PDF La Boite a Outils Du Meneur de Jeu v1_1 [PDF]

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Zitiervorschau

© 2020 Lapin Marteau, tous droits réservés Couverture, photo et mise en page : Coralie David et Jérôme Larré Relectures : Alexandre Ecuvillon, Pierre Gavard Colenny, Sébastien Malangeau, Vincent Mottier, Aymeric Pelzer, Ghislaine Pujol. Merci à Julien Fauré pour son exemple dans la fiche Mettre en scène des cinématiques. Merci au Grümph pour nous avoir aimablement permis de reproduire l’extrait de Dragon de poche 2 « Créer une carte vraisemblable » dans la fiche Utiliser des cartes. Merci à Lola de Dé à une face pour ses conseils avisés sur la fiche Moduler sa voix. Lapin Marteau, 22 rue de Ribaute, 31650 Saint-Orens-de-Gameville www.lapinmarteau.com ISBN 978-2-490390-11-3

Les auteurs

Coralie David a collaboré à la publication d’une centaine d’ouvrages, principalement pour les comptes de Black Book Éditions (jeux de rôle) et de Mnémos (romans). En parallèle, elle a écrit une thèse intitulée Jeux de rôle sur table : l’intercréativité de la fiction littéraire qui lui a permis d’obtenir un doctorat en Littérature comparée. Jérôme « Brand » Larré a participé à l’écriture ou à la conception de plus d’une cinquantaine de jeux et suppléments, en France ou à l’étranger (C.O.P.S., Fiasco, Qin, Ryuutama, Tenga, etc.). Très engagé dans la théorie rôliste, il contribue à de nombreux événements favorisant la création : tables rondes, ateliers d’écriture, concours de création, etc.

Notice Abréviations et termes utilisés D&D : Donjons & Dragons. GN : jeu de rôle grandeur nature. GNiste : personne pratiquant le jeu de rôle grandeur nature. JdR : jeu de rôle. MJ : meneur de jeu. PJ, PNJ : personnage(s) joueur(s), personnage(s) non joueur(s). Méd-fan : médiéval-fantastique. One shot : scénario n’appelant pas de suite et qui ne s’inscrit pas dans un ensemble narratif plus large, comme une campagne. Background Pour des raisons de clarté, ce terme sera uniquement utilisé dans son sens d’historique d’un personnage, et pas dans le sens d’univers de jeu. Informations bibliographiques Sauf cas spécifiques, la première édition en version originale est privilégiée. Les références bibliographiques sont données une fois par jeu en fin d’ouvrage. Lorsqu’elles comprennent plus de dix auteurs, le nombre de noms cités est limité à cinq et la mention « et autres » est ajoutée. INTERACTIVITÉ ET INTERCRÉATIVITÉ L’intercréativité constitue pour nous l’essence du JdR. Elle représente un prolongement de l’interactivité, car elle ne limite pas les joueuses au simple fait de réagir à ce qui leur est proposé : elles créent ensemble des éléments de jeu qui s’intègrent à la partie. LE MENEUR, LA JOUEUSE ET LE PERSONNAGE Vous l’aurez sans doute remarqué, nous avons pris le parti de féminiser systématiquement le terme de « joueur » en « joueuse ». Nous sommes conscients que cela n’est pas ce à quoi nous enjoint la grammaire et que cela ne semble pas naturel pour la plupart d’entre nous. Certains nous ont même confié se sentir exclus par ce choix. Toutefois, nous l’avons fait à dessein. La première raison, certes moins importante, est que cela permet de distinguer sans effort les joueuses, quel que soit leur genre, d’un éventuel meneur ou des personnages. La seconde est que nous pensons qu’en tant qu’éditeur, surtout d’ouvrages théoriques, nous avons notre (tout petit) rôle à jouer sur l’image que se renvoie notre propre communauté et sur la façon dont elle traite certains de ses membres. En d’autres termes, c’est justement parce que cela « râpe » que nous pensons que c’est important de le faire. Quoi qu’il en soit, rassurez-vous, on s’y habitue rapidement. Après tout, nous n’avons féminisé qu’un seul mot. Pour plus d’informations à ce sujet, vous pouvez consulter l’article suivant : www.lapinmarteau.com/cest-lhistoire-dune-joueuse/

INTRODUCTION

Toujours avoir une solution à portée de main Notre esprit […] a adopté la géométrie la plus avantageuse à l’espèce ; ou en d’autres termes la plus commode. […] La géométrie n’est pas vraie, elle est avantageuse. Henri Poincaré, La Science et l’Hypothèse, 1902. Il est relativement simple de mettre en place une campagne de fantasy et, mieux encore, cela ne coûte presque rien. En fait, vous n’aurez même pas besoin de figurines, même si leur utilisation occasionnelle est recommandée pour donner un côté réellement spectaculaire aux combats. En jetant un rapide coup d’œil à la section « équipement » de ce livret, vous verrez que vous n’avez pas besoin de beaucoup de matériel supplémentaire pour jouer 1. Ce dont vous aurez le plus besoin, c’est de temps. E. Gary Gygax, Dungeons & Dragons, 1973 (introduction). Faites s’il vous plaît savoir à Ted [Johnstone] que je souscris moi aussi au slogan « D&D est trop important pour le laisser aux mains de Gary Gygax ». E. Gary Gygax, Alarums & Excursions, n° 2, 1975. Je me suis souvent trompé à propos du drame. Je pensais que c’était quand les comédiens pleuraient. Mais un drame, c’est quand le public pleure. Phrase généralement attribuée à Frank Capra. 1. Pour que chacun puisse se faire son opinion, voici le matériel recommandé dans cette section : Dungeons & Dragons, Chainmail (un autre jeu du même éditeur), Outdoor Survival (un jeu d’un autre éditeur), de 16 à 48 dés, 1 carnet de notes par participant, du papier millimétré, quadrillé et de brouillon, des protège-documents, des crayons de couleur, de l’imagination, un arbitre (meneur) patient et des joueuses. Naturellement, cette liste est davantage à mettre en perspective avec les wargames pratiqués alors qu’avec les JdR d’aujourd’hui.

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Sortir de l’auberge Si vous avez déjà lu Jouer des parties de jeu de rôle ou son équivalent pour les meneurs, Mener des parties de jeu de rôle, vous connaissez déjà notre collection. Dans ce cas, n’hésitez pas à passer directement à la section suivante, où nous parlons plus spécifiquement de La Boîte à outils du meneur de jeu. Si vous nous découvrez avec ce livre, sachez qu’il s’agit du troisième recueil d’une collection appelée Sortir de l’auberge et que cette dernière est consacrée à la théorie rôliste et à celles et ceux qui pratiquent notre loisir. Laissez-nous vous la présenter en reprenant une partie de ce que nous écrivions dans l’introduction de notre premier tome. Car, nous vous le disions à l’époque : chez Lapin Marteau, on aime le JdR et on est fier d’être rôliste. Nous ne sommes ni les premiers, ni les derniers, ni même les plus fervents, mais nous sommes intimement convaincus que notre loisir mérite bien plus d’égards que nous ne lui en accordons d’habitude. Peu importe qu’il s’agisse d’un art ou pas, qu’il soit d’ambiance, tactique, à autorité partagée, old school ou autre : depuis quarante-cinq ans, nous sommes des millions à nous y adonner ou à nous y être adonnés. Tous ensemble, nous avons multiplié les types de jeux disponibles, découvert des façons plus ou moins efficaces de les créer, appris de nos erreurs, acquis de l’expérience, érigé certaines œuvres en classiques, diversifié nos pratiques, dressé des barbelés parfois, mais nous avons plus souvent construit des passerelles et des chemins de traverse. Bref, nous avons progressé et, ce faisant, nous avons généré collectivement une grande quantité de connaissances liées à notre loisir. Selon la perspective que l’on choisit d’adopter, on peut leur donner bien des noms : culture, théorie, etc. Aucun de ces termes n’est vraiment faux. Ce qui compte, c’est que ce savoir est indubitablement une richesse. Et en tant que tel, il soulève de nombreuses questions : comment le conserve-t-on ? Comment le développe-t-on ? Comment en facilite-t-on l’accès ? Comment le transforme-t-on en quelque chose d’autre ? Comment l’évalue-t-on ? Certaines de ces problématiques dépassent de loin le cadre de notre loisir et trouvent des échos dans divers domaines dont on ferait bien de s’inspirer (médias récents, autres formes ludiques, etc.). D’autres sont cruellement spécifiques. Par exemple, le jeu vidéo et le JdR partagent tous deux le risque très concret de perdre de nombreux savoirfaire avec la disparition de leurs pionniers, mais l’histoire du second est bien moins connue que celle du premier et ses publications originelles bien souvent fantasmées, voire mythifiées, sans que grand monde ne fasse l’effort de revenir aux textes originaux. Plus encore, il existe, au moins dans les pays francophones, une vraie défiance – voire pour certains, un véritable tabou – de la communauté rôliste vis-à-vis de la théorie. Naturellement, ces difficultés ne veulent pas dire qu’il ne se passe rien. Il serait hypocrite de notre part 2 de ne pas reconnaître le dynamisme des podcasts, vidéos YouTube, blogs, 2. En effet, nous avons non seulement largement été invités sur ces médias, que ce soit en tant que participants ou pour parler de nos projets, et nous essayons de continuer à notre échelle de nous faire l’écho de ces échanges sur notre site : www.lapinmarteau.com. Pour de plus amples informations à ce sujet, vous pouvez notamment consulter les pages « participations » et « assistant recherche ».

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forums, magazines et autres, dont certains sont devenus au fil des ans de formidables lieux d’expérimentation et de création de connaissances. Toutefois, le traumatisme des chasses aux sorcières des années 1990 a laissé bien des traces. En effet, lors de nos travaux précédents, nous n’avons pu que constater un vrai déficit de légitimité du JdR, non pas auprès du grand public ou des médias, mais des rôlistes eux-mêmes. D’une certaine façon, c’est un peu comme si, collectivement, nous refusions de voir ce que nous ont apporté ces années de pratique ou que notre passion commune ne méritait pas d’être un sujet à part entière 3. Les choses changent, mais il est troublant de voir l’hostilité que conservent certaines joueuses à l’idée qu’il puisse exister une théorie rôliste, et ce alors même que cela ne semble pas poser de problème à qui que ce soit d’autre. La génération montante de joueuses, enthousiaste et autodidacte, le monde universitaire ou même de nombreux auteurs iconiques des années 1970 et 1980, comme Graeme Davis, Frank Mentzer ou Christopher Klug 4, sont volontiers ravis, eux, de cette évolution. De notre côté, nous croyons non seulement que le JdR est parfaitement légitime à générer sa propre théorie, mais que cette dernière va l’aider en retour à continuer à évoluer et à procurer plus de plaisir à celles et ceux qui la pratiquent. Voici quelques exemples de ce qu’elle peut nous apporter : • nous permettre de communiquer dans un langage plus précis que celui auquel nous sommes habitués, et notamment réduire le fossé entre l’ancienne et la nouvelle génération de rôlistes qui échangent encore relativement peu ; • poser de nouvelles questions qui nous forceront à revoir ce que nous tenons pour acquis et qui, en retour, constitueront autant de défis lancés aux concepteurs qui voudront bien les relever ; • nous suggérer ce que l’on peut apprendre des uns et des autres afin de renouveler nos expériences individuelles, notamment en piochant dans chacune des périodes, écoles et chapelles ce qu’elle amène d’intéressant, sans idéaliser ni le présent ni un éventuel « âge d’or » ; • découvrir de nouvelles façons de pratiquer notre loisir et de profiter davantage d’un corpus déjà vertigineux, mais où beaucoup de propositions finissent parfois par se ressembler. C’est pour toutes ces raisons que nous avons créé une collection dédiée à ces problématiques. Nous pensons que la réflexion sur notre passion mérite d’être encouragée, visible, disponible et conservée de façon complémentaire à tout ce qui existe déjà sur le Net. Le JdR est si riche et regroupe des expériences si diverses que nous pouvons, tous ensemble, tirer parti de cette complémentarité pour élaborer une théorie aux applications concrètes nous permettant de reprendre le pouvoir sur notre pratique et 3. À ce sujet, vous pouvez consulter notre article « Non, ce n’est pas qu’un jeu ! » publié dans Casus Belli n° 18, 2016. 4. Respectivement les auteurs de Warhammer et de La Campagne impériale, de la boîte de rouge de D&D et de James Bond 007.

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de mieux l’adapter aux divers problèmes que nous rencontrons autour de nos tables de jeu. Décider plutôt que subir. Apprendre de l’autre plutôt que marginaliser. C’est la raison d’être et l’esprit de Sortir de l’auberge.

La Boîte à outils du meneur de jeu La Boîte à outils du meneur de jeu correspond à la fin d’un premier cycle pour Sortir de l’auberge. Celui-ci comprend déjà deux autres recueils, Mener des parties de jeu de rôle et Jouer des parties de jeu de rôle. Ces deux premiers tomes obéissent à une logique commune, à savoir prendre l’activité de joueuse ou de meneur et la décomposer en une vingtaine de compétences chacune. Ces dernières sont autant de domaines dans lesquels il est possible de tenter de nouvelles approches, d’essayer des alternatives, de s’interroger sur ce que l’on apprécie, de s’améliorer, voire de se forger un style. Contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, l’objectif n’est surtout pas de chercher à imposer une façon de jouer qui serait « meilleure » ou « unique », mais de diversifier certains aspects de sa pratique, de découvrir ce qui se trouve au-delà de ses habitudes, voire de sa zone de confort. Il est avant tout question d’amener les lecteurs à devenir autonomes et à construire leur propre méthode, en fonction des compétences sur lesquelles ils souhaitent mettre l’accent, de leurs envies, des retours de leurs camarades de jeu, etc. Toutefois, cette logique ne saurait présider à l’ensemble de la théorie mise à disposition des meneurs et des joueuses. Ce n’est en tout cas pas la philosophie de La Boîte à outils du meneur de jeu. En effet, lorsque nous sommes confrontés à un blocage récurrent lors de nos parties et que nous n’arrivons pas à passer outre, il est généralement inutile de réfléchir à notre propre style ou à notre autonomie. L’urgence est de trouver une solution, peu importe la compétence mise en œuvre. Pour faire une analogie facile, si on est en train de se noyer, il faut trouver un moyen de sortir de l’eau. Réfléchir à une manière d’améliorer ses prochaines performances ou à une façon d’apprendre à nager ne sera pas très utile. En revanche, il est possible, dans un second temps, d’y repenser et d’en tirer des enseignements. À ce moment-là, plus nous disposons d’exemples de ce qui se pratique ailleurs, plus il est facile de faire le lien entre ces derniers et avec ce que nous connaissons déjà, et plus cet apprentissage devient facile et fertile. C’est en cela que, même si tous sont indépendants et qu’aucun ne nécessite la lecture des autres, cet ouvrage est complémentaire avec les deux qui l’ont précédé. Aussi, La Boîte à outils du meneur de jeu est avant tout un catalogue d’une centaine de fiches correspondant, selon ce qui nous a paru le plus pertinent, soit à la présentation d’un outil, soit à une situation problématique et d’une ou plusieurs techniques pour la résoudre. Un tel choix entraîne deux questions : « Comment ont été déterminés les problèmes traités par les fiches ? » et « Comment ont été sélectionnées les techniques pour y répondre ? ». Concernant les situations abordées, nous avions fait une première liste à partir de ce qui nous semblait être les « cent techniques à connaître ». Nous voulions que ces fiches 8

permettent soit d’intégrer aux parties des façons de jouer qui sortent de l’ordinaire, soit de résoudre des problèmes très concrets qui se posent tôt ou tard à la plupart des meneurs. C’est pourquoi nous avons confronté notre liste avec diverses sources à notre disposition : les retours concernant les ouvrages précédents, les questions posées lors de nos interventions sur l’animation de parties ou nos stages de game design, et les opinions de quelques amis et confrères. Si l’essentiel de la liste initiale a été validé, nous avons tout de même été surpris. Par exemple, certaines suggestions abordaient des thèmes qui nous semblaient de prime abord externes au JdR (comment éviter qu’une tension entre joueuses ne dégénère  ? Comment utiliser la communication non verbale en partie  ?), et d’autres des sujets où nous pensions que tout avait été déjà dit (comment ramener des joueuses dans le sens du scénario ? Quelle structure narrative choisir ?). Dans les deux cas, la répétition de ces demandes nous a prouvé que nous avions tort et qu’il existait un réel besoin de la part des MJ. Nous avons donc revu notre liste pour en tenir compte et en avons profité pour changer l’angle de nombreuses fiches, afin de les orienter moins sur la présentation d’un outil que sur la résolution d’un problème. Pour les mêmes raisons, nous n’avons pas hésité à prendre la place nécessaire pour celles sur lesquelles nous voulions mettre l’accent, que ce soit par goût ou parce que nous les trouvions plus utiles, quitte, par exemple, à présenter tout un panel de techniques au lieu d’une seule. Le choix des techniques elles-mêmes s’est fait sur une base assez simple : nous voulions rassembler des outils ou des méthodes dont nous nous servons réellement dans nos propres parties et dont nous avons pu constater l’efficacité en jeu. Nous n’avons aucune envie de nous arroger le droit de déterminer ce qui relève du « bien jouer » ou pas, comme le veut l’esprit de la collection. De fait, nous n’avons pas sélectionné ces techniques parce qu’elles seraient les meilleures dans un classement hypothétique qui n’aurait pas trop de sens, ou parce qu’elles seraient à la mode. Ainsi, beaucoup de ces conseils forment une sorte de « sagesse populaire » rôliste. Certains tiennent de la recette de grand-mère, d’autres sont des créations originales, d’autres encore ont été popularisées par un auteur ou un jeu. La plupart sont en réalité des pratiques qui ont émergé à plusieurs endroits au fil des années, souvent sous des noms ou avec des points de vue un peu différents, et que nous avons rassemblées lorsque nous estimions qu’il s’agissait essentiellement de la même chose. Il pourrait être intéressant de se lancer dans une généalogie de ces techniques, ou même de justifier ces choix, mais il s’agit d’un travail titanesque qui n’aurait de toute façon pas sa place dans ce recueil. En effet, nous n’avons pas cherché à vous fournir l’outil le plus adapté à votre groupe. Nous ne le connaissons pas. Nous avons avant tout cherché à vous transmettre des outils efficaces et dont nous savons, d’expérience, qu’ils fonctionnent. Nous avons choisi ces techniques parce qu’elles sont pratiques ou, pour reprendre les mots de Poincaré, avantageuses. Par conséquent, il est tout à fait possible que vous estimiez que vos propres astuces soient supérieures au contenu de telle ou telle fiche. Nous n’avons aucun problème avec cela, d’une part car vu la quantité de matériel proposé, cela paraît inévitable. D’autre part, notre objectif est justement que vous puissiez vous approprier ces techniques et 9

les combiner aux vôtres pour en construire d’autres, taillées sur mesure pour répondre à vos besoins, à vos goûts et à ceux de votre groupe. Comprenons-nous bien, tous les outils proposés ici fonctionnent et ont un véritable impact autour de la table de jeu, mais ils ne sont qu’une réponse possible (ou qu’un petit groupe de réponses possibles) à une situation donnée. Notre but est que vous ayez toujours une solution, mais pas de vous infantiliser ni de faire les choix à votre place. Aussi, pour que vous puissiez aller encore plus loin si vous le souhaitez, nous avons intégré à chaque fiche les avantages et inconvénients des techniques décrites, celles avec lesquelles elles font des combinaisons intéressantes et les conditions dans lesquelles elles se montrent particulièrement efficaces.

Ce que vous trouverez dans ce recueil Comme expliqué précédemment, vous découvrirez dans cet ouvrage cent fiches. Celles-ci peuvent, selon les cas, répondre à l’une ou l’autre des logiques suivantes : • présenter un outil ou un ensemble d’outils ; • présenter un problème et une technique ou un ensemble de techniques permettant d’y faire face sans rester bloqué. Modèle des fiches 1. Description A. Présentation : une rapide introduction exposant les techniques proposées ou le problème qu’il faut résoudre. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez : les conditions les plus appropriées pour utiliser le contenu de la fiche. C. Variantes : des méthodes alternatives pour utiliser la solution proposée ou d’autres façons d’arriver au même objectif. D. Mots-clés : une aide pour naviguer entre les fiches. 2. Mode d’emploi : l’explication de l’outil proposé et la méthode à suivre pour l’utiliser. Il s’agit du « cœur » de la fiche. 3. Avantages et inconvénients : quelques éléments à prendre en compte avant d’utiliser une technique donnée. 4. Exemple : une mise en application du contenu de la fiche. Pour des raisons pratiques, l’exemple est parfois réparti au fur et à mesure de cette dernière. 5. Liens avec les articles des recueils précédents  : les articles de Mener et Jouer des parties de jeu de rôle avec lesquels il peut être intéressant de faire un lien.

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Comme nos précédents recueils, La Boîte à outils du meneur de jeu s’adresse en priorité à des lectrices et des lecteurs qui sont déjà rôlistes. Les fiches sont organisées de façon à être facilement compréhensibles pour des novices, même si certains enjeux ne se révéleront peut-être utiles qu’avec l’expérience et une fois que les problématiques plus urgentes auront été traitées. En outre, même les parties abordant les techniques les plus basiques ou connues présentent des alternatives qui permettent d’en renouveler l’intérêt. Et pour les jeux sans meneur ? Comme son nom l’indique, La Boîte à outils du meneur de jeu est avant tout pensée pour les jeux où l’autorité est répartie de façon classique, c’est-à-dire où les joueuses s’occupent essentiellement des décisions concernant les actions de leur personnage et où le meneur, au hasard près, décide plus ou moins de tout le reste. Pour autant, cela ne veut pas dire que cet ouvrage sera inutile pour la pratique des jeux sans meneur, ou à meneur tournant. Bien entendu, tout ne sera pas utilisable directement, ni même adaptable. Cependant, comme ce type de jeu redistribue généralement les prérogatives des meneurs entre les joueuses, une bonne partie de ces conseils pourront continuer de s’appliquer et elles pourront bénéficier des techniques correspondantes.

Nous vous déconseillons de lire ce recueil d’une traite, de la première à la dernière ligne. Un peu comme pour un dictionnaire, cela n’aurait guère de sens. Au contraire, nous vous encourageons à vous en emparer, à naviguer dans ses pages et à picorer ce qui vous paraît le plus utile, au moment où cela vous semble le plus pertinent. Par exemple, il vaut sans doute mieux lire les fiches correspondant aux besoins de votre table de jeu ou, si vous utilisez nos autres recueils, à ce qui fait écho aux chapitres pour lesquels vous avez envie d’aller plus loin. Dans tous les cas, nous avons intégré trois outils pour vous aider à parcourir cet ouvrage : • un découpage en quatre parties thématiques, qui correspondent chacune à une division de l’activité de meneur de jeu : 1. organiser : mettre en place une partie et tout ce qui dépasse le cadre d’une session unique (séance zéro, expérience, se placer, prendre des notes, etc.) ; 2. scénariser : préparer le contenu d’une séance et de ce que l’on va proposer aux joueuses (structure narrative, arcs de personnages, linéarité, etc.) ; 3. animer : capter et conserver l’attention des joueuses en leur permettant à la fois de s’exprimer et d’être impliquées (rythme, gestion des scènes, tension, etc.) ; 4. varier : sortir des sentiers battus grâce à des techniques alternatives ou permettant d’intégrer de phases de jeu originales (transparence, lumières, lettres d’amour aux personnages, etc.) ; 11

• une indication du public auquel se destinent les fiches et de la difficulté à les appliquer. Une fiche arborant un astérisque (*) s’adressera en priorité aux débutants ou traitera de techniques assez basiques, là où une fiche à trois astérisques concernera davantage les vétérans ou les meneurs désireux de peaufiner un aspect de leur pratique. Celles qui en comprennent deux se situent entre ces deux niveaux ; • des mots-clés vous permettant de savoir rapidement ce qui est abordé dans les fiches. Ainsi, si vous souhaitez trouver toutes les fiches concernant la création de personnage, vous pourrez le faire rapidement grâce à l’index situé à la fin du livre. Jouer avec La Boîte à outils du meneur de jeu Une façon alternative de vous servir de ce recueil est de l’utiliser pour vous lancer des défis et vous pousser à utiliser des techniques dont vous n’avez pas l’habitude. Il vous suffit de tirer aléatoirement deux ou trois fiches, dont vous devrez vous servir de façon significative pour la prochaine séance. Si l’outil proposé n’est pas adapté à votre situation, jetez à nouveau les dés. S’il vous semble difficile de l’appliquer à votre table ou que vous avez peur de mettre votre campagne en danger, utilisez-le quand même, mais de façon limitée. Cela vous permettra de le découvrir. Tirer aléatoirement des techniques de meneur paraît inhabituel, voire contre-intuitif. Cependant, pour nous livrer à l’exercice, c’est aussi une astuce assez imparable pour renouveler son plaisir de jeu et sa pratique.

Bonne lecture !

I ORGANISER

Cartographier les relations entre personnages * 1. Description A. Présentation

Lorsque l’on mène un scénario en huis clos, une campagne politique, ou que l’on fait jouer dans un contexte comprenant de nombreux PNJ, il n’est pas toujours évident de se souvenir du détail des relations que ces derniers entretiennent entre eux, ou avec le groupe. De surcroît, celles-ci peuvent changer rapidement et évoluent parfois hors champ. Ainsi, pour ne pas passer son temps à réfléchir ou à compulser son supplément, ou pour pouvoir les partager avec les joueuses, il est très utile de pouvoir les représenter de façon simple et synthétique. Une des méthodes les plus efficaces est d’utiliser ce que l’on appelle une carte relationnelle. Le supplément pour Vampire : la Mascarade  intitulé Chicago by Night  en propose des exemples parmi les plus célèbres. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• vous y retrouver facilement sans avoir à consulter votre scénario durant une partie ; • permettre aux joueuses de s’approprier une situation complexe impliquant de nombreux personnages ; • leur rappeler que la diplomatie et la politique restent des stratégies pertinentes ; • accompagner une création collective de contexte. C. Variantes

Si on recherche une ergonomie accrue, il n’existe qu’assez peu d’alternatives à ces schémas. Pour des relations relativement monolithiques, comme la simple allégeance à des factions, il peut être intéressant d’utiliser des listes ou des cartes à jouer représentant les PNJ. Pour des situations plus complexes, le MJ se trouve rapidement limité. Toutefois, les variantes sont assez nombreuses dans le sens où il est possible de

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représenter bien plus que des personnes, comme des lieux, des souvenirs, des objets, etc. Les procédures expliquées dans la fiche Créer un quartier avec les joueuses (p. 39) ou le jeu Smallville pourront constituer de bons exemples de telles variations. D. Mots-clés

Aide de jeu, intrigues secondaires, PNJ, transmission.

2. Mode d’emploi  Même si le nom peut faire peur, dessiner une carte relationnelle est extrêmement simple. Il vous suffit de placer sur une feuille le nom des personnages, PJ ou PNJ, que vous voulez prendre en compte et de tracer des flèches entre ceux qui sont liés. Le tour est joué. Toutefois, il est aussi possible d’aller plus loin. Voici quelques considérations pour vous y aider. A. Forme et support

Qu’il soit sur une feuille ou un écran, ce type de schéma a tendance à prendre de la place. Aussi, assurez-vous d’en prévoir assez, surtout si vous pensez le faire évoluer. Cependant, bien que nous nous concentrions sur le papier pour des raisons d’accessibilité, rien ne vous empêche de considérer d’autres supports. N’hésitez pas à réfléchir à leurs potentialités. Par exemple, le format numérique est très efficace si vous devez régulièrement mettre à jour votre carte et que les joueuses peuvent la consulter pendant la partie. Il permet également de remplacer avantageusement les noms des personnages par des portraits. Si vous préférez au contraire rester sur du tangible et que vous avez la place, le matériel ou les moyens nécessaires, vous pouvez utiliser un tableau de liège avec des cartes de bristol et des punaises. Ce n’est guère pratique à conserver en l’état entre deux séances, à moins d’avoir le luxe de jouer dans un espace dédié, mais reste facilement modulable. De plus, si vous êtes dans le cadre d’une enquête contemporaine, une telle installation apportera un cachet certain et aura un indéniable effet sur l’ambiance. B. Typer les relations

L’aspect synthétique des cartes relationnelles les rend très ergonomiques, mais elles ne prennent leur réelle dimension que lorsque l’on commence à qualifier la nature des liens entre les personnages. Plus elles comprendront des relations singulières et intéressantes 1, plus l’outil sera utile et la dimension sociale des parties s’en trouvera enrichie, en termes de volume et d’intérêt. Toutefois, comme expliqué, la place est limitée et force à la synthèse. Aussi, pour qualifier les relations, privilégiez : 1. À ce sujet, Fiasco constitue une bonne inspiration.

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• un verbe 2 expliquant le sentiment qu’éprouve un personnage envers un autre : aime en secret, déteste, craint, respecte, influence, est accro à, méprise, etc. ; • un nom, un adjectif ou une expression qui exprime l’image qu’un personnage se fait d’un autre : traître, pas digne de confiance, jeune ambitieux, vieux con, réactionnaire, hippie, à la vie à la mort, etc. • un verbe ou une courte phrase qui résume la nature de leurs interactions : donne de l’argent, loge, a trahi, fait chanter, utilise, surveille, s’est battu avec, a adopté, couche avec, a sauvé la vie, protège, élève, travaille avec, est intrigué par, aide, cache, connaît le secret de, est fidèle à, héberge, a licencié, veut larguer, se cache de, a servi dans la même unité que, négocie avec, etc. ; • le type de relation qu’ils entretiennent  : mère, amant, patron, fille cachée, frère, patronne, mentor, mari, rivaux, dealer, etc. Pour typer les relations, le mieux est sans doute de jouer des combinaisons : « protège son fils caché », « déteste et a licencié », etc. Non seulement ces croisements rendront la carte plus précise, mais ils permettront d’en accroître la richesse, par exemple en intégrant les objectifs ou les intentions des personnages. C. Autres Conseils

Enfin, voici quelques recommandations d’ordre général : • la carte sera plus intéressante si vous y représentez les relations à l’échelle de chaque personnage, plutôt qu’à celle du groupe ou d’une faction donnée. Au lieu de dire que cette dernière veut empêcher les PJ de nuire, indiquez par exemple que son chef les déteste à cause d’une vieille dette de jeu, mais que son lieutenant est l’ami d’enfance d’un autre PJ ; • concentrez-vous sur l’essentiel  ! Les relations se multiplient rapidement, notamment lorsque l’on intègre les idées des joueuses. Vous ne pourrez pas être à la fois exhaustif et lisible. Veillez donc à revoir vos ambitions à la baisse et à garder un nombre de PNJ et de relations gérable pour cette carte-là. Vous pourrez trouver des solutions alternatives si besoin : agrandir le cercle plus tard, utiliser plusieurs cartes complémentaires, etc. • gardez en tête que la carte relationnelle est aussi une façon de prendre des notes et qu’elle peut être utilisée tout au long de la campagne. Dans l’univers du jeu, une relation barrée signifie beaucoup plus de choses que pas de relation du tout ; • si vous pouvez leur fournir une carte de la situation initiale, laissez les joueuses la gérer. Cela vous permettra d’en tenir une à jour de votre côté, avec les informations que vous ne souhaitez pas leur révéler, ou pas encore, les conséquences de ce qui se passe dans l’ombre, etc.

2. Nous vous suggérons de bien distinguer ce qui correspond à des faits réels (verbes ou expressions verbales) et ce qui est de l’ordre de la projection, de la perception ou des attentes (noms).

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3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• permet d’imaginer plus facilement les réactions des PNJ et de leurs alliés ; • synthétise une matière sinon trop importante, que ce soit pour vous ou pour les joueuses ; • matérialise la progression dans un univers ou une campagne ; • permet de suivre efficacement les intrigues secondaires ou de les développer. Inconvénients :

• a tendance à se remplir rapidement au fur et à mesure des interactions ; • nécessite d’être tenue à jour pour rester utile ; • ne peut être facilement claire et exhaustive, surtout si vous avez besoin d’y mentionner des informations inconnues des joueuses.

4. Exemple Imaginons une partie d’un jeu où les PJ sont fraîchement intégrés à une nouvelle unité militaire :

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Enseigner un jeu p. 93, Incarner des PNJ p. 141, Partager la narration p. 381. Jouer des parties de jeu de rôle : S’approprier un jeu p. 209.

Catégoriser les joueuses **

1. Description A. Présentation

Toutes les joueuses viennent à la table de jeu pour des raisons qui leur sont propres, et chacune a ses préférences. Les connaître permet de proposer une séance adaptée à leurs goûts. Toutefois, à moins de jouer ensemble depuis des années, il est très difficile de pouvoir exactement anticiper ce qu’elles vont apprécier ou détester. Fort heureusement, il existe plusieurs techniques pour le découvrir. Cette fiche présente l’une d’entre elles, qui consiste à observer le comportement d’une joueuse pour l’associer à une catégorie plus vaste. Il sera ensuite plus facile de déduire quels seront les éléments susceptibles de l’intéresser. Elle propose également une classification simple, ainsi qu’une série de conseils associés à chaque catégorie : bâtisseuses, communicantes, compétitrices et exploratrices. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• mettre en jeu des situations adaptées aux goûts de vos joueuses ; • essayer d’identifier ce qui fait qu’une partie est plus appréciée qu’une autre ; • personnaliser un scénario du commerce. C. Variantes

Au lieu de commencer par dresser un profil des joueuses, une alternative à la technique proposée ici consiste à leur demander directement ce qu’elles souhaitent jouer (voir Établir le contrat social durant la séance zéro p. 72). Il est également possible de le déduire des informations qu’elles vous ont déjà fournies (voir « Rendre les choses personnelles » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 261 et Jouer des parties centrées sur les PJ p. 629). Enfin, vous pouvez créer avec elles 17

un cadre plus adapté (voir Créer un groupe cohérent p. 33 et Créer un quartier avec les joueuses p. 39). Les intérêts de ces méthodes peuvent sembler évidents, mais toutes ont leurs avantages et leurs inconvénients. Par exemple, il peut arriver qu’une joueuse pense qu’une activité ou qu’une nouvelle technique va lui déplaire, mais soit agréablement surprise en lui donnant une chance lors de la partie. En parallèle, il existe de très nombreuses variantes. Si la catégorisation décrite ici (bâtisseuses, communicantes, compétitrices et exploratrices) est proche du modèle de Richard Bartle (achievers, explorers, killers, socializer 1), ces dernières ne manquent pas. Le tableau ci-contre donne déjà une petite idée de la diversité des typologies disponibles, mais il en existe bien plus. De nombreux jeux et articles de conseils proposent leur propre classification. Parmi les plus adaptées au JdR, on peut notamment citer le modèle triple 2 ou GDS (Game, Drama, Simulation) et sa variante plus connue la LNS 3 (Ludiste, Narrativiste, Simulationiste), mais aussi la catégorisation de Robin D. Laws 4  (l’acteur, le botteur de culs, le conteur, le joueur occasionnel, celui en quête de puissance, le spécialiste et le tacticien). D. Mots-clés

Création de personnage, début de séance, intrigues secondaires, narration partagée, personnel, séance zéro, tripes.

1. Bartle Richard, « Hearts, Clubs, Diamonds, Spades: Players Who Suit MUD’s », mud.co.uk/richard/ hcds.htm, 1996. 2. Kim H. John, « The Treefold Model FAQ », www.darkshire.net/jhkim/rpg/theory/threefold/faq_v1.html, 1998 (avec révisions de 2003). ptgptb.fr/le-modele-a-trois-volets-faq, trad. par Pierre Buty pour la V.F. 3. Edwards Ron, « GNS and Other Matters of Role-Playing Theory », www.indie-rpgs.com/articles/1/, 2001. ptgptb.fr/le-lns-chapitre-1, trad. par Christoph Boeckle pour la V.F. 4. Laws Robin D., Robin’s Laws of Good Game Mastering, Steve Jackson Games, Austin, 2002.

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Auteur (modèle) et source

Année

Catégories (dans la langue originale)

Perren, Doomsday Book n° 3

1970

GAMEr, WARrior

Blacow, Different Worlds n° 10

1980

Power gamer, role-player, story teller, wargamer

Allston, Strike Force

1988

Builder, buddy, combat monster, copier, genre fiend, mad slasher, mad thinker, plumber, romantic, rules rapist, showoff, pro from Dover, tragedian

Bartle, Journal of MUD Research n° 1

1996

Achiever, explorer, killer, socializer

Kim (modèle triple), www.darkshire.net

1997

Dramatist, gamist, simulationist

Edwards (GNS), http://indie-rpgs.com

1999

Gamist, narrativist, simulationist

Wizards of the Coast, www.seankreynolds.com

1999

Character actor, power gamer, storyteller, thinker

Pohjola (Turku), https://nordiclarp.org

2000

Dramatist, gamist, simulationist, immersionist

Powell (GEN), www.darkshire.net

2001

Gamist, explorative, narrative

Laws, Robin’s Laws of Good Game Mastering

2001

Butt-kicker, casual player, method Actor, power gamer, specialist, storyteller, tactician

Bateman (DGD1), 21st century Game Design

2006

Conqueror, manager, participant, wanderer

Yee, Cyberpsychology & Behavior, vol. 9, n° 6

2006

Achiever, immersionist, socializer

Zackariasson, www.zackariasson.com

2010

Progress & provocation, power & domination, helping & support, friends & collaboration, exploration & fantasy, story & escapism

McDiarmid, Branches of Play: The 2011 Wyrd Con Academic Companion

2011

Dramatist, gamist, simulationist, immersionist

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2. Mode d’emploi  Comme expliqué précédemment, cette fiche ne présente qu’une des multiples classifications de joueuses possibles. Elle n’en est pas moins souvent pertinente, mais ne saurait être adaptée à toutes les tables de jeu. Aussi, pour réellement en tirer parti, il est conseillé de chercher la typologie qui est la plus utile pour votre groupe, et non de vouloir faire rentrer absolument vos joueuses dans les premières catégories que vous trouverez. Pour vous aider à déterminer le modèle adapté, il est important de commencer par observer le comportement des joueuses pendant la partie. A. Observez les joueuses

Essayez de faire attention à : • ce que les joueuses retiennent des parties, ce dont elles reparlent après ou pendant les débriefings (p. 55) ; • ce qui plaît aux unes et déplaît aux autres, et éventuellement les sources de tension ; • les situations où chacune semble s’amuser ou, au moins, participer ; • la façon dont elles ont rempli leurs feuilles de personnage (voir « Rendre les choses personnelles » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 261) ; • leurs éventuelles notes. Si vous savez déjà quelle typologie vous allez utiliser, essayez de noter ce qui correspond aux axes de cette dernière. Ainsi, dans le cas de la classification détaillée à la section suivante, il serait intéressant d’observer si les joueuses semblent privilégier l’expression sur l’expertise, ou si elles s’intéressent davantage à l’univers dans toute sa richesse plutôt qu’aux situations de jeu plus immédiates. Si vous ne le savez pas encore, essayez de choisir une classification qui fasse ressortir les différences marquantes entre vos joueuses, et notamment ce qui distingue celles qui s’amusent des autres. Le tableau p. 15 devrait vous fournir quelques pistes, mais il existe de très nombreux autres modèles sur Internet. B. Catégorisez les joueuses et proposez du contenu adapté

La classification présentée ici est assez simple. Comme le montre le schéma ci-contre, elle repose sur quatre catégories réparties selon deux axes. Le premier distingue les joueuses privilégiant l’expression de celles préférant l’expertise, que celle-ci concerne l’univers ou la capacité à gérer les problèmes rencontrés en cours de partie. Le second axe distingue les joueuses mettant l’accent sur le monde ou sur les situations que leurs personnages affrontent.

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Les quatre catégories ainsi définies sont détaillées ci-après. À partir de ce que vous avez pu déterminer de l’observation des joueuses, affectez chacune d’entre elles à un archétype et suivez les conseils correspondant à la description appropriée. Si vous le souhaitez et que cet apport vous semble pertinent pour vos joueuses, vous pouvez intégrer quelques conseils issus d’une seconde catégorie. a) Les bâtisseuses

Ces joueuses aiment construire, créer, enrichir, ajouter, faire évoluer. Selon leurs goûts, cette tendance peut concerner leur personnage, que ce soit d’un point de vue technique (spécialisation et améliorations), ou dramatique (rédaction de longs backgrounds, occupations de leur PJ entre les séances, voir Gérer le downtime p. 613 et Écrire des lettres d’amour aux personnages p. 588). Cette affection pour le développement peut également s’appliquer à l’univers. Ainsi, elles peuvent souhaiter écrire l’historique de l’endroit où leur personnage a grandi. Pendant une séance, elles vont par exemple vouloir ajouter des éléments de leur cru dans une scène. Aussi, pour qu’une bâtisseuse apprécie davantage la partie, il peut être judicieux de lui ménager des moments où elle pourra laisser libre cours à sa créativité. Vous pouvez lui poser des questions provocantes (p. 522) ou lui demander d’expliquer ce que son personnage fait ou raconte lors de certaines phases que vous avez peut-être l’habitude de passer sous silence, comme les discussions autour du feu de camp et autres scènes de détente (p. 654). De même, n’hésitez pas à réutiliser ce qu’elle a produit, comme les détails qu’elle a inventés pour créer son background, son équipement, etc. Enfin, lui proposer des objectifs qui feront singulièrement évoluer son PJ ou l’univers est généralement une bonne idée.

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b) Les communicantes

Ces joueuses aiment globalement interagir avec les PJ et les PNJ, développer des relations complexes, discuter, parler comme si c’était leur personnage qui s’exprimait, etc. Si le JdR est une conversation, c’est bien par l’usage de la parole qu’elles entendent en profiter. Elles aiment pouvoir se mettre en scène, multiplier les tirades bien senties et les punch lines dévastatrices. Inversement, elles détestent que les règles ou les limites de leurs personnages, lorsqu’elles ne constituent pas des défis d’interprétation, viennent diminuer ce qu’elles pensent pouvoir obtenir en discutant et en expliquant. Pour qu’une communicante apprécie davantage la séance, soignez la rhétorique et les réparties. Préparez certains dialogues comme des scènes de combat, c’est-à-dire sans oublier de prévoir des retournements de situation et des révélations qui les rendront mémorables. Lorsque les opposants n’ont que peu d’esprit, tendez-lui des perches pour que son personnage puisse y répondre de façon cinglante ou railleuse si elle le souhaite. De temps à autre, opposez-lui un adversaire charismatique, beau parleur et vif. Inspirez-vous des techniques de Structurer des combats de boss (p.  718) en les adaptant au contexte d’une joute oratoire. Quoi qu’il en soit, proposez-lui des conversations variées, que ce soit des négociations, des interrogatoires, des scènes de séduction, des diatribes enflammées, des confidences au coin du feu, etc. Dans le même ordre d’idées, n’hésitez pas à développer l’aspect relationnel et à le faire surgir dans les parties : collègues, famille, amis, rivaux, ennemis, supérieurs hiérarchiques, ex, conjoint, etc. Évitez que ces relations soient trop neutres ou archétypales, et laissezvous la possibilité de les faire évoluer selon les actes du personnage (voir Générer des relations complexes p. 272 et Organiser un hot seat p. 668). c) Les compétitrices

Ces joueuses aiment relever des défis, dont la nature peut beaucoup varier de l’une à l’autre : enquêtes au long court, combat, tactique, poursuites, scènes de crime à examiner méticuleusement, plans pour entrer sans être vu dans un complexe bien protégé, etc. Elles optimisent fréquemment leur personnage pour faire face aux épreuves, mais se contenteront rarement d’un jet de dés pour réussir. Généralement, elles n’aiment pas avoir l’impression que leurs succès leur sont « donnés ». Elles ont besoin de voir leurs capacités déductives et tactiques stimulées, qu’on leur donne du fil à retordre et que les événements suivent une certaine logique qu’elles puissent comprendre, anticiper et maîtriser. Pour qu’une compétitrice apprécie davantage la partie, n’hésitez pas à lui offrir des défis à sa mesure. La difficulté peut être élevée si elle s’accompagne de nombreuses possibilités de se montrer inventive pour surpasser l’adversité. Plus il existe de paramètres, de chemins détournés, de possibilités de sortir des sentiers battus, mieux c’est. Cela vaut pour un défi tactique comme pour une enquête ou une prise de pouvoir politique. Dans tous les cas, privilégiez les objectifs à moyen ou long terme pour qu’elle puisse décider de sa stratégie et la mettre en œuvre. De même, essayez de varier 22

les situations pour l’amener à réfléchir à des solutions inédites et à utiliser de nouvelles compétences, et tentez de faire en sorte qu’elle apprenne quelque chose à chaque fois. Lui opposer un adversaire récurrent qui reconnaît sa valeur, progresse lui aussi, et la pousse à élever son jeu devrait également être une bonne idée (voir Créer un grand méchant p. 225). d) Les exploratrices

Ces joueuses aiment parcourir l’espace de jeu, voyager, découvrir des informations sur l’univers, etc. Elles adorent avoir l’impression d’évoluer dans un autre monde et de sentir qu’elles ne font qu’un avec leur personnage. Plus elles accumulent de connaissances sur le contexte, plus elles s’y investissent et se l’approprient, plus elles apprécient de les réutiliser dans la partie. Ces joueuses sont les plus susceptibles de prendre des notes pendant la partie, et sont ravies de les voir être utilisées. Pour qu’une exploratrice apprécie davantage la partie, n’hésitez pas à lui en mettre plein les yeux, ne négligez pas les descriptions et faites appel aux cinq sens (p. 575). Essayez de toujours leur donner un cachet unique et une touche de dépaysement, y compris dans les moments où elles passent parfois au second plan, comme les scènes d’action. N’hésitez pas non plus à montrer à l’exploratrice la cohérence et la richesse du monde en transmettant parfois un peu plus d’informations que nécessaire (par exemple sur l’origine de l’équipement, l’histoire d’une faction ou d’un lieu, etc.), mais surtout en lui fournissant l’occasion d’utiliser ses connaissances (celles issues de ses notes ou celles du personnage) pour résoudre des problèmes qui se posent au groupe. Vous pouvez également susciter son intérêt en utilisant une carte (p. 733), dont certaines parties sont encore inexplorées et en multipliant les expéditions et leurs préparatifs. Enfin, valorisez sa curiosité et insistez sur les conséquences que les actions des personnages ont sur l’univers. Montrez que le monde évolue plus vite que les cartes ne le feront jamais.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• répartit les joueuses en fonction de leur comportement observé, et non uniquement de la façon dont elles se définissent ; • détermine rapidement les éléments à intégrer pour capter l’attention des divers types de joueuses ; • s’adapte aux différents groupes grâce au très grand nombre de typologies disponibles ; • propose une solution efficace pour personnaliser des jeux ou des scénarios publiés. Inconvénients :

• implique un arbitrage constant pour ne pas favoriser les mêmes profils en permanence ; • nécessite que la typologie s’adapte aux joueuses, et non l’inverse, pour être efficace ;

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• doit être réévaluée en cours de campagne en fonction de l’évolution des joueuses ; • n’est qu’une ligne de conduite qui vient compléter d’autres techniques, et non une marche à suivre impérative ou même suffisante.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Enseigner un jeu p. 93, Décrire p. 109, Improviser p.  125, Incarner des PNJ p.  141, Animer les scènes spéciales p.  191, Rendre les choses personnelles p. 261. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Interpréter un personnage p. 69, Jouer ensemble p. 129, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179, Exploiter la distinction entre joueur et personnage p. 195, S’approprier un jeu p. 209, Se laisser surprendre p. 277.

Créer des prétirés *

1. Description A. Présentation

Si la création de personnage peut souvent être considérée comme le pré carré des joueuses, en proposer des prétirés peut être utile à plus d’un titre. Par exemple, le temps peut manquer et vous pouvez vouloir commencer à jouer le plus vite possible, vos joueuses avoir envie de découvrir un JdR sans s’imposer cette étape avant d’avoir un premier aperçu de son univers ou de ses règles, l’une d’entre elles avoir perdu ou oublié sa feuille de personnage, votre partie nécessiter des protagonistes bien précis (que ce soit en termes de capacités techniques, de background, d’attitude attendue, de loyauté ou autre), etc. Les raisons ne manquent pas et, selon ces dernières, la façon de les concevoir ne sera pas la même. Dans certains cas, vous pourrez vous contenter d’un archétype relativement générique ou d’un personnage quelconque trouvé sur le Net. Peut-être même vous faudra-t-il tout un groupe complémentaire. Dans d’autres encore, vous n’aurez d’autre choix que de le créer vous-même avec force détails. Quoi qu’il en soit, cette fiche propose des pistes pour créer des prétirés qui répondent aux besoins de votre partie. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• faire gagner du temps à vos joueuses ou leur épargner une création de personnage désagréable ; • initier des joueuses ou leur présenter un nouveau jeu ; • proposer une partie dont l’intrigue implique un type précis de personnage. C. Variantes

La principale alternative à la création de prétirés est comme on peut s’y attendre la création classique de personnage (à ce sujet, consultez également l’article « Créer un 25

personnage » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 29). Toutefois, il existe tout un spectre de solutions intermédiaires, par exemple les cas où les joueuses proposent les bases des personnages, puis le meneur les développe. L’inverse est également possible et même très courant, avec l’utilisation d’archétypes pour lesquels il reste un certain nombre de points à répartir afin que les joueuses puissent les personnaliser (voir Laisser des points à répartir à la création des PJ p. 661). D. Mots-clés

Arc de groupe, cadence, création de personnage, implication, intrigues secondaires, règles, séance zéro, transmission.

2. Mode d’emploi  Dans un premier temps, cette fiche aborde une série d’indications pour créer des personnages prétirés, au début en fonction des raisons qui vous ont poussé à privilégier cette approche, puis des éléments que vous souhaitez mettre en avant. A. Identifier ses besoins

Comme expliqué précédemment, il peut y avoir de nombreuses raisons de fournir des prétirés. Toutefois, celles-ci amènent logiquement à les créer de façon légèrement différente afin qu’ils puissent répondre au mieux à vos besoins et à ceux de vos joueuses. Ainsi, si vous souhaitez initier des non-rôlistes, vos joueuses auront probablement une bonne partie de leur attention monopolisée par le fait de découvrir l’activité JdR en tant que telle. Aussi vaut-il mieux que les personnages soient attachants, mais surtout très simples à comprendre, autant d’un point de vue technique que pour ce qui concerne leur interprétation. Privilégiez donc les grands archétypes (p. 146), faciles à distinguer les uns des autres, sans pour autant en faire des personnages ultra spécialisés. En effet, les joueuses risqueraient alors de se retrouver rapidement frustrées par les lacunes de leurs personnages, et de ne pas comprendre que d’un côté on leur dise qu’il est possible de faire tout ce que l’on souhaite en JdR, et de l’autre de ne pas y arriver une fois autour de la table. Une approche assez efficace peut être de proposer un groupe assez simple à comprendre, par exemple une unité composée uniquement de guerriers, mais dont chaque membre a une spécificité assez claire et n’ayant pas d’implication technique très poussée (archère, éclaireuse, épéiste, etc.). En revanche, si vous voulez avant tout présenter un nouveau jeu, vos personnages vont devoir répondre à deux futures interrogations. Pour la première, il suffit de montrer aux joueuses comment elles peuvent faire ce qu’elles ont déjà l’habitude de faire dans d’autres jeux : combattre, lancer un sort, crocheter une serrure, etc. Aussi les personnages devraient-ils, dans l’idéal, être assez divers pour que les joueuses puissent retrouver les grandes catégories auxquelles elles sont habituées ou leurs équivalents dans ce monde. D’une certaine façon, elles doivent retrouver 26

immédiatement une partie de leurs automatismes. Pour répondre à la seconde interrogation, il est nécessaire de leur montrer ce que le jeu a d’attachant et en quoi il se distingue des autres. Selon les cas, ces spécificités peuvent comprendre certains types de personnages, certaines activités ou même des particularités de l’univers. Pour réussir à combiner ces deux objectifs en apparence contradictoires, le mieux est probablement de composer un groupe incluant l’équivalent des grandes classes habituelles et un ou deux personnages atypiques (peuples, classes, etc.), tout en s’assurant de saupoudrer les premiers d’éléments spécifiques au jeu, et si possible enthousiasmants. Idéalement, ceux-ci devraient prendre la forme d’équipement ou de capacités spéciales accompagnés de petits points de background liés à l’univers, et permettant de les justifier. Accessoirement, si le jeu plaît et que la table décide de lancer une nouvelle campagne, ces prétirés pourront devenir des PNJ pour le plus grand plaisir des joueuses (voir Réutiliser un ancien PJ comme PNJ p. 689). Si vous avez choisi de créer des prétirés uniquement pour faire gagner du temps à vos joueuses, par exemple parce que vous n’avez que peu de disponibilités ou parce qu’elles n’aiment pas la phase technique que cela implique, votre tâche est en revanche bien plus simple. En effet, vous connaissez déjà vos joueuses et pouvez leur poser toutes les questions nécessaires par mail ou par téléphone pour vous assurer de faire des personnages qui répondent à leurs attentes (voir Catégoriser les joueuses p. 17). Dans ce cas, essayez de voir ce qui les intéresse, selon par exemple si elles connaissent déjà le jeu ou pas, et contentez-vous de créer les personnages comme vous pensez qu’elles l’auraient fait. Ne cherchez pas l’optimisation à tout crin, principalement pour ne pas rajouter encore à votre charge de travail, mais n’hésitez pas à créer des personnages efficaces si vous en avez la possibilité, et à rajouter des éléments qui, à votre avis, pourront à la fois aiguiser leur curiosité et leur faire découvrir de nouveaux aspects du jeu. Vous pouvez également vouloir avant tout constituer une réserve de personnages qui puissent être interprétés par les joueuses en cas de coup dur, ou si leur PJ habituel est absent d’une scène et que vous ne voulez pas qu’elles s’ennuient. Cette réserve est également très utile lorsque vous jouez dans un cadre associatif, où il faut régulièrement accueillir de nouveaux participants. Votre priorité est alors de faciliter l’intégration de ces personnages à la partie, que ce soit du point de vue de la logique interne de leur groupe, de la raison de leur présence, etc. Une première approche consiste à préparer des prétirés qui pourront facilement rencontrer les autres PJ au beau milieu de leurs aventures, comme des mercenaires, des prisonniers, des reporters, etc. L’autre méthode est de créer des personnages en lien avec les PJ qui peuvent avoir des raisons de les rejoindre et de reprendre le flambeau, mais également d’être au courant d’une partie de ce qu’ils ont déjà appris : membres d’une même société secrète, d’un club d’explorateurs, enfant (mais dont l’identité exacte des parents reste à définir), détective privé cherchant à retrouver l’un d’entre eux, etc. Là encore, comme vous ne connaissez pas exactement les circonstances dans lesquelles ces prétirés vont être utilisés, ni par qui, la prudence suggère de partir sur des archétypes faciles à prendre en main, auxquels vous aurez rajouté quelques signes particuliers. 27

Votre motivation est peut-être de fournir des PJ spécialement conçus pour jouer une intrigue spécifique, ou inclure des informations cachées disséminées dans leur background. Après tout, certains scénarios ne peuvent pas fonctionner autrement. Prenons l’exemple d’une trame tournant autour de personnages adultes qui, enfants, ont tous participé à créer un accident qui a provoqué la mort d’un homme. Les prétirés devraient alors être conçus pour tourner autour de cette intrigue, en expliquant à la fois comment elle les a marqués, mais également comment ils ont eu des trajectoires différentes par rapport à cette dernière. D’une façon ou d’une autre, elle devrait apparaître sur leur fiche, que ce soit parce qu’un PJ garde une cicatrice, fait des cauchemars, a décidé de devenir policier, etc. Dans le cas de PJ unis ainsi par un lourd secret, vous avez peut-être intérêt à vous inspirer des arcs de personnage et des arcs de groupe (voir Concevoir un arc de personnage p. 213) pour montrer comment cet événement les a poussés à évoluer, et comment certains n’ont pas réussi à le dépasser. Vos priorités seront assez similaires si vous choisissez d’utiliser des prétirés pour mettre en jeu les relations entre personnages (voir Créer un groupe cohérent p. 33). Mais, au lieu de les créer autour d’un événement passé, il vaut mieux maintenant le faire autour de leurs relations. Que font-ils ensemble ? Le sont-ils seulement ? Quelles sont les relations déséquilibrées au sein du groupe ? Pourquoi ? Sont-ils complémentaires ? Différents ? En quoi cela se retrouve-t-il dans leurs profils ? Si vous créez de tels personnages, il est crucial de leur trouver une raison d’être ensemble et de le rester, mais également de leur donner de nombreux défauts ou traits de personnalité, afin que les joueuses puissent les interpréter lors des scènes de discussion. Créez-leur un passé commun avec soit de nombreuses anecdotes plus ou moins désagréables, soit un événement ayant modifié beaucoup de choses au sein de leur groupe, afin de leur fournir un puissant moteur narratif. Quelle que soit votre motivation pour intégrer des prétirés, et même si ce principe peut apparaître comme une évidence, vous devez vous assurer qu’ils soient viables et à même de mener le scénario à son terme. Pour le dire autrement, ils doivent être capables de participer aux défis proposés, autant du point de vue des règles que du contexte. Cette contrainte s’exprime différemment si vous créez ces personnages pour une séance spécifique ou de façon plus générale. Dans le premier cas, on privilégiera sans doute les ressorts scénaristiques forts et l’adéquation avec le contexte. Dans le second, mieux vaut être attentif à leur polyvalence et à leur capacité à évoluer, et sans doute est-ce une très bonne idée d’intégrer des pistes de leurs évolutions futures dès leur création (voir Concevoir un arc de personnage p. 213). Ainsi, il peut être très plaisant de jouer un personnage grabataire dans une aventure de cape et d’épée, surtout si elle est faite pour lui, mais cela risque de poser rapidement des soucis si vous devez être capable de l’utiliser pour n’importe quel scénario. Inversement, un protagoniste plus passe-partout peut manquer de raisons de participer à une aventure uniquement focalisée sur le destin d’une famille bien précise de Gascogne. L’exemple le plus extrême est sans doute la figure du personnage mourant. Cette caractéristique peut le rendre inoubliable sur un one shot donné, mais totalement inutile pour de nombreux autres usages. 28

Vos objectifs peuvent avoir une influence sur la puissance des personnages prétirés. Si vous voulez présenter le JdR à des novices ou un nouveau jeu à vos camarades, il est sans doute judicieux de faire des personnages débutants qui soient tous de puissance comparable. Si vous souhaitez que ces prétirés servent de réserve en cas de coup dur, nous vous suggérons plutôt de les créer avec un niveau légèrement inférieur à celui des PJ. En revanche, s’ils sont conçus sur mesure pour un scénario de votre invention, n’hésitez pas à mélanger des personnages très différents et à tirer parti de ces déséquilibres pour créer du jeu. Attribuer les prétirés Même s’il ne s’agit pas à proprement parler de leur création, l’attribution des personnages prétirés mérite que l’on s’y attarde. La méthode la plus simple est sans doute le tirage au sort. Elle autorise le plaisir de la surprise et évite les discussions interminables, ou chacun feint de ne pas avoir de préférence. Toutefois, donner la possibilité aux joueuses de les choisir est sans doute préférable avec des novices, afin qu’elles ne vivent pas leurs personnages comme des carcans, voire qu’elles s’enthousiasment pour ces derniers. De même, lors de la présentation d’un nouveau jeu, cela leur permet d’en découvrir directement les aspects qui les intéressent le plus. Dans le cas des personnages conçus pour un scénario spécifique, à plus forte raison s’il s’agit d’une création maison, nous vous encourageons à les attribuer directement en fonction de ce qui vous semble le plus approprié. Naturellement, cela ne vous empêche pas d’en parler avec les joueuses concernées au préalable.

B. Transmettre les aspects correspondant à vos priorités

Autant ne pas se voiler la face : les joueuses n’interpréteront jamais les prétirés exactement comme vous l’aurez imaginé. Non seulement c’est une bonne chose, parce que cela va vous permettre d’être surpris, mais croire le contraire est le meilleur moyen d’être déçu et de limiter le plaisir des joueuses en n’étant pas prêt à accepter ce qu’elles proposent. En termes de préparation, cette différence implique surtout qu’il vaut mieux être synthétique et se concentrer sur quelques informations-clés plutôt que de saturer les joueuses. L’important est donc surtout de choisir les aspects que vous voulez valoriser, et trouver des moyens de les transmettre. Vous pouvez notamment insister sur ces informations par les canaux suivants : • la technique et les mécaniques ; • le background du personnage ; • son rapport avec l’univers (politique, religion, connaissances, éducation, origines, alignement, etc.) ; • ses relations (avec les autres PJ, les PNJ, d’autres factions).

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Ainsi, si vous voulez faire en sorte qu’un personnage soit très intelligent (à ce sujet, consultez également l’article « Jouer des génies » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 261), vous pouvez le signifier directement à la joueuse à l’oral ou dans des consignes d’interprétation, donner un score très élevé dans une caractéristique représentant cette intelligence ou dans plusieurs compétences intellectuelles, expliquer dans son background qu’il a un statut d’expert reconnu mondialement ou des relations avec de nombreux PNJ du même acabit, lui donner la responsabilité d’un centre de recherches, etc. Non seulement vous avez le choix, mais vous pouvez vous adapter à ce que vous pensez que la joueuse retiendra, combiner ces approches et tirer parti de leurs forces et de leurs faiblesses. Par exemple, si vous voulez créer un personnage brillant mais qui souffre de problèmes d’estime de soi, vous pouvez très bien ne jamais mentionner son intelligence dans son background, ne lui donner qu’une caractéristique relativement moyenne mais lui attribuer de nombreux autres points de la liste susmentionnée. Pour revenir sur la différence entre ce que vous prévoyez et la façon dont les joueuses s’en emparent, il peut également être intéressant de laisser certains aspects des personnages à la discrétion de ces dernières. Il ne s’agit pas de tout accepter, surtout si cela peut remettre en cause la cohérence globale du PJ ou du groupe, mais plutôt de leur laisser changer certains paramètres moins importants, par exemple en leur posant la question (p. 522) ou en les laissant les choisir dans une liste. Probablement que demander à une joueuse de choisir si son personnage reporter travaille pour un magazine financier établi, un journal d’investigation ou la presse locale peut lui permettre de fortement le caractériser sans pour autant nuire à ce que vous aviez prévu. D’ailleurs, vous pouvez également en profiter pour laisser les joueuses créer des liens entre les spécificités de chaque personnage. Ainsi, le journal du reporter aura d’une façon ou d’une autre un lien avec l’ancien client de l’avocat, par exemple. Pour éviter que la partie ne s’essouffle, nous vous conseillons également d’intégrer dans les backgrounds des groupes des prétirés des éléments liés à deux intrigues. La première correspond à l’axe principal du scénario que vous vous apprêtez à jouer, ou au fil rouge de la campagne. La seconde, en revanche, est davantage liée au groupe en lui-même et à des éléments plus annexes. Par exemple, essayez de faire en sorte que le background d’un PJ soit toujours lié à au moins deux de ses camarades. Ainsi, si les joueuses peinent à avancer sur l’une des trames, elles auront au moins la possibilité de se concentrer sur l’autre et de toujours avoir le sentiment de progresser. De plus, cela devrait leur laisser la marge de manœuvre suffisante pour créer du jeu entre elles (à ce sujet, consultez également l’article « Créer du jeu pour les autres » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 179.) Enfin, comme expliqué dans la section précédente, il est très important que les prétirés portent en eux les éléments qui rendent le jeu auquel vous jouez spécifique et intéressant. Si les options tactiques telles qu’elles existent dans D&D4 sont importantes, elles doivent apparaître de façon évidente sur la fiche de personnage. Si ce sont au contraire les relations humaines dramatiques à la Downton Abbey, alors il faut que

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les joueuses puissent rapidement identifier ces interactions complexes (voir Générer des relations complexes p. 272) et s’en saisir pour créer du jeu. Qui plus est, privilégier ainsi quelques aspects spécifiques est également un moyen de décomposer la complexité d’un jeu. Par exemple, dans un JdR de fantasy aux règles assez détaillées, vous pouvez facilement faire en sorte que tout ce qui concerne la magie devienne le pré carré de la joueuse qui interprète le mage, le combat à distance celui de celle qui interprète le rôdeur, etc. Ainsi, les règles deviennent plus faciles à intégrer pour l’ensemble de la table. Bien entendu, ce partage des tâches ne s’arrête pas aux aspects techniques, mais peut également s’appliquer à la connaissance de l’univers : vous pouvez dès lors vous reposer sur certaines joueuses pour devenir des expertes lorsqu’il s’agira d’informer les autres sur leur domaine de prédilection. Dans la mesure du possible, entretenez cet enthousiasme en leur fournissant les outils appropriés (voir Donner des informations à une seule joueuse p. 411), comme des textes, des cartes (p. 733), des aides de jeu. Ainsi, la complexité pour les joueuses est grandement limitée, notamment en termes de transmission et d’assimilation, tout en permettant au groupe dans son ensemble de disposer de plus de connaissances.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• constitue un bon moyen de jouer rapidement ; • permet de proposer des scénarios sinon difficiles à mettre en œuvre ; • simplifie l’apprentissage d’un jeu donné ; • rend possibles certaines techniques complémentaires (voir Faire jouer des PNJ aux joueuses p. 607). Inconvénients :

• ne séduira pas certaines joueuses pour qui un prétiré n’est pas un vrai personnage, et ne permet pas de s’investir autant ; • peut difficilement permettre de réussir à satisfaire les préférences de tout un groupe de joueuses ; • nécessite du temps de préparation.

4. Exemple Le meneur souhaite faire jouer une intrigue particulière qui implique un groupe d’adolescents étant la réincarnation de divinités liées aux quatre éléments : feu, air, eau, terre. Ils ont chacun des connexions très spécifiques avec ces domaines, mais qui ne sont pour l’instant que symboliques. En effet, il prévoit que leurs pouvoirs se déclenchent pendant la première séance. Son objectif est de ne pas surcharger les joueuses d’informations afin qu’elles puissent se concentrer sur ce qui est le plus important pour lui : la découverte de l’univers et des pouvoirs des personnages. Ainsi,

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il crée des prétirés assez simples d’un point de vue technique, pour lesquels il écrit de courts backgrounds davantage destinés à susciter des interrogations chez les joueuses qu’à donner des réponses.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Organiser des parties, le b.a.-ba p. 17, Enseigner un jeu p. 93, Rassembler & Diviser p. 235, Passer du scénario à la campagne p. 317, Jouer avec les aides de jeu p. 331. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Interpréter un personnage p. 69, Créer du jeu pour les autres p. 179, S’approprier un jeu p. 209, Faire d’un incapable un héros p. 245, Jouer des génies p. 261.

Créer un groupe cohérent ***

1. Description A. Présentation

Lorsque l’on crée des personnages, il n’est pas rare de se retrouver avec un groupe hétéroclite dont les membres n’ont aucune raison de rester ensemble ou dont il est parfois bien difficile de justifier l’implication dans un scénario. Il est cependant possible d’éviter cet écueil, par exemple en commençant par discuter avec les joueuses pour imaginer une espèce de personnage collectif : le groupe. Celui-ci viendra lier les PJ entre eux et aura une réelle personnalité, au-delà de la simple juxtaposition de leurs personnalités. Ainsi, cette fiche vous propose des pistes pour créer un groupe cohérent selon vos objectifs. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• proposer une campagne sur mesure pour les PJ, centrée autour de leurs objectifs ; • élaborer des parties qui répondent à vos envies et à celles des joueuses et limiter, par exemple, les chances que la campagne ne s’arrête en cours ; • enrichir un scénario ou une campagne du commerce. C. Variantes

La principale alternative consiste à consacrer les premières séances à mettre en place un arc collectif expliquant la création du groupe et la naissance des liens qui unissent les PJ. Il est également possible d’essayer d’établir le profil des joueuses (voir Catégoriser les joueuses p. 17) pour obtenir une bonne partie de ces informations sans qu’elles n’aient à les verbaliser. À noter également que de nombreux jeux proposent leurs propres règles de création de groupe. Si toutes abordent le sujet selon un angle légèrement différent, il peut être intéressant de les consulter pour

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s’en inspirer : Ars Magica, Héros & Dragons, In Nomine Satanis Magna Veritas, Tenga, Vermine, Warsaw, Wastburg, etc. D. Mots-clés

Arc de groupe, création de personnage, début de séance, implication, narration partagée, personnel, PNJ, séance zéro.

2. Mode d’emploi  Voici les trois objectifs à garder en tête pour mener à bien une création de groupe. A. Guidez la conversation

• Veillez à ce que tout le monde puisse prendre la parole, par exemple en faisant des tours de table ou en demandant l’accord des autres joueuses lorsque personne ne réagit à une proposition. Aidez les plus volubiles à synthétiser leurs idées et les plus réservées à dépasser d’éventuels blocages en les sollicitant. • Posez des questions qui limiteront les risques d’obtenir des réponses fades. Au lieu de demander : « peux-tu nous décrire ce professeur ? », préférez : « qu’est-ce que tu trouves formidable chez ce professeur ? », puis, à une autre joueuse : « qu’estce qui te fait penser qu’il cache quelque chose ? ». Attention toutefois à privilégier les questions dont les réponses créeront des opportunités de jeu plutôt que celles qui auront tendance à les verrouiller, comme « pourquoi ce professeur est en réalité un fou dangereux ? » • Posez des questions concrètes, en évitant au maximum les termes abstraits ou flous (comme roleplay par exemple), et assurez-vous que les réponses soient quantifiables. Dans le cas contraire, les joueuses se lanceront probablement dans des débats interminables dont vous aurez bien du mal à utiliser les improbables conclusions. • Donnez votre opinion. Vous allez probablement passer des dizaines d’heures sur cette campagne : elle doit vous plaire aussi et ce qui est dit doit vous inspirer ! Faites cependant en sorte de formuler votre avis de façon à animer la conversation. Vous pouvez par exemple enrichir ou modifier les idées des autres, en proposer une quand elles viennent à manquer, etc. Sauf exception, veillez toutefois à rester sur le mode de la suggestion. Votre statut de MJ pourrait sinon amener vos joueuses à croire que vos idées ne souffrent aucune discussion. • Soyez attentif  : si vous voyez qu’une joueuse semble contrariée ou effacée, ou qu’une tension survient, n’hésitez pas à désamorcer les problèmes (voir Gérer les tensions entre joueuses p.  104). Sans culpabiliser qui que ce soit, il est important d’éviter au maximum les non-dits lors de cette étape si vous voulez éviter d’en subir les conséquences durant toute la campagne. • Prenez des notes ! C’est indispensable pour garder la trace de toutes les décisions prises, mais aussi pour vous souvenir de ce qui plaît réellement aux joueuses, mais qu’elles ont mis de côté pour une raison ou une autre.

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B. Donnez une réalité tangible au groupe et identifiez les souhaits des joueuses

Commencez par récapituler tout ce qui a déjà été établi et ne devrait donc pas être remis en cause : le jeu, l’univers, l’ambiance, le ton, le niveau de puissance des personnages, etc. Vous n’avez pas besoin de détailler chaque point, mais les énumérer vous aidera à cadrer les futures suggestions. Présentez ensuite le strict minimum que chaque joueuse doit savoir pour comprendre les choix qui s’offrent à elle : principes importants du jeu (voir Défricher un jeu en six questions p.  67), système, type de personnages incarnés, univers, etc. Là encore, concentrez-vous sur ce qui compte sans assommer les joueuses avec trop d’informations. Faites un premier tour de table pour demander aux joueuses ce dont elles ont envie, ce qui leur importe, ce qu’elles aimeraient vivre dans la campagne, les thèmes (voir S’inspirer d’un thème p. 361) que celle-ci devrait faire ressortir. Selon les bases sur lesquelles vous vous êtes déjà mis d’accord, il devrait rester de nombreux points que vous pouvez déterminer ensemble. En effet, les joueuses ne créeront pas forcément les mêmes personnages si l’on s’apprête à commencer une campagne urbaine ou à enchaîner les explorations de souterrains, si on souhaite que le ton reste léger ou rugueux, etc. Plus encore, si vous avez suffisamment de temps à consacrer à cette discussion, vous pouvez la fusionner avec celle décrite dans la fiche Établir le contrat social durant la séance zéro p. 72. L’étape suivante est d’identifier la forme que le groupe prendra dans l’univers du jeu, et de vous assurer que ce choix reste cohérent avec ce que les joueuses attendent de la campagne. Parmi les exemples les plus courants de groupe, on peut imaginer une unité militaire, un clan, un équipage, une cabale de mages, une famille, un quartier, un commissariat, une cellule de résistants, une agence de détectives de l’occulte et bien d’autres choses encore. Généralement, il est toujours utile d’en profiter pour poser les questions suivantes : est-ce que le groupe se résume aux personnages ou appartient-il à une organisation plus large ? Est-ce que le groupe a une existence séculière, juridique, militaire, etc. ? Est-ce que certains PNJ dignes d’intérêt en font partie ? Qui décide pour le groupe ? Comment se passe le recrutement, ou, à tout le moins, comment pouvez-vous justifier l’arrivée des nouveaux personnages lorsqu’il faut remplacer les anciens ? Cette adéquation entre la forme du groupe et les attentes des joueuses est cruciale. C’est la raison pour laquelle il est très important que vous posiez quelques questions supplémentaires. Celles-ci ont pour but d’aborder le déroulement concret des parties, afin de vérifier qu’il convienne bien à tout le monde. Ces précisions aideront à éviter les malentendus et commenceront à générer du contenu, et seront également utiles aux joueuses pour créer leurs personnages. Enfin, elles vous fourniront autant d’inspirations pour calibrer votre campagne. Il peut aussi bien s’agir de données techniques que d’éléments sur lesquels vous pourrez mettre l’accent ou qu’il faudra tenter de faire émerger dans vos scénarios. À ce titre, il sera également bénéfique de lire la fiche

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Concevoir un arc de personnage p. 213 pour anticiper les informations qui pourront vous être utiles par la suite. Dans tous les cas, c’est à vous de déterminer la quantité de questions à poser en fonction du temps que vous souhaitez y accorder. Les premières fois, vous aurez sans doute tendance à poser trop de questions, mais rappelez-vous que les joueuses ont également besoin de temps pour créer les personnages eux-mêmes. Ne soyez donc pas trop gourmand et n’hésitez pas à raccourcir un peu les questions si vous voyez que les joueuses ne se prennent pas au jeu. Vous aurez toujours la possibilité d’en poser d’autres à la séance suivante, ou de faire des propositions en cours de partie. Voici quelques exemples : • si vous étiez obligés de faire un choix, préféreriez-vous être confrontés majoritairement à des défis tactiques, des enquêtes retorses, des machines complexes, des adversaires redoutables, un monde oppressant et hostile, vos propres conflits intérieurs  ? Est-ce que vous souhaitez que ce soit le cas un scénario sur deux  ? Plus souvent ? Moins souvent ? • est-ce que le groupe fournit des « missions » aux personnages, ou est-ce que ces derniers sont autonomes ? Serez-vous à même de créer vos propres objectifs ou préférez-vous que je prépare des scénarios plus précis ? • voulez-vous que je parte du principe que vos personnages sont optimisés et que je vous oppose des PNJ jusqu’au-boutistes, ou moins féroces ? Pourquoi une telle excellence et de tels ennemis ? • voulez-vous des personnages similaires ou complémentaires ? C’est-à-dire ? • quel niveau souhaiteriez-vous qu’ils atteignent d’ici la fin de la campagne ? Est-ce que vous avez déjà une idée du nombre de séances pour y parvenir ? Du rythme de progression ? • est-ce que les nouveaux membres savent ce que font les anciens ? Comment ? • est-ce qu’au sein du groupe, les personnages sont rivaux ? • est-ce qu’ils ont à s’inquiéter de leurs moyens de subsistance, de leurs frais de « missions », ou est-ce que le groupe y pourvoit ? • est-ce que le groupe a une existence légale, ou est-ce qu’il est clandestin ? • etc. C. Comprenez vos besoins pour choisir la bonne méthode de création

Une fois que vous avez décidé ensemble de la forme concrète que prendra le groupe dans l’univers et que vous vous êtes assuré qu’il soit cohérent avec les envies des joueuses, il vous reste deux choses à faire : créer concrètement les personnages et essayer de donner vie au contexte que vous avez imaginé. Nous vous conseillons de créer les personnages eux-mêmes à la toute fin. Les joueuses iront plus vite car elles auront davantage d’idées et sauront exactement ce qu’elles veulent. Toutefois, elles ont probablement déjà une vision claire du concept qu’elles souhaitent incarner. Le mieux est alors de le dévoiler aux autres. Elles pourront ainsi 36

aider celles qui ont plus de mal, s’assurer de la cohérence de l’ensemble et construire un contexte qui tire réellement parti de leur groupe. Pour détailler ce contexte, vous allez devoir encore une fois poser une série de questions. Le but est que chaque réponse crée du contenu jouable. Dans tous les cas, il vous faut partir de la forme concrète du groupe dans l’univers et vous demander quel sera l’élément le plus important pour lui dans la campagne. Par exemple, pour les membres d’une école d’arts martiaux rassemblés pour venger leur vieux maître, il peut être intéressant d’en apprendre davantage sur le passé des uns et des autres sur place, sur leurs liens potentiels avec leur mentor ou leur ennemi, sur ce qui a poussé ce dernier à tuer le maître, etc. Vous pouvez tout autant vous intéresser à ses moyens de nuire qu’à essayer de comprendre ses motivations. Ce sont deux choix qui orienteront la campagne vers deux trajectoires différentes, mais qui devraient être tout aussi intéressantes. Si c’est la première fois que vous vous livrez à l’exercice, nous vous encourageons à lire l’exemple de la fiche Créer un quartier avec les joueuses (p. 39), les jeux cités plus haut, ou de vous en tenir à des éléments relativement génériques : quels sont les objectifs du groupe ? Ses moyens d’action ? Ses limites ? Ses alliés ? Ses ennemis ?

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• fédère le groupe avant même d’avoir commencé à jouer ; • permet d’obtenir un cadre et une orientation fertiles pour la campagne ; • assure que les joueuses sont a priori intéressées par la campagne et diminue les chances que celle-ci s’arrête avant d’arriver à son terme ; • donne de nombreux éléments sur lesquels baser ses futures improvisations. Inconvénients :

• n’est pas recommandée pour les jeux que l’on teste, en one shot ou que l’on compte jouer sur quelques séances seulement (investissement en temps trop important) ; • n’est pas utile sous la forme présentée ici pour une partie où l’on se soucie peu de l’aspect interprétation du personnage. Sur des parties plus techniques, il est nécessaire de revoir en profondeur la façon de créer le groupe ; • nécessite une prise de notes efficace.

4. Exemple Avant de commencer une campagne de fantasy où les joueuses incarneront des voleurs dans un cadre essentiellement citadin (comme Abyme ou Nightprowler), le meneur leur propose de créer le quartier qui sera au centre de la plupart des aventures.

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Lors de la discussion, il apparaît vite que la préférence de tous les participants va vers une campagne centrée autour des personnages, c’est-à-dire où leurs objectifs seront essentiellement liés à leur histoire et aux relations qu’ils entretiennent avec leurs proches. Le MJ émet l’idée que les PJ ont tous vécu une partie de leur enfance dans un orphelinat voisin. Comme les joueuses acceptent, il demande alors à chacune d’imaginer un PNJ qui jouera un rôle important dans la campagne : un antagoniste, un allié, un individu dont les PJ ont perdu la trace, un amour d’enfance, un ancien rival, peu importe du moment que cet ajout leur semble intéressant. Il enjoint ensuite chaque joueuse à déterminer ce que son personnage admire chez celui de la joueuse assise à sa gauche, et le point faible qu’il a découvert sur celui de celle assise à sa droite. Puis, comme il souhaite tout de même peupler le quartier en question, chaque joueuse est sollicitée pour imaginer un lieu et un habitant remarquables, mais sans lien direct entre eux. Enfin, comme les joueuses ont également témoigné l’envie de s’investir dans la gestion d’une véritable petite guilde, par exemple en prenant le temps d’échanger quelques mails par semaine, le meneur décide de rallonger encore un peu la création de groupe et leur soumet l’idée de devoir encadrer trois voleurs débutants chacune. Il leur demande de qualifier chacun d’entre eux par un adjectif positif ou négatif, sachant qu’une autre joueuse devra faire l’inverse. Une fois tous ces PNJ définis par deux mots-clés, le MJ conclut la discussion. Il propose à ses camarades de jouer une heure ou deux, mais les avertit qu’il ne pourra réellement tirer parti de ce tout ce qu’elles ont proposé qu’à partir de la prochaine séance.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Commencer p. 225, Rassembler & Diviser p. 235, Rendre les choses personnelles p. 261, Partager la narration p. 381. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Jouer ensemble p. 129, Coopérer et Rivaliser p. 149, Créer du jeu pour les autres p. 179.

Créer un quartier avec les joueuses ** 1. Description A. Présentation

Comme expliqué dans la fiche Créer un groupe cohérent p. 33, il existe des méthodes pour éviter d’aboutir à un groupe de personnages hétéroclites qui ne semblent pas avoir de réelles raisons de rester ensemble. Il est notamment possible d’avoir une discussion avec les joueuses pour imaginer une sorte de personnage collectif qui peut prendre différentes formes : clan, équipage, cellule de résistants, etc. Cette fiche présente une de ces méthodes, où le groupe ainsi créé s’inscrit dans un quartier (village, etc.) dont on va générer collectivement certains lieux, PNJ et conflits. Concrètement, il s’agit de poser une série de questions permettant de structurer la conversation que vous aurez avec les joueuses. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• personnaliser une ville déjà existante ou peu décrite dans un jeu ; • jouer sans devoir imposer aux joueuses un long exposé de contexte, en ne leur donnant les informations que lorsqu’elles s’avèrent réellement utiles ; • construire l’univers avec les joueuses de façon à l’adapter exactement à leurs envies et aux vôtres. C. Variantes

L’alternative la plus courante consiste à la découverte, par les joueuses, d’un quartier déjà créé, que ce soit par les auteurs de la gamme ou le meneur. Mais même lorsque ce n’est pas le cas, il existe de nombreuses variantes pour créer collectivement un quartier. Ainsi, vous trouverez un questionnaire dans la gamme Wastburg, mais également une autre méthode à la fin de la fiche Créer un groupe cohérent (p.  33). Nous avons

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volontairement repris l’exemple d’un quartier pour vous montrer la diversité des approches et vous encourager à les adapter. Enfin, il est bien entendu possible d’utiliser cette technique pour décrire autre chose, comme un village, une ville, un fief, etc. D. Mots-clés

Arc de groupe, création de personnage, début de séance, implication, narration partagée, personnel, PNJ, séance zéro.

2. Mode d’emploi  Pour créer un quartier avec votre table, munissez-vous d’un fond de carte1, puis choisissez des questions dans la liste suivante et posez-les aux joueuses. Il vaut mieux s’en occuper au début d’une séance, voire au début de la campagne si celle-ci doit y prendre place. N’essayez pas de répondre à toutes les questions, ni de faire un tour de table à chaque fois, ce serait bien trop long. Au contraire, choisissez ce qui vous semble le plus pertinent en fonction de vos envies et de la façon dont évolue la conversation. Par exemple, n’hésitez pas à provoquer des réponses ambiguës ou en apparente contradiction avec ce qui a été établi précédemment. C’est souvent une façon très efficace de créer une sorte de mystère et des opportunités de jeu, sans parler de piquer la curiosité des joueuses. Quoi qu’il en soit, notez les réponses. Enfin, lorsque vous répondez à une question en italique, placez le chiffre de l’élément ainsi défini sur le fond de carte. A. Environnement

a) Cadre et atmosphère :

• décrivez l’architecture en quelques mots (couleurs, formes, époque, type de bâtiment, ambiance) ; • décrivez un habitant typique du quartier ; • énumérez trois événements typiques du quotidien du quartier (un groupe de musiciens chante au détour d’une rue, un vol à l’arraché, un couple s’embrasse sur un pont, etc.) ; • comment circule-t-on ? • décrivez un lieu qui est encore naturel ou sauvage. Pourquoi est-il dans cet état ? • quels sont les endroits dangereux ? Pourquoi ? • quels sont les lieux où se retrouvent les marginaux ? • que trouve-t-on sur le marché ? 1. Une simple recherche avec les mots-clés « district map rpg » suffit pour obtenir de multiples fonds de carte potentiels, que ceux-ci soient directement réutilisables ou que vous repreniez et adaptiez la forme d’un quartier d’une des nombreuses cartes de villes déjà existantes. Nous vous conseillons notamment le site suivant : https://watabou.itch.io/medieval-fantasy-generator

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• quelle est la rumeur la plus folle, bizarre, effrayante ou improbable (une rumeur par adjectif ) qui circule dans le quartier ? • quels sont les trois derniers événements qui ont fait les gros titres dans le quartier ? b) Histoire :

• quel est le lieu qui témoigne du passé de ce quartier dont les anciens ne parlent jamais ? • quel est le plus grand secret de ce quartier ? • quel est le bâtiment du quartier dans lequel aucune des connaissances des personnages n’est jamais entrée ? c) Culture :

• qu’est-ce qui attire les gens dans ce quartier ? • quelle est sa spécialité ? • quels sont les lieux les plus en vogue du quartier ? • quelle est la dernière tendance à la mode ? • que fait-on pour se divertir ? d) Intégration des PJ :

• comment les PJ se sont-ils retrouvés à habiter ou à travailler dans ce quartier ? • quel est le lieu dans lequel ils aiment se voir ? • quel est le lieu dans lequel ils ne devraient surtout pas aller ? Pourquoi ? B. PNJ et forces en présence

a) Pouvoir et autorité :

• qui sont les notables du quartier ? Pourquoi ? • qui vient d’acquérir récemment beaucoup de richesse ou de pouvoir ? • qui vient de tomber en déchéance ? • qui exerce le pouvoir, officiellement ? Quels sont les moyens de faire respecter son autorité ? • qui exerce le pouvoir, officieusement ? Quels sont les moyens de faire respecter son autorité ? • qui est puissant dans l’ombre ? Pourquoi ? • quelles relations les puissants officiels et les puissants officieux entretiennent-ils ? b) Minorités et laissés-pour-compte

• qui sont les marginalisés et pourquoi ? • comment l’oppression dont ils sont victimes se manifeste-t-elle ? • quel coup sont-ils en train de préparer ?

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c) Hors-la-loi :

• décrivez un groupe de hors-la-loi qui sévit dans ce quartier et dont la principale motivation est politique ; • décrivez un groupe de hors-la-loi qui sévit dans ce quartier et dont la principale motivation est l’enrichissement personnel ; • décrivez un groupe de hors-la-loi qui sévit dans ce quartier et dont la principale motivation est l’envie de semer le plus de chaos possible ; • lequel agit dans l’ombre ? Lequel agit sous couverture officielle ? Lequel agit au grand jour ? Lequel est une façade dirigée en sous-main par le pouvoir en place ? d) Intégration des PJ :

• qui déteste les PJ ? Pourquoi ? • qui est l’allié des PJ ? Pourquoi ? • envers qui l’un des PJ a-t-il une dette ? • pour qui l’un des PJ serait-il prêt à mourir ? C. Relations

Une fois cette seconde étape terminée, reliez chaque groupe ou PNJ aux autres par des flèches de couleurs différentes : 1. rouge : ces entités sont en conflit ; 2. bleu : ces entités sont alliées ; 3. vert : les relations sont neutres. Si vous voulez aller plus loin, vous pouvez également mettre en application le contenu de la fiche Cartographier les relations entre personnages p. 13.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• peut prendre suffisamment peu de temps pour enchaîner une partie juste après, ou au contraire être approfondie en acceptant de s’y pencher plus longuement ; • permet un bon équilibre entre éléments créés par le MJ et ceux proposés par les joueuses, que ce soit lors de la création ou en cours de jeu ; • peut facilement être modifiée de façon à être réutilisée par un même groupe ou adaptée à un autre univers. Inconvénients :

• ne donne qu’une base qu’il faudra enrichir, modifier, etc. Il est généralement nécessaire de faire un travail complémentaire avant la séance suivante afin de pouvoir profiter du matériel créé ;

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• induit une attente : une fois le quartier créé, il est difficile de ne pas se servir de ce qui a été établi sans provoquer l’incompréhension des joueuses. Cette expectative peut nécessiter d’adapter assez fortement vos scénarios ; • nécessite une prise de notes efficace.

4. Exemple Imaginons un jeu se déroulant dans un univers type X-Men. Décrivez l’architecture en quelques mots. Dans ce quartier entouré de lacs et de cours d’eau, la fête ne s’arrête jamais : mélange de Las Vegas halluciné et des restes d’une banlieue ouvrière des années 1980 aux hautes tours, on y trouve des clubs ouverts à toute heure, des concerts sauvages, des rave party quasi permanentes, des performances en plein air, des maisons closes, des parcs d’attractions, des expositions, des cirques de passage, etc. Si l’ambiance est plus calme de jour, la nuit les rues sont souvent bruyantes, enfumées et zébrées de flashes lumineux. Quel est le lieu qui témoigne du passé de ce quartier ? L’Arche rouge : elle fait à la fois référence au communisme et au sang versé par les ouvriers des environs dont les grèves et manifestations ont souvent été matées violemment. Quelle est la dernière tendance à la mode ? Il est désormais possible de sauter à l’élastique du haut de l’Arche rouge ou d’autres bâtiments sous l’effet d’une nouvelle drogue qui prend apparemment toute son ampleur pendant la chute. Quel est le lieu dans lequel les PJ ne devraient surtout pas aller ? Pourquoi ? Un parc d’attractions désaffecté où les puissants s’amusent à chasser les mutants dans leur genre « pour le sport ». Quelles relations les puissants officiels et les puissants officieux entretiennent-ils ? Les barons de la drogue et la famille du maire sont alliés, celui-ci a même mis des entrepôts à leur disposition. En revanche, sa fille cadette, Jane, jeune policière en froid avec sa famille, a une autre idée de la justice. Qui sont les marginalisés et pourquoi ? Les mutants, car leurs pouvoirs font peur. Les mutations sont dues à l’empoisonnement des cours d’eau par les usines du quartier. Décrivez un groupe de hors-la-loi qui sévit dans ce quartier, dont la principale motivation est politique. Green Rage, un groupe d’activistes écologistes qui n’hésite pas à frapper fort pour se faire entendre. Les autorités les qualifient d’écoterroristes.

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Qui est l’allié des PJ ? Pourquoi ? Jane est alliée des PJ, ils sont amis depuis le lycée.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Commencer p. 225, Rassembler & Diviser p. 235, Rendre les choses personnelles p. 261, Partager la narration p. 381. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Jouer ensemble p. 129, Coopérer et Rivaliser p. 149, Créer du jeu pour les autres p. 179.

Créer une check-list pour sa campagne * 1. Description A. Présentation

Se préparer à mener une campagne, peu importe son format, est souvent intimidant. On peut avoir l’impression de n’être jamais prêt ou de toujours oublier le détail dont nous aurons justement besoin en pleine partie. On pourrait croire qu’il suffit alors de redoubler de travail et de tout prévoir. Pourtant, trop se préparer est un piège dans lequel il ne vaut mieux pas tomber. Animer une campagne est déjà une entreprise suffisamment gourmande en temps, et personne n’a besoin, par-dessus le marché, de créer du matériel ou des aides de jeu qui ne seront pas utilisés. Aussi, voici une méthode qui vous permettra de non seulement vérifier que vous avez tout ce qu’il faut pour commencer, mais qui vous proposera également un moyen de prendre du recul sur la campagne que vous vous apprêtez à faire jouer (voir également Choisir une structure narrative p. 179). Elle devrait vous aider à tirer le meilleur parti du temps que vous choisirez d’allouer à la préparation de cette dernière. Cet outil ne vise pas l’exhaustivité mais présente une base pour organiser les informations importantes, afin de toujours garder un œil sur le plan général de votre campagne, et d’être capable de vous adapter avec le plus de souplesse possible. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• avoir une vue générale de la campagne avant de commencer ; • vous faire un résumé clair des campagnes parfois denses du commerce ; • identifier les éventuels manques ou les points à développer. C. Variantes

Cet outil est également utile pour refaire le point pendant la campagne, afin de voir où vous en êtes (évolution des moyens et buts des PJ et PNJ, par exemple). 45

Dans cette optique, prendre des notes (p.  127) vous sera aussi très utile. De surcroît, il est possible, en diminuant l’échelle, d’adapter cette technique à un scénario courant sur une ou plusieurs séances. Enfin, même dans le cadre d’une campagne improvisée, nous ne saurions trop vous conseiller d’adapter ces techniques au fur et à mesure de son déroulement afin de pouvoir anticiper la suite et éventuellement et préparer des éléments qui vous seront nécessaires, comme des listes, des tables aléatoires (p. 80), des cartes (p.  733), etc. (À ce sujet, voir Préparer un kit de survie p. 136 et l’article « Passer du scénario à la campagne » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 317.) D. Mots-clés

Direction, improvisation (préparation), intrigues secondaires.

2. Mode d’emploi  La méthode présentée ici peut être adaptée à tout type de campagne. Nous verrons d’abord comment l’utiliser avec des campagnes en arborescence, avant de passer à celles définies par la chronologie des actions des opposants, puis à celles organisées selon une logique de bac à sable. Aborder ces différents formats est d’autant plus utile que la plupart des campagnes ont tendance à les mélanger et à passer de l’un à l’autre. Ainsi, n’hésitez pas à mixer divers éléments de chaque méthode, et à n’utiliser l’une d’elles que sur une phase donnée, par exemple. De même, pour chaque type de campagne, rien ne vous oblige à utiliser la totalité des outils présentés. A. Pour une campagne arborescente ou en « couches d’oignons »

Ce genre de campagne est généralement structuré selon un enchaînement chronologique de scénarios liés les uns aux autres. Ils permettent de mettre à jour les tenants et les aboutissants d’une intrigue principale et d’intrigues secondaires (voir Entremêler les intrigues p. 255). Il s’agit par exemple du format des campagnes emblématiques de L’Appel de Cthulhu. Souvent prisé lorsqu’il s’agit de mettre en jeu des intrigues complexes et entrelacées, ce type de campagne peut devenir un cauchemar à mener sans points de repère bien établis. Ainsi, pour éviter de vous perdre, votre première tâche de préparation consistera à résumer les enjeux et l’intrigue de chaque scénario. Pour ce faire, remplissez une phrase du type : _________ veut ___________ mais __________ l’en empêchent. S’il réussit, ___________. S’il échoue, _____________. En effet, cela vous donnera déjà une première idée de la cohérence avec laquelle les scénarios s’enchaînent, et de bien comprendre les liens logiques entre eux et à l’intérieur de chacun. Si vous n’arrivez pas à obtenir un résumé satisfaisant avec les phrases ci-dessus, n’hésitez pas à trouver une autre formulation ou à consulter la fiche Prendre des notes (p. 127), qui explique par exemple comment faire une carte mentale. 46

Une fois cela fait, vous pourrez réaliser un schéma arborescent qui vous donnera, en un coup d’œil, une idée du déroulé de votre campagne. Voici un exemple 1 avec le premier scénario d’une campagne de science-fiction où les PJ appartiennent à une famille qui dirige un consortium, dont la matriarche dirigeante est décédée il y a quelques mois. Pour parfaire leur apprentissage, les personnages sont envoyés avec leurs gardes du corps et leurs précepteurs sur une planète relativement calme pour y visiter des exploitations minières. Leur séjour promet d’être tranquille, voire ennuyeux. Mais ce serait sans compter sur un groupe de concurrents de leur famille qui a prévu de les enlever. On découvrira plus tard dans la campagne que leurs ravisseurs sont en réalité des anarchistes qui veulent renverser l’ordre établi et se font passer pour des membres d’une autre corporation. Quoi qu’il en soit, les PJ devront alors choisir leur camp.

Une fois votre schéma sous les yeux, selon le périmètre couvert par ce dernier, il convient de lister les conditions de passage d’une séquence à une autre, à l’intérieur des scénarios et entre eux. Le but est d’être bien préparé à improviser si tel ou tel événement se produit, afin de pouvoir donner une réponse appropriée selon la logique de l’univers et des PNJ. Une autre astuce consiste à lister les PNJ et les lieux impliqués pour chaque scénario, accompagnés de quelques termes : adjectifs, noms de personnages (PJ et PNJ) auxquels ils sont liés, événements marquants du passé, etc. En effet, ces listes vous aideront à les décrire et à les faire réagir selon leur caractère pour les premiers, et leur ambiance pour les seconds. Ainsi, vous n’aurez pas à vous interrompre en pleine partie pour chercher des informations disséminées dans vos notes ou un de vos livres. Une autre façon de procéder est d’énumérer les éléments qui auront un rôle important dans votre campagne, à moyen ou long terme, à l’échelle de celle-ci et non plus de chaque aventure. Que ce soit des PNJ, des lieux ou des événements, indiquez les 1. Les flèches grises le sont pour des raisons de lisibilité.

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scénarios où ils apparaissent, leur lien avec les PJ, leur niveau d’importance et s’il est possible de les remplacer d’une façon ou d’une autre s’ils venaient à disparaître ou à être modifiés. Un tel outil peut vous faire gagner un temps précieux, mais aussi vous offrir bien plus de souplesse et vous permettre de mieux vous adapter aux actions des PJ. Voici un exemple d’un tel tableau rempli pour une campagne de fantasy : Nom

Ladrilia, barde elfe

Temple des Bien-Pieux

Mascarades

Type

Présence

PNJ

Le Lys rouge, Sous la lune, Un dîner aux chandelles

Lieu

Événement hebdomadaire

Le Lys rouge, Sous la lune

Tous les scénarios

Rapport PJ

Degré d’importance

Fonction

Ambigu

Élevé, ne peut pas mourir ou révéler ce qu’elle sait avant Un dîner aux chandelles, ne peut être remplacée.

Transmet des informations mais joue un double jeu.

Néfaste

Moyen, l’autel des Possédés peut aussi se situer sous l’hôtel de ville si le temple est détruit ou si les PJ l’explorent avant.

Les PJ y rencontrent le haut prêtre et devront y trouver l’autel des Possédés.

Neutre

Élevé, si la troupe qui l’organise disparaît, une autre prendra le relai.

Tentative de vol de la bague, combat avec la guilde des Surineurs, rencontre avec la duchesse.

Si vous le souhaitez, il peut également être intéressant d’ajouter divers moyens de les convertir en indice flottant (p.  309) pour éviter de se retrouver embarrassé en cas de disparation brutale et inattendue. En effet, en tant que MJ, toute la difficulté des campagnes en arborescence est de réussir à en maintenir toute la richesse et la complexité, sans basculer pour autant dans le dirigisme. Ce type d’ajout permet de conserver sa profondeur tout gardant le caractère central des décisions des joueuses (voir Gérer la linéarité p. 277).

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B. Pour une campagne structurée autour d’une chronologie des actions des opposants (timeline)

L’organisation de ce type de campagne est définie par les actions des différentes parties prenantes, et par ce qui se passerait si les PJ n’existaient pas ou laissaient faire. Le plus souvent cela prend la forme d’un « grand plan » conçu par les ennemis des personnages. On retrouve ce type de format pour des campagnes de jeux comme James Bond 007 et World War Korea, ou des scénarios spécifiques, comme Une nuit agitée aux Trois Plumes pour Warhammer. Les conseils présents dans cette section sont également valables pour les campagnes de types «  oppositions et timing  », comme celles que suggèrent des jeux comme Apocalypse World. Leur structure est moins détaillée et plus souple, vu que la préparation revient essentiellement à programmer des menaces (PNJ, groupes, fléaux et catastrophes en tout genre) auxquelles confronter les personnages. La charge de travail est volontairement bien moindre, notamment pour laisser encore davantage les PJ être le moteur de la campagne (voir Choisir une structure narrative p. 179). Les campagnes structurées autour d’une chronologie ont comme atout d’être assez modulables et dynamiques, puisque les personnages vont arriver dans un contexte spécifique et le chambouler, tels des chiens dans un jeu de quilles. Ce sont leurs idées, leurs actions et leurs choix qui vont déterminer en majeure partie le cours de la campagne. Le MJ, lui, va surtout devoir réagir. Aussi, pour maintenir la cohérence et le rythme, il doit être capable d’improviser, voire d’anticiper, et de connaître sur le bout des doigts ses PNJ, leurs objectifs, personnalités et autres ressources. a) Les fiches de référence

Il est donc crucial d’avoir des outils pour organiser et assimiler ces informations. En voici quelques-uns : • une chronologie des événements si les PJ n’agissent pas (probablement déjà fournie) ; • une liste des objectifs des PNJ et des moyens à leur disposition pour arriver à leurs fins ; • deux ou trois conséquences selon si chaque but majeur des PNJ est atteint ou pas. L’objectif d’une telle liste est de servir de référence au meneur pendant la partie et de pouvoir être consultée à tout moment, notamment si les décisions des personnages le prennent au dépourvu. Elle doit lui permettre d’improviser des réactions cohérentes sans devoir s’interrompre pour y réfléchir. De surcroît, mettre à jour un tel document avant chaque nouvelle séance est le meilleur moyen de garder en tête une idée globale de la direction de la campagne et de son état actuel. L’exemple suivant prend place dans un univers fantastique, où notre monde contemporain est en réalité peuplé de fées qui se cachent parmi les humains.

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Chronologie des événements : • jour 1 : Puck vole Excalibur et l’apporte à Rumple ; • jour 2 : Titania déclare qu’elle quitte la cour seelie ; • jour 3 : soirée à l’opéra : -- 20 h : discours de Titania, où elle dénonce les exactions de la cour seelie et propose aux fées d’être enfin libres et non les sujets de deux cours aussi tyranniques l’une que l’autre, -- 20 h 10 : avant que Titania puisse entrer dans le détail, Nix bondit sur scène, Excalibur à la main, pour la tuer, -- 20 h 11 : Morgane s’interpose et est tuée par Nix. Titania s’enfuit, -- 20 h 18 : Titania est rattrapée par Rumple qui l’attend à la sortie, et l’enlève. PNJ

Titania

Objectifs

Révéler la vérité sur la cour unseelie. Créer une troisième faction.

Rumple

Prendre la tête de la cour seelie. Éradiquer les Unseelies.

Moyens Intelligence, charisme et popularité auprès de nombreux Seelies et même certains Unseelies. Magie puissante.

Machiavélisme, réseau étendu, puissant aussi chez les humains. Dirige les entreprises dans lesquelles la plupart des Seelies travaillent.

Conséquences Si elle réussit : guerre civile, ou révélation de l’existence des fées aux humains. Si elle échoue : Rumple prend la tête des Seelies, ou destruction des Seelies par les Unseelies. S’il réussit : guerre contre les Unseelies, ou rébellion des Seelies. S’il échoue : les Unseelies proposent une trêve, ou il essaie d’impliquer malgré eux les humains dans la guerre.

b) Les jauges d’événements

Un autre outil utile pour vous aider à animer ce type de campagne 2 consiste à établir des compteurs pour déterminer si certains événements se produisent. Ce procédé est surtout efficace lorsque ces derniers sont relativement complexes et peuvent avoir des causes multiples, donc les activités des PJ. La campagne Jésus reviens ! pour INS/MV4, 2. L’utilisation de tel compteur reste un principe très polyvalent et vous pouvez également l’utiliser, avec quelques adaptations, pour les autres types de campagnes.

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où les PJ doivent déjouer un complot, met en place un bon exemple de ce genre de mécanique : les actions des personnages tout au long de la campagne et leur capacité à trouver certaines preuves leur permettent d’accumuler des points qui indiqueront l’issue du procès final. World War Korea pousse encore plus loin ce concept en proposant trois jauges  : une pour la propagation d’un virus à l’échelle mondiale, une autre pour l’avancée des armées coréennes et une dernière pour mesurer le niveau de régression technologique, chacune entraînant des conséquences sur la campagne. Pour créer cette jauge, il faut d’abord répondre à plusieurs questions : • quel est le thème (p. 361) de cette campagne ? • quelles en sont les fins possibles ? • quelles sont les motivations des PJ pour s’opposer à leurs adversaires ? À partir de là, vous aurez une idée des enjeux à l’échelle de l’univers, et donc de ce qu’il est important de mettre en valeur. Ce seront les pôles opposés de votre compteur, mais aussi les ambitions contraires des diverses forces en présence. Voici un exemple avec le début d’une campagne western, où les PJ ont pour objectif de mettre fin au chaos qui s’abat sur la ville. Les hors-la-loi, eux, veulent en faire le cœur de leurs futures opérations. L’enjeu est dont de savoir si la ville va devenir le havre de paix dont rêvent les PJ, ou bien un repaire de criminels. Ainsi, pour bien mettre les actions des personnages au centre de la campagne, le MJ crée une échelle de dangerosité de la ville, et intègre également des événements dont le rôle est de faire sentir aux joueuses qu’elles ont changé le monde : • 10 et plus : ville sûre. Événement : arrivée de nouveaux marchands ; • 5 et plus : ville sûre en apparence. Événement : un nouveau saloon va ouvrir, certains commerçants commencent à faire du trafic ; • -5 et moins : ville malfamée. Événement : après une attaque meurtrière, la Wells Fargo décide que ses diligences ne passeront plus par ici ; • -10 et moins : ville de hors-la-loi. Événement : un bandit particulièrement réputé et sa bande viennent s’installer en ville, les marshals préparent une descente. Ensuite, le meneur attribue un score aux différents éléments des scénarios qui composent la campagne. Scénario 1 : • les PJ arrêtent Black Jack : +2 ; • Black Jack fuit : -2 ; • la shérif Wood est tuée : -4 ; • les PJ donnent une seconde chance au voleur orphelin : +2. Scénario 2 : • les PJ laissent pendre le mauvais coupable : -3 ; • les hommes de Bucher Budd réussissent à braquer la banque : -2 ; • les PJ arrêtent Bucher Budd : +3 ;

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• les PJ découvrent le vrai coupable : +4 ; • Bucher Budd enlève un enfant : -3. C. Pour une campagne bac à sable

Ce type de campagne est structuré autour d’un espace géographique que les PJ découvrent progressivement. C’est leur exploration qui pose les bases de l’histoire, mais aussi donne du sens aux différents lieux traversés et aux relations qu’ils entretiennent entre eux. De nombreuses campagnes de D&D sont organisées selon ce principe. De telles campagnes proposent généralement de parcourir un vaste territoire, que ce soit en plein air (région ou continent) ou en vase clos (mégadonjon, cité sous la mer ou un dôme). Elles sont organisées en découpant une carte en zones, le plus souvent respectivement en hexagones ou en salles. Pour chacune de ces zones, une rapide description explique ce que les PJ peuvent y trouver : PNJ, monstres, éléments de décor, trésor, indices, etc. (À ce sujet, consultez également les articles « Construire un donjon, une méthode aléatoire » p. 73 et « Jouer old school » p. 365 dans Mener des parties de jeu de rôle, et « Aider son personnage à gagner : le b.a.-ba de l’exploration de donjons » p. 93 dans Jouer des parties de jeu de rôle). Ces campagnes tournent autour de l’itinéraire des PJ, et ces derniers jouissent généralement d’une très grande liberté pour le déterminer. Toutefois, elles peuvent parfois devenir répétitives et manquer de rythme si jamais elles ne sont pas sous-tendues par des intrigues permettant de créer des liens entre les différents lieux explorés et instaurer une sorte de progression narrative (voir Choisir une structure narrative p. 179). Ainsi, dans un premier temps, le mieux est sans doute de représenter ces liens directement sur la carte (voir Utiliser des cartes p. 733). Utilisez une couleur spécifique pour indiquer leur nature : politique, historique, commerciale, interpersonnelle, liée à l’intrigue principale (s’ils passent par New York, ils pourront récupérer la clé pour ouvrir le coffre de Rio sans être blessés), etc. Cette astuce vous permet de concevoir le décor de la campagne comme un réseau de lieux remarquables, entretenant différents types de liens, et donc de limiter les incohérences. Ensuite, il peut être intéressant de lister les motivations des PJ : viennent-elles d’éléments extérieurs, comme dans un jeu à missions (voir Enrichir un jeu à missions p. 250), ou d’eux-mêmes (motivations personnelles, voir Jouer des parties centrées sur les PJ p. 629) ? voire ajoutez-en en cours de route et ajoutez-les sur votre carte afin qu’ils les découvrent au fur et à mesure. Par exemple, s’ils décident en cours de route de s’intéresser à la famille de tel PNJ alors que ce n’était pas prévu, indiquez le lieu où elle vit sur la carte. Cela évitera que les joueuses se lassent si les premiers objectifs s’essoufflent et leur permettra de rebondir si elles ne savent plus où aller. Enfin, nous ne saurions trop vous encourager à préparer des listes avec des mots-clés pour vous aider dans vos descriptions de chaque lieu, et surtout des péripéties de voyages (à ce sujet, consultez également l’article « Animer les scènes spéciales » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 191, et les jeux suivants : Oltrée !, Ryuutama et L’Anneau unique). C’est un bon moyen de montrer la richesse de l’univers aux joueuses et leur donner la sensation que leurs personnages évoluent dans un monde vivant qui ne tourne pas 52

uniquement autour d’eux. Il est par exemple possible d’organiser cette liste sous forme de table aléatoire (voir Faire des tables aléatoires avec un objectif p. 80), chacune ayant un thème précis et des catégories pertinentes pour permettre une meilleure diversité et une facilité d’utilisation accrue : environnement naturel, difficultés dues au terrain, animaux, conséquences de la guerre, ruines, manifestations magiques, problème de moyen de transport, etc. Voici un exemple avec des PNJ pouvant être rencontrés dans un jeu de fantasy, classés en fonction de leur première attitude envers les PJ. PNJ bienveillants

PNJ neutres

PNJ hostiles

Marchands pauvres

Cartographe

Bandits en embuscade

Pèlerins

Explorateur ou archéologue

Bandits en plein bivouac

Apprentis artisans itinérants

Créatures sauvages

Marchands riches

Un mage et son élève

Créatures magiques

Cirque

Paysan qui va ou rentre des champs

Ordre de moines

Déserteur

Berger avec son troupeau

Vagabond malade ou blessé

Chasseur

Musiciens

Théâtre ambulant

Soldats en permission

Caravane de pionniers

Ermite

Noble en déplacement

D’une façon générale, sur ce type de campagne, le but du MJ est d’intégrer quelques fils conducteurs de façon suffisamment souple pour que les joueuses puissent s’en saisir et les dérouler au rythme de leur exploration et de leur intérêt. Proposer un monde vivant et intéressant à parcourir constitue une des clés de la réussite. Et les campagnes basées sur les relations entre personnages (Smallville, Monsterhearts) ? Il existe évidemment d’autres types de campagnes, comme celles qui ont pour moteur les relations entre personnages. Pour celles-ci, nous vous conseillons les outils proposés dans la fiche Cartographier les relations entre personnages p. 13 pour celles qui sont déjà écrites, et Générer des relations complexes p. 272, Jouer des parties centrées sur les PJ p. 629, Concevoir un arc de personnage p. 213, Proposer des objectifs contradictoires p. 330, Créer un groupe cohérent p. 33, Choisir une structure narrative p. 179, Créer un grand méchant p. 225, Imaginer un PNJ miroir p. 284, pour en imaginer. Ces outils peuvent également s’avérer très utiles pour les autres types de campagnes, afin de ne pas laisser les intrigues liées aux relations entre personnages de côté, comme Entremêler les intrigues p. 255 ou Enrichir un jeu à missions p. 250.

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3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• évite de se retrouver dans l’embarras en pleine partie ; • rappelle les enjeux de la campagne et permet de se les approprier ; • peut donner de l’inspiration pour la développer. Inconvénients :

• prolonge le temps de préparation ; • nécessite d’avoir une vision assez précise de ce que voulez faire jouer ; • peut être utilisée de façon trop précise et faire perdre de vue son côté synthétique.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Construire un donjon, une méthode aléatoire p. 73, Décrire p. 109, Improviser p. 125, Dompter la linéarité p. 159, Animer les scènes spéciales p. 191, Commencer p. 225, Rassembler & Diviser p. 235, Rendre les choses personnelles p. Passer du scénario à la campagne p. 317, Jouer old school p. 365.

Débriefer **

1. Description A. Présentation

Si plusieurs fiches évoquent les moments qui précèdent les séances, il est rare d’aborder le sujet de ce qu’il se passe après. Dans certains groupes, il est courant que les joueuses se dépêchent de partir pour ne pas rater les transports en commun ni être trop fatiguées le lendemain. Dans d’autres, on prend encore un peu de temps pour quelques activités complémentaires. Ainsi, on retrouve parfois des ateliers faisant office de « sas de décompression », surtout pour les parties les plus intenses et, bien plus souvent, des débriefings. Ces derniers servent notamment à régler certains problèmes qui peuvent émerger autour des tables. On peut y discuter des points perfectibles ou déplaisants, évoquer des conflits entre personnes ou des difficultés liées à la logistique, etc. En effet, c’est un moment qu’il ne faut surtout pas négliger. D’abord, c’est un excellent moyen d’éviter de laisser des tensions ponctuelles prendre de l’importance. Ensuite, débriefer permet d’obtenir des informations sur des événements survenus pendant la partie, mais que vous n’avez pas pu observer directement. De plus, c’est également utile pour comprendre ce que les joueuses apprécient particulièrement, et ainsi pouvoir en tenir compte pour la suite. Enfin, c’est aussi l’occasion de leur dire ce que vous avez aimé durant la séance. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• amener en douceur quelques petits changements dans votre façon de jouer ; • connaître l’avis des joueuses sur une séance, un jeu, un scénario ou votre prestation ; • avoir des pistes d’amélioration pour le groupe ; • faire le point sur un problème spécifique (règles, logistique, relations entre joueuses, etc.) ; • mettre à jour vos règles de fonctionnement en tant que groupe.

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C. Variantes

Bien qu’elle soit de plus en plus courante, prendre le temps de réellement débriefer de façon officielle et organisée après une séance reste une pratique assez rare. Toutefois, les joueuses expriment généralement leur avis de diverses manières qui, si elles ne recoupent pas tous les avantages d’un débriefing, ne sont pas à négliger pour autant. La plupart du temps, ces échanges se résumeront à des discussions informelles, entre elles ou avec vous, mais vous devrez souvent prendre l’initiative d’aborder le sujet, de revenir sur un point précis « tu avais l’air un peu en retrait pendant la partie d’hier, tout va bien ? » ou de téléphoner aux joueuses concernées. D’autres groupes font effectivement un débriefing, mais ils préfèrent échanger par mail, par forum, ou prendre plutôt le temps au début de la prochaine séance. D. Mots-clés

Opposition, règles, séance zéro.

2. Mode d’emploi  Pour utiliser cette technique, il est nécessaire de passer par les trois étapes suivantes : proposer un débriefing, l’animer et traiter les informations collectées durant l’exercice. A. Proposer un débriefing

Il n’est pas forcément utile de faire un débriefing détaillé à la fin de chaque partie – la plupart du temps, se contenter de demander aux joueuses si celle-ci leur a plu suffit. Toutefois, c’est vivement recommandé dans les situations suivantes : • la séance n’a visiblement pas donné satisfaction ; • un conflit ou une tension entre joueuses est apparu pendant la partie ; • des points de règles ont été discutés et méritent d’être réglés une bonne fois pour toutes ; • il s’est passé quelque chose durant la partie, et vous souhaitez attirer l’attention des joueuses dessus, par exemple pour qu’elles s’en inspirent lors des prochaines séances. Ces cas de figure ne sont pas forcément très problématiques, même pour les deux premiers. Si vous jouez fréquemment, vous y avez sans doute déjà été confronté et ils se reproduiront de façon plus ou moins régulière. Cependant, ils méritent que vous vous y intéressiez, surtout si vous pensez que les joueuses vont en parler entre elles avant la prochaine séance. Prendre le temps d’en discuter ensemble permet alors d’avoir une chance de régler tout problème potentiel avant qu’il n’éclate, qu’il ne s’envenime, ou que quelqu’un ne se braque. B. Faire des retours

Vous pouvez organiser la discussion selon deux dynamiques : • vous commencez par donner votre avis. C’est un moyen de mettre le pied à l’étrier des joueuses, surtout si elles ne sont pas habituées à ce genre d’exercice,

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mais c’est aussi une bonne façon de montrer le ton à adopter. L’objectif n’est pas de noter la séance ou de chercher des coupables à des problèmes qui n’existent d’ailleurs peut-être pas, mais de s’assurer que tout aille bien et d’essayer de rendre la prochaine partie encore plus intéressante que celle qui vient de se finir. Le risque induit par cette dynamique est que les joueuses peuvent avoir la volonté, consciente ou pas, de se conformer à ce qu’exprime le meneur. De la même manière, elles peuvent être influencées par lui ou ne pas vouloir le contrarier ; • les joueuses commencent et expliquent leur point de vue, idéalement à tour de rôle et avant, éventuellement, d’en discuter ensemble. Cette dynamique limite grandement le risque d’influencer leur opinion, mais peut nécessiter de poser quelques questions pour les amener à dire le fond de leur pensée. Une fois que toutes ont pu s’exprimer, concluez en reprenant les principaux points abordés et en expliquant soit ce que vous en pensez, soit en proposant une solution. Plus encore qu’avec l’approche précédente, vous devez montrer que vous n’êtes pas là pour juger les joueuses ou leurs retours, mais pour trouver des solutions afin d’améliorer les prochaines séances. Parfois, elles pourront prendre des formes aussi peu spectaculaires que d’attendre de voir si un problème réapparaît, ou d’être vigilant sur un autre. Dans tous les cas, vous devez absolument éviter que le débriefing tourne à un concours de justifications ou d’accusations. Quelle que soit la dynamique choisie, nous vous recommandons de suivre les principes suivants : • commencez la discussion avec une question sur le ressenti global, par exemple : « est-ce que ça vous a plu ? » ; • discutez avec bienveillance  : encouragez au lieu de dénoncer. Bannissez les reproches trop appuyés ou les accusations, les justifications, les moqueries, etc. Vous êtes là pour savoir ce qu’il faut améliorer pour la prochaine fois, pas pour punir ou distribuer les mauvais points ; • veillez à limiter les digressions et à éviter que la conversation ne s’éternise ; • reformulez et récapitulez pour vous assurer que vous avez bien compris, et que la joueuse qui vous a fait un retour est bien d’accord avec votre interprétation de celui-ci ; • prenez des notes. C. Traiter les retours

Une fois que tout le monde a exprimé son ressenti, la prochaine étape est de réfléchir à la manière dont vous allez donner suite. Tous les retours ne nécessitent pas de changer quoi que ce soit, surtout lorsqu’ils sont positifs, et ce n’est pas forcément au meneur de tout prendre en charge. Pour savoir comment traiter un retour, le mieux est sans doute de se poser trois questions : « est-ce que j’ai bien compris tout ce qu’il y avait à comprendre ? », « quel est le domaine concerné ? » et « est-ce que cet incident va se reproduire et devenir un véritable problème ? ». Lors d’un débriefing, certains phénomènes peuvent être source de malentendus et d’incompréhensions. Ainsi, il vous appartient de les prendre en compte pour éviter toute mauvaise surprise : 57

• la plupart du temps, il existe un décalage entre ce que les joueuses veulent dire et ce qu’elles disent réellement. C’est d’autant plus vrai dans notre loisir où le vocabulaire théorique fait rarement l’unanimité, mais également pour une quantité d’autres raisons, à commencer par la pression du groupe. Pour s’assurer de comprendre le véritable cœur du problème, il est souvent nécessaire de creuser en posant des questions complémentaires ; • certaines joueuses n’ont pas grand-chose à dire mais souhaitent réellement jouer le jeu, et souvent avec les meilleures intentions du monde. Elles relèvent des détails ou des éléments mineurs qu’elles n’auraient sans doute jamais signalés sans le débriefing. Ce n’est pas forcément un mal d’y être attentif, dans le sens où ils peuvent être des symptômes d’un problème plus inquiétant, mais généralement, il vaut mieux ne pas trop s’attarder sur ces sujets. C’est le meilleur moyen de créer un effet boucle et de perdre du temps ; • si une joueuse vous indique un problème, partez du principe qu’il existe. Cela ne signifie pas qu’il est important, mais si l’une d’elles pense que quelque chose cloche, c’est que c’est le cas. En revanche, cela ne veut absolument pas dire qu’elles identifient les origines du problème ni ce qu’il faut faire pour le régler ; • prenez en compte les conditions de la séance, l’état émotionnel de chacun (y compris le vôtre), le caractère de chaque joueuse (voir Catégoriser les joueuses p. 17), ainsi que vos propres biais. Bref, peu importe la valeur que vous lui donnez, si une joueuse prend la peine de vous faire un retour, la moindre des choses est de l’écouter et de chercher à le comprendre. Déterminer le domaine principal auquel il appartient est également très utile, même s’il va de soi que la plupart des problèmes que vous rencontrerez pourront appartenir à plusieurs catégories. C’est un bon moyen de savoir qui doit réfléchir à une solution, et de trouver des pistes pour la découvrir. En d’autres termes, c’est un premier type de réponses qui peut être apporté. Considérons par exemple les quatre domaines suivants : • la logistique : la nourriture, les transports, le lieu, les horaires, la régularité, etc. ; • l’investissement demandé : la prise de notes, les échanges entre les séances, l’attitude durant les parties, la connaissance des règles ou de l’univers, etc. ; • le contenu : le genre du jeu, ses thèmes, ses règles, l’équilibre entre compétition et collaboration, la difficulté, etc. • la communication : la gestion du hors-jeu, les limites de ce qui est acceptable ou pas à la table, les problèmes de personnes, etc. Ainsi, un problème relevant de prime abord de la logistique « on finit trop tard et c’est compliqué au boulot le lendemain » peut être résolu par des éléments liés : • à la logistique : « il faut que l’on décale le début des parties d’autant » ;

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• à l’investissement demandé  : «  on arrête d’attendre systématiquement Claude pendant une demi-heure avant de commencer. On démarre à l’heure et tant pis pour les absents » ; • au contenu : « le meneur doit faire des parties plus courtes » ; • à la communication : « on te prévient au début des séances si on doit finir un peu plus tôt, mais en contrepartie, quand on te dit qu’on doit conclure, tu ne continues pas pendant une demi-heure. » Le troisième point à déterminer est l’ampleur du problème. Est-il courant ? Est-il réellement contraignant ? Là encore, il est possible de se poser quelques questions pour y voir plus clair : • est-il amené à se reproduire ? Si tel est le cas, et si la gêne engendrée est réelle, par exemple parce que plusieurs joueuses l’ont remarqué, vous êtes sans doute face à un problème de fond qu’il va falloir régler rapidement ; • est-il dû à une différence de goûts, à un mauvais dosage ou à la mise en place d’un élément particulier ? Par exemple, est-ce qu’une joueuse râle parce qu’elle n’aime pas les combats, parce qu’ils sont trop longs ou fréquents, ou parce que ce n’est pas ce type de combat qu’elle préférerait voir et qu’elle s’attend à d’autres enjeux ? La différence est parfois subtile, mais ce genre de problèmes peut généralement se résoudre de façon assez simple. Il suffit d’adapter les futures séances, quitte à prévenir certains participants que telle ou telle soirée leur plaira peut-être un peu moins, mais que ce n’est que temporaire, et dans le but de permettre à certains autres d’en profiter ; • est-il la manifestation d’un problème interpersonnel ? Ce n’est pas toujours grave, surtout s’il s’agit d’un agacement ponctuel et rapidement oublié. Mais la situation peut aussi bien être plus compliquée et, si vous jouez entre amis, il est alors important que vous fassiez votre possible pour éviter qu’elle ne s’installe dans la durée. Par exemple, il faudra peut-être s’entretenir avec les personnes impliquées. De votre côté, indépendamment du fond de l’affaire, vous devez déterminer s’il est encore possible pour les joueuses concernées de jouer ensemble, et ce dont chacune a besoin pour continuer. Naturellement, une fois cela fait, il vous reste encore le plus important : déterminer ce qui nécessite une réaction, et choisir celle qui sera la plus appropriée. Concentrezvous d’abord sur les retours les plus importants et, selon les domaines concernés, n’hésitez pas à vous retourner vers le reste de la table pour trouver collectivement une solution ou la mettre en place. En effet, rares sont les problèmes qui requièrent que vous vous en occupiez seul. Si on peut croire de prime abord qu’en parler avec le reste du groupe pourrait gâcher une éventuelle surprise, non seulement celle-ci est généralement surévaluée, mais il est presque toujours possible de la conserver en faisant quelques modifications mineures. Enfin, tous les points qui sont remontés n’ont pas forcément besoin d’être gérés, et encore moins de l’être immédiatement. En effet, si un problème n’est pas critique, il est tout à fait compréhensible que vous ayez besoin d’une ou deux séances avant de le régler, voire qu’il faille composer avec parce que la

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seule solution que vous avez trouvée serait pire que le mal. Par conséquent, prenez votre temps et avancez à votre rythme sur tous les éléments qui ne risquent pas de saborder la partie. Comme dans l’exemple ci-dessous, l’essentiel, c’est que vous ne laissiez pas de malentendu s’installer, et que chacun soit convaincu de la bienveillance du reste de la table.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• souligne les bonnes idées et les comportements à encourager, que ce soit chez le meneur ou les joueuses ; • permet à toute la table de mieux comprendre ce qu’attendent les autres, et parfois ce que l’on attend soi-même de la partie ; • suggère des solutions concrètes à des problèmes dont l’origine peut être difficile à identifier ; • laisse néanmoins une grande latitude quant à la façon de les régler. Inconvénients :

• peut s’envenimer et virer au règlement de comptes si elle est mal animée ; • nécessite que chacun soit prêt à entendre les retours ; • prend du temps à la fin de la partie, alors que les joueuses sont peut-être pressées et moins réceptives à cause de la fatigue ; • peut avoir un effet désastreux, probablement pire que l’inaction, si on donne l’impression de ne pas tenir compte des avis exprimés.

4. Exemple Lors d’une partie de L’Appel de Cthulhu, le MJ remarque qu’une joueuse semble un peu en retrait et qu’elle trouve systématiquement à redire à ce qu’une seconde propose. De prime abord, il ne s’inquiète pas  : il voit seulement deux amis interprétant des personnages ayant des conceptions différentes de la vie, à savoir un détective privé et un professeur d’anthropologie. Toutefois, à la pause, il s’aperçoit que le phénomène semble s’étendre aux discussions hors-jeu, même lorsqu’il s’agit de choses aussi triviales que de commander à manger ou de commenter le film vu la veille. Ne sachant pas trop s’il s’agit d’un problème réel ou d’un agacement passager, ni même si la joueuse concernée est consciente de son attitude, il décide de proposer un débriefing, mais sans forcément expliquer ses raisons. Assez rapidement, il s’avère que la joueuse en retrait n’apprécie pas que la seconde interprète un personnage toxicomane, et les conséquences que le laudanum implique sur son comportement. Elle n’avait pas ressenti le besoin d’en parler parce qu’elle pensait qu’il n’y aurait aucun impact sur la partie, et parce qu’elle n’avait pas envie d’embêter qui que ce soit pour un détail qu’elle pensait au départ être sans importance. Quand le MJ leur demande ce dont elles ont besoin pour continuer au mieux, la première aimerait savoir s’il serait possible d’y 60

aller un peu moins fort sur cet aspect, au moins pendant quelques séances. La seconde propose alors une alternative. Elle n’a aucun souci à faire disparaître l’addiction de son personnage, mais à la condition de ne pas jouer comme si elle n’avait jamais existé, et de pouvoir y mettre fin de façon crédible. Elle trouve l’idée de sa désintoxication progressive très intéressante, quitte à ce que les scènes les plus problématiques ne soient jouées qu’hors champ, entre les séances, ou en aparté.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Faire plaisir aux joueurs p. 289. Jouer des parties de jeu de rôle : Jouer ensemble p. 129, Coopérer et Rivaliser p. 149, Créer du jeu pour les autres p. 179, Ne pas être cette joueuse-là p. 329.

Décrire avec des aides visuelles *

1. Description A. Présentation

Décrire est une compétence très importante pour l’animation de partie. C’est bien souvent la principale façon de transmettre aux joueuses des informations sur l’univers et la situation à laquelle sont confrontés les personnages, et à partir desquelles elles vont prendre la plupart de leurs décisions. Pour se simplifier la tâche, il existe un certain nombre d’outils qui contribuent également à évoquer avec beaucoup d’efficacité le monde dans lequel les PJ évoluent  : figurines, images, cartes, etc. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• vous assurer que les joueuses perçoivent un élément donné de l’univers de la même manière que vous ; • aider les joueuses à s’en imprégner, par exemple en mettant en jeu des lieux pittoresques ou la diversité des cultures ; • montrer le monde avec un point de vue particulier (tactique, subjectif, politique, économique, etc.) ; • donner aux joueuses la possibilité de s’en emparer et de faire des suggestions cohérentes, bien que vous ne les ayez pas forcément prévues. C. Variantes

Il existe peu d’alternatives à cette technique, si ce n’est de se servir de descriptions uniquement orales. Celles-ci sont particulièrement pertinentes pour limiter les situations où les PJ n’ont qu’une compréhension très restreinte et personnelle de leur environnement, ou pour signifier leur décalage. Les variantes les plus courantes consistent à demander aux joueuses d’apporter leurs propres éléments 62

visuels, notamment pour leurs personnages, d’utiliser seulement des aides de jeu ayant une existence pour eux, d’en faire des énigmes ou d’utiliser d’autres supports (ardoises, dés, figurines, etc.). D. Mots-clés

Aide de jeu, descriptions, PNJ, transmission.

2. Mode d’emploi  Cette fiche se concentre sur les trois supports les plus courants : les images et autres illustrations, les cartes et les plans. A. Images

Ce support est sans doute le plus intuitif à utiliser pour les meneurs. Toutefois, le résultat peut varier grandement, que ce soit en qualité ou en temps de préparation nécessaire, selon la méthode choisie. Pour trouver des images, il existe plusieurs possibilités : • les sites Internet où est exposé le travail des artistes, comme Deviantart et Artstation, ou des sites plus généralistes comme Pinterest ou même Google Images. Dans tous les cas, choisissez avec soin les mots-clés que vous emploierez. Il vaut parfois mieux prendre quelques secondes de plus à y réfléchir pour vous épargner des dizaines de minutes à parcourir des illustrations de moindre intérêt pour trouver les bonnes ; • les JdR à l’univers proche de celui auquel vous jouez, surtout s’ils ont un budget important, voire directement des artbooks ou des guides de jeux vidéo. De plus en plus souvent disponibles légalement en PDF, ce sont généralement des mines de visuels à portée de main, rendus cohérents par une réelle direction artistique. C’est d’autant plus vrai si vous vous adonnez à un genre populaire comme la fantasy ; • les films ou les séries TV : ce sont des ressources précieuses, très généreuses en visuels 1, notamment pour tous les jeux contemporains réalistes ou historiques. Ce n’est pas toujours vrai, mais vous pouvez par exemple partir du principe que si un film en costumes est assez crédible pour des spectateurs du pays dans lequel se passe votre campagne, il y a de fortes chances que ce soit aussi le cas pour votre table. De plus, pour les films peu connus ou réalisés ailleurs qu’en Occident, il y a de grandes chances que vos joueuses ne connaissent aucun des acteurs. Quel que soit votre choix, gardez à l’esprit que toutes ces images restent la propriété de leurs auteurs et sont rarement libres de droit hors du cadre privé. 1. Elles le sont d’autant plus si vous les regardez depuis votre ordinateur et avez la possibilité de faire des captures d’écran.

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Il convient ensuite de se demander comment présenter ces illustrations aux joueuses. Il est possible de les répartir en au moins deux types : les personnages (PNJ, PJ, éventuellement certains monstres) et les illustrations d’ambiance (décor, matériel, scènes, etc.). Concernant les personnages (PNJ et PJ), un trombinoscope imprimé sur une page A4 ou présenté sur un ordinateur peut être suffisant. Toutefois, si vous pensez que votre campagne va être longue ou que les relations sociales vont y avoir assez d’importance pour justifier l’investissement, vous souhaiterez peut-être les imprimer sous la forme de cartes à jouer. Cet artifice permet aux joueuses de les manipuler et de se les approprier avec bien plus d’aisance durant les parties. Il existe des logiciels gratuits pour les créer, comme Magic Set Editor 2. Libre à vous, ensuite, de les imprimer vousmême 3 ou d’utiliser un site spécialisé pour le faire à votre place 4. Concernant les autres illustrations, vous pouvez par exemple décider de laisser défiler sur un écran des images représentant les lieux de l’univers ou du scénario pour contribuer à l’ambiance. Vous pouvez également les imprimer ou laisser une tablette à disposition des joueuses afin de créer un jeu dans le jeu. En effet, si cette option nécessite de choisir les illustrations avec beaucoup de soin, relever et intégrer des éléments cachés ou des signes à voir qui ont un réel intérêt dans les intrigues en cours peut être intéressant. Par exemple, si les PJ arrivent à l’orée d’une cité d’un royaume qui n’est pas censée avoir de technologie avancée, le fait de remarquer que d’étranges dirigeables la survolent peut les aider à comprendre que quelque chose cloche : la ville est peut-être tombée sous le joug d’une autre puissance, une délégation étrangère vient d’arriver, ses dirigeants n’ont pas été honnêtes sur le sujet, etc. B. Cartes GÉOGRAPHIQUES

Sans surprise pour un loisir tenant autant des littératures de l’imaginaire que du wargame, les cartes sont très populaires en JdR. Il existe là aussi de nombreux sites pour en télécharger 5, sans compter la ressource inestimable qu’est Google Earth dès que l’on s’intéresse à des lieux réels. Ces aides de jeu sont très utiles, notamment pour amener les joueuses à littéralement sortir des chemins battus, à créer de la discussion, à imaginer des alternatives et à prendre du recul sur l’action. Ce sont des portes ouvertes vers l’exploration, mais aussi vers l’approfondissement de l’univers, des intrigues liées à sa politique, son économie, etc. 2. http://magicseteditor.sourceforge.net/ 3. Dans ce cas, nous vous conseillons de les insérer dans des protections de jeux à collectionner (Magic : l’assemblée, Vampire the Eternal Struggle, etc.), si possible avec des cartes de faible valeur à l’intérieur. Ceci permettra de conserver une certaine rigidité et de les manipuler plus facilement. 4. Comme www.drivethrucards.com/joincards.php ou www.artscow.com/photo-gifts/playingcards 5. https://cartography-guild.deviantart.com et https://www.dungeoncrate.com/dungeoncrateblog/2017/11/10places-to-get-maps-for-d-night.html

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Cependant, ces cartes expriment toujours une vision subjective de ce qu’elles représentent. Aussi, lorsque vous en distribuez aux joueuses, surtout lorsque c’est pour matérialiser la connaissance du monde qu’ont leurs personnages au début de la campagne, essayez toujours de réfléchir à ce qu’elles montrent et à ce qu’elles cachent. Par exemple, le rôdeur du groupe peut connaître les espaces naturels, là où le barde n’a guère d’informations dès que l’on s’éloigne des cités. Le guerrier a une bonne idée de l’endroit où se trouvent les principales forces militaires de la région, et le prêtre des relais des routes qu’empruntent les pèlerins. De la même façon, si les personnages viennent de pays différents, leurs cartes peuvent ne pas représenter les mêmes régions, ne pas avoir les mêmes frontières, par exemple parce qu’un territoire est disputé ou inconnu. De surcroît, un même lieu peut porter différents noms. Par exemple, les habitants d’une cité lacustre mal famée peuvent l’appeler Perle-d’Eau, tandis que les paladins arrivés lors de la grande croisade continuent de la baptiser Perdition. En procédant ainsi, chaque joueuse connaît une partie plus ou moins étendue de l’univers et de ses routes, selon la vision du monde et les habitudes de voyage de son personnage. Pour plus de détails sur l’utilisation des cartes, nous vous renvoyons vers la fiche Utiliser des cartes p. 733. C. Plans

Les plans et autres battlemaps peuvent être facilement trouvés dans le commerce ou sur le Web 6. Ils sont évidemment utiles pour le jeu tactique lors des combats, mais aussi pour l’exploration à petite échelle, l’infiltration et tout ce qui peut dépendre de la capacité des PJ à s’approprier l’espace. Comme tout bon sandbox, les plans sont intéressants s’ils comprennent des détails à remarquer et des éléments à découvrir, mais aussi de l’incertitude et des zones d’ombre. Idéalement, comme un niveau de jeu vidéo qui présenterait plusieurs chemins possibles, les joueuses devraient avoir la possibilité d’hésiter entre plusieurs marches à suivre et pouvoir en discuter entre elles. Pour les y encourager, n’hésitez pas à placer des gardes en faction ou qui font leur ronde, des arrivées ou départs de PNJ, des pièges et tout autre élément perturbateur les obligeant à réagir. L’échelle réduite des plans permet d’avoir une vision relativement objective de l’environnement, et donc d’en faire un formidable terrain de jeu. Cependant, comme pour les cartes, vous pouvez jouer sur l’inexactitude et la subjectivité. Ainsi, une ficelle très connue consiste à donner aux personnages le plan du lieu qu’ils s’apprêtent à explorer, mais dessiné par un PNJ dont ce n’est pas le métier et qui n’en a qu’une connaissance parcellaire, voire fausse (prisonnier sorti des geôles qui n’a donc pas pris le temps d’une exploration en profondeur, vieil aventurier à la mémoire défaillante ou qui ne connaît pas les derniers aménagements réalisés par le nouveau propriétaire des lieux, etc.).

6. https:// www.pinterest.fr/yacrpg/-battlemaps/?lp=true

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3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• donne au monde une personnalité et des spécificités visuelles ; • permet de s’assurer que toutes les joueuses partagent les mêmes références ; • inspire le meneur et lui donne des idées ; • permet aux joueuses de s’approprier l’espace ; • montre l’univers sous différents prismes qui pourront devenir autant de ressorts de jeu. Inconvénients :

• nécessite du temps de recherche et de préparation ; • donne des certitudes aux joueuses, là où certaines phases de jeu bénéficieraient d’une ambiguïté plus prononcée ; • peut créer de la confusion lorsque les origines des illustrations sont déjà connues ; • peut s’avérer inutile car les illustrations sont parfois regardées superficiellement par les joueuses.

4. Exemple La partie commence lorsque, vingt ans après, les PJ reviennent dans la ville qui les a vus grandir. Grâce à quelques copiés-collés et à un peu de préparation, toutes les joueuses en ont une carte différente, plus ou moins détaillée selon le quartier dont les personnages sont originaires. Ces aides de jeu n’ont pas de réalité dans la fiction et représentent l’image mentale qu’ils se font de la cité : elles prennent en compte leurs souvenirs d’enfance déformés par le temps, ce qui va donner lieu à des décalages intéressants, tout comme le fait qu’en vingt ans, la ville a changé, les lieux ont évolué ou ont été détruits, etc.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Animer les scènes spéciales p. 191, Jouer avec les aides de jeu p. 331, Jouer old school p. 365. Jouer des parties de jeu de rôle : Aider son personnage à gagner : le b.a.-ba de l’exploration de donjons p. 93, S’approprier un jeu p. 209.

Défricher un jeu en six questions *

1. Description A. Présentation

Il n’est pas toujours évident de présenter les spécificités d’un nouveau jeu, que ce soit pour convaincre ses joueuses de se lancer dans une campagne ou pour leur transmettre l’essentiel de ce qu’elles ont à savoir avant de commencer à jouer. Cette fiche permet d’en découvrir l’essentiel au travers de six questions mettant l’accent sur les informations les plus cruciales. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• comprendre les spécificités d’un jeu que vous découvrez ; • commencer une campagne sans noyer les joueuses sous les informations ; • choisir les scénarios ou les adaptations les plus appropriées pour jouer dans ce cadre. C. Variantes

Il existe d’autres séries de questions pour synthétiser un jeu, comme les « Big 3 » de Jared Sorensen ou les « Power 19 » de Troy Costisick 1. Mais généralement, celles-ci se concentrent surtout sur un ou deux aspects, ou sont au contraire bien trop nombreuses pour permettre une synthèse efficace. D. Mots-clés

Séance zéro, transmission.

1. http://www.lapinmarteau.com/les-big-3-et-les-power-19/

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2. Mode d’emploi  Voici les six questions permettant de se faire une idée de ce que propose un jeu. Pour chacune d’entre elles, vous trouverez une réponse-type qui devrait vous aider à synthétiser rapidement ce que vous aurez à dire. Il vous suffit de remplacer les parties entre crochets par les spécificités du jeu que vous découvrez. A. Dans quel univers joue-t-on ?

Réponse : ce jeu prend place dans un univers de [genre fictionnel 2], à ceci près [codes qui changent]. Cela ressemble à [inspiration], sauf que [spécificités]. Cette approche permet de cerner en quelques mots le cadre du jeu, sans pour autant s’y restreindre ou négliger ce qui l’en distingue. Par exemple, Abyme, Bloodlust, A Song of Ice & Fire et Animonde sont quatre JdR de fantasy. Pour les différencier aux yeux des joueuses, on peut par exemple préciser qu’Abyme est plus urbain et inspiré des romans de Matthieu Gaborit, que A Song of Ice & Fire tourne davantage autour de la politique, comme la série ou les romans bien connus, que Bloodlust est très violent, au croisement d’Elric et de Conan, là où, au contraire, Animonde dépeint une fantasy très originale, presque sans violence. B. Quelles sont les dynamiques principales ?

Réponse : ce jeu mêle [dynamique] et [dynamique]. Cette question peut sembler anodine, et on est souvent tenté de répondre que dans tel ou tel jeu, on peut «  tout  » faire. Or, certains se distinguent justement par la dynamique proposée ou par la fusion de plusieurs d’entre elles (voir tableau ci-contre), c’est-à-dire la façon principale dont les PJ vont interagir avec le monde du jeu. Voici quelques exemples de dynamiques : • exploration ; • enquête ; • action et combat ; • politique ; • intrigues ; • relations entre personnages ; • horreur.

2. Fantasy, science-fiction, fantastique, horreur, western, super-héros, etc.

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Dynamiques

Exemples de jeux

Combat + exploration

D&D

Horreur + enquête

L’Appel de Cthulhu

Politique + intrigue + combat

Vampire : la Mascarade, Trône de Fer, L5R

Relations entre les personnages + action

Smallville

Relations entre personnages + horreur

Monsterhearts

Relations entre personnages + dilemmes moraux

Dogs in the Vineyard

Horreur + exploration

Don’t Rest Your Head

Relations entre personnages

Breaking the Ice

C. Comment joue-t-on ?

Réponse : ce jeu est [forme]. L’enjeu va donc être de [gameplay]. Ce point, pourtant crucial, est encore plus souvent négligé que le précédent. La forme correspond au type de JdR dont il s’agit, et donc à la façon dont les joueuses interagissent avec lui. Voici quelques exemples de formes, suivies du gameplay correspondant : • JdR sur table classique : les joueuses font agir leurs personnages et résolvent des situations grâce à ces derniers ; • story game 3 : les joueuses décrivent des scènes, généralement dans lesquelles figurent leurs personnages, et se préoccupent surtout de ce qu’elles vont raconter et comment ; • checkpoint game 4  : les joueuses enchaînent un nombre de scènes définies à l’avance par une structure assez rigide, et dont les spécificités sont prédéterminées ; • JdR démiurgique 5 : les joueuses créent et font vivre un monde et non des personnages particuliers ; • etc. D. Quels personnages joue-t-on ?

Réponse : les PJ sont des [type] qui veulent [objectif ] en utilisant [moyens]. Si certains jeux cassent la configuration classique associant une joueuse à un personnage, ce cas de figure reste tout de même le plus courant. L’idée est ici de faire comprendre d’emblée la nature de ce à quoi les personnages vont être confrontés, par exemple : 3. Comme le jeu Swords without Masters. 4. Comme les jeux Montségur 1244 et Witch: the Road to Lindisfarne. 5. Comme le jeu Microscope.

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• les PJ sont des flics qui luttent contre le crime en utilisant leur statut, la violence et la loi ; • les PJ sont des gens ordinaires qui veulent sortir de leurs cauchemars en utilisant leur faculté d’analyse pour comprendre leurs propres peurs ; • les PJ sont des aventuriers qui cherchent gloire et fortune en explorant des labyrinthes remplis de monstres grâce à leurs capacités martiales et magiques. E. Qu’est-ce qui les empêche d’atteindre leurs objectifs ?

Réponse : ils devront faire face à des [type] [objectif ] en [moyens]. Cette phrase permet de détailler la nature, les motivations et la capacité de nuisance des adversaires des PJ, qu’il s’agisse de personnages ou de phénomènes plus abstraits, par exemple : • des agents du culte qui veulent corrompre les classes dirigeantes en les infiltrant progressivement ; • des aristocrates qui veulent empêcher les PJ d’obtenir les mêmes droits qu’eux en leur interdisant de s’exprimer publiquement et en menaçant leur famille. F. Comment fonctionne le système ?

Réponse : pour les règles, la plupart du temps, on [mécanique principale]. Toutefois, [actions spéciales] ont une mécanique dédiée que l’on pourra découvrir en jeu. Le but est de présenter simplement la mécanique principale du jeu : quelle est la marche à suivre pour les tests, s’il y en a ? Qui jette quels dés ? Mais il s’agit également de signaler les autres phases ou types de scènes que les auteurs ont jugés assez importants pour les doter de règles spécifiques. Voici un exemple  : la plupart du temps, on jette 2d6 et on ajoute un score de compétence. On doit battre un seuil de difficulté qui se situe en général autour de 8. Néanmoins, il existe quelques règles spécifiques pour tout ce qui concerne la gestion du camp et de ses ressources.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• permet de prendre du recul sur le jeu ; • montre rapidement les enjeux et les spécificités d’un jeu ; • aide à expliquer clairement ce qui pourrait sinon paraître confus. Inconvénients :

• peut nécessiter une adaptation pour certains jeux très originaux ; • risque de vous amener à gâcher des surprises malgré vous ; • nécessite de cadrer la restitution auprès des joueuses si vous voulez rester synthétique. Elles voudront probablement poser des questions et en apprendre davantage.

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4. Exemple Humanydyne prend place dans un univers de type comics, à ceci près qu’il se déroule au Mexique plutôt qu’aux USA. Il ressemble à Top Ten d’Alan Moore, mais la dimension shamanique est bien plus importante. Cet aspect se concrétise notamment par la présence du temps du rêve, une sorte de carrefour astral qui relie les mondes parallèles. Ce jeu mêle action et enquête. C’est un JdR sur table classique, où chaque joueuse fait agir son personnage, le plus souvent pour résoudre des affaires impliquant des super-héros. En effet, les PJ sont des policiers qui doivent protéger la population des autres post-humains en utilisant leurs super-pouvoirs et la loi. Ils devront affronter d’autres criminels qui n’hésitent pas à user de leurs propres capacités surnaturelles, de violence, de corruption, etc. Pour les règles, la plupart du temps, les joueuses lancent le nombre de d6 de leur choix. Chaque résultat pair est appelé « positif » et est annulé par un résultat impair, les « négatifs ». Pour réussir une action, il faut au moins obtenir un positif, parfois un peu plus si l’action est difficile. Les capacités des PJ annulent des négatifs, celles des PNJ les augmentent. En revanche, vous pouvez créer vos propres pouvoirs, il existe une mécanique dédiée.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Enseigner un jeu p. 93. Jouer des parties de jeu de rôle : S’approprier un jeu p. 209.

Établir le contrat social durant la séance zéro * 1. Description A. Présentation

Avant de commencer une campagne et afin de lui permettre de se dérouler dans les meilleures conditions, il est possible d’organiser ce que l’on appelle une séance zéro. Celle-ci est principalement l’occasion pour les joueuses de faire connaissance, de créer leurs personnages ensemble, de discuter des éventuelles règles maison, de l’univers de jeu, mais également de leurs goûts, préférences et attentes concernant la campagne. Cette pratique, de plus en plus populaire, est également le moment le plus adapté pour aborder de nombreux points qui, s’ils ne sont pas liés aux spécificités du jeu, permettront néanmoins, une fois traités, de lancer la campagne sur de bonnes bases tout en faisant gagner au groupe un temps précieux. En effet, il existe un nombre important de paramètres qui ne posent pas vraiment de problèmes lorsqu’ils sont abordés assez tôt, mais peuvent se transformer en réelles pommes de discorde à terme si on les passe sous silence. C’est typiquement le cas de toutes les règles liées au vivre-ensemble, comme de savoir comment s’organisent les repas, quelles sont les disponibilités de chacun, ou quels sont les sujets potentiellement difficiles qui peuvent être abordés durant les parties. Toutes ces décisions forment ce que l’on appelle le contrat social. Cette fiche vous propose quelques conseils pour vous aider à l’établir durant votre séance zéro. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• éviter les problèmes que vous avez vus émerger dans certaines parties par le passé ; • vous assurer que tout le monde ait des envies compatibles avant de commencer une campagne au long cours, surtout si les joueuses et vous-même êtes susceptibles de vous y investir ;

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• intégrer de nouvelles joueuses en leur signifiant que c’est aussi au reste du groupe à s’adapter à leurs envies. C. Variantes

L’alternative la plus évidente consiste à commencer à jouer sans faire l’effort d’évoquer ce qui n’est pas strictement lié au contenu des parties et aux règles du jeu en lui-même. Ce cas est fréquent, sans doute le plus courant, mais est contrebalancé par le fait que de nombreux groupes jouent ensemble depuis des années, et ont appris au fil du temps à se connaître. Ils ont donc créé des conventions qui leur sont propres et qui répondent à la plupart des questions évoquées dans cette fiche. Cela ne veut pas dire que des problèmes ne peuvent pas apparaître, mais le groupe sera probablement mieux armé pour les régler d’un coup de téléphone, et aura probablement pris davantage le temps d’échanger par mail ou de discuter directement au moins des grandes lignes de la campagne à venir (voir Défricher un jeu en six questions p. 67). D. Mots-clés

Arc de groupe, cadence, création de personnage, début de séance, narration partagée, règles, séance zéro, transmission.

2. Mode d’emploi  Cette fiche regroupe de nombreuses questions qu’il peut être intéressant d’aborder pour jouer dans les meilleures conditions possible. Évidemment, il ne s’agit pas de toutes les poser mais bien de pouvoir créer votre propre liste de questions, en fonction des différents points que vous penserez pertinents. Aussi n’hésitez pas à en supprimer ou à en ajouter. Pour plus de clarté, les questions sont regroupées en grandes thématiques : • la logistique, qui comprend notamment tout ce qui est lié à la nourriture et au transport ; • l’investissement, qui aborde les différents degrés d’implication auxquels les joueuses peuvent accepter de s’engager en dehors et pendant les parties ; • le contenu, qui regroupe tout ce qui a trait au jeu lui-même ; • la création de personnage ; • la communication, qui traite de la façon dont on va échanger pendant la partie. La dernière section contient quelques conseils pour continuer à tirer les bénéfices de ce contrat social une fois la séance zéro terminée. A. Logistique

Cet aspect semble souvent un peu trivial et peut parfois être sous-estimé. Pourtant, les malentendus liés à ce domaine ont tendance à avoir un impact très négatif sur la régularité des parties (à ce sujet, consultez également l’article « Organiser des parties, 73

le b.a.-ba » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 17). Voici donc quelques points que nous vous conseillons de régler en priorité : • nourriture  : mange-t-on avant, pendant ou après la partie  ? Qui apporte quoi ? Faut-il définir un roulement ? Fait-on une caisse commune pour les dépenses ? • horaires : attend-on tout le monde avant de commencer ? Quelle est l’heure limite de fin ? Quelle est la durée moyenne des séances ? Prévoit-on des pauses, à quel rythme et de combien de temps ? • régularité et présence : à quel rythme joue-t-on et quel jour de la semaine ou du mois ? Prévoit-on un créneau fixe ? Ne joue-t-on que si le groupe est au complet ? • lieu : joue-t-on toujours au même endroit ? Comment organiser les trajets, covoiturer ? Est-ce que l’on reste pour aider à ranger après ? Faut-il éviter de faire du bruit (voisins) ? B. Investissement

Vous l’avez sans doute déjà remarqué, mais tout le monde ne s’investit pas autant dans chaque partie de JdR. Pour certains, les séances constituent une sorte de bouffée d’oxygène hebdomadaire tandis que pour d’autres, ce n’est qu’un de leurs multiples loisirs, quand ils ne viennent pas juste pour accompagner quelqu’un. De même, vous ne pourrez pas avoir les mêmes attentes avec une joueuse qui prend des notes exhaustives et envoie trois mails par semaine pour expliquer ce que fait son personnage (voir Écrire des lettres d’amour aux personnages p. 588 et Gérer le downtime p. 613) et une autre qui passe de temps en temps au club le samedi soir. Elles auront d’ailleurs probablement des exigences très différentes vis-à-vis de vous, et ce même si elles sont à la même table. Cette variété est tout à fait normale, et chacune de ces joueuses a des choses intéressantes à proposer. Toutefois, pour éviter les déceptions et les frustrations, autant aborder dès le départ les points suivants : • prise de notes (p. 127) : est-ce nécessaire ? Si oui, qui les prend ? Instaure-t-on un roulement ? Faut-il prévoir un format numérique pour les envoyer aux joueuses et au MJ ? Les faut-il impérativement à la fin d’une séance car le meneur s’en sert pour préparer la prochaine, ou juste avant celle-ci afin de faire un simple récapitulatif pour toute la table ? Est-ce que les joueuses sont d’accord, chacune, pour prendre des notes sur leurs personnages et leurs évolutions et les envoyer au MJ entre chaque partie ? Est-il prêt, de son côté, à traiter ces envois ? • entre les séances : est-ce que l’on joue ? Par quels moyens (mails, téléphone, etc.) ? À quelle fréquence ? Les joueuses sont-elles prêtes à lire des mails à et y répondre ? Si oui, combien par semaine ? Combien de temps peuvent-elles y accorder ? • création : est-ce que les joueuses ont envie de créer des éléments au-delà de leur PJ (backgrounds, aides de jeu, développer une partie du monde, des PNJ, etc.) ? Dans quelle mesure le meneur peut-il intégrer leurs apports ? Quelle est leur marge de manœuvre ? C. Contenu

Cette section aborde les questions liées au jeu lui-même, que ce soit ses règles, son genre fictionnel (p. 115) ses thèmes (p. 361), son univers, etc. Elle s’intéresse

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également aux relations entre les personnages et à la manière dont sont définis leurs objectifs. Voici quelques points qui gagneront sans doute à être discutés : • genres fictionnels et formes : dans le cas, sûrement un peu exceptionnel, où vous n’avez pas encore choisi le jeu ou la campagne à laquelle le groupe va jouer, ne demandez pas à vos joueuses si elles aiment le polar ou les story games, mais ce qu’elles aiment dans le polar ou les story games, et pourquoi (à ce sujet, consultez également l’article « Jouer ensemble » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 133 à 135). Cela s’avèrera plus bien efficace pour obtenir des réponses utiles afin de comprendre leurs goûts. De plus, n’hésitez pas à préciser si certains « sous-genres » risquent d’émerger occasionnellement, comme quelques scénarios qui pourraient virer à l’horreur au milieu d’une campagne de fantasy, par exemple ; • thèmes : les remarques du point précédent s’appliquent ici aussi. Demandez également aux joueuses s’il y a certains sujets sensibles qu’elles ne veulent pas voir aborder. À ce stade de la conversation, évitez de leur demander leurs raisons et contentez-vous d’identifier les voiles et les lignes (voir Utiliser des garde-fous pour les sujets difficiles p. 155) de votre future campagne ; • objectifs des personnages : est-ce que les joueuses préfèrent avoir des objectifs très cadrés qui viennent à elles (campagne organisée comme un jeu à missions), ou au contraire bénéficier de plus d’autonomie pour décider de leurs buts, par exemple parce qu’elles apprécient le jeu de type bac à sable ou celui centré sur les personnages ? • narration partagée  : est-ce que les joueuses ont parfois envie de prendre la main sur la narration, le temps de certaines scènes (pour jouer un PNJ, intégrer des péripéties, imaginer des éléments de l’univers au fur et à mesure de la partie 1), ou considèrent-elles que c’est le rôle exclusif du meneur ? • compétition et coopération  : y aura-t-il de la compétition entre les joueuses  ? Entre les personnages ? Si oui, jusqu’où cela peut-il aller ? Peut-on envisager de trahir le groupe, de tuer le PJ d’une autre joueuse ? Sur quoi portera la rivalité (spécialité, vie personnelle, etc.) (À ce sujet, consultez également l’article « Coopérer et Rivaliser » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 149) ? Dans quelle mesure le MJ est-il un adversaire des joueuses ? ; • difficulté : à quel genre de défi les PJ seront-ils confrontés (voir Exercer une opposition bienveillante p. 424) ? Est-ce que MJ fera en sorte d’aiguiller des joueuses perdues ou devront-elles totalement assumer les conséquences de leurs actes (voir Relancer la tension p. 535) ? Y a-t-il une chance de victoire ou de défaite totale ? Dans quelles conditions meurent-ils ? • règles du jeu et univers  : quelles règles change-t-on ou supprime-t-on  ? Est-ce que l’on modifie l’univers en décidant qu’il n’existe que trois clans de vampire à Vampire  : la Mascarade  ? Est-ce que l’on joue dans le monde de Star Wars en ne prenant en compte que les trois premiers épisodes, bien avant la naissance de Luke, et peu importe si les événements l’empêchent ? Fait-on confiance au MJ pour prendre des libertés avec le monde tel qu’il est décrit dans le livre de base ? 1. À ce sujet, Apocalypse World, Ars Magica, Les Mille-Marches, Oltrée ! et On Mighty Thews constituent de bonnes inspirations, parmi d’autres jeux.

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Calibration Avec la création de personnage, cette étape est traditionnellement celle qui prend le plus de temps. En effet, une des raisons d’être de la séance zéro est aussi de s’assurer que non seulement les joueuses aient toutes les informations nécessaires sur les règles ou l’univers, mais qu’elles aient toutes les mêmes. Rien ne vous oblige à transmettre une quantité indigeste d’informations, mais vous devrez sans doute prévoir un temps de présentation et d’explication en plus de celui prévu pour les questions ou la création de personnage. Il vous est également possible d’utiliser d’autres techniques pour rendre votre séance plus pédagogique, comme la mise en place d’ateliers (p. 682). D. Création de personnage

Cette étape est importante. C’est non seulement le cœur de la séance zéro, mais c’est sans doute par ce biais que nombre de joueuses vont aborder la plupart des autres questions mentionnées sur cette fiche. Néanmoins, son contenu peut grandement varier, aussi bien dans les points abordés que dans l’ordre dans lequel ils le sont. Après tout, si certaines joueuses apprécient de développer longuement leurs personnages ou les règles de création de groupe, d’autres ne veulent pas en entendre parler. C’est pour cela que c’est à vous qu’il appartient de trouver une solution satisfaisante en fonction de vos préférences, et de ce que vous vous apprêtez à jouer. Voici différents points qu’il peut être intéressant d’aborder : • création de personnage  : est-ce que les joueuses interprètent des prétirés (p. 25), ou au contraire est-ce qu’elles créent les PJ de A à Z, ou un intermédiaire entre ces deux pôles ? est-ce qu’il existe des données à prendre en compte ou des limites à la création de personnage  ? Par exemple, parce que les PJ n’ont aucune chance de relever les défis qui leur seront opposés s’ils ne sont pas spécialisés dans des domaines complémentaires, ou parce que le meneur ne veut pas plus d’un mage dans le groupe ? Les personnages font-ils partie d’une communauté donnée, sontils spéciaux, sont-ils plutôt inexpérimentés ou au contraire chevronnés dans un domaine particulier ? Quelles sont les règles de création que l’on utilise réellement ? Est-ce que les joueuses créent les personnages ensemble, ou chacune de leur côté ? Si oui, à quel point échangent-elles des idées et décident-elles les unes pour les autres des éléments liés aux personnages, notamment leurs relations ? Est-ce que les joueuses avancent la création de personnage chacune de leur côté, pour la continuer et la valider lors de la séance zéro ? • création de groupe : est-ce que l’on fait une création de groupe (p. 33 et Créer un quartier avec les joueuses p. 39) ? Selon quelle méthode ? Le fait-on avant ou après la création de personnage ? Fait-on des ateliers (voir Proposer et animer des ateliers p. 682 et Organiser un hot seat p. 668) ? • développement : les joueuses ont-elles envie d’écrire un long background et de le voir réutilisé pendant le jeu (à ce sujet, consultez également les articles « Créer un 76

personnage » p. 29 et « Développer un personnage au fil du jeu » p. 49 dans Jouer des parties de jeu de rôle) ? • durée de jeu : crée-t-on des personnages dans l’optique d’une longue campagne ou de quelques séances ? Comment envisage-t-on leurs perspectives d’évolution, au niveau des règles et de l’univers (voir Gérer les points d’expérience p. 93) ? • début du jeu  : commence-t-on à jouer pendant la séance  zéro (voir Jouer des parties courtes p. 634) ? Commence-t-on par de petites scènes individuelles pour mettre chaque personnage en valeur et permettre à sa joueuse de montrer ses points saillants à ses camarades, ou par quelques scènes de groupe relativement classiques ? Présentez vos personnages La description physique des personnages est un classique des premières séances d’une campagne. Chacun présente son alter ego, souvent de façon un peu maladroite, en se creusant la tête pour trouver une façon de faire ressortir dans son équipement ou son aspect ce qu’il y a d’important à savoir sur lui : sa classe, ses traits saillants, etc. Si vous le pouvez, demandez aux joueuses de présenter leurs personnages durant la séance zéro, sans se limiter à leur description. Par exemple, il ne faut pas avoir peur de dévoiler des éléments que les PJ préféreraient sans doute garder pour eux. Cela permettra d’expliquer ce que les uns savent sur les autres, comme les souvenirs en commun, mais aussi de poser des questions, de revenir en arrière pour rebondir sur les idées de ses camarades, etc. Même sans utiliser de technique complémentaire comme un hot seat (p. 668) ou une création de groupe (p. 33), présenter les personnages de façon au moins semi-transparente durant la séance zéro change totalement la dynamique des relations au sein de ce dernier.

E. Communication

Cette section aborde les diverses façons de communiquer pendant la partie, que ce soit hors-jeu ou en jeu, par oral ou de façon moins classique. Il peut être par exemple utile de clarifier les éléments suivants : • verbal et non verbal (p. 542) : peut-on se lever, se crier dessus ? Est-on d’accord pour avoir des contacts physiques, comme se prendre la main ou s’empoigner ? Limite-t-on les apartés ? Utilise-t-on les téléphones ou des papiers pour communiquer discrètement  ? Est-on d’accord pour s’insulter entre personnages  ? Qu’en est-il des injures à caractère discriminatoire ? • hors-jeu : bannit-on portables, tablettes et ordinateurs de la table ? Essaie-t-on de limiter les réflexions hors-jeu, l’humour, la vulgarité, les références à la culture populaire ? Une joueuse a-t-elle le droit de parler si son personnage n’est pas présent dans la scène ? Doit-on essayer de faire abstraction des informations que notre PJ ne connaît pas ou joue-t-on en transparence ? Débriefe-t-on (p. 55) après les parties ? Si oui, le fait-on tout de suite après la séance, auquel cas il faut prévoir du temps pour cela, et si oui combien environ, ou utilise-t-on un autre moyen, comme le mail ? 77

• en cas de souci : s’il survient un problème concernant les règles, en parlet-on sur le moment ou à la fin de la séance ? Si ce problème touche à des thèmes abordés en jeu ou à la façon dont évolue une scène, utilise-t-on des garde-fous ? Comment les utilise-t-on ? F. Faire évoluer le contrat social au-delà de la séance zéro

Une fois abordés tous les points que vous aurez jugé nécessaires, il vous reste encore à faire vivre ce contrat social au fur et à mesure des séances de votre campagne. Selon les cas, vous pourrez avoir besoin de le modifier, de rappeler certains de vos choix parce que votre pratique a finalement tendance à s’en écarter, faire le point, etc. Quoi qu’il en soit, les conseils suivants devraient vous aider à continuer de prendre des décisions adaptées à votre groupe : • avant la première séance, récapitulez ce qui a été décidé dans un mail court, en essayant de rester le plus concret possible et d’éviter tout ce qui pourrait être flou ou abstrait. Idéalement, demandez à tout le monde s’il y a des questions ou si certains points posent problème ; • restez attentif et observez les attitudes au fur et à mesure des séances, notamment en cas d’évolutions des dynamiques internes du groupe, des prises de parole, d’apparitions de mises en retrait, de baisses de motivation, de rivalités ou de conflits hors-jeu, etc. Pour ces derniers cas, nous vous encourageons à vous référer à la fiche Gérer les tensions entre joueuses (p. 104) ; • attachez-vous à distinguer ce qui est ponctuel de ce qui ne l’est pas. Il est courant qu’une partie implique une demi-douzaine de personnes qui ont toutes des vies personnelles, professionnelles ou familiales, des sautes d’humeur, des périodes de fatigue ou de stress, etc. Plus encore, certaines déconvenues apparues durant le jeu peuvent être prises particulièrement à cœur. Ce n’est donc pas la peine de s’inquiéter au premier signe d’agacement ou d’irritabilité. En revanche, si vous pensez qu’une joueuse a un peu trop l’habitude de l’imposer à ses camarades, ou que les soucis n’ont rien de ponctuel, parlez-en et ne laissez pas un problème s’installer ; • soyez vigilant sur la participation. Dans l’absolu, tout le monde devrait contribuer aux parties, même les joueuses les plus introverties. Votre rôle n’est pas de les forcer, mais cela peut vous permettre de détecter un début de désintérêt ou de chercher des pistes pour les encourager (p. 416) ; • ne négligez jamais l’aspect logistique. Malgré son apparente trivialité, parce que l’on y est confronté quoi qu’il arrive, il peut être à l’origine de désaccords profonds et difficiles à contrebalancer ; • laissez-vous la possibilité d’évoluer si vous constatez qu’une de vos décisions est difficilement applicable. Il n’y a aucune honte à s’apercevoir qu’un point pose problème, ou au contraire qu’une contrainte que vous vous êtes imposée n’est finalement pas nécessaire. Reparlez-en entre vous autant que vous l’estimez nécessaire, quitte à parfois tirer la sonnette d’alarme ou à arrêter de jouer le temps de régler un problème ;

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• prenez quelques minutes pour échanger en fin de séance, et ce même si tout le monde se dépêche de ranger ses affaires pour rentrer chez soi. Dans la mesure du possible, faites un débriefing (p. 55) en bonne et due forme pour recueillir l’avis des premières intéressées et voir comment elles ont vécu la séance.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• aide le groupe à se mettre d’accord sur un fonctionnement qui convient à tout le monde ; • augmente significativement les chances des campagnes de ne pas être interrompues en cours de route ; • permet à chacun de réfléchir à sa propre pratique, et donc, à ne plus la prendre pour acquise et à réfléchir à d’autres pistes qui pourraient l’intéresser. Inconvénients :

• nécessite de passer une séance à ne pas jouer directement ; • n’est pas adaptée aux formats courts ; • gêne certaines joueuses qui ne sont pas à l’aise pour avoir ce type de discussions.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Organiser des parties, le b.a.-ba p. 17, Enseigner un jeu p. 93, Rassembler & Diviser p. 235, Partager la narration p. 381. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Interpréter un personnage p. 69, Garder la balle en l’air p. 113, Jouer ensemble p.  129, Coopérer et Rivaliser p.  149, S’approprier un jeu p.  209, Dépasser ces clichés p. 227, S’entraîner p. 303, Ne pas être cette joueuse-là p. 329.

Faire des tables aléatoires avec un objectif * 1. Description A. Présentation

Populaires dès les premiers temps de notre loisir, les tables aléatoires ont de nombreuses utilités pour les meneurs. Bien que raillées un temps comme les symboles d’une façon de jouer prétendue dépassée, elles prennent aujourd’hui de multiples formes et répondent à des fonctions très diverses. Elles participent à l’imprévisibilité et à la variété des contenus proposés, permettent de trouver en un instant un monstre intéressant à opposer aux joueuses, mais aussi de créer des lieux, des factions, des intrigues et bien plus encore. C’est ce qu’ont compris des jeux comme Oltrée ! ou le mouvement Old School Renaissance (OSR), qui ne cessent depuis des années de les remettre sur le devant de la scène et de nous rappeler tout leur intérêt. Dans cette fiche, nous évoquons spécifiquement les tables aléatoires qui répondent à des besoins précis de votre campagne et sont construites sur mesure pour cette dernière. En effet, l’objectif ici n’est pas de vous aider à faire des tables génériques ni du « remplissage », qui peuvent certes avoir leur intérêt, mais bel et bien de vous aider à en créer qui reprennent les codes de votre partie et qui devraient donc davantage vous inspirer et faciliter votre improvisation. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• avoir du matériel facilement utilisable en partie ; • faire ressortir les spécificités d’un univers ; • laisser une plus grande part à l’improvisation et vous autoriser à être surpris. C. Variantes

Que vous soyez aguerri ou novice, vous pouvez tenter d’improviser totalement une séance à partir de quelques tables bien choisies. Certains jeux de la mouvance OSR 80

sont spécialement conçus pour cela et vous faciliter la tâche. Nous vous conseillons par exemple d’aller jeter un œil à Macchiato Monsters ou à NanoChrome. Mais vous pouvez également vous inspirer de JdR composés essentiellement de tables aléatoires, comme Dark Streets & Darker Secrets, de guides publiés indépendamment de toute gamme comme Magical Industrial Revolution ou au contraire dédiés à un jeu spécifique comme l’excellent A Pound of Flesh pour Mothership. Enfin, si vous souhaitez vous essayer à cette démarche sans débourser le moindre centime, vous pouvez consulter des sites de tables aléatoires sur Internet, comme le baroque The Dungeon Dozen 1. D. Mots-clés

Improvisation (préparation), intrigues secondaires, monstres, PNJ.

2. Mode d’emploi  La première étape consiste à déterminer ce que vous souhaitez obtenir des tables que vous allez créer, avant de se pencher plus précisément sur leur conception, que ce soit par l’intégration des codes de l’univers ou des éléments plus techniques à respecter. Enfin, la dernière partie de cette fiche s’intéresse à la durée de vie des tables aléatoires et au besoin de les mettre régulièrement à jour. A. Objectifs

Comme évoqué, il existe de nombreuses formes de tables aléatoires qui correspondent à autant d’usages. Elles peuvent notamment être utilisées durant des phases de jeu très diverses, comme lors de la création du scénario ou de personnage, pour déterminer les effets secondaires d’un sort pendant la partie, pour voir comment évolue un PJ entre les séances, etc. Par conséquent, quelle que soit la polyvalence réelle de la table, celle-ci répondra la plupart du temps à un ou plusieurs besoins précis. Aussi est-il important de définir votre objectif principal, ce qu’elle doit faire en priorité. Ces fonctions peuvent être notamment regroupées en trois grands domaines : • l’ambiance. Les tables de ce type peuvent être utilisées pour décrire ce qui se passe dans la rue, ou montrer le genre de PNJ typique que l’on peut croiser dans tel ou tel environnement (à ce sujet, consultez également l’article « Adapter une œuvre pour en faire un scénario » p. 61 à 63 dans Mener des parties de jeu de rôle, où figure une table permettant d’imaginer le type de personnages que l’on croise habituellement au château de Port-Réal dans l’univers du Trône de Fer). Il est préférable que ces tables fournissent des informations sur l’univers, comme nous le verrons dans la prochaine section (voir Envisager l’univers comme un personnage p. 594 et Décrire l’univers comme un ensemble de signes p. 234) ; • le scénario. Le rôle de ces tables est d’amorcer ou d’enrichir les intrigues. Elles peuvent prendre directement la forme de pitchs ou de synopsis, mais aussi celle de péripéties, de rebondissements, de complications, de thématiques, etc. Un autre 1. http://roll1d12.blogspot.com/

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exemple moins évident est celui des tables de rumeurs 2, ou des phrases prévues pour inspirer le MJ lorsqu’il prépare ses séances. Ce genre de tables fait partie intégrante des sessions d’Oltrée ! ; • les découvertes. Ces tables sont probablement les plus courantes. Leur point commun est surtout de vous permettre de générer rapidement du contenu pour les personnages, sans forcément chercher à répondre à un autre besoin. Elles concernent notamment les nombreux éléments que les PJ sont susceptibles de trouver au sens large  : objets 3, PNJ 4 (voir Se servir des archétypes p.  146 et Singulariser les PNJ p. 369), rencontres aléatoires, etc. Dans le cas de tables que vous créez spécifiquement pour vos parties, ne cédez pas à l’envie de marquer tout ce qui vous passe par la tête pour les remplir. Si vous devez juste improviser des objets du quotidien en cours de séance, vous pourrez sans doute regarder autour de vous ou pointer un élément au hasard de la liste d’équipement du jeu auquel vous jouez. Essayez au contraire de faire en sorte que chaque entrée vous inspire, directement ou indirectement, une situation potentielle à même d’apporter un grand changement à la partie (voir Proposer des scènes qui comptent p. 336). Une approche assez efficace est d’imaginer ces bouleversements d’abord, puis d’en déduire des éléments à même d’y correspondre pour les écrire dans la table. Il est probable qu’une fois en jeu, ces derniers vous donneront encore d’autres idées, ce qui est une très bonne chose, mais vous aurez au moins la certitude qu’ils ne sont pas fades. Non seulement vous pourrez improviser et surprendre les joueuses avec des conséquences inattendues à des actes apparemment anodins, mais vous aurez toujours la possibilité de choisir un autre résultat ou de ne pas donner suite en jeu si vous craignez finalement d’être débordé. Prenons quelques exemples, en imaginant que l’on cherche à remplir une table d’objets que l’on pourrait trouver sur un cadavre. Si vous voulez introduire l’idée que : • les personnages puissent avoir provoqué la colère d’une guilde qui embauche des assassins pour se débarrasser d’eux, optez pour : « une liste de treize noms, dont ceux des PJ. Certains sont barrés. » ; • le fils du seigneur local a décidé de fuir ses responsabilités ou a été enlevé, rajoutez : « une broche extrêmement précieuse en forme de cygne, mais rayée et tachée de sang » ; • la région puisse être bientôt attaquée par une bande armée étrangère, et que des éclaireurs viennent faire du repérage, inscrivez : « une carte du fort et des environs tracée au charbon de bois. Ses annotations sont cryptées. » ; • le cirque sert de couverture à des espions, indiquez : « une petite clé tape-àl’œil ceinte d’un long crin orange ». 2. À ce sujet, voir Agostini Guillaume et la redac6on, « Les Rumeurs locales », Di6dent, n° 7, Aix-Noulette, janvier 2013, p. 157 (pour un monde contemporain). 3. À ce sujet, voir Agostini Guillaume et la redac6on, « Des trésors qui ont de la gueule », Di6dent, n° 8, Aix-Noulette, mai 2013, p. 157. 4. À ce sujet, voir Agostini Guillaume, « C’est compliqué », Di6dent, n° 11, Aix-Noulette, septembre 2014, p. 170-171 (pour les relations amoureuses).

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B. Intégration des codes

Pour que ce genre de table soit fonctionnelle, il est important d’y intégrer avec précision les codes de l’univers du jeu. Par conséquent, une fois l’objectif défini, nous vous conseillons de les lister avant de vous atteler à la table proprement dite. Par exemple, pour imaginer des PNJ de l’univers du Trône de Fer, mieux vaut garder à l’esprit que leurs noms ressemblent souvent aux patronymes anglophones que nous connaissons à une lettre près, ou que les noms propres dans celui d’Harry Potter évoquent des termes déjà existants proches de ce qu’ils signifient, comme le professeur Rogue (Snape, en version originale, est proche de snap qui signifie « cassant »). Dans le même ordre d’idées, si l’objectif est de retranscrire l’ambiance bien particulière d’un bourg de la Comté de la Terre du Milieu, nous encourageons vivement à aller au-delà des simples activités que les PNJ pourraient avoir dans n’importe quel autre univers de fantasy pour être plus spécifique. Ainsi, au lieu de dire qu’un hobbit coupe du bois, il vaut mieux expliquer qu’il recouvre de tourbe le toit de sa maison où l’herbe a mystérieusement jauni (ce qui permet également de transmettre une information sur cette mystérieuse affliction des végétaux qui sera un des mystères que devront élucider les PJ). Ainsi, comme pour les exemples de la section précédente, n’hésitez pas à donner des détails affreusement spécifiques. Et c’est encore mieux si ces derniers paraissent contradictoires, incongrus ou décalés. Non seulement cela donnera à vos joueuses l’impression que les objets de votre table n’ont rien de générique et qu’ils font en réalité partie du scénario, mais vous leur offrez également des éléments à même de captiver leur attention et de provoquer leur imaginaire. Ensuite, prenez en compte les habitudes de vos joueuses et les situations récurrentes auxquelles les PJ se trouvent confrontés. Par exemple, si le groupe a l’habitude de faire des représentations pour se payer le gîte et le couvert, une table avec les potentielles réactions du public pourrait s’avérer particulièrement utile pour enrichir ce moment routinier. En revanche, une table sur les différents imprévus qui peuvent se produire pendant les tours de garde lors des bivouacs (à ce sujet, consultez également l’article «  Animer les scènes spéciales  » dans Mener des parties de jeu de rôle, p.  200 à 202) pourrait paraître bien moins utile. Toutefois, vous pouvez en renouveler l’intérêt en intégrant des événements liés aux spécificités des personnages. Par exemple, le personnage du vétéran peut voir sa vieille blessure se réveiller, le prêtre faire des cauchemars liés à son passé, une autre bande de saltimbanques vouloir intimider les personnages, un jeune fugueur les aborder pour rejoindre leur troupe, etc. Faire réagir l’univers de façon originale et intéressante à ce qui définit les personnages permet de créer des situations avec un enjeu réel, souvent personnel, et rend ces événements bien plus attractifs pour les joueuses. C. Forme de la table

La forme que prendra la table aléatoire est aussi un élément important à prendre en compte. En effet, puisque le but est de l’utiliser pendant la partie, il faut penser

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à certains paramètres qui peuvent paraître anodins, mais vont avoir leur importance « dans le feu de l’action ». Voici une liste non exhaustive des aspects à considérer pour donner la forme la plus adaptée à votre table aléatoire : • choisissez des dimensions de tables faciles à utiliser pendant la séance. En effet, une table aux entrées multiples, nécessitant plusieurs jets de dés ou une lecture complexe, n’est pas forcément des plus pratiques. Elle risque d’accaparer votre attention trop longtemps, et les joueuses vont probablement s’en rendre compte ; • indiquez les références utiles directement sur la table. Peu importe que ce soit un numéro de page où trouver les statistiques principales d’une créature, le but de cet outil est de vous faire gagner un temps précieux en cours de séance, pas que vous vous perdiez dans vos pensées pour savoir comment en exploiter les résultats ; • utilisez les mêmes dés que ceux qu’exigent les règles. Aussi trivial que cela puisse paraître, il s’agit d’un souci assez courant. Rien de pire que de devoir fouiller dans vos affaires pour trouver le dé adapté parce que vous n’en avez pas l’usage habituellement. Non seulement vous perdez là encore tout le temps que vous étiez censé gagner, mais les joueuses comprennent immédiatement que vous vous servez d’une table aléatoire. L’effet peut être intéressant si vous le choisissez (voir Choisir où jeter les dés p. 395), mais problématique si vous le subissez. Naturellement, ceci est encore plus vrai si vous jouez à un jeu sans dé. Fort heureusement, rien ne vous empêche de générer de l’aléatoire à partir de cartes ou de choisir arbitrairement une entrée dans votre table le cas échéant ; • faites attention aux probabilités. Rien n’oblige toutes les entrées d’une table à être équiprobables, mais il peut également arriver que certains résultats soient générés beaucoup plus souvent que d’autres. Ce n’est pas toujours un problème et cette caractéristique peut même être volontaire, mais elle peut aussi créer une forme de lassitude et réduire l’intérêt de la table. Par exemple, Shinobigami en utilise pour déterminer le lieu dans lequel se déroulent les scènes dramatiques. Elle nécessite de jeter 2d6 et d’en faire la somme, pour obtenir un résultat compris entre 2 et 12. À chacune de ces valeurs correspond un cadre différent. Les probabilités que ces scènes se produisent dans une forêt (correspondant à un 7) sont six fois plus fortes que celles qu’elles prennent place sur un champ de bataille (2) ou sous un soleil éclatant (12). Fort heureusement, cette table n’a rien d’obligatoire et sert surtout à inspirer les joueuses. Une alternative à ce type de conception est de revoir les dimensions de la table, surtout si une plus grande diversité des solutions proposées est la bienvenue ; • pensez aux autres formats. Par exemple, il existe des tables aléatoires où le résultat n’est pas déterminé en fonction du résultat du dé, mais de l’endroit où ce dernier tombe physiquement sur le tableau. Généralement, les cases de celui-ci sont conçues de façon à ce que leurs surfaces correspondent à la probabilité des entrées concernées. Vous trouverez notamment des exemples de telles tables dans le supplément Extra Shots pour Macchiato Monsters, dont certaines qui utilisent à la fois l’endroit où tombent les dés et le résultat de dernier. Voici un exemple pour générer des échoppes dans une cité spécialisée en alchimie.

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D. Durée de vie d’une table aléatoire

Les tables aléatoires décrites dans cette fiche, à savoir celles qui sont spécifiques à votre campagne et personnalisées pour votre groupe, ont parfois besoin d’être mises à jour. Ce phénomène se produit principalement dans deux cas. Le premier correspond aux tables qui ne peuvent s’utiliser que dans des conditions qui ne correspondent plus à ce qui se passe actuellement dans votre partie. Par exemple, si une table décrit des habitations et est essentiellement composée de trous de hobbits, il est peu probable que vous en trouviez l’utilité si votre groupe séjourne dans une cité naine. Dans ce cas, le plus simple est d’en créer une nouvelle en recyclant les entrées qui peuvent toujours s’appliquer à la situation dans laquelle sont les personnages. Vous apprécierez de retrouver l’ancienne table si les PJ reviennent dans un contexte où elle peut s’appliquer. Le second cas correspond aux tables dont il serait peu pertinent que les entrées soient utilisées plusieurs fois. Pour reprendre l’exemple des imprévus pouvant arriver durant un bivouac, autant il est compréhensible que le prêtre fasse des cauchemars récurrents, autant une trop grande quantité d’enfants voulant rejoindre la troupe deviendrait rapidement ridicule. Pour ce type d’entrées, il est important de noter celles qui ont déjà été utilisées et de les remplacer régulièrement, idéalement lorsque vous mettez vos notes sur la campagne à jour. Dans le cas où un résultat serait généré à nouveau avant que vous mettiez votre table à jour, changez un ou deux détails parmi ceux que vous avez employés pour le décrire. Cela devrait suffire à donner l’impression qu’il s’agit d’un élément nouveau dans le scénario, que le rapport avec la première occurrence soit perçu ou pas. Ainsi, la seconde fois que 85

vous tombez sur « une liste de treize noms, dont ceux des PJ. Certains sont barrés », vous pouvez par exemple décrire une autre liste, éventuellement en en changeant le nombre, ou expliquer que ceux qui sont barrés ne sont pas les mêmes. En procédant de la sorte, vous transformez ce qui était au départ une gêne en nouvel élément d’intrigue pour les joueuses, qui y verront sans doute l’œuvre de plusieurs assassins agissant de concert.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• renforce la richesse et la cohérence de la partie aux yeux des joueuses ; • permet d’être surpris et d’improviser plus facilement ; • constitue un outil assez vite créé et rapidement rentabilisé. Inconvénients :

• nécessite d’être prêt à s’adapter ; • amène à réfléchir à beaucoup de contenus qui ne seront jamais utilisés ; • demande de bien maîtriser les codes de la partie.

4. Exemple Dans un jeu de fantasy classique type D&D , le groupe comprend un voleur qui aime dépouiller les vivants comme les morts. Particulièrement doué, il réussit ses tests presque chaque fois, et le MJ cherche un moyen de corser ces actions routinières. Il opte donc pour une table de découverte et liste les éléments suivants à intégrer : • les objets volés doivent pouvoir tenir dans une poche ou un petit sac ; • l’univers est marqué par l’importance de l’art.

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1d6

Victime

Butin dérobé

1

Une joueuse de mandoline aveugle et exaltée

Une petite fortune en fausses pièces d’or

2

Un garde déprimé par son incapacité à protéger la famille royale

Du poison portant le nom d’une célèbre peintre

3

Une marchande de pinceaux qui ne veut pas partager ses secrets de fabrication

La partition inachevée du prochain opéra du plus grand compositeur du royaume, mort assassiné il y a peu

4

Un riche bourgeois insensible au beau, mais qui passe pour le meilleur critique local

Une carte menant à un coffre vide où est gravé le mot « vanité »

5

Une conductrice de fiacre qui rêve de percer dans la comédie

Une liste avec des noms barrés

6

Un étudiant pressé qui voudrait rejoindre la guilde des voleurs

Une bague portant le blason d’une famille de poètes connus pour mourir jeunes

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Construire un donjon, une méthode aléatoire p. 73, Improviser p. 125, Animer les scènes spéciales p. 191, Jouer old school p. 365.

Gérer la présence à l’écran *

1. Description A. Présentation

Il arrive que certaines joueuses s’imposent et tirent systématiquement la couverture à elles. Ainsi, elles bénéficient généralement de plus de temps de parole, mais leurs alter ego sont aussi fréquemment au centre de l’action et moins souvent absents des scènes qui comptent. Ils ont également plus d’opportunités, notamment celle d’explorer leurs intrigues personnelles, et bien d’autres avantages encore. D’une certaine façon, ils deviennent les personnages principaux et la partie tourne autour d’eux, alors que leurs compagnons se rapprochent de plus en plus du statut de figurants et de soutiens. Cette importance relative est appelée ici « présence à l’écran », d’après la mécanique du même nom dans le jeu Primetime Adventures. Une tendance assez populaire consiste à partir du principe qu’une joueuse qui impose la présence de son personnage à l’écran aurait un problème de comportement qu’il faudrait réguler. Or, en tant que meneur, il est très souvent pertinent d’adopter une autre perspective, à savoir : comment animer la partie pour inciter un personnage à être plus ou moins présent ? De façon similaire, on pense souvent que l’idéal serait que le « temps d’antenne » soit réparti le plus équitablement possible. Dans la réalité, si cette approche est louable et peut devenir un garde-fou à un favoritisme outrancier, elle mérite néanmoins d’être remise en cause dans de très nombreux groupes. Tout d’abord, elle est difficile à appliquer. Ensuite, elle ignore, par exemple, que privilégier une joueuse spécifique à un moment donné peut être très utile pour faire avancer une partie qui s’enlise, voire que certaines peuvent préférer être plus en retrait ou tout simplement sont fatiguées. Pour toutes ces raisons, cette fiche vous propose de créer et d’utiliser ces déséquilibres de présence à l’écran pour rendre la partie plus intéressante. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• vous assurer de ne laisser personne de côté ou d’éviter le favoritisme ;

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• développer des arcs personnels et des parties centrées sur les personnages 1  ; • mettre les PJ en valeur, par exemple dans des situations épiques ou dramatiques. C. Variantes

L’alternative la plus courante à cette technique est de ne pas gérer la présence à l’écran des différents personnages et de se contenter de réagir aux sollicitations des joueuses, généralement en partant du principe que celles-ci vont se réguler, ou qu’il est légitime de récompenser l’investissement supérieur d’une joueuse en donnant une importance accrue à son personnage. Dans les cas où on se préoccupe de la présence à l’écran, les deux tendances les plus courantes consistent à adopter une démarche égalitariste, ou à limiter ses interventions à la gestion des dérapages pouvant mettre en danger la suite de la partie. D. Mots-clés

Implication, intrigues secondaires, mise en scène, personnel.

2. Mode d’emploi  Il existe trois moyens de jouer sur la présence à l’écran des PJ : accroître celle d’un personnage 2, la rendre plus marquante pour la joueuse qui l’incarne et combiner l’importance relative de tous les PJ pour que la partie soit plus intéressante pour tout le monde. A. Mettre un PJ sur le devant de la scène

Vous pouvez vouloir mettre un personnage en avant pour plusieurs raisons. Parmi les plus évidentes peuvent figurer le dynamisme de la joueuse qui l’incarne ou la répartition du temps de parole, mais rien ne vous empêche de le faire pour orienter le ton ou la trame générale de la partie dans une direction donnée, par exemple. Quoi qu’il en soit, si vous souhaitez braquer les projecteurs sur un personnage en particulier, vous pouvez utiliser les astuces suivantes : • forcer des actions ou des événements qui le ciblent. Demandez un jet de Perception ou de Connaissance, mais uniquement à la joueuse concernée, ou faites en sorte de l’impliquer dans la prochaine action importante (sollicitation d’un PNJ, attaque d’un monstre, etc.). Il s’agit sans doute de la technique que tout le monde utilise par défaut, mais prenez garde toutefois à l’aspect factice ou artificiel qui peut vite briser l’immersion si vous manquez de subtilité ; • lier l’intrigue principale à son arc personnel, par exemple en impliquant un élément qui lui est familier : PNJ proche, lieu où il a grandi, secret de son passé, objectif qu’il poursuit depuis longtemps, etc. Plus vous lui donnez les moyens de mettre en avant des 1. Par opposition aux jeux à missions. 2. Pour réduire la présence à l’écran d’un personnage, il suffit généralement de privilégier celle de quelqu’un d’autre et de veiller à encadrer le comportement de la joueuse. En effet, sans la moindre mauvaise intention, cette dernière aura peut-être besoin d’un peu de temps pour s’adapter à ce changement.

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informations que seul lui possède (ou des connaissances liées à son historique) et plus vous suscitez, chez le groupe, l’envie de s’occuper de ses intrigues personnelles, ce qui le place sur le devant de la scène. Vous pouvez également intégrer des scènes ne concernant que lui, peut-être en attribuant aux autres joueuses le rôle de PNJ pour éviter qu’elles s’ennuient ; • faire la part belle à ses spécificités : celles-ci peuvent regrouper ses spécialités ou ses compétences, mais aussi tout autre trait qui le définit. Par exemple, il est le seul à parler la langue, les PNJ ne s’adressent qu’à lui car ils l’estiment particulièrement pour des raisons variées (réputation, origines, statut, comportement, etc.), voire ne parlent que de lui. Quoi qu’il en soit, pour permettre au personnage de briller, votre but est de proposer des situations avec de vrais enjeux où ses compétences seront déterminantes ; • même s’il ne s’agit pas toujours de présence à l’écran du personnage au sens strict, donner à la joueuse plus d’influence sur la partie. Concrètement, il s’agit de lui octroyer plus de moyens d’action. Ils peuvent être d’ordre mécanique (nouvelles capacités, pouvoirs ou équipement uniques, etc.), concerner la résolution des actions (vous demandez à la joueuse de prendre certaines décisions qui ne lui incombent pas habituellement, comme choisir quel PJ va recevoir cette balle ou cette flèche, d’interpréter le résultat d’un jet de dés à votre place, etc.), ou la création de contenu additionnel (proposez à la joueuse d’intégrer des éléments au-delà de son personnage : amorces d’intrigues, lieux, rencontres 3, péripéties, whimsy cards 4, etc.). B. Rendre marquante la présence à l’écran d’un personnage

Pour donner aux joueuses le sentiment que la présence à l’écran de leur personnage est significative, une autre stratégie consiste à jouer sur l’importance de cette dernière plutôt que sa durée. Autrement dit, il est possible de compenser la faible présence d’un PJ en travaillant davantage sur la façon dont son temps est occupé. Naturellement, il existe de nombreuses autres astuces, mais en voici trois qui ont le mérite d’être très efficaces : • donner à la joueuse le sentiment que le personnage a accompli quelque chose : il peut avoir atteint son objectif, fait avancer sa trame personnelle ou l’intrigue principale, écarté une piste, trouvé un indice important, surmonté un obstacle, etc. La joueuse doit avoir le sentiment que la situation a changé grâce à ses décisions ou aux actions de son alter ego ; • faire des révélations à la joueuse : elle doit avoir appris quelque chose d’important. Là aussi, celles-ci peuvent concerner l’historique de son personnage, l’univers ou d’autres protagonistes de la campagne, le point faible d’un adversaire, amener un retournement de situation, répondre à une question en suspens ou en susciter d’autres permettant d’aller encore plus loin, etc. Cette information semblera d’autant plus importante qu’elle permettra une future action dans laquelle il sera facile de se projeter, ou qu’elle ne sera pas donnée à l’ensemble du groupe ; 3. À ce sujet, voir les cartes Patrouillles d’Oltrée ! qui constituent de bonnes sources d’inspiration. 4. Dans la première édition d’Ars Magica, ces cartes permettent à chaque joueuse de changer une situation ou d’intégrer un élément particulier, comme un thème (compassion, méchanceté, cupidité) ou un événement (aide inattendue, retournement soudain), la joueuse interprétant ces mots écrits sur la carte comme bon lui semble.

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• faire évoluer le personnage : pour la joueuse et la relation qu’elle entretient avec son PJ, il doit y avoir un « avant » et un « après » la séance en cours. Elle devrait être capable de s’en souvenir non pas uniquement grâce à l’intrigue principale, mais également comme, par exemple, la fois où son personnage est devenu magicien, a subi une malédiction, s’est fait voler son familier, a trouvé son arme magique fétiche, voire même est passé niveau 3, etc. C. Conjuguer les différentes présences à l’écran

Les conseils ci-dessus expliquent comment gérer la présence à l’écran d’un seul personnage. Or, en tant que meneur, vous devez vous occuper de l’ensemble des PJ. Et si la solution la plus simple semble être de répartir le « temps d’antenne » de façon équitable, celle-ci ne permet pas de réellement tirer parti des techniques précédentes. Aussi est-il plutôt conseillé d’accepter un déséquilibre constant à l’échelle d’une séance, par exemple en mettant un ou deux personnages à l’honneur, mais d’opérer un roulement de façon à ce que toutes les joueuses s’y retrouvent sur la longueur. Ce procédé est assez caractéristique de ce que l’on peut retrouver dans certaines séries comme Lost ou Once Upon A Time. Toutefois, il nécessite de conserver la trace des PJ qui ont le plus de présence à l’écran pour savoir qui mettre en avant d’une séance sur l’autre. Le jeu Primetime Adventures (p. 38-39) propose un tel outil, et celui-ci est aussi simple qu’efficace. Pour chaque séance, le MJ attribue aux PJ une valeur de présence à l’écran allant d’un à trois. Un score minimal signifie que les personnages auront un rôle mineur et une influence très limitée sur les scènes. Un score maximal correspond au contraire au rôle principal de l’épisode ou de la séance. Anticipez-en un nombre qui vous semble pertinent, par exemple parce qu’il correspond à un arc narratif précis ou à une période donnée pour les joueuses (vacances, année scolaire, etc.). Faites ensuite le total de tous les scores de présence à l’écran. Tous les personnages doivent avoir le même, et disposer du même nombre de séances avec un score maximal. Naturellement, si certaines séances ne se déroulent pas comme prévu, vous pourrez revoir votre plan à chaque fois que le besoin s’en fait sentir. Si les joueuses devraient probablement être informées de ces déséquilibres à l’échelle des séances, vous n’êtes pas obligé de révéler à chaque fois l’identité du PJ qui sera mis en avant. Cependant, souvenez-vous qu’un PJ, même mineur à un moment donné, reste un protagoniste et qu’il doit avoir la possibilité d’agir et sa joueuse d’exprimer sa créativité. Personne ne veut, ni ne devrait, s’ennuyer quatre séances sur cinq. Ces indicateurs de présence à l’écran sont donc surtout à utiliser comme des indicateurs et des garde-fous. Aussi assurez-vous de ne négliger personne, et n’hésitez pas à faire intervenir des personnages avec une présence à l’écran plus faible, y compris pendant les scènes des autres, mais sans pour autant leur permettre de voler la vedette.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• limite la confiscation de la parole au détriment des plus timides ;

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• contrebalance la tendance à s’occuper en priorité des joueuses les plus actives ; • facilite la fusion entre intrigues principales et arcs personnels ; • évite de tout considérer comme un problème d’attitude des joueuses et permet de comprendre l’impact du meneur sur leur comportement. Inconvénients :

• nécessite un groupe de PJ stable (peu d’arrivées, de morts, de départs ou d’absentéisme) ; • exige des joueuses qui aient envie de s’investir et puissent le faire ; • implique que les joueuses puissent accepter de réduire leur investissement ou leur curiosité d’une séance à l’autre.

4. Exemple Pour la prochaine séance d’une campagne de Shadowrun, le meneur a prévu de grandement réduire la présence à l’écran de l’ancien mage corporatiste. En effet, son background fournissait la plupart des intrigues et, jusqu’à présent, il occupait le devant de la scène. À l’inverse, le samouraï des rues était plutôt en retrait et il s’agit maintenant de le mettre au premier plan. Le meneur décide donc d’adapter la trame prévue pour faire la part belle à ce personnage et à ses propres intrigues. Pour l’instant, ce qu’a fourni la joueuse est assez sommaire : ex-membre d’un gang, le PJ a rejoint l’armée et est considéré depuis comme un traître par les siens. Cette séance est donc l’occasion de développer cette amorce et de marquer une rupture assez nette avec le début de la campagne. Le MJ décide donc que l’intrigue prendra place dans le quartier où le samouraï des rues vivait jeune et confrontera le groupe à son premier amour, devenu depuis chef de son ancien gang. Sa connaissance des lieux pourra être utile pour comprendre les rapports entre ce dernier et une corporation pharmaceutique testant ses dernières drogues dans les rues avoisinantes, ce qui permettra de faire le lien avec les prochaines séances. Le meneur se garde également la possibilité d’utiliser quelques techniques qui dépassent le cadre strict de la présence à l’écran du personnage, à savoir : donner une whimsy card si ce dernier repasse dans son ancienne maison familiale, ou faire jouer une scène de flash-back se passant durant la jeunesse du samouraï de rue, et où les autres joueuses incarneront ses anciens amis.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Dompter la linéarité p. 159, Animer les combats p. 173, Animer les scènes spéciales p. 191, Rassembler & Diviser p. 235, Rendre les choses personnelles p. 261. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Interpréter un personnage p. 69, Jouer ensemble p. 129, Coopérer et Rivaliser p. 149, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179, Exploiter la distinction entre joueur et personnage p. 195, Faire d’un incapable un héros p. 245, Jouer des génies p. 261.

Gérer les points d’expérience *

1. Description A. Présentation

D’une certaine façon, que ce soit celle de leurs valeurs, de leurs émotions, de leurs relations ou de leur puissance, la question de l’évolution des personnages devrait toujours se poser. En théorie, elle devrait sans doute être au centre des histoires que nous créons autour de nos tables de jeu. Pourtant, dans les faits, nous la traitons souvent de façon automatique, sans y penser, en nous concentrant toujours sur les mêmes principes et les mêmes règles, ou peu s’en faut. D’une part de nombreux jeux ne traitent que de l’évolution technique et uniquement selon quelques modèles de base bien connus, mais qui ne sont pas forcément adaptés à leurs spécificités. D’autre part, les jeux qui suivent des démarches plus originales pèchent souvent par complexité ou posent des problèmes lorsque les personnages commencent à réellement gagner en niveau. Or, s’il n’est pas forcément nécessaire de s’occuper de l’évolution technique des personnages sur un one shot ou une campagne courte, cet aspect reste tout de même important dans de nombreuses parties. Mais la difficulté à le reprendre en main fait qu’à moins que les règles ne disent explicitement le contraire, il est courant que le meneur donne, à la fin des séances, le même nombre de points d’expérience à tout le groupe, sans réellement se poser la question des critères d’attribution. L’objectif de cette fiche est de proposer d’autres options et de réfléchir à la façon dont ces récompenses ont une influence sur l’attitude des joueuses. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• valoriser la prise d’initiative des joueuses ; • induire certains comportements ou manières de jouer ; • diversifier les manières de faire évoluer les PJ.

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C. Variantes

Une première variante consiste à intégrer des scènes d’augmentation (p. 479) lors des parties, afin de créer davantage de jeu autour des évolutions. Il est également possible de laisser des points à répartir à la création des PJ (p. 661) afin que les joueuses prennent le temps de mieux connaître le jeu, entre autres, ou encore de gérer ces éléments lors d’éventuelles phases de downtime (p. 613). Enfin, se contenter de laisser évoluer les personnages au fil du jeu sans leur attribuer spécialement d’augmentation technique reste une alternative tout à fait envisageable. Après tout, selon les JdR et les durées des campagnes, consacrer du temps à la gestion de ces évolutions avec des règles dédiées n’est pas systématiquement pertinent. D. Mots-clés

Création de personnage, règles, séance zéro, transmission.

2. Mode d’emploi  Pour des raisons de simplicité et parce que c’est sans doute le mode d’évolution technique le plus connu, nous emploierons le terme de points d’expérience pour désigner la mécanique utilisée pour organiser la progression des personnages. Il existe évidemment de nombreux autres systèmes, mais, si vous lisez ce recueil, il est probable que vous soyez déjà familier avec le fonctionnement de celui-ci et que vous n’aurez donc aucun mal à adapter les astuces suivantes aux spécificités du vôtre. De la même façon, nous utilisons le terme « augmentation » pour évoquer les changements qu’impliquent ces points une fois investis pour faire évoluer le personnage. Il peut s’agir d’appliquer une modification simple, comme un point dans une compétence, ou plus complexe, comme d’ajouter un niveau supplémentaire dans certains jeux à classes. Dans de rares cas, il est même possible que ce changement se fasse au détriment du personnage. La première partie de cette fiche aborde brièvement les raisons qui légitiment de donner de l’expérience aux personnages et leurs logiques sous-jacentes. En effet, ce rappel est nécessaire pour pouvoir aborder ensuite les raisons de modifier les règles de progression, puis les principales questions à se poser pour obtenir une méthode adaptée à vos besoins. Viennent ensuite, pour pouvoir concevoir cette dernière, les différents modes d’attribution et de dépense des points d’expérience. A. Les principales raisons de gérer les points d’expérience

Que nous en ayons conscience ou pas, et au-delà de ce que peuvent éventuellement expliquer les règles de chaque jeu, il existe diverses raisons de donner des points d’expérience aux joueuses. Si, globalement, toutes ces motivations partent du principe qu’il est plus amusant ou intéressant d’avoir des personnages qui progressent mécaniquement, il est utile de s’y pencher plus en détail. En effet, elles ont toutes des objectifs et des effets différents en jeu.

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Voici quelques-unes de ces raisons : • proposer des défis adaptés. Il peut être nécessaire de faire progresser la puissance des personnages, que celle-ci soit martiale, sociale, ou de quelque autre nature, afin qu’ils puissent accomplir des quêtes toujours plus épiques sans risquer pour autant de se faire tuer par le premier monstre venu. Cette optique est très influencée par un type d’histoires que l’on appelle le monomythe (voir Choisir une structure narrative p. 179), et que l’on pourrait résumer en disant que les héros s’y réalisent en traversant une série d’épreuves et en devenant toujours plus puissants. Pourtant, comme l’on peut s’en douter, une telle optique est loin d’être adaptée à toutes sortes d’histoires et de genres ; • prendre en compte un soi-disant « réalisme ». Cette vision est elle aussi très influencée par le monomythe, mais également par l’histoire de notre loisir. Elle part du principe que le personnage deviendra forcément de plus en plus puissant au fur et à mesure du temps. Cette conception est héritée des wargames et on peut concevoir qu’elle y fasse du sens. Après tout, un soldat expérimenté encore présent sur le champ de bataille, autrement dit ni trop vieux ni trop abîmé par les affrontements précédents, a de grandes chances d’être plus efficace. Toutefois, dans le cadre d’un JdR, la diversité des profils et des trajectoires de vie est bien plus importante, et ce serait se priver d’une grande partie de la richesse de ce média que de se limiter ainsi. Là encore, cela reviendrait à s’interdire complètement certaines histoires ou certains genres ; • acter la présence. Dans ce cas de figure, qui est sûrement le plus courant, le simple fait que la joueuse soit venue et que son personnage participe à l’histoire commune suffit à gagner de l’expérience ; • récompenser la joueuse. Si cette dernière a un comportement qu’il semble légitime de favoriser, que ce soit parce qu’il crée du jeu, qu’il impressionne ou est agréable, elle se voit attribuer des points d’expérience ; • gérer la complexité. Certains jeux proposent beaucoup de possibilités d’évolution et il est très difficile de toutes les assimiler immédiatement. C’est par exemple le cas des options de personnage ou des nombreux sorts disponibles. D’autres ont un monde si vaste ou si complexe qu’il est impossible de tout présenter brièvement. Donner de l’expérience petit à petit permet d’assimiler en douceur tous ces éléments, qu’ils concernent les règles ou l’univers. Ainsi, ce premier tour d’horizon est un moyen de se rendre compte que non seulement nous pouvons avoir recours aux points d’expérience pour de multiples raisons, mais que nous devrions le faire d’une façon qui soit cohérente avec ces dernières. Si ce n’est pas le cas, modifier les règles de progression est une option viable, voire, parfois, une nécessité. B. Identifier les problèmes nécessitant de modifier votre système de progression

Des règles de progression inadaptées peuvent poser plusieurs problèmes. Il est nécessaire d’identifier ceux qui pourraient émerger à votre table pour pouvoir trouver une approche qui réponde davantage à vos envies. Généralement, la plupart de ces difficultés peuvent se résumer aux points suivants : 95

• le rythme des augmentations ne vous convient plus. Ce problème est a priori facile à régler : il suffit d’ajuster le nombre de points d’expérience distribué. Toutefois, la pratique montre qu’il est généralement bien plus facile de les augmenter que de les diminuer. Aussi vaut-il mieux être prudent lorsque l’on est généreux, pour éviter de générer de l’incompréhension chez les joueuses quand ce ne sera plus le cas. Une autre façon de faire est d’accorder une grande quantité de points, voire d’augmentations, d’un seul coup. Cela revient à intégrer une sorte de phase de downtime (p. 613), et c’est une pratique que l’on retrouve notamment dans des jeux qui comprennent d’importantes ellipses de plusieurs années, comme Vampire: the Dark Ages par exemple. Attention, toutefois : cette technique peut chambouler les dynamiques entre les personnages au sein du groupe, et il peut donc être nécessaire de l’encadrer ; • les règles favorisent certains types de personnages ou de joueuses. Contrairement à l’idée reçue, c’est toujours le cas. L’équilibrage absolu entre personnages et sur la durée est un mythe. En effet, la plupart des systèmes d’expérience sont surtout efficaces sur une durée de campagne donnée, et certains types de personnages s’en sortent mieux que d’autres. Par exemple, si les règles d’expérience d’Apocalypse World fonctionnent bien pour des parties courtes, si vous souhaitez jouer lors de longues campagnes, il faudra sans doute opérer quelques changements. ; • les règles encouragent certains types de comportements de joueuses ou de personnages. Ce n’est pas choquant dans le sens où le système d’expérience est aussi une bonne façon de dire aux joueuses ce que l’on attend d’elles. Mais encore fautil que cela corresponde vraiment à ce que l’on souhaite obtenir. Par exemple, si, comme évoqué, la mécanique des points d’expérience et des niveaux fonctionne bien pour des histoires proches du monomythe, avec de jeunes héros se réalisant à travers une série d’épreuves, elle est moins adaptée à d’autres types de personnages ou de relations. En effet, à moins d’accepter de donner un PJ de haut niveau à une joueuse et de gérer un déséquilibre constant, il est difficile d’intégrer une relation « maître et disciple » au sein d’un groupe de personnages. Or, de nombreux genres tirent parti de ces différences de générations et de ces logiques de transmission. Certains jeux sont d’ailleurs spécialement conçus pour permettre ce type de dynamiques. Dans Tenga, par exemple, un personnage ancien a plus de points de compétences qu’un jeune (ce dernier bénéficie de son côté de davantage de points de karma), mais il doit dépenser une partie de ses points pour entretenir celles qui ont un niveau élevé et, par conséquent, il progresse moins vite ; • les règles ne permettent pas de faire ressortir certains éléments de la campagne en cours comme vous le souhaiteriez. Imaginons que les personnages se retrouvent pendant un temps dans une prestigieuse école de magie. Afin de montrer que sa réputation n’est pas usurpée et pour donner un côté exceptionnel au lieu, vous pouvez être tenté de modifier les règles qui président à l’augmentation de la puissance magique des PJ, en diminuant le coût d’acquisition de nouveaux sorts, par exemple. Contrairement à une idée pourtant très répandue, nous vous déconseillons vivement d’utiliser les règles d’expérience comme un moyen de pousser vos joueuses à faire ce

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qu’elles n’auraient pas eu envie de faire autrement. Certaines peuvent se sentir infantilisées et insultées par cette méthode, la percevoir comme une tentative d’acheter leurs décisions et refuser net de suivre vos indications. Ensuite, même si le procédé fonctionne, non seulement ce ne sera le cas qu’à court terme, mais vous allez créer un effet cliquet, qui va se traduire par l’obligation de donner de plus en plus de points d’expérience, et entraînera une démotivation totale si vous cessez d’en donner. De notre point de vue, la seule façon d’encourager durablement les joueuses à adopter un comportement donné n’est pas d’avoir recours à une récompense externe souvent superficielle, mais de leur proposer un contenu motivant en lui-même. Par exemple, Monsterhearts ne va pas forcément récompenser techniquement les joueuses pour faire du drama, même s’il s’agit à n’en point douter de l’un des éléments centraux du jeu. En revanche, tout est fait pour qu’elles le créent intuitivement et sans effort, à commencer par le rendre facile à mettre en place et plaisant à jouer. Bien entendu, toutes les joueuses n’auront pas les mêmes envies, mais n’hésitez pas à en discuter avec elles et à débriefer pour savoir ce qui les intéresse. Par exemple, nous vous conseillons de bien vérifier que la progression technique du personnage est un aspect qui compte pour elles. Toutes n’y accordent pas d’importance, et ne remarqueront pas forcément les problèmes que vous avez perçus. Aussi s’ils ne vous posent pas vraiment de souci non plus, il n’est peut-être pas nécessaire de passer du temps à les régler. Enfin, gardez à l’esprit que l’on n’a pas toujours besoin d’un système d’expérience, notamment sur des campagnes courtes. En effet, plus que la progression technique, c’est ce qui va arriver au PJ dans l’histoire qui va permettre une évolution intéressante, notamment ce qu’il apprendra sur le monde et ce qu’il sera capable de faire ou pas. Par exemple, se lier d’amitié avec la guilde des voleurs de la cité donnera peut-être au personnage plus de nouvelles possibilités d’agir que de se contenter d’augmenter certaines de ses compétences. Une règle simple Sauf si vous ne donnez pas d’expérience, le système le plus simple consiste à accorder une augmentation aux personnages au moment où cela vous semble opportun. Peu importe que ce soit durant une séance ou entre ces dernières, motivé par un fait de jeu ou une autre considération. Cette méthode a l’inconvénient d’être arbitraire, mais elle reste redoutablement efficace et rapide. Dès lors, si vous choisissez de mettre un autre système en place, demandez-vous en quoi il rend la partie réellement plus intéressante que d’utiliser cette règle-ci. C. Les principales questions

Une fois que vous avez identifié la raison pour laquelle les règles d’expérience que vous utilisez ne vous conviennent pas, il existe un certain nombre de questions à vous

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poser qui, si elles ne sont sans doute pas universelles, vous permettront d’identifier plus précisément les paramètres à modifier. De plus, elles vous aideront à mieux comprendre les règles d’augmentation du JdR auquel vous vous adonnez, et à avoir une meilleure idée de ce que vous voulez obtenir. Ces questions sont les suivantes : • l’expérience est-elle déterminée collectivement ou individuellement ? Intègret-elle une dimension compétitive ? • qu’est-ce qui va être le moteur des évolutions du personnage, tant d’un point de vue narratif que mécanique ? Est-ce qu’il s’agit d’éléments qu’il définit lui même, comme la réalisation de ses objectifs ou sa façon de voir le monde ? Est-ce au contraire déterminé par le jeu lui-même, et auquel cas tous les PJ d’un même type progressent de la même façon ? Est-ce lié au scénario qui dicte directement les récompenses qu’il offre ? Est-ce dû à l’appréciation des autres joueuses ? • quels sont les comportements – aussi bien du personnage que de la joueuse – que les règles d’expérience encouragent ou découragent ? • le système d’expérience est-il pertinent pendant toute la durée de la vie des personnages ? Est-ce qu’il y a un moment où il est particulièrement efficace ou, au contraire, ne sert plus à rien ? • quels sont les modes d’attribution de l’expérience ? • si ces modes comprennent des critères, quels sont-ils ? Quelle que soit la façon dont vous choisissez d’attribuer des points d’expérience ou des augmentations, n’oubliez pas ici encore d’en discuter avec les joueuses au préalable, afin de partir sur des bases connues de tous. D. Les modes d’attribution

Après avoir déterminé les principaux paramètres de vos nouvelles règles d’expérience, il vous reste à modifier celles de votre campagne. D’une manière générale, il existe plusieurs modes d’attribution des points d’expérience, et il vous faut choisir celui qui semble adapté à vos besoins et à ce que vous souhaitez valoriser. Même si ce n’est pas obligatoire, ce choix vous paraîtra sans doute plus simple si vous déterminez une source prioritaire des évolutions. Naturellement, vous pouvez opter pour une solution plus complexe, ou pour une combinaison de plusieurs éléments parmi les trois suivants, mais cela permettra de vous donner une orientation claire : • le scénario. Certaines aventures prévoient un nombre de points d’expérience particulier à attribuer selon les actions des personnages. Par exemple, avoir survécu au scénario rapporte 500 points, mais avoir réussi telle quête secondaire en rapporte 1000 ; • le personnage. Il est le principal moteur de son évolution, et c’est en lui qu’il trouve les ressources pour s’améliorer, peu importe ce qu’il traverse. Il peut s’entraîner, dépasser une de ses peurs, utiliser ses compétences de manière astucieuse, avoir atteint un objectif personnel, etc. ;

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• le jeu lui-même. Ce sont les règles d’expérience du jeu, indépendantes du scénario et généralement du personnage, qui dictent la vitesse et la nature de l’évolution. En gardant cette source en tête, vous pourrez sans doute déterminer les méthodes d’attribution qui font le plus de sens pour votre campagne. Voici, plus en détail, certaines d’entre elles afin que vous puissiez vous en faire une idée plus précise, et choisir celles qui vous conviennent : • le forfait : tous les personnages obtiennent de manière automatique une même quantité de points pour la séance ou le scénario. Souvent, ce nombre est constant ou augmente durant la campagne, mais il ne dépend généralement pas des actions des personnages ou des décisions des joueuses ; • l’addition : les points d’expérience reçus par les personnages sont calculés en fonction d’une série d’événements ayant eu lieu durant la séance, et en rapportent chacun une quantité prévue. Dans sa célèbre « boîte rouge », D&D récompensait les joueuses en attribuant un nombre de points d’expérience correspondant aux valeurs des monstres vaincus et du trésor accumulé, divisé par le nombre de personnages. D’autres variantes proposaient de ne récompenser que l’argent dépensé et non accumulé ; • le barème : le meneur attribue un nombre de points d’expérience personnalisé en fonction de critères plus ou moins abstraits, et de son appréciation de ce qu’a fait le personnage ou la joueuse durant la séance. Selon les cas, il s’agit juste d’une fourchette de points à attribuer pour la session. Par exemple, Warsaw suggère de donner entre un et cinq points, là où la troisième édition de Vampire: the Masquerade propose un barème plus détaillé. En effet, celle-ci attribue un point à tout personnage ayant participé à la séance, et laisse la possibilité au meneur d’en accorder un supplémentaire pour chacun des trois critères suivants : le personnage s’est comporté avec héroïsme, il a appris quelque chose de significatif, la joueuse l’a bien interprété 1 ; • la redistribution  : le meneur attribue un certain nombre de points d’expérience à une ou plusieurs joueuses qui les répartissent ensuite au sein du groupe. La décision peut être prise collégialement ou arbitrairement. Cette méthode fonctionne mieux lorsqu’il est possible de donner une réalité en jeu à ces ressources : temps disponible pour améliorer du matériel, semaines d’apprentissage, stages de formation comme dans C.O.P.S., etc. ; • les conditions  : il s’agit sans doute du mode d’attribution le plus protéiforme. Les personnages reçoivent des points en fonction de critères définis à l’avance. Ceux-ci peuvent être de natures très diverses, et faire appel à des mécaniques qui le sont tout autant ; • l’anticipation : un peu à la manière d’un jeu vidéo, le MJ distribue l’expérience en fonction de ce que les PJ vont affronter. Par exemple, si, à mi-campagne, ils sont censés pouvoir affronter un dragon, il faudra qu’ils aient obtenu de quoi avoir la puissance nécessaire. C’est une façon plus rare et contraignante d’attribuer les augmentations, mais toutefois intéressante et efficace. 1. En cas de prestation exceptionnelle, le meneur était autorisé à donner un autre point supplémentaire.

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Deux des méthodes d’attribution ci-dessus, le barème et les conditions, nécessitent de mettre en place des outils plus précis afin de pouvoir être utilisées. Ceux-ci peuvent notamment se fonder sur : • des éléments mécaniques. Souvent, il s’agit de jeux où les points d’expérience sont gagnés lorsque les joueuses utilisent certaines règles ou capacités. Rentrent dans cette catégorie les systèmes où l’on coche les compétences utilisées pour avoir une chance de les augmenter plus tard, comme c’est par exemple le cas de la sixième édition française de L’Appel de Cthulhu, où chaque compétence utilisée lors d’un test, réussi ou échoué, est susceptible d’augmenter. Les jeux « à niveaux » comme D&D5 font également partie de cette catégorie ; • des jalons (ou milestones). Cette méthode est un ajout très intéressant aux techniques sur les arcs de personnage (p. 213). En réalité, elle est conçue pour être une sorte de pendant technique de celles-ci. Par exemple, dans Marvel Heroic Roleplaying, les PJ ont plusieurs jalons, qui représentent chacun un arc possible pour leur personnage. Ainsi, la Veuve Noire a deux jalons  : «  trahir les opérations spéciales  »  et « romance mortelle ». Chacun prévoit des événements qui lui rapportent un, trois, ou dix points d’expérience lorsqu’elle réussit à les réaliser. Par exemple, le second jalon implique qu’elle en gagne un lorsqu’elle décide de commencer à draguer un autre PJ, trois lorsqu’elle le met en danger, et dix lorsqu’elle le trahit dans une situation critique ou se sacrifie pour lui. Lorsqu’un personnage a activé l’événement rapportant dix points, il a terminé son arc. Il peut donc clôturer ce jalon et en choisir un autre ; • des critères dramatiques. Les points sont attribués lorsque le PJ a certains comportements, qu’il s’agisse de jouer un défaut ou une faiblesse du personnage (comme dans Seventh Sea ou Battlestar Galactica, à la nuance près qu’il faut convertir la ressource obtenue en points d’expérience), un trait de caractère, un aspect lié à sa classe, son alignement, ses valeurs, etc. Cette manière de procéder amène les joueuses à interpréter et non plus à ignorer les défauts de leurs personnages, mais peut en renforcer les côtés archétypaux et répétitifs. Comme les autres approches, elle peut être très intéressante, mais il est nécessaire d’avoir conscience de cette limite ; • des éléments contextuels. Les points sont alors donnés en fonction d’une action à faire dans le scénario, comme des bonus pour certaines quêtes supplémentaires ; • des ajouts créatifs. Cette approche vise à récompenser les éléments mis en jeu par une joueuse qui viennent enrichir la partie. Selon les cas, il peut s’agir d’idées intéressantes, de propositions originales, de mettre les personnages des autres joueuses en valeur, un roleplay intéressant, etc. Dans Dying Earth, le meneur donne aux joueuses des phrases alambiquées à replacer de façon appropriée pendant la séance. Si elles réussissent, le PJ gagne un point d’expérience ; • la performance et la compétition. Les personnages et les joueuses obtiennent des points d’expérience s’ils remportent certains défis. Ces objectifs peuvent être communs au groupe ou individuels, opposer les PJ ou pas, voire même être détournés ou volés par d’autres PJ, comme les stages de C.O.P.S. Par exemple, dans Maid, on incarne des domestiques qui ont pour but collectif de satisfaire monsieur et madame,

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mais aussi, individuellement, de devenir la favorite. Dans Mouse Guard, les joueuses choisissent une des leurs à chaque séance pour devenir « joueur le plus méritant », et gagner ainsi un point d’expérience supplémentaire ; • des enseignements. Avec cette approche, les progressions correspondent à ce que les personnages apprennent réellement en partie. Pour évoluer, les PJ doivent donc s’instruire, s’entraîner, trouver des maîtres et surtout pratiquer les compétences et capacités qu’ils souhaitent acquérir. Un jeu comme Château Falkenstein utilise un système similaire. N’oubliez pas qu’il peut parfois exister des contraintes pour l’obtention ou la dépense des points d’expérience. Une des plus courantes est que l’augmentation doit avoir un rapport avec ce qui s’est passé pendant la séance  : ainsi, le personnage ne peut pas augmenter sa compétence de Tir s’il n’a pas tiré. Dans la première édition de RuneQuest, par exemple, le personnage doit rejoindre un culte ou une guilde capable de lui enseigner ce dont il a besoin. D’autres types de contraintes peuvent exister, par exemple celles liées à ses valeurs ou à sa personnalité. Enfin, il est également possible de soumettre l’attribution de points d’expérience au vote des joueuses, par exemple selon des critères dramatiques, créatifs ou compétitifs : qui est la joueuse qui a mis le plus en valeur une de ses camarades ? Qui a eu l’idée la plus originale ? La plus catastrophique ? La plus drôle ? La mécanique du JPM de Mouse Guard évoquée précédemment fonctionne sur ce principe. Cependant, mieux vaut être vigilant sur les éventuels détournements de ce système, par exemple parce que les joueuses décident de voter les unes pour les autres à tour de rôle ou parce que leurs motivations ne sont pas celles avancées. E. Dépense des points d’expérience et perspectives

En plus des méthodes classiques, il existe différentes manières d’utiliser les points d’expérience qui peuvent ouvrir des perspectives de jeu variées. En effet, il est notamment possible qu’ils deviennent : • des avantages en jeu. Ils peuvent prendre la forme d’alliés, de contacts, de réputation améliorée, de titres, d’avancées dans une hiérarchie donnée, de richesses matérielles, d’équipement, d’objets, de bâtiments, d’amélioration de ces éléments, etc. ; • une ressource. Les points d’expérience sont dépensés pour créer des objets magiques ou convertis en points de chance, de destin, d’héroïsme, etc. Battlestar Galactica faisait l’inverse en convertissant en points d’expérience tous les points d’intrigue non utilisés à la fin de la séance 2 ; • une épiphanie : le MJ choisit la façon dont seront dépensés les points d’expérience du PJ. Le résultat de ces évolutions sera révélé entre (voir Écrire des lettres 2. Ce type de mécanique reste à utiliser avec précaution. En effet, il peut pousser les joueuses à thésauriser ces points, là où le sens du jeu serait plutôt de faciliter leur circulation et leur passage de main en main.

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d’amour aux personnages p. 588) ou pendant la séance (voir Intégrer des scènes d’augmentation p.  479), selon l’effet que l’on souhaite obtenir. La joueuse peut vouloir avoir le temps de trouver des idées pour utiliser sa nouvelle compétence, ou le MJ désire au contraire privilégier l’effet de surprise, voire en faire l’enjeu d’une séance. Ensuite, même si nous n’avons que très peu abordé cet aspect jusqu’à présent, et que sa pratique semble désormais bien plus rare, il peut être très intéressant de ne pas donner exactement le même nombre de points d’expérience à toutes les joueuses. Cette individualisation permet de : • maîtriser le degré de compétition et de collaboration, en choisissant précisément les points sur lesquels les joueuses et les PJ seront encouragés à coopérer ou à s’opposer (à ce sujet, consultez également l’article « Coopérer et Rivaliser » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 149) ; • créer des effets de déséquilibres : dans un groupe, certains PJ pourront devenir des professeurs et d’autres des élèves, des protégés et des protecteurs, des forts et des faibles, etc. Il est possible d’obtenir des effets comparables en autorisant des personnages de niveaux différents, mais en plus de poser quelques soucis d’organisation, ce procédé n’a pas la même saveur qu’un groupe qui commence ensemble, mais dont les parcours individuels divergent. Ce point a déjà été évoqué, mais il est essentiel pour sortir des campagnes bâties, consciemment ou pas, sur le modèle du voyage du héros ; • permettre aux joueuses de jouer avec les points d’expérience. Par exemple, si une joueuse est tentée d’accomplir une action qui lui rapportera des points d’expérience mais sera contraire à ses valeurs, elle peut choisir de refuser malgré ce gain, ou d’y renoncer pour avantager une autre joueuse, par exemple. Dans tous les cas, mieux vaut garder à l’esprit que modifier le système d’évolution d’un jeu implique souvent de changer singulièrement la manière dont on y joue. Ainsi, le meneur a intérêt à se demander constamment ce qu’il souhaite valoriser pendant les parties, les comportements induits par certaines méthodes, et d’en discuter avec les joueuses pour éviter tout malentendu. Enfin, nous vous conseillons d’aborder la question suivante avec les joueuses : estce que les personnages absents gagnent des points d’expérience ? Selon ce que vous souhaitez privilégier (cohérence, puissance de l’ensemble du groupe, assiduité, investissement, etc.), la réponse peut être très différente.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• permettent de soutenir d’autres types de campagnes et de genres ; • améliorent la cohérence entre ce qui est raconté et les profils techniques des personnages ; • amènent les personnages à diversifier et à thématiser leurs actions.

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Inconvénients :

• nécessitent d’être remises à jour fréquemment en fonction des évolutions de la partie ; • peuvent créer des tensions entre les joueuses si elles sont utilisées sans discernement ; • constituent généralement un sujet sensible pour les joueuses dès qu’on les aborde.

4. Exemple Dans une campagne d’un jeu de fantasy, le groupe de PJ est composé de deux professeurs de magie et de trois élèves. Les règles proposent une montée mécanique par niveaux, où tous les PJ reçoivent le même nombre de points d’expérience à la fin de chaque séance (au forfait), mais le MJ, en accord avec les joueuses, en ajoute d’autres, selon certains critères (conditions) : • contextuel et compétitif : chaque fois que les élèves réussissent un nouveau sort pour la première fois, le professeur qui le leur a appris reçoit de l’expérience, ce qui favorise les phases d’échanges entre personnages via l’apprentissage, mais aussi la rivalité entre les professeurs ; • contextuel : chaque fois que les professeurs font un échec critique en lien avec la magie, les élèves reçoivent de l’expérience, ce qui renforce leur relation maître et disciple, et montre que l’on apprend de ses erreurs ; • contextuel : chaque PJ reçoit un objectif personnel qui lui rapporte des points d’expérience lorsqu’il est réalisé ; • dramatique : une fois par séance, les joueuses gagnent de l’expérience lorsque les personnages agissent selon leurs valeurs. Le but est de provoquer des dilemmes et de faire apparaître des discussions autour des thèmes de l’éthique et de la politique.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Aider son personnage à gagner : le b.a.-ba de l’exploration de donjons p. 93, Coopérer et Rivaliser p. 149.

Gérer les tensions entre joueuses *** 1. Description A. Présentation

Malgré la meilleure volonté du monde, et même en ayant pris ses précautions, il arrive parfois que des tensions émergent en cours de partie. Certaines sont seulement dues à une frustration passagère ou à une scène un peu trop intense, et elles disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues. D’autres, plus durables, peuvent s’accumuler et être à l’origine de réels conflits entre les joueuses. Aussi est-il crucial d’éviter que ces situations ne dégénèrent et n’entament le plaisir de tous les participants ou, plus important encore, nuisent à leurs relations. Cette tâche incombe habituellement au meneur et à lui seul, mais il s’agit là d’une conception erronée : cette responsabilité est au contraire celle de toute la table, et il est très important que vos camarades en soient conscients. Cependant, il est vrai que vous avez une position privilégiée pour observer ces phénomènes et pour utiliser des techniques permettant d’apaiser et de gérer ces tensions. Cette fiche en présente quelques-unes. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• jouer longtemps avec le même groupe ; • créer des liens ou continuer à en avoir au-delà de vos parties ; • vous débarrasser d’antagonismes qui nuisent au plaisir de tous ou trouver leur origine. C. Variantes

Plus que des alternatives à la gestion des tensions entre les joueuses, il existe un certain nombre de méthodes qui permettent d’en aborder certains aspects ou de combiner différentes perspectives. Ainsi, la formulation d’un contrat social lors d’une séance zéro (p. 72), l’utilisation de garde-fous (p. 155), l’intégration de scènes de détente (p. 654), 104

encourager les joueuses à participer (p. 416), montrer son approbation (p. 517), exercer une opposition bienveillante (p. 424) ou avoir systématiquement recours au débriefing (p. 55) après les séances sont autant d’approches possibles et sans doute complémentaires. D. Mots-clés

Séance zéro.

2. Mode d’emploi  Les techniques proposées dans cette fiche sont organisées en fonction du moment où elles s’utilisent : avant les parties, pour mettre en place un cadre favorable, pendant les séances, notamment pour apaiser les tensions qui émergeraient, ou entre ces dernières, pour régler les problèmes de façon plus durable. S’ensuivent quelques conseils supplémentaires à appliquer lorsque tout le reste a échoué et que vous vous trouvez contraint de demander à une joueuse de quitter le groupe. A. Avant la partie : se mettre dans une situation favorable

Il est souvent difficile d’anticiper avec certitude tout ce qui risque de mal tourner dans une partie, ou au moins de créer des crispations entre les joueuses. Toutefois, il reste possible de prendre les devants, et ce avant même que votre campagne ne commence, et de limiter les risques. Tout d’abord, vous pouvez réfléchir à la composition de votre table. En théorie, vous choisissez les personnes avec lesquelles vous jouez. En pratique, c’est souvent un peu plus compliqué, que ce soit parce que vous êtes dans une association où vous êtes tenu de faire jouer tout le monde, à cause de contraintes logistiques ou tout simplement des affinités des uns et des autres. Il n’existe pas forcément de règles dans le domaine, mais essayez de simplement vous demander si vos joueuses vont être capables de se retrouver pendant des heures à la même table de jeu sans que cette situation ne crée de problème. Voici quelques questions qui peuvent vous aider : • est-ce que vous êtes au courant de problèmes entre les joueuses, que celles-ci en soient conscientes ou pas ? Ces derniers peuvent aller d’une animosité franche à des soucis ponctuels remarqués sur une autre campagne, en passant par la simple rivalité. Pourraient-ils engendrer de la frustration ? • de la façon assez semblable, est-ce que vous avez l’impression que des événements spécifiques pourraient venir modifier ou tendre les relations entre les joueuses ? Cette considération peut paraître anecdotique, mais on ne compte plus les campagnes arrêtées pour des raisons de mésententes amoureuses (jalousie, rupture, tromperie, etc.), de brouilles associatives ou professionnelles, de discussions politiques un peu trop intenses, voire même d’avis différents sur un film Star Wars ; • si vous deviez réfléchir aux profils de vos joueuses (voir Catégoriser les joueuses p. 17), vous semblent-elles intuitivement compatibles ? Autrement dit, cherchent-elles

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plus ou moins la même chose dans une partie ? Est-ce que leurs goûts cadrent avec vos envies ? Est-ce qu’au contraire le fait de vouloir la même chose ne risque pas de créer des problèmes (par exemple, si elles sont très compétitrices ou ont tendance à tirer la couverture à elles) ? • est-ce que certaines joueuses se voient très régulièrement en dehors des parties et sont donc susceptibles d’amener leurs problèmes avec elles (couple, famille, collègues, etc.) ? Est-ce qu’il existe entre elles des relations hiérarchiques qui peuvent ressortir en jeu ? Si elles sont particulièrement complices, laissent-elles de la place aux autres participants ? • certaines joueuses ont-elles des besoins, de petits travers ou des contraintes avec lesquels vous devrez composer si elles sont à la table, tout en sachant que d’autres seront peut-être moins tolérantes (présence d’un enfant en bas âge, nécessité de garder le téléphone allumé, retards fréquents, difficulté à se libérer, n’amène jamais à manger, etc.) ? Qu’en est-il d’éventuels sujets ou phases de jeu à éviter absolument ? Rassurez-vous : avec des joueuses que vous connaissez déjà, vous n’aurez sans doute même pas besoin de vous poser toutes ces questions. Toutefois, y réfléchir à l’avance vous permettra de ne pas avoir à réunir tout le monde avant de vous apercevoir qu’il ne sera finalement pas possible de jouer ensemble, d’autant plus qu’un certain nombre de points évoqués le sont rarement de façon claire par les joueuses. Quoi qu’il en soit, les cas de franche incompatibilité ne sont guère courants et, même avec un groupe rodé, ces questions pourront vous permettre d’anticiper et de gérer plus facilement certains problèmes potentiels : approche d’une période électorale, travers d’une joueuse que les autres ont supportés sur la campagne précédente mais qui les agacent de plus en plus, etc. Enfin, vous pouvez mettre en place un certain nombre d’instructions et de dispositifs avant même le début de la première séance, voire leur donner le statut de conditions pour participer. Si vous connaissez des techniques comme la séance zéro (p. 72), ou plus généralement si vous avez l’habitude de faire un contrat social explicite avant de commencer une campagne, beaucoup de ces éléments vous sembleront déjà familiers. Dans le cas contraire, il peut être utile de s’attacher aux points suivants : • expliquer clairement ce que vous vous apprêtez à jouer, aussi bien en termes d’ambiance que de thématiques, de ton, de type de contenu, d’attitude attendue, etc. ; • poser des limites sur ce que vous ne voulez pas voir à la table 1, et encourager les joueuses à faire de même. C’est à chacun de respecter les limites des autres et de 1. Nous vous suggérons d’évoquer de façon spécifique que vous ne souhaitez pas que d’éventuelles tensions externes viennent polluer la partie, ni que des problèmes entre personnages ne contaminent les relations entre joueuses. Peu importe que ces malaises se manifestent par la volonté d’interagir le moins possible ou, au contraire, par des piques ou des paroles agressives dont plus personne ne sait si elles s’adressent aux personnages ou aux joueuses. Si ces événements se produisent, nous suggérons d’interrompre momentanément la partie et de poser la question le plus explicitement possible. Selon toute vraisemblance, vos joueuses vous diront que tout va bien dans tous les cas. Cependant, cette interruption vous aura permis de montrer qu’il y avait un problème, et très probablement d’obtenir de vos camarades qu’elles fassent attention.

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faire respecter les siennes, quitte à en discuter en cas de désaccord. Pour ce qui vous gêne, sans forcément chercher l’intimidation ou le rapport de force, n’hésitez pas à expliquer calmement comment vous réagirez si les limites sont franchies ; • donner des outils clairs aux joueuses (voir Utiliser des garde-fous pour les sujets difficiles p. 155) pour qu’elles sachent comment réagir si un élément leur pose problème, que ce soit, par exemple, en le signalant immédiatement ou en attendant la fin de la séance pour en parler ; • dire explicitement que la responsabilité de la bonne entente à la table incombe à tous les participants, et pas uniquement à vous. Ce n’est pas parce que deux personnes ne sont pas amies ou ont eu un échange un peu trop vif récemment qu’elles ne peuvent pas faire l’effort de s’entendre le temps d’une séance. Exactement de la même façon, malgré une probable bienveillance et discussion en cas de problème, vous n’avez pas à jouer le rôle d’un gendarme, ni celui d’un thérapeute ; • consigner ce qui a été dit par écrit afin de pouvoir l’envoyer à toute la table par mail dans le cas d’une campagne longue (voir Établir le contrat social durant la séance zéro p. 72 et l’article « Jouer ensemble » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 129) ; • proposer de systématiquement débriefer (p. 55), même rapidement. B. Pendant les séances : désamorcer ce qui doit l’être

L’essentiel des interventions pendant les sessions consiste à contrebalancer la frustration générée par d’éventuelles relations de pouvoir conflictuelles au sein du groupe, et à gérer les moments de tension entre les joueuses. Il arrive cependant parfois qu’une intervention plus ferme soit nécessaire. a) Identifier les rapports de pouvoir au sein du groupe

Sans faire de la psychologie de comptoir, il existe au sein de votre groupe, comme dans tous les autres, des mécanismes de domination et de soumission. Cela ne veut pas dire que vous jouez avec des tyrans ou, au contraire, des gens sans la moindre volonté, mais qu’à votre table aussi, il existe probablement des joueuses qui ont tendance à emporter souvent l’adhésion, voire peut-être plus facilement que vous, et d’autres dont les propositions sont plus rarement suivies. Si vous êtes ensemble depuis longtemps et vous entendez bien, il est probable que vous ne remarquiez même plus ces automatismes et qu’ils vous soient, la plupart du temps, indolores. Toutefois, comme le JdR est une activité sociale par essence, et presque toujours orale, il n’est pas rare qu’ils deviennent des travers qui finissent par créer des tensions. Tout l’enjeu va être de s’en apercevoir assez tôt pour gérer les problèmes avant qu’ils ne deviennent trop envahissants. Les repérer nécessite de prendre un peu de recul. Essayez de vous demander par exemple quelles sont les joueuses : • dont on a tendance à se moquer ou que l’on taquine facilement, celles qui se font couper la parole, dont on balaie les idées d’un revers de main (aussi bien le reste du groupe que vous), dont on critique les idées, dont les suggestions provoquent des silences gênés avant de passer à autre chose, à qui l’on explique des choses qu’elles connaissent déjà, etc. ; 107

• qui parlent le plus, qui finissent par convaincre les autres, qui leur disent quoi faire, dont on demande l’avis, dont vous trouvez qu’elles sont davantage moteur, dont les autres peuvent plus chercher la validation qu’elles ne cherchent la vôtre, etc. ; • avec lesquelles vous êtes systématiquement d’accord ou, à l’inverse, dont vous approuvez rarement les propositions, avec qui vous parlez le plus ou le moins, dont vous avez tendance à favoriser les idées et les personnages ou au contraire à les victimiser. Naturellement, selon les tables, il peut arriver qu’une joueuse domine dans un domaine, mais pas dans un autre. Par exemple, l’une d’elles peut impulser la direction du groupe, tout en étant taquinée dès que l’occasion se présente ; une autre ne prend aucune initiative, mais n’hésite pas à critiquer celles qui osent. Mais, encore une fois, dans la plupart des groupes, ces différences sont suffisamment marginales pour que tout le monde puisse profiter de la partie. Parfois, elles peuvent même aider à mettre en place des dynamiques de rivalité bon enfant ou de dépassement de soi qui apportent un réel avantage (à ce sujet, consultez également l’article « Coopérer et Rivaliser » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 149). Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas, et il peut arriver qu’une joueuse ait l’impression de ne pas pouvoir participer, voire que le reste du groupe lui en veut, et accumule ainsi de la frustration. Inversement, une camarade plus dominante peut ne pas comprendre pourquoi personne ne propose rien d’intéressant lorsqu’elle demande l’avis du reste du groupe, ni pourquoi la partie n’avance pas lorsqu’elle est un peu moins en forme. Plus couramment sans doute, on pourra voir une disqualification de certaines idées pertinentes parce qu’elles ne sont pas portées par la bonne personne, ou une joueuse qui ne fait subir le caractère difficile de son personnage qu’à celles qui sont le moins à l’aise socialement, le plus souvent sans s’en rendre compte. Très régulièrement, ces situations finissent par créer de réelles tensions entre joueuses à moyen terme. Lorsque vous souhaitez réagir à ces dynamiques – parce qu’elles portent préjudice à la partie, vont créer une situation explosive autour de la table, ou parce que vous les trouvez malsaines –, n’hésitez pas à faire une pause pour aborder le sujet frontalement. Sinon, les joueuses ne sauront probablement pas de quoi vous voulez parler. En effet, rappelez-vous qu’elles n’ont généralement pas conscience de ces mécanismes. Cela signifie également qu’elles ne peuvent guère être réceptives la première fois que vous abordez le sujet, voire même que la personne lésée peut ne pas comprendre d’où vient sa frustration et que tout le monde pense simplement jouer son personnage. À moins d’un débordement majeur, ce n’est pas grave  : vous aurez quand même marqué le coup et aurez l’occasion d’y revenir lors du débriefing, ou la prochaine fois que vous constaterez le même type de comportement. Discuter ouvertement de ces dynamiques et sans se concentrer sur un fait de jeu spécifique peut parfois s’avérer difficile. Aussi, le plus simple est souvent de poser la question directement lors d’un aparté. C’est d’ailleurs un des cas où cette technique se justifie le plus. En effet, elle permet de vérifier si les joueuses que vous soupçonnez d’être gênées vont bien et leur offre un espace où elles peuvent parler librement, surtout

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s’il y a un malaise concernant une autre joueuse ou un sujet délicat. Quoi qu’il en soit, ne cherchez pas à tout savoir de ce que ressent la joueuse, ou à déterminer qui a tort ou a raison. À ce stade, sauf problème interpersonnel plus important et requérant une action immédiate, votre objectif est simplement d’identifier ce qui a posé souci afin de pouvoir vous adapter et continuer la partie. Vous aurez le temps d’y revenir plus tard. Si vous le souhaitez, il existe également une autre approche afin de permettre aux joueuses de contourner ces mécanismes et de les utiliser pour créer du jeu. Celle-ci est très efficace, mais bien moins courante. Elle consiste à proposer des ateliers (p. 682) ou des phases d’échauffement spécifiques (à ce sujet, consultez également l’article « S’entraîner » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 303) au début de la séance. Par exemple, l’atelier permettant de faire varier l’intensité de la violence verbale issu du jeu L’Héritage, sept années à Poudlard (à ce sujet, consultez l’article « Coopérer et Rivaliser » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 154) ou les exercices Trois Statuts (à ce sujet, consultez l’article «  S’entraîner  » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p.  314) et Changements de statut (p. 316 du même article) peuvent être de très bons points d’entrée et participer à vous libérer, momentanément au moins, de certaines dynamiques habituelles de votre groupe. b) Éviter que la tension ne monte trop

Malgré la longueur relative de la section précédente, il est probable que l’essentiel de vos interventions durant une séance donnée consiste à faire en sorte qu’un début de tension entre les joueuses ne prenne trop d’importance. Cela peut par exemple arriver lors de scènes particulièrement tendues entre deux personnages (confrontation, interrogatoire, révélation de trahison, etc.) ou lors de prises de décisions stressantes, par exemple parce que ces séquences sont longues (mise au point d’un plan) ou que la fatigue s’accumule. Dans une telle situation, surtout si vous avez prévu une nouvelle scène potentiellement tendue juste après, nous vous conseillons d’en intercaler une, plus légère ou positive (voir Jouer une scène de détente p. 654 et Montrer le chemin parcouru p. 511), pour laisser la pression retomber. Dans le même ordre d’idées, voici quelques autres astuces pour reprendre plus ou moins subtilement la main sans sacrifier l’intérêt de la partie (à ce sujet, consultez également l’article « Rassembler & Diviser » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 235) : • mettez les personnages en difficulté pour concentrer toute éventuelle agressivité ailleurs et les amener à coopérer ou à s’entraider ; • sans forcément les mettre en danger, fédérez-les en leur trouvant une quête ou un ennemi commun. Ce PNJ peut par exemple prendre la forme d’un supérieur désagréable ou d’un trickster (voir Se servir des archétypes p. 146) pénible ; • montrez que les PJ forment une bonne équipe en valorisant davantage leurs idées et actions communes (voir Montrer son approbation p. 517) ; • faites comprendre en jeu à un des personnages (par un PNJ, un indice matériel, un enregistrement, etc.) ce que l’autre a fait de bien, ou pour lui, et qu’il ignorait.

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Attention, toutefois, à ne pas donner l’impression de prendre parti en montrant à une des joueuses que l’autre avait raison. Cela pourrait, au contraire, créer de nouvelles tensions ; • minimisez les conséquences de l’événement qui a créé le problème initial. Cela devrait permettre d’apaiser une partie des tensions, mais là encore, il est nécessaire de ne pas donner l’impression de prendre parti et d’accorder un passe-droit à une joueuse et pas à une autre. Nous vous conseillons d’utiliser ces outils uniquement dans le cas d’un agacement ponctuel, mais d’être très prudent si le problème est persistant ou chronique. Dans ce contexte, une discussion s’impose probablement. c) Intervenir lorsque la situation dégénère

Il peut arriver que vous n’ayez pas réussi à faire redescendre la pression ou que celle-ci éclate soudainement, ne vous laissant guère le temps de réagir. Quand cette situation se produit, vous n’avez sans doute pas d’autre choix que d’interrompre la partie, au moins le temps que les esprits se calment. En effet, il vaut généralement mieux passer la fin de la séance à discuter de ce qui a provoqué cette situation et repartir sur des bases saines, que de s’entêter à continuer dans une ambiance devenue hostile et risquer d’empirer les choses. Cependant, avant toute discussion, la première question à vous poser est de savoir si vous voulez réellement en avoir une. En effet, si la séance a dégénéré au point d’avoir dû être interrompue, il est possible qu’une joueuse ait eu un comportement que vous jugez inacceptable (certains types d’insultes, violence, destruction de matériel, etc.). Si tel est le cas, expliquez immédiatement à la joueuse en question que vous finirez cette séance sans elle ou qu’elle n’est plus la bienvenue sur cette campagne, même si cela voudra peut-être dire que cette dernière s’arrêtera là. Assurez-vous qu’elle parte avec toutes ses affaires pour ne pas avoir besoin de revenir, restez ferme mais cordial et calme, puis réfléchissez aux implications logistiques de son départ le cas échéant. Vous aurez tout le temps de revenir sur votre décision ou d’en discuter davantage avec elle ou le groupe plus tard si vous le souhaitez. Si personne n’est allé trop loin, il est quand même probablement nécessaire d’en parler tous ensemble, que ce soit immédiatement ou avant la prochaine séance. La section suivante explique comment. C. Entre les séances : régler les problèmes

Cela peut paraître évident, mais tout ne peut pas se régler durant la partie. Sur une campagne longue ou avec un groupe fixe, il est même souhaitable de se ménager régulièrement des moments pour pouvoir échanger de façon décontractée, mais aussi se rappeler que l’on est parfois un peu plus patient avec les gens que l’on apprécie qu’avec ceux avec qui on ne partage guère que des points d’expérience. Ces échanges se font souvent de façon informelle, par exemple lors de discussions téléphoniques entre les séances, de sorties en groupe (cinéma, restaurants, bars, soirées, etc.), ou tout simplement lors des moments partagés juste avant les parties (prendre des nouvelles, 110

manger ensemble, etc.). Ils permettent généralement d’apaiser les tensions naturellement et d’éviter les mises au point trop frontales. Toutefois, on n’a pas toujours ce luxe, et lorsque les problèmes apparaissent, il est parfois nécessaire de les aborder dans un cadre dédié, clairement identifié comme tel et séparé du temps de jeu. Pour des raisons pratiques, ces discussions ont généralement lieu en début ou fin de séance, mais elles permettent de montrer à tout le monde que le sujet est important et mérite d’être traité en tant que tel. Comme il s’agit de tensions entre joueuses, il est probable que votre rôle consiste surtout à animer la conversation de façon à ce qu’il soit possible de trouver une solution réelle sur laquelle tout le groupe s’accorde. Car, bien plus que toute astuce technique, c’est la volonté de toute la table de résoudre le problème qui permettra de débloquer la situation. Néanmoins, quelques principes peuvent vous aider à y arriver plus facilement. Ainsi, il est conseillé : • de présenter clairement le périmètre initial de la discussion et de commencer par identifier le cœur du problème : concerne-t-il la communication, la logistique, le contenu des parties (voir Débriefer p. 55) ? Il peut également être utile de rappeler ce que vous aviez convenu dans le contrat social si vous en avez formulé un. Une fois la situation décrite de la façon la plus factuelle possible, posez des questions, écoutez et n’exposez votre propre ressenti que quand vous aurez obtenu celui de toutes les joueuses. Cela vous permettra de laisser chacune s’exprimer le plus librement possible ; • de communiquer de manière non violente et d’encourager les joueuses à faire de même. Concrètement, cela signifie éviter les accusations et mises en cause trop brutales pour essayer de suivre la progression suivante : avancer un fait de la façon la plus précise possible, exprimer son ressenti et ses besoins à son sujet, puis terminer par une proposition concrète. S’imposer cette démarche peut parfois être difficile, d’autant plus qu’il est probable que les tensions initiales témoignent d’une forte dimension affective. Cependant, essayer de parler surtout à la première personne et se concentrer sur son ressenti concernant des éléments précis permet ne pas avoir à mentir ou à tomber dans l’hypocrisie, tout en limitant les jugements trop tranchés et les vexations. Ces derniers sont souvent chronophages et provoquent une surenchère, au lieu de permettre de trouver une solution concrète 2. Gardez ce dernier point en tête pour être sûr que la conversation soit utile ; • d’aider les joueuses à exprimer ce qu’elles souhaitent dire, quitte à leur poser des questions quand elles ne donnent pas assez d’informations pour avancer. N’hésitez pas à leur demander ce qu’elles ressentent, ce dont elles ont besoin ou quelles solutions elles entrevoient. De même, si elles sont un peu trop dans l’accusation ou évoquent un fait sur lequel tout le monde n’est pas d’accord, proposez-leur de citer des exemples concrets. L’idée n’est pas de les prendre au piège, mais de s’assurer qu’il s’agit d’un problème réel, de comprendre son ampleur et, éventuellement, de le faire accepter aux joueuses qui auraient du mal à le reconnaître ; 2. Si le sujet vous intéresse, nous vous conseillons la lecture du livre de Thomas D’Ansembourg, Cessez d’être gentil, soyez vrai.

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• de reformuler (à ce sujet, consultez également l’article « Ne pas être cette joueuse-là » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 329) et de résumer les interventions les moins claires pour que leur sens n’échappe à personne et que les autres joueuses puissent en tenir compte. Assurez-vous de ne pas déformer les propos de qui que ce soit, mais n’hésitez pas à souligner les points les plus importants et les plus susceptibles de faire déboucher la discussion sur une issue constructive, surtout lorsque vous avez l’impression que la conversation s’enlise ou qu’une incompréhension persiste. Vous pouvez par exemple dire à une joueuse : « Si je comprends bien, par rapport [problème], tu ressens [sentiment] et aurais besoin que [besoin]. Donc, tu penses qu’une solution possible serait de [proposition]. C’est bien ça ? ». Si ces questions apparaissent sans réponse, n’hésitez pas à les poser directement  : « Qu’est-ce que tu ressens ? De quoi as-tu besoin ? Qu’est-ce que tu voudrais que l’on fasse pour résoudre le problème ? » ; • de prêter attention à la bonne répartition de la parole  : il est crucial que chacun puisse parler selon ses besoins, sans se faire couper la parole ni la monopoliser trop longtemps. Il serait dommage d’en arriver là, mais vous pouvez utiliser un « bâton de parole » pour concrétiser ce droit à l’expression ; • de savoir quand s’arrêter et faire s’arrêter les autres. Même s’il est important d’écouter vos camarades, votre objectif doit être avant tout d’amener le groupe à trouver une solution au problème posé. Si vous voyez que la situation s’enlise, que la frustration s’accumule, ou que les mêmes arguments reviennent sans cesse, n’hésitez pas à le signaler, voire à couper court. D. Se séparer d’une joueuse

Lorsque rien d’autre n’aura marché ou, comme évoqué, dans le cas d’une conduite inadmissible, vous serez peut-être amené à demander à une joueuse de quitter votre campagne. À part les exemples les plus évidents (insultes non acceptables dans votre groupe, agression, dommages matériels, etc.), nous n’avons pas l’intention de vous donner de critères pour déterminer s’il faut continuer à jouer avec une joueuse spécifique, ni de laquelle vous séparer en cas d’incompatibilités mutuelles trop fortes. Cela vous appartient. En revanche, il est sans doute pertinent d’aborder la façon de le lui annoncer. En effet, il s’agit généralement d’un moment désagréable pour tout le monde, souvent assez tabou, et sur lequel quelques conseils peuvent être très utiles. L’idée générale peut se résumer en deux objectifs : être clair et être correct. Être clair signifie probablement : • informer la joueuse franchement, et sans laisser le moindre doute quant à ce que vous souhaitez arrêter de partager avec elle. Vous pouvez par exemple ne plus vouloir la revoir, ni jouer au JdR avec elle, ou simplement qu’elle ne participe plus à cette campagne-ci. Aussi n’hésitez pas à lui dire aussi ce que vous souhaitez encore faire avec elle ; • ne pas lui laisser croire que vous êtes là pour négocier ou que vous pouvez revenir en arrière si votre décision est prise. L’écouter et être compréhensif est très différent du fait de lui donner de faux espoirs ; 112

• dans le cas où ce ne serait pas définitif, expliquer la durée prévue ou l’éventuelle condition permettant de mettre fin à son exclusion. Cependant, si cette approche peut parfois se justifier, elle est généralement à éviter, car il est rare qu’elle permette une réintégration sereine ; • annoncer la raison de votre décision, mais sans prétendre en débattre. La connaître pourra éventuellement lui permettre d’évoluer ou de trouver un groupe qui lui convienne davantage ; • se faire aider par le reste du groupe si nécessaire, mais en essayant d’éviter de donner à la joueuse le sentiment d’être seule contre tous. Attention, toutefois, commencer à parler d’un problème à un autre membre du groupe signifie que vous devez être prêt à l’assumer. En effet, vous risquez de modifier sa perception de son camarade, ou il peut lui répéter ce que vous avez dit, voire trouver que vous êtes en tort, etc. Être correct signifie probablement : • avoir déjà essayé d’arranger les choses et avoir offert des chances de rectifier le tir avant de demander à la joueuse de partir, à moins bien sûr que vous ne lui demandiez de le faire suite à un comportement soudain et inacceptable ; • éviter tous les comportements hypocrites ou mesquins de type tuer le personnage pour que la joueuse s’en aille ou se contenter de ne plus la rappeler 3 ; • ne pas lui annoncer par SMS ou par messagerie instantanée, mais de vive voix (que ce soit en face à face, idéalement, au téléphone ou via Skype) afin de pouvoir en discuter avec elle si elle le souhaite ou qu’elle a des questions ; • comprendre qu’elle ne le prendra pas bien et que, si elle ne l’a pas anticipé, il n’est pas impossible qu’elle réponde de façon émotionnelle ou agressive. Essayez de ne pas surréagir et de rester factuel, tout en écoutant dans tous les cas ce qu’elle a à dire ; • ne pas l’accabler outre mesure. Un comportement honni dans certains groupes peut être vu comme la caractéristique d’une bonne joueuse dans d’autres ; • comprendre que vous serez probablement amené à la recroiser, à fréquenter des gens qui jouent ou joueront également avec elle et que vous n’avez aucun intérêt à la dénigrer vis-à-vis de ces personnes.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• permettent de se réadapter de façon régulière aux envies potentiellement changeantes de tous les participants ; • n’évitent pas les problèmes, mais permettent de les aborder plus sereinement et donnent plus de chances à la campagne d’arriver à son terme ; • créent un cadre dans lequel les joueuses peuvent se sentir à l’aise. 3. Dans le cas d’une campagne. C’est moins problématique dans le cadre d’un one shot clairement annoncé comme tel.

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Inconvénients :

• requièrent de la subtilité et parfois de prendre parti pour éviter de faire plus de mal que de bien ; • amènent à parler de sujets souvent tus par les joueuses et qui peuvent semer la zizanie ; • nécessitent de commencer par se tromper avant de mieux percevoir et anticiper les problèmes.

4. Exemple Lors d’une partie de D&D5, le MJ perçoit une tension entre deux joueuses. Il provoque un aparté avec celle qui a l’air la plus gênée pour lui demander si elle va bien. Elle aborde le fait que sa camarade interprète un personnage accro à une substance magique qui provoque de fréquents problèmes et autres réactions extrêmes, dont une agressivité accrue (situation). Elle explique ensuite que même si elle pensait que cela ne la gênerait pas, elle est en fait mal à l’aise avec ce thème et avec l’attitude du personnage (sentiment). Elle voudrait que son addiction soit moins présente dans les parties, et que l’autre joueuse diminue ses éclats de voix la concernant (besoin). Ainsi, si la joueuse interprétant le PJ en question est d’accord, elle demande s’il serait possible de non pas ignorer ce thème, mais de davantage le traiter hors champ et de simplement décrire et non interpréter lorsque son personnage se fait hurler dessus (propositions concrètes). En discutant avec l’autre joueuse et le meneur, tout le monde s’accorde sur une solution qui va bien au-delà de ses propositions : diriger l’arc narratif du personnage vers la désintoxication, ne plus aborder ce thème pendant les parties et uniquement entre les séances (voir Écrire des lettres d’amour aux personnages p. 588), et arrêter de hurler sur elle lorsque le personnage a des phases agressives.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Organiser des parties, le b.a.-ba p. 17, Animer les scènes spéciales p. 191, Rassembler & Diviser p. 235, Faire plaisir aux joueurs p. 289. Jouer des parties de jeu de rôle : Garder la balle en l’air p. 113, Jouer ensemble p. 129, Coopérer et Rivaliser p. 149, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179, Exploiter la distinction entre joueur et personnage p. 195, Dépasser ces clichés p. 227, S’entraîner p. 303, Ne pas être cette joueuse-là p. 329.

Jouer sur les genres fictionnels **

1. Description A. Présentation

En tant que rôlistes, nous sommes habitués à la notion de genres fictionnels (fantasy, horreur, science-fiction, etc.). Nous la confondons parfois avec celle d’univers, mais elle fait partie intégrante de ce qui peut nous pousser à choisir un jeu plutôt qu’un autre, ou à adapter notre système préféré. Toutefois, nous avons un peu moins l’habitude de réfléchir en termes d’esthétique et de codes, sans doute, traditionnellement, parce que peu de jeux font l’effort de les mettre en évidence et de nous les expliquer. Les contre-exemples existent, comme Hellywood ou Kuro, mais à part dans les jeux explicitement conçus autour d’un genre, ces informations font rarement l’objet d’un chapitre à part entière, voire sont reléguées dans un supplément uniquement destiné au meneur. Nous avons en effet plus l’habitude de parler d’univers ou de règles que de ce sujet. Quoi qu’il en soit, réfléchir en termes de genre, d’esthétique et de codes peut être un formidable outil pour adapter un scénario, une œuvre ou tout simplement pour trouver l’inspiration lors d’une improvisation. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• adapter un scénario ou une œuvre qui vous a plu ; • renforcer la cohérence thématique à votre campagne ; • vous renouveler en allant chercher l’inspiration au-delà de vos références habituelles. C. Variantes

Il existe peu d’alternatives à la méthode présentée dans cette fiche, si ce n’est peutêtre de passer successivement d’un genre à un autre. Une telle dynamique peut facilement être déployée dans le cadre d’un jeu à multivers comme Mega, Rifts ou Torg. Il est également possible de mettre en place cette évolution au sein d’une campagne plus 115

classique, que ce soit en intégrant un événement bouleversant l’univers (comme lors du passage de Kuro à Kuro Tensei), ou en la créant spécifiquement pour qu’elle inclue une progression de ce type. D. Mots-clés

Descriptions, improvisation (préparation).

2. Mode d’emploi  Dans cette fiche, nous partons du principe que vous souhaitez mêler deux genres afin de donner un cachet particulier à votre campagne ou à votre univers. On peut retrouver ce procédé utilisé avec succès dans de très nombreux films, mais La Guerre des espions de Masahiro Shinoda et Logan de James Mangold sont deux exemples particulièrement frappants. Le premier est une réutilisation des codes de la guerre froide et de l’espionnage dans le Japon médiéval, et le second un film de superhéros très inspiré du western classique L’Homme des vallées perdues. Ce n’est bien sûr qu’une des multiples façons de jouer avec les différents codes, mais cette méthode a le mérite de reprendre l’essentiel et de présenter les principaux outils valables pour d’autres utilisations. Ainsi, vous pouvez y avoir recours pour adapter une œuvre 1, voire un scénario prévu pour un jeu dans un autre contexte (voir Préparer une partie sur le pouce p.  673). Par exemple, l’ambiance des premières saisons du Trône de Fer peut très bien être retranscrite dans de nombreux univers, notamment dans des décors historiques plus exotiques. Enfin, vous pouvez également vous en servir pour jouer à des jeux dont la proposition tourne directement autour de ce mélange des genres, que celui-ci soit explicite (comme Mousquetaires de l’ombre, qui intègre de la science-fiction dans un contexte de cape et d’épée), ou lié à une approche donnée (comme Château Falkenstein, qui peut résolument être joué comme une sorte de James Bond steampunk). A. Choisir les codes

Dans un premier temps, énumérez les codes qui vous paraissent importants dans les types d’univers ou les œuvres qui vous intéressent. Déterminez un genre principal, dans lequel vous allez jouer, et un second, qui vous servira à singulariser le premier et à donner de la personnalité à votre campagne. Par exemple, on pourrait estimer que dans Shadowrun, le genre principal est le cyberpunk et le second la fantasy. Dans Cryptomancer, il s’agit de l’inverse. Quels que soient ceux que vous aurez choisis, cette liste de codes n’a pas à être exhaustive. Votre objectif n’est probablement pas de proposer un parangon du genre choisi, mais simplement de définir ce que vous voulez voir ressortir dans vos parties. Rien ni personne ne vous oblige à en faire un cas d’école, 1. «  Œuvre  » est ici à prendre dans son sens le plus large. Il peut s’agir aussi bien d’un film que de l’actualité ou d’un événement encore plus incongru (rencontre sportive, anecdote vous étant arrivée lors d’un repas de famille ou au travail, etc.).

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et ce d’autant plus que selon le degré de détails que vous souhaitez, chaque grande catégorie peut être décomposée en autant de sous-genres avec leurs propres règles. Par exemple, sans même intégrer le cyberpunk ou le post-apocalyptique, la science-fiction peut regrouper la hard science, l’uchronie, la planetary romance, le space opera, la space fantasy, le space western, la military science fiction, le mecha, et bien d’autres. Pour vous aider et vous inspirer, voici quelques exemples de codes souvent associés aux genres les plus courants : • cyberpunk : cybernétique, dépendance à la technologie, mégalopoles, mondes virtuels, ultra libéralisme, complots, sociétés totalitaires, médias, cynisme, corruption ; • fantastique : surnaturel, inquiétant, mystère, société contemporaine, altérité, créatures vivant parmi les humains, occulte, folklore, sexualité ; • fantasy : merveilleux et magie, mythes, combats épiques, quêtes, pérégrination, héroïsme, société pseudo médiévale, nature, le bien contre le mal ; • horreur  : aliénation, peur, violence, meurtres, fuite, désespoir, adversaire imbattable, répulsion, monstre, gore, oppression, obscurité, enfermement, folie, surprise, irrationnel ; • polar : policier, justice, enquête, énigme, preuves, inspection interne, interrogatoires, société contemporaine, analyse, crime, nuit, corruption, violence ; • post-apocalyptique : cataclysme, pénurie, réorganisation sociale, survie, loi du plus fort, environnement hostile, anarchie, futur impossible et passé que l’on ne peut assumer ; • science-fiction  : technologie et sciences, futur, voyage spatial ou temporel, politique, écologie, guerre, aliens, définition de l’humanité ; • western : USA, xixe siècle, conquête et génocide, guerres, nature sauvage, désert, chemin de fer, justice et loi, civilisation, vengeance, héros solitaire et bandes sanguinaires. B. Croiser et détourner les codes

Une fois cela fait, déterminez les éléments du genre d’inspiration que vous voulez intégrer dans celui de départ. Cette étape implique notamment de réfléchir au type d’adaptation que vous souhaitez. En effet, selon vos priorités, vous pouvez par exemple choisir de mettre l’accent sur les aspects liés à l’esthétique globale d’un univers ou sur des problématiques plus profondes portées par le genre. Si on prend l’exemple des adaptations audiovisuelles des comics Watchmen, le film de Zack Snyder est fidèle en termes d’aspect, et peut donc être un bon support pour jouer dans cet univers. En revanche, si vous préférez mettre en avant le propos de l’œuvre, la série de Damon Lindelof, visuellement moins proche, fait sans doute un bien meilleur travail en présentant une Amérique hypocrite, raciste, et dont le rapport avec ceux chargés de la défendre est tout sauf sain. Pour prendre un autre exemple déjà cité, vous pouvez vous inspirer de l’esthétique cyberpunk, pleine de néons roses, de chrome, de katanas et d’une connectique déjà dépassée, comme vous pouvez mettre l’accent sur la dépendance technologique, les réseaux sociaux, les libertés individuelles et ce qui constitue notre identité. Non seulement ces approches ne sont pas incompatibles, mais elles ne sont pas moins légitimes l’une que l’autre. Si cela correspond à ce que vous voulez

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mettre en avant dans votre partie, Black Mirror est aussi pertinent que Blade Runner, et vos joueuses peuvent aussi bien vouloir interpréter Motoko Kusanagi qu’Edward Snowden, ou les deux à la fois. Voici quelques grandes familles de codes pour vous aider à déterminer ceux qui sont les plus importants pour vous : • les codes esthétiques : un décor (la ville futuriste ou la matrice pour le cyberpunk), des couleurs récurrentes (chaudes et crépusculaires pour le post-apocalyptique), des sonorités, des types de noms, des impressions (les fenêtres qui se ferment à l’arrivée d’étrangers dans le western) ; • les codes liés à l’intrigue : des archétypes de personnages (le héros en devenir et son mentor de la fantasy), des formats (l’enquête du polar), des scènes récurrentes (les héros qui se relèvent ou l’ennemi qui devient un allié dans le Shônen), les motivations des personnages (la fuite et la survie dans l’horreur), les antagonistes (la corruption et le manque de contrôle de soi du noir) ; • les codes liés à la narration elle-même  : le ton (enthousiasme du planetary romance 2), la focalisation (voix off du noir), la tension (jump scare de l’horreur), la structure (cliffhanger du pulp ou retournement de situation du whodunit 3) ; • les codes liés au sous-texte : le rapport avec notre monde, celui à la violence et à la civilisation (dans le western ou la sword and sorcery 4), la vision de ce qui devrait nous faire peur (la menace atomique, les intelligences artificielles ou le péril climatique dans la science-fiction), le rapport à la science et au merveilleux ; • les codes sociaux : un type de gouvernement (totalitaire en science-fiction), le rôle des personnages dans la société (les créatures surnaturelles en fantastique), la façon dont ils se rencontrent (en s’opposant d’abord dans les comédies romantiques), leur rapport au reste du monde (la paranoïa des romans d’espionnage ou sur la mafia). Une fois les codes que vous souhaitez modifier clairement identifiés, il suffit de réfléchir à leur intégration concrète. Par exemple, si vous voulez vous inspirer du cyberpunk dans votre campagne western, vous pouvez réfléchir à la forme de bouleversement 2. Sous-genre de la science-fiction, le planetary romance se caractérise par des aventures sur des planètes exotiques ayant leur propre culture. Le Cycle de Mars d’Edgar Rice Burroughs ou de nombreux écrits de Jack Vance sont traditionnellement rattachés à ce genre. 3. Sous-genre du roman policier particulièrement populaire au début du xxe siècle, le whodunit est aussi appelé roman-problème ou roman-jeu. Il dépeint généralement un enquêteur devant trouver un criminel parmi une galerie de suspects hauts en couleur. Le récit est généralement conçu de façon à ce que le lecteur puisse essayer de découvrir le coupable avant le protagoniste. Agatha Christie en est sans doute la représentante la plus célèbre. 4. Sous-genre de l’heroic fantasy généralement considéré comme plus brutal et moins manichéen, où les héros sont généralement amoraux, violents, et s’opposent fréquemment à une vision corrompue de la civilisation. Celle-ci est souvent associée à une magie presque uniquement maléfique. Historiquement, le terme a été inventé pour catégoriser les écrits de Robert E. Howard, et notamment les aventures de Conan le Barbare.

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technologique qui pourrait prendre place dans votre monde pour lui donner plus de cachet. Si vous partez sur une base historique, on peut imaginer que l’arrivée du chemin de fer et la croissance aussi rapide qu’incontrôlée de la ville peuvent constituer un bon point de départ. Si vous êtes davantage dans l’uchronie, rien n’empêche d’imaginer des automates intelligents, puis de révéler plus tard que ceux-ci ont été conçus de façon industrielle à partir des soldats tués durant la guerre de Sécession. Vu les codes habituels du western, notamment crépusculaire, vous ne devriez avoir aucun mal à y superposer les problématiques liées au libéralisme à outrance ou à la dépendance chères au cyberpunk. C. Animer le mélange des genres

Selon le type d’adaptation que vous avez déterminé, vous pourrez vouloir être plus ou moins discret sur vos sources d’inspiration, voire chercher à créer un effet de surprise. Suivant vos envies, il vous est possible d’animer la partie pour renforcer certains de vos choix, que ce soit subtilement ou de façon plus marquée. La très grande majorité des techniques de ce recueil peuvent être utilisées de la sorte, mais nous vous conseillons notamment : • les accessoires : ces artifices peuvent être des outils très efficaces pour intégrer des éléments venus d’un autre genre. Si vous cherchez à vous inspirer du western pour personnaliser votre campagne cyberpunk, vous pouvez par exemple imaginer à quoi ressembleraient des affiches « wanted » avec une esthétique rétrofuturiste (via des SMS par exemple), dessiner de grossières cartes au trésor représentant des repères visuels dans la jungle urbaine (qui servent à retrouver des cartouches de données et un des rares terminaux datant de la fin du xixe siècle encore capable de les consulter), imaginer des pictogrammes inspirés des symboles de chasse amérindiens ou du poker pour représenter les graffitis permettant à une faction de communiquer, imprimer des bons au porteur ou toute autre monnaie difficilement traçable car non numérisée, utiliser des répliques de vieux pistolets pour exactement les mêmes raisons, etc. ; • les descriptions : vous pouvez par exemple décrire un élément de votre univers comme s’il s’agissait d’un autre, originaire de votre genre d’inspiration. En continuant avec le même exemple, vous pouvez narrer l’arrivée des PJ dans un bar exactement comme s’ils rentraient dans un saloon, avec les deux battants de la porte qui s’ouvrent en même temps, les habitués qui leur jettent un regard suspicieux avant de faire semblant de ne pas les observer, un employé stressé qui passe de la musique sur sa console en essayant de ne croiser le regard de personne, etc. Dans le même ordre d’idées, vous pouvez utiliser le champ lexical 5 du désert ou des grands espaces pour décrire les complexes urbains la nuit. Dans ce cas précis, n’hésitez pas à mettre en avant l’aridité du béton, la solitude d’un panneau publicitaire que personne ne regarde, l’immensité de l’esplanade inhabitée, des bâtiments qui forment un défilé, le vent qui s’y engouffre, les traces du passage d’un gang local, les déplacements rapides et discrets des seules âmes 5. Si vous voulez essayer cette astuce avant de l’utiliser autour d’une table de jeu, un site comme www.rimessolides.com permet de trouver rapidement de nombreux mots-clés appartenant à un champ lexical donné.

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qui osent sortir la nuit pour étancher leur addiction, une flaque d’essence à moitié évaporée, des territoires dont personne n’arrive vraiment à s’extirper, etc. ; • la musique (voir Intégrer des génériques et des thèmes musicaux p. 619, et «  Jouer en musique  » dans Mener des parties de jeu de rôle, p.  297)  : vous pouvez sans grande difficulté intégrer de la musique liée à votre genre d’inspiration dans vos parties. Vous utilisez sans doute déjà du metal ou de la musique des années 60 pour vos scènes de guerre, vous n’aurez aucun mal à intégrer du Ennio Morricone lorsque les PJ arriveront dans une nouvelle communauté. Plus encore, vous pouvez trouver sur YouTube de très nombreuses adaptations d’un thème à un autre genre, y compris des choses aussi surprenantes qu’une version western du générique du Trône de Fer ou symphonique de tubes eurodance. Ces reprises vous permettront de convoquer à peu de frais des images et des émotions liées au genre auquel est traditionnellement rattaché le morceau, sans pour autant créer de décalage avec votre ambiance principale 6 ; • les PNJ : exactement de la même manière, si vous peinez à décrire ou à singulariser un personnage, réfléchir à ce que ferait son équivalent dans votre genre d’inspiration peut vous aider à retomber sur vos pieds lors d’une improvisation. En reprenant notre univers cyberpunk aux influences western, le barman peut chercher nerveusement du regard l’arme qui est cachée sous le comptoir, le samouraï des rues aux réflexes améliorés peut jouer avec son pistolet, voire le faire tournoyer, pour intimider tous ceux qui tenteraient de lui chercher des noises, etc. Naturellement, vous n’êtes pas obligé de vous contenter d’archétypes et pouvez prendre comme référence des personnages spécifiques. Ainsi, le bar peut appartenir à un promoteur véreux directement inspiré d’Al Swearengen dans Deadwood, le tenancier du fast-food et son acolyte livreur de Butch Cassidy et du Sundance Kid, etc.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• crée facilement un terrain d’entente entre les goûts de toute la table ; • élargit les possibilités offertes lors d’une campagne sans avoir à refaire des personnages ou à assimiler un nouveau jeu ; • permet de recycler de nombreuses inspirations, ainsi que le matériel disponible, pour d’autres JdR. Inconvénients :

• est fondée sur des distinctions de genre qui peuvent être floues et changeantes. Il vaut généralement mieux réfléchir à une vision claire, et ensuite aux genres auxquels elle correspond plutôt que de chercher à parfaitement émuler l’un d’entre eux ; 6. Vous pouvez également choisir l’approche opposée en optant pour une sonorisation volontairement décalée, évidente et faisant partie intégrante de la signature de votre univers. Ce procédé est courant, que ce soit dans les films et séries d’animation (Cowboy Bebop, Funky Cops, Samurai Champloo) ou plus classiques (Guardians of the Galaxy, Guns 1748, Marie Antoinette, Moulin Rouge, Peaky Blinders, Westworld).

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• nécessite parfois d’adapter le jeu auquel on joue, y compris son système ; • ne convient pas à toutes les combinaisons de codes ou de genres. S’il est rare d’en trouver qui soient réellement incompatibles, certains mélanges sont difficiles à utiliser.

4. Exemple Influencé par sa lecture de Dogs in the Vineyard, le meneur souhaite proposer une campagne de D&D5 dans un univers de fantasy, mais avec une approche très inspirée du western. De la première, il souhaite conserver la magie, les voyages et l’émerveillement. Du western, il décide d’intégrer les codes suivants : • codes esthétiques : la frontière, les nombreuses petites villes loin de la civilisation ; • codes liés à l’intrigue  : les PJ sont des étrangers qui débarquent pour rétablir la justice ; • codes liés à la narration  : le ton se veut âpre, avec une montée en tension constante, souvent un déluge de violence final et un épilogue pour chacun des PJ ; • codes liés au sous-texte : le rapport à la violence et à la civilisation. Faut-il des gens qui acceptent de se perdre dans la première pour avoir une chance de mettre en place et de maintenir la seconde ? Est-ce que les personnages doivent déterrer le passé ou donner à tous une chance de prendre un nouveau départ ? ; • codes sociaux : la conquête s’est faite en massacrant les tribus orcs alentour. Certains personnages en sont revenus profondément changés. Des rumeurs d’un nouveau chef capable d’unir les tribus se font de plus en plus pressantes. À partir de ces éléments, le meneur propose aux joueuses une campagne où leur groupe comprend un ou plusieurs mages envoyés dans les villages proches de la frontière pour rendre la justice. Au fur et à mesure, ils prendront conscience du génocide que leurs supérieurs commettent pour étendre leur territoire, ainsi que du sort réservé aux prisonniers orcs.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Décrire p. 109, Improviser p. 125, Jouer en musique p. 297.

Placer les joueuses *

1. Description A. Présentation

Quoi de plus trivial que de choisir l’endroit où s’asseoir à la table de jeu ? Après tout, rares sont les meneurs à s’être jamais posé la question. De plus, à part pour des personnes dans des situations particulières qui nécessitent une attention spécifique, cet aspect ne pose pas de réel problème pour jouer. Pourtant, cette question apparemment anodine peut avoir un réel impact sur la partie, la participation des joueuses ou les tactiques que leurs personnages vont déployer durant la séance. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• optimiser l’immersion dans une partie spécifique (one shot, convention, etc.) ; • revoir subtilement la façon dont le groupe de joueuses se répartit la parole ; • leur montrer qu’une partie est différente, par exemple car elle implique une participation inhabituelle ou que le système utilise des ressources physiques qui vont devoir régulièrement changer de main durant la séance, comme des dés, des jetons ou des Post-it ; • compenser des contraintes liées à l’environnement de jeu (bruit de fond, entre autres). C. Variantes

La principale variante est de laisser chaque joueuse se placer comme elle le souhaite, que ce soit selon l’inspiration du moment ou selon des conventions et habitudes (meneur en bout de table, par exemple). Toutefois, certains dispositifs nécessitent de légers aménagements quant au contenu de cette fiche : • les tables rondes, qui ont l’avantage d’offrir de nombreux compromis ; • les espaces de jeu qui ne sont pas organisés autour d’une table autour de laquelle les joueuses prennent place : canapé et fauteuils, par terre, dans un véhicule, parties en ligne, etc. ;

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• certaines configurations plus complexes, mais aussi beaucoup plus rares 1  : multitables, parties avec plus d’un meneur, présence de joueuses uniquement là pour interpréter certains PNJ, MJ dans une autre pièce ou sur une autre table, phase de jeu où il est interdit de s’asseoir, freeform, etc. D. Mots-clés

Début de séance, règles.

2. Mode d’emploi  Cette fiche explique comment définir la place du meneur et des joueuses, avant de donner des pistes pour déconstruire l’espace de jeu. A. Déterminer la place du meneur

Cette fiche part du principe que vous jouez autour d’une table rectangulaire classique. Habituellement, lorsque c’est le cas, le MJ s’assoit en bout de table, tout comme le ferait un patriarche dans un repas de famille ou le président d’un conseil d’administration. Pourtant, cela n’a rien d’obligatoire. Commencez par choisir où vous allez vous asseoir. Vous avez principalement deux choix : • vous installer en bout de table « à l’anglaise 2 » ; • vous installer au milieu d’un des côtés « à la française ». Nous vous conseillons de privilégier une configuration à l’anglaise lorsque : • vous voulez donner une certaine solennité à votre rôle de meneur ou à la partie, et qu’il est important que vous la « présidiez ». C’est notamment utile lorsque vous souhaitez instaurer une ambiance rugueuse ou « pour la gagne » ; • vous voulez rassurer vos joueuses et ne pas trop mettre de pression liée aux spécificités du jeu utilisé, surtout si vous pensez qu’elles peuvent y être un peu réfractaires (narration partagée par exemple) ; • vous préférez jouer derrière un écran (p. 395) ; • vous avez beaucoup de matériel à utiliser pendant la partie, comme des livres ou des appareils électroniques (ordinateur portable, éclairage spécifique, etc.) ; • vous utilisez des supports que les joueuses ne doivent pas lire ou voir, comme un scénario rédigé, des notes ou certains accessoires pouvant attirer leur attention, etc. ; • vous pensez que le fait de vous rapprocher physiquement de certaines personnes à votre table peut être source de malaise, que ce soit à cause d’une inimitié 3 ou d’un éventuel doute sur vos intentions ; 1. Malgré le côté surprenant de certaines de ces pratiques, nous vous conseillons de les essayer à l’occasion. 2. Pour l’anecdote, ces noms n’ont rien à voir avec les habitudes de jeu des pays en question, mais viennent du protocole et des arts de la table. 3. Il peut arriver que l’on joue avec des personnes que l’on apprécie peu. Toutefois, si tel est le cas, votre priorité n’est sans doute pas de vous demander où vous asseoir (voir Établir le contrat social durant la séance zéro p. 72).

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• vous souhaitez instaurer une ambiance paranoïaque, ou à tout le moins un climat de méfiance, et permettre l’utilisation de papiers à traîtrise (voir Donner des informations à une seule joueuse p. 411). Privilégiez une configuration à la française lorsque : • vous voulez montrer que la partie est quelque peu spéciale et qu’il faut s’attendre à des surprises, à moins évidemment que vous ayez l’habitude de vous asseoir ainsi ; • vous devez laisser les places en bout de table à d’autres joueuses pour des raisons logistiques (mobilité réduite, nécessité de se lever à un moment donné, attente d’un appel, etc.) ; • vous voulez impliquer vos joueuses et les faire participer activement à la partie, sans doute en montrant l’exemple, et vous pensez que le bon fonctionnement du jeu en dépend ; • vous ne souhaitez pas jouer derrière un écran et avez peu de contraintes matérielles, par exemple parce que votre partie est en grande partie improvisée ; • votre jeu utilise des ressources qui doivent régulièrement changer de mains (cartes, dés, jetons, Post-it, etc.), que vous avez besoin d’en mutualiser certaines ou que les règles reposent sur des réserves de dés communes qui doivent être facilement visibles ; • vous jouez dans un environnement bruyant ou voulez économiser votre fatigue ou votre voix ; • vous souhaitez instaurer une ambiance décomplexée, pulp ou de franche camaraderie. Ce peut également être utile pour donner un côté «  défoulatoire  » à certains genres qui ne sont pas forcément prévus pour cela, comme l’horreur. B. Déterminer la place des joueuses

Pour le placement des joueuses, les choses se compliquent légèrement. Non seulement de nombreux paramètres peuvent entrer en ligne de compte, mais votre groupe n’a sans doute pas l’habitude qu’on lui demande de ne pas s’asseoir comme bon lui semble. Si ce n’est pas forcément un problème dans le cadre d’une partie spéciale, les joueuses imaginant que cette volonté est liée à ce que vous projetez de leur faire jouer, c’est beaucoup moins vrai pour une séance a priori anodine. Pour cette raison, procédez de la façon suivante : 1. commencez par lister toutes les contraintes dures, c’est-à-dire celles qui peuvent remettre en cause le déroulement de la partie, la participation d’une joueuse ou la qualité globale de ce que vous avez prévu. Ce sont des choses avec lesquelles vous ne pouvez pas ou ne voulez pas transiger, comme le principe de réserver certaines places à des personnes du fait de leur condition physique (mobilité réduite, poids, audition, etc.), l’accès à une prise pour la personne qui prend des notes sur son ordinateur, la proximité de la chambre des enfants, de la cuisine ou des toilettes, etc. De façon générale, s’il s’agit de votre groupe habituel, vous avez déjà pris tous ces éléments en compte ; 2. soyez vigilant sur les points listés ci-contre. Certains sont contradictoires et vous ne pouvez pas tout gérer, alors choisissez les deux ou trois qui vous semblent 124

prioritaires. Autant votre place peut avoir un impact profond sur la dynamique de la partie, autant il s’agit surtout ici de limiter des risques sur lesquels vous pourrez encore intervenir durant la partie ; 3. pour tout le reste, laissez les joueuses s’installer comme elles le souhaitent. Vous n’êtes pas en train de créer le plan de table d’un repas de mariage. Il vaut mieux demander à deux participants d’échanger leur place que de rendre inutilement complexe ou rébarbative une étape à laquelle on ne fait généralement peu ou pas attention ; Exemples de points de vigilance : • si certaines joueuses risquent de plus capter votre attention que les autres, ou que vous aurez tendance à communiquer beaucoup plus facilement avec elles (amis, famille, etc.), placez-les loin de vous ; • si certaines joueuses ont la voix qui porte davantage, ou sont beaucoup plus à l’aise à l’oral, demandez-leur de se mettre plus loin. Inversement, pour celles qui sont timides ou n’ont pas la voix qui porte, installez-les à proximité ; • s’il existe des inimitiés ou une animosité entre certaines joueuses mais que vous souhaitez jouer malgré cette difficulté3, écartez le plus possible les joueuses concernées les unes des autres et évitez les face à face. L’objectif est à la fois de limiter les contacts physiques (dés, crayons, gommes, nourriture, etc.), et qu’elles évitent de passer la séance à se regarder en chiens de faïence ; • gardez près de vous les joueuses qui risquent d’avoir régulièrement besoin de vous faire passer des informations ou inversement. Les raisons peuvent être multiples : leurs personnages agissent en secret, ils perçoivent des choses inaudibles ou invisibles pour le reste du groupe, elles ne sont pas autonomes en termes de règles, etc. ; • placez les fumeurs près des sorties ou des fenêtres pour qu’ils évitent de déranger le reste de la table ; • si certaines joueuses ont besoin de se lever fréquemment, que ce soit pour participer à des apartés, aider à la logistique ou même parce qu’elles sont malades, assurez-vous qu’elles puissent le faire facilement ; • si une de vos joueuses prend des notes, demandez-lui de s’installer à une place où elle sera sûre de vous entendre, de vous voir, ainsi que tout le reste de la table. Sur une configuration « à l’anglaise », l’idéal est sans doute de prendre la place en face de vous ; • de la même façon, si vous convenez de signaux avec certaines de vos joueuses (voir Donner des informations à une seule joueuse p. 411), il vaut mieux qu’elles soient situées loin de vous, afin de pouvoir établir un contact visuel à tout moment. Si elles sont près de vous, elles risquent de devoir tourner la tête pour parler avec leurs camarades et il vous sera donc plus difficile de communiquer avec elles discrètement ou de capter leur attention ; • si certaines joueuses ont tendance à faire des numéros de duettistes, soit en empêchant les autres de parler, soit en discutant entre elles une grande partie du temps, laissez-les s’asseoir du même côté par rapport à vous (les deux à votre gauche, par exemple). Cela leur permettra a priori de ne pas trop élever la voix et d’éviter que leur conversation vienne perturber celle qu’auraient les autres joueuses, ou les autres joueuses avec vous. Ces discussions croisées ont un tel impact sur l’acoustique qu’elles 125

paralysent très rapidement une table, le plus souvent en démultipliant le volume sonore. En revanche, si la conversation n’est pas directement liée au jeu ou a pour conséquence de scinder la table en deux groupes, demandez-leur de se modérer et envisagez une discussion plus directe avant la prochaine séance. C. Déconstruire l’espace de jeu

Dès que l’on se questionne sur les impacts des places du meneur et des joueuses sur une partie, il est possible d’aller encore plus loin. Il ne faut pas hésiter à creuser du côté du freeform. En effet, pourquoi ne pas jouer sans table, ou revoir de façon beaucoup plus radicale le placement des uns et des autres ? Sans aller jusqu’à vous faire jouer dans des tentes comme dans The Climb, si une scène se déroule dans une voiture, rien ne vous empêche de placer quatre chaises de façon à reproduire la disposition des sièges du véhicule. Vous pouvez également demander à une partie du groupe de s’installer dans le canapé pendant que les autres restent à la table, afin de représenter les personnages dans la salle des réacteurs d’un vaisseau et ceux restés sur le pont de commandement. Il est malheureusement impossible de tout détailler dans cette fiche, mais les possibilités sont vertigineuses et l’impact sur l’implication des joueuses souvent très perceptible.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• a un impact fort sur la dynamique de jeu, mais sans paraître contraignante (pour le meneur) ; • se fait pour la plupart des points de façon naturelle (pour les joueuses) ; • permet de régler facilement certains problèmes liés à l’environnement de jeu ou à la fatigue (économiser sa voix par exemple) ; • permet de renforcer ou de modérer des relations entre personnages sur des parties où cet élément est important ; • permet d’optimiser des dispositifs complexes et de renforcer l’immersion en jouant sur une dimension rarement utilisée. Inconvénients :

• peut paraître très autoritaire ou contraignante si mal amenée ; • donne le sentiment de s’adresser à une salle de classe ; • doit être revue et adaptée au fur et à mesure des séances ; • est un bon complément à d’autres techniques, mais est rarement spectaculaire (pour les joueuses).

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Organiser des parties, le b.a.-ba p. 17, Créer des émotions particulières p. 277, Jouer en musique p. 297. Jouer des parties de jeu de rôle : Jouer ensemble p. 129, Coopérer et Rivaliser p. 149.

Prendre des notes ***

1. Description A. Présentation

Animer une campagne nécessite souvent de garder la trace d’une quantité d’informations plus que conséquente. Outre le canevas de base lié à votre préparation et aux outils nécessaires pour permettre votre improvisation (voir Créer une check-list pour sa campagne p. 45), la mise en place d’un éventuel kit de survie (p. 136) ou la création d’aides de jeu, il faut encore que vous conserviez une trace de ce qui est produit durant les séances. Il existe plusieurs façons d’y arriver, mais la plus simple et la plus fiable reste encore de prendre des notes vous-même. En effet, s’il est parfois possible de déléguer toute ou partie de cette tâche aux joueuses (à ce sujet, consultez également l’article « S’approprier un jeu » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 212-213), vous risquez de vous trouver particulièrement dépourvu en cas d’impondérable (maladie, manque de temps, etc.). De plus, aucune joueuse ne sera en mesure de noter les éléments que vous gardez derrière votre écran : vos éventuelles pistes pour plus tard, ce que vous souhaitez prendre en compte pour adapter les prochains scénarios mais ne pouvez révéler (voir Programmer les phases de jeu p. 321), etc. Pour toutes ces raisons, et parce que vous ne pouvez vous permettre de trop y accorder de temps pendant que vous êtes en train d’animer la partie, il est utile de trouver une méthode de prise de notes efficace. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• animer des campagnes complexes ou impliquant un suivi particulier ; • ne plus vous apercevoir trop tard que vous aviez eu une bonne idée pour une scène ou un PNJ, mais ne pouvez plus l’exploiter ; • pouvoir continuer une campagne sur la longueur, en bénéficiant des avantages de la préparation et de l’improvisation.

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C. Variantes

Une alternative possible à la prise de notes consiste à enregistrer les parties. Cette méthode a l’avantage de pouvoir conserver un accès illimité à l’intégralité de celles-ci. Toutefois, elle a aussi pour inconvénient de rendre très difficile la recherche d’une information précise. De plus, elle implique des contraintes matérielles (prise de son, stockage des données) et logistiques (peu de bruits parasites, etc.) conséquentes, même si des solutions existent. D. Mots-clés

Aide de jeu, début de séance, improvisation (préparation), règles, transmission.

2. Mode d’emploi  Dans un premier temps, cette fiche aborde la méthodologie permettant de créer facilement des cartes mentales pour faciliter la prise de notes. Est ensuite abordée la question de l’organisation des notes, que ce soit selon le type de campagne jouée ou selon les actions des personnages. Puis, nous évoquerons également d’éventuels documents complémentaires qui pourraient vous aider. Enfin, parce qu’il ne suffit pas de les conserver, vous trouverez quelques pistes pour exploiter vos notes. A. Privilégiez les cartes mentales

La première chose à faire est de ne pas céder à la tentation de la prise de notes linéaire. Même si cette méthode peut sembler intuitive pour un meneur débutant, voire même pour une de vos joueuses, elle est particulièrement contre-indiquée lorsque l’on est en train d’animer une partie. En effet, malgré les apparences, vous n’êtes pas uniquement en train de noter le déroulement d’une histoire pour pouvoir la restituer ou trouver une information en cours de séance. Vous êtes en train de vous fabriquer des outils pour pouvoir continuer votre campagne de façon cohérente. Votre priorité est d’aider votre créativité et de faciliter vos futures préparations. Aussi la prise de notes linéaire présente-t-elle de nombreux désavantages. Non seulement elle risque d’accaparer votre attention au détriment de l’animation elle-même, mais de surcroît elle vous permet rarement de faire émerger une véritable structure. Ce travail de tri et de synthèse est bien évidemment possible, mais il est d’autant plus difficile que la quantité de notes que vous avez prises est importante. Il est donc beaucoup plus efficace de vous concentrer sur ce qui est critique, en utilisant des mots-clés, des connecteurs ou des symboles chargés de sens. Les représentations de type cartes mentales ou heuristiques, par exemple, sont très pratiques pour organiser vos idées sans y passer trop de temps. Le principe est le suivant : • définissez ce que vous voulez noter, et ce sur quoi va porter votre carte (PNJ, forces en présence, indices, géographie, etc.). Comme montré dans l’exemple à la 128

fin de cette fiche, cela peut même concerner un scénario entier. Dans tous les cas, indiquez-le clairement au centre de votre carte ; • si cela se justifie, placez de grandes catégories ou idées principales autour de l’objet de votre carte. Si vous ne savez pas encore quelles vont être ces catégories, essayez simplement de grouper par la suite tous les éléments de même nature à proximité les uns des autres ; • notez ensuite quelques mots-clés correspondant à ce qui vous semble pertinent. Privilégiez ce que vous risquez d’oublier, ce qui perturbe fortement le statu quo ou ce qui vous permettra de rebondir pour la suite. Reliez ces mots-clés entre eux, par exemple en regroupant des idées secondaires sous une idée principale, ou avec les grandes catégories déjà établies. Ainsi, si vous notez le nom d’un PNJ relativement complexe et appelé à servir de grand méchant, vous pouvez lui rattacher des termes décrivant ses relations avec les PJ ou ses objectifs. Vous avez également la possibilité de diviser ces derniers pour détailler les moyens ou contraintes associés à chacun d’entre eux. Ainsi, n’hésitez pas à prendre vos notes sur plusieurs feuilles et à en changer si trop d’informations viennent à les rendre illisibles. Ce qui détermine les changements de feuille dépend également de la structure de la campagne ou des actions des PJ, comme nous allons le voir. Toutefois, il faut garder à l’esprit que ces documents ont vocation soit à servir une seule fois, soit à évoluer si vous conservez les mêmes feuilles d’une partie à l’autre 1, et à servir de base pour adapter ou écrire la suite du scénario ou de la campagne. Si vous n’êtes pas familier avec cette technique, nous vous conseillons de vous entraîner une ou deux fois sur papier. Toutefois, si vous souhaitez aller plus loin, sachez qu’il existe aussi de nombreux logiciels permettant de créer des cartes mentales. Même s’il n’aura jamais la simplicité du papier, le numérique présente certains avantages indéniables, comme la possibilité de faire des copier-coller, des modifications rapides ou des liens hypertextes. Voici trois exemples de logiciels gratuits, au moins dans leur version d’essai : • Framindmap : un service en ligne simple, qui se prend rapidement en main ; • Mindmap : une extension de Chrome qui a pour avantage de se synchroniser à Google Drive ; • Creately : un logiciel facile d’utilisation qui propose différents types de diagrammes. Une autre méthode très efficace, tant pour vos prises de notes linéaires que pour vos cartes mentales, est de les prendre en photo. Il est nécessaire d’avoir un téléphone ayant un rendu assez lisible en haute définition, mais ce type d’appareil est désormais assez commun. Procéder ainsi est plus rapide et permet d’envoyer les notes dès la fin de la partie. Toutefois, il vous faudra utiliser un logiciel de reconnaissance optique 1. Dans les deux cas, numérotez les feuilles afin de pouvoir y faire référence sans les mélanger.

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de caractères si vous voulez pouvoir faire des recherches ou exploiter les informations dans votre traitement de texte. B. Faire une carte mentale en fonction du type de la campagne

Il est possible de choisir d’organiser votre prise de notes selon le type de la campagne que vous menez (voir Choisir une structure narrative p. 179). En effet, l’idée est d’harmoniser vos notes avec le matériau de référence que vous utilisez, et de tirer parti de la complémentarité de ces deux documents. Généralement, selon le type de campagne que vous animez, un tel matériau de référence, aussi appelé « source » dans cette fiche, sera un scénario, une chronologie ou une carte. Cette approche demande un peu de travail de préparation en amont, mais présente aussi l’avantage de vous aider à mieux comprendre et à mémoriser les tenants et les aboutissants de votre campagne. De plus, elle constitue un excellent moyen d’intégrer et de se rappeler ce qu’il s’est passé dans la séance consignée. Les conséquences sur la partie à terme sont bien plus immédiates et faciles à réinjecter lors des prochaines séances. Les trois types de campagnes détaillés dans cette section sont les campagnes arborescentes, puis celles qui sont structurées autour d’une chronologie des actions des opposants, et enfin celles que l’on appelle bac à sable. Pour les campagnes basées sur les relations entre personnages, nous vous conseillons de créer une carte relationnelle (p. 13) et à la tenir à jour au fur et à mesure des séances. a) Campagne arborescente

Pour une campagne arborescente ou en « couches d’oignons », c’est-à-dire structurée selon un enchaînement chronologique de scénarios autour d’une intrigue principale et d’intrigues secondaires, vous pouvez avoir une feuille par scénario, où vous noterez : • au centre : le nom du scénario ; • en premières branches : les indices découverts, les PNJ rencontrés, les lieux visités, les combats effectués, les autres événements notables, etc. • en secondes branches, par exemple pour les indices : les relier au lieu ou au PNJ qui en est à l’origine, puis faire un embranchement pour ce qu’ils prouvent, l’endroit où ils amènent, ce que les PJ en ont compris, le lieu où ils le stockent, etc. b) Campagne structurée autour d’une chronologie des actions des opposants

Pour une campagne structurée autour d’une chronologie des actions des opposants (timeline 2), expliquant notamment ce qui se passerait dans l’univers si les PJ n’existaient 2. Cela vaut également pour les campagnes de types «  oppositions et timing  », comme celles que suggèrent des jeux tels qu’Apocalypse World, pour lesquelles le travail du meneur consiste surtout à programmer des menaces (PNJ, groupes, fléaux et catastrophes en tout genre) auxquelles confronter les personnages.

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pas ou n’intervenaient pas, chaque faction importante ou opposant principal peut avoir une feuille dédiée qui contiendra : • au centre : le nom du personnage ou de la faction (voir Créer un grand méchant p. 225) ; • en premières branches : ses objectifs à court terme, à moyen et long terme, ses points faibles, ses moyens d’agir, ses relations avec les PJ, celles avec les autres PNJ, ses contraintes ; • en secondes branches, par exemple pour ses relations avec les PJ  : ce qu’il pense réellement d’eux, la prochaine action qu’il pense effectuer (reliée le cas échéant à des moyens et à un objectif ), ce qu’il leur a montré lors de leur dernière rencontre, qu’il soit intervenu en personne ou pas, etc. c) Campagne bac à sable

Pour une campagne bac à sable, structurée selon l’exploration des PJ d’un espace géographique donné, chaque région ou cité importante pourra avoir sa feuille comprenant : • au centre : le nom du lieu ; • en premières branches : les objets découverts, les êtres rencontrés, les endroits explorés, ce que les PJ ont manqué, ce qu’ils ont appris et compris, etc. ; • en secondes branches, par exemple pour les êtres rencontrés : les hostiles, les adjuvants, les commanditaires, les traîtres, etc. C. Faire une carte mentale en fonction des actions des PJ

Pour structurer votre carte mentale, vous pouvez prendre pour point de départ les actions des PJ au lieu de vous inspirer d’éléments dépendant du type de campagne que vous animez. Cette approche a l’avantage d’être très simple à mettre en œuvre et de vous aider à considérer les actions des personnages comme le moteur de la partie. En revanche, vos notes seront probablement un peu plus compliquées à exploiter dès lors que vous aurez à les coordonner avec votre matériau de référence, surtout dans le cas d’une campagne arborescente. Voici quelques conseils pour organiser votre carte mentale selon les actions des PJ : • au centre : les PJ présents, ainsi que le nom du scénario ou le numéro de la séance ; • en premières branches : les lieux visités, les PNJ rencontrés, les objectifs des PJ, leurs ressources et moyens, les éléments importants découverts, les relations entre PJ, etc. • en secondes branches, par exemple pour les objectifs des PJ : les questions restées sans réponse, leurs prochaines actions prévues, leurs hypothèses, etc. Toutefois, pour simplifier l’exploitation de vos notes par la suite, nous vous conseillons vivement de ne pas prendre que les événements et les actions des PJ en compte. Ainsi, n’hésitez pas à également indiquer les informations suivantes sur les différents éléments cités ci-dessus, quitte à les noter dans les marges ou à changer de couleur pour ne pas les confondre : 131

• modifications : les actions des personnages ont des conséquences et il vaut mieux que vous les notiez, qu’elles concernent un scénario ultérieur, une relation avec un PNJ, un lieu qui ne sera plus le même, les réactions d’un adversaire, etc. À ce stade, il n’est pas nécessaire de savoir comment et quoi modifier exactement, mais l’important est de noter qu’il faudra imaginer une répercussion ; • anticipation : consignez les idées qui vous viennent concernant les prochaines actions des PJ, afin de vous préparer et de pouvoir réagir en conséquence. Vous pouvez par exemple noter quelques éléments afin d’aider votre future improvisation ; • extrapolation : vous pouvez avoir des idées qui émergent en cours de partie, qu’elles aient un rapport avec les actions des PJ ou pas. Notez-les pour ne pas les oublier, et pouvoir les exploiter dans les prochaines séances. Écrire moins, dessiner plus. Pour aller plus loin, vous pouvez aussi prendre l’habitude d’utiliser des symboles ou des pictogrammes. Avec un peu de pratique, c’est une façon très efficace de rajouter rapidement du sens à vos notes. Des astuces aussi triviales que de dessiner un smiley à côté du nom d’un personnage pour représenter son attitude envers les PJ, une lettre représentant son allégeance ou une croix pour signaler sa mort, font déjà gagner beaucoup de temps. Dans le cadre d’une campagne itinérante, reprendre l’iconographie de la carte du monde permet de distinguer au premier coup d’œil un village d’une ville ou d’un donjon. Vous pouvez également épaissir vos traits ou entourer vos mots-clés pour signaler, par exemple, des indices ou des objets découverts par les PJ. Les possibilités sont pour ainsi dire illimitées, et, de toute façon, à adapter à vos besoins. Créez vos propres routines. Commencez par une ou deux, sans chercher à trop en faire dès le début. Vous vous retrouverez rapidement à les réutiliser sans même y penser sur toutes vos campagnes. D. Documents complémentaires

Si prendre des notes sur le déroulé de la campagne et ses éléments principaux reste essentiel, il existe toutefois d’autres aspects auxiliaires qui méritent que l’on s’y attarde. Selon votre campagne et vos besoins, vous pourrez choisir de les consigner et de les suivre de séance en séance. Attention, toutefois, à ne pas trop en faire : ces outils sont là pour vous faciliter la tâche ! Il ne sert pas à grand-chose de vous donner davantage de travail si cela ne change rien autour de la table de jeu. Voici quelques exemples de telles notes annexes : • un tableau pour les PNJ, avec les colonnes suivantes : nom, fonction, concept ou archétype (voir Se servir des archétypes p. 146), traits saillants et enfin une dernière pour ses relations avec les PJ : bonnes, neutres ou mauvaises. Ce genre de tableau est notamment utile pour les jeux qui se déroulent dans un contexte clos comprenant beaucoup de PNJ, comme Battlestar Galactica. Un trombinoscope dénué de ces informations peut également être intéressant, puisqu’il pourra de plus être partagé avec les joueuses ;

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• un récapitulatif des questions-clés : listez un certain nombre de questions qui permettront de se souvenir des moments importants de la partie. Par exemple, est-ce qu’ils ont récupéré le MacGuffin 3  ? Interrompu le rituel  ? Puis, en quelques mots, ajoutez les conséquences et récompenses. Les mettre sur une feuille à part est un bon moyen de comprendre en un seul coup d’œil où en sont les PJ ; • des compteurs (voir Créer une check-list pour sa campagne p. 45) : jauges et étapes majeures à cocher sont notamment utiles pour faire réagir les grands acteurs du monde, par exemple la population selon les actes des PJ  : va-t-elle les soutenir, les vilipender, se révolter contre leurs ennemis ou au contraire soutenir ces derniers ? Déterminez éventuellement des paliers et leurs conséquences. Cela implique de la préparation avant la partie, mais vous facilitera la vie pendant. E. Exploiter les notes

Si vous utilisez des notes afin de vous aider à préparer les prochaines séances et rester cohérent avec les précédentes, il va de soi que se contenter de les prendre ne suffit pas. Il donc faute prévoir un moment pour les relire, quitte éventuellement à le refaire juste avant la séance, mais aussi pour les retravailler. Aussi évident que cela puisse paraître, cette phase est souvent négligée quand le temps vient à manquer, d’autant plus que celui qu’elle demande est très souvent sous-estimé. En réalité, elle comprend elle-même plusieurs points plus ou moins successifs : • relire les notes et s’assurer de les comprendre ; • identifier, réunir et développer ses idées ; • faire les changements liés aux conséquences des actions des PJ (voir Laisser flotter des indices et des secrets p. 309, Montrer le chemin parcouru p. 511 et Rebondir après une incohérence p. 528) ; • intégrer les nouvelles idées ; • mettre à jour le matériel de la campagne, ce qui peut inclure vos propres notes, des aides de jeux, etc. En effet, vous pouvez utiliser vos notes pour créer des aides de jeu qui deviendront utiles pendant la partie. Cette adaptation du matériau fourni par les notes peut prendre la forme de rapports, de journaux, de cartes (p. 733), etc. Si ce procédé présente l’inconvénient de demander du temps de préparation, il a l’avantage de faire également profiter les joueuses et la campagne de la prise de notes. Dans le même style, l’idée du trombinoscope est intéressante (voir Préparer un kit de survie p. 136), surtout si les joueuses peuvent ellesmêmes l’annoter : appartient à telle faction, mort, disparu, hostile, suspect, etc. En outre, vos notes peuvent également vous aider dans la rédaction de lettres d’amour (p. 588), la gestion du downtime (p. 613) et devenir la base d’un récapitulatif 3. Dans un scénario de film, un MacGuffin est un objet ou une personne recherché par la grande majorité des protagonistes, et constitue donc un élément moteur de l’histoire, qui pousse les personnages à agir et à interagir. Sa nature n’a pas de réelle importance.

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de début de séance (p. 695). Lors de cette étape, n’hésitez pas à poser des questions aux joueuses pour vous assurer que tout le monde a compris les mêmes choses. En effet, en plus du bénéfice de rappeler à toute la table ce qui s’est passé, procéder ainsi a l’avantage de bien vérifier qu’il ne subsiste aucun malentendu quant au déroulé de la séance précédente. Enfin, nous rappelons qu’il est également possible de déléguer, au moins partiellement, la prise de notes aux joueuses, à l’exception des modifications à faire dans la suite de la campagne ou des idées qui vous viennent pendant la partie.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• permet de prendre des notes utiles sans se couper de la partie en cours ; • est un outil flexible qui se destine aussi bien à la préparation qu’à l’improvisation ; • permet de se laisser plus d’espace de créativité. Inconvénients :

• demande un temps d’apprentissage, notamment pour savoir quels éléments noter ; • nécessite de rester concentré tout au long de la séance, et peut donc accaparer le meneur là où son attention serait mieux utilisée à animer la partie ; • implique de passer du temps sur ses notes en dehors des parties pour en tirer tout le potentiel.

4. Exemple L’exemple ci-contre est une carte mentale pour un scénario en arborescence. Il prend place au sein d’une campagne fantastique de même type. Les personnages enquêtent sur des meurtres aux accents occultes dans un Paris qui ressemble à celui que l’on connaît.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Improviser p. 125, Dompter la linéarité p. 159, Jouer avec les aides de jeu p. 331. Jouer des parties de jeu de rôle : S’approprier un jeu p. 209.

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Préparer un kit de survie **

1. Description A. Présentation

À de très rares exceptions près, l’écran d’un jeu comprend un résumé de ses règles. Il permet au meneur de retrouver rapidement une information sans avoir à interrompre le flot de la partie. Toutefois, si cette pratique avait du sens pour les systèmes complexes ou nécessitant de nombreux tableaux, on peut questionner sa pertinence face aux évolutions actuelles de notre loisir. En effet, alors que la plupart des jeux ont eu tendance à aller vers plus de simplification, est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux que le MJ dispose d’aides sur des aspects autres que la mécanique ? Par exemple, ne serait-il pas plus pertinent de lui proposer des outils pour improviser au lieu de l’assister sur la connaissance des règles, surtout si la logique de celles-ci est facile à extrapoler ? Pourquoi ces aides devraient-elles se trouver sur un écran alors qu’il existe de nombreux autres formats qui peuvent se montrer tout aussi efficaces (numérique, cartes, set de table, etc.) ? Est-ce que le guide à destination du meneur ne remplit pas déjà une grande partie de ce rôle ? Si de telles ressources existent ponctuellement dans le commerce ou sur Internet, leur accessibilité varie grandement, de l’accessoire qui a pignon sur rue à l’outil en PDF ou en annexe d’un jeu confidentiel. Quoi qu’il en soit, c’est à chaque MJ de se constituer un véritable « kit de survie », rassemblant tous les supports dont il a besoin. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• être certain de ne jamais être pris au dépourvu ; • ne pas avoir à consulter vos livres ou à interrompre la partie trop longtemps ; • alimenter votre improvisation sans que la préparation ne devienne un carcan ; • pouvoir vous concentrer sur le cœur de votre partie, l’engagement des joueuses, l’implication des personnages, etc.

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C. Variantes

Un kit de survie peut-être composé de divers éléments qui, chacun, peuvent revêtir différentes formes. Toutefois, il n’existe que peu d’alternatives au kit lui-même, si ce n’est de ne pas avoir de support autre que son écran, d’utiliser une gamme étendue ou d’improviser le moins possible. D. Mots-clés

Aide de jeu, descriptions, implication, improvisation (préparation), PNJ, règles.

2. Mode d’emploi  Cette fiche vous propose dans un premier temps de réfléchir à vos contraintes, avant d’aborder les différents éléments qu’il peut être utile d’intégrer dans votre kit selon vos besoins : accessoires et fournitures, règles, PNJ, cartes et plans, générateurs narratifs, saynètes d’ambiance, et enfin, contenu des séances précédentes. A. Avant de commencer, réfléchissez à vos contraintes

Même si cela semble évident, votre kit de survie doit être adapté à votre pratique. Vous devez donc commencer par essayer d’identifier ce qui la caractérise, ainsi que l’utilisation que vous souhaitez faire de ce kit, afin de vous concentrer sur le plus utile. • Est-ce pour de multiples one shot dans des univers variés ou une campagne spécifique ? Se fait-elle dans un cadre particulier ? Plusieurs ? Les séances sont-elles organisées selon une structure invariable 1 ? • Est-ce que vous jouez chez vous ou dans un autre lieu  ? Chez quelqu’un d’autre ? Avez-vous des contraintes liées au fait de vous déplacer avec votre kit (taille, poids, pas de connexion Internet, etc.) ? Au contraire, pouvez-vous ne pas y inclure certains contenus parce que vous savez qu’en cas de besoin, vous pourrez toujours les imprimer et y avoir quand même accès ? • Est-ce que vous utilisez du matériel électronique pendant vos parties et avezvous accès à du contenu numérique ? Est-ce que vous êtes aussi à l’aise avec le fait d’utiliser un format électronique qu’un livre physique ? Est-ce que vous devez avoir recours à d’autres types de composantes (figurines, battlemats, plans, ardoise, etc.) ou d’accessoires (papiers à traîtrise, Post-it, etc.) ? • Jouez-vous à un jeu très technique, où il est important de connaître les règles sur le bout des doigts ? L’univers ? Les approximations sont-elles possibles sans que cela ne ruine l’expérience des joueuses ? • Est-ce que le jeu dispose déjà de suppléments à destination du meneur et dotés de différentes aides de jeu pour faire face à de nombreuses situations ? Est-ce que vous avez des suppléments génériques ayant cet objectif ? • Prenez-vous des notes sur ce qu’il se passe durant les parties ? Quelqu’un le fait-il pour vous ? Avez-vous l’habitude de partager des informations ? 1. Comme c’est le cas dans Fiasco ou Montesegur 1244 par exemple.

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B. Accessoires, fournitures, etc.

Pour commencer, intéressez-vous à tout ce qui est accessoires et autres consommables. Vous n’aurez évidemment pas besoin de tout, mais parmi les fournitures les plus courantes, on retrouve notamment des : • ardoises avec feutres lavables ; • crayons et feuilles de papier ; • Post-it ou fiches de bristol ; • feuilles de personnages vierges, si vous jouez souvent au même jeu ; • dés, jetons, ou même des accessoires plus exotiques comme des trombones ou des pinces à linge 2 ; • bougies, si vous aimez ce genre d’artifices ; • matériel de sonorisation (enceinte bluetooth, par exemple) ; • etc. Dans le meilleur des cas, et si vous n’hébergez pas les parties, essayez de différencier les ressources qui devraient idéalement pouvoir rester sur le lieu où vous vous réunissez, et celles qui dépendent davantage du jeu ou de ce que vous souhaitez transporter. Le savoir vous facilitera la tâche et permettra de répartir les responsabilités entre l’hôte et le meneur. C’est d’autant plus utile si vous avez plusieurs tables ou si vous avez besoin de ramener le matériel chez vous entre les séances. C. Règles

Nul besoin ici de vous dire de prendre votre livre de règles et votre écran. Vous n’avez probablement attendu personne pour le faire. En revanche, selon votre pratique, il peut vous être utile de prévoir : • des Post-it à coller sur le dos de votre écran pour remplacer les résumés des règles qui ne vous servent guère par d’autres dont vous aurez davantage besoin, par exemple parce que les éléments en question sont parus dans des suppléments ultérieurs ; • des cartes pour les sorts, créatures, pouvoirs et objets les plus utiles qui vous éviteront d’avoir à apprendre leurs paramètres par cœur ; • des fiches ou une page volante qui résume des règles maison ou disponibles dans un livre que vous ne souhaitez pas transporter ou consulter électroniquement ; • un jeu qui est à la fois court et dont les parties sont assez brèves pour tenir en une seule séance (On Mighty Thews, Sombre, etc.). Il pourra vous servir lorsque certaines de vos joueuses sont là, mais qu’un impondérable vous empêche de faire la partie planifiée  : annulation d’un camarade au dernier moment, personnes non prévues, matériel indispensable oublié, etc.

2. Les premiers peuvent être accrochés aux fiches pour savoir combien un PJ a de points de vie ou de magie, ou connaître son initiative. Les secondes sont parfois marquées avec le nom d’un personnage afin de toutes les accrocher dans un ordre qui représente celui des actions dans un tour de jeu.

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D. PNJ : noms, prénoms, profils et trombinoscopes

Dans de nombreuses parties, vous aurez besoin d’improviser des PNJ à la volée. Ce sera même probablement un élément critique dans des scénarios de type odyssée (d’une caravane de Capharnaüm au Battlestar Galactica) ou dans des campagnes politiques (Vampire : la Mascarade, Le Trône de Fer, etc.). Selon l’univers dans lequel vous jouez, vous aurez peut-être besoin de vous constituer une liste de noms prêts à l’emploi. Le plus simple est de vous inspirer d’une culture donnée et d’aller chercher sur des sites spécialisés (comme le Kate Monk’s Onomastikon 3), dans les crédits d’un film correspondant à l’ambiance recherchée ou sur Wikipédia. Vous n’y apprendrez peut-être pas les règles patronymiques complexes de telle ou telle communauté, mais ces ressources devraient répondre à la plupart de vos besoins. Contentezvous d’en recopier une quantité que vous jugez suffisante sur un bout de papier ou sur un Post-it que vous mettrez derrière votre écran, et vous ne devriez plus guère avoir de problème. Une autre option consiste à organiser cette matière en table aléatoire (voir Faire des tables aléatoires avec un objectif p.  80), afin d’en profiter pour combiner d’autres aspects utiles pour la création de PNJ (description physique, motivations, etc.), mais ce traitement est à réserver à ceux dont les noms ont une signification particulière (maisons nobles, etc.), faute de quoi vous risquez d’avoir bien vite épuisé les possibilités. Vous pourrez également avoir besoin de données techniques pour ces PNJ. Fort heureusement, la plupart des jeux où il est difficile d’improviser un profil résolvent ce problème, que ce soit en en proposant dans leur livre de base, dans un éventuel guide à destination du meneur ou en libre téléchargement. Dans le cas contraire, notez quelque part les données utiles pour définir le niveau d’un adversaire commun, d’un lieutenant, d’un « boss » ou d’un spécialiste. Le plus souvent, un nombre de points de vie et deux ou trois niveaux de compétence suffisent. Enfin, vous pourrez également avoir besoin d’un trombinoscope. Un tel outil est notamment utile lorsque vous jouez dans un univers mal connu de vos joueuses, où il n’est pas forcément évident pour elles d’imaginer plus d’une ou deux variations autour d’une figure archétypale (samouraï, viking, cow-boy, etc.). Cet outil peut également vous servir lorsque vous mettez en scène un huis clos ou une communauté peu nombreuse, et que vous souhaitez que les membres qui la composent soient clairement identifiés. À moins que vous n’en trouviez un déjà fait pour votre jeu, ce qui peut assez facilement arriver sur les JdR à licences ou dans certains univers très populaires 4, le plus simple est sans doute de prendre le temps d’en créer un vous-même. Vous devrez dans tous les cas passer un certain temps à chercher des illustrations adaptées, mais si vous pensez que votre campagne le mérite, vous pouvez aller jusqu’à imprimer ce trombinoscope sous forme de cartes. Ce support permet une appropriation plus rapide et il est bien plus agréable à manipuler 3. https://tekeli.li/onomastikon/ 4. Voici par exemple un trombinoscope pour Apocalypse World et ses hacks  : Volsung, «  Grimace, un trombinoscope pour vos parties de jeu de rôle », 2d6 Plus Cool, 2016, https://goo.gl/FhyAaC

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en partie. Pour cela, il suffit soit d’utiliser un logiciel comme Magic Set Editor 2 (http:// magicseteditor.sourceforge.net/) et soit de fabriquer les cartes vous-même, soit de les faire imprimer par des sites comme artscow.com ou makeplayingcards.com. Quel que soit votre choix, il est aisé de trouver des portraits correspondant à une ambiance donnée grâce à des recherches sur des sites généralistes comme Google images, Pinterest ou DeviantArt. Toutefois, le tri est chronophage et le manque de cohérence dû au fait de rassembler des illustrations diverses peut avoir tendance à se voir. Aussi est-il sans doute préférable d’utiliser une de ces sources alternatives, en essayant de se concentrer sur une seule et d’éviter les images dont l’origine est facilement reconnaissable par vos joueuses : • pour un univers à licence ayant pignon sur rue ou une ambiance approchante, il existe sans doute déjà des encyclopédies en ligne en regroupant les personnages-clés, comme https://www.starwars.com/databank (Star Wars) ou https://www. marvel.com/characters (Marvel) ; • de la même façon, les univers déclinés en jeux de cartes –  à collectionner ou pas – proposent généralement de très nombreuses illustrations de qualité faciles à trouver sur le Net. De ce point de vue, un site comme http://www.cardgamedb. com est une véritable mine d’or, ne serait-ce que comme référence. De plus, certains personnages secondaires peuvent être utilisés pour des univers approchants, sans que la récupération soit forcément évidente ; • si vous jouez dans un monde proche de ceux de certains JdR très connus ou aux gammes pléthoriques (c’est notamment le cas pour la fantasy et le cyberpunk), vous n’aurez aucun mal à trouver en ligne de très nombreuses illustrations créées pour eux ; • les images de concept art pour le jeu vidéo peuvent aussi permettre de typer très facilement des PNJ. Il suffit parfois de visiter le site d’un studio ayant travaillé sur un jeu que vous considérez comme une référence, d’acheter le PDF d’un artbook ou du guide d’un autre dont l’atmosphère vous convient, ou de parcourir des sites plus généralistes comme creativeuncut.com ; • les sites spécialisés sur les séries ou le cinéma (allocine.com), y compris les sites de fans dédiés uniquement à une œuvre (https://en.battlestarwikiclone.org/) disposent généralement de nombreuses photos mettant en avant les acteurs et leurs personnages. Si l’œuvre d’origine est peu connue, par exemple parce qu’elle n’a jamais été diffusée en France, vous pourrez vous constituer un trombinoscope très cohérent assez rapidement. Cette astuce fonctionne également pour les séries historiques ou exotiques 5, où, pour des raisons évidentes, il est difficile d’obtenir des photos. Toutefois, dans tous les cas, vous trouverez rarement des personnages non humains convaincants ; • pour les jeux situés au début du siècle dernier, comme Crimes ou L’Appel de Cthulhu, il est possible de trouver des archives de photographies d’époque en ligne. Par 5. Par exemple, si vous jouez à un jeu historique situé au Japon ou dans un univers visuellement proche, la chaîne japonaise NHK produit tous les ans une série en costumes d’une cinquantaine d’épisodes à même de vous fournir toutes les photos que vous souhaitez. Il ne vous reste plus qu’à utiliser Wikipédia et le site archive. org pour retrouver la série qui vous intéresse et l’adresse de son ancien site. Pour vous faire une idée, voici celui de Sanada Maru, la fresque de 2016 sur le clan Sanada à la fin du xvie siècle : https://goo.gl/mxDQgm

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exemple, Mug Shots (https://goo.gl/xYkYSY) propose des portraits réalisés par la police australienne entre 1910 et 1930. E. Cartes et plans

Par convention, on distinguera ici les plans des cartes. Les premiers représenteront essentiellement des espaces de taille relativement réduite (souterrain, bâtiment, vaisseau, etc.), pouvant donner une vision précise de l’environnement immédiat des personnages. Ils sont surtout utiles pour l’exploration méticuleuse et le combat. Les secondes seront davantage destinées à des espaces plus ouverts (cité, région, pays, etc.) et leur échelle rend les considérations tactiques très difficiles, voire impossibles. Elles servent principalement pour les voyages ou la représentation d’ensembles géographiques (quartier, relief, etc.) ou politiques. Selon toute vraisemblance, vous n’utiliserez qu’un nombre limité de cartes dans votre kit de survie. Vous avez probablement déjà celle qui représente la région dans laquelle évoluent les personnages et guère besoin d’autres. Ce sont essentiellement les jeux sur le voyage et l’exploration à grande échelle comme Oltrée ! ou Ryuutama qui nécessitent de chercher régulièrement de nouvelles cartes. Toutefois, si vous en avez besoin, vous pouvez en trouver facilement : • grâce à des sites spécialisés comme www.cartographersguild.com ; • grâce à des sites de cartographes comme Deven Derue (https://goo. gl/2YZKKB) ou quelques-uns parmi ceux que nous citons au paragraphe suivant ; • en utilisant des recueils prévus à cet effet, comme le très bien pensé De Chorographia ; • en vous servant de Google Maps pour reprendre la forme générale d’une région existante, avant par exemple d’inverser son orientation ou son échelle pour qu’elle ne soit pas immédiatement reconnue par les joueuses. Si le jeu auquel vous jouez s’y prête, il est beaucoup plus probable que vous ayez besoin de plans afin d’être capable d’improviser l’exploration d’une ruine ou d’une caverne. Il existe bien des méthodes pour les générer à la volée, par exemple grâce à des tables aléatoires (voir « Construire un donjon, une méthode aléatoire » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 73) ou en combinant directement plusieurs illustrations (https:// davesmapper.com/), mais il est aussi possible d’utiliser des bases déjà faites. Vous pouvez évidemment recycler des plans trouvés sur le Web, mais cette quête peut être très chronophage, surtout si vous cherchez des labyrinthes de taille réduite ou comportant certains critères spécifiques. Dans ce cas, il existe une autre solution peu onéreuse. En effet, de nombreux rôlistes cartographes ont une production régulière et cohérente spécialement prévue pour ce type d’utilisation. Le plus souvent, celle-ci est disponible soit directement sur leur page, soit pour une bouchée de pain sur un site de mécénat ou sur DriveThruRPG. Voici quelques exemples : Miska Fredman (http://www.miskafredman.com/), Dyson Logos (http://www.dysonlogos.com/), Erwan Warenghem (https:// kosmicdungeon.wordpress.com/). Enfin, certains vont encore plus loin en proposant des cahiers de plans très ergonomiques, pensés pour vous permettre d’organiser votre partie et vos notes. C’est par exemple le cas d’A Dozen Dungeons, dont la version physique coûte moins cher qu’une paire de dés à vingt faces. 141

F. Générateurs de scénarios, accroches et complications

Généralement, bien qu’il mette seulement l’accent sur la création d’intrigues, le matériel destiné à vous inspirer et à générer des scénarios est très varié : dés (comme les Rory’s Story Cubes), cartes 6, applications en ligne 7, listes à télécharger (https:// goo.gl/SvJteW), tables aléatoires, etc. Comme pour de nombreuses autres ressources, vous avez peut-être déjà le nécessaire dans votre livre de base ou le livre de la gamme à destination des meneurs. Dans le cas contraire, le plus simple est sans doute de recycler un générateur mis à disposition en ligne ou de vous en constituer un. À titre d’exemple, voici celui publié en annexe de Tenga. Plusieurs instructions plus ou moins complexes sont données dans le jeu afin de pouvoir en extraire les bases d’une intrigue :

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Action Attaquer Cacher Détruire Disculper Donner Enquêter Éviter Intercepter Menacer Négocier Persuader Prendre Protéger Résoudre Sauver S’échapper Trouver Tuer Utiliser Voler

Objet / Avec Allié Approvisionnement Européens Famille Gens du commun Honneur Hors-la-loi Les personnages Missive Monstre Mystique Navire Noble Or Paix Pire ennemi Preuve Rumeur Samouraïs Shinobi

Lieu Camp Champ de bataille Château Chez l’ennemi Chez soi Cimetière Col En mer Forêt La cour Lac Léproserie Mine Port Rivière ou pont Route Ruines Temple Village Ville

6. Comme l’aide de jeu générique Imagia, où les cartes peuvent servir selon quatre modes (narration, divination, altération et création). 7. Comme des générateurs aléatoires d’idée de campagne, par exemple sur Spring Hole : https:// goo.gl/hX8LpQ

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Selon ce que vous avez l’habitude de proposer à vos joueuses, votre souci n’est peutêtre pas de trouver des idées d’aventures, mais de réussir à y impliquer leurs personnages sans que cela ne paraisse trop artificiel. C’est un problème assez récurrent lorsque l’on utilise des scénarios parus dans le commerce, mais issus de sources diverses. Dans ce cas, ou si les techniques pour démarrer sur les chapeaux de roue (p. 208) ou créer un groupe (p. 33) ne vous tentent pas, vous ressentirez peut-être le besoin de vous constituer une liste d’accroches génériques. Pour la plupart des meneurs, il ne sert vraiment à rien de tomber dans la surenchère : une simple table suffira à combler vos besoins. Voici quelques exemples : • les personnages sont embauchés ou ils en reçoivent l’ordre ; • ils doivent une faveur à quelqu’un ; • c’est le meilleur moyen pour réussir à se venger de leurs ennemis ; • c’est la meilleure façon de se disculper ; • ils se retrouvent pris à partie malgré eux ; • des PNJ auxquels ils tiennent sont impliqués ; • ils veulent protéger quelqu’un ; • on fait pression sur eux (proches otages ou menacés, etc.) ; • ils ont une vision ; • ils trouvent une vieille carte ou un objet en lien ; • on les met au défi : ils ne peuvent se défiler sans être humiliés ; • etc. Enfin, peut-être souhaitez-vous préparer une liste de complications et de rebondissements afin de pouvoir facilement adapter les intrigues prévues et donc vous renouveler pour surprendre vos joueuses. Dans ce cas également, les ressources en ligne ne manquent pas 8, mais vous préférerez sans doute créer votre propre liste, d’autant plus que vous devriez mettre un certain temps avant d’en venir à bout. Voici quelques exemples de rebondissements : • un allié arrive et aide les PJ, mais il s’approprie tout le mérite ; • l’ennemi des PJ a énormément progressé depuis leur dernière rencontre ; • ce que souhaitent réaliser les PJ ne peut arriver sans l’aide d’un PNJ qu’il va falloir trouver et convaincre ; • l’ennemi des PJ, blessé, en pleurs, se dirige vers eux et semble avoir oublié leurs querelles passées ; • des PNJ tirent parti d’une faiblesse qui ne devrait être connue que des PJ ; • l’objectif des personnages n’était qu’une diversion ; • leurs compagnons disparaissent subitement, les uns après les autres… ; 8. Voici deux articles concernant les rebondissements qui peuvent faire de bonnes sources d’inspiration : Bourke Mike, « Pretzel Thinking – 11 types of Plot Twist for RPGs, Part 1 », Campaign Mastery, 2014, goo.gl/ XygDtU et Flint Lucy, « Fifty Plot Twist Ideas for your Work-in-Progress », Lucy Flint, 2015, goo.gl/TK1vSN

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• un adversaire propose d’acheter à un personnage sa loyauté, mais son offre est généreuse, pertinente et moralement raisonnable ; • l’adversaire attendu est parti avant l’arrivée des PJ. Qu’est-ce qui peut être suffisamment effrayant pour le faire fuir ? • etc. G. Saynètes d’ambiance

Vous pouvez encore intégrer bien des éléments dans votre kit de survie, mais le dernier qui sera développé ici, ce sont les saynètes-types. Celles-ci peuvent essentiellement avoir trois fonctions : • relancer la tension ; • proposer une scène qui soit assez spectaculaire ou intéressante à peu de frais ; • créer une diversion ou occuper les joueuses le temps que vous trouviez autre chose. En d’autres termes, ces scènes peuvent être considérées comme de simples rustines. Toutefois, elles peuvent se montrer très utiles, surtout si vous n’avez pas l’expérience ou la confiance pour pouvoir les improviser à la volée. Comme pour le point précédent, vous pourrez trouver de nombreuses ressources en ligne. N’hésitez pas à vous inspirer du cinéma (voir « Adapter une œuvre pour en faire un scénario » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 55), notamment d’action, et à reprendre les scènes de votre film préféré. En effet, vous serez sans doute plus à l’aise si vous élaborez votre propre liste en fonction du jeu auquel vous jouez, et de ce que vous vous sentez prêt à improviser. Voici quelques exemples : • mener une course-poursuite au sein d’une procession populaire, d’un carnaval ou d’une parade ; • combattre sur des échafaudages, où il faut à la fois se rattraper, manœuvrer dans un espace exigu, sauter d’une plate-forme à l’autre, etc. ; • essayer de trouver la sortie dans un bâtiment en flammes et aider les autres victimes ; • se battre en duel sur une scène, dans un parc ou tout autre lieu public, mais en devant maintenir l’illusion que l’affrontement fait partie du spectacle ; • courir sur les toits avant que l’un d’eux ne s’effondre et que les deux protagonistes se retrouvent entourés d’enfants et doivent parlementer poliment ; • secourir un quidam qui vient de hurler et donc de trahir la présence de plusieurs ennemis des PJ ; • etc. Essayez chaque fois de prévoir trois moments pour ces scènes, par exemple avec une situation initiale, une complication et un possible retournement de situation. Lors de celle dans le bâtiment en flammes, les trois étapes peuvent être de voir son chemin de sortie bloqué par l’incendie, d’entendre des gens ayant besoin d’assistance même s’il faudra fournir de nombreux efforts pour les rejoindre, puis de trouver une solution alternative contre-intuitive en faisant sortir tout le monde par le toit.

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H. Tout ce qui a été créé dans les séances précédentes

Ce point peut sembler évident, mais bien trop de meneurs l’oublient fréquemment. Si vous cherchez à vous constituer un kit pour une campagne au long cours, prenez bien soin de conserver tout ce qui a été utilisé, créé ou improvisé dans les séances précédentes : la missive donnée au garde, le plan du manoir, etc. (Voir Prendre des notes p. 127.) Tous ces éléments pourront être utiles dans l’avenir, et ils constitueront de bonnes aides de jeu qui vous permettront à la fois d’improviser, de rester cohérent et de vous concentrer sur les conséquences des actions des personnages. Naturellement, vous pouvez aussi y intégrer le résumé des parties.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• peuvent être facilement adaptées selon le style de jeu de chaque MJ et ce qui lui sera réellement utile en partie ; • fonctionnent pour tout type de jeu et d’univers ; • permettent de consacrer davantage de temps à l’essentiel de la séance, tout en restant libre de suivre ses envies et celles des joueuses ; • démultiplient la capacité du MJ à improviser ; • permettent de se rassurer et de limiter les dégâts sur ses points faibles ; • limitent l’encombrement et le temps passé à se préparer juste avant la partie. Inconvénients :

• demandent du temps d’adaptation à ses propres besoins, et du temps de préparation ; • doivent être préparées de façon quelque peu différente si le kit doit servir pour plusieurs jeux ou pour une campagne donnée ; • peuvent facilement donner envie de tomber dans la surenchère ; • doivent être renouvelées de temps à autre pour éviter la répétition, au moins pour certains outils ; • nécessitent de prendre des notes claires sur la façon dont les éléments sont utilisés durant les improvisations.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Construire un donjon, une méthode aléatoire p. 73, Improviser p. 125, Animer les scènes spéciales p. 191, Rassembler & Diviser p. 235, Jouer avec les aides de jeu p. 331. Jouer des parties de jeu de rôle : Garder la balle en l’air p. 113, Se renouveler p. 163.

Se servir des archétypes *

1. Description A. Présentation

Dans de nombreux manuels de règles, le terme « archétype » est utilisé pour désigner une option technique visant à accélérer la création de personnage. Généralement, elle consiste en une répartition anticipée de tout ou partie des points dont les joueuses disposent pour cette étape. Toutefois, cette utilisation dérive d’une autre, plus ancienne et bien plus connue. En 1919, le psychiatre Carl Gustav Jung appelle « figures archétypales » ce qu’il conçoit comme des représentations communes, issues de l’inconscient collectif, des principaux personnages tirés des différents mythes (comme le sage, l’innocent, l’explorateur ou le héros). Depuis, cette théorie n’a cessé de gagner en popularité et de se voir déclinée dans d’autres domaines, quitte à perdre l’essentiel de son contenu théorique pour devenir un simple outil pratique. Désormais, elle est souvent utilisée dès que l’on s’intéresse à la notion de personnage, que ce soit pour l’écriture de scénarios ou de romans, G.R.R. Martin allant jusqu’à s’en servir pour créer les divinités des Sept dans l’univers du Trône de Fer. Ainsi, elle peut également se montrer très utile pour le JdR. Elle est d’ailleurs utilisée presque telle quelle dans certaines mécaniques, comme les icônes de 13e Âge ou la nature et l’attitude de Vampire : la Mascarade. Dans le même ordre d’idées, cette fiche explique comment les archétypes peuvent vous aider à créer facilement des PNJ complexes, avec lesquels vos joueuses apprécieront d’interagir. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• pouvoir vite décrire et interpréter un PNJ inventé sur le pouce ; • diversifier le caractère et l’apparence de vos PNJ importants, ou montrer qu’ils ont plusieurs facettes ; • créer un arc narratif pour l’un d’entre eux.

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C. Variantes

L’utilisation d’archétypes connus est une base de l’interprétation des PNJ. On peut bien entendu faire sans, et développer cette technique ne limite pas ni n’accroît pas les possibilités autour de la table de jeu, mais elle permet de mieux comprendre ce que l’on fait et de le faire plus vite. Il n’existe donc pas de réelle alternative à leur utilisation à part imaginer chaque personnage indépendamment, exactement de la même façon qu’on le ferait pour un PJ. Toutefois, les listes d’archétypes sont nombreuses et constituent autant de variantes de cette technique. D. Mots-clés

Création de personnage, descriptions, improvisation, opposition, PNJ.

2. Mode d’emploi  Du fait de leur principe même, l’utilisation d’archétypes est assez intuitive. Par exemple, si votre univers s’y prête, vous aurez sans doute tendance à décrire un roi d’une façon conforme à la première image mentale qui vous vient à l’évocation de ce type de personnage. Selon toute probabilité, dans un contexte ressemblant à l’Europe médiévale, vous l’imaginerez plutôt comme un homme d’âge respectable, barbu, confiant, éloquent, sans doute un ancien chevalier qui n’a pas peur de mener ses hommes à la bataille. Éventuellement, celui-ci pourra protéger ou tyranniser ses sujets, mais il y a de fortes chances qu’il ressemble aux représentations traditionnelles du roi Arthur, de Charlemagne ou même de Zeus, et qu’il s’attende à être traité avec respect. Naturellement, vous savez pertinemment qu’il existe d’autres types de monarques, et si vous prenez le temps d’y réfléchir, vous pourriez le décrire de façon très différente. Seulement, lorsque l’on improvise autour de sa table de jeu, ce n’est pas toujours possible (notamment pour des questions de temps), et revenir à cette vision archétypale peut se faire sans grands efforts. Cet automatisme est loin d’être un problème. Par bien des aspects, un archétype est une sorte de « classe de PNJ », avec les mêmes avantages et inconvénients que celles traditionnellement dévolues aux PJ. Pour le dire autrement, et même si son côté « universel 1 » est discutable, il s’agit d’une forme de représentation communément admise de tel ou tel type d’individu et de ses interactions avec autrui. Il y a fort à parier qu’un personnage ainsi décrit correspondra aux attentes, mêmes inconscientes, des joueuses, qu’il leur paraîtra cohérent et qu’il ne s’opposera donc pas à leur suspension volontaire d’incrédulité. Ces éléments leur permettront de pouvoir anticiper suffisamment les 1. Si les premières théories psychanalytiques et anthropologiques sur les archétypes les décrivaient comme universels, cette conception semble de plus en plus poser problème aujourd’hui. Ce n’est pas la seule controverse à leur sujet, mais dans le cadre d’une utilisation ludique, probablement avec des joueuses partageant une culture proche de la vôtre, ces considérations ne devraient pas vous empêcher de tirer parti des archétypes présentés dans cette fiche.

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réactions du PNJ pour l’intégrer dans leur jeu, nouer des relations avec, voire s’y identifier. Il s’agit donc d’une ossature très solide à partir de laquelle vous pouvez élaborer. A. Utiliser une liste d’archétypes déjà établie

Lorsque vous avez besoin de rapidement imaginer un PNJ et de lui donner un minimum de personnalité, le plus pratique est sans doute de vous servir d’une classification d’archétypes déjà établie. Si vous en trouverez quelques-unes dans les prochaines sections de cette fiche, vous pouvez également piocher dans le tableau suivant. Ces archétypes reprennent ceux élaborés par John Truby dans son livre The Anatomy of Story, avec une légère adaptation. Tous ont notamment des qualités et des défauts, ce qui permet de facilement leur donner une certaine épaisseur. Malgré leurs dénominations, les catégories suivantes ne sont pas genrées. Archétype

Comportement

Qualités

Défauts

L’amant

Charmeur, il accumule les traits que sa culture considère comme séduisants, qu’il en soit conscient ou pas.

Compréhensif, attentionné, sensuel, passionné.

Tendance à s’effacer et à se perdre au contact des autres, ou au contraire à les forcer à se tenir dans son ombre. Il peut être amer, abusif, jaloux, envahissant, etc.

L’artiste

Fascinant, il hypnotise par son art et par sa façon si personnelle de voir le monde. Il peut aussi bien être timide qu’extraverti et exalté.

Créatif, passionné, inspirant, révèle la beauté et l’espoir.

Tendance au narcissisme, à l’arrogance, à l’intransigeance. Il peut croire qu’il est le seul à décider de ce qui est beau, ou vouloir recréer un monde à son image, quitte à bercer les autres d’illusions.

L’escroc

Plaisant et affable, il semble inoffensif, excentrique, ou particulièrement à l’aise dans certains cercles.

Astucieux, persuasif, charmant, assuré, audacieux.

Tendance à l’égoïsme, la manipulation, au mensonge. Il n’hésite pas à les utiliser pour arriver à ses fins.

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Souvent impressionnant physiquement, il en impose aussi par son charisme et ne se laisse pas faire. Il ne fait aucun mystère sur les personnes qu’il respecte ou pas.

Fort, courageux, protecteur, loyal.

Tendance à la violence, à la domination, voire à la cruauté et au manichéisme.

Le magicien

Surprenant, voire excentrique, il s’exprime parfois de façon sibylline, ou avec un vocabulaire désuet ou étrange. Son regard peut être fou, vague, toujours en mouvement, etc.

Clairvoyant et unique, il est capable de montrer et de comprendre d’autres aspects de la réalité. Il est doté de puissants pouvoirs, souvent mystiques, qui le rendent unique.

Tendance à la mégalomanie, à se laisser corrompre par la cupidité ou l’envie d’acquérir toujours plus de puissance, à mépriser ceux qui n’ont pas ses pouvoirs. Il peut aller jusqu’à essayer d’en faire des esclaves ou de détruire le monde pour son propre intérêt.

Le rebelle

Il peut aussi bien être charismatique et captiver les foules, qu’introverti mais talentueux. Il est des choses qu’il n’accepte pas et il le fait savoir.

Courageux, loyal, exalté, inspirant.

Tendance à ne pas proposer d’alternative constructive, à la destruction pure, au manichéisme, au fanatisme.

La reine ou la mère

Avenante, elle inspire confiance et donne envie de se confier. Elle montre une grande force de caractère et de la douceur. Elle est à l’écoute mais sait s’exprimer clairement.

Protectrice, aimante, attentive, empathique.

Tendance à vouloir contrôler la vie des autres et à ne plus leur laisser de liberté pour mieux les protéger, ou à susciter un sentiment de honte et de culpabilité pour les garder sous sa coupe.

Le guerrier

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Le roi ou le père

Dégage une certaine confiance en soi, du charisme, de la prestance, est éloquent et autoritaire.

Le sage

Calme, il sait prendre du recul pour analyser chaque situation. Il aime conseiller, expliquer, partager ses expériences et ses réflexions.

Meneur d’hommes, posé, prévoyant, déterminé.

Tendance à forcer les autres à suivre des règles strictes et oppressantes, à estimer qu’ils vivent uniquement pour le servir ou à se couper totalement de ses émotions.

Érudit, intelligent, pédagogue, pondéré.

Tendance à être paternaliste, à se montrer condescendant, ou à imposer ou ne tolérer que son point de vue. Orgueilleux, ses élèves sont un moyen pour lui d’asseoir sa réputation.

B. Singulariser l’archétype pour en faire un personnage consistant

L’archétype n’est qu’un matériau brut. Aussi, lorsque vous décidez de suffisamment vous attarder sur un PNJ pour utiliser cette technique, il est primordial que vous le personnalisiez. Vous ne vous satisferiez sans doute pas d’une joueuse qui résumerait son alter ego à sa classe. C’est exactement la même chose ici, faute de quoi votre archétype risque de rapidement tourner au mieux au cliché, au pire au stéréotype. La première chose à faire est donc de décrire le personnage et de l’imaginer dans son milieu, comme vous en avez sans doute déjà l’habitude. Rajoutez quelques détails, donnez-lui un style, un ton et il devrait commencer à prendre vie. Dans la mesure du possible, n’utilisez pas la première idée qui vous vient à l’esprit, mais la seconde. Ce petit exercice de gymnastique mentale peut paraître futile, mais il a l’avantage de vous épargner bien des lieux communs, surtout si vous devez aller vite et n’avez pas le temps de prendre du recul sur vos décisions. Pour plus de variété, vous avez aussi la possibilité d’utiliser ces descriptions pour insister davantage sur tel ou tel aspect de l’archétype, ou pour trouver de nouvelles façons de les faire expérimenter aux joueuses (p. 453). Par exemple, un personnage correspondant à la vision classique du rebelle tel qu’il est décrit dans la suite de cette fiche pourrait exprimer sa colère par des éclats de voix et de grands gestes dès qu’il est confronté à l’autorité, là où un autre pourrait se mettre à trembler de rage pour la contenir, ou peut-être lancer des répliques cinglantes d’un air narquois. Toutefois, assez rapidement, vous aurez certainement envie de singulariser encore davantage les archétypes les plus courants. Dans ce cas, le plus simple est d’intégrer

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volontairement une contradiction apparente ou un élément surprenant. Par exemple, ce dernier peut notamment concerner : • l’apparence du personnage : une professeure d’une université cotée et traditionaliste arbore un look punk ; • les préjugés sociaux et culturels : un obèse enchaîne les conquêtes amoureuses ; • son caractère  : une scientifique généralement débraillée, voire négligée, est toutefois maniaque avec son matériel informatique ; • ses manies : un médecin qui fume énormément. C. Bien connaître une ou plusieurs listes d’archétypes et leurs descriptions

Reprenons l’exemple du roi. Ce PNJ est donc relativement facile à imaginer parce qu’il existe déjà de nombreux exemples de personnages similaires dans les œuvres de fiction qui nous entourent, à tel point que cette figure est un archétype clairement identifié. Toutefois, même avec une représentation aussi commune, vous pouvez très bien manquer d’inspiration et, par exemple, ne vous souvenir que de quelques aspects qui la caractérisent. Dans une telle situation, vous familiariser avec les descriptions qu’incluent la plupart des listes d’archétypes pour les avoir en tête devrait vous aider à retrouver une vision d’ensemble. Mieux encore, en connaître plusieurs accroîtra votre marge de manœuvre. Quoi qu’il en soit, si vous ne souhaitez pas utiliser la classification présentée précédemment, le tableau suivant donne un aperçu des plus connues. Auteur et source

Nombre

Archétypes

Linda Edelstein

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L’aventurier, le patron, le conformiste, le traditionaliste, le créatif, le dépendant, l’excentrique, l’extroverti, celui qui est au mauvais endroit au mauvais moment, le craintif, le flamboyant, l’hyperactif, le solitaire, l’homme viril, le manipulateur, le passif-agressif, le perfectionniste, le bon ami, le pragmatique, le survivant, le mélodramatique, l’ultra-féminine, la victime

Carl Gustav Jung

12

Le sage, l’innocent, l’explorateur, le dominant, le créateur, l’ange gardien, le magicien, le héros, le hors-la-loi, l’amoureux, le bouffon, l’orphelin

Isabel Briggs Myers et Katherine Cooks Briggs

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L’architecte, le logicien, le commandant, l’innovateur, l’avocat, le médiateur, le protagoniste, l’inspirateur, le logisticien, le défenseur, le directeur, le consul, le virtuose, l’aventurier, l’entrepreneur, l’amuseur

John Truby

9

Le roi, la reine, le sage, le guerrier, le magicien, l’escroc, l’artiste, l’amoureux, le rebelle

Christopher Vogler, d’après Joseph Campbell

8

Le héros, le métamorphe, le gardien du seuil, le messager, l’ombre, le mentor, l’allié, le trickster 151

D. Combiner un archétype et un concept

Si l’exemple du roi correspond exactement à un archétype, ce ne devrait pas être le cas de la plupart des PNJ que vous mettrez en jeu. Il pourra alors être difficile de savoir instinctivement comment le dépeindre. Par exemple, au-delà du stéréotype, a-t-on une idée claire de ce que peut être la personnalité typique d’un esclave, ou d’un collectionneur d’art  ? Quelques références viennent instinctivement en tête 2, bien entendu, mais elles sont bien moins profondément ancrées et moins partagées. Aussi, lorsqu’un PNJ ne correspond à aucun archétype identifié, on peut essayer de l’envisager comme la combinaison d’un archétype et d’un concept, d’une faction, d’un lieu, etc. Par exemple, en restant sur la figure du roi, on peut voir Don Corleone du Parrain comme un roi mafieux et Spartacus, selon les moments, comme celui d’une communauté de gladiateurs rebelles ayant fui Rome ou comme l’image même du rebelle. Il suffit alors de personnaliser l’archétype choisi de façon à faire ressortir ce qui le caractérise (concept, faction, etc.). Comme on peut s’y attendre, chercher des combinaisons a priori inhabituelles peut parfois être un peu difficile, mais c’est aussi un moyen très efficace d’obtenir des PNJ mémorables. Par exemple, la combinaison d’un sage et d’un tueur en série peut sembler contre-intuitive, mais c’est sans doute aussi ce qui fait qu’Hannibal Lecter du Silence des agneaux était déjà un personnage marquant, avant même l’interprétation d’Anthony Hopkins. E. Utiliser un archétype à contre-emploi

Pour les rôles les plus évidents, il peut également être intéressant de prendre le contrepied et d’utiliser un autre archétype que celui qui est attendu. Par exemple, dans Léon, le personnage principal joue également un rôle de mentor et d’assassin (même s’il s’agit ici d’un tueur à gages et non en série). Mais là où Hannibal Lecter est extrêmement intelligent et que sa relation avec Clarisse Sterling ne laisse aucun doute sur qui est le professeur et qui est l’élève, Léon est inculte et apprend sans doute autant de Mathilda que l’inverse. De la même façon, on peut penser à un personnage comme Sarah Connor dans Terminator 2, qui est certes grandement défini par sa maternité, mais se rapproche plus de l’archétype du guerrier que de celui de la reine ou de la mère. F. Combiner plusieurs archétypes

De même, vous pouvez également créer des personnages uniques en croisant différents archétypes. Aussi grandiloquentes que puissent être certaines théories à leur sujet, il ne s’agit que d’outils et ils n’ont d’utilité que s’ils vous donnent des idées. Peu importe que vous les respectiez à la lettre ou que vous les combiniez. Que vous voyiez Han Solo comme un guerrier ou comme un escroc aura toujours moins d’importance 2. Faute de mieux, il est toujours possible d’adapter rapidement l’une d’entre elles. Cette technique est risquée car les joueuses peuvent reconnaître votre inspiration, mais elle reste un outil efficace pour se dépêtrer rapidement d’une situation difficile.

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que les idées que cela vous donnera pour créer des situations intéressantes ou pour l’interpréter. Aussi, n’hésitez pas à en faire une fusion de ces deux rôles, à combiner des archétypes issus de classifications variées (surtout lorsqu’elles ont des optiques complémentaires, comme chez Truby et Vogler par exemple), voire à décréter qu’un personnage correspond à telle catégorie à un moment donné, ou sous certaines conditions, et à une autre dans une situation différente. Ces outils ne sont pas des carcans et ne servent qu’à vous donner de l’inspiration. G. Faire évoluer un personnage grâce aux archétypes

Enfin, vous pouvez vous servir des archétypes pour mettre en place sans grand effort un arc de personnage (p. 213) assez intuitif. Cette façon de faire est plutôt utile pour les PNJ assez importants pour évoluer, mais pour lesquels vous n’avez pas le temps de suivre la même méthodologie que pour les PJ, ou lorsque vous décidez en cours de séance qu’un événement chamboule un personnage, mais que vous ne savez pas encore bien comment. Pour amorcer de tels arcs, vous pouvez essentiellement utiliser deux méthodes. La première est de mettre en avant la façon dont le PNJ oscille entre les aspects positifs et négatifs de son archétype, voire s’enfonce toujours davantage dans ces derniers, ou s’en libère. La deuxième est de le faire évoluer petit à petit d’un archétype à un autre. Par exemple, un sage se transforme en roi parce que, par souci d’efficacité, il crée une bureaucratie tyrannique dans un univers médiéval fantastique et sombre dans la mégalomanie au contact du pouvoir.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• permet de créer rapidement des personnages relativement complexes ; • peut être utilisée aussi bien pour de la préparation que pour de l’improvisation ; • se combine facilement à de nombreuses autres techniques. Inconvénients :

• peut se transformer en cliché sans personnalisation ; • peut tourner au stéréotype si on limite les archétypes à des visions réductrices (à ce sujet, voir « Dépasser ces clichés » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 227) ; • nécessite une certaine habitude avant d’obtenir des résultats convaincants lors d’une improvisation.

4. Exemple Lors d’une partie, les PJ sont capturés par la police et interrogés par deux inspectrices. Le meneur est un peu pris au dépourvu et doit rapidement improviser ces PNJ. Il décide que l’une d’elles correspondra à l’archétype du sage et l’autre à celui du roi. Il va mettre en avant l’intelligence de la première, qui sera bien plus efficace dans ses déductions et plus à même de comprendre quand les PJ lui mentent, mais aussi son 153

côté condescendant, qui peut l’amener à perdre son calme. Il en fait une très jeune femme, à peine sortie de l’école de police, pour prendre le contre-pied de la figure du vieillard. Il décide ensuite que la seconde, sa supérieure hiérarchique, sera une femme de terrain qui a gravi les échelons un à un. Elle est déterminée à découvrir la vérité et à rendre la justice, mais son côté autoritaire se manifeste aussi bien vis-à-vis des PJ que de sa collègue, généralement par un regard glaçant et un calme des plus intimidants.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Improviser p. 125, Incarner des PNJ p. 141, Passer du scénario à la campagne p. 317. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Interpréter un personnage p. 69, Dépasser ces clichés p. 227, Faire d’un incapable un héros p. 245, Jouer des génies p. 261, Ne pas être cette joueuse-là p. 329.

Utiliser des garde-fous pour les sujets difficiles *** 1. Description A. Présentation

Le JdR a beau être un média récent et ne pas avoir le prestige de certains de ses aînés, il n’en reste pas moins extrêmement riche. En effet, il est capable d’aborder des thématiques variées, y compris celles réputées très difficiles. De plus, sous certaines conditions, il propose des expériences uniques, à même de bouleverser ceux qui le pratiquent. Selon ses goûts, on peut apprécier de jouer une partie pour décompresser et retrouver la fantasy des origines, familière et rassurante, comme de courir les scénarios intenses spécialement conçus pour pousser les participants dans leurs retranchements. Mieux, on peut apprécier les deux et avoir assez de recul sur sa pratique pour savoir quand opter pour l’un ou pour l’autre. Mais quelle que soit sa préférence, la partie ne peut être réellement agréable pour tous que si l’on arrive à vouloir jouer ensemble, plus ou moins de la même façon et dans une disposition combinant une forme d’ouverture et de vulnérabilité consentie. Cet état d’esprit pourrait se résumer ainsi : se faire confiance mutuellement et, en cas de problème, prendre soin de l’autre et lui donner par défaut le bénéfice du doute, sans penser d’abord qu’il cherche à nous nuire, à nous piéger ou à nous manquer de respect. En psychologie, cet état d’esprit a un nom : la sécurité émotionnelle. Dans le cadre du JdR, où elle semble être devenue un sujet régulier de polémiques, elle est parfois comprise comme un ensemble de techniques visant à s’empêcher de ressentir quoi que ce soit d’intense ou de négatif, voire comme une forme de censure. Cette confusion est compréhensible vu que nombre de rôlistes ont découvert cette notion par l’intermédiaire d’un outil, la carte  X, qui permet effectivement à une joueuse de refuser tout ou partie d’une scène. Mais cette vision n’en est pas moins erronée. Il s’agit plus d’avertir de ses limites que d’en imposer, même si, bien entendu, les deux peuvent se

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confondre. L’objectif reste avant tout de créer ensemble la suite de l’histoire sans que personne n’en pâtisse, et donc de construire les conditions de la confiance évoquée précédemment, et de s’aider à prendre soin les uns des autres en cas de problème. C’est aussi se donner les moyens d’apprendre à doser, directement avec les autres joueuses, l’intensité de ce que l’on propose. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de sujets à éviter ou qu’il ne faudra pas, parfois, se restreindre. Cependant, ce n’est finalement guère différent que d’adapter le contenu de la partie lorsque l’on joue avec des enfants, ou d’éviter d’asséner une scène de ménage au personnage d’une joueuse que l’on sait vivre une période compliquée chez elle en ce moment. La plupart du temps, tous ces éléments ne nous empêcheront pas d’apprécier la partie. Et si on a trop peur que ce soit le cas, on pourra toujours faire une autre partie entre personnes averties. Dans la plupart des groupes, surtout si on joue entre amis et depuis longtemps, on considère que cette attitude relève du bon sens. Et il est vrai que si tout le monde a déjà pris ses marques, on peut faire l’économie de la plupart de ces techniques. Toutefois, même avec les meilleures intentions du monde, on peut aussi ne pas avoir exactement la même vision de ce qui constitue le bon sens. On peut aussi ne pas se connaître, se tromper, oublier, être surpris par son propre malaise, ne pas réussir à en parler, voire ne pas vouloir être celui qui gâche le plaisir des autres. Mais plus encore, on peut expérimenter, être pris dans l’enthousiasme, s’emballer. Bref, personne ne sait exactement ce qui va se passer au cours d’une partie, si ce n’est qu’on va probablement passer plusieurs heures avec des gens que l’on apprécie et ressentir un grand nombre d’émotions grâce à eux. En tant que meneur, vous avez la possibilité de mettre en place un dispositif pour vous assurer que ces émotions, positives ou négatives, soient celles recherchées et que tout le monde en profite. Non pas que le JdR soit dangereux, mais justement parce qu’il est passionnant. Ainsi, il l’est encore plus si l’on ne ressent pas de malaise, ou que l’on ne passe pas son temps à se demander si on n’y va pas trop fort, à regretter de ne pas avoir suivi ses idées, à réfléchir comment on n’aurait pas pu faire autrement, etc. Cette fiche essaye de vous montrer comment mettre en place un tel dispositif et quels outils utiliser. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• limiter les éventuels moments gênants et jouer longtemps avec le même groupe ; • permettre aux joueuses d’exprimer leurs limites, mais aussi leurs centres d’intérêt ; • s’assurer que la séance ne sera pas en partie gâchée par une maladresse ; • découvrir de nombreux outils porteurs d’approches complémentaires à la vôtre. C. Variantes

Les variantes des outils présentés sur cette fiche sont extrêmement nombreuses, et une section de celle-ci explique comment créer les siennes. Toutefois, il est également possible de résoudre une partie des problématiques présentées ici en utilisant une combinaison d’autres techniques présentes dans les fiches Établir le contrat social durant la 156

séance zéro p. 72, Gérer les tensions entre joueuses p. 104 et Débriefer p. 55. Il manquera certains aspects importants présentés ici, mais cela vous permettra néanmoins de mettre en place un dispositif intéressant et à même d’obtenir une adhésion plus large. D. Mots-clés

Début de séance, opposition, séance zéro, tripes.

2. Mode d’emploi  Cette fiche part du principe que vous n’avez pas l’habitude d’évoquer les problématiques liées à la sécurité émotionnelle. Aussi trouverez-vous d’abord quelques questions à vous poser afin d’évaluer vos besoins et en déduire une ligne directrice. Elle vous aidera à choisir les mécaniques les plus pertinentes parmi la trentaine proposées dans cette fiche. Celles-ci sont réparties en trois catégories : les outils préventifs, les outils palliatifs et les autres outils. Enfin, une dernière section présente quelques conseils pour leur utilisation concrète. A. Réfléchir à vos propres attentes

Au bout d’un certain nombre de parties, des situations en rapport avec la sécurité émotionnelle finiront invariablement par se produire. Si vous avez l’habitude de jouer, vous y avez déjà été très probablement confronté. Contrairement à l’image que l’on en a parfois, ces problèmes prennent rarement la forme d’une joueuse qui fond en larmes parce qu’une autre a réveillé un trauma enfoui depuis l’adolescence. Ils peuvent se manifester ainsi, mais bien plus souvent, ils le font de manières aussi diverses que deux membres de votre groupe qui commencent à ne plus se supporter à cause de ce qui vous semble être un détail, une joueuse qui ne revient plus ou que vous ne rappelez plus, des moments un peu gênants où vous ne savez plus si c’est le personnage ou la personne qui l’interprète qui réagit aussi vivement, voire où vous êtes embêté en jouant parce que vous ne savez pas si ce que vous vous apprêtez à faire risque d’être mal interprété ou mal vécu par une de vos camarades. Certains de ces inconvénients sont moins graves que d’autres, mais presque tous pourraient être évités sans trop de difficultés si on avait l’habitude de les aborder sereinement, et non de les taire jusqu’à ce qu’ils éclatent et provoquent une situation bien plus tendue que le problème initial ne l’aurait mérité. C’est pourquoi il peut être intéressant que vous définissiez à l’avance votre propre position par rapport à ces questions. Il ne s’agit pas de faire de votre réponse une sorte de table de la loi, mais juste de définir ce qui vous semble être un bon principe de fonctionnement, quitte à l’adapter à chaque fois que ce sera nécessaire. Non seulement cette réflexion vous aidera à mieux identifier les soucis quand ils se produisent, et donc potentiellement à faire en sorte de les désamorcer, mais également à garder un peu de distance si jamais la situation dégénère malgré tout. Bien entendu, vous pouvez en parler avec vos joueuses, et il est sans doute mieux de le faire (par exemple lors de

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la séance zéro [p. 72], ou d’un débriefing [p. 55]). Toutefois, étant donné que s’il y a une discussion vous allez probablement devoir l’animer 1, nous vous encourageons à commencer à y réfléchir par vous-même. On peut notamment citer les lignes de conduite suivantes, que l’on rencontre assez régulièrement, si ce n’est explicitées et théorisées, au moins appliquées : • on ne blesse personne 2 : cette optique implique de faire attention à ne pas créer ou utiliser un contenu qui puisse mettre qui que ce soit mal à l’aise. Et si on a le moindre doute, on s’abstient de faire courir un risque à ses partenaires de jeu. Ce choix s’accompagne généralement d’outils permettant de poser ses limites de façon claire (lignes, voiles, etc.). Il s’agit de loin de l’option la plus contraignante ; • on prend soin les uns des autres : cette ligne de conduite part du principe que l’on ne cherche pas à se mettre réellement mal à l’aise, mais que l’on reconnaît que cela peut arriver. Si l’on respecte les limites claires indiquées par les joueuses, on ne s’interdit pas d’expérimenter en dehors de celles-ci. L’essentiel n’est donc pas que l’on ne soit jamais mal à l’aise, mais que l’on puisse s’adapter immédiatement si cela se produit. Avec ce type d’approche, il est assez courant que les joueuses s’accordent sur les moyens de vérifier en cours de partie que tout va bien ; • tant que ça ne fait pas mal : cette approche consiste à jouer en essayant de se mettre un peu à l’épreuve, par exemple au travers d’objectifs antagonistes, mais sans aller jusqu’à faire du mal à l’autre d’un point de vue émotionnel. Les joueuses s’engagent à continuer à jouer si elles sont simplement mal à l’aise ou qu’elles trouvent que la phase de jeu est dure, mais à signaler si elles pensent que cela va trop loin, notamment parce qu’elles risquent d’en souffrir. Dans ce cas, leurs partenaires cessent immédiatement tout comportement considéré comme inopportun ; • chasse gardée : cette optique implique d’utiliser une des trois façons de faire précédentes sur la plupart des sujets et « je ne vous abandonnerai pas » (voir ci-dessous) sur un autre, bien défini. Autrement dit, si généralement on évite de se mettre mal à l’aise, voire on s’adapte si jamais cela se produit ou si on va trop loin, il existe quelques points identifiés qui seront présents quoi qu’il arrive. Il peut par exemple s’agir d’une campagne assez compétitive où l’on s’accorde sur le fait de ne pas remettre ce principe en cause, ou d’une autre où certains sujets pouvant poser problème apparaîtront de toute façon pour une raison ou une autre (« réalisme », principe de la campagne, etc.) ; • je ne vous abandonnerai pas 2 : cette approche part du principe qu’une joueuse doit s’attendre à en pousser d’autres dans leurs retranchements, et à ce que cela lui arrive aussi. Si c’est effectivement le cas, elle doit continuer à jouer avec le même engagement ; 1. En effet, vu qu’elles n’y auront pas forcément réfléchi à l’avance, il est probable que la plupart de vos joueuses considèrent que certaines choses iront implicitement de soi, alors que ce n’est pas forcément le cas. De plus, certains termes particulièrement difficiles à définir, comme safe, ont de grandes chances de prêter à confusion si personne ne prend le temps de structurer la discussion. 2. À ce sujet, voir Baker Meguey, More Alphabet Soup, http://fairgame-rpgs.com/index.php/fairgame/thread/32

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• hardcore ! 3 : aussi bien présente dans le jeu compétitif que dans le jeu collaboratif, cette ligne de conduite consiste à non seulement s’attendre à être poussé dans ses retranchements et à y pousser les autres, mais à le rechercher activement. En caricaturant, tout est autorisé tant que cela ne contrevient pas aux règles et au thème (genre, univers, ton, etc.). Généralement, les groupes choisissant cette approche cherchent à explorer une palette d’émotions rarement abordées (deuil, culpabilité, jalousie, passion, etc.), une intensité accrue (aussi bien pour les émotions négatives que positives) ou n’hésitent pas à décrire des contenus assez graphiques (sexe, horreur, gore, etc.). L’objectif est rarement de choquer, mais davantage de chercher à provoquer des sensations fortes. Ce choix permet une très grande variété de thèmes, et il est très plaisant quand tout se passe bien, mais il est aussi celui qui peut le plus facilement déraper. À ce stade, il est sans doute important de rappeler que, même si vous avez sans doute vos préférences, les lignes de conduite décrites ci-contre et ci-dessus sont toutes aussi légitimes les unes que les autres. Aucune n’est à éviter ou à privilégier de façon absolue. Leur pertinence dépend du contexte et de vos envies. Avant d’en discuter avec votre groupe, il peut également être intéressant d’essayer d’anticiper les différents éléments liés au contexte, c’est-à-dire à la fois au jeu, au scénario ou à la campagne, et aux personnes avec qui vous allez jouer (ou au cadre dans lequel vous allez jouer si vous ne les connaissez pas). Comme évoqué, selon toute logique, vous devriez en parler avec elles, mais le fait d’y avoir un peu réfléchi peut vous aider non seulement à poser vos propres limites, mais également à aider le reste de la table à le faire. Vous pouvez, par exemple, vous poser les questions suivantes : • est-ce qu’il y a des personnages ou des options de création de personnage qui peuvent perturber certaines joueuses ? Seront-elles gênées de ne pas voir d’autres types de personnages disponibles ? • est-ce qu’il y a des événements prévus qui peuvent gêner certaines joueuses ? Sans parler d’éventuels passages rappelant des traumas, il peut par exemple arriver que l’on attende des personnages qu’ils ne soient pas toujours irréprochables, ou qu’ils subissent des revers assez durs. Pour différentes raisons, toutes les joueuses n’y sont pas forcément prêtes ; • est-ce qu’il y a des situations qui peuvent facilement déraper ? ; • est-ce qu’il y a des choses que je dois éviter de faire devant ces joueuses ou d’autres personnes qui pourraient regarder la partie ? Ce peut être notamment le cas s’il y a des enfants, des joueuses qui ne sont pas habituées au JdR, ou qui entretiennent un rapport particulier avec vous qui pourrait être impacté par la partie (famille, collègues, couple ou ancien couple, ne s’appréciant guère, etc.) ; 3. Bowman Sarah Lynne, A matter of Trust – Larp and Consent Culture, https://nordiclarp.org/2017/02/03/ matter-trust-larp-consent-culture/

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• est-ce qu’il y a des sujets qu’il vaut mieux que j’évite ? Il peut aussi bien s’agir d’un thème sensible, par exemple lié au vécu récent d’une des joueuses, que d’une pomme de discorde due à une ancienne partie, une discussion politique, un passif entre deux joueuses, un sujet qui risque de susciter des moqueries, etc. ; • est-ce que certaines joueuses ont des préférences clairement marquées ou des phases de jeu qu’elles pourraient vouloir éviter, refuser de jouer  ou qui les stresseraient plus que de raison ? La compétition ou l’horreur peuvent par exemple créer des problèmes ; • quels sont les comportements que les joueuses sont susceptibles d’avoir et que je ne souhaiterais pas qu’elles aient ? Jusqu’au point d’arrêter la partie ? Quand cela se produit, est-ce que je préviens ou est-ce que j’arrête tout ? • est-ce que nous allons jouer dans des conditions qui sont plus propices à ce que les joueuses soient plus sensibles ou plus agressives ? Certains facteurs peuvent en effet participer au fait que certains événements qui seraient passés inaperçus lors d’une autre séance peuvent devenir plus gênants : fatigue, alcool, présence de certaines personnes, altercation ou grosse contrariété avant de commencer, etc. Comme les précédentes, ces questions ne sont que des exemples et il n’est pas nécessaire de vouloir répondre à tout. Si vous connaissez vos joueuses, vous devriez rapidement identifier les points qui méritent votre attention en priorité. B. Choisir des outils adaptés

Une fois que vous avez une idée assez claire de vos attentes et de celles de votre groupe, il est temps de réfléchir aux outils que vous allez mettre en place. Cette fiche en comprend certains, mais ils sont extrêmement nombreux et il en apparaît de nouveaux très régulièrement. Pour réussir à trouver ce qu’il vous convient, à vous et à votre table, il est donc préférable d’aller au-delà du simple catalogue pour comprendre leur fonctionnement. Ceci nécessite de passer par une étape supplémentaire. Tout d’abord, gardez à l’esprit que vous n’allez probablement pas appliquer un seul outil, mais plusieurs, et que ces derniers pourront prendre des formes très diverses. Certains sont très codifiés et conçus pour être remarqués, comme la carte  X ou la mise en place de mots de sécurité (safeword). D’autres passent presque inaperçus, voire sont utilisés de manière inconsciente, comme interroger du regard une joueuse pour vérifier que tout va bien, le lui demander lors d’un aparté, ou éviter d’aborder certains sujets parce que l’on sait qu’ils pourraient être difficiles. De fait, certains de ces éléments apparaîtront davantage comme du simple bon sens, plutôt que comme des techniques à part entière. C’est une très bonne chose et, la plupart du temps, si vous pouvez atteindre les mêmes objectifs de façon naturelle et sans que cela ne mette la pression à qui que ce soit, il serait dommage de s’en priver. D’autres fois, en revanche, il est utile de davantage marquer le coup. Quoi qu’il en soit, essayez de vous limiter à un très petit nombre d’outils clairement identifiés comme tels. Passé un certain stade, vous n’avez pas besoin de les multiplier. Cela ne vous permettra pas d’arriver au risque zéro et vous ajoutera de la pression, ainsi que des contraintes pour les joueuses. 160

Pour déterminer quels outils choisir, demandez-vous de quoi vous avez besoin pour que la partie se passe bien. Votre réflexion préalable sur votre ligne directrice et sur le contexte de jeu devrait vous y aider. Parfois, le jeu auquel vous jouez propose déjà des solutions. Pour l’instant, notez les fonctions dont vous avez le plus besoin sans réfléchir aux outils correspondants. En effet, à ce stade, il est plus important de savoir que vous voulez qu’une joueuse puisse avertir les autres en cas de souci que de déterminer si elle le fait par l’usage d’un mot de sécurité, d’un geste, d’une carte X ou tout simplement en interrompant la partie et en l’annonçant hors-jeu. Une fois en situation, vous ne pourrez pas forcément détecter qu’une joueuse va mal si elle ne vous le dit pas, mais serez sans doute prêt à l’écouter quel que soit le moyen qu’elle utilisera pour vous le signifier. De plus, comme nous allons le voir, il est toujours possible de créer ses propres outils pour répondre exactement à ses besoins. Voici quelques exemples de questions permettant de définir les fonctions dont vous avez besoin : • est-ce que tout le monde peut savoir avant de venir si la partie a de grandes chances de lui convenir ou pas ? • est-ce que les joueuses ont des moyens de savoir quand elles doivent insister auprès d’une de leur camarade, ou au contraire relâcher la pression ? • est-ce que l’on peut éviter que des joueuses soient mises mal à l’aise, voire poussées dans leurs retranchements, si elles ne le souhaitent pas ? • si cela arrive malgré tout, comment peut-on faire pour gérer les conséquences ? • est-ce qu’il y a des moyens prévus pour apaiser une éventuelle tension entre plusieurs joueuses ? 4 • est-ce que les joueuses peuvent avoir une idée de ce qu’elles ont bien ou mal fait afin de pouvoir s’améliorer et mieux connaître les limites de leurs partenaires ? • est-ce qu’une joueuse s’engage à rester jusqu’à la fin de la partie, ou peut-elle quitter la table si besoin, quitte à ce que cela empêche les autres de continuer ? Une fois que vous avez déterminé les fonctions prioritaires pour vous, ainsi que les besoins auxquels vous souhaitez répondre par des outils spécifiques, vient enfin le moment de choisir ces derniers. Les trois sections suivantes recensent différents outils à votre disposition. Toutefois, comme il en existe énormément et pour éviter d’en faire un inventaire à la Prévert, nous avons choisi de les regrouper en trois catégories : • les outils préventifs, qui sont principalement ceux qui sont utilisés en début de séance ou de campagne pour que chaque joueuse puisse définir ses limites et ce qu’elle attend de la partie ; • les outils palliatifs, qui sont surtout utilisés une fois qu’un problème est survenu. Le plus souvent, ils sont là pour en atténuer l’effet, et faire en sorte que le 4. Cette fonction est extrêmement importante. Elle n’est toutefois pas développée ici. En effet, elle fait déjà l’objet d’une fiche à part entière (voir Gérer les tensions entre joueuses p. 104).

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jeu puisse continuer, mais on peut également s’en servir à d’autres fins, comme pour demander davantage d’intensité, par exemple ; • les autres outils, qui sont essentiellement ceux qui n’ont pas pu être classés dans les deux catégories précédentes, mais qu’il nous semble intéressant de vous présenter. Pour vous aider à vous y retrouver, le tableau suivant récapitule les différents outils ainsi que la catégorie à laquelle ils appartiennent, puis un lien permettant d’aller audelà de ce qui est présenté sur cette fiche. Type d’outils

Outils préventifs

Outils palliatifs

Autres outils

Outil Atelier Avertissement C.A.T.S.

Pour aller plus loin Proposer et animer des ateliers (p. 682) – http://tinyurl.com/methode-cats

Casting



Lignes, voiles et palette

http://tinyurl.com/lignes-et-voiles

Questionnaire

http://tinyurl.com/questionnaire-exemple

Signalétique jeunesse



Carte X

http://tinyurl.com/x-card-rpg

Changements de script

http://tinyurl.com/changementsdescript

Demander à quelqu’un de partir

Gérer les tensions entre joueuses (p. 104)

Fonce, freine et coupez

http://tinyurl.com/fonce-freine-coupez

Lookdown

http://tinyurl.com/le-lookdown

Mots de sécurité

http://tinyurl.com/mots-de-securite

Signaux de soutien

http://tinyurl.com/support-flower

Techniques Luxton

http://tinyurl.com/luxton-techniques

Temps mort



Aparté

Donner des informations à une seule joueuse (p. 411)

Carte O

http://tinyurl.com/la-carte-o

OK check-in

http://tinyurl.com/le-check-in

Débriefing

Débriefer (p. 55)

Écoute active Pause Politique de la porte ouverte

http://tinyurl.com/ecoute-active – http://tinyurl.com/porte-ouverte

Sas de décompression

https://tinyurl.com/sas-de-decompression

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C. Les outils préventifs

Les outils préventifs sont donc ceux qui sont principalement utilisés en amont de la partie ou au début de celle-ci pour définir ce qui est permis, toléré ou encouragé lors du jeu. L’objectif est ainsi que les joueuses sachent ce que l’on aimerait qu’elles évitent, mais aussi ce que l’on attend d’elles. Si on excepte le cas très particulier de la carte X, ces outils sont sans doute les premiers auxquels on pense lorsque l’on réfléchit aux problématiques de sécurité émotionnelle. Bien entendu, la façon de les utiliser est très différente selon si avez déjà un scénario de prévu ou pas, ou selon votre capacité à improviser. Aussi, à chaque fois que l’une de ces approches est abordée lors de la discussion, n’hésitez pas à participer également et à clairement parler de vos propres besoins et limites. En revanche, si vous ne deviez pas respecter ce que vous demande une joueuse, par exemple parce que ce n’est pas possible au vu des thèmes de la partie, il est important de lui en expliquer les raisons à l’avance afin qu’elle puisse déterminer si elle souhaite participer tout de même ou pas, et pour éviter qu’elle se sente trahie une fois autour de la table. Parmi les outils préventifs, on peut notamment citer : • les ateliers, qui sont essentiellement de petits exercices préparatoires précédant la partie. Ils peuvent être destinés, entre autres choses, à briser la glace sur certains sujets sensibles afin de pouvoir les aborder plus librement en jeu, à essayer certaines autres techniques pour voir comment elles fonctionnent avant d’en avoir réellement besoin, ou à répéter certaines pratiques dans un espace neutre. Par exemple, si vous utilisez des outils peu courants comme le lookdown (p. 171), il peut être intéressant de les tester avec les joueuses afin de leur montrer comment s’en servir, et ainsi éviter de rendre qui que ce soit mal à l’aise par simple maladresse ou manque d’habitude. À l’inverse, comme évoqué dans la fiche Gérer les tensions entre joueuses (p. 104), un atelier visant à expérimenter des degrés de violence verbale variés, ou les différences de statut entre personnages, peut permettre à certaines personnes qui n’auraient pas été à l’aise de réellement jouer avec ces thèmes. La fiche Proposer et animer des ateliers (p. 682) vous donne plus de détails sur l’utilisation concrète de cet outil ; • l’avertissement est probablement la technique la plus évidente pour le meneur et, pour nombre d’entre eux, elle relève simplement du bon sens. Elle consiste à prévenir les joueuses, avant la partie, des éléments potentiellement problématiques de celle-ci, afin que ces dernières puissent choisir en toute connaissance de cause de participer ou pas. Toutefois, si avoir recours à cet outil semble tomber sous le sens, sa mise en pratique peut être un peu complexe, à cause, principalement, de trois facteurs : la difficulté à identifier ce qui peut être gênant pour les autres, l’arbitrage nécessaire entre la volonté de surprendre les joueuses et celle de leur éviter de mauvaises surprises, et le fait de ne pas pouvoir maîtriser tout ce qui se passe durant la partie. De notre point de vue, même si c’est imparfait ou incomplet, vous gagnerez toujours à prendre les devants et formuler un avertissement si vous pensez que certains éléments peuvent poser problème ; • C.A.T.S. est un sigle que l’on pourrait traduire par Concept, Accomplissement, Ton et Sujet. De façon similaire à l’avertissement, cette méthode permet principalement

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de s’assurer qu’il n’y ait pas d’incompréhension lorsque la partie commence. En effet, avant que celle-ci ne débute, le meneur définit avec les joueuses quatre éléments-clés : le concept du jeu ou de la campagne, ce que l’on attend que les personnages et les joueuses accomplissent (leurs objectifs, mais aussi le type d’histoire recherchée, etc.), le ton de la partie (sérieux, débridé, action, drame, humour, etc.) et les sujets, sensibles ou pas, qui seront abordés (mettent-ils quelqu’un mal à l’aise ? Quelles sont les limites des unes et des autres, etc. ?). Cette technique est clairement prévue pour prendre la forme d’une conversation, mais même si vous ne souhaitez pas en discuter avec vos joueuses, par exemple parce que vous vous servez d’un scénario déjà écrit, et ne vous intéressez pas aux problématiques de sécurité émotionnelle, nous vous encourageons à utiliser cet outil lorsque vous démarrez une campagne. Il vous permettra d’expliquer beaucoup plus clairement à vos joueuses ce dans quoi elles s’engagent ; • le casting est la technique qui consiste à sélectionner ses joueuses. Très courante dans le cadre du GN, elle l’est sans doute moins en JdR où la tradition est davantage de jouer avec un même groupe d’amis. Dans le contexte de cette fiche, le casting consiste surtout à ne pas proposer des parties à des joueuses qui, a priori, ne pourraient pas les apprécier. Cette technique peut sembler être à l’opposé de la plupart de celles figurant sur cette fiche, mais elle n’en est pas moins légitime, tout comme peut l’être le fait de proposer des parties réservées aux adultes ou à des experts de tel ou tel jeu. Dans le cas d’une campagne déjà en cours, ou de quelqu’un avec qui vous jouez fréquemment, nous vous encourageons cependant à ne pas choisir à la place de la joueuse concernée, mais à lui en parler et à lui dire pourquoi vous pensez qu’il vaut mieux qu’elle ne vienne pas cette fois-ci. De la même façon, cela peut également valoir le coup de se demander pourquoi faire cette partie sans elle, plutôt qu’une autre avec elle ; • les lignes, les voiles et la palette sont trois outils issus de deux gammes différentes, Sorcerer (plus précisément de son supplément Sex and Sorcery) et Microscope, mais nous avons choisi de les aborder ensemble. En effet, ceux-ci fonctionnent très bien de concert et sont régulièrement fusionnés. Les lignes sont les sujets que les joueuses ne veulent pas voir aborder du tout durant la partie, ni même évoquer. Les voiles sont ceux qu’elles ne souhaitent pas voir décrits ou joués, mais qui peuvent être évoqués ou se passer hors-champ. Initialement, la palette désigne l’ensemble des composantes que l’on souhaite soit bannir soit explorer dans la partie, mais ce terme prend de plus en plus ce second sens, et c’est notamment le cas ici. Pour utiliser cette technique, les joueuses (meneur inclus) doivent discuter ensemble, avant la partie, et définir quels sont leurs lignes et leurs voiles, et donner un ou deux éléments chacune qu’elles souhaiteraient aborder durant le jeu. Les lignes et les voiles ne sont ni obligatoires ni négociables : il suffit qu’une personne désigne un sujet comme ligne ou voile pour qu’il le devienne automatiquement 5, mais on peut très bien ne pas vouloir en ajouter à ce qu’a déjà défini le groupe. Les joueuses sont encouragées à déterminer leurs palettes ensemble ; • le questionnaire est un autre outil assez simple pour se faire une idée de ce qu’il est possible d’aborder ou pas durant une partie. Il s’agit de proposer une série de 5. Naturellement, un sujet à la fois défini comme ligne et comme voile sera considéré comme une ligne.

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sujets aux joueuses, et de leur demander ce qu’elles souhaitent éviter de voir apparaître en jeu et de vous adapter en conséquence. Si vous le souhaitez, vous pouvez faire vôtre la distinction entre lignes et voiles (voir point précédent) pour avoir des réponses plus précises. Vous pouvez également proposer certains sujets qui n’apparaissent pas dans votre scénario pour éviter que les joueuses ne puissent tout deviner, ou leur laisser la possibilité de rajouter des éléments auxquels vous n’auriez pas pensé. Cet outil a principalement deux avantages : il n’implique pas que les joueuses en parlent les unes devant les autres (pour celles que cela gênerait), et il peut être envoyé à l’avance lorsqu’il est compliqué de réduire le temps de jeu effectif. Ce second point peut par exemple être critique lors de parties événements, ou organisées avec un timing très précis. En revanche, il a de très nombreux désavantages par rapport à une discussion classique. Par exemple, il est impossible de rebondir sur les idées des autres, de préciser exactement ce que l’on souhaite, et il est probable que répondre à un questionnaire soit perçu comme une corvée : il sera donc parfois rempli très rapidement, sinon de façon distraite, par les joueuses ; • la signalétique jeunesse (script rating) est un outil apparu dans Breaking the Ice, qui se fonde sur la classification des films visant à déterminer quel est le public adapté. En effet, le jeu a pour thème les trois premiers rendez-vous d’un couple potentiel, et il était donc pertinent de se mettre d’accord sur la place que prendrait le sexe dans la relation de ces personnages. Le tableau ci-dessous montre à quoi correspondent les diverses classifications. Depuis, cet outil a été utilisé pour d’autres problématiques que le sexe, comme la violence. Il est peu précis, mais a l’avantage de donner aux joueuses une idée immédiate du ton de la partie. Même si peu de gens le savent précisément, tout le monde a une idée intuitive de ce que l’on peut trouver dans un film interdit à telle ou telle tranche d’âge. Niveau

Classification américaine

Équivalent français

Signification pour la partie

G

General audiences

Tout public.

Pas de sexe.

PG

Parental guidance

Sexe seulement sous-entendu.

PG-13

Parents strongly cautioned

Accord parental souhaitable. Accord parental indispensable ou interdit aux moins de 12 ans.

R

Restricted

Public adulte ou interdit aux moins de 16 ans.

Scènes de sexe apparaissent à l’écran, mais ne sont pas montrées de façon graphique.

NC-17

No children 17 or under

Interdit aux moins de 18 ans

Sexe peut être montré de façon graphique.

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Sexe ouvertement évoqué.

D. Les outils palliatifs

Contrairement aux précédents, les outils palliatifs s’utilisent surtout une fois que la partie est en cours, et presque toujours en réaction à un fait de jeu qui est en train de se produire ou qui vient d’arriver. Généralement, leur fonction est de régler temporairement un problème de façon à éviter qu’il n’empire, et de pouvoir continuer la partie. Toutefois, comme certaines de ces techniques servent à modifier l’intensité d’une scène, elles peuvent également être utilisées pour demander aux autres joueuses de l’augmenter. a) Les limites des outils préventifs

À première vue, l’utilité de ces techniques peut sembler discutable. En effet, il devrait être évident que si l’on accepte de jouer à un jeu abordant des thèmes assez durs, comme Kult, les joueuses ne peuvent espérer y retrouver une ambiance proche de Ryuutama ou d’autres jeux réconfortants. D’une certaine façon, en cas de problème, elles ne devraient s’en prendre qu’à elles-mêmes. Sinon, à quoi servirait-il de mettre en place tous ces outils préventifs ? Comme on peut s’y attendre, s’il est effectivement peu probable qu’une joueuse expérimentée confonde ces deux jeux, cette vision n’en reste pas moins très limitée et discutable. Pour aller vite, disons que les outils préventifs vont effectivement limiter les risques, mais qu’ils ne sont pas pour autant infaillibles. De plus, ils ne seront que d’une utilité très restreinte si un problème se produit malgré tout. Le tableau ci-contre recense les principales raisons qui peuvent amener un tel problème à apparaître malgré l’utilisation d’outils préventifs. Cela ne veut pas dire que ces derniers sont inutiles, mais il est intéressant de connaître leurs limites, à la fois pour y pallier en cas de besoin, mais également pour vous aider à voir quels sont les cas qui peuvent plus facilement concerner votre table.

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Difficulté Anticiper le problème

Limite Connaître un jeu ne renseigne que partiellement sur ce qu’il va se passer durant la partie. Le meneur n’a peut-être pas la possibilité de facilement communiquer les points sensibles de sa partie à l’avance. Le meneur ne sait pas, au début de la partie, comment celle-ci va évoluer. On n’est pas forcément capable de citer à l’avance tous les sujets qui peuvent nous toucher.

Se connaître

On ne peut pas parfaitement anticiper la façon dont on va réagir à un sujet donné, et être parfois plus touché que prévu ou avoir une mauvaise réaction. Ce qui est problématique à un moment donné de la partie ne va pas forcément l’être à un autre moment, ou dans d’autres conditions.

Connaître les autres

Ce n’est pas parce que l’on connaît et que l’on aime ses camarades que l’on sait tout d’eux. On n’a pas forcément envie de parler de ses problèmes avec le groupe. Le meneur ne sait pas toujours comment le reste de la table va interpréter ce qu’il met en scène.

Percevoir le problème

Un malaise ne va pas forcément être déclenché par une scène ou une thématique sensible, ni même un élément important du scénario. Ce n’est pas forcément le participant dont le personnage est en difficulté ou confronté à un élément horrible qui va ressentir le malaise. On ne sait pas forcément détecter quand un participant à un problème. Parfois, le problème n’apparaît pas sur le moment, mais après la partie.

b) Le fonctionnement d’un outil palliatif

Il existe des outils palliatifs depuis sans doute aussi longtemps que le JdR. S’ils n’étaient pas aussi formalisés et nombreux qu’aujourd’hui, le besoin de recadrer une joueuse ou un meneur, comme celui de faire un commentaire hors-jeu n’a attendu ni ces dernières années, ni cette fiche. Néanmoins, malgré leur nombre, la plupart de ces outils fonctionnent autour d’une structure semblable. La connaître permet d’identifier beaucoup plus facilement les différences entre deux approches, mais aussi de créer exactement les outils qui correspondent à vos envies, sans vous demander s’ils existent déjà. Même s’il s’agit d’une lapalissade, le plus simple est sans de se rappeler qu’un tel outil est un moyen d’envoyer [un signal] à [un ou plusieurs destinataires] pour produire [un effet].

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1. Les destinataires En ce qui concerne les destinataires du signal envoyé grâce à l’outil, les choix sont assez limités et assez évidents. Il peut essentiellement s’agir : • du meneur ; • d’une joueuse ; • d’un ensemble de joueuses ; • de toute la table. 2. Le signal En revanche, sur la nature du signal en lui-même, les possibilités deviennent plus nombreuses et méritent sans doute plus d’attention. Il n’est d’ailleurs pas rare que la seule chose qui différencie deux outils soit justement la façon d’avertir de la présence d’un problème. Vous pouvez notamment : • dire tout haut et sans discrétion aucune qu’il y a un problème ; • utiliser des techniques de communication non verbales (regards, etc.), qui présentent le risque de ne pas être comprises ; • faire des gestes dont le sens semble naturel ou a été convenu à l’avance, de façon plus ou moins discrète ; • prononcer un mot de sécurité ; • en discuter en aparté ou lors d’une pause ; • écrire sur un papier à traîtrise ; • utiliser une carte ou un autre accessoire ; • etc. Le choix du signal peut dépendre de nombreux facteurs, comme la nature des destinataires, mais également de la capacité du MJ à le percevoir, de ce qui a été convenu à l’avance, de l’envie de laisser d’autres joueuses continuer leur scène sans pour autant les déranger, etc. Ce paramètre peut notamment être important pour vous permettre de gérer certaines situations en douceur (voir Donner des informations à une seule joueuse p. 411) sans que cela nuise à la partie, ou au contraire pour marquer le coup si cela s’avère nécessaire. Toutefois, il a beaucoup moins d’importance lorsque c’est une joueuse qui essaie de communiquer avec vous. En effet, si elle tente de vous signaler son malaise ou, plus globalement, que la situation ne lui convient pas, l’essentiel est que vous le perceviez et le preniez en compte, pas la façon dont elle transmet ce message. Et pour le jeu en ligne ? Dans ce cas particulier, bon nombre de ces procédés ne sont plus applicables. Toutefois, certaines communautés de joueuses en ligne ont pris l’habitude d’utiliser des outils clairement identifiés en tapant juste un symbole ou une lettre en majuscule dans la fenêtre de chat privée du meneur, des joueuses concernées, ou à la vue de tous. Ainsi, un X majuscule correspond à l’activation d’une carte X, un O à une carte O, etc.

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3. L’effet Enfin, il reste à voir l’effet que provoque le signal une fois transmis aux destinataires. Là encore, si les possibilités sont déjà particulièrement nombreuses et qu’il en reste sans doute encore beaucoup à découvrir, les effets de la majorité des outils peuvent se résumer à la liste suivante : • faire cesser une scène en cours ; • passer directement à la scène suivante ; • recommencer une scène autrement ; • quitter une scène ou éviter d’y intervenir ; • enlever un élément sensible ; • demander à baisser ou à augmenter l’intensité de la scène ; • faire une pause ; • montrer son intérêt ou valider les apports d’un participant ; • vérifier que tout va bien 6 ; • quitter la partie. Naturellement, cette liste n’a rien d’exhaustif et il existe des outils qui proposent des combinaisons ou des ensembles d’effets y figurant. C’est par exemple le cas de la technique des changements de script. D’autres paramètres peuvent entrer en ligne de compte, comme le besoin d’expliquer les raisons d’une éventuelle interruption, ou au contraire la possibilité de ne pas le faire, mais, en partant du principe que tout le monde joue le jeu (voir encadré p. 173), ils devraient être moins importants et pouvoir être gérés au cas par cas. Nous vous encourageons toutefois à bien distinguer les techniques pouvant être utilisées pour repousser ses limites (certains mots de sécurité, le triptyque « fonce, freine et coupez », etc.) et ceux servant à les faire respecter (carte X, techniques Luxton). Malgré des similitudes évidentes, leur usage n’est pas forcément le même. c) Quelques exemples d’outils palliatifs

Nous avons sélectionné une dizaine d’outils palliatifs qui nous semblent intéressants à découvrir, que ce soit pour les appliquer ou pour s’en inspirer. Les voici : • la carte X est sans doute l’outil de sécurité émotionnelle qui a fait couler le plus d’encre. Il s’agit d’une carte ou d’une feuille de papier sur laquelle on a tracé une croix. N’importe quelle joueuse peut la brandir (ou la toucher du doigt s’il n’y en a qu’une pour toute la table) lorsqu’un élément qui la met mal à l’aise apparaît pour le retirer de la partie. Ces éléments indésirables peuvent être aussi variés qu’une scène, un PNJ sujet à certaines addictions, une proposition trop décalée, etc. La joueuse qui active la carte X n’a pas à expliquer les raisons qui la poussent à vouloir retirer ce contenu de la partie, mais uniquement à indiquer ce qu’elle souhaite enlever. Naturellement, en cas de problème, qu’il s’agisse d’un malaise plus profond ou d’une gêne par rapport à 6. Des outils traitant plus particulièrement de ces effets sont présentés dans la section « Les autres outils ».

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l’utilisation de la carte, il est toujours possible d’en discuter en privé avec le meneur. À noter qu’il existe un certain nombre d’accessoires inspirés par la carte X, dont la carte  N, qui permet à une joueuse d’indiquer que le malaise grandit afin que son interlocuteur puisse faire le nécessaire pour rectifier le tir avant d’aller trop loin, ou qu’elle ne décide d’utiliser une carte X ; • les changements de script se présentent comme une boîte à outils. Celle-ci en regroupe effectivement une dizaine et est organisée autour d’une thématique rappelant les magnétoscopes, ce qui peut sembler incongru de prime abord, mais en renforce grandement l’appropriation par les joueuses. Si cette approche suggère de commencer par identifier une signalétique jeunesse pour sa partie, elle propose ensuite six actions destinées aux joueuses qui peuvent être activées par des cartes, des gestuelles ou en le demandant : avance rapide, image par Image, lecture, pause, replay et retour rapide. Le tableau ci-dessous résume leur fonctionnement. Enfin, deux outils de débriefing sont proposés. Le premier, « les meilleurs moments » est uniquement positif et vise à laisser chacun s’exprimer sur ce qui lui a particulièrement plu dans la partie, comme une scène, une interaction, un PNJ, etc. Le second, « le bouclage », est optionnel et sert davantage à discuter constructivement après la séance de tout ce qui doit l’être, des points à améliorer, etc. ; Symbole

Fonction Avance rapide

Demande de la joueuse Écourter un contenu déplaisant, comme une description trop sanglante ou une scène qui s’éternise, pour passer à la suite.

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Image par image

Prendre son temps pour jouer la scène en cours, que ce soit pour pouvoir en profiter ou parce que la joueuse n’est pas sûre de ce qu’elle va faire.

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Lecture

Reprendre le cours normal de la partie, notamment après une pause, un replay ou un image par image.

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Pause

Prendre une courte pause, par exemple parce que le contenu est trop intense, ou pour pouvoir en discuter.

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Reprendre

Reprendre le cours normal de la partie, notamment après une pause, un replay ou un image par image.

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• demander à quelqu’un de partir est rarement la première mesure que l’on souhaite entreprendre, même lorsque des problèmes apparaissent en cours de partie. Toutefois, il arrive que ce soit la décision qui s’impose, car vous estimez qu’il est désormais impossible de continuer avec une joueuse, ou parce que vous êtes incapable de

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gérer ce dont a besoin une autre pour apprécier les parties. Dans tous les cas, il vaut mieux en parler avec la concernée de façon claire et correcte. Pour plus de détails, voir Gérer les tensions entre joueuses p. 104 ; • fonce, freine et coupez est un ensemble de trois mots de sécurité un peu particuliers, souvent utilisés ensemble. Les deux derniers sont employés depuis les années 1990 dans le milieu du GN norvégien, alors que le premier est un ajout plus récent. Une joueuse qui ne se sent pas à l’aise ou poussée dans ses retranchements peut dire « freine » pour signifier à la personne avec qui elle parle de continuer à jouer mais d’y aller plus doucement. « Fonce », au contraire, correspond à une demande d’augmenter en intensité et de ne pas avoir peur de se lâcher davantage. Il est courant d’utiliser des gestes pour éviter de trop interrompre ses partenaires de jeu ou de créer de la confusion. Dans ce cas, « fonce » se communique en faisant le signe « plus haut » avec la main (main à plat, paume vers le haut) et « freine » avec le signe « plus bas » (main à plat, paume vers le bas). Enfin, « coupez » arrête la partie immédiatement et signale à toute la table qu’il y a un problème à régler avant de se remettre à jouer. Le geste traditionnellement associé est de faire une croix avec ses mains en posant le tranchant de l’une sur la base du pouce de l’autre, et de la positionner à hauteur de regard. L’usage de ces trois mots de sécurité est bien plus aisé dans les parties où les joueuses font peu de hors-jeu ; • le lookdown (baisser le regard) est une technique assez inhabituelle mais qui peut permettre une échappatoire bienvenue. En mettant sa main devant les yeux, une joueuse peut signaler simplement au meneur ou à une de ses camarades qu’elle ne souhaite pas participer à la scène, ce qui peut notamment être utile en cas de cadrage dur (voir Mettre une scène en valeur p. 497). Dans certains cas, cette technique peut également signifier que son personnage quitte les lieux parce qu’elle ne souhaite pas interagir pour l’instant. Peu importe les raisons qui poussent la joueuse à prendre ainsi du recul, qu’elle ait besoin de récupérer, de téléphoner ou qu’elle soit mal à l’aise. Le reste de la table doit faciliter son départ tout en minimisant les interactions, puis, quand elle souhaitera revenir, son retour. À noter que même si nous ne le détaillons pas ici, il existe également des techniques permettant de demander au meneur ou aux autres joueuses d’être au contraire impliqué dans une scène ; • les mots de sécurité sont un outil très répandu dans les activités où il est difficile de percevoir si celles-ci suivent leur cours de façon normale ou pas. C’est par exemple le cas lorsqu’une partie de cette dernière consiste à simuler des problèmes (BDSM, GN, JdR, catch, etc.), mais aussi pour avertir d’un danger imminent, mais difficile à percevoir (rugby, certains arts martiaux, etc.). Le principe général est que certains mots spécifiques ont également un sens hors-jeu qui peut venir influer sur le comportement des joueuses. Les exemples les plus connus ont été présentés dans « fonce, freine et coupez », mais il en existe bien d’autres. Certains mots peuvent être utilisés par le meneur pour avertir qu’une scène particulière est sur le point de commencer, par exemple pour éviter toute mauvaise surprise à une joueuse qui ne serait pas à l’aise, ou lui demander de quitter la pièce pour quelques minutes. Une autre astuce consiste à s’en servir pour informer une joueuse qu’une phase de jeu est perdue d’avance, afin

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qu’elle puisse interpréter la frustration et les actions désespérées de son personnage, sans le vivre comme une injustice ni vendre la mèche à ses camarades 7. Des usages similaires sont possibles entre joueuses ou pour avertir le meneur d’un besoin identifié à l’avance (sortir, ne pas commencer une scène trop dure, faire débuter l’action, etc.) sans devoir en parler à tout le monde. Le choix des mots de sécurité se fait généralement avec un soin zélé. Certains préfèrent ceux pouvant être dits par les personnages pour privilégier l’immersion. D’autres privilégient des mots incongrus pour s’assurer qu’ils ne passent pas inaperçus. D’autres, encore, choisissent de redoubler un mot identifié, comme « vraiment, vraiment » afin d’essayer d’obtenir le meilleur des deux mondes. De notre point de vue, autour d’une table de jeu, ce choix n’est pas aussi capital que l’on veut bien le croire. Aussi, choisissez surtout en fonction de deux paramètres, mais en sachant que vous avez le droit à l’erreur  : est-ce que les autres joueuses doivent comprendre qu’il se passe quelque chose ? Est-ce que vous pouvez vous permettre de ne pas remarquer l’utilisation du mot de sécurité en question ? À noter qu’il est également possible d’opter pour des mots de sécurité corporels, c’est-à-dire des gestes identifiables, lorsque l’on ne peut pas ou ne veut pas parler ; • les signaux de soutien sont un autre outil venant du monde du GN. Assez simple, il est proche dans l’esprit de « fonce, freine et coupez », même s’il ne permet pas d’interrompre une scène. Au contraire, cette approche se concentre davantage sur la coordination des envies lors d’une interaction prolongée, comme un dialogue. Son usage peut également être intéressant pour animer un combat entre PJ sans pour autant sacrifier ni leur style ni les personnages eux-mêmes. En effet, avec un peu d’habitude, cette technique est un bon moyen de se coordonner sans que la scène ou la partie n’en pâtisse. Chaque joueuse dispose ici de trois éléments de couleur identifiés : un vert, un orange et un rouge. Des dés peuvent être amplement suffisants. Lors d’une phase de jeu, chaque joueuse peut demander à faire varier l’intensité de la scène en établissant un contact visuel avec son interlocuteur, et en pointant un des trois objets de couleur. L’objet vert signifie la volonté d’augmenter l’intensité, le jaune de faire attention ou de ralentir, et le rouge correspond à une demande de ne pas aller dans cette direction et de plutôt choisir autre chose. Cet outil a notamment été adapté sous la forme de ce que l’on appelle « la fleur de soutien ». Il s’agit d’une version un peu plus complexe prenant la forme d’une feuille en forme de fleur posée sur la table, et où les joueuses peuvent non seulement pointer une couleur, mais également un message plus spécifique selon la zone désignée. • les techniques Luxton sont en fait trois techniques notamment conçues pour les personnes qui pourraient avoir un problème en partie, mais qui, si cela produit, souhaitent davantage que leurs camarades les aident et les soutiennent plutôt qu’ils fassent pudiquement semblant de ne rien avoir vu. Si cette approche est simple à mettre en œuvre, elle n’en est pas moins très loin d’être neutre et peut s’avérer trop exigeante pour une séance en one shot ou avec un groupe de personnes avec qui vous n’êtes pas déjà proches. En effet, au lieu de chercher des solutions pour continuer à jouer malgré 7. Généralement, le personnage survit à la phase de jeu, même si cela n’a rien d’obligatoire.

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d’éventuels problèmes, elle implique de parler frontalement des soucis potentiels, ce qui n’est pas toujours facile, et de privilégier le bien-être des participants sur la continuité de la partie, quitte à arrêter cette dernière. Le premier outil consiste en une discussion ouverte et sincère avant la partie à propos de tout ce qui peut rappeler des événements traumatiques et déclencher des malaises profonds. Naturellement, personne n’est contraint d’expliquer son passé plus que nécessaire. Toutefois, comme il est impossible de penser à tous les problèmes qui pourraient apparaître, l’intérêt est ici de vraiment comprendre ce qui peut gêner les autres joueuses, plutôt que de les écouter énoncer des limites. Le deuxième outil consiste à encourager les joueuses à exprimer ce qu’elles veulent ou ce dont elles ont besoin lorsqu’elles sont confrontées à du contenu dérangeant. Il peut s’agir de choses aussi variées que de vouloir un verre d’eau, demander que son personnage ne subisse pas trop de violence, que son secret soit révélé d’ici à la fin de la séance, voire d’arrêter la partie pour discuter des difficultés éprouvées. Enfin, la troisième technique consiste à prendre l’initiative de demander si tout va bien lorsqu’une joueuse semble en retrait, gênée ou mal à l’aise d’une façon ou d’une autre. L’accent est mis sur la capacité à ne pas trop s’imposer lors de cette vérification, à laisser le temps de répondre et à ne pas penser que l’on sait mieux que sa camarade ; • le temps mort consiste à faire une toute petite pause, généralement le temps de clarifier quelque chose d’absolument nécessaire pour la scène en cours ou de poser une question hors-jeu au meneur à une autre joueuse. Cette technique permet également de souffler quelques secondes suite à un passage difficile ou avant de devoir réagir à une description. Faire un « T » avec ses mains, comme font les entraîneurs de sports collectifs pour demander un temps mort pendant un match, est compris par tout le monde et signifie à la fois qu’on est hors jeu, pour éviter toute confusion, et que l’interruption va être extrêmement brève. Généralement, la scène dès qu’on disjoint ses mains et que l’on recommencer à parler. Que faire si quelqu’un ne joue pas le jeu ? Une crainte récurrente, lorsque l’on cherche à mettre en place ce genre d’outils, est que quelqu’un de mauvaise foi en abuse au point de rendre la partie invivable pour les autres. Par exemple, une joueuse pourrait abuser des mots de sécurité de façon à constamment interrompre la partie, ou formaliser des besoins qui, sous couvert de la préserver, ne sont que des moyens grossiers de mettre son personnage à l’abri. Si vous jouez dans le cadre amical, il est sans doute peu probable qu’un tel problème se présente, mais si cela devait être le cas, nous vous encourageons d’abord à vous assurer que la joueuse n’est pas réellement en détresse. Une fois cette possibilité écartée, et s’il s’agit bien d’un comportement abusif, faites tout simplement comme vous le feriez pour quelqu’un qui n’accepte pas de jouer au même jeu que le reste du groupe, ou qui franchit volontairement les limites des autres joueuses. Parlez-en avec elle de façon à vous accorder ensemble sur la meilleure attitude à adopter. Si elle ne souhaite pas le faire, ou si vous constatez lors des parties suivantes qu’elle ne fournit aucun effort, demandez-lui simplement de ne plus venir. Pour plus de détails, consultez Gérer les tensions entre joueuses p. 104.

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E. Les autres outils

Cette dernière catégorie concerne surtout les outils que nous n’avons pas pu vraiment classer dans les deux précédentes. La plupart d’entre eux sont beaucoup plus simples et semblent davantage relever du bon sens, mais il est parfois bien difficile d’avoir la présence d’esprit d’y faire appel lorsque le malaise s’est installé à la table. Quoi qu’il en soit, ces techniques n’en sont pas moins très utiles, et constituent de précieux compléments à celles déjà évoquées. Parmi ces outils, on peut notamment citer : • l’aparté, qui est une technique connue de tous et consiste à s’isoler avec une ou plusieurs joueuses, afin de communiquer avec elles sans que le reste de la table n’entende. Dans le cadre de la sécurité émotionnelle, elle peut notamment servir à s’assurer qu’une joueuse aille bien, permettre de lui poser des questions ou approfondir un élément particulier, de demander à une autre de lever le pied, voire de faire un rappel à l’ordre discret mais ferme, sans pour autant que la personne concernée ne se sente humiliée. Souvent boudé parce qu’il casse le rythme et implique de ne pas s’occuper d’une partie de la table, l’aparté est extrêmement utile et polyvalent dès que vous commencez à sentir un malaise à la table. Dans ce cas, il est régulièrement utile de prétendre introduire l’aparté pour une autre raison que celle qui vous motive vraiment ; • la carte O est, en ce qui concerne sa forme du moins, très proche de la carte X. D’ailleurs, vous pouvez recycler le verso de cette dernière à cet effet si vous le souhaitez. Son utilisation en revanche est, comme on peut s’y attendre, légèrement différente  : lorsqu’une joueuse brandit ou touche la carte O, elle montre qu’elle apprécie ce qui est en train de se passer et qu’elle souhaite que la phase en cours continue. Cet outil est donc surtout utile pour montrer son approbation. Il peut également être employé pour répondre à une interrogation de ses camarades ou du meneur sans avoir à prendre la parole et interrompre la scène en cours. Cela peut notamment se produire quand son personnage n’est pas impliqué, et que celui d’une autre joueuse fait référence à ce qu’il penserait. Dans ce cas, il est possible de simplement montrer la carte pour manifester son accord ou son enthousiasme. Le meneur peut poser une question similaire pour savoir si une scène a trop duré, par exemple. Ces usages secondaires peuvent être intéressants, mais sont généralement plus intrusifs et demandent plus de temps qu’un simple contact visuel suivi d’un hochement de tête. En revanche, bien que sous-estimée, permettre de montrer son approbation est une dynamique très efficace autour d’une table de JdR. Elle a un impact certain sur la motivation des joueuses et leur capacité à apprécier une séance ; • le OK check-in est un geste de la main qui permet de vérifier que tout se passe bien pour une joueuse donnée. Généralement, il s’obtient en joignant le pouce et l’index d’une même main de façon à faire un cercle vertical, la paume en direction de son interlocuteur. Il existe cependant d’autres gestes équivalents, comme celui de fermer le poing et de lever le pouce. Généralement, la joueuse peut répondre de trois façons. Elle peut indiquer que tout va bien en levant son propre pouce vers le haut. Elle peut signaler un problème en baissant son pouce, par exemple pour indiquer

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qu’elle a besoin d’aide, de temps, de pouvoir se mettre à l’écart ou autre. La dernière possibilité est de placer sa main à l’horizontale pour expliquer qu’elle ne sait pas vraiment. En général, cette réponse implique de rester vigilant et est, sur bien des aspects, à traiter comme un pouce vers le bas. Avec des rôles inversés par rapport aux signaux de soutien, cette technique peut être utilisée pour calibrer l’intensité d’une interaction lorsque l’on n’est pas certain de ne pas trop en faire. Enfin, même s’il est rare que ce soit plus pertinent que de poser la question directement, le OK check-in peut être collectif et fait à toute la table, ce qui vous permet par exemple certains usages décrits pour l’outil précédent, comme de poser des questions sur une scène sans l’interrompre ; • le débriefing est une autre technique assez courante qui peut être utile vis-à-vis des problématiques de sécurité émotionnelle. Pour plus de détails, consultez la fiche Débriefer p. 55. Comme évoqué auparavant, « les changements de scripts » proposent deux méthodes de débriefing spécifiquement adaptées à ces questions. Il en existe d’autres, comme celle des « étoiles et des vœux ». Elle consiste à ce que chaque joueuse cite une étoile, c’est-à-dire un élément qu’elle a vraiment apprécié dans cette séance, et un vœu, autrement dit quelque chose qu’elle souhaiterait voir dans la prochaine ; • comme la communication non violente (voir p. 111), l’écoute active est avant tout une méthode permettant de faciliter la discussion. S’il ne s’agit pas d’un outil que vous allez mettre en place collectivement durant les séances, ses principes pourront vous être très utiles si une de vos joueuses se sent mal et a besoin qu’on la soutienne. Aussi nous a-t-il semblé pertinent de la présenter ici. Commencez par vous asseoir avec la personne que vous voulez soutenir et à l’écouter. Si elle souhaite parler, mais ne sait pas par où commencer, demandez-lui ce qu’elle ressent ou ce dont elle a besoin. Écoutez-la avec attention. N’hésitez pas à lui poser des questions si vous ne comprenez pas quelque chose, mais gardez à l’esprit que c’est elle qui parle et qui explique et vous qui écoutez. Lorsqu’elle a fini ou est arrivée à un point où cela vous semble pertinent, résumez ce qu’elle a dit et vérifiez si vous avez compris. Ne vous contentez pas de reformuler, mais essayez également de mettre en perspective ce qu’elle dit, de poser des questions sur ses contradictions. Vous n’êtes pas là pour la juger, mais pour l’aider à s’exprimer. Si elle le souhaite, dites-lui ce que vous en pensez et, éventuellement, faites des propositions. Recommencez autant de fois que nécessaire ; • faire une pause paraît tellement enfantin que l’on oublie souvent qu’il s’agit d’une astuce comme une autre au sein de l’arsenal du meneur. C’est en effet un bon moyen de faire retomber un peu la pression et de servir de prétexte à une joueuse mal à l’aise pour s’isoler pendant quelques minutes, voire de vous donner le temps de réfléchir à comment animer une scène en en retirant le contenu potentiellement gênant. Demander une pause vous permet également d’utiliser la plupart des techniques propres aux apartés. Faites toutefois attention si vous interrompez momentanément la partie parce que vous avez l’impression qu’il y a un malaise entre deux joueuses, celui-ci pourrait bien s’envenimer hors-jeu durant la pause ; • la politique de la porte ouverte est une règle qui peut sembler tomber sous le sens, mais qui est en fait bien moins évidente une fois assis autour d’une table de

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jeu. Aussi vaut-il mieux la répéter aux joueuses régulièrement en début de séance : n’importe qui peut arrêter la partie ou faire une pause individuelle sans être jugé, notamment si c’est pour des raisons de sécurité ou de confort. Ni la joueuse ni le personnage ne vont perdre la face pour cela. Tous les groupes n’adhèrent pas forcément à cette position, mais si cela vous paraît pertinent, n’oubliez pas de le rappeler régulièrement aux joueuses ; • le sas de décompression, aussi appelé «  atterrissage  », est généralement un atelier (voir p. 163) ou une autre activité mise en place à la fin de la séance afin de permettre aux joueuses de passer par une étape intermédiaire entre la partie et leur quotidien. Ce n’est bien évidemment pas nécessaire pour toutes les séances, mais un tel outil peut être utile lorsque celles-ci sont fortes en émotions, tendues ou longues, par exemple. L’objectif est ici de réduire ce que l’on appelle le bleed, c’est-à-dire, dans ce cas précis, les émotions créées en jeu que la joueuse va avoir du mal à évacuer une fois celui-ci terminé. Les épilogues ont le défaut de ne pas fonctionner avec toutes les parties, mais ils ont l’avantage d’être un formidable outil pour créer une étape de transition. En effet, en permettant aux joueuses de dire quelques phrases sur ce que fera son PJ à un certain moment dans le futur, l’épilogue leur offre la possibilité de reprendre le contrôle sur leurs personnages, d’avoir une sorte de dernier mot, et de se projeter au-delà des émotions fortes et de l’immédiateté de la scène finale. Toutefois, leur utilisation n’est malheureusement guère répandue. Les débriefings, en revanche, sont très souvent utilisés comme sas de décompression. Il est également possible d’utiliser de nombreux petits rituels : continuer à discuter un peu, prendre le temps de ranger et de nettoyer l’espace où on joue, rentrer à plusieurs, boire un café, etc. Le sas de décompression n’a généralement pas besoin de durer longtemps, mais il est souvent soumis à une concurrence rude : besoin de partir avant le dernier métro, fatigue et envie de rentrer chez soi, etc. À noter que même si nous les avons rassemblées ici, principalement parce qu’elles sont encore très peu répandues, il existe également des techniques spécifiques de sortie de rôle (de-roling), venant à l’origine du théâtre et de la thérapie (psychodrame et dramathérapie). Il peut notamment s’agir de mouvements corporels, de parler du personnage à la troisième personne, d’enlever un accessoire particulier, de réfléchir à des défauts qu’il a et que l’on ne souhaite pas avoir, de ce que l’on aimerait garder de lui, etc. ; S’excuser Mettre en place tous ces outils vous aidera à limiter les risques de malaise ou à en réduire l’impact, mais, si vous n’êtes pas capable de vous excuser lorsque c’est vous qui dérapez, ils ne seront qu’un pansement sur une jambe de bois. Les dérapages font partie du jeu, mais par respect pour vos joueuses, ou au moins pour conserver la confiance qu’elles vous portent, il est parfois nécessaire non seulement de s’excuser, mais de bien s’excuser. Pour cela, nous vous suggérons de ne pas vous contenter de dire que vous êtes désolé, mais d’expliquer également de quoi et ce que vous allez faire pour éviter que cela se reproduise.

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F. Quelques derniers principes

Comme vous l’avez compris, cette fiche est très loin de vous avoir présenté la totalité des outils de sécurité émotionnelle, mais même la sélection proposée ici peut vous permettre d’opter pour des dispositifs très différents les uns des autres. Ceux-ci peuvent être plus ou moins faciles à présenter ou à utiliser. Fort heureusement, il existe un certain nombre de principes qui semblent s’appliquer à la plupart de ces outils. Aussi, en guise de conclusion, voici quelques mises en garde et autres conseils pour animer des séances impliquant de tels dispositifs : • souvent, la présentation et le discours qui accompagnent ces outils sont aussi importants que les outils eux-mêmes. Dans un cadre amical, envoyer le signal que l’on va faire attention à certains dérapages et que certains comportements ne sont plus les bienvenus suffit à ce que tout le monde essaie d’y mettre du sien ; • certaines joueuses peuvent avoir l’impression qu’utiliser ces outils signifie qu’elles sont faibles, moins compétentes, mauvaises perdantes, etc. Aussi, n’hésitez pas à montrer comment l’on s’en sert en le faisant vous, et ce très tôt dans la partie. Essayez de dédramatiser leur utilisation autant que possible. De la même façon, aidez les joueuses à comprendre que contrevenir par accident à une règle fixée ensemble n’est pas bien grave, et avoir recours à un de ces outils non plus ; • montrez que ces outils ne sont pas seulement là pour éviter le pire (et surtout pas pour uniquement se concentrer sur des événements traumatiques), mais aussi pour proposer des phases de jeu plus intéressantes. Vous pouvez par exemple expliquer comment le OK check-in peut servir à demander aux joueuses si une scène dure trop, ou si elle doit être accélérée ; • quoi que fassent les outils que vous utilisez, si vous avez dit aux joueuses qu’il se passerait quelque chose quand elles s’en serviraient, respectez votre parole et exécutez-vous. Ne trouvez pas d’excuses pour ne pas appliquer les effets attendus, même si cela vous oblige à réfléchir à une alternative à ce que vous aviez prévu. Utiliser ces outils n’est pas évident pour de nombreuses joueuses, alors ne leur donnez pas en plus l’impression qu’elles ne peuvent pas vous faire confiance ; • l’utilisation de ces outils n’est pas une excuse pour se comporter n’importe comment, même face à quelqu’un qui cherche à explorer ses limites ; • leur utilisation n’est pas non plus obligatoire. À part en cas de mauvaise foi manifeste, personne ne doit se voir reprocher ni l’utilisation de ces outils, ni leur nonutilisation. Ne pas avoir utilisé un outil à un moment donné ne veut pas dire que l’on ne le fera pas plus tard, ou dans d’autres conditions ; • vous pouvez essayer d’utiliser l’humour pour désamorcer une situation délicate, mais évitez de le faire aux dépens de la personne qui est déjà mal à l’aise, ou de celle qui a employé l’outil (si ce n’est pas la même) ; • même si des joueuses se livrent, évoquent des sujets intimes ou que vous êtes témoins d’une souffrance psychologique évidente, vous n’êtes ni psychologue, ni coach sportif. Ne faites pas l’erreur de le croire.

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3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• proposent une offre pléthorique grâce à laquelle il est possible de créer un dispositif correspondant exactement à ses besoins ; • peuvent être utilisées de façon naturelle et fluide, par exemple par la gestuelle, afin d’éviter de complexifier la séance ; • élargissent ce qu’il est possible de jouer lors d’une partie ; • permettent aux joueuses de gérer l’intensité des scènes de façon autonome, aussi bien pour l’augmenter que pour l’atténuer. Inconvénients :

• peuvent rajouter énormément de pression lorsqu’ils sont mal amenés ou expliqués : utilisation des outils, peur de mal faire, etc. ; • provoquent l’hostilité de certaines joueuses ; • nécessitent un apprentissage, et parfois des piqûres de rappel pour comprendre ce qui marche vraiment avec son groupe et ce dont il a besoin ; • peuvent créer des tentations diverses, par exemple de mettre en place un dispositif trop important, d’aborder les thématiques interdites ou de se croire autorisé à aller trop loin.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Organiser des parties, le b.a.-ba p. 17, Enseigner un jeu p. 93, Rassembler & Diviser p. 235, Rendre les choses personnelles p. 261, Créer des émotions particulières p. 277. Jouer des parties de jeu de rôle : Interpréter un personnage p. 69, Garder la balle en l’air p. 113, Jouer ensemble p. 129, Coopérer et Rivaliser p. 149, Dépasser ces clichés p. 227, S’entraîner p. 303, Ne pas être cette joueuse-là p. 329.

II scénariser

Choisir une structure narrative *** 1. Description A. Présentation

Les structures narratives peuvent être définies comme des schémas récapitulant les grandes étapes d’une histoire, une sorte de plan global qui n’est pas sans rappeler ceux que l’on pouvait faire avant d’écrire une dissertation au lycée. Elles sont à la fois un des concepts les plus évidents de la narratologie et un de ceux qui ont fait couler le plus d’encre, que ce soit pour les encenser ou les condamner. Néanmoins, la plupart de ces structures ne font que développer une idée très simple qu’Aristote expliquait déjà il y a plus de vingt-trois siècles dans sa Poétique : une histoire a un début, un milieu et une fin, et chacune de ces parties nécessite un traitement adapté. Selon la méthode choisie, il est bien entendu possible de détailler l’intrigue, ou d’insister sur tel ou tel aspect, mais l’essentiel est là. En JdR aussi, ces structures narratives peuvent être d’une aide précieuse, que ce soit pour la préparation ou l’animation de vos séances. Elles proposent une ossature qui sert à canaliser votre intrigue pour éviter qu’elle se disperse, ou qu’elle soit balayée au premier imprévu. En revanche, et c’est sans doute la principale source de confusion à leur sujet, aucune structure ne pourra jamais donner de la profondeur et de l’intensité à ce que vous allez jouer. Toutes s’emploient de façon comparable, et c’est avant tout votre capacité à rendre leur progression naturelle et à donner l’impression qu’elle coule de source, notamment en évitant de proposer des transitions trop artificielles, qui fera la différence. Aussi, si vous choisissez d’utiliser ce type de techniques, le plus important est avant tout de savoir quoi en attendre et quelle structure choisir.  Naturellement, il faut également garder à l’esprit que l’essentiel de ces outils ont été conçus pour des fictions non interactives, comme des romans ou des films. Cependant, l’intercréativité inhérente du JdR s’oppose directement au caractère figé de ces structures. 179

Ceci a principalement deux conséquences. D’abord, si vous utilisez ces outils, il est important que vous preniez le temps de trouver la distance et le niveau de détail qui vous conviennent, à votre table et à vous, afin de pouvoir bénéficier des avantages d’une telle structure sans la transformer en carcan. Ensuite, cette apparente impossibilité 1 est également à l’origine de formats spécifiques aux JdR, permettant notamment d’intégrer plus facilement les apports des joueuses. Ces modèles peuvent par exemple prévoir plusieurs développements possibles, expliquer comment réagir à leurs décisions, ou ménager des espaces pour qu’elles puissent pleinement exprimer leur créativité. Dans cette fiche, nous allons donc vous donner quelques pistes pour pouvoir utiliser ces outils afin de créer vos scénarios ou vos campagnes, mais également passer en revue une douzaine de structures et de formats qu’il nous semble intéressant de connaître. Comme l’on peut s’y attendre, ce catalogue rend cette fiche un peu particulière, et en fait de loin la plus longue et celle qui manie le plus de modèles théoriques de tout ce recueil. Nous pensons toutefois que ces aspects devraient vous permettre de choisir exactement la technique qui vous convient, mais également de trouver des informations supplémentaires en ligne si vous voulez aller plus loin ou vous renseigner sur une structure spécifique. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• structurer un scénario ou une campagne ; • créer un cadre à partir duquel improviser ; • savoir quand et comment générer ou relancer de la tension, de l’intérêt, de la surprise ou du suspense. C. Variantes

Les structures narratives héritées d’autres médias et les formats spécifiquement créés pour le JdR présentés ici devraient, dans un premier temps au moins, largement vous suffire. Toutefois, il en existe pléthore sur Internet et vous n’aurez aucun mal à en trouver d’autres si vous le désirez, qu’il s’agisse de reformulations de structures existantes, de variations ou de réelles innovations. Si, en revanche, vous cherchez une autre méthode, que ce soit pour organiser votre séance en cherchant à vous fonder sur des façons de jouer plutôt que sur des aspects uniquement narratifs, ou pour mélanger des logiques différentes, un bon point de départ est de consulter la fiche Programmer les phases de jeu (p. 321). 1. Cette apparente incompatibilité entre l’intégrité d’une histoire (dont serait garant le meneur) et celle du libre arbitre des joueuses (pour les décisions concernant leurs personnages) a notamment été théorisée par M. Joseph Young dans l’article « Theory 101: The Impossible Thing Before Breakfast ». Malgré quelques réserves sur le caractère réellement inconciliable de ces deux objectifs, cet article expose très bien le problème et introduit quelques concepts dont nous nous resservirons dans cet ouvrage. Pour plus de détails, consultez Young Joseph, « Theory 101: The Impossible Thing before Breakfast », 2005, ptgptb.org/0027/theory101-02.html, « Le Truc impossible avant le petit-déj’ », http://ptgptb.free. fr/0027/th101-2.htm, pour la V. F.

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D. Mots-clés

Cadence, direction, improvisation (préparation), intrigues secondaires, PNJ, tension.

2. Mode d’emploi  Dans sa forme la plus simple et la plus courante, une histoire est une affaire de conflits. Quelle que soit celle que l’on raconte, on peut presque toujours la résumer ainsi : quelqu’un veut quelque chose, et quelqu’un ou quelque chose l’en empêche. Luke veut faire triompher l’Alliance rebelle contre l’Empire, Daenerys conquérir le Trône de Fer contre plus ou moins tous les puissants d’Essos et de Westeros, les Vengeurs veulent sauver le monde de dangers extraordinaires, les X-men créer un futur où tout le monde est le bienvenu malgré une société qui n’a pas envie de leur laisser la moindre place et des mutants bien décidés à la soumettre, etc. Il est bien sûr hasardeux de limiter ces œuvres à leurs histoires, néanmoins si ces dernières restent mémorables, c’est aussi grâce à tous les obstacles que ces personnages vont rencontrer et à la façon dont, malgré les moments de doute, ils resteront déterminés et se donneront les moyens d’atteindre leurs objectifs. En effet, ces logiques de conflit se retrouvent à la fois au niveau de l’ensemble de l’histoire (voir Connaître les grands types de conflits p. 221), mais également à une échelle bien plus réduite, au sein de chaque acte et de la majorité des scènes, voire même parfois à l’intérieur de celles-ci. Elles peuvent se déployer au niveau d’un dialogue, d’un combat, ou de n’importe quelle phase de jeu, peu importe sa durée, que vous choisissez de mettre en scène. Certaines fiches de ce recueil en tirent profit pour décrire des techniques qui utilisent cet état de fait. C’est notamment le cas d’Animer des conflits (oui, mais…) p. 382 et d’Intégrer un conflit collaboratif p. 624. Toutefois, il peut être utile d’avoir également une sorte de guide permettant d’agencer tous ces conflits intermédiaires en un principal, qui est l’histoire globale de votre campagne. C’est une des principales utilités des structures narratives. En effet, face à toutes les idées que l’on peut avoir lorsque l’on prépare ou anime une campagne, il est parfois difficile de réussir non seulement à les ordonner, mais également à se canaliser et à se demander s’il vaut mieux montrer aux joueuses que les possibilités sont très nombreuses, ou au contraire qu’elles se rapprochent d’une conclusion et que tous leurs efforts ont porté leurs fruits. Nous allons donc commencer par voir comment utiliser une structure narrative en JdR, que ce soit grâce à son application de base ou en utilisant des astuces un peu plus avancées. Viendra ensuite une liste des principaux modèles à votre disposition, puis d’autres outils créés, eux, directement pour le JdR. A. Utiliser une structure narrative en JdR

Généralement, les structures narratives sont utilisées comme des outils d’analyse ou d’aide à la création. Toutefois, dans le cadre spécifique du JdR, elles font de très

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mauvaises grilles de lecture a posteriori. En effet, elles se limitent aux actions telles qu’elles sont perçues par les personnages, et non à ce qui est joué et vécu par les joueuses. En effet, si un auteur de romans ou un scénariste de film peut décider des prochaines étapes en se préoccupant uniquement de ce que va ressentir son lecteur, une partie de JdR va être déterminée, au moins partiellement, par le travail des auteurs du jeu (ou du scénario), par le meneur et par les joueuses. Ces dernières, en particulier, peuvent décider des actions des protagonistes en fonction de beaucoup d’autres critères qui peuvent ne pas être liés à ce qui serait le mieux pour l’histoire : le nombre de points de vie restant, la solution qui semblerait la plus logique si elles étaient à la place de leurs personnages, l’envie de tester un nouveau pouvoir, ou d’impressionner quelqu’un d’autre à la table, les arguments donnés par le grand méchant pour justifier ses actes, etc. Cette différence est fondamentale et suffit à ce que nous écartions ce type d’utilisation dans cette fiche, et que nous nous contentions d’aborder ici les structures narratives en tant qu’aides à la création de campagnes. Cependant, avant de les détailler les unes après les autres, ce qui sera l’objet de la section suivante, commençons par rappeler les bases de leur utilisation. Celles-ci sont relativement simples et correspondent aux instructions suivantes : • commencez par faire la liste des éléments d’intrigues que vous voulez intégrer dans votre campagne. Il peut s’agir de simples idées ou d’envies, de thèmes, de scènes que vous imaginez, d’utilisations de certaines spécificités techniques, etc. Ne cherchez pas tant l’exhaustivité, qui ne pourrait être qu’illusoire à ce stade, mais écrivez ce qui est le plus important et le plus enthousiasmant pour vous ; • une fois que vous avez choisi une structure qui vous semble adaptée, répartissez les éléments que vous avez notés dans les différentes divisions de cette dernière. Il est possible que certaines de vos idées s’étendent sur plusieurs de ces parties. Dans ce cas, définissez plus précisément la façon dont elles se manifestent durant chacune de ces dernières. Par exemple, si vous voulez que la ville qui sert de cadre à votre campagne soit le lieu de nombreuses émeutes, et que vous avez choisi une structure en trois actes, marquez dans chacun d’entre eux des événements qui montreront ce climat insurrectionnel (manifestations encadrées, grève générale, contestataires à l’assaut de la mairie, etc.) ; • selon la structure choisie, il est possible que vous n’ayez noté aucun élément d’intrigue dans certaines parties. Par exemple, si vous utilisez la méthode de Blake Snyder, vous pouvez n’avoir pour l’instant encore aucune idée de ce que sera votre catalyseur ou du type de conflit qui pourrait amener les personnages à croire que tout est perdu. Dans ce cas, soit la structure choisie ne correspond pas à ce que vous souhaitez faire jouer, et il est encore temps d’en changer, soit, et c’est le plus probable, vous devriez intégrer de nouvelles idées de façon à être capable de faire jouer les parties en question. Le plus souvent, cela n’a rien de compliqué et il suffit de prolonger les idées développées dans les actes précédents ; • imaginez ensuite des transitions permettant de passer d’une partie à une autre sans que cela ne fasse trop artificiel. Idéalement, elles devraient permettre aux joueuses 182

de faire des choix sur la suite des événements, et pas uniquement d’enchaîner de façon automatique. Aussi, si vous pensez que ces transitions ne les laissent pas assez exprimer leur créativité, aménagez des phases de jeu pour qu’elles puissent le faire et éviter de créer de la frustration inutile ; • jouez et mettez à jour vos notes et votre planification entre les séances, que ce soit pour intégrer vos nouvelles envies ou juste ce qu’il s’est passé dans la partie (voir Prendre des notes p.  127). Comme on peut s’y attendre, et même le souhaiter, les séances ne se passent jamais réellement comme prévu. Au-delà de ces quelques principes de base, il vous est également possible d’utiliser les astuces suivantes pour tirer le meilleur parti des différentes structures narratives. Tout d’abord, essayez de formuler les différentes divisions de la structure que vous avez choisie sous forme de questions ou de problématiques. Cela vous aidera à rester concentré sur vos objectifs et à savoir comment hiérarchiser vos idées d’intrigues. Par exemple, on pourrait résumer les trois actes du film La Guerre des étoiles ainsi : • est-ce que les personnages vont réussir à quitter Tatooine ? • est-ce qu’ils vont réussir à sauver Leia et à s’enfuir de l’Étoile noire ? • est-ce qu’ils vont réussir à la détruire ? Formuler ainsi les enjeux sous forme de questions vous permet de trouver très facilement de nouvelles situations intéressantes à jouer, ou des étapes intermédiaires à intégrer dans vos actes pour leur donner un peu plus de chair. Par exemple, pour la première partie, il suffit de se demander pourquoi et comment les personnages vont quitter Tatooine pour retrouver presque instantanément toutes les péripéties du film : le message de Leia, la mort de la famille de Luke, la rencontre avec Han et la fuite à bord du Faucon Millenium. Il en est de même avec la seconde partie : cette formulation amène naturellement à se demander si les personnages vont tous réussir à s’enfuir et ce qu’ils vont devoir sacrifier pour cela. La mort d’Obi-Wan Kenobi, qui a en plus l’avantage de justifier que Dark Vador soit occupé ailleurs tout en montrant sa puissance (voir Créer un grand méchant p. 225), prend alors tout son sens. Cette astuce, couplée au côté normatif des structures narratives qui préconisent généralement certains types d’événements selon la progression de l’histoire, vous permet de gagner du temps pour créer une nouvelle trame, que ce soit à la volée (voir Préparer une partie sur le pouce p. 673), pendant une séance, pour développer une intrigue secondaire ou avoir une méthode facile à prendre en main si vous n’avez encore jamais écrit de scénario. C’est ce qu’explique sous forme de formule le producteur de télévision britannique John Yorke dans son livre, Into the Wood: a Five-Act Journey into Story. Pour lui aussi, penser la structure en termes de questions et de réponses permet de développer plus facilement l’essence d’un acte, et donc de créer un déroulement qui soit à la fois plus intéressant et naturel. Il explique que le travail de l’auteur consiste essentiellement en trois points :

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1. créer une série d’événements qui vont aider à répondre à la question que pose l’acte ; 2. conduire le personnage à faire un nouveau choix ; 3. amener l’histoire à bouger dans une nouvelle direction. Cette démarche est particulièrement pertinente appliquée au JdR car, en remplaçant « le personnage » par « les joueuses » dans le deuxième point, elle permet de prendre également en compte les choix qui sont proposés à ces dernières et les moyens de les impliquer autrement qu’en simples spectatrices d’une histoire qui se déroule devant leurs yeux. Si on reste au niveau des problèmes très concrets qui peuvent se poser, cette reformulation a également l’avantage de vous permettre de réfléchir à toutes les idées que vous avez lors de votre préparation, ou lorsque vous improvisez, et de vous demander si, effectivement, elles rendent l’acte en cours plus intéressant. Est-ce que, si ce n’est pas le cas, il est possible de trouver assez d’intérêt à la scène malgré tout 2 ? Est-ce qu’il n’y a pas un meilleur acte où la placer ? Par exemple, avec cette astuce, on se rend compte qu’il est très difficile de placer la scène de la mort d’Obi-Wan Kenobi à un autre moment sans impliquer de sérieux inconvénients. Cette approche vous permet également de synthétiser de façon efficace, et joue le rôle d’ « œillères » dans le sens positif du terme. Autrement dit, si vous avez énormément d’idées et un contenu devenu trop complexe ou confus, celles-ci peuvent vous aider à décider de ce qui est vraiment important et à choisir les éléments que vous souhaitez voir ressortir et être mis en valeur. Cette approche peut également vous aider à improviser. En effet, si vous résumez votre seconde partie par « est-ce que les personnages vont réussir à sauver Leia et à s’enfuir de l’Étoile noire  ?  », vous savez immédiatement ce dont vous avez besoin pour pouvoir continuer à jouer. Il faut qu’ils récupèrent Leia, ou au moins les plans de l’Étoile noire, et qu’ils puissent en partir. Tout le reste est alors secondaire. Vous pouvez oublier ce que vous aviez prévu, en dévier pour tenir compte des idées de vos joueuses ou tout simplement improviser autre chose, cela ne posera que peu ou pas de problèmes. De fait, il existe encore des solutions même si les personnages ne réussissent pas à trouver Leia ou à quitter la base, mais elles risquent de vous demander un peu plus de travail. Indépendamment du fait de formuler les enjeux des actes sous forme de questions, il est également possible de se servir de ces structures pour se créer des routines mentales pouvant s’adapter à tout ce qui est dynamique dans vos parties. Autrement dit, lorsque vous vous apprêtez à mettre en jeu à peu près n’importe quoi ayant une durée (une scène, une bataille rangée, un combat, un discours, un voyage, la visite d’un labyrinthe ou même les effets pyrotechniques accompagnant un sort), vous pouvez, par exemple, prendre le réflexe de chercher à en différencier systématiquement le début, le milieu et la fin. Aussi idiote que cette technique puisse paraître, elle suffit généralement à 2. Par exemple, parce qu’elle permet de développer un personnage ou provoque des émotions viscérales chez les joueuses, etc.

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rendre vos descriptions bien plus vivantes et intéressantes pour vos joueuses. Il s’agit ici d’une version extrêmement simplifiée de la structure en trois actes, mais elle a l’avantage de se retenir et de s’employer très facilement, même en cas d’improvisation. Naturellement, rien ne vous interdit d’utiliser des modèles plus complexes, surtout si vous avez le temps de préparer votre partie. Ces structures sont également d’une aide précieuse si vous souhaitez animer des parties ayant une durée déterminée (voir Programmer les phases de jeu p. 321 et Jouer des parties courtes p. 634). En effet, à cause de leur nature relativement rigide, il est possible d’allouer un certain temps de jeu à chaque acte et ainsi vous assurer de ne pas finir trop tard. Cette façon de faire a peu de chances de vous aider à obtenir des parties exceptionnelles, mais elle peut vous permettre de vous améliorer dans la gestion du rythme de vos séances (p. 470), et de tenir vos engagements lorsque le plus important est de finir à temps. Enfin, cette approche peut très efficacement se combiner avec toutes les techniques qui jouent sur la temporalité, comme les flash-backs (p. 293), les flash-forward (p.  301) et les introductions coup-de-poing (voir Commencer sur les chapeaux de roue p.  208). Dans ce dernier cas, nous vous conseillons de faire commencer l’introduction à ce qui correspond peu ou prou à la fin du premier acte, avant d’expliquer rapidement ce qu’il s’est passé auparavant. Enfin, rien ne vous empêche de combiner ces différents modèles. Ce n’est certes pas l’approche à privilégier en priorité et elle ferait à coup sûr hurler les spécialistes, mais peu importe. Dans le cadre de cette fiche, leur seule fonction est de vous aider à préparer vos parties. Si utiliser les quatre étapes intermédiaires du voyage du héros selon Vogler (p. 191) vous permet de trouver l’inspiration pour concevoir le deuxième acte de votre scénario ou de votre campagne, et que vous vous servez d’une autre structure pour les deux autres, ce ne sont certainement pas vos joueuses qui s’en plaindront. Soyez pragmatique et donnez la priorité au plaisir de jeu. En fait, quelle que soit la façon dont vous vous servez des structures narratives pour vos parties, il n’y a sans doute qu’une seule chose que vous devez constamment garder à l’esprit  : ces dernières ne doivent pas devenir des carcans pour les joueuses. Elles sont là pour vous aider à créer vos campagnes, mais elles ont été conçues initialement pour des médias bien moins interactifs. Or, en JdR, vous n’êtes pas là pour raconter votre histoire, aussi belle soit-elle, mais, au mieux, pour en créer une, ensemble, avec les joueuses. Bien entendu, vous pouvez vous y préparer, réfléchir à certaines phases ou scènes à l’avance, mais vos joueuses doivent toujours avoir suffisamment d’espace pour pouvoir se les approprier. Utilisez donc ces structures non seulement pour créer des trames intéressantes, mais aussi des trames dans lesquelles vos joueuses pourront intervenir, faire des propositions ou tout simplement interpréter leurs personnages comme bon leur semble. Si vous n’y prenez pas garde, plus vous planifierez ce qu’il va se passer, plus vous serez tenté à la fois de limiter les propositions des joueuses qui ne vont pas dans le sens que vous souhaitez, mais également de les annuler après coup en cherchant des façons de retomber sur vos pattes. Il y a de fortes chances que rien ne

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vienne compenser leur frustration. Aussi, partez du principe que vos structures sont là pour être bousculées par votre table, qu’il y aura des conflits propres aux personnages ou au groupe que vous n’aurez pas anticipés, que toutes les intrigues ne progresseront pas au même rythme, que ce qui vous semblait une formalité risque de prendre des heures et que les joueuses ne perçoivent pas les péripéties de la même manière que vous. Toutefois, à ces réserves près, et une fois qu’il est bien clair pour vous qu’elles ne sont que des lignes directrices et non des règles gravées dans le marbre, les structures narratives qui suivent constituent de bons outils pour organiser et compléter le contenu que vous aurez imaginé. Elles sont notamment très efficaces lorsque combinées avec les techniques des fiches suivantes : S’inspirer d’un thème p. 361, Concevoir un arc de personnage p. 213, Créer un grand méchant p. 225, Enrichir un jeu à missions p. 250, Entremêler les intrigues p. 255, Terminer par un cliffhanger p. 376, Générer des relations complexes p. 272, Imaginer un PNJ miroir p. 284, Proposer des objectifs contradictoires p. 330, Décrire l’univers comme un ensemble de signes p. 234, Connaître les grands types de conflits p. 221, Laisser flotter des indices et des secrets p.  309, Rendre des personnages attachants p.  342, Faire des cadeaux empoisonnés p. 266, Structurer des combats de boss p. 718, Diversifier les objectifs des personnages p. 243 et l’article « Créer un scénario » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 31. B. Les principales structures narratives issues des médias classiques

Cette section comprend une liste non exhaustive de structures narratives établies, que ce soit dans la littérature, le théâtre ou l’écriture de scénarios audiovisuels. Pour chacune d’entre elles, vous trouverez un rapide résumé des principales étapes, ainsi que les données bibliographiques vous permettant de faire vos propres recherches si vous le souhaitez. En effet, même si cette fiche devrait vous suffire pour préparer votre campagne, vous voudrez peut-être en apprendre davantage sur une structure spécifique, au-delà du simple survol que nous vous proposons ici. a) Les structures en trois actes, par Aristote, Syd Field et Algirdas Julien Greimas

La structure en trois actes est de loin la plus simple et la plus intuitive. C’est aussi la plus ancienne. Comme nous l’avons déjà évoqué, en 335 av. J.-C., Aristote expliquait dans sa Poétique : « il faut évidemment constituer des fables dramatiques […] sur une action unique, entière et complète, ayant un commencement, un milieu et une fin, pour que, semblable à un animal unique et entier, elle cause un plaisir qui lui soit propre 3 ». Il se limitait certes à la tragédie et à l’épopée, et évoquait bien d’autres choses comme la présence d’un prologue, la place laissée au chœur, ou la différence entre une péripétie et un événement pathétique, mais concentrons-nous ici sur l’essentiel. Cette structure basique a depuis été appliquée à tout type de récits, mais aussi développée et théorisée par un grand nombre de professionnels de la narration. Parmi 3. Traduction de Charles-Émile Ruelle.

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ceux-ci, on peut notamment citer Syd Field, théoricien du cinéma, qui pose en 1979, dans son livre Screenplay, the Foundation of Screewriting, les bases d’un modèle en trois actes qui fera date dans la scénarisation audiovisuelle américaine : • acte 1, mise en place. Représentant environ un quart du script, cette partie correspond à une phase d’exposition (présentation de l’univers, du contexte, du personnage principal, une prémisse du thème de l’histoire, etc.). À la fin de celle-ci se trouve le premier « point d’intrigue » (plot point), qui prend souvent la forme d’un élément perturbateur à la suite duquel le personnage 4 doit faire un choix difficile pour lequel il n’y aura pas de retour en arrière possible ; • acte 2, confrontation. Cette partie occupe a priori la moitié du script. Le personnage essaie d’y atteindre son nouvel objectif en essayant de franchir des obstacles. Mais après diverses révélations et autres rebondissements plutôt positifs, l’histoire subit un nouveau retournement de situation vers la moitié de la longueur du script, où le personnage se voit infliger une terrible défaite qui semble rendre son but encore plus inatteignable 5. L’histoire peut alors prendre un chemin différent, où le personnage va à la fois devoir se confronter aux conséquences de ces défaites, mais également comprendre qu’il lui manque quelque chose (une capacité, une connaissance, des valeurs, etc.) pour réussir. Cette phase se termine par un second point d’intrigue, un moment de crise où il doit faire un autre choix difficile. Généralement, il s’agit de remettre ses gants et d’essayer à nouveau là où il a échoué la première fois ; • acte 3, résolution. Le personnage sait désormais ce qu’il doit faire, mais doit encore surmonter ses faiblesses et prendre pleinement conscience de ce dont il est désormais capable. L’action se dirige donc logiquement vers un paroxysme qui le voit se confronter à l’obstacle ou à l’antagoniste qui avait eu raison de lui, que ce soit pour triompher ou pour échouer à nouveau, mais sans doute définitivement cette fois. Concernant les structures en trois actes, il est également intéressant de noter qu’il existe d’autres modèles qui ne sont pas bâtis sur une même logique, mais qui peuvent néanmoins se révéler étrangement utiles en JdR. Par exemple, Algirdas Julien Greimas développe dans Sémantique structurale, en 1966, ce que l’on appelle la théorie des trois épreuves. Celle-ci consiste à définir une quête comme un enchaînement de défis, ce qui lui donne une sorte de dimension temporelle. Cette dernière peut s’apparenter à une structure narrative en trois actes 6 : 4. La plupart des structures sont présentées autour d’un personnage unique, le protagoniste. Il est évident que dans le cadre du JdR, ceci n’est pas à prendre au pied de la lettre et que l’on peut généralement considérer qu’il est question de l’ensemble du groupe des PJ. 5. Il peut également s’agir d’une victoire illusoire qui laisse davantage de chances à ses adversaires de se regrouper pour le mettre réellement en danger ou le faire échouer. 6. Il peut être également légitime de la considérer comme une structure en cinq actes si on choisit de développer durablement la situation initiale, montrant le manque qui est à l’origine de la quête, et la situation finale. Au regard de la méthode proposée, et par souci de simplification, nous avons choisi de la conserver parmi les structures en trois actes.

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1. l’épreuve qualifiante, qui montre que le personnage est différent des autres ou la façon dont il le devient, et qui le rend donc compétent pour entreprendre la quête ; 2. l’épreuve principale, qui lui permet d’expérimenter cette compétence pour obtenir l’objet de la quête, mais aussi une éventuelle réunion de plusieurs quêtes conjointes par différents personnages, voire un affrontement entre plusieurs parcours antagonistes, etc. ; 3. l’épreuve glorifiante, qui permet au personnage d’obtenir la reconnaissance et de voir l’ensemble de sa quête sanctionnée comme une réussite ou un échec. Là encore, ce raccourci ne fait pas honneur aux travaux de Greimas, mais il constitue néanmoins un outil efficace et très facilement applicable lorsque vous préparez vos parties. Comme vous pouvez vous y attendre, la plupart du temps, les modèles de Field et de Greimas vous donneront des idées assez différentes. Rappelez-vous juste que l’objectif de cette fiche n’est pas de déterminer une structure idéale ou décrivant au mieux ce qui serait la nature d’une histoire, mais de vous en proposer plusieurs afin que vous puissiez en choisir une qui vous inspire. Le modèle de Syd Field est sans doute celui sur lequel nous vous conseillons de vous attarder en priorité si vous vous intéressez aux structures en trois actes. Toutefois, il comprend un certain nombre de défauts récurrents chez ces dernières, dont un acte 2 souvent un peu flou en comparaison des autres. Ce problème s’explique aisément dans le sens où il est beaucoup plus facile d’avoir une idée de la manière dont on souhaite commencer ou terminer une histoire. Toutefois, si cette difficulté n’a rien d’insurmontable, vous souhaiterez peut-être utiliser une structure qui vous aidera davantage pour cet acte qui concentre l’essentiel de l’action. Fort heureusement, les structures en cinq actes règlent, au moins partiellement, ce problème. b) Les structures en cinq actes, par Gustav Freytag et Paul Larivaille

Ce type de structures est aussi extrêmement ancien et courant. Vers 13 av. J.-C., Horace expliquait dans son Art poétique, ouvrage où apparaissent les introductions in medias res, qu’une pièce ne devait faire ni plus ni moins de cinq actes. Plus proches de nous, Cyrano de Bergerac, Hamlet, L’Avare ou Les Fourberies de Scapin sont des pièces qui suivent toutes un tel découpage, même si elles répondaient alors à des contraintes qui ne sont plus tout à fait les nôtres aujourd’hui (éclairage, lassitude des spectateurs, récupération des acteurs, etc.). Une des modèles les plus connus et les plus faciles à appliquer est certainement celui imaginé par le dramaturge allemand Gustav Freytag dans son ouvrage Die Technik des Dramas en 1863. Si celui-ci ne s’intéressait alors qu’aux pièces de théâtre en cinq actes, notamment élisabéthaines, sa structure a depuis été appliquée à tout type de récit. Elle est divisée de la façon suivante : 1. l’exposition est la phase où on présente le monde, les conflits déjà en place, les personnages, les thèmes et l’élément déclencheur qui va réellement faire démarrer l’action ; 2. les complications, qui correspondent au moment où le conflit initial se complexifie, où la tension monte et où de nouvelles difficultés apparaissent ; 188

3. le climax est le moment le plus intense du conflit dans lequel le personnage est impliqué. Il se tient à un moment-clé qui peut le mener à la victoire ou à la défaite. Comme ce modèle est initialement prévu pour la tragédie, cette seconde possibilité est la plus courante ; 4. la retombée de l’action où le personnage réagit aux conséquences du climax et apprend de ses erreurs. Il ne reste que quelques possibilités pour développer l’intrigue, que ce soit des solutions de la dernière chance que peuvent utiliser les personnages, ou les dernières choses qu’ils doivent faire avant que la fin n’arrive ; 5. la catastrophe  règle les derniers détails et résout l’histoire. Selon les cas, le héros remporte la victoire et est transformé, en bien ou en mal, ou chute pour de bon. Ce découpage est souvent appelé « pyramide de Freytag » (voir le schéma ci-dessous). Il a l’avantage de mettre en valeur la dynamique de montée de la tension, et de montrer la nécessité de prendre en compte le rythme global d’une histoire. Comme expliqué, il est au départ davantage utilisé pour décrire des histoires où les personnages sont confrontés à des choix déchirants aux conséquences de plus en plus lourdes.

Bien entendu, une telle structure narrative peut s’appliquer bien au-delà de la tragédie et du drame. En 1974, par exemple, le narratologue Paul Larivaille publie l’article « L’Analyse (morpho)logique du récit » où il présente un autre modèle appelé « schéma quinaire » : 1. l’état initial, où l’on présente le monde et les personnages ; 2. la provocation, qui est un élément perturbateur rompant l’équilibre initial et poussant le personnage à se mettre en action ; 3. l’action, qui regroupe tout ce que le personnage va entreprendre pour résoudre le problème ; 4. la sanction, qui montre les conséquences des actions ; 5. l’état final, qui est la résultante de ce qui a précédé et montre le retour à un équilibre.

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Il existe de nombreux autres modèles de structures en cinq actes, et certains outils développés dans le cadre du JdR s’en inspirent fortement. c) Les quinze battements, par Blake Snyder

Dans son livre Save the Cat: The Last Book on Screenwriting You’ll Ever Need publié en 2005, le scénariste Blake Snyder décompose la structure d’un film en quinze « battements » précis qui constituent le cœur de sa méthode. Celle-ci porte plusieurs noms : quinze battements, beat sheet, save the cat, transformation machine, etc. Afin de vous permettre de faire le lien avec les approches précédentes, ces étapes ont été regroupées en trois actes. Acte 1 : • l’image d’ouverture, qui correspond à votre première scène et qui donne une idée immédiate du ton, du conflit et des enjeux principaux de l’histoire ; • la présentation du thème, qui montre les sujets abordés par l’histoire, les messages et le point de vue qu’elle véhicule (à ce sujet, voir S’inspirer d’un thème p. 361). Le thème contient une vérité que le personnage ne comprend pas encore ; • la mise en place, qui est la présentation du cadre, du monde, du personnage principal et de ce qu’il lui manque ou pose problème ; • le catalyseur correspond au moment où tout bascule. C’est le changement qui vient perturber la situation initiale et lancer réellement l’histoire ; • le débat, la phase où le personnage se remet en question et s’interroge sur ce qu’il doit faire et s’il doit se lancer à l’aventure. Acte 2 : • la bascule dans l’acte 2 où le personnage prend la décision de partir à l’aventure et abandonne son quotidien ; • l’intrigue secondaire, qui concerne la plupart du temps les relations entre personnages, et prend souvent la forme d’une histoire d’amour. Elle peut par exemple amener un peu de rafraîchissement, de respiration ou une autre vision du thème ; • la promesse et la prémisse (le fun et les jeux selon les versions du modèle), où le personnage agit dans ce nouveau monde et le découvre, en général de façon relativement insouciante. Il y fait ce qu’il a prévu d’y faire, et ce en quoi il est doué. Dans de nombreux films, cette phase prend la forme d’un montage accéléré où on voit les bandits enchaîner les braquages de trains ou de banques, les policiers les arrestations, les sportifs les matchs ou les entraînements, le super-héros utilise ses pouvoirs de façon un peu plus maîtrisée, etc. Dans d’autres, on voit le personnage commencer à découvrir et à conquérir son environnement ; • le point médian correspond au moment où le personnage subit une terrible défaite ou obtient une victoire impressionnante. C’est un tournant de l’histoire, mais ce ne sera pas a priori la façon dont l’histoire va se finir. Pour la suite de cette présentation, nous partons du principe que les personnages sont victorieux lors de cette étape ; 190

• les méchants se rapprochent est le nom d’une phase où les difficultés augmentent. Les ennemis du personnage se regroupent et commencent à réfléchir à leur retour après leur défaite. Ses alliés, se croyant sans doute à l’abri, commencent à s’entredéchirer, voire à le trahir, etc. ; • tout est perdu ! Le personnage prend conscience que ce qu’il croyait être une victoire n’était qu’une illusion et subit une défaite catastrophique pour y avoir cru. La plupart du temps, il perd quelque chose de très important à ses yeux (décès d’un mentor, perte ou destruction d’un objet, d’un lieu, d’une relation, d’un objectif, etc.), mais ce sera le seul moyen pour lui d’évoluer. Cette perte termine d’annihiler tout ce qu’il restait d’espoir ; • la sombre nuit de l’âme est l’étape où le personnage fait face à ce désespoir, touche le fond et pense avoir tout perdu. Il accuse le coup, et seul ce moment d’abandon total pourra lui donner l’énergie de reprendre le dessus par la suite. Acte 3 : • la bascule, dans l’acte 3, est le moment où le personnage a une révélation. Généralement, celle-ci vient de sa relation avec un autre personnage et de la résolution de l’intrigue secondaire. C’est donc le moment où elle rejoint l’intrigue principale. Durant cette phase, le personnage choisit de se relever et de faire face malgré tout ce qu’il a subi précédemment ; • le final est le moment où le personnage applique tout ce qu’il a appris jusqu’à présent, dont la révélation précédente, la vérité liée au thème qu’il ne comprenait pas jusqu’alors, etc. Il assimile ce savoir acquis grâce à l’expérience de l’intrigue principale, que l’intrigue secondaire permet de voir avec un angle nouveau. Traditionnellement, il affronte le méchant ou surpasse l’obstacle principal et triomphe ; • la dernière image correspond aux quelques phrases ou à la description finale qui permet de montrer que le monde, ou au moins le personnage, a changé. Tout cela n’a pas été fait en vain. d) Le voyage du héros, par Joseph Campbell et Christopher Vogler

Le concept de monomythe a été développé au départ par le mythologue Joseph Campbell dans son ouvrage Le Héros aux mille et un visages, paru en 1949. Il part du principe que toutes les cosmogonies racontent fondamentalement une même histoire dont la structure serait donc, à quelques variations près, universelle. C’est peu de dire que cette théorie a été contestée et n’a eu qu’un écho particulièrement mineur dans le monde scientifique et universitaire. Toutefois, le schéma narratif proposé est devenu, lui, extrêmement populaire. Il peut être utilisé comme grille de lecture pour de nombreuses œuvres fondatrices de la culture populaire occidentale, comme celles de Tolkien, et a façonné la façon dont nombre d’autres, plus modernes, ont été racontées, comme La Guerre des étoiles. Son influence est telle qu’il est désormais à la fois une espèce de passage obligé et un cliché. Pour une utilisation dans le cadre du JdR, où le second point est souvent plus une force qu’un problème, cette structure a le mérite de créer une trame qui correspond à ce qu’un certain nombre de joueuses attendent. 191

De plus, elle correspond parfaitement à certains genres fondateurs, comme l’heroic fantasy ou l’épopée. Cependant, elle comprend également quelques sérieuses limites, dont il est important d’être conscient, non pas pour bannir son utilisation, mais pour éviter de la choisir pour une campagne où elle ne serait pas adaptée. Par exemple : • elle se concentre surtout sur un type d’arcs de personnages (p.  213), que l’on pourrait rapprocher du récit initiatique. Il s’agit généralement d’un jeune héros déjà un peu exceptionnel qui entreprend un voyage pour se réaliser en affrontant des épreuves externes, souvent martiales, avant de revenir en tant que personne accomplie et auréolée d’un statut nouveau. Or, ceci n’est qu’une petite partie des arcs que l’on peut développer autour d’une table. Cette structure fonctionne beaucoup bien moins si l’on souhaite mettre en avant des héros crépusculaires, en quête de rédemption, d’acceptation par les autres, etc. • elle présente une vision du héros qui n’est plus très en phase avec les préoccupations de notre société actuelle. En effet, celui-ci peut se permettre de quitter son environnement et n’est pas, par exemple, en train de lutter pour y trouver une place. Il résout la plupart de ses problèmes par la ruse et la force, là où il pourrait tout à fait défendre d’autres valeurs et choisir d’autres modes d’action. De fait, ce modèle porte une vision assez virile de l’héroïsme. Campbell disait lui-même que la femme n’avait pas à entreprendre le voyage du héros parce qu’elle en était la destination 7. Si cette assertion se vérifie peut-être dans les mythes sur lesquels il s’est fondé pour établir son monomythe, on ne peut que constater que cela réduit fortement la portée de cette structure vis-à-vis des histoires que l’on pourrait vouloir raconter aujourd’hui. Ce constat a d’ailleurs amené le développement de plusieurs « voyages de l’héroïne », notamment par Maureen Murdock, une étudiante de Campbell cherchant à mettre en avant les spécificités d’un tel récit initiatique pour un personnage féminin ; • un certain nombre d’œuvres importantes de la culture populaire se sont en partie construites sur la remise en question de l’image traditionnelle du héros. C’est notamment le cas du Trône de Fer, avec sa realpolitik et les malheurs de la famille Stark, ou de Dune, dont l’auteur explique que le thème est justement de se méfier des héros et qu’il ne vaut mieux pas les suivre. On ne peut bien sûr pas le reprocher à ce modèle, mais il peut être intéressant d’en être conscient avant de choisir une structure pour sa campagne. Malgré toutes ces limites, si elle est adaptée à ce que vous avez prévu de jouer, cette structure fera souffler le vent de l’aventure à votre table et n’en est pas moins un incontournable. Il en existe de très nombreuses versions, à commencer par celle de Campbell lui-même jusqu’aux diverses adaptations et vulgarisations comme celles de Leeming ou Cousineau. Nous avons préféré évoquer ici la version du scénariste Christopher Vogler, publiée dans son livre de 2007 The Writer’s Journey: Mythic structure for Writers, 7. À ce sujet, voir l’interview de Maureen Mudock par Mary Davis sur www.jungatlanta.com, été 2005.

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qui nous semblait plus pertinente pour une utilisation liée au JdR, ne serait-ce que pour le public auquel elle s’adresse. Cette structure réorganise ou regroupe les étapes décrites par Campbell de la façon suivante. Là aussi, celles-ci sont présentées en trois actes afin de vous permettre de faire le lien avec les approches précédentes. Acte 1, le départ : 1. le monde ordinaire, qui montre le personnage évoluer dans son cadre familier et quotidien ; 2. l’appel de l’aventure, où arrive l’élément perturbateur annonciateur du changement à venir et de l’objectif du héros. Cette incitation peut prendre la forme d’un manque, d’un problème d’un défi, etc. ; 3. le refus de l’appel, où le personnage hésite à quitter son quotidien avant de finalement accepter de se lancer à l’aventure. Cette réticence est également l’occasion de montrer ses valeurs, les PNJ auxquels il tient, certains traits de personnalité, etc. ; 4. la rencontre avec le mentor, où le héros reçoit les éléments dont il a besoin pour commencer son aventure. Ceux-ci peuvent prendre une forme matérielle (objet magique, équipement, entraînement, etc.) ou plus spirituelle (sagesse, protection, conseils, connaissance, etc.) ; 5. le passage du premier seuil, qui correspond au moment où le héros s’engage réellement dans l’aventure et quitte définitivement ce qu’il connaissait, sans plus aucune possibilité de faire marche arrière. Généralement, il a réussi à surmonter sa peur et ses doutes. Acte 2, l’initiation : 6. les épreuves, alliés et ennemis, où le personnage apprend les règles du monde auquel il est désormais confronté. Il surmonte des obstacles, ce qui est pour lui l’occasion de se découvrir des alliés et des ennemis ; 7. le cœur de la caverne, qui désigne la phase où le héros pénètre au plus près du danger pour retrouver l’objet de sa quête. C’est le second point de non-retour ou seuil. Il n’est pas rare que le personnage fasse une sorte de pause juste avant d’entrer (on parle alors d’approche), par exemple pour se préparer ; 8. l’épreuve suprême, où le héros est confronté à ses plus grandes peurs et risque la destruction pour arriver à ses fins. Symboliquement, il s’agit souvent du lieu de sa mort et de sa renaissance, et il en sera changé à tout jamais ; 9. la récompense peut prendre des formes diverses (amour, connaissance, reconnaissance, la vie ou la liberté pour soi ou un tiers, etc.), et sanctionne la réussite du personnage qui a surpassé ses peurs et le danger. Acte 3, le retour : 10. le chemin du retour, où l’on aperçoit les conséquences manifestes de la victoire du héros. Pour autant, il n’est pas encore rentré chez lui et doit donc encore subir

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quelques épreuves pour regagner la normalité. Il peut par exemple être poursuivi, voir ses compagnons se déchirer, etc. ; 11. la résurrection, qui correspond au moment où le personnage renaît lors d’une épreuve ou d’un rituel de purification qui le fait passer pour la dernière fois par une mort et une renaissance symboliques. C’est la dernière chance de ses opposants pour le vaincre ou pour lui de craquer. Mais s’il tient bon et utilise ce qu’il a déjà appris, et montre donc qu’il n’est plus tout à fait le même, ce passage tient plus d’une sorte d’ultime purification qui lui permet de retrouver le monde ordinaire ; 12. le retour avec l’élixir est le nom donné à la dernière étape de cette structure. Le héros ramène un trésor, réel ou symbolique, dans le monde ordinaire, ce qui lui permet d’améliorer ce dernier. Il n’est pas rare que cet « élixir » soit l’objet de sa quête ou ce qu’il a retenu de ses multiples transformations. e) Les vingt-deux étapes, par John Truby

Dans son ouvrage de 2007 appelé The Anatomy of Story: 22 Steps to Becoming a Master Storyteller, le scénariste John Truby remet vivement en cause les modèles tels que celui de la structure en trois actes, qu’il qualifie de dogme, ou ceux, comme celui de Vogler, dans lesquels les différentes étapes du récit sont imposées. Pour lui, le récit est composé d’événements s’imbriquant organiquement les uns avec les autres pour former une unité émanant du personnage principal, et non d’un ordre prédéfini. Parallèlement, il propose également vingt-deux étapes de travail – et non du récit – sur lesquelles il encourage à réfléchir pour créer son intrigue, mais les présente toutes sauf la première dans l’ordre dans lequel elles arrivent dans une histoire typique, recréant une structure de fait. Celle-ci est d’ailleurs régulièrement utilisée comme telle par d’autres scénaristes. Malgré cette contradiction évidente, nous avons choisi de l’intégrer dans cette fiche, principalement parce que certaines étapes sont réellement intéressantes et peuvent vous donner des idées. Mais ne perdez pas trop de temps à chercher à toutes les intégrer ou à respecter avec zèle un ordre qui n’a jamais été réellement prévu à cet effet. Ces vingt-deux étapes sont : • la révélation finale, qui répond à la question  : «  de quoi le héros prend-il conscience à la fin ? ». Prenez cette fin comme point de départ pour imaginer une histoire à rebours. Il est difficile d’aborder cette étape sans réfléchir en même temps à sa faiblesse, à son besoin ou à ses désirs (voir les étapes suivantes) ; • le spectre et l’univers du récit. Cette étape consiste à déterminer quel est l’élément de la vie du personnage qui continue à le hanter ou, de façon plus large, les raisons qui l’amènent à un conflit intérieur, mais également la façon dont l’univers peut être défini et comment il montre la faiblesse, le besoin et les obstacles auxquels est confronté le héros ; • la faiblesse et le besoin, c’est-à-dire un moment où le personnage est confronté à un problème relativement léger mais qu’il ne peut résoudre facilement, et qui montre à la fois sa faiblesse et son besoin ; • l’événement déclencheur, qui vient perturber le héros, et le pousse à réagir et à se fixer un objectif ; 194

• le désir, qui correspond à l’objectif personnel que se fixe le personnage. Idéalement, celui-ci devrait commencer petit, voire être mis en veilleuse, avant de gagner en intensité au fur et à mesure de la progression de l’intrigue ; • les alliés, soit l’étape où le personnage en rencontre d’autres qui vont l’aider à atteindre son objectif. Ceux-ci doivent idéalement avoir leurs propres motivations, mais ne jamais être plus intéressants que le héros ou prendre sa place ; • l’adversaire ou le mystère. Le personnage ne peut atteindre son objectif parce que quelqu’un ou quelque chose l’en empêche. Cet élément peut prendre la forme d’un antagoniste mystérieux dont le désir entre en opposition ou en compétition avec celui du héros, et sur lequel on en découvrira davantage par la suite. Il peut également être directement un mystère, comme une enquête qu’il faut résoudre. Généralement, les meilleurs adversaires sont ceux qui sont nécessaires pour surmonter la faiblesse du personnage ; • le faux allié ou le faux adversaire désigne la phase où ce dernier est introduit. En général, il s’agit d’un personnage complexe qui va évoluer au fil de l’histoire, et devenir attachant ou totalement détestable. Rien ne l’empêche par exemple de vouloir que le héros gagne, mais de continuer à travailler pour l’adversaire ; • la première grande révélation et décision introduit la découverte d’une nouvelle information par le personnage, ce qui le fait évoluer et le pousse à modifier le cours de ses actions, généralement grâce à une décision particulièrement impliquante. Souvent, le désir et les motivations du personnage changent légèrement et gagnent en intensité. Bien entendu, dans le cadre d’une séance de JdR, cela ne dépend pas entièrement de vous. Toutefois, vous pouvez mettre en place les moyens de cette intensification ; • le plan du héros désigne l’étape où ce dernier décide de la stratégie à adopter pour atteindre son objectif. Toutefois, celle-ci est généralement vouée à l’échec si elle est mise en œuvre aussi tôt. Le personnage doit encore en apprendre davantage, que ce soit sur l’adversaire, lui-même ou les moyens qu’il peut utiliser. Cette phase prend régulièrement la forme d’une introspection ou d’un apprentissage ; • le plan de l’adversaire et la principale contre-attaque correspond à l’inverse à la conception du plan par le méchant et à ses premières attaques en règle contre le personnage. Il a pour fonction d’empêcher le héros d’atteindre son objectif, et doit être assez complexe pour que chaque nouveau « coup » puisse être vécu comme une véritable révélation, à même de créer une augmentation immédiate de la tension narrative ; • la dynamique du récit s’étend généralement du plan du héros à son apparente défaite. Le personnage déploie sa stratégie et se lance dans toute une série d’actions pour atteindre son objectif. Celles-ci doivent être variées pour éviter de lasser et permettre de développer l’intrigue plutôt que de l’amener à se répéter. Généralement, la force supérieure de l’adversaire à ce stade l’oblige à enfreindre ses principes et à se comporter de manière immorale ; • l’attaque par un allié correspond à l’intervention d’un camarade du personnage, qui a pour but de lui faire comprendre qu’en se comportant ainsi, il franchit une ligne et que la fin ne justifie pas forcément les moyens. Généralement, le héros n’est pas prêt à recevoir cette critique et cette phase marque le début de son évolution intérieure ;

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• l’apparente défaite désigne le moment où le héros affronte à nouveau l’adversaire et subit sa défaite la plus dévastatrice. Il touche le fond et est plus bas qu’il ne le sera jamais. Il n’a d’autre choix que de se transcender et de se redéfinir pour se relever. Cette défaite peut être une victoire apparente pour les histoires à l’issue néfaste ; • la deuxième grande révélation (et décision) est celle qui lui permet de comprendre que la victoire est toujours possible malgré tout. Il peut donc reprendre espoir. Son désir et sa motivation s’intensifient jusqu’à virer à l’obsession ; • le dévoilement au public  correspond à une révélation qui est faite, mais uniquement aux spectateurs et non au personnage (voir Utiliser l’ironie dramatique p. 569). Généralement, il s’agit de l’identité du faux allié, ou du moins du fait qu’il s’agit d’un traître, mais cela n’a rien d’obligatoire. L’objectif est de permettre de tirer du plaisir de l’anticipation de la découverte de l’information par le héros, mais aussi de montrer jusqu’où l’adversaire est prêt à aller pour arriver à ses fins ; • la troisième grande révélation (et décision) est généralement l’occasion pour le héros d’apprendre comment vaincre l’adversaire ou prendre un avantage important sur lui. Il peut s’agir par exemple de l’identité du faux allié, que le public a découverte lors de l’étape précédente. Quoi qu’il en soit, pour la première fois, il comprend enfin réellement ce qu’il affronte et, loin de l’impressionner, cela le revigore ; • la porte étroite, les fourches caudines et la vision de la mort est le nom (certes un peu complexe) correspondant à la phase où le conflit avec l’adversaire s’intensifie jusqu’à devenir presque insupportable. D’une façon ou d’une autre, il faudra qu’il se termine et que ce soit rapide. La « porte étroite » signifie que le personnage est coincé et acculé, et les « fourches » qu’il est assailli de toutes parts. La « vision de la mort » lui rappelle que sa mort est probable, et c’est le dernier moment où il peut vaciller avant le combat final. Généralement, elle le galvanise, au contraire, et il prend conscience que tout ce qu’il a fait ne peut que se terminer par une ultime confrontation ; • la confrontation est le point d’orgue du conflit que se livrent le personnage et l’adversaire depuis le début, l’instant de vérité où l’on découvre qui l’a emporté. D’après Truby, les confrontations les plus courantes sont violentes, mais ce sont aussi les moins intéressantes. Elles devraient être l’occasion de montrer les visions des personnages, et ce pour quoi ils se battent, et l’accent devrait davantage être mis sur les valeurs que sur les prouesses martiales ou la force. Lors de cette étape, le personnage comble son besoin et, bien qu’étant différent de l’adversaire, ses points communs avec lui sont les plus criants. C’est aussi le moment où le message transmis par l’auteur, notamment par la thématique, est le plus visible ; • la révélation (héros) est la conséquence de la confrontation. Celle-ci l’a poussé à se transformer, et il comprend désormais qui il est vraiment, mais aussi ce qu’il a probablement toujours été. Cette prise de conscience peut le détruire comme le rendre plus fort (qu’elle soit positive ou négative), mais elle est soudaine, le bouleverse et ne se limite pas à sa psychologie. Elle concerne aussi ses valeurs et sa façon d’être avec les autres. En revanche, il est très important, selon Truby, que cette ultime évolution soit montrée et non racontée par le héros, généralement en manifestant, de manière très

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concrète, un idéal plus abstrait. Elle peut également s’accompagner d’une évolution comparable chez l’adversaire, de façon à générer un double retournement ; • la décision morale correspond à une phase où le personnage montre qu’il a changé en choisissant entre deux modes d’action, voire de vie. Cette décision doit être lourde de conséquences pour lui et pour les autres, mais peut très bien n’être que symbolique. Par exemple, on le voit partir dans une autre quête, s’engager d’une autre façon ou renoncer à son ancienne vie. Il s’agit de la mise en pratique de son évolution, et témoigne du fait qu’elle n’est pas superficielle mais, au contraire, qu’elle l’implique tout entier ; • le nouvel équilibre conclut l’histoire en montrant soit que le héros a réalisé son désir et a comblé son besoin, soit qu’il a échoué. La vie reprend son cours en conséquence, avec un personnage transcendé ou qui n’est plus que l’ombre de ce qu’il était, sinon pire. Les révélations selon Truby Selon le scénariste, les révélations sont un élément-clé de l’intrigue. Pour lui, sa qualité découle en grande partie de celle de ces dernières. Cependant, de nombreuses œuvres de fiction se contentent de révélations assez faibles, quand elles ne sont pas tout simplement absentes. Aussi donne-t-il quelques principes à suivre les concernant, qui, s’ils ne sont peut-être pas aussi universels dans le JdR que dans l’audiovisuel, restent néanmoins très pertinents à l’usage : • les révélations concernant l’adversaire sont souvent à privilégier, car elles ont tendance à intensifier les conflits et à avoir plus d’impact sur l’issue de l’intrigue ; • le nouvel objectif ou désir provoqué par la révélation doit être une déviation de celui qui précède, et non en rupture avec ce dernier. Sinon, vous risquez de raconter deux histoires successivement ; • chaque révélation doit être plus explosive que la précédente, et faire accélérer l’histoire. Sinon, celle-ci risque de retomber à plat et de ne susciter que l’ennui.

e) Synthèse : quelle structure choisir ?

Passer en revue toutes ces structures narratives est indubitablement une tâche fastidieuse. Aussi, afin de vous aider, le tableau suivant énumère quelques-unes des principales forces et faiblesses de chacune d’entre elles pour une utilisation ludique.

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Structure

Avantages

Inconvénients

3 actes, Aristote (simplifié)

Très simple et immédiat. Favorise les routines mentales et peut facilement être utilisée pour improviser. Se combine avec tout ou presque.

N’apporte rien en termes de contenu. Nécessite un peu de pratique pour se renouveler sans être trop évident.

3 actes, Field

Simple et immédiat. Propose le plus de contenu parmi les modèles en trois actes. Structure en laissant de la place à l’improvisation.

Apport très modéré. Acte 2 relativement flou.

3 actes, Greimas (trois épreuves)

Simple à comprendre. Correspond à la logique de nombreuses campagnes. Suscite tout un contexte.

Vision fondée sur la confrontation. Besoin de diversifier les épreuves. Apport limité en dehors du concept.

5 actes, Freytag & Larivaille

Plus développée que la structure en trois actes. Simple. Efficace à l’échelle d’une séance.

Laisse beaucoup de temps après le climax. Nécessite un peu de pratique pour se renouveler sans être trop évident. Peu adaptée à l’échelle d’une campagne.

15 battements, Snyder

Réel apport en termes de contenu. Apport également en termes de rythme. Intègre la présence d’intrigues secondaires. Se conclut après la confrontation finale.

Voyage du héros, Vogler

Réel apport en termes de contenu. Semble naturelle car très utilisée. Centrée sur l’évolution des personnages.

Préparation importante. Pas adaptée à toutes les histoires ni à tous les personnages. Peut être facilement reconnue.

22 étapes, Truby

Réel apport en termes de contenu. Centrée sur les valeurs, les visions du monde et les révélations. Présente les personnages de façon efficace (besoin, désir, etc.).

Préparation importante. Nécessite un investissement dans les personnages et la volonté de les voir évoluer intérieurement. Peut être difficile à adapter aux décisions des joueuses.

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Préparation importante. Peut être difficile à adapter aux décisions des joueuses.

C. Quelques formats issus du JdR

Après ce tour d’horizon des principales structures narratives issues des médias classiques, voici une présentation de diverses formes que peut prendre la scénarisation en JdR, et de différentes manières de les utiliser avec les structures narratives. En effet, si le terme de scénario est souvent compris comme un enchaînement de scènes pensées à l’avance, ce n’est qu’une des nombreuses possibilités qui s’offrent à vous. Lorsque vous préparez une partie, gardez à l’esprit que tout ce qui vous permet de cadrer vos effets comme les possibilités d’action pour les personnages et les joueuses afin de rendre la partie plus intéressante est un scénario. À vous de les concevoir de façon à ce qu’ils vous aident à anticiper sans prédéterminer et à prévoir sans contraindre. Ils ne doivent pas être des carcans mais des aides facilitant la création collective d’histoires que vous pourrez adapter et manier selon les actes des joueuses. a) Campagne arborescente ou en « couches d’oignon »

Popularisé par L’Appel de Cthulhu, ce format se structure autour d’un enchaînement d’événements liés les uns aux autres. Historiquement surtout prévu pour des enquêtes, il est désormais probablement le plus répandu et est utilisé pour tout type de scénarios ou de genres. Le travail du meneur y consiste généralement à dévoiler progressivement les différentes composantes d’une histoire, que ce soit celle que les personnages essayent de reconstituer, s’ils enquêtent sur un crime par exemple, ou celle qu’ils sont en train de vivre. C’est par les décisions des joueuses et les actions des personnages que celle-ci doit non seulement être découverte, mais également être adaptée en permanence, en alternant le plaisir que l’on peut trouver à comprendre ce qu’il s’est passé, et celui qui découle du fait d’anticiper les conséquences de ses choix. Notamment parce qu’ils sont organisés autour de séquences d’événements, et donc de trames narratives, ces scénarios se marient à merveille avec les structures telles que décrites dans la section précédente. Celles-ci sont d’une grande aide pour générer du rythme et de la tension tout en conservant la cohérence de l’intrigue principale. Ainsi, ce n’est pas un hasard si les scénarios en arborescence sont souvent appréciés pour la complexité des intrigues qu’ils permettent de mettre en place ou se posent comme le choix le plus intuitif lorsqu’il s’agit d’adapter une autre œuvre en JdR. Toutefois, ces avantages s’accompagnent d’un risque réel de tomber dans le dirigisme (à ce sujet, consultez également l’article « Dompter la linéarité » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 159). Aussi est-il critique que vous preniez garde à diversifier les objectifs des personnages (p. 243) et les intrigues (voir Entremêler les intrigues p. 255 et Enrichir un jeu à missions p. 250) aux premiers signes de frustration de la part de vos joueuses. D’autres techniques, comme celles des indices et des secrets flottants (p.  309), ou celles présentées dans la fiche Animer des conflits (oui, mais…) (p.  382) peuvent également permettre de se prémunir d’une rigidité malvenue. De façon générale, pour éviter cet écueil, il est sans doute nécessaire que vous fassiez encore plus attention à ce que les joueuses aient le sentiment que les actions des PJ ont

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des conséquences, et que vous preniez leurs propositions en compte. Vous trouverez dans ce recueil des astuces aussi bien pour leur donner cette impression que pour le faire concrètement, en cas de réussite comme en cas d’échec (voir Transformer l’échec en autre chemin p. 558). De votre côté, ne vous interdisez pas d’être surpris par la direction que prend la partie. Si tout le monde cherche à jouer le jeu, il est même probable que cela vous permette de l’apprécier davantage. À titre d’exemple, le blog Mudworld 8 a essayé de déterminer la structure narrative commune aux scénarios publiés dans trois kits d’initiation issus de grandes franchises (D&D, L’Appel de Cthulhu et Warhammer) et disponibles en anglais en 2019. Comme on peut le voir, sa forme ressemble énormément à celles présentées dans la section précédente, mais en tenant davantage compte des spécificités de notre loisir. En effet, si toutes les phases sont interactives, le deuxième acte (« le nœud » et « les branches ») permet aux personnages d’explorer de nombreuses pistes dans un ordre décidé par l’ensemble de la table. Cet espace permet aux joueuses d’exprimer davantage leur créativité, mais également de mieux calibrer la durée de la campagne en fonction de ce que souhaitent les différents participants. Cette structure est découpée en trois actes de deux étapes chacun : 1. la mise en place, où on présente le contexte et les personnages ; 2. la scène d’action initiale, qui généralement commence presque immédiatement et montre aux personnages comment fonctionne la mécanique (combats, interrogatoires, fouille de scène de crime, etc.) et donne un aperçu du problème plus général qui frappe les lieux où se trouvent les PJ ;  3. le nœud  est la phase où les personnages prennent en main l’intrigue principale et peuvent décider des objectifs intermédiaires et organiser leurs prochaines actions (choix de quêtes, exploration, etc.) pour atteindre leur but ; 4. les branches, qui sont essentiellement les différentes aventures ou scènes qui découlent des objectifs intermédiaires évoqués précédemment. Généralement, elles ne sont pas toutes obligatoires et peuvent majoritairement être abordées sans ordre particulier ; 5. le climax est assez classiquement l’étape de la confrontation finale ; 6. les changements correspondent à une conclusion permettant aux joueuses de constater les conséquences des actions des personnages sur l’univers, et d’avoir l’accroche d’une potentielle suite. b) Campagne structurée autour d’une chronologie des actions des opposants (timeline)

Comme son nom l’indique, ce type de scénario est organisé autour d’une liste de ce que les adversaires des personnages, ou les PNJ de façon plus générale, feraient si les PJ n’étaient pas là ou qu’ils n’essayaient pas d’intervenir. Cette chronologie peut correspondre par exemple au plan qu’une faction ennemie essaye de mettre 8. https://themudworldblog.com/how-to-write-perfect-roleplaying-game-starter-adventures/

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à exécution, comme c’est le cas dans nombre de scénarios pour James Bond 007, ou à la façon dont les événements se précipitent dans une communauté ou lieu donné (comme dans le scénario Une nuit agitée à l’Auberge des Trois Plumes pour Warhammer). De plus, certaines campagnes vont jusqu’à intégrer des mécaniques spécifiques pour faire évoluer cette chronologie en fonction des réalisations des personnages. C’est notamment le cas de Jésus reviens ! pour INS/MV 4 ou de World War Korea (voir p. 51 pour plus de détails). Ce format de scénario peut être de prime abord assez déconcertant, surtout quand on souhaite l’utiliser de concert avec les structures narratives de la section précédente. Par rapport à un scénario en arborescence, il laisse, en théorie, une latitude beaucoup plus importante aux actions des personnages. Toutefois, il encourage de façon assez naturelle les meneurs débutants à coller au plus proche de celles prévues pour les PNJ, et donc, d’une certaine façon, à faire en sorte que celles des PJ n’aient pas de conséquence. Or, pour tirer parti de ce format, c’est bien entendu l’inverse qu’il convient de faire. En effet, et même si ce n’est pas toujours évident de prime abord, la chronologie est principalement fournie pour ne pas être suivie, mais bousculée par les actions des personnages, amenant le meneur à constamment improviser. Cet aspect nécessite d’avoir intégré au préalable la logique des adversaires et de l’environnement pour répondre de manière cohérente. Pour y parvenir, certaines des étapes préconisées par John Truby peuvent être d’une aide précieuse. Ce format peut également amener les joueuses à attendre passivement que les opposants agissent, quitte à se retrouver débordées plus tard par la multiplicité des pistes ou des trames imbriquées. Dans ce cas, l’utilisation de structures narratives simples, comme celle en trois actes, peut permettre de distinguer quelques étapes-clés dans la chronologie et de s’assurer de les faire coïncider avec le déroulement de la séance. Vous pouvez également utiliser certaines scènes aux fonctions clairement définies, comme « l’attaque par un allié » de Truby ou « les méchants se rapprochent » de Snyder pour régler le problème avant qu’il n’apparaisse, tout en préparant vos effets. c) Oppositions et timing

Ce format peut être considéré comme une variation, plus abstraite, du précédent. Il consiste à créer des forces pouvant s’opposer aux personnages, qui comprennent aussi bien des factions ou des PNJ que des menaces plus diffuses, comme des maladies ou des catastrophes naturelles. Mais au lieu de définir une chronologie précise de leurs actions, il est davantage question ici d’établir plusieurs phases dans leur attitude. Par exemple, au lieu de déterminer que la bande armée gobeline envahit la ville en milieu d’après-midi du troisième jour qui suit l’arrivée des PJ, il est défini qu’ils commencent par se regrouper entre tribus et mènent quelques raids isolés, qu’ils envoient un espion et que si la cité leur semble faible, ils passent à l’attaque. N’importe quel événement ou interaction, y compris avec une autre faction, pourra les faire passer d’une phase à l’autre si cela semble pertinent.

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Par rapport au format précédent, celui-ci est donc bien plus souple et évite l’écueil de vouloir forcer les actions des PNJ pour coller à la chronologie. Ici, ce sont vraiment les actions des joueuses qui fondent la progression narrative, provoquant de probables effets dominos qui donnent un aspect plus naturel et logique aux différentes évolutions du décor et des factions. Le travail de scénarisation du MJ se limite surtout à programmer les différentes phases des menaces, et les événements pouvant les faire passer de l’une à l’autre. Pas question ici de créer une histoire prédéfinie, mais uniquement de donner des raisons aux personnages d’agir et de réagir. Pour constituer ces oppositions fertiles, Apocalypse World donne deux outils principaux : une sorte choix en entonnoir à partir d’un problème global originel, et des fronts qui sont des profils techniques de ces oppositions et de leur attitude. Le jeu aide donc ici plutôt à générer un contexte qu’une trame narrative. Dans le cadre d’un tel scénario, les structures narratives peuvent par exemple permettre d’organiser les différences d’attitudes des factions de façon à ce que chacune ait sa propre trame, ou au contraire, de prévoir des règles d’interaction de manière à ce qu’elles génèrent l’équivalent d’actes ou d’étapes telles que les décrit Snyder, par exemple. Une autre approche consiste à déstructurer certains modèles comme celui de Vogler, ou peut-être encore plus celui de Truby, pour répartir certaines des étapes au niveau des attitudes de chacune des factions. Par exemple un PNJ, sous certaines conditions, peut devenir un mentor, un autre un faux adversaire ou multiplier les révélations, etc. Ces scènes arriveront dans un ordre forcément différent de celui des trames dont elles sont tirées, plus dépendant des décisions des joueuses, mais pourront permettre d’intégrer certains éléments très utiles et de donner du cachet à votre campagne. d) Campagne bac à sable

Ce format est structuré non pas autour d’une trame ou d’événements, mais selon une organisation géographique dans laquelle vont être réparties les différentes composantes de la campagne ou de la séance. Ici, c’est généralement l’itinéraire qu’empruntent les personnages qui donne le rythme de l’histoire et l’ordre dans lequel vont se dérouler ses différentes étapes, le meneur se contentant en théorie de consulter le contenu d’une zone (description, rencontres, pièges, objets, etc.) lorsque les PJ y arrivent. Ce format était extrêmement populaire aux tout débuts de notre loisir, avec les donjons ou les cartes régionales découpées en hexagones. Pour plus de détails à ce sujet, n’hésitez pas consulter les articles « Construire un donjon, une méthode aléatoire » p. 73 et Jouer old school p. 365 dans Mener des parties de jeu de rôle, ainsi que « Aider son personnage à gagner : le b.a.-ba de l’exploration de donjons » p. 93 dans Jouer des parties de jeu de rôle. En théorie, ce format a l’avantage de laisser les PJ libres du chemin qu’ils empruntent et de faire la part belle à l’exploration. Dans les faits, cette liberté est très largement dépendante à la fois des informations auxquelles les joueuses ont accès, et de la façon dont les lieux sont agencés. Il n’est guère nécessaire de beaucoup s’y connaître en

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urbanisme ou en level design pour comprendre que l’on peut facilement créer des passages obligés, des goulots d’étranglement et autres obstacles infranchissables ayant un impact direct sur la façon dont les joueuses décident du chemin parcouru par les personnages. En d’autres termes, cette liberté est bien là et dépend de celle que vous voulez accorder, même si ses contraintes sont tellement intégrées au genre qu’elles sont sans doute moins frustrantes que dans d’autres formats. En revanche, celui-ci souffre assez souvent d’une image un peu désuète, voire ringarde qui fait qu’on lui reproche parfois d’être très répétitif, de manquer d’intérêt en dehors de l’accumulation de points d’expérience et de trésors, et de proposer des intrigues assez pauvres. Naturellement, cette vision est très largement caricaturale et des jeux comme Oltrée ! ou, plus largement, le mouvement OSR (pour Old School Renaissance), ont donné de nombreux outils permettant de palier à ces risques. Un bon exemple d’un tel outil est justement l’adaptation d’une structure narrative à la conception de donjons, The 5 Room Dungeon. Inventé par Johnn Four en 2002, ce modèle est en fait applicable à bien d’autres types d’environnements, mais reste majoritairement utilisé dans ce contexte. Dans sa forme la plus simple, et sans doute la plus intéressante, il est composé de cinq salles ou zones 9 : 1. l’entrée et le gardien, où les PJ doivent trouver un moyen de pénétrer dans le donjon. Cette première étape permet de justifier qu’il reste encore des trésors à piller, mais également de captiver l’attention des joueuses et de lancer la partie ; 2. l’énigme ou le défi d’interprétation, qui consiste à amener les personnages à utiliser leur intelligence ou leur bagout pour avancer. Cette étape permet entre autres de mettre en valeur ceux qui n’auraient pas brillé face au gardien de l’étape précédente ; 3. la complication est le nom donné à ce type de zone prévue pour créer de la tension. Généralement, elle comprend un défi qui est soit prévu pour les personnages des joueuses qui n’auraient pas pu réellement briller lors des étapes précédentes, soit qui a pour but de leur offrir une double dose du type de phase de jeu qu’elles préfèrent. Cependant, comme son nom l’indique, elle comprend également un piège, une entourloupe, une incitation à gaspiller les ressources dont les personnages auront besoin plus tard, ou quoi que ce soit d’autre qui les surprend et les pousse à revoir leur stratégie ; 4. le climax désigne le lieu dans lequel se déroule le principal combat ou défi du donjon. Si les personnages traquent un dragon, cette zone est son antre. S’ils négocient la libération d’un prisonnier, c’est la salle de cour. Généralement, il s’agit d’une confrontation avec l’adversaire le plus puissant des environs, et tout est fait pour la rendre la plus mémorable possible (voir Rendre une scène de combat intéressante p. 348). ; 5. la récompense, la révélation ou le retournement de situation. Pouvant n’avoir aucune manifestation géographique, cette étape correspond le plus souvent au moment où les personnages obtiennent ce qu’ils sont venus chercher dans le donjon, ou au lieu 9. Malgré le nom de la méthode, ces zones peuvent comprendre plusieurs salles dans le cadre d’un donjon. Toutefois, celles-ci ont une unité en termes de gameplay et de thématique, ce qui permet de les traiter comme une seule dans le cadre de cette technique.

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où cet événement se produit. Elle peut n’être qu’une simple formalité, mais, pour engager davantage vos joueuses, il est souvent judicieux d’y ajouter une révélation (sur l’ennemi de la salle précédente, leur quête, leur destinataire, etc.), une piste permettant de faire la jonction avec les prochaines séances, voire même leur amorce (voir Terminer par un cliffhanger p. 376) ou une complication (voir p. 203). Il est également possible de combiner tous ces aspects. Par exemple, les PJ peuvent avoir trouvé la statue qu’ils cherchaient, mais les rubis qui lui servaient d’yeux ont été dérobés et ils ont un indice leur permettant d’essayer de le retrouver dans une prochaine aventure (à ce sujet, voir l’article « Passer du scénario à la campagne » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 317). Cette structure a l’avantage d’être extrêmement simple à adapter, par exemple en cumulant plusieurs 5 Room Dungeons, en jouant sur leur ordre 10 ou en modifiant la taille des zones. En effet, leur caractère abstrait permet à la fois de bénéficier des techniques classiques liées au format bac à sable, et de celles des structures en arborescence. Ainsi, exactement comme l’on peut combiner plusieurs modèles (voir p. 202), il est possible ici de développer davantage certaines zones en s’inspirant de structures plus complexes. Par exemple, vous pouvez décider de remplacer la dernière zone par les étapes correspondant au troisième acte du voyage du héros de Vogler, à savoir « le chemin du retour  », «  la résurrection  » et «  le retour avec l’élixir  » pour davantage insister sur la fin du périple des personnages. Mélanger structure narrative classique et le format bac à sable vous permet également d’attribuer une fonction narrative à chaque rencontre, et donc de leur donner bien davantage de sens, même s’il ne s’agit au départ que de simples événements aléatoires. Cette même logique devrait naturellement vous pousser à diversifier également la nature des épreuves rencontrées en cours de route : combats, énigmes, pièges, exploration, discussions avec des PNJ, etc. e) Campagne basée sur les relations entre les personnages

Parfois, le moteur qui permet à une campagne d’avancer est davantage à chercher du côté des relations entre les personnages. Certains jeux comme Monsterhearts ou Smallville, adapté de la série TV éponyme, s’en sont même fait une spécialité. L’un comme l’autre intègre dès la création ou la première séance des mécaniques pour que les joueuses puissent co-générer les éléments importants de la ville dans laquelle leurs personnages évoluent, les PNJ avec lesquels ils interagissent etc. Ce système permet d’aboutir à une carte des personnages et des lieux (voir Cartographier les relations entre personnages p. 13), dans Smallville, ou de la salle de classe, dans Monsterhearts, où la plupart des relations importantes sont déjà déterminées et mises en tension avant 10. Pour voir les neuf formes que peuvent prendre ces cinq salles, voir : https://gnomestew.com/thenine-forms-of-the-five-room-dungeon/ Pour ajouter des intrigues secondaires, voir  : https://www. runagame.net/2015/05/the-five-room-dungeon.html

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même que la première partie ne soit jouée ; et par les joueuses, de surcroît. Ainsi, les rapports entre les personnages, PJ comme PNJ, deviennent la base narrative du jeu (voir Générer des relations complexes p. 272). Selon la façon dont vous utilisez ce format, il vous est même possible, exactement comme vous le feriez en allant sur une zone d’une campagne bac à sable ou dans certains jeux vidéo, de « débloquer » certaines révélations, quêtes ou parties de l’univers en discutant avec tel ou tel PNJ. Dans une telle configuration, les relations entre les PJ et les PNJ, voire entre PNJ, peuvent évoluer très vite, par exemple pour devenir chaotiques, si plusieurs d’entre elles se tendent en même temps, ou, au contraire, pour s’affadir voire se distendre. Il est possible de s’inspirer des structures narratives pour cadencer ces évolutions. En effet, l’attitude de certains PNJ peut évoluer en fonction d’événements donnés qui marquent de fait des actes dans la séance, ou peuvent provoquer des changements dans de très nombreuses relations à la fois. Ce peut être le cas suite à un scandale, une humiliation publique, un retour en grâce, etc. Il est, par exemple, tout à fait envisageable de reprendre les trois épreuves de Greimas en les transformant en défis de popularité dans la cour du lycée ou la scène rap de Détroit au milieu des années 1990. Ces épreuves peuvent aussi être la concrétisation de manigances pour être élu archon à la cour du prince des vampires, ou pour rallier les clans écossais aux relations complexes et antagonistes pour faire face aux troupes anglaises. De même, l’arrivée, l’essor ou la chute de certaines personnalités peuvent suffire à marquer les grandes étapes d’une campagne, notamment si celle-ci est politique, basée sur un huis clos, une guerre des gangs, etc. f) Autres dispositifs spécifiques : exemple de la toile du destin

De nombreux jeux possèdent des formats de campagnes ou des structures narratives qui leur sont propres. Le plus souvent, il s’agit de variations ou de combinaisons de ceux déjà cités dans cette fiche. L’exemple de la toile du destin de Tenga (p. 141 à 143) peut être intéressant à présenter ici pour deux raisons. D’une part, sur le fond, elle propose quelques caractéristiques qui sont peu présentes dans les formats déjà décrits. D’autre part, sur la forme, elle montre à quoi peut ressembler une combinaison entre une structure et un format pour répondre à des besoins spécifiques. Concrètement, il s’agit de superposer un arc de personnage individuel (voir Concevoir un arc de personnage p.  213 et Entremêler les intrigues p.  255) aux trames des scénarios et du groupe. Cet arc se concentre principalement sur l’opposition entre ce que souhaite le personnage et son karma. Cet outil est donc potentiellement intéressant pour des campagnes centrées sur les personnages et où la notion de prédestination – ou des mystiques similaires – est un élément important : ton tragique, sagas antiques, matière de Bretagne, science-fiction à la Dune, etc. La trame correspondant à la toile du destin se conçoit essentiellement en trois temps.

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Tout d’abord, lors de la création, le personnage est notamment défini par trois éléments-clés 11 : son concept (ce qu’il est), son ambition (ce qu’il veut être), son karma (ce que la joueuse qui l’interprète veut qu’il soit à la fin de la campagne). Ensuite, le meneur crée un quatrième élément-clé, mais qui n’est pas communiqué à la joueuse : son destin. Celui-ci correspond à la manière dont le personnage pourrait finir si les choses tournent mal. Souvent, il s’agit de l’opposé de son karma, lorsque celui-ci est positif, ou d’une version vidée de son sens lorsque celui-ci est négatif. Le meneur peut toutefois choisir quelque chose de très différent, notamment s’il souhaite faire ressortir une thématique particulière. Il est cependant encouragé à essayer de formuler une problématique opposant le karma du PJ à son destin, afin de l’aider lors des prochaines étapes. Les événements de la campagne amèneront une réponse à la question ainsi posée. Par exemple, la toile du destin d’un personnage peut être de savoir s’il acceptera de laisser son frère devenir chef de clan à sa place, ou s’il provoquera la chute de ce dernier. Enfin, le meneur réfléchit aux grandes lignes de six temps forts, qui forment une structure narrative de fait, elle-même inspirée de la méthode de Blake Snyder. Ces périodes ne doivent pas être trop décrites pour pouvoir être facilement adaptables à ce qu’il se passe durant les séances, voire elles peuvent être utilisées pour teinter les éléments qui se produisent déjà, si cela peut permettre de renforcer la cohérence de la campagne. Ces temps forts sont organisés de la façon suivante : 1. l’incident déclencheur, qui permet au PJ de se confronter pour la première à la problématique qui différencie son karma et son destin. Les enjeux sont pour l’instant assez faibles et il peut, par exemple, n’être que le témoin d’un tel événement ; 2. l’alternative, qui représente un moment où le PJ fait face à des événements auxquels il doit réagir, mais il peut le faire aussi bien en allant vers son karma que vers son destin 12. Dans la mesure du possible, le meneur ne doit pas lui faciliter la tâche et faire de ce choix un vrai dilemme. À la fin de cette période, volontairement ou pas, le personnage se sera clairement positionné ; 3. le bon temps, qui correspond à une période où le personnage bénéficie des conséquences de son choix précédent. Celui-ci semble avoir été le bon, et tout lui sourit. Il poursuit son chemin à un rythme régulier dans la direction qu’il a choisie ; 4. la fausse victoire arrive après que le personnage a avancé sur la voie de son karma, et alors qu’il fait désormais face à un conflit majeur. Ce dernier peut être guerrier, introspectif, ou de quelque nature que ce soit. Le personnage a franchi un cap et a l’impression d’être sur le point de toucher au but, mais sa victoire n’est pas aussi importante qu’elle le paraît et il lui reste encore bien des choses à régler ; 11. Pour plus de détails sur ces éléments, et plus globalement sur la conception d’un arc de personnage, n’hésitez pas à consulter la fiche du même nom p. 213. 12. Dans le cadre de cette présentation, nous partons du principe qu’il se dirige vers son karma. Naturellement, il suffit d’inverser et, par exemple, de transformer la fausse victoire en fausse défaite dans le cas contraire.

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5. le désespoir est la période la plus sombre de l’évolution du personnage. Lorsque l’euphorie de la fausse victoire se calme, les vrais problèmes apparaissent. Le succès est difficile à gérer et les dissensions se font jour, les doutes se multiplient, etc. Tout s’accélère jusqu’à former une espèce de spirale de l’échec. Le personnage est perdu et il le sait. Son destin est tout proche de se réaliser, voire paraît tentant ; 6. l’instant de vérité est le paroxysme de l’arc du personnage. Il doit choisir entre son destin et son karma, voire une troisième voie qu’il aura lui-même forgée. Le conflit qui se joue ici avec son destin est potentiellement mortel et, à son issue, la joueuse doit sentir qu’elle est allée « au bout » de son personnage. D’une certaine façon, que l’issue de ce temps fort soit positive ou tragique, elle a gagné. Pour ce qui concerne ce personnage, au moins.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• permettent de facilement créer du contenu pour un scénario ou une campagne ; • ne font appel qu’à des outils simples s’utilisant presque tous de façon similaire ; • servent autant à la préparation qu’à l’improvisation, une fois un peu d’expérience acquise ; • génèrent des routines mentales dont il est possible de ne se servir que ponctuellement. Inconvénients :

• peuvent améliorer un contenu intéressant, mais ne sauvent pas un contenu inintéressant ; • sont reconnaissables par des joueuses expérimentées, surtout si vous ne faites pas l’effort de vous renouveler ; • nécessitent d’arbitrer entre la complexité de la structure choisie et ses apports. Ces données varient grandement de l’une à l’autre ; • requièrent de l’adaptation et du développement, notamment pour gérer la rigidité de certaines structures et l’inventivité de certaines joueuses.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Construire un donjon, une méthode aléatoire p. 73, Improviser p. 125, Dompter la linéarité p. 159, Animer les combats p. 173, Animer les scènes spéciales p. 191, Commencer p. 225, Rassembler & Diviser p. 235, Passer du scénario à la campagne p. 317, Jouer old school p. 365. Jouer des parties de jeu de rôle : Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Se renouveler p. 163.

Commencer sur les chapeaux de roue * 1. Description A. Présentation

La scène de l’auberge est sans doute un élément à part entière de la culture rôliste. Elle sert d’introduction à nombre de parties et peut se résumer ainsi : des étrangers se rencontrent dans une auberge avant, en théorie, que l’aventure ne vienne frapper à leur porte ou que le danger ne les unisse dans une quête qui s’annonce épique. Toutefois, dans les faits, il n’est pas rare que ces scènes deviennent ennuyeuses, par exemple parce qu’elles s’éternisent ou que les joueuses ont déjà bien trop souvent vécu cette situation. D’autres fois, ces introductions virent aux clichés inutiles : bagarre générale, arrivée de la milice, discussion avec le PNJ donneur de quête, etc. En résumé, plutôt que de perdre deux heures en début de séance pour justifier une quête qui sera, chacun le sait, acceptée par les personnages, il est sans doute bien plus efficace de partir du principe que cet épisode est déjà derrière eux et directement attaquer les choses sérieuses… Cette fiche regroupe trois types de techniques pour commencer votre séance sur les chapeaux de roue. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• démarrer votre séance avec des scènes fortes ; • marquer clairement le début de la partie et donc la fin de la période qui précède (création de personnage, discussions sur un sujet sans lien avec la partie, etc.) ; • montrer que la séance qui commence est un peu particulière, et faciliter la mise en place d’autres techniques ou d’un scénario atypique ; • avoir des séances a priori plus intéressantes, plus denses et avec moins de déchet ; • impliquer les joueuses et les recentrer sur l’essentiel ; • pouvoir faire des parties plus courtes, ou à d’autres horaires, par exemple les soirs de semaine.

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C. Variantes

La principale variante à certaines de ces techniques est de jouer en transparence : au lieu de créer de l’incertitude, on explique la situation à la joueuse afin qu’elle puisse interpréter son personnage en toute connaissance de cause. D. Mots-clés

Cadence, création de personnage, début de séance, descriptions, implication, mise en scène.

2. Mode d’emploi  Cette fiche rassemble trois groupes de techniques proches visant à faire démarrer la séance très rapidement : les introductions coup-de-poing ou in medias res, les kickers et les routines de démarrage. La première comprend l’essentiel de ce qu’il faut savoir, là où les deux autres sont pour ainsi dire des cas particuliers. A. Les introductions coup-de-poing

Cette technique consiste à propulser les personnages directement dans une situation, généralement de crise, que l’on joue sans se préoccuper de tout ce qui pourrait en ralentir la résolution. L’objectif est de commencer directement par une phase de jeu intéressante sans s’imposer celles qui pourraient l’être moins, et qui sont généralement perçues comme un mal nécessaire. Ainsi, et n’hésitez pas à l’expliquer aux joueuses, on se moque pour l’instant des événements qui ont mis les personnages dans cette situation, et de leurs motivations. On l’exposera plus tard, une fois que ce premier problème sera résolu. La plupart du temps, celui-ci correspond à un passage où les enjeux sont élevés, permettant de s’habituer aux règles (combat, course-poursuite, etc.) ou à un instant où les personnages doivent prendre une décision critique. Pour faire une bonne introduction in medias res, l’idéal est de combiner les éléments suivants : • les PJ sont obligés de réagir, même s’ils ne savent pas encore comment cette crise se terminera. Il se passe quelque chose et leur inaction reviendrait à se laisser imposer une issue néfaste. Le plus simple est de mettre en place un événement négatif qui touchera les personnages, leurs proches ou ce à quoi ils tiennent s’ils n’interviennent pas, mais rien ne vous oblige à rester dans ce schéma ; • quelque chose d’étrange qui amène une part de surprise ou de mystère et doit donner envie de jouer pour découvrir la suite, que ce soit sur le moment ou une fois la crise actuelle résolue. Par exemple, mettez en place une situation qui semble impossible (retour d’un adversaire mort, etc.) ou qui contredit totalement ce que les joueuses savent des personnages (agissements contraires à leurs valeurs, allégeances improbables, etc.) pour attiser leur curiosité ;

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• des pistes pour commencer : si vous voulez que les joueuses réagissent rapidement et que l’action démarre au quart de tour, leur montrer avec plus ou moins de subtilité les premières possibilités pour atteindre leurs objectifs est une bonne idée. Selon les cas, ces pistes peuvent apparaître une fois la crise initiale réglée, lorsque les personnages reprennent leur souffle ; • une invitation explicite à agir. De façon générale, ne prenez aucune décision pour les personnages. Vos descriptions doivent uniquement servir à mettre en place la situation initiale ou à caractériser les PJ par l’action. Vous pouvez éventuellement désarçonner les joueuses avec une question inattendue, mais arrêtez votre mise en place quand vous sentez que les personnages devraient agir ou réagir, et terminez votre introduction par la phrase rituelle « Que faites-vous ? ». Voici quelques exemples tirés de Mener des parties de jeu de rôle : • c’est la nuit, il pleut. Vous avez de la boue jusqu’à la ceinture. Vous êtes en train de courir maladroitement à travers champs alors que vos poursuivants ne cessent de gagner du terrain. Vous voyez leurs torches. Vous entendez les aboiements de leurs chiens. Qui porte le mort ? • vous revenez des funérailles du Dr Van Helsing. Alors que vous passez par la forêt, votre calèche se brise contre une forme sombre et massive. Vous n’avez pas encore totalement repris vos esprits qu’un hurlement de loup se fait entendre dans la nuit. Que faites-vous ? • vous êtes aux Jumeaux, dans l’armée du roi du Nord. Vous profitez des festivités du mariage, quand une agitation s’empare du camp alors que retentit un air des plus incongrus : Les Pluies de Castamere. Que faites-vous ? B. Les kickers

Les introductions coup-de-poing sont des outils permettant de faire débuter la séance à un moment intéressant de l’histoire. Or, ce n’est pas toujours ce que l’on souhaite, surtout si la partie n’est pas organisée autour d’une trame spécifique. On peut alors se concentrer sur les personnages et chercher une sorte d’incident déclencheur qui les propulserait dans l’action, ou sur une situation initiale que viendrait perturber l’un d’entre eux. C’est le principe du kicker, notamment popularisé par le jeu Sorcerer. Il s’agit d’un événement qui arrive au début de la séance ou juste avant, face auquel le personnage se sent obligé de réagir. Certains jeux les intègrent à la création de personnage (Sorcerer, Tenga, etc.), mais la plupart donnent les éléments nécessaires pour en générer facilement (comme les backgrounds de D&D5) et, même dans le cas inverse, il est souvent facile d’en créer à la volée. De même, s’ils servent généralement au moment où on commence à jouer un personnage, comme au début d’un one shot ou lors de la première séance d’une campagne, rien n’empêche d’en créer de nouveaux pour celles qui suivent. Ron Edwards, l’auteur de Sorcerer, explique que les kickers peuvent notamment être de trois sortes :

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• les chocs, des confrontations brutales ou inattendues avec une réalité dérangeante, malsaine, violente, etc. : le personnage découvre un cadavre exsangue dans sa douche et tout indique qu’il est le meurtrier ; • les opportunités, de nouvelles possibilités qui s’offrent à lui et qui vont provoquer de réels changements : après avoir récupéré son bagage à l’aéroport, il découvre qu’une partie de ses affaires a disparu et a été remplacée par une centaine de milliers d’euros en petites coupures ; • les mystères, des informations qui vont amener le personnage à modifier ce qu’il avait prévu pour activement chercher à en apprendre davantage : il reçoit un SMS de son père mort six mois plus tôt lui annonçant que son testament a été falsifié. Pour commencer une séance en utilisant des kickers, le mieux est d’en limiter le nombre : seules les tables les moins nombreuses devraient en avoir un par personnage. Sinon, le risque que l’accumulation d’éléments extraordinaires ne devienne contreproductive et peu crédible est important. Il est également préférable de créer des liens entre les personnages et de n’utiliser qu’un ou deux kickers, mais en s’assurant soit que ces derniers perturbent plusieurs PJ, soit que le groupe soit suffisamment solidaire pour se préoccuper des problèmes de l’un de ses membres. C. Les routines de démarrage

Si les kickers sont les introductions coup-de-poing d’un personnage, il est possible de développer ses propres routines, à savoir des techniques bien plus génériques qui peuvent être utilisées lorsque vous devez tout improviser ou presque. Elles ne nécessitent qu’une préparation minimale, en général avoir une idée de ce que jouent les joueuses, et permettent de rapidement créer tout un contexte à partir d’un matériel très limité. Naturellement, rien ne vous empêche de vous en servir pour commencer des séances plus classiques. Voici trois exemples tirés de Mener des parties de jeu de rôle : • l’envie : demandez à un personnage ce qu’il souhaite le plus, ce qu’il se passerait s’il l’obtenait et ce qui l’empêche de le faire. Éventuellement, interrogez un de ses camarades sur ce qui ne le rend plus si sûr que cela soit une bonne chose, un autre sur ce qui doit absolument être accompli avant pour que cela soit possible, etc. Vous devriez avoir en quelques minutes un cadre complet à partir duquel lancer la partie ; • jamais : demandez à une joueuse ce que son personnage ne ferait pour rien au monde, éventuellement ses raisons, puis – que ce soit quelque chose de négatif ou de positif – pourquoi il est justement en train de le faire. Vous aurez peut-être besoin de décrire un peu la scène pour amorcer la pompe. Impliquez ses camarades dans ce qui vient de se passer ; • double inversion : alors que leurs PJ sont en train de discuter avec leur principal allié, celui-ci est abattu par un tireur embusqué. La communauté cherche le meurtrier et elle tombe sur le bras droit de leur pire ennemi. Celui-ci dit être

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innocent  et apparemment, il veut changer de camp. En privé, il annonce que l’allié des PJ était en fait un traître.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• nécessitent de ne pas trop se répéter, mais constituent autrement un ressort inépuisable ; • sont utilisables pour tout type de parties, personnages, jeux, etc. ; • facilitent l’utilisation de très nombreuses autres techniques (Intégrer des flashforward p. 301, Faire jouer des PNJ aux joueuses p. 607) ; • créent des scènes souvent mémorables pour les joueuses. Inconvénients :

• nécessitent de porter un soin particulier à la continuité et aux phases de downtime ; • reposent sur des éléments forts qu’il faut s’assurer de ne pas trop accumuler pour pouvoir continuer à les gérer ; • coupent certaines scènes considérées comme peu intéressantes, alors qu’elles peuvent être le moyen, pour les joueuses, d’explorer certains aspects de leurs personnages ; • peuvent nécessiter une certaine pratique lorsqu’elles sont combinées à d’autres techniques ; • peuvent désorienter certaines joueuses.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Commencer p. 225, Rendre les choses personnelles p. 261. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer du jeu pour les autres p. 179.

Concevoir un arc de personnage *** 1. Description A. Présentation

Tous les personnages de fiction ne sont pas amenés à changer. Certains correspondent à des archétypes et c’est en partie ce qui fait leur force. En effet, les retrouver exactement comme on les a quittés a un côté confortable. Pourtant, à l’instar de ce qui peut se passer chez Marvel par exemple, même les personnages iconiques sont revisités. Ils prennent alors une consistance plus humaine et évoluent pour rejoindre la cohorte des héros dramatiques, ceux qui sont bouleversés par leurs aventures et qui ne seront plus jamais les mêmes : Frodon, Tyrion, Luke, son père, etc. Que nous soyons lecteur, spectateur ou joueuse, ce sont souvent à ces derniers que nous nous attachons et dans lesquels nous nous investissons émotionnellement : nous voulons découvrir ce qu’ils vont devenir, nous les comprenons, nous pouvons nous rattacher à eux lorsque l’intrigue générale patine, etc. On appelle cette histoire qui leur est propre un « arc de personnage ». Il est d’autant plus intéressant d’en créer en JdR que la plupart des campagnes mettent en scène un groupe de PJ, et il est par conséquent très rare que la trame principale puisse se confondre avec l’arc de l’un d’entre eux. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• impliquer vos joueuses en leur proposant des intrigues sur mesure ; • vous lancer dans une campagne au long cours où les personnages seront mis en avant ; • personnaliser une campagne du commerce, quitte à devoir vous en éloigner à certains moments ; • donner aux joueuses le sentiment que leurs personnages évoluent ; • rajouter une dimension tragique, ou au moins dramatique.

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C. Variantes

Les principales variantes lors de la conception des arcs de personnages sont : • les différentes structures narratives utilisables ; • les multiples façons de combiner les arcs des différents PJ ou au contraire d’en créer un, unique, pour le groupe. D. Mots-clés

Création de personnage, début de séance, implication, intrigues secondaires.

2. Mode d’emploi  Voici les principales étapes à suivre pour créer un arc de personnage ou un arc de groupe. A. Définir les grandes lignes

On peut résumer un arc de personnage par le chemin que parcourt ce dernier entre ce qu’il est au début et à la fin d’une campagne, voire le chemin qu’il parcourt entre deux fins possibles  : une positive et une négative. Ainsi, la façon la plus simple de déterminer la direction générale d’un arc de personnage implique d’identifier au moins les trois éléments suivants : • son concept, c’est-à-dire ce qui définit le PJ au départ, par exemple un jeune garçon de ferme fougueux de Tatooine dont le seul rêve est de devenir pilote ; • son karma 1, à savoir ce qu’il devrait devenir à la fin de la campagne, une fois toutes ses aventures terminées. Notre fermier de Tatooine pourrait se révéler être un puissant chevalier Jedi capable de maîtriser les plus grands dangers et les plus intimes des passions. Vous pouvez déterminer vous-même cette condition finale ou décider de laisser la joueuse concernée le faire. Cette option a l’avantage de limiter les risques de la pousser dans une direction qui ne lui convient pas, et l’amène naturellement à mieux accepter les éventuels revers de fortune au cours de la campagne ; • son destin, ce que pourrait être la condition finale du personnage s’il en venait à se perdre en chemin. Dans notre exemple, le vaillant Jedi pourrait succomber au côté obscur, notamment à cause des liens ambigus qu’il entretient avec son père. En option, vous pouvez également déterminer les deux éléments suivants. Selon les cas, vous préférerez les définir en fonction des événements survenus pendant les séances, de ceux qui transparaissent à la création de personnage, ou des réponses de la joueuse concernée (il faudra donc directement lui poser la question) : • son ambition, ou ce que le personnage souhaiterait devenir. Cet aspect peut se confondre avec son karma ou être totalement différent. Ainsi, notre jeune fermier veut avant tout rejoindre l’académie et devenir un aussi bon pilote que son père ; 1. Les termes techniques de cette fiche sont ceux du jeu Tenga, qui intègre directement cette dimension dans ses règles de création. Naturellement, ils sont à adapter à l’ambiance recherchée.

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• un point faible, ou plus exactement une peur, une limite, un blocage ou une blessure. Dans notre exemple, il pourrait s’agir de son impulsivité et du fait de ne pas avoir connu son père. L’enjeu, pour le personnage, n’est plus uniquement de prendre les bonnes décisions pour aller vers son karma plutôt que son destin, mais également de réussir à se confronter à son point faible pour le surmonter et grandir. Finalement, l’amorce de votre arc de personnage pourrait être résumée par cette phrase : [personnage] veut [ambition], mais il est appelé à devenir [karma]. Toutefois, s’il ne parvient pas à maîtriser [point faible] il peut tout autant devenir [destin]. Ainsi, dans notre exemple, Luke est un jeune fermier de Tatooine qui veut être pilote, mais il est appelé à devenir un puissant maître Jedi. Toutefois, il peut succomber à tout moment à son impulsivité et à sa fascination pour son père, ce qui en ferait un séide du côté obscur. Cette histoire est aussi celle de la campagne. N’hésitez pas à vous inspirer de votre série ou de votre roman préféré. Si cela ne vous suffit pas, voici quelques exemples classiques de tels arcs de personnages. Ce sont certes des clichés, mais ils n’en restent pas moins des repères très efficaces : • la quête initiatique : le novice qui va devenir un membre de la société à part entière et réaliser son potentiel en passant des épreuves. Il en revient en tant qu’homme ou femme accompli ; • le héros crépusculaire : l’ancien qui se doit d’aller jusqu’au bout s’il veut pouvoir continuer à se regarder en face, peu importe les sacrifices ; • la recherche de la rédemption : l’ancien qui doit faire face à sa culpabilité et racheter ses fautes pour pouvoir trouver une forme de quiétude ; • la généalogie de la morale : l’individu sans foi ni loi qui se découvre un code et des valeurs ; • l’acceptation des autres : le malotru narcissique ou l’éduqué plein de préjugés qui rejoint un groupe et apprend non seulement qu’il peut être aimé, mais devient également capable d’aider les autres, voire d’aimer en retour ; • etc. B. Structurer un arc de personnage

Comme le montrent les exemples ci-dessus, certains types d’évolution viennent immédiatement en tête, comme le célèbre voyage du héros (voir Choisir une structure narrative, p. 179). Toutefois, rien n’oblige à s’y limiter. Un arc peut très bien être composé de plusieurs sous-arcs (notamment une fois la trame prévue à l’origine terminée), être l’histoire d’une déchéance et non celle d’une ascension, impliquer d’autres personnages, être avant tout mécanique « je prends cinq classes de guerrier, une de voleur, et je peux enfin obtenir la classe de prestige que je convoite », bifurquer, etc. La plupart du temps, un arc de personnage passera, à un moment ou un autre, par toutes ces étapes. Lors d’une campagne, il existe principalement deux façons de gérer ces changements : laisser les événements affecter directement les personnages en s’adaptant aux impacts lorsqu’ils se produisent, ou les préparer. En effet, il est possible de travailler un arc de personnage 215

exactement comme on le fait pour les étapes d’un scénario. La plupart des enjeux (intensité, richesse, etc.) et des risques (dirigisme, entre autres) sont d’ailleurs les mêmes. Pour structurer un arc de personnage, il faut en premier lieu définir le type de structure qui vous semble le plus opportun. Parmi les approches les plus courantes, vous trouverez : • les structures en trois ou cinq actes ; • le voyage du héros ; • d’autres structures inspirées de la transformation machine de Blake Snyder (voir Choisir une structure narrative p. 190) ; • etc. Vous découvrirez le détail de ces méthodes dans la fiche Choisir une structure narrative (p. 179), mais savoir celle que vous choisirez importe peu ici. Une fois votre décision prise, servez-vous de ce cadre pour y intégrer vos propres idées. Pour y parvenir plus facilement, n’hésitez pas à partir de la fin, à savoir le karma (ou éventuellement le destin), pour en déduire à rebours les autres étapes de l’approche suivie. Ainsi, si on reprend notre exemple en utilisant une structure en trois actes, on peut décider que le moment où notre fermier deviendra un maître Jedi ou un horrible Sith arrivera durant le combat final (troisième acte), qu’il aura appris que le grand méchant n’est autre que son père et aura été tenté de céder au côté obscur (deuxième acte), et ce alors qu’il sera établi que celui-ci est à l’origine de la disparition de deux de ses figures paternelles (premier acte). De surcroît, même si ce n’est pas ce qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque les arcs de personnage, certains jeux vous poussent à aborder cette phase d’un point de vue essentiellement technique. C’est notamment le cas de ceux qui proposent des mécaniques comme des classes de prestiges (D&D3), des carrières (Warhammer) ou des arborescences complexes de dons ou de pouvoirs (D&D3, Star Wars Aux confins de l’Empire). Dans ce cas, la façon de procéder ne change pas : déterminez la condition finale d’un personnage, comme la carrière qu’il devrait avoir à la fin, et définissez ensuite les étapes qui lui permettront d’obtenir tous les prérequis au fur et à mesure. Par exemple, dans Warhammer 2, si vous avez défini qu’un personnage serait « chasseur de prime » et devrait finir « chevalier du cercle intérieur » d’ici la fin de la campagne, vous pouvez par exemple imaginer qu’il passera – si c’est ce que souhaite sa joueuse – par les carrières de « chasseur de vampires », puis de « chevalier ». Naturellement, c’est à vous, en tant que meneur, de fusionner ces deux aspects (narratif et technique) jusqu’à ce qu’ils soient indissociables, et de réinjecter dans la campagne des éléments liés à l’arc du personnage afin qu’il soit là encore très difficile de faire la différence entre les deux. Concrètement, il faut s’assurer de proposer des opportunités et des contraintes, scénaristiques et techniques, qui pourront permettre de fusionner le tout. Ce peut être aussi simple que de rajouter dans votre campagne un vampire, une organisation les combattant ou une riche victime prête à payer rubis sur l’ongle pour être débarrassée de l’un d’entre eux afin que l’évolution – pourtant purement technique au départ – du chasseur de primes en chasseur de vampires se

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déroule de la façon la plus naturelle qui soit. Il faudra également être à l’écoute des divers faits de jeu afin de les rattacher à ce qui pourrait correspondre à un des arcs des personnages et adapter ces derniers autant que nécessaire. Comme pour n’importe quelle trame de scénario, vos joueuses vont se faire un malin plaisir de saboter tout ce que vous avez prévu, et un de plus vos grands plaisirs sera de composer dans l’urgence entre ce que vous avez préparé et ce dont elles ont envie. C. Comment conjuguer plusieurs arcs de personnage ?

Un des reproches que l’on peut faire à la technique des arcs de personnages est qu’elle demande du temps de préparation. Même si cet investissement est généralement largement récompensé, et même s’il est possible de le moduler en fonction de ses possibilités, il n’en reste pas moins inévitable. De même, la multiplication de ces petites intrigues peut provoquer une surcharge d’éléments scénaristiques avec laquelle il n’est pas toujours facile de composer. Ainsi, on peut légitimement questionner la pertinence de développer un arc pour chacun des personnages. Voici quelques possibilités pour réduire votre temps de préparation : • faites des arcs de personnages moins détaillés. Privilégiez les structures les plus simples ou les plus courtes, vous pourrez toujours rajouter de la complexité par la suite, en fonction de vos besoins (par exemple, diviser chacun des trois actes en trois sous-parties) ; • décalez les arcs dans le temps, afin de modifier la durée pendant laquelle chaque personnage est mis en avant, mais aussi pour vous permettre de mieux répartir votre temps de préparation entre les diverses séances ; • développez des arcs uniquement pour certains personnages, tout en laissant des places de choix aux autres dans les trames ainsi créées. Toutes les joueuses n’ont pas forcément envie d’occuper le devant de la scène, et il est tout à fait possible de mettre en place des déséquilibres qui créent du jeu pour toutes, sans qu’aucune ne se sente laissée pour compte ; • imaginez des arcs communs ou impliquant plusieurs personnages, que ce soit parce qu’ils ont des origines ou des motivations communes, ou au contraire parce qu’ils sont rivaux ; • concevez un arc unique pour l’ensemble du groupe. D. Faire un arc pour l’ensemble du groupe

La première méthode permettant de créer un arc pour l’ensemble du groupe est extrêmement simple : partez du principe que le groupe forme une sorte de « super personnage » et utilisez exactement la même méthodologie que pour un arc de PJ. Déterminez concept, karma, destin, etc. en prenant soin de l’appliquer au groupe dans son ensemble et non à l’un de ses membres. De même, gardez à l’esprit que, même si dans l’absolu il est possible de faire autrement, l’arc du groupe se confond avec la campagne. En d’autres termes, découvrir la manière dont le groupe évoluera de son concept vers son karma est la trame principale de la campagne. Cette base vous aidera à la structurer et à ne pas trop vous éparpiller.

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La seconde méthode est presque identique, mais elle part du principe que si le groupe est bien le personnage principal de la campagne, son histoire sera surtout celle des relations entre ses membres et que celles-ci vont évoluer. Les dissensions, les petites trahisons ordinaires, les réconciliations et les actes de bravoure vont y tenir un rôle de premier plan. Si vous aimez le drama, ce type de campagne est souvent aussi plaisant que mémorable, mais il est beaucoup plus inhabituel et nécessite la mise en place de quelques garde-fous pour éviter que la partie ne tourne à la foire d’empoigne. Voici toutefois quelques exemples concrets. La plupart d’entre eux sont présentés sous la forme d’une structure en cinq actes : Angel 2 (Angel) : 1 : le groupe est décidé à travailler ensemble, même si la cohésion reste faible ; 2 : un (ou plusieurs) PJ le rend meilleur ou plus efficace, les soudant tous ; 3 : pour cela, ce PJ se rapproche de plus en plus de la ligne rouge qui les sépare de leurs ennemis. De très fortes tensions apparaissent, d’autant plus qu’il perd en efficacité ; 4 : confrontation ; 5 : le PJ retourne dans le droit chemin, mais la tentation et le doute ne sont jamais loin. Angel (Wesley) : 1 : un (ou plusieurs) PJ est le seul à s’apercevoir qu’un (ou plusieurs) autre est en train de mal tourner malgré lui ; 2 : il n’a d’autre choix que de contrecarrer discrètement ses plans pour l’aider à son insu ; 3 : un élément dérape et prend des proportions démesurées ; 4 : confrontation ; 5 : le groupe est reconfiguré : le pardon est accordé, la rédemption envisagée, mais certains problèmes de confiance subsistent. Comédie romantique : 1 : les PJ sont doués dans ce qu’ils font, mais résolument antagonistes. L’un d’eux utilise des moyens déloyaux pour surpasser l’autre ; 2 : leur rivalité leur permet de se découvrir des points communs et de s’unir ; 3 : tout va pour le mieux entre eux, mais les PJ qui ont subi le coup déloyal payent le prix fort. Les autres ne peuvent en révéler l’origine ; 4 : leur secret est éventé. S’ensuit une confrontation ; 5 : séparation, où chacun se rend compte que le groupe lui manque ; 6 : les fautifs font le nécessaire pour se racheter une conduite ; 7 : le groupe est réuni et tout va à nouveau pour le mieux. Robin des bois, prince des voleurs 3 : 1 : le groupe semble uni, mais des jalousies amènent un PJ à se montrer déloyal ; 2  : toute la communauté en subit les conséquences, mais le coupable est clairement identifié ; 2. La série TV créée par Joss Whedon et David Greenwalt. 3. Le film de Kevin Reynolds avec Kevin Costner, sorti en 1991.

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3 : confrontation ; 4 : la situation peut encore empirer, celui qui a trahi et le reste du groupe doivent s’unir ; 5 : le pardon est accordé et le traître réintégré, mais les conséquences restent visibles ; Roméo et Juliette : 1 : les PJ s’entendent bien, mais viennent de factions ennemies ou sur le point de le devenir ; 2 : ils subissent une très forte pression de leurs proches ; 3 : ils font face et montrent à tous leur détermination ; 4. leurs factions s’unissent alors contre eux, avec ou sans concertation préalable. La confrontation et la défaite sont inévitables ; 5 : ils décident de rester unis jusqu’au bout. Shônen (Dragon Ball, Chevaliers du zodiaque, etc.) : 1 : les PJ sont excellents, les meilleurs dans leur domaine, mais ennemis ; 2 : ils doivent s’affronter dans une lutte épique où aucun ne veut céder, ce qui suscite un respect mutuel ; 3 : une nouvelle menace apparaît et les vainc ; 4 : ils doivent s’unir malgré leurs différences et faire face ; 5 : l’adversité les transforme en une véritable équipe. Avengers : 1 : les PJ sont excellents et complémentaires ; 2 : une menace les oblige à unir leurs forces, mais ils n’ont aucune cohésion ; 3 : ils subissent une énorme défaite, faute de pouvoir s’entendre ; 4 : ils se séparent et le groupe manque à chacun alors que leurs ennemis s’apprêtent à porter un coup fatal ; 5 : les PJ surmontent leurs différences et, face à l’adversité, forment enfin un vrai groupe, ce qui leur permet, contre toute attente, de repousser la menace.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• créent des phases de jeu qui impliquent les joueuses dans la partie et des souvenirs mémorables ; • s’appliquent à la plupart des campagnes ; • peuvent nécessiter un fort investissement, mais celui-ci est presque toujours récompensé ; • s’adaptent en termes de préparation : elles peuvent être facilement modulées pour correspondre aux possibilités de chacun ; • permettent d’éviter aux joueuses le sentiment d’être bloquées  : quand elles n’avancent pas sur la trame principale de la campagne, elles peuvent toujours découvrir des choses sur leur histoire personnelle, et donc continuer à s’intéresser et à s’investir.

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Inconvénients :

• demandent du temps de préparation ; • peuvent impliquer de rajouter beaucoup d’éléments scénaristiques parfois difficiles à manipuler ; • peuvent créer une confusion entre des éléments annexes et le « cœur » d’une campagne, entraînant un risque d’éparpillement ; • impliquent de constamment vérifier la compatibilité avec les rebondissements de la campagne et les envies des joueuses, car ce sont des techniques qui s’appliquent sur le long terme.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Rassembler & Diviser p. 235, Rendre les choses personnelles p. 261. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Coopérer et Rivaliser p. 149, Créer du jeu pour les autres p. 179, Dépasser ces clichés p. 227.

Connaître les grands types de conflits ** 1. Description A. Présentation

Le conflit est un élément central de la narration. Il existe plusieurs façons de le définir, mais il est possible de le résumer en disant qu’il s’agit d’un problème conséquent que les personnages vont devoir résoudre pour arriver à leurs fins. Très souvent, il peut être réduit par la phrase « les personnages font ceci et quelqu’un ou quelque chose s’y oppose » et s’applique à l’échelle qui nous semble pertinente. Ainsi, selon les cas, il peut synthétiser l’opposition inhérente à une scène, les évolutions internes d’un personnage ou le fil rouge d’une campagne (voir Animer des conflits [oui, mais…] p. 382). De façon générale, lorsque l’on veut créer un élément de jeu (univers, faction, personnage, etc.), il est très pratique d’y insérer des conflits « embarqués » que les joueuses ne pourront que difficilement ignorer. Cette fiche, très courte, propose essentiellement un outil : une liste des six grands types de conflits pour vous aider à créer les vôtres et à varier les oppositions que vous faites vivre aux personnages de vos joueuses. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• trouver de l’inspiration pour créer quelques scènes et les intégrer à votre intrigue ; • remplir votre cadre de forces en présence qui amènent des opportunités de jeu intéressantes ; • diversifier votre campagne pour proposer autre chose que le même conflit de base qui revient à chaque séance. C. Variantes

Il existe de nombreuses alternatives à l’utilisation d’une liste de conflits comme inspiration. Vous pouvez par exemple décliner un thème (voir S’inspirer d’un thème

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p. 361), partir d’un adversaire principal (voir Créer un grand méchant p. 225), utiliser une structure narrative déjà connue (voir Choisir une structure narrative p. 179), etc. D. Mots-clés

Implication, intrigues secondaires, opposition.

2. Mode d’emploi  Cette fiche servant surtout d’inspiration, voici la liste des grands types de conflits ainsi que quelques conseils pour l’exploiter sans trop d’efforts. A. Les grands types de conflits

1. Les personnages contre la nature : les PJ explorent un nouveau territoire hostile, doivent fuir ou vaincre un animal ou un cataclysme, trouver le remède contre une maladie, échapper à une rivière en furie, ou survivre à une avalanche. Inspirations : Man VS Wild, Le Trône de Fer (notamment au Mur ou au-delà), The Expanse. 2. Les personnages contre l’humain  : les PJ affrontent d’autres personnages, au sens large. Cette opposition peut prendre la forme d’une compétition dans un domaine spécifique (guerre, succès, force physique, réseau d’influence, conquête d’un objectif, etc.) Ils doivent jauger de la sincérité de leurs alliés, rallier un équipage à leur cause, etc. Inspirations : Mad Max Fury Road, The Shield, Harry Potter. 3. Les personnages contre la société : les PJ luttent contre un système global, que ce soient des régimes politiques, des multinationales toutes-puissantes, une population opposée à leurs actions, etc. Ils doivent apprendre à connaître les factions de la cour ou de la prison, éviter un contrôle, préserver leur réputation, etc. Inspirations  : Les Royaumes du Nord (tome  1 d’À la croisée des mondes), House of Cards, Hunger Games, Star Wars. 4. Les personnages contre eux-mêmes : les PJ vont devoir se dépasser, et lutter contre leurs addictions, leur côté obscur, la corruption, leurs pulsions, leurs sens ou leurs peurs. Ils restent leurs pires ennemis. Inspirations : Bates Motel, 127 heures, Le Seigneur des anneaux. 5. Les personnages contre la technologie ou le surnaturel : les PJ doivent faire face à des menaces inhumaines, que leur origine soit fantastique ou science-fictive (monstres, extraterrestres, robots, etc.). Ils peuvent avoir à hacker un système informatique, déjouer un piège magique ou une malédiction, etc. Inspirations : Black Mirror, Buffy the Vampire Slayer, Alien, Harry Potter. 6. Les personnages contre la réalité ou le destin : les PJ sont confrontés à une sorte de fatalité, à des forces qui les dépassent voire les écrasent comme un rouleau compresseur. Ces forces peuvent être une divinité, le chaos, une prophétie, l’absurdité de l’existence, un événement exceptionnel et terrible, etc. Ils peuvent avoir à essayer de discerner s’ils sont confrontés à une illusion, un rêve ou autre, comprendre une prophétie, etc. Inspirations : Œdipe roi, Apocalypse Now, Forrest Gump, Troie, Inception.

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B. Quelques conseils pour tirer parti de la liste

Choisissez un ou plusieurs conflits dans la liste ci-dessous. Pour chacun d’eux : • imaginez la base de ce conflit dans votre scénario. Quelle forme prend-il concrètement ? Essayez de le résumer en une phrase ou deux et déterminez son échelle ; • à quel moment de votre scénario souhaitez-vous le voir intervenir ? Pourquoi est-il intéressant de faire démarrer l’action à cet endroit et à ce moment-là ? Qu’est-ce qui vient de changer ? Qui est susceptible de faire bouger les lignes ? • incarnez-le via des forces d’opposition plus concrètes puis, pour chacune, sous réserve que ce soit pertinent pour l’échelle du conflit choisi, listez : -- les potentiels alliés et ennemis, leurs objectifs et moyens d’action, atouts et faiblesses. Si vous le souhaitez, vous pouvez établir une sorte de ligne temporelle, même basique, de leurs actions ou objectifs, un peu comme dans Apocalypse World ou Oltrée !, -- éventuellement : un PNJ emblématique, un territoire, -- les diverses manières dont ces forces vont se manifester aux PJ afin qu’ils s’y intéressent, ce que l’on peut appeler des «  accroches  »  : leur village est touché par une épidémie, ils s’attachent à une créature que le reste de la société veut voir morte, depuis tout jeunes ils sont persécutés pour ce qu’ils sont, etc. • essayez de le lier à un ou deux autres types de conflits.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• crée rapidement une série d’opposants, de factions et de dangers, notamment pour du jeu de type bac à sable ; • permet de renouveler et de diversifier les scènes et les motivations, notamment pour du jeu plus orienté sur une intrigue ; • permet de renouveler et de diversifier les défis proposés aux joueuses. Inconvénients :

• demande un temps de réflexion pour incarner concrètement les conflits et leurs manifestations ; • nécessite quelques efforts pour être adaptée à des ambiances moins portées sur le conflit, la compétition ou le dépassement de soi ; • ne garantit pas que les conflits créés seront vécus comme importants par les joueuses, ni leur mise en jeu efficace.

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4. Exemple Les aventures des PJ les ont amenés dans un port d’une nation qui était jusqu’à récemment ennemie de la leur. Ils prennent le bateau pour rejoindre un nouveau continent, découvert il y a moins d’une génération. Le meneur souhaite jouer la traversée plutôt que de faire une ellipse. Il a envie de montrer aux joueuses que c’est un périple extrêmement long et qu’il n’a rien d’anodin. Toutefois, manquant d’idées, il décide de consulter la liste des grands conflits et d’en mêler trois : • les personnages contre la nature : tempêtes, mer, famine, etc. ; • les personnages contre la société : les marins ostracisent les PJ à cause de leur origine. Au début, ils les insultent à demi-mot, refusent de partager leur hamac avec eux, les passent à tabac, etc. Rapidement, il sera évident que les officiers soutiennent leur équipage ; • les personnages contre les humains : le navire est attaqué par des pirates et il faut lutter pour sa survie.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Passer du scénario à la campagne p. 317.

Créer un grand méchant *

1. Description A. Présentation

Du Joker à Dark Vador, la culture populaire ne manque pas d’exemples de méchants mémorables. En effet, rien de tel qu’un adversaire à leur hauteur pour mettre en valeur les personnages principaux et faire ressortir leurs forces comme leurs faiblesses. Ce qui est vrai dans la littérature, la bande dessinée ou le cinéma l’est aussi dans le JdR, et votre antagoniste a un rôle majeur à jouer, que ce soit pour souligner les spécificités de votre univers ou motiver les personnages. Au même titre que ces derniers, il constitue un moteur important de vos parties. Il vaut donc mieux s’y attarder et éviter de prendre cet aspect à la légère. Par conséquent, nous vous proposons ici une méthode pour créer un ennemi récurrent avec une réelle épaisseur, afin d’en faire bien davantage qu’une simple cible à abattre. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• faire jouer une campagne dont les PNJ seront aussi les moteurs, comme celles structurées autour d’une chronologie de leurs actions (voir Choisir une structure narrative p. 179 et Créer une check-list pour sa campagne p. 45) ; • mettre en place une adversité forte et identifiée, qui donne vraiment envie aux joueuses de faire agir leurs personnages ; • surprendre vos joueuses avec un personnage récurrent. C. Variantes

Il existe plusieurs alternatives aux techniques présentées sur cette fiche, comme le fait de jouer les PNJ comme des voitures volées (p. 649), ou d’animer des combats de boss (p. 718), même si ce dernier aspect peut aussi très bien se combiner avec la présence d’un grand méchant dans la campagne. Il en est de même de tout ce qui consiste à réutiliser un ancien PJ comme PNJ (p. 689). 225

D. Mots-clés

Arc de groupe, création de personnage, implication, improvisation (préparation), opposition, personnel, PNJ, tension.

2. Mode d’emploi  Cette fiche aborde trois aspects de la gestion de grands méchants en JdR. La première partie se consacre à leur création en fonction des besoins que le meneur a identifiés. La deuxième développe tout ce qui a trait à leurs motivations et à leurs moyens d’action, ce qui permet notamment d’improviser sans remettre en cause leur cohérence. Enfin, la dernière aborde les questions liées à leur récurrence, à leur mort ou à tout ce qui pourrait mettre fin à leur carrière d’ennemis jurés des personnages. A. Créer un grand méchant

Vous pouvez créer un grand méchant pour des raisons et avec des méthodes très différentes. Celles-ci dépendent en grande partie de votre inspiration et de vos envies. a) Définir son orientation principale

La première étape est de définir votre besoin, qui dépend essentiellement de ce que vous imaginez être le futur moteur de votre campagne. Préférez-vous une trame qui soit centrée sur les PJ, qui développe certaines thématiques ou une orientation plus technique, autour d’une opposition clairement définie ? Selon ce qui vous semble le plus important, vous pouvez notamment aborder la création de votre grand méchant à partir : • des spécificités des PJ (voir Imaginer un PNJ miroir p. 284 et l’article « Rendre les choses personnelles » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 261). Cette approche est particulièrement adaptée pour les campagnes centrées sur les personnages (p. 629), où les intrigues ne s’imposent pas aussi facilement que dans les jeux à missions (p. 250). Utilisez tout ce que les joueuses ont créé au sens large, du background où elles mentionnent leurs ennemis ou erreurs du passé à leurs fiches de personnage avec leurs défauts et avantages, en passant par une éventuelle création de groupe (p. 33). Vous également vous servir de ce PNJ qu’elles ont adoré, détesté ou abandonné lors de la première séance ; • des thèmes (p. 361) du jeu que vous avez envie de valoriser dans votre campagne. Par exemple, si vous voulez que les PJ explorent le monde, il faudra probablement mettre en place un opposant à même de les suivre aux quatre coins du globe. Dans une campagne centrée sur la politique, ils seront certainement confrontés à une incarnation de ce que le système en place peut faire de pire comme intrigant ou société secrète. Gardez l’esprit ouvert sur la forme que peut prendre votre antagoniste principal (voir ci-contre) et définissez celle-ci de manière cohérente avec le reste de la campagne ; • de certains aspects techniques. Si votre but est de leur proposer un adversaire capable de leur tenir la dragée haute d’un point de vue tactique ou martial, pensez-le intelligent ou bien entraîné et donnez-lui des caractéristiques à l’avenant. Adaptez son échelle

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de puissance à vos objectifs : peut-être sera-t-il un tueur de l’ombre, un groupe de bandits, voire une véritable armée si vous voulez mettre en place des batailles de grande envergure. Quel que soit votre choix, ne vous limitez pas à son profil technique et imaginez les stratégies qu’il pourrait développer, et notamment comment il pourrait exploiter les points faibles des PJ, ou frapper là où cela leur fait mal. Idéalement, essayez d’avoir une idée de ce que doit représenter sa puissance par rapport à celle du groupe. Voulez-vous qu’il soit capable d’affronter un seul PJ ? Tous les PJ ? Les PJ et certains alliés spécifiques ? L’équivalent de plusieurs fois tous les PJ ? Dans un seul domaine ? Dans plusieurs ? Lesquels ? Certains JdR proposent d’ailleurs des outils spécifiques pour évaluer l’opposition que représente un PNJ ou un monstre. Dans D&D5, cet indicateur est appelé facteur de puissance. Mais, même sans donnée aussi précise, ne faites pas l’impasse sur cette question : elle aura forcément son importance à un moment ou à un autre de la campagne. b) Définir sa nature

Il convient ensuite de penser à la nature de l’antagoniste principal de votre campagne. Intuitivement, on a tendance à penser à un seul individu, souvent une sorte de personnage miroir (p. 284) des PJ, et la plupart des conseils donnés dans cette fiche concernent cette éventualité. Toutefois, rien ne vous empêche d’explorer d’autres pistes, comme : • un phénomène naturel ou une force mystérieuse : maladie, séisme, famine, le néant, etc. ; • un système : un régime politique ou économique, une organisation sociale, etc. ; • un conflit : une guerre, une rancœur ancestrale entre deux familles, etc. ; • un environnement  : lieu sauvage, hostile ou oppressant, discriminations et persécutions, etc. Ces possibilités peuvent sembler anecdotiques, mais il n’en est rien. Prenons une œuvre fondatrice de l’imaginaire rôliste comme Le Seigneur des anneaux. On y trouve un grand nombre d’antagonistes d’importance et de puissance variables, mais également de natures tout aussi diverses. Même en évacuant la plupart des ennemis mineurs, on peut toujours considérer les adversaires suivants : • l’anneau unique, un objet. Même s’il n’est pas ou peu identifié comme tel, l’anneau a tout d’un véritable ennemi, qui tente et corrompt tous ses porteurs. Pour certains personnages, il est de loin l’ennemi le plus terrifiant de la Terre du Milieu ; • Sauron, une force mystique, et ses armées. Si Sauron ne semble pas faire grand-chose lui-même (du moins en apparence), il est pourtant à n’en point douter le méchant principal du Seigneur des anneaux. Ses troupes, elles, agissent et mettent une pression constante aux peuples de la Terre du Milieu et aux protagonistes. Au-delà de la géopolitique, on peut même considérer que le Mordor en tant qu’environnement est un adversaire pour Sam et Frodon ; • Saroumane, l’équivalent d’un des personnages principaux. Il est plus ou moins l’équivalent d’un Gandalf qui s’est laissé corrompre, et qui refuse la possibilité de se racheter que ce dernier lui offre. En ce sens, il est différent d’un roi-sorcier d’Angmar,

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qui lui est corrompu au-delà de toute rédemption. Comme pour Sauron, ses armées semblent amener le conflit et la pollution dans le reste de la Terre du Milieu ; • Gollum, une créature en apparence insignifiante. Il est l’exemple même d’un antagoniste important, central même, malgré une très faible puissance. Il n’est sans doute pas non plus ce que l’on imagine quand on parle de grand méchant, mais il est pourtant le dernier à manquer de faire échouer la quête de l’anneau. Un peu comme Saroumane, il est une version corrompue d’un personnage principal, mais il suscite plus de l’empathie que de la peur, surtout celle que l’on éprouverait pour un ennemi majeur ; • le Balrog, la bête démoniaque constituée de feu et de ténèbres. La créature est sans doute celle dont on se souvient le plus pour sa puissance, et parce qu’elle permet à Gandalf d’évoluer. L’œuvre de J.R.R. Tolkien comprend bien entendu de nombreux autres antagonistes (les Nazgûl, Shelob, Denethor, etc.). Les quelques-uns cités ci-dessus permettent déjà de montrer une diversité de profils certaine, au-delà de ce que l’on a tendance à imaginer de prime abord. En effet, rien n’empêche d’avoir plusieurs méchants charismatiques. Ils ont aussi l’avantage d’illustrer la manière dont le choix d’une thématique – ici la corruption – peut s’avérer utile pour créer à la fois des ennemis intéressants individuellement, mais ayant également une cohérence entre eux. Il n’est bien sûr pas nécessaire d’établir un tel réseau d’opposants pour vos parties, mais vous pouvez vous en inspirer pour essayer de surprendre vos joueuses. Quoi qu’il en soit, si le grand méchant est une personnalité identifiée, nous vous conseillons de le construire avec la même méthode et le même soin que ceux que vous utiliseriez pour créer un PJ. Dans D&D5, vous pouvez par exemple lui attribuer une classe de PJ et non pas de PNJ, non sans vous autoriser quelques ajustements si nécessaire. L’objectif est à la fois de lui donner de la profondeur, de montrer indirectement aux joueuses qu’il n’est pas si différent des personnages et, comme évoqué, de pouvoir adapter sa puissance. Mais ceci dépasse de loin le cadre de sa création initiale. En effet, même si vous devez rester juste et ne pas devenir l’adversaire des joueuses, n’hésitez pas à incarner ce PNJ comme vous le feriez avec votre propre personnage : intelligemment, en utilisant ses capacités à leur plein potentiel, en se démenant pour atteindre ses objectifs et en ne reculant devant rien, ou presque, pour qu’il reste en vie. Cette attitude devrait amener les joueuses à le prendre au sérieux, voire même à le respecter. c) Le rendre charismatique

Une fois que vous avez défini la nature de votre antagoniste, il reste encore à faire en sorte que les joueuses s’y attachent réellement (p. 342). Étant donné sa fonction et ses possibles traits monstrueux, tant moralement que physiquement, ce n’est pas forcément une tâche aisée. Cependant, il est possible d’y travailler en insistant sur chacun des points suivants, et ce dès la phrase de création : • l’empathie. Un élément amène les joueuses ou les personnages à se mettre à la place du PNJ et, d’une certaine façon, à le comprendre. Elles peuvent même se dire 228

qu’ils auraient tous pu faire partie du même camp, voire qu’ils auraient pu devenir amis. Pour provoquer de l’empathie, le mieux est sans doute de donner au grand méchant une origine comparable à celle des PJ, de le montrer en train de souffrir vainement, ou que son comportement et ses actions sont dues aux injustices qu’il a subies ; • la sympathie. D’une manière sûrement ambiguë, le grand méchant a su se montrer agréable aux yeux des joueuses ou à ceux de leurs personnages. Il a peut-être rendu un service aux PJ ou les a étonnées en les aidant, eux ou leurs proches, alors que rien ne l’y obligeait. Il peut également s’investir dans des causes que les personnages trouvent justifiées, ou être entouré de personnes qu’il aime et qui l’aiment en retour ; • l’intérêt. Le grand méchant a un côté fascinant pour les joueuses ou leurs personnages, ou peut-être que les PJ trouvent un avantage à le côtoyer. Donnez-lui de l’esprit et un domaine dans lequel il excelle, mais aussi et surtout quelque chose que les PJ veulent et qu’ils ne peuvent réellement lui prendre de force. Il peut par exemple avoir de nombreux liens avec d’autres éléments de la campagne qui intéressent déjà, en eux-mêmes, les joueuses. Créez-le avec l’idée de mettre en avant des paradoxes qui ne feront que le rendre plus profond. Enfin, donnez-lui la capacité d’évoluer dans plusieurs directions afin que les joueuses soient curieuses de découvrir le chemin qu’il prendra ; • le mystère. Donnez envie aux joueuses d’en apprendre davantage sur lui. Faites en sorte que tout chez lui suscite de la curiosité : ses origines, son attitude, sa façon de penser, etc. Lorsque vous le créez, prévoyez des secrets qu’il souhaite cacher, ou des hontes qu’il ne désire pas avouer, etc. Attention, rendre le grand méchant attachant n’implique pas forcément de le rendre sympathique. Cet aspect est sans doute encore plus frappant lorsque l’on réfléchit en termes de genre fictionnel (p. 115). Par exemple, les adversaires les plus emblématiques du genre pulp sont souvent extrêmement doués dans leur domaine (savants fous, génies du crime, maîtres du déguisement, sorciers et autres créatures surnaturelles, etc.), mais peu nuancés et cruels. Ils représentent une espèce de mal absolu, parfaite antithèse des héros. Enfin, quels que soient les aspects que vous voulez mettre en avant, vous pouvez les amplifier en faisant en sorte que les PJ et les joueuses entendent parler du grand méchant par d’autres PNJ, et ce bien avant de le rencontrer. Par exemple, pour reprendre un des tours les plus courants du scénariste et réalisateur Joss Whedon, si votre antagoniste effraye un adversaire qui est déjà effrayant en lui-même, il semblera réellement redoutable pour vos joueuses. Généralement, préparer ainsi l’intégration de votre antagoniste amène sur une des deux situations suivantes. La première, très populaire dans les séries animées comme Naruto, consiste à le faire apparaître avec une musique choisie afin de créer une présence réellement intimidante, à la fois pour les joueuses et les personnages (voir Intégrer des génériques et des thèmes musicaux p. 619). La seconde, plus ironique, consiste à prendre le contre-pied de ces attentes en faisant en sorte qu’il rencontre les PJ dans des circonstances triviales, si possible en créant un quiproquo intéressant, ou en tout cas sans que personne ne se doute de qui il s’agit vraiment. Cette astuce est notamment utile lorsque l’apparence de votre antagoniste ne correspond pas du tout à sa réputation. 229

B. Déterminer ses objectifs et ses moyens d’action

Après avoir créé un grand méchant charismatique vient le moment de réfléchir aux raisons pour lesquelles il s’oppose aux personnages, et la façon pratique dont il procède. Pour lui donner toute sa dimension exceptionnelle, il vous faut déterminer ses objectifs et ses moyens. Ceux-ci vous seront particulièrement utiles pour improviser en cours de partie et réagir comme il se doit aux actions des personnages. Pour vous faciliter la tâche, vous pouvez vous inspirer des archétypes de méchants présentés dans le tableau ci-dessous. Ceux-ci peuvent très bien se cumuler ou se combiner si vous en ressentez le besoin. Archétype Autocrate Cerveau Chevalier noir Corrompu

Objectif Rester au sommet de l’échelle sociale ou la détruire Montrer sa suprématie Satisfaire son code d’honneur très personnel Garder son pouvoir et cacher sa corruption

Déchu

Retrouver sa place

Fanatique

Faire triompher sa vision du monde ou faire un monde où triomphe sa vision

Fou

Incompréhensible

Frère ennemi Gestionnaire Inquisiteur Monstre

Se venger de l’organisation des PJ Prospérer Prouver la culpabilité des PJ Chasser, détruire, se nourrir, etc.

Némésis

L’emporter sur les PJ

Sadique

Faire souffrir les PJ Sauver des gens qui ne lui ont rien demandé Prendre la tête de son organisation, puis, éventuellement, du monde Avoir le contrôle sur tout et tout le monde Empêcher les PJ d’atteindre leurs buts

Savant fou Second couteau Séducteur Traître

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Moyens Son empire, domaine, service, etc. Des plans machiavéliques Sa prouesse martiale Sa position sociale et l’aide de ce qui le corrompt Comme un PJ, quelques limitations en moins Tous, mais surtout la vie des autres Imprévisibilité, absence totale de limites Connaissance des PJ et de leurs modes opératoires Son réseau L’organisation des PJ Sa force physique et sa ruse Comme un PJ, quelques limitations en moins Son absence de morale Des inventions infernales La confiance et les ressources de sa hiérarchie Manipulation, séduction, etc. Connaissance des PJ et de leurs modes opératoires

Concernant ses objectifs, le premier point à prendre en considération est que malgré le titre de cette fiche, un antagoniste n’est pas toujours un « méchant ». Sans même parler de la morale ou du fait que les personnages de JdR sont loin de toujours se comporter comme des « gentils », tous n’ont pas de mauvaises intentions. Dans de très nombreuses fictions où les personnages sont pourchassés par les autorités, une grande partie de leurs adversaires font uniquement ce qu’ils croient juste. En fait, un adversaire est généralement d’autant plus captivant qu’il a une motivation ambitieuse mais fondée sur des valeurs que l’on peut aisément comprendre, ou parce qu’il veut se venger d’un tort qu’on lui a fait, et pour lequel il est difficile de ne pas éprouver d’empathie. C’est une des raisons pour lesquelles nous vous conseillons de penser ses objectifs sur deux niveaux  : ce que votre méchant cherche réellement à faire, et ce que les joueuses peuvent imaginer. Cette astuce devrait vous permettre d’exploiter le décalage entre les deux pour donner une nouvelle épaisseur à votre PNJ à un momentclé de la campagne. Une telle progression peut vous aider à mieux rythmer les parties (voir Choisir une structure narrative p. 179) et à maintenir une certaine tension. Par exemple, l’antagoniste peut avoir l’air de vouloir prendre la tête d’un consortium de banques, alors qu’en réalité il veut juste se venger de son dirigeant, utiliser ses moyens pour démarrer une guerre servant ses idéaux fanatiques ou provoquer un krach boursier de grande envergure pour effacer les dettes des plus défavorisés. Voici quelques exemples de motivations venant s’ajouter à ceux du tableau précédent : accomplir sa destinée, l’ascension sociale ou la carrière, un complexe du sauveur perverti, le darwinisme social, le désespoir, être accepté ou reconnu, l’évolution de l’humanité, le fanatisme religieux, la justice, le patriotisme, une peine de cœur, la peur, sauver ses proches ou la planète, se venger, etc. Concernant ses modes opératoires, le plus important est de vous laisser des portes ouvertes. Si vous le limitez trop, il est probable que vous soyez rapidement débordé par la créativité de vos joueuses qui trouveront rapidement une façon de vaincre. Essayez toutefois de lui trouver un style qui le caractérise, une signature que les personnages apprendront à reconnaître : il laisse une carte de visite sur les lieux qu’il cambriole, utilise des inventions improbables, passe par les airs, enrôle des pauvres hères et en fait des kamikazes, ne tue jamais ou au contraire ne laisse jamais de témoins, etc. Au-delà de ce mode d’action privilégié, il est utile de se poser les questions suivantes : • que peut-il faire d’un point de vue légal et politique ? Que peut-il faire de violent ou de coercitif ? Quelles sont ses ressources financières et humaines ? • quelles sont ses ressources technologiques, occultes ou spécifiques d’une façon ou d’une autre ? N’oubliez pas de réfléchir aux moyens d’action moins directs. Par exemple, si une petite frappe préférera sans doute s’en prendre directement à un PJ ou à ses proches, d’autres essaieront de le mettre dans une position financièrement très difficile pour limiter sa capacité de nuire ou le forcer à se montrer plus conciliant.

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Toutefois, évitez de rendre votre PNJ intouchable. Vos joueuses risqueraient de se lasser très vite. Donnez-vous la possibilité d’être surpris par leurs bonnes idées, et n’hésitez à les laisser le battre – au moins momentanément – si vous pensez que c’est mérité. Si vous le souhaitez, vous pouvez même anticiper quelques victoires possibles des PJ, et les récompenses que vous pouvez leur « lâcher » dans un tel cas : fouiller un de ses repaires, capturer un homme de main, trouver un indice important, le forcer à changer ses plans, etc. Enfin, pensez à faire évoluer dans le temps les objectifs et les moyens du grand méchant, d’une part pour prendre en compte les actions des PJ et la façon dont ils vont perturber ses plans, et d’autre part pour continuer à surprendre les joueuses. C. En faire un méchant récurrent

Un grand méchant est par essence un PNJ récurrent. Autrement dit, il est appelé à quitter plusieurs fois le devant de la scène et à y revenir, au gré des différents événements de la campagne. Il peut être mis hors d’état de nuire, mais aussi tout simplement évoluer, voire n’acquérir son statut de méchant que tardivement. S’il est, et c’est probablement le cas, la principale force d’opposition à laquelle sont confrontés les personnages, cela signifie que cette dimension est importante pour gérer le rythme de votre campagne, installer une dynamique progressive et parfois surprendre les joueuses. Pour permettre au grand méchant de revenir de façon cohérente, il peut-être utile de vous préparer aux situations suivantes. Vous n’avez pas besoin de trop entrer dans les détails, mais juste de prévoir comment improviser si elles se présentent : • les personnages réussissent à priver le grand méchant de son principal mode opératoire ou à déjouer son plan, etc. Quels sont ses plans de secours ? Peut-il développer d’autres moyens d’action ? Y compris dans des domaines différents ? Lesquels ? Est-ce que les PJ peuvent le recroiser dans un contexte différent  ? Qui peut avoir intérêt à l’aider ou à s’attacher ses services ? • l’opposant est enfermé ou restreint d’une façon générale. Est-ce qu’il y a un moyen de transformer cette contrainte en force (rencontre avec des gangs, sécurité, etc.)  ? Comment est-ce que cela le rend encore plus exceptionnel et intéressant  ? Peut-il accepter une coopération limitée ? Ne s’est-il pas volontairement fait capturer ? Qu’est-ce qui le retient vraiment ? • le grand méchant s’est fait tuer. Est-ce qu’il est vraiment mort ? Est-ce que ce n’est pas quelqu’un d’autre qui est mort à sa place ? Peut-il revenir grâce à la magie ou la technologie ? Peut-il avoir un clone ou un successeur ? Si oui, quelles seront les différences et comment réagira-t-il à la disparition de son maître ? • le grand méchant est touché ou convaincu. Peut-il chercher la rédemption ? Comment ? Peut-il la trouver ou vaincre ses démons ? Qu’est-ce qu’il sera prêt à faire pour se racheter, et sur quoi ne transigera-t-il jamais ? Quoi qu’il en soit, n’oubliez pas également qu’il existe de nombreuses façons d’interrompre un combat (p. 487), et qu’elles peuvent vous permettre de sauver la mise à votre méchant sans pour autant frustrer les joueuses en paraissant trop injuste. 232

Enfin, n’hésitez pas à faire évoluer ces réponses au fur et à mesure des séances, en fonction des mutations du monde et des actions des personnages. Votre grand méchant a lui aussi le droit de changer d’avis, d’avoir d’autres idées, de modifier son plan ou ses objectifs, d’apprendre de ses erreurs et d’acquérir de nouveaux moyens d’agir ou de nouveaux alliés, surtout si les PJ se rendent impopulaires auprès de certaines franges de la population. Pour les mêmes raisons, si vous utilisez des règles de progression ou de downtime (p. 613) pour les personnages, il peut être judicieux de le faire en profiter également. Là encore, sa capacité à s’adapter à ces derniers et à trouver des stratégies pour les contrer (voir Faire des cadeaux empoisonnés p. 266 et Transformer les forces des PJ en faiblesses p. 726) sans attendre qu’ils viennent à lui le rend plus vivant et a de grandes chances de lui valoir plus de respect de la part des joueuses.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• permet d’avoir un fil rouge flexible que vous contrôlez ; • favorise l’investissement des joueuses ; • peut être modulée selon les besoins, par exemple en créant un réseau d’antagonistes, ou au contraire en faisant disparaître le méchant pour retrouver des parties plus classiques. Inconvénients :

• n’est pas réellement difficile à mettre en place, mais demande de la préparation ; • requiert une bonne capacité d’improvisation et d’adaptation ; • peut amener des réactions un peu trop viscérales de la part des joueuses.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Improviser p. 125, Incarner des PNJ p. 141, Dompter la linéarité p. 159, Animer les combats p. 173, Commencer p. 225, Rendre les choses personnelles p. 261, Passer du scénario à la campagne p. 317. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Interpréter un personnage p. 69, Garder la balle en l’air p. 113, Coopérer et Rivaliser p. 149, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179.

Décrire l’univers comme un ensemble de signes * 1. Description A. Présentation

Si les descriptions sont utiles pour installer une atmosphère et bien faire comprendre aux joueuses dans quelle situation les personnages se trouvent, elles sont généralement composées d’éléments lourds de sens qu’il est crucial de bien identifier pour pouvoir progresser, et d’autres qui ont beaucoup moins d’importance. Par exemple, si vous décrivez la cour d’un roi, il est sans doute plus critique, pour les joueuses, de remarquer que le chambellan regarde son suzerain avec dédain que de se souvenir de ce qu’il a mangé pendant le banquet. Traditionnellement, on appelle « couleur » ces détails qui ne sont là que pour l’ambiance. Mais si cette notion peut être utile pour improviser, nous sommes persuadés qu’elle ne correspond à aucune réalité tangible, principalement parce qu’une des spécificités du JdR est justement que les joueuses peuvent s’emparer de ces éléments pour leur donner de l’importance. Dans notre exemple précédent, remarquer ce que le chambellan a mangé peut devenir un indice sur les sujets qui intéressent les personnages, comme l’origine du PNJ ou les alerter sur une éventuelle tentative d’empoisonnement. En d’autres termes, même ces détails a priori insignifiants – et sans doute improvisés sans arrière-pensée par le meneur – peuvent être utilisés pour transmettre des informations subtiles sur l’univers. Ainsi, celles-ci ne s’imposent pas aux joueuses et ne comprennent aucun indice incontournable qui ne soit pas possible d’obtenir autrement, mais elles sont bien là, pour le plus grand plaisir de celles qui s’y intéressent et veulent creuser davantage. Les bribes d’informations ainsi disséminées peuvent donner quelques renseignements supplémentaires sur des éléments centraux de l’intrigue ou de l’univers, ou juste rendre ce dernier un peu plus vivant, en renforçant sa cohérence et sa richesse par de petites histoires et anecdotes en marge de la trame principale de votre campagne.

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B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• utiliser l’univers différemment et lui donner davantage de corps ; • activer des éléments d’ordinaire anodins du monde, et leur donner du sens ;  • récompenser les joueuses les plus investies et les encourager à se projeter dans l’univers. C. Variantes

Une alternative à ces techniques consiste à intégrer des aides de jeu (à ce sujet, consultez également l’article « Jouer avec les aides de jeu » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 331) que les joueuses pourront manipuler : extraits de journaux avec des publicités qui servent en réalité à recruter pour une secte, lettres contenant des messages codés, cartes dont les routes dessinent un symbole occulte (voir Utiliser des cartes p. 733), etc. Vous pouvez également utiliser des techniques de narration partagée pour aider les joueuses à s’emparer d’éléments de l’univers pour créer leurs propres histoires et ainsi lui donner plus d’épaisseur. D. Mots-clés

Descriptions, improvisation (préparation), intrigues secondaires, mise en scène, règles, tests, transmission.

2. Mode d’emploi  Cette fiche présente essentiellement trois techniques. La première explique comment parsemer sa séance d’éléments improvisés qui prendront sens un peu plus tard. La seconde s’attarde sur diverses astuces qui ont pour but de vous aider à accentuer une thématique donnée dans vos descriptions. La troisième utilise la disposition des lieux et des objets dans une scène, afin de rajouter des intrigues secondaires pour les joueuses qui souhaitent s’y intéresser. A. Intégrer des signes à déchiffrer plus tard

Cette méthode repose essentiellement sur le fait de placer des détails intrigants dans vos descriptions. L’objectif est à la fois que vos joueuses les remarquent et que vous puissiez, dans un second temps, les relier à d’autres éléments et ainsi leur donner l’impression d’évoluer dans un univers dense et particulièrement cohérent. Comme beaucoup de techniques d’improvisation, celle-ci consiste surtout à se ménager des espaces et des portes ouvertes pour pouvoir en tirer parti plus tard. D’une certaine façon, c’est extrêmement proche de ce que vous faites quand vous animez un scénario d’enquête et que vous essayez d’intégrer des indices, à deux réserves près. Vous n’avez a priori pas encore la moindre idée du fin mot de l’histoire, et cet indice ne débouchera probablement sur aucune piste pour l’instant (de ce point de vue, c’est donc l’inverse d’un indice flottant (p. 309). Il éveillera sans doute la curiosité des joueuses, mais ne deviendra utile que bien plus tard, lorsqu’il sera mis en relation avec un autre élément et prendra donc du sens a posteriori. 235

Pour placer de tels détails dans vos descriptions, une des premières choses à garder en tête est de ne pas assommer les joueuses de détails. Au lieu d’en intégrer durant toute la séance, privilégiez la qualité sur la quantité. Procéder ainsi vous permettra de les gérer beaucoup plus facilement, et évitera d’installer l’idée, chez les joueuses, qu’il est normal de passer à côté d’une grande partie de vos propositions. Pour garantir que ces éléments aient leur attention, l’idéal est sans doute de ne les communiquer qu’aux moments où elles sont déjà attentives. Ainsi, glissez-les quand vous répondez à leurs questions, par exemple quand vous avez l’occasion de leur apporter quelques précisions sur l’univers de jeu, en prenant bien soin de ne pas trop en faire. Profitez-en pour leur donner l’impression d’avoir découvert ou gagné ces bribes d’informations, que ce soit parce qu’elles ont posé la bonne question, parce qu’elles ont réussi un test (voir Faire expérimenter p. 453) ou parce qu’elles ont dû faire des efforts pour les obtenir (voir heuristique de l’effort dans la fiche Exercer une opposition bienveillante p. 424). Par exemple, lorsque les personnages entrent dans une échoppe pour se réapprovisionner entre deux explorations, interprétez le marchand de manière à ce que les personnages posent des questions, que ce soit sur les marchandises venues de cités lointaines, les régions dont ils sont originaires, etc. Ne leur faites pas un exposé, mais donnez des informations contextualisées : « vous n’avez jamais vu d’armure en bois  ? Vous n’avez jamais entendu parler du désert des Larmes 1 ? C’est une spécialité des peuplades barbares qui vivent dans ces steppes ! On se les arrache jusqu’en Filkhar ! Vous devez avoir au moins entendu parler de leurs terribles cimeterres. Laissez-moi vous montrer… » Si les PJ se prennent au jeu, décrivez-leur une dague venant de ce pays, et expliquez que le manche ouvragé décline le motif d’une tête de loup dans un hexagone. Ne donnez pas davantage d’informations pour l’instant, et montrez que le vendeur ne veut pas dire plus : il peut être gêné, s’en moquer alors que ce symbole a de toute évidence une signification particulière, ou au contraire essayer d’intégrer d’évidentes âneries à son boniment. S’arrêter ainsi peut être frustrant, mais cela crée chez les joueuses l’envie d’en apprendre davantage. Il existe naturellement d’autres méthodes pour provoquer leur curiosité et vous aider à faire en sorte qu’elles retiennent l’information que vous leur avez donnée. Même si le principe même que vous vous y attardiez donnera mécaniquement l’envie aux joueuses de s’y intéresser, vous pouvez également susciter cette curiosité de plusieurs autres façons. Par exemple, vous pouvez évoquer un élément incongru, comme ce symbole de tête de loup dans un hexagone, un détail qui semble impossible ou un autre qui contredit totalement ce que les joueuses croient savoir. La fiche Rendre des personnages attachants p. 342, et notamment sa partie sur le mystère, devrait vous être très utile. De votre côté, lorsque vous avez présenté un tel indice, notez-le. Vous réfléchirez plus tard, idéalement entre cette séance et la prochaine, de ce que vous pourrez en faire. Si 1. Localités des Jeunes Royaumes, l’univers dans lequel se déroulent les romans du cycle d’Elric de Michael Moorcock, ainsi que les jeux qui en sont adaptés. Ceux-ci comprennent notamment Stormbringer, Elric !, Elric de Melniboné et Mournblade.

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jamais vous utilisez la technique des indices flottants, et notamment des secrets (voir Laisser flotter des indices et des secrets p. 309), vous pouvez toutefois vous en servir immédiatement. Par exemple, cela peut être un moyen de rabattre les personnages vers une piste que vous souhaitiez exploiter dans la séance, mais que les joueuses n’ont pas vue : « tu remarques que l’enseigne de La Rouge Mandoline, la boutique d’un luthier, a une sorte de cachet dans un coin. On dirait une tête de loup dans un hexagone ». Vous pouvez également vous en servir pour amener vers un des secrets flottants. Il vous suffira lors d’improviser un lien entre le détail que vous avez rajouté et ce dernier, puis de le cocher dans votre liste. Le travail du meneur consiste donc essentiellement à intégrer ces éléments dans la partie. Nous vous encourageons à adopter une ou plusieurs des approches suivantes : • installer une progression. Pour fonctionner, cette technique utilise la récurrence de motifs similaires ou entre lesquels il est possible de faire des liens. C’est le cas de la tête de loup dans notre exemple. Mais au-delà de la simple répétition, il est possible de titiller la curiosité des PJ en provoquant des ruptures, des contrastes, ou au contraire de montrer progressivement des changements concernant ces motifs eux-mêmes. Ils peuvent par exemple différer selon les actes de votre structure narrative (p. 179). Ainsi, on peut imaginer qu’à certains moments de votre campagne, les personnages commencent à trouver des têtes de loup non plus gravées sur des objets, mais directement tatouées sur des personnes avant, encore plus tard, de découvrir une autre tête d’animal dans un hexagone : ils comprendront dès lors qu’ils ne sont pas confrontés à une faction, mais à plusieurs. Toujours avec le même exemple, vous pouvez également amener les joueuses à se poser des questions en confrontant les personnages à un tatouage qui n’a pas été fini, ou partiellement recouvert, etc. ; • jouer sur la symbolique et les métaphores. Cette astuce est plus facile à utiliser dans les univers empreints de surnaturel ou de mysticisme, ou avec des personnages qui ont de telles inclinaisons, comme un médium dans notre monde contemporain. Toutefois, il s’agit d’une variante de la technique principale, dans le sens où le but est davantage d’instiller une ambiance que de donner de réelles pistes. Elle consiste à intégrer des éléments dans vos descriptions qui sont des commentaires sur les événements en jeu, et peuvent renforcer une thématique ou des émotions spécifiques. Par exemple, pour amplifier le côté carnassier d’un PNJ qui reste intimidant malgré un discours qui se veut rassurant, vous pouvez jouer sur le contraste et dire à une joueuse que, par la fenêtre, son personnage aperçoit un chat qui est en train de dévorer un oiseau dans la cour. Pour prendre une autre situation plus concrète, dans la série du Trône de fer, la présentation de Tywinn Lannister en train de dépecer un cerf, symbole de la maison royale des Baratheon, est également une très bonne utilisation de ce même principe, à la fois pour caractériser le vieil homme mais également ses projets. Enfin, si vous voulez avoir recours à la symbolique pour renforcer une thématique, vous pouvez l’exploiter dans un certain nombre de descriptions qui, bien que différentes, illustrent une même idée. Ainsi, dans une partie où les PJ risquent d’être mis au ban de la société, vous pouvez décrire un oisillon poussé du nid, des enfants qui se moquent 237

d’un autre, des SDF grelottant autour d’un feu, des policiers qui arrêtent toujours le même type de personnes, etc. ; • distordre légèrement les lois de l’univers pour le faire réagir. Cette astuce est surtout utile pour mettre en évidence soit un point concernant ce dernier, soit une relation particulière entre les personnages et lui. Elle consiste à partir du principe que le monde n’est pas un espace neutre 2, mais qu’il est au contraire une sorte de personnage (p. 594), portant implicitement des thèmes (p. 361), des valeurs, des conflits, etc. C’est le mélange de tous ces éléments qui fait son identité, et celle-ci s’exprime donc aussi dans la façon dont il réagit aux actions des personnages. Imaginons qu’ils explorent la nécropole d’une civilisation perdue depuis recouverte par la forêt, et qu’ils se comportent d’une façon particulièrement respectueuse. Le meneur décide alors d’improviser une réaction des esprits sylvestres pour souligner cette attitude. Il peut expliquer aux joueuses que les lieux semblent étrangement familiers aux personnages, presque rassurants, et leur accorder un bonus aux tests d’Orientation. Il peut également décrire des murmures et des chants apaisants, ou dire que le vent semble pousser la végétation pour leur libérer le passage (voir Tirer profit des techniques surréalistes p. 550). S’il souhaite frapper fort, il peut même aller jusqu’à animer une cinématique (p. 314) où un personnage bascule dans le vide avant que le vent ne se lève et n’amortisse sa chute ; • distordre légèrement la mécanique. Ce point est plus ou moins le même que le précédent, mais il se concentre davantage sur le méta-jeu  et la connaissance des règles que les joueuses peuvent avoir. Par exemple, plutôt que de simplement dire à l’une d’elles qu’il se passe quelque chose d’étrange lorsqu’elle utilise un pouvoir à un endroit donné ou sur un PNJ particulier, il peut lui donner ostensiblement un malus sans lui expliquer pourquoi, ou décréter que le sort qu’elle veut lancer sur tel personnage n’a pas d’effet, malgré un jet de toute évidence réussi. B. Décrire pour faire ressortir une thématique

Un univers, imaginaire ou bien réel, n’est pas juste un espace géographique. Un peu comme il existe des cartes politiques, topographiques ou économiques, on peut choisir de le décrire en mettant en avant des enjeux très différents. Souvent, ceux-ci seront en accord avec les thématiques du jeu. Par exemple, on peut notamment choisir de mettre en avant la Bretagne légendaire de Pendragon selon un angle militaire, religieux ou même mystique. Mais on pourrait tout à fait choisir de faire ressortir des thèmes bien plus abstraits, comme celui de la loyauté et de la trahison, ou de l’importance de l’amour dans la vie des hommes, voire selon un traitement qui n’a plus grand-chose à voir avec la geste arthurienne, comme les différences de classes sociales ou la lutte contre la corruption. Cette méthode consiste à choisir un tel angle, puis à faire apparaître régulièrement des motifs dans la séance qui vont le soutenir. Selon celui que vous aurez choisi, cette technique est particulièrement adaptée pour montrer aux joueuses 2. Pour lire la description d’une Paris consciente qui fait passer des indices aux PJ par l’environnement, voir : Fire & Ice, volume 2, p. 105, 111 et 112.

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que de grandes forces sous-tendent la dynamique de l’univers en filigrane, et que leur opposition le fait évoluer. Ainsi, pour montrer que plusieurs visions du monde s’affrontent, ou pour transmettre les points forts qui fondent l’identité d’un univers, vous pouvez par exemple : • intégrer cette thématique dans vos descriptions. Utilisez-la à de multiples endroits pour renforcer le sens que vous donnez à certains éléments du décor, quitte à les rendre un peu évidents. De la même façon, utilisez un champ lexical spécifique et décalé pour faire ressortir presque naturellement l’angle que vous avez choisi. Par exemple, si les PJ évoluent dans une mégapole cyberpunk et que vous voulez justement faire ressortir son côté inhumain et aliénant, vous pouvez choisir de la décrire comme une bête. Vous pouvez avoir recours à cette métaphore à de multiples occasions, notamment en choisissant d’accentuer un côté organique et sauvage, voire prédateur, et le contraste avec une froideur apparente : le trafic des voies rapides évoque un troupeau prêt à tout écraser sur son passage, les usines rugissent, le plan du métro évoque un réseau veineux, le goudron une peau craquelée, la fumée des égouts un souffle nauséabond, les services de la mairie n’agissent que quand ils sont en surnombre, etc. ; • utiliser les médias internes à l’univers (journaux, bardes, légendes, publicités, livres, etc.) pour faire ressortir la thématique qui vous intéresse, que ce soit dans leur contenu ou dans la façon dont le public les perçoit. Par exemple, une comptine que chantent des enfants dans la rue peut raconter une histoire similaire à celle qu’a vécue l’adversaire des PJ et donc participer à rendre ses motivations compréhensibles, surtout si les enfants voient le personnage de la comptine comme un héros. Vous pouvez également vous servir de ces « histoires dans l’histoire » pour donner aux personnages un autre point de vue sur des événements qu’ils ont vécus, toujours pour en souligner certains aspects liés à la thématique qui vous intéresse. Par exemple, dans l’épisode 5 la saison 6 de Game of Thrones, Arya Stark assiste à une pièce de théâtre, The Bloody Hand, qui relate les derniers événements survenus à King’s Landing. Elle s’amuse beaucoup des différentes caricatures jusqu’à l’entrée en scène de son père représenté comme un bouffon rustre et ambitieux, humilié par Joffrey. Finalement, le voir tourné en ridicule lors de sa fausse exécution sous les rires du public termine de la choquer. Lors d’une partie de JdR, selon ce que vous souhaitez mettre en avant, une telle scène peut susciter de l’empathie envers le peuple qui s’amuse de la mort des puissants et montrer que leurs complots et autres manigances sont risibles. Elle peut également provoquer un sentiment de solitude, et faire apparaître le peuple comme aussi dur et indigne de confiance que n’importe qui d’autre dans cet univers. Quoi qu’il en soit, une telle diversité d’approches permet d’enrichir le regard que l’on porte sur le monde, de prendre du recul et de montrer que plusieurs visions cohabitent. C. Utiliser la narration environnementale

Essentiellement théorisée dans le monde du jeu vidéo et popularisée par des titres comme Bioshock ou Dark Souls, cette troisième approche porte un nom un peu surprenant. Cependant, elle est en réalité assez simple et déjà présente, certes de façon

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moins formelle, dans les premiers donjons. Elle consiste à utiliser la disposition des lieux et à agencer des objets et autres éléments dans une scène pour suggérer un fragment d’histoire. La narration dont il est question ici est moins directe et amène davantage les joueuses à se créer leur propre version des faits plus qu’à en forcer une. Elle a généralement un effet très positif sur le sentiment d’être dans un univers cohérent où chaque détail a sa raison d’être, et où il suffit de s’intéresser à quelque chose pour voir qu’il est possible d’en apprendre davantage. Toutefois, par son aspect secondaire, elle ne s’impose pas aux joueuses. Même si son utilisation est plus large dans le jeu vidéo, il vaut sans doute mieux se limiter dans le cadre du JdR à de petites saynètes accessoires, qu’il est tout à fait possible de rater, et qui existent surtout pour les joueuses qui auraient envie de s’y attarder. Pour prendre quelques exemples concrets, si les personnages découvrent dans une salle d’un donjon deux squelettes étendus l’un à côté de l’autre et se touchant la main, il y a fort à parier que si les joueuses s’y intéressent, elles commencent à imaginer un couple et se demandent quelle est leur histoire. Et elles réagiront probablement de façon très différente si l’un d’eux s’anime et s’en prend aux PJ. De façon analogue, si elles découvrent dans un autre jeu une cabane isolée avec un squelette portant un uniforme de policier sur une chaise près de l’entrée, avec à ses pieds un pistolet auquel il manque une balle et, sur la table de la cuisine, les restes d’un vieux gâteau avec quatre bougies, elles pourront imaginer bien des choses. Elles n’ont pas forcément besoin de savoir que vous avez improvisé ces lieux juste parce qu’elles vous ont dit que les personnages cherchaient un endroit où passer la nuit. Comme le montrent ces exemples, cette approche consiste le plus souvent à confronter les personnages à une situation un peu étrange, et de pousser les joueuses à se demander ce qu’il a bien pu se passer à cet endroit. Bien entendu, rien ne vous empêche d’aller plus loin. Faire découvrir quelques statues étrangement réalistes peut alarmer les personnages sur la présence d’un basilic, et peupler sa tanière de dizaines de cadavres paralysés entre lesquels il va falloir se faufiler peut jouer sur la tension et donner de précieuses informations sur leur adversaire. Cette méthode comprend généralement deux étapes. La première consiste à identifier ce que vous voulez mettre en avant. Le plus simple est sans doute de se poser la question selon une des formulations suivantes : • qu’est-ce que vous voulez raconter ? • qu’est-ce que vous voulez que les joueuses ou les personnages comprennent ? • qu’est-ce que vous voulez que les joueuses ou les personnages ressentent ? Ensuite, demandez-vous comment ce que vous souhaitez mettre en avant peut se décliner selon chacun des trois points suivants : • en termes d’éléments d’ambiance ou de décor, de perceptions un peu diffuses, etc. Par exemple, des traces de griffures sur les murs, du moisi, des odeurs, de

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la peinture écaillée, une musique d’ascenseur complètement décalée dans un lieu macabre à souhait, etc. ; • en termes d’objets, ce qui peut bien entendu comprendre des pièces d’équipement, mais aussi des PNJ ou des éléments plus ou moins évidents comme une source de magie. Est-ce que ces objets ont quelque chose de spécial ? Que peuvent-ils nous dire du passage du temps et des différentes factions impliquées ? Est-ce que leur présence semble étrange, comme un cheval à roulettes dans une cage ? Est-ce qu’il y a des éléments facilement identifiables ? Des données écrites ou des marques qui peuvent apporter un éclairage, comme des traces faites sur le mur pour marquer l’évolution de la taille d’enfants, mais qui évolueraient bien trop lentement ? • au niveau de l’architecture et de la disposition des lieux. Si cet aspect est critique dans un donjon, il a également son importance dans la plupart des autres jeux, par exemple si vous voulez montrer que des personnages ont eu peur ou ont fui quelque chose. Où sont les objets ou personnages dans la pièce ? Est-ce qu’ils ont quelque chose d’évident à y faire, ou leur présence est-elle au contraire incongrue ? Où est-ce que cette pièce est située ? Pourquoi est-ce important ? Cette méthode est surtout utile pour vous aider à rajouter des saynètes que vous avez préparées. Naturellement, rien ne vous empêche d’utiliser une méthode similaire pour présenter des éléments plus centraux de vos propres scénarios ou, au contraire, improviser.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• proposent d’autres niveaux de lecture de l’univers ; • permettent de récompenser les joueuses qui font l’effort d’être curieuses par des informations moins évidentes sur les intrigues, les secrets, les PNJ, etc. ; • donnent une grande impression de cohérence et de richesse aux joueuses. Inconvénients :

• requièrent de la préparation, mais s’appliquent souvent sur des éléments assez périphériques ; • peuvent détourner l’attention des joueuses de l’essentiel en cas de temps limité ; • demandent un peu d’entraînement pour apprendre à naviguer entre trop évident et pas assez.

4. Exemple Imaginons une partie se déroulant dans un monde cyberpunk tournant autour du réveil d’une nature mise à mal par le monde moderne. Le meneur se prépare une série de détails à utiliser quand l’occasion se présentera de montrer une vie sauvage emprisonnée et malmenée : arbres en cage, végétaux poussant difficilement entre les

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fissures du béton, parcs bien ordonnés mais remplis de plantes de synthèse, animaux vendus comme des jouets dans des animaleries, cris provenant des abattoirs, etc. Il décide également de parsemer la séance d’indices montrant que la nature s’en prend à des drones et autres envahisseurs technologiques. Certains pourront avoir été attaqués par de nombreux animaux considérés comme de la vermine  : des pigeons les font tomber et des nuées de rats terminent d’en ronger les câbles. Un autre pourra avoir été abattu par la foudre, malgré les nombreux paratonnerres sur les bâtiments des environs. Enfin, comme il veut aussi montrer la nature comme une force bienveillante, le MJ prépare quelques idées pour que celle-ci vienne en aide aux personnages, mais en faisant en sorte que cela puisse toujours passer pour un hasard : le soleil éblouit un adversaire, la neige recouvre les traces d’un de leurs forfaits, un chien protège un personnage blessé, etc.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Décrire p. 109, Improviser p. 125, Animer les scènes spéciales p. 191, Créer des émotions particulières p. 277, Jouer en musique p. 297.

Diversifier les objectifs des personnages ** 1. Description A. Présentation

Que vous utilisiez un scénario déjà écrit, imaginiez le vôtre ou improvisiez, il est probable que vos parties tournent principalement autour d’un petit nombre d’objectifs très réguliers. Autrement dit, les personnages font plus ou moins toujours les mêmes choses  : ils s’en prennent à quelqu’un, ils protègent ou convainquent quelqu’un d’autre, ils cherchent des renseignements pour résoudre un mystère, se rendent à un point donné, explorent un endroit, etc. Il n’y a pas lieu de s’en émouvoir plus que de raison. En réalité, il est probable que vos joueuses aient elles aussi cette même tendance lorsqu’elles ont la possibilité de déterminer les buts de leurs personnages. Toutefois, il reste possible d’utiliser des outils pour apporter plus de variété dans les objectifs proposés. Il n’est pas forcément question ici de chercher à révolutionner vos parties, mais à éviter qu’une forme de routine s’installe et douche l’enthousiasme de vos joueuses. Cette fiche regroupe quelques-unes de ces techniques. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• éviter les parties répétitives et conserver l’intérêt des joueuses sur le long terme ; • créer des situations inédites qui forcent les joueuses à changer de leurs habitudes et à trouver de nouvelles idées ; • utiliser du matériel prévu pour des jeux avec un univers proche mais un ton différent. C. Variantes

Même s’il ne s’agit pas d’alternatives au sens strict, il existe plusieurs autres techniques qui permettent de créer du jeu autour de la notion d’objectifs de personnages. Par exemple, vous pouvez Proposer des objectifs contradictoires p. 330, Entremêler les intrigues p. 255, ou vous servir des méthodes décrites dans la fiche Enrichir un jeu à 243

missions p. 250. Si vous le souhaitez, il est également possible de solliciter directement la créativité des joueuses pour définir ces objectifs, que ce soit en vous inspirant des conflits collaboratifs (voir Intégrer un conflit collaboratif p. 624) ou en imaginant avec elles un contexte qui leur permette de les faire émerger (voir Créer un groupe cohérent p. 33 et Créer un quartier avec les joueuses p. 39). D. Mots-clés

Arc de groupe, début de séance, implication, tension.

2. Mode d’emploi  Cette fiche présente quatre techniques pour diversifier les objectifs des personnages : nuancer les cas les plus communs, décomposer les phases de jeu en étapes intermédiaires, faire augmenter les enjeux ou modifier la situation, et utiliser le méta-jeu. A. Nuancer les objectifs les plus communs

Il existe une technique extrêmement simple pour offrir plus de variété et renouveler une scène pour les joueuses sans que cela ne vous demande beaucoup de travail. Il vous suffit de rajouter une contrainte importante à ce qui était initialement prévu, ou aux idées que vous avez eues intuitivement. Selon ce qui est le plus facile pour vous, cette approche reviendra soit à rajouter un « mais… » à la formulation initiale de l’objectif (vous devez explorer le labyrinthe, mais on vous téléporte directement au niveau le plus profond et il faudra remonter à la surface), soit à employer un terme proche mais différent de celui qui avait été utilisé (vous ne devez pas explorer le labyrinthe, mais trouver une sortie qui vous ramène à la surface). Imaginons que les joueuses interprètent des aventuriers dans un jeu de fantasy classique type D&D. Ces derniers ont pour habitude de débarrasser les villageois de redoutables créatures, et votre scénario implique de traquer et de tuer un griffon. Vous pouvez gommer tout effet de déjà-vu en décidant que les PJ doivent : • le pousser à partir sans lui faire de mal ; • l’apprivoiser ; • le nourrir ou le soigner ; • comprendre pourquoi il est devenu agressif et régler le problème ; • le sauver d’un autre prédateur ou d’une autre faction ; • l’étudier ou l’observer ; • le capturer et l’amener dans un lieu donné ; • ramener un objet ou une personne de sa tanière sans l’affronter ; • ramener une partie de son corps, par exemple sans endommager cette dernière ou lui faire de mal. En procédant de la sorte, vous changez radicalement la façon dont les joueuses préparent leurs personnages et agissent le moment venu. Vous leur donnez l’impression 244

d’être face à une situation inédite tout en stimulant leur créativité. De votre côté, vous conservez l’essentiel du matériel que vous avez déjà, que ce soit la description de la région, les étapes du périple et les autres péripéties. Cette technique est également très utile lorsque vous jouez à un jeu avec un ton particulier, comme Ryuutama  : il entretient notamment une certaine distance avec la violence, et vous pouvez vouloir créer ou adapter un scénario afin de mettre ses spécificités en avant. Pour vous inspirer, voici un tableau qui propose des variations autour d’objectifs courants. Types d’objectifs

Exemples

Attaquer

Absorber, arrêter, capturer, détruire, endommager, exorciser, incendier, montrer sa force, ramener à la raison, saboter, sacrifier, soumettre, tuer

Collecter

Acheter, acquérir (ingrédients, informations, objets, preuves, remèdes, ressources pour une mission, savoirs, soutiens politiques, témoignages), analyser, chasser, créer, emprunter, espionner, fabriquer, gagner un concours, récupérer, remplacer, trouver, voler

Communiquer

Acheter, convaincre, déchiffrer, donner une performance, éduquer, établir un lien diplomatique, faire courir un bruit, informer, motiver, négocier, offrir, s’infiltrer, se déguiser, séduire, sympathiser, témoigner, trahir, trouver des alliés, vendre

Explorer

Bâtir, cartographier, coloniser, conquérir, découvrir, défricher, ouvrir la voie, rencontrer, s’installer, s’orienter, trouver (être, lieu, objet, ruine, sortie)

Organiser (voir Utiliser des cartes p. 733)

Attribuer, commander, construire, diriger, distribuer, financer, gérer, gouverner, infiltrer, partager, planifier (bataille, blocus, camp de réfugiés, cérémonie, rencontre, repli, réseau clandestin, voyage), prélever, prospérer, recruter, répartir

Protéger

Couvrir, cacher, défendre (allié, ennemi, groupe, idée, institution, lieu, objet, symbole), délivrer, escorter, fortifier, occuper, résister, retenir, tenir, s’infiltrer, se sacrifier, soigner

Voyager

Bivouaquer, coloniser, découvrir, fuir (catastrophe, exactions, lieu, personne), livrer, migrer, ouvrir la voie, rationner, rattraper, réparer ou apprendre à utiliser un moyen de transport, s’installer, s’orienter, se reposer, transporter un message ou un objet 245

B. Décomposer une séquence en objectifs intermédiaires

Une seconde technique pour diversifier les séquences les plus communes auxquelles sont confrontés les personnages est de « zoomer », autrement dit de les décomposer en plusieurs étapes intermédiaires, idéalement en laissant les joueuses choisir la nature de celles-ci. Votre rôle est ensuite de faire en sorte d’amener assez de péripéties et d’enjeux pour rendre chacune de ces étapes uniques. Ainsi, s’il est probable que toutes vos joueuses aient déjà fait un test de Perception pour savoir si leur personnage est suivi, elles risquent d’être bien plus dépaysées si vous intégrez une scène de filature tendue et inspirée des plus grands films d’espionnage où, subitement, savoir si on monte ou on descend des escaliers prend une importance capitale. Pour prendre une situation plus concrète, imaginons que les joueuses souhaitent que les personnages pénètrent discrètement dans un château. Elles décident qu’ils tenteront d’escalader le mur d’enceinte en pleine nuit. Vous pouvez choisir de tout régler par un simple test d’Escalade ou de Discrétion si cela vous semble opportun ou, au contraire, d’appliquer la technique p. 244 et de vous y attarder davantage. Dans ce cas, insistez sur tous les détails. Par exemple, présentez la ronde du garde avec plusieurs points particuliers (devant d’autres gardes, passage où on ne sait pas ce qu’il fait, où il ne peut pas voir les PJ, où il est vulnérable, etc.) et laissez la joueuse décider à quel moment le personnage s’approche, puis lance son grappin. Décrivez le son que produit celui-ci, les éventuelles tentatives pour l’accrocher ; montrez que le garde est suspicieux et reste dans les environs, jusqu’à ce que quelqu’un trouve un moyen d’attirer son attention ailleurs. Faites jouer ensuite l’ascension avec des micro-événements et des décisions à prendre par le personnage : la corde qui s’effiloche, du matériel qui risque de tomber, un animal qui bouge et pourrait attirer les gardes, une prise qui s’effrite, etc. Une fois l’ascension terminée, demandez à la joueuse si le personnage attend le moment opportun ou enjambe rapidement le parapet pour rester exposé le moins longtemps possible. Enfin, décrivez les diverses affaires entreposées sur le chemin de ronde, et annoncez à la joueuse que le personnage entend des gardes qui arrivent en discutant. Comme le montrent ces exemples, zoomer au plus près d’une action permet de totalement renouveler une scène en apparence jouée et rejouée pour en faire quelque chose d’excitant et d’original. Cette approche nécessite toutefois que vous ayez du temps à accorder à la phase en question, et ce même si elle n’aura sans doute que très peu d’influence sur le cœur de votre trame. Ce procédé est également une des bases du mode de jeu horrifique, où on se passionne pour des actions à très petite échelle aux enjeux élevés, alors que toute la séance aurait sans doute pu être réduite à un ou deux tests dans une campagne épique (voir Faire peur p. 462). Même s’il vaut sans doute mieux alterner les phases que vous choisissez de décomposer pour éviter toute sensation de déjà-vu, cette technique peut bien entendu se combiner à la précédente. Ainsi, pour notre monte-en-l’air, il suffit par exemple de vouloir discuter avec le garde (qui acceptera d’aider quand on lui montrera la chevalière d’un PNJ à qui il ne peut rien refuser), et de ne pas avoir la possibilité de le tuer pour que toute la dynamique de la scène change. 246

C. Faire évoluer les objectifs au sein d’une même scène

Même sans décomposer une scène en étapes intermédiaires comme le préconise la technique précédente, il est possible de faire varier les objectifs au sein d’une même scène pour la rendre dynamique aux yeux des joueuses. Il existe notamment deux méthodes principales. La première est appelée l’escalade. Elle consiste à faire sans cesse monter les enjeux de la scène, ce qui aura une incidence sur les objectifs. L’exemple le plus commun, notamment souvent utilisé dans Dogs in the Vineyard est une altercation qui commence par un échange tendu, avant de passer aux menaces, puis aux insultes, avant de se transformer en rixe et qu’enfin quelqu’un dégaine une arme à feu. Naturellement, cette technique n’est pas limitée aux combats et peut, entre autres, s’appliquer à une situation où un seul personnage est impliqué. Ce genre de progression permet de constamment faire monter la tension et de pousser le PJ à réévaluer ses priorités 1, mais rien n’empêche d’utiliser une plus grande variété dans les objectifs et les enjeux présentés, par exemple en introduisant des conséquences pour des tiers. La seconde consiste essentiellement à faire en sorte que tout test change la situation de façon significative. Le plus simple est généralement de modifier le décor de la scène tout en rajoutant des contraintes ou des opportunités nouvelles. Pour reprendre l’exemple de l’altercation, plaçons-la dans une chambre de motel quelque part le long de la route  66. Les premiers échanges de coups peuvent amener un personnage à tomber sur le lit, déplacer le combat dans un contexte bien plus exigu (la salle de bain) ou plus ouvert (le parking), perforer les murs peu épais et permettre à des témoins de voir la scène. Une lampe peut tomber et mettre le feu au lit (et donc, rapidement, à la pièce), la protection anti-incendie se déclencher, un autre client arriver ou appeler la police, une balle perdue tuer quelqu’un dans la pièce d’à côté (ce qui implique que tout le monde a intérêt à filer le plus rapidement possible), etc. L’idée est qu’il se passe constamment quelque chose, et que les joueuses soient amenées à annoncer en permanence des intentions plus spécifiques que « j’attaque » ou « je m’enfuis ». Rien que « je referme violemment la porte du placard sur sa tête » ou « j’enjambe le lit pour le prendre à revers et atteindre la porte » peuvent témoigner d’un intérêt accru de la part des joueuses. Là encore, c’est leur ressenti qui prime. D. Utiliser le méta-jeu

Généralement, les enjeux d’une phase de jeu déterminent au moins en partie ceux de la suivante. Aussi, il peut parfois être intéressant d’expliciter les objectifs de la prochaine scène pour que ceux-ci donnent davantage de sens à la scène actuelle. Si les PJ poursuivent un fuyard, il peut être intéressant d’évoquer en toute transparence que la suite sera très différente selon les actions des PJ : les personnages peuvent retrouver un document donné qui lui appartient, ou bien le PNJ peut réussir à s’enfuir, ou 1. A contrario, proposer une scène où les PJ font redescendre la pression peut également être intéressant, notamment lors des séquences diplomatiques, où ils doivent réconcilier deux parties. 

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peut être blessé, etc. Non seulement l’objectif actuel, en l’espèce rattraper le fuyard, paraîtra moins fade, mais vous pourrez utiliser ces enjeux pour mettre en place des choix intéressants : un PJ peut se retrouver dans une situation où il aura une ouverture significative pour mettre la main sur le PNJ, mais où il risque aussi de provoquer une chute mortelle ; un autre peut avoir à choisir entre le document et le criminel, etc. Enfin, les objectifs des personnages se superposent à ceux des joueuses (gagner des points d’expérience [voir Gérer les points d’expérience p.  93], se lier avec un PNJ, apprendre un point de règle, découvrir l’univers, etc.). Aussi, même si les premiers restent similaires, certaines scènes peuvent être ressenties totalement différemment si les seconds diffèrent. La fiche Programmer les phases de jeu p. 321 détaille davantage ces derniers.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• renouvellent l’intérêt des joueuses et permettent d’explorer des genres moins arpentés ; • s’appliquent à des types de situations très variées, à des parties planifiées ou improvisées ; • facilitent l’adaptation de scénarios publiés, voire le recyclage d’aventures déjà jouées ; • permettent de valoriser des profils de personnages qui ont moins l’occasion de briller. Inconvénients :

• peuvent donner davantage de temps de jeu et d’importance à des éléments secondaires ; • n’influent que peu sur certains objectifs spontanés que fixent les joueuses aux personnages ; • nécessitent un peu plus de pratique pour lire les réactions implicites des joueuses.

4. Exemple Dans une campagne de Chroniques oubliées, les personnages ont l’habitude d’accomplir les basses besognes de leur seigneur. Pendant une bonne partie de la campagne, celui-ci leur a demandé de voler plusieurs artefacts à certains des nobles les plus importants du continent, à savoir un ensemble de miroirs construits par un archimage disparu depuis plusieurs siècles. Le meneur décide de varier la formule (s’infiltrer et voler) pour les deux séances à venir. Pour la première, il décide de prendre le contrepied des deux termes. L’idée générale sera d’« arriver par la grande porte et donner ». Pour la seconde, il décide que l’objectif sera de « s’infiltrer discrètement et remplacer ».

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Lors de la prochaine séance, ils devront donc accompagner une délégation venue présenter ses hommages à un potentat d’une province voisine et lui offrir l’un de ces fameux miroirs. Celui-ci est un moyen de mettre leur hôte en confiance pour qu’ils le suivent jusqu’au lieu secret où il cache ses propres exemplaires. Ils devront ensuite pénétrer dans son repaire, faire du repérage et noter les caractéristiques de tous les miroirs présents. Ils ne doivent à aucun moment se faire remarquer, car leur commanditaire a réellement besoin de l’appui politique du maître des lieux. La séance suivante se tiendra quelques mois plus tard. Entre-temps, leur seigneur aura fait des copies de tous les miroirs à partir des observations des personnages, et ces derniers devront à nouveau pénétrer dans l’antre du potentat pour les y déposer et voler les originaux.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Rassembler & Diviser p. 235. Jouer des parties de jeu de rôle : Coopérer et Rivaliser p. 149, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179.

Enrichir un jeu à missions ***

1. Description A. Présentation

Généralement, les jeux dits « à missions » se caractérisent par une sorte de structure commune ou de formule qui se répète de séance en séance, et où les personnages ont un objectif clair à accomplir, souvent donné par une instance supérieure ou un employeur. Shadowrun ou B.I.A. en sont d’excellents exemples. Leurs aventures types ont l’avantage d’être faciles à comprendre et de donner des résultats assez immédiats : la séance est en général réussie si la mission l’est également. D’une certaine façon, ces jeux sont l’équivalent rôliste de ces séries où la plupart des épisodes sont construits autour d’un canevas qui ne varie que très peu, comme Esprits criminels ou Scoubidou. Mais comme d’autres séries qui ont commencé par de telles formules, il est parfois nécessaire de s’en affranchir pour ne pas lasser. Cette évolution prend généralement la forme d’une transition du «  jeu à missions  » vers un «  jeu à personnages  », en donnant la priorité aux PJ et en enrichissant le monde dans lequel ils vivent. Il existe de nombreuses techniques pour favoriser ce développement. Cette fiche a pour but de vous présenter les plus courantes. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• transformer un jeu à missions en jeu centré sur les personnages ; • complexifier un scénario trop linéaire ; • nuancer les victoires et les défaites des PJ. C. Variantes

Afin de donner plus de substance au groupe et aux personnages, et d’intégrer des intrigues (voir Entremêler les intrigues p. 255) qui les concernent directement, il est possible de passer par une création de groupe (p. 33) ou un hot seat (p. 668). Si vous 250

disposez de plus de temps, vous pouvez également concevoir des arcs narratifs propres à chaque PJ (p. 213) ou demander un background aux joueuses (voir « Créer un personnage » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 29). Les lettres d’amour (p. 588) sont notamment un bon moyen de réinjecter ces éléments dans la partie. D. Mots-clés

Implication, intrigues secondaires, opposition, personnel.

2. Mode d’emploi  Les pistes proposées ici ont pour but de rendre un peu moins prépondérante la place des missions dans les parties. En d’autres termes, il sera moins question de réussir des missions grâce à son PJ que d’interpréter un personnage à qui on donne des missions. La différence peut paraître subtile, mais elle n’en est pas moins fondamentale. Sans devenir anecdotique pour autant, la structure classique du jeu n’est plus l’unique critère à l’aune duquel tout est jugé. Désormais, elle devient également un moyen de mettre en place tout un univers, centré avant tout sur les personnages. Les techniques pour atteindre cet objectif sont multiples et généralement approfondies dans d’autres fiches, si vous souhaitez les découvrir en détail. Dans le cadre de celle-ci, ces outils sont répartis en trois catégories : ceux qui servent à densifier les missions, ceux qui bousculent le cadre et ceux qui permettent d’en montrer l’impact sur le reste du monde et inversement. Par souci de simplification, nous considérerons ici que toutes les missions sont des enquêtes réalisées dans un cadre contemporain. Naturellement, il est tout à fait possible d’utiliser les mêmes approches pour d’autres univers ou d’autres types de jeux à formule. A. Densifier les missions

Tout d’abord, il est possible d’enrichir le contexte du jeu et de le centrer davantage sur les personnages, sans pour autant apporter trop de modifications à la formule que les joueuses connaissent. Vous pouvez par exemple : • donner des objectifs contradictoires (p. 330) aux personnages. L’un d’entre eux peut vouloir voler une petite partie de la cargaison que le groupe est censé acheminer, alors que les autres cherchent à la protéger à tout prix ; • intégrer des choix impliquants (p. 452). Imaginons que le commissaire demande aux personnages de mener une enquête sur une personnalité politique locale dans la plus grande discrétion, alors que le maire les convoque pour leur dire qu’il préférerait que le scandale éclate au grand jour. Quelle que soit leur décision, les PJ seront confrontés à ses conséquences bien au-delà du cadre de la mission en cours ; • leur confier plusieurs missions en même temps. Ce procédé est très important, car il signifie que le succès ou la réussite des personnages n’est plus uniquement lié à l’issue de la mission en cours. Plus encore, avec des ressources et du temps limité, ils vont devoir faire des choix et privilégier telle mission par rapport à telle autre, et voir les conséquences de ces choix ; 251

• donner un caractère exceptionnel, presque «  méta  », à la mission en cours. Par exemple, les PJ peuvent être accompagnés par un membre de la police des polices, un supérieur, un stagiaire ou un journaliste. Ils peuvent également avoir à rouvrir un ancien dossier et à enquêter non seulement sur un crime, mais sur l’enquête qui a été faite à l’époque, etc. ; • recycler ce qui a été établi lors des missions précédentes : le coupable arrêté au prix de grands sacrifices est libéré sur un vice de procédure ; le suspect s’est évadé ; des complices haut placés décident de se venger sur les PJ, le même témoin apparaît dans trois affaires très proches, etc. B. Bousculer les habitudes

Dans un jeu à formule, il peut parfois être difficile de conserver l’intérêt des joueuses sans faire de sérieux efforts pour se renouveler. Même si elles peuvent apprécier de se retrouver face à des enjeux croissants, cette méthode-là aussi trouve rapidement ses limites. Aussi, voici quelques pistes pour sortir les personnages de leur zone de confort, tout en continuant à développer le monde autour d’eux : • casser le cadre des missions. Pendant quelques séances, ne suivez plus la structure habituelle. Peut-être que les personnages ont changé de statut, temporairement ou définitivement (mise à pied, licenciement, promotion, hors de leur juridiction, etc.), peut-être sont-ils amenés à vivre une aventure qui ne correspond pas aux missions classiques. Dans tous les cas, ils explorent une partie de l’univers à laquelle ils ne sont généralement pas confrontés (un stage dans une autre administration, une enquête interne, un fait divers en marge d’une affaire, etc.) ; • passer de l’autre côté. Il peut être rafraîchissant de faire jouer des PNJ aux joueuses pendant une séance ou deux (p. 607) pour les amener à changer de perspective et à découvrir un aspect de l’univers qu’elles ne connaissent que superficiellement. De même, les PJ peuvent être amenés à s’infiltrer chez leurs adversaires habituels ; • les priver momentanément de leurs avantages (voir Transformer les forces des PJ en faiblesses p. 726 et Faire des cadeaux empoisonnés p. 266). Les personnages n’ont plus accès à leurs outils habituels, qu’il s’agisse de matériel défectueux, de leur organisation qui ne peut les aider, d’une impossibilité de revendiquer leur statut ou de toute autre mauvaise posture ponctuelle. Ils doivent s’adapter et trouver de nouvelles idées, en plus de récupérer ce qui leur a été enlevé ; • créer un grand méchant (p. 225). Non seulement l’ennemi juré des personnages est puissant, mais il est très peu probable de réussir à lui nuire en restant dans le cadre des missions. Il va falloir s’en écarter, avec les risques que cela comprend, pour avoir une chance d’y parvenir. Peut-être est-il un politicien haut placé, un dignitaire étranger, le directeur de l’organisation des personnages, etc. C. Mettre en jeu tous les pans de la vie des personnages

Après avoir densifié les missions et bousculé leur cadre, il s’agit désormais de montrer l’impact que ces dernières ont sur le reste du monde et inversement. Ces techniques permettent de faire s’imbriquer les différentes sphères du quotidien des personnages : les missions bien sûr, mais aussi leur vie personnelle et professionnelle, etc. : 252

• faire réagir l’univers à leurs actions (voir Montrer le chemin parcouru p. 511). Montrez aux joueuses que le monde évolue au quotidien, petit à petit, et que c’est aussi le cas de la communauté à laquelle appartiennent les personnages et leurs proches : les enfants les adulent, le mari de l’un le quitte car il juge ses actes trop amoraux, la forêt autour du village est plus sûre, etc. • faire jouer le temps libre des personnages (voir Gérer le downtime p. 613 et Jouer une scène de détente p. 654). Prévoyez des scènes où ils ne sont pas en mission mais rencontrent leurs proches, s’occupent d’eux, sont confrontés aux conséquences de leur activité sur leur vie de famille, etc. ; • prendre un élément qui rassemble les personnages, mais qui n’est pas lié à leur mission. Le fils de l’un d’eux a fait une bêtise et doit être aidé de façon officieuse, leur ancien camarade de promotion leur demande de l’aide, quelqu’un s’en est pris à la famille de l’un d’entre eux et menace de lui faire du mal si les personnages appellent les autorités, etc. ; • poser des questions provocantes (p. 522) aux personnages. En utilisant cette technique, vous pouvez corser leurs relations, mais aussi les amener à développer davantage l’univers qui les entoure.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• préservent l’intérêt de la campagne, même après que la formule a trouvé ses limites ; • évitent la routine et surprennent les joueuses ; • motivent les joueuses à s’investir davantage et à participer à la création de l’univers. Inconvénients :

• n’ont d’intérêt qu’après un certain nombre de séances ; • nécessitent un arbitrage assez fin pour conserver l’identité du jeu tout en le faisant évoluer ; • n’intéressent pas forcément toutes les joueuses.

4. Exemple Lors d’une partie de C.O.P.S., les PJ sont chargés d’enquêter sur le meurtre d’un travailleur du sexe. Au cours de leurs investigations, il devient de plus en plus évident qu’Hermana Maria, une célèbre télévangéliste, a eu recours à ses services. Cependant, c’est elle qui a sauvé un des personnages de la rue alors qu’il n’était même pas adolescent. Elle est aussi la marraine de son fils. La dénoncer va forcément avoir des conséquences sur sa famille, et peut-être plus si elle décide de se venger et de révéler ce qu’elle sait du passé de l’enquêteur. Comme si cela ne suffisait pas, ils sont accompagnés d’un agent particulièrement strict du SAD, la police des polices. Cela dit, sa présence peut être une opportunité de comprendre ce qui est arrivé à Shanon, leur collègue mystérieusement mise à pied il y a deux jours et dont personne n’a aucune nouvelle.

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5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener  des parties de jeu de rôle  : Dompter la linéarité p.  159, Animer les scènes spéciales p. 191, Rassembler & Diviser p. 235, Rendre les choses personnelles p. 261, Créer des émotions particulières p. 277, Passer du scénario à la campagne p. 317. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Interpréter un personnage p. 69, Coopérer et Rivaliser p. 149, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179, S’entraîner p. 303.

Entremêler les intrigues **

1. Description A. Présentation

Que vous les conceviez ainsi ou pas, les aventures des personnages au fil de votre campagne vont finir par former une histoire. Cette trame sera la somme de tous les événements et de toutes les situations qui vont se produire en jeu. Elle sera sans doute constituée d’exploits aussi épiques qu’avoir précipité la chute d’un empire, mais aussi d’actions en apparence aussi triviales que d’avoir choisi d’ouvrir la porte de gauche plutôt que celle de droite, ou de s’être retrouvé à court de flèches devant le golem. Elle sera aussi constituée des situations dont vos joueuses se seront emparées, vous amenant à les développer et à vous en resservir, mais aussi d’une petite partie de celles qui n’auront été qu’évoquées et qu’elles auront boudées, gâchant peut-être votre préparation. Tout ce que vous allez vivre en tant que joueuses (MJ compris) ne se retrouvera pas dans la trame. Il manquera par exemple la tension que vous allez ressentir lorsque vos joueuses vont faire quelque chose que vous n’attendiez pas et que vous allez devoir improviser en urgence, ou ces débordements d’émotions lorsque l’une d’entre elles râlera parce qu’elle enchaîne les mauvais jets, ou exultera car elle fait un critique inespéré à un moment dramatique. Mais les succès et échecs des personnages, eux, seront bien là. Il y aura tout ce qu’ils ont vécu. Et puisqu’il est de coutume d’appeler cet enchaînement une trame, il peut être utile de voir quels sont les fils qui la composent. En son cœur se trouve le « fil rouge » qui sous-tend toute la campagne et lui donne une grande partie de sa direction. Toutefois, celui-ci ne serait rien sans tous les autres qui s’entremêlent autour de lui pour lui donner une grande partie de sa saveur et de sa force. Certains de ces fils peuvent être de petites histoires à part entière, des saynètes, des amorces ou, comme nous l’avons vu, de simples faits de jeu. Quoi qu’il en soit, cette fiche, en complément

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de Choisir une structure narrative p. 179, vous propose une méthode dont le but est à la fois de vous aider à enrichir l’ossature de votre campagne en ajoutant de tels fils, et à en créer sur le pouce. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• étoffer une idée de campagne dont vous n’avez que la trame principale ; • avoir toujours de quoi lancer une nouvelle scène en cas de baisse de rythme ou d’impasse ; • vous concentrer sur l’essentiel, mais avez du mal à l’identifier tant votre campagne est complexe. C. Variantes

Les principales autres manières d’aborder les différentes intrigues d’une campagne sont l’utilisation de matériel publié joué essentiellement tel quel, ou la création d’une campagne à partir d’une structure narrative (p. 179). D. Mots-clés

Arc de groupe, cadence, improvisation (préparation), intrigues secondaires, opposition, personnel, tension.

2. Mode d’emploi  Cette fiche vous propose cinq types de fils différents pouvant s’entremêler pour former la trame de votre campagne. Chacun est représenté par une couleur, afin de pouvoir les répertorier et les manipuler plus facilement. Les trois premiers, les fils rouges, orange et jaunes, se distinguent par la durée pendant laquelle ils pourront être prépondérants ou, au moins, récurrents. Les deux autres, les fils verts et bleus, concernent davantage la proximité des événements en question vis-à-vis du groupe, ou des personnages pris individuellement. Naturellement, il est tout à fait possible qu’un élément de jeu soit à la fois un fil orange et un fil vert, par exemple. Ceci n’est absolument pas un problème. En effet, il faut bien comprendre que la fonction de ces distinctions n’est pas de permettre de se livrer à une catégorisation zélée d’un élément narratif donné, mais d’être des outils pour vous aider à en créer plus facilement, et, d’une certaine façon, de travailler votre inspiration. En ce sens, si un fil est à la fois orange et vert, vous avez ainsi deux fois plus de possibilités de l’envisager et de le travailler pour l’intégrer à votre trame. Le tableau suivant présente en quelques mots les principaux types de fils. Ensuite, nous aborderons d’abord en détail les trois premiers types, en rapport avec la durée des fils, avant de passer aux deux suivants, autour de la notion de proximité. Enfin, nous aborderons quelques astuces pour les utiliser et les entremêler.

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Types de fil

Explications

Rouge

L’intrigue principale qui sous-tend la campagne.

Orange

Des situations intermédiaires, qu’il s’agisse d’éléments récurrents ou de l’intrigue principale d’un arc ou d’un épisode unique.

Jaune

Des événements immédiats, souvent intenses.

Vert

Des éléments concernant la communauté des personnages.

Bleu

Des événements concernant directement et personnellement les PJ.

A. Les fils rouges, orange et jaunes

Les trois premiers types de fils se distinguent donc par la durée pendant laquelle vous pouvez vous en servir, et donc, indirectement, par la complexité avec laquelle vous allez devoir gérer les situations que vous présentez aux joueuses. a) Fils rouges

Comme le signifie cette expression dans le langage courant, le fil rouge constitue le cœur de la trame principale d’une campagne. D’une certaine façon, c’est ce que l’on expliquerait à quelqu’un si on voulait lui résumer rapidement cette dernière. N’avoir qu’un seul fil rouge vous permet de combiner de nombreux avantages, dont celui de pouvoir maîtriser les tenants et les aboutissants qui vont structurer votre campagne, mais aussi de donner des enjeux lisibles et, souvent, un sentiment de progression aux joueuses. Aussi nous conseillons-vous soit de vous limiter à un seul fil rouge, soit d’en intégrer un second, mais en réduisant grandement le nombre d’intrigues secondaires afin d’éviter de vous disperser. Ces fils rouges peuvent être de tout type. Lorsque l’on caricature les grandes campagnes emblématiques des jeux correspondant aux genres de l’imaginaire (fantasy, science-fiction, fantastique), on mentionne souvent que les personnages se retrouvent à devoir sauver le monde ou au moins leur royaume. Comme on peut s’y attendre, cela n’a rien d’une obligation. Toutefois, nous vous conseillons tout de même de faire en sorte que votre fil rouge lie les personnages à l’univers et permette d’en explorer les diverses spécificités. Ainsi, vous pouvez par exemple penser le fil rouge : • comme un moyen d’explorer un thème spécifique (p. 361). Cette méthode permet de garder une approche cohérente, à la fois dans la façon de faire interagir les personnages et le monde, mais aussi dans l’évolution de ce dernier. Comme décrit dans la fiche S’inspirer d’un thème (p. 361), le mieux est sans doute de partir d’une question telle que : « est-ce que l’on peut exercer le pouvoir sans devenir un tyran ? » et d’amener les joueuses et les personnages à y répondre durant la campagne ; • comme l’incarnation d’un grand type de conflit (p. 221). Là encore, il s’agit d’un bon moyen de proposer un rapport au monde marqué et de conserver une forme 257

de cohérence tout au long de la campagne. Certains conflits, comme le fait d’opposer les personnages à l’univers, pourront bénéficier de l’approche visant à envisager ce dernier comme un personnage à part entière (p. 594) ; • à partir du genre fictionnel (p. 115) de votre campagne. Ce dernier implique souvent un lien particulier entre le monde et les PJ. Par exemple, les personnages des univers cyberpunk vivent souvent en marge du système et essaient de ne pas finir complètement broyés, ceux du fantastique peuvent être des créatures surnaturelles puissantes mais traquées, etc. ; • en vous inspirant de la place des personnages et de leur trajectoire probable dans la société (voir Créer un groupe cohérent p. 33). Peut-être sont-ils des parias prêts à tout pour se hisser au sommet avant de connaître une chute brutale ? Au contraire, sont-ils des élus habitués à côtoyer les élites (célébrités, politiques, etc.), mais qui vont bientôt se retrouver impliqués dans leurs sombres secrets (malversations, par exemple) ; • en vous concentrant sur l’opposition avec un grand méchant (p. 225), qui va rendre très dynamique la relation qu’entretiennent les personnages et le monde. Quelle que soit votre façon de définir le fil rouge et, à travers lui, le rapport des personnages au monde, celui-ci sera utile pour développer la campagne de façon cohérente, et devrait constituer une source d’inspiration pour tous les fils d’importance moindre, dont les orange et les jaunes. Dans une campagne d’un jeu fondé sur les relations entre personnages comme Smallville ou Monsterhearts, le fil rouge aura également tendance à se confondre avec les fils verts et bleus. Dans ce cadre, comme pour des campagnes de type bac à sable, nous ne saurions que trop vous conseiller de mettre un fil rouge en filigrane. Celui-ci servira de liant, ne serait-ce que pour fédérer les personnages (à ce sujet, consultez également l’article « Rassembler & Diviser » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 235). Enfin, vous pouvez choisir de faire apparaître votre fil rouge dès le début, de façon on ne peut plus claire pour les joueuses. C’est notamment ce qu’il se passe lorsque la campagne correspond à une mission donnée par une autorité spécifique ou qu’elle commence par une catastrophe à laquelle il va falloir réagir pendant toute la durée de celle-ci (séisme, invasion, etc.). Toutefois, une méthode beaucoup plus courante consiste à laisser apparaître ce fil rouge en filigrane, par des événements anodins ou sans liens apparents entre eux, afin que les PJ puissent le découvrir au fur et à mesure des séances. Généralement, sur le moment, ces événements ne seront a priori pas différenciables de fils orange ou jaunes. Pour prendre un exemple, imaginons que des PJ gardes, dans Wastburg, soient appelés pour plusieurs bagarres aux alentours du port de la ville. Ils doivent ensuite enquêter sur des morts étranges, la première étant celle d’un médecin qui semble avoir été empoisonné, et la seconde celle d’un gamin des rues violemment tué. Puis un proche des PJ disparaît. En enquêtant, les personnages mettent à jour un trafic d’une drogue particulièrement addictive qui arrive par le port, et rend les gens très agressifs tout en décuplant leur énergie et leur force, avec un risque d’overdose élevé. 258

b) Fils orange

Les fils orange sont des situations de jeu importantes dont la résolution va occuper les personnages sur au moins une séance, ou revenir sur plusieurs d’entre elles. Il s’agit donc d’une durée intermédiaire entre le fil rouge et les événements ponctuels que sont les fils jaunes. Un fil orange aura tendance à prendre une des trois formes suivantes : • un scénario autonome, qui n’est que très superficiellement lié à la campagne ; • un élément récurrent, qui ne va avoir qu’une petite importance dans une séance donnée, mais que l’on va retrouver lors de plusieurs d’entre elles ; • un arc narratif pouvant s’étaler sur quelques séances comme sur toute la campagne (voir Concevoir un arc de personnage p. 213). Si les fils orange sont eux aussi très variés, ils comprennent notamment toutes les activités qui constituent l’essentiel de la vie aventureuse des PJ. Elles peuvent être des quêtes confiées par un commanditaire, mais aussi des situations qui apparaissent sur la route des personnages, au sens figuré ou au sens propre. Par exemple, si les PJ sont des policiers, on y trouvera des éléments liés à la gestion de leurs enquêtes au quotidien. Il ne s’agira sans doute pas de l’affaire la plus importante à leurs yeux qui, elle, constituera probablement le fil rouge de la campagne, mais de toutes celles dont il faut s’occuper un peu en permanence, ou qui peuvent les tenir occupés toute une séance. Un fil orange peut donc prendre la forme d’une enquête indépendante, que ce soit retrouver un récidiviste que les PJ ont déjà arrêté et qui s’est enfui, des collègues qui viennent leur demander de l’aide pour une autre affaire, etc. De la même façon, si les personnages sont des chasseurs de trésors, ils peuvent avoir besoin de libérer les environs d’une tribu de gobelins, explorer un mausolée qui pourrait les aider à financer leur prochaine expédition, être contrariés par une malédiction liée au pillage d’une tombe dont ils n’arrivent pas à se débarrasser, échapper à une épidémie se répandant dans le village où ils sont bloqués, etc. Aussi, dans sa forme la plus courante, un fil orange est un scénario autonome qui n’entretient qu’un lien très superficiel avec la suite de la campagne. Il correspond peu ou prou à un épisode d’une série procédurale, comme Les Experts ou N.C.I.S., ou à un épisode de remplissage (filler) d’une série dramatique. Cependant, contrairement à la plupart de ces dernières, les personnages n’y réussissent pas toujours à atteindre leurs objectifs, et l’intérêt peut justement venir du fait qu’ils y remportent une victoire à la Pyrrhus. Cette possibilité d’échouer et d’y faire référence plus tard dans la suite de la campagne – là où il est généralement beaucoup plus difficile de le faire sur un fil rouge – est un des principaux intérêts des fils orange. c) Fils jaunes 

Les fils jaunes sont des situations de jeu explosives qui donnent généralement lieu à des événements aussi courts qu’intenses. Le plus souvent, ils sont très simples à

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comprendre, requièrent une attention immédiate et leur résolution ne prend guère plus d’une scène ou deux 1. Ils ont plusieurs intérêts : • relancer le rythme ; • faire monter la tension d’un cran ; • détourner l’attention des joueuses ; • permettre d’obtenir une victoire bienvenue en cas de démotivation ; • participer à la caractérisation et à l’ambiance de l’univers (voir Décrire l’univers comme un ensemble de signes p. 234). De fait, les fils jaunes correspondent probablement à la plupart des événements, auxquels sont confrontés les personnages, qui ne sont pas directement la conséquence du fait que vous dérouliez votre scénario. Ils peuvent également vous servir à donner corps et à rendre vivantes et manifestes des situations ponctuelles qui correspondent à d’autres types de fils. Par exemple, imaginons que les PJ sont en chemin vers un village dont les moutons ont été tués dans la nuit, quand ils voient qu’un incendie s’y déroule. Découvrir qui est à l’origine de ces crimes peut être l’objet du scénario et donc un fil orange. Toutefois, pour faire en sorte de créer de la tension et de motiver les joueuses, le meneur décide qu’un jeune garçon vient demander de l’aide aux personnages parce que sa ferme est en train de brûler, et que son frère y est pris au piège. Cette situation-là constitue un fil jaune. Elle se doit d’être simple, claire, immédiate. Vous pouvez bien sûr les complexifier légèrement, en ajoutant quelques rebondissements. Par exemple, l’enfant qui est venu chercher les PJ peut avoir oublié de leur dire ou ne pas avoir vu, dans la panique, que l’individu qui a mis le feu à la ferme est toujours sur place. Tant que l’on reste sur une échelle limitée, cela reste un fil jaune. D. Les fils verts et bleus

Les deux fils restants se distinguent par la proximité entre les événements en question et les personnages, que ce soit individuellement ou en tant que groupe. Ainsi, ils signifient généralement que les situations en question vont comprendre un enjeu personnel pour les PJ. a) Fils verts 

Les fils verts sont des situations de jeu qui impliquent la communauté dont les personnages font tous partie, et qui peut inclure ou pas des PNJ. Elle peut être le groupe créé au début de la campagne (p. 33), une faction spécifique dont sont issus tous les 1. Les 10/18 de C.O.P.S. et les péripéties d’Oltrée ! en sont d’excellents exemples. Indépendamment du jeu, on parle également de bangs (issus du JdR Sorcerer) lorsque ces événements impliquent directement les personnages et qu’ils n’ont d’autre choix que d’y porter toute leur attention.

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PJ, ou autres : quartier général, caravane, école, village, château, bar, vaisseau spatial, siège de guilde, monastère, service administratif, agence de détectives, etc. L’utilisation de fils verts peut avoir plusieurs objectifs, mais ils sont utiles pour donner une dimension plus dense à la communauté qui unit les PJ. Ils permettent notamment de créer des dynamiques internes à leur camp dans ces moments où la tension retombe, mais aussi d’augmenter les enjeux de tous les conflits impliquant ces compagnons, et d’explorer certains genres favorisant les aspects dramatiques et interpersonnels. En effet, les fils verts sont généralement le lieu de tout ce qui concerne les relations des PJ avec leurs proches, que ceux-ci soient leurs collègues, leurs supérieurs, leurs amis, etc. Ils sont donc le cadre privilégié des situations pouvant être assimilées à des problèmes de politique interne  : loi du silence, romance, coups bas, inimitiés, etc. Par exemple, dans le commissariat de la série The Shield, les plus forts persécutent les timides, les petits chefs abusent de leur autorité, les ambitieux se servent des autres, ceux qui ont des cadavres dans leur placard tentent de les dissimuler, les amoureux essayent de rester discrets et la police des polices suspecte tout le monde. b) Fils bleus

Les fils bleus regroupent les situations de jeu qui relèvent des problèmes personnels des personnages, comme leur vie de famille dans le cadre d’un jeu à missions, mais qui perturbent néanmoins leur quotidien (voir Jouer des parties centrées sur les PJ p. 629, Gérer la linéarité p. 277, Concevoir un arc de personnage p. 213, Enrichir un jeu à missions p. 250 et Générer des relations complexes p. 272). Ces événements peuvent être anecdotiques ou anodins (le petit dernier a la grippe et il faut le garder) ou plus graves, et même devenir récurrents (son ex-mari accuse un PJ de se droguer et demande la garde exclusive des enfants). Ils se combinent très souvent à d’autres fils, que ce soit en apportant une nouvelle perspective permettant d’aborder un problème, en se transformant en obstacle supplémentaire ou tout simplement en faisant évoluer la situation. C. Entremêler les fils

Vous avez le choix de regrouper et de mélanger ces fils comme bon vous semble, d’en ignorer certains et d’en privilégier d’autres. Il ne fait aucun doute que l’objectif de cette méthode n’est pas de dresser une typologie précise de tous les types d’intrigues, mais bien d’identifier de grandes catégories vous permettant de trouver l’inspiration plus facilement. Ainsi, si vous regardez une série comme New York Police Blues, vous vous apercevrez facilement que chaque épisode mélange deux fils orange (généralement un meurtre et une affaire moins grave, servant toutes les deux de bases à l’épisode) et un certain nombre de fils jaunes (les événements plus immédiats) et verts (la vie du commissariat).

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D’autres séries fonctionnent différemment. Lost, par exemple, traitait globalement de la situation des naufragés dans chaque épisode (fil vert), avec des éléments liés au fil rouge ou liés à l’arc en cours (fil orange), tout en concentrant une partie de sa trame sur le passé d’un des personnages (fil bleu). Là encore, quelles que soient vos préférences et vos contraintes, c’est à vous qu’il appartient de décider si vous voulez faire la même chose pour votre campagne. Cela n’a bien sûr rien d’obligatoire, mais adopter un type de construction spécifique vous permet de gagner en cohérence et de vous assurer d’avoir à chaque séance un dosage qui correspond vraiment à ce que vous souhaitez en termes de niveaux d’intrigues. D’une façon générale, nous vous conseillons de faire attention à ce que votre séance comprenne à tout moment au moins deux fils orange ou rouges, et que les joueuses puissent choisir soit les objectifs, soit les moyens que se donnent les personnages pour y parvenir, mais pas les deux à la fois. En effet, pour des raisons de diversité et de rythme, et pour que les joueuses puissent progresser sur la trame globale, il est important qu’elles aient toujours au moins la possibilité d’avancer, et celle d’être guidées si elles le souhaitent. De même, si vous ne savez pas quoi utiliser en cours de séance, vous pouvez partir sur une situation correspondant à un fil jaune avant, éventuellement, de lui faire gagner de l’ampleur. Il est ensuite aisé de transformer celui-ci en fil orange en augmentant ses enjeux, en complexifiant sa résolution (en intégrant des étapes, en rajoutant des contraintes, en combinant plusieurs fils jaunes, etc.) ou en jouant avec la temporalité. Pour ce dernier point, vous pouvez par exemple lui donner une récurrence, en faire un événement passé pour demander aux personnages d’enquêter sur son déroulement, etc. Pour faire en sorte qu’un fil jaune soit également un fil bleu ou vert, il vous suffit de faire en sorte qu’il implique un personnage ou la communauté, par exemple en rajoutant un PNJ à l’endroit approprié. Enfin, si vous trouvez qu’il est trop impressionnant de se lancer en créant immédiatement le fil rouge ou que vous n’avez pas d’inspiration, le mieux est peut-être de commencer simplement, avec un fil orange entrecoupé de quelques fils jaunes. Vous pourrez ensuite développer les éléments auxquels vos joueuses accrochent (p. 713), et adapter leur couleur en les enrichissant ou en les raccourcissant, ou en rendant les situations plus personnelles. Ainsi, si vous voulez jouer rapidement, nous vous conseillons de préparer des tables aléatoires. En voici deux exemples, pour un jeu où les PJ jouent des policiers dans un monde violent et dur : la première concerne les fils jaunes, la seconde les orange. Là aussi, il est facile de faire passer une situation d’un tableau à un autre, en la simplifiant ou en la complexifiant.

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d10

Fils jaunes

1

Le témoin d’une affaire de meurtre a menti, il faut l’arrêter immédiatement, et il s’est réfugié non loin des PJ.

2

Un incendie est en train de ravager un immeuble d’habitation et menace de s’étendre, un tireur embusqué vise les pompiers qui tentent de rétablir la situation.

3

Il y a un cambriolage en cours au rez-de-chaussée d’un immeuble, un vieil homme apeuré vient d’appeler avant d’être brusquement interrompu par un coup de feu.

4

Un enfant pickpocket, surpris et poursuivi par sa victime, s’est réfugié dans un arbre. La « victime » le menace à présent avec un revolver.

5

Plusieurs pitbulls enragés et très agressifs viennent de surgir et attaquent les passants : déjà deux morts et sept blessés. Ils viennent de pénétrer dans une boucherie.

6

Un groupe terroriste projette de relâcher un virus mortel dans un centre commercial. Ils sont sur place. Il y a trois points d’accès au circuit d’aération, mais pas le temps de les vérifier un par un.

7

Un dealer est en train de se faire passer à tabac par un gang rival.

8

Des militants écologistes sont en train de placarder des affiches et de taguer le bâtiment administratif le plus proche (centre des impôts, mairie, etc.)

9

Une attaque à main armée est en cours dans un magasin de comics. Les agresseurs auraient entre 12 et 14 ans mais sont quatre, et tous armés d’armes de poing. On signale un client blessé.

10

Prise d’otages dans une maison de retraite, une femme a découvert les mauvais traitements que subissait sa mère et exige que le directeur de l’établissement et ses subordonnés soient arrêtés, après plusieurs plaintes non suivies d’effet.

263

d10

Fils orange

1

Un indic informe les PJ qu’un fleuriste est de mèche avec un gang, et cacherait pour eux quelques kilos d’héroïne. Il va falloir faire une planque.

2

Une clinique huppée réaliserait, moyennant finances, des opérations non déclarées pour permettre aux criminels recherchés de changer de visage.

3

Il y a une vague de suicides étranges dans une prestigieuse entreprise de haute technologie. Plusieurs familles ont porté plainte et se sont ravisées quelques jours plus tard. Le médecin légiste qui a fait l’autopsie du dernier mort est pour le moins dubitatif.

4

On vient de retrouver trois nouvelles victimes de la Dame du Lac, cette tueuse en série qui dévore ses victimes après les avoir noyées.

5

On a retrouvé dix-sept mains droites à l’entrée d’un quartier industriel, pendues le long d’un fil électrique.

6

Un scientifique soupçonné de donner des preuves à des militants écologistes qu’une bonne partie des centrales nucléaires du secteur ne sont pas du tout aux normes a été enlevé par une berline noire aux vitres teintées, ce qui est confirmé par plusieurs témoins.

7

Les PJ doivent escorter le transfert d’un prisonnier qu’ils ont arrêté par le passé. Sauf que celui qu’ils escortent n’est pas l’homme qu’ils ont arrêté.

8

Le braquage d’une pharmacie a fait quatre morts, et les suspects n’ont dérobé que les médicaments nécessaires au traitement d’une maladie très précise.

9

La star de l’équipe de basket locale a été enlevée par un fan.

10

Un témoin dans une affaire de meurtre est entre la vie et la mort à cause d’une overdose d’opium, il faut retrouver les dealers qui lui ont vendu malgré la protection rapprochée.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• permet d’identifier plus facilement le type d’événements à intégrer à la partie ; • aide à enrichir une campagne linéaire ; • reste assez souple et permet aux joueuses de choisir les fils qui les intéressent. Inconvénients :

• n’est pas adaptée à tous les types de campagne ; • demande de la préparation pour créer les fils en eux-mêmes ; • ne tire son plein potentiel qu’associée aux techniques relatives aux structures narratives.

264

4. Exemple Pour la première séance d’une campagne de fantasy de type bac à sable, le meneur prépare les fils suivants : Type de fil

Explications

Fil rouge 

Les ruines de la région sont les vestiges d’un royaume qui a découvert des secrets magiques très puissants, mais a déclenché la colère des dieux. Ces derniers sont des mages de haut niveau qui veulent conserver leur pouvoir. Le fil rouge est défini par la thématique : « quel est le prix à payer pour se libérer du joug des dieux ? »

Fil orange (de la séance)

Lors de leur expédition, les PJ sont attaqués par des bandits aux tatouages étranges, qui sont en réalité à la solde du frère et rival de la reine, la commanditaire des personnages. Si le meneur veut le lier au fil rouge, ce PNJ sera le séide d’un dieu.

Voici quelques péripéties qui émaillent la route des personnages : • une meute de grands loups encercle le groupe ; • un chien se précipite vers les PJ pour les mener jusqu’à sa Fils jaunes  maîtresse, une ermite empoisonnée par une baie étrange ; • l’éclair d’un orage sec foudroie un arbre qui commence à embraser la forêt alentour.

Fils verts

La communauté des PJ est la caravane avec laquelle ils voyagent, et qui comprend quelques PNJ : • une bagarre éclate au campement suite à des vols au sein même du convoi ; • le cuisinier utilise les derniers œufs pour confectionner la pâtisserie favorite de l’un des PJ avant de lui offrir discrètement.

Fils bleus 

Des lettres attendent les PJ : • le frère de l’un d’eux est tombé malade et a besoin qu’il lui envoie de l’argent ; • il y a des disparitions inexpliquées dans le village d’un autre PJ.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Construire un donjon, une méthode aléatoire p. 73, Enseigner un jeu p. 93, Improviser p. 125, Dompter la linéarité p. 159, Rendre les choses personnelles p. 261, Passer du scénario à la campagne p. 317. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49.

Faire des cadeaux empoisonnés *

1. Description A. Présentation

Pour donner aux joueuses le sentiment de progresser, ou tout simplement parce qu’une telle évolution apparaît comme une conséquence logique de leurs aventures, il est courant d’octroyer des capacités indépendantes de leur expérience aux personnages. Elles prennent alors souvent la forme d’objets, de PNJ à leur disposition, de bénédictions, d’apprentissages particulièrement ésotériques, etc. S’il faut sans doute faire attention à ne pas provoquer une surenchère préjudiciable, cette pratique a de très nombreux effets positifs. Parmi ceux-ci, il n’est pas rare que certains de ces cadeaux deviennent inséparables de la façon dont les joueuses voient leurs personnages, et ce même s’ils ont été obtenus plus tardivement. Avec quelques nuances, on retrouve de telles associations chez de nombreuses figures incontournables de la culture populaire : Luke et le sabre laser de son père, Han Solo et son Faucon Millenium, Daenerys et ses dragons, Frodon et son anneau, etc. Or, il est possible de proposer des phases de jeu très intéressantes et intenses pour les joueuses en faisant en sorte que des cadeaux ne soient pas uniquement à l’avantage des personnages, mais puissent également, dans des circonstances particulières, se retourner contre eux. Pour reprendre les mêmes exemples, Luke doit affronter son héritage, Han Solo les chasseurs de prime et la trahison de son ancien complice, Daenerys constater les ravages de ses « enfants » (puis bien pire encore), Frodon la corruption de l’anneau, etc. Ce type de procédé fonctionne aussi très bien autour d’une table de JdR. D’une certaine façon, il s’agit d’un cas particulier des techniques proposées dans la fiche Transformer les forces des PJ en faiblesses p. 726. Toutefois, au vu de sa simplicité d’utilisation et de son efficacité, nous avons décidé de lui donner un coup de projecteur.

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B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• proposer de nouveaux défis aux personnages comme aux joueuses ; • donner plus de profondeur aux PJ et à ce qui les définit vraiment ; • inverser les rapports de force. C. Variantes

Pour une vision plus large des alternatives aux astuces présentées sur cette fiche, nous vous conseillons de consulter la fiche Transformer les forces des PJ en faiblesses p. 726. Si vous le souhaitez, vous pouvez également créer une règle maison pour que le cadeau empoisonné ne dépende plus de vos décisions, mais d’une mécanique que connaissent les joueuses et qui leur permet de choisir à quel point elles prennent le risque de voir leurs avantages se transformer en désavantages. Le jeu japonais Double Cross, par exemple, est construit autour d’une telle proposition. D. Mots-clés

Implication, intrigues secondaires, opposition, personnel, tension.

2. Mode d’emploi  Cette fiche aborde essentiellement deux méthodes. La première, qui lui donne son nom, consiste à octroyer des ressources – généralement des artefacts uniques – aux personnages qui finiront par s’avérer problématiques pour eux, mais non sans rendre la partie plus intéressante pour les joueuses. La seconde est une version plus simple de la première, mais sans doute moins amusante. Elle consiste à amener les joueuses à devoir s’adapter en rendant inefficace, de façon crédible, une capacité ou une ressource des personnages à un moment important. A. Concevoir des armes à double tranchant

L’astuce principale consiste donc à proposer des ressources aux personnages qui leur conféreront un avantage réel, ou tout simplement qui feront plaisir à leurs joueuses, mais qui, à un moment donné ou dans certaines circonstances, se retourneront probablement contre eux. Par exemple, dans la version roman du Trône de fer, Jaime Lannister remet Féale, son épée en acier valyrien, à Brienne afin que celle-ci poursuive la mission qui lui a été donnée par Catelyn Stark : retrouver ses filles. C’est un cadeau exceptionnel à plus d’un titre. L’arme est solide, légère, précieuse, témoigne d’un statut social évident et peut blesser certaines créatures immunisées aux lames ordinaires. Toutefois, l’épée est aussi teinte en rouge et, une fois dégainée, elle est immédiatement reconnaissable comme un des symboles les plus précieux de la maison Lannister. Pour diverses raisons, elle est aussi l’emblème de la disgrâce de la maison Stark et de la mort du mari de Catelyn, Eddard. Bien plus tard, alors que Brienne est conduite devant cette dernière, celle-ci est devenue Lady Cœurdepierre. Elle est obsédée

267

par l’idée de se venger des Lannister, et reconnaît l’épée. Elle accuse alors la jeune femme de l’avoir trahie avant de la mettre dans une position très délicate. Dans cet exemple, si Brienne a pu profiter longuement des avantages tactiques et sociaux conférés par l’épée, son statut ambivalent se révèle lors des retrouvailles avec celle qui était autrefois sa suzeraine. Cette scène crée un moment de tension particulièrement efficace, notamment parce qu’elle touche à ce qu’il y a de plus personnel pour Brienne : ses qualités de chevalier (son épée, son sens moral, sa loyauté, etc.) et sa relation avec Jaime Lannister. Si le principe est simple, cet exemple montre ce qui constitue sans doute les deux points les plus importants de cette technique : • il ne faut pas hésiter à donner des atouts puissants et intéressants pour que joueuses comme personnages s’y habituent et les utilisent de façon à faire progresser la partie dans un sens qui les intéresse. Ne vous contentez pas d’un simple avantage mécanique ou d’un bonus minime, peu importe si ce cadeau n’est pas censé correspondre à leur « niveau ». Féale aurait sans doute été bien moins intéressante si elle n’avait été qu’une simple épée, même d’excellente qualité. Or, il s’agit sans doute d’une des dix meilleures lames du continent, à la légende sans doute aussi importante que ses qualités intrinsèques. Brienne n’aurait jamais pu ne serait-ce qu’imaginer en posséder l’équivalent un jour. De la même façon, dans l’idéal, le cadeau devrait être exceptionnel, au moins au stade de progression où se trouve le personnage. Plus encore, c’est ce dernier qui devrait être rendu exceptionnel par les avantages que lui confère l’objet et non l’inverse ; • les mauvais côtés du cadeau ne sont pas là pour rechercher une sorte d’équilibre, comme si ses avantages et ses inconvénients devaient s’annuler. Au contraire, ils sont une seconde façon de faire avancer la partie (après les avantages conférés), et de la rendre intense pour les joueuses. Il s’agit donc avant tout de s’en servir comme d’une occasion d’approfondir le personnage concerné. Le tableau ci-contre vous propose une liste d’exemples de cadeaux empoisonnés. Les inconvénients peuvent être chroniques ou, comme dans le cas de Brienne et de Féale, ponctuels. En reprenant l’exemple de l’épée vampire du tableau précédent, vous obtiendrez des résultats très différents selon la manière dont fonctionnera sa soif : faut-il constamment l’étancher ? Faut-il la recharger après un certain nombre d’utilisations ? Est-ce un moyen, pour elle, d’acquérir plus de puissance ou d’être réparée ? L’esprit de cette technique est davantage de faire bénéficier de façon régulière des effets positifs du cadeau, et moins souvent de ses désavantages. Toutefois, du moment que le cadeau ne devient pas une gêne récurrente pour les joueuses, par exemple en prenant trop de temps de jeu, n’hésitez pas à expérimenter. L’essentiel est que vous puissiez à chaque fois relancer leur intérêt.

268

Genre

Cadeau

Avantage

Inconvénient

Contemporain

Famille riche

Finances

Illégalité, scandale

Contemporain

Tatouage occulte

Puissance

Infamie, possession

Contemporain

Véhicule expérimental

Vitesse, furtivité

Dérobé à une faction belliqueuse

Cyberpunk

Implant cérébral

Connaissances

Troubles mentaux

Cyberpunk

Implant oculaire

Réalité augmentée

Piratable, espionnable

Cyberpunk

Sœur cheffe de gang

Informations, matériel illégal

Fantasy

Animal totem

Métamorphose

Fantasy

Arme

Puissance

Réputation, risque d’être enlevé pour la faire chanter Perte de contrôle occasionnelle Doit boire du sang

Fantasy

Familier

Guérison

Jaloux, agressif

Tous

Clan, gang

Faction

Légitimité, rivaux

Si vous hésitez, en revanche, revenez à l’exemple de Brienne et de Féale et privilégiez la scène unique, qui donne le sentiment de se refermer sur les PJ comme une sorte de piège tant elle semble liée à des éléments qui leur sont personnels. Vous favorisez ainsi son importance pour les joueuses. Vous pouvez par exemple faire coïncider cette scène avec une évolution importante d’un personnage au sein de son arc ou de celui du groupe (voir Concevoir un arc de personnage p. 213). Vous pouvez aussi par exemple profiter de cette occasion pour révéler une information importante sur un PNJ en montrant à quel point il est fidèle aux personnages ou, au contraire, retors. Dans tous les cas, un des PJ va être au centre de l’attention. Donnez-lui-en pour son argent. L’autre avantage de mettre en avant les contreparties négatives de façon ponctuelle est que vous pourrez alors les improviser et vous adapter à ce qui compte vraiment pour la joueuse. En effet, il est tout à fait possible que vous n’ayez pas prévu de vous servir d’une capacité au détriment des personnages, mais que l’attachement d’une de vos camarades pour cette dernière vous pousse à essayer cette technique. Inversement, les joueuses peuvent se désintéresser d’une ressource que vous pensiez centrale, et la contrepartie initialement prévue ne fait plus guère de sens. Aussi, dans le doute, privilégiez cette solution qui vous offre plus de souplesse. Enfin, si les joueuses ont acquis ces avantages en investissant des points d’expérience, ou en se privant d’autres possibilités lors de la création de personnage, faites attention à ce que les aspects positifs ne soient pas annulés par les effets négatifs, mais qu’en plus ils coexistent avec des derniers et soient d’autant plus importants pour les contrebalancer. Cette réserve a pour objectif d’éviter de créer une trop forte frustration et un sentiment d’injustice chez la joueuse concernée. De façon plus générale, pour 269

éviter de telles difficultés, nous vous encourageons à consulter la fiche Exercer une opposition bienveillante p. 424. B. Neutraliser une spécialité

La technique du cadeau empoisonné est très efficace, mais elle a le défaut de ne pas être toujours possible. Par exemple, vous n’avez peut-être pas imaginé à l’avance les mauvais aspects de telle ressource que vous aimeriez voir se retourner contre un personnage, et n’arrivez pas à l’improviser. Une méthode plus facile à mettre en œuvre est alors de simplement la neutraliser pour un temps limité. Cet événement ne devrait pas générer une scène aussi intense et personnelle, mais il permet néanmoins de renouveler l’intérêt des joueuses et de les amener à se montrer inventives face à une situation imprévue. En effet, elles doivent alors remplacer leurs automatismes et trouver des idées nouvelles pour surmonter la situation à laquelle leurs personnages sont confrontés. Très souvent, il s’agira de développer d’autres aspects de ce dernier, comme son caractère ou des talents secondaires. Si l’on revient à Brienne et au Trône de fer, elle doit à un moment affronter un ours sans armure et avec une épée de bois. En mettant cette combattante émérite dans une situation qu’elle ne peut pas gérer avec ce qui la caractérise d’habitude, la tension augmente instantanément. Elle risque sa vie, et il faut qu’il se passe quelque chose de surprenant pour qu’elle ne la perde pas. Dans ce cas précis, même si elle recevra finalement de l’aide, ce sont avant tout ses capacités à rester courageuse et à esquiver qui sont mises en avant, ainsi que son lien avec Jaime. Ce passage est indubitablement une étape importante dans l’évolution de leur relation. Neutraliser une capacité peut se faire plus ou moins subtilement, selon la nature de cette dernière : • un objet peut être maudit, saboté, piraté, volé, brisé, mal réparé, etc. ; • une compétence physique  peut être inutilisable à cause d’une blessure mal soignée, d’un empoisonnement, d’une indigestion ou d’une maladie, d’un terrain défavorable, de l’encombrement, etc. ; • une expertise intellectuelle peut ne pas s’appliquer à un domaine totalement inconnu, être limitée par un problème physique qui empêche de réfléchir (migraine, etc.), de langue, un manque d’outils appropriés, d’une crise d’angoisse, etc. ; • un pouvoir magique peut être inutilisable par manque de source d’énergie à proximité pour servir de carburant, parce que les sorts ne fonctionnent pas dans cette dimension ou provoquent des effets aléatoires, parce qu’un enchantement empêche de prononcer les incantations à haute voix, parce que le lien divin est rompu, etc.

270

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• accélèrent la partie grâce aux effets positifs et négatifs des cadeaux empoisonnés ; • augmentent la tension en augmentant l’importance des enjeux, et en rendant les parties plus personnelles (à ce sujet, consultez également l’article « Rendre les choses personnelles » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 261) ; • poussent les joueuses à se renouveler et à relever de nouveaux défis, là où certaines scènes seraient sinon passées totalement inaperçues. Inconvénients :

• doivent être systématiquement prévues dans l’intérêt des joueuses, et non pour les sanctionner ou équilibrer d’autres aspects du jeu ; • peuvent être perçues comme injustes sans les précautions nécessaires ; • nécessitent de doser à la fois le rythme d’apparition des mauvais côtés pour ne pas créer une frustration trop importante, mais également des bons côtés pour éviter une surenchère difficile à contrôler.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Improviser p. 125, Rendre les choses personnelles p. 261. Jouer des parties de jeu de rôle : Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179, Se laisser surprendre p. 277.

Générer des relations complexes *

1. Description A. Présentation

Contrairement à la fiche qui propose de cartographier les relations entre personnages (p. 13), le but de cette technique est de vous permettre de générer aléatoirement et en peu de temps des relations complexes entre des personnages. En effet, c’est un bon moyen de rendre un lieu plus substantiel en introduisant quelques intrigues secondaires, ou pour vous inspirer des trames de scénarios, notamment ceux définis par les actions des PNJ (voir Créer une check-list pour sa campagne p. 45). Inspirée de Vornheim, un supplément pour le jeu Lamentations of the Flame Princess, cette fiche vous propose donc une méthode pour créer un schéma qui va permettre d’imaginer rapidement ce type de relations et d’y avoir accès en un coup d’œil. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• fonder une intrigue sur les relations entre PNJ ; • approfondir ou développer les relations entre personnages ; • créer rapidement un historique et des attaches à un personnage ; • rendre plus vivante une communauté de PNJ ; • favoriser l’émergence d’un type de jeu ou d’ambiance particulier (dramatique, romance, etc.). C. Variantes

Une première alternative consiste à adapter la méthode de création de groupe (p. 33) ou de quartier (p. 39) pour imaginer des relations entre PNJ, mais dans ces cas-là les PJ peuvent connaître un certain nombre de secrets, et cette technique peut être un bon moyen de compléter le résultat de ces créations communes à toute la table. Vous pouvez également l’utiliser sur des PNJ déjà existants afin de les développer, parce 272

qu’ils sont archétypaux (p. 146), ou manquent de corps ou d’objectifs. De plus, il est possible d’adapter cette méthode pour créer des relations entre des factions et non entre individus. Enfin, vous pouvez imbriquer différents schémas ou faire intervenir les mêmes personnages ou factions dans plusieurs d’entre eux afin de générer des groupes de PNJ plus riches avec des dynamiques plus complexes. D. Mots-clés

Implication, improvisation (préparation), intrigues secondaires, PNJ, tension.

2. Mode d’emploi  Afin de générer des relations complexes entre les personnages, la méthode proposée implique de suivre deux grandes étapes, la première consistant à la création du schéma relationnel, la seconde à la définition des liens qui unissent les PNJ. A. Créer le schéma

La première étape consiste à créer un schéma impliquant le nombre de PNJ voulu (généralement entre trois et six), et de tracer des flèches entre eux qui seront leurs futurs liens. Il est important de numéroter ces liens pour les attribuer aléatoirement. Voici un exemple :

Il est à noter que l’existence de la totalité de ces liens n’est pas du tout obligatoire. Toutefois, pour faciliter l’explication de cette méthode, nous avons choisi de tous les représenter ici. B. Imaginer une liste de relations thématiques

Une fois cela fait, il convient de lister les relations potentielles et de les numéroter (différemment des relations sur le schéma, ici en chiffres romains). Le but est

273

évidemment de les lier à l’univers du jeu pour lequel elles sont prévues (voir Faire des tables aléatoires avec un objectif p. 80), afin de faire ressortir ses thèmes (voir S’inspirer d’un thème p. 361 et Défricher un jeu en six questions p. 67). Voici un exemple d’un jeu type roman noir, comme Hellywood : 1. vend de la drogue ou des armes à ; 2. couche avec ; 3. est le parent haï de ; 4. est en affaires florissantes avec ; 5. a volé quelque chose à ; 6. fait chanter ; 7. connaît le secret de (voir autres relations pour définir le secret) ; 8. l’a laissé tomber quand il lui a demandé de l’aide ; 9. admire ; 10. veut prendre la place de ; 11. doit la vie à ; 12. est impliqué dans des affaires dangereuses avec ; 13. est amoureux de ; 14. méprise ; 15. est marié avec ; 16. est le patron de ; 17. suspecte une trahison de la part de ; 18. doit de l’argent à ; 19. possède une information compromettante sur ; 20. est loyal à. Soyez le plus précis possible, évitez les relations neutres et singularisez-les au maximum. Le mieux est de rester concis et de limiter la rédaction de texte. En effet, trop de détails deviendraient une contrainte, que ce soit au niveau de la mémorisation ou de la cohérence avec les autres éléments. Gardez en tête que ce sont des bases d’improvisation. Une fois cela fait, lancez ensuite un D20 et attribuez à chaque relation (chiffres romains) une ligne de la liste selon le résultat du dé. Ensuite, il vous suffira d’étoffer (éventuels PNJ secondaires, intégrer l’ensemble dans un lieu donné), et d’adapter le résultat obtenu pour avoir une base fonctionnelle pour improviser. Enfin, pour chaque PNJ, nous vous conseillons de réfléchir à la manière dont ses sentiments s’expriment vis-à-vis des autres, afin que les PJ aient une chance de remarquer quelque chose : attitude, langage non verbal, façon de s’exprimer, etc. N’hésitez pas à faire plusieurs relectures afin de vous assurer d’avoir bien « lissé » et lié l’ensemble, et qu’aucun point du schéma n’entre en contradiction avec un autre, qu’un personnage ressemble trop à un autre, etc. Normalement, vous devriez réussir à connecter les différents éléments assez facilement.

274

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• fonctionne très bien lorsque les personnages doivent découvrir une nouvelle communauté, notamment lors d’une enquête ; • facilement adaptable au genre et à l’univers désiré ; • constitue une bonne inspiration pour créer des fils bleus (qui concernent la communauté dont les PJ font partie) et verts (les problèmes personnels des PJ), (voir Entremêler les intrigues p. 255). Inconvénients :

• nécessite de la préparation et de l’adaptation ; • nécessite quelques ajustements pour contrebalancer le côté aléatoire ; • peut être répétitive si la liste n’est pas mise à jour régulièrement.

4. Exemple Cet exemple concerne un jeu qui peut se dérouler dans un univers contemporain ou cyberpunk. Les PJ font partie d’un gang de dealers et doivent protéger le laboratoire où est fabriquée leur drogue. En effet, depuis quelque temps, on a vu des gens rôder autour et le Parrain craint qu’il soit surveillé par la police ou soit devenu la cible d’un gang rival. Le laboratoire a donc été déplacé dans une maison isolée dans la montagne, dans laquelle tous les personnages vont passer, coupés du reste du monde, les deux prochaines semaines. Lee, Taylor, Marco, Joe et Lika sont le personnel du laboratoire.

Après le tirage des liens, voici la liste obtenue : I. Lee veut prendre la place de Taylor ; II. Taylor couche avec Marco ;

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III. Marco fait chanter Joe ; IV. Joe est impliqué dans des affaires dangereuses avec Lee ; V. Lika doit la vie à Lee ; VI. Lika a volé quelque chose à Taylor ; VII. Lika est le parent haï de Marco ; VIII. Lika pense que Joe l’a trahie ; IX. Marco méprise Lee ; X. Joe admire Taylor. Le texte qui suit vise à lier ces résultats dans un ensemble cohérent. Taylor, la plus âgée, les a recrutés et a créé la formule jalousement gardée de la drogue. Lee, récemment viré de l’université pour vol de matériel, ne supporte pas son autorité et aimerait prendre sa place (I). Taylor couche avec Marco (II), le petit-fils du Parrain, et Lee pense qu’il a surtout été engagé pour ces deux raisons, ce qui fait que Marco le méprise en retour (IX). Marco fait également chanter Joe et lui extorque de l’argent (III). Joe est un ex-cadre d’une entreprise pétrochimique venu travailler ici pour payer une dette de jeu. Il est désormais accro à la drogue, même s’il est formellement interdit d’en consommer. Remarquant son accoutumance, Lee a proposé à Joe de créer leur laboratoire « personnel », pour en réalité vendre d’autres drogues de son côté. Leur secret est pour le moment bien gardé (IV). Lors d’une attaque d’un gang rival, Lee a sauvé la vie de Lika (V), la petite-fille du Parrain. Celle-ci a réussi à voler la recette de la drogue à Taylor (VI) car elle sait que Lee la veut, mais elle hésite encore à la lui donner. Marco, le frère de Lika, la déteste (VII), notamment parce qu’elle semble être bien plus intelligente que lui. Lika pense que Joe l’a vue voler la recette (VIII), et réfléchit à un moyen de savoir à qui il en a parlé. Joe l’a en effet vue faire, mais n’ose pour l’instant rien dire, vu qu’elle est la petite-fille du Parrain, mais il admire tellement Taylor (X), la seule qui le fait tenir, qu’il ne supporterait pas de la voir partir et cherche à prouver le vol de Lika.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Improviser p. 125, Incarner des PNJ p. 141, Animer les scènes spéciales p. 191, Rassembler & Diviser p. 235.

Gérer la linéarité **

1. Description A. Présentation

Il arrive que le MJ ait préparé une partie sur la base d’un scénario aux étapes déterminées, ou qu’il ait prévu que les PJ se rendent dans un lieu donné ou entreprennent des actions particulières. Et parfois, les joueuses choisissent d’aller dans une tout autre direction. Les MJ débutants peuvent alors se demander comment réagir : faut-il renoncer à jouer ce scénario, jetant avec lui toutes ces heures de préparation ? Et si cette séance s’inscrit dans le cadre d’une campagne, comment faire le lien avec la suite ? Faut-il au contraire contraindre les joueuses à se conformer à ce qui a été initialement prévu ? Autant de questions qui ont déjà fait couler beaucoup d’encre 1 et touchent au cœur de la spécificité du JdR, à savoir l’équilibre entre la liberté des joueuses et le fait de vouloir leur proposer des aventures élaborées. Être un MJ dirigiste n’est pas bien vu, et faire jouer un scénario linéaire non plus. En effet, dans les deux cas, on limite la liberté et la créativité des joueuses, voire on leur impose une certaine forme de manipulation 2. Cependant, y avoir recours peut aussi parfois rendre une partie meilleure : c’est notamment un moyen d’en accroître la cohérence, l’efficacité et la clarté, autant de qualités que les joueuses apprécieront certainement. Ainsi, si le MJ n’en abuse pas et l’emploie avec un objectif identifié (comme éviter une phase de jeu frustrante pour le reste de la table, ou animer certaines parties d’horreur, p. 462), le dirigisme est un outil parmi d’autres qu’il suffit d’utiliser 1. Young Joseph, « Theory 101: The Impossible Thing before Breakfast », 2005, ptgptb.org/0027/theory101-02. html, « Le Truc impossible avant le petit-déj’ », http://ptgptb.free.fr/0027/th101-2.htm, pour la V. F. 2. C’est ce que l’on appelle communément l’illusionnisme, à savoir le principe de faire croire aux joueuses qu’elles ont le choix.

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à bon escient. Les sessions menées de façon dirigiste ou jouées à partir d’un scénario linéaire peuvent aussi donner de bonnes parties si ces procédés sont utilisés pour les rendre plus intéressantes – et donc plaisantes – pour les joueuses. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• réagir lorsque les joueuses décident de faire autre chose que ce que vous aviez anticipé ; • créer des espaces de liberté dans une trame principale linéaire, aux étapes prédéterminées ; • orienter les joueuses vers la trame principale sans les y contraindre. C. Variantes

Si le meneur ne souhaite pas utiliser les techniques, présentées dans cette fiche, lui permettant de s’adapter, il ne lui reste pas beaucoup d’alternatives : soit il choisit de jouer le scénario tel quel, quitte à expliquer aux joueuses qu’elles doivent s’y plier, soit il leur demande de lui laisser le temps de préparer autre chose, éventuellement en leur proposant d’incarner des PNJ (p. 607) ou de jouer un flash-back (p. 293). De manière plus drastique, il peut même choisir de faire une ellipse (p. 279), ou de mettre en scène la seule issue possible d’un scénario linéaire dans un éventuel flash-forward (p. 301). D. Mots-clés

Direction, implication, intrigues secondaires.

2. Mode d’emploi  Pour tenter de gérer la linéarité, il existe principalement deux solutions. La première consiste à amener les joueuses sur la piste de la trame principale avec plus ou moins de transparence, et la seconde à enrichir cette trame d’intrigues secondaires. A. RéorienteR les joueuses vers ce que vous aviez prévu

Une première solution évidente et pourtant très rarement utilisée consiste à dire aux joueuses, de manière transparente, que vous aviez prévu autre chose, pour ensuite leur demander de faire en sorte que les PJ choisissent plutôt de se diriger dans cette direction. Même si cette possibilité peut surprendre car la plupart des MJ auront peur d’être mal perçus, elle peut être envisagée, notamment dans certains cas, comme : • créer une mise en situation au début d’une campagne ; • faciliter une partie d’initiation, surtout si l’une ou plusieurs joueuses autour de la table sont déjà rôlistes ; • faire un « cadeau » à une joueuse : la mener à une scène importante pour une intrigue liée à son personnage, faciliter l’arrivée du nouveau PJ d’une joueuse dont le précédent vient de décéder, retrouver un PJ capturé, etc.

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Le MJ n’est pas obligé de mettre toute la table au courant. En effet, il peut choisir d’expliquer la situation et ses motivations à seulement une ou plusieurs joueuses, afin qu’elles se chargent elles-mêmes d’influencer le groupe. Il peut également décider de simplement dire à une joueuse que s’il prononce tel mot ou que telle situation se présente, son PJ a envie de se rendre à un endroit donné, sans plus d’explications. Bien sûr, le défaut de cette technique est qu’il faut prévoir d’y avoir recours. Dans un cas où les joueuses sont en train d’hésiter avant de prendre une décision et semblent se diriger vers celle qui n’est pas prévue par le MJ, mettre l’option voulue en valeur ou limiter les autres est une seconde possibilité. Par exemple, dans le cadre d’un scénario d’enquête, si la piste choisie mène à une impasse, le montrer rapidement permet de ne pas s’embourber dans un enchaînement de scènes qui risquent d’être peu intéressantes. Imaginons que les PJ découvrent le tatouage d’une secte sur un corps. Le meneur s’aperçoit alors que c’était une fausse piste prévue par le scénario, et il décide de ne pas l’exploiter. Il peut alors demander un test de compétence à une joueuse pour que son PJ comprenne que c’est un faux, ou faire en sorte qu’un autre reconnaisse ce PNJ et se souvienne d’une information beaucoup plus pertinente le concernant. En poussant cette logique, vous pouvez également décider de rendre le scénario plus linéaire en supprimant certaines options, ce qui peut être utile pour ceux qui sont déjà très denses et complexes. Élaguer de cette manière est aussi pratique si la séance a duré plus longtemps que prévu, si le MJ a improvisé et que la partie s’est trop éloignée de la trame principale, ou s’il s’est trompé un peu plus tôt et a besoin d’une solution pour retomber sur ses pieds. Une troisième possibilité est d’utiliser une technique de cadrage (voir Mettre une scène en valeur p.  497). Dans ce cas, laissez les joueuses aller vers ce qui les intéresse, puis profitez de la fin d’une scène pour faire un fondu au noir et en commencer une autre qui les précipite vers la trame prévue. À peu de choses près, cela revient à utiliser les mêmes techniques que pour une introduction in medias res (voir Commencer sur les chapeaux de roue p. 208). Voici un exemple : « Alors que vous quittiez le souk après avoir réussi à vous ravitailler à vil prix, vous avez entendu des bruits suspects dans une allée. En y regardant de plus près, vous vous apercevez que Khalil est en train de discuter avec les brigands qui vous ont attaqués durant le voyage. » Si ce procédé vous semble trop brusque, vous pouvez atténuer un peu votre effet en présentant cette scène comme la suite logique de ce qu’ont décidé les joueuses, ou en leur demandant l’autorisation de faire une ellipse : « estce que vos personnages font quelque chose ce soir, ou on peut passer au lendemain ? », ou alors : « vous rentrez chez vous après être passés chez le marchand ? ». Avoir recours aux PNJ représente une quatrième option. Selon le contexte, leur intervention peut être plus ou moins subtile ou contraignante : • le PNJ fait une suggestion : il donne à voir un élément sous un nouveau jour, rappelle une information, donne son avis ; • le PNJ est le supérieur hiérarchique des PJ et peut leur imposer une décision ; • le PNJ est un adversaire des PJ et les capture : ils se retrouvent alors dans un lieu donné, ou y sont amenés par un moyen magique ou technologique ; 279

• le PNJ a une attitude étrange et il est possible de le suivre ; • le PNJ laisse échapper un indice, volontairement ou pas ; • le PNJ est un proche des PJ et requiert leur aide ou a été enlevé : les PJ se sentiront obligés d’intervenir. Il est très important d’être vigilant à ce que les joueuses n’aient pas l’impression que ces interventions soient des sanctions ou une façon de ne pas prendre leurs choix en considération. Restez subtil et n’usez de ces techniques qu’avec parcimonie, faute de quoi vous risquez de les frustrer et de faire voler en éclats leur immersion et leur motivation. Vos interventions peuvent être assez directes (un événement ou un PNJ leur impose une direction) ou plus discrètes (vous modifiez la localisation du village de façon à ce que les PJ y arrivent comme prévu). Aussi est-il tout à fait possible que vos joueuses ne le remarquent pas. En revanche, il arrivera aussi que vous soyez démasqué ou, plus agaçant, qu’elles pensent voir une telle manœuvre là où ce n’est pas le cas. Gardez en tête que cela se produira et que ce n’est pas parce qu’elles ne se manifestent pas qu’elles n’ont rien vu. Cependant, si vous êtes suffisamment raisonnable et ne leur donnez pas l’impression d’en abuser, elles ne devraient pas vous en tenir rigueur. Dans cet esprit, il existe d’autres astuces, plus dynamiques et discrètes, pour réorienter les joueuses vers ce que vous avez préparé : • faire une diversion  : vous pouvez capter l’attention des joueuses pendant que vous limitez leurs options, par exemple en les privant de leurs moyens d’aller quelque part (le bateau a brûlé alors que les PJ étaient à un rendez-vous, le port est en quarantaine, etc.). Pour que ce procédé passe relativement inaperçu, le mieux est que cette limitation soit la conséquence directe de leurs actions ou qu’ils aient pu avoir la possibilité de l’empêcher : ils ont laissé le bateau sans surveillance, n’ont pas pensé à renforcer la garde avant de partir, n’ont pas réussi à repousser les assaillants après une altercation, etc. ; • confronter les PJ à une opposition  : rien de tel, pour relancer la tension, qu’un combat intéressant (voir Rendre une scène de combat intéressante p. 348). Mais surtout, dans le cas qui nous occupe, il peut permettre de pousser ou d’attirer les PJ dans une voie, ou de leur donner un PNJ à interroger afin qu’il les remette dans la direction de la trame ; • déclencher une scène spectaculaire : les personnages sont soudain pris au cœur d’un événement exceptionnel, dont le contexte leur impose de suivre une direction qui leur permettra de réintégrer le fil de la trame voulue. Par exemple, les forces de l’ordre ont arrêté les leaders de leur mouvement d’insurrection et ont sorti les grands moyens (hélicoptères, diffusion de portraits, barrages, etc.) pour traquer ses partisans (les PJ). Ces derniers doivent alors fuir la ville pour échapper à la purge. Ainsi, il est possible de rediriger les joueuses en douceur en leur proposant des scènes réellement intéressantes (voir Mettre une scène en valeur p. 497 et Proposer des scènes qui comptent p. 336). De surcroît, lorsque le MJ dispose d’un peu de temps de préparation avant la partie, il peut relire son scénario afin de voir si certains liens entre 280

ses différentes étapes peuvent être convertis en indices flottants (p. 309), même s’il n’existe aucune garantie qu’ils fonctionnent à coup sûr. B. Ouvrir de nouveaux espaces de liberté

S’il peut être compréhensible de vouloir amener les joueuses dans une certaine direction, il est généralement indispensable de leur ménager des espaces où exprimer leur créativité pendant la partie. Toutefois, de tels procédés impliquent un minimum de préparation. Une première solution, aussi efficace qu’exigeante en termes de préparation, consiste à intégrer des trames parallèles et des intrigues secondaires (voir Entremêler les intrigues p. 255 et Enrichir un jeu à missions p. 250). Elles peuvent concerner les personnages ou prendre la forme de quêtes secondaires, et s’insérer entre les scènes pour devenir des transitions qui viendront enrichir la partie. Ces intrigues peuvent avoir plusieurs origines : • les problèmes personnels des personnages (voir Jouer des parties centrées sur les PJ p. 629), qui peuvent concerner leurs relations (voir Cartographier les relations entre personnages p. 13 et Générer des relations complexes p. 272), un secret difficile à dissimuler, une maladie, leur vie de famille, etc. Dans de nombreux jeux, les PJ sont créés de façon à porter en eux des conflits, des dilemmes ou des oppositions fertiles  ; • leurs objectifs, que ceux-ci soient ceux du groupe (voir Créer un groupe cohérent p. 33) ou d’un PJ en particulier (voir Proposer des objectifs contradictoires p. 330). Dans le cadre d’une campagne assez linéaire, permettre aux PJ de les réaliser (voir Gérer le downtime p. 613 et Jouer une scène de détente p. 654) apporte facilement des respirations bienvenues et permet aux joueuses de se sentir à la fois plus libres et de voir les conséquences de leurs choix ; • le passé et l’évolution des PJ. L’avantage de faire jouer une campagne linéaire est de connaître à l’avance une partie des problèmes auxquels vont être confrontés les PJ et les impacts que ceux-ci auront sur leurs vies. En s’inspirant de leur passé (qu’il prenne la forme d’un background écrit ou qu’il transparaisse sur leurs fiches, voir « Créer un personnage » p. 29 et « Développer un personnage au fil du jeu » p. 49, dans Jouer des parties de jeu de rôle), il est possible d’intégrer des amorces qui impliqueront les personnages, à la fois d’un point de vue dramatique (voir Concevoir un arc de personnage p. 213, Faire des cadeaux empoisonnés p. 266 et Jouer des parties centrées sur les PJ p. 629) et technique (voir Intégrer des scènes d’augmentation p. 479, Gérer les points d’expérience p. 93, Laisser des points à répartir à la création des PJ p. 661 et Transformer les forces des PJ en faiblesses p. 726) ; • l’environnement des personnages. Dans une optique plus récréative, vous pouvez créer des intrigues simples pouvant être réglées rapidement (voir Gérer le rythme d’une séance p. 470 et Relancer la tension p. 535). Celles-ci permettront aux joueuses de relâcher la pression et peut-être d’en apprendre plus sur le monde ou leur entourage immédiat. Ces trames sont ce que nous appelons les fils jaunes (situations simples dont la résolution ne prend pas plus d’une scène ou deux, voir Entremêler les 281

intrigues p. 255). Enfin, intégrer quelques saynètes qui présentent les spécificités de l’univers ou donnent des indices subtils (voir Décrire l’univers comme un ensemble de signes p. 234) est également un moyen d’enrichir la partie en redonnant la possibilité aux joueuses de reprendre l’initiative sur ce qui les entoure. Toutefois, pour que ces espaces de liberté puissent fonctionner, celle-ci doit certes exister, mais ne pas être totale. Un cadre, ou des contraintes, permettent de donner du sens à son expression. Ainsi, un outil simple consiste à se rappeler qu’idéalement, une phase de jeu devrait laisser aux joueuses soit le choix des objectifs qu’elles se fixent, soit celui des moyens pour les réaliser, mais pas les deux à la fois. Par exemple, dans un jeu où les PJ sont des résistants, il peut être intéressant de laisser les joueuses gérer les ressources de leur réseau en décidant de ses prochaines actions (ce qui est un bon moyen de permettre à leur créativité de s’exprimer dans des domaines divers, voir Diversifier les objectifs des personnages p. 243), comme de demander à leurs personnages de mener à bien une mission qui leur serait affectée. Par contre, si les joueuses sont libres sur les deux tableaux, elles risquent de ne pas savoir quoi faire ni pouvoir juger de la valeur de tel ou tel choix. Inversement, ne leur laisser aucune marge de manœuvre est un des meilleurs moyens de les frustrer. Dans tous les cas, si ces différents outils demandent de la préparation, ils permettent de concilier plus facilement les avantages d’un scénario linéaire (cohérence, efficacité, clarté, maîtrise du rythme et de la tension, etc.) et la créativité des joueuses. Cette capacité peut faire la différence entre une partie réussie et une soirée gâchée.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• limitent les préparations inutiles ; • aident à garantir une certaine qualité des intrigues proposées ; • aident à garantir un certain niveau de liberté et d’agentivité aux joueuses ; • permettent de s’adapter en cours de partie pour limiter la frustration des joueuses, que celle-ci soit provoquée par l’impossibilité d’agir ou l’incapacité à savoir quoi faire. Inconvénients :

• nécessitent une utilisation subtile et raisonnée. Pour la plupart, leur efficacité dépend de leur discrétion ; • peuvent être utilisées contre les joueuses par un meneur indélicat au lieu de servir à accroître leur plaisir de jeu ; • braquent certaines joueuses qui n’apprécient pas ces procédés.

4. Exemple Dans un jeu de fantasy, les PJ mènent l’enquête pour découvrir qui a commis des meurtres rituels dans les égouts d’une gigantesque cité. Alors qu’ils ont manqué un indice qui aurait dû les pousser à quitter la ville pour partir au plus vite à la poursuite 282

des coupables, ils choisissent d’interroger les responsables des différents cultes locaux. Le MJ décide alors de réduire le nombre de responsables, ou d’organiser un rencontre groupée afin d’éviter de leur faire perdre trop de temps. C’est ensuite l’un de ces responsables qui transmettra l’indice qu’ils ont raté. Ils comprendront dès lors que les meurtriers ont quitté la cité et qu’ils doivent se lancer à leur poursuite sans tarder.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Dompter la linéarité p. 159, Animer les combats p. 173, Animer les scènes spéciales p. 191, Commencer p. 225. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49.

Imaginer un PNJ miroir *

1. Description A. Présentation

Les PNJ miroirs sont des personnages qui ressemblent aux PJ, que ce soit d’un point de vue technique ou narratif. Ils sont principalement utilisés pour les pousser à se remettre en question, comme opposants significatifs ou pour attirer l’attention des joueuses sur un point précis. Ils peuvent être très utiles. Cette fiche a pour objectif de donner quelques pistes pour les créer et en tirer avantage dans vos parties. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• mettre en place un opposant envers lequel les PJ éprouveront de l’empathie (voir Rendre des personnages attachants p. 342) ou une haine viscérale ; • montrer une version alternative des PJ, que ce soit pour leur renvoyer une vérité cruelle, ou leur faire voir ce qu’ils auraient pu devenir s’ils avaient cédé à leurs démons ; • donner du fil à retordre aux PJ en leur opposant un adversaire qui connaît et maîtrise leurs méthodes habituelles ; • inverser les rôles : les PJ deviennent, pour ce PNJ, les opposants contre lesquels ils luttent habituellement. C. Variantes

Voici des archétypes qui peuvent avoir des fonctions assez proches : • le mentor qui a mal tourné ; • le jeune qui a pris les PJ pour modèles mais devient trop zélé ; • l’ancien opposant qui a rallié la cause des PJ et s’avère plus doué qu’eux.

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D. Mots-clés

Arc de groupe, implication, improvisation (préparation), intrigues secondaires, opposition, personnel, PNJ, tripes.

2. Mode d’emploi  Pour utiliser un PNJ miroir à son plein potentiel, l’idéal est sans doute d’opter pour une ou plusieurs des approches suivantes. A. Faites-en un adversaire spécial

Commencez par créer un lien spécifique avec les PJ. Il s’agit sans doute du point le plus important : une relation neutre et sans passion est le meilleur moyen d’obtenir un PNJ fade. Faites ressortir les similitudes évidentes dès le départ, notamment concernant tout ce qui est superficiel, puis révélez les éléments plus profonds au fur et mesure. Votre objectif est qu’à terme les personnages, voire les joueuses, aient du mal à traiter ce PNJ de façon objective. Idéalement, c’est ce lien qui fera qu’elles hésiteront parfois à passer à l’action par peur d’y aller trop fort, ou a contrario qu’elles agiront sous le coup de l’émotion. Pour amorcer ce lien empathique et ambigu avec les PJ, le personnage peut avoir : • un parcours analogue (formation, service, récompenses) ; • des proches en commun avec les PJ (réseau, famille, amants, amis) ; • des traits de personnalité similaires (objectifs, valeurs, origine, défauts, qualités, psychologie, talents, physique, goûts) ; • fait la même chose qu’eux dans un autre cadre (lieu différent, autre service) ; • croisé leur route par le passé. Si vous souhaitez faire de ce PNJ un antagoniste, décidez des raisons qui en font un réel défi : • il est de puissance équivalente ou supérieure à celle des PJ, a plus d’autorité qu’eux, etc. ; • il maîtrise les méthodes des PJ, sait anticiper leurs réactions et comment les contrer. Ils ne pourront se contenter de leurs actions habituelles pour le surprendre : ils devront sortir de leur zone de confort ; • il les connaît ou s’est renseigné sur eux, et dispose d’avantages pour leur nuire : il a du pouvoir dans leur milieu, il est au courant de certains secrets, de leurs ambitions, de leurs points faibles, sait où vivent leurs proches, etc. En listant ces éléments, vous conférez de l’épaisseur à ce PNJ, au-delà de ce qu’il sait ou ne sait pas faire. Vous le positionnez par rapport aux PJ et vous donnez une idée non seulement des moyens à sa disposition pour s’opposer à eux, mais également de la manière dont il pourra réagir si vous devez improviser.

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B. Utilisez-le pour dire quelque chose du monde ou des PJ

Vous pouvez vous servir du PNJ miroir pour : • montrer le chemin parcouru. Le PNJ n’est qu’une façon d’amener les joueuses à prendre conscience de l’écart entre ce que les personnages étaient au début de la campagne, et ce qu’ils sont maintenant. Généralement, les évolutions progressives sont peu ressenties par les joueuses, mais elles n’en sont pas moins réelles. Il peut parfois être utile de les amener à regarder dans le rétroviseur, surtout quand les réussites immédiates semblent se raréfier, qu’elles ont été confrontées à une déconvenue ou qu’elles ont l’impression de faire du surplace ; • révéler une vérité aux joueuses : si le PNJ a brillé là où les PJ ont échoué, mettez en évidence les fruits de sa victoire. Vous pouvez par exemple montrer les méthodes du PNJ, les erreurs des PJ, ou ce qu’ils n’ont pas été prêts à sacrifier pour en arriver au même résultat. Inversement, si le PNJ a échoué là où ils ont réussi, exposez les conséquences de sa défaite. Cela peut vous permettre de faire ressortir la précarité sinon peu évidente de leur situation, la duplicité de certains de leurs « amis » qui l’ont trahi, lui, et pourraient les trahir, eux, etc. Dans les deux cas, ce PNJ a pour fonction de mettre en évidence le passé ou un avenir possible des PJ, alors insistez, selon votre objectif, sur ce qui les rapproche ou les différencie. Le but est de les pousser à faire un choix et à éprouver de l’empathie à son égard ; • annoncer un danger. Le PNJ peut par exemple illustrer ce que les PJ pourraient devenir s’ils n’y prennent pas garde et poussent certains curseurs de leur personnalité à fond 1. Il peut aussi être une victime (d’une opposition, de commanditaires, etc.) et montrer aux PJ que même un personnage aussi puissant qu’eux est vulnérable, et donc que la menace est sérieuse. C. Amenez les joueuses à changer de perspective

Vous pouvez également utiliser un PNJ miroir pour leur montrer en quoi l’image que les PJ dégagent est altérée et ne correspond pas exactement à ce qu’ils sont. Ainsi, vous pouvez vouloir : • qu’ils prennent conscience de la vision que le monde a d’eux. Ils se sentent coupables, mais sont considérés comme des exemples à suivre ; ils se prennent pour des héros, mais sont perçus comme des bouchers, etc. Un personnage public comme un barde ou un journaliste est parfait pour leur faire comprendre une telle dissonance ; • leur montrer que le monde a des attentes les concernant. Cet aspect peut notamment être utile s’ils sont en pleine remise en question, ou pour donner plus de poids à leurs choix. Ainsi, un PNJ symbolique, comme le gosse des rues qu’ils étaient avant de grandir, peut leur demander un service précis qui met en valeur une facette de leur personnalité : protéger le quartier, l’aider à voler la bague du prévôt pour lui donner une leçon, etc. ; 1. Comme Faith est un miroir de Buffy qui se laisse envahir par le sentiment de toute-puissance conféré par ses pouvoirs de Tueuse dans la saison 3 de la série éponyme, comme Kali montre à Eleven ce qu’elle pourrait devenir si elle se consacre à la vengeance dans la saison 2 de Stranger Things.

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• qu’ils ressentent ce que cela signifie d’être « de l’autre côté ». Vous pouvez alors opérer une inversion en leur faisant subir le traitement qu’ils réservent habituellement aux PNJ. Par exemple, ils peuvent devenir les présumés coupables d’une enquête, avec tout ce que cela implique (famille interrogée, rumeurs galopantes, etc.), ou voir leur guilde pillée par un groupe d’aventuriers, etc.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• permet de créer des PNJ très variés ; • peut être utilisée pour créer un PNJ unique ou un groupe ; • constitue un bon point de départ pour imaginer une campagne. Inconvénients :

• nécessite généralement d’être utilisée sur le long terme pour prendre toute son ampleur ; • est plus efficace après avoir déjà développé les PJ avant de l’intégrer.

4. Exemple Imaginons une partie de C.O.P.S., où les PJ font l’objet d’une enquête du SAD, la police des polices (position d’autorité supérieure). Pour créer le PNJ chargé de l’enquête, on lui attribue tous les stages administratifs qui sont le pré carré d’un des PJ, à un niveau supérieur (il est plus performant dans sa spécialité). Il a eu une relation avec le mari d’un autre PJ (lien avec un proche), le mari l’ayant quitté pour être avec le PJ (conflit personnel). C’était un enquêteur hors pair qui a arrêté le plus grand tueur en série de la ville (il est célèbre et respecté dans leur milieu), là où les PJ échouent à identifier son copycat (rappel d’un échec). Cependant, cette réussite lui a coûté sa vie personnelle et il est obsédé par son travail (prix à payer pour la victoire), ce qui l’a rendu froid et manipulateur (avenir possible des PJ).

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Incarner des PNJ p. 141, Rassembler & Diviser p. 235, Rendre les choses personnelles p. 261, Créer des émotions particulières p. 277. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer du jeu pour les autres p. 179.

Instiller davantage de suspense **

1. Description A. Présentation

Cette fiche regroupe quelques éléments sur lesquels il est possible de jouer pour rajouter du suspense dans un scénario. En d’autres termes, ils ont pour but de concentrer l’attention des joueuses sur la partie, mais surtout de provoquer, chez elles, une forme d’anticipation de ce qui va s’y produire. Il est donc ici avant tout question d’arriver à les captiver à l’idée de découvrir le déroulement d’un événement incertain ou d’une situation donnée, et de faire en sorte que ce dénouement provoque une réaction émotionnelle intense. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• conserver l’attention de vos joueuses ; • fluidifier les transitions entre vos différents scénarios ou scènes ; • impliquer les joueuses et les amener à prendre l’initiative plutôt qu’à se laisser porter par l’intrigue ; • vous concentrer davantage sur ce qu’elles ressentent ; • amplifier les émotions ressenties pendant une phase de jeu ; • mettre spécialement en valeur un événement à venir, une scène que vous craignez trop banale ou donner aux joueuses l’envie d’y assister. C. Variantes

Une des alternatives les plus évidentes au suspense est sans doute la surprise. Même s’il ne s’agit pas exactement de la même chose, elle peut elle aussi provoquer des réactions intéressantes et recapturer l’attention des joueuses. Il est assez facile de la créer grâce à un jump scare (voir Faire peur p. 462) ou, au contraire, par des retournements scénaristiques, même si ces deux méthodes ont leurs limites. 288

D. Mots-clés

Arc de groupe, cadence, implication, tension, transmission, tripes.

2. Mode d’emploi  Cette fiche vous propose d’abord d’identifier la question centrale, puis fournit des pistes pour rendre enjeux et objectifs clairs dès le départ, et donne enfin des idées d’éléments à intégrer pour encore accroître le suspense. A. Identifiez la question centrale

Imaginez le suspense comme la volonté de connaître absolument la réponse à une question, tout en étant conscient que : • l’on ne peut pas savoir de quoi il en retourne pour l’instant ; • cette réponse viendra durant le jeu ; • elle aura, a priori, des conséquences importantes. Que vous écriviez votre propre scénario ou réutilisiez celui de quelqu’un d’autre, identifier cette question centrale est la première chose à faire. Voici quelques exemples : qui va être la nouvelle victime ? Va-t-on réussir à se préparer suffisamment avant que l’ennemi ne soit à nos portes ? Qui est le traître ? Qui va succéder au vieux roi ? Est-ce que ses funérailles vont bien se passer ? Avec qui va sortir ce personnage ? Pour vous aider, et pour diversifier le type de suspense que vous installerez autour de la table, voici quelques questions à vous poser : • qu’est-ce qui crée cette incertitude et va la faire durer dans le temps ? • pour quelle raison les joueuses sont-elles conscientes de ne pas avoir toutes les cartes en main ? • pourquoi est-ce que le dénouement attendu est important pour elles ? • dans quelle mesure peuvent-elles intervenir lors des événements ? • l’incertitude porte-t-elle sur un dénouement à venir ou sur la révélation d’un événement passé ? Cherche-t-on à anticiper ce qui va se produire, à s’y adapter ou à comprendre ce qui a déjà eu lieu (voire est en train de se produire) ? • la tension est-elle due au fait que les joueuses en savent autant que les personnages ou qu’il existe une différence entre les deux ? Est-ce parce qu’elles en savent moins ou davantage ? • l’incertitude porte-t-elle sur ce qui se passe dans l’univers du jeu ou sur les choix des joueuses ou du meneur ? B. Rendez les objectifs et les enjeux clairs dès le départ

Cette question centrale doit à la fois être au cœur de l’action, de vos préoccupations et de celles des joueuses. Tout ce qui sera amené en jeu ne prendra de dimension réelle que si chaque élément ajoute ou réduit de la tension autour de cette problématique.

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Vous devez donc faire en sorte de la rendre immédiatement évidente pour tout le monde autour de la table. Dès que possible, mettez en jeu une situation qui montre clairement : • de quoi il faut s’inquiéter (question centrale) ; • ce qui rend la situation incertaine ; • les raisons pour lesquelles on doit s’en inquiéter (enjeux) ; • ce qu’on peut faire pour essayer de la régler et les obstacles empêchant d’y parvenir. Par exemple, si vous voulez faire jouer une bataille où les personnages protègent un barrage et doivent absolument tenir toute une nuit, commencez par : • décrire son état, en révélant sa fragilité ou un défaut structurel ; • décrire sa situation, et notamment la proximité de la ville dans laquelle se situent tous leurs proches, mais peut-être aussi le roi ; • leur faire trouver la dépouille d’un messager ennemi, expliquant que les assaillants vont attaquer cette nuit, qu’ils sont déjà au courant de la présence du roi et qu’il y a un traître dans la garde. Éventuellement, précisez que le messager a de l’explosif sur lui ; • révéler que la décision du roi, une fois averti, est de partir avec tous les habitants pour les mettre à l’abri, mais qu’il ne peut le faire qu’à l’aube. Attention, tout ne dépend pas de votre intrigue ou d’éléments liés à l’univers du jeu : si vous voulez instaurer du suspense autour de la question « Qui va survivre ? » et que vos joueuses savent que vous ne tuerez aucun personnage, cette question ne fonctionnera pas. Orientez-vous alors plutôt vers du « Comment survivront-ils ? » ou « Que devront-ils sacrifier pour survivre ? ». Dans un univers référencé (historique, licence, etc.), il est probable que le contexte et l’ironie dramatique vous facilitent énormément la tâche et que la tension s’installe d’elle-même : • si vous collez à certains événements et faites par exemple comprendre à vos joueuses que les personnages ne se doutent de rien : ils sont sur Aldorande alors que l’Étoile noire est visible, sur le point de participer aux Noces pourpres ou à la nuit de la Saint-Barthélemy, etc. • si vous vous éloignez de façon évidente du canon ou de la version officielle, le suspense devient alors de savoir comment vous allez réussir à rester cohérent avec ces derniers. Il s’agit d’un type de métasuspense 1. C. Que rajouter à cette situation initiale pour créer davantage de suspense ?

Une fois la question centrale rendue claire pour tout monde, il existe un certain nombre de leviers sur lesquels vous pouvez jouer pour rajouter davantage de suspense. Certains 1. « Forme de suspense où l’attention du lecteur ne se concentre pas sur le faire découvrir ce qu’il va se passer ensuite dans le monde du texte, mais sur la façon dont l’auteur va tout faire tenir ensemble et proposer une forme narrative adéquate ». Ryan Marie-Laure, Narrative as Virtual Reality 2 ? Revisiting Immersion and Interactivity in Literature and Electronic Media, Johns Hopkins University, Baltimore, 2015.

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sont déjà présents dans votre situation initiale, mais vous pouvez néanmoins vous en servir pour moduler la tension autour de la table, y compris pour la réduire si vous le souhaitez. Voici les sept principaux leviers. Les enjeux : vous pouvez à tout moment modifier les conséquences de la situation, et c’est sans doute le levier le plus évident. Il est par exemple possible d’augmenter les enjeux, notamment en les rendant plus dangereux ou personnels, changer leur nature (escalade, etc.) ou les diversifier et les multiplier. Les problématiques romantiques ou éthiques se marient bien avec cette technique, combinant généralement plusieurs de ces aspects. Dans l’exemple du barrage, augmenter les enjeux pourrait consister à révéler que les assaillants ne font pas de prisonniers ou que les familles ou les réputations des personnages subiront les conséquences de leur éventuel échec. Le temps : faites en sorte que la situation intègre une limite de temps, que vous pourrez rallonger ou raccourcir. Imposez cette contrainte aux personnages, aux joueuses (temps réel), ou aux deux à la fois, faites-en un compte à rebours, etc. Par exemple, les défenseurs du barrage peuvent s’apercevoir à l’aube que le convoi n’est toujours pas parti : ils devront tenir plus longtemps sans savoir combien de temps ni pourquoi. L’anticipation  : pour conduire les joueuses à anticiper une situation incertaine, demandez aux personnages de faire de même. Par exemple, un PNJ peut solliciter leur avis sur l’évolution d’une situation. En les amenant à se projeter et en les responsabilisant, vous rajoutez presque toujours du suspense. La difficulté et les complications  : si vous rendez une tâche plus ardue que la joueuse ne l’a anticipé, vous combinez plusieurs des points précédents et rajoutez de la tension : ce qui paraissait simple ne l’est pas autant que prévu, donne un résultat moindre, une option devient impossible (fuite coupée, arme brisée, etc.). Le sol du barrage que protègent les personnages peut être glissant, leurs armes improvisées à partir de ce qu’ils ont sous la main, leurs ennemis une simple première vague, l’un des assaillants se révéler être le fils du roi (il ne faut alors absolument pas le blesser), etc. Le mystère : réfléchissez à la vitesse à laquelle vous dévoilez les informations. Trop de lenteur frustrera les joueuses, trop de rapidité gâchera des occasions d’attiser leur curiosité. Donnez-leur très régulièrement le sentiment de comprendre ou d’être sur le point de trouver quelque chose, et presque toujours celui d’avoir encore quelque chose à découvrir. Jouez avec leurs attentes, préparez une liste de révélations ou d’indices flottants (p. 309) permettant de gérer l’attention des joueuses et, dans tous les cas, montrez que vous ne donnez pas toute l’information, pour l’instant du moins. De plus, cadrez vos scènes de façon à pouvoir : • intégrer des mini-histoires qui ont leur propre tension (par exemple, n’hésitez pas à laisser un personnage en difficulté dans un combat, pour passer à un autre, pouvant aider le premier ou pas, puis revenez vers lui) ; • les décrire à un rythme progressif (décrire un combat sur un pont avant de montrer que ce dernier est sur le point de s’effondrer) ; 291

• ou au contraire, les amorcer (introductions coup-de-poing, p. 209) et les clore brutalement (cliffhangers, p. 376). La vulnérabilité  : privilégiez tout ce qui peut donner aux joueuses l’impression que leurs personnages sont en difficulté ou moins à l’aise que d’habitude. Ils peuvent par exemple avoir moins d’options à leur disposition (pouvoirs rendus inefficaces ou peu discrets, aucune possibilité de récupérer, équipement défectueux, etc.), ou se voir proposer un avantage impliquant de renoncer à autre chose. Ainsi, les défenseurs du barrage pourraient devoir choisir entre préparer des pièges ou se reposer avant la bataille, mais ne pas être en mesure de faire les deux. L’ironie dramatique (p. 569) : donnez des informations aux joueuses que les personnages ignorent. Par exemple, montrez un danger menaçant un autre personnage tout en empêchant la communication avec l’intéressé « tu vois avec ta longue-vue que les gobelins sont en train de les contourner », et en faisant en sorte que la joueuse l’entende. Vous pouvez aussi utiliser des artifices scénaristiques avancés (flash-forward, cut scenes, etc.), de la musique « pourquoi on entend le thème de La Marche impériale dans un temple jedi ? » ou vous servir de votre connaissance commune des règles « un kobold ne peut pas résister à autant de dégâts, il se passe quelque chose ! ».

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• constituent des artifices simples à mettre en œuvre et à moduler ; • peuvent se combiner à de très nombreuses autres techniques ; • s’avèrent utiles pour recentrer une table susceptible de se disperser ; • ont tendance à générer des scènes qui marquent les joueuses ; • permettent de facilement amorcer la suite, et de charger émotionnellement certains éléments (PNJ, factions, etc.). Inconvénients :

• sont généralement peu propices à l’introspection ou à la contemplation ; • poussent à oublier de proposer des espaces plus calmes, permettant de respirer ou de se ménager entre deux phases plus intenses ; • nécessitent de la pratique pour ne pas aboutir à une façon de jouer dirigiste ; • impliquent un renouvellement pour éviter que les joueuses ne se désengagent ; • tournent autour d’une question unique : ça passe ou ça casse.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer des émotions particulières p. 277. Jouer des parties de jeu de rôle : Coopérer et Rivaliser p. 149, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179, Exploiter la distinction entre joueur et personnage p. 195, Se laisser surprendre p. 277.

Intégrer des flash-backs **

1. Description A. Présentation

Généralement, les parties de JdR présentent un fragment de la vie des personnages de manière relativement continue. Il est possible d’avoir recours à des ellipses, mais l’essentiel de l’action se déroule chronologiquement et, pour une part plus réduite, en temps réel. Or, si cette façon de faire est probablement la plus intuitive, il en existe d’autres. Comme dans de nombreux autres médias, on peut utiliser des procédés scénaristiques qui jouent avec ce principe. C’est notamment le cas des flash-backs qui sont des scènes plus ou moins longues, jouées ou pas, impliquant les personnages ou pas, qui prennent place dans le même univers mais avant cette continuité principale. Cette technique a de nombreux avantages  : elle permet de facilement introduire des éléments nécessaires à la compréhension des joueuses, ou encore d’intégrer certains types d’intrigues et de personnages qui seraient sinon impossibles ou singulièrement rébarbatifs à jouer. Toutefois, elle comprend aussi certaines difficultés. Ainsi, cette fiche tente de vous brosser un panorama de ce qu’il faut savoir pour utiliser des flash-backs dans vos séances de JdR. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• introduire une notion de temporalité dans votre campagne ; • explorer ou mettre en avant un élément de votre univers qui n’a pas encore été détaillé ; • justifier, développer ou altérer des éléments déjà établis (faction, intrigue, lieu, PNJ, etc.) ; • mieux intégrer les PJ à l’univers en complément ou la place de leur background.

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C. Variantes

Il est également possible de jouer un scénario dont l’action se situe complètement dans le passé, par exemple en faisant interpréter aux joueuses des versions plus jeunes des PJ ou des PNJ (voir Faire jouer des PNJ aux joueuses p. 607). Ces personnages peuvent être leurs ancêtres, leurs mentors, des célébrités d’une époque révolue, etc. Vous pouvez également leur écrire des lettres d’amour (p. 588), ou un background très détaillé (voir « Créer un personnage » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 29) dont le PJ aura fréquemment des souvenirs lors des parties, ou encore transmettre à la joueuse des bribes de son histoire par à-coups si elle l’a oubliée, par exemple, en lui donnant de petits mots durant le jeu (voir Donner des informations à une seule joueuse p. 411). D. Mots-clés

Arc de groupe, début de séance, descriptions, implication, improvisation (préparation), intrigues secondaires, personnel, tension, transmission.

2. Mode d’emploi  Si le principe du flash-back en lui-même ne fait guère débat, il existe de multiples façons d’utiliser ce procédé lors d’une séance de JdR. Dans cette fiche, nous vous proposons de vous poser quelques questions pour établir le type de scène que vous souhaitez générer, puis présentons leurs principales fonctions : mieux définir les personnages ou le monde, altérer l’intrigue et créer de la tension. Naturellement, il existe d’autres raisons d’utiliser un flash-back et celles-ci ne s’excluent pas mutuellement, voire se confondent franchement à certains moments. A. Définir le type de flash-back

Il existe de nombreux types de flash-backs et, à moins que le jeu auquel vous jouez n’ait déjà une mécanique claire sur le sujet, il est important de prendre le temps de bien définir ceux que vous souhaitez mettre en place. Concrètement, il faut surtout se poser les deux questions suivantes. Qui déclenche le flash-back ? • Le meneur : vous décidez quand commence et quand s’arrête la séquence de retour en arrière. En procédant ainsi, vous conservez la main sur son intégration, vous pouvez ménager vos effets (rythme des révélations, suspense, etc.) et revenir au présent si jamais vous craignez de devoir faire face à des soucis de cohérence. • Les joueuses : cette situation est un peu moins fréquente, aussi ne faut-il pas hésiter à leur rappeler cette possibilité avant la séance, ainsi que d’éventuelles conditions : qui peut être présent dans la scène ? Est-ce qu’elle a un coût (nombre de fois limité, points de destin ou de « flash-back », etc.) ? Est-ce faisable à n’importe quel moment ? Laisser la possibilité aux joueuses de déclencher des flash-backs peut sembler

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risqué, mais c’est au contraire un moyen très efficace de s’assurer que ceux-ci auront lieu à des moments où elles en ont envie et où elles seront prêtes à les accepter. De plus, vous leur donnez ainsi l’opportunité de vous surprendre et de vous renouveler. Qui décide du contenu du flash-back ? • Le meneur : dans cette configuration, vous pouvez mieux contrôler les impacts du flash-back sur la trame générale, et donc préserver plus facilement la cohérence globale. Si vous n’aimez guère improviser, l’avantage est évident. Dans le cas contraire, elle vous permet également de vous « ouvrir des portes », c’est-à-dire d’intégrer des éléments dont vous ne connaissez pas encore l’utilité, mais qui seront autant d’outils pour retomber sur vos pieds plus tard, en évitant que l’opération ait l’air artificielle. Vous pouvez par conséquent choisir de décrire une silhouette intimidante de manière à ce qu’elle puisse correspondre à deux PNJ différents, un allié et un adversaire. Vous choisirez duquel il s’agit vraiment plus tard, en fonction de l’évolution de la situation. • Les joueuses : une ou plusieurs joueuses peuvent prendre la main sur la narration et donner le cadre et la situation initiale du flash-back, selon les conditions – notamment techniques – que vous aurez définies ensemble. Sauf si vous avez décidé qu’il s’agira d’une cinématique que chacune racontera entièrement, il est sans doute préférable qu’elles décident du sujet de la scène (« quand nous avons rencontré le roi pour la première fois, avant qu’il ne soit couronné  »). Il faudrait en outre qu’elles déterminent les participants (quitte à ce qu’il n’y ait aucun PJ, voir Faire jouer des PNJ aux joueuses p. 607), et commencent à décrire la cinématique jusqu’au moment où, si vous aviez cadré la scène, vous leur auriez demandé comment réagissent les personnages. Une fois arrivé à ce point, reprenez la main et faites jouer la scène de façon classique. Cette méthode présente l’avantage de permettre aux joueuses d’exprimer bien plus efficacement leur créativité, mais également d’aborder les sujets qui les intéressent vraiment. Peut-être sont-elles captivées par l’histoire de ce personnage secondaire qui n’existait pas deux minutes plus tôt et qui n’était destiné qu’à relancer la tension  ? Autant en tenir compte et creuser dans cette direction (voir Se baser sur l’insistance des joueuses p.  713). Naturellement, procéder ainsi vous demandera davantage de travail d’improvisation et d’intégration. Si vos joueuses ne sont pas habituées à ce genre d’exercice, n’hésitez pas à les guider en leur posant des questions, au moins le temps qu’elles s’y accoutument : « pourquoi ton PJ n’aime pas ce PNJ ? », « Où as-tu appris à te battre comme ça ? », etc. En plus de déterminer qui lance les flash-backs et qui les cadre, il est préférable de garder à l’esprit les éléments suivants : • toutes les combinaisons sont évidemment possibles : un flash-back peut être introduit par le MJ et narré par les joueuses, par l’ensemble de la table, demandé à une joueuse par une autre, etc. Et, sous réserve de limiter les confusions potentielles, rien ne vous oblige à garder la même configuration tout au long de la partie ; • d’un point de vue technique, les flash-backs peuvent être encadrés de multiples façons et aussi bien être des enjeux, des objectifs, des récompenses ou 295

de simples capacités. Si vous laissez les joueuses les lancer ou les cadrer, il pourra être opportun de leur demander de gérer une ressource donnée (des «  points de souvenirs ») ou de les lier à une autre (par exemple en définissant qu’ils permettent de regagner des points de volonté). Le but est non seulement d’éviter une utilisation trop fréquente, mais aussi de s’assurer que toutes les joueuses en profitent autant. Vous pouvez également décider de la mise en commun de cette ressource, ce qui donnera encore une dynamique différente. De notre côté, nous vous invitons à utiliser soit une emomatrix (p. 745), soit des cartes qui comporteraient des thèmes (p.  361) à intégrer dans les flash-backs. Les possibilités sont extrêmement nombreuses et, s’il est difficile de réellement se tromper, ces considérations n’en ont pas moins un impact fort sur la partie et l’utilisation de cette technique. Nous vous encourageons donc à y réfléchir autant que nécessaire ; • un flash-back devrait idéalement être court et toujours soit rendre les personnages plus intéressants, soit enrichir votre trame principale, que ce soit par exemple en répondant à une question que se posent les joueuses, en faisant une révélation inattendue et significative ou en leur permettant d’obtenir ce qu’elles souhaitent. Ne laissez pas la scène s’éterniser et coupez-la dès que vous pensez qu’elle a atteint cet objectif. Sans surprise, il est bien sûr possible d’intégrer des phases de jeu plus longues dans le passé, voire des scénarios entiers, mais celles-ci obéissent à la dynamique de jeu classique et non à celle des flash-backs tels que décrits dans cette fiche ; • ces scènes sont aussi utiles pour exploiter le background des PJ au lieu de juste le créer. Inclure des éléments inspirés de celui-ci, les préciser ou s’insérer dans ce qui n’y a pas été décrit est également possible. Vous redonnerez ainsi de l’utilité à cet élément de la création de personnage, que nous avons sans doute tous tendance à vite oublier, et permettrez également de le redécouvrir sous un jour nouveau ; • de la même manière, les flash-backs peuvent être un moyen efficace de faire une scène d’exposition et de donner des informations au moment où celles-ci sont les plus utiles. Nous reviendrons sur d’autres utilisations de cette fonction plus tard, mais rien ne vous empêche de vous en servir durant les premières séances d’une campagne. Ainsi, vous n’encombrerez pas les joueuses avec des connaissances sur le monde qui ne seraient pas immédiatement indispensables. Ce procédé est particulièrement adapté à une campagne itinérante, pour présenter de nouveaux lieux ou PNJ dont les personnages ont forcément au moins déjà entendu parler ; • surtout avec les deux derniers points, les flash-backs peuvent poser des problèmes de cohérence quand ils rendent incompréhensibles, par exemple, qu’un PJ se soit conduit d’une certaine façon étant donné ce que l’on a appris de son passé. S’il est presque toujours possible de justifier des actes même en apparence paradoxaux (par d’autres flash-backs, par des secrets, etc.), l’exercice peut devenir beaucoup plus périlleux lorsque ce sont les connaissances des PJ qui sont impliquées. Comment expliquer que ce personnage ne se rappelle l’identité de son ennemi juré que maintenant ? Dans ce cas, vous allez probablement devoir trouver des justifications un peu plus complexes à l’irruption tardive de ces souvenirs : rêves, drogues, amnésie partielle, traumatisme

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ou blocage psychologique, lavage de cerveau ou conditionnement, sortilège, etc. Enfin, dans des univers où la mémoire devient une marchandise (cyberpunk, hard science, certains types de fantasy), vous pouvez intégrer des flash-backs liés à d’autres personnages que les PJ, voire même, comme dans Strange Days, faire de ce commerce le sujet même du scénario. B. Utiliser les flash-backs pour développer les personnages ou le monde

La première fonction de cette technique est de nous en apprendre davantage, mais aussi de justifier certains éléments, ou de nous permettre de porter un regard nouveau sur ce qui a déjà été établi dans l’univers. Vous pouvez, notamment : • expliquer l’acquisition des capacités spéciales, des compétences élevées ou des faiblesses des personnages. Souvent, il s’agit d’éléments qui les définissent et il peut être intéressant de revenir sur les choix qu’ils ont faits enfants ou à des moments-clés de leur vie 1. Avoir recours à cette technique peut amener des scènes de roleplay hautes en couleur et participer à créer des liens entre les PJ, voire à leur donner une nouvelle dimension. Par exemple, apprendre après quelques séances qu’Ayneth, le clerc du groupe, est rentré dans les ordres parce qu’il pensait à tort que Ladrilia, la barde, lui préférait Rama, le voleur, insuffle une dynamique très différente au groupe. Si le cœur vous en dit, vous pouvez utiliser la même astuce pour mettre en avant une réussite ou un échec réellement exceptionnel, ou qui arrive à un moment dramatiquement significatif ; • permettre aux personnages de résoudre une difficulté ou de se sortir d’une situation. On retrouve cette méthode dans Hellywood, où les PJ peuvent, une fois par séance, initier un flash-back qui apporte une solution crédible à leur problème (le PJ a déjà croisé ce PNJ, il connaît ce lieu ou le défaut de fabrication de ce type de bombes, etc.). L’explication reste soumise à la validation du MJ, mais est bien donnée par la joueuse qui décide d’utiliser cette possibilité ; • développer l’intégration des personnages à l’univers. C’est d’autant plus efficace si les PJ ont peu de background, mais vous pouvez générer un flash-back pour faire découvrir aux joueuses des informations sur un élément du monde (lieu, faction, PNJ, etc.) auquel leurs personnages sont liés. Généralement, cet outil vous permettra de développer à la fois l’univers et le PJ concerné. Si vous demandez aux joueuses de cadrer le flash-back, vous êtes à peu de choses près en train de leur poser des questions provocantes (p. 522) et pouvez utiliser la plupart des astuces décrites sur la fiche du même nom. Mais même lorsque vous cadrez la scène vous-même, cette technique vous permet d’impliquer les joueuses tout en donnant de l’importance aux éléments que vous n’avez pas pu ou voulu développer, par exemple parce que vous laissez une large part à l’improvisation. 1. The Extraordinary Adventures of Baron Munchausen repose sur ce seul principe d’imaginer des flashbacks pour son personnage : les joueuses sont des aristocrates du xviiie siècle qui se racontent leurs aventures, sous forme de défis : « Racontez-nous, mon bon monsieur, comment, en vous trompant de linge, vous avez sauvé toute la cour française de la noyade ? »

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C. Utiliser les flash-backs pour ajouter ou développer une intrigue

La deuxième fonction du flash-back est soit de libérer des espaces pour faire naître une intrigue secondaire, ou au moins à l’importance grandissante, soit d’introduire des éléments amenant les personnages à regarder le fil de leurs aventures avec un œil nouveau. Afin de l’intégrer harmonieusement à l’intrigue principale, il est recommandé de : • déterminer si vous voulez des flash-backs ponctuels et indépendants ou une série de scènes passées qui révèlent peu à peu, sans doute de séance en séance, une intrigue parallèle spécifique. Les premiers sont bien plus courants et plus simples à mettre en œuvre, mais la seconde est un outil très efficace pour ritualiser les débuts de séance (p. 695, lorsque vous choisissez que le flash-back aura systématiquement lieu à ce moment-là), donner régulièrement de nouvelles pistes aux joueuses, valider ou infirmer certaines de leurs hypothèses, mais aussi aiguiser et maintenir leur curiosité. Ce procédé est particulièrement adapté pour une enquête tournant autour d’un événement où tous les personnages étaient présents mais ne peuvent pas vraiment compter sur leur mémoire (drogues, alcool, magie, etc.) : la soirée d’Halloween ou celle précédant la rentrée scolaire pour Monsterhearts, le carnaval de la ville pour Warhammer, l’enchaînement de catastrophes qui ont mené à la destruction de la précédente station orbitale pour Cyberpunk ou Traveller, etc. ; • définir la manière dont ces flash-backs vont s’intégrer à la structure de la trame globale. Peuvent-ils être provoqués ou annulés par des conditions à remplir dans le scénario ? Arrivent-ils plutôt en début de séance, ce qui favorise l’immersion, ou en fin, ce qui permet de terminer sur un cliffhanger (p. 376) ou en tout cas de donner envie de voir la suite ? • savoir exactement quelles trames vous souhaitez développer ou, au contraire, clôturer. Vous pouvez vous concentrer sur vos propres besoins ou sur les envies des joueuses, mais il est souvent salutaire de faire un peu de «  nettoyage  » dans les amorces que vous avez ébauchées et de relancer les intrigues que vous voulez mettre en avant. Ainsi, il sera plus facile pour tout le monde de se recentrer et de ne pas avoir l’impression d’être face à une campagne trop complexe ou d’en manquer une trop grande partie ; • toujours créer un décalage avec ce que les joueuses savent ou croient savoir de l’intrigue. Vous pouvez entre autres mettre en scène un endroit connu sous un autre angle ou à une autre époque (par exemple, montrer comment était le prince pour souligner qu’il n’a presque rien en commun avec le roi qu’il est devenu), dépeindre un événement célèbre, connu ou historique avec une tout autre perspective, etc. Pour cet usage, le flash-back ne vaut que s’il est fondé sur ce que connaissent déjà les personnages ou sur ce qu’ils ne vont pas tarder à connaître ; • réfléchir à la structure des flash-backs. Puisqu’il s’agit de scènes, elles doivent être traitées comme telles. Quels en seront les paroxysmes et les différents momentsclés (début, milieu, fin) ? (Voir Mettre une scène en valeur p. 497.)

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D. Utiliser les flash-backs pour jouer sur la tension

Enfin, il est également recommandé de réfléchir aux effets que vous souhaitez provoquer sur la tension. Ceux-ci vont généralement consister à retarder ou à accélérer la révélation de certaines informations ou la résolution de certaines situations, le but étant de jouer avec les attentes des joueuses. Cet aspect est souvent prioritaire dans le choix d’utiliser ou non un flash-back, tant ces derniers constituent un excellent outil de ce point de vue. Voici trois astuces assez simples : • en cassant le déroulement chronologique de la partie, ils permettent d’interrompre une scène à un moment fatidique avant d’y revenir par la suite, et laissent les joueuses anticiper l’événement pour créer du suspense comme ce serait le cas avec un cliffhanger (p. 376). De votre côté, si vous souhaitez au contraire réduire la tension, vous pouvez utiliser le flash-back ainsi intercalé pour redonner confiance aux joueuses, par exemple en révélant le point faible d’un adversaire ou en leur expliquant comment faire appel à une nouvelle capacité (p. 479), etc. ; • ils vous permettent également de renverser une situation à un moment dramatiquement approprié, créant ainsi de la surprise et du suspense. Par exemple, vous pouvez très facilement transformer un allié en adversaire, en faisant en sorte que le flash-back se termine sur une phrase que les personnages (et donc les joueuses) ne perçoivent que maintenant comme un mensonge et le signe d’une trahison. Naturellement, l’effet est d’autant plus important si les PJ viennent juste de se mettre dans une position de vulnérabilité vis-à-vis de celui qu’ils pensaient être leur allié. Le même procédé peut bien sûr être utilisé sur quantité d’autres éléments  : ils se souviennent d’avoir vu l’agent d’entretien à la tête d’un groupe d’assassins ennemis, ils ont piégé le bunker dans lequel ils sont enfermés, ils sont le soir de la Saint-Barthélemy, etc. ; • ils aident grandement à créer de l’ironie dramatique (p. 569), en faisant en sorte que les joueuses aient des informations que les personnages ignorent. Là encore, si elles savent que ces derniers sont en danger ou mettent leur mission en péril parce qu’ils ne savent pas qu’ils parlent au mauvais interlocuteur, ce décalage suffit à créer, presque mécaniquement, une forme de tension que vous pouvez exploiter. Pour plus de détails, voir Tirer profit des techniques surréalistes p. 550 et Instiller davantage de suspense p. 288.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• est un outil très polyvalent pour gérer des révélations, le rythme et la tension ; • complexifie ou simplifie facilement et rapidement les intrigues, selon vos besoins ; • permet de créer des liens entre PJ au cours du jeu. Inconvénients :

• nécessite une vigilance constante pour ne pas créer d’incohérence ;

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• peut rendre la partie plus complexe à suivre pour les joueuses, notamment en créant des confusions entre passé et présent, surtout si les flash-backs se font à des périodes différentes ; • peut créer de la frustration en cas de flash-backs vains ou trop fréquents.

4. Exemple Dans une campagne de Mage: the Ascension, les personnages se réveillent un matin avec de nouveaux pouvoirs, mais n’ont aucun souvenir de ce qu’il s’est passé la veille. Très rapidement, ils comprennent que ceux-ci ne sont pas de la même nature que ceux auxquels ils sont habitués. Le meneur prévoit un flash-back à la fin de la première séance pour faire monter la tension, aiguiser la curiosité des joueuses et leur donner envie de jouer la suite. Il souhaite lier les événements de la veille à une autre espèce monstrueuse, mais veut se laisser la possibilité d’utiliser des loups-garous ou des vampires selon ce qui intriguera le plus la table. Étant donné que les uns comme les autres peuvent utiliser une forme de loup, il fait en sorte qu’un loup ouvertement surnaturel intervienne dans leur souvenir et capte leur attention. Concernant le reste de la campagne, la révélation progressive des événements de la veille sera conditionnée par la montée en tension entre les différentes communautés surnaturelles de la ville (l’intrigue principale), et notamment les relations personnelles des PJ avec leurs membres.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Décrire p. 109, Improviser p. 125, Dompter la linéarité p. 159, Animer les scènes spéciales p. 191, Commencer p. 225, Rassembler & Diviser p. 235, Rendre les choses personnelles p. 261, Créer des émotions particulières p. 277. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Se renouveler p. 163, Exploiter la distinction entre joueur et personnage p. 195, Se laisser surprendre p. 277.

Intégrer des flash-forward ***

1. Description A. Présentation

Plus risqué que le flash-back et ne remplissant pas vraiment les mêmes fonctions, le flash-forward est un autre procédé scénaristique qui joue avec la continuité de vos séances. Il consiste à décrire ou à intégrer des scènes qui laissent entrevoir des événements situés dans un futur possible. Généralement, une fois celles-ci terminées, la partie reprend son cours de façon classique, jusqu’à arriver au moment où devrait se passer la situation décrite lors du flash-forward. Que les joueuses cherchent à reproduire ou à éviter cette dernière, une grande partie de l’intérêt de cette technique vient de la tension générée par l’anticipation d’une éventuelle différence ou similarité entre la scène telle qu’elle a été entrevue et telle qu’elle se passe réellement. En effet, le flashforward est un outil très puissant pour créer du suspense et pousser les joueuses à se poser des questions sur la suite de la partie. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• commencer une séance de façon marquante et percutante ; • bousculer les habitudes des personnages et des joueuses ; • mettre en avant un conflit, un risque ou une révélation ; • montrer l’inéluctabilité du destin, ou les catastrophes que le groupe permet d’éviter. C. Variantes

Une variante possible consiste à demander à une joueuse, à la fin d’une séance, de proposer un flash-forward de son cru, le but étant pour le MJ de l’intégrer lors des sessions suivantes. Cet exercice représente un vrai défi, aussi nous conseillons-vous d’ajouter quelques règles pour l’encadrer : elle ne peut mettre en scène que tel et tel PNJ, dans un futur proche, etc. 301

D. Mots-clés

Début de séance, descriptions, direction, implication, improvisation (préparation), intrigues secondaires, personnel, tension, transparence.

2. Mode d’emploi  Il existe de multiples façons de mettre en jeu un flash-forward lors d’une séance. Par exemple, de nombreuses scènes qui ressemblent à des prophéties ou à des épilogues peuvent être jouées ainsi. Un peu à la manière du jeu vidéo Until Dawn ou des films Destination finale, il est même possible d’en faire le cœur de vos scénarios. Toutefois, nous allons uniquement nous concentrer ici sur deux utilisations de cette technique avant d’expliquer comment les mettre en place. À partir de ces exemples, par déduction il devrait ensuite être facile d’animer d’autres séquences de saut en avant. A. Deux types de flash-forward : l’avant-goût et l’ultimatum

Si les deux procédés suivants ne sont certes que deux variations d’une même technique, ils n’en ont pas moins un rapport à l’intrigue très différent. Le premier, l’avantgoût, est l’archétype même du flash-forward. Il est risqué, dans le sens où le meneur peut très bien rater son effet de façon visible, et tout l’enjeu va être de réussir à le reproduire au bon moment de la séance. Au contraire, le second, l’ultimatum, est surtout un chiffon rouge destiné à motiver les joueuses, et ces dernières feront probablement tout pour éviter que les événements qu’il décrit se produisent. a) L’avant-goût

L’avant-goût consiste à décrire une scène qui ne s’est pas encore produite, jouable ou pas (voir Mettre en scène des cinématiques p. 314), puis à revenir dans le présent des personnages. On fait ensuite jouer le cours normal de la partie, jusqu’à retomber sur la même situation. Pour accroître l’effet de ce flash-forward, il est préférable de le placer en tout début de séance (voir Commencer sur les chapeaux de roue p. 208), en pré-générique (voir Intégrer des génériques et des thèmes musicaux p. 619) par exemple. Les événements qu’il dépeint correspondront alors à la fin du deuxième acte ou à l’avant-dernière scène du scénario, juste avant une révélation majeure, un affrontement final, etc. De la même façon, il est souhaitable que la scène dont les joueuses ont un avant-goût soit perçue comme une situation de crise ou, au moins, comme une de ses conséquences, tout en la laissant très ouverte : c’est l’instant où le temps semble être suspendu, et où tout peut basculer dans le chaos en une fraction de seconde. Cet aspect est souvent crucial pour donner envie au reste de la table de découvrir ce qui va se passer, et donc de jouer. En plus de la tension provoquée par la scène elle-même, le principal intérêt de cette technique pour les joueuses est le suspense (p.  288) qu’elle installe à la table. En effet, pour être réussie, elle doit amener les joueuses à se poser un certain nombre de questions. Au minimum, elles devraient se demander : « comment est-ce que les

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personnages ont-ils pu se retrouver dans une telle situation ? », « que va-t-il se passer après cette scène  ?  » et «  comment est-ce que le meneur va réussir à faire en sorte que cela se réalise ? 1 ». Le flash-forward sera probablement d’autant plus efficace qu’il amènera les joueuses à s’interroger sur des éléments auxquels elles tiennent ou s’intéressent. Par exemple, si vous décrivez l’ennemi juré des personnages qui leur reproche de l’avoir déjà trahi deux fois, vous créez bien plus de questionnements que si vous mettez en scène un simple duel contre lui, ou que si vous aviez la même scène avec un PNJ mineur : « pourquoi pense-t-il que nous avons été alliés ? », « quel est le genre de menace qui peut nous pousser à nous allier ? », « qu’a-t-on fait pour qu’il pense qu’on l’ait trahi ? », « pourquoi deux fois ? », etc. Les interrogations citées dans cet exemple correspondent toutes à la question : « comment est-ce que les personnages ont-ils pu se retrouver dans une telle situation ? ». Naturellement, en proposant d’autres éléments à même d’intriguer les joueuses, il est possible de les pousser à davantage s’interroger sur l’issue des événements ainsi anticipés ou sur le méta-suspense. Pour le meneur, tout l’enjeu est d’amener les personnages jusqu’à la situation prévue sans trop contraindre les joueuses, ni qu’elles ne se sentent obligées à quoi que ce soit. Il s’agit-là d’un véritable numéro d’équilibriste, qui crée une tension permanente assez vivifiante, notamment pour ceux qui s’ennuient facilement en déroulant un scénario prévu à l’avance. Néanmoins, comme nous le verrons dans la prochaine section, il existe des méthodes pour limiter les risques. b) L’ultimatum

Le second type de flash-forward, l’ultimatum, est assimilable à une forme de mauvais présage. Son principe est de faire jouer une ou plusieurs scènes tournant au désavantage des personnages, puis à la franche catastrophe, avant d’annoncer aux joueuses que ce qu’elles viennent de jouer est ce qu’il pourrait arriver si les PJ ne réussissent pas à l’empêcher. Le terme ultimatum implique que ce type de flash-forward est souvent associé à une limite de temps  : «  Vous ne voulez pas que cela arrive  ? Vous avez trois heures pour l’empêcher ». Selon la situation, ce compte à rebours peut être uniquement fictif ou s’écouler en temps réel. De même, les personnages peuvent avoir perçu le désastre qui se prépare ou pas. Comme pour l’avant-goût, il vaut mieux intégrer le flash-forward très tôt dans la séance. Toutefois, pour qu’il fonctionne, il est important que les joueuses ne se rendent pas compte que vous utilisez ce procédé. Vous pourrez probablement le faire passer sans effort pour une introduction coup-de-poing (p. 209), surtout si vous avez déjà l’habitude de commencer ainsi vos séances. Par rapport à la plupart des autres 1. Cette troisième interrogation correspond à un type de suspense particulier que la narratologue MarieLaure Ryan appelle le méta-suspense. Même si dans de nombreux groupes ces considérations sont critiquées, voire perçues comme de la triche ou de l’anti-jeu, ce phénomène reste un facteur important de l’effet provoqué par cette technique et il serait dommage de l’ignorer.

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utilisations de cette technique, l’ultimatum est moins risqué car vous n’avez pas la pression de retomber exactement sur la scène que vous avez anticipée. Au contraire, celle-ci n’est jamais censée se dérouler telle quelle. Toutefois, cela ne veut pas dire que cette méthode ne pose pas de difficultés. La première d’entre elles correspond à l’animation de la scène elle-même. En effet, si les joueuses peuvent se demander pourquoi la situation tourne aussi mal, vous devez réussir à leur donner l’impression que tout ce qui se passe n’est que la conséquence logique de leurs décisions, éventuellement associée à un manque de réussite aux dés, exactement comme si vous deviez absolument éviter qu’elles pensent qu’il s’agit d’une ruse pour sauver le groupe parce que vous auriez mal dosé l’adversité. Il faut donc parvenir à obtenir une scène suffisamment éprouvante pour qu’elles souhaitent à tout prix éviter qu’elle se produise, mais sans aller trop loin : il ne faut pas qu’elles aient l’impression de n’avoir aucun moyen d’action, ou que vous ayez sabordé la partie en leur proposant une opposition hors de leur portée, ou que vous vouliez passer vos nerfs. Pour cette raison, il est important d’éviter tout ce qui pourrait paraître injuste à leurs yeux durant cette scène, que ce soit des commentaires culpabilisateurs, une application des règles sévère ou une prise en compte malavisée de leurs décisions. Pour elles, le seul problème doit être la situation à laquelle elles sont confrontées. L’autre difficulté consiste à intégrer suffisamment d’éléments donnant aux joueuses l’impression que les événements qui ont été joués de façon anticipée peuvent non seulement toujours arriver, mais se rapprochent inexorablement. Elle implique donc de s’assurer en permanence que les personnages ne puissent pas complètement se débarrasser de la menace, même si rien n’interdit que la table en soit persuadée, tout en rappelant régulièrement que cette dernière existe pour créer de la tension. La logique est donc souvent l’inverse de celle de la plupart des autres types de flash-forward, mais les outils pour minimiser les risques restent similaires. B. Minimiser les risques

Comme expliqué précédemment, le flash-forward est par essence une technique risquée. D’une certaine façon, ne serait-ce que parce que les échecs sont beaucoup plus visibles, il pousse encore plus loin la difficulté à concilier la liberté des joueuses et la rigidité d’un scénario conçu à l’avance. Pour certains meneurs, exactement comme pour l’improvisation, c’est justement ce besoin permanent de s’adapter et cette sensation de jouer « sans filet » qui constituent un de ses principaux intérêts. Quoi qu’il en soit, même s’il n’existe pas de recette qui marcherait à tous les coups, voici quelques astuces pour éviter de se laisser déborder. a) Durant le flash-forward

Tout d’abord, il est crucial de bien poser la scène du flash-forward elle-même. Généralement, il est préférable de ne décrire que le strict nécessaire pour que la

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situation soit tendue, forte, mais tout en vous laissant suffisamment de marge de manœuvre pour pouvoir retomber sur vos pieds en cas d’imprévu. Par exemple, une scène en intérieur peut facilement être placée dans des bâtiments très différents si vous faites attention à ne pas mentionner de détails qui l’empêchent. Plus encore, vous pouvez décrire de nombreux éléments qui donneront aux joueuses un sentiment de précision, mais qui pourront également se retrouver dans d’autres contextes  si le besoin s’en fait sentir  : un miroir, une corbeille, une porte, un éclairage, etc. Le même principe s’applique aux PNJ. Vous pouvez suggérer la présence de l’un d’entre eux en donnant quelques détails caractéristiques de son apparence, non sans vous être assuré au préalable qu’au moins un ou deux autres correspondent à la même description, quitte à ce que ce soit avec un artifice (déguisement, magie, etc.). De la même façon, il est important de savoir quand couper la scène. Dans le cas de l’ultimatum, vous avez tout intérêt à faire jouer jusqu’au moment où le désastre est évident et où les joueuses sont pleinement conscientes de ses implications. En revanche, sur la plupart des autres flash-forward, dont l’avant-goût, il vaut mieux poser une situation tendue, éventuellement laisser les personnages y évoluer quelque peu, puis s’arrêter au moment où celle-ci est sur le point d’exploser. Cette fin momentanée crée bien plus de suspense pour les joueuses. Si vous êtes en difficulté, elle vous permet également de rajouter un éventuel retournement de situation de dernière minute juste après la coupure. Cette astuce peut par exemple être utile parce que ce que vous avez été contraint d’introduire pour recréer la scène originale risque de mettre votre campagne en danger si vous ne trouvez aucun moyen de faire revenir les choses à la normale. Ainsi, si vous avez dû improviser la trahison d’un allié pour réussir à amener les personnages là où vous le souhaitiez, il peut être bien que celui-ci les rejoigne juste après la coupure, mais juste avant la résolution de la crise, et les aide en montrant ainsi à tous à qui va sa loyauté. Si la scène anticipée est une cinématique, essayez d’interpréter les PJ sans être en rupture avec la façon dont les joueuses l’ont fait jusqu’à présent, quitte à intégrer quelques clins d’œil à leur manière habituelle de jouer, à leurs phrases fétiches, etc. Vous pouvez montrer que les PJ sont poussés à bout, qu’ils ont des réactions extrêmes ou surprenantes pour capter l’attention des joueuses et rendre le flash-forward plus intense, mais sans briser la suspension volontaire d’incrédulité de la table. Que la scène soit jouée ou racontée, tentez de la rendre personnelle pour les personnages (voir « Rendre les choses personnelles » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 261). Mêlez-y leurs objectifs, leur passé, leur entourage, leurs capacités, etc. Vous pouvez aussi bien en faire des avantages ou des ressorts garantissant une certaine cohérence, que de chercher la surprise et amener le groupe à s’y confronter. De la même façon, servez-vous des relations au sein de celui-ci : exacerbez-les, ou au contraire retournez-les complètement pour créer des interrogations : comment se fait-il que l’amoureuse transie tienne ainsi tête, furieuse, à son amante, ou que

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le grand frère ultra protecteur du personnage obéisse à sa Némésis et s’en prenne à son cadet ? N’hésitez pas non plus à impliquer les joueuses plus directement en confirmant ou en infirmant des hypothèses qu’elles ont pu émettre (sur la suite de la campagne, des PNJ, etc.), en répondant à des questions qu’elles se posent et qu’elles ont peut-être formulées un peu plus tôt, etc. b) En cours de séance

Comme le montrent les conseils ci-dessus, il est possible de grandement vous faciliter les choses en réfléchissant à votre scène initiale. Toutefois, l’essentiel de votre tâche sera d’animer la partie entre le flash-forward et le moment où les personnages retrouvent ou devraient retrouver la situation anticipée. Le principe est simple : vous devez réussir à tenir compte des décisions des joueuses comme dans n’importe quelle partie, tout en vous assurant de toujours trouver un moyen de récréer la scène initiale. Il faudra notamment alterner les moments où vous donnez l’impression que les probabilités d’aboutir à cette scène diminuent, voire deviennent nulles, et ceux où vous récréez de la tension en montrant qu’elle redevient de plus en plus probable. Nous vous encourageons à reprendre les techniques présentées dans l’article « Improviser » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 125 et dans Rebondir après une incohérence p. 528, mais de façon générale, le plus simple est de ne valider un changement important que si vous avez une idée de la manière dont vous allez retomber sur vos pieds malgré ce qui vient d’être modifié. Le plus souvent, il s’agit d’idées très simples (un PNJ qui ne meurt pas vraiment, d’autres qui contraignent les PJ à se rendre à un endroit, un dernier qui prend la place de celui prévu de prime abord, etc.). Demandez-vous ce qui peut se passer hors champ pour rétablir la situation. Si jamais vous n’êtes pas inspiré, évitez de simplement leur dire que quelque chose ne fonctionne pas. Au contraire, occupez les joueuses en rajoutant des péripéties qui leur donneront le sentiment d’avancer tout en vous permettant de gagner du temps, ou laissez-les obtenir ce qu’elles souhaitent en intégrant des contreparties en apparence légère, mais qui vous offrent une porte de sortie (le PNJ est mort mais son corps n’est plus là, les actions des PJ n’ont pas été aussi discrètes qu’ils le pensaient, etc.). Si vous avez la possibilité de travailler votre scénario à l’avance, préparez-vous à devoir improviser. Faites la liste des événements absolument nécessaires pour arriver à la situation décrite dans le flash-forward, qu’ils concernent les PJ ou les PNJ. Ne rentrez pas trop dans les détails et essayez de garder ce nombre entre trois et cinq pour une aventure classique. Imaginez ce que les PJ pourraient faire pour altérer le cours des événements et, dans chacun de ces cas, notez des ripostes possibles qui vous permettent de modifier le monde pour tenir compte des actions des personnages, tout en continuant à vous diriger vers la situation anticipée. Le plus souvent, ces parades consisteront à trouver des motivations pour les PJ ou des PNJ capables d’intervenir discrètement.

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c) Lors du retour à la scène anticipée

Enfin, lorsque vous animez la scène anticipée (pour un avant-goût) ou l’instant de vérité permettant de savoir si le mauvais présage va se réaliser (pour un ultimatum), vous avez plusieurs options. Le cas de l’ultimatum est de loin le plus facile : si vous vous retrouvez dans la situation que les joueuses devaient éviter, il vous suffit par exemple de modifier l’attitude d’un PNJ pour faire évoluer la scène dans une tout autre direction. Quoi que vous changiez, créez un lien avec ce qu’ont accompli les personnages afin que les joueuses le voient comme la conséquence de leurs décisions : PNJ qu’ils ont convaincu, ému, admiratif, nouvel allié, etc. Pour les autres types de flash-forward, le plus simple est de faire de ce que vous n’avez pas réussi à gérer une récompense, et de féliciter les joueuses pour cela. Si votre objectif était d’obtenir exactement la même scène et que vous pensez ne pas pouvoir y arriver de manière cohérente, montrez ce qui a changé suite à l’action des personnages. Imaginez rapidement un nouveau paroxysme qui intègre ces changements tout en proposant un conflit intéressant. Si ces changements peuvent être déterminants dans la résolution de ce dernier, ce n’en est que mieux. En procédant de la sorte, vous n’obtiendrez sans doute pas l’effet que vous recherchiez au départ ni n’aurez le plaisir que l’on éprouve à voir toutes les pièces de votre intrigue s’imbriquer exactement comme vous l’aviez prévu, mais vous pourrez au moins proposer une fin de séance satisfaisante à votre table sans trop restreindre sa créativité. Si vous le souhaitez, vous pouvez même évoquer le moment qui a tout fait basculer, que ce soit par un PNJ se plaignant des contretemps provoqués par les personnages durant la nouvelle version de la scène, ou juste après la fin de la séance, lors d’un débriefing. Il est fort probable que ce retour et les discussions autour des autres embranchements qu’aurait pu emprunter le scénario prendront rapidement plus d’importance que l’éventuelle frustration de ne pas avoir obtenu exactement ce que vous vouliez.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• crée très efficacement de la tension, en one shot comme en campagne ; • impressionne positivement les joueuses, surtout si elle s’accompagne d’un twist ; • recentre leur attention sur la situation finale ; • propose un défi stimulant aux meneurs qui aiment s’en lancer. Inconvénients :

• reste une technique difficile et risquée, qui peut épouser tous les travers généralement associés au dirigisme ; 307

• nécessite de rester vigilant pour ne pas créer d’incohérences lorsqu’elle est utilisée dans une campagne ; • peut braquer certaines joueuses qui n’apprécient pas l’idée que le meneur puisse jouer leurs personnages, même dans une cinématique.

4. Exemple Lors d’une partie d’un jeu se situant dans un monde contemporain, le meneur commence la séance en décrivant la scène suivante : « Sonia, tu es sur le toit d’un immeuble et tu tiens quelqu’un en joue avec ton flingue. Tu t’en es servi il n’y a vraiment pas longtemps. Cameron, tu es à genoux devant Sonia, tu louches sur son arme. Little Wing, tu pisses le sang dans les bras d’Aleksei. Vous parleriez bien, mais vous ne pouvez pas. L’hélicoptère des flics est juste au-dessus de vous et le bruit des pales est assourdissant, sans compter que l’un d’entre eux vous hurle dans le mégaphone de vous rendre. Bref, vous n’entendez rien. Enfin… presque rien. Little Wing, tu perçois quand même ces mots dans la radio du flic qui gît juste à côté de toi : “Angle de tir dégagé. Demandons l’autorisation de faire feu.” Mais, revenons 48 heures en arrière… ». Le meneur a opté pour une simple mise en situation rapide, sans laisser la possibilité aux joueuses d’incarner leurs personnages. C’est une forme simplifiée, mais tout aussi pertinente, d’avant-goût. Afin de ne pas se créer de contraintes, il n’a pas donné trop d’indications sur le lieu. En fait, comme il s’agit d’un cliché typique de grande ville américaine, il n’a même pas eu besoin de le décrire. Il a simplement mentionné qu’il s’agissait du toit d’un immeuble. La situation est doublement tendue, à la fois au sein du groupe de PJ et avec la police. Enfin, pour éviter toute objection de la part des joueuses, il a ajouté une raison crédible pour que les PJ ne parlent pas entre eux (le bruit). En outre, le scénario que prévoit d’animer le meneur est lui aussi assez simple : la Némésis des PJ fait chanter Sonia pour qu’elle abatte ses compagnons lors d’un casse qui tournerait mal. Pour l’y contraindre, elle a enlevé sa petite sœur, que la joueuse a décrite dans son background comme « la personne à laquelle Sonia tient le plus au monde ». Le MJ prévoit que la police arrive sur les lieux plus tôt que prévu, ce qui devrait permettre de créer assez de chaos, de réunifier le groupe et de limiter les chances que la partie se termine façon Reservoir Dogs.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Improviser p.  125, Dompter la linéarité p.  159, Commencer p.  225, Rassembler & Diviser p.  235, Rendre les choses personnelles p. 261, Jouer en musique p. 297. Jouer  des parties de jeu de rôle  : Créer du jeu pour les autres p.  179, Exploiter la distinction entre joueur et personnage p. 195, Se laisser surprendre p. 277.

Laisser flotter des indices et des secrets ** 1. Description A. Présentation

Également appelés indices mobiles dans Trail of Cthulhu (voir p. 158 en V.F.), les indices flottants ont ceci de particulier qu’ils ne sont pas forcément affectés à un lieu, à un PNJ ou à un événement. Ce sont donc autant d’atouts dont vous pouvez disposer à votre guise afin, par exemple, d’empêcher une enquête de s’enliser, de relancer l’intérêt des joueuses ou de les récompenser suite à une idée de génie. De plus, cette technique peut également être utilisée pour la gestion des secrets et des révélations dans vos campagnes. Ainsi, cette fiche vous propose quelques pistes pour faire bon usage des indices flottants. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• vous créer de la marge de manœuvre sur un scénario d’enquête ; • garder un certain contrôle sur le rythme et le déroulement d’une séance, ou sur les révélations et les informations concernant une campagne ; • utiliser la curiosité et le besoin de découverte des joueuses pour les motiver ; • récompenser les joueuses lorsqu’elles ont une bonne idée inattendue, ou réussissent brillamment quelque chose ; • créer les intrigues secondaires (à ce sujet, consultez également l’article « Passer du scénario à la campagne » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 324 à 326. C. Variantes

L’alternative la plus évidente consiste sans doute à déterminer à l’avance quels indices seront où et quand. Si cette approche est un bon moyen de mettre en jeu des histoires complexes, elle a l’inconvénient d’une certaine rigidité. Une autre alternative est tout simplement d’accepter que les personnages puissent ne pas résoudre une enquête. Selon les jeux, un tel dénouement peut signer la fin de la partie, surtout s’il s’agit d’un 309

one shot, ou une autre façon de vivre le quotidien d’enquêteurs dans un monde qui ne leur fait pas de cadeaux. Les principales variantes de cette technique vont consister à déterminer la part de préparation avant la partie et d’adaptation pendant celle-ci. D’ailleurs, si vous désirez aller plus loin, il est envisageable d’utiliser les indices flottants pour improviser des intrigues à partir des éléments qui suscitent l’intérêt des joueuses pendant la partie (voir Se baser sur l’insistance des joueuses p. 713). Par exemple, si elles se posent beaucoup de questions sur l’honnêteté du bourgmestre car il est de notoriété publique qu’il est corrompu, mais sans que cet élément soit au départ lié à une quelconque intrigue, il est possible d’imaginer des indices flottants qui permettront alors aux personnages de trouver des preuves de sa corruption. D. Mots-clés

Cadence, direction, improvisation (préparation), intrigues secondaires, tension, tests.

2. Mode d’emploi  Cette fiche aborde plusieurs aspects de la méthode des indices flottants : identifier les informations à transmettre aux joueuses, sous quelle forme, et comment faire pour qu’elles n’aient pas l’impression qu’on leur donne la solution. Deux autres méthodes sont également données : la première propose un principe très simple pour éviter que les joueuses ne soient bloquées, et la seconde est une application de la technique des indices flottants aux secrets de campagne. A. Identifiez les informations pertinentes et transformez-les en indices

La première étape consiste à définir les informations que l’on souhaite pouvoir porter à la connaissance des joueuses. Le plus simple est sans doute d’énumérer toutes les déductions qu’il est absolument indispensable de faire pour résoudre le scénario, peu importe que celles-ci correspondent à l’exploitation directe d’une preuve ou à la combinaison de plusieurs d’entre elles. Une enquête simple peut ainsi souvent être réduite à une succession critique de trois à cinq déductions. Une fois que vous avez fait cette liste, prévoyez pour chacune de ces pistes quelques autres moyens de transmettre cette information aux joueuses si les personnages ne trouvent jamais l’indice qui était initialement prévu. Il est à noter que cette étape peut être réalisée lors de la phase de préparation, ou directement durant la partie. Dans la mesure du possible, nous vous conseillons de prévoir quelques solutions de secours avant la séance, et de les compléter durant celle-ci afin de vous adapter au mieux à ce dont vos joueuses ont besoin. Imaginons par exemple une partie d’un JdR de fantasy où les personnages enquêtent sur la disparition d’une troupe de musiciens itinérants. Au lieu de suivre le trajet initialement emprunté par la caravane, les joueuses décident que les PJ se rendront directement dans la cité où vivent les musiciens lorsqu’ils ne sont pas sur la route. Ils pensent y

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trouver de précieuses informations sur les disparus, mais omettent d’aller enquêter dans les derniers bourgs où la caravane s’est arrêtée. En se rendant sur place, ils auraient pu interroger les habitants et découvrir qu’une étrange secte était mêlée à cette affaire. Or, cette information est capitale pour la suite du scénario, et le meneur l’a clairement identifiée comme telle avant la partie. Par conséquent, il doit trouver une solution alternative pour que les personnages aient vent de l’implication de la secte. Au lieu de « pousser » ces derniers à aller dans le premier bourg, et bien que cette possibilité reste ouverte, il essaie donc d’imaginer à partir de ses notes les formes concrètes que pourraient prendre des indices amenant le groupe sur la même piste, et qu’ils pourraient découvrir dans la cité. Voici quelques exemples. Type d’indice

Information à donner : implication de la secte

PNJ

Un PNJ particulièrement fan des musiciens a vu rôder des membres de la secte autour de la troupe avant leur départ.

Média

Le journal de la semaine dernière relate qu’un homme a troublé un concert des musiciens en jetant un sort étrange avant de prendre la fuite. Certains témoins disent qu’un tatouage d’étoile à cinq branches lui recouvrait la joue.

Preuve matérielle

Un des membres de la secte a logé dans un grenier en face du domicile des musiciens, et il reste des fragments calcinés de brouillon de messages qu’il faisait parvenir à ses supérieurs.

Environnement

Des tags d’étoiles à cinq branches recouvrent les murs du quartier où vivaient les musiciens. Ils ont l’air récents.

Combat

Alors qu’ils rôdent près du domicile des musiciens, les PJ sont attaqués par des amis de ces derniers qui ont appris leur disparition. Ils se trouvaient au concert où l’homme tatoué a jeté un sort étrange.

En imaginant ainsi plusieurs indices permettant de remonter les principales pistes de votre scénario, vous vous garantissez de ne jamais être bloqué et de toujours donner aux joueuses l’impression que la solution vient d’elles. C’est à vous qu’il appartient de décider du degré de frustration pertinent, avant de matérialiser un indice flottant qui puisse leur permettre de passer à la prochaine étape. B. La règle des trois indices

Au départ, ce principe de création de scénario formulé par Justin Alexander en 2008 sur son site The Alexandrian 1 n’a rien à voir avec celui des indices flottants. Il est au contraire surtout destiné aux enquêtes les plus traditionnelles. Toutefois, ces deux approches se complètent à merveille. 1. thealexandrian.net/wordpress/1118/roleplaying-games/three-clue-rule

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La règle des trois indices est la suivante : « quelle que soit la conclusion à laquelle vous voulez que les joueuses arrivent, intégrez au moins trois indices permettant d’y arriver ». Nous vous encourageons à vous en servir de deux façons : • identifiez tous les indices uniques devant amener à des conclusions importantes, et prévoyez-en d’autres qui feront office d’indices flottants si le besoin s’en fait sentir ; • si vous devez chercher comment matérialiser des indices pour une piste durant la séance, essayez d’en prévoir directement trois. Cette précaution pourra apparaître comme une perte de temps, mais ce sera toujours plus rapide que de devoir réfléchir à nouveau à votre piste parce que vos joueuses n’ont pas compris ce vers quoi vous vouliez les aiguiller. C. Intégrer les indices flottants

Une fois que vous avez imaginé un certain nombre d’indices, réfléchissez à la façon dont ils pourront être intégrés à la partie. Dans l’idéal, ceux-ci devraient pouvoir apparaître au moment où vous en avez besoin, mais il est évident que si vous procédez de la sorte, vos joueuses risquent de se sentir rabaissées et contraintes. Aussi est-il important de prévoir quelques astuces pour intégrer vos indices flottants de façon discrète. Voici donc quelques moments de la partie où il peut être judicieux d’intégrer un indice flottant : • après une épreuve : les PJ ont brillamment mené un interrogatoire ou sont sortis vainqueurs d’un combat difficile, l’indice est donné comme une sorte de récompense ; • pendant l’enquête sur une intrigue secondaire : ici, l’indice surgit lorsque l’on ne l’attend pas, ou alors que le personnage se consacrait à une autre tâche, voire à une autre affaire ; • après un autre test réussi. Si vos personnages n’ont pas trouvé le t-shirt ensanglanté sous la baignoire, ils peuvent le découvrir en fouillant dans les poubelles, mais il vaut sans doute mieux que vous attendiez la réussite d’un test pour le dire aux joueuses, afin qu’elles aient moins l’impression que vous leur donnez la solution ; • lorsque vous pouvez justifier l’utilisation des spécialités des PJ : comme le préconise Trail of Cthulhu, vous pouvez intégrer les indices qui pourront être découverts avec différentes compétences. Chacune d’entre elles sera un moyen de mettre en avant les spécificités et le parcours des personnages. Par exemple, un médecin remarquera la présence d’insuline dans l’armoire à pharmacie et pourra en déduire sans test que la victime était diabétique, et que la scène de crime a sans doute été « arrangée » par le tueur ; D. Secrets de campagne flottants

Dans son livre Sly Flourish’s Return of the Lazy Dungeon Master, paru en 2018, Michael E. Shea applique une logique similaire aux secrets de campagne. Lors de la préparation d’une séance, le meneur liste une dizaine de secrets potentiels. Ceux-ci prennent la forme d’une phrase qui donne une information sur le monde que

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les personnages ignorent, mais qui a ou aura de l’importance pour eux. Par exemple, il peut s’agir de la prochaine étape du plan d’un ennemi, de l’endroit où il se terre, de la découverte d’un continent caché, etc. Pour l’instant, le MJ ne détermine pas comment les personnages apprennent cette information. Ceci dépendra uniquement de ce qui se passera durant la partie. La phase de découverte sera donc improvisée, et il peut même être utile de prévoir des indices flottants pour ces secrets, auquel cas nous vous conseillons sans doute d’en réduire le nombre. Lors de chaque séance, le meneur doit faire découvrir au moins un secret aux personnages. Comme les indices flottants, tous ces secrets ne serviront pas. Certains disparaîtront, d’autres seront recyclés pour les séances suivantes. Quoi qu’il en soit, l’idée est qu’ainsi, les joueuses apprendront à chaque fois un élément nouveau, et que cela devrait leur permettre de conserver leur curiosité et leur motivation tout au long de la campagne. Pour le meneur, c’est aussi un moyen de rester très souple et de ne pas s’imposer d’intrigues trop complexes.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• évitent de bloquer les joueuses parce qu’elles ont raté un jet, ou sont parties sur une mauvaise piste ; • constituent souvent une meilleure alternative qu’un deus ex machina ou un échec complet ; • permettent de gagner du temps si la partie doit bientôt s’arrêter. Inconvénients :

• demandent un peu de préparation et un temps d’adaptation ; • amènent à faire du travail de préparation dont on sait qu’une partie ne servira pas ; • peuvent donner l’impression aux joueuses qu’elles n’ont pas d’impact réel sur la partie.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Improviser p. 125, Dompter la linéarité p. 159, Passer du scénario à la campagne p. 317.

Mettre en scène des cinématiques * 1. Description A. Présentation

Les cinématiques désignent des phases de la séance où l’histoire progresse, où les personnages peuvent éventuellement être présents, mais où les joueuses ne peuvent pas ou guère intervenir. Inspirée du monde vidéoludique, cette notion peut sembler à première vue contre-intuitive. En effet, aussi bien dans le cadre du jeu vidéo que dans celui du JdR, la capacité à interagir et à changer le cours des événements fait partie de l’essence même de l’activité. Néanmoins, il est parfois plus important de se concentrer, momentanément, sur les informations ou les émotions transmises aux joueuses que sur les décisions qu’elles prennent. Bien pensées, ces phases ne se font pas au détriment de leur capacité globale à exprimer leur créativité mais, au contraire, renforcent leur immersion et donnent une dimension supplémentaire aux autres scènes, les rendant de fait encore plus intéressantes. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• vous concentrer sur la transmission de certaines émotions et sur le spectacle plutôt que sur l’interactivité ou la résolution de problèmes ; • varier les points de vue sur un aspect particulier de la partie ; • révéler des éléments choisis aux joueuses et pas à leurs personnages, qu’ils soient liés au contexte, au ton de la partie, etc. C. Variantes

L’alternative la plus commune à la mise en place de cinématiques semble être de faire jouer la partie de façon continue, avec des personnages toujours en capacité d’agir et un meneur qui n’a pas d’idée préconçue de la façon dont doivent se passer certains événements. C’est une possibilité, mais en pratique, ce type de situation est 314

rare. En revanche, il existe de nombreuses autres méthodes bien plus courantes pour obtenir des effets similaires : des explications hors-jeu, faire jouer des PNJ aux joueuses (p. 607), poser des questions provocantes (p. 522), etc. De multiples variantes sont expliquées dans cette fiche, mais l’enjeu principal se résume souvent à la marge de manœuvre laissée aux joueuses. La plupart des exemples cités ici peuvent également être joués, et la frontière entre une cinématique et une scène classique où les personnages sont juste limités dans leurs actions est parfois floue. À l’opposé, il existe d’autres traditions, comme les replays japonais, où l’on n’hésite pas à donner des textes rédigés à l’avance à lire aux joueuses durant la partie. D. Mots-clés

Cadence, début de séance, descriptions, direction, mise en scène, tension, transmission.

2. Mode d’emploi  Décrire une cinématique n’est pas spécialement compliqué. Généralement, vu que le meneur n’a pas à trop s’inquiéter des décisions des joueuses, il s’agit sans doute du type de scène le plus simple à mettre en œuvre pour lui. Il existe bien entendu quelques principes à respecter, mais ceux-ci sont relativement classiques. De fait, la principale difficulté consiste probablement à choisir le genre de cinématique adaptée plutôt que de la mettre en jeu. Aussi, après avoir proposé quelques conseils généraux, cette fiche en présentera quatre types : la vignette, l’événement scripté, le fan service et l’inversion de perspective. A. Principes généraux

Voici quelques points à garder en tête lorsque vous intégrez une cinématique dans une de vos parties. S’il n’est pas utile d’entrer davantage dans les détails ici, la plupart de ces conseils sont aussi valables pour d’autres types de scène et développés plus en profondeur dans les fiches mentionnées entre parenthèses : • malgré son manque d’interactivité, une cinématique reste sur de nombreux aspects une scène comme les autres. À de très rares exceptions près, elle doit donc signifier quelque chose, avoir une fonction et, pour cela, même si elle ne dure qu’un très court laps de temps, avoir un début, un milieu et une fin (voir Proposer des scènes qui comptent p. 336 et Choisir une structure narrative p. 179) ; • faire court est presque toujours la meilleure option. Le mieux est sûrement de commencer la scène à un moment significatif et de la couper dès que le problème ou l’interrogation posé est résolu (voir Mettre une scène en valeur p. 497). Avec un peu de pratique, vous pouvez également jouer sur la transition avec la suite de la partie, par exemple en faisant en sorte que la phase de jeu suivante débute par la réponse à la question posée ; • de la même manière, votre cinématique doit rester simple et compréhensible. Concentrez-vous sur une ou deux idées et mettez-les en scène de façon à ce que les joueuses les comprennent. Vous pouvez choisir des scènes confuses et mystérieuses, mais 315

assurez-vous qu’il s’agisse bien d’un choix de votre part, par exemple parce que le message que vous voulez envoyer est justement cette confusion, voire le fait qu’un personnage peut mentir, être biaisé, etc. (voir Tirer profit des techniques surréalistes p. 550) ; • dans le même ordre d’idées, essayez de respecter la cohérence globale de votre campagne, tant du point de vue du monde que des règles. Vous pouvez utiliser une cinématique pour intégrer un nouvel élément dans l’univers (un pouvoir jamais vu d’un adversaire ou d’un allié, etc.), voire un changement profond (mini-apocalypse, réveil des dragons ou de la magie, etc.), mais attention à ne pas donner l’impression qu’il s’agit d’une incohérence ou d’une volonté de trouver une échappatoire aux règles, par exemple pour sauver un PNJ qui vous est cher ; • si vous avez pu préparer votre cinématique, ce qui reste sans doute le cas le plus courant, profitez-en pour en mettre plein la vue et les oreilles à vos joueuses. Les émotions que vous souhaitez faire passer n’en seront que plus fortes, et le peu d’interactivité devrait vous permettre d’utiliser les techniques que vous voulez sans trop de difficultés (voir Exploiter les sources de lumières p. 600 et Intégrer des génériques et des thèmes musicaux p. 619) ; • votre scène sera d’autant plus percutante qu’elle aura un lien avec des éléments auxquels les joueuses s’intéressent, que ce soit ceux qui concernent directement les PJ (voir « Rendre les choses personnelles » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 261), les PNJ importants (voir Rendre des personnages attachants p. 342), les hypothèses qu’elles ont formulées sur le monde, etc. ; • quand vous choisissez de prendre le contrôle des personnages ou de les restreindre, ne leur faites pas réaliser des actions ou adopter des attitudes qui seraient contraires à la façon dont les joueuses les interprètent d’habitude. Si vous souhaitez montrer qu’ils réagissent de façon étrange, éventuellement parce qu’ils sont drogués, manipulés ou sous l’emprise d’un sortilège, assurez-vous d’être très clair pour éviter toute incompréhension. De même, dans la mesure du possible, évitez d’obliger les joueuses à porter la responsabilité des actions que vous avez accomplies durant la cinématique. Certaines pourraient ne pas apprécier l’iniquité du procédé. Mais le conseil le plus important est sans doute de ne pas vous laisser enfermer dans un style ou un usage unique. Une cinématique peut varier aussi bien dans sa forme que dans sa fonction. À titre d’exemple, elle peut être utilisée comme récompense pour les joueuses, pour signifier un changement d’acte, expliquer ce qu’il y a à savoir sur un élément nouveau de l’histoire, définir ou rappeler le ton de la partie, développer la mythologie de l’univers, donner un autre regard sur les personnages, indiquer un saut dans le temps (flash-back, flash-forward, ellipse), etc. Naturellement, cette liste n’est pas exhaustive et rien, à part peut-être la prudence, ne vous empêche de combiner plusieurs de ces objectifs. Aussi, parce que cette technique a l’avantage d’être extrêmement polyvalente et facile à mettre en œuvre, nous vous encourageons à faire vos propres expériences. Pour vous y aider, nous vous présentons maintenant quatre catégories de cinématiques.

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B. La vignette

Une vignette désigne ici une cinématique dans laquelle les personnages ne sont pas présents. L’action se passe dans un autre lieu ou à un autre moment et, sauf conditions exceptionnelles (divination, indiscrétion, etc.), ces derniers n’en auront a priori aucune connaissance. L’information fournie est donc destinée en priorité aux joueuses. Ce décalage permet de nombreux effets, comme une certaine forme d’ironie (p. 569), la mise en place de PNJ miroir (p. 284), la transmission de connaissances sur l’univers au moment opportun, voire certains ressorts comiques ou dramatiques (voir Jouer en transparence p. 641). Par exemple, il peut s’agir d’une scène où l’ennemi juré du groupe s’entretient avec un mystérieux individu tapi dans l’ombre. Ce dernier essaye de le pousser à se montrer plus agressif, mais il traîne des pieds et tente de plaider en faveur des personnages. La discussion se conclut alors qu’il finit par obtempérer et que l’inconnu a menacé sa famille. Cette scène permet de faire comprendre aux joueuses que leur ennemi a un supérieur encore plus puissant et qu’il est sans doute possible de discuter avec ce second couteau, mais que cela ne servira à rien tant que ses proches seront des cibles potentielles. Une autre forme commune de l’utilisation de cinématique dans un jeu d’enquête, surtout sur un scénario impliquant un tueur en série, consiste à commencer par une vignette montrant la vaine tentative de la victime d’échapper à son agresseur. Cet artifice est très courant dans d’autres médias, mais fonctionne également très bien ici pour montrer le caractère monstrueux et impitoyable de l’assassin. C. L’événement scripté

Un événement scripté est une cinématique dans laquelle les personnages assistent à la scène, voire participent, mais leur rayon d’action est limité. L’objectif peut être, pour le meneur, de s’assurer de pouvoir gérer un passage délicat de son scénario, mais il s’agit plus souvent de montrer un événement grandiose –  mais pas interactif, ou presque – aux joueuses. Contrairement à ce que proposent certaines techniques, le MJ n’anime pas ce type de phases en espérant être surpris, mais pour qu’elles se passent exactement comme il les a prévues. C’est la raison pour laquelle elles sont généralement réservées à un moment-clé de la partie, à son climax ou à l’instant où tout bascule : explosion d’un bâtiment, discours devant une foule, cérémonie ou duels où les personnages ne sont que spectateurs, méchant dévoilant son plan, etc. La principale difficulté de ces scènes réside dans la gestion de la marge de manœuvre que vous laissez aux joueuses. Selon votre situation, il peut être important de leur donner l’impression qu’elles peuvent intervenir. Il existe différentes manières d’envisager leur participation : • limiter les possibilités d’action des PJ. Cette méthode est probablement la plus simple, fonctionne très souvent, mais n’arrête pas toujours une joueuse déterminée, surtout si son personnage est puissant. Elle consiste à trouver des raisons pour 317

que les PJ assistent à la scène sans y participer : ils peuvent être attachés, être trop loin, regarder un enregistrement ou écouter un témoin, etc. Un des ressorts les plus efficaces, et pourtant souvent sous-estimé, est la pression sociale. En effet, difficile d’intervenir si cette action contrevient à l’étiquette, est interdite par sa hiérarchie ou si quelqu’un d’autre est dans la pièce et peut entendre ;  • prendre la main. Dans ce cas, le meneur interprète directement les personnages des joueuses. Comme évoqué précédemment, cette solution comporte un risque. Celles-ci peuvent tout aussi bien être ravies de voir leur personnage ainsi mis en valeur que frustrées quant à la façon dont il est interprété. Il est néanmoins possible de faire de ce défaut une force si la découverte de la raison de ce décalage devient un futur enjeu : pourquoi le PJ a-t-il réagi ainsi alors que cela ne lui ressemble pas ? Était-il impressionné, approuvait-il au fond de lui ce qui était en train de se passer ? • s’adapter. Cette méthode est sans doute la plus naturelle, mais elle demande un peu de pratique et ne peut être utilisée que pour certaines scènes. Elle part d’un double constat : non seulement toutes les actions des personnages n’impliquent pas de dévier de ce que vous avez prévu, mais de nombreuses situations font que les joueuses ne vont pas chercher à intervenir. Par exemple, si vous leur montrez qu’une conversation avec un PNJ est importante (par la musique, la description de l’entrée du personnage, le décor, ses premières paroles, l’intonation de sa voix, etc.), il y a fort à parier qu’elles auront envie de découvrir ce qu’il a à leur dire. Avec un peu d’entraînement, leurs questions deviendront autant d’amorces pour les répliques que vous avez prévues et leurs actes des outils pour renforcer l’aspect solennel de l’instant. Si vous le souhaitez, vous pouvez aussi annoncer aux joueuses qu’il s’agit de cinématiques en utilisant des marqueurs clairement identifiés, comme de la musique, l’éclairage, voire en le disant clairement. D. Le fan service

Si le terme de fan service a une acception bien plus large, il désigne ici une cinématique qui est surtout utilisée dans des univers référencés, comme ceux issus d’une adaptation ou d’une période historique. Elle consiste à décrire un événement déjà connu, ayant une portée importante pour les joueuses, de façon à le vivre « de l’intérieur » : l’assaut de l’Étoile noire, le débarquement de Normandie, les Noces pourpres, l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, etc. Pour ce type de scène, la présence des personnages est recommandée sans être absolument indispensable. Ils sont généralement aux premières loges, voire provoquent les événements de façon indirecte, mais sont rarement les acteurs retenus dans la version officielle. Pour reprendre l’exemple de l’Étoile noire, vous pouvez choisir de les faire remplacer Luke Skywalker et de jouer de façon classique la course-poursuite dans la tranchée jusqu’à la mise à feu de la torpille. Vous pouvez également décider que les personnages sont les pilotes chargés d’y arriver en un seul morceau, ou ceux, tout aussi indispensables, d’une autre escadrille rebelle participant à la bataille, et leur décrire la fin de l’assaut par une cinématique adoptant leur point de vue. Quoi qu’il en soit, il 318

faudra faire quelques ajustements pour tenir compte des actions ou des perceptions des PJ. Montrer leur impact sur l’événement ou leur donner des informations que personne d’autre ne connaît est souvent une récompense très appréciée des joueuses. E. L’inversion de perspective

Lorsque l’on se limite aux cinématiques, l’inversion de perspective désigne une scène dans laquelle on suit temporairement le point de vue d’un PNJ ou d’une créature. Il en devient donc de fait le protagoniste, tandis que les PJ, généralement bien présents, ne sont que des antagonistes ou des personnages tiers. Cette phase peut être jouée, surtout si elle n’est qu’une parenthèse sans grande conséquence pour l’intrigue, mais ce n’est pas obligatoire. De la même façon, il est possible d’indiquer clairement que l’on n’adopte pas le point de vue des personnages ou les laisser le découvrir au cours de la cinématique (voir Faire jouer des PNJ aux joueuses p. 607). Pour illustrer ce type de scènes, prenons l’exemple de la perspective du monstre. Ce procédé, proche de celui du tueur en série décrit précédemment, est très employé dans le cinéma d’horreur, notamment pour montrer le côté inhumain de la créature, à quel point les personnages principaux sont vulnérables et, bien souvent, inconscients du danger. Il peut être utilisé presque tel quel dans une partie de JdR. Ainsi, on peut imaginer commencer une séance en interpellant une joueuse et en lui disant : « C’est la nuit, il pleut, tu cours dans les bois… », puis narrer la course effrénée en insistant sur les sensations et le côté animal (odeur du sang, respiration, pattes griffues, muscles qui se tendent, l’instinct du prédateur, etc., voir Utiliser les cinq sens p. 575). Vient ensuite la description d’une grande bâtisse et de la bête qui, le souffle rauque, s’approche des fenêtres pour y découvrir les PJ 1 en train de rire bruyamment et de s’amuser sans se douter de sa présence. Enfin, l’attention de la bête est attirée par un autre bâtiment où sont entassés des chevaux. Elle se jette sur l’un d’entre eux, bien consciente néanmoins que sa chair ne pourra jamais être aussi savoureuse que celle d’un humain. Après cette cinématique, on donnerait la main aux joueuses : « vous étiez en train de passer la soirée dans une auberge pour profiter de quelques heures au chaud, quand vous entendez des hennissements paniqués venant de l’écurie… ». Il est bien entendu possible d’adopter le point de vue de PNJ moins menaçants, voire de gens du commun ou de victimes potentielles. Non seulement vous pourrez utiliser toutes les techniques décrites dans la fiche Imaginer un PNJ miroir p. 284, mais vous aurez l’occasion de glisser quelques informations de contexte. Par exemple, disons que vous commencez une séance par une scène où de jeunes gardes discutent autour du feu la nuit de leur première affectation. Si vous souhaitez un peu d’interactivité, demandez aux joueuses d’imaginer 2 ce à quoi ressemble leur conversation, de parler de leur village, de la raison pour laquelle ils ont choisi ce métier, de ce que leur seigneur 1. Dont celui de la joueuse à laquelle on s’adresse. Ceci devrait lui permettre de comprendre, si ce n’était pas déjà fait, que l’on ne suit pas le point de vue de son personnage. 2. Selon ce que vous voulez, vous pouvez leur donner quelques éléments ou les laisser inventer à leur guise.

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leur a promis, de leurs craintes et de leurs espoirs, etc. Faites-les ensuite sauvagement massacrer, sans qu’ils aient la moindre chance. Demandez ensuite aux joueuses de reprendre leurs personnages réguliers et annoncez : « Vous avez réussi à pénétrer dans l’enceinte du château du seigneur et à neutraliser les brutes qui occupaient le premier poste de garde sans qu’ils donnent l’alarme… que faites-vous ? ».

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• est très simple à mettre en œuvre, mais peut s’adapter au degré de complexité désiré ; • permet de faire aisément des scènes intenses, même si peu interactives ; • offre une grande polyvalence et se combine à de nombreuses autres techniques. Inconvénients :

• ne doit pas être trop fréquente ou longue afin d’éviter de frustrer les joueuses ; • peut parfois générer de la confusion quant aux connaissances des personnages ; • nécessite de faire attention à ne pas créer de sentiment d’injustice par rapport aux décisions qui sont prises ou à la façon dont sont incarnés les personnages.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Décrire p. 109, Rendre les choses personnelles p. 261, Créer des émotions particulières p. 277, Jouer en musique p. 297.

Programmer les phases de jeu ***

1. Description A. Présentation

Par programmer des phases de jeu, nous entendons ici créer le « squelette » d’une future séance de façon à combiner la spontanéité et la souplesse de l’improvisation à l’impact émotionnel et à l’intensité des parties plus préparées. Concrètement, cela consiste surtout à agencer des temps de jeu reposant sur des principes très différents les uns des autres afin de les articuler en un tout cohérent. Par sa nature, l’animation de partie comprend systématiquement une part d’improvisation. Cette dernière peut donner l’impression d’être uniquement spontanée, mais elle se fonde toujours sur un support composé de sources diverses : • le jeu lui-même, que ce soit son univers ou la structure qu’il impose aux parties ; • ce qu’il s’est passé lors des séances précédentes ; • les ressources propres du MJ, comme son kit de survie (p.  136) ou son expérience ; • ce qui a été préparé spécifiquement pour encadrer les phases de jeu de la séance en cours, le plus souvent sous la forme d’un scénario. Ce support est une véritable épine dorsale pour l’animation du meneur. Plus il l’aura préparé, que ce soit consciemment ou grâce à son expérience accumulée, plus il aura de chances d’animer la partie d’une façon qui lui convient. Toutefois, il n’en tirera pas forcément plaisir pour autant. En effet, si ce dernier vient entre autres de ce que le MJ va injecter dans la séance (thèmes, interprétation, anticipation, etc.), il vient aussi de la façon dont il reçoit la partie : incertitude positive et négative, immersion, surprise, réactions et – bien entendu – propositions des joueuses. Or, si le travail préalable peut

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effectivement l’aider à intégrer tout ce qu’il souhaite de la façon qui lui convient, il peut aussi devenir un carcan qui, parce qu’il se l’imposera et l’imposera aux joueuses, l’empêchera d’être surpris ou de rebondir spontanément sur ce qu’il se passe en jeu. Par conséquent, pour préserver son engouement, il est utile de réfléchir à la manière dont on peut préparer une partie. L’objectif est de se donner les moyens de l’animer sans difficulté, et sans que cette préparation ne se fasse au détriment de son propre plaisir 1. La solution proposée ici consiste à créer cette épine dorsale de façon à découvrir ce qu’il va se produire au moment même où on joue, et pas avant. Concrètement, il s’agit de programmer des opportunités de jeu et d’utiliser les différents types de phases de jeu à votre disposition de façon plus variée. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• animer avec des objectifs en tête, tout en vous laissant l’opportunité d’être surpris par la partie ; • mieux doser préparation et improvisation, pour essayer de profiter des avantages de chaque pôle sans en subir les inconvénients ; • jongler entre différents types de scènes pour se renouveler ; • préparer vos parties en utilisant des supports réellement adaptés à la façon dont vous allez prendre vos décisions en jeu, plutôt que de rester prisonnier des formats habituels. C. Variantes

Même si elles ne remettent pas en cause le fond de cette fiche, il existe d’autres listes de critères permettant aux meneurs de prendre des décisions en partie (modèle triple 2, GNS 3, etc.). Elles semblent toutefois plus difficilement déclinables en outils concrets. D. Mots-clés

Aide de jeu, cadence, début de séance, descriptions, improvisation (préparation), narration partagée.

2. Mode d’emploi  Programmer des opportunités de jeu signifie principalement trois choses : • ne pas définir à l’avance ce qui va arriver pendant la partie, même si cette habitude peut avoir la vie dure. Procéder ainsi permet d’éviter de se contenter de dérouler ce que l’on a prévu. On peut anticiper ou préparer des choses, mais sans 1. Il n’est question ici que du plaisir lié à l’animation de la partie. Il est tout à fait possible d’en ressentir à l’écriture d’un scénario, en se préparant ou de bien d’autres façons qui ne rentrent pas dans le cadre de l’animation à proprement parler. 2. Kim John H., « The Threefold Model FAQ », Darkshire, 1998, http://www.darkshire.net/~jhkim/rpg/ theory/threefold/faq_v1.html 3. Edwards Ron, « System Does Matter », Adept Press, 1999, http://www.indie-rpgs.com/_articles/system_does_matter.html

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partir du principe que les personnages vont faire ci ou ça, ou chercher à les pousser dans une direction donnée ; • ne pas toujours recourir aux mêmes procédés, faute de quoi la programmation n’aura ni sens ni intérêt. Concrètement, il vaut mieux intégrer des phases de jeu plus variées, organisées autour d’autres éléments que ceux que l’on utilise si souvent que l’on en oublie l’existence des autres (le donjon, la scène, la confrontation, etc.) ; • définir à l’avance certains critères et décisions et vous y tenir durant la partie. Ce conseil peut sembler contre-intuitif, voire donner l’impression de se priver de la possibilité de s’adapter en cours de jeu. Toutefois, bien conçue, cette programmation permet au contraire de s’affranchir de ces automatismes qui nous poussent à toujours préférer les mêmes réactions. C’est également un bon moyen de définir à la fois des contraintes pour votre créativité et des espaces de liberté totale. Les deux souvent sont nécessaires à notre plaisir. Cependant, avant d’entrer dans les détails, il est nécessaire de s’interroger sur la façon dont on prend ses décisions en tant que meneur, et sur celle dont on prépare ses parties. A. Commencez par réfléchir à votre pratique

a) Connaître ses propres critères de décision

La première chose à faire est sans doute de réfléchir à vos habitudes de meneur, et à la manière dont vous prenez une décision. Cette idée peut paraître idiote, dans le sens où la plupart des règles de JdR semblent proposer une mécanique de résolution claire qu’il suffit de dérouler. Pourtant, rien n’est moins vrai. Choisir de présenter une situation comme porteuse de conflit, d’utiliser la mécanique de résolution ou pas, dans quel but (que ce soit dans la fiction ou autour de la table), à quel moment, pour quels enjeux réels, comment interpréter un résultat positif ou négatif sont autant d’exemples d’arbitrages que doit régulièrement faire le meneur. Ce sont des outils dont vous pouvez vous servir. En général, ce n’est pas problématique, mais il est toutefois important d’en être conscient pour concentrer vos efforts là où ils seront les plus efficaces. Il est inutile de prévoir une trame alambiquée si vous savez que vous allez vous contenter de donner aux joueuses ce qu’elles demandent, ou que vous allez précipiter la fin au bout de deux heures. Alors, réfléchissez à vos parties récentes, ou plus exactement à des phases spécifiques au sein de ces dernières, et essayez de vous rappeler des cas où vous avez pris une décision en fonction de chacun des critères suivants : • le temps : par exemple parce qu’un combat s’éternise, que vous trouvez qu’il est trop tard ou que vous devez finir la partie avant le dernier métro ou l’heure de fermeture du club ; • le défi : vous voulez avant tout proposer un challenge qui soit à la hauteur des personnages et des joueuses, montrer qu’ils n’ont pas le niveau pour tel type de monstre ou leur apprendre une subtilité qu’elles ne connaissent pas encore ;

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• l’histoire : vous prenez votre décision parce que vous pensez qu’elle rendra l’histoire plus intéressante ou plus proche du genre que vous souhaitez mettre en avant ; • la causalité  : vous pensez tout simplement que c’est la suite logique de la situation dans laquelle sont les personnages. Si vous avez un doute, vous cherchez à mettre en scène la conséquence la plus probable ; • le ressenti : vous voulez avant tout provoquer une émotion spécifique chez les joueuses, que ce soit la sérénité, la tension ou la peur, et ce n’est pas une règle qui va vous empêcher d’y arriver ; • le social : avant tout, vous tenez compte de la joueuse que vous avez en face de vous. Peut-être que pour vous, il est inutile de montrer que son alter ego est inefficace si les autres se moquent d’elle depuis dix minutes, d’être trop dur si c’est le seul enfant de la table ou un débutant, voire de déclarer la mort de son personnage si elle n’a rien fait pour mériter cela. Inversement, si vous étiez moins vexé par sa dernière blague, peut-être que son idée vous aurait paru moins mauvaise ; • la logistique et autres considérations externes : vous auriez bien aimé proposer d’aller dans telle direction, mais vous n’avez pas encore le supplément officiel et n’avez pas envie de faire du hors-piste, vous auriez préféré jouer cette partie en freeform, mais vous n’avez pas la place nécessaire, etc. Afin de répondre au mieux, il est toutefois essentiel de s’accorder sur deux points. D’une part, il est très courant de ne pas se rendre compte, sur le moment, des raisons qui nous poussent à prendre une décision donnée. D’autre part, un très grand nombre d’entre elles ne sont pas prises en fonction d’un critère unique. b) Identifier la forme de ses préparations

Parfois, lorsque l’un des critères est réellement prédominant, on peut même en venir à définir des phases de jeux spécifiques. Sans surprise, être capable de gérer ces dernières selon ses besoins et de passer de l’une à l’autre est particulièrement utile pour animer des parties. Prenons une scène aussi courante qu’un combat : celui-ci peut être intégré dans la partie car il est la conclusion logique des actions des personnages, narrativement intéressant (un tournoi à la cour d’Arthur, le test d’un vieux maître ou d’un rival), ou parce que vous voulez en mettre plein la vue. Vous pouvez aussi souhaiter faire essayer aux joueuses une nouvelle capacité, ou les ralentir pour éviter qu’elles ne soient frustrées par une soirée conclue trop rapidement. Ce n’est pas un problème. En revanche, selon la nature de ces phases, vous les gérerez différemment et n’aurez donc pas besoin de préparer de la même façon. Dans un cas, vous aurez besoin d’un profil technique très précis des adversaires, dans un autre d’une liste de manœuvres impressionnantes à décrire, dans un troisième de prévoir une façon efficace d’interrompre le combat quand vous en aurez besoin (p. 487), etc. Aussi, repensez à vos réponses concernant vos récentes séances. Si vous animez des parties depuis quelque temps, vous avez sans doute déjà pris des décisions

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selon les critères ci-dessus ou peu s’en faut. Réfléchissez maintenant au support que vous aviez pour prendre ces décisions et à la forme que revêtait «  l’épine dorsale » sur laquelle vous vous appuyiez alors. Selon toute probabilité, celle-ci n’était tout simplement pas adaptée, car pensée pour un autre critère que celui qui vous servait à prendre vos décisions. Pour citer un cas très courant, un scénario va généralement se présenter comme une suite de scènes ou comme un contexte dans lequel vont évoluer les personnages (voir Créer une check-list pour sa campagne p. 45). Toutefois, ces deux formes vont très vite montrer leurs limites si votre priorité est, par exemple, de finir votre séance dans un temps imparti ou d’animer une scène de façon particulièrement effrayante alors qu’il ne se passe en réalité presque rien. Inversement, si vous devez donner vie à un village médiéval, peu de choses vous seront aussi utiles qu’une liste de noms, d’occupations et peut-être quelques traits de personnalité. B. Programmer votre partie

a) Définissez la forme générale que vous voulez donner à votre séance

Même si votre partie peut comprendre plusieurs phases de jeu qui trouvent leur raison d’être selon des critères différents, déterminez celui qui est le plus important pour l’ensemble de la séance. Il existe plusieurs façons de le faire, mais vous pouvez par exemple vous demander ce qui va faire en sorte que la partie touche à sa fin, ou qui en est à l’origine. Ainsi, vous avez peut-être besoin de terminer impérativement à une heure donnée (temps), décidé de jouer pour remonter le moral d’une joueuse dans un moment difficile (social), d’adapter votre film préféré (histoire), de proposer un vieux module historique réputé extrêmement difficile pour voir comment le groupe s’en sort (défi), etc. De la même façon, vous pouvez vous trouver dans une situation où plusieurs éléments semblent importants. Par exemple, vous prévoyez une partie difficile sous une contrainte de temps. Le plus simple est alors de réfléchir au critère qui l’emporterait s’ils étaient inconciliables. Dans le cas précédent, préférez-vous simplifier ou complexifier l’aventure de façon à ce qu’elle dure exactement le temps prévu ? Au contraire, préférez-vous arrêter au bout de deux heures, voire prévoir une seconde séance pour terminer, selon le point où les joueuses sont arrivées ? Quoi qu’il en soit, souvenez-vous que ces façons de faire sont assez indépendantes du type d’aventure proposé. Même si la plupart des meneurs pensent sans doute surtout arbitrer en fonction du critère de causalité, ce dernier est loin d’être aussi dominant qu’il n’y paraît. b) Utilisez un support correspondant

Commencez par structurer vos notes en fonction du critère principal que vous avez déterminé. C’est à partir de ces éléments que vous allez pouvoir organiser au 325

mieux votre partie. Ainsi, si l’essentiel est de gérer le temps, parce que vous jouez de 14 heures 30 à 17 heures et avez besoin de créer un planning pour la séance en la découpant en phases de durées variables, vous pouvez par exemple estimer avoir besoin de 15 minutes avant de commencer et autant pour ranger la salle. Il vous reste alors 2 heures de temps de jeu, que vous découpez en trois plages horaires de respectivement, 30, 60 et 30 minutes. Si, au contraire, vous souhaitez surtout proposer une histoire spécifique, organisez-vous plutôt en actes et en scènes (voir Mettre une scène en valeur p. 497 et Choisir une structure narrative p. 179). Voici quelques types de supports en fonction de ce que vous souhaitez mettre en avant : Critère

Support

Temps

Planning, scènes de remplissage à la durée modulable

Défi

Agencement d’affrontements ou d’énigmes

Histoire

Scénario 4 ou situation, PNJ typés selon le genre fictionnel

Causalité

Arborescence ou situation, PNJ aux motivations claires

Ressenti

Didascalies et autres effets à utiliser plutôt qu’intrigue

Social

Rarement utile. Adaptation aux joueuses possible (âge, fan service, etc.)

Logistique

Généralement aucun, si ce n’est les lieux et le matériel

c) Identifiez les phases de jeu que vous voulez intégrer

Faites une liste des différentes phases de jeu que vous souhaitez inclure dans votre partie. Peu importe pour l’instant le degré de détail ou la forme qu’elles prennent : scènes, gameplay, jeu dans le jeu, enquête, combat, course-poursuite horrifique, cinématique, etc. Reprenez ensuite votre support et placez-y ces phases comme bon vous semble. À ce stade, vous pouvez même en prévoir plusieurs sur un même emplacement sans que cela ne pose problème. Par exemple, dans la séance de deux heures présentée ci-dessus, vous pouvez très bien vouloir intégrer des éléments aussi divers que l’exploration d’un sous-sol, la visite d’une ville-fantôme, une bataille rangée, un combat visant à apprendre aux joueuses que tel monstre est invulnérable aux attaques non magiques, et une scène visant à valoriser le personnage de l’une d’elles. Vous choisissez de faire de l’exploration du sous-sol l’essentiel de votre séance et la mettez dans le créneau d’une heure, puis de commencer par le combat et de conclure soit par l’exploration de la cité-fantôme, soit

4. Le terme scénario est utilisé ici dans un sens très restrictif, à savoir celui d’une aventure découpée en scènes.

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par la bataille rangée. Il vous reste à placer la scène valorisante, mais vous ne savez pas encore où, à voir s’il est possible de l’intégrer dans un autre créneau. d) Déterminez les critères pour passer de l’un à l’autre

La dernière étape consiste à exprimer les liens entre ces phases dans un langage simple, en utilisant des opérateurs logiques communs (si… alors, et, ou, etc.). Concrètement, cela signifie que vous devez trouver des moyens de rendre ces moments qui permettent de passer de l’une à l’autre intéressants. Ainsi doivent-ils idéalement impliquer une action des personnages, ne pas être prédéterminés et avoir un impact sur la suite des événements. Celui-ci peut même changer leur nature ou modifier certaines conditions, motivations, etc. Dans notre exemple, il est déjà défini que la première phase est un combat et la seconde une exploration du sous-sol. On peut imaginer de très nombreuses explications pour passer de l’un à l’autre : • l’adversaire actionne un piège qui fait tomber les personnages dans un cloaque ou les y repousse ; • il les y fait prisonniers et les donne en pâture à un monstre qui s’y terre ; • ils doivent traverser un labyrinthe pour pouvoir rentrer chez eux ; • leur adversaire finit par reconnaître leur supériorité et leur offre une récompense qui se trouve dans les souterrains ; • il en garde l’accès, empêche le monstre d’en sortir ou possède l’objet qui permet d’y pénétrer ; • etc. Il ne vous reste plus qu’à écrire la façon dont vous allez arbitrer une fois en jeu. Considérez que vous écrivez une règle pour vous-même. Celle de notre exemple pourrait être rédigée de la façon suivante : « si les personnages réussissent à convaincre le gardien ou à le battre à temps, celui-ci leur révèle que ce qu’ils cherchent se trouve dans le labyrinthe souterrain, les amène à l’entrée et leur en donne une carte sommaire. En revanche, dans le cas contraire, le gardien leur lance un sort qui les met hors de combat. Il les jette alors, sans arme, dans le cloaque en attendant que le carnirax les dévore. Le gardien fait de même s’il bat les personnages sans avoir à utiliser son sortilège ». Durant cette étape, le plus important est que vous utilisiez un langage naturel, afin de limiter les risques de confusion. C’est également un bon moyen de réellement suivre votre programmation pendant la séance, car vous aurez probablement la tentation d’y déroger. Toutefois, il est important que vous vous y teniez coûte que coûte. C’est ce qui vous permettra d’être surpris. Votre formulation y sera aussi pour beaucoup, tout comme les décisions des joueuses, évidemment. Ainsi, dans l’exemple ci-dessus, bien que ce dernier soit simple (on passe du combat aux souterrains, sans bifurcation possible a priori), que se passe-t-il si les personnages empêchent le gardien de lancer son sort mais ne réussissent ni à le convaincre ni à le battre ? Qu’est-ce qu’un carnirax ?

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Est-ce que cette créature peut les poursuivre et créer une ambiance horrifique à la Alien (auquel cas vous vous préoccuperez surtout du ressenti des joueuses ?). Est-ce qu’ils peuvent se procurer la carte autrement, par exemple en la volant  ? Inutile de tout prévoir, mais en intégrant déjà ces éléments dans votre formulation, vous vous donnez la possibilité d’improviser à partir de ces questions sans pour autant vous encombrer. Pourquoi insister autant ? À première vue, la technique détaillée sur cette fiche est assez simple et intuitive : décidez à l’avance de ce qui va vous faire passer d’une phase de jeu à une autre, et rédigez-le sur un support approprié. Cela tombe sous le sens  : personne n’a attendu cette fiche pour le savoir. Pourtant, ce n’est que très rarement ce qui se passe autour des tables de jeu. Concrètement, la plupart des meneurs – les auteurs de ce recueil compris – ont tendance à toujours revenir à leurs outils et phases de jeu habituels, quitte à devoir compenser par leur expérience ou à ignorer leurs propres règles quand ces outils et phases de jeu ne sont pas du tout adaptés. De plus, tout aussi fréquemment, la tentation de dévier une fois autour de la table est trop forte, que celle-ci nous pousse à imposer une nouvelle suite à l’histoire, ou à ne pas respecter les bases de notre propre programme. Enfin, identifier ces différentes phases de jeu est une porte d’entrée vers nombre d’autres techniques de ce recueil, notamment : Relancer la tension p. 535, Structurer des combats de boss p. 718, Instiller davantage de suspense p. 288 ou Tirer profit des techniques surréalistes p. 550. etc.

e) Pour aller plus loin

Vous pouvez combiner les différents types de phases de jeu pour prendre les avantages de chacun. Ainsi, la répartition par plages horaires de 30, 60 et 30 minutes (temps) de l’exemple correspond exactement à la répartition classique d’une structure en trois actes (histoire), et les transitions amènent également une logique de causalité. Il est donc possible de jouer ces phases de façon compatible avec trois modes de jeu : temps, histoire et causalité. En d’autres termes, vous êtes libre de l’animer de la façon la plus adaptée, quitte à devoir changer d’approche en cours de route si vous sentez qu’une autre plaira davantage aux joueuses. Il vous est également possible de jongler avec les différents types de phases de façon à vous assurer d’obtenir une partie dynamique sans vous priver de l’essentiel. Par exemple, vous savez que vous allez faire d’une scène donnée un moment épique (ressenti), mais vous souhaitez néanmoins qu’elle soit cohérente avec l’ensemble des autres phases de la séance que vous avez organisée de façon à ce que l’intrigue (histoire) reste globalement prépondérante. Rien ne vous empêche de prévoir dans votre support de quoi satisfaire ces deux critères à la fois. Si le faire pour chaque scène est fastidieux et inefficace, cette précaution vous permettra ici d’éviter que ces quelques instants d’héroïsme ne vous créent des problèmes plus tard.

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3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• autorise le meneur à avoir des envies créatives sans s’empêcher de découvrir en jeu ce qu’il va se passer ; • renouvelle le plaisir de jeu du MJ en diversifiant son style ; • permet d’utiliser des supports plus adaptés aux décisions que prend le meneur en cours de partie et de ne pas s’encombrer de contraintes inutiles ; • combat certains préjugés sur sa propre pratique ; • permet d’utiliser de nombreuses autres techniques en fonction des types de phase de jeu choisis. Inconvénients :

• a l’air de tomber sous le sens  : il est donc facile de s’en détourner ou de n’utiliser cette technique que partiellement ; • nécessite un temps de préparation qui n’est pas forcément utile si on ne cherche pas à varier les phases de jeu ou que l’on veut simplement jouer « comme d’habitude ».

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Construire un donjon, une méthode aléatoire p. 73, Improviser p. 125, Dompter la linéarité p. 159, Animer les combats p. 173, Animer les scènes spéciales p. 191, Commencer p. 225, Créer des émotions particulières p. 277. Jouer des parties de jeu de rôle : Garder la balle en l’air p. 113, Se renouveler p. 163, Se laisser surprendre p. 277

Proposer des objectifs contradictoires ** 1. Description A. Présentation

Intégrer des objectifs contradictoires, que ce soit à une échelle individuelle ou entre personnages comme le proposent des jeux tels que Paranoïa ou Cold City, peut contribuer à rendre une partie bien plus intéressante. En effet, s’il est parfois utile que les PJ restent unis et ne fassent que peu de cas de leurs dissensions, même au prix d’une certaine crédibilité, y voir à tort un impératif ou la manifestation d’une forme de bienveillance se traduit souvent par des relations fades et autant d’occasions manquées de créer du jeu (voir « Rassembler & Diviser » dans Mener des parties de jeu de rôle, p.  235). Il en va de même pour les éventuels dilemmes personnels. Pourtant, mettre en avant ces oppositions peut au contraire devenir un bon moyen, pour les joueuses, de singulariser davantage leurs personnages et d’interpréter un groupe qui se découvre de réelles raisons de rester ensemble. Il existe bien entendu quelques précautions à prendre, mais sur une campagne adaptée et avec un groupe qui souhaite aborder de telles problématiques, c’est une méthode très efficace pour enrichir la partie et faire évoluer les personnages, que ce soit là aussi individuellement ou collectivement, sans pour autant exiger autant de préparation que la création d’arcs de groupe (p. 33). B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• différencier les personnages et les rendre uniques ; • qu’ils aient des relations un peu plus développées que leur éventuelle complémentarité ou soutien tactique ; • étoffer l’intrigue de votre scénario et avoir de la matière pour la personnaliser et ajouter des rebondissements.

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C. Variantes

Plus que de réelles alternatives ou variantes, il existe un certain nombre de techniques qui peuvent produire des effets similaires ou venir compléter celle-ci : « Rendre les choses personnelles » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 261, créer des arcs de personnages (p. 213) ou de groupe (p. 33), entremêler les intrigues (p. 255), générer des relations complexes (p. 272), etc. D. Mots-clés

Arc de groupe, création de personnage, implication, intrigues secondaires, opposition, personnel, séance zéro.

2. Mode d’emploi  Pour intégrer des buts contradictoires à l’échelle d’un personnage ou d’un groupe, la marche à suivre est de commencer par établir un certain nombre de ces oppositions potentielles, en définissant à la fois leur type et leur thème, puis de répartir les différents objectifs entre les personnages. Cette méthode s’accompagne également de quelques précautions pour s’assurer qu’elle ne sème pas la zizanie, mais rende bien la partie plus intéressante. A. Définir le type d’opposition

Exactement comme il existe une liste des principaux types de conflits (p. 221), on peut rapidement regrouper les oppositions d’objectifs dont il est question en cinq grandes catégories : • interne au personnage : un PJ a des buts, des valeurs ou des motivations qui s’opposent. Il devra forcément tôt ou tard en privilégier certains au détriment des autres, mais il sera sans doute intéressant de le voir évoluer et faire face à ses contradictions. Peut-être réussira-t-il à trouver une nouvelle voie ? Lorsque Buffy trouve une solution inattendue en se sacrifiant parce qu’elle ne peut se résoudre ni à laisser le monde être détruit ni à perdre sa jeune sœur, on est exactement dans ce genre de dilemme ; • un personnage contre les autres : un PJ a un ou plusieurs objectifs qui entrent en opposition avec celui ou ceux du groupe. Cet antagonisme ne devrait pas être gênant dans un premier temps, avant de devenir plus problématique par la suite. Le personnage devra-t-il évoluer pour s’adapter à ses compagnons, réussira-t-il à les convaincre ou va-t-il les trahir ? Par exemple, si le groupe cherche à capturer un brigand mais qu’un des PJ est aussi un de ses anciens complices et qu’il craint qu’il ne révèle tout, on se retrouve dans une situation similaire ; • personnages contre personnages  : deux PJ ou davantage ont des valeurs, buts ou motivations qui s’opposent directement. Chaque faction propose une ligne de conduite différente et les deux s’excluent mutuellement  : si les uns obtiennent gain de cause, c’est que les autres ne peuvent atteindre leurs objectifs. Par exemple, des membres d’une mission spatiale souhaitent rester plus longtemps sur une planète

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pour chercher les survivants de l’expédition précédente, là où les autres craignent une tempête et une pénurie de ressources, et souhaitent repartir au plus vite ; • concurrence entre personnages : plusieurs personnages ont le même but, mais tous ne pourront pas l’obtenir. Il s’agit d’un cas particulier du précédent où il existe une compétition autour d’un objectif unique, et pas uniquement des objectifs qui s’opposent les uns aux autres. Ce schéma n’est pas rare dès que l’on intègre une notion de performance ou des ressources à récupérer. B. Déterminer le thème des oppositions

Les objectifs contradictoires peuvent porter sur des domaines variés comme, par exemple : • la morale ou l’éthique : l’opposition est surtout une question de valeurs et de croyances, que celles-ci correspondent à une mécanique explicite (alignement, honneur, etc.) ou pas. Elles empêchent un personnage d’adhérer à une ligne de conduite souhaitée par d’autres, voire se heurtent frontalement à celles d’un autre personnage ; • les sentiments, l’affection et les relations sociales : les désaccords potentiels concernent les priorités à donner entre plusieurs PNJ, les triangles de personnages (amoureux ou pas, et concernant aussi bien des PJ qui doivent choisir entre des PNJ ou des factions rivales que des PNJ qui doivent choisir entre plusieurs PJ), la jalousie, les liens et la loyauté à certaines organisations, etc. ; • la prise de décision : le personnage n’est pas forcément en désaccord avec les grandes orientations des autres personnages, mais il désapprouve le chemin qu’ils choisissent d’emprunter pour y arriver, ou la façon dont se font ces choix. Il peut les trouver incohérents, voire naïfs ou inefficaces. Il peut également vouloir s’imposer et penser qu’il n’a pas assez d’importance, ou en avoir assez de devoir tout gérer pour les autres ; • le partage de l’information ou de la connaissance, la confiance et le secret : le personnage ne souhaite pas révéler quelque chose à ses camarades ou veut s’assurer qu’un savoir reste enfoui. Il peut également chercher à découvrir un élément qui lui est caché. Ainsi, en croisant le type d’opposition et son domaine, vous devriez trouver des sources d’inspiration pour imaginer des objectifs variés qui s’étaleront à différents niveaux, qu’ils concernent l’intrigue principale, des problématiques plus politiques liées à l’univers de jeu, la vie personnelle des PJ, etc. C. Mettre en réseau les différents objectifs des membres du groupe

Certaines parties tirent l’essentiel de leur attrait des divergences, oppositions ou rivalités entre personnages. C’est le cas par exemple des mélodrames familiaux joués en huis clos et de nombreux jeux où l’on incarne des adolescents. Toutefois, d’une manière générale, il vaut mieux éviter de trop cumuler les objectifs contradictoires. Voyez-les plutôt comme une épice qui relèvera le reste de votre partie et évitez d’avoir la main trop lourde, sauf bien sûr si vos joueuses le réclament. Une fois que vous avez un nombre d’objectifs attribués aux différents personnages qui vous semble suffisant, commencez à en faire un maillage à l’aide du tableau ciaprès. Le but est d’avoir une vision claire des potentielles dynamiques à la table et de 332

pouvoir faire quelques ajustements pour obtenir des combinaisons créatrices de jeu, tout en maîtrisant le niveau de complexité. PJ 1

PJ 2

PJ 3

Objectif A







Objectif B (incompatible avec A)



×

×

Objectif C

×



Objectif D



×

Les cases marquées « √ » signifient que le personnage poursuit cet objectif, un « × » qu’il est en contradiction avec, et les cases vides une forme de neutralité. Ainsi, si l’objectif A semble remporter l’adhésion de tout le groupe, le PJ 1 hésite également avec l’objectif B, dont ses camarades ne veulent pas entendre parler. Il n’a pas réellement d’avis sur l’objectif D, mais aura sans doute intérêt à faire un compromis avec le PJ 3 et s’y opposer pour obtenir l’aide de ce dernier, et convaincre le PJ 2 de ne pas réaliser l’objectif C, avec lequel il est en contradiction. D. Prendre les inévitables précautions

Tous les thèmes d’opposition évoqués précédemment peuvent se faire l’écho de problèmes entre joueuses. En effet, il peut être facile d’aboutir à une contradiction entre les valeurs de ces dernières, et non celles des personnages, à des problèmes relationnels, à des désaccords sur les choix opérés au sein du groupe ou à des cachotteries. Si ces soucis sont déjà présents, il vaudra sans doute mieux vous référer à la fiche Gérer les tensions entre joueuses p. 104 et à l’article « Jouer ensemble » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 129. Dans le cas contraire, il est sans doute judicieux de s’assurer de ne pas créer de tensions en utilisant cette technique. Tout d’abord, il est important de se rappeler qu’avoir un alter ego dont les objectifs sont en opposition avec ceux d’un autre ne signifie pas que les deux sont ennemis. En fait, la culture populaire regorge d’exemples d’objectifs contradictoires entre personnages bienveillants l’un pour l’autre. De multiples genres comme les drames familiaux, les films de braquage, les buddy movies ou les comédies romantiques sont en partie construits sur ces oppositions positives. Même lorsque l’on regarde du côté de l’action, de L’Agence tous risques à Firefly en passant par Les Avengers, on retrouve ces mécanismes au moins le temps qu’une vraie menace apparaisse et soude le groupe. Ensuite, en plus de votre propre vigilance, il peut être nécessaire de responsabiliser toute votre table et de lui rappeler que si ces objectifs divergents sont bien là pour être joués, ils le sont pour être joués de façon à soutenir les autres joueuses (voir Choisir qui décrit le résultat des actions p. 401). L’idée est surtout qu’ils doivent servir pour 333

relancer l’intérêt et rendre la partie plus intéressante pour tout le monde. Aussi, si le groupe est prévenu et accepte de se prêter au jeu, la rivalité et la compétition ne sont pas à exclure. En revanche, les excuses de type « je ne fais que jouer mon personnage » le sont presque toujours. Enfin, en jouant ainsi, il peut arriver un peu plus souvent qu’à l’accoutumée qu’une joueuse souhaite que son personnage se retire sans arrêter la partie ou qu’il n’y ait eu de crise. Ce genre d’événement peut surprendre lorsque l’on a l’habitude de ne cesser de jouer le même rôle qu’à la mort du PJ, mais c’est généralement une très bonne chose. Cette décision signifie que la joueuse est arrivée à une conclusion logique pour elle, et qu’elle peut passer sereinement à autre chose sans avoir pour autant perdu son intérêt pour votre campagne. Pour vous, outre le fait qu’elle puisse vouloir rejouer son personnage si la situation évolue, c’est également un réservoir d’opportunités, comme expliqué sur la fiche Réutiliser un ancien PJ comme PNJ p. 689.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• enrichit la partie de nouvelles intrigues ; • donne du relief aux personnages et les rend attachants (p. 342) en les caractérisant davantage ; • donne une dimension dramatique plus poussée en développant les relations entre PJ. Inconvénients :

• nécessite de doser la place prise par ces intrigues secondaires, notamment selon le genre de la partie, la durée prévue, etc. ; • ne convient pas aux joueuses qui ne supportent pas le conflit ou aux groupes ayant déjà des problèmes larvés ; • implique de la vigilance de la part du meneur pour éviter que d’éventuels conflits entre personnages ne s’invitent dans les relations entre joueuses.

4. Exemple Imaginons une campagne d’un jeu de fantasy se déroulant dans une grande cité. Les enjeux y seront essentiellement politiques, mais nécessiteront des phases d’exploration sauvages.

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Adora, garde du corps

Liriel, monte-en-l’air

Bast, acrobate

Apporter la paix dans le pays





×

Privilégier la guilde des voleurs



×



Monter une expédition dans la montagne-Qui-voit-loin

×





Le personnage d’Adora, membre de la guide des voleurs, souhaite voir revenir la paix pour reprendre ses affaires, et s’assurer que la faction ait une place de choix dans le nouvel échiquier politique. En revanche, elle ne veut pas que l’expédition voie le jour, puisque celle-ci pourrait découvrir des preuves de son implication dans le meurtre du précédent chef de la guilde. En effet, les assassins qu’elle a recrutés font partie d’un clan vivant dans la montagne-Qui-voit-loin. Pour ajouter une dimension plus personnelle, le meneur intègre un dilemme éthique et affectif : elle peut singulièrement accélérer l’arrivée de la paix dans le pays en tuant la personne qu’elle est censée protéger, bien qu’elle en soit amoureuse.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Rassembler & Diviser p. 235, Rendre les choses personnelles p. 261. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Jouer ensemble p. 129, Coopérer et Rivaliser p. 149, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179.

Proposer des scènes qui comptent * 1. Description A. Présentation

La scène est une des divisions les plus courantes d’une partie de JdR. En effet, elle est sans doute celle qui s’impose lorsque l’on pense, au moins partiellement, à cette dernière comme à une histoire, fût-elle interactive et intercréative. Sur l’ensemble d’une séance, il n’est pas rare que certaines de ces scènes soient moins intéressantes que d’autres. Le plus souvent, cela ne pose aucun problème majeur, et les phases de jeu plus enthousiasmantes suffisent largement à compenser les éventuels passages à vide. Toutefois, vous pouvez vouloir agir sur ces scènes pour les rendre moins fades, que ce soit lors de la conception initiale du scénario ou en pleine séance, alors que vous devez improviser à partir de ce que vous proposent les joueuses. Cette fiche vous présente une méthode pour y arriver. Celle-ci consiste essentiellement à s’interroger sur l’utilité et l’intérêt de chaque scène au sein de la trame globale, afin de pouvoir plus facilement se concentrer sur l’essentiel et la dynamiser. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• retravailler certaines phases de jeu ennuyeuses ou trop longues ; • donner un sens à une scène improvisée ; • faire progresser votre trame sans perdre l’intérêt des joueuses. C. Variantes

La méthode présentée dans cette fiche a l’avantage de la simplicité, et donc, de l’accessibilité. Toutefois, il vous est possible d’aller bien plus loin en utilisant des techniques alternatives plus exigeantes, comme le choix d’une structure narrative (p. 179) ou la programmation de phases de jeu (p. 321) complexes. Il vous est également possible de recentrer la trame et l’intérêt des joueuses en transformant certaines scènes en 336

ellipses ou en cinématiques (p. 314). Enfin, vous pouvez aborder l’intérêt de ces scènes non pas par la façon dont elles prennent place dans une trame plus complexe, mais en fonction du conflit (voir Animer des conflits [oui, mais…] p. 382) ou de l’opposition (p. 424) qu’elles proposent. D. Mots-clés

Cadence, improvisation (préparation), mise en scène, tension.

2. Mode d’emploi  La méthode proposée dans cette fiche repose sur l’identification de la fonction narrative de la scène, puis sur celle de son intérêt, avant de les combiner pour créer du jeu. A. Identifier la fonction narrative de la scène

Lorsque l’on veut réfléchir à une scène, la première étape est de s’interroger sur la raison pour laquelle on a souhaité l’intégrer. Il n’est pas question ici de la motivation des personnages, mais bien de celle qui vous a poussé, vous, le meneur, à y consacrer une partie de la séance. Par exemple, après une négociation particulièrement tendue avec le pire ennemi des PJ, où les joueuses ont dû peser chaque mot, vous avez décidé de mettre en scène une attaque de brigands. Ceux-ci ne posent aucune difficulté aux personnages et n’ont pas vraiment d’importance. Ils ne sont là que pour permettre aux joueuses de se défouler et de relâcher la tension accumulée. On appelle cette finalité la fonction narrative. On regroupe les fonctions narratives en six grands ensembles. Si une même scène peut en avoir plusieurs, et par conséquent correspondre à différentes catégories, il est toutefois utile d’identifier celle qui sera prioritaire : • les épreuves, qui comprennent les scènes ayant pour but de proposer un défi, qu’il soit tactique, lié à des énigmes, à des joutes verbales, etc. ; • les fonctions émotionnelles, qui correspondent aux phases de jeu où les joueuses sont amenées à ressentir des émotions fortes (voir Faire expérimenter p. 453 et l’article « Créer des émotions particulières » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 277 [joie, peur, colère, tristesse, soulagement, etc.]) ; • les fonctions esthétiques, répondant au besoin de montrer l’univers et son ambiance, mais aussi de mettre en avant les codes d’un genre fictionnel spécifique (p. 115) ; • les fonctions informationnelles, encourageant les joueuses à en apprendre davantage sur l’univers, les règles, les personnages, etc. ; • les fonctions de divertissement, qui correspondent à des scènes non pas forcément légères, mais destinées à en mettre plein les yeux aux joueuses (voir Mettre en scène des cinématiques p. 314), à les amuser, à relâcher la pression, etc. Pour éviter tout malentendu, il est important de rappeler que le terme narratif ne s’oppose en rien aux aspects ludiques ou mécaniques de votre partie. Non seulement nous pensons

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que ces distinctions sont superficielles, mais vous avez tout à fait le droit, par exemple, d’envisager une scène d’abord d’un point de vue technique avant de chercher ensuite un moyen de la justifier dans votre scénario. Cela ne change rien à sa fonction narrative. B. Identifier l’intérêt narratif de la scène

La deuxième étape est de se demander en quoi la scène va contribuer de façon intéressante à l’intrigue globale, que cette trame soit prédéfinie comme dans le cadre d’un scénario arborescent, ou qu’elle apparaisse au fur et à mesure des actions des personnages (voir Choisir une structure narrative p. 179). Bien entendu, il est tout à fait possible qu’une phase de jeu n’apporte rien d’intéressant de ce point de vue mais se justifie d’un autre, comme l’attaque de brigands évoquée dans la section précédente. Toutefois, si vous souhaitez faire en sorte qu’une scène compte, vous devriez vous assurer qu’elle corresponde à au moins un des trois intérêts narratifs suivants : • elle enseigne quelque chose de significatif sur le monde ; • elle dévoile quelque chose d’important sur les personnages ou les change ; • elle fait avancer l’histoire de façon particulière 1. Si vous vous servez de cette méthode pour préparer votre scénario, gardez néanmoins en tête que tant que la scène en question n’a pas été jouée, il est difficile d’être sûr de ce que seront sa fonction et son intérêt narratifs. Les apports des joueuses viendront souvent modifier ce que vous avez prévu, donc veillez à conserver une certaine souplesse. C. Combiner les fonctions et intérêts narratifs

Cette technique peut principalement vous servir de deux façons, selon si vous l’utilisez pour préparer une séance ou pour improviser au cours de celle-ci. Si vous préparez un scénario, vous pouvez y avoir recours pour concevoir vos scènes principales et vous assurer qu’elles soient toujours pertinentes, ou pour en enrichir une qui serait sinon un peu faible. Généralement, ce phénomène se produit quand on ne sait pas trop quelle est sa fonction, et que son intérêt n’est guère flagrant non plus. Il existe deux solutions pour régler ce problème : • améliorer la scène. Décidez directement de sa fonction et de son intérêt narratifs, et retravaillez-la dans ce sens. Puisque vous choisissez de la conserver, c’est qu’elle a d’autres qualités, et il est probablement intéressant de rendre son intérêt narratif évident, généralement en augmentant son ampleur. Elle peut être totalement viable sans, par exemple parce qu’elle permet d’intégrer un défi intéressant, mais si vous voulez qu’elle marque les esprits, il est sans doute utile de mener ce travail supplémentaire. Concrètement, cela implique de lui donner plus de conséquences directes, ou de faire en sorte que ce que les joueuses apprennent soit plus important, ou concerne des éléments de l’univers ou des règles qui les touchent davantage ; 1. C’est par exemple le cas lorsque la scène permet de passer d’une étape de la structure narrative à une autre, comme un changement d’acte (p. 179).

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• la remplacer ou la fusionner avec d’autres scènes. Il n’est pas rare qu’une phase de jeu initialement prévue soit redondante avec une autre, ou, par exemple, qu’elle en suive une qui a la même fonction. Lorsque c’est le cas, autant les regrouper ou, au minimum, s’assurer qu’elles soient malgré tout ressenties de façon très distincte. Ainsi, s’il est possible d’enchaîner des épreuves, comme c’est parfois le cas dans certains donjons, il vaut sans doute mieux qu’elles portent sur des défis différents. Toutefois, il est sans doute là encore plus efficace d’intercaler entre ces dernières d’autres scènes, qui permettront par exemple d’en apprendre davantage sur le contexte ou sur les personnages. Si vous improvisez, il est probable que le fil de la partie vous amène à animer des scènes que vous n’aviez pas du tout anticipées, ou qui n’apportent pas grand-chose au jeu. Dans ce cas, pour trouver très rapidement une ligne de conduite, l’idéal est de déterminer une fonction et un intérêt narratifs et d’en faire vos lignes directrices. Si vous aimez vous lancer des défis, vous pouvez même les définir aléatoirement. Vous pouvez également vous servir des techniques de secrets et autres indices flottants (p. 309) pour savoir quelles révélations faire. Quoi qu’il en soit, il ne vous restera plus qu’à subtilement modifier la scène que vous avez commencé à improviser pour qu’elle réponde à la fonction et à l’intérêt narratifs souhaités, par exemple en introduisant un PNJ ou en changeant son comportement. Naturellement, les conseils visant à ne pas enchaîner les scènes similaires s’appliquent toujours. Pour vous servir d’inspiration, le tableau suivant propose des exemples de croisements entre fonction et intérêts narratifs : Épreuve

Émotionnelle

Esthétique

Dire quelque chose sur le monde

Les PJ sont confrontés à une énigme impliquant de comprendre les traditions locales.

Ils assistent à une terrible injustice due à la haine grandissante entre factions.

Ils participent au grand bal de la reine et découvrent un aréopage de nobliaux.

Dire quelque chose sur les personnages

En battant leur maître, les PJ comprennent qu’ils peuvent affronter le monde.

Ils tuent leur pire ennemi et découvrent qu’il les aimait et veillait sur eux en secret.

Un démon sanguinaire effroyable s’enfuit face aux PJ. Il est terrifié.

Faire avancer l’action

Les PJ doivent décoder un répertoire pour identifier l’assassin de leur contact.

Ils doivent se faire rejeter par leurs proches pour s’infiltrer chez leurs ennemis.

Ils traversent un champ d’astéroïdes pour semer leurs poursuivants.

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Informationnelle

Divertissante

Dire quelque chose sur le monde

Ils interrogent un mage condescendant sur les bases de la théorie magique.

Ils assistent à une rencontre d’aérostiers où les nations s’opposent ouvertement.

Dire quelque chose sur les personnages

Ils découvrent un rapport les concernant, avec des informations qu’ils ignorent.

Les PJ sont sommés de s’expliquer sur leurs dissensions internes.

Faire avancer l’action

Les PJ épluchent les archives du cadastre pour découvrir le propriétaire de la vieille grange.

Ils assistent à une bataille entre navires avant d’être capturés par leur ennemi.

D. Définir ou redéfinir les autres paramètres de la scène

La combinaison de la fonction et de l’intérêt narratifs d’une scène est un bon outil pour improviser ou pour améliorer une trame existante, mais elle ne vous suffira probablement pas pour concevoir votre propre scénario. Aussi, si tel est votre objectif, nous vous conseillons de vous poser également les questions suivantes pour vous aider à définir rapidement les scènes qui vous intéressent. Idéalement, vous pouvez vous faire une sorte de « fiche de scène » en sélectionnant celles qui vous paraissent les plus pertinentes. Si vous improvisez, il suffit sans doute de réfléchir à une ou deux d’entre elles et à se laisser guider : • où la scène a-t-elle lieu ? Est-ce dans un endroit spécifique ? Lequel ? Quand ? • qui est présent ? Parmi les PJ ? Les PNJ ? En tant qu’acteur ? Que spectateur ? • quelles images cette scène vous évoque-t-elle ? Comment les différents sens des personnages sont-ils sollicités (p. 575) ? • quelles sont les émotions que devraient ressentir les personnages  ? Les joueuses ? La charge émotionnelle de la scène doit-elle être positive ou négative ? • quel est le conflit ou la révélation centrale de la scène ? • votre scène a sans doute plusieurs battements et constitue alors une sorte de mini-histoire. Quelle est sa structure (p. 179) ou, a minima, son début, son milieu et sa fin ? • quelles sont les principales fins possibles de la scène  ? Quelles en sont les conditions, à la fois pour savoir quand la clôturer et avec quoi enchaîner ?

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3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• est bien plus simple d’accès que les réflexions en termes de structure narrative ; • est suffisamment souple pour être également utilisée en cours de partie ; • permet d’aller rapidement à l’essentiel et d’avoir une vision d’ensemble. Inconvénients :

• ne se préoccupe que peu des éléments qui ne sont pas liés à l’intrigue, comme le plaisir tactique d’une confrontation, ou la teneur d’un dialogue ; • concerne principalement les scènes qui sont dirigées par le MJ, et non celles qui évoluent fortement en fonction des décisions des joueuses ; • nécessite une vigilance pour ne pas céder à la tentation du dirigisme.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Improviser p. 125, Animer les combats p. 173, Animer les scènes spéciales p. 191, Commencer p. 225, Créer des émotions particulières p. 277.

Rendre des personnages attachants * 1. Description A. Présentation

Vous aviez prévu un scénario sensationnel, votre meilleur à n’en point douter. Et pourtant, la partie a tourné à la catastrophe. Vos joueuses ne se sont jamais intéressées au personnage qui devait leur confier la quête que vous aviez prévue, ni n’ont réellement été motivées pour protéger le jeune garçon qu’elles devaient escorter. C’est limite si leurs alter ego ne se sont pas réjouis de sa disparition. En tout cas, ils n’avaient aucune envie de lui porter secours ni de le retrouver et cette séance a été un fiasco sans nom. Dans cette partie imaginaire comme dans beaucoup d’autres, l’alchimie avec un ou plusieurs personnages est essentielle. En effet, il n’est pas rare que la principale difficulté pour le meneur soit de faire en sorte que les joueuses détestent juste assez un PNJ pour aller de l’avant, mais suffisamment peu pour ne pas commettre l’irréparable et ruiner la partie. Dans ce genre de situations, la capacité à rendre un personnage attachant est une clé du succès. Dans presque toutes les autres, ce n’est « que » très important. Cette fiche présente des techniques vous permettant d’y arriver plus facilement. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• mettre en avant le côté sympathique d’un personnage ; • vous assurer de réussir à gérer un scénario construit autour d’un PNJ central ; • donner des motivations aux joueuses ou des attaches aux PJ ; • passer à une phase comprenant plus de drama ou une sédentarisation des PJ après une vie d’aventures ; • animer plus tard des scènes interpersonnelles (romance, trahisons, etc.) plus intenses.

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C. Variantes

Il peut être tout aussi intéressant de rendre les personnages détestables, selon vos objectifs. Pour ce faire, nous vous conseillons les fiches Créer un grand méchant p. 225, Imaginer un PNJ miroir p. 284, ou Réutiliser un ancien PJ comme PNJ p. 689. D. Mots-clés

Création de personnage, implication, improvisation, PNJ, tripes.

2. Mode d’emploi  Les PNJ peuvent devenir aussi attachants que des PJ. Pour ce faire, ils devront susciter au moins un des quatre sentiments suivants : • l’empathie, en permettant aux joueuses de s’identifier à eux, à ce qu’ils ressentent, de se dire que ce qui arrive aux PNJ aurait aussi bien pu leur arriver ou arriver à leur propre personnage, etc. ; • la sympathie, en étant agréables aux yeux des joueuses ou à ceux de leurs personnages ; • l’intérêt, en fascinant les joueuses ou leurs personnages, ou en faisant en sorte que les PJ trouvent un avantage à les côtoyer ; • le mystère, en leur donnant envie d’en apprendre davantage sur eux. La suite de cette fiche comprend une liste d’éléments à mettre en jeu pour créer chacun de ces quatre sentiments. Le plus souvent, il suffira de doter un personnage d’une caractéristique particulière comme, par exemple, une apparence hors du commun trahissant sa puissance. Or, si la tâche est relativement simple pour un PNJ (ce qui reste l’orientation principale de cette fiche), il vaut toujours mieux intégrer des situations de jeu permettant à ces spécificités de transparaître plutôt que de simplement les montrer ou d’énoncer leur présence. Pour un PJ, il s’agit presque de la même chose, si ce n’est qu’il vaut mieux créer des opportunités de jeu permettant aux joueuses de mettre en avant ces qualités et ces défauts plutôt que de le faire vous-même et de les imposer, en les décrivant par exemple. A. L’empathie

Pour provoquer de l’empathie envers un personnage, le mieux est de donner le sentiment qu’il ressemble aux joueuses, aux PJ ou l’inverse. Les similitudes peuvent s’étendre bien au-delà de l’apparence physique ou du sentiment d’appartenance à une même communauté, par exemple en mettant en avant les valeurs que le PNJ véhicule, surtout s’il agit conformément à sa morale alors que l’univers semble se liguer contre lui et chercher à l’en dissuader. Idéalement, ses objectifs et ses désirs sont suffisamment clairs pour que même si on ne partage pas sa cause, son point de vue et les émotions qui le traversent, ses actes restent compréhensibles et, d’une certaine façon, prévisibles. Vous pourrez ainsi mettre en avant d’autres qualités, comme la détermination,

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la loyauté ou la sincérité. C’est d’ailleurs le procédé qu’utilisent de nombreuses fictions pour rendre leur grand méchant attachant  : celui-ci brûle de l’intérieur de ne pas pouvoir faire ce qui lui semble approprié, voire qui nous le semble aussi, mais soit le reste du monde n’est pas prêt, soit il exige trop de compromis de sa part. Enfin, pour créer de l’empathie à long terme, une des méthodes les plus efficaces est de faire évoluer le personnage au sein d’un arc dédié (p.  213) afin que les joueuses puissent constater ces changements. Ainsi peuvent-elles comprendre son parcours et lui passer certains actes difficilement défendables sinon, certaines erreurs, se dire qu’il n’existe pas une telle différence avec les PJ (voir Imaginer un PNJ miroir p. 284), voire regretter ce qui est en train de lui arriver. Or, bien souvent, c’est justement votre capacité à montrer qu’un personnage est vulnérable qui vous permettra de générer de la compassion et l’empathie. Ceci est d’autant plus vrai que vous cherchez à provoquer un attachement quasi immédiat, par exemple à un PNJ que vous venez d’improviser. Voici quelques astuces pour générer rapidement de la compassion. Les effets de certaines n’ont qu’une durée limitée, mais elles devraient vous suffire à gagner assez de temps pour appliquer les conseils ci-dessus : • le personnage est la victime d’injustices ou d’un mépris qu’il n’a pas mérité. Cette technique est d’autant plus efficace dans un contexte culturel où ces discriminations paraissent normales pour les personnages mais pas pour les joueuses ; • non seulement son malheur est immérité, mais s’il est possible d’identifier des responsables, il n’existe pas de coupable. Le PNJ n’a surtout pas de chance et, même s’il est aidé par la négligence de certains, le sort semble s’acharner sur lui ; • il a subi ou subit des mauvais traitements, toujours injustes mais contre lesquels il n’avait aucune possibilité de se défendre. Il peut avoir du mérite de s’en être sorti, avoir fait ce qu’on lui reproche justement pour s’en protéger, ou avoir été poussé à le faire à cause de ces problèmes. D’une certaine façon, ses erreurs sont le prolongement de son malheur ; • il souffre d’un handicap évident, que celui-ci soit physique, mental, social, financier, etc. ; • il est hanté par son passé ou ses erreurs et tente de les surmonter ; • il est pourchassé, trompé ou trahi ; • personne ne le croit alors qu’il dit la vérité ; • il se sent seul, abandonné, exclu ou rejeté ; • il est blessé, en danger, ou ses proches le sont ; • etc. B. La sympathie

Autre facteur permettant aux joueuses de s’attacher à un personnage, la sympathie est relativement simple à mettre en place. Pour un effet à court terme, il suffit de rendre son contact agréable. Pour provoquer un attachement un peu plus durable,

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il faut sans doute montrer qu’il possède des qualités humaines au-delà de la simple aménité, voire qu’il est possible de lui faire confiance. Voici quelques outils pour rendre un personnage sympathique : • le personnage possède les divers attributs du bonheur (sourire, ton léger, apprécie les petites choses simples, pas d’agressivité, etc.) ; • il aime les autres et ceux-ci le lui rendent. Il n’hésite pas à les aider, surtout s’ils ont eu moins de chance que lui ; • inversement, il montre sa gratitude, retourne les services qu’on lui rend et sait reconnaître ce que font les PJ pour lui ou pour la communauté ; • il est actif, généreux, socialement apte et fait l’effort de se rendre agréable ; • il est humble et sait pardonner ou revenir en arrière et s’excuser en cas d’erreur ; • il est toujours sincère, intègre et loyal ; • il est capable d’autodérision comme de se livrer à l’occasion, mais sans pour autant s’imposer ou tirer la couverture à lui ; • il est aussi capable de prendre des risques, de combattre et même de perdre la vie pour quelqu’un qu’il aime ou une cause juste ; • même s’il peut avoir un abord difficile ou rugueux, on comprend en privé qu’il est beaucoup plus gentil et doux qu’il n’y paraît. D’ailleurs, ceux à qui on prête la capacité de savoir lire dans le cœur des hommes ne s’y trompent pas (enfants en bas âge, animaux, etc.) ; • il prouve qu’il est digne de confiance en n’hésitant pas à aider les PJ, même si cela va contre son intérêt. C. L’intérêt

Pour susciter de l’intérêt, il est sans doute préférable que le personnage provoque une forme de fascination, c’est-à-dire qu’il ait des qualités que les joueuses aimeraient avoir ou respectent, et, plus pragmatiquement encore, qu’elles aient un intérêt à faire rester les PJ en sa présence. Comme précédemment, voici quelques astuces pour arriver à vos fins : • le PNJ est plein de paradoxes. Ces contradictions peuvent concerner ce qu’il souhaite et ce dont il a besoin, ou des problèmes liés à ses valeurs qui ne sont pas toujours compatibles. Le tout est de faire en sorte que ces oppositions semblent suffisamment fondées pour qu’il ne passe pas pour quelqu’un manquant de volonté ou de cohérence ; • il a des limitations, des peurs, des défauts ou des problèmes, et sa réaction face à ces difficultés suscite justement de l’intérêt. Ainsi, si le personnage est détestable, il peut compenser ses aspects négatifs par des éléments positifs qui permettent de ne pas le rejeter et d’aller au-delà : Hannibal Lecter est le pire criminel qui soit, mais il est maltraité par son psy et est extrêmement intelligent, bien éduqué, charmeur et spirituel. Docteur House est un asocial et une tête à claques, mais c’est aussi une victime, un excellent diagnostiqueur et quelqu’un qui n’abandonne jamais ses patients ; 345

• sans que l’on sache forcément comment, il est lié à des événements ou des lieux qui suscitent de l’intérêt en eux-mêmes. Par exemple, celui que l’on prenait pour l’excentrique du village révèle qu’il est l’ancien garde du corps et amant de l’empereur ; • il a du pouvoir, du charisme, du leadership ou une profession intéressante ; • il a du courage, de la détermination ou une passion brûlante et sans compromis ; • il est beau ou en bonne forme physique ; • il est drôle, malin, sage ou érudit, un des rares experts dans un domaine donné ou au contraire capable d’une certaine forme d’innocence ; • il est utile et se révèle doué de ressources, que ce soit dans l’absolu, ou lié à des éléments-clés de l’intrigue, etc. ; • il est soit puissant techniquement, soit donne des bonus lorsque l’on reste proche de lui, ou peut enseigner certaines de ses compétences ; • les personnages ont sacrifié beaucoup trop de choses pour lui ; • il a un potentiel certain, mais a besoin qu’on l’aide à le développer ; • etc. D. Le mystère

Enfin, le dernier moyen de rendre un personnage attachant est de le rendre mystérieux. Pas question ici de lui donner l’apparence d’un agent double durant la Guerre froide, ni de le faire passer pour un paranoïaque, mais juste de donner l’impression aux joueuses qu’elles en ont plus à apprendre sur lui et leur donner envie de le faire. Pour cela, vous pouvez par exemple écouter ce qu’elles disent à son sujet et les tenter avec des informations leur permettant d’obtenir la réponse souhaitée, mais sans réellement la leur donner. Vous pouvez aussi par exemple : • montrer que d’autres personnages se posent des questions sur lui et font apparaître des paradoxes à son sujet, ou au contraire ont des réactions surprenantes (il est libéré sans raison, etc.) ; • le montrer dans des situations surprenantes, ou en train de prendre des décisions qui n’ont apparemment aucun sens, mais sur lesquelles les PJ n’ont pas de contrôle (il préfère rester sous la pluie pour téléphoner… pendant une heure) ; • montrer qu’il prend des précautions surprenantes pour rester seul ou dissimuler certains objets ou certaines informations ; • signaler son absence incongrue, mais aussi discrète et inexcusée, à certains moments ; • le rendre pudique sur certains sujets, voire même gêné dans certaines situations où il est pris par surprise ; • dans des discussions où tout le monde se livre, ou lorsqu’on lui pose des questions directes, lui faire répondre de façon joviale des choses comme : « Vous savez, moi, c’est comme tout le monde ! », « Je te dirai plus tard », ou « Parlons plutôt de toi… Rude journée, non ? ».

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3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• peuvent s’appliquer à tous les jeux et dans toutes les parties ; • s’adaptent aussi bien aux PJ qu’aux PNJ ; • permettent un large degré de renouvellement et de diversité : il est possible de panacher les aspects mis en avant  selon ses envies, par un personnage peut-être désagréable, mais fascinant et en partie mystérieux ; • sont relativement simples à maîtriser : certaines techniques sont extrêmement rapides à mettre en œuvre. Elles peuvent donc devenir des routines d’improvisation et être utilisées pour les personnages qui suscitent déjà l’intérêt des joueuses. Inconvénients :

• peuvent nécessiter du temps de préparation  : certaines de ces techniques, notamment celles impliquant de faire évoluer les personnages, peuvent demander une préparation et une attention chronophages ; • peuvent échouer : malgré les nombreuses possibilités, il existe toujours une part d’imprévu et il est tout à fait possible qu’une joueuse prenne un personnage en grippe pour des raisons difficiles à identifier. La réussite comme l’efficacité sur le long terme ne sont donc pas garanties ; • nécessitent de savoir doser : à moins de jouer dans un huis clos ou dans une partie orientée sur le drama, rendre trop de personnages attachants peut diluer les aspects les plus intéressants du scénario et en diminuer l’intérêt global.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Improviser p. 125, Incarner des PNJ p. 141, Rendre les choses personnelles p. 261, Créer des émotions particulières p. 277. Jouer des parties de jeu de rôle : Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Interpréter un personnage p. 69, Exploiter la distinction entre joueur et personnage p. 195, Faire d’un incapable un héros p. 245, Jouer des génies p. 261.

Rendre une scène de combat intéressante ** 1. Description A. Présentation

Encore aujourd’hui, les combats occupent une place centrale dans le JdR. Rares sont les séances sans le moindre affrontement, ou les livres de règles qui ne leur accordent pas une section dédiée. Cette prépondérance peut s’expliquer en partie par l’histoire de notre loisir, notamment par ses origines remontant aux wargames, mais malgré les nombreux jeux s’intéressant à d’autres aspects publiés depuis des décennies, celui-ci continue de se tailler la part du lion autour de nos tables de jeu. La situation en est même assez paradoxale. D’un côté, les combats sont omniprésents et ont bénéficié de l’attention et du savoir-faire de très multiples game designers de talent, amenant la conception de jeux remarqués pour leur façon de les gérer, comme Feng Shui ou Wushu. De l’autre, de nombreux meneurs ne savent guère par quel bout les prendre, à tel point qu’ils deviennent parfois des sources de frustration pour toute la table : ralentissement de l’action, succession inintéressante de jets de dés, descriptions pauvres ou redondantes, passage obligé particulièrement routinier, règles obscures ou trop contraignantes, stratégies inefficaces, etc. Fort heureusement, de tels extrêmes sont rares et il demeure bien entendu possible d’utiliser les scènes de combat pour ce qu’elles apportent de positif  : adrénaline, émotions, sensation de danger, défi tactique, etc. Cette fiche vous propose des pistes pour rendre ces phases plus intenses et captivantes, et vous permettre de les intégrer à la partie de façon satisfaisante. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• faire des combats des moments forts de la partie et non plus des « pauses » ou un mal nécessaire ; • impliquer davantage les PJ et les joueuses dans les scènes de combat ; • intégrer les combats comme élément à part entière de l’histoire.

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C. Variantes

Une alternative largement sous-estimée est de faire des ellipses lors des combats et d’en désigner les vainqueurs par un test unique. Si cette méthode n’est guère adaptée aux modes de jeu très techniques où l’attrition de point de vie règne en maître, tous les genres n’ont pas besoin de scènes de combat détaillées. Selon le degré de mortalité que vous vous autorisez, ce type de résolution peut être très pertinent pour faire de l’enquête légère ou du drame adolescent, mais aussi de l’horreur où il faut absolument éviter d’en découdre avec les monstres. D. Mots-clés

Cadence, descriptions, implication, improvisation (préparation), intrigues secondaires, mise en scène, monstres, personnel, PNJ, règles, tension, tests, transmission, tripes.

2. Mode d’emploi  La première partie s’attache à donner des conseils pour animer le combat en fonction du type de ce dernier, tandis que la seconde se concentre sur son rythme. A. Identifier le type de combat que vous animez

Tous les combats n’ont pas la même importance. De l’un à l’autre, les enjeux des opposants diffèrent, comme leurs objectifs et les moyens qu’ils mettent en œuvre pour triompher. Il est probable que de votre côté aussi, vous espériez que vos joueuses ne les ressentent pas tous de la même façon. Aussi est-il préférable que vous adaptiez votre manière de les animer en fonction du type de combat que vous souhaitez mettre en place. Pour l’identifier, nous vous conseillons d’utiliser les catégories imaginées par Romain d’Huissier dans son article « Animer les combats », paru dans Mener des parties de jeu de rôle (p. 173). Il en distingue quatre : • le combat récréatif, qui a pour rôle d’évacuer la tension et de valoriser les joueuses ; • le combat pédagogique, qui sert à assimiler les règles et à tester les nouvelles capacités des personnages après une progression (voir Intégrer des scènes d’augmentation p. 479) ; • le combat évaluatif, qui permet de jauger la puissance des PJ ou de leurs adversaires pour un futur affrontement ; • le combat paroxystique, où la tension est à son maximum et où les opposants jettent toutes leurs forces dans la bataille. Le tableau suivant propose des conseils d’animation pour chaque type de combat, afin d’en faire ressortir les spécificités.

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Type de combat

Conseils d’animation Mettez des PNJ qui assistent au combat pour valoriser les PJ. Opposez-leur des adversaires nombreux mais peu puissants, contre lesquels ils pourront utiliser leurs spécialités et autres bottes secrètes. Ne faites pas durer le combat plus que de raison.

Récréatif

Donnez une certaine « nervosité » au combat en enchaînant rapidement actions et réactions. Décrivez avec panache et emphase l’impact des actions des personnages sur les ennemis. Utilisez le décor pour mettre en valeur les PJ (explosions, mobilier qui se brise, lustre auquel ils peuvent se balancer, etc.). Présentez brièvement la manière dont les affrontements se déroulent. Prenez le temps d’expliquer et de réexpliquer les différents points de règles. Provoquez des situations ou des faits de jeu qui vous permettent d’illustrer les subtilités du système de combat.

Pédagogique

Laissez les joueuses faire des expériences avec les nouvelles capacités des personnages, tester différentes tactiques et éprouver la dangerosité d’un combat sans appliquer des « sanctions » drastiques si elles font une erreur. Sacrifiez les descriptions, l’interprétation et le rythme au profit de la compréhension, pour leur donner toute leur mesure lors des prochains combats.

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Si les PJ évaluent sa puissance, montrez progressivement celle de l’adversaire. Dans le cas contraire, montrez sa puissance et laissez les joueuses essayer de trouver une solution pour la surmonter. Décrivez précisément sa manière de se battre, et ses réactions aux actions des PJ. Évaluatif

Provoquez des situations où les personnages doivent utiliser leurs capacités les plus techniques ou les plus puissantes. Privilégiez les dommages qui ne mettent pas en danger la survie des PJ : réputation, stress, fatigue, etc. Surprenez les PJ avec des coups ou des capacités inattendus, notamment ceux qui mettent en échec leurs spécialités (voir Transformer les forces des PJ en faiblesses p. 726). Mettez en valeur les enjeux du combat et rappelez-les autant que nécessaire : vengeance assortie de souvenirs qui remontent, urgence d’empêcher un plan machiavélique, sauver quelque chose ou quelqu’un, etc.

Paroxystique

Installez une progression en décomposant l’action en de nombreuses étapes intermédiaires créées à l’avance pour faire monter la tension (voir Diversifier les objectifs des personnages p. 243). Par exemple, mettre d’abord ses sbires hors d’état de nuire, l’affaiblir en détruisant son armure, l’empêcher d’appuyer sur le bouton de destruction, etc. Vous pouvez vous inspirer de la fiche Structurer des combats de boss (p. 718) Multipliez les péripéties et autres retournements de situation. Rendez le combat difficile. Par exemple, demandez-vous ce que les personnages pourraient devoir sacrifier pour gagner (voir Exercer une opposition bienveillante p. 424). Modifiez le décor de façon à appuyer l’intensité de l’affrontement ou à en modifier le rythme. Laissez parler leur adversaire et décrivez avec soin ses réactions et celles du monde pour les faire douter, enrager, compatir, etc. (à ce sujet, consultez également l’article « Créer des émotions particulières » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 277).

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Dans son article, Romain D’Huissier conseille ensuite de déterminer ce qu’il appelle les objectifs et fonctions narratives du combat pour savoir ce que l’on cherche à obtenir en l’animant, tant pour les personnages que pour les joueuses. Toutefois, pour pouvoir vous donner des conseils plus précis dans le cadre de cette fiche, nous allons ici nous limiter à trois modes. Il vous est bien entendu possible de combiner certains aspects ou de basculer de l’un à l’autre durant un combat si vous le souhaitez. Ces modes sont : • le mode narratif, où l’on cherche surtout à faire avancer l’histoire, en dévoilant ou en introduisant de nouveaux éléments d’intrigue ; • le mode dramatique, où la priorité est donnée au développement des personnages ; • le mode immersif, qui vise principalement à susciter des émotions et des réactions assez viscérales chez les joueuses. Comme pour les types de combat, le tableau suivant propose des conseils d’animation pour chaque mode, afin d’en faire ressortir les spécificités. Croiser ces derniers avec ceux du tableau précédent vous permet d’avoir une idée très claire de ce sur quoi mettre l’accent, et vous donne éventuellement la possibilité de réévaluer la pertinence d’un combat pour le modifier ou le décaler dans le temps s’il vous semble inadapté à ce moment-là.

Mode

Conseils d’animation Intégrez des dialogues pour introduire des révélations ou de nouvelles pistes. Surprenez les joueuses afin d’aiguiser leur curiosité et de mettre à mal leur vision du monde : un PNJ agit étrangement, un objet ne devrait pas se trouver là, quelqu’un intervient temporairement, leurs pouvoirs ne fonctionnent pas, etc.

Narratif

Si le combat est divisé en plusieurs phases, séparez les PJ durant certaines d’entre elles pour créer de la tension et pour vous assurer que toutes les informations ne soient pas réparties uniformément entre les joueuses (voir Donner des informations à une seule joueuse p. 411). Intégrez des indices flottants (p. 309), ou des éléments apparus dans les scènes précédentes qui prendront toute leur signification durant le combat. Par exemple, le style martial de l’adversaire peut trahir certains méfaits dans lesquels il était impliqué, ou les phrases échangées prouvent qu’un allié a menti aux PJ.

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Caractérisez les combattants et donnez-leur un style marqué (celui qui se sacrifie, qui se bat avec une arme atypique, qui évite les coups, qui les encaisse sans sourciller, qui a été formé dans les meilleures écoles pour jeunes nobles, qui a grandi dans la rue, etc.). Portez une attention particulière aux descriptions concernant la manière dont ils se battent, et leurs réactions aux actions des PJ. Posez des questions aux joueuses pour les pousser à décrire la façon dont se battent les PJ. Dramatique

Provoquez des situations qui fassent ressortir les traits de caractère des personnages ou de leurs adversaires. Faites surgir le passé des PJ, leurs relations ou leurs intrigues en cours. Peu importe que ceux-ci soient positifs (entraide, passé commun, loyauté, etc.) ou négatifs (conflits, échecs cuisants, souvenirs douloureux, etc.). Proposez aux joueuses des choix liés aux valeurs de leurs personnages ou aux objets de leur affection (voir Montrer le chemin parcouru p. 511). Amenez-les à choisir entre leur sécurité et celle de leurs camarades. Privez les PJ de leurs points forts pour les pousser à se révéler : le mage n’a plus de magie, le guerrier d’épée, etc. (voir Transformer les forces des PJ en faiblesses p. 726 et Faire des cadeaux empoisonnés p. 266). Mettez une musique adaptée (voir Intégrer des génériques et des thèmes musicaux p. 619 et l’article « Jouer en musique » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 297). Privilégiez le rythme et les descriptions plus que les valeurs chiffrées, sauf si celles-ci sont exceptionnelles (voir Décrire plutôt que nommer p. 406). Donnez de l’importance au décor, afin qu’il soit dynamique et corresponde au ton de la scène : duel dans un château en train de s’effondrer, volcan sur le bord de l’éruption, au sommet d’une montagne, au milieu d’une gigantesque plaine, à dos de dragon qui fonce à des dizaines de kilomètres-heure, etc.

Immersif

Provoquez des situations spectaculaires ou intenses que les personnages n’ont que rarement l’intention de faire dans d’autres affrontements : prendre une flèche pour sauver un camarade ou lui permettre d’incanter, combattre avec un bébé dans les bras, dans un wagonnet de mine dévalant un rail à toute allure ou dans l’habitacle d’un hélicoptère en perdition, etc. Privilégiez les adversaires démesurés ou atypiques, et insistez sur les descriptions pour rappeler aux PJ qu’ils mènent un combat extraordinaire, au sens littéral. Les joueuses doivent avoir l’impression que leurs PJ vivent un moment exceptionnel. Surjouez les impacts des coups et les effets pyrotechniques des pouvoirs et sortilèges. 353

Enfin, peu importe le type d’affrontement, il est crucial que les combats se distinguent aussi par leurs enjeux techniques et tactiques : une horde déchaînée avec qui le dialogue est impossible, un seul ennemi puissant et fin tacticien, mais respectant un certain code d’honneur, une créature que seule une arme spécifique peut blesser, un ennemi dont il est impossible de s’approcher, etc. Cette diversité est un bon moyen d’apporter une forme d’incertitude nécessaire au renouvellement de l’intérêt des joueuses. Celle-ci peut venir du fait de ne pas pouvoir anticiper un combat, de la méconnaissance de l’adversaire, de son talent tactique (la préparation et l’affrontement lui-même seront alors très différents), de l’évolution de ce dernier au fur et à mesure du temps, etc. De surcroît, il est recommandé d’utiliser le décor, soit pour que les personnages passent d’un environnement à un autre (par exemple d’un chantier de construction à un port puis à un bateau), soit pour le faire évoluer de façon substantielle (un appareil de chantier devient fou et risque non seulement de heurter les personnages, mais provoque aussi l’effondrement d’une partie de la structure). N’hésitez pas à pousser les joueuses à s’en emparer et, pour cela, veillez à fréquemment intégrer des éléments de décor aux descriptions. Là aussi, pour plus de détails, consultez l’article « Animer les combats » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 183. Enfin, gardez à l’esprit que si nous avons en général une vision très statique de ce qu’est une scène de combat dans une séance de JdR, vous pouvez apporter des variations. Ainsi, un affrontement peut très facilement intégrer d’autres phases, que ce soit par des techniques de montage alterné (voir Mettre une scène en valeur [zoomer, cadrer, monter] p.  497) ou plus directement  : course-poursuite, d’escalade, équitation, etc. Le film Les Aventuriers de l’arche perdue comprend une scène mémorable où Indiana Jones se lance à la poursuite d’un convoi nazi à cheval, et finit par voler le camion contenant l’Arche d’alliance. Tout ce passage alterne des défis très variés pour le personnage, et chacun donne lieu à sa propre mini-scène. Entre autres choses, Indiana prend le contrôle du camion à coups de poing, doit éviter mille dangers sur la route, dont les autres véhicules du convoi, se retrouve à défendre son volant contre les nazis qui veulent le lui reprendre, se bat à l’intérieur de la cabine, s’en retrouve expulsé, doit remonter sur le camion et en regagner le contrôle, etc. D’un point de vue cinématographique, cette scène ressemble à une course-poursuite, mais si elle avait été jouée autour d’une table de JdR, elle aurait à n’en point douter pris la forme d’un combat. Peu importe la classification, ce qui est intéressant ici c’est que les phases et les objectifs sont multiples, mais aussi que les rôles d’attaquant et de défenseur sont constamment inversés, à tel point que l’affrontement est tellement dynamique que l’on ne sait guère plus quel nom lui donner. Rien ne vous empêche de faire de même. B. Gérer le rythme du combat

Ces questions sur la façon dont un affrontement évolue amènent inévitablement à aborder les problématiques liées à la gestion de son rythme. En effet, un combat est une scène comme les autres et, à ce titre, il comprend des temps forts et faibles, dont notamment un début, un développement et une fin. En d’autres termes, il peut 354

monter progressivement en tension ou commencer sur les chapeaux de roue, et est lui aussi doté d’une structure narrative, que ce soit une démarche volontaire de la part du meneur ou pas. Par conséquent, il est donc possible d’appliquer des techniques que l’on aurait d’habitude tendance à réserver à d’autres phases de jeu, comme l’inversion de charge, la préparation de matériel pour faciliter ses futures improvisations, le changement de configuration à chaque tour, l’augmentation des enjeux et une bonne façon de clôturer. a) Inverser la charge émotionnelle

Pour la résumer rapidement, l’inversion de la charge émotionnelle consiste à faire en sorte qu’une scène que les joueuses ressentent comme positive au début finisse mal et inversement (voir Inverser la charge d’un conflit p. 492) 1. Dans un combat aussi, que celui démarre directement par des coups ou par un échange verbal à la SoulCalibur, il vaut sans doute mieux commencer par marquer la charge de façon positive ou négative. Ce n’est pas compliqué, et il suffira de donner l’impression que l’adversaire a un avantage ou un désavantage tactique (terrain, nombre, compétence, carrure, matériel, etc.) afin de provoquer presque instantanément ce ressenti. Plus cet avantage ou ce désavantage est marqué, plus il est facile de créer de la surprise, des retournements de situation et de dynamiser le combat. Selon le genre et ce le type de combat, on aura souvent tendance à privilégier un affrontement où la charge passe de négative à positive. Cela n’a bien sûr rien d’obligatoire et d’autres options peuvent être tout aussi intéressantes, par exemple pour montrer la puissance d’un adversaire que l’on retrouvera plus tard ou pour faire comprendre qu’il est nécessaire de se replier pour l’instant. Toutefois, le réel intérêt de cette technique est surtout de l’utiliser pour transformer votre scène en plusieurs séquences plus petites. En effet, alterner les charges vous permettra de ne pas trop vous emmêler les pinceaux entre ces différentes phases et de conserver une trajectoire que vous puissiez gérer. Dans la «  course-poursuite  » que nous évoquions un peu plus haut dans Les Aventuriers de l’arche perdue, la scène est divisée en plusieurs « battements » qui alternent en permanence entre les moments où Indiana Jones prend le dessus, et ceux où il est malmené. Le seul moment où deux charges négatives se suivent est celui où il est propulsé à travers le pare-brise, puis doit passer du capot à sous le camion. Cette succession a pour objectif de donner la sensation que tout est perdu avant d’enchaîner avec le dernier « acte » de la scène, où la charge alternera encore une fois, mais de façon décisive cette fois. Passer d’une charge négative à une charge positive est sans doute ce qu’il y a de plus simple  : il vous suffit de vous servir de ce que les joueuses proposent ou évoquent et de les laisser triompher : bonnes idées, tests réussis, attaques dévastatrices, tirades qui déstabilisent leurs adversaires, utilisations du décor, etc. À l’opposé, pour donner 1. Il est également possible d’enchaîner deux scènes avec des charges de même valeur, mais cela devrait rester exceptionnel et indique surtout une progression dans les ennuis ou le bonheur.

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une charge négative à un affrontement dont les personnages sortent vainqueurs, vous pouvez privilégier une des approches suivantes  : demander un sacrifice, exiger un lourd tribut qui donne à cette réussite un goût amer (victoire à la Pyrrhus), intégrer un rebondissement ironique (les PJ ont gagné, mais les vaincus étaient en réalité leurs alliés), en faire une victoire ponctuelle qui risque d’avoir des conséquences négatives à plus grande échelle (diversion), etc. Ces dernières astuces peuvent toutefois donner l’impression aux joueuses que vous les privez arbitrairement d’une victoire méritée. Il vaut donc mieux les utiliser avec parcimonie et rester vigilant à la charge de l’avantdernier battement. En effet, si celle-ci est la même que celle sur laquelle vous aviez prévu de finir le combat, il vaut sans doute mieux le prolonger d’un battement afin qu’elle puisse encore alterner deux fois, et donc finir comme vous le souhaitiez. b) Préparer du matériel facilitant l’improvisation

Ensuite, afin de gérer le déroulement d’une scène de combat, il peut être utile d’avoir préparé quelques outils destinés à faciliter vos improvisations. Idéalement, ceux-ci devraient faire partie de votre kit de survie de MJ (p. 136), mais si vous n’en avez pas vous pouvez soit profiter de l’occasion pour en commencer un, soit vous contenter d’un ou deux outils isolés. En voici une liste non exhaustive : • un résumé des règles, si vous ne l’avez pas déjà sur votre écran ; • une liste de péripéties et d’intervenants possibles (à ce sujet, consultez également l’article « Se renouveler » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 163) ; • une liste d’idées pour utiliser l’environnement, avec les enjeux et l’évolution que cela implique ; • une liste des informations qui peuvent être dévoilées, et la manière dont elles le seront ; • une liste comprenant des éléments de description, qu’ils concernent le décor, les PNJ, etc. ; • une liste des sujets qui peuvent être abordés lors d’une joute verbale, avec quelques arguments et phrases-choc déjà préparées ; • une liste des conséquences potentielles d’un échec qui ne soient pas des dégâts ou la perte de points de vie (voir Transformer l’échec en autre chemin p. 558) ; • une liste de complications et de péripéties, qui pourront devenir des phases de jeu à part entière ; • des moyens, au contraire, de créer des temps morts, c’est-à-dire des lieux ou des situations où les PJ peuvent se cacher pour discuter, se reposer, attraper ou déposer un objet, mettre un PNJ à l’abri, etc. • envisager les différentes manières dont peut se terminer l’affrontement, ainsi que ses suites et ses conséquences (voir Interrompre un combat p. 487). Comme évoqué, il ne s’agit évidemment pas de cumuler tous ces outils, mais bien d’en choisir quelques-uns qui soient adaptés au style et au mode de votre 356

combat. De plus, à moins que vous ne cherchiez justement à retranscrire un affrontement particulièrement confus et horrible (Omaha Beach, Verdun, etc.), il vaut mieux que celui-ci soit clair, à la fois pour vous et pour vos joueuses. Aussi ne vous encombrez pas de ce dont vous n’avez pas besoin, et ne complexifiez les combats que quand vous êtes sûr qu’elles n’auront aucun problème à comprendre les enjeux. c) Faire changer la configuration du combat à chaque tour

Il arrive assez régulièrement qu’un combat s’enlise et se transforme en une succession de jets de dés n’apportant plus rien à la partie. Si certains jeux induisent davantage ce travers par leurs règles, ce problème est loin de ne concerner que ces derniers. Ainsi, afin de maintenir l’implication des joueuses, il est nécessaire que le combat change en permanence (ou presque) de configuration. Que ce soit par l’inversion de la charge, la modification substantielle du décor ou tout autre moyen, il est presque toujours important de faire en sorte que l’affrontement reste dynamique et vivant. Les outils mentionnés dans la section précédente peuvent être un bon moyen de densifier quelque peu le résultat d’un jet lorsque vous manquez d’inspiration  : arrivée d’un PNJ, changement de l’environnement, prise de conscience d’un détail, réplique de l’adversaire, etc. Chaque tour ou presque, quand vous en avez l’occasion, par exemple lorsque vous décrivez les résultats des actions des personnages ou de celles des PNJ, introduisez un changement important. Autre méthode très efficace pour modifier la configuration du combat régulièrement, vous pouvez proposer des choix difficiles (p. 452). Par exemple, vous pouvez décider qu’à la fin d’une passe d’armes, au lieu d’infliger des dégâts, l’adversaire a placé la pointe de sa rapière sur la gorge d’un PNJ auquel tiennent les personnages. Ces derniers sont alors obligés de s’arrêter de se battre, faute de quoi ils vont provoquer la mort de leur compagnon. Cela ne veut pas dire que l’affrontement ne se transformera pas en négociation ou qu’ils n’essaieront pas de prendre leur adversaire de vitesse, mais les enjeux changeront immédiatement, ne serait-ce que parce que la mort de leur camarade en ferait probablement un combat sans pitié. De la même façon, dans un jeu contemporain où les personnages se battent contre un adversaire bien plus fort qu’eux au somment d’une grue, l’un d’entre eux peut avoir la possibilité de l’activer. Il rendra les choses bien plus compliquées pour leur ennemi, mais risque aussi de faire chuter certains membres du groupe. Les autres joueuses risquent également de devoir arbitrer entre ces deux options : mettre toutes les chances de leur côté de prendre le dessus, et risquer de tomber. Bref, le combat n’est plus une simple succession de jets de dés, il devient ce qu’il aurait sans doute dû toujours être, au moins pour certains types : une succession de choix intéressants et d’effets. Pour les joueuses, l’incertitude et l’impératif d’action, c’est-à-dire le fait d’hésiter et de devoir prendre des décisions (et donc d’éprouver la peur de se tromper), contribuent largement au sentiment de vivre un combat intéressant.

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d) L’escalade : augmenter les enjeux

L’escalade est une autre technique pertinente pour rythmer le déroulement d’un combat et créer des phases au sein de celui-ci (voir Diversifier les objectifs des personnages p.  243). Elle consiste principalement à en augmenter les enjeux, souvent en changeant la nature même de l’opposition entre les PJ et leurs adversaires. Par exemple, alors qu’ils sont en train de discuter de façon assez intense, ils en viennent à sortir leurs armes, et à échanger quelques tirs mais peu appuyés. Toutefois, un des PJ est pris en otage et l’affrontement redevient une discussion, mais là où il était peu probable que le conflit aille au-delà de quelques blessures auparavant, c’est maintenant la vie d’un PJ qui est en jeu. Il ne sera sans doute plus possible de revenir en arrière. Cette technique n’est guère difficile à utiliser. Vous pouvez vous mettre le pied à l’étrier en faisant la liste des conséquences potentielles d’un échec dans ce contexte, qui ne consistent pas à perdre des points de vie (être humilié devant quelqu’un d’important, un être cher, devoir dormir dehors, etc.) De même, vous pouvez recenser les compétences sous-exploitées en jeu et tenter de justifier leur utilisation pour vous inspirer. Ainsi, dans notre exemple précédent où les personnages combattaient sur une grue, la compétence Équilibre peut devenir un atout majeur. e) Savoir terminer un combat

Comme pour tout autre type de scène, il est important de savoir quand clôturer un combat. Généralement, il est préférable de le terminer une fois que les objectifs qui correspondent à son type et à son mode son atteints. Par exemple, si votre motivation est principalement de permettre aux joueuses de comprendre la vraie puissance de leur adversaire avant un autre affrontement plus sérieux (combat de type évaluatif ), cela ne sert à rien de prolonger la scène au-delà de cette prise de conscience. Il est alors sans doute préférable soit de faire une ellipse soit, plus probablement, de trouver une astuce pour interrompre le combat. Idéalement, cela signifie que s’il s’agit d’un affrontement préparé, vous avez prévu les quelques issues possibles et les conditions de leur mise en application. Cela ne veut pas dire que vous décidez à l’avance, mais que vous « programmez » quelques éventualités afin d’être sûr d’avoir du répondant. Par exemple, vous avez planifié que l’affrontement entre les brigands et les personnages pourra se terminer des façons suivantes : • défaite et capture des PJ ; • fuite des PNJ si leur chef est mis hors de combat ou s’ils perdent plus de la moitié de leurs membres ; • reddition immédiate s’il devient évident qu’un des PJ est sorcier ou elfe ; • discussions et proposition d’alliance potentielle si les PJ mentionnent leur région d’origine ou leur volonté de tuer le monstre qui rôde dans les environs ; • arrivée de la milice si le combat s’enlise.

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Dans le cas où il s’agirait d’un affrontement moins planifié, ou si les événements vous ont échappé, le mieux est alors sans doute d’intégrer un élément perturbateur tel que ceux décrits dans la fiche Interrompre un combat p. 487. Toutefois, comme il s’agit d’un combat de JdR, il est sans doute pertinent de s’attarder un peu sur le fait que tout affrontement n’implique pas forcément la mort d’une partie des combattants. Si la plupart des meneurs semblent toujours s’accorder sur ce point, rares sont les campagnes où il ne s’agit pas de l’issue par défaut de presque tous les combats. Vous pouvez bien sûr décider que cette façon de faire vous convient, mais il nous paraît extrêmement important de ne pas en être tributaire. Si cette logique peut se justifier à l’occasion, rompre avec ce côté systématique devrait avoir un impact insoupçonné à votre table. Plutôt que la mort des participants, la fin du combat peut notamment prendre une des formes suivantes : • la fuite suite à un taux de perte trop élevé dans un des groupes, la mort d’un leader, l’arrivée de renforts, etc. ; • le dialogue ou les événements ne rendent plus le combat nécessaire. Par exemple, les opposants s’aperçoivent qu’ils ont été manipulés ou ont un adversaire commun ; • la reddition d’un des camps. Cette option est traditionnellement très peu utilisée en JdR. Néanmoins, nous vous encourageons à la valoriser tant elle change le ressenti des joueuses dans une campagne ; • la réussite de l’objectif qui a provoqué le combat, comme la prise d’un point stratégique, la capture de quelqu’un ou d’un objet, la réalisation d’un haut fait, etc. ; • une évolution significative de l’environnement, comme la chute des boucliers qui protègent un vaisseau en orbite, une brèche dans les murailles, l’ouverture des portes de la ville, etc.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• enrichissent les scènes de combat en diversifiant les éléments qui les composent ; • sont un bon moyen de rendre chaque combat unique, ou presque ; • peuvent réconcilier les joueuses avec les scènes de combat ; • permettent de comprendre que les affrontements ne sont pas uniquement des pauses au milieu d’une histoire, mais également des scènes aussi nobles que les autres, qui transmettent des émotions et la font avancer. Inconvénients :

• ne sont qu’une petite partie de ce qu’il est possible de faire ; • ne prennent pas en compte le fait que vos attentes et celles des joueuses peuvent être différentes sur un combat donné ; • nécessitent de l’entraînement pour pouvoir être appliquées sur la durée.

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4. Exemple Dans une campagne au long cours, les PJ, des mousquetaires, affrontent une guilde d’assassins dans un combat paroxystique. Celle-ci est menée par deux PNJ charismatiques, dont une s’avère être la sœur d’un personnage. Le meneur décide de découper l’affrontement en étapes pour lui donner plus de rythme et alterner plusieurs fois la charge émotionnelle durant ces dernières. Voici le déroulement prévu du combat : • la première étape consiste en une poursuite de toit en toit. Cette partie du combat impliquera de nombreux déplacements et des contraintes liées à l’environnement. Les personnages ne sont confrontés qu’à de nombreux seconds couteaux, mais pas aux meneurs de la guilde. À la fin de cette séquence, un toit s’écroule et PNJ comme PJ se retrouvent dans une usine remplie de mécanismes gigantesques ; • la seconde étape prend place dans la fabrique et les personnages, comme leurs ennemis, doivent continuer à se battre tout en composant avec des machineries en mouvement et de nombreux événements perturbateurs : jets de vapeur brûlante, roues dentées prêtes à les broyer, poids qui basculent et descendent, balanciers surgis de nulle part, etc. Les deux leaders de la guilde font leur apparition et ils peuvent parler avec les personnages en criant, même s’ils ne sont jamais assez proches pour se battre avec eux. Ils essayent de mettre en doute le bien-fondé de leur allégeance, leur rappellent leurs contradictions (surtout la sœur) ; • la troisième étape commence lorsque les PJ réussissent à rejoindre les leaders de la guilde. L’autre meneur déclenche un assaut impressionnant avant d’être abattu froidement par la sœur. Celle-ci dit qu’elle expliquera tout, mais qu’il faut se dépêcher de partir, alors qu’un de ses anciens lieutenants se met à hurler des ordres et à rallier les membres de la guilde. Les personnages deviennent désormais les fuyards et doivent protéger celle qu’ils poursuivaient jusqu’à présent. Le combat prendra fin dès que les PJ auront quitté les lieux. Il y a fort à parier que la séance aussi.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Décrire p. 109, Improviser p. 125, Incarner des PNJ p. 141, Animer les combats p. 173, Commencer p. 225, Rendre les choses personnelles p. 261, Créer des émotions particulières p. 277, Jouer en musique p. 297. Jouer des parties de jeu de rôle : Interpréter un personnage p. 69, Aider son personnage à gagner : le b.a.-ba de l’exploration de donjons p. 93, Garder la balle en l’air p. 113, Coopérer et Rivaliser p. 149, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179, Faire d’un incapable un héros p. 245.

S’inspirer d’un thème *

1. Description A. Présentation

Que ce soit volontaire ou pas, même en pratiquant un jeu qui n’a aucune prétention narrative spécifique, une histoire finira toujours par se développer au sein de votre campagne. Inéluctablement, certains événements en rappelleront d’autres, des décisions seront prises pour préserver une certaine cohérence ou grâce à cette dernière, et un thème finira probablement par se dégager. Il existe de très nombreuses définitions de cette notion. Certains considèrent qu’il s’agit de ce dont votre histoire parle réellement, d’autres de ce qui rend sa portée universelle et qui expliquerait que, même si on transposait la même campagne dans un autre monde, son sens resterait pour ainsi dire le même. Ailleurs dans ce recueil, nous l’évoquons comme l’angle que vous choisissez pour aborder un jeu ou comme la ligne directrice de votre campagne. Définir avec trop de précision ce qu’est ou n’est pas un thème est sans doute une démarche bien trop abstraite pour ce recueil. L’essentiel à retenir pour cette fiche est que vous pouvez choisir de ne pas vous contenter de le laisser émerger, mais au contraire de le prendre à bras le corps et de le développer pour améliorer la cohérence et la portée émotionnelle de vos campagnes. Vous pouvez même l’utiliser comme base pour la créer. La méthode proposée ici donne des pistes pour en exploiter tout le potentiel. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• maintenir une cohérence et une certaine atmosphère tout au long de la campagne ; • générer rapidement des situations, PNJ ou autres composantes de la partie sans pour autant sacrifier cette cohérence ; • proposer des phases de jeu qui amènent les joueuses à se poser des questions ou à faire évoluer la façon dont elles jouent leurs personnages.

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C. Variantes

Dans cette fiche, le thème est surtout utilisé comme une source d’inspiration garantissant une certaine cohérence et un impact émotionnel. On peut donc trouver des alternatives dans les techniques octroyant les mêmes qualités à une campagne, comme la création de groupe (p. 33) ou l’utilisation ou la création d’arcs de personnages collectifs (p. 213). On peut également favoriser cette cohérence en évitant de multiplier les scénarios issus de sources différentes, par exemple en écrivant tout soi même ou en se restreignant à ceux conçus pour un jeu spécifique ou par un auteur unique. Cette dernière solution n’est pas aussi souple en termes d’improvisation que la méthode décrite ici, mais elle a le mérite d’être simple. Une autre approche convaincante, mais avec la même limite, est de construire votre campagne à partir des techniques décrites dans la fiche Choisir une structure narrative (p. 179). D. Mots-clés

Descriptions, improvisation (préparation), intrigues secondaires, opposition, PNJ.

2. Mode d’emploi  Contrairement à ce que l’on peut penser de prime abord, le thème n’est pas toujours le point de départ d’une campagne. Il peut très bien émerger après quelques séances, par exemple parce que les joueuses ou le meneur veulent rebondir dans une direction donnée. De la même façon, il peut s’imposer à ce dernier, découler du jeu ou être le fruit d’une profonde réflexion. La méthode suivante pourra vous paraître un peu scolaire, mais elle permet presque à coup sûr de développer un thème et d’en tirer parti dans votre campagne. A. Formulez le thème

Il existe de nombreuses façons d’énoncer un thème. Selon les cas, il peut par exemple prendre la forme d’un concept abstrait, tel que « la rédemption » ou « la liberté », ou d’objectif, comme « survivre quoi qu’il en coûte » ou « regagner la Terre ». Toutefois, notamment pour des questions de dynamisme, nous vous encourageons à l’exprimer comme une problématique mettant en jeu deux valeurs. En d’autres termes, choisissez deux notions ou concepts abstraits et articulez-les dans une question. Vous obtiendrez ainsi ce type de formulations : • peut-on prendre le pouvoir sans perdre son intégrité ? • l’amour prive-t-il de liberté ? • la vengeance est-elle une forme de justice ? • faut-il trahir pour évoluer ? • peut-on diriger après s’être rebellé ? Nul doute que ces questions peuvent paraître abstraites, voire passer pour de la philosophie de bas étage. Pourtant, elles permettent d’une part de faire émerger une

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ligne directrice en créant les prémisses d’une tension narrative et, d’autre part, de se laisser une marge de manœuvre suffisante pour servir de sources d’inspiration et générer de la matière. Afin que ces questions puissent pleinement remplir ce rôle, il est important de s’assurer que ce thème : • n’ait pas une réponse évidente, qui s’imposerait à tous et dans toutes les situations ; • vous inspire immédiatement des idées de scènes ou de situations ; • puisse générer de la tension, des interrogations et des choix difficiles (p. 452) pour les personnages ; • puisse être traité sans devenir une leçon de morale ou une façon d’imposer une opinion. En effet, c’est à l’ensemble de la table de répondre à la question posée par le thème pendant la partie, ou a minima d’explorer différentes pistes. B. Combinez les éléments du thème

Pour que ce thème puisse être développé sur l’ensemble de votre campagne, il est nécessaire de trouver de multiples façons de le retranscrire en jeu. Ainsi, s’il oppose justice et vengeance, il sera intéressant de proposer des cas où cette dernière est le seul moyen de se faire justice, voire où il faut réussir à légitimer des représailles aux yeux de l’institution judiciaire, mais aussi d’autres où une vendetta dérapera jusqu’à la folie sanguinaire, sans plus aucun lien avec les torts initialement causés, et ainsi de suite. Plus vous présenterez de points de vue différents et des situations où les principes des personnages, mais aussi sans doute ceux des joueuses, sont confrontés à une réalité bien trop complexe pour eux, plus ils seront amenés à remettre en question ce qui semblait clair précédemment, et plus votre campagne sera riche. Pour multiplier ces situations et ces points de vue, le plus simple est sans doute de réfléchir aux imbrications que peuvent donner les deux concepts du thème lorsqu’ils sont articulés par différentes conjonctions ou prépositions. Reprenons l’exemple suivant : « peut-on prendre le pouvoir sans perdre son intégrité ? ». Imaginons une campagne qui se déroule essentiellement en trois parties sommaires : d’abord les personnages participent à un mouvement de résistance pour faire tomber un seigneur corrompu, ensuite ils luttent pour prendre activement le pouvoir face à ses remplaçants potentiels (cela nécessite plus de compromis que prévu), et enfin, après l’obtention de celui-ci, ils doivent composer avec les réalités politiques pour le conserver. Dans le cadre de cette campagne, voici quelques combinaisons autour des valeurs portées par le thème, suivies d’exemples de phases de jeu ou de situations que celles-ci peuvent évoquer : • le pouvoir sans intégrité  : au départ de la campagne, les personnages sont confrontés à des exactions commises par les hommes de main de leur seigneur qui abusent de leur autorité. Plus tard, ils peuvent être tentés par de petites compromissions faciles, des crimes sans victimes leur permettant de faciliter la vie de leurs proches, mais qui les font progressivement mettre le doigt dans l’engrenage de la corruption ; 363

• l’intégrité sans le pouvoir  : face à une situation où les personnages n’ont aucune légitimité (abus des hommes du seigneur, danger extérieur, etc.), ils doivent gérer une situation avant qu’elle ne dégénère, mais le fait de ne pas avoir de position officielle crée de nombreuses contraintes avec lesquelles il faut composer : manque de moyens, de bras, reproches, etc. Ils peuvent également être utilisés par les candidats potentiels à la succession du seigneur pour s’attirer la sympathie de la population, mais sans être écoutés ou perçus autrement que comme de simples étendards ; • gagner du pouvoir grâce à son intégrité : lors des premières séances, les personnages peuvent être récompensés pour leur droiture, que ce soit par les hommes du seigneur, par la population, par la résistance, etc. Cette combinaison est sans doute une des plus simples à retranscrire en jeu ; • gagner du pouvoir malgré son intégrité : les personnages peuvent refuser de vouloir se compromettre pour obtenir le pouvoir, par exemple lors de la succession après la chute du seigneur, mais être néanmoins choisis par un roi ou un conspirateur influent qui pense qu’ils ne seront pas à la hauteur et compte tirer parti de leur échec ; • gagner de l’intégrité grâce au pouvoir : en atteignant une position importante, par exemple au sein de la résistance, les personnages peuvent mieux comprendre les problématiques auxquelles sont confrontés d’autres groupes avec lesquels ils avaient des différends. Ils s’apercevront alors qu’une partie de ce qui les opposait était en fait injuste ; • choisir qui gagne le pouvoir en fonction de son intégrité  : les personnages doivent choisir entre privilégier un allié efficace mais potentiellement déloyal, et un autre, moins compétent, qui ne les trahira jamais. Plus tard, ils doivent prendre une décision similaire : privilégieront-ils un ami loyal qui a fait une erreur, ou un de leurs vicieux adversaires qui n’a jamais commis la moindre faute ? • le pouvoir fait s’opposer deux types d’intégrités : les personnages ont aidé un PNJ à prendre le pouvoir, quelle que soit l’étendue de ce dernier. Mais, après quelque temps, ils s’aperçoivent qu’ils n’ont sans doute pas fait le bon choix. Ils peuvent décider de rester loyaux et d’aider le PNJ à s’améliorer, ou estimer qu’ils sont responsables de leur erreur et se retourner contre celui qu’ils ont soutenu ; • le pouvoir et l’intégrité : les personnages sont confrontés à un ensemble de situations où leur capacité à rendre la justice de façon impartiale et à ne pas céder à la facilité leur apporte des avantages. Ces derniers peuvent être très concrets ou plus abstraits, comme le respect de leurs pairs ; • l’intégrité contre le pouvoir : que ce soit au sein de la résistance ou après avoir conquis le pouvoir, les personnages sont confrontés à un groupe encore plus exalté qu’eux qui n’accepte aucun compromis, quitte à se retourner contre les siens si nécessaire. Si son assistance est utile au début, il est rapidement difficile à gérer et met en avant les petits arrangements des personnages en n’hésitant pas à appuyer là où cela fait mal ; • le pouvoir contre l’intégrité : exactement comme ils ont subi les exactions des hommes du seigneur, les personnages peuvent avoir la tentation d’utiliser des moyens peu recommandables pour atteindre leurs objectifs, quitte à s’attaquer à des PNJ qui

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n’ont rien à se reprocher. Ils peuvent prendre cette décision de façon consciente, ou se reposer sur des individus moins scrupuleux qu’eux ; • le pouvoir use l’intégrité 1 : alors que les personnages ont pris le pouvoir et essayent de le conserver, ils se retrouvent régulièrement face à des dilemmes éthiques où ils doivent choisir le moindre mal, sans qu’aucune bonne solution ne soit envisageable. Ils peuvent également être limités dans leurs actions par leurs propres principes moraux, et donc risquer de se faire évincer par des rivaux moins intègres. Cet exemple ne présente qu’une situation ou deux pour chaque combinaison des valeurs principales, et certaines phases de jeu ont tendance à se succéder chronologiquement. Naturellement, vous ne devriez pas suivre de telles contraintes pour votre propre campagne. Néanmoins, ces dernières ont le mérite de plus facilement montrer la diversité des situations qu’il est possible d’obtenir grâce à quelques permutations simples. Aussi, ne vous préoccupez pas de savoir si l’une d’entre elles ne correspondrait pas mieux à une autre combinaison  : cet exercice n’est là que pour vous aider à avoir des idées thématiquement compatibles, et le reste importe peu. Il vous permet de présenter des événements variés, sous différents angles, et de proposer une expérience à la fois cohérente et diversifiée aux joueuses. Cet exercice constitue un bon moyen de se renouveler tout en prenant de la distance avec le propos. De plus, vous pouvez également vous inspirer de toutes les fictions aux thématiques proches (House of Cards, La Chute, Le Parrain, Macbeth ou même Robin des bois dans le cas de notre exemple). Une fois que vous avez obtenu une série satisfaisante de situations, essayez dans la mesure du possible d’y associer la réponse émotionnelle que vous souhaitez provoquer chez les joueuses. Celle-ci n’a bien sûr rien d’obligatoire, mais tenter de l’anticiper vous permettra de générer plus facilement du contenu et d’avoir une vision assez claire de l’animation des phases en question. Ainsi, si le thème «  peut-on prendre le pouvoir sans perdre son intégrité  ?  » peut sans surprise aboutir à des développements liés à des dilemmes éthiques ou à des émotions comme l’indignation, la colère ou la révolte, il peut tout autant susciter des scènes mélodramatiques. Il vous suffit par exemple d’utiliser des PNJ pour rendre plus personnels les différents choix politiques (trahir son ancien allié pour le bien de tous ? Choisir un mariage de raison quitte à pousser son amour de jeunesse dans les bras d’une autre ? etc.). Enfin, utiliser le thème comme grille de lecture permet également de mieux prévoir les moments où la campagne risque de s’essouffler parce que vous avez déjà abondamment traité certaines problématiques, et qu’il ne fait pas grand sens d’y revenir. 1. Cette combinaison peut signifier que vous avez décidé qu’il était impossible pour les personnages de réussir à concilier pouvoir et intégrité, ou que ce n’est qu’une phase parmi d’autres. Dans tous les cas, elle nécessitera votre vigilance pour éviter de décourager les joueuses, notamment en leur donnant l’impression qu’il n’existe aucune échappatoire et que tous leurs efforts précédents ont été vains.

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C. Distillez le thème

Pour continuer à développer le thème, il est important de ne pas se contenter de le faire ressortir uniquement grâce aux situations proposées ou à l’intrigue. Au contraire, il est judicieux de le retranscrire, certes avec plus ou moins de subtilité, au niveau des différentes composantes du jeu. Cette étape est d’autant plus importante que vous animez une partie avec des éléments d’origines diverses (narration partagée, improvisation, tables aléatoires, scénarios pour différents jeux assemblés en une campagne unique, certains bacs à sable, etc.) qui bénéficieront donc davantage du supplément de cohérence apporté par cette technique. Quoi qu’il en soit, comme pour le point précédent, veillez à intégrer des éléments qui illustrent des angles d’approche ou des positionnements différents par rapport aux valeurs principales du thème, ou qui aident à provoquer les émotions que vous cherchez à déclencher. Si on reprend notre exemple, cela signifie, entres autres : • des factions. On pourrait par exemple imaginer plusieurs groupes d’opposants au seigneur, mais ayant des intérêts antagonistes si les PJ ne réussissent pas à les réunir (villageois, fermiers, bandits, etc.), mais aussi une faction composée de ses gardes et autres hommes de main (dont certains peuvent être des villageois honnêtes, alors que d’autres essaieront de profiter de leur situation), une bande de mercenaires sans foi ni loi, quelques chevaliers plaçant leur honneur au-dessus de tout, une communauté religieuse exaltée, une population qui pourra les aider ou les dénoncer selon leurs actions, etc. ; • des PNJ. Outre ceux déjà cités, nous pouvons par exemple décider que le seigneur a un oncle qui a gardé ses idéaux et a beaucoup de mal avec son attitude, même s’il est inenvisageable de le trahir, un cousin qui aimerait lui ravir son fief, un voisin qui partage la même ambition, ou un intendant qui lui est fidèle mais tente tant bien que mal d’apaiser les malheurs de la population. Il est également possible d’imaginer que le chef de la résistance est en réalité assoiffé de pouvoir et commettra exactement les mêmes exactions s’il arrive à ses fins, ou que l’abbé du monastère est prêt à utiliser son influence sur la population pour lui faire prendre des risques afin d’appliquer les principes de son idée de l’intégrité religieuse ; • des dialogues. Cet élément est important, car il permet notamment de montrer le point de vue opposé au vôtre ou à celui des personnages avec une force semblable, et il ne s’improvise pas toujours facilement. En effet, pour que le thème crée des enjeux, il est nécessaire que l’on puisse comprendre, et idéalement adopter, d’autres points de vue le concernant. Par exemple, certains peuvent arguer que le seigneur n’a pas failli à sa mission, car même s’il a privé le peuple d’une grande partie de sa liberté, il a drastiquement réduit la misère (du moins à proximité de son château) et a rendu les routes principales plus sûres ; • des lieux.  En plus de ceux correspondant aux factions et aux PNJ, on peut imaginer que le château est attenant à des geôles de fortune complétant celles d’origine, et à une place fréquemment utilisée pour les exécutions publiques. Au centre de la ville se

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trouve une statue à l’effigie du grand-père du seigneur, un ancien chevalier connu pour ses qualités morales et son courage. Il est également à l’origine de la création de la lignée. En face de ce monument se dresse l’ancienne halle où il aimait rendre la justice, mais qui a depuis été aménagée pour entreposer du grain. Un peu plus loin, on peut apercevoir l’hôpital que le seigneur continue d’entretenir à grands frais (et presque religieusement). On murmure qu’il ne le fait que parce que son jeune frère adoré y est soigné depuis des années, mais toujours est-il que de nouveaux malades viennent de loin et sont accueillis très régulièrement. Enfin, en bordure du fief se trouve une forêt réputée pour ses bandits, mais qui accueille désormais de nombreux rebelles fuyant la milice ; • des règles. Les personnages peuvent avoir des bonus quand ils entreprennent une action en adéquation avec les idéaux auxquels ils croient vraiment, voire être pénalisés lorsqu’ils ont de grands principes mais les enfreignent. Ils peuvent également avoir une mécanique de valeurs, comme dans Pendragon ou Tenga ; • des objets et autres ressources. Certains ne sont utiles que si les personnages acceptent les compromis (créance royale, améliorations de l’hôpital, matériel pour la résistance, etc.), d’autres ne sont accessibles que s’ils n’en font aucun (arme magique du grand-père du seigneur, caches de la population, etc.). Le rôle des factions et des PNJ va notamment être d’illustrer les différents points de vue sur le thème, ce qui implique de les laisser les exposer de manière intéressante. L’objectif est que les joueuses puissent découvrir d’elles-mêmes les inconvénients et avantages de chaque positionnement, idéalement en mettant les personnages dans des situations où ils sont confrontés aux divers aspects du problème et voient leurs convictions mises à mal. Cette ambiguïté signifie que les joueuses pourraient avoir envie que leurs personnages passent des différents côtés de la barrière, ou au moins s’interroger et faire des choix (p. 452) qui ne seront pas évidents. Pour renforcer cet effet, il est conseillé de rendre les choses personnelles en liant les PJ au thème, que ce soit dès la création ou après un petit bouleversement initial arrivant tôt dans l’intrigue (voir « Rendre les choses personnelles » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 261). Vous pouvez par exemple jouer sur leurs faiblesses, leurs motivations (voir Créer un groupe cohérent p. 33) ou sur les béances qu’ils peuvent avoir laissées dans leurs backgrounds (voir «  Créer un personnage  » et « Développer un personnage au fil du jeu » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 29 et 49). Le même procédé peut bien sûr s’appliquer aux PNJ majeurs.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• permet d’éviter de s’enliser et de rallonger inutilement les campagnes lorsqu’une thématique a suffisamment été abordée ; • facilite la mise en place de campagnes riches, cohérentes et émotionnellement engageantes ; • crée beaucoup de matière pour jouer très rapidement.

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Inconvénients :

• nécessite de la subtilité, à la fois pour ne pas tout relier à la thématique, mais aussi pour éviter que ce lien devienne trop explicite (show, don’t tell) ; • amène certains meneurs à asséner leur point de vue sur un sujet plutôt qu’à en faire expérimenter (p. 453) plusieurs, et à oublier l’importance d’explorer les différentes facettes du thème ; • requiert de la préparation et de la constance ; • ne permet guère de combiner des thèmes différents, même si cela reste possible avec d’autres méthodes.

4. Exemple Dans la droite lignée de l’exemple donné ci-dessus, le MJ envisage plusieurs pistes pour lier les PJ au thème dès le début de la campagne. Rédigeant déjà leurs backgrounds, il décide que le plus simple est d’y intégrer les éléments suivants : • un PJ a été abandonné par un parent qui a préféré s’enfuir face aux exactions des hommes du seigneur et tenter sa chance ailleurs. L’oncle du seigneur en a toutefois fait son protégé ; • un PJ a passé de longs mois au cachot pour ne pas avoir dénoncé sa sœur à la milice ; • un PJ a choisi de laisser ses enfants derrière lui et a aussi fini au cachot, mais pour des larcins bien réels. Il a rejoint les bandits un peu malgré lui, quand ceux-ci l’ont libéré ; • un PJ a quitté le domicile familial très tôt et a trouvé un emploi à l’hôpital où il est rapidement monté en grade. Il rencontre fréquemment le seigneur, mais n’en voit que les bons côtés.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Décrire p. 109, Improviser p. 125, Incarner des PNJ p. 141, Dompter la linéarité p. 159, Rendre les choses personnelles p. 261, Créer des émotions particulières p. 277, Passer du scénario à la campagne p. 317. Jouer des parties de jeu de rôle : Créer un personnage p. 29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Interpréter un personnage p. 69.

Singulariser les PNJ *

1. Description A. Présentation

Être confronté à des PNJ uniques, au moins pour ceux qui ne sont pas de simples figurants, participe de façon significative au plaisir des joueuses, et donc de toute la table. En effet, avoir le sentiment d’interagir avec des personnages précis, et non avec des prête-noms génériques, rend les phases de jeu plus vivantes, donne envie d’en apprendre davantage à leur sujet, voire confère aux victoires et aux défaites des enjeux plus personnels. Pour singulariser ainsi les PNJ, il existe principalement deux stratégies complémentaires : vous pouvez avoir recours à la première au moment de la conception, et à la seconde durant l’interprétation. Si cette dernière est la plus classique, et peut par exemple nécessiter de faire appel à des techniques liées à la voix (p. 505) ou à la communication non verbale (p. 542), elle a déjà été traitée dans nos précédents recueils 1. Ainsi, cette fiche n’aborde pas directement ce sujet et se concentre au contraire sur des techniques permettant de singulariser les PNJ lors de leur conception, que ce soit lorsque vous préparez votre campagne, entre deux séances ou directement alors que vous êtes en train d’improviser. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• développer des PNJ uniques, suscitant l’intérêt des joueuses et offrant plus d’opportunités narratives ; • avoir des clés pour les interpréter plus facilement ; • leur permettre d’avoir une évolution qui reste cohérente. 1. Si cet aspect vous intéresse davantage, nous vous encourageons à lire « Incarner des PNJ » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 141 et « Interpréter un personnage » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 69. Si le second est davantage à destination des joueuses, la plupart des techniques qui y sont présentées sont également valables pour incarner des PNJ.

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C. Variantes

Les alternatives aux techniques présentées ici sont de fait assez nombreuses. Les méthodes les plus courantes consistent à rédiger le background du PNJ, ou à créer d’abord ses aspects techniques, quitte à déduire son caractère par la suite, tirer ses traits caractéristiques de façon aléatoire (généralement sur des tables prévues à cet effet), se servir des archétypes (p. 146) ou d’autres procédures spécifiques au jeu auquel vous vous adonnez. D. Mots-clés

Création de personnage, description, improvisation (préparation), intrigues secondaires, PNJ.

2. Mode d’emploi  Voici quatre techniques pour mieux singulariser vos PNJ. Le losange est à privilégier lorsque vous voulez développer en profondeur leur personnalité. La deuxième, sujet contre objet, permet de déterminer leur implication narrative et leurs rapports aux autres, tandis que la troisième, se limiter à un mot et un adjectif, a l’avantage de susciter rapidement des interrogations et de donner envie d’en apprendre plus sur eux. La quatrième technique, presque un cas particulier de la précédente, consiste à jouer avec les stéréotypes pour renouveler certains types de personnages. A. Le losange 2

Lorsque vous souhaitez créer un PNJ important, dessinez un losange et écrivez à chaque angle un trait de son caractère que vous voulez définir. Si possible, privilégiez ce qui a un réel impact sur son comportement, et faites des choix tranchés afin d’éviter d’avoir un PNJ fade dont la personnalité n’apparaît jamais vraiment en jeu. Ainsi, celle-ci comprendra systématiquement plusieurs facettes qui vous en apprendront plus sur la façon dont il réfléchit, s’exprime, agit et perçoit le monde. Bien plus qu’une simple liste ou qu’un long paragraphe de description, la forme du losange vous permet de retrouver ces informations en un clin d’œil (dans vos notes, ou en marge de votre scénario, etc.), et vous fournit donc une source d’inspiration immédiate et constante pour interpréter le PNJ en question. Elle est d’autant plus utile lors de l’entrée en scène du personnage : généralement, vous n’avez que quelques secondes pour réfléchir à la façon d’exprimer sa singularité et les divers aspects de sa personnalité (voir « Incarner des PNJ » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 141 et « Interpréter un personnage » dans Jouer des parties de jeu de rôle, p. 69). 2. Cette technique a été conçue par David Freeman, actuel vice-président de la 20th Century Fox et ancien scénariste pour le cinéma et le jeu vidéo. Il s’est notamment illustré par des cours et des ateliers où il développait des conseils très pratiques à destination des autres professionnels. Vous pouvez les retrouver sur beyondstructure.com.

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Si les personnages mineurs peuvent être résumés en un ou deux traits et les plus complexes aller jusqu’à cinq ou six, quatre traits restent un bon compromis. Gardez en tête que ce ne sont pas simplement ces derniers qui vont vous permettre d’interpréter un PNJ, mais les tensions qui vont naître entre chacun d’entre eux (voir Générer des relations complexes p. 272). De plus, ces complémentarités comme ces contradictions seront un bon moyen de vous adapter et de maintenir la cohérence du personnage, même lors de scènes complètement improvisées. Par exemple, un PNJ rebelle et calme n’exprimera pas forcément ses idées subversives de façon violente. Il pourra le faire avec sérénité, voire bienveillance, mais il sera intéressant de voir dans quelle direction les circonstances ou ses autres facettes le pousseront. Qu’est-ce qui pourrait l’amener à se soumettre ou, au contraire, à totalement perdre son calme ? C’est notamment pour cette raison qu’il faut bien faire la différence entre ce qui relève des traits de caractère et d’une attitude circonstancielle. Certains personnages peuvent se mettre dans un état exceptionnel lors d’une situation qui l’est tout autant (colère face à un ennemi ou une injustice, larmes à l’écoute d’une chanson), mais ce phénomène reste ponctuel et ne les définit pas. Ce genre de problèmes peut arriver quand vous utilisez un personnage-fonction 3 pour une scène-clé comme, par exemple, celui qui va se sacrifier pour les PJ lors de la première confrontation avec le boss (p. 718). Concevoir un personnage de cette manière n’est pas problématique en soi, mais le losange est un outil qui a recours à une approche différente, visant plus à déterminer les réactions du PNJ quelle que soit la situation, et non à un moment-clé. L’effet sera sans doute moins appuyé, mais vous serez plus à l’aise si, pour une raison ou une autre, la scène que vous avez anticipée ne se passe pas comme prévu. Dans le même ordre d’idées, Freeman recommande de se méfier des éléments qui ne définissent pas réellement le comportement des personnages, comme des goûts prononcés ou des hobbys. Qui plus est, assurez-vous de préciser les traits qui constituent en réalité de faux-semblants, comme un personnage qui cacherait sa tristesse derrière une jovialité feinte, ou un autre qui se définirait par le fait de lutter contre un de ses traits de caractère. Enfin, il est possible d’ajouter une faille au PNJ, qui peut prendre la forme d’une peur, d’une limite, d’un blocage ou d’une blessure. Il suffira ensuite de lui attribuer un symbole simple, comme un smiley ou une couleur, pour signifier sa disposition envers les PJ, et le voilà prêt à entrer en scène. B. Sujet contre objet 4

Cet outil, complémentaire du précédent mais moins facile à utiliser en cours de séance, vous aidera à déterminer sa place d’un point de vue plus narratif. Il consiste à déterminer 3. Un personnage-fonction est un PNJ qui n’est pas vraiment réfléchi comme ayant une personnalité propre mais qui est principalement introduit pour remplir un rôle donné dans l’action et, généralement, disparaître aussitôt. C’est souvent le cas des marchands, aubergistes, et autres gamins des rues qui ne sont là que pour fournir un bien ou un service ponctuel. 4. À ce sujet, voir « Incarner des PNJ » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 141.

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si un personnage est un sujet ou un objet, ce qui conditionne non seulement son rôle dans la narration, mais aussi ses rapports avec les PJ. Dans le premier cas, il aura un rôle actif, prendra part à l’intrigue et à l’action, ses décisions auront un impact et il poursuivra un ou plusieurs objectifs. S’il est objet, il sera peut-être lui-même un objectif à atteindre (scientifique ou témoin à protéger), un MacGuffin 5, la raison d’être de l’intrigue malgré lui, un personnage qui subit davantage l’action au lieu d’être un moteur de celle-ci, etc. Faire évoluer ce statut peut également ouvrir d’intéressantes perspectives. Par exemple, dans la saison 5 de Buffy, Dawn apparaît littéralement comme un objet ayant pris forme humaine. C’est une clé qu’il faut protéger pour éviter qu’elle ne tombe entre de mauvaises mains. Dans les saisons suivantes, elle devient un sujet : le personnage prend de l’ampleur et exerce sa volonté en acquérant des capacités magiques et physiques, afin de participer elle aussi aux quêtes que poursuivent les héros. Une fois ce statut défini, complétez-le en déterminant ses relations avec les autres personnages, dont ses adversaires. Si c’est un sujet, quels sont ses objectifs et ses moyens ? Si c’est un objet, qui va essayer de lui imposer sa volonté ou de l’utiliser ? Comment ? Cette étape est de loin celle qui prend le plus de temps, mais elle peut être effectuée au fur et à mesure de votre campagne, en fonction de ses évolutions et de celles de votre inspiration. C. Se limiter à un mot et un adjectif

Cette technique est un moyen rapide et efficace de singulariser un PNJ. Elle ne creuse pas autant en profondeur que les précédentes, mais elle permet d’obtenir très rapidement des images mentales du personnage et de les transmettre aux joueuses. De ce point de vue, elle est parfaitement adaptée pour l’improvisation et pour des PNJ intermédiaires (c’est-à-dire ni des figurants ni des antagonistes principaux), pour lesquels vous vous gardez la possibilité de développements futurs. Elle consiste à déterminer son concept à partir d’un mot, décrivant généralement son occupation ou le trait qui le caractérise le plus, et d’un adjectif inattendu ou en décalage avec ce dernier 6. Adjoindre un tel qualificatif rend généralement le PNJ intriguant et intéressant. Tout le monde imagine ce que peut être un Jedi intègre, ou sûr de lui, à tel point que ces adjectifs ne sont sans doute utiles que comme superlatifs, mais un Jedi raté 7 soulève bien plus de questions : que se passe-t-il quand un étudiant de la Force échoue de 5. Dans un scénario de film, un MacGuffin est un objet ou une personne recherché par la grande majorité des protagonistes, et constitue donc un élément moteur de l’histoire, qui pousse les personnages à agir et à interagir. Sa nature n’a pas de réelle importance. 6. Certains jeux, comme Vampire: the Masquerade ou FATE, facilitent l’usage de cette technique en intégrant des caractéristiques pouvant ainsi s’opposer. Le premier demande par exemple de définir la nature profonde du personnage, et la distingue de son attitude. Le second utilise une mécanique d’aspects qui en démultiplie potentiellement les effets. 7. Ce concept est tiré d’un archétype de Star Wars D6, qui est sans doute le premier jeu à avoir fait un usage systématique de cette technique pour faciliter la création de personnages.

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façon définitive  ? À quoi sa vie peut-elle ressembler après  ? En quoi son initiation diffère-t-elle de celles, pour le moins particulières, de Luke et de Rey ? Comment ce PNJ peut-il être intéressant malgré cet échec ou grâce à lui ? Exactement de la même façon, si vous imaginez le PNJ avant la séance, les questions qui émergeront vous inspireront pour la future partie. Si vous le créez pendant le jeu, livrez-le en pâture aux PJ. Leurs interactions et les questions que se poseront les joueuses à son sujet susciteront également leur intérêt. À noter, enfin, que ce procédé fonctionne également avec un personnage connu de tous. Ainsi, on peut imaginer un roi Arthur mythomane ou un Sisyphe heureux. D. Clichés et stéréotypes

Cette dernière technique n’est pas sans rappeler la précédente, si ce n’est que vous avez la possibilité de vous en servir sans en faire le concept même du PNJ. Elle consiste à créer un décalage non pas par un adjectif, mais par le détournement d’un stéréotype ou d’un cliché souvent associé avec le type de personnage concerné (voir Se servir des archétypes p. 146). Ainsi, si vous avez prévenu de l’arrivée d’un inquisiteur dans votre campagne médiévale-fantastique, laissez les personnages en tirer de mauvaises conclusions et présentez-leur une inquisitrice. Idéalement, faites en sorte qu’ils la rencontrent d’abord de manière informelle, pour que se créent de premières interactions, puis officiellement un peu plus tard. Si son attitude peut sembler plus douce ou bienveillante que celle de ses homologues masculins, ce qui n’a bien sûr rien d’obligatoire, mais qu’elle est animée de la même détermination, il est probable que vos joueuses s’en souviennent durablement. De façon analogue, on imagine difficilement un ninja obèse et on n’en croise pour ainsi dire jamais autour de nos tables de jeu. La simple juxtaposition des deux termes paraît relever de l’oxymore, et l’idée fera probablement sourire plus d’une joueuse. Pourtant, quand on y réfléchit posément, un tel personnage n’aurait rien de surprenant. En fait, il existe même quelques précédents historiques ou légendaires. Quoi qu’il en soit, grâce à cette apparente opposition, il est à peu près certain qu’un tel PNJ, s’il est efficace et non transformé en effet comique, marquera également les esprits. Pour rester dans le Japon médiéval, ne perdez pas de temps à débattre avec vos joueuses s’il est historiquement 8 possible de rencontrer un samouraï d’origine africaine, une femme combattante, un ninja obèse, un daimyo chrétien ou qui a commencé sa carrière comme colporteur itinérant 9. Vous en parlerez durant le débriefing (p. 55) si nécessaire. Réfléchissez plutôt à ce que la présence d’un tel personnage dans votre 8. La tentation de discuter de la crédibilité historique d’un personnage est souvent difficile à ignorer. Non sans ironie, il arrive régulièrement que la question soit même posée pour un jeu qui ne se fonde pas sur un contexte historique précis. Il est sans doute judicieux d’éviter le plus possible de rentrer dans de tels débats durant la partie, et de se concentrer uniquement sur les questions absolument indispensables à la suspension volontaire d’incrédulité des joueuses. 9. Il existe des cas historiques, certes parfois rares ou uniques, correspondant à tous ces exemples.

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campagne signifie. S’il a réussi à s’imposer alors qu’il semble a priori moins efficace que ses homologues, c’est probablement qu’il possède une volonté et des qualités hors du commun par ailleurs. Quelles sont ces qualités ? Qu’est-ce qui a pu l’amener à cette position ? Est-il la cible d’antipathies internes ou de rivaux jaloux ? Qu’est-ce que ce décalage lui permet de faire en plus ou de mieux ? Même si nous ne saurions trop vous encourager à user de vigilance (notamment en lisant « Dépasser ces clichés » p. 227 et « Ne pas être cette joueuse-là » p. 329 dans Jouer des parties de jeu de rôle), ce n’est pas parce qu’un personnage subvertit un cliché ou est touché par une éventuelle problématique sociale que vous avez l’obligation de le rendre positif ou lisse. Dans les romans de G.R.R. Martin, ce n’est pas parce que Brienne est une femme ou que Tyrion est un nain qu’ils sont spécialement épargnés. Aussi, si vous avez l’impression que vos PNJ sont particulièrement homogènes, n’hésitez pas à jeter les dés pour déterminer le genre, la morphologie ou l’origine d’un personnage. Parfois, il pourra même être intéressant de laisser certaines de ces caractéristiques ambigües pour les joueuses. Ne pas être capable de déterminer si un PNJ est un homme ou une femme, ni ses origines exactes est également une façon de créer du jeu, notamment dans certains contextes, comme un tournoi de chevalerie (que ce soit pour les combattants ou pour les dames), une affaire d’espionnage, de succession ou de diplomatie.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• génèrent rapidement des PNJ intéressants ; • peuvent être utilisées de façon complémentaire ou séparément ; • laissent de la place pour faire évoluer le PNJ en fonction de ce qui se passe durant la partie. Inconvénients :

• ne tiennent généralement pas compte de l’aspect technique ; • définissent presque toutes les PNJ de façon isolée et sans s’intéresser à leurs relations ; • fonctionnent mieux avec quelques listes déjà prêtes à portée de main (traits, concepts, adjectifs, etc.).

4. Exemple Lors d’une partie de Mothership, les personnages rencontrent une mercenaire au grand cœur (concept) dans un bar. Le meneur l’a juste placée là pour qu’elle puisse être recrutée, mais n’a encore rien décidé d’autre la concernant. Lorsqu’il devient indispensable de déterminer son profil technique, il opte pour une ingénieure. Néanmoins, au fil de leurs aventures, les joueuses s’y intéressent et semblent lui accorder plus d’importance que son statut de chair à canon ne le laissait initialement présager. Par 374

conséquent, le MJ décide de mieux définir sa personnalité en utilisant la technique du losange. Il y inscrit les traits suivants : altruiste, courageuse, colérique et arrogante. Il ajoute enfin une faille : elle a participé à une guerre dans sa jeunesse et son camp a été vaincu. Depuis, la présence de militaires la stresse et elle a tendance à les fuir. Enfin, un peu plus tard, il décide d’utiliser un test de Loyauté raté pour en faire un personnage sujet (par opposition à objet) et un adversaire récurrent des PJ.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Improviser p. 125, Incarner des PNJ p. 141, Animer les combats p. 173, Animer les scènes spéciales p. 191. Jouer  des parties de jeu de rôle  : Créer un personnage p.  29, Développer un personnage au fil du jeu p. 49, Interpréter un personnage p. 69, Garder la balle en l’air p. 113, Se renouveler p. 163, Créer du jeu pour les autres p. 179, Dépasser ces clichés p. 227, Faire d’un incapable un héros p. 245, Jouer des génies p. 261, Ne pas être cette joueuse-là p. 329.

Terminer par un cliffhanger **

1. Description A. Présentation

Populaire dans de nombreux médias, notamment les fictions sérielles écrites et audiovisuelles, on peut résumer le cliffhanger comme la technique qui consiste à arrêter la séance en pleine action, généralement dans une situation difficile ou juste avant ou après la révélation d’une information capitale. Si cette technique est abondamment utilisée dans le monde de la série moderne, à la fois pour des raisons économiques et créatives, son exemple le plus célèbre reste sans doute Shéhérazade, qui prenait grand soin de ne jamais terminer les histoires qu’elle racontait au sultan des Mille et une nuits afin que sa curiosité soit plus forte que son envie de la faire tuer. Dans le cadre JdR, les enjeux sont heureusement bien moindres, mais l’objectif est aussi de laisser les personnages dans une situation de tension maximale afin de générer chez les joueuses l’envie de découvrir ce qu’il va se passer ensuite, et donc de revenir à la prochaine séance. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• que les joueuses aient hâte d’être à la prochaine séance ; • que celle-ci démarre rapidement et non par une longue exposition ; • recadrer la campagne vers une direction qui vous semble plus pertinente ou pratique ; • mettre en valeur une révélation ou un événement. C. Variantes

La principale alternative au cliffhanger est d’avoir un dénouement plus classique, qui laisse le temps aux joueuses de terminer ce qu’elles souhaitent et de prendre celui de bien décrire les conséquences des conflits de la partie en cours. Toutefois, d’autres techniques peuvent être utilisées pour susciter une sensation proche, comme commencer la séance par un flash-forward (p. 301) de type ultimatum et 376

de conclure par la résolution de ce dernier. Les fiches Relancer la tension p. 535 et Instiller davantage de suspense p. 288 permettent également d’obtenir des effets similaires en cours de jeu. Une variante de cette technique est de ne pas l’utiliser uniquement pour conclure une séance, mais également sur certaines scènes-clés, ou pour mieux gérer la distribution de la parole ou les apartés, en donnant de quoi penser et réfléchir aux joueuses le temps de s’occuper de leurs camarades. Elle est également un bon moyen de rendre intéressants l’alternance et l’entrelacement de deux scènes (voir Mettre en scène des cinématiques p. 314) lorsque les PJ sont séparés. D. Mots-clés

Cadence, improvisation, tension, tripes.

2. Mode d’emploi  Pour vous aider à conclure vos séances par l’utilisation de cette technique, cette fiche commence par préciser ce qui caractérise un cliffhanger ainsi que les trois principaux effets qu’il peut provoquer, puis explique comment les animer. Viennent ensuite des exemples concrets pour mettre ces conseils en application, ainsi que quelques pistes pour aller encore plus loin. A. Choisir et créer un effet adapté

Il existe de nombreuses façons de concevoir un cliffhanger, mais la réussite de cette technique se constate surtout par ses effets. Si vos joueuses semblent désireuses de repousser la fin de la séance pour découvrir ce qu’il devrait se passer juste après le moment où vous vous êtes arrêtés, ou si elles commencent immédiatement à en discuter entre elles, il y a de grandes chances que votre effet soit réussi. Généralement, pour obtenir un tel résultat, vous allez devoir intégrer un ou plusieurs des éléments suivants : • une découverte qui leur permet d’obtenir une réponse à une question qu’elles se posent depuis longtemps, comme la confirmation ou l’infirmation d’une hypothèse qui est à l’origine de la plupart de leurs décisions ; • une révélation qui les force à reconsidérer ce qu’elles savaient déjà et déclenche de nouvelles questions ; • une action non résolue, ou sur le point de l’être, dont l’issue risque de changer le cours de la campagne, l’univers, ou le destin d’un personnage auquel elles tiennent (PJ ou PNJ) ; • un événement qui ouvre un nouveau champ de possibilités aux personnages, et dont elles n’avaient pas forcément saisi la portée jusqu’à présent ; • un événement qu’elles n’avaient pas anticipé, qui contrecarre ce qu’elles avaient prévu et qui capte toute leur attention.

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Pour l’essentiel, ces méthodes consistent à créer, selon les termes du narratologue Raphaël Baroni, de la surprise, de la curiosité ou du suspense (à ce sujet, consultez également l’article « Créer des émotions particulières » dans Mener des parties de jeu de rôle, p. 277) : • la surprise consiste à les prendre totalement au dépourvu. L’idéal est donc de ne pas faire monter la tension et de privilégier les arrivées inopinées de PNJ (amis comme ennemis), les événements apparemment dus au hasard et impossibles à prévoir, ou qui se produisent juste après que les joueuses pensent avoir triomphé ou fait le plus dur. Si jamais vous craignez qu’elles anticipent ce que vous avez prévu, contentezvous de quelques fausses pistes peu appuyées, et confortez-les dans la première qu’elles semblent emprunter, en évitant de les amener à se poser trop de questions ; • la curiosité, dans le cadre d’un cliffhanger, s’obtient en venant chambouler brutalement ce que les joueuses pensent savoir d’un événement passé, que ce soit dans un scénario précédent ou dans l’histoire de l’univers, ou toute autre composante de ce dernier, y compris les personnages eux-mêmes. Pour créer ce type d’effet, vous devez donc choisir un élément pour lequel vous allez créer une sorte « d’histoire officielle », une version que les joueuses auront en tête. Le plus souvent, cela consiste simplement à leur rappeler ce qu’elles savent déjà, que ce soit en leur posant des questions (directement ou par un PNJ), par un flash-back ou un rappel en début de séance (voir Ritualiser les débuts de séance p. 695), ou en les poussant à s’interroger dans le cadre de la partie (éléments nouveaux sur une même enquête, PNJ qui soulève une contradiction, etc.). Dans le même temps, il sera sans doute nécessaire de rappeler subtilement l’importance que tout cela peut avoir, avant d’amener, en toute fin de séance, la révélation d’une information qui montre que cette version ne tient pas : en effet, le monde ou les personnages ne seront plus jamais tels que les joueuses l’avaient cru. Inversement, vous pouvez faire une variante de ce type de cliffhanger en confirmant ce qu’elles pensaient, mais en vous assurant d’apporter suffisamment d’éléments nouveaux pour qu’elles soient surprises, au moins par les implications de la vérité ; • le suspense est assez proche de la curiosité, mais au lieu de se concentrer sur ce que les joueuses ont compris ou croient savoir, ce type de cliffhanger fonctionne surtout en prenant le contre-pied de ce qu’elles anticipent. Il est donc important de les amener à formuler de façon claire ce qu’elles prévoient (en leur demandant, en leur proposant de dessiner un plan, etc.), à imaginer une suite possible (ironie dramatique, fausses pistes, etc.). Faites ensuite monter la tension au cours de la séance, soit avant de révéler une information qui montre que tout ce qu’elles avaient prévu doit être réévalué ou modifié immédiatement, soit avant d’interrompre l’action en cours et de leur donner la réponse qu’elles attendent lors de la prochaine séance. B. Quelques cliffhangers types

Si la section précédente expliquait les différents principes permettant de créer tout type de cliffhangers, il est sans doute souhaitable de commencer par les appliquer avec les exemples suivants. Les questions très concrètes qu’ils amènent à se poser devraient vous rendre les choses plus faciles, et vous serez toujours à même de les complexifier plus tard :

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• la mise en danger (surprise, suspense) : les personnages sont dans une situation qui semble désespérée et dont l’issue ne fait guère de doute. Comment vont-ils s’en sortir ? • le changement (surprise, curiosité) : la situation des personnages prend un tour inattendu, que ce soit parce qu’ils apprennent quelque chose de nouveau, ou parce qu’un événement vient s’imposer à eux et changer leur vision du monde. De quoi s’agit-il, et quelles vont être les conséquences ? • retardement d’une révélation (curiosité, suspense) : une information cruciale est sur le point d’être transmise aux personnages. Elle peut les concerner directement, changer leur vision du monde comme leur stratégie, voire résoudre une situation. Quelle est-elle, et est-ce qu’ils vont pouvoir enfin apprendre la vérité ? Le tableau ci-dessous donne davantage d’exemples pour chacune de ces catégories. Catégorie

Exemples de cliffhanger Les PJ sont capturés par leurs adversaires. Un allié est sur le point de mourir.

Mise en danger 

Les PJ sont pris dans le feu d’une explosion. Le vaisseau des PJ s’écrase. Les PJ sont enfermés dans une grotte après un éboulement. Les PJ perdent leurs moyens d’agir habituels (parole, armes, autorité, etc.). Un PNJ mort ou disparu revient. Le statut d’un PNJ s’inverse (trahison, un allié devient un ennemi, etc.)

Changement

Les PJ prennent conscience qu’un de leurs actes a eu des effets secondaires inattendus. Les PJ se rendent compte qu’ils ont été tenus à l’écart. Les PJ comprennent qu’ils ont été utilisés par leurs supérieurs ou mentors, qui ne sont pas ce qu’ils prétendent être. Les PJ vont découvrir : l’identité d’un super vilain ;

Retardement d’une révélation 

si leurs accusations sont exactes ; la vérité sur l’origine de leurs pouvoirs ; l’identité d’un traître ; la formule du vaccin contre l’épidémie.

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C. Pour aller plus loin

Voici quelques astuces supplémentaires qui peuvent être particulièrement utiles pour intégrer des cliffhangers : • ayez toujours une idée de ce vers quoi vous souhaitez aller pour la séance suivante : il ne s’agit pas d’être dirigiste ou de tout prévoir, mais d’envisager d’autres conséquences au-delà de la simple victoire ou défaite, comme autant de façons de rebondir pour les sessions ultérieures. Vous n’avez pas besoin de prévoir plus qu’une simple idée, mais l’idéal est d’en prévoir un petit nombre afin de se laisser un maximum de portes ouvertes. Par exemple, si les PJ enquêtent sur un meurtrier, sa capture peut avoir plusieurs répercussions inattendues : un journaliste a filmé son arrestation « musclée » ou il prend en otage les personnages (mise en danger), son avocat a trouvé un vice de procédure qui permet à son client d’être relaxé, ou il est abattu durant son transfert (changement), il accepte de dénoncer des personnalités politiques impliquées dans une affaire précédente qui n’avait pas encore été résolue (retardement d’une révélation), etc. Ce seront d’excellentes bases pour vous permettre de ménager vos effets ; • apprenez à surprendre vos joueuses en limitant les contraintes que vous vous donnez. Ainsi, si un PNJ proche des PJ leur annonce son mariage avec leur pire ennemi, vous n’avez pas besoin de préciser pour l’instant si celui-ci est imminent (dès que la campagne reprend) ou plus tardif (quelques séances), s’il est contraint ou consenti, s’il faut l’empêcher ou l’organiser, etc. Généralement, plus le cliffhanger est frappant, moins vous avez besoin de donner de détails, et plus vous avez de marge de manœuvre ; • n’hésitez pas à les utiliser en combinaison avec d’autres techniques : les cliffhangers fonctionnent à merveille avec les flash-backs (p.  293) ou les flash-forward (p. 301). Ils marchent également très bien avec les introductions coup-de-poing et les kickers (voir Commencer sur les chapeaux de roue p. 208). Il vous suffit de terminer par l’introduction de la prochaine séance et de vous en tenir là ; • jouez la montre : s’il reste encore un peu de temps avant la fin de séance et que vous ne voulez pas simplement l’arrêter plus tôt que prévu, intégrez des péripéties ou des complications pour retarder le moment du cliffhanger. Attention, il faut que cet ajout reste discret, le but n’est pas de ralentir en meublant avec un simple combat ou un obstacle qui rallongerait artificiellement un trajet, par exemple. Le mieux est de lier cet événement à une intrigue secondaire (par exemple en la résolvant) ou aux enjeux (voir Relancer la tension p. 535) qui vont mettre en place le cliffhanger. De la même manière, si vous avez besoin d’accélérer, pensez aux ellipses, et n’hésitez pas à profiter de cette augmentation du rythme pour donner l’impression que tout se passe bien pour les personnages afin d’endormir leur vigilance avant la révélation finale ; • respectez vos effets  : généralement, toute la tension créée par le cliffhanger sera annulée dès les premières minutes de la séance suivante. Il est possible de faire autrement de façon ponctuelle, mais cette situation est normale et n’a rien de

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problématique. Toutefois, cette considération implique que certaines révélations ou justifications paresseuses, notamment pour relancer l’action et mettre les personnages hors de danger, risquent d’autant plus de décevoir les joueuses. Dans l’absolu, essayez de ne pas trop abuser des  : «  Ce n’était qu’un rêve  !  », «  Je me faisais passer pour mort ! » et « Ce n’était pas moi, c’était mon frère jumeau ! ».

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• permet de démarrer la prochaine séance sur les chapeaux de roue (p. 208) ; • augmente les chances de finir sur une bonne impression, et donc d’oublier les moments un peu plus laborieux de la séance ; • facilite la préparation pour la prochaine séance, à partir des choix et des actions des PJ. Inconvénients :

• exige des facultés d’adaptation et d’improvisation ; • nécessite de résister à la pression de joueuses souhaitant continuer ; • doit être utilisée avec parcimonie et en dosant l’intensité pour ne pas apparaître trop mécanique et, donc, se vider de son sens.

4. Exemple Lors d’une partie de D&D5, les PJ sont engagés par des villageois pour se rendre dans un donjon d’où sortent des morts-vivants. Ils finissent par y découvrir les ruines d’une ancienne civilisation corrompue par un rituel étrange, probablement de la nécromancie. Après avoir détruit la barrière magique du cercle du rituel, ils ressortent avec le sentiment du devoir accompli. Mais hélas, le labyrinthe s’effondre derrière eux, et un terrifiant dragon vert, sans doute vieux de plusieurs siècles, émerge des décombres. Ils comprennent alors que la barrière n’avait été érigée que pour empêcher ce dernier de se réveiller. La partie s’arrête alors que le monstre se dirige à tire-d’aile vers le village d’où viennent les personnages…

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer un scénario p. 31, Adapter une œuvre pour en faire un scénario p. 55, Improviser p. 125, Animer les combats p. 173, Créer des émotions particulières p. 277, Passer du scénario à la campagne p. 317.

III Animer

Animer des conflits (oui, mais...)*

1. Description A. Présentation

De nombreux jeux proposent de résoudre les actions des personnages au coup par coup. Un combat, par exemple, se transforme souvent en une succession de tests indépendants où chacun représente une tentative d’attaque ou de parade, etc. C’est ce que l’on appelle la résolution par tâches. Cette façon de procéder est tellement répandue que nous l’utilisons souvent par défaut, sans même nous en rendre compte ni considérer une autre possibilité. Pourtant, dans de très nombreuses situations, personne ne se soucie vraiment de savoir si l’action entreprise par le personnage va réussir, surtout si celle-ci est triviale. On cherche davantage à découvrir ses conséquences, et généralement à obtenir la réponse à une autre question, qui, elle, compte vraiment à nos yeux. Ainsi, si votre personnage tente de crocheter une serrure, il est bien moins intéressant de savoir s’il finira par ouvrir la porte que de, par exemple, découvrir ce qui se cache derrière, s’il va l’ouvrir en silence ou assez vite pour se mettre à l’abri. Cette fiche présente une alternative pour résoudre cet apparent paradoxe. Elle propose de résoudre une action non pas en elle-même, mais comme partie intégrante d’un ensemble plus large : le conflit. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• que l’histoire générée reste cohérente et continue à avoir du sens, pour vous comme pour les joueuses ; • éviter que toutes vos scènes ne se ressemblent à cause d’une application trop stricte des règles ; • éviter de ridiculiser un personnage à cause de l’échec d’une action simple ; • ne pas vous embourber dans des scènes qui ne racontent rien ;

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• utiliser certaines techniques avancées qui ne fonctionnent que si la résolution se fait à l’échelle du conflit. C. Variantes

La principale alternative à la résolution par conflits est la résolution par tâches. Il existe toutefois quelques autres types de mécaniques, comme celle d’InSpectres, qui se préoccupe davantage de savoir qui résout la scène que de sa résolution au sens strict. D. Mots-clés

Cadence, mise en scène, opposition, règles.

2. Mode d’emploi  Cette fiche vous propose, dans un premier temps, de réfléchir aux scènes que crée la partie. Il s’agira ensuite de voir comment il est possible de faire progresser l’histoire grâce aux conflits, puis d’en créer qui ont du sens. Enfin, nous verrons comment résoudre ces conflits. A. Réfléchissez aux scènes que crée la partie

Quelle que soit la base sur laquelle vous vous appuyez pour mener (scénario du commerce, notes éparses, table aléatoire, etc.), l’histoire que sont en train de vivre les personnages peut être découpée en scènes. Celles-ci peuvent être amorcées par les joueuses ou vous-même, jouées ou simplement racontées, planifiées ou improvisées… peu importe. Elles se caractérisent notamment par une unité de lieu et d’action, et il est donc généralement possible de les résumer ainsi : « les personnages font ceci à cet endroit ». Par exemple, on pourra dire : « ils livrent bataille dans le défilé », « ils défendent le pont-levis » ou « ils essayent de convaincre le garde de les laisser sortir de prison ». B. Faites progresser l’histoire par les conflits

Ces scènes peuvent avoir plusieurs fonctions : • montrer quelque chose sur le monde ou sur les personnages ; • se faire plaisir en en mettant plein la vue ; • permettre aux joueuses de souffler ; • apprendre des règles spécifiques ; • etc. Dans l’idéal, les joueuses devraient avoir l’impression que chaque scène jouée a changé la situation dans laquelle se trouvent les personnages. C’est d’une certaine façon sa fonction par défaut, qui peut se combiner avec n’importe laquelle de celles ci-dessus. Or, la façon la plus efficace de susciter ce sentiment de progression est d’installer et de résoudre un conflit. Attention, le terme est ici à prendre au sens narratif, c’est-à-dire que la scène peut désormais se résumer par : « les personnages font ceci à

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cet endroit et quelque chose ou quelqu’un s’y oppose ». En effet, intégrer un conflit permet de donner presque instantanément du sens à ce que vous êtes en train de jouer, mais aussi de provoquer la curiosité des joueuses. En d’autres termes, créer un conflit revient à poser une question à laquelle la scène va devoir répondre. Aussi, faites en sorte de toujours inclure au moins un conflit pertinent dans chaque scène. Si elle est planifiée, il vous suffit de le prévoir. Si elle est improvisée ou ne se déroule pas comme vous le pensiez, à part dans de très rares cas particuliers, essayez d’introduire une opposition et ne laissez pas la scène se terminer sans avoir résolu le conflit qu’elle génère. C. Comment créer des conflits qui ont du sens ?

Proposer un conflit ne signifie pas toujours rajouter un combat ou une joute verbale, même si vos joueuses vous en réclament. Ce n’est donc pas la peine de vous précipiter sur la table des monstres errants juste parce que vous manquez d’idées. Inspirez-vous plutôt de la fiche sur les grands types de conflits (p. 221), et notamment de tous les cas qui n’impliquent pas d’opposant direct (protagonistes contre eux-mêmes, la nature, la technologie, etc.). Oubliez un temps l’action que réalise le personnage pour prendre du recul et envisager ce qu’il souhaite faire, ce qui est en jeu et pourquoi. La réponse sera sa motivation et, en général, l’élément qui devrait être au cœur du conflit. Par exemple, un PJ ne cherche pour ainsi dire jamais à jeter une boule de feu pour jeter une boule de feu, ni même pour blesser quelqu’un. La plupart du temps, il la lance pour sauver sa vie et celle de ses compagnons, accéder à une relique, bannir un démon millénaire, changer le cours d’une bataille, prendre le contrôle d’une place forte, impressionner quelqu’un, etc. Pour proposer un conflit qui a du sens, optez pour une des options suivantes : • opposez les personnages à un PNJ déjà identifié comme important. Évidemment, sa motivation doit être incompatible avec la leur, soit parce qu’elle est antagoniste (ennemis), soit parce qu’ils veulent la même chose mais ne peuvent tous l’obtenir (rivaux) ; • confrontez-les à un événement qui pourrait les empêcher de concrétiser l’objectif impliqué par leur motivation ou les forcer à la réévaluer, comme un tremblement de terre et l’obligation de gérer les blessés (éventuellement des deux camps) alors qu’ils se préparent à subir un siège ; • amenez-les à choisir entre leur motivation et des éléments personnels ou qui les définissent. Seront-ils prêts à défendre la population de cette ville alors que c’est le clergé du dieu en lequel ils croient (et qui leur donne leurs pouvoirs) qui l’assiège ? Ou si l’officier ennemi se révèle être leur amant ? Refuseront-ils des réfugiés à leur porte pour avoir moins de bouches à nourrir ? • créez un dilemme entre l’action qu’ils sont en train d’accomplir et leur motivation. Préfèrent-ils donner les clés de la ville à l’ennemi pour en épargner la 384

population ou tenter de se défendre, même si cette décision revient à laisser mourir de nombreux habitants ? • faites-les choisir entre plusieurs tâches ou objectifs pour réaliser leur motivation. Il peut s’agir très simplement de les amener à débattre d’un itinéraire, ou de les enjoindre à choisir entre plusieurs options pouvant leur permettre d’atteindre leurs objectifs. Préfèrent-ils privilégier l’efficacité, la vitesse, la discrétion, la popularité, l’éthique, le moindre risque, etc. ? Que sont-ils prêts à sacrifier ? • intégrez un élément qui ne résout pas vraiment la situation sur le moment, mais qui la prolonge tout en augmentant immédiatement ses enjeux, en positif comme en négatif. Vont-ils assassiner le chef ennemi ou le laisser partir, sachant que cette décision peut aussi bien amener ses hommes à lever le siège que signifier que désormais, ils continueront de se battre sans faire de prisonnier ? À noter que les astuces ci-dessus restent efficaces même lors de scènes cinématiques. Bien entendu, vous devez les adapter pour enlever toute forme d’interactivité, mais rien ne vous empêche de montrer ces conflits au lieu d’amener vos joueuses à les expérimenter par le biais de leurs personnages. Ainsi, par exemple, montrer comment un PNJ que les joueuses apprécient se retrouve à devoir réaliser une action qu’il ne souhaite clairement pas faire, comme tuer l’amour de sa vie par devoir, ne sera probablement pas perçu avec la même intensité que si c’étaient les PJ qui l’avaient accomplie directement (comme expliqué dans la fiche Faire expérimenter p. 453). Toutefois, ce conflit reste pertinent et potentiellement émouvant. Pour animer une telle scène, il vous suffit d’évoquer les émotions qui devraient animer les différents protagonistes exactement comme s’ils étaient joués (incertitude, hésitation, lutte, détermination, etc.). D. Comment résoudre ces conflits ?

Pensez à l’échelle du conflit, pas à celle de l’action ou de la tâche. Il sera souvent bien plus efficace d’interpréter un test raté en laissant les PJ réussir leur tâche, mais en mettant en danger soit l’issue de l’ensemble du conflit, soit des éléments qui leur sont plus personnels. La méthode la plus connue et la plus simple est celle du « oui, mais… ». Héritée du théâtre d’improvisation, elle consiste à essayer de dire le moins possible « non » ou «  tu échoues  » à une joueuse, mais au contraire à lui dire que son personnage réussit (« oui ») tout en rajoutant une complication, une difficulté ou un contretemps supplémentaires (« mais »). Ainsi, en cas d’échec à un test de Discrétion, il est possible de répondre « tu réussis à te cacher, mais tu as laissé tomber ton sabre. Les gardes le ramassent, sans s’apercevoir que tu es seulement à quelques mètres d’eux ». Cette technique est extrêmement populaire, à tel point que de nombreux jeux l’intègrent dans leur mécanique. Certains de façon discrète, comme Apocalypse World ou Star Wars (celui traduit par Edge Entertainment), d’autres bien plus directement. Ainsi, dans Wastburg, elle est déclinée en six possibilités : « Oui, et… », « Oui », « Oui, mais… », « Non, mais… », « Non » et « Non, et… ». Les « et… » impliquent que le résultat obtenu renforce et amplifie les conséquences d’une réussite ou d’un échec,

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alors que les «  mais…  » les atténuent au contraire. D’autres jeux, comme Within, offrent encore davantage de possibilités. Lorsqu’il vous appartient de résoudre une action ou d’en interpréter le résultat, vous pouvez vous inspirer des exemples ci-dessus, mais essayez de proposer des développements qui ont un lien avec la motivation des personnages. Par exemple, dans le cas d’un échec à un test, vous pouvez décider que l’action réussit, mais que : • très ironiquement, cette issue éloigne le personnage de l’objectif qu’il voulait réellement atteindre : « Tu as bien déverrouillé la porte. Mais, en l’ouvrant, tu tombes nez à nez avec deux gardes aussi surpris que toi. Que fais-tu ? » ; • cette réussite s’accompagne de la concrétisation d’un risque préalablement identifié : « Tu as bien déverrouillé la porte. Mais, comme tu le craignais, tu peux voir des chiens de garde à l’autre bout de la cour. » ; • elle provoque une complication qui ne devrait poser problème que pour ce conflit-ci : « Tu as bien déverrouillé la porte, mais le bruit a attiré un garde. Il faudra trouver une autre sortie. » ; • elle s’accompagne d’une contrainte dommageable à terme, y compris après la résolution du conflit : « Tu as bien déverrouillé la porte, mais tu t’aperçois que tu as arraché un bout de ton manteau un peu plus tôt dans la soirée. Leur mage pourra sans doute s’en servir pour retrouver ton identité. » ; • la concrétisation de la réussite ne pourra être immédiate, ou demandera un effort supplémentaire, une prise de risque, de l’aide, le sacrifice de ressources, etc. : « Tu vas déverrouiller cette porte, mais pour y parvenir rapidement, tu vas devoir forcer : ils sauront que quelqu’un est entré et tu risques de casser tes outils. Que fais-tu ? » ; • elle s’oppose à un aspect qui définit le personnage, que ce soit lié à sa nature profonde, ses tabous, ses relations ou autre : « Tu as réussi à déverrouiller la porte, quand tu entends le seigneur menacer ses hommes à l’étage du dessous. Arriver à tes fins signifiera l’exécution du garde qui t’a permis d’entrer. ». En faisant en sorte que tous ces éléments supplémentaires soient liés à la motivation des PJ ou à ce qui les définit, vous devriez systématiquement obtenir des scènes où l’histoire progresse. De surcroît, elles renforceront l’intérêt des joueuses et la cohérence de la partie. Vous éviterez également la contradiction où, alors que vous décrivez des personnages qu’elles imaginent puissants, ceux-ci sont constamment tenus en échec par des tâches qui devraient être largement à leur portée. Naturellement, vous pouvez appliquer les astuces contraires pour un test réussi. Elles sont notamment utiles lorsque les personnages réussissent un peu trop facilement face à une opposition dont vous souhaitez préserver la crédibilité vis-à-vis des joueuses.

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3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• peut s’appliquer à toutes les scènes : jouées ou pas, planifiées ou pas, etc. ; • limite les risques de décrédibiliser les PJ ou les PNJ sur des actions ordinaires ; • permet d’énormément varier les défis proposés  et les réponses apportées, y compris à des situations similaires ; • facilite la gestion de la progression de la partie pour le meneur, à la fois en termes de rythme et de cohérence thématique ; • améliore l’implication des joueuses. Inconvénients :

• n’est pas toujours la solution la plus adaptée : la résolution par tâches reste plus efficace pour certains genres, notamment lorsque l’action est au plus proche des personnages, et où les scènes s’enchaînent sans ellipses ou presque : horreur, survie, etc. ; • nécessite du temps pour être maîtrisée : la très grande souplesse accordée au meneur sur l’interprétation d’une réussite ou d’un échec peut amener des difficultés à bien doser les retombées pour les personnages et sur certains aspects de la partie ; • peut sembler injuste : cette dimension arbitraire peut amener certaines joueuses à se sentir flouées en cas de conséquences qu’elles jugeront particulièrement dures ; • nécessite de se souvenir ou de garder une trace des conséquences, surtout celles ayant un impact sur le long terme.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Improviser p. 125, Animer les combats p. 173, Animer les scènes spéciales p. 191. Jouer des parties de jeu de rôle : Garder la balle en l’air p. 113, Se renouveler p. 163, S’entraîner p. 303.

Animer une phase de plan ou d’intrusion ** 1. Description A. Présentation

Les phases de plan ont généralement lieu alors que les personnages s’apprêtent à cambrioler un lieu particulièrement bien protégé ou cherchent à s’introduire dans le quartier général de leur pire ennemi. Traditionnellement, ce sont des moments un peu à part où les joueuses ne cherchent plus tant à y interpréter leur alter ego qu’à résoudre ensemble un problème logique. En effet, c’est alors directement leur intelligence qui est sollicitée, et pas – ou presque pas – les capacités des personnages. Or, si ces scènes sont généralement stimulantes lorsqu’elles débutent, il n’est pas rare qu’elles s’éternisent, virent à la foire d’empoigne et se terminent brutalement devant l’incapacité des joueuses à se mettre d’accord. Le groupe fonce alors dans le tas et rien ne se passe jamais comme prévu, démontrant s’il en était besoin que l’heure qui vient de s’écouler n’a décidément rien apporté. Cette situation n’est pas une fatalité et il existe plusieurs techniques pour refaire de ces phases de jeu des moments intéressants, selon ce que l’on souhaite mettre en avant. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• renouveler un type de scènes qui avaient trop tendance à se ressembler ; • ne garder que le côté inspirant des phases de plan ou d’intrusion ; • montrer que les personnages sont des professionnels capables de réussites assez spectaculaires quand ils travaillent de concert ; • explorer le canon d’un genre, notamment sur des jeux comme Nightprowler, James Bond ou Shadowrun ; • créer des scènes de tension avec une réelle opposition ; • créer des opportunités de victoires collectives.

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C. Variantes

En présentant six méthodes différentes, cette fiche propose déjà de nombreuses variantes. Toutefois, il est possible d’en créer de nouvelles, notamment en jouant sur les techniques de cadrage, de flash-back ou de flash-forward pour une approche toujours plus déstructurée. D. Mots-clés

Cadence, improvisation, mise en scène, narration partagée.

2. Mode d’emploi  Pour animer une scène de plan ou d’intrusion, vous pouvez utiliser la méthode traditionnelle, idéalement assortie de quelques astuces complémentaires pour augmenter son intérêt, ou une des alternatives décrites ci-dessous. A. La méthode traditionnelle

La méthode traditionnelle pour gérer une phase de plan consiste à laisser les joueuses en discuter entre elles, qu’elles choisissent d’interpréter leurs personnages ou pas. Généralement, le MJ répond à toutes les questions qu’elles peuvent se poser, du moment que les PJ ont accès à cette information. Une fois qu’elles se sont coordonnées, la mise en œuvre commence et la partie reprend de façon classique, le meneur décrivant les conséquences des actions des personnages ainsi que celles entreprises par leurs adversaires ou leurs alliés. Toutefois, cette méthode, utilisée sans précaution, peut créer de nombreux problèmes, comme mentionné au début de cette fiche (joueuses qui se braquent, discussions qui s’éternisent pour voir finalement les PJ foncer dans le tas, etc.). De plus, il n’est pas rare qu’elle génère des situations étranges, notamment parce que les joueuses ne peuvent pas penser à tout ce que leurs spécialistes de personnages feraient dans une telle situation. Aussi, le meneur n’a parfois qu’une marge de manœuvre très réduite, et ne peut ni se montrer trop conciliant, ni exploiter réellement les failles du plan des joueuses. Dans les deux cas, tout l’intérêt de la phase de jeu précédente serait réduit à néant. 10 astuces pour améliorer la méthode traditionnelle Voici quelques techniques pour ajouter du sel à ces scènes, tout en en évitant les principaux écueils de la méthode traditionnelle. Naturellement, nombre de ces principes restent opérationnels si vous procédez autrement : 1. à moins que vous jugiez ce mode d’expression trop chronophage ou craigniez qu’il ne complique trop la situation, demandez aux joueuses de parler comme le feraient leurs personnages ; 2. mettez une limite de temps, que celle-ci concerne les joueuses (temps réel) ou les personnages. Si la tâche à réaliser semble très difficile ou complexe, n’hésitez pas à

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scinder la préparation en plusieurs plans intermédiaires et à intercaler d’autres phases de jeu entre ceux-ci ; 3. variez le problème auquel sont confrontés les personnages. Tous les plans ne concernent pas des intrusions et certaines intrusions comprennent des difficultés qui ne sont pas liées à la sécurité des lieux. Par exemple, les PJ peuvent être confrontés à un PNJ ayant les mêmes compétences qu’eux et sachant comment ils fonctionnent, un rival peut tenter une intrusion simultanée, ils doivent protéger une cible dont il faut préserver la réputation ou l’intégrité physique, etc. ; 4. pensez à ce qu’il peut se passer en cas d’échec et trouvez un moyen de faire en sorte que la situation reste intéressante. De la même façon, prévoyez un éventuel twist à utiliser durant la réalisation du plan, quitte à le déterminer aléatoirement : 1. Les rôles sont inversés entre la cible et les PJ. 2. Le point faible que voulaient utiliser les PJ n’existe pas, il faut en trouver rapidement un autre. 3. Ce qui est prévu se révèle contraire aux valeurs des PJ ou ils ont été menés en bateau. 4. L’objectif n’a plus lieu d’être ou évolue pendant la réalisation du plan. 5. La situation prend un tour personnel. 6. Ce à quoi pensent être confrontés les PJ n’est que la partie émergée de quelque chose de bien plus important ; 5. rappelez aux personnages qu’ils peuvent se renseigner, par exemple en repérant les lieux, en faisant appel à leurs contacts, ou en utilisant de façon créative certaines de leurs compétences secondaires. Même si ces actions intermédiaires peuvent avoir des inconvénients (prise de risque, perte de temps), il est souvent très utile et rentable de vérifier certaines hypothèses. En revanche, amenez les joueuses à faire des choix quant aux informations qu’elles chercheront à acquérir, par exemple parce que les obtenir demande du temps, de la main-d’œuvre ou un budget. Faites-en un enjeu stratégique. De même, si cette scène est suffisamment importante pour le justifier, prévoyez un certain délai avant l’arrivée de ces informations. Cela vous permettra de mieux rythmer cette phase de jeu ; 6. ne transformez pas la scène de plan en une phase hors du temps et hors du jeu. L’univers continue à vivre pendant que les joueuses discutent et leurs personnages en font toujours partie. Ils peuvent être contactés, leur quartier général attaqué, etc. ; 7. n’hésitez pas à mettre un ou deux PNJ dans les pattes des personnages pour pouvoir intervenir en douceur, par exemple pour rappeler aux joueuses d’interpréter leurs PJ, les amener à récapituler le plan à haute voix ou pour gérer le timing ; 8. ne passez pas à la réalisation du plan sans vous être assuré d’avoir bien compris ce que prévoient les joueuses ; 9. lors de la réalisation du plan, réfléchissez aux types de jets que vous demandez. Est-ce qu’il est nécessaire qu’un seul personnage rate pour qu’ils échouent tous (si un PJ fait suffisamment de bruit pour donner l’alerte, peu importe que les autres aient été discrets), ou est-ce qu’ils peuvent s’entraider et qu’il suffit, par exemple, que la moitié du groupe réussisse son jet pour qu’on le considère comme un succès collectif ?

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10. lors de la réalisation du plan, demandez un jet dès le début, par exemple de perception ou de discrétion, et conservez son résultat jusqu’à ce que la situation change drastiquement. Ainsi, vous saurez rapidement qui a échoué ou réussi sans ralentir l’action, et sans mettre la puce à l’oreille des joueuses. B. Choisir une autre méthode

Les dix points ci-dessus permettent de renouveler au moins en partie vos scènes de plan. Toutefois, vous aurez peut-être envie de les animer en suivant une tout autre dynamique. Voici quelques méthodes alternatives et un tableau pour vous aider à les choisir en fonction de ce qui est le plus important pour vous : Vous voulez…

Méthode conseillée

Lancer un vrai défi aux joueuses.

Versus

Gagner du temps ou montrer la puissance des personnages.

Jet unique

Donner l’occasion à chaque personnage de briller et de participer à l’effort collectif.

Conflit collaboratif (p. 624)

Vous concentrer sur l’intrusion et non sur sa planification, trouver des idées pour la suite et créer du drama.

Questions aux personnages (voir Poser des questions provocantes p. 522)

Vous concentrer sur l’intrusion et non sur sa planification, faire briller les personnages et improviser.

Planification a posteriori

C. Versus

Cette technique est une variation de la méthode traditionnelle. Elle consiste à rapidement expliquer la situation aux joueuses pour qu’elles soient bien conscientes des enjeux auxquels sont confrontés les personnages, puis à ne pas écouter leurs réflexions, généralement en s’occupant à autre chose. L’idée principale est simplement qu’au lieu de vous retrouver dans une position où vous devrez choisir entre être trop conciliant ou exploiter sans pitié les failles du plan des joueuses, vous vous réservez la possibilité d’être surpris par leur ingéniosité. Ainsi, si leurs subterfuges arrivent à vous décontenancer, ou que vous pensez légitimement que leurs adversaires ne peuvent pas les avoir anticipés, il sera bien plus facile pour vous d’imaginer comment faire réagir ces derniers. Plus agréable, aussi. Concrètement, cela signifie que pendant que vos joueuses vont réfléchir, vous ne serez pas loin, par exemple en train de préparer une autre scène, de lire, ou de jouer à un jeu vidéo. Peu importe, l’important est de ne pas les déranger et de pouvoir arrêter immédiatement ce que vous faites pour répondre à leurs éventuelles questions. Les

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joueuses doivent rester votre priorité. Si cette méthode permet d’obtenir des scènes bien plus intenses pour tout le monde, il est évident que cette attitude est très inhabituelle et peut vous faire passer pour un malotru. Prenez donc bien soin de clarifier ce qui doit l’être avant de créer un malaise. D. Jet unique

Cette méthode est tellement simple que l’on oublie parfois qu’elle reste un choix possible et tout à fait valide : gérer l’ensemble du plan et de l’intrusion en un seul jet de dés. Cette étape peut être aussi rapide qu’un test de compétence, voire ne pas demander de jet du tout, ou intégrer des éléments un peu plus complexes comme un bonus ou un malus correspondant aux grandes lignes d’un plan informel esquissé par les joueuses. Vu le temps que peut prendre une phase de plan, il est parfois utile de se rappeler que l’on n’est pas obligé de jouer ces scènes in extenso, notamment parce que nous sommes pressés et que le début de la séance a été moins rapide que prévu, ou parce que l’on sait que toutes ces discussions n’auront au final que peu d’impact (PJ bien plus puissants que leurs opposants, par exemple). Dans une telle situation, il est tout à fait légitime d’animer une cinématique mettant en scène l’intrusion et, selon le résultat du test, le niveau de réussite avec lequel les personnages s’en sortent. Il est aussi possible de ne proposer que ce que l’on considère comme la scène-clé de l’intrusion, par exemple quand le pirate a réussi à prendre le contrôle des caméras, ou quand le voleur est parvenu à éviter tous les lasers pour se rapprocher de la toile de maître tant convoitée. E. Conflit collaboratif

Cette technique est développée plus en détail dans une fiche spécifique (Intégrer un conflit collaboratif p. 624). En quelques mots, elle consiste à demander aux joueuses d’imaginer comment leurs personnages aident les autres à s’introduire quelque part, ce qui peut prendre des formes extrêmement variées. Ainsi, si tout le monde comprend l’utilité d’une compétence de type Discrétion, il est possible pour un personnage cuisinier de se servir de ses talents pour endormir la vigilance des gardes ou pour un historien de justifier la présence d’une fausse équipe de fouilles archéologiques sur un site pourtant sensible. Naturellement, un test est demandé à chacun pour voir si leurs tentatives sont couronnées de succès ou échouent, mais c’est beaucoup plus rapide que la méthode traditionnelle. De plus, c’est un bon moyen de faire participer des personnages a priori peu doués pour l’infiltration ou le combat. F. Questions aux personnages

Cette technique consiste à ne laisser qu’un temps extrêmement court pour la préparation, voire aucun, et à jouer les scènes les plus intéressantes de l’intrusion en posant des questions aux personnages pour expliquer, par exemple, les événements qui les ont amenés à cette situation : « comment avez-vous vaincu les protections magiques de la forteresse ? », « comment avez-vous réussi à localiser le point faible de la structure ? », « quelle a été la principale difficulté jusqu’à présent ? » ou « qu’est-ce qui vous empêche

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d’avancer et qui fait que vous risquez d’être repérés si vous n’agissez pas tout de suite ? ». Cette méthode est extrêmement efficace lorsque vous cherchez à improviser la suite des événements et souhaitez que les joueuses vous apportent du grain à moudre. Mais vous pouvez aussi vous en servir pour créer du drama entre les personnages ou mettre le projecteur sur des scènes spécifiques, par exemple avec des questions comme « Tu t’aperçois que le garde n’a pas été neutralisé et que tu vas devoir t’en occuper toi-même alors que tu n’as pas l’équipement pour. Lequel de tes compagnons n’a pas fait son boulot ? », « Lequel de vos contacts vous a trahis ? » ou « Alors que personne ne vous a repérés, tu entends la détonation caractéristique d’une de vos armes. L’alarme va être donnée, c’est une question de secondes. Du côté duquel de tes camarades venait le coup de feu ? ». La lecture des fiches sur les questions provocantes (p. 522) et les introductions coupde-poing (p. 209) peut être utile pour peaufiner cette technique. G. Planification a posteriori

Cette dernière méthode comprend deux temps. D’abord, elle consiste à faire gagner un certain nombre de points de ressources aux personnages en leur demandant comment ils comptent réaliser leur intrusion, tout en requérant des tests des compétences correspondantes, mais sans donner d’autres détails. Dans Les Mille-Marches, par exemple, c’est la qualité de la réussite de ces derniers qui détermine le nombre de points obtenus. Ensuite, le MJ fait jouer l’intrusion de façon classique, mais lorsque les PJ sont face à une difficulté, les joueuses ont également la possibilité de dépenser des points de ressources (selon la nature de l’obstacle rencontré) en expliquant comment la préparation a permis aux personnages d’éviter le problème. Ainsi, face à une porte protégée par un code, ils peuvent tenter de la forcer via un test d’Électronique, ou dépenser un point pour avoir auparavant lu le code dans les mails du personnel, ou pris le temps de pointer une caméra sur le boîtier quand quelqu’un rentrait, etc. Cette méthode permet de se concentrer sur l’action plutôt que sa préparation, et est très efficace pour faire briller les personnages, notamment lorsque ceux-ci sont bien plus aguerris que leurs joueuses.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• fournissent de réels défis pour le meneur comme pour les joueuses ; • mettent en avant le talent, les spécificités et la complémentarité des personnages, y compris ceux qui semblent moins utiles à première vue ; • inspirent des phases souvent intenses et intéressantes d’un point de vue créatif, lorsqu’elles sont animées de façon à en éviter les écueils ; • permettent des approches multiples pour s’adapter aux contraintes de sa table, et la préparation peut être modulée en fonction ; • sont utilisables dans la plupart des campagnes et dans de très nombreuses situations.

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Inconvénients :

• comportent des écueils certes identifiés, mais bien réels ; • nécessitent de la préparation pour proposer une expérience optimale aux joueuses, même si certaines approches permettent de limiter le temps nécessaire ; • réclament toujours un temps de jeu non négligeable, à moins d’utiliser la méthode du jet unique ; • peuvent devenir répétitives si on n’injecte pas de nouvelles contraintes (voir les 10 astuces pour améliorer la méthode traditionnelle p. 389) pour les renouveler et montrer ce que la situation en cours a d’unique.

4. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Improviser p. 125, Animer les scènes spéciales p. 191, Partager la narration p. 381. Jouer des parties de jeu de rôle : Faire d’un incapable un héros p. 245, Jouer des génies p. 261, Se laisser surprendre p. 277.

Choisir où jeter les dés *

1. Description A. Présentation

En théorie, choisir de jeter les dés devant ou derrière l’écran n’a aucune importance, ce n’est pas ce qui en changera le résultat. Et pourtant, aussi anodine qu’apparaisse cette décision, elle cache de nombreuses possibilités et autant de subtilités souvent négligées. Cette fiche en présente quelques-unes. Naturellement, les considérations suivantes ne se limitent pas à l’utilisation de dés, mais s’appliquent également aux autres outils qui permettent d’obtenir des résultats aléatoires : jetons comme dans Within, cartes comme dans Castle Falkenstein, etc. La capacité à cacher ou non votre tirage aura plus d’importance que la nature de l’objet utilisé. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• compléter les effets qu’ont les tests sur les personnages par d’autres effets sur les joueuses ; • transmettre des informations aux joueuses sans avoir à les exprimer de façon explicite ; • revaloriser certaines phases de jeu sinon résolues par un simple jet de dés ; • recréer de l’incertitude, du suspense et de la tension. C. Variantes

Au-delà du simple fait de lancer les dés devant ou derrière l’écran, il existe de nombreuses autres techniques qui permettent de redonner de l’importance et du sens aux jets de dés, au-delà de leur simple fonction de générateurs de résultats aléatoires. Voici trois exemples particulièrement courants :

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• lancer les dés pour impressionner les joueuses  : devant ou derrière l’écran, jeter ostensiblement les dés attire toujours l’attention des joueuses, même quand vous vous moquez du résultat. Ce geste permet de provoquer une montée en tension et de leur mettre la pression. C’est d’autant plus efficace si vous prenez un air affecté (surpris, embêté, apeuré, etc.) à la lecture du résultat ou que vous lancez de nombreux dés pour bluffer quant à la puissance d’un adversaire ; • renoncer à demander des tests, pour faire passer certaines informations : dire à des joueuses qu’il n’y a rien à trouver dans une pièce sans les laisser jeter un dé leur envoie le message qu’effectivement, elle ne contient aucun indice utile. De la même façon, annoncer brusquement l’apparition d’un adversaire sans demander un test de Perception peut montrer que celui-ci est quasiment indétectable ou a fait usage de magie ; • utiliser des dés comme ressources visibles par tous  : certains dés peuvent représenter les possessions des joueuses, comme leurs munitions ou l’état de leur voiture, ou des éléments plus abstraits comme la chance 1, le moral d’un équipage ou une distance restant à parcourir. Les joueuses pourront s’en emparer et les manipuler. Cette technique les encouragera à se concentrer sur cet aspect et à apprendre à le gérer, mais elle contribuera également à le rendre tangible et important. D. Mots-clés

Direction, tension, tests, transparence, tripes.

2. Mode d’emploi  Voici trois stratégies différentes pour effectuer vos lancers de dés. En cas de doute, elles partent du principe que vous les jetez derrière l’écran. A. Jeter ses dés derrière l’écran permet de :

• ne pas montrer que l’on triche : sans vouloir rentrer dans un éventuel débat éthique, et même s’il nous semble qu’une ligne de conduite efficace est de ne pas jeter un dé dont on n’est pas prêt à accepter le résultat, il peut arriver que l’on se mette malgré soi dans une situation difficile. Jeter les dés derrière l’écran peut alors devenir le seul moyen, par exemple, d’éviter une mort aussi soudaine qu’imméritée et fade à un personnage ou de rompre une belle montée en tension ; • créer du suspense (voir Instiller davantage de suspense p. 288) : pour prendre un exemple connu de tous, si vous demandez le score de perception des personnages avant de jeter les dés derrière votre écran, mais n’en donnez pas le résultat, les joueuses ne sauront pas s’il n’y a rien à trouver, si les personnages n’ont rien trouvé, s’ils n’ont pas tout trouvé ou s’ils n’ont pas trouvé ce qu’il fallait. Cette incertitude peut créer du jeu et participer à faire ressentir des émotions aux joueuses, surtout s’il s’agit de détecter un potentiel danger immédiat. Il est possible d’appliquer un principe similaire à la plupart des actions, même 1. Ce fonctionnement est similaire à celui des dés de Krâsses du DK System.

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lorsqu’elles sont aussi anodines qu’un jet de Soins ou de blessure : est-ce que l’empoisonnement est soigné ou pas ? Peut-on prendre le risque de ne pas attendre d’être sûrs que le personnage aille mieux ? Procéder ainsi redonne de l’importance à ces tests qui sont devenus presque administratifs à de nombreuses tables. Parfois, les joueuses seront plus soulagées d’avoir un résultat négatif, mais pas catastrophique, que de rester dans l’incertitude ; • ne pas montrer les capacités des PNJ  : selon le jeu auquel vous jouez, les dés que vous lancez ou leur résultat peuvent permettre de déduire la puissance d’un adversaire ou la difficulté d’une tâche. Il peut souvent être intéressant de dissimuler ces dernières afin de ménager un effet de surprise, de créer un sentiment de peur, d’éviter de dévoiler un point faible ou la puissance d’un objet magique, etc. Dans le même ordre d’idées, demander directement la marge de réussite d’un jet, et pas s’il est réussi ou raté, constitue une autre astuce pour retarder légèrement cette divulgation. Cette façon de procéder induit l’idée, chez les joueuses, que vous appliquez un modificateur au résultat, probablement un malus, et que les apparences sont trompeuses ; • ne pas montrer que l’on jette les dés : bien que relevant du méta-jeu, savoir si un élément (nom d’un PNJ, type de monstre rencontré, décisions diverses, etc.) est déterminé aléatoirement ou pas est une information très importante et nombre de joueuses en tiennent compte, parfois même sans le savoir. Montrer que vous lancez les dés revient bien souvent à leur envoyer un signal disant que ce qu’elles ont en face d’elles n’est pas décrit dans le scénario, et donc peu important. Même si ce n’est pas volontaire ou conscient, un tel événement peut réduire leur sentiment d’être face à un monde tangible, voire les amener à se désintéresser de tel ou tel PNJ. Mais il est également possible d’en jouer, comme expliqué dans la fiche S’exprimer sans parler p. 542 ; • ne pas montrer que l’on ne lance pas les dés : là encore, on peut estimer qu’il s’agit de triche ou considérer que c’est tout à fait normal, mais il serait dommage de réduire cette astuce à une simple duperie. Par exemple, outre le fait de ne pas dévoiler que vous déterminez un élément de manière aléatoire, vous pouvez vous servir de dés jetés précédemment ou d’une simple suite de nombres pour gagner du temps sur certaines phases techniques (combats, poursuites, etc.). En fin de partie, c’est un avantage indéniable et un gain de confort pour vous ; • gagner du temps : sans aller jusqu’à ne pas lancer les dés comme décrit ci-dessus, les jeter derrière l’écran permet souvent, tout simplement, d’aller plus vite. Si vous jouez assis et en bout de table, vous n’avez pas à vous lever et à passer au-dessus de tout ce qui encombre la table pour faire votre jet, sans compter que ce dernier va sans doute être plus rapide : votre geste sera moins ample et vous passerez moins de temps à récupérer les dés. Là encore, ce conseil peut paraître anodin, mais il fait une vraie différence en fin de soirée. C’est bien moins vrai si vous vous situez au milieu des joueuses (voir Placer les joueuses p. 122). B. Lever son écran après avoir jeté les dés derrière permet de :

• tenter de convaincre les joueuses que vous ne trichez pas, par exemple en montrant qu’un jet est réellement exceptionnel, que ce soit à leur avantage ou pas ; • leur faire comprendre que vous ne sauverez pas les PJ si elles ont tendance à croire que leurs personnages disposent d’une forme d’immunité scénaristique. 397

Attention, toutefois, à ne pas abuser de cette technique. Elle fait étonnamment illusion, mais, à de très rares exceptions près, elle n’est réellement utile que si vous vous en servez pour tricher, que ce soit en montrant un dé qui n’est pas celui que vous avez jeté, ou en révélant certains résultats pour rester crédible quand vous ne tenez pas compte des autres. Dans tous les cas, ne faites jamais l’erreur de croire que vos joueuses sont idiotes. Utilisée trop souvent, cette technique risque de rapidement tomber à plat, surtout si votre langage corporel contredit l’information que vous voulez communiquer. Tricher ou ne pas tricher ? Dans le cadre de ce recueil, ce débat ne nous intéresse pas. Nous n’avons aucune intention ni de prendre la décision à votre place ni de nous positionner sur le terrain de l’éthique. En effet, nous savons que ce qui sera accepté à une table pourra passer pour de la manipulation à une autre, alors que les joueuses de la première ne comprendront pas pourquoi le meneur de la seconde ne fait pas tout pour améliorer l’expérience de ses camarades. En réalité, dans certains cadres, loin d’être rares, c’est l’application des règles à la lettre qui passera pour anormal et amoral. C’est pour cette raison que plutôt que de vous assener notre vision, nous vous encourageons à en discuter avec votre groupe pour éviter que qui que ce soit se sente floué et que la partie tourne au drame. De notre côté, nous estimons devoir vous présenter ces techniques. En effet, au-delà même du fait que la décision de les utiliser vous appartienne, elles sont loin de ne servir qu’à mener les joueuses par le bout du nez. Elles peuvent être très pratiques, par exemple, pour réparer de façon indolore une erreur que vous auriez commise un peu plus tôt ou pour renforcer un effet. En ce qui nous concerne, elles méritent de faire partie de votre boîte à outils, quitte à ce que vous ne vous en serviez que très rarement.

C. Jeter ses dés devant l’écran permet de :

• conférer un impact décuplé à un jet, notamment en expliquant à l’avance quelles vont être les conséquences en cas de réussite ou d’échec, et que celles-ci sont très élevées (voir Expliciter les enjeux d’un test p. 442). Par exemple, vous pouvez dire : « fais-moi un jet de Baratin. Si tu réussis, le roi te prend pour l’émissaire secret qu’il attendait jusqu’alors. Si tu échoues, il pense que tu es un espion et te fera embastiller… au mieux. » En agissant ainsi, vous attirez littéralement l’attention de toute la table sur ce test-là et, avec un peu d’habitude, en faites un véritable événement ; • transmettre des informations via la mécanique : comme on peut vouloir dissimuler les capacités d’un PNJ, on peut au contraire vouloir les mettre en avant. Par exemple, si les joueuses constatent que leur adversaire blesse leurs personnages malgré un résultat médiocre, ou que le meneur jette une grande quantité de dés de dégâts, c’est peut-être un signal leur indiquant qu’il vaut mieux fuir ou négocier. • donner confiance aux joueuses en leur montrant que leurs jets ont un réel impact, ce qui est encore plus vrai si vous jouez en transparence. Toutefois, cela

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implique que vous respectiez les résultats, et notamment que vous ne sauviez pas les PJ en trichant. Là encore, pour éviter toute situation gênante pour vous, apprenez à ne pas jeter de dés dont vous n’êtes pas prêt à accepter le résultat. Comment contourner le résultat d’un jet fait devant les joueuses ? Cette question peut sembler épineuse, surtout si vous avez essayé de faire monter la sauce et d’attirer tous les regards sur le test en question, par exemple parce qu’il arrive au moment dramatiquement approprié. Mais peut-être n’êtes-vous pas prêt à assumer tous les résultats. Si c’est le cas, il aurait peut-être mieux valu ne pas vous mettre dans une telle situation, mais il existe des solutions. Une première astuce efficace, même s’il n’est possible de l’utiliser que lors de certains conflits très spécifiques, consiste à expliquer les conséquences possibles d’une action, mais de ne pas préciser si elles découlent d’un échec ou d’une réussite du test. Une seconde technique, qui peut s’utiliser bien plus couramment, est de ne révéler précisément qu’une des deux conséquences, selon la situation et l’élément sur lequel les joueuses se concentrent (voir exemple à la page suivante). Vous pourrez alors adapter discrètement l’autre éventualité afin qu’elle génère des conséquences que vous puissiez gérer. Par exemple, dans certains cas, un jet de Natation réussi revient à regagner la plage et à se mettre hors de danger malgré la mer déchaînée et les arêtes tranchantes des récifs. Pourtant, si vous avez juste dit : « si tu échoues, les vagues t’emportent avant que tu n’aies atteint le rivage », cela ne signifie pas que le personnage va mourir sur le coup. Cela en a juste l’air. En cas d’échec, il sera emporté vers une autre complication et pourra peut-être grimper sur des rochers, quitte à être blessé ou à perdre une partie de son matériel. Il pourra tenter de rejoindre ses camarades une fois la tempête passée.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• sont utilisables très facilement pour les effets les plus courants ; • permettent de renforcer l’impact de certaines scènes ; • ménagent des effets variés et subtils, au-delà de la réussite ou de l’échec d’une action ; • jouent avec les habitudes des joueuses. Inconvénients :

• peuvent être perçues comme malhonnêtes dans certains groupes, ou au moins participer à la création d’une forme de méfiance vis-à-vis du meneur ; • ne marchent pas avec tous les jeux ou systèmes ; • nécessitent de la pratique pour les effets les plus avancés.

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4. Exemple Les PJ voyagent en montagne, guidés par un jeune berger à l’apparence inoffensive. Celui-ci est en réalité une féroce créature inconnue des personnages ayant pris apparence humaine. La première nuit, le meneur estime que les personnages ne peuvent pas percevoir le monstre, mais qu’ils peuvent, de manière inconsciente, ressentir sa présence. Il décide que la meilleure façon de mettre cette impression en jeu est de leur demander leurs scores de perception et de faire les jets derrière son écran. Les seuls éléments à trouver sont quelques indices légers (dépouilles d’animaux, nervosité de leurs montures, etc.), mais il estime qu’en procédant ainsi, il amènera les joueuses à se méfier et, par conséquent, parviendra à leur transmettre une partie du trouble de leurs personnages. Une autre nuit, la bête attaque. Le meneur commence par faire les jets d’attaque et de dégâts de cette dernière de façon visible. Son but est de montrer la puissance folle de la créature, afin que les joueuses comprennent que leurs personnages ne sont pas de taille. Il faut avant tout les mettre à l’abri et trouver une autre façon de se débarrasser du danger. Un peu plus tard, au paroxysme de l’affrontement, une joueuse se souvient que le berger marmonnait une berceuse pour se détendre et décide que son personnage va essayer de l’apaiser en la chantant à son tour, une fois qu’il se sera assez approché. C’est effectivement la solution prévue par le scénario, mais le meneur choisit de donner un côté spectaculaire à cette scène. Il fait alors monter les enjeux en expliquant à la joueuse que son personnage va soit réussir à apaiser la créature, soit déclencher sa colère et mourir sous ses coups. Ce sera un test de Volonté de la créature qui en décidera, et les dés seront jetés devant toute la table. Toutefois, comme le meneur ne veut pas que son scénario dépende d’un test ni avoir à improviser, et qu’il n’hésite pas à s’arranger avec les résultats des dés, il a volontairement omis de préciser un détail important : ce que signifiait un échec ou un succès. Ainsi, si le jet de Volonté réussit, il expliquera que l’esprit du berger a repris le dessus et que ce dernier résiste tant bien que mal à ses instincts monstrueux. En cas d’échec, il dira que le monstre est complètement subjugué par le chant et qu’il n’arrive pas à résister à son influence. Dans les deux cas, réussite comme échec, le monstre s’apaisera et laissera la place au berger. Ainsi, le meneur réussira à se ménager une porte de sortie confortable vers l’issue qu’il souhaite obtenir. Naturellement, ce sera d’autant plus efficace s’il enchaîne sur une scène poignante et s’il renforce son effet par d’autres techniques (communication non verbale, etc.).

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Créer des émotions particulières p. 277.

Choisir qui décrit le résultat des actions ** 1. Description A. Présentation

Dans de nombreux jeux, une action se résout par une séquence presque immuable : la joueuse annonce ce qu’elle souhaite faire avec son personnage, on utilise ensuite une mécanique permettant de déterminer, entre autres, le degré de réussite de l’action, et le meneur en décrit les conséquences immédiates. Cette façon de procéder paraît tellement aller de soi qu’elle est rarement expliquée dans les règles de jeux. Toutefois, ce n’est qu’une possibilité. Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, même à résultat équivalent, la dynamique de la partie peut grandement varier en fonction de la façon dont on choisit qui décrit les conséquences des actions. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• donner plus d’emprise aux joueuses sur ce qui se passe pendant la partie ; • casser de vieilles habitudes et rompre la monotonie ; • initier votre table en douceur à la narration partagée, sans pour autant changer de jeux. C. Variantes

Plus qu’une réelle alternative, la pratique la plus courante consiste probablement à ne pas se poser la question de savoir qui raconte les conséquences immédiates des actions. Il existe cependant de nombreuses méthodes non présentées ici, tout comme il est possible d’utiliser des mécaniques directement tirées de jeux remettant en cause ces habitudes, comme Dust Devil .

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D. Mots-clés

Descriptions, improvisation, narration partagée, règles.

2. Mode d’emploi  Voici quatre méthodes utiles pour déterminer qui aura la responsabilité de décrire les conséquences immédiates d’une action. Toutes ont des avantages et des inconvénients et, si vous le souhaitez, rien ne vous empêche d’en changer en cours de partie, par exemple pour rendre important un test ou une phase de jeu donnée. A. La joueuse décrit son intention, puis le meneur raconte le résultat de l’action

Dans cette configuration, la joueuse décrit ce qu’elle souhaite que son personnage fasse, on active la mécanique prévue pour le test (jet de dés, carte, etc.) et le meneur explique ce qui se passe au niveau technique, et sa traduction dans l’univers de jeu. C’est le cas de figure le plus classique. Outre de délester les joueuses d’une grande partie de leurs responsabilités, il a pour avantage de permettre au meneur de garder un contrôle du déroulé des événements et d’être relativement indolore. Ces atouts passent sans doute inaperçus, mais ils sont pourtant bien réels et, très probablement, ils sont la raison pour laquelle cette façon de faire est si répandue. Toutefois, pour fonctionner, cette méthode implique que le MJ respecte la volonté générale des joueuses et l’image qu’elles ont de ce que peuvent faire ou pas leurs personnages. C’est là sa principale limite. En effet, une mauvaise appréciation risque de leur donner le sentiment de ne pas être libres de leurs décisions, voire, et c’est souvent ressenti bien plus durement, d’être dépossédées de leurs personnages et de devoir accepter une attitude qu’ils n’auraient sans doute jamais eue si elles avaient été aux commandes. B. La joueuse décrit son intention, puis raconte le résultat de l’action

Laisser les joueuses raconter le résultat des actions a de nombreux avantages. Ceux-ci correspondent peu ou prou aux limites de la méthode précédente. Tout d’abord, procéder ainsi permet aux joueuses qui en auraient besoin d’avoir un peu plus d’espace pour leur créativité. Selon les personnalités, notamment sur un univers connu ou pensé pour du fan service, cette possibilité peut même faire partie intégrante du plaisir de jeu. Ensuite, laisser les joueuses raconter les conséquences immédiates des actions permet de filtrer toutes celles dont le ton leur paraîtrait inapproprié. Par exemple, cette méthode limitera les descriptions d’échecs critiques jugées ridicules, humiliantes ou simplement trop décalées. Il serait facile de caricaturer cet aspect, mais ce serait un tort. En effet, il a notamment pour effet d’amener les joueuses à interpréter bien plus

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facilement leurs personnages avec des dynamiques de type « jouer pour perdre 1 » ou « jouer pour soutenir 2 », qui permettent par exemple de s’aventurer dans des genres sinon difficiles (mélodrame, tragédie, etc.). Sans surprise, il est plus facile d’accepter de mettre son personnage en difficulté et de développer une scène que l’on juge intéressante sans craindre qu’une tierce personne en profite pour nous le faire regretter. Cependant, prendre cette responsabilité peut devenir une source de stress pour certaines joueuses qui n’y sont pas habituées ou sont particulièrement timides. Dans ce cas, il vaut sans doute mieux mettre tout le monde en confiance en montrant comment faire au cours de quelques situations sans réel enjeu. Cependant, il est tout à fait possible qu’elles aient du mal à donner une chance à ce changement, voire qu’elles ne l’apprécient jamais et qu’il les inhibe, au point de nuire à leur plaisir et à celui du reste de la table. A contrario, d’autres se sentiront très à l’aise mais pourront avoir tendance à développer de longues descriptions qui pourront ralentir le rythme de la partie. N’hésitez pas à changer de méthode le cas échéant, pour tirer parti des préférences de vos joueuses. C. La joueuse raconte le résultat de l’action sans décrire son intention

Cette méthode consiste à sauter l’étape où la joueuse décrit ce qu’elle souhaite que son personnage accomplisse. Ici, elle se contente de donner l’idée générale, sans doute la compétence utilisée, puis on active la mécanique prévue pour le test et, enfin, elle décrit le résultat de l’action. Peu importe que le personnage accomplisse des choses qui n’étaient pas prévues au départ ou que la joueuse n’aurait même pas osé tenter, du moment qu’elles sont possibles d’un point de vue technique. Cette façon de procéder fait gagner du temps, non seulement en supprimant l’étape où la joueuse déclare son intention, mais également en rendant caducs l’essentiel des marchandages et autres justifications qui pourraient naître d’une trop grosse différence entre cette première étape et le résultat des dés. Cet avantage est notamment important lors des phases de combat de jeux très techniques, ou, comme dans Dragon Age, lorsque la mécanique utilisée permet d’acheter ou de déclencher des « effets » en cours de résolution (seconde attaque, coup puissant, désarmement, etc.). Avec ce type de système, expliquer l’intention initiale de la joueuse est souvent du temps perdu : elle ne peut connaître les détails de ce que va réellement faire son personnage avant de jeter les dés. Pire, cette étape peut devenir source de confusion pour le reste de la table. De 1. Cette approche consiste à accepter de mettre ou de laisser son personnage en difficulté si on pense que ce choix peut rendre la partie plus intéressante. On la trouve généralement sous son nom anglais de « play to lose ». 2. Cette approche, que l’on trouve généralement sous son nom anglais de « play to lift », est une évolution de la précédente. Elle consiste à prendre ses décisions en fonction de ce qui va aider les autres joueuses à apprécier davantage la partie, voire à « gagner ». Même s’il a été écrit avant que cette pratique porte ce nom, vous pouvez vous faire une idée de ce à quoi elle ressemble concrètement en lisant l’article suivant : Jouer des parties de jeu de rôle, « Créer du jeu pour les autres » p. 179.

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plus, responsabiliser les joueuses sur la partie technique peut grandement simplifier la vie du meneur, qui a déjà beaucoup de travail sur ce type de jeu. Toutefois, cette approche a essentiellement deux désavantages. Elle implique que les joueuses aient une bonne connaissance du jeu, ce qui peut être assez intimidant quand on débute. Ensuite, elle amène souvent une description plus technique que narrative, ce qui se justifie sur certains jeux, mais appauvrit la partie sur d’autres. D. Le résultat du test détermine qui décrit celui de l’action

Dans cette configuration, la joueuse décrit ce qu’elle souhaite que son personnage fasse, on active la mécanique prévue pour le test, et selon le résultat de celui-ci c’est la joueuse, le meneur ou quelqu’un d’autre qui raconte ce qu’il se passe. Vous pouvez décider, comme dans octaNe, que l’objet du test est uniquement de savoir qui doit expliquer les conséquences immédiates de l’action, ou vous pouvez partir sur un procédé plus classique, du moment que c’est la joueuse qui décrit le résultat de l’action si son personnage réussit, et le meneur dans le cas contraire. Cette dernière méthode alterne donc les avantages et inconvénients des deux premières, mais elle se distingue en faisant de la responsabilité de décrire le résultat d’une action une « récompense » que les joueuses peuvent gagner. Dans de nombreux cas, cet argument suffit à vaincre les réserves liées à la timidité ou les craintes de faire « le travail du meneur ».

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• permet de renouveler sa manière de jouer ; • met en valeur certains tests spécifiques ; • permet de s’adapter aux besoins créatifs de ses joueuses ; • réduit encore la difficulté perçue à devenir meneur. Inconvénients :

• nécessite un apprentissage et un calibrage avec le groupe avant de doser convenablement, tant pour les conséquences négatives que positives ; • peut braquer certaines joueuses ; • ne s’applique pas à tous les jeux, voire en dénature certains.

4. Exemple Même s’il ne s’agit pas d’un jeu très technique, lors d’une partie de C.O.P.S., le groupe a décidé d’opter pour la méthode où la joueuse n’exprime pas son intention, lance son jet de compétence, puis décrit le résultat de l’action en fonction de ce dernier. Pendant une fusillade, un otage est blessé et il se trouve que c’est aussi le dernier témoin pouvant entraîner la condamnation d’un meurtrier sur une affaire en cours. La joueuse annonce qu’elle fait un jet de Premiers Secours et dépense un point 404

d’Ancienneté pour réussir. Le meneur lui répond que le test est raté pour l’instant, mais qu’elle peut encore dépenser un point d’Adrénaline pour réussir in extremis. La joueuse hoche la tête avant de prendre la parole : « lorsque je vois le témoin prendre la balle, je cherche pas à comprendre, je me jette sur lui, je déchire son T-shirt et lui fais direct un point de compression grâce à mes deux premières années de médecine (dépense du point d’Ancienneté). Je vois que je suis en train de le perdre car il pisse le sang, je panique (le jet est d’abord raté), mais j’aperçois alors un sac. Je l’attrape et m’en sers pour endiguer le flot d’hémoglobine (dépense du point d’Adrénaline) ».

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Partager la narration p. 381. Jouer des parties de jeu de rôle : Garder la balle en l’air p. 113, Jouer ensemble p. 129, Coopérer et Rivaliser p. 149, Se laisser surprendre p. 277, S’entraîner p. 303.

Décrire plutôt que nommer *

1. Description A. Présentation

La plupart des joueuses savent ce qu’est un kobold, un gnoll ou un gobelin. En revanche, elles ne se les représentent pas forcément avec précision, et il n’est pas certain qu’elles puissent les reconnaître lorsque leur personnage les croise. Si on peut comprendre la difficulté de l’exercice pour une entité lovecraftienne indescriptible, cela concerne également certaines des créatures les plus communes de la fantasy, et même le fait de les avoir vues dans World of Warcraft ou Le Seigneur des anneaux n’est que d’une aide très relative. En effet, leur aspect peut varier selon les jeux ou les éditions 1, et certains monstres ont tendance à se ressembler. Comme si cela ne suffisait pas, les joueuses peuvent les avoir découverts lors de discussions hors-jeu ou en lisant leur profil technique. Or, nombre de créatures ont une apparence bien différente de ce que laissent présager leurs caractéristiques. Pour certains d’entre nous, connaître ces dernières par cœur nous a fait oublier la peur et l’émerveillement que nous ressentions lorsque nous rencontrions ces monstres pour la première fois, quand nous ignorions leur nature, leurs capacités et leur puissance. Cette technique vous propose de rebrousser chemin pour les redécouvrir. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• créer de l’incertitude et casser les automatismes de votre genre favori ; • réenchanter les monstres et la magie, les rendre à nouveau impressionnants pour que les joueuses les prennent au sérieux ; • pousser les joueuses à se poser des questions, à comprendre elles-mêmes ce à quoi elles sont confrontées et quelle stratégie adopter. 1. Le kobold d’AD&D (p. 57) a une tête de chien, là où celui de D&D5 est un petit homme-dragon (Monster Manual p. 195).

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C. Variantes

La principale alternative à cette technique est de nommer ouvertement les types de monstres auxquels les personnages font face. Si cette méthode perd énormément en mystère, elle a l’avantage de la vitesse et de la transparence. Une voie intermédiaire est de ne nommer les créatures qu’après leur première rencontre avec les personnages, ou si ces derniers ont de grandes chances de les connaître (monstres communs, ennemis jurés 2, etc.). D. Mots-clés

Monstres, PNJ, tension, transmission, transparence, tripes.

2. Mode d’emploi  Pour recréer la peur ou l’émerveillement suscités par la rencontre avec les monstres, une solution consiste à les décrire en deux temps : en se concentrant sur leur apparence d’une part, et sur leur attitude d’autre part. A. Apparence

• Mettez d’abord en avant ce que les personnages vont remarquer en premier. La plupart du temps, ce sera ce qui fait de ces êtres des prédateurs (muscles qui roulent, vélocité, grognements, yeux jaunes qui luisent, etc.), des séducteurs (formes attirantes, regard intense, gestes lascifs), etc. S’ils sont perçus comme des menaces, insistez sur tous les éléments qui peuvent matérialiser ce rapport de force, notamment en usant de comparaisons (des bras comme tes cuisses, un poing suffisamment gros pour broyer ton crâne, des crochets au moins aussi effilés que ton épée, etc.). N’hésitez pas non plus à décrire leur façon de jeter des sorts, leur étrangeté (cri inhumain, odeur, bruit de la pierre qui frotte quand un golem bouge, etc.) ou la façon dont l’environnement est déformé par leur présence. • Évitez les comparaisons trop évidentes ou illogiques : plutôt que « ce monstre a une tête de hyène », surtout si les PJ n’ont aucun moyen de connaître l’existence de ces animaux, préférez : « un museau canin aux crocs longs comme des poignards et dégoulinants de bave, un corps aux muscles tendus, comme prêt à bondir, et deux billes noires à la place des yeux qui vous fixent sauvagement ». • Utilisez tous les sens : un regard glaçant, une haleine fétide, un cri strident et une peau visqueuse sont autant de traits qui marqueront l’esprit des joueuses. Pour accroître cet effet, chaque fois que c’est possible, décrivez par l’action ou faites expérimenter aux PJ ces caractéristiques plutôt que de vous contenter de les décrire verbalement. Ainsi, si les personnages approchent de la tanière d’un monstre, commencez par montrer quelques-unes de ses proies précédentes, insistez sur la virulence de son sang acide, sur l’odeur nauséabonde ou sur la trace de ses griffes sur les murs, etc. 2. Dans D&D5, les rôdeurs ont une aptitude qui leur permet d’être plus performants lors de certaines interactions avec un type d’ennemis particulier (combat, chasse, communication, etc.).

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• Évoquez les sentiments provoqués  : expliquez à quel point la vue de ce monstre étrange les effraie, les fascine, les choque, leur rappelle un cauchemar, etc. Éventuellement, posez directement la question : « lorsque tu vois ce champignon haut comme deux hommes agiter ses étranges fouets dans tous les sens, que ressens-tu ? » • Utilisez vos descriptions pour donner des informations autres que l’identité du monstre. Par exemple, « ce gobelin-là a non seulement l’air bien plus grand et gros que les autres, mais il est couvert de cicatrices », « sur ses bandages, la créature venue d’une autre époque porte des bijoux d’une civilisation qui n’est pas celle qui a construit ce tombeau », « le monstre à tête de chien porte des vêtements bourgeois, sans doute fabriqués par un tailleur de la capitale ». L’objectif est d’enrichir la partie en diversifiant les enjeux du combat, ou en attirant l’attention des joueuses sur d’autres éléments qu’une simple somme de points de vie qu’il faut réduire à néant le plus vite possible. • Lorsque les personnages ont déjà rencontré une créature d’un type donné, n’hésitez pas à décrire les suivantes en fonction de cette dernière ou d’un monstre similaire. Cassez tout sentiment de déjà-vu et, avec celui-ci, toute certitude qui pourrait l’accompagner. Par exemple, si la confusion entre un ogre et un géant se comprend pour des villageois qui n’ont jamais trop quitté leur foyer, expliquer en quoi ce second géant est un géant encore plus géant que le géant qu’ils ont rencontré, tout en ayant l’air bien plus vif, peut amener des situations intéressantes. De la même façon, n’oubliez pas que les gens du cru donnent sans doute un nom « local » à la créature, sans savoir ce qu’il en est réellement. Ce nom-là, parce qu’il ne la rend pas générique ni commune, participe à sa description : la bête du Gévaudan n’est pas qu’un vulgaire loup-garou. Elle est bien plus que cela. B. Comportement et actions

• Décrivez la façon dont les monstres se meuvent et se déplacent : rapide, rampante, désordonnée, lourde, etc. Elle peut radicalement changer l’idée que les joueuses vont se faire de la créature. De la même manière, n’hésitez pas à les surprendre en introduisant des changements de rythme : un monstre pataud qui puise dans ses ressources pour accélérer, un prédateur rapide qui s’arrête un instant pour regarder ses proies et s’amuser d’elles d’un air félin, etc. • N’oubliez pas que les monstres communiquent eux aussi, et que pour nombre d’entre eux, il est facile de comprendre l’idée générale de ce qu’ils expriment. Ce ne sera peut-être pas le cas pour un insecte ou un zombie, mais la plupart des mammifères ont une façon bien à eux de signifier qu’ils sont surpris, en colère, qu’ils ont peur ou qu’ils jouent. De plus, les créatures qui peuvent s’exprimer de façon plus complexe pourront tenter de convaincre, d’impressionner ou de discuter, voire passer de l’un à l’autre, ce qui peut donner un tour différent à la rencontre. Les monstres sont aussi des PNJ. • Ne nommez pas les sorts ni les compétences utilisés. Montrez plutôt la façon dont ces capacités se manifestent et mettez en scène leurs effets. Au lieu d’annoncer que le flagelleur mental lance une attaque psychique, expliquez les gestes qu’il fait pour déclencher ce pouvoir, demandez le jet de sauvegarde approprié, puis décrivez les effets à ceux qui sont touchés : leur vue se trouble, la tête leur tourne, ils ont la nausée, et une 408

douleur intense pulse dans leur crâne. Expliquez seulement ensuite qu’ils sont étourdis pendant une minute et encaissent 4d8 + 4 de dégâts. En résumé, sentir ses jambes se figer progressivement sans pouvoir crier a un effet bien plus saisissant que « c’est un basilic, fais ton jet de sauvegarde contre la pétrification ». • Soignez l’arrivée des monstres. Si vous mettez en scène une créature qui aime prendre ses proies par surprise, comme les bêtes éclipsantes 3, multipliez les jets de perception et donnez l’impression aux personnages qu’ils sont traqués et que leur poursuivant prend plaisir à jouer avec eux. Au contraire, si les PJ font face à un monstre puissant et peu subtil, dites-leur qu’ils entendent un rugissement assourdissant, ou que le sol se met à trembler (pensez au T.rex dans Jurassic Park). Mieux encore, faites fuir d’autres prédateurs à leur approche.

3. Avantages et inconvénients de cette technique Avantages :

• singularise chaque combat et rend ceux-ci plus impressionnants ; • donne le sentiment aux joueuses de partager les connaissances et l’expérience de leurs personnages ; • rend l’univers plus réaliste ; • casse les automatismes et avec eux le côté trop rationnel et prévisible des monstres. Inconvénients :

• nécessite d’être dosée avec soin pour éviter les redondances sur un même type de monstre, surtout s’il est commun, ou de ralentir l’action lorsque ce n’est pas approprié ; • est plus ou moins efficace selon les connaissances des joueuses et l’univers ; • peut provoquer un rejet initial de certaines joueuses qui ont du mal à voir l’intérêt de procéder ainsi, ou qui craignent de perdre des informations tactiques importantes.

4. Exemple Au détour d’un chemin, les PJ entendent des grognements et des éclats de voix graves. Ils s’avancent et se retrouvent nez à nez avec deux êtres humanoïdes de plus de deux mètres, dont les armures semblent grincer de douleur alors qu’ils se retournent vers eux. Chacun de leurs bras doit être aussi large que deux de leurs cuisses, et ils les fixent d’un air mauvais alors que leurs yeux jaunes s’étrécissent sur leurs cibles. Leurs crocs dégoulinent de bave, et leur nez bleu exhale de la vapeur. De plus en plus de vapeur, de plus en plus vite : ils vont attaquer ! Le combat commence, et le premier entaille un PJ avec son épée acérée, puis fait pivoter sa lame pour l’enfoncer plus profondément dans la chair. Le sang se met à couler abondamment alors que leur ennemi regarde son compagnon et éclate de rire avant de se moquer des personnages. Clairement, cette blessure montre que ces adversaires sont des guerriers redoutables… 3. Monster Manual, D&D5, p. 26.

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En réalité, il s’agit d’hobgobelins4, des créatures impressionnantes mais peu puissantes  : face à elles, seuls les personnages isolés et de bas niveau risquent leur vie. Les dégâts de la blessure ont été aggravés grâce à leur capacité « avantage martial ». Mais quelles que soient leurs caractéristiques, à la fin du combat, les joueuses seront probablement fières que leurs PJ aient fait détaler de tels monstres. Inversement, dans quelques heures, lorsque les personnages tomberont sur le village du clan, il est probable qu’elles soient beaucoup plus vigilantes.

5. Liens avec les articles des recueils précédents Mener des parties de jeu de rôle : Décrire p. 109, Incarner des PNJ p. 141, Animer les combats p. 173, Créer des émotions particulières p. 277.

4. Monster Manual, D&D5, p. 182 et 183 (V.F.)

Donner des informations à une seule joueuse ** 1. Description A. Présentation

Cette fiche propose différents moyens de communiquer avec une ou plusieurs joueuses indépendamment du reste du groupe pendant la partie, en fonction des effets que l’on souhaite créer. Ainsi, il peut arriver que le meneur juge plus intéressant de faire passer une information uniquement à l’une d’entre elles, par exemple, pour lui laisser la responsabilité de choisir de partager l’information, pour installer un déséquilibre et créer du jeu ou pour faire comprendre aux autres joueuses qu’elles ne savent pas tout. Dans certains contextes, par exemple si le meneur essaye d’installer une atmosphère dramatique ou paranoïaque, sélectionner certaines informations pour les donner à certains PJ est une manière efficace et immersive de créer les secrets indispensables au genre. Ce n’est bien sûr pas la seule (voir Jouer en transparence p. 641), mais selon vos objectifs et vos contraintes, ces techniques peuvent être à privilégier. B. À utiliser de préférence lorsque vous voulez :

• réserver des informations à certaines joueuses ; • tirer parti des moyens de communiquer autour de la table ; • installer une ambiance particulière (suspicion, surréalisme, tension, etc.). C. Variantes

La principale alternative consiste à jouer en transparence (p. 641). Pour un peu plus de variété, il est également possible d’autoriser les joueuses à utiliser les techniques de cette fiche entre elles ou avec vous. Enfin, vous pouvez renforcer l’impact de ces astuces en disant à votre groupe qu’elles doivent s’exprimer par la bouche de leurs personnages, et qu’à moins d’utiliser des précautions spécifiques, tout ce qui sera dit pourra être entendu par le reste de la table (car les personnages se trouvent dans la 411

même pièce [voir S’inspirer d’autres formats p. 703], que leur dispositif de communication est cassé et marche en permanence, etc.). D. Mots-clés

Mise en scène, personnel, tension, transmission.

2. Mode d’emploi  Pour commencer, il s’agit d’identifier les informations que vous souhaitez communiquer, puis de choisir les techniques les plus adaptées pour le faire au mieux. A. Choisir les informations à communiquer

Les outils proposés par la suite sont particulièrement efficaces pour faire passer des informations liées : • à la perte de contrôle, à la possession, à un conditionnement, à une pulsion, etc. ; • à une compétence particulière (le rôdeur remarque que la forêt a changé, par exemple) ; • à une impression, un sentiment subjectif (« tu es sûre que ce PJ te ment », « tu ne peux pas t’empêcher de remarquer qu’elle te défend systématiquement », « est-ce qu’il se pourrait que tu lui plaises ? ») ; • au passé ou aux secrets des PJ (« tu te sens triste alors que tu repenses à ton ami d’enfance », « tu reconnais ce PNJ, elle a été ta formatrice à l’armée ») ; • à un fantôme du passé, réel ou métaphorique (« tu entends encore la voix de ton frère qui te dit de te méfier de tes ennemis mais encore davantage de tes amis ») ; • à un événement important, pour laisser la responsabilité à la joueuse de le partager ou non avec le reste du groupe, voire de mentir (entretien avec un PNJ, découverte d’un sabotage). Maintenant que vous avez une idée des informations qu’il peut être intéressant de ne partager qu’avec une partie de la table, voici quelques moyens de le faire. B. Papiers à traîtrise et apartés

Les papiers à traîtrise prennent la forme de quelques phrases que vous pouvez écrire sur une feuille avant de les donner à la joueuse concernée. Ces informations peuvent également être transmises par SMS ou messagerie instantanée (assurez-vous que les joueuses les consultent alors régulièrement). Les apartés, souvent plus longs, sont en quelque sorte leur équivalent oral. Ils ont pour inconvénient d’obliger le MJ à se consacrer à une seule personne à la fois, pendant que le reste de la table arrête généralement de jouer. Pour cette raison, il faut bien choisir son moment et éviter que ces entrevues ne durent trop longtemps. En revanche, même courts, les apartés permettent de dire bien plus de choses que les papiers à traîtrise et d’interpréter son personnage. Ils sont donc plus adaptés pour des instructions complexes, destinées à plusieurs joueuses ou nécessitant une interaction.

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Que ce soit en utilisant des papiers à traîtrise ou des apartés, ces procédés produisent un décalage autour de la table, entre ce que connaissent les PJ et les joueuses : les secondes savent qu’il existe des informations auxquelles elles n’ont pas accès, que quelque chose leur échappe et leur est volontairement caché. Ainsi, ce sont d’excellents moyens d’installer un climat de suspicion à la table, et les joueuses seront même parfois bien plus attentives aux actions des autres PJ, à ce qui est dit autour de la table et chercheront peut-être à écouter les conversations des autres et à éviter de se séparer. En revanche, cette méthode est déconseillée si vous voulez justement faire passer des informations de façon discrète. Enfin, les papiers à traîtrise présentent l’avantage, contrairement aux autres outils détaillés ici, de ne pas avoir à prévenir les joueuses qu’ils seront utilisés avant la séance. C. Déclencheurs

Les déclencheurs peuvent prendre plusieurs formes  : un mot prononcé par le MJ, une musique qu’il diffuse, un geste, un événement particulier, etc. Une fois le déclencheur activé, la joueuse devra faire adopter un comportement particulier à son personnage ou saura, par exemple, qu’il est au courant d’une information donnée. Cet outil implique plus de préparation que les autres méthodes, mais aussi de prévenir la joueuse avant le début de la séance : « lorsque tu poseras ta main sur l’épée magique, tu attaqueras le personnage de Camille ». L’avantage de ce procédé est qu’il peut être assez discret. Ainsi, le meneur peut provoquer un événement sans donner l’impression qu’il est prévu par le scénario : pour le reste de la table, la décision semble, dans un premier temps en tout cas, venir de la joueuse. De plus, les déclencheurs permettent de surprendre la joueuse pour laquelle ils sont utilisés, par exemple car ils sont activés à un moment où elle ne s’y attendait pas ou que les conséquences ne correspondent pas à ce qu’elle avait imaginé. L’inconvénient, c’est qu’elle peut également ne pas percevoir le stimulus si celui-ci est trop subtil, ou ne pas l’entendre, ce qui risque de faire tomber l’effet à plat. Il existe toutefois des techniques qui tirent parti de ce risque (voir Utiliser la musique comme un élément de gameplay p. 740). En résumé, les déclencheurs sont particulièrement utiles pour générer des effets de surprise pour toute la table, mettre en valeur un personnage, retourner radicalement une situation ou amorcer des scènes dramatiques qui n’auraient pas vu le jour sans. D. La petite voix

Le fonctionnement de cette technique est extrêmement simple  : le meneur dit à haute voix, mais en la modulant pour la rendre immédiatement identifiable (voir Moduler sa voix p. 505) ce que le personnage pense, croit entendre ou entend dans sa tête (si on lui parle par télépathie, par exemple). Vous pouvez également y avoir recours pour exprimer des pulsions que lui dicte son subconscient et contre lesquelles il pourrait vouloir lutter. Cette technique est notamment utile pour faire douter les

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personnages, montrer à tous le trouble intérieur de l’un d’entre eux ou mettre en valeur leurs relations (« comment peut-il dire que tu es comme un frère pour lui alors qu’il n’a pas hésité à te balancer aux supérieurs pour cette histoire d’indice raté ? ») et pousser les joueuses à les mettre en jeu lorsque la partie s’affadit à ce niveau. Cette technique est particulière dans le sens où l’information est donnée à un seul personnage, mais également à toutes les joueuses, là où les papiers à traîtrise, s’ils montrent que des messages circulent, n’en révèlent pas le contenu. Si les autres personnages ne sont pas censés percevoir la voix, leurs joueuses seront forcément affectées parce qu’elles entendent. Dans ce cas, plutôt que de leur reprocher de faire du méta-jeu alors que ce n’est que la conséquence directe, et partiellement l’objectif, de cette technique, partez du principe que leurs personnages perçoivent l’attitude troublée et peut-être quelques regards perturbants de celui qui « entend des voix ». Cette technique se prête également à merveille aux scènes surréalistes (p.  550), par exemple lorsque le MJ donne des informations contradictoires à deux joueuses : « Gabriella, tu vois bien que c’est un zombie et qu’il va vous sauter à la gorge ! » « Jack, c’est un adolescent apeuré et transi de froid qui s’avance vers vous ». Cette méthode permet de très intéressantes montées en tension.

3. Avantages et inconvénients de ces techniques Avantages :

• sont une porte d’entrée idéale pour de nombreuses autres techniques ; • peuvent prendre des formes variées et s’adapter à la plupart des situations ; • permettent de régler délicatement des problèmes qui pourraient sinon être épineux ; • ne nécessitent que peu de préparation. Inconvénients :

• donnent l’impression à certaines joueuses de les priver de la liberté de jouer leurs personnages comme elles le souhaitent ; • doivent être utilisées de façon à ne pas interrompre (ou presque) le jeu des joueuses dont elles ne sont pas la cible ; • peuvent lasser si le meneur ne varie pas ses effets.

4. Exemple Lors d’une partie de L’Appel de Cthulhu, une des joueuses incarne une historienne ayant eu une brillante carrière avant d’être la cible d’un scandale qui l’a ruinée, socialement et financièrement. Elle vient d’une famille d’agriculteurs très modestes qu’elle voit très peu, partagée entre un sentiment de fierté d’avoir rejoint la ville pour devenir ce qu’elle est, et la culpabilité d’être si peu présente. Le MJ pr