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Pour une République des maires !
© L’Harmattan, 2008 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-07438-5 EAN : 9782296074385
Jean-Louis Sanchez avec Marion Laumain
Pour une République des maires ! Le vivre-ensemble à l’épreuve de la crise
Préface de Jacques Pélissard Postface de Michel Dinet
L’Harmattan
Sommaire Préface de Jacques Pélissard Président de l’Association des Maires de France ............................................11 Introduction : Rien de durable sans humain ............................................15 Chapitre 1: Vivre-ensemble : la raison d’être municipale ........................19 1. D’une perception quotidienne de la vulnérabilité… ........20 ■ La précarité n’est pas qu’économique ....................................21 ■ L’identité collective s’estompe................................................22 2. … A la refondation du projet municipal ............................25 ■ Une lecture globale des besoins ..............................................25 ■ Une transversalité des réponses à construire ..........................27 Chapitre 2 : Citoyenneté active : au-delà de l’anecdotique ......................31 1. Une société pour tous les âges..............................................32 ■ L’intergénérationnel peut être l’axe structurant du projet municipal ....................................................................33 ■ Le bénévolat requiert une nouvelle architecture ....................37 2. Une cité avec tous ses territoires ........................................41 ■ De la politique de la Ville à la Politique des villes..................41 ■ Le nécessaire retour du politique ............................................44 Chapitre 3 : Solidarité nouvelle : au-delà du social ..................................49 1. L’insertion autrement ..........................................................53 ■ Passer d’une logique de publics à une logique de territoire ....53 ■ Le développement durable comme perspective ......................55 2. Le soutien à l’autonomie autrement ..................................57 ■ Le refus du risque zéro ............................................................59 ■ La garantie du libre choix........................................................60 ■ L’accessibilité sans frontière ..................................................67 3. La politique de l’enfance autrement ..................................69 ■ De la gestion à la coordination des modes de garde................71 ■ D’une offre formatée à une offre adaptée aux besoins............75 ■ D’une organisation segmentée à une organisation globale des responsabilités ............................................................................77
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Chapitre 4 : Gouvernance participative : au-delà de l’incantatoire ........79 1. L’observation : un véritable enjeu de démocratie ............80 2. La collaboration des villes et des départements : un passage obligé ......................................................................83 ■ Aux villes le sociétal, aux départements le social ..................84 ■ D’un partenariat de gestion à un partenariat de conviction ....85 3. Pour une gouvernance plus citoyenne ................................89 Les associations associées ......................................................89 ■ Les habitants impliqués ..........................................................92 ■ D’une éthique de métier à une éthique de mission..................97 ■
Chapitre 5 : Fraternité concrète : une démarche de civilisation ............101 1. Solidarité et Fraternité : quitte ou double ........................102 ■ L’incontournable solidarité de droits......................................102 ■ La nécessaire solidarité d’implication....................................105 2. La fraternité comme synthèse de la liberté et de l’égalité ....107 ■ L’Appel à la fraternité ............................................................107 ■ La fraternité comme nouvel horizon de l’action municipale 109 Postface de Michel Dinet Président de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée Président du Conseil général de Meurthe-et-Moselle ..................................113 Annexes ........................................................................................................121 Bibliographie................................................................................................133 Remerciements ............................................................................................141
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Préface de Jacques Pélissard Président de l’Association des Maires de France
Je suis très heureux de préfacer le dernier livre de JeanLouis Sanchez « Pour une République des maires ! » Cet ouvrage dont le sous-titre « Vivre ensemble à l’épreuve de la crise » vient, au bon moment, pour nous rappeler le rôle quotidien que joue le maire pour « tisser » du lien social. Nous savons que parmi les défis que les maires vont devoir relever ces prochaines années figure celui de la recherche de l’équité sociale avec la prise en compte de populations toujours plus âgées, handicapées ou exclues et la nécessité d’une politique dynamique du logement. Le grand mérite de Jean-Louis Sanchez est de s’interroger, au regard de la crise que nous traversons, sur ce que pourraient être les nouvelles modalités d’intervention des collectivités territoriales pour améliorer le « vivre ensemble ». L’auteur qui, en tant que Délégué Général de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée, a suivi, depuis de nombreuses années, les évolutions des politiques sociales communales et départementales, développe plusieurs orien11
tations nouvelles qui peuvent, aujourd’hui, guider les maires dans l’exercice de leur mandat : celle de la “citoyenneté active” ou comment le maire peut jouer un rôle important dans le soutien et la redynamisation du bénévolat, de l’intergénérationnel et des solidarités naturelles, - celle d’une nouvelle politique de solidarité qui doit permettre au-delà du soutien aux plus défavorisés et aux plus fragiles, un véritable épanouissement du citoyen, - celle d’une approche globale de la solidarité au moyen d’une mise en œuvre coordonnée des politiques éducatives, culturelles, sportives et d’aménagement urbain permettant de renforcer le lien social ; la collectivité locale ne pouvant plus aujourd’hui apporter uniquement des solutions sectorielles à des attentes individuelles. Au-delà de ces propositions, c’est un véritable appel à la fraternité comme démarche de civilisation que nous propose Jean-Louis Sanchez. Près de 700 maires ont déjà signé cette charte de la fraternité fondée essentiellement sur la valorisation de la convivialité, de l’entraide et du renforcement des dynamiques générationnelles. J’ai souvent l’occasion de dire que les maires sont les hussards de la République ! Je souhaite vivement que ce livre « Pour une République des Maires ! » leur apporte, dans une période où ils vont devoir assumer de plus en plus la gestion de proximité, une réflexion utile dans leur action quotidienne ! Jacques Pélissard,
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« Je ne suis pas philosophe. Je ne crois pas assez à la raison pour croire à un système. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment se conduire ». Albert Camus
À Pénélope et Hugo. À Maria. Et à tous ceux que j’aime.
INTRODUCTION
Rien de durable sans humain A chaque époque son crédo. Le XXème siècle s’est achevé avec celui de la croissance sans limite. Le XXIème siècle s’ouvre avec celui du développement durable1. L’opinion y croit, les pouvoirs publics s’engagent. Après l’éveil des consciences sur l’urgence d’une vigilance écologique, la gravité de la crise économique révèle les potentialités d’une “croissance verte”, fondé sur des énergies et des productions plus sobres et plus propres. C’est l’objectif le plus visible du développement durable, mais ce n’est pas le seul. Ce concept s’inspire d’une philosophie de la responsabilité qui fait aussi obligation de concevoir un développement économique porteur d’épanouissement humain. Sans ce respect des hommes, il serait d’ailleurs illusoire de penser mobiliser les énergies nécessaires à la construction d’un autre modèle de croissance. 1- La notion de développement durable s’est imposée avec la publication en 1987 du rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, présidée par Harlem Brundtland : Notre avenir à tous. Ce rapport définit le développement durable comme « un mode de développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».
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Or le développement durable n’a pas su imposer sa dimension humaine autant que sa dimension écologique. Certes les réponses juridiques se multiplient pour atténuer la précarisation croissante de la société sur le plan économique. Mais on a encore du mal à admettre l’impact considérable sur le vivre-ensemble d’une conception excessivement individualiste et consumériste du développement actuel. Les repères de la vie collective ont été progressivement gommés sans que d’autres soient proposés. Dans l’école, dans le travail, dans le quartier et dans tous les interstices du quotidien, la nécessaire contribution de tous à la qualité du vivre-ensemble a cessé d’être valorisée. Comme si l’on cessait de croire que c’est précisément de ces liens élémentaires de la vie que dépend le contrat social. Comme si l’on oubliait que le pacte républicain n’est pas seulement un choix de société mais en conditionne la survie. Ces dernières années ont été caractérisées par une évolution restrictive de la perception de la République, considérée dans sa seule dimension fonctionnelle. Or la République française repose sur un socle de valeurs – la Liberté, l’Egalité, la Fraternité, et leurs déclinaisons concrètes, la solidarité, la citoyenneté, la laïcité – dont la promotion fait sens et lui donne une portée universelle. L’épuisement du pacte républicain ne résulte pas de l’inadéquation de ces valeurs mais de leur délaissement. Ce constat est inquiétant, mais il est aussi stimulant. Il invite à ouvrir un immense chantier : celui de la définition des nouveaux contours de la sociabilité. Des liens sociaux se sont défaits, mais d’autres se dessinent, dont il faut stimuler la vitalité. C’est là qu’apparaît tout l’intérêt de la démocratie locale car si le lien social nécessite un environnement juridique favorable, il ne peut résulter de la seule force de la loi. Il doit 16
être encouragé quotidiennement. Le renouveau du tissu social requiert donc nécessairement le concours des collectivités de grande proximité. Dans cette perspective, l’accroissement des responsabilités locales est un atout. Loin de constituer seulement une réponse à la crise de l’Etat, une organisation plus décentralisée des pouvoirs publics peut être, bien plus fondamentalement, une réponse à la crise de notre société. Et si toutes les collectivités locales sont bien-entendu concernées, les élus municipaux, acteurs historiques du vivre-ensemble, sont incontournables. En effet, les communes représentent pour les citoyens un lieu d’attachement et de projet plus important que le département, la région, le pays ou les autres échelles territoriales2. Ce n’est pas un hasard en effet si, de tous les élus et de toutes les institutions, le maire est le seul qui ait préservé sa cote de popularité ces dernières années3. En outre, à travers la diversité de leurs politiques publiques, les communes détiennent la plupart des leviers pour consolider cet attachement. D’ailleurs si elles faisaient toutes ce que les plus dynamiques font de mieux, le paysage du lien social en serait bouleversé. C’est pourquoi, pour renforcer l’impact de l’action publique sur la cohésion sociale, le moment est venu d’affirmer plus explicitement le rôle décisif des maires dans la refondation de la citoyenneté, de la solidarité et de la gouvernance locale.
2- Voir GUERIN-PACE France, « Lieux habités, lieux investis : le lien au territoire, une composante identitaire ? », Economie et statistique, n°393-394, 2006 3- Ainsi 88% des Français connaissent le nom de leur maire, 58% de leur député, 46% de leur conseiller général, l’écart étant encore plus important dans les villes de plus de 50 000 habitants (respectivement 91%, 56% et 37%). Et à la veille des élections municipales de 2008, 70% des Français se disaient satisfaits du travail accompli par leur maire depuis 2001. Source : Sondage Ipsos pour La Gazette des Communes effectué les 2 et 3 novembre 2007.
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Il n’est pas excessif alors de parler de « République des maires » tant il est vrai que le curseur de la République se déplace progressivement vers le local. C’est là que se joue le dernier acte du projet républicain, car si la Liberté et l’Egalité sont d’abord l’affaire de l’Etat, c’est avant tout au niveau local que peut se décliner la Fraternité.
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CHAPITRE I
Vivre-ensemble : la raison d’être municipale C’est largement admis : la clarification des compétences entre les diverses collectivités publiques constitue un enjeu majeur pour améliorer la performance des politiques publiques. De nombreux rapports y sont consacrés, qui aboutissent tous à la nécessité d’une certaine spécialisation des niveaux de compétences. Mais, si les départements et les régions sont particulièrement visés, aucun ne remet en cause la clause générale de compétence des communes, qui leur permet d’intervenir dans tous les domaines qui intéressent la vie quotidienne des habitants4. Ce qui ne surprend pas puisqu’elles agissent au plus près des habitants. C’est pour cette raison que le législateur a confié aux communes la responsabilité de l’analyse des besoins sociaux. Car si les départements ont su mettre en place, à l’occasion des 4- Parmi ces rapports, le plus cité est celui du sénateur Lambert. Il propose de conserver au seul bénéfice des conseils municipaux la possibilité d’intervenir sur toutes les affaires de la commune, alors que les départements seraient davantage orientés vers les missions de solidarité et les régions vers les missions de formation et de développement économique. Voir le rapport du groupe de travail présidé par Alain LAMBERT, Les relations entre l’Etat et les collectivités locales, décembre 2007.
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schémas d’action sociale, une expertise indispensable et de plus en plus pointue concernant les besoins des personnes les plus fragiles, ce sont les communes qui sont les mieux placées pour découvrir le malaise qui se diffuse dans l’ensemble du corps social. Au travers des personnes qui les interpellent, qui les sollicitent, ou qui tout simplement leur confient leur désarroi, les acteurs municipaux perçoivent mieux que personne la gravité et la diversité des enjeux. Pour eux, le vivre-ensemble n’est pas un concept virtuel. C’est pourquoi il tend à devenir l’objectif premier d’un engagement répondant à l’ampleur de la crise par la mobilisation de toute l’équipe municipale.
1. D’une perception quotidienne de la vulnérabilité… La précarité économique constitue sans aucun doute l’aspect le plus connu et le plus médiatisé de la question sociale5. Ces dernières années, l’instabilité n’a cessé de s’accroître avec des emplois de plus en plus précaires (temps partiels, contrats à durée déterminée…)6. Et la perspective d’une économie en récession ne peut qu’amplifier ce phénomène. La précarité économique avait cessé d’être l’exception dans un itinéraire professionnel ; son extension devrait donc accentuer considérablement la crise de confiance déjà ressentie, puisqu’un Français sur deux se sent dès à présent menacé par un risque d’exclusion. Ce qui n’est pas surpre-
5- Voir notamment CASTEL Robert, Les Métamorphoses de la question sociale, Une chronique du salariat, Fayard, 1995, et plus récemment CASTEL Robert, L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ?, Seuil, La république des idées, Paris, 2003 6- Selon des études récentes, sur 188000 emplois créés en 2006, 116000 l’ont été dans les services à la personne (l’aide à domicile, les employés de maison, la garde d’enfants etc.) avec une moyenne horaire annuelle de 420h par salarié. Voir JANY-CATRICE Florence (Clersé) « Des emplois de 12h par semaine » in Le Monde, 26 février 2008.
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nant, car le travail n’est pas seulement une source de revenu, il reste encore l’espace privilégié de construction de la sociabilité et de reconnaissance sociale.
La précarité n’est pas qu’économique Cette crainte de l’avenir est d’autant plus perceptible que d’autres évolutions y contribuent aussi. Ainsi les maires mesurent tous les jours les effets collatéraux de la transformation de la cellule familiale. Quand aux ruptures de couples s’ajoute la régression des ressources, voire la dispersion géographique des familles, les risques d’isolement et de repli sur soi s’accroissent7. C’est d’autant plus vrai que les manifestations de solidarité spontanée régressent partout. Les Français se parlent moins8, et le niveau de confiance envers les autres est au plus bas9. Or l’indifférence, subie ou revendiquée, devient vite enfermement. Parallèlement, la ségrégation spatiale de l’habitat s’amplifie, révélant un très fort désir d’entre soi et le rejet de la mixité 7- En 2006 on comptait 283 000 mariages et 155 000 divorces. Les familles monoparentales représentaient 10,2% des familles avec enfant(s) de moins de 25 ans en 1982, contre 16,7% en 1999 et environ 20% aujourd’hui. Ces familles sont souvent plus vulnérables du point de vue économique et plus sensibles au sentiment de mal-être. Voir EYDOUX Anne, LETABLIER Marie-Thérèse, Les familles monoparentales en France, rapport de recherche Centre d’études de l’emploi, juin 2007. Et PAN KE SHON Jean-Louis, « Isolement relationnel et mal-être », Insee première, n°931, novembre 2003 8- Certes on dialogue par voie électronique mais le lien virtuel entretient aussi une forme de repli. Selon une enquête TNS Media Intelligence publiée fin 2007, 89% des 8-19 ans sont connectés à internet contre 27% en 2000. Et selon la même enquête, les 8-19 ans consacrent en moyenne 4h44 par jour aux activités multimédias (internet, jeux video, mobiles). 9- Seules 22% des personnes en France estiment que « l’on peut faire confiance aux autres la plupart du temps », contre 30% en moyenne dans l’union européenne et plus de 60% dans les pays nordiques. Source Eurobaromètre 2005, Centre d’analyse stratégique, Les réalités sociales françaises à l’aune européenne, octobre 2007.
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sociale et culturelle10. La voie est ouverte pour qu’apparaissent et se multiplient des ensembles résidentiels privatisés et clôturés, à l’image de ce qui se développe aux Etats-Unis de façon exponentielle11. De la même façon, la fracture entre les générations reflète des enjeux culturels et sociétaux majeurs. Car on est resté attaché à des schémas de pensée anciens, basés sur une caractérisation du cycle de vie en trois temps : celui de l’éducation, celui de la vie active et celui de la retraite, perçu comme une décadence. Et l’on a construit des politiques de « soutien aux personnes âgées » alors que la notion de soutien ne devrait concerner que la perte d’autonomie, quelque soit l’âge. Les retraités en effet ont moins au fond besoin d’être aidés que d’aider. Dans une société soucieuse de dynamiser la vie relationnelle, leur expérience et leur disponibilité pourraient constituer des atouts considérables. On cesserait alors de dénoncer selon l’auditoire l’indifférence des jeunes ou l’égoïsme des aînés.
L’ identité collective s’estompe Et il y a urgence ! Car l’extension des comportements d’autarcie sociale, la mise à l’écart des valeurs d’écoute, d’entraide et de respect, dévoilent peu à peu une société humainement appauvrie, au point que certains auteurs n’hésitent pas à évoquer « les tyrannies de l’intimité »12. 10- Voir notamment MAURIN Eric, Le ghetto français. Enquête sur le séparatisme social, La République des idées, Seuil, Paris, 2004. 11-Aujourd’hui un tiers des lotissements dans les Etats du sud des Etats-Unis sont inspirés de cette logique sécuritaire. 12- R. SENETT, Les tyrannies de l’intimité, éditions du seuil, 1979. Selon l’auteur, l’obsession de soi ferait perdre le sens de la ville, qui suppose la rencontre d’intérêts, de goûts et de désirs divers.
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Or la précarité des liens, s’ajoutant à celle des emplois, favorise le développement d’une crise identitaire largement induite par l’affaiblissement de tous les repères. On ne le dit pas assez mais la progression du nombre d’enfants en danger constitue sans doute l’un des indicateurs les plus préoccupants de cette réalité. En effet, quand les services de protection de l’enfance interviennent, ce n’est que dans un cas sur cinq pour des raisons de maltraitance avérée, qu’il s’agisse de violence physique ou psychologique, voire d’abus sexuel. Dans quatre cas sur cinq, il s’agit de familles qui ne peuvent assurer à leurs enfants les conditions élémentaires de développement et de socialisation. Et contrairement aux idées reçues, les raisons ne sont que rarement économiques (du moins directement). Dans la majorité des cas, le danger trouve son origine dans les carences éducatives des parents : absence de repères, immaturité, difficultés à se distancier en tant que parent…(voir encadré page 24). Autant de faiblesses largement dues au délitement des liens sociaux et familiaux, qui isolent les parents et les enferment dans leur malaise, compromettant la socialisation des enfants et leurs chances d’intégration future dans la société. Et le malaise social ne s’arrête pas, loin s’en faut, aux familles suivies par les services sociaux. En témoigne la multiplication des syndromes dépressifs, qui touche l’ensemble des couches de la société13. Ces constats, loin d’être anecdotiques, révèlent donc bien les failles de notre modèle de société et nous obligent à agir de façon encore plus déterminée. Ce qui ne veut pas dire
13- La France présente un taux de décès par suicide de 16,2 pour 100 000 personnes, tandis que la moyenne de l’Union européenne se situe à 11,2 et celle de « l’Europe des quinze » à 10. Source : Eurostat, 2004, Centre d’Analyse stratégique, Les réalités sociales françaises à l’aune européenne, octobre 2007. Par ail-
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Les enfants en danger : une question sociétale Chaque année, l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) analyse l’évolution du nombre d’enfants en danger repérés par les services des conseils généraux. Depuis 1998, ce nombre a augmenté de manière continue et les facteurs de danger ne sont que rarement de type matériel (précarité, difficultés financières, habitat…). Dans la moitié des situations, ce sont les « carences éducatives des parents » qui ont amené les services à prendre une mesure de protection. Concrètement, cela renvoie à une absence de repères, une immaturité, une difficulté à se distancier en tant que parents...
Facteurs identifiés comme étant à l’origine du danger pour l’enfant en 2006 Carences éducatives des parents
51 900
soit 53% des enfants signalés
Conflits de couple et séparation
21 700
soit 22% des enfants signalés
Violence familiale
10 400
soit 11% des enfants signalés
Problèmes psycho pathologiques des parents
10 800
soit 11% des enfants signalés
Dépendance à l'alcool ou à la drogue
11 200
soit 11% des enfants signalés
5 200
soit 5% des enfants signalés
16 000
soit 16% des enfants signalés
Environnement, habitat
6 800
soit 7% des enfants signalés
Errance, marginalité
3 300
soit 3% des enfants signalés
Autres
8 900
soit 9% des enfants signalés
Maladie, décès d'un parent Chômage, précarité, difficultés financières
Rappel nombre d'enfants signalés en 2006
98 000
Source : Observatoire national de l’action sociale décentralisée, « Protection de l’enfance : une plus grande vulnérabilité des familles, une meilleure coordination des acteurs », La Lettre de l’Odas, novembre 2007
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obligatoirement avec plus de moyens. Car si en matière économique et financières les marges de manœuvre se réduisent, elles restent considérables en matière relationnelle et identitaire. A condition d’en faire une priorité politique pour tous et partout dans l’action publique et associative.
2. … A la refondation du projet municipal Dans cette perspective, les élus municipaux disposent d’atouts importants. La question du vivre-ensemble a toujours été centrale dans leurs intentions. La plupart des maires considèrent que la réussite de leur mandat passe par le maintien d’une forte cohésion sociale. Ainsi en témoigne le maire d’une ville de 55000 habitants : « Même lorsque cet enjeu n’est pas affiché, ce qui est fréquent, le projet municipal du maire et de son équipe, c’est de faire en sorte que les gens se parlent et se sentent chez eux »14. Pour y parvenir, on s’attache depuis longtemps à ce que les équipements, les transports, les services, contribuent à améliorer la vie des gens et à soutenir leur vie familiale et sociale, sans pour autant négliger l’action envers les plus défavorisés.
Une lecture globale des besoins… Mais aujourd’hui, avec l’amplification du phénomène de déliaison sociale, on leur demande beaucoup plus. Les événements de novembre 2005 l’ont montré, même dans les leurs, la France détient le record mondial de consommation de neuroleptiques : plus de 6 milliards de comprimés par an, soit 100 par habitant et par an c’est à dire quatre fois plus que nos voisins européens. 14- Déjà en 1998, une enquête menée sous forme d’entretiens auprès d’une centaine de maires montrait que leur principale motivation était le lien social. Voir SENGHOR Richard, LEGOUTIERE Pierre-Antoine, SANCHEZ Jean-Louis (sous la dir.), Les Maires et le lien social, Odas Editeur, 1998.
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Qu’est-ce que le développement social local? Le développement social doit maintenant s'affirmer non pas comme un mode de traitement social, mais comme un mode de traitement territorial visant au maintien actif dans notre société des populations fragilisées non seulement par la précarité matérielle ou la différence culturelle, mais aussi par l'âge, le handicap, l'isolement, etc. C'est à ce prix qu'on pourra s'éloigner d'une logique de dispositifs au profit d'une logique de développement, s'analysant avant tout comme un processus de mobilisation des potentialités locales. Le développement social pourrait alors être défini comme une nouvelle réponse publique visant à irriguer l'ensemble des politiques locales d'une aspiration volontariste à la reconstruction du lien social, mais aussi comme une nouvelle pratique sociale axée sur l'implication de tous les acteurs locaux dans le développement d'initiatives (culturelles, éducatives, festives, sociales, sportives…) visant à renforcer les solidarités de proximité à travers la vie associative, les réseaux d'écoute et d'entraide ou encore les dynamiques intergénérationnelles. Il ne s'agit donc pas seulement d'accompagner les familles en situation de précarité par la voie d'actions collectives, mais bien de s'appuyer sur l'ensemble des forces vives d'un territoire pour en renforcer la cohésion. Alors que la logique des dispositifs est descendante, du politique vers l'usager, on peut ainsi privilégier une logique ascendante où le terrain - acteurs, usagers et habitants - nourrit les choix politiques. Ainsi, en mettant en avant la notion de territoire, le développement social peut-il enraciner le lien social, non pas dans une communauté d'origine (ethnique, religieuse), mais dans une communauté de projet.
Extrait de SANCHEZ Jean-Louis, Décentralisation : de l'Action Sociale au Développement Social. Etat des lieux et perspectives, L'Harmattan, Paris, 2001.
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situations extrêmes ils apparaissent souvent comme l’ultime rempart pour préserver le « vouloir vivre-ensemble ». Les élus se voient ainsi ramenés aux sources de la démocratie : transformer la somme des attentes individuelles en un espoir collectif. Restaurer le « vouloir vivre-ensemble » doit alors servir à formuler un projet politique global qui n’est rien d’autre que le volet humain du développement durable. Mais l’enjeu est si considérable qu’il nécessite une profonde adaptation de l’action municipale, sous peine d’être désavouée ou pire, ignorée. Le rôle de la collectivité ne peut plus se résumer à apporter des solutions formatées et sectorielles à des attentes individuelles. Qu’il s’agisse des politiques éducative, culturelle, sportive, du soutien aux associations, sans oublier les politiques d’aménagement urbain (transport, équipements, logement), elles doivent toutes à leur manière participer au renforcement du vivre-ensemble. C’est la logique du développement social local (voir encadré page 26) et c’est à cette condition que l’on parviendra à restaurer le lien social, qui concerne tous les habitants et ne doit en aucun cas être confondu avec le seul soutien aux plus défavorisés. Et de fait, les maires sont de plus en plus nombreux à le penser, comme le montre une enquête récente réalisée auprès des villes de plus de 20 000 habitants (voir encadré page 28). La perception de leur responsabilité en la matière est de plus en plus globale alors qu’il y a dix ans, dans une enquête comparable, les maires n’évoquaient qu’accessoirement les politiques autres que sociales pour créer ou maintenir le lien social. … Une transversalité des réponses à construire Mais si le rôle fédérateur du lien social, son caractère prioritaire, est de mieux en mieux identifié, il faut maintenant 27
Quels sont les services qui contribuent au vivre-ensemble ? (Question ouverte)
Lecture : les services relevant de la lutte contre l’exclusion, de l’insertion et de la santé, sont cités comme contribuant au vivre-ensemble par 88% des villes. 72% des villes les citent en premier ou second, 16% des villes les citent en 3ème, 4ème ou 5ème position. A noter : Les résultats présentés ici sont basés sur l’ensemble des réponses des villes ; or un certain nombre de villes n’ont pas de service politique de la ville.
Pour près de 90% des responsables municipaux, il n’y a pas de vivre-ensemble sans un effort particulier en direction des plus vulnérables, par l’intermédiaire des services chargés de la lutte contre l’exclusion. Mais le vivre-ensemble va très clairement au-delà des problématiques dites sociales. Selon les maires il relève aussi largement des politiques d’animation de la vie locale (donc de lien social) dans leur dimension éducative, participative, culturelle, sportive… Trois-quarts des villes mettent en avant l’action menée en direction de l’enfance et de la jeunesse, deux tiers mentionnent le soutien à la participation des habitants et la vie associative, et la moitié le sport et la culture. Source : Enquête réalisée par l’Odas avec le concours de l’Association des Maires de Grandes Villes de France et la Fédération des Maires de Villes Moyennes auprès de l’ensemble des villes de plus de 20 000 habitants. Trois-quarts des villes de plus de 100 000 habitants et un tiers des villes ayant entre 20 000 et 100 000 habitants ont répondu à l’enquête. Voir Odas, « Les Maires et le vivre-ensemble : les nouveaux contours de l’action municipale en matière de solidarité », La Lettre de l’Odas, avril 2007.
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passer à une étape décisive : celle du décloisonnement des services par l’intermédiaire du projet. En effet, l’impact des politiques municipales sur le lien social est largement atténué par la segmentation des interventions15. On peut le vérifier avec des politiques ciblées sur des quartiers ou des publics, comme la politique de la Ville ou la politique de l’enfance (voir infra). Mais cette réalité est aussi fortement ressentie dans les relations entre la culture et le social16. Chaque fois que les acteurs culturels cherchent à s’ouvrir aux problématiques sociales, ils se heurtent à l’indifférence des relais sociaux et réciproquement. Car rien de décisif n’a été fait, y compris avec la politique de la Ville, pour favoriser une synergie de regards et d’actions entre services, tant en ce qui concerne la formation que l’organisation et les financements. D’ailleurs il est rare qu’un projet soit commun à ces deux secteurs. Dans le domaine du sport, même constat17. Lorsque des projets sportifs s’orientent vers l’insertion des jeunes par exemple, ils sont généralement bâtis sans lien avec les professionnels du social, par crainte d’aboutir à une stigmatisation de l’action. Or les rares villes qui ont choisi une autre voie ont pu éviter cet écueil tout en pérennisant la démarche. C’est pourquoi la nécessité d’intégrer dans les organigrammes administratifs ce souci de la transversalité semble aujourd’hui s’imposer. Certaines villes ont déjà engagé
15- Même dans les villes qui mettent en place des comités stratégiques ou des conseils de développement social, on réussit rarement le décloisonnement simultané du politique et de l’administratif. 16- Voir sur ce sujet les actes du colloque « Culture et lien social, les politiques locales au service du vivre-ensemble », Rodez, 30 et 31 janvier 2008, disponibles sur www.collectif-fraternite.com 17- C’est d’ailleurs pour cette raison qu’a été créée l’Agence de l’Education par le sport : www.fais-nous-rever.org
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cette restructuration, en regroupant tous les services aptes à proposer des activités productrices de liens. On aboutit à un organigramme distinguant, aux côtés des services généraux et administratifs, deux grandes directions: celle du développement social (services à la population) et celle du développement urbain (services techniques et économiques)18. Cette organisation a l’avantage non seulement de favoriser la coopération des acteurs sociaux, éducatifs, sportifs et culturels mais également d’opérer plus facilement l’articulation entre le volet humain et le volet urbain du projet municipal. Elle permet en effet de mettre fin à une situation qui dessert aujourd’hui leur complémentarité, celle de la segmentation des services au public face à l’unité des services techniques19. C’est à cette condition que le maire pourra jouer pleinement son rôle de chef d’orchestre, en agissant de concert sur l’urbain et l’humain. Et c’est à ce prix que le développement durable pourra s’enraciner dans les politiques locales, avec l’ambition de réconcilier l’homme avec son environnement, économique, physique et humain.
18- Le terme “social” doit ici être entendu au sens large. Il renvoie au versant “soft” de l’action publique, à tout ce qui contribue à l’épanouissement des personnes et du lien social. Au Havre par exemple, il existe une direction générale adjointe “développement social, enseignement, sport et services au public” regroupant une grande partie des activités “soft” : enseignement, vie des quartiers, gestion et prestations administratives, petite enfance, sport, cohésion sociale, CCAS et le service handicap dans la ville. 19- Rappelons que les services techniques sont traditionnellement rattachés à une seule autorité : le directeur général des services techniques.
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Chapitre 2II CHAPITRE
Citoyenneté active : au-delà de l’anecdotique Pour renforcer la cohésion sociale, les maires sont donc appelés à se mobiliser encore davantage sur les actions tendant à créer ou recréer des relations entre les individus et entre les groupes. Et si l’on ne peut décréter le lien, on peut agir efficacement sur les conditions propices à son renforcement. L’expérience prouve qu’une démarche volontariste peut permettre à chacun (professionnel, habitant ou voisin) de participer à la création de liens et d’assumer ainsi sa pleine responsabilité dans la vie de la cité. De nombreuses initiatives existent en ce sens, dans des collectivités aux profils extrêmement variés. Mais il s’agit maintenant d’aller plus loin en transformant une juxtaposition d’actions, si pertinentes soient-elles, en politique structurante à l’échelle d’un quartier, d’une ville, d’un bassin de vie. Il s’agit en somme de sortir des démarches anecdotiques et sectorisées pour inventer une nouvelle urbanité, en réactivant la responsabilité citoyenne de chacun. Et si quelques villes s’y attachent, le plus dur reste à faire. 31
1. Une société pour tous les âges Au cœur du renouveau du lien social, les relations entre les générations sont déterminantes car elles touchent aux modes de régulation de la cité. Tant pis pour le simplisme de la formule : la cohabitation des âges structure une société parce qu’elle fait la synthèse entre le passé et l’avenir, parce qu’elle témoigne de la permanence d’une dynamique de réciprocité, parce qu’elle consolide l’identité individuelle tout au long de la vie et forge donc l’identité collective. L’intergénérationnel est en tant que tel un projet politique. Or si les communes sont déjà engagées dans la promotion de dynamiques intergénérationnelles, celles-ci restent le plus souvent ponctuelles et relativement isolées. On parle d’ailleurs, et c’est révélateur, d’initiatives ou d’actions intergénérationnelles mais rarement de politique intergénérationnelle. En outre, trop souvent l’intergénérationnel est associé au soutien aux personnes âgées plus ou moins dépendantes ; c’est le cas des visites d’enfants dans les maisons de retraite par exemple. C’est important mais réducteur. La question principale est plus globalement celle de la place que la société réserve à ceux qui ont cessé une activité professionnelle et que l’on ne saurait qualifier de personnes fragilisées. On a fait d’une barrière administrative (l’âge de la retraite) une barrière des âges. Or rien n’est plus paradoxal que de parler de « soutien aux personnes âgées » à propos de personnes qui n’ont aucun besoin de soutien, et qui au contraire pourraient soutenir les autres, fortes de leurs expériences et de leurs connaissances. Dans une société dont un tiers de la population demain aura plus de 60 ans, il serait même dangereux de persévérer dans d’anciens schémas. C’est pourquoi on ne devrait plus parler de « soutien aux personnes âgées » mais seulement de « soutien à l’autonomie » lorsque 32
la question de la dépendance se pose et qu’elle rejoint alors celle du handicap. En revanche on devrait avoir en permanence à l’esprit la nécessité d’encourager partout l’échange entre les âges pour répondre au déficit de sens et de repères des jeunes et des moins jeunes.
L’intergénérationnel peut être l’axe structurant du projet municipal Dès lors, l’intergénérationnel cesse d’être seulement un terrain d’expérimentation pour devenir un axe structurant qui ne peut être confié au seul élu chargé du soutien aux personnes âgées ou de l’action sociale. Ce doit être une ambition, une éthique à intégrer dans chacune des politiques publiques menées sur le territoire et dans chacune des actions qui en découlent. Les politiques éducatives sont bien-entendu concernées au premier-chef. On pourrait ainsi accroître bien davantage l’offre péri-scolaire, si précieuse pour la socialisation de l’enfant. La création de clubs intergénérations dans toutes les écoles, axés sur la mémoire des quartiers, des métiers, des idées, pourrait être envisagée comme un objectif majeur au sein du projet municipal. Ce serait l’occasion de renforcer le rôle déterminant des maires en matière éducative, à un moment où on leur demande de présider des Conseils pour les droits et devoirs des familles, après leur avoir demandé de présider des conseils communaux de prévention de la délinquance. De même, les systèmes de parrainage et de tutorat dans le domaine de l’emploi et de l’insertion pourraient être développés grâce à l’implication des jeunes retraités, souvent disponibles mais mal informés. 33
A Angers, « Grandir et vieillir ensemble » mobilise toute la ville En 1998, le CCAS d’Angers (Maine et Loire) entame une réflexion sur la place des nouveaux retraités dans la ville et la vision que chacune des générations a des autres générations, avec le lancement d’une enquête auprès de la population. La restitution des résultats se fait au Centre des Congrès devant 1200 personnes, qui expriment le désir de travailler ensemble sur les liens entre les générations. Un « Appel à 100 projets » est alors lancé pour encourager et aider les habitants à formaliser puis réaliser un projet à dimension intergénérationnelle. Quatre-vingt-dix projets sont présentés, 60 labellisés. Un dispositif d’accompagnement individualisé est mis en place pour permettre à chaque personne, groupe ou association de trouver des partenaires, des financements, etc. Progressivement, un réseau de porteurs de projets et de partenaires se structure. Dès 2002, une semaine de valorisation et de promotion des initiatives est organisée : « Mix’âges ». C’est l’occasion pour les angevins de parler de leur façon de vivre le lien entre les générations et de découvrir la concrétisation des projets individuels ou collectifs (jardins pédagogiques, théâtre intergénérationnel, ateliers…). Depuis lors, la semaine « Mix-âges » est devenue un rendez-vous annuel rassemblant plusieurs milliers de personnes. Elle est explicitement conçue, y compris en terme de communication, comme un événement concernant toute la ville et non pas seulement une partie de sa population. Une plate-forme a été mise en place pour permettre l’accompagnement de nouveaux porteurs de projets (tandis que les précédents s’autonomisent) et organiser des temps de réflexion destinés à conserver le sens de l’action. Ces échanges ont notamment abouti à une charte de l’intergénération signée par tous les partenaires et contribuent aujourd’hui à nourrir la réflexion politique : on n’y parle plus uniquement d’intergénération mais on y traite des thèmes généraux comme la santé, le sport, la famille en abordant le point de vue des âges différents. La démarche mobilise de nombreux services municipaux (Restauration, Parcs et jardins, Education Enfance, Administration générale, Bâtiments, Communication, Relations publiques, Police municipale, Environnement Santé publique, Voierie) et acteurs du territoire (résidences personnes âgées, maisons de quartier, centres de loisirs, écoles, collèges, lycées, associations de solidarité, de loisirs…). Source : www.apriles.net
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Et les exemples ne manquent pas, dans d’autres domaines encore, de l’impact considérable de cette réconciliation des âges dont la réussite repose pour une part sur la mise en œuvre d’une politique ambitieuse du bénévolat. Or l’enjeu d’un bénévolat généralisé, à l’image de ce qu’on peut trouver dans d’autres pays, comme le Québec, est plus important qu’il n’y paraît. Il s’agit ni plus ni moins que de donner une nouvelle perspective au contrat social. En effet l’engagement bénévole n’est pas qu’une relation d’un individu à un autre individu. Il exprime la relation d’un individu au collectif et aux valeurs, et reflète finalement, au sein d’une société, la force du sentiment d’interdépendance. C’est la raison pour laquelle la vitalité de l’engagement citoyen est toujours un indicateur important sur un territoire donné. Certes de nombreuses villes l’encouragent, mais le plus souvent à travers le seul prisme du soutien à la vie associative, en y dédiant souvent un service et une délégation. Mais la problématique de la vie associative et celle du bénévolat ne doivent pas être confondues. Ainsi la vocation associative n’est pas en crise - il naît en France 70 000 associations par an. En revanche, la vocation bénévole l’est bien. Sur les 12 millions de bénévoles que l’on compte au niveau national, seul un tiers sont des bénévoles dits « réguliers », parce que disponibles chaque semaine pendant quelques heures (voir encadré page 36). Les autres participent ponctuellement à l’organisation d’une fête de quartier ou d’un événement sportif, et si cette collaboration est précieuse, elle ne répond que très imparfaitement aux besoins actuels et à venir. 20- Cette perspective n’est pas contradictoire avec les réflexions en cours sur l’organisation d’un service civil obligatoire, qui devrait concerner tous les âges, afin de compenser la perte d’un précieux espace de mixité provoquée par la suppression du service national.
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Douze millions de bénévoles... Oui mais… En 2002, une enquête de l’INSEE permettait d’estimer à 12 millions de nombre de bénévoles en France, soit un quart des Français de plus de 15 ans*. Mais elle montrait également la grande diversité des types d’engagement au regard du temps consacré au bénévolat. Si 11% des bénévoles s’engagent six heures ou plus par semaine (effectuant ainsi 60% du temps global voué au bénévolat), 2/3 des bénévoles s’engagent une heure ou moins (effectuant ainsi 8% du temps global voué au bénévolat). L’enquête montrait également que les principales motivations des bénévoles se situent dans le double registre de l’altruisme et du plaisir : le désir de se sentir utile, de faire quelque chose pour les autres, est cité par 81% des bénévoles et le souhait de s’épanouir ou de rencontrer des personnes partageant les mêmes préoccupations ou les mêmes goûts pour se faire des amis par 45% d’entre eux. Pour 20% des bénévoles l’engagement résulte davantage du hasard que d’une démarche active (l’occasion s’est présentée). On peut relever par ailleurs que la pratique du bénévolat est d’autant plus répandue que le niveau de vie est élevé (20% des personnes appartenant au 1er quartile de la population sont bénévoles, contre 32% des personnes appartenant au 4ème quartile) et que le niveau de diplôme est élevé (14% des personnes sans diplômes sont bénévoles contre 36% des personnes ayant un diplôme supérieur au bac). * La définition du bénévolat utilisée par l’INSEE dans cette enquête est la suivante : « travailler sans être rémunéré ou rendre des services dans le cadre d’une association ou non ».
Source : INSEE, Enquête Vie associative 2002. Voir FEBVRE Michèle, MULLER Lara, « La vie associative en 2002, 12 millions de bénévoles », INSEE Première, n°946, février 2004 et PROUTEAU Lionel, WOLFF François-Charles, « Donner son temps : les bénévoles dans la vie associative », Economie et statistiques, n°372, 2004.
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En effet le monde associatif est d’ores et déjà confronté à d’immenses difficultés. Dans un contexte de vieillissement de ses effectifs et d’inflation réglementaire, bureaucratique et judiciaire, il peine à trouver de nouveaux bénévoles susceptibles de prendre des responsabilités d’encadrants. Et dans les secteurs les plus « chronophages » comme l’est le domaine social, les difficultés sont telles qu'elles menacent les activités engagées.
Le bénévolat requiert une nouvelle architecture Face à cette situation certaines associations ont compris tout l’intérêt d’une démarche pro-active pour attirer de nouveaux bénévoles, et la nécessité, pour mieux les “fidéliser”, de les accompagner en les informant, en les formant, en les soutenant… Mais si ces nouvelles méthodes, issues du monde de l’entreprise, peuvent être mises en œuvre par les grandes associations nationales, les petites associations locales, qui elles aussi tissent le lien social dans les petites comme dans les grandes communes, n’en ont guère les moyens. Ayant pris la mesure de ces carences, l’Etat multiplie depuis quelques années les initiatives pour encourager le bénévolat et faciliter le quotidien des associations (financements d’assurances et création de chèques repas pour les bénévoles, valorisation du bénévolat avec notamment l’instauration d’une semaine de la citoyenneté, réunion d’une conférence nationale de la vie associative…). Ces inflexions nationales sont utiles, et même nécessaires, mais ne suffisent pas. Il existe une place pour une autre politique du bénévolat, qui ne peut être de la seule responsabilité du mouvement associatif ou de l’Etat. Les collectivités locales, et en particulier les villes, compte-tenu de leur rôle d’acteur principal de la proximité, peuvent jouer leur propre partition.
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Les enseignements d’une enquête sur le bénévolat menée auprès des habitants à Tournon-sur-Rhône et Tain l’Hermitage Afin de mieux appréhender les freins à l’engagement bénévole et les leviers susceptibles de contribuer à son développement, l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée a piloté une enquête locale menée en partenariat avec les communes de Tournon-sur-Rhône et de Tain l’Hermitage, les CAF de la Drôme et du Haut Vivarais et les Conseils généraux de l’Ardèche et de la Drôme. Cette enquête comprenait trois volets : ✔ une enquête quantitative menée à domicile auprès d’un échantillon représentatif de la population des communes de Tournonsur-Rhône et Tain l’Hermitage (communes limitrophes) ✔ un travail qualitatif mené avec trois classes de lycéens ✔ un travail qualitatif avec des représentants du monde associatif local
Parmi les principaux résultats de cette enquête, on peut relever que : ✔
Plus de la moitié des non-bénévoles aimeraient exercer une activité bénévole à plus ou moins longue échéance : à la question «aimeriez-vous exercer une activité bénévole » 7% répondent « oui », 20% répondent « oui pourquoi pas » et « 27% répondent oui mais plus tard ». ✔ La majorité d’entre eux souhaiterait s’engager dans l’action sociale, alors que jusqu’à présent la majorité des bénévoles s’implique plutôt dans le domaine culturel ou sportif. ✔ Plus de la moitié des non-bénévoles identifie la mairie comme lieu de renseignement sur le bénévolat. Source : enquête réalisée par l’Odas en juin-juillet 2007.
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C’est d’autant plus souhaitable qu’elles seules peuvent disposer d’une vision globale des besoins du territoire. En effet, tous les acteurs de terrain font aujourd’hui le constat absurde que coexistent des associations qui périclitent faute de bénévoles et des bénévoles potentiels sans projet. A un moment où les besoins sociaux et sociétaux s’accentuent, une telle déperdition d’énergie renforce la nécessité d’un travail de mise en adéquation de « l’offre et de la demande » de bénévolat. Dans ce but, il serait utile de recenser les services publics susceptibles d’accueillir des bénévoles pour participer au renforcement du lien social. Car si en aucun cas le bénévolat ne doit être une manière de combler à moindre coût un service public défaillant, il peut apporter une valeur ajoutée essentielle au service dans une logique de complémentarité avec les professionnels. En effet non seulement il peut permettre de mobiliser du temps disponible en faveur des habitants, mais en outre il peut enrichir la relation au public de nouveaux regards, moins façonnés par les logiques institutionnelles et les réflexes professionnels. Les expériences déjà engagées dans les services péri-scolaires ou les établissements et services pour personnes dépendantes sont prometteuses. De même, on pourrait s’inspirer des exemples étrangers qui associent régulièrement les usagers au fonctionnement du service21. On voit donc tout l’intérêt d’une véritable architecture du bénévolat, organisée selon les besoins du territoire soit au niveau communal, soit au niveau intercommunal. 21- Ainsi au Québec les crèches fonctionnent toutes avec le concours de bénévoles. De même dans le domaine des personnes âgées, on a su tirer toutes les leçons des enquêtes d’opinion selon lesquelles la demande par les personnes âgées de portage de repas masquait en fait un besoin de lien. Les repas sont donc distribués avec le concours de bénévoles qui peuvent prendre le temps de l’écoute, de l’échange.
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Pour y parvenir, on pourrait notamment créer un lieu de rencontre animé par des bénévoles et des professionnels pour orienter et accompagner les personnes dans la construction d’un parcours bénévole en adéquation avec leurs envies et les besoins du territoire. Beaucoup de communes ont déjà pris des initiatives en ce sens mais il est assez rare que cette démarche s’accompagne, pour en renforcer l’impact, d’une mobilisation de l’ensemble des équipements et services municipaux, tant pour recenser les besoins en bénévoles que pour promouvoir le bénévolat et repérer les bénévoles potentiels. Ainsi tous les services de la ville (dont les services techniques en raison de leur lien régulier avec les familles) pourraient être sollicités pour multiplier les actions de sensibilisation, en collaboration avec les établissements scolaires, les entreprises, les caisses de retraite etc.22. Bref, s’il est indispensable de continuer à renforcer et rénover le soutien apporté aux associations (conventions pluriannuelles, mutualisation des moyens administratifs, recherche de financement…)23, il s’avère urgent aussi d’agir sur le bénévolat directement. Il sera alors possible d’imaginer – pourquoi pas ? – une bonification des subventions aux associations en fonction du dynamisme du bénévolat en leur sein. Loin de s’opposer, le soutien à la vie associative et le soutien au bénévolat constituent les deux portes d’entrée d’une même politique municipale visant à renforcer l’éthique républicaine sur le territoire. 22- A titre d’exemple : distribution de plaquettes de valorisation du bénévolat, d’information sur les différents types de bénévolat possibles, évènements mettant en relief la dimension de sens… Ainsi à Tournon sur Rhône, les responsables associatifs ont souhaité dénommer le traditionnel forum des associations « forum des associations et du bénévolat » pour redonner à cette manifestation la dimension d’engagement qu’elle avait peu à peu perdu au profit d’une dimension consumériste. 23- Rappelons que chaque année beaucoup d’associations périclitent, faute de financements pérennes pour certaines, de capacités de gestion ou de projet pour d’autres.
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2. Une cité avec tous ses territoires On ne saurait parler de citoyenneté et de pacte républicain, sans aborder la question de la ségrégation urbaine que les événements de novembre 2005 ont à nouveau placée sur le devant de la scène. En effet, ces évènements ont été analysés par de nombreux observateurs comme une manière d’exprimer un sentiment d’injustice, voire d’abandon. Pourtant, depuis trente ans les efforts engagés ont permis dans bien des cas de réduire les écarts d’équipements entre les quartiers dits difficiles et les autres. En outre la politique de la Ville, sous l’appellation « développement social des quartiers » ou « développement social urbain », a largement contribué à faire évoluer les modes d’intervention.
De la politique de la Ville à la Politique des villes Mais les limites de la politique de la Ville sont aussi bien réelles, et connues. Elle relève d’une conception plus étatique que territoriale, au niveau des financements comme des orientations stratégiques. Elle s’est rigidifiée sous l’effet de la multiplication des dispositifs complexes et normatifs sur lesquels elle s’appuie, au détriment d’une action globale. Sa raison d’être, l’encouragement à bien faire, s’est souvent transformée en obligation de faire. Et l’instauration de la méthode du contrat, dans un contexte d’orientations nationales instables, n’a guère permis de sortir de cette impasse24.
24- Les interrogations sont nombreuses quant à la pertinence des 495 contrats urbains de cohésion sociale qui « ne sont ni des projets, car ils ne reposent pas sur la définition claire d’une stratégie globale, territorialisée et de long terme, ni des contrats en ce sens qu’ils ne reposent pas davantage sur des engagements réciproques, précis et contraignants ». Avis du Conseil Economique et social présenté par M. Gérard Le Gall, Réunifier et réconcilier la ville – constats et propositions, janvier 2008, qui suggère que la politique de la ville soit plus déconcentrée et plus décentralisée.
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Au final la politique de la ville n’a pas su provoquer le mouvement ascendant, partant des habitants et forces vives d’un territoire (élus, professionnels, institutions, entreprises…), qui seul peut durablement provoquer un changement de regard sur les quartiers. A nouveau, on a pu vérifier que si la norme nationale peut garantir l’égalité de traitement, elle ne peut décréter la mobilisation des acteurs. Pas plus qu’elle ne peut provoquer d’effet levier sur les politiques de droit commun, qu’il s’agisse des politiques départementales ou municipales, voire étatiques25. La réintroduction « de la ville dans les quartiers », selon les termes du Comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), est donc toujours un objectif à atteindre. Si la revalorisation du bâti, voire la qualité de la gestion urbaine de proximité, ont fait de réels progrès, la démarche d’adaptation de l’offre associative, éducative, culturelle, sociale et sportive, n’est toujours pas aboutie26. Quant à l’enjeu de «réintégrer les quartiers dans la ville », dans la réalité mais aussi dans la perception qu’en ont les habitants, il paraît encore plus lointain. Un sondage a en effet révélé, à la suite des événements de novembre 2005, que 79 % des Français pensent avoir « peu ou pas du tout de choses en commun avec les habitants des banlieues »27. 25- Voir en ce sens : Rapport de la Cour des Comptes, La politique de la ville, février 2002 ; et rapports d’information de M. Pierre André, Sénateur sur l’avenir des contrats de ville (2005) et sur le bilan et les perspectives d’avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d’années (2006). 26- La création de deux agences, l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) et l’Agence pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des Chances (Acsé), en instaurant des procédures différentes, avec des interlocuteurs différents, des objectifs différents, des calendriers différents, n’est pas de nature à améliorer la transversalité. 27- Paradoxalement, cette fracture symbolique se trouve en partie renforcée par l’offre éducative. Ainsi une étude montre que l'on conçoit différemment l’action périscolaire en zones urbaines sensibles et ailleurs. Dans les zones urbaines sensibles l’enfant serait d’abord considéré dans ses manques et ses problèmes, la puissance
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Face à de tels constats, la question d’une nouvelle approche de la politique de la Ville est posée. Si l’on souhaite que celleci s’adapte aux réalités locales, et non l’inverse, aucune autorité n’est plus légitime que les maires pour définir, promouvoir, coordonner l’action sur leur territoire. Telles étaient d’ailleurs les aspirations des premiers concepteurs du développement social urbain, des maires soucieux d’en faire leur affaire28. Il s’agit donc de passer de la politique de la Ville à la Politique des villes, comme nous y invitent aujourd’hui tous les rapports, qui concluent sur la nécessité de redonner de plus grandes marges de manœuvre aux édiles locaux. Autrement dit, il s’agit d’en finir enfin avec la culture de la défiance visà-vis de la décentralisation qu’entretient une conception hiérarchisée du suffrage universel… comme si l’élection nationale était d’essence supérieure à l’élection locale. Il reste que l’évolution du rôle de l’Etat ne peut suffire si les autres collectivités et institutions ne reconnaissent pas elles aussi le rôle leader des maires dans la coordination des démarches de développement social. Des initiatives existent déjà en ce sens29. Elles montrent toute la complexité de la démarche, mais elles révèlent aussi que le croisement des logiques thématiques (éducation, santé, social, habitat..) avec une logique territoriale publique intervenant pour suppléer la carence de l'éducation familiale en axant son action sur la socialisation voire l'occupationnel. Ailleurs, l’enfant serait considéré comme une ressource et l’action davantage tournée vers l'épanouissement de l’enfant grâce à une approche intégrée. Voir le rapport 2004 de l’Observatoire national des zones sensibles et LABADIE Francine, « L’aménagement du temps de l’enfant: un analyseur de l’évolution de l’action publique », in Agora Débats jeunesse, n°17, 1999. 28- Voir DUBEDOUT Hubert, Ensemble, refaire la ville, La Documentation française, 1982 ; BONNEMAISON Gilbert, Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité, La Documentation française, 1982. 29- Ainsi par exemple les villes d’Ajaccio, de Belfort, de Bordeaux, du Havre, de Tourcoing et de Vitré tentent de mettre en place une démarche de coordination inter-institutionnelle et pluridisciplinaire et placée sous le pilotage du Maire ou du Président de l’intercommunalité.
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(quartier, ville, agglomération, département) ne peut trouver son cadre opérationnel que dans cette direction30.
Le nécessaire retour du politique Il faut alors accompagner ce mouvement de restructuration externe d’une rationalisation à l’intérieur même des services municipaux. Car dans la plupart des villes, la politique de la Ville est confiée à un maire-adjoint épaulé par une administration spécifique. Progressivement la politique de la ville s’est structurée en un secteur à part entière de l’action municipale, avec les risques inhérents de verticalité et de cloisonnement. C’est un paradoxe que de voir une ambition transversale se traduire dans les faits par une démarche à ce point segmentée ! Comme si l’on oubliait que la marginalisation d’un quartier est celle de toute une ville. C’est pourquoi le renouveau de la politique de la Ville passe aussi, et ce n’est pas anecdotique, par une reconfiguration des organigrammes municipaux, dans leurs déclinaisons politique et administrative. Seule l’affirmation de la responsabilité directe du maire sur la politique de la ville – de même que celle du directeur général des services en ce qui concerne la mise en œuvre des moyens – peut permettre la concrétisation d’une politique ambitieuse entraînant dans la durée la mobilisation de l’ensemble des services et des partenaires du territoire. Il reste que cette valorisation du rôle des maires se heurte à la question intercommunale. En effet, les orientations nationales de la politique de la Ville visent à en favoriser le traitement intercommunal. On peut le comprendre car l’intercommunalité pré30- La diminution du nombre de conseils généraux signataires des nouveaux contrats urbains de cohésion sociale (par rapport à la précédente génération des contrats de ville) constitue en revanche un signe peu encourageant.
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sente l’intérêt de mutualiser des moyens et de permettre la mise en oeuvre de stratégies à une échelle souvent plus pertinente. Pourtant, l’intercommunalité n’est pas encore aujourd’hui à la hauteur de ce potentiel. En effet elle semble encore trop souvent conçue davantage comme un outil technique de construction d’équipements et de gestion de service que comme un outil politique au service d’un projet local concerté31. Dès lors on ne s’étonnera pas de voir les maires hésiter à déléguer à l’intercommunalité les politiques de proximité (petite enfance, jeunesse, personnes âgées, personnes handicapées…), alors même que celles-ci pourraient être pensées à une échelle intercommunale. On voit là toutes les limites d’une organisation dans laquelle les politiques structurantes ou « hard » se décident au niveau intercommunal tandis que les politiques de proximité ou « soft » se décident au niveau communal. L’intercommunalité se présente alors souvent comme une réalité bancale, qui ne facilite pas la mise en œuvre d’un projet global. Aussi, chaque fois que l’échelle pertinente au regard du tissu social sera effectivement celle de l’intercommunalité, il faudra oser lui donner une véritable ambition. Et cela suppose, du point de vue de l’efficacité comme du point de vue de la démocratie, d’y introduire d’une manière ou d’une autre une forte dose de suffrage universel direct32. 31- Voir « Les maires et le vivre-ensemble : les nouveaux contours de l’action municipale en matière de solidarité », La Lettre de l’Odas, Avril 2007. 32- L’hypothèse est d’autant plus justifiée que l’intercommunalité est devenue une réalité incontournable et de mieux en mieux identifiée. Une très grande majorité des français pense en effet que l’appartenance de leur commune à une intercommunalité est une bonne chose, et connaît davantage le champ d’intervention des communautés que celui des conseils généraux ou régionaux. (Source : Sondage IFOP pour l’Assemblée des communautés de France (ADCF), Les Français et leur intercommunalité, octobre 2007 Il reste que l’utilisation du suffrage universel, qui peut aboutir in fine à une fusion de communes, ne devrait concerner que les intercommunalités correspondant réellement à un bassin de vie dont les habitants souhaitent par ailleurs la reconnaissance et la valorisation (par référundum par exemple).
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Le champ de l’intervention intercommunale de plus en plus diversifié En 2008, on compte environ 2600 structures intercommunales, couvrant 92% des communes françaises et 90% des habitants. Parallèlement à cette extension géographique, on assiste à un élargissement des compétences optionnelles et facultatives des communautés.
Source : Assemblée des communautés de France, les notes de l’observatoire, « Compétences statutaires et actions intercommunales », janvier 2007.
Le fait intercommunal est donc incontestable, mais également complexe. La correspondance avec les bassins de vie est loin d’être systématique, certaines communautés sont trop petites pour agir, d’autres couvrent des territoires discontinus. 42% des présidents de communauté estiment ainsi que la cohérence géographique de leur EPCI n’est pas satisfaisante*. * Source : Enquête ADCF auprès des présidents des communautés, septembre 2008
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La reconstruction du lien social nécessite donc à la fois l’engagement de nouvelles dynamiques de mobilisation de la citoyenneté et la redéfinition des règles du jeu concernant l’action municipale. Cela peut paraître ambitieux mais l’amplification des transformations sociales appelle aujourd’hui une accélération des réformes structurelles.
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Chapitre 3III CHAPITRE
Solidarité nouvelle : au-delà du social Si une grande partie des compétences sociales ont été confiées par la loi aux départements, les communes continuent de détenir de nombreuses responsabilités en la matière, tout particulièrement dans les grandes agglomérations urbaines. Acteurs de proximité par excellence, elles ont toujours cherché à répondre aux sollicitations des habitants les plus fragiles. Dans le domaine de l’insertion des jeunes et des moins jeunes, comme du soutien à l’autonomie, toutes ont contribué à la diversification des réponses et certaines ont pu développer une ingénierie créative, à l’origine d’importants dispositifs comme le RMI33. Mais cette évolution s’est réalisée trop souvent à la marge du projet municipal, en s’appuyant sur des configurations administratives complexes. C’est vrai en matière d’insertion des jeunes avec les missions locales qui disposent de leurs propres instances délibératives, où la commune peut être minoritaire. C’est vrai aussi pour les centres communaux d’action 33- C’est à Belfort, à Besançon et à Rennes qu’ont été mis en œuvre, bien avant la loi, les premiers dispositifs de Revenu minimum garanti.
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L’autonomie des CCAS : atout ou frein pour la performance des politiques publiques? Le statut d’établissement public administratif du CCAS lui permet une existence administrative et financière distincte de la commune. Depuis de nombreuses années, cette spécificité fait débat au sein des communes. Une enquête menée par l’Odas montre que cette autonomie du CCAS n’est que très rarement perçue comme un frein pour la performance des politiques municipales. Elle montre cependant que si 74% des répondants « sociaux » la conçoivent comme un atout, la proportion descend à 39% lorsque les répondants sont plutôt «généralistes»*. La distinction est donc notable. En effet, l’autonomie du CCAS a l’avantage de permettre une plus grande souplesse financière appréciable pour la réactivité des réponses, en particulier lorsqu’il faut les apporter dans l’urgence. Elle permet aussi d’associer les partenaires à la mise en œuvre des orientations sociales de la ville, ce qui peut constituer un atout précieux. Mais elle présente l’inconvénient d’isoler le CCAS des autres services au risque de limiter la cohérence entre les diverses politiques municipales. Loin d’en être la seule cause cette autonomie participe au cloisonnement si souvent regretté entre les services sociaux et les autres services, même si les choses évoluent avec le rattachement de plus en plus fréquent du CCAS à une direction générale adjointe de l’administration municipale. * Deux tiers des personnes ayant répondu à cette enquête sont des responsables généralistes, un tiers des responsables sociaux.
Source : Odas, « Les Maires et le vivre-ensemble : les nouveaux contours de l’action municipale en matière de solidarité », La Lettre de l’Odas, avril 2007
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sociale (CCAS), constitués en établissements publics autonomes, pour des raisons non seulement historiques mais aussi de principe. Et même si par le biais des représentations politiques et organigrammes administratifs, les équipes municipales parviennent à conserver leur influence sur les décisions, l’action sociale bénéficie aujourd’hui pour certains aspects d’une autonomie tout autant subie que provoquée34. Cette situation a ses avantages, car elle favorise l’implication partenariale et permet une plus grande rapidité d’intervention. Mais elle participe à la segmentation des publics. De manière caricaturale mais éclairante, tout se passe comme si les CCAS et les missions locales s’occupaient des publics fragilisés et les autres services du reste de la population. Pourtant, la mise en cohérence et la convergence de ces deux types de politiques constituent un défi majeur. D’abord parce que les politiques ciblées, si elles sont cloisonnées, peuvent contribuer à stigmatiser davantage encore les personnes en difficulté. Mais aussi parce que chacun peut apprendre de l’autre, aussi différent et vulnérable soit-il. C’est la logique de la mixité perçue comme un véritable atout, qu’elle soit sociale, générationnelle, culturelle etc. De plus il serait pour le moins contradictoire de demander à toutes les politiques publiques de s'imprégner de la problématique du vivre-ensemble si l'action sociale elle-même en restait trop éloignée dans ses propres prestations. Or elle privilégie souvent l’aide individuelle sur l’action collective et le développement social local. Les choses évoluent bien-entendu, mais le processus est lent, car il implique un véritable changement de culture. Fondamentalement l’enjeu, pour les professionnels comme pour les institutions, est d’accompagner autrement les personnes en difficulté, en s’appuyant davantage sur leurs poten34- Dans beaucoup de grandes villes, le directeur du CCAS occupe par ailleurs la fonction de directeur de la solidarité, ce qui facilite la coopération entre le CCAS et les services à proprement parler municipaux.
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Quel travail social ? Au cours des trente dernières années, la question sociale a changé de nature et le contexte institutionnel s’est transformé (renforcement de la décentralisation, affirmation de l’intercommunalité, complexification des dispositifs…). Le travail social doit s’adapter à cette évolution. Le processus est en cours et les attentes des collectivités locales, recensées ci-dessous, sont nombreuses. CG
Villes
90% 89%
82% 70%
92% 89%
67% 69%
80%
57%
84%
65%
86% 64%
58% 61%
80% 53%
64% 50%
35% 48%
47% 51%
Etre capable d’assurer une fonction d’expertise : Participer au diagnostic social sur un territoire Construire une problématique à partir des constats établis au cours de l’activité professionnelle
Etre capable d’initier des méthodes de travail participatives : Impulser, élaborer, piloter des actions collectives Favoriser la mobilisation citoyenne des populations en difficulté et de leur environnement
Savoir se situer dans une collectivité territoriale : Se repérer dans les logiques et modes d’organisation des services d’action sociale et des autres services Se situer dans sa collectivité par rapport aux élus, à la hiérarchie et aux autres professionnels
Savoir travailler avec d’autres types d’acteurs : Avec des élus de différentes collectivités territoriales Avec le secteur associatif et les bénévoles
Mieux connaître le cadre politique et administratif : Connaître les compétences de l’Etat et des collectivités territoriales Connaître les dispositifs d’action sociale et d’insertion et leurs articulations
Savoir travailler avec d’autres professionnels : En équipe pluridisciplinaire au sein de l’institution Avec des professionnels d’autres institutions
Lecture : 90% des conseils généraux et 82% des villes ayant répondu à l’enquête estiment qu’il faut renforcer les connaissances et compétences des travailleurs sociaux des collectivités territoriales en matière de diagnostic social sur un territoire. Source : Enquête réalisée par l’Odas auprès de l’ensemble des conseils généraux et des villes de plus de 30 000 habitants, dans le cadre d’une commission inter-institutionnelle. Voir le rapport de l’ODAS, « Travail social et développement social, la formation initiale au cœur du changement », novembre 2002.
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tiels et leur environnement humain pour trouver des points d’appui leur permettant de retrouver leur pleine autonomie. Et le défi traverse l’ensemble des problématiques sociales, à tous les stades de la vie, qu’il s’agisse de l’insertion, du soutien aux personnes âgées, ou du soutien à l’enfance et de la famille.
1. L’insertion autrement Les villes, et surtout les plus grandes, sont fortement impliquées dans l’insertion des jeunes. C’est d’ailleurs, avec la lutte contre le chômage, leur première priorité pour préserver le vivre ensemble. En soutenant les jeunes, elles tentent notamment de reconquérir leur adhésion au contrat social à un moment où une grande partie d’entre eux manifeste sa défiance à tout ce qui peut incarner la chose publique. Mais les villes sont aussi impliquées dans toutes les autres politiques d’insertion, qu’elles émanent de l’Etat ou des départements. C’est le cas du Revenu minimum d’insertion (RMI), qui a su susciter de fortes collaborations entre les villes et les départements. Celles-ci portent sur l’instruction administrative des dossiers mais aussi sur l’accompagnement des bénéficiaires. C’est pourquoi le débat sur les modalités de l’insertion sociale les concerne directement.
Passer d’une logique de publics à une logique de territoire L’accompagnement social s’est longtemps concrétisé à travers un face à face régulier entre le travailleur social – et plus précisément l’assistant de service social – et la personne ou même la famille. Ce face à face est nécessaire, mais il ne suffit pas. On l’a dit, la fragilisation croissante des personnes et des familles provient notamment de l’affaiblissement général 53
des liens sociaux. Dès lors on imagine mal comment la dimension collective du travail social peut être négligée. C’est la raison pour laquelle les personnes en difficulté se voient maintenant proposer des activités théâtrales, sportives, ludiques, des ateliers du bien-être ou tout simplement des temps de rencontre pour échanger avec d’autres personnes qui se trouvent dans la même situation. Ces nouvelles manières de faire sont utiles, car elles offrent souvent un cadre d’expression salutaire et créent une dynamique positive en terme d’estime de soi et de lien social. Mais elles comportent aussi un risque, celui d’enfermer le groupe dans un « isolement collectif ». Aussi, au delà de l’approche collective, c’est surtout l’approche locale qu’il faut aujourd’hui promouvoir, pour réinscrire les personnes dans leur environnement. L’objectif est bien de passer d’une logique de public à une logique de territoire, axée sur la mobilisation de toutes les personnes susceptibles d'apporter leur contribution à un projet de réinsertion ou d’animation de la vie sociale, à travers les réseaux de voisinage, de parentalité, ou d’échange de savoirs35. Il est grand temps que l’action sociale s’ouvre enfin au développement social local. La formation au développement social des cadres et élus de l’action sociale et au-delà, de tous les acteurs concernés, apparaît comme une priorité si l’on veut réussir cette nécessaire mutation. Elle seule permettra de redonner toute sa dimension stratégique au travail social, comme force d’animation du territoire mais aussi comme force de proposition non seulement en matière d’accompagnement social mais aussi d’offre d’insertion. 35- Si les villes, du moins les grandes villes qui disposent de travailleurs sociaux, parvenaient à effectuer ce repositionnement, il est clair que l’hypothèse de la délégation de compétence départementale à leur profit devrait être envisagée avec plus d’ambition qu’elle ne l’a été jusque là.
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Le développement durable comme perspective En effet, quelque soit la qualité de l’accompagnement individuel, il ne peut déboucher que dans la mesure où existent de véritables perspectives d’insertion. Et in fine, l’enjeu est bien de définir des perspectives en matière d’emploi. C’était la philosophie du Revenu minimum d’insertion (RMI), c’est aussi celle du Revenu de solidarité active (RSA). C’est pourquoi si elles souhaitent s’engager activement dans l’insertion – ce qui semble bien être le cas36 - les villes ont un rôle majeur à jouer dans la construction de l’offre locale d’insertion, en particulier dans sa dimension économique. Impliquées dans le développement local depuis longtemps, elles ont une connaissance de la situation économique locale, ainsi que des besoins actuels et futurs en matière d’emploi et de formation. Elles ont aussi des relations suivies avec les entreprises, les chambres consulaires, les partenaires sociaux, les organismes de formation, qui sont autant de points d’appui pour l’insertion des personnes en difficulté. Elles peuvent dès lors contribuer à la construction d’indispensables passerelles entre deux mondes qui s’ignorent encore largement : l’économique et le social. Or ce rapprochement n’intéresse pas que les bénéficiaires des minima sociaux. Il peut aussi favoriser l’émergence de nouveaux gisements d’emploi notamment dans la filière environnementale du développement durable. La nécessité d’explorer aujourd’hui de nouvelles voies pourrait justifier un recours accru à l’économie intermédiaire, qui plus est dans le contexte actuel de crise économique. On peut rappeler que les initiatives les plus abouties en matière de recyclage des déchets ou des matériaux ont été lancées par les acteurs de l’économie sociale et solidaire. 36- Voir « Les Maires et le vivre-ensemble, les nouveaux contours de l’action municipale en matière de solidarité », La Lettre de l’Odas, avril 2007.
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C’est un des principaux intérêts des plans locaux d’insertion par l’économique (PLIE), qui soutiennent les entreprises et associations d’insertion et dont le nombre important témoigne d’une forte implication des villes. Leur utilité pose la question de leur mise en convergence avec les plans départementaux d’insertion (PDI) pour favoriser la mise en synergie des politiques territoriales d’insertion37. Toutefois depuis peu, cette perspective se trouve impactée par la création des Maisons de l’emploi. Pilotées directement ou indirectement par les villes et les intercommunalités, les Maisons de l’emploi se sont multipliées sur le territoire national38. Il est vrai que le concept est prometteur et les attentes réelles. Pourtant dans les faits, elles peinent à prendre leur envol. Le retard pris dans les signatures de conventions d’objectifs et l’apport des financements étatiques, ainsi que la fusion entre l’ASSEDIC et l’ANPE qui provoque paradoxalement des réflexes de repli, sont autant de difficultés qui compromettent leur fonctionnement. En outre, la nécessité d’intégrer les PLIE aux Maisons de l’emploi ne s’est pas imposée partout39. Mais surtout, la perception du rôle des Maisons de l’emploi n’est pas encore homogène dans toutes les communes. En effet si les grandes 37- L’évolution du partenariat entre villes et départements se mesure également à la place faite aux communes dans les Commissions locales d’insertion (CLI), désormais définies comme lieu de réflexion stratégique. Malgré quelques difficultés au moment de l’acte II de la décentralisation et de l’affirmation du pilotage départemental, qui a pu entraîner ici ou là quelques réflexes hégémoniques, d’une manière générale 85% des départements y associent les villes. Et les trois quarts d’entre eux qualifient cette participation de bien réelle, et non formelle. 38- On recense début 2008 300 maisons de l’emploi labellisées, mais toutes ne sont pas encore opérationnelles. 39- Un récent rapport plaide d’ailleurs pour une intégration obligatoire des PLIE et des comités de bassin de l’emploi dans les maisons de l’emploi afin d’éviter les doublons. Les maisons de l’emploi : une dynamique territoriale au service de l’emploi et du développement économique, rapport d’information n°952 (Assemblée nationale), juin 2008.
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villes souhaitent majoritairement donner aux Maisons de l’emploi un rôle stratégique (articulation avec le monde économique, diagnostic et prospection de l’offre d’emploi), les petites et moyennes villes sont plus hésitantes et restent largement attachées à la seule fonction d’accompagnement individuel (lieu d’information et d’orientation du demandeur d’emploi voire guichet unique simplificateur de démarches). C’est pourquoi si l’on veut que les Maisons de l’emploi tiennent leurs promesses, il faut sans ambiguïté accepter d’en faire un espace stratégique de définition partagée des politiques locales d’emploi et d’insertion40. Car si les deux notions sont bien voisines sur le fond, elles relèvent dans les faits de logiques et d’acteurs différents et cloisonnés. La référence au développement durable peut alors apparaître comme un précieux sésame pour consolider la légitimité des maires dans cette fonction de coordination.
2. Le soutien à l’autonomie autrement Ce souci de performance est tout autant nécessaire dans un domaine plus traditionnellement social : celui du soutien à l’autonomie des personnes fragilisées par l’âge. Dans une société qui se dit solidaire, que penser du fait qu’un quart des personnes âgées de plus de 70 ans sont isolées, et qu’à partir de cet âge, l’isolement progresse fortement et de manière continue41? 40- Voir « les Maires et le vivre-ensemble, les nouveaux contours de l’action municipale en matière de solidarité », La Lettre de l’Odas, avril 2007. Par ailleurs JeanPaul Anciaux propose aujourd’hui de revoir le cahier des charges des maisons de l’emploi en réaffirmant leur rôle stratégique. ANCIAUX Jean-Paul, Les Maisons de l’emploi, juin 2008. 41- PAN KE SHON Jean-Louis, « Isolement relationnel et mal-être », Insee première, n°931, novembre 2003. Dans cette analyse, la notion d’isolement relationnel renvoie au fait de n’avoir eu que 4 contacts ou moins d’ordre privé avec des personnes différentes, de visu ou par téléphone (hors ménage) au cours d’une semaine donnée. 25% des personnes de plus de 70 ans sont alors considérées comme isolées contre 10,8% de la population générale et 5% des 15-19 ans.
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Des enquêtes à domicile pour mieux appréhender les attentes des personnes âgées Entre 1994 et 2000, l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée a accompagné les villes de Cannes, Roanne, Issy les Moulineaux, Rueil-Malmaison et les départements de la Corrèze, de l’Eure-et-Loir et de l’Orne dans la réalisation d’enquêtes auprès des personnes âgées vivant à domicile (sur échantillons représentatifs). Les résultats de ces diverses enquêtes se sont avérés assez homogènes. Ils montrent de façon évidente que les personnes très âgées conçoivent l’aide qu’on peut leur apporter comme un accompagnement pour faciliter leur sortie du domicile, leurs déplacements en vue d’effectuer elles mêmes un certain nombre d’activités de type pratique (courses, démarches, banque...), ou de type ludique (clubs, sorties de loisirs, voyages...). Elles rejettent en revanche de plus en plus l’idée qu’on se substitue à elles pour la réalisation de ces actes. De manière plus éclairante encore on constate que leur première demande porte sur l'aménagement des services disponibles pour toute la population (mobilier urbain, équipements, transport, logement social…), tandis que le recours à des services spécialisés n'est évoqué qu'en cas de nécessité absolue.
Toutes les informations sur l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (Odas) sont disponibles sur www.odas.net
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C’est à nouveau la question de la place des plus âgés dans notre société qui est ici posée, mais cette fois à travers la question du soutien aux plus fragiles d’entre eux. Pour compenser l’affaiblissement des solidarités de proximité et familiales, la société a construit un système d’aide et de soutien aux personnes âgées dépendantes parfaitement légitime sur le fond mais perfectible dans son contenu.
Le refus du risque zéro En effet, malgré les recommandations éthiques et fonctionnelles des rapports déjà bien anciens de Pierre Laroque sur les personnes âgées - et de René Lenoir sur les personnes handicapées - on a du mal à privilégier l’accompagnement sur l’assistance substitutive, “l’aider à faire” sur “le faire à la place”. Depuis une vingtaine d’années les pouvoirs publics privilégient les critères de sécurité et de fonctionnalité au détriment des logiques d'animation et de vie sociale. On sait désormais bien prendre en compte les besoins techniques des personnes mais difficilement leurs besoins relationnels. Cela résulte assurément du phénomène de judiciarisation de la société qui oblige les pouvoirs publics et les opérateurs privés à respecter le principe de précaution. Mais cela résulte aussi d’une conception dominante de la relation aux aînés pensée essentiellement en terme de protection… et sous-tendue in fine par une vision condescendante de la vieillesse. Dans tous les cas, la production permanente de normes sécuritaires et protectrices ne facilite guère la créativité des réponses. Et l’on délaisse un désir de dignité et de reconnaissance qui s’exprime aujourd’hui de plus en plus fortement, avec les nouvelles générations de personnes âgées plus exigeantes en matière d’autonomie et de responsabilité.
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La course au risque zéro s’avère donc totalement contreproductive sur le terrain de la vie sociale que l’on refuse trop souvent à nos anciens. C’est pourquoi il faut oser s’aventurer jusqu’aux limites du possible, en affirmant le « droit au risque » des personnes et de leur famille. Certaines maisons de retraites s’y essaient, lorsqu’elles permettent par exemple à des résidents de participer à la confection des repas – ce qui, soit dit en passant, est parfaitement banal au Québec – ou lorsqu’elles autorisent l’accueil d’animaux. D’autres lancent des expériences d’accueil au sein même des établissements de personnes extérieures (familles, élèves, artistes, habitants du quartier…) pour des activités ludiques, culturelles ou éducatives. Elles sont généralement fort appréciées à la fois des résidents eux-mêmes, des personnes extérieures concernées, et des professionnels qui trouvent là l’occasion de renouveler leurs pratiques et de renforcer le sens et l’efficacité de leur action. C’est pourquoi il faut maintenant diffuser massivement ces « bonnes pratiques », en s’appuyant notamment sur un système de décharge de responsabilité, qui permettrait aux responsables d’établissement de privilégier la dimension d’animation sur la dimension sécuritaire.
La garantie du libre choix La question du « libre choix » se pose aussi, et au premier chef, au regard de l’alternative entre domicile et établissement. Et ce dans un contexte de vieillissement de la société qui d’années en années accroît les besoins. Les pouvoirs publics ont depuis longtemps pris acte de cette réalité. Et si ce sont localement les départements qui pilotent le secteur, les villes sont concernées de manière extrêmement forte et directe. En effet, elles sont devenues le premier opérateur en matière 60
de création et de transformation de maisons de retraite et de logement-foyers, tout en contribuant directement ou indirectement à l’efflorescence des services liés au maintien à domicile : aide ménagère, soins à domicile, portage de repas, télé-alarme, foyer-restaurants et autres. Elles se sont impliquées par ailleurs dans la gestion des Centres locaux d’information et de coordination gérontotologiques (CLIC) chargés de recenser l’offre de services disponible, d’informer la population voire de coordonner l’offre autour de la personne42. L’enjeu est aujourd’hui de parvenir à diversifier les réponses, du côté des établissements comme du côté du domicile. S’agissant des établissements, l’accent mis sur la médicalisation a entraîné la multiplication de structures lourdes avec un nombre de « lits » important. Pourtant, les petites unités de vie telles que les Maisons d’accueil rurales pour personnes âgées (MARPA) développées depuis très longtemps par la Mutualité sociale agricole ont montré leur intérêt. Et la piste est d’autant plus réaliste que l’on peut tout à fait envisager l’existence de petites unités de vie dispersées mais dépendant, en terme de gestion, d’une maison de retraite « mère ». Par ailleurs à mi-chemin entre le domicile et l’établissement, on développait il y a quelques années encore de nombreux logements-foyers. Souvent mal implantés ou mal adaptés, ils tendent à se raréfier ou à se transformer en établissements d’héabergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Et pourtant, la nécessité d’une réponse apportant aux personnes l’assurance d’être épaulées tout en gardant une forme d’autonomie s’accroît. C’est pourquoi les domiciles parta42- Elles sont impliquées dans la gestion des CLIC en tant que promoteurs (27% des organismes promoteurs sont des communes) ou co-financeurs (14% des co-financements sont apportés par les communes). Voir “Soutien à l’autonomie : nouveau regard, nouvelles réponses”, Les Cahiers de l’Odas, Odas Editeur, 2007.
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Le déclin des aidants familiaux Selon un sondage récent, environ un Français sur quatre âgés de 25 à 75 ans est confronté actuellement à la dépendance d’une personne de son entourage familial. Parmi eux, un peu plus de la moitié déclare l’aider au moins une fois par mois dans ses activités quotidiennes (16% tous les jours ou presque, 27% une à deux fois par semaine et 11% une à trois fois par mois). Par ailleurs, parmi ces « aidants familiaux », 48% déclarent que le plus difficile pour eux est l’impact psychologique sur leur moral et 19 % l’impact sur leur vie quotidienne. Source : Sondage TNS Sofres pour Axa, « Les Français face à la dépendance : l’aide aux aidants familiaux », 18-19 mars 2008
D’après les projections démographiques actuelles, le nombre d’aidants potentiels (représenté dans le graphique ci-dessous par la population âgée de 55 à 70 ans) par personne âgée potentiellement dépendante (dont le nombre est représenté ici par la population âgée de 80 ans et plus) devrait passer de 3,5 aujourd’hui à 1,7 en 2050.
Source : INSEE, projections de population 2005-2050, scénario central, France métropolitaine.
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gés, qui permettent de mutualiser les services autour d’un certain nombre de personnes vivant à domicile mais dans des appartements regroupés, constituent une piste prometteuse, à condition évidemment de veiller à les inscrire dans un environnement intergénérationnel pour éviter la constitution de véritables « ghettos de l’âge »43. Enfin, parce que la grande majorité des personnes souhaite rester le plus longtemps possible chez elles, mais que cela nécessite souvent, lorsqu’elles deviennent dépendantes, des adaptations importantes, il faut aujourd’hui mettre l’accent sur la multiplication et la diversification des services à domicile. Il faut réussir à les organiser de manière souple pour créer une chaîne de services capable d’accompagner le projet de vie de la personne, en partant réellement de ses attentes – qui peuvent être différentes de celles que peuvent imaginer les professionnels. Il s’agit maintenant de mettre en place des formules variées voire mixtes, associant par exemple service de suivi à domicile, accueil séquentiel, accueil de jour, hébergement temporaire, garde de nuit itinérante, adaptation de logements ordinaires, transport accompagné à la carte… en n’oubliant jamais que « soutenir une personne à domicile, c’est avant tout l’aider à en sortir ». C’est grâce à cette diversité d’offres que l’on pourra construire une politique ambitieuse de soutien aux aidants familiaux, qui consacrent aujourd’hui à leur parent ou leur conjoint un temps et une énergie considérables et doivent parfois faire face à des situations très difficiles. Or cette question de «l’aide aux aidants» est d’autant plus cruciale que ceux-ci seront encore moins nombreux dans l’avenir (voir encadré page 62). En effet, alors 43- A la suite d’une enquête menée auprès des personnes âgées en 1993, la ville d’Issy les Moulineaux a ainsi mis en place des appartements regroupés, offrant des services spécifiques au sein d’un immeuble habité également par des familles. Le succès de la démarche a entrainé par la suite la création d’autres appartements de ce type dans la ville.
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Quand l’habitat intergénérationnel réinvente la sociabilité à Saint-Apollinaire A l’occasion d’une importante opération d’urbanisme visant la création de 600 logements nouveaux sur 40 hectares à Saint-Apollinaire (Côte d’Or), une réflexion est menée autour du lien social. Au sein de ce nouveau quartier, une parcelle de 1,2 hectares est réservée au programme « générations », qui vise à développer un «esprit village» à résonance intergénérationnelle. Grâce à un partenariat entre l’OPAC, une association de soutien à l’autonomie (FEDOSAD) et la ville de Saint-Apollinaire, le complexe offre différents équipements et services destinés à faire vivre cette mixité des âges : 76 logements gérés par l’OPAC sont loués pour moitié à de jeunes couples avec un enfant de moins de cinq ans et pour moitié à des personnes retraitées. Un domicile protégé pour six personnes psychiquement dépendantes, un domicile collectif pour 14 personnes physiquement dépendantes, et un accueil de jour pour 12 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou troubles apparentés sont intégrés à l’ensemble. Des services et équipements municipaux divers, ouverts aux habitants de toute la commune, permettent de répondre aux besoins des familles : une structure multi-accueil pour la petite enfance, un relais d’assistantes maternelles, une ludothèque pour tous les âges, un restaurant scolaire, une salle de quartier. Par ailleurs, les logements ont été construits de manière à favoriser les rencontres (jardin et allées piétonnes, point accueil services situé au centre de la parcelle…) et bénéficient d’un système de téléphonie interne pour faciliter la communication. Les locataires sont invités à signer une charte intitulée “Bonjour Voisin”, par laquelle ils prennent des engagements en terme de respect, d’écoute et d’entraide. Enfin, de nombreuses animations sont organisées, impulsées par les professionnels et associations intervenant sur le quartier (rencontres intergénérationnelles autour de la cuisine, de la lecture, de la danse, du bricolage…). Et progressivement des solidarités organisées se transforment en solidarités spontanées. Source : www.apriles.net
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que les politiques de soutien à l’autonomie reposent en grande partie aujourd’hui sur les solidarités familiales, celles-ci devraient mécaniquement s’effriter au cours des prochaines années. D’ici vingt à trente ans, l’arrivée à l’âge de la dépendance d’une génération nombreuse et ayant eu peu d’enfants (la génération dite du baby boom) provoquera un déséquilibre démographique important, réduisant le nombre d’aidants naturels. Par ailleurs la plus grande mobilité géographique des jeunes générations - pour des raisons personnelles ou professionnelles - et l’évolution des esprits y contribuera aussi44. Rien ne préjuge donc de la reproduction du modèle vécu aujourd’hui par la génération dite pivot. Par conséquent, le rôle déterminant des aidants familiaux le sera très certainement moins dans l’avenir. Il faudra davantage encore solliciter le concours d’aides extérieures, ce qui aura tout au moins l’avantage de favoriser l’emploi dans les services sociaux et médico-sociaux. Mais l’on aurait tort de penser que ces personnes n’auront besoin que de services professionnalisés. Le maintien d’une réelle vie sociale des personnes âgées dépendantes nécessite d’aller bien au-delà de la création de services adaptés, de services spécialisés aussi souples et innovants soient-ils. L’enjeu est bien de construire une complémentarité indispensable entre les personnes, leur famille, les professionnels, les bénévoles et les voisins. Autrement dit une complémentarité de services mais aussi de regards entre la solidarité familiale, la solidarité publique et la solidarité de proximité. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, ceci 44- Ainsi lors que 20% des français pensaient en 2000 que la prise en charge de la dépendance relève de la famille, ils ne sont plus que 16% cinq ans après. Et alors que 32% des ménages déclaraient en 2000 qui si un parent devenait dépendant ils l’accueilleraient chez eux, ils ne sont plus que 25% cinq ans après. Source : DREES, “Dépendance des personnes âgées et handicap : les opinions des Français entre 2000 et 2005”, Etudes et résultats, n°491, mai 2006.
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Vieillir en ville : quand les services techniques s’intéressent au vieillissement Constatant l’importance des accidents impliquant des seniors, le centre communal d’action sociale de Nancy a initié en 2003 un projet de prévention routière en faveur des piétons âgés. Loin de se contenter d’une démarche informative auprès de ces personnes, la ville a souhaité mener une réflexion sur l’adaptation de la ville au vieillissement avec deux axes forts : l’écoute des personnes et la sensibilisation des services techniques. La démarche a consisté à analyser les déplacements des seniors à partir d'enquêtes de terrain. L'analyse des itinéraires a été faite avec les personnes et les solutions pour réduire leurs difficultés ont été pensées avec elles. Un travail de sensibilisation des personnels a été mené dans les différents services concernés, au niveau municipal et intercommunal : services circulation, transports, urbanisme, voierie, environnement. Ils ont pu échanger et parfois découvrir les difficultés des seniors dans la ville. Cette démarche a permis le rapprochement d’acteurs aux cultures différentes et favorisé la transversalité. Des résultats concrets ont rapidement été visibles : poses de bancs, d'abribus, réfection de trottoirs, limitation de la circulation (sens unique)… La question du vieillissement est ainsi sortie du seul domaine social pour irriguer des domaines plus éloignés et promouvoir une vision large des notions d’accessibilité et d’intégration dans la cité. La démarche est bien celle de la mobilisation du droit commun au service du vivre-ensemble. Source : www.apriles.net
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n’est encore que rarement perçu comme priorité. On pourrait pourtant dès aujourd’hui s’investir davantage dans l’organisation de réseaux d’écoute et d’entraide, bâtis sur une compréhension mutuelle de l’intérêt présent et futur d’une interdépendance organisée.
L’accessibilité sans frontière Il reste que pour avoir toutes ses chances, l’intégration dans la cité des personnes dépendantes – ou en situation de handicap – doit aussi reposer sur une certaine conception de l’espace, qu’il soit urbain ou rural. Il devient urgent par exemple de rejeter toute demande d’implantation d’équipement ayant un choix de localisation hasardeux. Trop de projets se montent encore sans référence à la qualité de vie sociale des résidents. Si les pouvoirs publics qui autorisent les créations d'établissements ne s'en emparent pas davantage, on continuera à avoir des résidences construites sans penser à la possibilité d’une vie sociale extérieure à l’établissement. L’appréciation de la qualité de l’offre doit notamment se faire sur des critères de proximité avec les commerces et d’accessibilité pour faciliter les visites des familles et les sorties45. Cette stratégie d’intégration trouve par ailleurs une concrétisation ambitieuse dans les expériences de logements intergénérationnels, qui commencent à se développer ici ou là. Cela contribue sans aucun doute à créer des dynamiques durables, à condition de bien concevoir dès l’origine ces pro-
45- Une étude réalisée en 2004 dans le Rhône sur les aspirations des personnes âgées face à l'hébergement collectif en foyer-logement pointe clairement que l'attractivité des résidences banalisées est forte auprès des personnes quand elles sont situées à proximité des lieux d'animation et des commerces.
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jets comme un partage et non comme une simple cohabitation. A condition, autrement dit, de mettre l’urbain au service de l’humain. Enfin, parce qu’en situation de handicap de nombreuses activités deviennent difficiles voire impossibles sans aménagements voire sans accompagnement, la question de l'accessibilité de l'espace public est primordiale pour favoriser la vie sociale. Et cela va au-delà de l’installation de rampes ou de l’adaptation des trottoirs. On perçoit par exemple l’intérêt d’une présence humaine dans les services publics, alors que la tendance actuelle est plutôt à la robotisation de toutes les prestations offertes. Pour toutes ces raisons il faut admettre que malgré la responsabilité forte des départements en matière de soutien à l’autonomie, ce sont bien les villes et agglomérations qui sont concernées en premier lieu, avec leurs politiques d’habitat, d’urbanisme et de transport, mais aussi de la culture, des sports… en bref à travers leur responsabilité sur le vivreensemble. La loi du 11 février 2005 leur fixe d’ailleurs en la matière des obligations et des échéances précises46, sachant que certaines d’entre elles s’étaient déjà investies avec succès à travers les « chartes ville-handicap » ou la constitution de commissions extra-municipales sur le sujet. Toutes ces démarches supposent donc de renforcer la concertation entre départements et villes pour que chacune des collectivités participe, en fonction de ses compétences, à l’intégration des personnes fragilisées par un handicap. Une enquête menée auprès des villes de plus de 20 000 habitants montre d’ailleurs que les trois-quarts d’entre elles souhaitent être davantage associés aux schémas d’intervention sociale 46- Loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
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des départements47. Beaucoup de chemin en effet reste à faire pour que les villes soient considérées comme des partenaires incontournables du soutien à l’autonomie. Mais le mouvement pourrait s’accélérer car il conditionne la mise en œuvre d’une vision dynamique de la vulnérabilité à laquelle les départements sont de plus en plus attachés.
3. La politique de l’enfance autrement Si le vieillissement constitue l’un des enjeux majeurs pour l’avenir, le soutien à l’enfance ne l’est pas moins. Avec son taux de fécondité en hausse, la France fait figure d’exception en Europe. C’est une chance indiscutable, et en même temps une responsabilité forte pour les pouvoirs publics qui doivent accompagner ce mouvement à la fois quantitativement et qualitativement. Et là encore, les communes sont directement concernées. En effet, leur rôle en matière de soutien à l’enfance s’est considérablement élargi au fil des années : création, gestion, supervision de lieux d’accueil pour les jeunes enfants, entretien des locaux des écoles primaires, organisation des cantines et de permanences d’accueil, organisation d’activités périscolaires, veille éducative, soutien à la parentalité, voire accompagnement social, dispositifs de prévention de la délinquance… 47- Voir « Les Maires et le vivre ensemble. Les nouveaux contours de l’action municipale en matière de solidarité », La Lettre de l’Odas, avril 2007. Par ailleurs, la moitié des villes ayant répondu souhaite être davantage associée aux CLIC et les deux tiers souhaitent être associés à la Maison du Handicap, appelée à devenir à terme la Maison de l’autonomie. Or une autre enquête montrait que les villes ne sont associées à ces Maisons que dans vingt départements et la plupart du temps, à travers la labellisation du CCAS comme point d’accueil. Voir Maisons départementales des personnes handicapées : une réforme bien engagée, Odas, mai 2006. 48- Leur rôle vient d’ailleurs d’être renforcé avec la loi n°2008-790 du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
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Repères sur les modes de garde L’offre actuelle en matière de modes de garde est plus individuelle que collective.
Mode de garde principal des enfants âgés de 3 mois à 3 ans (2005)
Mode de garde
Enfants concernés (en%)
Crèche
8,7
Ecole maternelle
5,5
Parents
57
Assistante maternelle agréée
18,5
Grands-parents, famille
5,1
Crèche familiale
1,9
Garde à domicile
1,9
Garde non déclarée
1,4
TOTAL
100
Type
Enfants concernés (en%)
Mode de garde collectif
14,2
Mode de garde individuel
85,8
100
Source : estimation de la mission de révision générale des politiques publiques – politique familiale famille à partir des données DRESS
Selon les estimations récentes, le besoin d’accueil non satisfait est évalué entre 300 000 et 400 000 places – environ 60 places pour 100 enfants de moins de 3 ans – réparties inégalement sur le territoire français. Source : « Rapport sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance » remis par Michèle Tabarot, députée des Alpes Maritimes, au Premier ministre, juillet 2008.
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Autant dire que les communes sont devenues un interlocuteur incontournable des familles tout au long de la vie de l’enfant. Et leur contribution en la matière – aux côtés de leurs partenaires et notamment des Caisses d’allocations familiales (CAF) évidemment – est devenue d’autant plus essentielle que les enjeux sont forts, sur le plan éducatif (accompagnement scolaire, éveil à la citoyenneté, accès au sport et à la culture…), social (égalité des chances, articulation entre vie professionnelle et vie familiale, égalité hommes/femmes…) et économique (création d’emplois, attractivité du territoire…).
De la gestion à la coordination des modes de garde C’est donc tout naturellement vers la mairie que les familles se tournent, à la naissance d’un enfant, pour se renseigner sur les différents modes de garde. Pourtant, la plupart aujourd’hui ne sont pas en capacité de jouer ce rôle, et ce pour deux raisons : d’une part elles n’ont elles-mêmes que rarement connaissance de l’ensemble de l’offre disponible, dont on sait qu’elle est aujourd’hui davantage individuelle et privée que collective et publique (voir encadré page 70) ; d’autre part étant impliquées directement dans la gestion de nombreuses crèches et lieux d’accueil collectif, elles se trouvent à la fois « juge et partie » dès lors qu’il leur est demandé de jouer ce rôle d’interface entre les habitants et l’offre de service. C’est pourquoi, les villes sont appelées aujourd’hui à un repositionnement stratégique en matière d’accueil de la petite enfance49. Non seulement il leur faut déléguer de plus 49- Il est vrai que les villes ont été longtemps contraintes de s’engager dans la gestion des équipements petite enfance, faute d’initiative privée (associative et commerciale). Mais aujourd’hui la situation évolue avec des appels d’offre qui suscitent de nombreuses réponses.
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Le secteur médico-social : gisement d’emploi à l’horizon 2015 Le nombre d’emplois dans les métiers d’aide aux personnes fragiles devrait passer de 1,366 million en 2005 à 1,718 million en 2015. Cette évolution correspond à près du quart du total des emplois créés entre ces deux dates.
Les métiers d’aide et de soins aux enfants et aux personnes fragiles Emploi 2015
Créations Nombre nettes entre de postes 2005 et 2015 à pourvoir
Les métiers de la petite enfance *
594 600
Les métiers du handicap
283 100
69 400
114 400
Les métiers du grand âge
840 400
197 600
354 500
1 718 000
351 800
673 000
7%
23%
9%
Ensemble des métiers d’aide aux personnes fragiles En % de l’emploi total
84 800
204 000
*A tendance inchangée (c'est-à-dire sans politique volontariste particulière) le total des personnels de la petite enfance devrait passer de 510 000 à 594 000 en 2015, soit un taux de croissance annuel de 1,6%. Assurer à toutes les mères de jeunes enfants les moyens d’être actives supposerait de passer à 890 000 emplois, soit une hausse de 75%.
Source : centre d’analyse stratégique, DARES, « Les métiers en 2015 », rapport du groupe « prospective des métiers et qualifications », Olivier Chardon, Marc-Antoine Estrade, janvier 2007.
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en plus la gestion de l’offre pour se placer en position de neutralité et pouvoir assumer une position de régulateur. Mais il leur faut aussi mettre en place une organisation particulièrement soignée pour parvenir à mieux connaître « le paysage de la petite enfance » sur leur territoire. En effet, il leur faut connaître l’offre collective publique mais aussi privée (structures associatives, d’entreprises ou autre) ainsi que l’offre individuelle privée (assistantes maternelles agréées, gardes à domicile). Cela nécessite, conformément à la loi, d’établir une liaison avec la Protection maternelle et infantile (PMI) qui, de par sa mission d’agrément, détient une liste exhaustive des assistantes maternelles. Car si cette liste ne permet pas de répondre à la question de la disponibilité des assistantes maternelles agréées, elle a le mérite de faciliter le repérage territorialisé par quartiers. Ainsi les conditions seraient réunies pour que les communes (tout au moins les grandes communes) jouent pleinement un rôle d’information et de coordination qui n’est actuellement tenu par aucune collectivité50. Et cela n’est pas contradictoire avec l’existence des Commissions départementales d’accueil du jeune enfant (CDAJE) qui se sont mises en place dans certains départements. En effet il s’agit là d’un outil de diagnostic et réflexion partagée, sans rôle décisionnaire, qui pourrait être extrêmement utile aux communes - et aux intercommunalités le cas échéant - pour organiser l’évolution de l’offre sur leur territoire. 50- En effet, la responsabilité de l’accueil des jeunes enfants est aujourd’hui éclatée entre les conseils généraux qui s’y impliquent notamment à travers la PMI (ses agréments et autorisations) ou la CDAJE, les communes, et les CAF qui cofinancent de nombreux projets. La clarification des responsabilités est à l’ordre du jour, mais les pistes sont encore nombreuses. Voir notamment à ce sujet le Rapport du Centre d’analyse stratégique sur le service public de la petite enfance, février 2007 ; et le Rapport sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, remis par Michèle Tabarot, Députée des Alpes Maritimes au Premier Ministre, juillet 2008.
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Les perspectives prometteuses du regroupement d’assistantes maternelles au sein d’un même logement Le regroupement d’assistantes maternelles se développe depuis quelques années dans un cadre expérimental, en milieu urbain (par exemple à Mantes-la-Jolie) comme en milieu rural (par exemple en Mayenne). Concrètement, il s’agit de permettre à des assistantes maternelles de se regrouper pour garder des enfants hors de leur domicile, dans un local qu’elles louent ou mis à leur disposition par une collectivité. Les assistantes maternelles conservent leur statut et continuent à être employées directement par les parents*. La mise en oeuvre de ce type de démarche est délicate juridiquement mais l’intérêt est réel : ✔ Pour les enfants : il permet de respecter les rythmes de l’enfant tout en garantissant une véritable socialisation (présence permanente d’enfants de tous âges, existence d’un projet pédagogique…). ✔ Pour les parents : il permet des horaires plus souples et rassure les parents qui hésitent à confier leur enfant à une seule personne. ✔ Pour les assistantes maternelles : le fait de travailler hors de leur domicile est valorisant socialement et permet paradoxalement de mieux préserver leur vie familiale, le travail en équipe est plus agréable (convivialité, souplesse dans l’organisation…) plus sécurisant (soutien des collègues…) et plus stimulant (émergence d’idées nouvelles, conception d’un véritable projet pédagogique, mutualisation des moyens…). ✔ Pour la collectivité : dans la mesure où ils contribuent à l’attractivité du métier d’assistante maternelle, ces regroupements constituent une réponse au manque de places. Il s’agit en outre d’une réponse dont le coût est limité : le rôle de la collectivité publique se situe au niveau de l’autorisation et de l’agrément, de la mise à disposition éventuelle des locaux (qui permet de travailler sur la localisation de l’offre de garde) et de l’accompagnement des assistantes maternelles sur le plan juridique, sur le plan de la qualité et de la formation (suivi de la PMI, accompagnement du service petite enfance…). * Ce mode de garde est à distinguer des micro-crèches, qui sont de petites structures d’accueil collectif fonctionnant avec des contraintes allégées. Les micro-crèches peuvent employer des assistantes maternelles ayant plus de cinq ans d’expérience mais celles-ci perdent alors leur statut d’assistante maternelle au regard du droit du travail et fiscal. Source : www.apriles.net
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D’une offre formatée à une offre adaptée aux besoins Les mairies sont d’ailleurs déjà largement impliquées dans la structuration du secteur, dans un souci de promotion, d’amélioration et de diversification de l’offre d’accueil. Elles encouragent ainsi très souvent l’expérimentation de formules diversifiées, plus ou moins innovantes, d’accueil collectif. Ainsi en est-il des structures multi-accueil (crèches, halte-garderie), des accueils 24h sur 24 ou en tous cas à horaires élargis, des jardins d’éveil, des micro-crèches… Elles sont aussi de plus en plus nombreuses à participer à l’amélioration de l’offre individuelle, particulièrement en ce qui concerne les assistantes maternelles agréées. Ainsi, encouragées par la CAF, un grand nombre de villes n’hésitent pas à participer à la création et à la gestion des relais d’assistantes maternelles (RAM). Il y a dix ans, ces RAM étaient avant tout des lieux de rencontre de l’offre et de la demande et d’échanges avec les parents. Aujourd’hui, ils assurent de plus en plus une fonction de formation et de mise en réseau des assistantes maternelles, afin de limiter leur isolement et de contribuer à leur qualification. D’autre part, des activités de plus en plus diversifiées sont proposées aux enfants, et parfois même aux parents (rencontre et découverte autour du jeu, conférences éducatives ouvertes à tous…). Les RAM sont aussi désormais un outil de prévention. Certaines villes, plus rares, s’engagent aussi dans la mise en place d’accueil par des assistantes maternelles regroupées. Cette formule, qui a suscité à l’origine les plus fortes résistances des milieux professionnels, révèle toute la créativité des collectivités qui, au plus près des habitants, cherchent à répondre au mieux à leurs besoins (voir encadré page 74). Mais surtout, au-delà de la seule diversification des modes de garde, les villes travaillent à l’amélioration qualitative de l’accueil et à son inscription dans une politique plus large de 75
soutien à l’enfance et à la famille. L’accueil de la petite enfance est désormais partout conçu comme un vecteur de socialisation pour les enfants et de soutien à la parentalité. Et ces objectifs se retrouvent ensuite tout au long de la scolarité de l’enfant à travers une multitude de leviers. Une politique municipale de l’enfance doit donc être construite en étroite collaboration avec celle la PMI et de l’Education Nationale, mais aussi avec toutes celles qui contribuent aux loisirs de l’enfant et de sa famille. In fine, les communes pourront ainsi participer à leur manière, en amont, à la mission de protection de l’enfance. En effet si cette responsabilité incombe prioritairement aux Conseils généraux, conformément à la loi, les communes ont un rôle primordial en matière de prévenance à travers les dispositifs d’accueil de la petite enfance, les activités périscolaires, les centres sociaux51… Ce rôle implique des arbitrages délicats et essentiels. A titre d’illustration, l’ouverture de modes de garde dits «24/24» est le plus souvent saluée comme une innovation positive. Elle permet en effet de répondre aux besoins d’une partie de la population travaillant en horaires décalés, et de répondre éventuellement à des enjeux d’insertion. Mais elle pose question au regard de la vie sociale et familiale des personnes concernées. Dès lors des enjeux sociaux font face à d’autres enjeux sociaux. Le cas échéant, un travail particulier peut être nécessaire pour accompagner au mieux les parents et limiter les risques d’isolement. L’inscription dans le territoire de vie est en effet fondamentale. Là encore, l’ancrage de l’action publique dans le développement social local s’impose. 51- La notion de prévenance est utilisée par les acteurs sociaux québécois, qui considèrent que celle de prévention est déjà « négative » en ce sens qu’elle anticipe la survenance d’un problème identifié (on parle de prévention de quelque chose : prévention de la maltraitance, prévention de la délinquance, prévention des chutes chez les personnes très âgées…). La prévenance vise davantage le bien-être des personnes. Elle précède donc la prévention, qui elle-même précède la protection.
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D’une organisation segmentée à une organisation globale des responsabilités La question se pose alors de l’organisation politique du secteur en interne. Or la responsabilité de la politique de la petite enfance est organisée, dans les villes grandes et moyennes, selon des scénaris tous différents. Le choix d’un maire adjoint chargé de la petite enfance concerne de nombreuses villes. Il s’explique principalement par l’ampleur de la charge de travail qui, dans les grandes villes notamment, nécessite de s’y dédier pleinement. Il s’agit en effet non seulement de participer à la bonne marche des services, mais aussi d’être à l’écoute des familles tout en préparant les orientations du futur. Or dans ce secteur d’activité, se posent de nombreux problèmes de sécurité et d’adaptation de l’offre de service. En outre, l’activité relationnelle de l’adjoint est très dense car le secteur concerne une multitude de familles et une très grande diversité de partenaires. Enfin, la perméabilité de ce secteur aux changements socio démographiques nécessite une attitude de veille permanente. Le choix d’un adjoint ayant cette seule responsabilité peut donc être compris. Mais il comporte un inconvénient : celui de ne pas simplifier l’articulation avec les autres actions municipales axées sur la lutte contre l’exclusion mais aussi sur la dynamisation du lien social. C’est pourquoi d’autres villes on choisi de rattacher cette responsabilité au maire adjoint chargé de l’ensemble du social. Cette décision favorise le décloisonnement de la politique de la petite enfance mais il est rare qu’un seul élu puisse porter à lui seul la responsabilité de la coordination générale des politiques à vocation sociale, tout en suivant par ailleurs leur traduction opérationnelle. Une troisième voie semble donc souhaitable. Elle est de plus en plus suivie. On cherche à concilier la recherche de 77
transversalité nécessaire dans le secteur social et le suivi effectif d’un secteur d’intervention lourd de responsabilités. On va donc confier une responsabilité transversale de développement social à un maire-adjoint en veillant à ce qu’il soit épaulé par d’autres adjoints, ou conseillers municipaux délégués. Cette formule a aussi le mérite d’assurer au niveau politique tout à la fois la fonction de coordination et le suivi direct du secteur. Elle facilite aussi la nécessaire prise en compte des problématiques d’agglomération, sachant que l’intégration des politiques sociales à un niveau intercommunal est plutôt minoritaire, alors même que ce type de politique nécessite souvent d’être traité au niveau de l’agglomération. En effet, un maire adjoint n’ayant pas directement les responsabilités opérationnelles pourra plus facilement engager des relations de concertation avec ses collègues des autres villes afin de construire de façon plus concertée la politique sociale de l’agglomération. A cette fin, il dispose en effet d’un pouvoir d’interpellation en direction de tous les autres élus, et sa délégation est fréquemment située au premier ou au deuxième ou troisième rang en raison de sa dimension stratégique. Il est d’ailleurs fréquent que l’intitulé de la délégation marque cette volonté de transversalité en faisant référence au lien social ou au développement social. Fortement impliquées en matière sociale et confrontées à l’évolution des besoins, de nombreuses communes sont aujourd’hui appelées à rénover leur action à partir d’une redéfinition des objectifs. Mais dans le contexte institutionnel actuel, pour être optimale cette évolution doit pouvoir s’inscrire dans le cadre d’une gouvernance locale repensée.
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Chapitre 4IV CHAPITRE
Gouvernance participative : au-delà de l’incantatoire Consolider le lien social pour tous et soutenir les personnes les plus fragiles sont au fond les deux versants d’une seule et même conviction : l’ambition républicaine consistant à favoriser le goût du vivre-ensemble n’est pas obsolète. Le projet républicain doit plus que jamais rester le moteur de l’action publique. Cet ancrage à la tradition conditionne le futur. Mais il doit, pour convaincre, s’inscrire dans la modernité. Ainsi la question de la performance, concept très à la mode, doit impacter aussi l’action publique dans son rapport au lien social52. C’est souhaitable car avec cette notion de performance, on
52- La notion de performance n’est pas sans lien avec la démarche de rationalisation des choix budgétaires initiée dans les années 1970 au niveau national et reprise aujourd’hui avec la révision générale des politiques publiques. De multiples définitions jalonnent la promotion de ce nouveau concept de performance sociale. On fait référence à des indicateurs de qualité, d’efficience, de mobilisation des ressources humaines. Pourquoi pas ? Mais il faut veiller à ce que l’évaluation porte non seulement sur le dispositif concerné et son impact sur ses bénéficiaires, mais également sur ses effets à plus ou moins long terme sur l’ensemble de la société et le vivre-ensemble.
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réactualise le débat sur la gouvernance et la nécessité de se doter de moyens pour comparer des résultats à un projet, qui doit donc être parfaitement lisible . C’est particulièrement nécessaire quand il est question de « travail sur l’humain » car les résultats obtenus en la matière ne sont jamais facilement quantifiables53. Les progrès accomplis pour renforcer le lien, notion par essence subjective et protéiforme, ne peuvent être mesurés que si en amont les objectifs de la démarche ont été bien définis. Cela nécessite une forte ingénierie en matière d’observation, basée sur des outils prospectifs et d’évaluation. Mais la recherche de performance sociale ne saurait se passer d’un fort ancrage du projet à son environnement. C’est vrai du partenariat avec les autres collectivités mais c’est surtout vrai de l’environnement humain. Aussi pertinent soit il, un projet n’a aucune chance d’aboutir à l’effet escompté s’il n’est coconstruit avec ses bénéficiaires, usagers d’un service ou habitants d’un quartier. C’est tout l’intérêt des thèses favorables à la démocratie participative, qui permettent de projeter positivement la crise de la démocratie représentative.
1. L’observation : un véritable enjeu de démocratie C’est au regard de cette ambition de performance sociale qu’il faut analyser la multiplication ces dernières années des analyses de besoins sociaux – leur prolifération diraient certains.
53- Contrairement aux idées toutes faites, le secteur social a été l’un des secteurs les plus investis dans l’évaluation. Dès 1979, René Lenoir et Baudoin Prot rédigeaient un ouvrage consacré à la nécessité de rationaliser les décisions en matière sociale en s’appuyant sur des outils d’information économique et sociale adaptés. Voir Lenoir René, Prot Baudoin, L’information économique et sociale, La documentation française, 1979.
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Dans les départements, on s’efforce en effet depuis les années 1990 de développer des diagnostics à l’occasion de l’élaboration des schémas d’action sociale et médicosociale. Les constats de la Cour des Comptes ainsi que les recommandations méthodologiques de l’ODAS (Observatoire national de l’action sociale décentralisée), ont accompagné les départements dans leur volonté de définir leur action à partir d’une vision prospective des besoins. Dans les villes, le processus a été dynamisé par les obligations résultant de la politique de la ville et des dispositifs de prévention de la délinquance, de la contractualisation avec les Caisses d’allocations familiales sur le champ de l’enfance et de la petite enfance, et du décret du 6 juin 1995 confiant aux CCAS la responsabilité d’une analyse annuelle des besoins sociaux. Mais si le mouvement d’observation est ainsi bien engagé, son influence sur l’action publique est peu perceptible. En effet l’observation est encore trop souvent perçue comme l’affaire de techniciens, voire de statisticiens. C’est la résultante d’une opposition entretenue de longue date entre savoir et pouvoir54. Or si elle est nécessaire sur le plan méthodologique, elle s’avère contre-productive en terme d’efficacité . La distanciation du politique à l’égard de l’observation réduit considérablement l’impact du diagnostic sur les décisions, tout en altérant la qualité. Lorsqu’elle est réalisée, l’observation des besoins sociaux l’est dans la plupart des cas sans grande ambition, sans discussion préalable sur ses objectifs et sur 54- Ainsi un chercheur québécois explique sous forme de boutade : « lorsque certains universitaires français opposent savoir et pouvoir, c’est pour avoir tout le pouvoir pour eux ».
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les valeurs qui la sous-tendent. L’observation se trouve alors réduite à sa dimension statistique. Or si l’analyse chiffrée est indispensable, l’interprétation qualitative ne peut provenir que de la confrontation de tous les regards, ceux des professionnels, des associations, des habitants, mais aussi des élus. Le risque est d’autant plus aigu que l’analyse des besoins sociaux est encore trop souvent enfermée dans une vision restrictive de la question sociale. Confiée au CCAS, elle est bien souvent axée uniquement sur ses « publics » et non sur l’ensemble de la population ; sur la seule précarité économique en négligeant les phénomènes de précarité relationnelle et identitaire ; et du point de vue de l’offre, sur les seules réponses sociales et non sur l’ensemble des réponses locales (culturelles, sportives, éducatives, urbaines…). Confiée à la mission politique de la ville, elle s’avère plus globale en contenu mais plus restreinte sur le plan territorial, puisqu’elle ne concerne généralement que les quartiers dits « prioritaires ». C’est pourquoi, quel que soit le pilote de l’analyse des besoins sociaux dans une ville, il est indispensable, comme le précisait d’ailleurs le décret de 1995, de l’inscrire très explicitement dans une mission générale de prévention, qu’il faut définir dans ses finalités et ses contours. Lancer une démarche d’observation nécessite donc l’élaboration préalable d’un cahier des charges à forte résonance politique et éthique, la question du projet de société en matière de citoyenneté et de solidarité en constituant l’épine dorsale. C’est indispensable pour conférer à cette analyse, dans sa réalisation comme dans sa résonance, une légitimité allant bien au-delà du seul secteur social ou des seuls quartiers prioritaires. De ce point de vue le rapprochement avec tous 82
ceux qui oeuvrent dans la perspective du lien social (animateurs des agendas 21 par exemple) comme avec les agences d’urbanisme peut être fort utile. C’est ainsi qu’on parviendra à la nécessaire mise en cohérence des démarches d’observation menées de manière disparate. Il sera alors possible d’organiser un débat en conseil municipal autour de l’analyse des forces et faiblesses de chaque territoire, conçue comme un véritable diagnostic de l’état présent et futur du vivre-ensemble.
2. La collaboration des villes et des départements : un passage obligé Il reste que les villes n’agissent pas seules sur le territoire, y compris à l’intérieur même du périmètre communal. On pense immédiatement à la contribution des divers acteurs institutionnels du territoire, qu’il s’agisse de l’Etat, des organismes de protection sociale, des Conseils régionaux ou des Conseils généraux mais aussi au concours déterminant du monde associatif. Dès lors, la clause de compétence générale des communes ne saurait occulter la nécessité d’une vision partagée sur la complémentarité des interventions et des moyens disponibles. Bien au contraire, face à la complexité de la question sociale et la raréfaction des ressources financières, la coopération ne relève plus du choix mais de la nécessité. Et dans le paysage institutionnel actuel, cette ambition doit concerner principalement le rapport entre villes et départements. Avec l’acte I puis l’acte II de la décentralisation, les compétences départementales ont été très étendues sur des 83
populations diversifiées et sur des questions ayant trait à leur vie individuelle mais aussi collective. Il n’est donc pas rare que les compétences des différentes collectivités se chevauchent, comme on a pu le voir récemment à propos de l’accompagnement des jeunes55.
Aux villes le sociétal, aux départements le social C’est pourquoi avant toute chose un travail de clarification des compétences est nécessaire, qui ne manquera pas de relever que le rôle des villes et des départements se distingue déjà par la nature même de leur positionnement au regard de la solidarité. Les départements ont en effet en la matière des responsabilités obligatoires que les communes n’ont pas. Tandis que les communes détiennent la plupart des leviers du vivreensemble. Autrement dit, les communes agissent principalement en matière de prévenance, tandis que les départements organisent des actions plus ciblées, de prévention et de protection56. On pourrait donc déjà définir des axes de complémentarité en distinguant d’une part la responsabilité sociale des départements à l’égard des publics fragilisés, d’autre part la responsabilité sociétale des communes à l’égard de l’ensemble des habitants. Ce scénario a en effet le mérite d’insister sur l’apport principal des uns et des autres. Mais il ne peut suffire, car la diversité des contextes locaux est telle qu’on ne saurait s’en satis55- Ainsi la question se pose de l’articulation des missions et dispositifs placés tantôt sous la responsabilité des communes (équipes de réussite éducative, conseil pour les droits et devoirs des familles, prévention de la délinquance…), tantôt sous la responsabilité des départements (contrat de responsabilité parentale, accompagnement social, prévention spécialisée…). 56- Sur les notions de prévenance, prévention, protection, voir note n°51 page 76.
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faire pour préconiser un modèle de coopération valable sur l’ensemble du territoire national. En effet, la question se pose différemment selon que l’on se situe en milieu urbain ou en milieu rural. Les besoins des territoires ne sont pas les mêmes, mais surtout les capacités d’intervention des diverses institutions varient. Ainsi en milieu rural les départements doivent s’engager partout dans un rôle de développeur dépassant largement le cadre de leurs responsabilités légales. Inversement les grandes agglomérations, confrontées à la demande de leurs habitants, se dotent souvent d’administrations sociales susceptibles d’agir dans des domaines de compétence départementale. Et dans cette hypothèse la délégation de responsabilités à la ville peut s’avérer souhaitable. Dès lors, s’il est indispensable de s’entendre sur les champs d’action des uns et des autres, c’est bien le contexte local qui seul peut structurer les modalités de cette gouvernance. Dans tous les cas, rien d’ambitieux ne pourra se faire dans les villes sans initier une forte coopération avec les départements. Ces derniers ont développé de manière facultative toute une série d’actions dans des domaines divers (culture, sport, tourisme, développement économique, environnement, transports…) qui doivent trouver leur place dans un projet partagé de territoire. Mais surtout, la contribution des départements en tant que chefs de file de l’action sociale est indispensable à la concrétisation d’un “vivre-ensemble” qui inclut les personnes les plus fragilisées. D’un partenariat de gestion à un partenariat de conviction Pourtant la coopération entre villes et départements reste largement perfectible, avec seulement une ville sur deux 85
Les premiers pas d’une coopération stratégique entre le Conseil général du Nord et la ville de Tourcoing A l’occasion d’une réorganisation du Conseil général en 2001, basée sur une volonté de territorialiser et de déconcentrer son action, une dynamique de rapprochement s’engage avec la ville de Tourcoing. Elle débute avec un travail d’observation partagée qui rassemble pendant deux ans plus de 200 professionnels municipaux et départementaux autour de la définition des missions et des limites d’intervention de chaque institution et d’une analyse partagée des besoins sociaux du territoire. Si des projets d’actions naissent de ces rencontres, le principal résultat est probablement d’avoir permis aux uns et aux autres de mieux se connaître et se reconnaître. Mais pour aller plus loin et mener à bien des actions partenariales dans la durée, les responsables territoriaux comme les professionnels de terrain expriment le souhait de pouvoir disposer d’un cadre clair et lisible. Les élus décident alors de formaliser la coopération à travers une « Convention entre la ville de Tourcoing, le CCAS de Tourcoing et le département du Nord en matière d’action sociale, de prévention et de santé ». Signée en 2006, cette convention reconnaît la légitimité du Conseil général mais aussi de la ville et de son CCAS à développer des politiques et des dispositifs d’action sociale, au sens restreint comme au sens large. Elle écarte toute forme de subordination d’une collectivité à l’égard d’une autre et privilégie la recherche de consensus et d’accord sur des « objectifs partagés et des modes de coopération acceptés ». Ouverte à l’engagement d’autres partenaires ayant une légitimité propre pour engager des politiques d’action sociale et sanitaire sur le territoire communal, cette convention a été signée également par la Caf. Dès lors les partenariats peuvent se renforcer, à travers des participations croisées aux dispositifs de programmation pilotés par l’une ou l’autre des institutions (schéma gérontologique, projet social municipal par secteurs…) et à travers la mise en œuvre d’actions concrètes portées de manière conjointe (« groupes sociaux éducatifs », contractualisation en matière de prévention spécialisée etc..). Source : www.apriles.net
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(parmi les villes de plus de 20 000 habitants) qui porte un jugement positif sur son partenariat global avec le département57. Dans de nombreuses agglomérations les obstacles demeurent tant en ce qui concerne la planification concertée des interventions sociales que la territorialisation des actions. Si de plus en plus de départements prennent en compte le périmètre communal dans la définition des zones d’intervention sociale, cela ne suscite pas pour autant de collaborations actives au-delà de celles provoquées par l’examen des situations individuelles. En outre alors que les villes ont désormais territorialisé leur action pour l’adapter aux spécificités de chaque quartier, les départements restent assez peu sensibles à ce repositionnement infra-communal. Les partenariats sont donc difficiles à construire et, lorsqu’ils existent, leur fragilité ne résulte pas des seules divergences liées aux appartenances politiques. Sans nier la complexité des phénomènes qui entrent en jeu pour expliquer cet état de fait, on peut avancer une hypothèse : la plupart des partenariats sont des partenariats de gestion, avant d’être des partenariats de conviction. C’est pourquoi on ne saurait trop insister sur l’utilité des démarches d’observation partagée, comme préalable à la construction d’un partenariat d’action. L’observation conduit en effet à une compréhension commune des réalités du territoire qui elle-même permet de progresser vers un partenariat de conviction. Et pour atteindre cet objectif, il est indispensable de distinguer le processus d’observation du processus de planification. En effet seul le premier, dégagé de la prégnance des logiques 57- Voir « Les Maires et le vivre-ensemble : les nouveaux contours de l’action municipale en matière de solidarité », La Lettre de l’Odas, mai 2007.
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Expérimentation ODAS – DIV Pour une nouvelle gouvernance locale La mise en œuvre du développement social local passe nécessairement par l’organisation d’une démarche transversale et coordonnée. La coordination est un thème récurrent, mais sous le vocable de coordination sont regroupées deux notions distinctes : celle de l’organisation des prestations autour de la personne, qui obéit avant tout à des considérations d’ordre individuel et technique et celle de la coordination de l’offre de services collective, qui doit résulter d’une analyse des besoins sur un territoire donné. Or si le premier type de coordination progresse en France, le second souffre d’une absence de perspectives provoquée par la très grande dispersion des centres de décision. Car si le partenariat est constamment évoqué, il reste aujourd’hui beaucoup trop formel. Tous les constats mettent en relief l’échec du partenariat décrété. Seule une démarche de diagnostic et d’analyse menée en commun peut permettre de construire des convictions convergentes, une reconnaissance mutuelle et donc, en fin de parcours, une volonté commune pour concevoir des actions coordonnées. Une étude-action pilotée par l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée et la Délégation interministérielle à la ville va être lancée dans six villes pour mesurer la faisabilité d’une telle démarche. Parce qu’elle ne doit en aucun cas aboutir à créer « une commission de plus », elle nécessite un portage politique fort et une réflexion préalable sur sa finalité. A partir d’une analyse de la performance des politiques publiques en matière de lien social, dans le cadre de la politique de la ville mais aussi en dehors, l’objectif est bien d’innover en terme de gouvernance. Il s’agit de définir les conditions stratégiques et méthodologiques de mise en place d’un Conseil de développement social local attaché au territoire de la commune, présidé par le Maire et rassemblant différents acteurs du territoire (les différents maires-adjoints concernés, le Conseil général, le Conseil régional, l’Etat, les organismes de protection sociale, les associations, les habitants…).
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financières, peut permettre d’encourager la connaissance et la reconnaissance mutuelle des partenaires. Ainsi, même si le partenariat d’observation offre moins de garanties formelles que la planification, il est le seul apte à permettre un partenariat de conviction autour d’objectifs communs que chaque institution peut décliner à sa manière, en fonction et dans le respect de ses moyens et de ses compétences. La finalité n’est pas ici de porter des actions ponctuelles de manière partenariale mais d’harmoniser les priorités politiques sur un territoire donné. Ce qui est à la fois moins contraignant et plus ambitieux… mais aussi plus difficile parce que peu conforme à la conception cloisonnée et descendante des politiques publiques.
3. Pour une gouvernance plus citoyenne Pour sortir de cette impasse, la confrontation à d’autres cultures est nécessaire, tout particulièrement à celle du «monde associatif» même s’il apparaît particulièrement délicat d’en proposer une vision globale. Cette dénomination renvoie en effet à un ensemble hétérogène. A titre d’illustration, on peut simplement relever que si 80% des associations fonctionnent uniquement avec des bénévoles, les 20% restant peuvent employer plusieurs centaines de personnes. C’est dire si le fonctionnement quotidien d’une association peut être différent d’une structure à l’autre.
Les associations associées Pourtant malgré cette hétérogénéité, les collectivités locales ont tout à gagner à soutenir les acteurs associatifs et à les reconnaître non pas comme prestataires mais véritable89
Les centres sociaux : vers des pactes locaux de coopération… L’auto-critique des centres sociaux est à l’ordre du jour. Ainsi par exemple, les centres sociaux du Rhône se sont engagés dans une démarche pour le moins originale en organisant leur propre procès, avec avocats, jury et partie civile, destiné à dresser un bilan sans concession de leur activité et à provoquer un débat avec leurs partenaires locaux. De fait, les griefs existent, bien au-delà de ce département. De nombreux centres sociaux s’interrogent sur leur capacité à toucher l’ensemble de la population (mixité sociale et culturelle) et la plupart se demandent s’ils remplissent encore leur fonction d’animation globale. Car beaucoup se sont orientés, afin de garantir une partie de leurs financements, sur la commande publique et la gestion de dispositifs, avec leur corollaire de bureaucratie. Aujourd’hui les centres sociaux comme leurs partenaires institutionnels condamnent cette dérive… mais dans les faits les choses évoluent lentement. La notion de « pacte local de coopération » travaillée depuis quelques années au sein de la Fédération des centres sociaux et socio-culturels de France constitue sans aucun doute une piste pour la reconnaissance et la sécurisation juridique et financière des centres sociaux, dans leur pleine originalité. Déjà en partie mises en place dans un certain nombre de départements, les coopérations nouées avec les financeurs publics (Caf, villes, intercommunalités, départements, Etat…) montrent qu’il existe une voie entre l’instrumentalisation et la défiance. Elles doivent pour cela être l’occasion de réaffirmer la mission première des centres sociaux : « être un foyer d’initiatives portées par des habitants associés appuyés par des professionnels, capables de définir et de mettre en œuvre un projet de développement social pour l’ensemble de la population d’un territoire »*.
Gestion Financements
CAF
Villes
6%
13%
15 à 35%
EPCI
35 à 65%
Associations
Autres (CG, Etat)
81% 20%
Source : KASSA Sabrina et HUET Thomas, « Centres sociaux, y a-t-il péril en la demeure ? », Journal de l’action sociale et du développement social n°128, juin-juillet 2008. * Définition extraite de la Charte fédérale des centres sociaux et socioculturels de France, juin 2000.
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ment comme force de proposition sur un territoire. Cela signifie que les associations doivent impérativement être associées aux démarches d’observation partagée et participer ainsi à l’élaboration de la décision publique58. Il reste que le débat sur les relations entre collectivités locales et associations est souvent rattrapé par celui de l’instrumentalisation d’une partie du mouvement associatif, et réciproquement d’ailleurs. Un certain nombre d’associations se sont engluées dans la gestion, faisant passer le projet politique derrière le projet d’activité, le militantisme derrière le professionnalisme. Or cette évolution a fragilisé la légitimité du monde associatif. C’est pourquoi de nombreuses voix l’appellent à se repositionner plus explicitement sur ses spécificités (bénévolat, éthique de progrès et de mission…) pour reconstruire son identité. Pour les grandes associations gestionnaires l’enjeu est de se saisir des outils de la loi 20022 pour donner à l’évaluation un caractère stratégique, qui analyse notamment la compatibilité entre le projet éthique de l’association et le projet politique local59. Dès lors, une clarification des relations entre collectivités locales et associations est à la fois nécessaire et possible. D’ores et déjà de nombreuses collectivités locales se sont lancées dans un travail de redéfinition de leurs relations avec les associations. On voit ainsi s’élaborer des chartes précisant les valeurs partagées, le soutien apporté par la collecti58- Si leur contribution est irremplaçable en matière d’analyse des problématiques locales et si leur capacité à faire des propositions est indéniable, il s’agit d’une participation à la réflexion et non à la prise de décision (y compris en matière de pilotage de l’observation). En effet seuls les décideurs et financeurs de politiques locales ont vocation à siéger dans les comités de pilotage. En y participant, les associations se verraient occuper une position ambivalente de « juge et partie ». En outre, la question se pose de la représentativité de telle ou telle association choisie pour siéger au comité de pilotage. 59- Loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.
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vité aux associations (pluri-annualité des financements par exemple, soutien en ingénierie, en formation…) et le légitime besoin d’évaluation formulé par la collectivité pourvoyeuse de subventions. Ce type de démarche permet de repenser les coopérations sans renoncer à confier des missions de service public aux associations. Cela pourrait s’avérer très utile dans certains domaines, comme celui de la petite enfance ou du soutien à l’autonomie, en facilitant l’externalisation des activités afin d’éviter que les collectivités locales soient juges et parties dans la construction et l’évaluation de l’offre de services. En outre libérées de ce rôle gestionnaire, celles-ci pourraient s’impliquer totalement dans des missions plus stratégiques : la planification, la coordination et l’évaluation de l’offre de services. Cela pourrait en outre permettre de renouveler plus vite l’offre de services, le monde associatif offrant souvent plus de réactivité, de souplesse et de créativité. Enfin, elles seraient alors mieux outillées pour apporter une information plus complète au public et améliorer ainsi la relation de confiance avec leurs administrés. Cependant cela n’atténue en rien l’utilité d’une plus grande implication de tous les habitants dans la gestion municipale.
Les habitants impliqués La participation des habitants est une notion largement usitée dans le vocabulaire municipal. Mais ses contours et les réalités qu’elle recouvre sont variables. Elle renvoie le plus souvent aux démarches de démocratie participative, territoriales ou thématiques, qui se sont mises en place progressivement dans la plupart des collectivités locales avec l’idée sous-jacente de pallier « la crise du politique ». Sans qu’il ne soit jamais question de remettre en cause la démo92
cratie représentative, la démocratie participative apparaît comme le moyen de renouveler les rapports entre les élus et leurs administrés. En ce sens, elle aurait donc même l’ambition de renforcer la démocratie représentative. Mais si l’enjeu est de taille, les voies de la démocratie participative ne sont pas simples à définir tant les dispositifs sont divers. En effet on ne compte plus les commissions, comités, conseils et autres formes plus ou moins durables de consultation, de concertation voire de co-décision, qui se sont mis en place sans qu’une évaluation véritable de leurs effets ait été réalisée. De ce point de vue, une enquête réalisée par la Fédération des maires de villes moyennes, apporte des éléments de réflexion utiles60. En effet 92% des villes ayant répondu à l’enquête ont mis en place un dispositif de concertation avec les habitants, et deux tiers d’entre elles l’ont fait avant 2002, sans avoir attendu la loi relative à la démocratie de proximité61. Cette concertation peut prendre diverses formes. Si la moitié des villes ayant répondu ont institué des conseils de quartier, les trois-quarts ont choisi d’autres modalités, notamment avec des réunions régulières entre élus et habitants ou catégories d’habitants (réunions de quartier mais aussi conseils des jeunes, des sages, des anciens…). Le développement de telles instances, en dehors de toute contrainte légale, montre ainsi tout l’intérêt que portent les villes moyennes à ce type de démarches. Toutefois cette en60- « Démocratie de proximité. Les villes moyennes redynamisent la démocratie locale ». Enquête réalisée en juin 2004 : L’enquête a été adressée aux 133 villes adhérentes de la FMVM et 90 ont répondu. La FMVM estime que les résultats reflètent la réalité des dispositifs de démocratie de proximité existants. 61- Une loi de plus pour régenter le local en rendant obligatoire la mise en place de conseils de quartiers dans les communes de plus de 80 000 habitants.
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Bonnes pratiques : du quartier à la commune En 2004, trois travailleuses sociales issues de la Caisse d’allocations familiales, du Conseil général de Charente Maritime et de la Mutualité sociale agricole font le constat de l’image négative d’un quartier – le Petit Gibou sur la commune de Château d’Oléron – et du mal être social de ses habitants. Elles initient alors une démarche de développement social local, à laquelle s’associent la Mairie et le bailleur social. La première étape consiste à effectuer un diagnostic, via des entretiens réalisés par les travailleuses sociales auprès des habitants des six immeubles HLM. Une restitution collective, accompagnée de la publication d’un livret et organisée autour d’un repas préparé par les habitants, permet un débat large et un réajustement des constats et des réponses envisageables. Une dizaine d’habitants s’engage alors dans le pilotage du projet aux côtés des travailleuses sociales. Un box collectif dans l’un des immeubles est transformé en salle de réunion. Dès janvier 2005, un premier groupe au sein duquel se côtoient adultes et enfants travaille sur un projet de restauration de l’aire de jeux du quartier. Au mois de mai, une réunion collective permet aux habitants de voter sur les propositions concernant aussi bien l’emplacement que le type d’équipement. Au mois de juillet, la nouvelle aire est en place. Constatant la dynamique impulsée, les partenaires décident de s’engager davantage. La mairie met à disposition un appartement, qui accueille aussi bien des réunions de travail que des ateliers divers pour les habitants. Les actions se multiplient : mini bibliothèque, ateliers de cuisine, atelier de lecture, temps récréatifs, jardins partagés, repas de quartier, fête des voisins, rénovation des huisseries, sorties culturelles... L’ensemble des initiatives validées par le comité de pilotage ont pour vocation première d’être vecteur de lien social entre les habitants. Elles s’appuient à chaque fois sur une même méthodologie : faire avec les habitants et non à leur place. Aujourd’hui, dans ce quartier, les conflits de voisinage ont diminué, les habitants se connaissent et ont tissé des liens de solidarité, les loyers impayés ont diminué et des habitants « étrangers » au Gibou viennent participer aux activités. Peu à peu le social fait place au droit commun : il est prévu d’embaucher un animateur culturel et un animateur sportif pour remplacer les travailleuses sociales dans leurs taches d’accompagnement des projets. Et ce succès a convaincu la mairie d’élargir la démarche de développement social local à toute la commune, sur la base d’un contrat d’objectif signé par l’ensemble des partenaires impliqués. Source : www.apriles.net 94
quête montre aussi que leur impact reste limité. En effet seul un tiers des villes ayant répondu considère que cette démocratie locale facilite la logique de projet dans une démarche de développement local, et moins d’une ville sur cinq qu’elle contribue à l’enrichissement des décisions prises. En outre elle semble ne susciter des initiatives d’habitants que très rarement. Autrement dit, même si des expérimentations plus ambitieuses sont menées dans quelques villes, on peut considérer que ce type de démarche aboutit principalement à offrir aux habitants un espace d’expression publique et de rencontre collective, ce qui n’est pas sans intérêt. Mais on ne peut guère y voir l’émergence d’une gouvernance plus citoyenne. Pour que cette participation consolide la citoyenneté, il faut en fait « se faufiler » entre deux excès : celui d’offrir une sorte d’exutoire qui ne débouche sur rien d’autre que de la désillusion et celui de suggérer les réponses pour justifier les choix. L’expérience a montré maintes fois combien les questions que se posent les usagers sont souvent différentes de celles auxquelles on cherche à répondre. Il s’agit donc de renforcer, dans les organisations, la culture de l’écoute, et de mieux organiser la prise en compte des besoins et attentes de la « majorité silencieuse », qu’il s’agisse des habitants en général ou des usagers de tel ou tel service62. C’est pourquoi la participation doit être perçue comme une démarche éthique, et se donner le temps de la construction du dialogue, de la réflexion sur les valeurs, du partage du diagnostic, voire de l’écriture du projet. 62- La méthode des enquêtes constitue alors un complément indispensable aux démarches de participation. Et si la réalisation d’une enquête nécessite bien sûr une grande rigueur méthodologique et scientifique, elle n’est pas aussi lourde et coûteuse qu’on le croit souvent.
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On le voit, il ne s’agit pas seulement de donner la parole aux usagers ou habitants, mais bien de construire un nouveau mode de relations entre habitants, élus et professionnels. Il s’agit donc d’une démarche exigeante, qui nécessite, outre une forte volonté politique, deux conditions préalables. Du côté des habitants, il ne saurait y avoir de participation s’il n’y a pas de sentiment d’appartenance (sauf à confondre la participation avec la revendication personnelle). Or de nombreuses villes sont confrontées à un « turn-over » important et incessant de leurs habitants63. Certaines, notamment à la périphérie des grands centres urbains, connaissent une croissance démographique extrêmement rapide. L’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants constituent donc un enjeu majeur à la fois pour la cohésion sociale de la commune et sa vie démocratique. Et pour être à la hauteur la réponse ne saurait se restreindre à la distribution d’un livret d’accueil ; c’est à travers une action quotidienne et multiforme, et là encore grâce à la mobilisation des réseaux professionnels et associatifs et l’encouragement des solidarités de proximité, que le sentiment d’appartenance peut naître, se consolider et s’épanouir. Dans cette perspective les centres sociaux, maisons de quartier et autres relais locaux peuvent être des points d’appui particulièrement pertinents. Enfin la participation des habitants exige aussi une forte implication, et une forte conviction, des professionnels. Avec la culture de l’écoute le service public renforce le sens de son action en réaffirmant sa vocation : le service au public.
63- En moyenne, en 1999 un tiers des français n’habitait pas dans la même commune 9 ans auparavant (source INSEE, Recensement population générale, 1999).
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D’une éthique de métier à une éthique de mission La fonction publique le sait bien, si elle bénéficie d’un traitement particulier au sein de la société avec la garantie de l’emploi notamment, c’est parce qu’elle a des obligations particulières. En prise avec des objectifs d’intérêt général, elle doit être disponible pour un rapport aux usagers et aux habitants emprunt d’esprit de mission. Or depuis plusieurs années, la complexité des réglementations, la prégnance excessive du principe de précaution, la rigidité des organisations, ont transformé cette légitimité de mission en légitimité de métier. La question du sens, de la relation à l’usager, s’estompe devant la nécessité d’appliquer un savoir-faire formaté. C’est pourquoi la concrétisation d’un nouveau type de dialogue entre administration et administrés passe nécessairement par la réactivation du sens du service public, qui engage le fonctionnaire non pas seulement dans le respect des règles mais aussi dans la performance de la réponse. C’est une aspiration qui s’exprime de plus en plus clairement, comme le montrent les positions affirmées de certaines associations représentant ces professions64. Par ailleurs de nombreux fonctionnaires traduisent leur envie d’agir autrement (et sans contraintes bureaucratiques) par une forte implication dans le mouvement associatif. Mais il s’agit maintenant de transformer ces attentes en véritable projet pour l’administration, et plus spécifiquement pour l’administration locale.
64- Ce sujet a été largement abordé lors de la conférence organisée par le Collectif Appel à la Fraternité au Sénat le 30 novembre 2006 sur le thème : « Service public : peut-on s’orienter vers une éthique de mission ? »
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Celle-ci puise sa légitimité dans la raison d’être des collectivités locales : agir au plus près des citoyens et avec eux65. En effet les missions de l’Etat et celles des collectivités locales tendent à s’exprimer de plus en plus distinctement. L’Etat privilégie de plus en plus des missions de protection et de régulation tandis que les collectivités locales s’épanouissent davantage sur le terrain de la prévention et de l’action. Pourtant, ces dernières années, un souci d’homogénéisation des diverses fonctions publiques s’est traduit par la mise en œuvre d’un processus d’uniformisation des modes de sélection et de formation des cadres dirigeants. C’est pourquoi la contribution des maires à la performance du contrat social semble aujourd’hui conditionnée par la préservation d’une forte spécificité de la fonction publique territoriale, que pourrait favoriser une plus grande diversification des modes de recrutement de cadres des collectivités locales. Sur ce point, le recours à des dirigeants associatifs par exemple aurait le mérite de faciliter les dynamiques partenariales, mais aussi l’enracinement d’une conception plus ouverte et plus pragmatique de l’action publique locale. Mais au-delà, afin d’affirmer son identité, la fonction publique locale pourrait se doter, dans chaque collectivité, d’une charte éthique qui engagerait employeurs et salariés à
65- Selon Jean-Cristophe Baudouin, président de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF) : « La fonction publique territoriale est fondamentalement une fonction publique de proximité indissociable du lien social. Elle n’est pas une fonction publique de normes, elle n’est pas une fonction publique qui s’incarne dans la puissance publique. Elle se définit plus par ce qu’elle fait que par ce qu’elle est. En permanence l’action publique territoriale est une confrontation au réel. » Extrait de la conférence organisée par le Collectif Appel à la Fraternité au Sénat le 30 novembre 2006 sur le thème : « Service public : peut-on s’orienter vers une éthique de mission ? »
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veiller au maintien d’un rapport étroit et permanent avec les usagers et les habitants66. Et pour en renforcer l’impact, il conviendrait d’en faire l’axe central de l’organisation et du management et, parralèlement, d’accentuer les efforts pour permettre aux habitants de mieux connaître le fonctionnement et les contraintes d’une mairie et de s’approprier l’outil administratif qui est à leur service (journées portes ouvertes par exemple).
66- La référence à ce type de valeurs aurait peut-être permis de concilier réduction du temps de travail et aménagement du temps de travail au profit de l’usager, lors de la mise en place des 35 heures.
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Chapitre 5V CHAPITRE
Fraternité concrète : une démarche de civilisation Citoyenneté, solidarité, gouvernance… un projet de société qui repositionne les maires non plus seulement comme acteurs politiques mais également comme acteurs de civilisation. Car la question de l’invention d’une nouvelle civilité est bien à l’ordre du jour. Il y a quelques années, Edgar Morin et Sami Naïr lançaient un défi, celui de définir une nouvelle civilité dans un monde de plus en plus complexe et agressif67. Longtemps oubliée, l’idée d’une politique de civilisation trouve aujourd’hui une nouvelle résonance, avec la perception généralisée de la vulnérabilité de nos sociétés, sur le plan économique et écologique. Face à l’omniprésence du système concurrentiel et aux excès de l’individualisme et du consumérisme, la nécessité de donner un contenu positif à l’interdépendance des peuples et des individus s’accroît. Et lorsque c’est ce choix qui prévaut, il s’exprime à travers une ambition : parfaire le sens du modèle républicain. Après que le XIXème siècle ait
67- Voir NAÏR Sami, MORIN Edgar, Politique de civilisation, Editions Arléa, 1997
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promu la Liberté et le XXème l’Egalité, le XXIème siècle pourrait se donner la responsabilité de construire une société plus fraternelle68. La Fraternité peut être en effet bien autre chose qu’une démarche individuelle ou une dynamique de clan ou de communauté. Elle peut être l’épine dorsale d’un véritable projet de société. A condition bien sûr de bien s’entendre sur la notion de Fraternité, en particulier au regard d’un concept voisin mieux ancré dans la culture française : celui de Solidarité.
1. Solidarité et Fraternité : quitte ou double Les deux concepts de Fraternité et de Solidarité ont entretenu depuis 1848 une relation dialectique (voir en annexe l’historique du concept proposé par Michel Borgetto). Si la Fraternité l’a emporté dans la symbolique républicaine au XIXème siècle, c’est la Solidarité qui s’est jusqu’à présent imposée dans le discours politique et l’imaginaire collectif. Pourtant, il faut l’affirmer avec force : loin de s’opposer à la Solidarité, la Fraternité l’englobe et l’enrichit.
L’incontournable solidarité de droits La solidarité traduit avant tout l’engagement juridique de la société envers les plus faibles. Elle est indispensable et chaque avancée sociale doit être saluée, d’abord pour la réponse qu’elle apporte aux personnes en difficulté, mais aussi parce qu’elle contribue à la cohésion de la société. On a tendance à l’oublier quand on s’interroge sur ses coûts 68- C’est l’hypothèse de Jacques Attali. Voir ATTALI Jacques, Fraternités. Une nouvelle utopie, Fayard, 1999.
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mais une société sans solidarité est une société éclatée qui laisse la part belle aux communautarismes quels qu’ils soient. L’homme délaissé est contraint de s’enfermer dans un groupe prédéterminé parfaitement étanche au reste de la société. On est alors aux antipodes du contrat social, bâti sur l’appartenance de l’homme à un ensemble quelles que soient ses origines, ses croyances et ses facultés. C’est pourquoi il est heureux que sur le terrain de la solidarité, la France compte parmi les pays les plus avancés et que cette volonté n’ait cessé de s’accroître. Le passage de l’assistance à la reconnaissance de droits s’est en effet poursuivi et amplifié tout au long du XXème siècle, tout récemment encore avec l’adoption de la Couverture maladie universelle (CMU) ou de l’Allocation personnalisée pour l’autonomie (APA) par exemple. Et les français encouragent ce mouvement puisque les trois quarts d’entre eux considèrent notre système de protection sociale comme un modèle69. Pour autant, contrairement à une pensée dominante depuis trente ans, la solidarité de droits ne suffit pas à faire société. En effet, prospérité et individualisme aidant, nous avons progressivement fondé la solidarité sur des dispositifs et des normes, en la distinguant de la citoyenneté et des solidarités spontanées de voisinage. Ce faisant, nous avons paradoxalement, par l’affaiblissement du corps social, renoncé inconsciemment à un outil de défense de nos droits. En n’encourageant pas la fraternité concrète, nous avons fait le deuil d’une notion qualitative de la solidarité, fondée sur le rapport à l’autre. 69- Les français sont plus satisfaits de leur système national de protection sociale que les européens en général. Même si deux tiers des français jugent leur système de protection sociale trop coûteux, trois-quarts d’entre eux pensent qu’il offre une couverture suffisante et qu’il peut servir de modèle à d’autres pays. Source : Eurobaromètre 2006, Centre d’analyse stratégique, Les réalités sociales françaises à l’aune européenne, octobre 2007.
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« Les éclairages de la Fraternité »
« Ce n’est pas du bricolage de patronage, c’est un positionnement, une façon de regarder les composantes de sa population, de les prendre en considération et de multiplier tous les vecteurs d’action pour promouvoir la notion de lien social indépendamment de l’action sociale. Parce que le lien social concerne toutes les populations. Et pour que ces actions soient utiles, il faut qu’elles soient ponctuées de repères et de symboles. Je les appelle les éclairages de la fraternité.» Jean Pontier, ancien député-maire de Tournon-sur-Rhône (Ardèche), signataire de l’Appel à la Fraternité en 1999 *
« La cohésion sociale est non seulement un facteur d’harmonie et de bonheur mais également un atout prodigieux dans la compétition mondiale. Pour une société, qu’est-ce que la cohésion sociale sinon une autre façon de désigner la fraternité ? Est-ce qu’une société sans compassion, sans générosité, sans lien social gratuit est capable d’être encore dans la cohésion sociale ? Evidemment pas. Quand des centaines, des milliers, des millions de personnes, notamment les maires, travaillent inlassablement à recoudre le tissu social qui se déchire, ils ne font pas seulement une bonne action, ils font une action intelligente, une action productive, mais productive après un détour. Aux impératifs liés aux sentiments s’ajoutent, au sujet de la fraternité, des impératifs liés à la raison elle-même. » Jean-Claude Guillebaud, essayiste *
« A l’heure actuelle, la fraternité doit se lire sur deux versants : le versant des droits civils, avec la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie… Car le concept même de fraternité est radicalement incompatible avec toute forme d’exclusion ; et le versant social, où la fraternité implique la solidarité mais aussi des attitudes, des comportements qui mettent un peu de chaleur humaine dans les relations sociales. La fraternité n’est pas l’affaire que du droit, elle est aussi, cela va de soi, celle des citoyens, de tous, de la société civile. Si ce n’était l’affaire que des citoyens, la fraternité se pervertirait sans doute très rapidement en mystification, en farce illusoire ; et si ce n’était l’affaire que du droit, la fraternité se pervertirait sans doute très rapidement en oppression et en société invivable ». Michel Borgetto, professeur d’université ** Extraits des conférences organisées par le Collectif appel à la Fraternité au Sénat en 2006 sur le thème « Maires : comment renforcer leur impact sur le lien social » (*) et « Service public : peut-on s’orienter vers une éthique de mission ? » (**)
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La nécessaire solidarité d’implication Or les phénomènes sociaux ne se résument pas à des questions de droits. On l’a dit, les personnes âgées souffrent bien souvent d’un manque de vie sociale. Les aides matérielles dont elles disposent ne suffiront pas à y remédier. On l’a dit aussi, l’isolement relationnel aggrave la vulnérabilité des familles et des enfants. L’intervention de professionnels ne suffit pas si elle ne permet pas d’inscrire durablement la famille dans le tissu social. C’est vrai de toutes les problématiques sociales. L’isolement, la solitude et le mal-être condamnent à l’impuissance nos dispositifs sociaux, si ingénieux soient-ils, si la société française n’entretient pas suffisamment les valeurs de respect, d’écoute et d’entraide. Autrement dit si la société française ne retrouve pas sa capacité à intégrer par la concrétisation de la fraternité. C’est dire si la solidarité et la fraternité ont partie liée. Loin d’être une menace pour notre système social, la fraternité est au contraire la condition de son efficacité. C’est aussi la condition de sa survie si l’on considère la massification des processus d’exclusion. Au-delà de toute polémique il faut bien reconnaître que notre système de solidarité est confronté à des difficultés de financement majeures. C’est une raison supplémentaire pour ne plus se contenter de traiter les phénomènes d’exclusion. Tout nous invite aujourd’hui à s’engager beaucoup plus activement dans la prévention des risques d’exclusion. Et de ce point de vue, si la lutte contre le chômage doit bien entendu être une priorité, la redynamisation du lien social constitue un levier d’action que l’on aurait tort de négliger.
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« Les éclairages de la Fraternité »
« Les cultures politiques, les cultures sociales, les cultures spirituelles doivent aujourd’hui être lues au regard de ce que j’appelle les trois cultures du développement humain et qui sont : la résistance, la régulation et l’utopie. La fraternité est à la fois une résistance à ce qui n’est pas fraternel, y compris à ce qui n’est pas fraternel en soi ; c’est aussi une régulation dans le sens où on cherche à organiser les choses pour qu’elles fonctionnent bien pour tout le monde ; c’est enfin une utopie, parce qu’on a besoin de l’utopie pour vivre. C’est ce qui transcende le réel, ce qui permet de le dépasser. » Jean-Baptiste de Foucauld, président de « Solidarités nouvelles face au chômage » *
«
Les différentes fraternités ne doivent pas être considérées comme antagonistes. La fraternité que l’on a pour les nôtres, les proches ; la fraternité que l’on ressent en tant que membre d’une même patrie ; la fraternité qu’il faudrait restituer entre Européens ; et la fraternité humaine, plus large. Toutes ces fraternités sont complémentaires et peuvent se féconder les unes les autres, à la condition que nous comprenions cette idée très simple, mais néanmoins difficile à admettre : le respect de l’unité dans la différence et de la différence dans l’unité. » Edgar Morin, sociologue ** Extraits des conférences organisées par le Collectif Appel à la Fraternité au Sénat en 2006 sur le thème « Associations : la fraternité au quotidien est-elle possible ? » (*) et « Service public : peut-on s’orienter vers une éthique de mission ? » (**).
« L’aventure est entre nos mains fragiles. Nous avons les moyens de faire évoluer la création vers un épanouissement ou vers un effondrement. Nous n’avons donc pas le droit de faire n’importe quoi sur notre planète. Nous ne pouvons devenir les metteurs en scène de notre propre mort cosmique. Au nom de quoi affirmer que nous avons un devoir cosmique ? Au nom de cette exigence éthique au fond de nous qui fait partie de notre vie et de notre histoire. Au nom de cette aspiration qui nous tire vers l’Un, de cet appel vers la plénitude que des hommes, des mystiques et des poètes, partout dans le monde, vivent intensément. Au nom de ce presque rien dont l’invisible présence nous comble. Au nom de cette vie qui perdure depuis deux milliards d’années, nous fait frères de tous les êtres vivants, ne cesse de refleurir en danse, en chants, poésies et prières, ou d’exploser en révoltes. Au nom de cette liberté à nous offerte, dès la création du monde, de rejeter l’inéluctable et de rêver de l’impossible. Cette aventure qui est au commencement fait de chacun le veilleur de l’humanité. » René Lenoir, Ancien ministre, membre fondateur du Collectif appel à la fraternité. Extrait de son ouvrage, A la recherche du sens perdu, éditions Michalon, 2003.
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La fraternité apparaît donc bien comme un enrichissement du concept de solidarité associant la solidarité de droits et la solidarité d’implication.
2. La fraternité comme synthèse de la liberté et de l’égalité C’est cette conviction qui s’est exprimée en 1999, à la veille du changement de siècle et de millénaire, à travers « l’Appel à la Fraternité » lancé par une centaine de personnalités, issues du monde politique et associatif. Fondé sur le refus d’une société de plus en plus déstabilisée par la précarité économique mais aussi par la précarité relationnelle et identitaire, ce manifeste appelait les institutions mais aussi chaque citoyen à s’impliquer plus directement dans la reconstruction du vivre-ensemble70.
L’Appel à la fraternité Il s’agissait au fond de promouvoir une relecture exigeante de la devise républicaine, à partir du lien dialectique qui unit ses trois composantes. Comme l’excès de liberté peut nuire à l’égalité, l’excès d’égalité peut nuire à la liberté. C’est pourquoi la liberté et l’égalité ne trouvent leur pleine justification que dans leur référence à la fraternité71. On ne le dira jamais assez, une société désunie est une société désarmée. 70- Le texte de l’Appel à la Fraternité est présenté en annexe et la liste de ses signataires est disponible sur www.collectif-fraternite.fr 71- Dès le XIXe siècle, dans De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville rappelait l’importance du lien entre les membres d’une société : « Dans les sociétés démocratiques modernes, et en raison de l’accès à la liberté, les droits ont rendu les citoyens indépendants les uns des autres. Pour que les hommes s’humanisent, il faut que parmi eux se développe l’art de s’associer. Dans une société démocratique, les hommes peuvent se perdre au lieu de se voir, il faut donc les rapprocher, c’est-à-dire les amener à concourir à une œuvre commune ».
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CHARTE MUNICIPALE DE LA FRATERNITE Soucieux de se mobiliser davantage contre la progression de l’isolement, du mal-être et de l’exclusion, soucieux que tous, y compris les personnes en situation de fragilité, puissent être acteurs de fraternité, le Maire de__________________________________________s’engage dans une démarche volontariste de consolidation du “vivre-ensemble, à travers : La valorisation de la convivialité, de l’écoute et de l’entraide… Afin de consolider les solidarités de proximité, de plus en plus nécessaires comptetenu de l’accroissement de la précarité économique, relationnelle et identitaire, la ville accentuera la valorisation de la convivialité, de l’écoute et de l’entraide entre tous les habitants. Elle s’efforcera de multiplier les occasions d’échange, notamment dans les services publics et dans les écoles. Elle organisera et soutiendra des démarches festives permettant à chacun de mieux connaître son voisin, son quartier, sa ville, et d’accepter l’autre dans sa différence. Le renforcement des rapports entre les générations… Afin de réduire les risques de fracture entre les générations, la ville s’attachera à renforcer le rôle des plus âgés auprès des plus jeunes et celui des plus jeunes auprès des plus âgés. Elle appuiera la création de clubs intergénérationnels dans les écoles et collèges, avec le souci de faire participer les aînés du quartier à la mission éducative par le partage de savoirs, par exemple autour de la mémoire des métiers ou des quartiers. Elle s’impliquera par ailleurs dans l’animation d’un réseau de référents bénévoles pour assurer une présence régulière auprès des personnes âgées isolées en lien avec les services publics concernés. L’encouragement à l’engagement citoyen… Afin d’inciter un grand nombre d’habitants à l’engagement citoyen et de mettre en adéquation “l’offre et la demande” de bénévoles, la ville organisera un service de promotion et d’accompagnement du bénévolat. En lien avec les autres services de la ville et avec les associations locales, il assurera une plus grande valorisation du bénévolat, il recensera et informera sur la diversité des activités bénévoles, il soutiendra les associations et les bénévoles par un accompagnement adapté à leurs besoins (formation, soutien administratif, soutien psychologique…). Ce service s’appuiera sur des relais de quartier pour assurer une présence et une information au plus près des habitants. Par ailleurs un fonds de soutien aux initiatives citoyennes, alimenté par des contributions diverses, sera créé afin de contribuer à cette dynamique. Et pour inscrire ces initiatives dans une démarche pérenne, le Maire s’engage à impulser l’élaboration d’un projet global pour la ville, visant à irriguer l’ensemble des politiques locales d’un objectif commun : le développement du lien social et des solidarités de proximité. Cette charte est donc ouverte à l’ensemble des acteurs locaux, institutionnels ou associatifs, qui partagent les valeurs et les objectifs du Maire de____________________________________________________. Par cette charte, ils s’engagent à agir dans les trois directions précitées et à contribuer à la construction et la mise en œuvre de ce projet global. Fait à_________________________________________ Le ___________________________________________
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Aussi pour les signataires de l’Appel, il ne s’agissait pas seulement d’une quête vertueuse mais d’une quête de survie pour notre modèle de société. Les libertés individuelles et collectives, l’égalité des droits et des chances doivent contribuer à la performance du vivre ensemble sous peine d’être progressivement remises en question par la progression de l’indifférence et du rejet de l’autre.
La fraternité comme nouvel horizon de l’action municipale Pourtant, malgré la diversité étonnante de ses signataires, cet Appel suscitera peu d’écho, comme si les convictions du moment sur la performance de notre modèle de développement ne pouvaient tolérer l’appel au changement. Il faudra attendre 2004 et sa reconnaissance comme « Grande cause nationale», par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, pour qu’une véritable chance de diffusion lui soit offerte. Les initiatives prises au cours de l’année 2004 par le Collectif associatif porteur de cette Grande cause seront principalement axées sur la mobilisation du monde local et de ses acteurs72. Et ce n’est pas un hasard si les maires, observateurs et acteurs de proximité par excellence, ont été immédiatement disponibles pour relayer l’Appel auprès de leurs concitoyens. Près de sept-cents maires, dont deux tiers des maires des grandes villes, ont en effet signé une Charte de la fraternité issue de l’Appel. Ces maires se sont ainsi saisis du concept de fraternité pour donner une ambition nouvelle à la question du lien social.
72- Toutes les informations sur le Collectif Appel à la Fraternité et sur ses activités depuis 2004 sont disponibles sur www. collectif-fraternite.com
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Comité de parrainage des Chartes municipales de la Fraternité : les premiers signataires – juin 2004 • Pierre Albertini Maire de ROUEN • Jean-Paul Alduy, Maire de PERPIGNAN • Michel Allex, Maire de CHALON-SUR-SAÔNE • Jean-Claude Antonini, Maire d’ANGERS • Xavier Argenton, Maire de PARTHENAY • François Asensi, Maire de TREMBLAY-ENFRANCE • Martine Aubry, Maire de LILLE • Pierre Auger, Maire de PESSAC • Jean-Marc Ayrault, Maire de NANTES • Jean-Pierre Balduyck, Maire de TOURCOING • Henri Bangou, Maire de POINTE-A-PITRE • François Baroin, Maire de TROYES • Alain Barres, Maire de MURET • Pierre Bédier, Maire de MANTES-LA-JOLIE • Jean-Pierre Béquet, Maire d’AUVERS-SUR-OISE • Alain Bernard, Maire de SAINT-PAUL • Antoine Berry, Maire de PLEURTUIT • Laurent Béteille, Maire de BRUNOY • Bernard Birsinger, Maire de BOBIGNY • Bruno Bourg-Broc, Maire de CHALONS-ENCHAMPAGNE • Patrick Braouezec, Maire de SAINT-DENIS • Jean-Paul Bret, Maire de VILLEURBANNE • Ary Broussillon, Maire de PETIT-BOURG • Alain Cazabonne, Maire de TALENCE • Bernard Cazeneuve, Maire de CHERBOURGOCTEVILLE • Gérard Collomb, Maire de LYON • Alain Cottalorda, Maire de BOURGOIN JALLIEU • Jean-Claude Daniel, Maire de CHAUMONT • Alain David, Maire de CENON • Jean-Louis Debré, Maire d’EVREUX • Henri Dejonghe, Maire d’AUXI-LE-CHÂTEAU • Bertrand Delanoê, Maire de PARIS • Michel Delebarre, Maire de DUNKERQUE • Michel Destot, Maire de GRENOBLE • Claude Dilain, Maire de CLICHY-SOUS-BOIS • François Dosé, Maire de COMMERCY • Christian Dupuy, Maire de SURESNES • Guy Ferez, Maire d’AUXERRE • Jean-Louis Fousseret, Maire de BESANCON • Jean-Claude Gaudin, Maire de MARSEILLE
• M. Jacques Gautier, Maire de GARCHES • Mme Annie Genevard, Maire de MORTEAU • Albert Gibello, Maire d’ALBERTVILLE • Nicole Goueta, Maire de COLOMBES • Jean Grenet, Maire de BAYONNE • Christian Grimbert, Maire de CREIL • Christian Gros, Maire de MONTEUX • Edmond Hervé, Maire de RENNES • Maurice Jannin, Maire de CANCALE • Alain Juppé, Maire de BORDEAUX • Jean-Pierre Kucheida, Maire de LIEVIN • Serge Lamaison, Maire de SAINT-MEDARD EN JALLES • Patrick Lasseube, Maire de SAINT-LYS • Olivier Léonhardt, Maire de SAINTEGENEVIEVE-DES-BOIS • Jean-Michel Marchand, Maire de SAUMUR • Franck Marlin, Maire d’ETAMPES • Hervé Marseille, Maire de MEUDON • Jean- Jacques Martin, Maire de NOGENT-SURMARNE • Pierre Méhaignerie, Maire de VITRÉ • Jean-Luc Moudenc, Maire de TOULOUSE • Philippe Nivelle, Maire de MOÛTIERS • Nicolas Perruchot, Maire de BLOIS • Etienne Pinte, Maire de VERSAILLES • Jean Pontier, Maire de TOURNON-SUR-RHÔNE • François Rebsamen, Maire de DIJON • Pierre Regnault, Maire de LA ROCHE-SUR-YON • Simon Renucci, Maire d’AJACCIO • Dominique Riquet, Maire de VALENCIENNES • Roland Robert, Maire de LA POSSESSION • Christine Roimier, Maire d’ALENCON • André Rossinot, Maire de NANCY • Antoine Rufenacht, Maire du HAVRE • André Santini, Maire d’ISSY-LESMOULINEAUX • Bernard Sicard, Maire de COLOMIERS • René Souchon, Maire d’AURILLAC • Louis Souvet, Maire MONTBELIARD • Michel Thiolliere, Maire de SAINT-ETIENNE • Jean Touzeau, Maire de LORMONT • Gérard Tremege, Maire de TARBES • Jean-Michel Vanlerenberghe, Maire d’ARRAS
Avec le soutien de :
* Le comité de parrainage des Chartes municipales de la fraternité a été constitué avec les premiers signataires.
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Trois directions sont proposées dans cette charte (voir encadré page 108). La valorisation de la convivialité, de l’écoute et de l’entraide entre tous les habitants, à travers la multiplication des occasions d’échanges ; le renforcement des dynamiques intergénérationnelles, à travers la participation généralisée des plus âgés à la mission éducative et la lutte contre l’isolement des personnes dépendantes ; l’encouragement à l’engagement citoyen, à travers la mise en place d’un service communal de promotion et d’organisation du bénévolat. Et pour inscrire ces initiatives dans une démarche pérenne, les maires s’engageaient à impulser l’élaboration d’un projet global pour leur ville visant à irriguer l’ensemble des politiques locales d’un objectif commun : le développement du lien social et des solidarités de proximité. Il s’agit donc d’une étape importante, nécessaire mais non suffisante. Il reste maintenant à concrétiser les engagements pris. Et c’est possible : l’avenir de la fraternité sur le terrain municipal semble s’inscrire dans un contexte favorable. En effet il y a dix ans, l’Appel à la fraternité et son plaidoyer pour l’éthique pouvaient être vécus comme décalés et éloignés des certitudes du moment. Aujourd’hui, avec la précarisation amplifiée de notre société, les choses se présentent différemment. Chacun prend conscience de la fragilité des équilibres économiques et écologiques. Chacun découvre l’ampleur des dégâts engendrés par le repli sur soi, avec la progression de l’isolement, de l’intolérance et de la violence ordinaire. Et l’on commence à admettre que s’il ne peut y avoir de fraternité sans sécurité, il ne saurait y avoir de sécurité sans fraternité. Progressivement se diffuse le sentiment que si l’Etat peut favoriser le vivre-ensemble, celui-ci résulte d’abord de la volonté de tous. Autrement dit, comme l’avait annoncé Edgar Morin : avec la prise de conscience de la vulnérabilité vient le temps de la redécouverte de l’autre. 111
L’époque est donc propice pour interroger notre modèle de société. La réapparition du mot « fraternité » dans les discours politiques et dans les médias montre que le concept est devenu « tendance ». C’est un signe positif, à condition que la fraternité n’irrigue pas seulement les discours mais se traduise par la multiplication d’initiatives susceptible de provoquer un mouvement de toute la société. L’action municipale peut donc être déterminante, mais à condition que toutes les « forces vives » du pays redécouvrent aussi la modernité du triptyque républicain. C’est bien là que se situe le nouvel enjeu de la France des lumières : après la Liberté et l’Egalité, bâtir la Fraternité du local, du national et, par l’exemplarité, de l’universel.
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Postface de Michel Dinet Président de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée, Président du Conseil général de Meurthe-et-Moselle
Avant de faire part des réflexions suscitées par la lecture de cet ouvrage, je veux d’abord souligner l’actualité des thèses qu’il présente. Les besoins sociaux s’accentuant et les dépenses publiques - celles de l’Etat comme celles des collectivités locales - devenant de plus en plus contraintes, la recherche d’une complémentarité plus efficace et plus efficiente entre les différents niveaux d’organisation territoriale de la République, du local au national, est plus que jamais à l’ordre du jour. Au-delà du seul mais vaste sujet de la solidarité, la rencontre de ce travail avec l’actualité est d’autant plus forte qu’une nouvelle fois surgit la question, sans cesse reposée, de la légitimité et du nombre de collectivités ainsi que celle des chevauchements constatés de leurs compétences. L’ouvrage soulève d’ailleurs la question de la coopération entre, d’un côté, les communes et les intercommunalités - lieux de la construction et de l’animation du « Vivre ensemble » - et, 113
de l’autre, les départements que les lois de décentralisation ont désignés comme chef de file des politiques sociales. Je note que les auteurs ne posent pas cette question d’abord sous l’angle de la répartition des espaces de pouvoir avant de s’occuper du contenu du projet. Au contraire, ils traitent en priorité du projet le plus apte à répondre aux besoins finement diagnostiqués des citoyens, puis du territoire le plus pertinent pour réaliser ce projet et, enfin, ils déterminent la forme de gouvernance la plus appropriée pour le conduire. Cette démarche constitue un repère utile pour le débat ouvert sur l’efficacité des compétences des collectivités et de l’Etat, leur lisibilité par les citoyens et, finalement, le sens à donner à l’intérêt général. Si le livre paraît à point nommé, pour autant l’analyse présentée transcende l’actualité en proposant un projet, des principes et une démarche visant à inscrire résolument la solidarité dans la trinité républicaine à travers la déclinaison qu’elle représente du concept de fraternité. Ce faisant, la fraternité donne à la solidarité toute la force de l’idéal républicain : celle de vouloir construire et partager un destin commun en raison de l’appartenance à une même humanité. Bien que l’ouvrage n’y fasse pas directement référence, je me permets de souligner une autre déclinaison de la fraternité, la laïcité, dont les valeurs sont tout autant à réaffirmer compte tenu à la fois de leur grande modernité et du poids que représente la question de l’intégration dans celle, plus large, de la cohésion sociale. Solidarité et laïcité se rejoignent dans la nécessité de faire face aux logiques distinctes mais entrecroisées qui prennent à rebours le principe de fraternité : d’un côté la volonté d’intégrer comme composante importante de l’identité personnelle ce que l’individu a reçu comme donnée de naissance - son héritage eth114
nique, culturel, voire biologique – et, de l’autre, la valorisation et l’extension de l’individualisme, mouvement que l’ouvrage de Jean Louis Sanchez et Marion Laumain présentent comme un des facteurs prégnants de « détissage » de la trame sociale. A travers l’activation plus grande des liens qui unissent fraternité et solidarité et la complémentarité de cette dynamique avec la réalisation des droits individuels et collectifs établis au nom de la liberté et de l’égalité, je veux voir dans les propos des auteurs, le rappel indispensable des fondements sur lesquels est bâti le Pacte républicain de solidarité. Car pour répondre aux priorités et aux défis lancés par la mise à mal de la cohésion sociale, et, en allant plus loin, par la rupture de toute une partie de la population avec le contrat social, cela demande avant tout - au-delà ou à travers la réponse au défi territorial - de placer la dynamique de changement dans le respect des valeurs qui fondent la République. C’est une condition absolument primordiale. Je partage la conviction exprimée dans l’ouvrage qu’une perspective durable d’action en matière de solidarité doit absolument prendre en compte le fait que la fracture sociale est plus liée à la décalcification du corps social dans son ensemble, percuté par des évolutions auxquelles il sait mal répondre, qu’à l’accident de parcours de certains. Formulant cette analyse, les auteurs invitent les politiques de solidarité à se situer davantage dans la revitalisation de l’environnement dans lequel vivent tous les citoyens. En toute logique ils donnent à l’action sociale la mission prioritaire de maintenir actives les personnes fragilisées au sein même de la société, notamment en devenant acteurs et co-auteurs de la dynamique territoriale à construire. Ce faisant ils invitent à inscrire résolument la politique de solidarité dans la perspective ouverte par le développement social. Avant la mise en place d’une nouvelle organisation et plus 115
que l’invention de nouveaux dispositifs, c’est d’abord une nouvelle conception des politiques de solidarité que Jean Louis Sanchez et Marion Laumain nous incitent à inventer et mettre en œuvre. L’ouvrage en indique les principes fondamentaux, propose les principales dispositions qui en découlent et donne aux maires la responsabilité de conduire la mise en œuvre de cette nouvelle approche de la solidarité. Les auteurs argumentent solidement ce positionnement par le fait que les maires disposent de nombreux leviers qui peuvent contribuer au renforcement du vivre-ensemble à travers les politiques culturelles, éducatives, sportives, urbaines, des transports, de l’animation des quartiers… Autrement dit, rien de durable ne peut se faire en matière de développement social sans les villes. En milieu rural, la question est plus complexe en raison, d’une part, de la taille des communes qui n’est pas adaptée à la dimension d’un tel projet, d’autre part du peu d’intercommunalités qui se sont saisies de la question de la solidarité et enfin parce que ce n’est pas l’intercommunalité qui anime le vivre ensemble. Je partage cette analyse et cette proposition qui convergent avec les conclusions des deux dernières rencontres de l’ODAS à Marseille. Pourquoi ne pas envisager la mise en œuvre d’expérimentations qui conduiraient à un conventionnement entre le département, que la loi désigne comme chef de file de l’action sociale, et une ville, à condition toutefois que le projet de territoire et les objectifs déterminés en commun priment bien sur le simple dispositif. Je veux préciser les termes de cette conditionnalité et prolonger ainsi la réflexion exprimée par Jean Louis Sanchez et Marion Laumain. D’abord concernant la notion de territoire. Il ne doit s’agir ni d’un espace géographique limité par des frontières, ni « d’un terrier » du repli sur soi, ni d’un 116
découpage administratif mais d’abord et avant tout de l’endroit où les gens vivent. Concernant le projet, il requiert l’expression des gens qui habitent ce territoire et de leurs représentants politiques, professionnels ou associatifs croisée avec les orientations de ceux qui ont en charge une partie de son aménagement ou de son développement. Les partenaires nationaux, régionaux, départementaux ont donc toute légitimité à apporter leur contribution à l’élaboration du projet de territoire. Car, l’approche territoriale ne garantit ni le local ni le global si, à la place du projet partagé et mobilisateur des potentialités locales, perdure la logique des guichets « par public » et des dispositifs « par institution » quand bien même cette logique serait elle mise en œuvre territorialement. Et c’est en plaçant la solidarité au cœur du projet de territoire – ville, intercommunalité, département – que celuici participe au développement social. C’est à cette condition que la solidarité guide chaque domaine – des transports, à l’environnement en passant par l’habitat et la politique sportive ou culturelle – pour que chacun assure un service au plus grand nombre et que le projet dans son entier assure la cohésion sociale du territoire. La participation des gens à travers des espaces d'engagement respectant la représentation qu’ils confient aux élus le temps d'un mandat et respectueux de la capacité d'initiative des citoyens doit concourir à la revitalisation démocratique et, dans le même temps, renforcer les liens sociaux et développer de la responsabilité dans la construction de l’intérêt général. C’est essentiel dans un domaine, la solidarité, où les enjeux à relever soulèvent des questions particulièrement contro117
versées qui touchent tout autant, à l’éthique, à l’aménagement du territoire, à la conception « du vivre ensemble » et, donc globalement, au contrat social. Enfin et pour conclure, je veux vous faire partager ma conviction que la République des Maires que Jean-Louis Sanchez et Marion Laumain nous proposent d’imaginer et construire s’inscrit pleinement dans la conception d’une décentralisation qui permet l’ajustement entre la puissance de l’Etat, garant de la cohésion et de la solidarité nationale, et celles des collectivités territoriales, révélatrices et fédératrices des capacités d’initiatives et d’innovation sociale et territoriale pour porter, ensemble, un projet garantissant la pérennité d’une société républicaine, solidaire et fraternelle. Michel Dinet
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ANNEXES
Annexe 1
L’Appel à la Fraternité (1999) Le constat est d'importance. Alors que l'évolution économique et technologique bouleverse la société, que la crainte de l'avenir engendre le repli sur soi, de nombreux signes indiquent que des citoyens réagissent et que d'autres ne demandent qu’à le faire. Cette aspiration doit maintenant être entendue : elle exprime une quête de sens, elle répond à une exigence pour la société de demain. Aujourd'hui l'attention des responsables nationaux est essentiellement et fort légitimement portée sur la lutte contre le chômage. Or, au-delà de la précarisation de l'emploi, l'effacement des repères traditionnels, la perte des valeurs et la régression du lien social remettent en cause l'existence même du contrat social, fondement de notre société. La régression du lien social… Les solidarités spontanées ont longtemps été entretenues par la nécessité de l'entraide. L'évolution des mécanismes économiques et sociaux, en développant souvent un sentiment d'autosuffisance, a donné naissance à de véritables comportements d'autarcie sociale. Les solidarités naturelles en ont souffert et l’indépendance assumée au nom de l'individualisme est devenue enfermement. Un nombre croissant d'individus se retrouvent maintenant confrontés au doute, dans un environnement caractérisé par l'affaiblissement de la vie collective et l'absence de perspectives. Le "vouloir vivre ensemble" est remis en question. 123
On vérifie le désarroi que crée cette crise du lien social à chaque étape de la vie. L'augmentation du nombre d'enfants confiés aux services de l'aide sociale ou de la Justice ne résulte que pour partie de la précarisation économique. Elle est principalement provoquée par l'éclatement des familles, l'isolement des personnes et le manque de reconnaissance de la dignité des plus défavorisés. La désaffiliation des jeunes, qui participe au développement des incivilités et des actes de violences ou d'autodestruction, ne peut s'expliquer par la seule absence de perspectives d'emploi. Elle se nourrit aussi de la perte de repères d'un nombre croissant d'entre eux. La détresse des anciens, bien que moins perceptible, n'en est pas moins bien réelle. L'isolement social des personnes âgées provoque l'accroissement de pathologies d'ordre psychique. Autrement dit, malgré les progrès de la médecine, la mort physique risque d'être de plus en plus fréquemment précédée d'une mort sociale. Or, ces évolutions coïncident avec les difficultés des mécanismes traditionnels de protection sociale à faire face à l'accroissement du nombre de personnes à soutenir et à la complexité croissante des solutions. L'inadéquation des réponses fragilise à son tour l'ensemble de la société, déjà désorientée par son entrée dans un monde d'incertitudes. De fait, il va très vite s'avérer illusoire de penser pouvoir maintenir les maillons faibles de la chaîne sociétale au moment où les stables se voient eux-mêmes déstabilisés. Le nouvel âge de la réponse sociale… L’État moderne se trouve menacé dans l'une de ses raisons d'être : préserver la cohésion sociale par la complémentarité du système assurantiel et de l'action sociale. À moins qu'il ne soit possible de lui offrir une réelle perspective de mutation : consolider et compléter l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux par la mobilisation de chacun et par la prévention. Il faut maintenant agir pour favoriser la renaissance de solidarités de proximité, recréer des liens entre les générations, développer la sociabilité et renforcer pour tous le sentiment d'appartenance à une même collectivité. Pour y parvenir, la volonté d'un traitement global des problèmes doit 124
dorénavant inspirer les décideurs publics: il est en effet de plus en plus admis que la mise en synergie de l'ensemble des politiques publiques action sociale, culture, éducation, habitat, transports, santé, sport - devient indispensable pour renforcer la vitalité de notre contrat social. Cette dynamique de développement social complétera opportunément les systèmes de protection et d'aide sociales en favorisant l'épanouissement de réseaux d'écoute et d'entraide capables de soutenir les personnes en difficulté. De nombreux exemples étrangers témoignent de l’intérêt de la mobilisation de l'ensemble de la société autour des solidarités naturelles et de la citoyenneté. Déjà, des pactes locaux liant des collectivités locales, des associations, des entreprises, des établissements de formation au niveau d'un "pays", d'un quartier, d'une ville ou d'un bassin d'emploi, s'ébauchent ici ou là. Si les citoyens ne peuvent agir directement au niveau global, ils peuvent le faire au niveau local en s'organisant. La gravité de la crise qui affecte directement ou indirectement chacun d'entre nous, comme la prise de conscience de la vanité de nos certitudes, offrent aujourd'hui l'opportunité de passer enfin du discours aux actes. Le troisième pilier de la République… Mais le changement ne se concrétisera pas sans une interpellation plus générale de l'ensemble de la société. Seule l'évolution de notre regard sur la finalité de l'État nous permettra de surmonter la tendance des institutions publiques à instrumentaliser les acteurs de la société civile, à privilégier la norme sur l'incitation, et la régulation administrative sur la mobilisation spontanée. Nous avons peut être oublié que la force du pacte social ne reposait pas seulement sur la capacité de l'État à répondre à une quête de liberté, mais que, plus fondamentalement, la République devait tendre vers la réalisation d'un projet de société fondé sur le respect et le soutien à l'autre, en puisant dans chacun de nous les conditions de sa réussite. En d'autres termes, si le citoyen est établi dans sa liberté et reconnu dans son égalité d'accès aux droits, c'est pour participer activement à la consolidation du contrat social, en se donnant notamment comme repères la promotion des plus faibles et leur participation à la construction d'une société plus fraternelle. 125
Il est grand temps d'ouvrir un débat sur le fondement même de la République pour rappeler que si ses socles sont bien la Liberté et l'Égalité, la Fraternité en est la perspective. Pour affirmer que si la concrétisation de cette dernière n'est pas, comme on le soutint au XIXe siècle, la seule affaire des concitoyens, elle n'est pas non plus, à l'inverse, la seule affaire du Droit. En réalité, la Fraternité est l'affaire de tous : celle des pouvoirs publics, certes, mais aussi, à l'évidence, celle de la société dans la totalité de ses composantes et donc de chacun d’entre nous.
Être Fraternel… En apprenant ou en réapprenant à penser son action en termes : • d’écoute plus que d’autorité, dès qu’on a de l’autorité ; • de service plus que de prérogatives, dès qu’on a des prérogatives ; • de partage plus que d’accaparement, dès qu’on possède ; • de justice et d’équité plus que de rapports de force, dès qu’on a les rapports de force pour soi ; • de dignité de l’autre autant que de dignité de soi-même, dès qu’on a obtenu la reconnaissance de sa propre dignité ; On change le visage : • de l’autorité ; • du guichet ; Signez lʼappel et consultez la • de l’entreprise ; liste de ses signataires sur : • de l’action syndicale ; www.collectif-fraternite.com • de l’action publique ; • de la vie locale ; • du métro ; • de la rue ; • on redécouvre l’homme et le citoyen. C’est pourquoi nous, signataires de cet appel, souhaitons sous le signe... • de la clarté ; • du refus des mots sans chair, et de tout ce qui aide à fuir les faits et les responsabilités ; • de la conviction qu’il n’est qu’à ce prix possible d’incarner l’espérance républicaine et démocratique ; • d’une fraternité du sentir, du dire et du faire ; ... nous engager à agir pour que chacun concoure par sa participation à redonner un sens plus concret au vouloir vivre ensemble. 126
Annexe 2
Qu’est-ce que le Collectif appel à la Fraternité ? Créé pour porter la Grande cause Nationale consacrée à la Fraternité, le Collectif appel à la Fraternité s’inscrit dans le prolongement de l’Appel à la Fraternité lancé en 1999 (voir chapitre 5). Il a la même ambition : celle de rassembler des sensibilités diverses pour promouvoir une valeur fondamentale de la République. Son bureau est composé de personnalités issues de divers courants institutionnels (Jean-Michel Bloch-Lainé, Brigitte Dufour, Danièle Dumas, Patrick Gohet, René Lenoir, Jean-Louis Sanchez). Ses activités sont diverses : > Promotion de la Charte Municipale de la Fraternité dores et déjà signée par près de 700 maires, dont deux-tiers des maires des grandes villes. > Organisation et soutien aux évènements locaux de type pique-nique, journée, village de la Fraternité… > Animation de nombreuses conférences et débats sur le thème de la Fraternité (« Fonctions publiques et Fraternité », « Hôpital et Fraternité », « Médias et Fraternité », « Maires : comment renforcer leur impact sur le lien social ? », « Culture et lien social », « Soutien à la parentalité et éthique de fraternité »…) > Remise de « Prix de la Fraternité » aux villes et associations particulièrement impliquées. Toutes les informations sur le Collectif « appel à la Fraternité » sont disponibles sur : www.collectif-fraternite.com • Les partenaires associés du Collectif « appel à la Fraternité » sont : la Fondation EDF DiversiTerre, la fondation d’entreprise Gaz de France et les cinémas Gaumont et Pathé. • Les évènements organisés à Paris de 2004 à 2008 ont été réalisés en partenariat avec le Ministère de la culture, le Crédit Agricole, la Fondation EDF DiversiTerre, le Groupe la Poste, le Journal de l’Action Sociale, la fondation d’entreprise Gaz de France, l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée, Pathé-Gaumont, RATP, le Sénat, UNAPEI, Vae Solis corporate, la Ville de Paris, et la Mairie du 6ème arrondissement de Paris.
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Annexe 3
Le concept de Fraternité dans l’histoire Intervention de Michel Borgetto* Professeur à l’université Panthéon-Assas Paris 2 lors de la conférence organisée par le Collectif « Appel à la Fraternité » le 30 novembre 2006 sur le thème : « Service public : peut-on s’orienter vers une éthique de mission ? »
Le contenu du concept de fraternité a connu plusieurs évolutions essentielles qui ont élargi progressivement le champ de son application. Du sens religieux au sens patriotique, la fraternité s’est enrichie d’une dimension philosophique et juridique qui en font aujourd’hui toute sa modernité. Le premier fondement conceptuel de la fraternité a été la religion, et plus précisément les révélations juives et chrétiennes. Il y a un seul dieu, un seul père, et de ce fait, nous sommes automatiquement tous frères. Cette conception de la fraternité évolue notamment à partir des XVIème et XVIIème siècles, quand la société se sécularise : on considère alors que l’on est frères non pas tant parce que l’on a un dieu unique qui serait le père, mais parce qu’on a tous la même constitution. Enfin, troisième étape dans le processus d’émergence de la fraternité sur la scène politique, le XVIIIème siècle, siècle des Lumières. La notion de patrie est particulièrement travaillée par les philosophes et tend à se dissocier peu à peu du pays natal : la patrie est un lieu privilégié de liberté et d’égalité, mais aussi d’unité. Car le concept même de patrie – patria, la terre des pères – implique la possibilité d’évoquer la fraternité. La repré*Michel Borgetto a notamment réalisé une thèse de doctorat d’État sur la notion de fraternité. BORGETTO Michel, La notion de fraternité dans le droit public français. Le passé, le présent et l’avenir de la solidarité, L.G.D.J., 1993.
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sentation idéologique est la suivante : nous avons une patrie parce que nous sommes libres et égaux, et si nous avons une patrie, nous sommes donc frères. Et c’est cette représentation qui explique l’avènement sur la scène politique et juridique française de la notion de fraternité. Lorsque la Révolution se déclenche, c’est le discours dominant. Tout le monde, via les fêtes de fédération, via un certain nombre de serments de fidélité à la Nation, se revendique, se proclame, se reconnaît comme frères. Certes il existe alors un décalage entre le discours et la réalité, car le constituant de 1791 établit malgré tout une distinction entre les citoyens passifs et les citoyens actifs. Mais la force du discours va l’emporter : on ne peut pas impunément se réclamer de la fraternité sans en tirer un certain nombre de conséquences. Et ces conséquences sur le plan juridique seront tout à fait remarquables. C’est au nom de la fraternité que l’on va penser, théoriser, conceptualiser, proclamer et consacrer un certain nombre de droits sociaux, notamment le droit aux secours publics, le droit à l’assistance... Fraternité, “je t’aime moi non plus” Après la Révolution, vont se succéder des périodes de bannissement du mot même et des périodes de glorification du concept. Ainsi, après la mort de Robespierre, la fraternité devient “un sujet d’effroi pour l’homme vertueux”, pour reprendre une formule de Boissy-d’Anglas, et va tomber peu à peu en discrédit. Elle est associée à la fois à l’idée de République que l’on récuse, à l’idée des droits sociaux que l’on rejette, à l’idée de terreur que l’on condamne. Par conséquent, la fraternité ne peut plus être invoquée. Elle va subir un purgatoire d’une trentaine d’années environ jusqu’aux années 1830-1840. A ce moment en effet, elle peu à peu redécouverte dans le sillage de la résurgence de l’idée républicaine, de la montée en puissance des idées socialistes ou socialisantes, mais aussi de la réhabilitation progressive dont fait l’objet à ce moment-là la Révolution française. À la fin des années 1830, la fraternité devient le maître mot du langage politique. Elle est utilisée alors par tous les réformateurs, par toutes celles et tous ceux qui veulent remettre en cause la monarchie de LouisPhilippe : Cabet, Leroux, Considérant, Vidal, Louis Blanc, Lamartine… tous n’auront que le mot de fraternité à la bouche. Et lorsque survient la révolution de 1848, ces personnes n’auront qu’une première idée, celle d’inscrire la fraternité au cœur de la nouvelle République – la consti129
tution de la République affirme dans son préambule que la République a pour principes la liberté, l’égalité et la fraternité** . La fraternité est utilisée pour justifier la quasi-totalité des droits sociaux – droit à l’éducation, droit à l’instruction, droit à l’assistance, droit au travail… On part d’une représentation idéale de la République, des droits naturels, imprescriptibles et inaliénables de l’homme pour justifier le politique. La thèse alors développée est la suivante : parce que l’on est tous frères, on se doit d’être tous solidaires. La solidarité est à ce moment-là une conséquence de la fraternité. Thèse, antithèse, synthèse A partir de la fin du XIXème siècle, notamment sous l’influence de la sociologie qui veut ne s’en tenir qu’aux seuls faits et qui rejette toute abstraction métaphysique et tout idéalisme subjectiviste (Durkheim, Duguit), on renverse la problématique. La fraternité souffre alors, à tort ou à raison, de sa connotation religieuse, à un moment où République triomphante entame un combat assez féroce contre l’Église et tout ce qui, de près ou de loin, peut se rattacher à l’influence chrétienne. Mais elle est aussi rejetée sur le plan politique, les idées socialistes se développant. Car dans une société qui est censée être traversée par des luttes de classes antagonistes, féroces, cruelles, il n’y a pas de place pour la fraternité. Marx, dans son ouvrage sur la guerre civile en France, n’aura que sarcasmes à l’égard de cette fraternité qui se traduit par des répressions sanglantes. C’est donc au nom du principe de solidarité que l’on va faire avancer le droit. Là où on partait de la fraternité pour expliquer la solidarité, on part désormais de la solidarité pour déboucher sur une éventuelle et hypothétique fraternité. Thèse, antithèse… La synthèse est opérée essentiellement en 1946, lorsqu’à la Libération on s’aperçoit qu’on ne peut pas rejeter l’idéalisme philosophique, après 6 millions de morts dans les camps. On en revient donc à l’idée selon laquelle l’homme, parce qu’il est homme, a des droits inaliénables et sacrés sur lesquels on ne peut pas transiger. C’est l’héritage des révolutionnaires et des Lumières. **La devise républicaine est apparue sous la Révolution française mais la Révolution française n’avait pas de devise officielle, plusieurs cohabitaient. Ce n’est effectivement qu’en 1848 que la devise ternaire a été officialisée.
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Toutefois, l’idée persiste selon laquelle les droits de l’homme ne sauraient se réduire aux droits civils et politiques et doivent être prolongés par la reconnaissance d’un certain nombre de droits concrets, de droits sociaux et économiques, culturels. C’est l’héritage de la fin du XIXème siècle. C’est alors que la fraternité est réintégrée dans le discours et l’univers juridique français : on a des droits parce qu’on est tous solidaires, on doit être tous solidaires parce qu’on est tous dotés d’une éminente dignité et qu’on est tous frères en humanité. Dès lors, si la fraternité ne se décrète pas, elle constitue un principe qui peut inspirer le constituant, le législateur, le pouvoir réglementaire. Exemple : la création du revenu minimum d’insertion. Le fondement de l’allocation est bien la solidarité. Mais, le dispositif d’insertion qui accompagne le versement de l’allocation est bien inspiré d’un mouvement de fraternité : mettre tout en œuvre pour réinsérer l’autre dans la société afin de lui permettre de retrouver son éminente dignité – que cela fonctionne ou non est une autre question.
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Remerciements… Aux collaborateurs de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée, qui ont tous apporté leur contribution aux recherches qui ont inspiré cet ouvrage. Aux divers partenaires de l’Observatoire, pour leur fidèle soutien aux démarches d’analyse des dynamiques locales, et tout particulièrement au Ministère du Travail, des Relations sociales et de la solidarité. A Michel Dinet et René Lenoir, qui ont encouragé la réalisation de cet ouvrage et fait part de leurs précieux conseils. A Michel Aubert, Geneviève Avenard, Louis de Broissia, Estelle Camus, Hervé Carré, Pierre-Antoine Légoutière, Didier Lesueur, Claudine Padieu, François Quélennec, Anne-Marie Raffarin, Michel Rouzeau, Karine Senghor, Richard Senghor, qui ont eu la patience de lire et relire le manuscrit et d’apporter leur regard critique et constructif. A Ulysse Demneri, qui a maquetté cet ouvrage avec beaucoup de professionnalisme et de disponibilité. Ce livre est aussi le leur.
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