t o i , MA GORGEx (est) comme une TERRE épuisée (par rapport) à toi.

Etude structurelle du psaume 143

7a

Vite, réponds-moi, YHWH!

7b 7c 7d

Il s’est achevé, mon souffle. Ne cache pas TA FACE (loin) de moi! J’ai été comparé avec les (gens) descendant (dans) la fosse.

8a 8b 8c 8d

Fais-moi entendreyz au matin ta loyauté, CAR en toi j’ai eu confiance. Fais-moi connaîtreyk le chemin où je vais, CAR v e r s t o i j’ai levé MA GORGE.

9a 9b

Délivre-moi de mes ennemis, YHWH! Ve r s t o i j’ai été mis-à-couvert.

10a 10b

Apprendszk-moi à f a i r e ton (bon) plaisir, CAR (c’est) toi, mon Dieu.

10c 10d

(Que) ton souffle bon me conduise sur une TERRE de droiture!

11a

En raison de ton nom, YHWH, tu me feras VIVRE;

11a 12a 12b

en ta JUSTICEm tu feras sortirl de l’adversitén MA GORGE. En ta loyautém tu abattras mes ennemisn, tu feras périr tous les adversairesn de MA GORGE.

12c

373

CAR moi, (je suis) TON SERVITEUR.

Même si 1–2 constituent à eux deux un petit ensemble structuré, nous avons plus haut distingué 2 de 1, chacun ayant sa structure propre. les thèmes en sont d’ailleurs différents, demande d’attention en 1, prière pour ne pas entrer en jugement en 2. Et même s’ils constituent un ensemble structuré, nous avons aussi distingué 3 et 4–6: 3 traite des ennemis, 4–6 de l’épreuve perçue en la personne même du psalmiste. Il en va encore de

374

Chapitre XIII: En ta justice

même en 7: y alternent demandes et réponses, mais la demande de 7a est originale par rapport à ce qui suit, voulant attirer l’attention de YHWH comme le fait de manière plus développée le v.1. En 7a nous lisons une demande nettement apparentée à celle de 1: YHWH… réponds-moi devient réponds-moi, YHWH. En 7bcd le psalmiste revient comme en 4–6 sur sa propre misère. Ici une demande (7c) est encadrée par deux présentations de son état (7b et 7d). Nous avions d’abord perçu une alternance simple entre deux demandes (7a et c) et deux motivations consistant dans la présentation de la misère présente du psalmiste (7b et d), mais sans avoir relevé la différence entre les deux demandes, la première, demande de réponse, s’apparentant à celle de 1, la seconde, un appel à être tiré de sa misère, à celles qu’on lira plus loin en 10cd et 11a, là en une tournure positive. Nous avions aussi montré la parenté entre 8 et 10ab, comme la parenté (l’opposition) entre 7bcd et 10cd. Ainsi autour de 9 se correspondent non seulement 8 et 10ab, mais encore 7bcd et 10cd, l’ensemble 7b–10 étant donc structuré selon une symétrie concentrique 30. En 11a un bref motif ouvre à une certitude. Ici il ne s’agit plus de la face (7c) ou du souffle (10c) de YHWH, mais plus radicalement de son nom. Et l’assurance de la vie attendue s’oppose exactement à la fosse redoutée selon 7d. En 11b–12b nous pouvons lire 31: 11b 12a 12b

en ta justice En ta loyauté

tu feras sortir tu abattras tu feras périr

de l’adversité MA GORGE. mes ennemis, tous les adversaires de MA GORGE.

On voit que 12a reprend les trois premiers termes de 11b, puis 12b les trois derniers. Les correspondances peuvent s’appuyer sur les paires stéréotypées loyauté/justice 32 et ennemi/adversaire 33. Cette unité fait écho à 9, et toutes deux font pièce à 3, s’agissant dans ces trois unités des ennemis qui menacent la vie du fidèle. En 3(d) et (11b–)12b sont répartis les termes de la paire stéréotypée mourir/périr 34, et en 9(a) et 11b(–12b) ceux de la paire

30

31 32 33 34

Assimilant à tort les demandes de 9 et 10cd nous voyions (pp. 254–255) 8–10 selon un parallèle (8 + 9 // 10ab + 10cd). Mais d’une part il convient de tenir compte du contenu spécifique de 9, et d’autre part de faire jouer les oppositions entre 7bcd et 10cd. En 7–10 Girard (p.481) a bien distingué demandes (cris d’appel) et motifs, mais sans que les distinctions qu’il en fait l’amène à saisir la structure de 7b–10. En précisant et ajustant ici notre proposition antérieure (p.256) pour 11b–12. h.sd/s.dq selon Avishur pp. 237 et 282. ’yb/s. rr selon Avishur p.753, à l’index. mwt/’bd selon Avishur pp. 487 et 495.

Etude structurelle du psaume 143

375

délivrer/sortir 35 La déclaration finale de 12c fournit un motif à ce qui précède. On y retrouve le titre ton serviteur déjà employé en 2, ainsi que, par rapport au même verset, la conjonction car. Rendus à ce point nous pouvons prendre une 36 nouvelle vue d’ensemble sur notre psaume. Nous avons déjà découvert ci-dessus une symétrie concentrique autour de 9 en 7b–10, 7bcd + 8 appelant en ordre inverse 10ab + 10cd. Cet ensemble est précédé par la demande de réponse en 7a. Considérons maintenant 2–6 et 11–12. Ils se trouvent ordonnés entre selon un chiasme. En effet nous lisons ton serviteur, car en 2, et car… ton serviteur en 12c, ennemi et ma gorge en 3 et 11b–12b, et enfin les termes de la paire stéréotypée nom/souvenir 37 en 4–6 (5a) et 11a. Ces indices nous guident vers les correspondances de contenus. En 2 comme en 12c le fidèle fait valoir sa qualité de serviteur ici pour échapper à ce qui est le lot de tout vivant, là pour se voir accorder les demandes qui précèdent. De 3 à 11b–12b le situation accablante de 3 est en passe d’être retournée si advient ce qui est envisagé en 11b–12b. La gorge poursuivie par l’ennemi se verra libérée des mêmes. De 4–6 à 11a la mémoire du fidèle se fait de plus en plus audacieuse: d’abord attentive aux œuvres de YHWH, elle en vient ensuite à son nom même. Ce chiasme que nous repérons en 2–6 et 11–12 est lui aussi précédé d’une demande de réponse en 1. On peut donc percevoir une deuxième structure d’ensemble de notre psaume, attentive et à certains des indices structurels fournis par le texte, et au type des unités, soit:

35 36

37

ns.l/ys.’ selon Avishur p.88. Ou, on va le voir, plusieurs. Nous reprenons ici à frais nouveaux (mais en utilisant plusieurs remarques déjà faites) l’étude de la structure d’ensemble tentée (pp. 256–261) à partir de notre distinction initiale entre 1–7, 8–10 et 11–12, 1–7 et 11–12 constituant bien des ensembles partiels structurés, mais qui jouent autrement dans la structure d’ensemble (on l’a vu pour 11–12, on va le voir pour 1–7). Pour 8–10 voir ci-dessus n.30. sˇm/zkr selon A1vishur p.767, à l’index.

376

Chapitre XIII: En ta justice

[1: YHWH… Réponds-moi…] 2: …TON SERVITEUR, CAR… 3: l’ennemi, MA GORGE… 4–6: … Je me suis souvenu… ----[7a: … réponds-moi, YHWH…] 7bcd: … mon souffle… fosse 8: … Fais-moi entendre/connaître… car… 9: … mes ennemis… 10ab: … Apprends-moi… car… 10cd : … ton souffle… terre… ----11a: ton nom… 11b–12b: … mes ennemis… MA GORGE… 12c: CAR… TON SERVITEUR.

Tentons un tableau faisant valoir cette composition de l’ensemble du psaume en y inscrivant tout le texte:

Etude structurelle du psaume 143 1a YHWH, entends ma supplication, 1b prêtel’oreille à mes appelsà-lapitié, en ta fidélité! 1c Réponds-moi, en ta JUSTICE!

377

2a Ne viens pas en jugement contre TON SERVITEUR, 2b CAR il n’est-pas-JUSTE (eu égard) à TA FACE, tout VIVANT. 3a CAR il a poursuivi, l’ennemi, MA GORGE; 3b ila écrasé à TERRE ma VIE. 3c Il m’a fait habiter dans les ténèbres 3d comme les (gens) morts (pour) toujours. 4a Il défaille sur moi, mon souffle; 4b au milieu de moi se désole mon cœur. 5a Je me suis souvenu des jours d’avant; 5b j’ai murmuré toute ton œuvre, 5c sur la chose-f a i t e de tes mains je médite; 6a j’ai tendu les mains v e r s t o i , 6b MA GORGE (est) comme une TERRE épuisée (par rapport) à toi.

7aVite, réponds-moi, YHWH!

7b Il s’est achevé, mon souffle. 7c Ne cache pas TA FACE (loin) de moi! 7d J’ai été comparé avec les (gens) descendant (dans) la fosse. 8a Fais-moi entendre au matin ta loyauté, 8b CAR en toi j’ai eu confiance. 8c Fais-moi connaître le chemin où je vais, 8d CAR v e r s t o i j’ai levé MA GORGE. 9a Délivre-moi de mes ennemis, YHWH! 9b Ve r s t o i j’ai été mis-à-couvert. 10a Apprends-moi à f a i r e ton (bon) plaisir, 10b car (c’est) toi mon Dieu. 10c (Que) ton souffle bon me conduise 10d sur une TERRE de droiture! 11a En raison de ton nom, YHWH, tu me feras VIVRE; 11b en ta JUSTICE tu feras sortir de l’adversité MA GORGE. 12a En ta loyauté tu abattras mes ennemis, 12b tu feras périr tous les adversaires de MA GORGE. 12c CAR moi, (je suis) TON SERVITEUR.

378

Chapitre XIII: En ta justice

Si l’on fait abstraction de 1 et 7a on peut avancer finalement que l’ensemble est ordonné concentriquement autour de 9. Relevons encore les rapports, symétriquement disposés, entre 2 et 8 comme entre 10ab et 12c. En 2 comme en 8 nous lisons des demandes dont le motif est introduit par car. Au terme de 2 et au début de 8 nous voyons répartis les termes de la paire stéréotypée loyauté/justice (voir ci-dessus notre n.32). On comparera ensuite les deux motivations de 10b et 12c. Introduites l’une et l’autre par car suivi d’un pronom indépendant, elles sont parfaitement complémentaires: car toi, mon Dieu… car moi… ton serviteur. On n’observe pas d’autre rapport que thématique entre 10cd et 11a. Mais en 4–6 et 7bcd nous lisons mon souffle ainsi que tes mains et ta face, rapportés à YHWH, le même souffle épuisé en appelant au même YHWH auquel appartiennent ces mains et cette face. Il n’est pas non plus d’opposition autre que thématique entre 4–6 et 11a. Mais en 4–6 et 10cd nous voyons s’opposer mon souffle et ton souffle, ainsi que terre épuisée et terre de droiture, ce qui s’inscrit fort bien dans les deux situations évoquées. Cela dit nous pouvons encore prendre en considération autrement, en les inscrivant dans d’autres ensembles que ceux perçus jusqu’ici, les récurrences et autres indices structurels fournis pas ce texte. Considérons tout d’abord 1–6. On peut y déceler un chiasme à partir de car…vivant/vie en 2 et 3, et des deux parties du corps attribuées à YHWH en 1 (oreilles) et 5 (mains) 38. Me souvenant de l’œuvre de ses mains, je cherche à attirer l’attention de son oreille, le priant de m’épargner ce jugement sous lequel se trouve tout vivant face à lui, eu égard à ma vie écrasée à terre par l’ennemi. On remarque que chaque volet de ce chiasme a pour ainsi dire son vocabulaire. On lit en effet justice/juste en 1 et 2, mais terre et gorge en 3 comme en (4–)6 (gorge du fidèle, comme cœur et mains en 4–5): 1 et 2 (dont nous avons vu qu’une structure en organisait l’ensemble) s’adressent à la justice miséricordieuse de YHWH, 3 et 4–6 (possédant eux aussi, nous l’avons vu, une structure commune) lui présentant cette gorge si près de la terre à laquelle elle ne tient pas à retourner. Ces quatre unités peuvent être comparées aux quatre unités de 9–11a 39 avec lesquelles elles respectent un certain parallèle. On lit en effet YHWH en 1 comme en 9, ici et là au vocatif, dans une demande, puis en 2 et 10ab mentions des deux partenaires de l’alliance, comme nous l’avons déjà remarqué: ton serviteur (car…) et (car…) mon Dieu, de 3 à 10cd jouant l’opposition entre cette terre proche du shéol où le fidèle est à deux doigts de descendre et cette terre de

38 39

Girard (p.482) y voit une concaténation entre 1–2 et 3–6 (soit ses deux premières parties), mais sans épingler le rapport entre 1 et 4–6. Lesquelles ne se présentent pas comme un ensemble structuré. On lit bien une interpellation à YHWH en 9 et 11a, mais pas de rapport autre que thématique (un peu lâche) entre 10ab et 10cd (apprends-moi… me conduise…).

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Etude structurelle du psaume 143

7bcd 8

9 10ab 10cd 11a ▼ 11b–12b







[1] 2 3 4–6 [7a]





droiture espérée, étant en outre répartis ici et là les termes de la paire stéréotypée gorge/souffle (voir notre n.24 ci-dessus), en 4–6 et 11a étant ici encore répartis les termes d’une paire stéréotypée, soit ici nom/souvenir 40. L’appel adressé à YHWH est celui de son serviteur à son Dieu, pour le faire passer d’une terre voisine du shéol à une terre de droiture, chacun ayant à se souvenir, le serviteur des œuvres divines d’autrefois qui le confortent dans sa confiance, YHWH de son nom même, en jeu dans le sort de son fidèle. En tenant compte de ce parallèle entre 1–6 et 9–11a, il n’est pas impossible de découvrir encore une autre structure d’ensemble de notre psaume. Constatons tout d’abord que, comme nous l’avons vu plus haut dans notre précédente proposition pour l’ensemble (à partir des récurrences situées dans les unités de même type), 1 appelle 7a, juste après 6, tandis que 9 pour sa part appelle 11b–12b, juste après 11a. Par ailleurs nous connaissons aussi la parenté tant entre 4–6, 7bcd et 11a que entre 2, 8, 10ab et 12c, tant et si bien que l’ensemble 1–12 se trouve agencé comme ceci:

12c Ainsi 7bcd et 8, au milieu de 1–12b, se trouvent en rapport respectivement avec les avant-dernières et les deuxièmes unités de 1–7a et 9–12b. Les trois appels à YHWH en 2, 8 et 10ab et les trois présentations de la détresse (4–6 et 7bcd) ou de son issue (11a) s’inversent d’une colonne à l’autre de notre tableau. En 1–7a ils sont compris entre deux appels à YHWH (1 et 7a), en 9–12b entre deux présentations contrastées de l’ennemi, ici vainqueur (9) et là vaincu (11b–12b). Mais c’est une dernière expression de l’alliance (vue du point de vue du fidèle) que le psaume s’achève en 12c qui, on l’a vu, fait écho à 2 (ton serviteur) et 10ab (mon Dieu). Mais on peut encore comparer l’ensemble des six unités de 1–7 et celui des six unités de 8–12b, ici pour constater un chiasme commandant leurs rapports. On lit en effet en 1 et 11b–12b ta justice, celle à laquelle il est fait appel en 1 et dont les effets libérateurs sont tant attendus selon 11b–12b. En 2 et 11a il est fait mention ici des vivants, là de la vie: aucun vivant ne peut espérer être juste face à YHWH, mais le fidèle espère du même coup que, en raison de son nom, il le fera vivre. En 3 et 10cd joue l’opposition

40

sˇm/zkr selon Avishur p.767, à l’index.

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Chapitre XIII: En ta justice

entre les deux terres, comme rappelé ci-dessus. En 4–6 et 10ab nous lisons faire, soit en 5c celui de YHWH et en 10a celui du fidèle: aux choses faites par YHWH en faveur de son fidèle répondra ce que ce dernier saura faire pour plaire à son Dieu. Les deux demandes de 7a et 9 se répondent, avec ici et là une interpellation à YHWH, le côté concret de la réponse apparaissant en 9. On voit enfin en 7bcd et 8 s’appeler de façon complémentaire, cela à partir de 7c et 8d: ne cache pas ta face loin de moi… vers toi j’ai levé ma gorge, les deux parties du corps s’appelant ici en ce qu’elles établissent la relation soit de YHWH à son fidèle, soit du fidèle à YHWH. De 12c on notera seulement ici comment, introduisant une dissymétrie entre les deux volets, il rappelle néanmoins 8 du début du second volet. On pourrait d’ailleurs percevoir une certaine structure propre d’une part à 1–7 et de l’autre à 8–12. En 1–7 en effet 1 + 2 et 7a + 7bcd se répondent autour de 3 et 4–6 qui entre eux se correspondent selon les indices 41 que situera le tableau que voici: 1 (YHWH… réponds-moi) + 2 (… ta face…) 3 (ma gorge… à terre…) 4–6 (ma gorge comme une terre…) 7a (réponds-moi, YHWH) + 7bcd (… ta face…) L’ensemble se présente donc comme un chiasme avec aux centres les épreuves et aux extrêmes l’appel à celui qui peut en offrir l’issue. En 8–12 nous connaissons déjà les rapports entre 8 et 12c comme entre 9 et 11b–12b. Mais notons encore car… mon Dieu en 10ab appelant en raison de ton nom, YHWH en 11a, Dieu devant ici apprendre, et là YHWH faire vivre. Ainsi 8–12 apparaissent-ils agencés selon une symétrie concentrique autour de la demande de 10cd. Si donc 1–7 et 8–12b se répondent selon un chiasme, il apparaît aussi que 1–7 et 8–12 possèdent chacun leur propre structure d’ensemble. Considérons maintenant 1–8 et 9–12. Il se trouve que 1–8 constituent un ensemble où, autour de 4–6, 1–3 et 7–8 se répondent selon un parallèle. Nous avons déjà vu le rapport entre 1 et 7a. Nous lisons ensuite ta face en 2 comme en 7bcd, redoutable à tout vivant en 2b, recherchée comme libératrice en 7c. En 3 et 8 nous trouvons ma gorge, mais dans des situations opposées: poursuivie par l’ennemi ou levée vers YHWH. Pour percevoir la structure de 9–12 repérons sur le tableau suivant la répartition des indices:

41

Indices dont nous n’avions pas suffisamment tenu compte dans notre précédente proposition pour 1–7 (pp. 253–254), trop immédiatement thématique.

381

▼ ▼

mes ennemis YHWH 10(a)b car… 10(c)d bon° / droiture*



9



Etude structurelle du psaume 143

YHWH justice*… / loyauté° mes ennemis car…

11a 11b–12b 12c

On sait que justice/droiture constituent une paire stéréotypée 42, et de même bonté/loyauté 43. En 11b–12b, au titre de paires stéréotypées déjà relevées, on pourrait ajouter à justice loyauté et à ennemis adversaires. On voit comment les termes extrêmes en 9–10 se retrouvent, en ordre inverse aux centres de 11–12, tandis que les termes centraux en 9–10 se retrouvent, dans le même ordre, aux extrêmes en 11–12. Les perspectives de délivrance des ennemis et d’instauration de justice (loyauté) et droiture (bonté) sont en quelque sorte complémentaires. C’est de YHWH que tout cela est attendu, et à juste titre puisqu’il y a alliance entre ce Dieu (10b) et son serviteur (12c). Si successivement les ensembles structurés de 1–8 et 9–12 couvrent bien l’ensemble du psaume, on ne voit pas qu’existe entre eux un agencement structurel qui en commanderait les rapports. On ne retiendra donc pas comme la plus déterminante cette distinction entre deux ensembles 1–8 et 9–12. Considérons maintenant les rapports entre 3–8 et 10–12. On peut en effet repérer autour de 9 une inversion régulière entre les cinq unités de 3–8 et les cinq de 10–12, si bien que l’ensemble 3–12 respecte une symétrie concentrique. Tant 3 que 12c sont les seules unités de notre psaume à commencer par car, ici pour présenter le rapport du fidèle à l’ennemi, là pour affirmer son rapport à YHWH. En 4–6 et 11b–12b nous lisons ma gorge: elle est ici défaillante, là bien proche de sa délivrance. En 7a et 11a nous lisons un appel et une espérance adressés à YHWH (vocatif). Nous avons déjà étudié les rapports de 7bcd à 10cd (ton souffle/mon souffle) et de 8 à 10ab (Fais-moi entendre, connaître, apprends… car…). On voit donc que la symétrie concentrique que nous avions repérée en 7b–10 peut être étendue de 3 à 12. On notera que ennemi(s) et vers toi, qui se lisent juste autour de YHWH en 9 se lisent pour le premier en 11b–12b et pour le second en (4–)6, unités symétriques dans notre ensemble. Le nom divin se lit dans le verset 9, central, mais aussi en 7a et 11a, symétriques dans notre ensemble. De même que car se lit en 3 et 8 comme en 10ab et 12c. L’articulation entre 9 et les deux unités qui l’entourent mérite une attention particulière. Le dispositif est le suivant:

42 43

On pourrait ajouter de 10cd à 11b–12b la répartition des termes de la paire stéréotypée gorge/souffle: c’est ton souffle bon qui sortira ma gorge de l’adversité. .twb/h.sd selon Avishur pp. 238.253.281.

382 8: 9:

Chapitre XIII: En ta justice

car

10ab: car

vers toi YHWH vers toi mon Dieu

On voit le parallèle dont les deux termes du centre sont contenus en 9 et dont les deux termes extrêmes sont précédés par car. Par ailleurs chacun des deux volets 3–8 et 10–12 présentent une structure interne, d’ailleurs simple ici et là où il s’agit d’une symétrie concentrique. En 3–8 nous voyons en effet se répondre, autour de l’appel de 7a, 4–6 et 7bcd comme repéré ci-dessus, puis 3 et 8: ma gorge est en 3 poursuivie si bien que ma vie est écrasée à terre, mais en 8 le fidèle peut dire qu’il a levé vers YHWH sa gorge 44. Quant aux cinq unités de 10–12 elles s’ordonnent concentriquement autour de 11a. On se souvient en effet des rapports étudiés ci-dessus tant entre en 10(a)b et 12c que entre 10cd et 11b–12b (droiture/ justice). Ainsi 3–12 se présentent-ils comme un ensemble concentrique autour de l’appel de 9. Nous avons vu plus haut qu’au terme de 1–12b l’unité finale 12c s’articulait à l’ensemble structuré de 1–12b. Qu’en est-il ici de 1 et 2 par rapport à l’ensemble structuré de 3–12? Il nous semble que de même que dans les volets extrêmes de l’ensemble 1–12b, 7a rappelait 1 après 1–6, puis 11b–12b pour sa part 9 après 9–11a, de même et inversement ici 1–2, avant 3–12, annoncent 11–12. Nous retrouvons là ce que les propositions précédentes notaient, à juste titre, comme l’inclusion de l’ensemble du poème. Nous l’avons étudiée ci-dessus. Nous voudrions enfin montrer comment l’ensemble des trois unités de 2–6 appellent à l’autre extrême du psaume non seulement les trois unités de 11–12 (comme nous l’avons vu ci-dessus), mais aussi, en remontant en quelque sorte dans le texte, celles de 10c–12b et celles de 10–11a. Ici comme là les rapports sont ordonnées à la fois en chiasme et en parallèle (selon une symétrie croisée). Entre 2–6 et 10c–12b, pour ce qui est du chiasme, notons de 2 à 11b–12b la récurrence de just(ic)e et la répartition des termes de la paire stéréotypée venir/sortir 45, de 3 à 11a la récurrence de vi(vr)e, et de 4–6 à 10cd celles de souffle et de terre. Si YHWH vient en jugement, nul ne peut prétendre à être juste, mais heureusement il y a cette justice par laquelle il fait sortir de l’adversité, cette justice qui fait vivre celui dont la vie est en grand danger, ou ce souffle qui guide sur une terre de droiture celui dont le souffle était tout proche de la terre. Mais, pour ce qui est du parallèle, on peut voir aussi que en 2 et 10cd sont répartis les termes de la paire stéréotypée just(ic)e/droiture, puis en 3 et 11a comme

44 45

Ainsi en 1–8 nous lisons de petites structures d’ensemble pour 1–6, 3–8, et 1–8. bw’/ys.’ selon Avishur pp. 217 et 315.

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383

ci-dessus, et enfin que en 4–6 et 11b–12b ma gorge se trouve dans des situations opposées. (6b et 11b12b). Certes nul ne peut prétendre à la justice devant YHWH, mais le souffle de ce dernier peut, lui, conduire son fidèle sur une terre de droiture, redresser cette vie écrasée à terre pour faire vivre ce même fidèle, et enfin cette gorge accablée, la libérer de ses ennemis. Considérons enfin 2–6 et 10–11a. Nous en avons étudié l’ordonnance en chiasme (l’inversion) lors de notre repérage de la symétrie concentrique d’ensemble de 1–12b où ils s’inscrivent symétriquement. Le parallèle se fonde sur la complémentarité (dans le cadre de l’alliance) entre ton serviteur en 2 et mon Dieu en 10ab, puis de nouveau terre en 3 et 10cd, et enfin la répartition, déjà rencontrée plus haut, des termes de la paire stéréotypée nom/souvenir en 4–6 (5a) et 11a. Ainsi 2–6 non seulement préparent 11–12 (chiasme d’ici à là), mais aussi 10c–12b (symétrie croisée d’ici à là) et 10–11a (de nouveau symétrie croisée). La première structure d’ensemble présentée ci-dessus, à la suite de Girard, est bien fondée, les quatre parties 1–2, 3–6, 7–10 et 11–12, respectant entre elles une symétrie croisée. Dans celle que nous avons proposée ensuite, à partir des types d’unités, le v.9 se lit au centre d’une symétrie concentrique à onze termes, les premiers groupes de trois et de deux unités étant chacun précédé d’une unité particulière (1 et 7a). Mais, même si elle est moins évidente, on ne peut refuser tout crédit à la proposition repérant 7b–8 entre 1–7a et 9–12b, l’unité finale de 12c y gagnant un statut particulier qui la met en valeur dans son rapport à 1–12b. On a vu que 1–7 et 8–12b se répondent selon un chiasme régulier, mais on ne voit pas alors comment situer par rapport à eux 12c. Si 1–7 et 8–12 ou encore 1–8 et 9–12 possèdent tous quatre une structure interne, on ne voit pas que leurs rapports réciproques permettent de percevoir une structure d’ensemble du psaume. Il n’en va plus de même de 3–12, ensemble agencé selon une symétrie concentrique autour de 9 et dont les dernières unités sont manifestement annoncées par 1 et 2, lesquelles avec 11–12 incluent donc l’ensemble du poème. Sans doute cette inclusion fonctionne-t-elle chaque fois que nous considérons l’ensemble selon l’une ou l’autre structure, mais c’est avec la première et la dernière des propositions ci-dessus qu’elle nous semble la plus nette. Ce sont finalement les deux premières et la dernière des propositions ci-dessus qui nous paraissent les mieux ajustées pour percevoir la structure d’ensemble du poème. On notera que les deux dernières s’ordonnent autour de la demande de 9, et même qu’on retrouve ici et là l’ordonnance concentrique de 7b–10.

Publications de l’auteur sur la structure littéraire des Psaumes Nous poursuivons ici la liste des publications de l’auteur sur la structure littéraire des Psaumes, liste commencée en BZAW 235 (1995), pp. 308–315 et BZAW 289 (1999), pp. 300–301: Là montent les tribus. Etude structurelle de la collection des Psaumes des Montées, d’Ex 15, 1–18, et des rapports entre eux, BZAW 289, 1999, XIV et 301 pp. « Comme un olivier verdoyant. Etude structurelle du psaume 52 », SEL 16 (1999) 63–71 « De l’œuvre de ses mains au murmure de mon cœur. Etude structurelle du psaume 19 », ZAW 112 (2000) 24–42 « YHWH, qui séjournera en ta tente? Etude structurelle du psaume 15 », VT 50 (2000) 143–151 « Qu’il te réponde, YHWH, au jour de détresse! Etude structurelle du psaume 20 », BN 101 (2000) 5–9 « ‹ Een die daar is geboren › Structuuranalyse van Psalm 87 », ACEBT 18 (2000: Psalmen) 61–70 « La mémoire de la miséricorde. Etude structurelle du Magnificat et de son rapport au contexte », Tfm 31 (2000) 21–40 « De cris joyeux de libération tu m’entoures. Etude structurelle du psaume 32 », RivB 48 (2000) 257–280 Recension in ScEs 52 (2000) 371–372s de Jean-Marie Auwers, La composition littéraire du Psautier. Un état de la question, Cahiers de la Revue Biblique 46, Paris 2000. « Dieu juste! Etude structurelle du psaume 7 », JANES 27 (2000) 1–14 « Comme un arbre… Etude structurelle du psaume 1 », BZ.NF 45 (2001) 256–264 « Ta justice dans la terre de l’oubli: Etude structurelle du psaume 88 », FoOr 37 (2001) 5–18 « Etude structurelle du Psaume 2 », EstBib 49 (2001) 307–323 « J’ai proclamé la justice – Etude structurelle du Ps 40 (et du Ps 70) », RivB 49 (2001) 385–416 « Par le tambour et la danse. Etude structurelle du psaume 150 », ETR 77 (2002) 257–261 (308)

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Publications de l’auteur sur la structure littéraire des Psaumes

« En ce jour-là Debora et Baraq chantèrent: Etude structurelle de Jg 5, 2–21, SJOT 16 (2002) 113–150 « Qu’est-ce que l’homme, que tu t’en souviennes? Etude structurelle du psaume 8 », ScEs 54 (2002) 25–35 « Voix de YHWH dans la splendeur! Etude structurelle du psaume 29 », BN 112 (2002) 5–11 « Mon Seigneur, c’est toi – Etude structurelle du psaume 16 », OTE 15/2 (2002) 310–319 « Mais YHWH m’accueillera – Etude structurelle du psaume 27 », EstBib 60 (2002) 479–492 « Dans la colonne de nuée il leur parlait – Etude structurelle du psaume 99 », BN 114/115 (2002) 5–10 « Et tu m’as fait remonter de la fosse – Etude structurelle de Jon, 2, 3–10 », FoOr 38 (2002) 5–18 « Quand il fera revenir… son peuple – Etude structurelle des psaumes 14 et 53», BeO 45 (2003) 1–14 Et, bien qu’il ne s’y agisse pas de psaumes, ajoutons les deux études suivantes sur deux textes en prose qui néanmoins (surtout le premier) ne manquent pas de valeur poétique: « L’ouvrage qu’il avait fait – Etude structurelle de Gn 1 à 2,4a », SJOT 14 (2000) 28–55 « La justice pour Abram – Etude structurelle de Gn 15 », ZAW 114 (2002) 342–354

Etant à paraître « De mes détresses fais-moi sortir – Etude structurelle du psaume 25 », RivBib « Pour toujours je te rendrai grâce – Etude structurelle du psaume 30 », ScEs « Que se rassure votre cœur! Etude structurelle du psaume 31 », SEL « Certes il y a un Dieu jugeant sur la terre – Etude structurelle du psaume 58», JANES « Voyez les œuvres de Dieu – Etude structurelle du psaume 66 », VT « YHWH entendant – Etude structurelle du psaume 134», ZAW « Sacrifie à Dieu un sacrifice d’action de grâce – Nouvelle étude structurelle du psaume 50 », OTE « Etude structurelle de Dt 32 », SJOT