Philip Renard - Je' Est Une Porte [PDF]

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Zitiervorschau

Ik is een deur – deel 1: Ramana Maharshi

14/03/2014 21:31

‘Je’ est une porte – Partie 1: Ramana Maharshi par Philip Renard

Une des expressions les plus courantes sur un chemin de réalisation du Soi est ‘lâcher prise à l’ego’. Quelle en est la signification exacte? Bien entendu, elle ne se réfère pas à la forme banale de l’ego que tout le monde connaît, comme l’égocentrisme ou l’égoïsme. En effet, l’égoïsme est en fait clairement rejeté par tous, même par ceux qui ne suivent pas de chemin spirituel. Le lâcher prise à cette forme ‘primaire’ de l’ego est insuffisant sur une voie de libération. L’ego, mentionné par les enseignants des voies de libération pour être l’obstacle fondamental, est une activité pensante fonctionnant par projection, par identification avec un objet extérieur, qui en conséquence sera vu et jugé. C’est une représentation de soi, évaluée par une comparaison continuelle avec d’autres représentations soi-disant indépendantes, considérées comme étant inférieures ou supérieures à soimême. L’ego se compose en fait d’actes de comparaison. Il est aussi vu comme la conscience de soi-même, avec toutes ses inhibitions de la spontanéité ou de la vie qui en découlent implicitement. Il se rattache à la scission intérieure congénitale, à l’ornière des habitudes qui observe une autre partie du même ego d’un point de vue critique, et le bombarde d’opinions conflictuelles. La principale caractéristique de l’ego est son attachement à ses opinions à son propre sujet. Une image de soi-même a été construite et refuse de se dissoudre, en cherchant plutôt à se perpétuer. Voilà ce que nous appelons la ‘personne’ ; c’est l’entretien d’une image de soi-même. Chaque activité consciente de l’entité corps-mental, quand elle arrive à la ‘personne’, fait apparaître l’hypothèse d’un ‘je’ qui fait quelque chose, et ce ‘je’ serait une entité continue, durable. Je préfère appeler ceci le ‘je’, plutôt que l’ego, car il est plus facile à reconnaître comme étant quelque chose d’une plus grande subtilité que ‘l’ego primaire’ mentionné plus haut, même si les deux s’imbriquent l’un dans l’autre La différence principale, pourrait-on dire, est que, pour l’ego ‘primaire’, les autres vous dérangent et sont dérangés par vous, tandis que pour le ‘je’ subtil, vous êtes à vous-même votre propre problème. Bouddhistes et Védantistes sont d’accords sur le fait que ce ‘je’ devrait être abandonné si vous voulez la libération, mais ils sont en désaccord au sujet de la terminologie et sur la façon dont la croyance en ce ‘je’ peut être http://www.advaya.nl/deur1_fr.htm

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annihilée. Les Bouddhistes disent: « Il n’y a aucune entité, pas de ‘moi’ ou de ‘je’, seulement une séquence causale de processus psychiques et physiques conditionnés. » Pour le reste ils ne parlent pas d’un ‘je’, et vont jusqu’à désapprouver l’utilisation du terme ‘je’. Par exemple : « Quand nous regardons la nature de cela qui se sait comme étant « moi » ou ‘je’, et maintient fermement ce concept – il s’agit d’une vision étroite, confuse, erronée. » 1 A l’opposé, si les enseignants de l’Advaita Vedanta conviennent totalement avec les Bouddhistes de l’inexistence de l’entité ‘je’, ils continuent à s’exprimer en terme de ‘moi’ et de ‘je’, même quand ils se réfèrent à des degrés de réalité supérieure. Pourquoi cela ? Nous essaierons de donner une réponse dans la lumière de la ‘grande triade’ des enseignants de l’Advaita du vingtième siècle : Ramana Maharshi, Krishna Menon (Atmananda) et Nisargadatta Maharaj. Tous les trois utilisent le mot ‘Je’ pour désigner le principe le plus (ou à peu près) élevé, respectivement comme le ‘Je, Je’, le ‘Principe-Je’ et le ‘Je Suis’. Cela peut, si on le voit du point de vue du rejet du ‘Je’ comme une réalité, être la cause de l’incompréhension, du fait de l’insuffisance de la langue. Ecoutons tout d’abord l’aîné des trois, Bhagavan Shri Ramana Maharshi. Son influence fut la plus grande, et ce n’est pas pour rien que Ma Ananda Mayi l’appelait ‘le Soleil’.2 Il fut reconnu comme la voix authentique de l’Advaita, et son message porte la potentialité de la libération dans cette vie. Tout dans son enseignement pointait vers la signification authentique du ‘Je’. Il invitait le visiteur ou l’adepte en recherche d’une guidance à se poser à lui-même la question : « Qui suis-je ? », qu’il considérait comme la forme de l’auto-investigation (vichara). Il mettait en lumière la nature puissante de la question quand elle est posée de façon juste, faisant se dissoudre pensées et identifications. Bhagavan laissait l’effet de la question être expérimentée directement par l’adepte en quête de guidance. Il comprenait aussi que pour la plupart des gens l’expérience elle-même exigeait aussi des fondations solides pour une juste compréhension. La bonne interprétation de l’expérience est tout aussi importante que l’expérience elle-même. Il expliquait ainsi, à maintes reprises, de façon détaillée, la relation entre le ‘je’ et ce qu’est réellement ‘Je’, le Soi ultime. Il montrait la nécessité de tuer ou de détruire ‘je’ (aham-kara), ou la ‘pensée-je’ (aham-vritti), comme il l’appelait souvent. J’ai toujours pensé que c’était un très vilain tour de langage, parce qu’il paraît inviter le conflit. En général, une personne se trouve déjà engagée dans des luttes avec ellemême, et je pense que cette terminologie agressive exige une explication. Si le but final est la paix, l’escalade du conflit intérieur ne peut pas être l’intention. Shri Ramana pouvait lui-même s’exprimer différemment. Si quelqu’un lui demandait comment ce ‘je’ pouvait être éliminé, il répondait par exemple : « Vous n’avez pas besoin d’éliminer le faux ‘je’. Comment le ‘je’ pourrait-il s’éliminer lui-même ? Tout ce que vous avez besoin de faire, c’est trouver son origine et demeurer là. » 3 Il dit aussi, une autre fois, sur le sujet de tuer l’ego : « l’ego peut-il consentir à se tuer lui-même ? … Si vous cherchez http://www.advaya.nl/deur1_fr.htm

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l’ego, vous découvrirez qu’il n’existe pas. Telle est la façon de le détruire » 4 Et : « Comment une chose qui n’existe pas peut-elle être tuée ? » 5 « Vous découvrirez qu’il n’existe pas ». Voilà toujours et encore l’essence de son argumentation. Néanmoins Ramana parle souvent du ‘je’, et le décrit comme s’il existait. Ainsi commence-t-on à se demander : « mais alors qu’est-ce qui existe, et qu’est-ce qui n’existe pas ? » A cet égard, la citation suivante est éclairante. « Il y a le Soi absolu duquel une étincelle jaillit comme d’un feu. L’étincelle est appelée ego. Dans le cas d’un homme ignorant, il s’identifie immédiatement à un objet dès que celui-ci apparaît. Il ne peut pas rester indépendant d’une telle association avec les objets. Cette association est ajnana ou ignorance, dont la destruction est l’objectif de nos efforts. Si sa tendance à s’objectiver est tuée, il restera pur, et se fondra dans la source. » 6 Si à nouveau nous laissons de côté l’usage du mot ‘tuer’ pour le moment, « l’association avec les objets » mentionnée ci-dessus est la phrase clé – la tendance du ‘je’ à s’identifier avec les objets. Ceci est précisément l’erreur. Qu’est-ce qui est associé avec quoi ? Quoi ou qui commet cette erreur ? Ramana Maharshi parle à maintes reprises de ladite association comme étant un ‘nœud’ (granthi), le « nœud dans le Cœur ». « Même si ce corps dans son insensibilité ne peut pas dire ‘Je’ (c.-à-d. n’éprouve pas le sentiment ‘Je’), et même si la Conscience-Existence (SatChit, le Soi) ne se déploie pas et demeure sans base, entre les deux apparaît un ‘je’ de mesure du corps (l’identification à « je suis le corps »). Sachez que cela seul est le nœud entre la Conscience et le non-sensible (Chit-jadagranthi), l’esclavage (bandha), l’âme (jiva), le corps subtil (sukshma sharira), l’ego (ahamkara), l’état mondain d’activités (samsara), le mental (manas) et ainsi de suite. » 7 Pour Ramana, ce nœud doit être coupé. Mais encore une fois : que signifie cet acte d’une apparente violence ? Il revient toujours, finalement, à une signification de vision pénétrante. Seulement regarder. Vous pensez toujours être déjà en train de regarder, mais maintenant il vous est demandé de regarder comme si c’était la première fois. Si vous suivez cette indication, vous observerez où se trouve vraiment cette ‘personne-je’ (qui est le nœud évoqué plus haut). Où est-ce que je trouve cette ‘personne-je’ ? Ramana avait utilisé un très bon exemple pour illustrer ceci. « (L’ego) est un lien non matériel entre le corps et Conscience Pure. Il n’est pas réel. Tant que nous ne le regardons pas attentivement, il continue à poser des problèmes. Mais quand nous le cherchons, nous trouvons qu’il n’existe pas. Lors d’un mariage hindou, la fête se poursuit tout au long de cinq ou six jours. Un étranger fut pris par erreur pour le garçon d’honneur par les proches de la mariée. Ils le traitèrent donc avec beaucoup d’égard. En le voyant recevoir tant de considération de leur part, le parti du marié le considéra à son tour comme un homme d’importance lié au parti de la mariée. Ils lui montrèrent à leur tour un respect particulier. Avec tout ça, l’étranger prenait du bon temps. Et en même temps, il était tout au long de cette histoire averti de la situation réelle. A un moment donné, le parti du http://www.advaya.nl/deur1_fr.htm

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marié voulut s’en référer à lui sur une question quelconque. Ils le firent demander. L’étranger flaira le problème et s’esquiva. Tel est l’ego. Si nous le cherchons, il disparaît. » 8 La Conscience étant connectée à la matière non-sensible, l’étincelle provenant en apparence de la Conscience commet l’erreur et s’agrippe immédiatement à ce lien avec le non-sensible. Ceci est appelé ‘attachement’. En accordant une attention très présente à la réalité de ce lien, son inexistence devient apparente. En conséquence, le ‘je’ existe car il n’est pas investigué. Il s’agit d’une façon d’insister. Une insistance sur la fin de quelque chose (c’est pourquoi des termes comme ‘détruire’ sont utilisés), par la vision de son inexistence. On trouve aussi un autre aspect, pour moi encore plus essentiel. La terminologie selon laquelle quelque chose doit se finir d’abord (« voir à travers », « tuer », etc.) peut être, après tout, interprétée comme un événement dans le temps, une séquence. Le message semble être : ‘Tout d’abord ceci, et seulement ensuite la liberté’. Il est clair pour moi qu’en fait Ramana insiste avec force sur l’éternel-présent, l’aspect de luminosité intrinsèque au ‘Je’ - qui est déjà maintenant présent et disponible en moi. Malgré le nœud créé par la Conscience avec son objet, le corps physique, la Conscience en tant que telle est continuellement restée pure, non mélangée avec quoi que ce soit. Nous sommes invités à reconnaître et à comprendre que le ‘je’ a toujours été le ‘produit’ de la Conscience en tant que telle. « L’ego fonctionne comme le nœud entre le Soi, qui est Conscience pure (Chit), et le corps physique inerte et non-sensible (jada). L’ego est donc appelé le chit-jada granthi. Dans votre investigation de la Source de ahamvritti, vous prenez l’aspect essentiel Chit de l’ego : et pour cette raison, la recherche doit mener à la réalisation de la Conscience pure du Soi. » 9 Le aham-vritti dont il est question ici (la pensée-‘je’) est aussi appelé aham-idam par Ramana ; la combinaison du « Je » (aham) avec un objet, une pensée au sujet de quelque chose, un ‘ceci’ (idam). 10 Aham-idam est donc constitué de pure Conscience, ou pur ‘Je’, et de tout ce dont la Conscience est consciente de, pour ainsi dire, de tout ce qui est un objet du ‘Je’. La plupart du temps, cet objet (idam) est remplacé par un autre toutes les millisecondes. Dans la pensée-‘je‘» se produit ainsi un continuel tournoiement de ‘ceci’, par lequel le ‘Je’ s’identifie avec de nombreux ‘ceci’ (‘je suis ceci’, aham-idam), en même temps qu’il établit une séparation (‘moi et ceci’, c’est-à-dire aussi aham-idam). Dans la combinaison ahamidam, idam se réfère toujours à une multiplicité, une alternance continue. Cependant l’aham reste toujours identique à lui-même. Il reste toujours unique. C’est un point important. En fait, ce que nous appelons un ‘objet’ (que ce soit un objet matériel, perceptible par les sens, ou un objet psychique, une pensée) résulte toujours de l’existence simultanée du sujet et de l’objet, aham et idam (‘Je’ et ‘ceci’). J’expérimente maintenant la présence de cet objet particulier ; maintenant j’expérimente la présence d’un nouvel objet ; et maintenant j’expérimente la présence d’un autre objet, etc. C’est toujours aham-idam. Il y a toujours cet amalgame, ce mélange (lequel est en fait identique au nœud de Chit et jada http://www.advaya.nl/deur1_fr.htm

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mentionné plus tôt). Et dans tout ceci, aham reste toujours le même. En d’autres termes, pendant tout le temps où nous imaginons qu’il y a seulement des objets soumis à notre attention, il y a aussi simultanément ‘Je’, en tant que sujet. Mais notons, s’il vous plaît, que ce n’est pas en tant que le ‘Je’, car cette forme personnelle est en fait un objet, doté d’une existence seulement temporaire, mais que nous faisons référence au sujet (‘Je’) sans lequel aucun objet n’est possible. Alors, tout simplement, rien ne se passe. Le conseil de Ramana se lit de la façon suivante : demeurez avec le sujet toujours-présent. Et même si vous êtes attirés à maintes reprises vers des objets, ceci n’est pas grave. Dès que vous devenez informé de cette attirance, vous reconnaissez immédiatement le sujet (l’aspect lumineux) inévitablement présent dans l’objet leurre. C’est toujours là. Ce n’est jamais absent. Le conseil est de demeurer avec aham, ‘Je’, et il devient de plus en plus pur, et de moins en moins distrait par des croyances telles que ‘je suis ceci’, ‘je fais bien’, ‘je ne vaux rien’, etc. En suivant ces indications, vous reconnaissez la présence du pur ‘Je’, toujours sujet, intrinsèquement lumineux, donnant de sa lumière à tout objet. De sa lumière ? Oui, de la sienne, car plus vous recherchez la source du ‘Je’, et plus vous pouvez voir que le ‘je’ est en fait totalement ‘Je’, totalement non-objet, rayonnant, un continu ‘Je, Je, Je, Je, Je, Je, Je’. Dès maintenant, ‘Je’ est présent et rayonnant en permanence. Oui, il est encore ‘empêtré’ avec toutes sortes de ‘ceci’, mais cela ne change ni son rayonnement ni sa luminosité. Mais les ‘ceci’ sont reconnus comme tels, et une fois sortis ils se dissolvent dans le pur ‘Je’. L’effet de la question ‘qui suis-je ?’ est que tous les ‘ceci’ s’effacent, et seul demeure le vide, une absence de tous les objets. C’est ‘Je’ dans la pure essence du mot. En demeurant ici, vous vous êtes fondu dans ce que Ramana appelait Aham sphurana, la toute première vibration- ‘Je’, la source de toute la manifestation. Ramana utilisait souvent l’expression Aham sphurana comme une indication pour ‘Je, Je’ (Aham Aham) 11, l’émanation la plus fondamentale du ‘Je’. Sphurana est quelque chose comme le tout premier rayonnement, la vibration de l’origine encore totalement pure. Aham sphurana est présent de façon continue, toujours neuf et frais, et c’est exactement ce que ‘je’ suis toujours. En réalité, ‘Je’ n’a jamais été dévoré ou ne s’est jamais empêtré dans quoi que ce soit. Cette insistance est cruciale. Autrement le malentendu, qui se trouve dans la croyance en l’existence d’un ‘je’ réellement mauvais qui doit être détruit, et en celle d’une sorte de no man’s land dans lequel un ‘je’ nouveau et propre apparaîtra, ne peut que s’approfondir. En réalité, il n’y a pas deux ‘je’ ; aucun ‘je’ n’a besoin d’être remplacé par un ‘je’ propre ou pur. 12 Le ‘Je’ est toujours le même, toujours intrinsèquement lumineux et constamment présent. Le terme ‘annihilé’ (nasha) utilisé par Ramana fait référence à la pensée-‘je’ (aham-vritti), l’enchevêtrement du ‘Je’ avec un objet (ahamidam), l’inclination du ‘Je’ à se présenter comme un objet. http://www.advaya.nl/deur1_fr.htm

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Cela a déjà été noté dans la citation issue des Entretiens avec Sri Ramana Maharshi, Entretien 286 (voyez la note correspondante). Cependant, lors d’un entretien, décrivant la fin de l’enchevêtrement du ‘Je’ avec un objet, Ramana utilise la terminologie « le ‘Je’ reste pur », signifiant par là qu’il « reste ‘Je’ dans son état pur, primordial. » Il ne dit pas : « un nouveau ‘Je’ vient à exister. » Quelque chose a toujours été là, et cela reste dans sa forme pure : ‘Je-Je’. Une autre fois, il dit : « Le ‘Je’ lance l’illusion du ‘je’ et demeure néanmoins ‘Je’. Tel est le paradoxe de la Réalisation du Soi. Le réalisé ne voit aucune contradiction dans cela. » 13 Et plus loin : « Seule l’annihilation du ‘je’ [la pensée-‘je’] est Libération. Mais elle ne peut être gagnée qu’en conservant toujours le regard sur le ‘Je-Je’. … Il y a un seul ‘Je’ tout le temps ; mais ce qui apparaît de temps en temps est la fausse pensée-‘je’ ; alors que le ‘Je’ intuitif demeure le Soi lumineux, c’est-à-dire, même avant qu’il ne devienne manifeste ». 14 Quand nous acceptons le conseil de garder notre totale attention sur le sujet pur, l’aspect qui est pure conscience exclut tous les objets ; la question peut se poser alors : cette insistance sur le pur ‘Je’ n’est-elle pas un peu étrange pour une approche qui se prétend non-duelle ? Le point de départ originel des deux réalités (la Conscience et la matière inerte) résonne déjà de façon dualiste. En outre, le conseil de focaliser totalement votre attention à une seule de ces deux réalités, la Conscience pure ou le pur ‘Je’ (ou ‘Je-Je’, le Sujet) a pour effet d’exclure en fait toute autre chose : on pourrait donc légitimement qualifier cette démarche de dualiste. Ne sommes-nous pas arrivés ici au piège tendu par l’Advaita, qui paraît nous encourager à nous séparer nous-mêmes de la vie quotidienne en tant qu’êtres faits de pensées, de sentiments et d’agir. Comment une telle approche dualiste peut-elle jamais mener à la non-dualité ? En réponse, Sri Ramana dirait qu’aussi longtemps que vous ressentez l’objectif comme étant séparé du sujet, vous vous regardez d’un point de vue dualiste, et vous devez donc insister seulement sur l’aspect de la conscience. « Il doit tout d’abord discriminer la conscience (chit) du non sensible (jada) et être la conscience seulement. Plus tard laissez-le réaliser que le nonsensible n’est pas hors de la conscience ». 15 Et : « Connaissez d’abord le sujet, puis ensuite les questions sur l’objet. Le sujet comprend aussi l’objet. Cet aspect particulier est un point de toute-compréhension. Voyez vous vous-même en premier puis voyez les objets. » 16 « ‘Je’, ‘ceci’ apparaissent ensemble maintenant. Mais ‘ceci’ (idam) est contenu dans le ‘Je’ (aham) - ils ne sont pas séparément. ‘Ceci’ doit se dissoudre et devenir un avec ‘Je’. Le ‘Je’ qui reste est le vrai ‘Je’ ». 17 Ce ‘Je’ constamment présent et vrai est le ‘Je-Je’, ce qui demeure quand le mélange ‘je suis ceci’ ou ‘moi, ceci’ est purifié de tous les ‘ceci’ au moyen de la question ‘Qui suis-je ?’. Le ‘ Je-Je’ qui demeure ne peut devenir manifeste (sphurana) qu’avec la chute du voile formé par tous les ‘ceci’. Ce sphurana, cette forme fondamentale de manifestation n’est pas une manifestation dans le sens habituel du mot. Ce n’est pas quelque chose par lequel il pourrait y avoir multiplicité. Vous ne pouvez pas le changer en un objet. Vous pouvez seulement vous fondre en lui, par la reconnaissance --http://www.advaya.nl/deur1_fr.htm

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Je, Je, Je, continu, inaltérable, sans forme, sans contenu, sans son et sans couleur. Voilà tout ce que vous devez faire ; demeurez en ce lieu, restez-y et reposez-vous dedans. Tout ce qui est possible au-delà 18, ‘l’Absolu’, l’Eveil ou quel que soit le nom utilisé, est de l’ordre de la Grâce. Demeurez en ce lieu, ‘Je-Je’. C’est ici que votre recherche prend fin. Donc, en réponse à la question ‘pourquoi les enseignants de l’Advaita utilisent-ils le terme ‘je’ comme une indication de quelque chose de vrai ? ’, il peut être répondu que c’est à cause de la si grande proximité de ‘Je’ ; c’est la chose la plus proche qui soit. Tout le monde le reconnaît comme ‘soimême’. Voilà tout ce qui est au sujet de la Réalisation du Soi, et chacun de nous doit voir pour lui-même que le ‘Je’ est la présence qui est constamment ici ; c’est l’entrée de la Réalité. L’entrée n’est jamais ailleurs. Vous n’avez pas besoin de la chercher. Vous n’avez pas besoin d’aller ailleurs pour expérimenter le ‘Je’. Où que vous alliez, vous êtes déjà là. ‘Je’ est déjà là. ‘Je’ est une porte, et elle est toujours ouverte. Revue 3e Millénaire, (Eté 2004, No. 72; p. 72-77. Traduction française, à partir de la traduction anglaise: www.revue3emillenaire.com NOTES Note générale: les italiques présentes dans les citations de Shri Ramana Maharshi sont les miennes; PhR. 1. Tsoknyi Rinpoche, Drubwang, Carefree Dignity. Discourses on Training in the Nature of Mind. Kathmandu : Rangjung Yeshe, 1998 ; p.31. 2. « Il était le Soleil, et nous sommes ses rayons. » Voir dans Dattatreya: Glory of the Divine in Man, dernière page du chapitre ‘The descent of the Divine’. Vidyanagar 1981. 3. Talks with Sri Ramana Maharshi. Trois volumes en un. Tiruvannamalai (Tamil Nadu) : Sri Ramanasramam, 1955; nr.197. A partir d’ici mentionnés comme Talks. 4. Talks ; nr. 615. 5. Talks ; nr. 328. 6. Talks ; nr. 286 ; voir aussi la traduction légèrement déviante dans Maharshi’s Gospel. Tiruvannamalai : Ramanasramam, 1939; 6e édition, 1957; p. 26-27. 7. Ulladu Narpadu (Quarante Versets), Verset 24. Traduit par Sri Sadhu Om, dans son The Path of Sri Ramana ; Première Partie. Tiruvannamalai : Sri Ramana Kshetra, 1971 ; p. 60. Des capitales sont ajoutées conformément à l’usage dans la citation de la note 9. 8. Talks ; nr. 612. 9. Maharshi’s Gospel ; 6e édition, 1957; p. 82. 10.Vor pour l’usage de aham-idam par Sri Ramana : Talks, nrs. 177, 277, 314, 323, 363, 569, 577, 589 et 626,. Nous recommandons à ceux qui seraient intéressés par l’usage des termes aham et idam dans la Tradition de l’Advaita, Michael Comans : The Method of Early Advaita Vedanta. Delhi : M. Banarsidass, 2000 ; p. 425-436. Ces pages, dans ce livre excellent, explorent l’approche de Padmapada, un disciple direct de Shankara. Padmapada fut peut-être le premier à avoir utilisé cette terminologie (anidam, non-ceci, au lieu de aham). Aham-idam en tant que terme est aussi utilisé dans la Tradition du Shivaïsme du Cachemire ; il a alors trait à la fusion de l’Absolu (Aham) avec le manifesté (idam). 11.A propos du terme ‘Je-Je’ (Aham Aham), je considère ce terme comme plus approprié que le terme plus connu ‘le Soi’, car ‘Je-Je’ exprime constamment sur le plan linguistique la première personne, tandis que « le Soi » est tierce personne. Peut-être http://www.advaya.nl/deur1_fr.htm

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Ramana a-t-il choisi le terme ‘Je-Je’ d’après le Viveka-chudamani (attribué à Shankara, probablement par erreur). Ce terme peut être trouvé là dans les vers 137 et 219. Dès son jeune âge, Ramana avait traduit ce texte en Tamoul. Dans sa traduction, Bhagavan a ajouté le terme ‘Je-Je’ dans plusieurs vers (127, 213, 214, 381, 409 et 536). D’après mon expérience, la meilleure traduction anglaise du Viveka-chudamani est celle de Anthony J. Alston, The Crest Jewel of Wisdom. Londres: Shanti Sadan, 1997; p. 86 et 135. 12.Voir l’article excellent « ‘I‘ and ‘I-I’ : a Reader’s Query », par David Godman dans The Mountain Path ; Vol. 28, nr. 1&2, juin 1991; pp. 79-88. 13. Talks ; nr. 28. 14. Talks ; nr. 139. 15. Talks ; nr. 192. 16. Talks ; nr. 199; voir aussi nr. 310. 17. Talks ; nr. 626. 18. ‘Au-delà’ implique que l’attitude du chercheur peut être poursuivie. Être porté par Aham sphurana signifie réellement que même le pouvoir de discrimination, notre outil de loin le plus efficace, serait abandonné. Ce pouvoir fut bien utile en nous permettant de discriminer la différence entre ‘Je’ (aham) et ‘ceci’ (idam), mais son rôle est terminé. Seule la soumission à la Réalité permanente est ici demandée. Le lecteur pourra se référer aux ouvrages en français sur Ramana Maharshi :

L’enseignement de Ramana Maharshi, Ed. Albin Michel, préface de Jean Herbert (1972) ; il s’agit d’une traduction, semble-t-il incomplète, des trois volumes de Talks with Sri Ramana Maharshi, ouvrage auquel se réfère Philip Renard. L’évangile de Ramana Maharshi Ed. Le Courrier du Livre (1970). Œuvres réunies de Ramana Maharshi, Editions Traditionnelles (1979) Sois ce que tu es, par David Godman. Ed. Jean maisonneuve (1988). Philip Renard enseigne à la Fondation Advaya, en Hollande. Né en 1944, il découvrit la spiritualité au travers d’une méthode d’enseignement d’origine Javanaise, appelée Subud, dans laquelle un exercice appelé Latihan lui donna la base d’une vision pénétrante (insight), libre de tout concept et de toute méthode. La non-dualité est au centre de l’enseignement de Philip Renard, et le but de la Fondation Advaya est de mettre la non-dualité au centre de l’attention.

http://www.advaya.nl/deur1_fr.htm

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'Je' est une porte – Partie 2: Nisargadatta Maharaj

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‘Je’ est une porte – Partie 2: Nisargadatta Maharaj par Philip Renard

Dans la première partie de ‘Je est une porte’, je décrivais un phénomène frappant : le fait que l’Advaita Vedanta conserve le terme ‘Je’ pour désigner les degrés de réalité les plus élevés, ceux qui transcendent la personne. Le maintien de cette cohérence constitue une aide pour le chercheur à comprendre que la notion ‘Je’, évidente dans l’expérience de la personne en tant que telle, est en fait plus profonde que ce que la personne temporaire peut en dire. La notion ‘Je’ existe déjà maintenant et s’établit sans discontinuité. Le contact avec Cela que vous êtes vraiment ne nécessite aucun préalable d’élimination ou d’exclusion de quoi que ce soit. Dans la première partie, j’ai examiné l’approche de Shri Ramana Maharshi. Cette fois-ci, je souhaite étudier la façon dont Sri Nisargadatta Maharaj (18971981) aborde la question. Selon moi, Nisargadatta Maharaj fut un des plus grands enseignants du 20e siècle. Ce qui, en particulier, le rend si important est sa remarquable capacité à montrer que tout ce qui pouvait lui être demandé n’était fait que de concepts. Puis il annihilait ces concepts en mettant en évidence leur inutilité. Quelle que soit la question, ou la réponse, avec laquelle se présentait le visiteur, Nisargadatta démontrait qu’elle se réduisait à un attachement à des schémas de pensées ou des concepts. Il se référait alors à leur origine, et il renvoyait à cette origine, à la source. Tout, absolument tout, était miné par le fait même d’être un concept, et était donc faux, y compris ce qu’il venait de dire. Il insistait sur le fait que seul le vrai est dénué de tout concept. Le seul moyen d’apprendre de lui est, puisqu’il n’est plus de ce monde, de lire ses livres (on peut aussi y ajouter quelques extraits de darshan visibles par vidéo). Lors de cette lecture, il devient évident, voire amusant, de constater que lui-même, grand démineur de concepts s’il en fut, a recours en permanence à des concepts. Dans ses passages de niveau en niveau, il emploie de nombreux termes sanskrit pour décrire un niveau, puis ressert les mêmes ou à peu près pour un autre niveau, et enfin dissout l’ensemble dans ce qu’il appelle « l’état profond bleu et noir de la non expérience. » Malheureusement, de ce fait, de nombreux chercheurs ayant déjà un aperçu de la réalité de qui ils sont, poursuivent leur quête à cause du message « vous n’êtes que l’Absolu ». Ils soutiennent assidûment qu’ils « connaissent déjà la conscience », mais ils expriment en même temps leur frustration d’avoir manqué« l’étape suivante ». http://www.advaya.nl/deur2_fr.htm

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'Je' est une porte – Partie 2: Nisargadatta Maharaj

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J’ai l’audace d’affirmer qu’il n’y a pas d’étape suivante. Tout ceci se rapporte aux limites de ce qui peut être expérimenté, et au fait de demeurer totalement là. Nul ne devrait être induit en erreur par un quelconque commentaire sur l’Absolu, ni être séduit par la recherche de l’Absolu. Néanmoins, pourrait-on objecter, Nisargadatta fait des commentaires sur l’Absolu à longueur de temps, et souligne encore et toujours que rien d’autre n’est réel ! Ceci est à coup sûr une impasse : entendre que nous sommes Cela, et être en même temps incapable de l’expérimenter, a pour effet de nous faire rechercher cette expérience. Tel est le constant paradoxe auquel Maharaj nous expose. Comment faire avec ce paradoxe ? Maharaj répondit lui-même à la question – et ceci par un concept particulier, qu’il décrivit par les termes ‘la connaissance Je Suis’, ou encore l’état ‘Je Suis’. Plus avant dans cet article, Nisargadatta Maharaj était qualifié d’important parce qu’il déminait sans crainte, l’un après l’autre, tous les concepts. Mais nous pouvons aussi le qualifier d’important pour avoir à son tour introduit ce concept, l’état ‘Je Suis’, qu’il considérait comme devant être digéré, avalé et dissous. Il le décrivait comme la « remède ultime ». Il est vrai qu’il l’appela aussi « la maladie elle-même » , ou « la souffrance elle-même », au moins aussi souvent. Cependant, avec la même insistance, il indiqua souvent que ce concept précis est le parfait remède, et pointe vers la liberté. Ainsi, nous voici à nouveau face à un paradoxe : quelque chose qui est la maladie, se trouve être en même temps, dans sa nature essentielle, le remède. Une citation donne les clefs permettant de pénétrer dans ce paradoxe. A mes yeux, il s’agit là de la plus belle citation qui puisse être. En effet, le complet mystère de l’existence y est décrit en quelques phrases, jusqu’à la manœuvre permettant de pénétrer ce mystère. Tout s’y trouve, et tous les textes qui suivent de Maharaj peuvent être interprétés depuis cette perspective. « Ce contact avec l’état ‘Je Suis’ est en chaque être ; cet état d’être possède ce contact d’amour pour l’Absolu, et il s’agit d’une représentation de l’Absolu. […] L’Absolu prédomine seul. La vérité est Brahman (Para Brahman) dans son unique totalité, rien d’autre que Brahman. Dans l’état de Brahman absolu, le contact avec l’état d’être, le ‘Je Suis’ commença, et avec lui sont apparus la séparation, le sentiment de l’autre. Mais cet état ‘Je Suis’ est plus qu’un petit principe ; il est le Mula-Maya lui-même, l’illusion primordiale […]. Le grand principe Maya vous fait passer par tous ses tours, tous ses pièges, et vous êtes aussi soumis à tout ce qu’elle dit. Enfin, cette lumière qui est vôtre, cette état d’être, s’éteint […] Cette Maya est si puissante qu’elle vous enveloppe totalement. Maya veut dire ‘je Suis’, ‘j’aime être’. Elle n’a aucune identité en dehors de l’amour. Cette connaissance du ‘Je Suis’ constitue en même temps l’adversaire le plus redoutable et le meilleur ami. Même s’il s’agit de votre plus grand ennemi, si vous l’apaisez de la bonne façon, elle se transformera et vous guidera vers les états les plus élevés. »1

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Le sens du ‘Je Suis‘ est un principe universel, présent d’une façon exactement semblable chez tout être humain, précédant toute interprétation du type « je suis Jean » ou « je suis Anne » ; ou, en d’autres termes, « je suis telle ou telle personne ». Nisargadatta (ou plutôt ses traducteurs) avait l’habitude d’utiliser ce sens du ‘Je Suis’ conjointement au terme ‘conscience’ (chetana). Il est justifié de s’attarder sur la signification attribuée par Nisargadatta à ce terme, pour la simple raison qu’il qualifiait souvent cette conscience d’illusoire, et aussi du fait que d’autres enseignants utilisent le mot « conscience » pour témoigner précisément de l’Ultime (c’est d’ailleurs ainsi que se traduit le mot chit, au lieu de chetana ; voir par exemple ‘Je est la porte’, partie I). Il le remplaçait par de nombreux synonymes, comme « connaissance », « état de Krishna », « conscience enfantine », « germe », « témoin », « Dieu », « être », « état d’être », « sattva », « la chimie », « Saguna Brahman », « le manifesté », « le principe suprême »: tous ces termes reviennent au même. Ils évoquent tous un contact. Sans raison aucune, quelque chose apparaît spontanément, au sein de quelque chose qui est hors de toute expérience, de tout savoir, de toute forme, et qui n’est finalement pas une ‘chose’. C’est seulement au moment où vous le constatez, que vous pouvez dire que ‘quelque chose’ arrive, mais pas avant. La manifestation et la constatation de cela sont une seule et même chose, appelée ‘contact’. Il s’agit de la toute première vibration, la forme la plus subtile de contact appelée ‘conscience’ par Nisargadatta, le principe ‘Je Suis’. L’élément fondamental de cette citation doit être trouvée dans le dernier paragraphe : « Cette connaissance du ‘Je Suis’ constitue en même temps l’adversaire le plus redoutable et le meilleur ami ». Tout s’y trouve – et il en résulte que vous pouvez être abandonné ici avec une accablante sensation de désorientation. Celle-ci, bien souvent, se renforce à la lecture d’autres passages, du fait de l’accent mis sur l’illusion (« l’adversaire le plus redoutable »). En effet, ce qui est réellement vrai, l’Absolu, est décrit comme « quelque chose qui ne peut être expérimenté ». Pourtant, il est nettement affirmé ici que même s’il est votre plus grand ennemi, vous seriez bien avisé de le révérer. Illusion ou non, là où nous sommes, peu importe car ultimement il n’y a que Dieu, le principe créateur éternel à la source de toute chose. Il est vrai que vous pouvez être séduit par la forme au point de vous y attacher, mais c’est également par ce même principe que vous pouvez être libéré de cet attachement. Dans un des Puranas, les ‘vieux livres’ de l’hindouisme, on peut trouver un passage ressemblant à notre citation : « Quand Elle est heureuse, Elle devient propice et la cause de la liberté de l’homme. »2 Ce texte relève de l’adoration de ce principe, qui doit être aussi totale que possible ; il s’agit de lui accorder toute notre attention, de lui plaire. Le sens de « vous êtes » est si commun, si ordinaire, que vous le négligez aisément, et c’est pourquoi Nisargadatta insiste tant sur le contraire, c’est-à-dire d’honorer pleinement ce sens : le révérer comme le Dieu le plus élevé. Il martèle cela sans cesse pour que le calme se fasse là où nous sommes, et ce afin que nous puissions adorer pleinement cette conscience, ce contact. http://www.advaya.nl/deur2_fr.htm

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« Adorez atman (‘vous êtes’) comme un Dieu ; il n’y a rien d’autre. Vous adorez ce principe seul ; rien d’autre ne doit être fait. Cette connaissance ‘vous êtes’ vous conduira au plus haut, à l’Ultime. Ce ‘vous êtes’ sera présent en vous aussi longtemps que votre respiration. En adorant ce ‘vous êtes’ comme l’unique Brahman manifesté (Saguna Brahman), vous atteignez l’immortalité. […] Vous devez vous souvenir continuellement, ‘ruminer’ […] vous devez y penser en permanence »3[…] La signification exacte de cette ‘adoration’ nous interroge. En effet, on associe automatiquement à ce mot l’apparition d’une prière verbale. En réalité, adorer consiste à ‘porter son attention sur quelque chose de tout son cœur’. Dans ce monde, être amoureux en constitue le meilleur exemple. Votre attention se projette totalement sur l’être aimé, que vous le ‘vouliez’ ou non. Vous en êtes empli et tout ce qui va dans la direction de cet amour se fait sans effort. Cela, nous pouvons l’appeler ‘adoration’. Et maintenant, nous voici invités à pratiquer cette adoration : être amoureux de notre conscience ordinaire elle-même, l’expérimenter formellement en tant que telle, ‘le contact avec l’état d’être’, ‘e sentiment d’être’. Comment sommes-nous donc supposés mettre en pratique une telle adoration ? C’est par la fusion totale avec votre état d’être, avec votre vibration primordiale. Projettez dans votre passion dans ce ‘lieu’ inlocalisable, encouragez cette vibration, et ne vous inquiétez pas du fait qu’il s’agit toujours d’une forme de dualité, d’une forme d’énergie ou de ‘corporalité’. Adorez-la, chérissez-la, ne vous retenez pas, donnez-vous pleinement à Elle, et ainsi vous vous dissoudrez en Elle. Alors Elle vous montre, dans cette fusion, que ‘deux’ cesse d’exister. Elle ne peut être votre ennemi que si vous vous laissez être emporté par Sa tentation. « La première source de toute joie est votre être ; soyez là. Si vous êtes emportés par le flot de la Maya, vous serez dans la souffrance. […] Demeurez toujours dans votre état d’être. » 4 Nisargadatta met ici en évidence la façon dont, au sein du ‘principe suprême’, le principe ‘Je Suis’, l’élément libérateur, peut être distingué de l’élément de séduction, d’attachement. Parfois, je compare cela à une fontaine au milieu d’un bassin. Le principe ‘Je Suis’ est la bouche de la fontaine. C’est de là que l’eau jaillit vers le haut avec force, créant des milliers de gouttes et la forme globale qui en résulte est appelée ‘fontaine’. C’est à peine si le bouche de la fontaine est matérialisée, il n’y a que l’expérience de la force de propulsion qui est à être, ce qui va faire apparaître la forme. Le conseil est alors : restez dans la bouche de la fontaine, demeurez-y, et abandonnez-vous à sa vibration sans forme. N’essayez en aucun cas de manipuler la force elle-même. « Quel processus naturel pouvez-vous arrêter ? Tout est spontané. Vous êtes maintenant dans la conscience, qui est mouvante, vibrante. Ne pensez pas que vous êtes séparé de cette conscience mouvante et vibrante »5 En restant dans la bouche de la fontaine, adorant Cela qui génère tout ce déploiement, vous êtes rendu libre. « La ferme détermination du dévot, et l’attrait de Dieu pour cette dévotion, les font s’attirer mutuellement. Le moment de leur rencontre face http://www.advaya.nl/deur2_fr.htm

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à face est celui où ils se fondent l’un en l’autre. Le dévot perd automatiquement sa conscience phénoménale, et lors de son retour à luimême, il découvre qu’il avait perdu son identité – perdu dans ce qui en Dieu ne peut être séparé à nouveau »6 ; rajoutons : « Je suis le Dieu, je suis le dévot, et je suis l’adorateur ; tout est pareil, un seul principe commun . »7 Le caractère divin de Maya, la Séductrice, s’atténue dès lors que vous comprenez la nécessité de ne pas vous laisser entraîner par Elle dans Ses formes de création. Vous devez simplement noter Ce qui La voit. « Méditer sur ce qui est averti que vous êtes assis ici. La sensation que votre corps est ici est l’identification au corps, mais ce qui est averti que votre corps est assis ici est l’expression de l’Absolu . » 8 Le caractère libérateur du principe ‘Je Suis’ est tout autant présent dans la connaissance que dans le renoncement. Ici l’approche du jnana (la connaissance, la compréhension) et de la bhakti (dévotion) sont fondues totalement l’une dans l’autre. Il en résulte parfois que la discrimination dans l’abandon n’est plus nécessaire, et parfois que la compréhension évite l’erreur d’un abandon qui ne serait en fait que soumission à la manifestation elle-même, aux formes transitoires. L’abandon n’est juste que dans l’abandon à Cela qui est permanent. « Tout d’abord, j’ai été séduit par Maya, puis quand la Maya m’a abandonné, je n’ai plus eu besoin de Maya, et je l’ai ainsi rejetée. »9 Notons, par exemple, que le corps assis ici pourrait être appelé « connaissance ». Cette connaissance est en fait connaître en tant que tel, et c’est là l’élément libérateur, car la connaissance est littéralement l’expression de l’Absolu, comme nous l’avons précisé précédemment dans notre citation (note 8). La Conscience Absolue ou le Connaître 10 s’exprime elle-même dans le fait de « connaître quelque chose ». La ‘conscience’ et ‘l’Absolu’ ne sont donc pas deux choses différentes, comme il est souvent imaginé sur la base de beaucoup de formulations de Nisargadatta. Il n’y a qu’une Conscience. Elle a la nature de l’Absolu, et un caractère dynamique, vivant, expérientiel, le ‘contact’. Voir nécessite une seule chose : la présence d’une certaine vibration est en fait toujours la connaissance de cette vibration, et cette connaissance elle-même est la Connaissance Absolue ; il n’y a aucune séparation en cela. Au sein de l’Absolu, il n’y a simplement rien à Connaître, et c’est pourquoi Nisargadatta appelle cela ‘l’état de nonconnaissance’, ou ‘non-mental’, état dans lequel l’attention se dissout en elle-même. « Il n’y a qu’un seul état, pas deux. Quand l’état ‘Je Suis’ est présent, vous connaîtrez beaucoup d’expériences, mais le ‘Je Suis’ et l’Absolu ne sont pas deux. Dans l’Absolu, l’état de ‘Je Suis’ survient, et l’expérience se fait alors » 11 Nous pourrions dire que ‘se laisser être entraîné par la Séductrice’ revient à donner du poids à votre passé, à la puissance de vos tendances, aux vasanas, au lieu d’endurer la souffrance de ne pas dépasser la forme présente, le http://www.advaya.nl/deur2_fr.htm

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‘contact actuel’. La nature d’attachement du principe ‘Je Suis’ se situe dans la création de l’histoire personnelle, la création d’un ‘corps subtil’, une image ‘Je’, une forme devant persister. La force d’attachement elle-même pourrait être appelée le ‘corps causal’, un entrepôt contenant toutes nos tendances latentes et le tout premier commencement de l’individualité, et un jiva 12. Le ‘corps causal’ définit le principe qui est en nous, maintenant, la cause de la création de la forme, et qui nous séduit pour le maintien et la consolidation de cette forme. Il nous séduit en ne reconnaissant pas cette forme comme la ‘pure forme actuelle de la Conscience’, mourant à chaque instant et immédiatement remplacée par une autre forme. C’est ce que le terme ‘corps causal’ signifie. Le corps causal vous fait perdre la vision que vous êtes toujours neuf, non-né, maintenant, maintenant, maintenant. Et cette ‘perte’ se produit par l’intermédiaire des tendances latentes qui, aussi longtemps qu’elles existent, vous accrochent aux formes manifestées de façon à faire se perpétuer l’existence de la forme. Du fait de sa nature de voile de la réalité et d’attachement, le corps causal est assimilé, dans la tradition de l’Advaita, à l’ignorance (ajnana ; et aussi avidya). Très influencé dans sa sémantique par la tradition Samkhya, ancienne école indienne dualiste, Nisargadatta, pour expliquer comment naît l’attachement, utilise parfois les termes sattva, rajas et tamas, tous empruntés du Samkhya. Ce sont les trois gunas, qualités colorant et déterminant chacunes de nos actions (rajas est la stimulation, l’agitation, ce qui pousse à l’activité ; tamas est l’inerte, le solide, l’obscur ; et sattva est la qualité d’équilibre, d’existence, de connaissance, et de lucidité). Nisargadatta décrivait la transition générée par sattva de la façon suivante : « Pendant l’état de veille, savoir que vous êtes (sattva) est en soi une souffrance ; mais comme vous êtes préoccupé pour tant d’autres choses, vous pouvez le supporter. Cette qualité d’être (sattva), cette connaissance ‘Je Suis’, se peut se tolérer elle-même. Elle ne peut demeurer elle-même, seule, simplement se connaissant elle-même. C’est pourquoi le guna rajas est là. Il emmène l’être se promener dans des activités variées, de façon à ce qu’il ne demeure pas en lui-même. Il est très difficile de supporter cet état. Le guna tamas est la qualité la plus inférieure. Son action consiste à ouvrir la voie à ce que l’on se prenne pour les auteurs de nos actes – le sentiment ‘je suis celui qui agit’. Le guna rajas nous pousse dans l’activité, et le guna tamas nous attribue la paternité de tous nos actes. »13 Nous pourrions voir le caractère originel de rajas comme étant plutôt libre. Il n’a en effet, par lui-même, nul besoin de s’accrocher à quoi que ce soit. C’est sous l’effet de tamas que tout se coagulera ensemble. Cette qualité nous rigidifie, elle est la cause de nos attachements, de notre isolement, de nos soucis, etc. Notre attachement à une histoire personnelle est dû à tamas, histoire surimposée à une activité spontanée. Le conseil de Nisargadatta pourrait être interprété comme suit : vous ne pouvez rien faire d’autre que laisser rajas apparaître, car il est propre à l’énergie de création spontanée. Cependant, accueillez-le et continuez à reconnaître le point de départ, le tout premier ‘contact’. Nisargadatta http://www.advaya.nl/deur2_fr.htm

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appelait aussi ce contact une « piqûre d’épingle ». Ceci est sattva. C’est aussi le terme ‘conscience’ dans le sens où l’utilise Nisargadatta, la piqûre d’épingle, ‘l’expérience du contact’. J’ai appelé cela ‘la bouche de la fontaine’ : en ce lieu, vous êtes témoin du mariage de sattva et de tamas. Demeurez conjointement dans le silence (sattva) et l’éclatante énergie (rajas). En vous dédiant à cela, en honorant cette piqûre d’épingle, cette ‘conscience’ , votre quête cesse son existence. A ce point vous laissez le « faire » vous quitter, ainsi que la tentative de passer au-delà de cette conscience car, réellement, ceci ne peut être d’aucune aide. « Vous ne pouvez jamais vous séparer de cette conscience, à moins que la conscience ne soit satisfaite de vous, et se débarrasse de vous. La conscience ouvre les portes pour vous permettre d’aller au-delà de la conscience. Il y a deux aspects : l’un est la conscience conceptuelle, dynamique, pleine de concepts, et l’autre est la conscience transcendante. Même le concept ‘Je Suis’ n’est plus là. Le Brahman qualitatif, conceptuel (Saguna Brahman), celui qui est plein de concepts et de qualités, est généré par [la réflexion de la Conscience (Nirguna Brahman) dans] le corps dans son fonctionnement. »14 Même si au départ il est important et juste de distinguer entre la conscience relative (chetana) et la Conscience (chit), il est pertinent à un moment donné d’ouvrir les bras à la conscience en tant que ‘contact’ . Toute les résistance se dissolvent alors, et avec elles toute dualité. Le contact est l’Assistant qui vous consacre dans votre abandon et Son abandon. Elle vous montre que vous êtes toujours demeuré non affecté et non altéré, libre et non séparé, sans besoin de vous mettre en quête. Ainsi, d’un côté, Maharaj insiste : « Je, l’Absolu, ne suis pas cet état ‘Je Suis’ » 15, mais, d’un autre côté, « la compréhension que ce ‘Je’ n’est pas différent sur des niveaux différents. De même que l’Absolu, c’est le ‘Je’ qui en se manifestant a besoin de la forme. Le même ‘Je’ Absolu devient le ‘Je’ manifesté, et le ‘Je’ est la conscience, source de toute chose. L’Absolu-avec-conscience se situe dans l’état manifesté. »16 De façon étonnante, ici comme en beaucoup d’autres endroits, Maharaj persiste à utiliser le mot ‘Je’ pour désigner l’Ultime. En plus de s’appeler lui-même très souvent « Je, l’Absolu », il dit par exemple : « Rien n’existe en dehors de moi. Je suis seul à exister »17, et « quand l’état d’existence est totalement ingurgité, ce qui reste est ce ‘Je’ éternel. »18 Ainsi, ‘Je’ apparaît pour être adéquat sur les trois niveaux : la personne pense et éprouve ‘Je’, le contact avec l’état d’être est l’expérience du ‘Je’ sans pensée (sans appropriation « mon », « mien »), et l’Ultime est ‘Je’, sans l’expérience de celui-ci. Ceci implique que la Réalité que nous sommes, est toujours présente en tant que telle, est déjà maintenant. Par conséquent, au sein même de l’identification à une certaine forme, se trouve une invitation à reconnaître le plus proche, c’est-à-dire ‘Je’, dans sa nature essentielle. ‘Je’ est-il une porte ? L’Enseignant répond : « Cher enfant, il n’y a pas de porte pour entrer dans Parabraham. »19 http://www.advaya.nl/deur2_fr.htm

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'Je' est une porte – Partie 2: Nisargadatta Maharaj

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Revue 3e Millénaire, Automne 2004, No. 73; p. 36-41. Traduction française, à partir de la traduction anglaise: http://www.revue3emillenaire.com NOTES 1. Prior to Consciousness (édité par Jean Dunn). Durham, NC: Acorn, 1985 ; p. 12-13. La majuscule est rajoutée à Maya conformément à l’usage dans d’autres citations. 2. Chandi (=Devi-mahatmya ; il s’agit d’un extrait de Markandeya Purana), I.57; et aussi IV.9. Cité par Vivekananda: The Complete Works of Swami Vivekananda, Vol. VII. Calcutta: Advaita Ashrama, 1986 (10th ed.); p. 216. 3. The Experience of Nothingness (édité par Robert Powell). San Diego, CA: Blue Dove, 1996; p. 51-52. 4. Prior to Consciousness; p. 21. 5. Consciousness and the Absolute (édité par Jean Dunn). Durham, NC: Acorn, 1994; p. 78. 6. Self-knowledge and Self-realisation (Adaptation du livre Atmajnana Ani Paramatma Yoga). Traduit par V.M. Kulkarni. Bombay: Ram Narayan Chavhan, 1963; p. 35. 7. Prior to Consciousness; p. 54. 8. Prior to Consciousness; p. 103. 9. The Experience of Nothingness; p. 86. 10. Il est difficile de traduire le ‘ connaître-en-tant-que-tel’, cette connaissance en laquelle « rien » n’est connu. Le terme « Connaissance » semble être toujours associé à un contenu. Il en ressort que le meilleur terme pour ce connaître-en-tant-que-tel pourrait être « Non-savoir ». La paradoxe est que cet état de non-savoir ou de non-être « connaît ». Dans le langage (celui du traducteur) de Nisargadatta, on trouve : « L’état de non-être, état de non-conscience connaît lui seul la présence de la conscience. » (Seeds of Consciousness; ed. par Jean Dunn; New York: Grove Press, 1982; p. 27). Voir aussi la discussion sur la terminologie dans The Experience of Nothingness, p. 18-21. Nisargadatta met l’accent sur l’importance de voir comment le mot Connaissance s’accorde aux gunas. 11. Prior to Consciousness; p. 42. 12 Le terme ‘corps causal’, qui fur utilisé dans les textes de la Tradition de l’Avaita (et aussi par Ramana Maharshi, par exemple dans Vichara Sangraham et Maharshi’s Gospel), pointe vers la source de toutes les formes, même dans leur état le plus latent. Selon ce qu’en dit Ramana : « La source est un point sans dimension. D’un part, elle s’étend en tant que cosmos, et d’autre part en tant qu’Infinie Béatitude. Ce point est le pivot. A partir de lui, une seule vasana commence, et se multiplie comme expérimentateur ‘Je’, l’expérience, et le monde. » Talks; No. 616. 13. The Ultimate Medicine (édité par Robert Powell). San Diego, CA: Blue Dove, 1994; p. 22. 14. Consciousness and the Absolute; p. 97. Ce qui est entre crochets a été rajouté afin d’insister sur la connexion entre la conscience relative et la Conscience, sur la base de nombreux commentaires de l’ancienne tradition de l’Advaita, et sur la base de I am That, p. 65: ‘la conscience (chetana) apparaît par réflection de la Conscience dans la matière’. Voir aussi I am That; p. 274; et Seeds of Consciousness; p. 170. 15. Prior to Consciousness; p. 27, ainsi qu’en beaucoup d’autres endroits. 16. Prior to Consciousness; p. 114. 17. The Ultimate Medicine; p. 29. 18. The Nectar of the Lord’s Feet (edité by Robert Powell). Longmead, Shaftesbury (Dorset): Element, 1987; p. 43. 19. The Nectar of the Lord’s Feet; p. 57. Le lecteur pourra se référer aux ouvrages en français de Nisargadatta Maharaji : http://www.advaya.nl/deur2_fr.htm

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'Je' est une porte – Partie 2: Nisargadatta Maharaj

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Je Suis, Ed. Les Deux Océans(1982) Graines de Conscience, Ed. Les Deux Océans(1983) Sois !, Ed. Les Deux Océans(1983) Ni ceci ni cela, Ed. Les Deux Océans(1986) A la Source de la Conscience, Ed. Les Deux Océans(1982) Conscience et Absolu, Ed. Les Deux Océans(1997) L’Ultime Guérison, Ed. de Mortagne (1997) Philip Renard enseigne à la Fondation Advaya, en Hollande. Né en 1944, il découvrit la spiritualité au travers d’une méthode d’enseignement d’origine Javanaise, appelée Subud, dans laquelle un exercice appelé Latihan lui donna la base d’une vision pénétrante (insight), libre de tout concept et de toute méthode. La non-dualité est au centre de l’enseignement de Philip Renard, et le but de la Fondation Advaya est de mettre la non-dualité au centre de l’attention.

http://www.advaya.nl/deur2_fr.htm

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‘Je’ est une porte – Partie 3: Atmananda (Krishna Menon)

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‘Je’ est une porte – Partie 3: Atmananda (Krishna Menon) par Philip Renard

Dans les deux premières parties de ‘Je est une porte’ 1, l’attention était portée sur le phénomène étonnant de l’utilisation du mot « je », qui peut se référer aussi bien à une entité limitée et bornée qu’à Cela en tant que Lumière infinie, Liberté véritable. Dans les deux articles précédents, Ramana Maharshi et Sri Nisargadatta Maharaj s’exprimaient à ce sujet. Nous découvrirons dans cet article le troisième du « grand trio » formé des trois grands enseignants authentiques de l’Advaita au vingtième siècle, c’est-à-dire Sri Atmananda, ou Sri Krishna Menon. Krishna Menon est né en 1883 à Peringara, près de Tiruvalla dans l’état du Travancore (maintenant partie de l’état du Kerala). A la suite de ses études de droit, il devint Avocat Inspecteur du gouvernement, et Superintendant de la Police du District. Il rapporta une fois que, au début de sa vie, il pria longuement pour rencontrer un Sat-Guru, un Enseignant dans le sens le plus vrai du terme. Un jour de 1919, il fit la rencontre de Swami Yogananda, qui vivait à Calcutta.2 Leur rencontre ne dura qu’une seule nuit. Krishna Menon fut particulièrement touché par l’immense humilité de cet enseignant. « Ceci paralysa mon ego », déclara-t-il plus tard. Suite à cette rencontre, il commença une sadhana, incluant bhakti et rajayoga, ainsi que du pur jnana-yoga. Plus tard, devenu lui-même enseignant, il ne transmit que la forme de jnana-yoga, critiquant même les formes de bhakti et de raja yoga .3 Il réalisa sa vraie nature en 1923, endossa le nom de Sri Atmananda et commença à enseigner. Parallèlement, il poursuivit son activité au sein du Département de la Police jusqu’en 1939. Il dit une fois, plus tard, que les professions de policier ou de militaire forment un cadre idéal pour une sadhana spirituelle du fait que, en particulier, elles offrent le maximum d’obstacles et de tentations. 4 Atmananda mourut à Trivandrum, la capitale du Kerala, en 1959. L’approche proposée par Atmananda devint connue en Occident par le livre de John Levy, La nature de l’Hommes selon le Vedanta. Lui-même était un disciple anglais de Atmananda, demeurant régulièrement avec lui. Levy reformula l’approche particulière de Atmananda dans un style plus occidental, tout en conservant la manière originale et caractéristique qu’avait Atmananda de manier la logique.5 J’ai été amené à connaître Atmananda par un disciple de Alexander Smit, http://www.advaya.nl/deur3_fr.htm

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‘Je’ est une porte – Partie 3: Atmananda (Krishna Menon)

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un hollandais lui-même disciple de Wolter Keers, lequel le fut de Atmananda. Alexander me donna deux petits ouvrages de Atmananda, Atma-Darshan et Atma-Nirvriti.6 Ces livres donnent un bref résumé de l’enseignement de Atmananda. Il les écrivit dans sa langue natale, le Malayalam, et les traduisit lui-même en anglais. Alexander les étudia minutieusement pendant deux ans, et j’éprouve de la reconnaissance pour ce privilège d’avoir assisté à ces réunions. J’ai eu ainsi la possibilité de devenir familier avec l’approche spécifique de Atmananda. En quoi cette approche est-elle spécifique ? Par son usage linguistique, particulièrement sur le plan de la logique (ou de la logique « subjective », voir la note 5), sa façon de réduire toute chose à sa nature ultime, et particulièrement son insistance catégorique sur ce qu’il appelait le « Principe-Je ». Ce « Principe-Je » était pour lui synonyme de Réalité Ultime, d’Absolu – rien ne le précède, c’est ce qui est réellement signifié avec le mot « Je ». Il disait ainsi : « La Pure conscience et la paix profonde sont votre vraie nature. Ayant compris cela de façon juste, vous pouvez parfaitement abandonner les mots « Conscience » et « Joie », pour utiliser « Je » quand il s’agit de vous en rapporter à la Réalité. Ne vous contentez pas de réduire les objets à la Conscience. Ne vous arrêtez pas là. Réduisez-les jusqu’au « Principe-Je ». Réduisez aussi tous les sentiments à la pure Joie, puis réduisez-les au « Principe-Je ». »7 Atmananda appréciait les mots Conscience et Joie pour parler de l’Ultime, mais une citation comme celle-ci montre que, au bout du compte, il préférait le terme « Principe-Je » (il dit ainsi une fois que, comparé au Principe-Je, le mot Conscience est de la théorie ! 8). Il considérait en effet que le mot « Je » est celui qui a le plus de chance d’être compris correctement. Tout les objets de perception peuvent être incompris, tandis que ce qui peut être appelé « vous-même », ce qui ne peut être perçu, « Je », ne peut être la cause d’une mauvaise compréhension. 9 Il considérait le Principe-Je comme le vrai but de chacun, car il est en fait contenu dans chaque effort.10 L’utilisation du mot « Principe » par Atmananda ne doit pas être vu comme une tentative intellectuelle ou philosophique pour comprendre ou cadrer le « Je ». C’est sa façon d’utiliser un mot pour ce que « Je » est en lui-même, « Je » en tant que tel. Ce que « Je » en tant que tel est vraiment, précisément, précède chaque mouvement ou structuration mentale. Avec des expressions comme « en lui-même » ou « en tant que tel », le langage paraît court. Il touche ses limites. Une chose se réfère à elle-même. Quelque chose en tant que tel ne se transforme pas en autre chose un instant plus tard. C’est le point invariable dans le changement permanent, c’est sa vraie nature, qui ne repose sur rien d’autre. Atmananda utilisait souvent le terme sanscrit svarupa, vraie nature, qui renvoie à la permanence d’un élément, avec d’autres termes qu’il considérait comme des synonymes, comme « arrière-plan », « contenu », « substrat », état pur » et « état naturel ». Il utilisait ces différents termes pour désigner une seule et même chose. http://www.advaya.nl/deur3_fr.htm

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Chaque tentative de parler de la nature essentielle de quelque chose peut, à la vitesse de l’éclair, se transformer en incompréhension. C’est le problème du langage. Par exemple, un mot comme « essence » peut suggérer la présence d’un « être » ou d’un « noyau » minuscule, subtil, au sein d’une forme plus grossière. Comme si vous deviez découvrir l’essence de quelque chose en augmentant de plus en plus le grossissement d’un microscope pour essayer d’observer ce qu’il y a dans le noyau. Quelque chose de cet ordre est présent dans les commentaires populaires du passage connu des Chandogya Upanishad, dans lesquelles Uddalaka enseigne à son fils en coupant un fruit en morceaux de plus en plus petits. Atmananda, en tant que maître spirituel, insistait beaucoup sur la méprise que peut entraîner cette myopie. En effet, ce mode d’investigation intérieure prendra toujours au piège de ce qu’il appelait « objectivation ». Atmananda employait les mots objectif et subjectif d’une façon inhabituelle pour l’Occident. L’Objectif n’indiquait pas pour lui une impartialité, mais se référait à ce qui peut être observé, c’est-à-dire un objet des sens et des pensées. Il en est de même avec le subjectif : il ne désignait pas un point de vue ou une opinion colorée par la personnalité, mais seulement ce qui est Sujet – ce qui ne peut par définition être observé, et qui en Soi-même éclaire tout objet.11 En conséquence, une investigation consistant à rechercher quelque chose d’intérieur comme une « essence » ou un « noyau » n’a rien à voir avec la vision directe de l’Ultime. Aussi ne peut-on alléguer que la recherche en physique de pointe et une véritable démarche de connaissance de soi soit une et même chose, comme il est parfois suggéré dans certains cercles de l’advaïta. La physique restera toujours le domaine de « l’objectif ». Il en va de même avec le concept du « tout-embrassant », utilisé afin d’exprimer des notions comme le Cosmos, L’Espace ou l’Infini. Atmananda apporta une fois une indication, ou une vision des choses profitable : « L’Espace (Akasha), bien que non perceptible par les sens, est assurément concevable par l’esprit. Il est donc réellement objectif par nature. Si nous ôtons de l’Espace cette dernière teinte d’objectivité, il cesse d’être mort et inerte, pour s’illuminer et briller alors comme son substrat, la Réalité ».12 L’enseignement de Atmananda est entièrement centré sur le Sujet. Il s’attache exclusivement à Cela qui connaît. Cela qui connaît n’est pas un Connaisseur (pas un Lui ou une Elle), mais la Connaissance en tant que telle (Jnana). Cette « Connaissance en tant que telle », il l’appelait aussi « Expérience » (Anubhava), voulant dire par là « Expérience en tant que telle », et aussi Sensation en tant que telle (Rasa), tous trois étant synonymes de la Puissance qui, finalement, est le « Je » suis. Les textes suivant illustrent ce point : « Le « Principe-Je » est la seule expérience que chacun puisse avoir. Malgré son ignorance, il ne peut que avoir l’expérience de Lui-même […] Si l’expérience intègre de nombreux objets, ce n’est pas l’Expérience. Vous superposez des objets à votre Expérience. Votre Expérience est une et unique, à jamais » ; et : « je vous ai déjà prouvé que personne ne peut connaître ou expérimenter autre chose que son propre Soi, http://www.advaya.nl/deur3_fr.htm

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le « Principe-Je » […] La seule expérience est « Je », et « Je » est le seul mot qui désigne l’expérience » ; et enfin : « « Le « Principe-Je » est la seule chose qui existe ; « Je » ne demande aucune preuve non plus. Ce qui est objectif ne peut exister indépendamment de ce « Je », et le « Le « PrincipeJe » est donc la seule Réalité ultime. »13 Cette façon radicale de s’exprimer, pour laquelle toute chose peut être réduite à Cela qui connaît, implique non pas que les objets doivent être ignorés ou éliminés, mais au contraire qu’ils doivent être considérés comme pointant vers la Réalité. Dans le but de reconnaître le Soi, la plupart des textes de la Tradition de l’Advaïta recommandent comme étant le mieux d’apprendre à ne pas accorder d’attention aux objets des sens. Mais Atmananda, concrètement, mettait au clair que rien n’est un obstacle. Personne n’est jamais vraiment englouti dans un objet, ou entravé par un obstacle. Rien ne doit être ôté. « Rien ne voile la conscience. »14 L’ego non plus n’est pas un ennemi. Au contraire, Atmananda le voit comme une aide : « Même l’ego, tellement méprisé, est d’une grande aide pour la réalisation de la Vérité. La présence de l’ego chez l’homme, même sous une forme distordue, est infiniment préférable à son absence, comme il en est par exemple pour un arbre » ; et : « C’est l’ego dans sa totalité qui cherche la libération et lutte pour elle. Quand elle est orientée vers la Réalité ultime, la part matérielle s’effondre automatiquement et seule reste la Conscience en tant que « Principe-Je ». C’est la libération. »15 L’insistance de Atmananda pour une non-dualité radicale ne veut pas dire qu’il analyse cela dans son contact quotidien avec les gens. L’ego est déjà totalement dissous, et c’était aussi le cas lors de ses contacts de maître à étudiant. En d’autres termes, il n’avait pas l’illusion que le schéma qu’il donnait s’avérait déjà et définitivement vrai pour ses étudiants ou lecteurs dans leurs activités. Il n’estimait donc pas utile du tout de mettre sur un piédestal la « non-séparation », ou non-dualité, dans ses activités d’enseignant ou d’officier dans la police. Clamer trop tôt que « tout est Conscience », dans un cadre mondain ou relationnel, lui apparaissait comme un piège, et il continua à mettre en évidence l’état de séparation tant que celui-ci constituait la réalité de la vie de l’étudiant. Il ne considérait donc pas l’advaita, la non-dualité, comme étant applicable dans la relation entre maître et disciple. « Pensez à votre Guru uniquement dans le cadre de la dualité », disait-il. « Appliquez totalement votre cœur à cela, et perdez-vous dans le Guru. Alors l’Ultime dansera devant vous comme un enfant » 16 Ajoutons à cela : « l’Advaita ne fait que pointer vers le Guru. Vous n’atteindrez pas l’Advaita avant d’avoir atteint l’état sans ego. Ne pensez même jamais que vous ne faites qu’un avec le Guru. Ceci ne vous conduira jamais à l’Ultime. Au contraire, cette pensée ne fera que vous étouffer. L’Advaita ne fait que pointer vers l’Ultime. »17 L’attitude dévotionnelle était considérée par Atmananda comme une aide précieuse. Mais il clarifie cela dans un de ses enseignements : une telle attitude n’a de valeur que relative à son propre Guru. « Cette Personne particulière, par laquelle nous avons eu le grand privilège d’être éveillé, voilà la SEULE FORME que chacun devrait adorer et envers qui faire Puja, http://www.advaya.nl/deur3_fr.htm

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pour le contenu du cœur de chacun, comme personnalisation du Guru de chacun. Il est vrai que tout est le Sat-Guru, mais seulement lorsque le nom et la forme ont disparu, et pas autrement. L’aspirant authentique devrait donc être averti de ne pas se faire berner par une attitude dévotionnelle envers toute autre forme, celle-ci fût-elle celle de Dieu ou de l’homme. »18 Dans un autre texte, il montre à quel point il était fermement dualiste quant à la relation entre maître et disciple : « un disciple ne devrait jamais faire allégeance à deux gurus en même temps », ce à quoi il ajoute : « admettre plus d’un guru à la fois est plus dangereux que de ne pas en avoir du tout. »19 L’histoire qui suit illustre la façon dont Atmananda montrait, dans la vie quotidienne, comment chaque niveau (l’Absolu et le relatif) nécessite sa propre approche, afin que nul n’applique l’approche non-duelle au niveau d’être relatif. Au commencement de sa carrière comme inspecteur au département de police, Atmananda interrogea un homme suspecté d’être un voleur. Celui-ci refusant d’avouer, il lui dit alors : « Si vous avez réellement commis ce vol , comme je le crois, il serait préférable pour vous d’avouer ce crime et d’admettre votre erreur. Si, en revanche, vous voulez me cacher la vérité, vous pouvez le faire dans le moment actuel, mais ce Principe en vous qui voit toutes vos actions vous fera souffrir tout le restant de votre vie pour avoir menti une fois. Vous ne pourrez jamais cacher la Vérité à ce Principe qui est en vous. »20 Ceci met en lumière la sensibilité nécessaire pour vivre la vérité, qui ne consiste pas à avancer de façon péremptoire que le mensonge est aussi Conscience. Imaginons les conséquences des dires d’Atmananda : mentir une seule fois entraînerait une vie entière de souffrance ! Cette déclaration vient d’un enseignant radical de la nondualité, et le réaliser nous stimule à prendre en considération le paradoxe apparent entre ce que Atmananda enseigne au plus niveau de compréhension, et la reconnaissance des conséquences des actions individuelles dans la vie quotidienne. Notre identification avec la dualité du monde nous amène à éprouver les conséquences de nos actes. Malgré cette précision dans la façon de manier le concept de « séparativité », au niveau où les différences ne doivent pas être déniées, Atmananda était radicalement non-dualiste. Sa radicalité produisait un style d’écriture par lequel il ne s’exprimait pas au sujet d’un « Je » ou d’un « principe-Je », mais bien plutôt à partir de cette perspective. Ainsi écrivit-il dans son livre Atma-Darshan des passages où la Conscience elle-même s’exprime, où « Je » parle, et non pas le dénommé Atmananda. Il invite le lecteur à voir les choses depuis ce point de vue, celui du « Je », comme unique et seule Réalité. « Je suis cette Conscience qui demeure après que tout ce qui est objectif se soit retiré de Moi. Réalisant que tout objet, où qu’il se trouve, est une affirmation de Moi, je me réjouis de Moi-même partout et en tout », et : « c’est en Moi qu’apparaissent et se fixent les pensées et les sentiments. Je suis leur Témoin immuable. Je suis la Lumière de la Conscience dans toutes ces pensées et ces perceptions, et la Lumière de l’Amour dans tous les sentiments. »21 http://www.advaya.nl/deur3_fr.htm

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Deux ans plus tard, il écrivait Atma-Nirvriti dans le même style : « le monde brille à cause de Ma Lumière ; sans Moi, rien n’est. Je suis la lumière dans la perception du monde », et : « Quand il y a pensée, je me vois Moimême ; en l’absence de pensée, je demeure dans Ma propre gloire. »22 Ce sont de beaux textes, dont l’originalité peut créer un choc de reconnaissance, peut-être plus encore que les textes traditionnels sur « le » Soi. Le Soi, après tout, reste une indication pointant vers quelque chose qui se conjugue à la troisième personne. Parler au sujet du Soi, par suggestion, peut ralentir la compréhension qu’il existe autre chose que « moi », c’est-àdire simplement Je, la première personne. Non, je suis déjà Cela. Je suis Cela. « Le Je » n’est pas cela. C’est donc la reconnaissance du fait que je suis déjà Cela, la Conscience elle-même, qui me permet de m’exprimer en tant que Moi. L’auteur nous montre, à nous lecteurs, l’exemple de la façon de se reconnaître Soi-même, et en conséquence de parler à partir de cette perspective. Le lecteur est invité, dans le passage suivant, à faire de même, à expérimenter cette reconnaissance : « Je suis pure joie. Toutes les activités des organes des sens et de la pensée ont pour but la joie. Leurs activités sont donc puja (actes de dévotion), réalisé par Moi. Je suis à jamais en repos, percevant sans attachement ce puja. Encore et encore, elles m’atteignent à mon insu et tombent dans la passivité. Sortant de cela, elles continuent à nouveau leur puja. Une fois qu’elles comprennent que leurs activités revienne à faire puja en Moi, et que dans la passivité elles demeurent à Mon contact, toutes leurs souffrances cessent. Par la suite, l’action sera une nonaction, et la passivité sera une non-passivité, car l’ignorance aura été déracinée. »23 Atmananda transmet habilement dans ces textes la compréhension que, dans notre façon de penser et de parler, un renversement peut aussi se produire. Nous regardons déjà à partir de ce que nous cherchons ; nous n’avons nul besoin d’aller ailleurs. Nombre d’auteurs attribuent à la pensée et aux sentiments le statut d’ennemi. En fait, ces facultés expriment la célébration de Nous-même. Toute ma pensée pointe dans Ma direction, afin d’atteindre la dissolution dans la paix que Je suis, et cet élan dans Ma direction n’est pas une agression. Supposer, faussement, que les pensées et les émotions doivent être éliminées provient en fait de l’identification avec quelqu’un en souffrance – dérangé par ces pensées et ces sentiments. Atmananda, avec justesse, appelle ceci un puja (et il traduit ce terme par actes de dévotion). En effet, Cela vers quoi cette dévotion est orientée est si totalement Sansobjet*, qu’en Cela elle ne qu’être absorbée. Il est donc approprié de dire que Je, étant sans-objet, suis la seule direction juste pour toutes les pensées et les émotions – lesquelles constituent une justification devant être dissoute, afin de pouvoir ultimement demeurer en Moi. « La vraie nature de la pensée est Conscience, et la vraie nature du sentiment est Joie. A chaque apparition de la pensée ou d’un sentiment, vous êtes dans votre Vraie Nature en tant que Conscience et Joie. », et : « Dans le sommeil profond, vous êtes dans votre Vraie Nature. Dans une profonde peine, vous êtes dans votre Vraie Nature. Dans le calme absolu, ou sous l’emprise de la terreur, vous êtes dans votre Vraie Nature. Pendant une http://www.advaya.nl/deur3_fr.htm

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discussion animée, vous êtes dans votre Vraie Nature. Quand vous arrivez à la fin de toute activité (ce qu’on appelle mort), vous êtes dans votre Vraie Nature. Dans toutes ces expériences, vous êtes toujours dénué de toute idée de corps ou de mental, et dans la transcendance de l’esprit, vous êtes toujours dans votre Vraie Nature. »24 Ce passage englobe vraiment tous les états pouvant être expérimentés, rien d’autre n’est à ajouter. Je ne suis jamais dépossédé de ma Vraie Nature, je ne peux jamais m’en échapper. Ce « Je » utilisé par tous – toujours le même mot, toujours « Je », toujours dirigé vers le Soi, vécu par tous en tant que « Moi », ma Vraie Nature. Chaque état ou sentiment de séparation s’absorbe en Moi. « Je » n’est plus une porte, mais Cela qui absorbe en tant que tel. Appendice Dans la deuxième partie de « Je est une porte » (3e millénaire n°73), l’attention était focalisée sur la façon dont Sri Nisargadatta Maharaj décrivait trois états ou niveaux au lieu de deux (la Conscience et le monde manifesté), à savoir : 1) l’Absolu ; 2) le « Je suis » - connaissance (souvent appelé conscience, du moins comme le fit son traducteur en anglais) ; et 3) le monde des objets. En correspondance avec ce présent article, il est intéressant de citer un passage où Sri Atmananda (qui insiste toujours sur seulement deux états ou niveaux) offre une classification analogue en trois niveaux, en réponse à une question au sujet de sphurana. Ce terme était souvent utilisé par Sri Ramana Maharshi, comme vu dans la première partie de « Je est une porte » (3e millénaire no. 72), dédiée à Sri Ramana : « L’état naturel du « Principe-Je » dans l’homme n’est pas manifesté. Ceci devient clair, en ce qui concerne les activités humaines, pour trois états distincts. 1. L’état non-manifesté de clarté. 2. Devenir manifesté en tant que « Je sais que je suis », ou clarté en soimême. 3. Devenir manifesté en tant qu’objets. Le second de ces trois états reste inconnu de l’homme ordinaire. Seul le Jnani le reconnaît et le perçoit parfois clairement avant une perception. Le passage du premier au second stade se fait par un changement subjectif vers « Je suis » sans perte d’identité. Ceci est appelé Sphurana. C’est sans objet, mais c’est devenu clarté en soi. Voilà tout. Lorsque je « Pincipe-Je » arrive au troisième stade de perception, il devient manifeste en tant que jiva. […] Le « Principe-Je » est pur et sans-attribut et s’ajoute toujours à l’attribut. En d’autres termes, le « Principe-Je » non-manifesté se prépare tout d’abord à se manifester en adoptant le changement subjectif menant à « Je sais que je suis », puis il assume l’attribut et devient clairement manifesté. »26 Revue 3e Millénaire, Hiver 2005, No. 78; p. 58-63. Traduction française, à partir de la traduction anglaise: www.revue3emillenaire.com *sans-objet traduit le terme No-thing, littéralement Non-quelque chose. NOTES http://www.advaya.nl/deur3_fr.htm

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NdT: Il n’existe pas de traduction en franç des ouvrages écrits par Atmananda. 1. Publiées dans la Revue 3e millénaire, numéros 72 et 73. 2. Ni le yogi Yogananda ni le Swami Yogananda, un des disciples directs de Sri Ramakrishna, ne devinrent célèbres en Occident 3. Voir par exemple les pages 139-140 des Notes on Spiritual Discourses of Sree Atmananda (of Trivandrum) 1950-1959. Taken by Nitya Tripta. Trivandrum: Reddiar Press, 1963. A la page 140 de ce livre, Atmananda utilise le mot « obstacle » pour une voie de yoga. Ce livre a ensuite été édité par Ananda Wood, le fils de Mr Kamal Wood mentionné en page vi, et publié dans sa totalité en version numérique sur internet. Voir http://www.advaita.org.uk/discourses/downloads/notes_pdf.zip Dans les notes de ce présent article, ce livre sera mentionné comme Discourses; la mention de la version digitale de Ananda Wood est AW, avec le numéro de l’entretien (les entretiens ont été numérotés par ordre de date by Ananda Wood); l’extrait mentionné ici vient de AW nr. 369. 4. Discourses, p. 544; AW page 467. 5. Atmananda s’exprima une fois sur sa logique particulière de la façon suivante : « Ils [les philosophes grecs] avance par la logique et je fais de même. Mais il y a une grande différence entre la logique qu’ils utilisaient et la mienne. La logique dont je fais usage est quelque chose de subjectif. Leur logique est quelque chose d’objectif. Voilà la différence. » Atmananda Tattwa Samhita. Austin, TX: Advaita Publishers, 1991; p. 119. Au sujet de John Levy, voir l’article de Hans Heimer dans The Mountain Path, Deepam 2004; p. 29-42. John Levy, The Nature of Man According to the Vedanta. London: Routledge & Kegan Paul, 1956. 6. Atma-Darshan, At the Ultimate, par Sri Krishna Menon – Atmananda. Tiruvannamalai: Sri Vidya Samiti, 1946 (reprint: Austin, TX: Advaita Publishers, 1989); Atma-Nirvriti (Freedom and Felicity in the Self), par Sri Krishna Menon (Atmananda). Trivandrum: Vedanta Publishers, 1952 (reprint: Austin, TX: Advaita Publishers, 1989). 7. Discourses, p. 9; AW nr. 21. 8. Discourses, p. 442; AW nr. 1323. 9. Discourses, p. 7 ; AW nr. 17. 10. Discourses, p. 9 et 8; AW nr. 22 et 21. 11. Voir note 5,dans laquelle Atmananda reliait la notion de « subjectif » à sa façon de manier la logique. 12. Discourses, p. 18; AW nr. 42. 13. Atmananda Tattwa Samhita (see note 5), p. 154 et 157; Discourses, p. 218 et 184; AW nr. 600 et 496. 14. Atma-Nirvriti, Chapitre 20; p. 25. 15. Discourses, p. 191 et 272-273; AW nr. 512 et 802. Ce que Atmananda appelait ici « la part matérielle » est identique à ce que Ramana Maharshi désignait par le terme « ceci » (idam), comme distinct de « Je » (aham). Voir ‘‘Je est la porte », partie 1. Parfois, Atmananda employait aussi ces termes : « Sans le « Je » (aham) étant là, il ne peut jamais y avoir le « ceci » (idam) » Discourses, p. 443; AW nr. 1324. 16. Discourses, p. 270; AW nr. 790. Voir aussi p. 251; AW nr. 713. Ramana Maharshi insistait aussi sur ce point de façon répétée. Voir Ulladu Narpadu Anubandham, nr. 39, et Talks with Sri Ramana Maharshi. Tiruvannamalai: Sri Ramanasramam, 1955; Talk 458. 17. Discourses, p. 176; AW nr. 466. 18. Discourses, p. 16 (not in AW). L’expression « le nom et la forme » (nama-rupa) est classique dans l’Advaita Vedanta pour désigner l’ensemble de la manifestation, mais aussi pour le germe du monde non encore manifesté. 19. Discourses, p. 545 et 544, and xii ; AW pages 468 et 467. 20. M.P.B. Nair, Rays of the Ultimate. Santa Cruz, CA: SAT, 1990; p. 53-54; et http://www.advaya.nl/deur3_fr.htm

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Atmananda Tattwa Samhita (voir note 5), p. 45-50. 21. Atma-Darshan, Chapitre 16 (p. 23) et 17 (p. 24). 22. Atma-Nirvriti, Chapitre 1 (p. 1) et 11 (p. 12). 23. Atma-Nirvriti, Chapitre 19 (p. 22-23). Voir aussi Discourses, p. 179; AW nr. 476. 24. Rays of the Ultimate (voir note 20), p. 125 et 126. 25. Voir Brihad-aranyaka Upanishad ( the oldest Upanishad) I.4.1: « Au début, ce [monde] était seulement le Soi (atma), dans la forme d’une personne (purusha). Regardant autour de lui, il ne voyait rien d’autre que le soi. Il dit tout d’abord : « Je suis ». Alors apparut le nom de Je (aham). In the beginning this (world) was only the self (atma), in the shape of a person (purusha). Ainsi, même aujourd’hui, lorsque l’on s’adresse à quelqu’un, il répond d’abord : « c’est moi », puis parle quel que soit le nom qu’il puisse avoir » The Principal Upanisads. Translated by S. Radhakrishnan. London: George Allen & Unwin, 1953; p. 163. 26. Discourses, p. 153; AW nr. 410. Cette parenthèse met en évidence la relation entre les trois grands enseignants de l’Advaita. Voir aussi Discourses, p. 169; AW nr. 448.

Philip Renard enseigne à la Fondation Advaya, en Hollande. Né en 1944, il découvrit la spiritualité au travers d’une méthode d’enseignement d’origine Javanaise, appelée Subud, dans laquelle un exercice appelé Latihan lui donna la base d’une vision pénétrante (insight), libre de tout concept et de toute méthode. La non-dualité est au centre de l’enseignement de Philip Renard, et le but de la Fondation Advaya est de mettre la non-dualité au centre de l’attention.

http://www.advaya.nl/deur3_fr.htm

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