Maxi Fiches. DC2 Conception et conduite de projet éducatif spécialisé, DEES-DEME 2100544829, 9782100544820 [PDF]


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Maxi Fiches. DC2 Conception et conduite de projet éducatif spécialisé, DEES-DEME
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Zitiervorschau

978-2-10-055506-2

Sommaire

Avant-propos Introduction CONCEVOIR LE PROJET

1 2 3 4

Les attendus de la commande publique La contextualisation et la dynamique des situations Les besoins et les attentes des publics accueillis Les apports spécifiques du projet éducatif spécialisé

L’ÉLABORATION MÉTHODOLOGIQUE DU PROJET

5 6 7

Le projet personnalisé Le projet par objectifs spécifiques Le projet d’activités

LA CONDUITE DU PROJET

8 Les procédures de travail 9 Les processus de travail 10 L’évaluation du projet

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

LES ÉPREUVES DE CERTIFICATION

11 12 13 14 15

L’étude de situation Le mémoire Extrait du référentiel professionnel Extrait du référentiel de formation Extrait du référentiel de certification

Conclusion Bibliographie

VII 1 7 8 12 15 17 25 26 58 86 109 111 119 127 141 142 149 155 157 159 161 163

Avant-propos

L’arrêté du 20 juin 2007 relatif au diplôme d’État d’éducateur spécialisé est suivi de plusieurs annexes dont le premier, consacré au référentiel professionnel, précise et redéfinit les missions qui lui sont confiées. Il est particulièrement indiqué que l’éducateur spécialisé « aide à la mise en œuvre de pratiques d’action collective », que « son intervention, dans le cadre d’équipes pluriprofessionnelles, s’effectue conformément au projet institutionnel répondant à une commande sociale et éducative exprimée par différents donneurs d’ordre et financeurs » et enfin « qu’il dispose d’un degré d’autonomie et de responsabilité dans ses actes professionnels le mettant en capacité de concevoir, conduire et évaluer des projets personnalisés ou adaptés à des populations identifiées ». Le domaine de compétence 2 introduit dans la formation préparant au diplôme d’État, un élément nouveau, énoncé comme : le projet éducatif spécialisé. Cette appellation n’est quasiment jamais utilisée dans les établissements et services, il nous faudra l’étudier de manière approfondie.

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L’éducateur spécialisé doit savoir s’inscrire dans un travail d’équipe pour élaborer le projet, sur la base de ses capacités et compétences à « observer, à rendre compte et à analyser les situations éducatives ». Sur cet aspect également, le vocabulaire change, l’observation fut longtemps opposée à l’action par les éducateurs et les formateurs et « rendre compte » continue d’inquiéter. L’éducateur doit encore savoir conduire le projet et en assurer le suivi et l’évaluation. Tout cela, en lien étroit de cohérence avec la commande publique et en relation avec les membres de l’équipe et les partenaires. La réforme du diplôme d’État se comprend, entre autres, en regard des lois du 2 janvier 2002, du 11 février 2005, du 21 juillet 2009 et de la nouvelle classification du fonctionnement et du handicap (2001). Ces textes, redéfinissent la commande publique pour laquelle il convient désormais de chercher à comprendre les situations de handicap, au-delà et en même temps que la personne en difficulté. Le terme de projet a toujours été présent dans la culture des éducateurs spécialisés mais il s’agissait souvent de « leur » projet. Projet professionnel, projet de stage, projet d’activité, etc. Avec la réforme, le sens du mot est tout autre. Le projet doit être fondé sur l’évaluation contextualisée des attentes et besoins de la personne en difficulté. Son consentement éclairé est recherché et la multiplicité des éléments à prendre en compte rend le travail VII

Avant-propos

d’équipe pluriprofessionnelle incontournable de même que la compétence à problématiser les situations sociales et éducatives qui ouvre la perspective du projet. L’ouvrage proposé a pour objectif de contribuer à clarifier et actualiser la notion de projet, à relever les conditions méthodologiques de son élaboration pertinente et de préciser les conditions de la réussite des mises en œuvre par la structuration des processus de travail et d’évaluation. Différents points essentiels et contributifs de la démarche de projet seront traités : • • • •

La participation des usagers Le partenariat avec les familles La qualité de la communication Les techniques d’observation et de synthèse

En fin d’ouvrage, l’auteur traitera de la certification du DC2 et proposera des moyens pour se préparer au mieux aux épreuves. Au-delà des seuls étudiants en formation d’éducateurs spécialisés, l’ouvrage se veut utile également aux formateurs chargés de la mise en œuvre des activités du DC2 et aux professionnels de terrain dans le rôle de formateur que leur donnent les missions définies pour les sites qualifiants. REMERCIEMENTS Je remercie tout particulièrement les directions et les professionnels de la Résidence Germaine POINSO-CHAPUIS, de l’IME de MONTRIANT et de l’équipe de prévention spécialisée de la FONDATION ACTES pour m’avoir autorisé à me référer aux projets qu’ils ont réalisés. Je remercie également Jacques ARDOINO pour son soutien, ses observations critiques toujours passionnantes et son intérêt pour le travail que je poursuis sur la piste de la multi-référentialité.

VIII

Introduction

La notion de « Projet » est consubstantielle de l’éducation spécialisée. Ce terme est présent dès l’origine du secteur dit de l’enfance inadaptée et fonde une culture commune. Les éducateurs se sont toujours définis comme des porteurs de projets, pour l’Autre, celui dont ils s’occupent et pour la société qu’ils espèrent meilleure, plus juste et dont ils s’attachent à construire les bases par leur action d’aide, d’éducation et de socialisation. Ils sont également porteurs de valeurs — celles de leurs associations ou les leurs — ce qui va occasionner certaines confusions autour de la nature des projets envisagés. S’agit-il de projets utopiques, de projets radicaux, de projets personnels ou de projets professionnels ? Dans l’histoire du secteur de l’éducation spécialisée, le projet a souvent servi de paravent, voire de masque. Sur les terrains professionnels ou bien dans les centres de formation, une idéologie du projet existe. Elle consiste à se référer à l’idée de projet comme élément de reconnaissance entre pairs. Peu importe le plus souvent le contenu, ce qui est essentiel, c’est l’invocation fédératrice du projet.

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Quand on parle de projet, il convient d’être prudent et de bien préciser ce que l’on veut dire. L’idéologie du projet, ici, ne nous intéresse pas. Nous allons suivre un chemin difficile et exigeant, sur la piste d’une définition concrète, opérationnelle et pourtant guidée par le sens que l’on donne aux actions que l’on entreprend. Si nous reconnaîtrons à l’utopie un rôle positif, ce sera celui de nous faire réfléchir toujours un peu plus haut, un peu plus en avant et de façon décalée en regard des conditions concrètes du réel. Ainsi que le disait Jean-Paul Sartre : « Le sens commun conviendra avec nous (...) que l’être dit libre est celui qui peut réaliser ses projets »1 .

Le projet est lié à la liberté, liberté d’agir mais en prenant en compte les données des environnements, non pas pour seulement les reconnaître comme contraintes mais aussi pour pouvoir les transformer et trouver des voies de passage en « s’arrachant au cours des choses »2 . Un projet est une représentation élaborée de l’avenir. Un avenir qui n’existe pas encore et que l’on ne peut envisager qu’à partir de données du passé. En effet, toutes les connaissances, toutes les observations qui seront mobilisées 1. Jean-Paul S ARTRE , L’être et le néant, Gallimard, 1976 2. Paul R ICOEUR, article « Éthique », in Encyclopédia Universalis

1

Introduction

pour construire le projet proviennent, dans le meilleur des cas, d’informations, de constats et d’analyses qui réfèrent à des situations déjà passées. Et comme le présent n’est jamais établi — il s’agit en effet de « futur immédiatement englouti dans le passé »1 — le projet apparaît bien comme une hypothèse. Sa définition peut alors s’énoncer ainsi : Un projet est une représentation construite de quelque chose que l’on veut faire, sur la base de données multiples concourant à l’évaluation des situations considérées et proposant des hypothèses de compréhension et d’action pour atteindre des objectifs préalablement définis.

Autant dire tout de suite que travailler et réfléchir autour de la notion de projet n’a rien d’une science exacte. Au contraire, le projet, par les anticipations qu’il contient, vient tenter de rendre à l’Homme une certaine maîtrise sur des évènements qui lui échappent du simple fait qu’ils s’inscrivent toujours dans un mouvement incessant. Ces changements constants des situations sont dus à la dynamique du vivant et posent à l’homme qui veut agir de redoutables questions. En effet, agir va entraîner des conséquences, va laisser des traces. En somme, des marques seront consécutives à l’action et il arrivera fréquemment que l’on puisse regretter d’avoir posé tel ou tel acte ou tenu tel ou tel propos. L’action, même réfléchie, reste tributaire de l’immédiateté des situations. Les affects d’ordres différents, les peurs, les désirs, les appréhensions ou les convictions vite formés, contribuent à faire dévier ou à transformer nos intentions. L’acteur sait cela et il va chercher, par le projet, à se protéger et à protéger les autres des effets des interactions et rétroactivités présentes dans les situations vécues. Agir demande donc de la réflexion pour anticiper au mieux les conséquences désirées et celles qui ne le sont pas. Mais l’incertitude demeure la règle, il n’est jamais possible de prévoir à coup sûr ce qui va s’ensuivre de telle ou telle action entreprise. Il n’est jamais entièrement possible de se prémunir contre les compréhensions différentes des messages que nous envoyons pour nous expliquer. Le projet apparaît alors comme une tentative pour reprendre la maîtrise sur des situations qui nous dépassent. Il y a là une possibilité de malentendu important à propos du projet et il est essentiel de clarifier tout de suite un aspect crucial. Le projet peut, en effet, être réifié, c’est à dire rigidifié, servir de modèle figé, alors qu’il faudrait plutôt en faire une référence qui inspirera l’action. Pour l’éducation spécialisée l’enjeu est de taille. Soit « Educare », qui veut dire « dresser » en latin, l’emporte et les pratiques seront alors des pratiques standardisées, mais est-ce qu’il s’agira toujours d’éducation ? Soit « E-ducere », qui veut dire « conduire en dehors, séparer l’enfant du sein de sa mère »2 est retenu comme sens principal et alors le projet pourra être envisagé comme un processus cohérent « d’aller

1. André C OMTE -S PONVILLE, Présentation de la philosophie, LGF, 2002 2. Dictionnaire latin-français GAFFIOT, Hachette, 2000

2

Introduction

vers » sans l’illusion mystificatrice de l’aboutissement. Approfondissons ce dernier aspect. En référence à ce qu’a écrit Jacques Ardoino1, il nous faut distinguer soigneusement le « projet-visée » et le « projet-programme » et les concevoir comme les deux facettes, distinctes mais indispensables, de la notion globale de projet. Le « projet-visée » identifie et poursuit des finalités, c’est-à-dire des valeurs, des perspectives, des lignes d’horizon qui ne seront jamais atteintes. Il définit des orientations. Comme la boussole, il indique la direction mais ne décrit pas le chemin et encore moins les cheminements à utiliser. Ce type de projet est soumis à évaluation, c’est-à-dire à appréciation continue de la pertinence des perspectives en regard des questions posées et toujours changeantes. Dans le secteur de l’éducation spécialisée, les finalités peuvent être, par exemple et de façon non-exhaustive : • • • • •

l’autonomie, la socialisation, l’expression, la participation sociale, la coopération.

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Lorsque nous étudions des projets éducatifs, qu’il s’agisse de projets personnalisés, de projets d’établissements ou de projets d’activités, il est fréquent que les finalités présentées ci-dessus soient énoncées comme des objectifs. Nous aurons l’occasion de revenir précisément sur cette question mais, d’ores et déjà, il est possible de constater l’intérêt qu’il y a à définir, en les distinguant, les éléments qui seront des perspectives, des finalités et ceux qui seront des objectifs. Le « projet-programme », lui, se caractérise par ses objectifs, qui sont des propositions de résultats à échéances prévues et par son organisation des moyens de toutes sortes pour les atteindre. Le projet-programme définit toute la logistique du projet en termes de coordination des moyens au service d’une perspective de sens (la finalité). Ce deuxième aspect du projet relève davantage du contrôle que de l’évaluation. Il s’agira, par le suivi précis de la mise en opération concrète des actions prévues, de vérifier si les moyens humains, matériels et organisationnels ont été effectivement mobilisés et si les objectifs ont été atteints. Les deux types de projet sont irréductiblement différents et entretiennent des rapports contradictoires, pourtant, ils sont séparés et liés, utiles et indissociables. Et pour que l’on soit véritablement dans une dynamique de projet, il conviendra de respecter un ordre de sens précis : les finalités d’abord et le programme ensuite.

1. Jacques A RDOINO, Les avatars de l’éducation, PUF, 2000

3

Introduction

« Idéalement, le projet programmatique veut et doit être la traduction stratégique, méthodologique, opérationnelle, économique de la formulation plus philosophique ou politique du projet-visée, entrainant, de ce fait même, la conversion des finalités en objectifs. Dans la pratique, nous retrouverons, comme par hasard, un foisonnement de projets programmatiques manifestement complètement dissociés quand ce n’est originellement exempts de toute visée signifiante1 . »

Seuls la prise en compte des deux dimensions (la visée et le programme) et le respect de l’ordre entre elles permettent au projet de contribuer de la meilleure façon à son rôle qui est de faciliter l’action par des anticipations fondées et réfléchies, tout en respectant, dans le même temps, l’incertitude qui demeure sur les processus engagés largement dépendant des interactions jamais totalement prévisibles et des surprises toujours susceptibles d’apparaître. Le débat existe, à l’heure actuelle, au sein du secteur social et médico-social, entre d’une part, les tenants du projet-visée comme fondateur des pratiques et, d’autre part, les tenants d’une fausse rationalité qui croient que le projetprogramme, l’organisation « maîtrisée », peuvent répondre aux défis posés par les problématiques rencontrées. Au fond, il s’agit d’un très vieux débat qui va continuer. D’un côté, une logique du « parfait », de « l’exact », et de l’autre, une logique de la complexité qui reconnaît les limites de l’entendement humain et de la compréhension qu’il nous est donnée d’avoir à propos des personnes que nous rencontrons et des évènements que nous vivons. C’est, bien sûr, dans la seconde perspective que cet ouvrage est écrit. Deux éléments méritent d’être développés pour comprendre ce qu’implique la référence à la complexité. Il s’agit de deux dimensions simples, évidentes mais peu mises en avant : les interactions et les temporalités. Les interactions. Tout projet, toute pratique s’affiliant à un projet, se déploie au travers d’interactions humaines, affectives et relationnelles. Le projet éducatif spécialisé n’est pas comparable aux projets que l’on peut avoir sur des objets inertes. Si je décide d’attraper une tasse pour boire mon café, ce qu’il convient de faire est totalement prévisible. Je sais ce que je vais faire et comment je vais le faire. Les personnes qui sont autour de moi pourraient décrire par avance les comportements et gestes que je vais accomplir. Il n’y a aucune interaction avec la tasse, elle est inerte et incapable de la moindre action propre. Nous pouvons tout de même remarquer que cette prévisibilité totale, cette absence d’interactions n’empêchent pas, de temps en temps, que nous renversions la tasse. Il nous arrivera même de nous en prendre à elle en lui reprochant sa forme ou son ergonomie. Mais il ne s’agit que de notre aptitude à personnaliser les objets. En réalité, si notre pratique n’a pas permis d’atteindre l’objectif fixé (boire le café), nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-mêmes. L’échec n’est imputable qu’à notre action qui a été

1. Jacques A RDOINO, op.cit.

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Introduction

mal pensée ou mal mise en œuvre. Ce qui n’est évidemment pas le cas des projets qui mettent en scène des personnes et des relations interpersonnelles. Dans ces cas là, les protagonistes des situations et des projets sont toujours en mesure de modifier le cours prévu des évènements de par leurs actions et réactions. Cette donnée, peu valorisée lorsque l’on parle d’action sociale, médico-sociale ou d’éducation spécialisée, est pourtant très déterminante et créatrice de situations de travail toujours incertaines du fait des interactions qui les constituent.

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Les temporalités. Les projets éducatifs spécialisés s’inscrivent toujours dans des temporalités-durée, ce qui veut dire qu’ils se développent par des processus qui articulent plusieurs dimensions temporelles. Cet aspect est très concret. Sur la base d’évaluations préliminaires, le projet va définir des finalités qui n’ont pas, et ne peuvent pas avoir d’échéances précises. Pour rester fidèle à nos définitions (voir plus haut), l’autonomie, par exemple, ne peut pas se voir appliquer une échéance, il n’est pas possible de dire : « Il sera autonome dans un an ». Si de tels propos étaient tenus, il serait facile de faire remarquer que l’autonomie est un processus jamais complètement abouti et que l’état d’autonomie ne peut être décrit. Elle est toujours relative et dépendante des contextes à l’intérieur desquels on se trouve placé. Les finalités se réfèrent donc à des perspectives de temps sans butées précises. Par contre, les objectifs, eux, se pensent en rapport avec des temporalités prévues et objectivées. Si l’autonomie est une finalité sans échéances, être capable, dans un an, d’utiliser seul les transports en commun pour aller chez ses parents est un objectif concret qui participe de la progression vers l’autonomie et qui fixe une temporalité-butée. Si l’on rajoute à cela que chaque personne, qu’elle soit usagère ou professionnelle, vit les situations en rapport avec ses temporalités propres, on est alors en mesure de se représenter le projet éducatif spécialisé comme un enchevêtrement de temporalités qui le structure et le caractérise. Les interactions et les temporalités multiples qui co-existent au sein du projet le définissent comme un objet complexe devant être considéré comme tel. C’est cela que nous identifions comme la nature concrète du projet. Si des simplifications se mettent en place, comme nous le voyons souvent dans les établissements et services (des objectifs écrits en liste, en lieu et place de projets, par exemple), la bascule sera inévitable vers l’idéologie du projet. Et cette idéologie est redoutable car elle fait croire que l’on travaille en référence au projet alors que seule l’idée de projet existe, mais sans aucun lien avec la pratique. Les projets sont proclamés, leur réalisation affirmée mais, en réalité, les documents disponibles témoignent du contraire. La croyance « que l’on fait parce que l’on nomme » fonctionne à la place du « faire ». Il en est de même pour la qualité à laquelle on va croire simplement parce qu’on aura dit ou écrit que l’on se référait à l’idée de qualité. Or, ce ne sont pas les discours qui attestent, ce sont les faits concrets. L’expression « projet éducatif spécialisé » mérite que l’on s’y attarde quelque peu. Il s’agit d’un énoncé nouveau, regroupant manifestement un certain 5

Introduction

nombre de projets qu’il conviendra de repérer. L’expression est d’autant plus difficile à cerner que les établissements et services sociaux et médico-sociaux au sein desquels se déploie l’éducation spécialisée sont composés de plateaux techniques importants. Les dimensions présentes sont nombreuses et, sans prétendre être exhaustif, il est possible de repérer les suivantes : L’éducation spécialisée L’instruction/enseignement : spécialisés ou en partenariat La clinique psychologique : psychanalytique et du développement La médecine : pédopsychiatrie, psychiatrie, pédiatrie, rééducation fonctionnelle • Les soins : infirmiers, paramédicaux • Le social : assistants de service social • L’accompagnement : tous les personnels intervenant dans ou autour de l’action technique • • • •

L’éducation spécialisée est une des dimensions contributives à la compréhension des situations et des problématiques. Elle est, comme chaque domaine, à la fois spécifique et non-spécifique. Nous aurons l’occasion (point 1.4) d’en rappeler les fondamentaux. Pour le moment, contentons nous de relever cette orientation nouvelle des politiques publiques qui identifient plus clairement que jamais la spécificité du projet éducatif spécialisé. Les domaines couverts par les différents spécialistes intervenant dans l’équipe pluriprofessionnelle ne sont pas seulement complémentaires. Ce serait une simplification excessive de penser que la juxtaposition des compétences suffirait à reconstituer la cohérence globale des situations. En réalité, les différents savoirs se chevauchent, se complémentarisent mais aussi s’opposent et entretiennent entre eux des rapports contradictoires. Aussi, le projet éducatif spécialisé, quel que soit son objet, doit se comprendre par les contradictions et conflictualités qu’il contient, entre des objectifs de natures différentes par exemple, et par celles qu’il entretient avec les autres dimensions de l’intervention pluridisciplinaire. Pour approfondir les questions posées par la réalisation, le suivi et l’évaluation des projets éducatifs spécialisés, nous travaillerons successivement les aspects suivants : tout d’abord, nous tenterons de définir ce qu’il faut entendre par « Projet éducatif spécialisé », puis nous approfondirons les différents types de projets envisageables, nous nous pencherons ensuite sur les questions méthodologiques concernant la conception et l’élaboration du projet éducatif spécialisé avant d’étudier les conditions et méthodes pour le suivi et l’évaluation. Enfin, nous terminerons par l’étude et les conseils utiles pour comprendre et préparer les épreuves de certification du DC2.

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CONCEVOIR LE PROJET

L’expression est composée de trois mots qu’il convient de définir un par un avant de tenter une compréhension globale. C’est un « projet », c’est-à-dire (cf. plus haut) une représentation construite d’un avenir souhaité en fonction d’une évaluation de départ. Il est « éducatif », c’est-à-dire relatif à l’éducation dont nous avons également indiqué notre préférence pour l’étymologie « E-ducere » qui donne le sens de l’autorisation. Est éduqué, celui ou celle qui s’autorise à être lui-même au milieu et avec les autres.

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Enfin, il est « spécialisé » terme qui vient spécifier et qualifier le projet éducatif. Nous pensons qu’il faut comprendre le terme au sens de « particulier », « adapté à des données spécifiques ». Un projet éducatif, quel qu’il soit, se réfère à des valeurs universelles d’altérité, de responsabilité ou encore de solidarité. Cependant, en éducation spécialisée, il s’agit de travailler auprès de personnes en difficulté ou porteuses de handicap(s). Ces personnes sont, tout à la fois, et quelles que soient la nature ou l’ampleur de leurs difficultés, des personnes comme les autres et aussi différentes des autres. À partir de cet état de fait, le projet éducatif spécialisé peut se définir ainsi : « Un projet éducatif spécialisé est une construction multiréférencée de finalités, d’objectifs et de moyens qui, à partir d’une évaluation plurielle de situation, propose une organisation réfléchie des réponses éducatives en regard des attentes et besoins des personnes accueillies ou accompagnées dans la perspective de leur vie avec les autres. »

Cette définition étant posée, il nous faut approfondir quatre dimensions du « P.E.S. » : la commande publique, les caractéristiques d’une approche en termes de situation, les attentes et les besoins des personnes et les apports spécifiques de l’éducation spécialisée au sein de l’équipe pluriprofessionnelle.

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1

Les attendus de la commande publique

Ce qu’il est convenu d’appeler « la commande publique » peut s’approcher par l’étude de plusieurs textes : les nouvelles lois (du 2 janvier 2002 et du 11 février 2005, du 21 juillet 2009, le décret ITEP), les recommandations publiées par l’ANESM (Agence Nationale de l’Évaluation Sociale et MédicoSociale) et enfin les textes relatifs au diplôme d’État d’éducateur spécialisé. Les nouvelles lois. Elles ne parlent pas de « Projet éducatif spécialisé » et leurs perspectives sont de promouvoir des réponses globales aux problématiques posées. Ainsi, la loi du 2 janvier 2002 indique : « L’action sociale et médico-sociale repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux [...] L’action sociale et médico-sociale est conduite dans le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains avec l’objectif de répondre de façon adaptée aux besoins de chacun d’entre eux. »

La loi du 11 février 2005, sur l’égalité des chances et la participation des personnes handicapées mentionnera : « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens [...] À cette fin, l’action poursuivie vise à assurer l’accès de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte handicapés aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie. »

Ces courts extraits montrent bien que la préoccupation du législateur n’est pas celle du projet éducatif spécialisé. Cependant, ce qui est mis en avant le concerne au plus haut point. En effet, les nouvelles orientations ont pour objectifs l’intégration et l’inclusion sociales avec comme finalité ultime la participation au monde social. La perspective peut être qualifiée de socioéducative et, en ce sens, le projet éducatif spécialisé doit clairement contribuer à aller dans cette direction. Le décret « ITEP » du 6 janvier 2005 indique que les établissements et services : « accompagnent le développement des personnes au moyen d’une intervention interdisciplinaire [...] favorisent le maintien du lien des intéressés avec leur milieu

Fiche 1 • Les attendus de la commande publique

familial et social [...] promeuvent leur intégration dans les différents domaines de la vie. »

Et, pour mettre en œuvre les missions définies, les ITEP disposent d’une équipe interdisciplinaire qui : « conjugue des actions thérapeutiques, éducatives et pédagogiques sous la forme d’une intervention interdisciplinaire réalisée en partenariat [...] Ces actions sont réalisées dans le cadre d’un projet personnalisé d’accompagnement adapté à la situation et à l’évolution de chaque personne accueillie. »

Ici aussi, nous retrouvons la trace de la perspective intégratrice aux milieux ordinaires de vie, assortie d’une obligation de personnalisation des actions entreprises. Le P.E.S. apparaît bien comme spécifique mais contributif et intégré au travail de l’équipe interdisciplinaire.

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Les recommandations de l’ANESM. Le directeur de l’Agence a écrit la présentation de la recommandation de bonnes pratiques intitulée « Les attentes de la personne et le projet personnalisé » (décembre 2008). Il introduit le texte ainsi : « La vision portée par le législateur dans différents textes insérés au code de l’action sociale conduit les personnes destinataires des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux à participer à leur propre projet. Ces personnes sont, pour la plupart, en situation de vulnérabilité lors de leur rencontre avec les professionnels. Ces derniers doivent donc être à leur écoute pour rechercher, susciter, et accompagner cette participation afin qu’elle soit effective. Chaque personne accompagnée a des attentes et des besoins singuliers, que le professionnel s’emploie à intégrer dans le projet. Le processus à mobiliser pour cela – véritable apprentissage d’une co-construction patiente entre la personne et l’accompagnant – représente la meilleure réponse que peuvent apporter les professionnels face au risque d’une approche standardisée qui s’opposerait à l’objectif de personnalisation. Aussi cette démarche est-elle un facteur-clé pour la réussite des projets. »

L’idée nouvelle introduite ici est celle de la co-construction du projet. Cette indication s’applique bien entendu au projet éducatif spécialisé qui, comme d’autres projets, doit se situer clairement dans la perspective de la participation sociale et se construire, chaque fois que possible, avec la personne concernée. La recommandation de l’ANESM se situe dans le droit fil des orientations nouvelles en matière d’action sociale, médico-sociale et d’éducation spécialisée. Mais il apparaît que le projet se définit de façon passablement différente de l’idéologie fondatrice du secteur. En effet, le projet doit constituer un point d’arrivée tout autant qu’un point de départ. L’idéologie du projet est un départ sans cesse renouvelé, elle fait croire à ses fidèles que demain sera toujours meilleur qu’aujourd’hui. Alors qu’une approche concrète, pratique du projet, 9

Fiche 1 • Les attendus de la commande publique

nous oblige à le déduire, non pas d’une représentation imaginaire de l’avenir, mais bien d’une évaluation approfondie de situation pour être capable de formuler des hypothèses de compréhension et d’action. En ce sens, le projet est un résultat avant d’être une perspective construite. Le diplôme d’État. Quatre documents sont à prendre en considération : le décret du 15 mai 2007, l’arrêté de 20 juin 2007, la circulaire du 11 décembre 2007 et le référentiel de compétences annexé à l’arrêté. Le décret se limite à indiquer que : « le diplôme d’État atteste des compétences nécessaires pour accompagner, dans une démarche éducative et sociale globale, des personnes, des groupes ou des familles en difficulté dans le développement de leurs capacités de socialisation, d’autonomie, d’intégration ou d’insertion. »

Les éléments repérés au travers des lois et textes précédents sont bien présents : l’intégration et la participation sociale. L’arrêté est purement organisationnel et ne précise rien de plus que le décret. Par contre, il renvoie à l’annexe « Référentiel professionnel et de compétences ». La circulaire précise que le DC2 « Conception et conduite de projet éducatif spécialisé » est un des deux domaines « cœur de métier » et renvoie, elle aussi, aux annexes de l’arrêté. L’annexe 1 du référentiel de compétences redéfinit les missions des éducateurs spécialisés : « L’éducateur spécialisé, dans le cadre des politiques partenariales de prévention, de protection et d’insertion, aide au développement de la personnalité et à l’épanouissement de la personne ainsi qu’à la mise en œuvre de pratiques d’action collective en direction des groupes et des territoires. Son intervention, dans le cadre d’équipes pluriprofessionnelles, s’effectue conformément au projet institutionnel répondant à une commande sociale et éducative exprimée par différents donneurs d’ordre et financeurs, en fonction des champs de compétences qui sont les leurs dans un contexte institutionnel ou un territoire. L’éducateur spécialisé est impliqué dans une relation socio-éducative de proximité inscrite dans une temporalité. Il aide et accompagne des personnes, des groupes ou des familles en difficulté dans le développement de leurs capacités de socialisation, d’intégration et d’insertion. Pour ce faire, il établit une relation de confiance avec la personne ou le groupe accompagné et élabore son intervention en fonction de son histoire et de ses potentialités psychologiques, physiques, affectives, cognitives, sociales et culturelles. L’éducateur spécialisé a un degré d’autonomie et de responsabilité dans ses actes professionnels le mettant en capacité de concevoir, conduire, évaluer des projets personnalisés ou adaptés à des populations identifiées. Il est en mesure de participer à une coordination fonctionnelle dans une équipe et de contribuer à la formation professionnelle d’autres intervenants. 10

Fiche 1 • Les attendus de la commande publique

L’éducateur spécialisé développe une fonction de veille et d’expertise qui le conduit à être interlocuteur et force de proposition pour l’analyse des besoins et la définition des orientations des politiques sociales ou éducatives des institutions qui l’emploient. Il est en capacité de s’engager dans des dynamiques institutionnelles, inter-institutionnelles et partenariales. L’éducateur spécialisé intervient dans une démarche éthique qui contribue à créer les conditions pour que les enfants, adultes, familles et groupes avec lesquels il travaille soient considérés dans leurs droits, aient les moyens d’être acteurs de leur développement et soient soutenus dans le renforcement des liens sociaux et des solidarités dans leur milieu de vie. L ‘éducateur spécialisé intervient principalement, mais sans exclusive, dans les secteurs du handicap, de la protection de l’enfance, de la santé et de l’insertion sociale. Il est employé par les collectivités territoriales, la fonction publique et des associations et structures privées. »

L’annexe 3 du même arrêté décline les compétences référées au domaine 2 que nous présentons de manière synthétique : • • • • • • •

Savoir Savoir Savoir Savoir Savoir Savoir Savoir

collecter de l’information formaliser les éléments recueillis évaluer, réévaluer l’action et la réajuster mobiliser anticiper réaliser des synthèses socio-éducatives définir les étapes d’un projet

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Les textes du diplôme et tout particulièrement l’annexe 3 sont des documents d’orientation et méthodologiques. En termes d’orientation, ils confirment en tous points les textes législatifs et en termes méthodologiques, ils définissent des compétences indispensables pour une démarche de travail construite, pensée en tant que processus vivant, constamment alimentée et réalimentée par l’expérience et l’évolution des situations. La commande publique est clairement établie, en particulier par l’annexe 1 qui traite spécifiquement de l’éducateur spécialisé. Les autres textes permettent de bien comprendre le nouveau contexte global au sein duquel il déploie son expertise. Nous n’oublierons pas trois aspects essentiels : • Le projet est contributif des politiques publiques. • Le projet est lié à des personnes en situation et non pas à des « états de pathologie ». • Le projet se fonde sur les attentes et besoins des personnes qui sont associées à sa réalisation.

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La contextualisation et la dynamique des situations

Nous l’avons déjà remarqué dans les pages qui précèdent, les nouvelles orientations des politiques publiques nous demandent de penser les actions sociales, médico-sociales et éducatives de façon dynamique, avec un souci de contextualisation et de prise en compte des temporalités. Les difficultés des personnes usagères de l’action sociale et médico-sociale sont à comprendre en relation étroite avec les environnements à l’intérieur desquels elles se sont créées et développées. Dans le même état d’esprit, les réponses à construire ne doivent pas s’élaborer en dehors de ces contextes de la vie ordinaire, qu’il s’agisse du travail, de la formation, de l’école ou de la vie sociale courante. Ces nouveaux pré-requis pour l’action modifient assez profondément les habitudes de pensée et de travail de l’éducation spécialisée et donc, par voie de conséquence, amènent à transformer les méthodologies d’élaboration des projets. L’éducation spécialisée s’est construite à partir de la logique de « cas ». En fait, la médecine et la psychologie clinique ont pendant longtemps fait office de références principales (plutôt que « uniques ») pour comprendre les problématiques et les comportements des enfants, des adultes et de leurs familles. L’éducation spécialisée ne pensait pas par elle-même et se situait dans le prolongement pratique des analyses produites par les détenteurs des théories de référence. Le travail en « logique de cas » était et est encore à beaucoup d’endroits bâti sur un enchaînement relativement simple et classique : Diagnostic → Objectifs → Réponses

Il n’était même pas question de réévaluation des réponses, la perspective restait figée, une fois le diagnostic posé car il était généralement formulé en termes définitifs. Il n’était envisagé que des actions qui n’intégraient pas du tout les éventuels changements dans les contextes environnant. Le propos que nous tenons pourra choquer. Pourtant, il est fondé sur une grande expérience du travail avec les équipes pluriprofessionnelles et l’étude de nombreux dossiers d’usagers. Malheureusement, ce que nous venons de décrire est souvent constaté. La logique de cas part d’une idée simple : c’est l’état de la personne, ses caractéristiques propres qui posent problème et les réponses fournies doivent

Fiche 2 • La contextualisation et la dynamique des situations

correspondre aux difficultés appartenant à la personne. C’est cette logique qui est remise en question par la perspective dynamique et contextuelle que nous appellerons « logique de processus ». Concevoir le projet éducatif spécialisé selon une logique de processus est une toute autre démarche que la logique de cas. Dans cette perspective nouvelle, les difficultés ou handicaps des personnes sont envisagés à partir des interactions qu’elles établissent avec leurs environnements. Le trouble « objectif », pour autant qu’il existe et soit établi par des données vérifiables, ne prend un sens personnalisé qu’à partir d’une compréhension en mouvement. Un exemple simple va éclairer le propos :

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Un enfant décrit comme handicapé mental n’arrive pas à mémoriser des gestes simples d’activité préprofessionnelle. Dans un schéma de cas, on trouvera ça normal et on adoptera un projet éducatif simple qui consistera à décomposer les gestes en séquences plus courtes. Sans dire du tout que cette pratique n’a pas de sens, il s’agira essentiellement de constater des progrès. Les limites de cette approche sont évidentes, jamais cette méthode ne permet de réaliser des progrès stables et définitifs. Au mieux des conditionnements seront effectués — ce qui peut présenter des aspects non négligeables — mais une démarche processuelle ouvre d’autres perspectives. Si le projet éducatif cherche à se définir comme processuel, il va s’intéresser aux contextes et à la dynamique. Prendre en compte les contextes se réalise par l’observation de l’enfant en situations et, de préférence, dans des situations différentes. Se référer à une approche dynamique consiste à se demander si l’enfant se comporte toujours de la même façon ou bien s’il modifie ses performances selon les situations en fonction de ses envies, de ses peurs ou, tout simplement, de sa volonté de faire par lui-même.

Nous avons fait réaliser par de nombreuses équipes sociales et médicosociales des projets éducatifs référés à la seconde perspective et les résultats ont toujours été les mêmes. Au lieu de constats désespérants, à sens unique et confirmant en tous points les diagnostics posés selon la logique de cas, les équipes ont observé des contradictions, des curiosités, des contrastes, bref, un manque total d’homogénéité entre les différents aspects constatés. Au fond, la logique processuelle fait apparaître autrement les problématiques, de façon plus complète, plus difficile aussi parce que l’observation et l’absence d’explications interprétatives trop rapides permettent à la compréhension de se déployer. De plus, il faut constater également que les diagnostics « logique de cas » sont très généralement centrés uniquement sur les déficits et les incapacités constatés lors des tests ou des entretiens. Alors que la logique processuelle, du fait qu’elle va amener à observer en situation, sera beaucoup plus à même de remarquer ce que sait faire la personne ou ce qu’elle arrive à faire selon la configuration de la situation. Les conséquences pour le projet éducatif spécialisé sont énormes. Le tableau 2.1 synthétise les différences. Plusieurs différences méthodologiques sont à repérer et devront être prises en compte par le projet éducatif spécialisé : • Recueil d’observations non spécialisées, faites dans les situations de vie courantes 13

Fiche 2 • La contextualisation et la dynamique des situations

• • • •

Refus des interprétations spécialisées a priori Problématisation en lieu et place de la synthèse Distinction nette entre finalités et objectifs Réévaluation constante des actions au sein même du processus d’action Tableau 2.1.

Étapes méthodologiques

Logique de cas • Recueil selon les outils propres

Collecte des données

Logique Processuelle

de chaque spécialité

• Recueil selon les outils propres de chaque spécialité

• Prééminence du

• Recueil d’observations du quotidien

médico-psychologique

• Refus des interprétations rapides

• Dominance des déficits par

• Recherche des compétences

rapport aux compétences Identification des questions à traiter

Définition des actions

• Réunion de projet

• Réunion de synthèse

• Problématisation de situation

• Choix des objectifs • Programme d’interventions et

coordinations

• Repérage des finalités • Identification des questions non

résolues • Identification des objectifs

• Selon le programme défini

• Organisation des actions, programme

et coordination • Réévaluation constante

Réévaluation des actions

• Chaque année en réunion de

synthèse

• Interactions formelles et informelles

entre membres de l’équipe • Retour sur la problématisation

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Les besoins et les attentes des publics accueillis

3

La loi du 2 janvier 2002 et les recommandations de l’ANESM insistent sur les réponses à apporter en regard des besoins et attentes des personnes accueillies ou accompagnées. Ces termes sont souvent mal compris et tout particulièrement le mot « attentes ». Nous avons pu être témoin à plusieurs reprises d’équipes extrêmement réticentes à demander leurs attentes aux personnes concernées du simple fait que le sens du mot était compris comme « désir ». Les professionnels disaient que si les personnes énonçaient leurs attentes (désirs), ils seraient mis en difficulté car ils ne pourraient pas les satisfaire. Grande était leur surprise lorsque le débat venait leur signifier qu’être là pour répondre aux besoins et aux attentes n’avait pas grand-chose à voir avec la satisfaction des désirs. Encore faut-il tenter de nous y retrouver parmi tous ces mots pour pouvoir ensuite, dans les projets éducatifs spécialisés, être capables de clairement nommer ce que l’on veut dire et ce que l’on ne veut surtout pas dire.

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« Besoin » exprime une nécessité pour la personne concernée. Deux dimensions essentielles peuvent être repérées : les besoins vitaux et les besoins liés au contexte social. Les besoins vitaux : il s’agit de tout ce qui est indispensable pour rester en vie. Besoins alimentaires, besoins d’hébergement, besoins relationnels également. Lorsqu’il est dit et écrit qu’il faut répondre aux besoins, cela signifie d’abord qu’il convient d’assurer la satisfaction de ces nécessités vitales. Cependant, puisque les hommes vivent dans des contextes précis ayant leurs caractéristiques propres, il leur est tout autant indispensable de pouvoir satisfaire ce qui constitue un besoin du fait de la société telle qu’elle est. Par exemple, le besoin de scolarisation, le besoin de culture, peuvent être considérés comme socialement déterminés et effectifs. S’ils ne sont pas satisfaits, la personne en subira des conséquences négatives qui lui rendront difficile l’intégration sociale. Synthétiquement, nous dirons que la notion de besoin exprime plutôt objectivement des nécessités pour la personne, qu’elles soient vitales ou socialement définies. L’attente peut être considérée comme la face personnalisée du besoin. En formulant ses attentes, la personne exprime ses besoins mais y intègre une dimension imaginaire et la relation à l’autre. Nous avons vu que les besoins se définissaient plutôt de façon objective, mais ils s’expriment de façon singulière au travers de chaque personne qui les formule « à sa manière ». Il peut donc y avoir des décalages entre les besoins et les attentes et le législateur demande

Fiche 3 • Les besoins et les attentes des publics accueillis

que l’on prenne en considération les aspects subjectifs, personnalisés ainsi que les décalages. Autant nous dirons sans hésiter que les ESSMS doivent satisfaire au mieux les besoins, autant nous dirons que la prise en compte des attentes ne peut se faire qu’au moyen des relations inter-personnelles. Certaines attentes sont irréalisables et impossibles à satisfaire. Même si le caractère légitime des attentes doit être reconnu le plus souvent, la dimension imaginaire vient brouiller la question des besoins, il s’agit alors d’autre chose qui doit être travaillé. Le projet éducatif consistera alors à reconnaître les attentes, à les considérer, puis à les référer à la réalité de ce qui est possible ou pas. La prise en compte des attentes peut induire un travail de désillusionnement par un retour sur les besoins : « Nous ne pouvons pas répondre à ton attente sur ce point mais le besoin, lui, est satisfait ». Ces précisions langagières étant posées, il est probablement utile de les compléter avec le terme « demande » qui n’est pas utilisé par les textes de politiques publiques mais de façon courante par les professionnels du secteur de l’éducation spécialisée. La demande, c’est l’énonciation du besoin ou de l’attente. C’est la formule utilisée par chaque personne pour exprimer sa recherche de satisfaction. La demande doit être entendue, considérée mais remise en contexte pour que les professionnels puissent faire comprendre leurs propos et attitudes en regard des besoins connus et des attentes, légitimes mais très personnalisées. Il faut dialectiser les demandes par rapport aux besoins et aux cadres institutionnels de référence. Le projet éducatif spécialisé doit prendre en compte les besoins, les attentes et les demandes des personnes accompagnées. Mais ces termes sont euxmêmes à problématiser. En effet, les établissements et services sociaux et médico-sociaux se caractérisent par le fait qu’au-delà des prestations, qui doivent être de qualité, il leur est demandé d’assurer une dimension de service. Et les deux obligations, prestations et service, n’obéissent pas du tout aux mêmes logiques. Les prestations représentent l’obligation minimale des institutions. Par un raccourci peut-être un peu trop rapide, nous dirons que les prestations répondent aux besoins tandis que le service renvoie sur les attentes. Le service est une valeur ajoutée, c’est ce qui, au-delà du nécessaire, inscrit les pratiques et les relations dans une utilité sociale. Si un jour, comme le souhaite certains, sans être tout à fait conscients des processus qu’ils engagent, le secteur social et médico-social ainsi que l’éducation spécialisée sont définis comme des prestations, il ne sera plus nécessaire de faire des projets ni de l’évaluation. Il suffira de construire des programmes et des procédures de contrôle pour vérifier si leur déroulement se fait bien conformément à un modèle préalablement établi. Nous n’en sommes vraiment pas là et le projet éducatif spécialisé doit intégrer les deux dimensions. Comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, le service infiltre et colore les prestations, il leur donne leur sens et leur valeur de la même façon que les finalités, nous y reviendrons, donnent le sens aux objectifs et aux moyens engagés par les perspectives du projet. 16

Les apports spécifiques du projet éducatif spécialisé

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L’éducation spécialisée est une des dimensions contributives à la compréhension des situations et des problématiques ainsi qu’un élément essentiel des réponses aux attentes et aux besoins. Elle est donc, comme chacune de ces dimensions, à la fois spécifique et non-spécifique. Pour bien comprendre les apports propres de l’éducation spécialisée, il est utile d’étudier deux aspects : les préalables méthodologiques et les spécificités qui la caractérisent.

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Les préalables méthodologiques. Dans le secteur social et médico-social, quels que soient les types de difficultés traités ou la nature des établissements et services, les situations rencontrées sont toujours à considérer comme des globalités. Il est scientifiquement et techniquement impossible de séparer les dimensions d’une situation pour les traiter distinctement comme on sépare les composants de la matière sous l’effet de la chaleur ou par d’autres moyens. Les situations humaines ont ceci de tout à fait unique d’exprimer à chaque instant les simultanéités produites par la conjugaison et les interactions entre les éléments qui la constituent. De plus, il est parfaitement impossible de dénombrer et décrire les éléments en question car ils ne relèvent pas seulement d’une approche objective mais dépendent également de processus subjectifs et inconscients. Si nous en restions là, nous pourrions dire qu’alors, il nous faut renoncer à la compréhension puisqu’elle sera toujours incomplète et insuffisante. Il convient d’aller plus loin. Admettre l’impossibilité d’une maîtrise conceptuelle totale des situations ne s’oppose pas du tout à la recherche de sens. Si un savoir définitif est une utopie, rien n’empêche quand même de chercher à en connaître davantage. Mais à condition de laisser ouvertes les pistes de compréhension, toujours susceptibles de s’enrichir de nouveaux constats et de nouvelles observations. Dès lors que ce qui précède est posé, il nous faut ensuite réfléchir à propos des multiples spécialités présentes à l’intérieur de l’équipe pluriprofessionnelle. Au fond, ces spécialités éclairent des aspects spécifiques, particuliers des situations et la reconstruction intellectuelle que l’évaluation de situation réalise est une hypothèse de compréhension qui se prolongera en hypothèses d’actions. Chaque spécialité, avec ses propres outils, conceptuels et méthodologiques, explore certaines dimensions des situations et peut avoir une tendance normale à fournir « sa » compréhension et à la penser meilleure que celle

Fiche 4 • Les apports spécifiques du projet éducatif spécialisé

des autres. En fait, il n’existe pas de « compréhension des compréhensions » et, dès lors, le processus global d’intelligibilité va se développer au travers des relations interpersonnelles et interprofessionnelles, ce qui va introduire d’autres facteurs dans le processus de travail. Ces aspects sont approfondis dans le domaine de compétences 3 du DEES rénové. Nous venons de voir que la recomposition de la compréhension des situations, effectuée sur la base du brassage des spécialités, ne pouvait pas prétendre rendre compte de leur globalité. Ceci, parce que les situations existent et se développent dans toutes les dimensions simultanément alors que notre compréhension appréhende les dimensions une par une, puis les rapproche. La conséquence de ce qui précède, c’est que le processus d’action est alors à considérer comme une hypothèse à propos de problématiques dont la compréhension est toujours susceptible d’être modifiée ou enrichie par et dans le processus de travail. Ce préalable méthodologique nous paraît tout à fait essentiel. Il permet d’attacher toute la valeur nécessaire à chacune des contributions, tout en soulignant que la compréhension est un processus difficile et incertain. Ceci étant défini, il nous faut maintenant étudier la nature de la contribution spécifique de l’éducation spécialisée à la compréhension des situations pour mieux identifier le terrain du projet éducatif spécialisé. La spécificité de l’éducation spécialisée et donc de sa contribution au projet éducatif spécialisé se caractérise par cinq dimensions principales.

1. LES « ÉLÉMENTS PREMIERS » Ce que nous pouvons appeler les « éléments premiers » représentent des aspects du fonctionnement humain quasiment jamais mentionnés dans les projets personnalisés. Ils sont de deux sortes, ceux qui recouvrent les besoins essentiels et ceux qui renvoient aux conditions de vie. a Les besoins essentiels Sans doute du fait de l’influence du vocabulaire psychologique et psychanalytique, les éducateurs ne définissent pas leurs spécificités en rapport avec les observations possibles à propos d’activités élémentaires mais néanmoins essentielles telles que jouer, manger, dormir et communiquer. Ces différents registres de l’activité humaine sont pourtant riches de renseignements. Les observations réalisées sont utiles et même indispensables pour venir compléter, enrichir ou contredire celles qui sont faites par des spécialistes en dehors des situations de vie quotidienne. Pourtant les données et informations recueillies participent complètement d’une approche clinique. Un exemple pris dans un établissement recevant des enfants et adolescents polyhandicapés peut éclairer le propos : « Lors d’une réunion de formation, les éducateurs spécialisés et AMP d’un groupe d’internat relèvent que le médecin pédiatre a changé et que le nouveau médecin est

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Fiche 4 • Les apports spécifiques du projet éducatif spécialisé

bien plus sympathique que le précédent puisque chaque fin d’après-midi, il passe systématiquement sur les groupes. Le médecin est présent et le formateur lui demande pourquoi il a introduit cette manière de faire. Le médecin, étonné, répond « Mais enfin, c’est pour assurer mon diagnostic ». Alors que les éducateurs interprétaient la pratique du médecin comme un signe psychosocial de reconnaissance professionnelle, le médecin, lui, y voyait une utilité à connaître les observations des professionnels du quotidien pour renforcer son évaluation de problématique. »

Cet exemple est très significatif. Souvent, les éducateurs ne reconnaissent pas suffisamment la valeur de leurs observations. Dans la situation évoquée, ils pensent que la venue du médecin est un signe de considération alors qu’en réalité, le médecin a besoin des données issues de la vie quotidienne pour confirmer, infirmer ou modifier ses hypothèses de compréhension et d’action. Il est essentiel que l’éducation spécialisée se réapproprie ses fondamentaux, ce qu’elle est la mieux à même de rapporter : les données venant des situations ordinaires. Bien d’autres exemples pourraient être cités et tous vont dans le même sens, il faut être capable de recueillir de l’information à partir du terrain d’excellence du projet éducatif : les situations ordinaires de la vie courante. Cette observation est valable quel que soit le secteur d’intervention. Bien sûr, l’internat est particulièrement propice mais les observations faites au domicile ou lors d’activités spécifiques sont tout autant significatives pour autant que l’on prenne le temps de regarder et de garder trace. Si les observations du quotidien n’existent pas, il faut bien comprendre que c’est le processus de travail dans son entier qui est mis à mal. Un autre exemple illustre ce propos :

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« Lors d’une réunion de l’équipe pluridisciplinaire, en présence du médecin psychiatre, le formateur demande aux éducateurs du SESSAD de l’ITEP ce qu’ils observent durant la période inaugurale de deux mois, dite d’investigation. Personne ne parle malgré les relances comme si la question était incongrue. Puis le psychiatre dit « Je vais vous le dire car ils se confient à moi ». Et il explique la difficulté des éducateurs à parler de vécus extrêmement riches, remplis de transferts et ne pouvant se parler faute de groupe de parole. »

Cette situation a permis de mettre en évidence deux choses. La première, c’est l’inexistence des éducateurs en tant que sources de données spécifiques. Et la seconde l’envahissement par le psychiatre et ses références à lui de la compréhension de situation. Or, les « éléments premiers » de l’éducation sont essentiels à l’intelligibilité des processus observés et les éducateurs, sans être les seuls, sont tout de même les professionnels de l’équipe les plus à même de faire remonter les informations de ce type. Sans trop forcer le trait, nous dirons quand même qu’un projet éducatif spécialisé qui ne prendrait pas en compte ces aspects pourrait être largement mis en doute quant à son bien-fondé et, à partir de là, c’est tout le processus de travail qui se trouverait remis en question. Sur chacun des aspects considérés (manger, jouer, dormir et communiquer) l’éducation spécialisée doit dire quelque chose. Même s’il s’agit de constater une activité normale, c’est-à-dire comparable à celle de la majorité des 19

Fiche 4 • Les apports spécifiques du projet éducatif spécialisé

personnes placées dans les mêmes situations. Si, concernant l’un ou l’autre de ces points, les observations font ressortir quelque problème, il sera très utile de veiller à ce que des interprétations hâtives ne produisent pas des représentations qui, en fait, ne seraient pas fondées. Une anecdote, toujours tirée de l’expérience auprès des institutions peut éclairer le propos. Nous sommes ici dans le secteur de la petite enfance : « Le médecin psychiatre et psychanalyste raconte lors d’un colloque que lorsqu’il intervient auprès des professionnelles des crèches, la question qui lui est le plus souvent posée est celle du sens des pleurs des enfants. Les jeunes enfants pleurent souvent et de façon parfois très forte et les professionnelles sont inquiètes. Elles demandent donc au spécialiste de la psychologie le sens des pleurs. Et là, le médecin dit qu’il demande systématiquement « Qu’est ce qui s’est passé juste avant les pleurs ? ». Généralement, il y a eu un changement de lieu, un changement de personne, un claquage de porte, etc. Il en conclut qu’il ne faut pas psychologiser trop vite mais prendre en compte d’abord des éléments de contexte basiques. »

Cet exemple illustre bien ce que nous voulons dire à propos des « éléments premiers de la vie courante ». Avant de donner un sens aux évènements et aux situations, il est important de prendre en compte des données de base qui peuvent parfaitement suffire pour comprendre les processus à l’œuvre. b Les conditions de vie Les autres « éléments premiers » à considérer concernent les conditions de vie, c’est-à-dire : • • • • • •

le logement, les ressources, la santé des membres de la famille, l’emploi, la formation, les réseaux sociaux d’appartenance.

Comme pour la première catégorie, il s’agira de repérer et de prendre en compte les données et informations utiles venant de ces différents aspects pour les introduire dans la recherche de compréhension. Ce qui est avancé ici peut paraître évident mais en réalité ce n’est pas du tout le cas. Prenons quelques exemples : Les mères comoriennes qui accompagnent leur enfant au CMPP sont généralement en retard et l’équipe soignante et médico-sociale se partage en deux camps : ceux qui comprennent ces retards en lien avec la culture pour laquelle les temporalités ne sont pas du tout les mêmes que celles de la société institutionnelle franco-française et ceux qui donnent à ces comportements un sens clinique de refus du processus ou de résistance au processus thérapeutique. Une mère élevant seule son enfant est décrite par les services sociaux comme démunie, isolée et marginalisée. L’enfant est orienté vers un SESSAD d’ITEP et, pour un premier

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Fiche 4 • Les apports spécifiques du projet éducatif spécialisé

rendez-vous, l’éducateur arrive en avance et pour ne pas déranger la personne, il va boire un café au bar du coin. Et là, il constate que les gens parlent de la dame avec laquelle il a rendez-vous et que le contenu de ce qui est dit atteste qu’elle a de réelles relations sociales, méconnues des travailleurs sociaux mais représentant un véritable capital social.

Ces deux exemples montrent qu’il est possible de faire des erreurs grossières d’appréciation en ne portant pas attention aux données fondamentales observables dans la vie ordinaire, courante, pour autant qu’on se donne la peine d’y prêter attention. Nous le verrons plus loin, la qualité de la première étape d’élaboration du projet personnalisé, est largement conditionnée par la qualité des informations recueillies. En fait, c’est le fondement même de la compréhension qui se trouverait mis en cause par un recueil de données insuffisant ou trop tôt rabattu sur une explication, certes tranquillisante, mais fausse.

2. L’OBSERVATION « DEDANS/AILLEURS »

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Par cette formule, il faut entendre la particularité tout à fait intéressante de l’observation réalisée par les éducateurs spécialisés. Ils sont « dans » les situations et pourtant « ailleurs » aussi. Ils sont dans les situations parce que leur engagement doit être crédible, et, comme nous l’avons déjà dit, la crédibilité se construit par des actes et non par des discours. L’éducateur est acteur des situations dans lesquelles il se trouve placé et sa présence ainsi que les actes qu’il pose interviennent sur le déroulement et les évolutions des situations. Cela constitue à la fois, un problème et une chance. Un problème parce que l’engagement gène le recul nécessaire sur ce qui se passe mais chance également car, être à l’intérieur permet aussi d’établir des constats impossibles à réaliser si on prend trop de recul. Par contre, il s’agit pour l’éducateur d’être « ailleurs », à une autre place. La distance, dans ce cas-là, n’est plus une distance géométrique (trop près, trop loin, juste milieu jamais trouvé) mais le produit d’un décalage produit par des places sociales différentes du fait des statuts et des responsabilités différentes. L’éducateur est donc « dedans et ailleurs », ce grand écart caractérise son travail et contribue effectivement à construire sa spécificité professionnelle.

3. LES BUTÉES ET ÉCHAPPÉES ÉDUCATIVES1 L’éducation, et donc l’éducation spécialisée, se caractérise, à la différence des autres contributions de l’équipe et, en particulier des « psys » par les butées qu’elle signifie et les échappées qu’elle permet. Lorsque nous parlons de butée, reprenant ici le terme introduit par Jacques Marpeau, nous voulons parler de l’existence réfléchie et intentionnelle de points de résistance à l’intérieur du processus éducatif. Ces points de résistance s’imposent à l’égard de la personne accueillie ou accompagnée et constituent un obstacle, une obligation de faire avec qui s’oppose à sa volonté. Ces butées ne sont pas 1. Jacques M ARPEAU, Le processus éducatif, Érès, 2000

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Fiche 4 • Les apports spécifiques du projet éducatif spécialisé

arbitraires, sinon elles ne constitueraient que des barrières imposant un ordre dominant, ce qui n’est pas du tout le projet de la butée. Il s’agit de passages obligés chargés de sens, à forte valeur ajoutée symbolique et posés là pour signifier le chemin de la participation sociale et de la citoyenneté. Les butées se donnent à comprendre, elles s’expliquent et elles fonctionnent pour tout le monde, les éducateurs comme les usagers. « Qu’est-ce qui fait butée, qu’est-ce qui résiste dans vos pratiques et dans les processus éducatifs que vous mettez en place ? » Voilà une question qui déroute souvent les éducateurs. La non-directivité, la volonté de ne pas apparaître comme répressifs, gênent la mise en œuvre des pratiques éducatives. Encore une fois, il ne saurait s’agir de répression lorsque l’on parle d’éducation, mais bien de jalons, de repères contre lesquels les personnes butent, ce qui est la condition de leur autorisation, de leurs échappées. Une « échappée », par définition, ne se programme pas. Nous l’avons déjà dit, le cinquième sens que donne le GAFFIOT à « E-ducere », c’est « Séparer l’enfant du sein de sa mère ». Cet énoncé est suffisamment clair pour définir l’éducation comme, aussi, un processus d’émancipation et d’autorisation construit à partir des échappées, c’est-à-dire des transgressions et des trahisons des éduqués à l’égard de leurs éducateurs. Car enfin, il faut bien le dire, le meilleur de l’éducation est obtenu chaque fois que quelqu’un s’autorise à être ce qu’il est et non pas ce qu’il croit être ou ce qu’il pense que les autres attendent de lui. Et cette autorisation ne peut pas se réaliser dans un rapport de dépendance ou d’allégeance. C’est bien en franchissant, en son nom propre, des limites ou des butées qui lui sont imposées, que le sujet de ses actes existe. C’est bien dans la relation éducative que ce double processus s’origine et se développe. L’éducateur spécialisé est le professionnel le plus à même de construire des pratiques et des environnements éducatifs contenant des butées chargées de sens et donc susceptibles d’en permettre le dépassement par les échappées porteuses de l’autorisation. Il s’agit là d’une spécificité tout à fait essentielle de la contribution que l’éducation spécialisée apporte à la dynamique de l’ensemble des interventions. Le projet éducatif spécialisé prend alors tout son sens et toute sa place à l’intérieur d’un processus global, multiréférencé et cohérent.

4. LA VEILLE PROBLÉMATISANTE L’éducateur spécialisé, de par son implication dans le quotidien des situations de vie courante, se trouve très souvent au carrefour d’interventions plus spécialisées que la sienne. Curieusement, le plus spécialisé n’est pas celui qu’on croit. Du fait de cette position qui le place au confluent des approches disciplinaires différentes, il doit avoir une attitude autre que celle de ses collègues. Alors que ces derniers, une fois leurs contributions réalisées, peuvent attendre la réunion-projet, les éducateurs spécialisés, eux, doivent assurer ce que nous appelons une « veille problématisante ». Ce qui veut 22

Fiche 4 • Les apports spécifiques du projet éducatif spécialisé

dire qu’une fois leur contribution effectuée, ils n’en ont pas terminé avec le processus de travail. Ils doivent être attentifs (la veille) aux liens qui peuvent s’établir entre les différentes contributions. Ce sont eux, principalement, qui se trouvent à même d’établir des ponts, des cheminements entre des données venant de sources différentes. Cette veille doit être constante, elle ne doit pas faiblir. Car, comme nous l’avons vu précédemment, la compréhension des situations ne peut être attendue de la simple juxtaposition des informations. Il faut établir des relations de sens entre elles, ce sera le rôle de la réunion de projet, mais il est à souligner que l’éducateur spécialisé doit jouer un rôle très important dans le processus de problématisation. La veille, l’attention portée aux liens de toutes natures entre les informations, se fait avec des hypothèses qui permettent la problématisation. Les hypothèses de sens que l’on élabore doivent se dire et se discuter. Les relations possibles entre les informations doivent être qualifiées de façon à pouvoir constituer le processus global du travail de l’équipe.

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5. LA DIMENSION CRITIQUE Enfin, le dernier aspect qui construit, à nos yeux, la spécificité de l’éducation spécialisée au sein du travail de l’équipe pluriprofessionnelle, c’est la dimension critique. Le mot vient du vieux grec « Krinein » qui veut dire « aide au jugement » et, bien sûr, par « critique », il ne faut pas entendre « qui critique », mais plutôt « qui aide à juger ». L’éducateur spécialisé, du fait de tout ce que nous venons de mettre en évidence à propos de sa contribution spécifique, est certainement le professionnel qui dispose le plus des moyens d’interroger les observations et résultats d’investigation des autres membres de l’équipe. Les observations de vie quotidienne viennent souvent contredire ou empêcher de « diagnostiquer en rond » parce qu’elles révèlent des capacités ou des compétences qui n’ont pas été vues durant les tests ou examens spécifiques simplement parce que les situations étaient autres et ne permettaient pas d’observer ce que la vie courante, moins chargée d’enjeux, rend possible, pour autant que l’on se donne la peine d’observer. Le sens critique dont nous parlons est, au fond, une puissance d’interrogation, une mise en question systématique des énoncés trop péremptoires et définitifs qui vont à contre sens des orientations compréhensives et processuelles. Ceci étant dit, il est important également de souligner que cette position critique est constructive. Elle ne dénigre pas, elle interroge et ne laisse jamais tranquille. En ce sens, elle s’affilie à la pensée complexe pour laquelle les situations ne peuvent jamais être complètement comprises. Comme nous le proposait Héraclite : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. »

ou bien « Le soleil qui se lève n’est jamais le même. » 23

Fiche 4 • Les apports spécifiques du projet éducatif spécialisé

En synthèse, nous pouvons dire que le projet éducatif spécialisé se construit à partir des contributions et spécificités que l’éducation spécialisée introduit et apporte au processus global de travail de l’équipe pluriprofessionnelle. Sans la claire identification de ce qu’elle est et de ses apports, l’éducation spécialisée ne peut formuler de projets. Elle se trouverait alors démunie et renvoyée à une dimension occupationnelle qui ne correspond en rien au niveau de diplôme des éducateurs. Le projet éducatif spécialisé est une composante essentielle des projets d’action sociale et médico-sociale, à ceci prés également, qu’outre les spécificités techniques qui sont les siennes, il occupe aussi une place centrale au carrefour des différents apports. C’est sûrement cette idée que l’annexe 3 de l’arrêté du 20 juin 2007 a voulu signifier en déclinant une compétence particulière : « Savoir réaliser la synthèse d’approches pluriprofessionnelles permettant un diagnostic socio-éducatif ».

Le P.E.S. apparaît comme un outil complexe , à la fois spécifique et nonspécifique, contributeur comme les autres approches spécialisées et cependant plus central que les autres. Ce qui nous permet de souligner un aspect non évoqué jusqu’à présent, celui qui consiste à distinguer deux choses, le projet et la conduite du projet. Il est clair que la nature du projet éducatif spécialisé, tel que nous venons d’en parler implique une conduite de projet souple et déterminée. Car, en effet, le double rôle du projet éducatif spécialisé se perçoit maintenant assez clairement : • apporter une contribution spécifique ayant des indicateurs adaptés ; • établir des liens de problématisation en brassant les différentes données sans s’ériger pour autant en maître du processus de travail. Cette double perspective, « être soi-même » et « mélanger les apports » est ambiguë, elle ouvre sur des contradictions au sein du processus d’action. Mais ce trouble potentiel est aussi produit par la nature même des situations travaillées qui sont elles-mêmes, sur le moment, dans l’instantanéité des moments, mais aussi autres que ce qu’elles donnent à voir et à comprendre du fait qu’elles sont prises dans des temporalités-durée qui empêchent de dégager sur le champ le sens de ce qui se passe. Ce n’est souvent que plus tard, et avec un très fort degré d’incertitude, que l’on pourra émettre des hypothèses de compréhension. Le rôle des professionnels qui seront chargés de conduire le processus de travail de l’équipe est capital. Il faudra de la rigueur pour collecter les contributions, de la souplesse pour favoriser les échanges et le brassage et métissage des idées et enfin de la détermination et de la responsabilité pour formuler les options possibles, les choix retenus et, au final, pour écrire les comptes-rendus et synthèses portant traces et témoignages du travail effectué et des progressions réalisées.

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L’ÉLABORATION MÉTHODOLOGIQUE DU PROJET

Après avoir défini ce qu’est un projet éducatif spécialisé, nous allons maintenant nous intéresser à son élaboration. Élaborer, c’est « produire par le travail » nous dit le dictionnaire, le projet n’est donc pas donné mais construit par un processus de travail qui comporte des étapes qui constituent autant de passages obligés. En effet, n’est pas projet ce qui s’énonce comme tel, encore faut-il que la méthodologie de son élaboration ait été respectée. Nous allons, dans les pages qui suivent, éclairer les étapes essentielles de la construction du projet.

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L’éducation spécialisée, dans les établissements et services sociaux et médicosociaux, peut développer des projets de trois types : • Le projet personnalisé • Le projet à objectif spécifique • Le projet d’activités D’autres types de projets existent dans le secteur mais ils ne relèvent pas directement de l’éducation spécialisée. Le projet de soin, le projet d’établissement ou de service, le projet associatif sont élaborés selon des logiques autres que celle de l’éducation spécialisée. Cependant, des relations doivent être établies, nous traiterons cet aspect plus loin. Nous allons maintenant revenir aux trois projets centraux de l’éducation spécialisée et en étudier de façon précise les étapes méthodologiques de conception et de réalisation.

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5

Le projet personnalisé

La personnalisation des actions sociales et médico-sociales est une préoccupation centrale des nouvelles réglementations et orientations de la commande publique. Ces recommandations principales s’articulent autour de quelques dimensions essentielles qu’il n’est pas inutile de rappeler ici : • appréhender les usagers en tant que sujets de droits, • favoriser l’expression et la participation sociale, • agir en logiques de territoires, • développer la bientraitance, • personnaliser l’action. La notion de personnalisation fait basculer les institutions et les pratiques de la logique d’établissement vers la logique de service. Il s’agit donc bien d’un aspect majeur de la redéfinition des interventions. Cependant, la notion de « Personne » mérite d’être précisée. En effet, nombre d’établissements et services continuent d’utiliser le terme de « Projet individuel ou individualisé ». L’ANESM a retenu le mot « personnalisé », essayons de comprendre les sens différents de « individu », « personne » et « sujet » qui est également très utilisé.

1. DÉFINITION DES MOTS Les trois termes, Individu, Personne et Sujet, sont couramment employés dans le vocabulaire ordinaire des travailleurs sociaux, sans que leurs sens ne soient jamais vraiment débattus. Chacun de ces termes est employé de façon polysémique, l’un pour l’autre, l’un définissant l’autre, ce qui produit une confusion rarement reconnue. Les travailleurs sociaux et les éducateurs se contentent d’approximations, laissant aux spécialistes (philosophes, sociologues, psychologues, psychanalystes...) la maîtrise supposée des « appellations contrôlées ». Raison de plus pour tenter d’y voir plus clair et de préciser quels sont les sens que l’on peut donner à ces différents vocables. La difficulté que l’on rencontre pour définir ces termes s’explique par le fait qu’il s’agit toujours de différentes façons de nommer l’homme, l’être humain. Chez l’homme, il y a le langage, l’élaboration et l’utilisation de codes symboliques, la vie en société organisée et non-préprogrammée, l’inconscient et la culture. L’homme ne dispose pas, comme les animaux,

Fiche 5 • Le projet personnalisé

de structures instinctuelles prédéfinies1. Le bébé détient bien la capacité génétique à apprendre et à communiquer, mais il ne possède naturellement aucun savoir-faire. C’est tout au long du processus éducatif que l’enfant va progressivement entrer dans la communauté des humains et compte-tenu de l’extrême complexité de l’enchevêtrement des éléments à prendre en compte, il n’est pas étonnant que le vocabulaire utilisé pour désigner l’homme varie selon l’éclairage particulier et l’insistance que l’on souhaite porter sur tel ou tel aspect de sa vie ou de son activité. Ce qui nous concerne est le travail éducatif, et donc, la question qui se pose à nous est de savoir comment dénommer au mieux, de la façon la plus juste, les personnes avec lesquelles l’éducation spécialisée aura à faire. Cet exercice est difficile, car, généralement, elles sont « objet » du travail social. Si elles viennent vers nous, c’est soit sous la contrainte d’une mesure administrative ou judiciaire, soit pour obtenir de l’aide en rapport avec l’argent, l’emploi ou le logement. La « ligne de plus grande pente » du travail social sera donc d’associer l’appréhension des personnes à l’objet de l’intervention et, par là même, de les objectiver (ce qui ne tardera pas à poser une question d’éthique), sans préjuger des capacités de négatricité2 (aptitude à élaborer des contre-stratégies) qu’elles pourront manifester, eu égard à ce qui sera ressenti comme une dépersonnalisation de la relation inter-individuelle.

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Reconnaître la Personne au sein du projet éducatif spécialisé, voilà une ambition juste pour les éducateurs et qui commence par la question de la dénomination. Selon les termes utilisés pour parler des Personnes, l’éducateur créera une interaction spécifique qui contribuera à définir et construire la situation de travail. Dans le travail éducatif, la confrontation interpersonnelle et intersubjective est plus directe, l’anonymat y est très difficile, voire impossible. Néanmoins, deux écueils peuvent se présenter. Tout d’abord celui, malgré tout, de la « chosification » (ils sont tous comme ça, c’est l’absence de loi, c’est un adolescent, c’est la culture...) qui objective des manifestations subjectives et individuelles, et le second écueil sera celui d’une hyper-personnalisation (tutoiement, chevauchement des espaces privés et professionnels, affectivation exacerbée des relations, identification aux personnes reçues...). C’est pour toutes ces raisons qu’il nous faut préciser quelques termes et en particulier ceux d’Individu, de Personne et de Sujet, qui sont régulièrement employés l’un pour l’autre, dans les activités ordinaires du travail éducatif. Étymologiquement, « individu » vient de « individuum » qui veut dire « ce que l’on ne peut séparer », ce qui est « indivisible ». L’individu est donc marqué et défini par la cohérence relativement achevée de son être, obtenue par la configuration inséparable des liens qui existent entre les différents éléments qui le composent.

1. B ERGER et L UCKMANN , La construction sociale de la réalité, Armand Colin, 2003 2. Jacques A RDOINO, Les avatars de l’éducation, PUF, 2000

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Fiche 5 • Le projet personnalisé

Tout individu est unique. Ainsi que l’a écrit Jean Rostand1 : « L’un des plus sûrs enseignements de la génétique humaine est de nous révéler l’individualité, la personnalité de chacun des membres de l’espèce. Tout individu porte une certaine combinaison génétique qui n’appartient qu’à lui[...] De chacun de nous, on peut dire, en toute rigueur, qu’il est un exemplaire unique et irreproductible de l’espèce. »

Un individu est un exemplaire unique d’une série appartenant à une espèce. Tous les hommes se ressemblent et chacun d’entre eux porte les caractéristiques génétiques de son espèce qui le différencient des autres espèces vivantes. Mais, au sein de cette similitude et de ces ressemblances, il y a toujours une version singulière du programme de l’espèce2 . L’individu est donc « semblable et différent » par rapport aux autres membres de l’espèce humaine. Retenir le terme « Individu » dans une expression professionnelle doit se faire lorsque l’on veut mettre l’accent sur les aspects que je viens de préciser. Les termes de « Personne » et de « Sujet » s’articulent et se complémentarisent avec l’Individu ainsi défini. Le mot « personne » vient du latin « persona ». D’origine étrusque, il désigne un masque de théâtre. Une personne est un individu, mais enrichi de sa conscience et de sa liberté. La personne est un individu doué de raison, donc capable de distinguer le Bien du Mal, le Vrai du Faux. Ces dernières notions étant relatives à l’histoire et à la culture, il est alors clair qu’une personne est toujours en relation avec d’autres personnes : elles font société. Une personne est également libre, c’est-à-dire qu’elle peut faire des choix. Nous n’aborderons pas ici la question du poids des déterminations ou des influences sociales. Elles existent, évidemment, la liberté n’est jamais totale, mais il est important de signifier au travers de la notion de personne, que nous sommes toujours en capacité de faire autrement, même « légèrement » autrement, que suivre les voies qui semblent pré-tracées. Le terme est plus dynamique que celui d’Individu qui semble plus statique. La personne est aussi une valeur éthique3 . Puisque l’individu est unique et que la personne va se déployer à partir de lui en enrichissant à la fois le semblable (l’enfant sera de plus en plus « humain avec les autres » sous l’effet de l’éducation) et le différent (accentuation des goûts, des préférences propres), il devient alors clair que chaque personne est unique et irremplaçable. La personne doit être considérée en tant que fin car elle jouit d’une certaine autonomie, ce qui n’est pas le cas des choses qui sont remplaçables. Si la personne est une fin, elle ne peut être un moyen, sauf à sortir de l’humain, tels 1. Jean R OSTAND, L’hérédité humaine, in Dictionnaire LE ROBERT en douze volumes, p.98, 1985 2. C’est en ce sens que l’on peut comprendre l’expression d’Edgar M ORIN : « Le tout est plus que la somme des parties, mais la partie est plus que le tout ». 3. Marie-Louise M ARTINEZ, L’émergence de la personne, L’Harmattan, 2004

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Fiche 5 • Le projet personnalisé

les « crimes contre l’Humanité ». Professionnellement, la notion de personne est très importante. Elle nous aide à reconnaître l’Autre dans la plénitude de lui-même, au milieu et avec les autres, dans sa différence et porteur de sa liberté. Beaucoup de termes professionnels contribuent à « chosifier » la personne de l’Autre qui vient nous rencontrer : « le client », « l’usager », « le contractant », « le médié », « l’ayant-droit », « le SDF », « le Rmiste », etc. L’usage de ces termes est dangereux pour l’éthique car, en effet, il renverse la perspective : la personne cède le pas devant les dispositifs et les mesures. Celles-ci deviennent des fins et les personnes deviennent le moyen de justifier les fins (Combien de mesures ? Sous-entendu : quelle quantité de gens ? Combien de journées ? Ce qui veut dire : quelle quantité de jours passés par des personnes, etc.). Alors qu’évidemment, dans une perspective éthique, ce sont les dispositifs qui sont des moyens pour des personnes entendues comme fins.

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« Sujet » vient du latin « Subjectum » et signifie « ce qui est soumis à ». Voila une étonnante transformation du sens du mot, puisque, dans le travail éducatif, nous l’entendons plutôt habituellement comme une signification d’affirmation individuelle plus que de dépendance. En grammaire, le sujet indique « celui qui fait l’action ». Ce sens est plus proche de ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de « Sujet ». Le terme « Sujet » est plus précis, plus circonscrit, que celui de « Personne ». Le « Sujet » est actif, il pense, il fait, il questionne. Tout être humain est à sa naissance un individu, il devient une personne par le processus éducatif et la socialisation. Le « Sujet », lui, émergera ou adviendra1 plus ou moins, selon les engagements réalisés par chacun. Le sujet procède, d’une part, de l’expérience de vie acquise, sans laquelle rien ne peut, ni émerger, ni advenir, et d’autre part, de la reconnaissance des implications et des prises de risques consenties au travers des engagements, des choix et des décisions de la personne. Dit autrement, le « Sujet » n’est pas une donnée de départ dans la vie de l’individu. Le « Sujet » sommeille en tant que potentialité. L’éducation contribuera largement à lui donner des perspectives d’existence et de développement, mais pour devenir des réalisations effectives, il faudra l’engagement qui signera l’émergence ou l’advenance du sujet en tant qu’auteur. L’individu est un « agent », c’est celui qui « fait », la personne est un « acteur », elle s’inscrit dans une partition et joue un rôle actif dans sa réalisation, tandis que le sujet est « auteur », c’est à dire producteur de son histoire au travers de sa confrontation incessante avec les « pré-déterminations » de tous ordres.

2. DÉFINIR LE PROJET PERSONNALISÉ Sur la base de ce qui précède, nous pouvons proposer la définition suivante :

1. Émergera de ce qui est immergé ou adviendra « d’on ne sait où » pour reprendre la terminologie de Jacques A RDOINO.

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Fiche 5 • Le projet personnalisé

Le projet personnalisé est un document écrit qui, sur la base d’évaluations pluridisciplinaires, problématise la situation d’une personne en difficulté, définit des finalités à partir des hypothèses de compréhension et d’action, fixe des objectifs et prévoit les moyens pour les atteindre. La personne concernée et ses représentants légaux sont associés à toutes les étapes de sa réalisation et les pratiques liées au projet sont régulièrement évaluées de façon à pouvoir procéder aux réajustements nécessaires. Enfin, le projet personnalisé est cohérent en regard des finalités de l’action publique, du projet d’établissement et des références de bonnes pratiques élaborées par les professionnels de l’institution et référées aux finalités de l’action publique.

L’objet du projet personnalisé est donc circonscrit par la présence des points suivants : • • • • • •

évaluations plurielles, problématisation de situation, finalités et hypothèses de compréhension et d’action, objectifs, moyens, association des usagers, cohérence institutionnelle,

et par le fait que ces différents points convergent vers l’intelligibilité de la situation d’une personne, en prenant en compte ses caractéristiques propres et en les contextualisant les différents environnements à l’intérieur desquels elle évolue. Les chapitres suivants vont préciser, sous forme de tableaux et de commentaires successifs, les différentes étapes de la conception et de la réalisation des projets personnalisés.

3. LES ÉTAPES ET LES CONDITIONS DE RÉALISATION DU PROJET PERSONNALISÉ

Commentaires du tableau 5.1 : Cette première étape est absolument fondamentale et l’observation des pratiques de collecte de données dans les institutions nous laissent à penser qu’il y a beaucoup de marges de progression possibles. En amont de la réunion « évaluation/projet » — dite souvent réunion de « synthèse » —, il est indispensable que soient réalisées deux opérations successives : • le recueil des contributions différenciées ; • un pré-traitement de ces contributions par une mutualisation. Les contributions différenciées doivent provenir de toutes les spécialités utiles à la compréhension de situation de l’enfant ou de la personne reçue. L’absence de telle ou telle contribution est un préjudice grave porté au processus d’élaboration. Trop souvent les questions organisationnelles sont mises en 30

Recherche de compréhension

Recueil multiréférencé des données utiles

Démarche générale

31

Ce travail se concrétise par une note d’une page, transmise aux « contributeurs différenciés » avant la réunion « évaluation/projet » pour qu’ils puissent faire des observations et commentaires (par écrit ou de façon informelle).

Les différents contributeurs réalisent leurs documents écrits de référence selon leurs méthodologies propres (psychologue, médecin, paramédicaux) ou celles précisées dans le projet d’établissement (autres professionnels). Chaque contribution fait apparaître les données essentielles et se termine par une problématisation et des hypothèses de compréhension. Une synthèse de la contribution est transmise au référent.

Modalités et supports

• Des références de pratiques existent.

feuille de route.

• Chaque professionnel dispose de sa

• L’étape considérée est coordonnée.

• Documents écrits portant trace.

exclusives.

• Absence d’interprétations rapides et

effectuées.

• Des observations de vie courante sont

• Le recueil est multiple.

Indicateurs de fiabilité

tisation de situation et hypothèses de compréhension

4. Probléma-

3. La réunion « évaluation/ projet »

C’est une réunion qui a pour objet la confrontation des analyses différentes sur la base de la présentation de situation que fait le référent. Elle débouche sur la problématisation. Le référent présente la contribution mutualisée et fait part des observations reçues, des questions qui demeurent et la réunion doit permettre le débat et l’enrichissement des analyses par l’exploration des compréhensions possibles et des hypothèses de sens. La formulation de la problématisation et des hypothèses est la suite logique et émerge de la réunion « évaluation/projet ». La personne concernée est informée de façon adaptée de la compréhension de l’équipe de sa situation, son avis est recueilli et pris en compte. Le texte de la problématisation est le fondement du projet personnalisé. Il est réalisé par le référent pendant la réunion « Evaluation/projet » ou juste après sur la base du contenu de la réunion

convergences, divergences et questions en suspend.

• Le document réalisé porte trace des

Le débat a lieu entre les contributeurs.

Tableau 5.2. Deuxième étape : La réunion de projet, la problématisation de situation et les hypothèses de compréhension

mutualisée

2. Contribution

différenciées

1. Contributions

Étapes considérées

Tableau 5.1. Première étape : Le recueil des données et les contributions différenciées

Fiche 5 • Le projet personnalisé

Fiche 5 • Le projet personnalisé

avant pour expliquer certaines défections de professionnels potentiellement contributeurs. Ce n’est pas acceptable. Sauf situation extrême et donc forcément conjoncturelle, il convient de réaffirmer le caractère indispensable des contributions de chaque spécialité pour la compréhension collective. La question est à double face, quantitative et qualitative. Sur le plan quantitatif, n’y revenons pas, il convient que l’ensemble des professionnels de l’équipe pluriprofessionnelle contribue par la réalisation et la remise de ses observations et hypothèses. Sur le plan qualitatif, il faut que ces contributions soient de qualité, intéressantes. Nous avons longuement précisé ce que devait apporter à l’intelligibilité globale l’éducation spécialisée, il convient que les responsables institutionnels « garants de la pluridisciplinarité »1 soient en mesure d’exiger le meilleur des différents contributeurs. Dans le droit fil de l’esprit des recommandations de l’ANESM, les référentiels de bonnes pratiques sont là pour élaborer et constituer les références communes des professionnels. Ces référentiels doivent être réalisés par les établissements et services sur le mode participatif et non pas, rappelons-le, sous la forme de logiciels ou de méthodes importées du secteur marchand. Beaucoup d’établissements et services se ruent et achètent du « prêt-àévaluer ». C’est plus simple mais le véritable prix à payer sera celui d’une dépossession des professionnels de leurs savoirs, alors que, à notre avis, ils connaissent très bien les bonnes pratiques. Dès lors l’évaluation sera rétrécie sur une simple opération de contrôle qui n’osera pas dire son nom. Les exemples de projets personnalisés qui seront présentés plus loin illustreront la démarche de façon plus concrète.

Commentaires du tableau 5.2 : Nous développerons plus loin le rôle du référent mais le tableau 5.2 fait d’ores et déjà apparaître sa place dans le processus de compréhension. Disons pour le moment qu’il s’agit d’une hypothèse de travail. Nous ne prétendons pas, dans le cadre de cet ouvrage, dicter aux établissements et services et à leurs cadres dirigeants des modes de fonctionnement spécifiques. Nous verrons ce qui plaide en faveur du fait de confier cette tâche au référent mais qui est, évidemment, sujet de débat. La réunion de projet se fait, nous le conseillons vivement, sur la base d’un premier traitement des contributions reçues. Si ce préalable n’est pas rempli, il est probable que la scène institutionnelle — n’étant pas médiatisée par un objet ordonnant les prises de parole — sera alors envahie par des questions autres, liées aux rapports de force et d’influence entre les personnes et entre les groupes professionnels. Il faut donc qu’il y ait ce pré-traitement mutualisé des contributions et que la réunion soit animée avec rigueur et compétence. Ce qui veut dire « conduite » 1. « Circulaire 89-17 du 30 octobre 1989 » liée aux nouvelles annexes 24 du secteur médicosocial enfants/adolescents.

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Fiche 5 • Le projet personnalisé

« dirigée » et en même temps « ouverte » pour que les différents contributeurs aient le sentiment que leur participation est utile. Cela constitue une condition nécessaire pour qu’ils puissent entrer dans les débats et les confrontations, en confiance et non pas en défiance par rapport aux autres. Mais il est important d’introduire, à ce point de l’exposé, une autre donnée : celle du rôle de la théorie, des concepts dans le travail de problématisation.

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Ce travail, qui consiste à considérer les données reçues, à les classer, à leur donner une importance relative et à établir des relations de sens entre elles ne peut se réussir sans recours aux concepts. Qu’est-ce qu’un concept ? C’est une représentation construite de quelque chose de réel, de concret et qui pourtant nous file entre les doigts. Le concept, c’est ce qui permet de comprendre « plus haut » les situations que nous vivons. Si, par exemple, je parle de l’enfance, en tant que concept, je vois bien que je nomme quelque chose que je ne peux jamais saisir. J’ai toujours à faire avec « des enfants » pas avec « l’enfance ». Pourtant, lorsque je décris le comportement d’une personne âgée et que je dis « qu’elle retourne en enfance », je me fais parfaitement comprendre. Mon propos signifie que la personne adopte des manières de parler ou de se comporter qui caractérisent l’enfance. Le concept me permet donc de nommer un réel, parfois plus concret que ce que je vis et pourtant insaisissable de façon matérielle. Par le travail de problématisation, nous relions les données éparses issues des recueils différenciés à l’aide de concepts pris dans les sciences humaines et sociales que nous connaissons et qui nous semblent pertinents. Il y a quelque chose d’incertain dans le choix des références théoriques car, à la fois, elles ouvrent la compréhension en se plaçant « plus haut » mais en même temps, elles la ferment du fait que les théories sont aussi des systèmes plus ou moins fermés. D’où l’idée finalement assez simple pour le projet éducatif spécialisé que de se référer à des concepts et champs théoriques variés pour éviter de se faire enfermer dans des compréhensions trop monoréférencées. Ce qui constitue un risque, celui du manque de rigueur mais aussi une chance, celle de conserver ouvertes des pistes de compréhension en regard de situations impossibles à circonscrire complètement. De ce point de vue là, il est important de souligner que la formation théorique des éducateurs spécialisés est cruciale. S’ils n’ont pas la culture générale qui permet de comprendre les grandes questions qui se posent aux hommes à propos du « vivre ensemble » ou s’ils n’ont pas de bases solides concernant le développement humain, ils ne seront tout simplement pas capables de hisser le niveau de compréhension des situations. Ce qui, immanquablement, se traduira par des projets éducatifs faibles, dénués de sens et incapables de s’expliquer. Ce serait donc toute la méthodologie qui serait vaine, car un ensemble de méthodes et de techniques ne pourra jamais remplacer une démarche de sens. Prenons un exemple concernant le comportement de l’enfant. Considérons des attitudes d’opposition de l’enfant envers l’éducateur. Il paraît évident de dire que le professionnel ne doit pas répondre au premier degré, c’est-à-dire 33

Fiche 5 • Le projet personnalisé

renvoyer lui-même de l’agressivité. Tout le monde sera d’accord avec ça, encore que nous trouverons un certain nombre d’éducateurs pour défendre une position qu’ils diront éducative et qui consiste à ne pas se laisser faire. Mais admettons qu’il ne s’agisse pas d’une majorité. Que font les autres ? Un certain nombre de professionnels vont, trop rapidement, rationaliser leur compréhension, refermer le sens sur des explications simples : « Il est toujours comme ça », « Il ne faut pas faire attention », « C’est à cause de ses parents », etc. Alors que la meilleure chose à faire est de rechercher un entendement du comportement au-delà des allants de soi ne nécessitant pas de formation spécialisée. Et c’est là que les concepts doivent intervenir comme des moyens de compréhension des processus qui structurent les comportements. Sans de solides références théoriques, le sens des situations ne peut pas être mis à jour, ni même recherché. Cette question est très importante puisque nous sommes à une époque où les formations de travailleurs sociaux s’allègent sur le plan conceptuel au profit de logiques de compétences dirigées d’abord sur l’opérationnel plus que sur le sens. Nous attirons l’attention sur les dangers d’une telle dérive, le sens doit évidemment primer et orienter l’opérationnel qui est un moyen et non pas une fin.

Commentaires du tableau 5.3 : C’est avec cette troisième étape que l’écriture du texte du projet devient effective. Nous nous trouvons toujours dans une phase conceptuelle du projet, préalable à la mise en œuvre concrète des actions qui seront prévues. Après le recueil des données et leur problématisation, il faut maintenant ordonner les idées et concrétiser les intentions. Pour cela, trois étapes à suivre, dans l’ordre suivant : • définir les finalités ; • définir les objectifs ; • préciser les modes opératoires. ➠ Les finalités En fait, un basculement important va s’effectuer entre les finalités et les objectifs. Tant qu’il s’agit des premières, on reste encore dans le domaine des perspectives, des ambitions, de ce que j’ai précédemment appelé « le sens » des actions. Avec les seconds, on entre dans l’opérationnalité, c’est avec la définition des objectifs que le projet énonce ce qui va être fait très concrètement. Beaucoup de professionnels, de formateurs, voire d’auteurs d’ouvrages méthodologiques, passent directement du diagnostic (en lieu et place de problématisation) aux objectifs sans passer par l’étape des finalités. C’est, de mon point de vue, une lourde erreur de méthode. Tous les textes de politiques publiques sociales et médico-sociales — et j’y inclus les recommandations de l’ANESM — sont des textes comportant 34

Réalisation et écriture du projet personnalisé

Démarche générale

35

7. Précision des modes opératoires et des temporalités (moyens de l’action, comment va-t-on s’y prendre ?)

6. Définition des objectifs (contenu de l’action, que veut-on faire ?)

5. Définition des finalités (perspectives de l’action, vers où veut-on aller ?)

Étapes considérées

• organisés. Et la faisabilité de leur mise en œuvre doit être vérifiée.

• hiérarchisés,

• identifiés,

• Définition des outils de suivi des actions. Les modes opératoires sont essentiels, c’est à travers eux que les finalités, le sens des projets et les objectifs se concrétiseront en constituant le véritable processus d’action. Les moyens doivent être :

• Planification, organisation, programmation,

• Moyens organisationnels (Comment ?),

• Moyens matériels (Quoi ?),

• Moyens humains (Qui ?),

Une finalité se définit à partir de la compréhension de la situation qui fait émerger les « dominantes » qui la caractérisent. La finalité donne la direction, elle permet aux objectifs de prendre sens. Les finalités sont écrites et expliquées de façon simple. Les liens de sens avec la problématisation doivent être perçus et compris. Les personnes accueillies sont impliquées dans la définition des finalités. Un objectif est concret, précis, il définit un but à atteindre dans une temporalité donnée et explicite. Les objectifs sont écrits et prennent sens de par les finalités desquelles ils découlent. Ce lien de pertinence doit être garanti. Tant que l’on n’y arrive pas, il ne faut pas retenir l’objectif. On doit être capable d’expliquer ce que l’on se propose de faire. Les personnes accueillies sont associées à la définition des objectifs, elles doivent en être partie-prenante. Les modes opératoires représentent l’ensemble des moyens mobilisables inscrits dans des temporalités et échéances :

Modalités et supports

Tableau 5.3. Troisième étape : Définition des finalités, objectifs et modes opératoires

apparaît.

• La personnalisation

• La faisabilité est étudiée.

• Les moyens sont indiqués.

• Les objectifs sont précisés.

• Les finalités sont décrites.

• Le texte écrit du projet est cohérent en regard des contributions et du débat.

Indicateurs de fiabilité

Fiche 5 • Le projet personnalisé

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essentiellement des finalités. L’ensemble de ces textes nouveaux, déjà cités, repositionnent la commande publique à partir de deux éléments-clés, le droit des personnes pour l’aspect juridique et l’éthique pour la dimension philosophique. De ces deux éléments majeurs découlent des finalités simples mais fortes : la personnalisation des actions, le droit des usagers, leur participation, la bientraitance et l’inscription dans des dynamiques de territoire. Le décret 2007-975 du 15 mai 2007 portant cahier des charges de l’évaluation sociale et médico-sociale indique dans son annexe 3-10 : « 1.1. L’évaluation doit viser à la production de connaissance et d’analyse. Cette évaluation doit permettre de porter une appréciation qui l’inscrit dans une logique d’intervention et d’aide à la décision. Elle a pour but de mieux connaître et comprendre les processus, d’apprécier les impacts produits au regard des objectifs tels que précisés ci-après, en référence aux finalités prioritairement définies pour l’action publique. 1.2. L’évaluation est distincte du contrôle des normes en vigueur. Elle se distingue également de la certification. L’évaluation telle que prévue à la présente annexe tient compte des résultats des démarches d’amélioration continue de la qualité que peuvent réaliser les établissements et services. »

Repérer et définir les finalités n’a donc rien de facultatif. Le législateur souhaite, bien sûr, que des actions concrètes, des prestations soient assurées et soient de qualité mais ceci doit se faire au sein d’une démarche de sens, ce que l’on va faire est énoncé, va être réalisé et les professionnels sont aussi capables de dire pourquoi ils veulent développer ce type d’activité plutôt que tel autre. Une finalité, rappelons-le est une perspective, elle est une ambition, une « tension vers » et nous savons qu’elle ne sera jamais atteinte complètement. Qui peut dire qu’il est « autonome », en tout lieu, en toute circonstance ? Qui peut dire qu’il est « épanoui » de façon définitive ? Qui peut enfin prétendre « être auteur de ses actes », « être libre », quels que soient les environnements et les situations ? Les finalités, jamais atteintes, constituent cependant les lignes d’horizon vers lesquelles tendent les efforts déployés par les usagers avec les professionnels à leurs côtés. ➠ Les objectifs Nous arrivons à la phase opérationnelle du projet éducatif. Les objectifs sont des cibles, des buts concrets, observables et se définissent comme des propositions de résultats à terme. Toutes les actions qui seront entreprises à la suite de l’élaboration du projet personnalisé ne relèvent pas d’objectifs. Ce point est très important à comprendre. Si toute l’action se définissait par des objectifs, cela reviendrait à penser qu’elle serait réductible à une logique d’activités alors que nous savons bien que les relations, les attitudes et les propos qui seront tenus sont tout aussi importants. Nous préciserons cet aspect lorsque nous traiterons des modes opératoires. 36

Fiche 5 • Le projet personnalisé

Les objectifs générant des actions précises doivent donc être choisis avec soin selon un critère principal et en tenant compte de deux impératifs. Le critère est celui de la pertinence compréhensible de l’action en regard de la problématique. Le bien-fondé des choix doit pouvoir être établi. Les deux impératifs sont liés à la cohérence d’ensemble du projet personnalisé : • les objectifs doivent apparaître logiques en regard des finalités, • ils doivent être réalistes, concrétisables, compte-tenu des moyens et de la réalité institutionnelle. Prenons quelques exemples pour différencier et relier les finalités et les objectifs. Le tableau ci-dessous va repérer des finalités et proposer pour chacune d’entre elles des objectifs. Il va de soi que la liste des objectifs n’est pas exhaustive et peut varier selon les problématiques traitées. Finalités

Problématiques et situations

Objectifs possibles

• Organiser des réunions de Enfants accueillis en MECS

groupe régulières.

• Créer des situations de jeu favorables.

• Organiser des temps de Socialisation

Que la personne améliore ses relations et sa participation sociales.

Enfants accueillis en IME

parole collective.

• Donner des responsabilités clairement repérées.

• Valoriser les temps de repas par une présence Adultes reçus en CHRS

systématique d’un éducateur.

• Organiser des réunions de maison.

• Aménager l’environnement

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer

pour faciliter le repérage.

• Réorganiser les temps de présence des professionnels.

• Discuter régulièrement et Autonomie

Que la personne soit moins dépendante des autres pour les actes de vie courante.

aménager les règles de sortie Adultes vivant en foyer d’hébergement

en ville.

• Planifier les contributions aux services.

• Aménager l’espace Adultes vivants en foyer de vie

institutionnel.

• Faciliter le repérage des objets personnels.

37

Fiche 5 • Le projet personnalisé

• Organiser des réunions de Jeunes enfants en MECS

groupe.

• Interpeller les enfants sur le mode personnel.

• Investir et valoriser le

Expression

Que la personne parle davantage et fasse connaître ses souhaits et ses positions.

Familles d’enfants polyhandicapés

Conseil de la Vie Sociale.

• Consulter régulièrement les parents.

• Utiliser le mode Adolescents reçus en Centre éducatif renforcé

d’interpellation personnel.

• Tenir des groupes de parole. • Avoir des entretiens Parents d’enfants suivis en AEMO

réguliers.

• Reprise systématique des situations-problème.

Responsabilisation

Que la personne anticipe mieux et améliore sa conscience des situations et de ses actes.

• Tenir des réunions Adolescents reçus en MECS

régulières.

• Reprendre en individuel toutes les situations difficiles.

• Adapter les activités et la Adultes travaillant en ESAT

pédagogie.

• Confier des responsabilités. • Toujours expliquer à l’enfant Éthique

Que les pratiques professionnelles prévues se réfèrent clairement à la dimension éthique.

Enfants polyhandicapés

ce que l’on va faire même si l’on n’est pas sûr de sa compréhension.

• Utilisation constante du nom Adultes reçus en foyer de vie

propre ou du prénom des personnes.

➠ Les modes opératoires Enfin, le dernier point de cette troisième étape concerne les modes opératoires. Un mode opératoire, c’est une conjugaison de moyens sous-tendus par les relations et les attitudes souhaitables en fonction des buts poursuivis. Un « moyen » n’est pas une fin, ce n’est pas non plus un objectif : c’est un outil au service d’un objectif lui-même contributif d’une ou plusieurs finalités. Il s’agira de préciser les moyens utilisés ainsi que les manières de faire pour les mettre en œuvre. Il faut établir la liste des moyens, puis les hiérarchiser, les organiser pour qu’ils rentrent concrètement dans les emplois du temps. Plusieurs sortes de moyens existent : • Les moyens humains. Il s’agit de répondre à la question : Qui ? Qui est concerné par le projet et par telle ou telle action du projet ? Ce point est essentiel. Je pourrais citer de nombreux projets qui ont été validés par des 38

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Fiche 5 • Le projet personnalisé

équipes et qui ne se sont jamais réalisés parce que l’on avait oublié de préciser qui serait impliqué dans la mise en œuvre. Tant qu’il s’agit des autres, rien ne fait obstacle aux projets, mais dès que l’on identifie les protagonistes, les réserves ou bien les enthousiasmes peuvent s’exprimer. Il est donc important de recenser les personnes contributives et de s’assurer, évidemment, de leur pleine adhésion au projet dont il est question. Dans un établissement social ou médico-social, il faut porter attention aussi à ce que les engagements personnels soient fiables. Il faut veiller à ne pas délaisser certaines actions au prétexte de nouvelles. Cela renvoie à la conduite du projet que nous aborderons plus loin. Les investissements spécifiques, liés à un projet particulier doivent s’insérer le plus harmonieusement possible par rapport aux autres projets. Il est bien clair qu’il y a une interdépendance des projets entre eux, du point de vue de la disponibilité des moyens humains. • Les moyens matériels. Le repérage des moyens matériels répond à la question : Quoi ? Quels sont les locaux, les objets, les équipements dont nous avons besoin pour mettre en œuvre les actions que nécessite le projet ? C’est un peu la même chose que pour les moyens humains. Il faut repérer les moyens, les lister, vérifier leur pertinence en regard des objectifs et finalités et veiller à la faisabilité de leur acquisition, obtention et disposition. Ici encore, avant que les actions se mettent en place, il est essentiel de s’assurer qu’il y aura une cohérence entre les intentions, les objectifs et les moyens. En cas de problème, il ne faut pas faire comme s’il n’y en avait pas, il ne faut pas hésiter à dire que l’on renonce à un projet, à un objectif, ou bien qu’on le renvoie dans le temps parce que l’on n’a pas pu réunir les moyens. Je rappelle que lorsque le législateur parle de « bonnes pratiques », il peut tout à fait s’agir de pratiques qui rencontrent des difficultés et des obstacles. À condition d’en faire quelque chose. Une « bonne pratique » est une pratique qui s’interroge et les difficultés rencontrées viennent alimenter les questionnements. • La logistique, l’organisation et les manières de faire. Définir et choisir des moyens de différentes sortes laisse encore ouverte une question déterminante : comment prévoir la dynamique de leur mise en œuvre ? Pour être complet, le projet va devoir traiter ces aspects. La logistique, c’est l’organisation rationnelle et adaptée des moyens à des situations particulières. Il convient donc que le projet personnalisé renseigne précisément, non seulement sur les moyens prévus, mais également sur l’organisation et la dynamique de déploiement des pratiques ayant pour but de les concrétiser. Nous avons déjà évoqué la tension inévitable entre un projet, qui, pour s’élaborer doit se référer au passé et des situations qui, elles, sont toujours nouvelles et renouvelées. Cela conduit naturellement à penser que les actions du projet ne se réaliseront pas exactement comme il aura été prévu, et dès lors, les manières d’organiser puis les pratiques de l’organisation devront se caractériser par leur souplesse et leur adaptativité aux contextes changeants. • La communication. Cet aspect prolonge le précédent. Il est assez habituel de voir des projets forts intéressants mal investis par les personnes qui 39

Fiche 5 • Le projet personnalisé

auraient dû le faire. Et cela, à cause d’une question de mauvaise communication. L’information a été mal diffusée, ou bien n’a pas pris en compte suffisamment des données de contexte. De ce fait, la problématisation (voir plus haut page 37) a été défaillante et, à partir de là, toute la mise en œuvre du projet est fragilisée. Une bonne communication est essentielle pour obtenir les coopérations indispensables et ne pas créer de situation de confrontation. Il ne faut jamais oublier que celui ou celle qui promeut un projet, quel qu’il soit, « sort du rang » et s’expose à toutes sortes d’incompréhensions. La communication tentera d’anticiper ces phénomènes afin d’y insérer toutes les forces utiles. Tableau 5.4. Quatrième étape : Le déroulement des actions, la vie du projet Démarche générale

Étape considérée

Modalités et supports

Indicateurs de fiabilité • Les programmes

8. Mise en œuvre Actions concrètes mises en œuvre

des plans et programmes d’action prévus

Il s’agit là des périodes de temps (à identifier) pendant lesquelles les actions prévues se déroulent. Il s’agit aussi des plans de travail, projets d’activités ou de situations

correspondent aux projets. • Les actions sont suivies

selon des procédures définies. • Le management est « de proximité ». • Des supports de

traçabilité existent et sont utilisés.

Commentaires du tableau 5.4 : Cette quatrième étape est celle du déroulement des actions prévues. Le projet existe, il a été réalisé selon les étapes nécessaires et il reste l’essentiel : le faire vivre. Le projet-papier est là, mais c’est encore une fois dans la pratique que les intentions s’attestent. La concrétisation du projet passe par la temporalité-durée. Durant cette période de temps, ce qui est important, c’est que les actions prévues se réalisent selon le programme qui a été validé, il ne faudrait pas que, sans cesse, les évènements viennent bousculer les prévisions. D’une certaine façon, le temps du projet est aussi celui de la résistance. Il convient de conserver les traces de ce qui se passe et des difficultés ou obstacles que l’on rencontre, sans se laisser déborder, mais avec le souci de disposer des arguments nécessaires pour que, lors des réunions prévues à cet effet, des réévaluations ou réorientations d’objectifs ou de moyens puissent être envisagés.

40

Fiche 5 • Le projet personnalisé

Tableau 5.5. Cinquième étape : Le suivi et la réévaluation du projet Démarche générale

Étapes considérées 9. Évaluation de la

réalisation du projet 10. Réévaluation et

redéfinition éventuelle Suivi et réévaluation

• de la

problématisation, • des finalités, • des objectifs, • des modes

opératoires, • des mises en œuvre.

Modalités et supports Un projet et surtout sa mise en œuvre sont des processus vivants. Les actions entreprises ne vont jamais se dérouler tout à fait comme on l’a prévu. Il est alors nécessaire de prévoir un dispositif d’accompagnement du projet afin de pouvoir constamment le réévaluer et le réajuster.

Les supports de recueil des observations liées aux actions sont précisés ainsi que les espaces/temps de réunions et d’échanges.

Indicateurs de fiabilité • Des procédures de

réévaluation existent. • Des espaces/temps

de travail y sont consacrés. • Des traces écrites

sont réalisées. • Le processus de

réévaluation est animé par quelqu’un d’identifié.

Commentaires du tableau 5.5 : La rupture avec une conception et une pratique simplistes du projet : diagnostic/objectifs/moyens/résultats est conditionnée en grande partie par la qualité du processus de suivi et de réévaluation. À partir d’une conception de base, toutes les étapes du projet sont susceptibles d’être modifiées sous l’effet de ce qui sera constaté lors de la mise en œuvre. Mais cela se fera selon des règles prédéfinies et en respectant quelques obligations.

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➠ La conception de base Un projet ne se réduit pas à un document écrit, fut-il le plus intéressant et le mieux construit. Le texte écrit du projet s’inscrit dans un processus temporel qui l’inclut et le dépasse. Il y a un « avant » du projet : les étapes de recueil de données, de problématisation et d’écriture ; un « pendant » la réalisation qui comprend le déroulement des actions et le suivi et un « après » qui recouvre le processus de réévaluation. C’est l’ensemble de ces trois temporalités qui constitue ce que l’on appelle « le projet ». ➠ Règles et obligations Elles ne sont pas très nombreuses et il faut en distinguer deux principales : • Respecter les recueils de données prévues pendant la réalisation des actions du projet. • Procéder aux réévaluations des finalités, des objectifs, des moyens ou de la logistique du projet dans les espaces/temps prévus à cet effet par le projet d’établissement ou de service. 41

Fiche 5 • Le projet personnalisé

En somme, les réajustements pratiques doivent être fondés à partir de réévaluations de situations, décidés et activés au sein des processus de travail institués. Ce point est très important. Il ne faut pas que les projets se réalisent de façon aléatoire, en fonction des envies ou des contraintes spécifiques de tel ou tel acteur. Il ne faut pas non plus que les évènements décident en lieu et place des protagonistes engagés. Il est évidemment possible que des faits ou des éléments nouveaux surgissent et fassent que les actions prévues doivent être modifiées ou ajournées, mais cela doit rester exceptionnel. Les vraies urgences sont rares et si des modifications au projet sont apportées trop souvent ou de manière spontanée, il finira par se créer un espace, non pas incertain mais aléatoire, ce qui n’est pas du tout la même chose.

4. QUELQUES ASPECTS IMPORTANTS Trois points sont à étudier maintenant afin de compléter notre réflexion sur le projet personnalisé et sa mise en œuvre : l’association des usagers, le rôle du référent et les références de pratiques des établissements. a L’association des usagers Les personnes concernées doivent être associées à ce qui les concerne et, en tout premier lieu, impliquées dans les différentes étapes du projet personnalisé. Ce qui veut dire que, chaque fois que ce sera possible, des concertations devront avoir lieu1 . La philosophie de référence est évidemment celle du sujet-acteur de sa propre vie. Cependant, cette concertation peut se trouver être difficile à mettre en place, il convient donc de clarifier certains points. Les professionnels doivent répondre aux besoins et aux attentes des personnes et, parfois, les attentes peuvent s’opposer aux besoins. Il leur revient alors de procéder aux arbitrages utiles. L’association des usagers doit leur être bénéfique. Elle a pour but de les aider à prendre ou reprendre en main leur présent et leur avenir, elle ne doit pas leur poser de problème insurmontable ou inutile selon leur situation. Autant dire que l’association doit être pensée et adaptée en fonction des personnes. Il ne saurait y avoir de modèle-type valable pour tout le monde. Les professionnels sont responsables de ce qu’ils mettent en place et, se référant clairement à un principe de base de citoyenneté, il leur appartient de procéder de façon adaptée et respectueuse des problématiques spécifiques que rencontrent les usagers auprès de qui ils interviennent. Il est conseillé aux équipes professionnelles de réaliser des référentiels de pratiques à propos de cette dimension importante des actions. La recommandation de l’ANESM consacrée à l’expression et à la participation des usagers est également une source très intéressante d’idées et de perspectives pour l’action. Elle nous

1. Nous y reviendrons page 143.

42

Fiche 5 • Le projet personnalisé

rappelle aussi que le droit des usagers va jusqu’à ne pas vouloir participer aux dispositifs que les professionnels auront prévus pour eux. Les projets personnalisés devront, dans leur forme de document écrit préciser les conditions de l’association qui auront pu être réalisées ainsi que les difficultés ou obstacles éventuels. Cela fait partie de la réalité du projet. b Le rôle du référent Il ne saurait y avoir un seul modèle de « référent ». Les établissements et services ont à le définir à leur façon et à trouver une cohérence pour sa mise en œuvre. D’ailleurs, nous présentons un peu plus loin deux exemples de référentiels de pratiques réalisés dans deux établissements différents, qui montrent bien les adaptations nécessaires du concept de « référent » selon l’institution et le public reçu. Néanmoins, quelques propos introductifs sont indispensables. Aux débuts de l’éducation spécialisée, le terme de « référent » n’est jamais utilisé. Il apparaît dans les années 70, lorsque, dans un contexte marqué par la critique de l’institution, il convient de personnaliser les actions. Alors que l’établissement avait été porteur des valeurs de socialisation et d’éducation dans les 50 et 60, les cadres institutionnels vont se trouver par la suite sérieusement attaqués. Michel Foucault, l’anti-psychiatrie, Gilles Deleuze et Félix Guattari, entre autres, vont se faire les tenants de cette critique institutionnelle.

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Dans les établissements sociaux et médico-sociaux, l’effet de cette critique va se manifester sous la forme du souci de mieux considérer la personne en tant que personne singulière bien qu’elle soit placée dans une institution. Et le référent, désigné pour accompagner plus précisément un usager spécifique, va être investi de ce rôle lié à la personnalisation. Le référent est le référent de la personne. Avec le temps, ce modèle de pratique a montré ses limites. Tout d’abord, une contradiction dans les temps de présence est apparue : le référent est un salarié, il ne travaille pas tous les jours et donc sa présence est irrégulière auprès de la personne qui lui est confiée. Or, les besoins des usagers n’ont pas de limites temporelles et se manifestent à tout moment. Nous avons souvent été témoin de professionnels qui se plaignaient que certains d’entre eux renvoyaient les usagers à leurs référents sans se préoccuper de répondre à la demande : « Tu verras ça avec ton référent ! ». D’un autre côté, il a été possible de constater que certaines personnes en difficulté refusaient que quelqu’un d’autre que leur référent s’occupe d’elles : « Je verrai ça avec mon référent, ça ne te regarde pas ! ». Bref, le rôle de référent de la personne a fini par introduire des biais relationnels parfaitement contradictoires avec une conception professionnelle des interventions selon laquelle les différentes actions doivent être définies et mises en œuvre à partir du projet personnalisé. C’est bien sur la base de ce diagnostic-critique que le concept de référent a muté. De « référent de la personne » nous sommes passés à « référent du 43

Fiche 5 • Le projet personnalisé

projet personnalisé ». Ce n’est pas du tout la même chose et les équipes qui ont pensé et voulu ce changement se sont trouvées par la suite devant de délicates questions. Car, en effet, sous des apparences anodines que les mots ne révèlent pas immédiatement, se présente un véritable changement de paradigme (conception dominante). L’action éducative spécialisée ne s’ordonne plus à partir des personnes mais bien selon les projets-visées et les projets-programmes réfléchis et mis en œuvre en regard d’une problématisation de situation qui prend en compte les attentes, les besoins, le projet de vie et le contexte dans lequel les personnes se trouvent placées. Le rôle du référent, dans cette conception nouvelle, est donc d’être le garant de la mise en œuvre des actions prévues dans le projet personnalisé. Il le connaît excellemment bien, évidemment, et son travail va consister d’abord à veiller à la bonne exécution de ce qui a été prévu. Le référent sera également celui qui expliquera les actions auprès des personnes et entendra les éléments constituant le projet de vie. Nous présentons ci-dessous deux exemples de référentiels de pratiques réalisés, le premier, par une équipe pluridisciplinaire d’EEAP (Germaine Poinso-Chapuis à Belcodène 13) et l’autre, par une équipe de CHRS-Centre maternel (Maria Stella, Bastia, 20). Ainsi que nous en avons l’habitude en évaluation interne et en référence aux recommandations de l’ANESM qui prônent le mode participatif pour la construction des références de pratiques, les documents présentés sont des outils « sur-mesure » adaptés à cette équipe-là, dans ce type d’établissement et à ce moment-là. Ils doivent donc être considérés comme des illustrations et non pas des modèles à importer, ce qui provoquerait un plaquage parfaitement inopportun et décalé. c Deux exemples de référentiels de pratiques Un référentiel est un document qui, sur une page, présente une définition du thème et une série de références de pratiques. Avec l’aide du consultantformateur, les professionnels produisent les énoncés. Il est extrêmement important que les professionnels se reconnaissent dans les écrits afin que ceux-ci soient appropriés pour les pratiques et permettent l’évaluation sur la base du rapprochement entre les références choisies et les situations concrètes. Chacun des textes ci-après est donc à appréhender comme celui d’une équipe spécifique.

Dans un EEAP Le référent Définition : Le référent a plusieurs fonctions : il veille à la cohérence du projet personnalisé de l’enfant, car il est référent du projet et non de la personne. Il est le porte-parole pour l’enfant. À ce titre, il porte particulièrement intérêt à l’enfant en tenant compte de son environnement familial et social, mais ne constitue pas son unique interlocuteur. Le référent se réfère à l’histoire de l’enfant et aux personnes ressources le concernant. Il a le rôle de rappeler ce qui a été fait, de rendre compte de la complexité des situations et sa responsabilité est engagée dans une dynamique de réflexion et de questionnement.

44

Fiche 5 • Le projet personnalisé

1. Le référent transmet les informations aux familles au travers d’une communication adaptée. 2. Le référent développe des échanges avec les familles à propos du projet personnalisé de l’enfant. 3. Le référent accueille et aide les familles à s’orienter dans l’institution et vers les différents intervenants. 4. Le référent est amené à accomplir des actions spécifiques lorsque les parents ne peuvent pas ou sont empêchés de les réaliser. 5. Le référent veille à ce que la parole et les désirs de l’enfant soient entendus, pris en compte et rapportés aux situations concrètes et au projet personnalisé de l’enfant. 6. Le référent met en lien les informations concernant la situation de l’enfant avec les situations quotidiennes. 7. Le référent initie ou relance les réflexions des divers intervenants lorsque les actes du quotidien et les activités autour de l’enfant ne sont plus en cohérence avec le projet personnalisé, dans le cadre des procédures de travail de l’établissement. 8. Le référent regroupe les informations et les observations de l’équipe éducative pour préparer la réunion de synthèse. Il souligne les besoins actuels de l’enfant, repère les changements et les évolutions le concernant. Enfin, il met en forme les propositions. 9. Dans un délai proche, suivant la réunion de synthèse, le référent formalise le projet de l’enfant avec le chef de service et le psychologue chaque fois que possible.

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Dans un CHRS-Centre maternel Le rôle du référent Proposition de définition Le rôle du référent est institué. Il vise à garantir l’instauration d’une dynamique relationnelle porteuse de sens et de cohérence entre la résidente, les équipes du centre et les partenaires extérieurs. Le référent a un rôle d’écoute, d’observation et de guidance : en lien avec l’équipe pluridisciplinaire, il aide la résidente à élaborer et mettre en œuvre son projet personnalisé. Son rôle le conduit à assumer une fonction de médiateur et de régulateur : il transmet régulièrement, à la réunion de coordination, les éléments liés à l’avancée du projet en termes d’action et d’accompagnement et il ordonne l’ensemble des échanges créés entre la résidente, les équipes du centre et les partenaires extérieurs. Son rôle le place à l’interface de l’institution (loi symbolique), de la personne accueillie (singularité), de son projet personnalisé et de l’environnement extérieur. En ce sens, il est un repère structurant à qui l’on se réfère et qui se réfère. 1. Le référent est désigné par la directrice dès que l’admission est prononcée par la commission d’admission. 2. Le référent crée avec la résidente une relation de confiance afin de comprendre sa problématique et de recueillir ses besoins et attentes. Il favorise et soutient son adaptation à la vie quotidienne au centre. 3. Il s’informe de l’ensemble des analyses et observations réalisées par l’ensemble des équipes du centre concernant la résidente. 4. Il soumet par écrit et oralement, à la réunion de coordination hebdomadaire, sa compréhension de la problématique globale de la résidente, de ses besoins et attentes,

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Fiche 5 • Le projet personnalisé

de ses capacités psychosociales et coordonne les propositions d’intervention et d’accompagnement qui sont proposées par l’équipe pluridisciplinaire. 5. Le référent, en lien avec l’assistante sociale, transmet les propositions de l’équipe à la résidente afin de l’aider à construire son projet personnalisé, tout en tenant compte des ajustements auxquels elle souhaite procéder. 6. Le référent présente ensuite le projet à la directrice pour validation et le signe avec la résidente. 7. Le référent guide et accompagne la résidente dans la mise en œuvre concrète de son projet, il s’informe des actions menées par les membres de l’équipe et informe ces derniers de ses propres interventions et analyses. 8. Le référent tient à jour le cahier des références retraçant les éléments liés à l’accompagnement, ce cahier est à la disposition de l’équipe qui peut également y noter des éléments. 9. Les pratiques liées à l’accompagnement sont régulièrement interrogées en réunion d’équipe lors des évaluations consacrées au projet. 10. Le référent est le correspondant privilégié des partenaires extérieurs intervenant dans la prise en charge d’une résidente.

d Les références de pratiques de l’établissement ou service Enfin le dernier point à travailler avant de présenter un schéma global récapitulatif de la démarche du projet personnalisé concerne les rapports de ce dernier avec les références de pratiques définies dans le projet d’établissement et dans les référentiels produits par l’évaluation interne. Il doit y avoir une grande cohérence entre les deux. Il serait incompréhensible que les orientations et modalités des projets personnalisés sortent des références du projet d’établissement ou de service comme il serait inconséquent que le projet d’établissement ne s’alimente pas des projets personnalisés réalisés pour les personnes qu’il reçoit. Dès lors, comment procéder ? Trois aspects sont à développer : la connaissance des références de l’établissement ou service, le référencement explicite contenu dans les projets personnalisés et la réalimentation du projet d’établissement par les projets personnalisés. • Connaitre les référentiels et les références Les professionnels doivent avoir une connaissance parfaite du projet institutionnel de la structure pour laquelle ils travaillent. Ce n’est généralement pas le cas actuellement. Or, si les professionnels ne se sont pas approprié ce projet et son contenu, il n’y a, de fait, aucune possibilité pour que des articulations de sens s’établissent. Pour que la connaissance des références de pratiques de la structure soit mieux assurée, le meilleur moyen est certainement que les professionnels contribuent à leur élaboration sur un mode participatif. L’expérience de la formation méthodologique des équipes à l’évaluation interne en atteste. Lorsque les professionnels sont impliqués dans la construction des références de bonnes pratiques, ils se les approprient, y tiennent, et même les défendent en argumentant le sens des formulations utilisées. Cette nécessité de connaitre le contenu du 46

Fiche 5 • Le projet personnalisé

projet est également une condition indispensable également pour qu’une culture commune se forme et constitue ensuite pour les pratiques, un socle de références partagées. Si cette première condition n’est pas remplie, la cohérence d’ensemble, non pas du projet mais de sa mise en œuvre sera compromise. • Les références explicites Sur un plan méthodologique, il convient que, pour chaque projet personnalisé, il soit clairement indiqué quelles références de pratiques seront particulièrement activées. Ce travail d’explicitation a pour but de contribuer à la cohérence de l’ensemble des prestations techniques fournies par l’établissement ou service. Et cela dans un double sens. D’un côté, les projets personnalisés se voient enrichis des références de pratiques, ce qui permet d’élargir la palette des possibilités et, d’autre part, les références abstraites jusque-là, se voient devenues utiles par la concrétisation de leur pertinence en regard du projet personnalisé. • La réalimentation du projet d’établissement Enfin, les projets personnalisés et surtout leur pratique et les réévaluations qui s’ensuivent vont alimenter en retour le projet d’établissement ou de service. Depuis la loi du 2 janvier 2002, l’obligation est de procéder à la réactualisation de son projet tous les cinq ans. Cette fréquence, relativement soutenue, est liée à l’évolution possible des publics reçus et à celle des problématiques traitées en fonction de la transformation des contextes d’environnement des personnes. Cette nouvelle obligation, jointe à celle de l’évaluation de la qualité des prestations et des activités impose une vigilance accrue concernant les processus pratiques. Le suivi des projets personnalisés est une source très utile pour tenir à jour les informations et les analyses qui réalimenteront le projet d’établissement pour autant, bien sûr, que des traces écrites puissent être conservées.

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

En fait, la qualité des projets personnalisés repose sur cinq conditions essentielles : • • • • •

Qualité du recueil des données Qualité de la problématisation Pertinence des finalités, des objectifs et des moyens Qualité de cohérence des actions menées Qualité du suivi et de la réévaluation

Si ces cinq conditions sont remplies, c’est la qualité de l’ensemble du processus de travail qui se trouvera établie. Les différents référentiels de pratiques qui auront été réalisés dans l’établissement ou service se trouvent activés et, de fait, validés dans leur utilité par la cohérence du travail collectif de l’ensemble des contributeurs pluridisciplinaires.

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Fiche 5 • Le projet personnalisé Dimension psychologique

Dimension médicale

Dimension sociale

Dimension familiale

Dimension éducative

Les dimensions proposées ci-dessus ne sont là qu’à titre indicatif, d’autres peuvent être ajoutées si besoin

Projet de vie de la personne Problématisation de la situation de la personne Projet personnalisé Finalité 1 Obj. 1

Obj. 2

Finalité 2 Obj. 3

Obj. 1

Obj. 2

inalité 3 Obj. 3

Obj. 1

Obj. 2

Obj. 3

Programme/Étapes/Échéances/Moyens du projet Réalisation des actions prévues par le projet Évaluation Suivi/Réévaluation/Réajustements Références des référentiels de « bonnes pratiques » Évaluation globale/Synthèse/Retour sur la problématique

Figure 5.1. Schéma récapitulatif du modèle de présentation du projet personnalisé

5. UN EXEMPLE DE PROJET PERSONNALISÉ Le projet que nous présentons ci-dessous a été réalisé dans un foyer de vie recevant des personnes adultes handicapées1. Il respecte les différentes étapes de la méthode que nous avons présentée. Une colonne à droite du document contient les commentaires qu’il nous a paru utile de rajouter pour faciliter la compréhension de la démarche.

1. Je remercie Meriem H AJJAR , formatrice consultante en travail social, qui a assuré la conduite du cycle de formation des professionnels à la méthodologie du projet personnalisé.

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Fiche 5 • Le projet personnalisé

a Le projet personnalisé de Mélissa

Page de couverture Établissement

Éducateur référent

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

PROJET PERSONNALISÉ DE Mélissa .......... Née le 22.07.1974

Date de réalisation :

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Contenu du projet

50 • histoire personnelle,

Un peu geignarde et craintive. Peut s’inventer des maux. Sait verbaliser ses demandes. Elle sait affirmer ses choix. Par contre elle a des difficultés à exprimer son mal être. Mélissa est capable de se mettre dans tous ses états si on la contrarie comme elle est capable de faire des concessions. Elle peut être agressive. Assez immature (cf. relations aux autres), comprend les consignes et sait les appliquer. Mélissa a du mal à gérer ses émotions : débordements.

Sociable avec le personnel mais aussi avec ses camarades. Sociable à l’intérieur et à l’extérieur de la résidence. Elle n’a pas de difficultés à rentrer en relation avec les autres (même si elle est immature). À l’extérieur, elle cherche le contact. Elle apprécie aussi bien les sorties individuelles que celles du groupe et partir en séjour.

Mélissa est quelqu’un de gai et dynamique. Elle est agréable. Elle aime plaisanter mais peut être susceptible. Elle fait partie du conseil de la vie sociale.

Dimension sociale :

• santé,

Sait se repérer dans le temps et dans l’espace

Chaque dimension traitée doit mettre en évidence des aspects essentiels, le critère pour les identifier est leur caractère essentiel à la compréhension globale de la personne et de la problématique de la personne « en situation ».

Mais le plus important est que l’auteur du travail de recueil soit en capacité d’argumenter ses choix et ses énonciations.

• le domaine socio-éducatif.

• les aspects psychologiques,

Le choix des dimensions est à effectuer à chaque fois que l’on réalise un projet personnalisé. Il est clair que certaines dimensions sont incontournables :

Le recueil des données qui est présenté comporte six « dimensions ». Chacune d’entre elles constitue un angle spécifique de regard sur la situation de Mélissa.

Commentaires

Sait lire, écrire et compter : il faut la stimuler et l’encourager à pratiquer pour ne pas régresser.

Dimension psychologique :

Tendance à l’embonpoint : suit un régime.

Astigmate hypermétrope : port de lunettes.

Épilepsie stabilisée.

Déformation orthopédique aux membres inférieurs. Hanche droite luxée, hanche gauche en mauvais état. De nombreuses séquelles chirurgicales. Déficience intellectuelle.

Mélissa souffre d’infirmité motrice d’origine cérébrale. Elle est atteinte d’une tétraparésie prédominante aux membres inférieurs avec hydrocéphalie et dérivation.

Dimension médicale :

Tableau 5.6. Le recueil des informations

Fiche 5 • Le projet personnalisé

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Mélissa souhaite continuer les activités qu’elle pratique déjà au même rythme. Elle voudrait reprendre la piscine et faire un essai en handibike. Arrêt de l’abonnement à son quotidien. Maintien de la médiathèque une fois par mois avec une association partenaire. Voudrait intégrer un atelier cognitif ou scolaire.

Projet de vie :

Arrêt du théâtre.

- Autres : Conseil de la vie sociale, théâtre, danse.

- Ateliers : informatique, tissage, audio, décoration.

- Sportives : équitation 1 vendredi sur 2 et en fonction des remplaçants.

Ses problèmes d’énurésie et d’encoprésie sont quasi inexistants (qui sont liés à la dimension psychologique). Ateliers / Activités :

Mélissa est relativement autonome sauf pour sa toilette intime, le dos et l’essuyage. Cependant elle fait des efforts louables et quotidiens pour garder son niveau d’autonomie (qui a conditionné son entrée au foyer). Se déplace sans problème en fauteuil électrique et se sert du cadre de marche pour les transferts (douche, WC...).

Dimension de la vie quotidienne :

Sonia et Martine sont celles qui s’occupent le plus de Mélissa et chez qui elle sort en général et nos principales interlocutrices. Mélissa est sous tutelle extérieure à la famille. Tutrice qui sert également d’intermédiaire entre le foyer et la famille.

Fratrie de six, Mélissa est l’avant-dernière.

Mère décédée en 2002

Jeune femme d’origine portugaise. Père absent, décédé en 1997.

Dimension familiale :

Rappel : un recueil de données est toujours incomplet et donc discutable. Le débat généré est partie intégrante du processus de travail.

Ces deux éléments soulèvent des contradictions potentielles : d’une part, il faudra protéger compte-tenu des handicaps pour pouvoir « vivre » et d’autre part il faudra exposer, prendre quelque risque pour que la personne « existe ». D’où, à notre avis , la pertinence de l’utilisation du terme « problématique » pour signifier une compréhension plurielle, ouverte et complexe et non pas rabattue sur des certitudes diagnostiques qui ne pourraient être que limitatives.

• les capacités et compétences de Mélissa.

Deux points majeurs se dégagent de ce recueil de données : • l’importance des handicaps,

N’a pas de relation privilégiée.

Aime passer du temps dans sa chambre ou seule pour vaquer à ses occupations (ordinateur, télé, portable...).

Tableau 5.6. (suite)

Fiche 5 • Le projet personnalisé

52

Rappel : une problématique est une hypothèse de compréhension qui doit être discutée.

Ce court texte reprend les deux aspects principaux mis en évidence par le recueil des données. Il permet de repérer les dominantes dont les relations constituent la problématique. Les finalités, les objectifs et les pratiques qui vont se définir et se développer devront toujours être compréhensibles, logiques et cohérentes en regard de la problématique.

Commentaire :

Rappel : Il doit être possible de comprendre le sens des finalités par rapport à la problématique. C’est ici le cas.

L’autonomie, l’envie d’apprendre et l’expression sont bien des finalités, c’est-à-dire des perspectives sans limites précises. Elles permettent de définir des lignes d’horizon qui indiquent les directions à prendre.

ses compétences et son envie d’apprendre. • Favoriser l’expression de ses émotions.

Commentaire :

• Développer et maintenir les acquis dans la vie quotidienne (autonomie).

• Favoriser les situations et activités individuelles ou collectives qui mettent en avant

Tableau 5.8. Les finalités du projet

Penser un accompagnement qui permette à Mélissa de s’épanouir en tant que jeune femme adulte. Un accompagnement où elle puisse exploiter ses « compétences intellectuelles » qui ont tendance à être effacées par la lourdeur de son handicap physique car même si Mélissa fait beaucoup d’efforts pour être autonome, elle est de plus en plus dépendante et fatigable.

Tableau 5.7. Définir la problématique

Fiche 5 • Le projet personnalisé

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Favoriser l’expression de ses émotions.

Favoriser les situations et activités individuelles ou collectives qui mettent en avant ses compétences et son envie d’apprendre.

Développer et maintenir les acquis dans les actes de la vie quotidienne (autonomie).

Finalités du projet personnalisé

Qu’elle acquiert plus de confiance.

Qu’elle verbalise et extériorise ses angoisses ou difficultés (autrement que par des crises ou des maux).

Qu’elle persiste dans les progrès réalisés dans son cheminement de jeune femme adulte et « mature ».

Qu’elle maintienne ses acquis cognitifs.

Qu’elle s’épanouisse à travers l’apprentissage (éveil et bien être).

Revalorisation /réalisation (estime de soi).

Qu’elle se réalise personnellement.

Qu’elle s’ouvre vers l’extérieur, socialisation, intégration .

Que Mélissa soit plus responsable de ses affaires et de sa chambre.

Que Mélissa continue à prendre soin de son hygiène et de son image.

Que Mélissa continue à réaliser le maximum de choses par elle-même et de sa propre initiative.

Maintien et développement des activités motrices et sportives à caractère rééducatif.

Objectifs référés aux finalités

Commentaires

Rappel : un objectif est un moyen au service de la finalité qui lui donne son sens.

De ce point de vue, certains des objectifs présentés dans ce projet auraient pu être plus précis.

Ils s’énoncent de manière la plus concrète possible. Lorsqu’un objectif est écrit, il doit être possible de comprendre immédiatement ce qu’il va impliquer de façon concrète.

Les objectifs choisis se présentent comme des passages pour aller dans le sens des finalités.

Tableau 5.9. Les objectifs du projet référés aux finalités

Fiche 5 • Le projet personnalisé

Développer et maintenir les acquis dans les actes de la vie quotidienne.

Finalités du projet personnalisé

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Que Mélissa soit plus responsable de ses affaires et de sa chambre.

Que Mélissa continue à prendre soin de son hygiène et de son image.

Que Mélissa continue à réaliser le maximum de choses par elle-même et de sa propre initiative.

Qu’elle maintienne et développe les activités motrices et sportives à caractère rééducatif.

Objectifs référés aux finalités

investir sa chambre : ne pas hésiter à lui faire noter quand c’est en désordre, responsabiliser Mélissa dans la gestion de ses affaires et de sa chambre.

• La motiver à mieux

de soi, la coquetterie, la féminité

• Travail autour de l’image

(stimulation), faire avec elle, amorcer le début de l’action.

• L’encourager, la soutenir

• Reprise piscine

• Essai, Handbike

et danse

• Maintien activité : cheval

Actions prévues

À chaque fois que c’est nécessaire.

Tous les jours et à travers les différents actes de la vie quotidienne.

En fonction de planning établi.

(séquences, moyens et organisation dans le temps)

Programme

De manière formelle ou informelle

À travers les grilles d’évaluation : observations comptes rendus divers

Bilans faits par les animateurs. Les différents intervenants et partenaires

Critères d’évaluation

Tableau 5.10. Récapitulatif et programme du projet personnalisé

Piscine : pas de créneau disponible

Essai handibike : problème de manipulation, pas de levex

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut plus aider Mélissa ni même la soulager parfois.

Observations

Fiche 5 • Le projet personnalisé

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Favoriser la gestion et l’expression de ses émotions.

Favoriser les situations et activités individuelles ou collectives qui mettent en avant ses compétences et son envie d’apprendre.

Qu’elle arrive à prendre du recul dans ses relations avec la famille notamment en cas de désaccord.

Qu’elle acquiert plus de confiance.

Qu’elle verbalise et extériorise ses angoisses ou difficultés.

Qu’elle persiste dans les progrès réalisés dans son cheminement de jeune femme adulte et « mature ».

Qu’elle maintienne ses acquis cognitifs.

Qu’elle s’épanouisse à travers l’apprentissage (éveil et bien être).

Revalorisation /réalisation (estime de soi).

Socialisation, intégration, (citoyenneté). Qu’elle se réalise personnellement.

Qu’elle s’ouvre sur l’extérieur

Faire intervenir la tutrice en tant que tiers en cas de besoin.

L’orienter vers le psychiatre quand elle ne va pas bien.

Ne pas hésiter à lui dire quand elle a des réactions ou de paroles inappropriées avec diplomatie.

Sollicitation.

Temps de parole (discussion).

Écoute.

• Médiathèque.

activités qui font appel à la lecture, l’écriture.

• Favoriser les ateliers et

• Conseil de la vie sociale.

• Ateliers.

foires, les Jardiliens.

• Diverses sorties, séjours,

Dès que nécessaire.

À sa demande.

Une fois par mois (le mardi de 13h30 à 15h30).

Week-end, vacances. En fonction du planning et dès que possible.

Tableau 5.10. (suite)

Observations famille animateurs à l’intérieur et à l’extérieur de la résidence.

De manière formelle ou informelle.

À travers les grilles d’évaluation : observations comptes rendus divers.

Les différents intervenants et partenaires.

Bilans faits par les animateurs.

Être vigilant aux « dires » de Mélissa.

Mélissa a parfois du mal à maîtriser ses émotions, les débordements : l’accompagner dans l’amélioration de ses réactions.

Fiche 5 • Le projet personnalisé

Fiche 5 • Le projet personnalisé

b Commentaire du récapitulatif et du programme C’est véritablement avec la réalisation de ce tableau que l’on passe du « projet-visée » au « projet-programme » ou, dit autrement, de la théorie du projet à sa pratique. En effet, tant qu’il s’agit de recueillir des données, de les problématiser et d’en définir finalités et objectifs, nous nous trouvons dans la phase conceptuelle de la méthodologie du projet éducatif spécialisé. Le tableau proposé est un outil, il est au service de la démarche de projet afin que celle-ci ne devienne pas un énoncé de bonnes intentions. Ceci étant posé, il rend indispensable de préciser : • les actions prévues en regard des objectifs (tel objectif est à atteindre, mais comment ?) ; • l’organisation des actions en termes de temporalités, de rythmes et de moyens ; • les critères à partir desquels l’évaluation du projet, de l’objectif et des moyens sera possible. La colonne « observations » permet de conserver ouvertes les interrogations et de garder en mémoire certains aspects pour pouvoir les reprendre ensuite. Au fond, il est important de rappeler et souligner qu’un projet vaut à partir de deux critères principaux : • Il doit être juste dans sa problématisation. • Il doit être crédible dans sa réalisation. Et nous pouvons dire que c’est par sa réalisation et par l’observation des effets produits que la phase conceptuelle du projet se trouve validée ou remise en question. Une éventuelle remise en question de la problématique, des finalités et des objectifs par la mise en œuvre des actions du projet ne doit absolument pas être considérée comme un échec. Tout dépend de ce que l’on en fait. Nous avons eu la prudence de dire et de rappeler que la recherche de compréhension en matière de relations humaines et de processus interactifs ne constitue pas une science exacte et c’est pour cela que nous avons mis en avant un concept nouveau, celui de problématisation. Le tableau présenté ci-dessus et tout ce qu’il contient est donc à comprendre et à utiliser comme un moyen, un support concret pour faciliter la mise en œuvre des orientations choisies. Mais, ceci étant posé, le vivant continue de se développer alors que le projet, lui, est écrit. Il est donc tout à fait normal que des écarts se manifestent, ils sont à prendre en compte au sein du processus de travail global. Et ce sont bien les étapes suivantes de la méthodologie de projet qui vont venir conforter et étayer ce processus. Le projet, une fois écrit et validé, va se mettre en œuvre par le moyen des pratiques. Du temps va passer, des actions et interactions vont avoir lieu, il faut donc en suivre le déroulement.

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Dans ce texte, continue de reposer sur le seul référent des soucis qu’il serait préférable de faire porter par tous les professionnels. Il est clair que « la vigilance face aux problèmes d’énurésie/encoprésie » doit être assurée continuellement et que ce n’est pas le référent qui, de toutes manières, pourra tenir cette continuité.

La lecture du texte ci-contre montre que l’équipe professionnelle n’a pas encore réussi le « décollage » du rôle du référent de « référent de la personne » vers « référent du projet personnalisé ».

Ces documents serviront à alimenter le contenu des réunions de suivi des projets personnalisés. Portés à la connaissance des participants ou disponibles avant les réunions, ils permettent à chaque professionnel de prendre une part active aux débats puisqu’ils connaissent la teneur des observations réalisées.

Les supports écrits doivent être définis, leur rôle et utilité doivent être compris et les conditions de leur utilisation doivent être connues.

La périodicité annuelle est la meilleure compte-tenu des moyens de l’établissement.

Réactualisé en JUIN 2010, toute réunion utile pourra être organisée en intermédiaire si le besoin s’en fait sentir.

Il est très pertinent de prévoir des dispositifs intermédiaires selon les besoins.

Commentaire :

Projet réalisé en JUIN 2009

Tableau 5.12. Réactualisation du projet

Enfin « recadrer » Mélissa qui a de plus en plus tendance à exprimer son mal être par des crises d’hystérie.

Être attentif à ses maux car il lui arrive de somatiser.

Le référent de Mélissa doit être vigilant face à ses problèmes d’énurésie / encoprésie et donc d’hygiène en faisant attention à ne pas la brusquer. Même si la situation s’est nettement améliorée.

Rôle du référent

Réunions référents, de groupe et de bilan du projet personnalisé.

Réunions prévues :

D’où l’importance cruciale des documents écrits qui conservent la trace de ce qui est fait et des observations sur les effets produits. Sans la présence de ces documents, il n’y aurait aucune possibilité de prendre du recul. Or, ce recul est tout à fait indispensable pour remettre en perspective les éléments observés avec les finalités et objectifs du projet.

Les actions prévues vont se dérouler dans leur propre immédiateté. Nous savons d’expérience que les situations de travail vont se vivre au travers d’affects qui seront souvent considérés comme l’objet du travail alors qu’ils n’en sont que l’accompagnement.

Supports écrits :

Bilans, projets personnalisés, comptes rendus de réunion. Observations écrites sur cahier de liaison et classeur personnel, grilles d’évaluation.

Commentaires :

Le suivi

Tableau 5.11. Modalités du suivi et rôle du référent

Fiche 5 • Le projet personnalisé

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Le projet par objectifs spécifiques

Le projet par objectifs spécifiques obéit à une autre logique que celle du projet personnalisé. Commençons par une définition : Le projet par objectifs est, plus que les autres types de projet, limité dans le temps et circonscrit à une question ou une problématique précise. De plus, il se propose d’atteindre un ou plusieurs but(s) précis défini(s) préalablement aux actions entreprises. Les trois données : temps limité, objet précis et buts définis, s’articulent généralement avec des financements eux-mêmes liés à la durée de l’action voire même à l’atteinte des objectifs.

Le projet par objectifs introduit une rupture culturelle au sein de l’éducation spécialisée et la raison en est simple ; l’éducation, dans nos habitudes et conceptions, est un processus continu dont on voit bien le début, la naissance, mais jamais vraiment la fin. Peut-on dire un jour : « Mon éducation est terminée ? ». Oui, si l’on considère l’éducation comme relevant uniquement des temps de l’enfance et de l’adolescence, non si l’on pense que l’on peut toujours continuer à apprendre des autres et des situations de la vie. Cette temporalité-durée de l’éducation, couplée au fait que ses effets peuvent se faire sentir des années après que des actes éducatifs aient été posés, vient en contradiction avec la définition d’objectifs limités dans le temps chronologique et assortis, de plus, d’obligation de résultats. En fait, tout dépend des objectifs. S’ils sont pensés et réfléchis en regard de problématisations et de finalités, ils peuvent être définis précisément et prendre sens. Si, par contre, il n’y a pas de finalités, nous serions alors dans une seule logique opérationnelle et l’action, rendue aveugle par l’absence de perspectives, ne pourrait prétendre être inscrite dans un projet. Rappelonsnous le projet personnalisé de Mélissa. L’objectif fixé : « investir sa chambre par la décoration » ou celui : « améliorer l’estime de soi par la participation à l’atelier maquillage » peuvent être énoncés ainsi, comme des propositions de résultats car nous disposons de la problématique globale de la personne et parce que l’équipe a pu faire une étude de faisabilité des actions prévues. Supposons que ce ne soit pas le cas, que ces pré-requis ne soient pas réunis. Nous serions alors dans des injonctions « Il faut décorer la chambre » ou bien « Il faut participer à tel ou tel atelier ». La normativité serait de mise, pas l’éducation. Gardons-nous alors de l’idéologie, considérons les situations qui se présentent de façon pragmatique et prenons position sur le projet par objectifs après son étude de faisabilité.

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

1. QU’EST-CE QU’UN PROJET PAR OBJECTIFS ? Un projet par objectifs est toujours déterminé par un élément premier qui le fonde et lui permet d’exister : la commande. Il y a quelqu’un, ou un groupe de personne ou encore une autre institution qui assignent à l’établissement ou service et à ses professionnels un ou plusieurs objectifs de caractère plus ou moins contraignant. Les implications et conséquences n’en sont pas les mêmes et l’évaluation préalable ou le diagnostic de situation va s’avérer déterminant. Nous allons traiter de cet aspect maintenant, puis de la formulation de la commande et enfin de l’étude de faisabilité. a Le diagnostic ou évaluation préalable Un projet par objectif doit impérativement être précédé d’un diagnostic ou d’une évaluation de situation qui fournit les arguments du projet. Ici encore, il est possible de considérer qu’il s’agit d’une évidence. Ceux qui pensent ainsi se trompent. Beaucoup de projets se définissant « par objectifs » ne sont pas en mesure de les fonder en regard de cette évaluation première. Il y a là pour les étudiants et les éducateurs en poste un premier critère de validité pour estimer la qualité d’un projet par objectif ; les promoteurs du projet doivent pouvoir fournir une réponse construite à la question suivante : « Pourquoi un tel projet et de tels objectifs ? » ou encore à celle-ci : « Pourquoi cet objectif-là plutôt que tel autre ? ». Souvent, au travers de notre expérience concrète, nous avons constaté que les projets par objectifs prenaient leurs origines dans des opportunités liées à des facteurs aussi différents que : • • • •

les compétences de tel ou tel éducateur, la configuration des locaux, une donnée venant de l’environnement, l’insistance d’une équipe.

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

D’autres motivations pourraient encore être citées, elles ne fournissent pas, à notre sens, d’assise solide et suffisante pour un véritable projet par objectif. Les objectifs en question doivent apparaître comme des prolongements logiques des analyses et observations préalables ayant mis à jour des attentes et des besoins spécifiques justifiant que l’on établisse une priorité d’investissement et d’action. Car enfin, il faut bien comprendre que toutes les pratiques ne pouvant être mises en œuvre et tous les objectifs utiles ne pouvant être poursuivis, le projet par objectifs va établir des hiérarchies de priorités référées à la commande. Il est donc tout à fait essentiel de disposer d’arguments solides et soigneusement étudiés pour définir des orientations et des choix pertinents et fiables. Le projet personnalisé, dont nous avons longuement parlé, définit des objectifs fondés sur la problématisation de situation. Il en est de même ici, à la différence près qu’un projet par objectifs concerne un groupe de personnes et non pas une seule en particulier. 59

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Pour apprécier la qualité d’un diagnostic ou d’une évaluation préalable, il est possible de porter attention aux critères suivants : 1 2 3 4 5 6

Critères de qualité d’un diagnostic ou d’une évaluation préalable Existence d’un ou plusieurs documents écrits identifiant le ou les objectifs. Multiréférencement des arguments (sources plurielles de données). Repérage d’un processus formel de concertation à propos des objectifs. Identification d’une procédure de réalisation des choix d’objectifs. Existence d’une pré-évaluation des éléments de faisabilité. Écriture d’un document écrit formalisant la commande.

Ces différents critères, dont la liste n’est pas exhaustive, constituent une grille utile d’appréciation de la commande de projets par objectifs. Il est possible de dire que si les éléments de base — ceux qui fondent le projet — sont insuffisants c’est bien toute la logique de ce qui va s’ensuivre qui sera atteinte. Il ne peut y avoir de projets par objectifs valides qui ne soient correctement problématisés et argumentés. Il faut penser à l’évaluation du projet dès sa phase d’élaboration. En effet, les effets produits par les actions du projet, les observations réalisées ne pourront prendre sens que si la référence aux attendus est possible. Dans le cas contraire, il ne sera pas possible d’argumenter la qualité des pratiques et les débats ne seront qu’idéologiques. Tout au long de ce chapitre, nous allons, au fur et à mesure de l’avancée de notre réflexion, illustrer notre propos par un exemple type de projet par objectif. Il s’agit d’un projet concernant la prévention spécialisée. Ce dispositif d’action sociale est désormais placé sous la responsabilité du Conseil général, en charge de mettre en œuvre les orientations de politiques publiques en matière de prévention. Quelques précisions permettront de mieux situer le contexte de l’exemple choisi. L’article 2 de la loi du 2 janvier 2002, rappelons-le, s’efforce de caractériser les grands principes de l’action sociale et médico-sociale qui : « tend à promouvoir, dans un cadre interministériel, l’autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets. »

Cet article exprime les deux notions principales fondatrices de l’action sociale, la protection des plus vulnérables et la promotion de l’autonomie et de la citoyenneté, notion plus innovante. L’article 22 de la loi introduit également l’obligation de l’évaluation : « Les établissements et services procèdent à l’évaluation de la qualité de leurs activités et de leurs prestations au vu, notamment, de recommandations de bonnes pratiques. »

Des deux extraits qui précèdent, deux orientations se dégagent pour les services de prévention spécialisée :

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Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

• s’inscrire dans des logiques sociales de lutte contre les processus de marginalisation ; • apprendre à rendre compte de ses pratiques en référence aux finalités de l’action publique. L’article 82 de la loi du 2 janvier 2002 repositionne explicitement « les actions de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficultés ou en rupture avec leur milieu. »

Depuis la loi du 2 mars 1982, le Conseil général est devenu l’opérateur décentralisé de l’action sociale. C’est lui qui est chargé de mettre en œuvre les politiques publiques sur le plan départemental. Les lois du 7 janvier et du 22 juillet 1983 posent les principes des transferts de compétences et les organisent dans le domaine social. La loi particulière du 6 janvier 1986 adapte cette législation au domaine de l’action sociale. Le Conseil général est donc devenu l’interlocuteur premier de la prévention spécialisée, c’est lui qui, à partir des principes généraux des lois, définit les objectifs prioritaires par des plans pluriannuels. Cependant, l’article 40 du code de l’action sociale et des familles définit la mission du département en direction des populations en difficulté : il est chargé « d’organiser dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, des actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des familles ».

Les moyens que cette mission implique sont précisés dans l’article 45 :

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

« Dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des familles. »

Ces actions comprennent : • des actions tendant à permettre aux intéressés d’assurer leur propre prise en charge et leur inscription sociale ; • des actions dites de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu ; • des actions d’animation socio-éducatives. En ce qui concerne la commande, le Conseil général l’a identifiée en énonçant cinq objectifs :

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Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Objectifs définis par la commande publique

Commentaires

L’objet des interventions de l’équipe de prévention spécialisée se réfère au mandat qui lui est confié et se trouve précisé dans le contrat d’objectifs :

Les objectifs du projet d’intervention éducative spécialisée sont ici donnés à l’équipe de prévention sans aucune argumentation préalable qui serait fondée sur un diagnostic de situation. Ceci étant, il est clair 1- Effectuer un travail de maillage territorial que certains objectifs contiennent une réféavec l’équipe de prévention du secteur de [...] rence implicite à une évaluation de problépour analyser les flux entre les quartiers X matique qui n’est pas objectivée, elle reste implicite. et Y. 2- Accompagner l’entrée au collège des Cela crée des difficultés et l’équipe de préenfants dès le CM2. Prévenir la déscolarisa- vention a dû travailler sur trois dimensions : 1. Faire clarifier par le CG l’objectif 1 partition. 3- Favoriser la synergie globale de l’offre de culièrement confus. loisirs faite aux adolescents, en contribuant 2. Reformuler chaque objectif pour vérifier à la diffusion des informations et en amélio- auprès du commanditaire que c’est bien rant la mise en relation des jeunes avec les ainsi qu’il entendait la commande. structures organisatrices. 3. Concevoir une méthodologie de projet, 4- Poursuivre les projets éducatifs en direction de suivi et d’évaluation particulièrement des filles et adolescentes avec la PMI. Accom- serrée compte-tenu des formulations d’obpagner les jeunes et les mettre en relation jectifs incertaines avec les partenaires locaux et organismes ressources. Travailler sur l’insertion profes- L’objectif 1 a été rapidement supprimé par sionnelle des jeunes. Assurer la participation le commanditaire quand il s’est aperçu qu’il de l’équipe à la mise en œuvre de projets ne pouvait pas répondre aux questions des partenariaux porteurs de mixité et de dévelop- professionnels. En fait, l’objectif se trouvait pement local. là « on ne sait pourquoi ? » 5- Participer aux manifestations locales, impliquer l’équipe et mener des actions de soutien auprès des partenaires associatifs, promouvoir des échanges interculturels dans les évènements significatifs de la vie du quartier.

Commentaires : Ils sont de trois ordres : • validation de l’utilité de l’évaluation préalable • affirmation de l’équipe face au commanditaire • nécessité d’une méthodologie rigoureuse et précise en regard des données et des enjeux. L’évaluation préalable

Elle conditionne la possibilité de l’intervention technique. N’oublions pas que la prévention spécialisée est désormais placée sous la responsabilité du Conseil général qui est une collectivité territoriale dirigée par des élus du suffrage universel. Il s’agit d’une instance politique cherchant à faire valoir ses propres conceptions en matière de lutte contre la délinquance et la marginalisation sociale. Selon les choix politiques effectués et les objectifs 62

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

retenus, il n’est pas certain qu’ils correspondent aux valeurs, principes d’action et modes opératoires des équipes professionnelles. La prévention spécialisée continue de se référer aux arrêtés de 1972 qui prônent la libre adhésion et l’anonymat. Or, la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance avec des orientations plus sécuritaires qu’éducatives met à mal cette référence historique. L’évaluation préalable doit permettre de comprendre les attentes du commanditaire et d’apprécier les compatibilités, difficultés et points à clarifier. Dans l’exemple choisi, nous avons pu constater que le commanditaire était lui-même relativement incertain quant à ses choix d’objectifs. Il a reconnu la mauvaise formulation du premier objectif et a accepté de le retirer. Des marges de manœuvre existent bel et bien et le premier point d’appui du projet par objectif est constitué par la qualité de l’évaluation préalable, souvent nommé « diagnostic de situation ».

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L’affirmation de l’équipe

En intervenant à propos de l’évaluation préalable et du choix des objectifs fait par le commanditaire, l’équipe professionnelle manifeste son existence et son expertise. Le risque du projet par objectif est toujours celui d’un asservissement de l’action à des objectifs peu clairs. Dans ce cas, les pratiques auront du mal à se définir et à se légitimer. L’affirmation de l’équipe, au travers de la manifestation de sa compétence technique à propos des questions abordées est tout à fait essentielle. Il arrive souvent que des directions d’établissements ou de services, des associations ou des professionnels craignent de déplaire au commanditaire et préfèrent se taire plutôt que de risquer de le contrarier. Ce calcul n’est pas bon. Il contient un implicite généralement faux et simpliste, qui consiste à penser que le commanditaire n’est pas intéressé par la qualité technique et seulement préoccupé par les questions de gestion ou de politique. Nous avons pu constater que lorsque les équipes et leurs représentants étaient à même d’argumenter et de questionner le commanditaire, il était fréquent que des rapports de coopération et de compréhension s’établissent. Ce qui ne veut pas dire que toute forme de tension ait disparu, bien sûr, mais malgré les difficultés liées à des logiques hétérogènes, une reconnaissance réciproque peut s’établir et nous pensons que c’est d’abord à l’équipe professionnelle de savoir se faire repérer et connaître en regard de la qualité de son expertise sur les problématiques à traiter. L’exemple que nous suivons est pris dans le champ de la prévention spécialisée, mais notre propos peut avoir une portée beaucoup plus large et concerner les autres secteurs de l’action sociale et médico-sociale. Une méthodologie rigoureuse et clairement expliquée

Mais bien sûr, cette reconnaissance de la qualité de l’expertise doit pouvoir se légitimer en regard de méthodologies rigoureuses. Le risque du débat est celui de tourner à l’idéologie. C’est souvent difficile. Lorsque l’équipe de prévention dont nous suivons le projet par objectif a inauguré ses nouveaux locaux, un 63

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

représentant du Conseil général, commanditaire de l’action, était présent. Arrivant vers le local, il a constaté que des enfants jouaient au ballon dans la rue, en bas de l’immeuble et il a interpellé les éducateurs en leur demandant de faire cesser ces jeux qui importunent les voisins. Il a fallu aux éducateurs du sang froid pour ne pas réagir impulsivement à ce qui manifestait une profonde méconnaissance de la prévention et de la commande même du CG. Il leur a fallu aussi de l’humour pour ne pas radicaliser la situation et enfin de la diplomatie pour reprendre avec la personne le propos tenu et tenter d’expliquer les missions confiées. Néanmoins l’affaire n’est pas facile. Rappelons-nous Tocqueville : « Une idée simple mais fausse l’emporte toujours sur une idée vraie mais compliquée. »

Il ne suffit pas d’avoir raison, encore faut-il se faire comprendre et pour cela trois données sont essentielles : • la rigueur des arguments fondés sur des observations ou données concrètes ; • un vocabulaire adapté, sans concession sur le sens de ce que l’on veut dire, mais compréhensible par l’interlocuteur ; • une forme de communication souple, attentive à l’autre, précise, nette mais non-agressive. Revenons à l’exemple pris dans la prévention spécialisée. Une méthodologie rigoureuse d’analyse des objectifs énoncés par le commanditaire permet d’identifier les thématiques d’intervention : • • • • • • •

scolarité/déscolarisation aide aux loisirs socialisation santé insertion socio-professionnelle partenariat participation sociale

Tous ces thèmes permettent l’articulation entre la commande publique et la compétence technique. Il est clair que les professionnels, sur la base de leurs formations, de leurs expériences de terrain et de leur connaissance des publics-jeunes et de leurs problématiques, ne peuvent que souscrire à l’importance des questions sous-tendues par les thèmes des objectifs. Il est possible que le commanditaire ait sa propre définition des questions à traiter à partir de ses analyses et de ses enjeux propres, mais l’espace de la rencontre est possible. Pour y figurer de bonne manière, les professionnels devront y venir avec des arguments construits fondant leur légitimité d’interlocuteurs experts des questions à traiter. 64

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

La commande peut venir de l’extérieur de l’établissement ou service, comme nous venons de le voir avec l’exemple de la prévention mais il est aussi possible qu’elle vienne de l’intérieur. La démarche méthodologique sera la même. Si, de la part d’une direction d’établissement ou d’un conseil d’administration ou encore d’une équipe professionnelle dont le projet serait validé par la direction, une proposition de projet par objectifs émerge, le processus et les conditions à réunir sont identiques. La commande doit être précise, argumentée et exprimée clairement. La formulation de la commande

Il faut être attentif à ce que la commande soit formulée de telle sorte que l’on en perçoive bien les finalités et pas seulement les objectifs. Nous avons déjà traité assez longuement la question des définitions et distinctions entre les deux termes. Rappelons simplement ici les enjeux de la différenciation. Il y en a deux principaux, le sens et l’ordre. Le sens est donné par les finalités et non par les objectifs. Seules les finalités définissent des lignes d’horizon jamais atteintes, des perspectives ouvertes, des voies par où s’engager sans être sûr de ce qui va advenir. Des actions sans finalités ne peuvent pas se dire éducatives ou sociales ou encore médico-sociales, elles ne seraient qu’instrumentales.

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L’ordre est celui qui va des finalités vers les objectifs. Ce sont les finalités qui indiquent la direction, les objectifs, eux, précisent le chemin. Lorsque les objectifs sont élaborés, il faut toujours pouvoir les référer au sens qui permet de les inscrire dans un processus pratique continu et cohérent. La formulation de la commande doit être ainsi faite que le sens et l’ordre entre finalités et objectifs soient assurés de façon compréhensible. Et ceci ne consiste pas en un exercice scolaire et déconnecté de la pratique. Au contraire, en procédant à ces clarifications, les professionnels font œuvre utile. Tout d’abord, en identifiant ce qui a fondé le projet par objectifs, ils en définissent précisément la base, le socle, duquel ils partent et ensuite, ils créent les critères de l’évaluation des effets produits voire des résultats obtenus par la réalisation du projet. Lorsque les objectifs sont clairement affiliés à des finalités, les références essentielles pour l’évaluation du projet existent et sont disponibles. L’équipe de prévention dont nous suivons la mise en place du projet d’intervention a dû redéfinir les objectifs qui lui étaient donnés. Nous avons vu que le premier objectif a été supprimé par le commanditaire et concernant le second portant sur la déscolarisation, il était indispensable de reformuler. Voila ce qui a été fait :

65

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Reformulation de l’objectif 2

Commentaires

Notre travail de rue nous amène à rencontrer régulièrement sur des temps scolaires certains jeunes adolescents présents sur le secteur. Après plusieurs échanges, nous avons pu les identifier comme déscolarisés. Plusieurs termes sont couramment employés lorsque l’on parle de déscolarisation. Il importe d’en préciser ici les définitions. Le terme de « décrocheur » désigne les élèves qui quittent petit à petit le système scolaire. Cette notion a d’abord été appliquée aux lycéens, avant de s’étendre aux collégiens. Elle s’oppose à la démission, qui désigne le départ volontaire de l’élève et à l’exclusion qui résulte d’une décision de l’autorité scolaire. Nous avons pu constater que ce processus de déscolarisation, pour la plupart des situations, peut prendre deux formes : celle de l’exclusion de l’élève non suivie de reprise dans un autre établissement, ou celle du décrochage progressif signalé par un absentéisme important et grandissant. Les causes de la déscolarisation peuvent être multiples : Situation de vulnérabilité sociale des parents, vivant des minima sociaux et ne disposant pas de l’expérience concrète d’une scolarité réussie. Ils connaissent mal ou peu le système scolaire et ont peu de recours devant la déscolarisation de leur enfant. Les malentendus, l’absence de dialogue ou d’explications avec l’institution scolaire peuvent contribuer à l’arrêt de la scolarité. Situation conflictuelle au sein de la famille, dans un contexte de précarité, avivée de surcroît par la situation critique du jeune au collège, ne permettent pas aux parents d’exercer pleinement leur rôle éducatif. Refus du jeune vis-à-vis du système scolaire tel que les parents n’ont pas d’influence sur un éventuel retour. Valeurs culturelles, notamment dans la population tzigane, opposées aux valeurs traditionnelles de l’école.

L’équipe problématise la question de la déscolarisation en introduisant, d’abord, la temporalité (« après plusieurs échanges ») et la difficulté à identifier les jeunes concernés. Ensuite, l’équipe introduit des distinctions de catégories, ce qui permet une approche plus fine, plus concrète du phénomène. Tous les jeunes « déscolarisés » ne forment pas une catégorie homogène.

Les formes de la déscolarisation sont présentées et les causes multiples sont évoquées. Ces causes sont d’ordres différents et on observe des conjugaisons de facteurs. La déscolarisation est alors définie comme un processus complexe. Les données environnementales sont également convoquées.

Dès lors, la question des pratiques peut se traiter en regard de cette complexité de situation. Avoir repéré les facettes multiples du phénomène permet de comprendre la logique de projet et d’action qui va s’ensuivre.

Pour certains jeunes rencontrés, la présence d’un groupe de pairs sur le quartier peut également jouer un rôle attractif ou compensatoire à l’inactivité liée à la déscolarisation. De surcroît, les résultats scolaires faibles ou qui se sont dégradés depuis plusieurs années rendent très aléatoires pour le jeune des projets professionnels ou d’avenir liés à l’école.

La redéfinition de l’objectif permet de techniciser l’approche. Elle doit être communiquée au commanditaire de l’intervention de façon à ce qu’il puisse réagir et faire savoir son approbation, son désaccord ou, plus généralement, qu’il puisse poser les questions et demander les précisions qui lui semblent nécessaires. Tout projet par objectifs doit être fondé sur une évaluation préalable de situation et sur une commande claire et valide. Si la première condition n’est pas remplie, c’est la valeur même des actions mises en œuvre qui va se 66

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

trouver mise à mal. Si la seconde condition n’est pas satisfaite, le manque de précision de la commande provoquera des malentendus dans le processus d’action. Ce qui n’aura pas été clarifié continuera de demander à l’être et les différences de conceptions viendront gravement perturber le déroulement des actions qui, au contraire, demande de la stabilité. L’équipe de prévention, qui a pu faire supprimer le premier objectif, s’est trouvée en capacité d’en proposer un cinquième qui lui semblait essentiel et oublié par le commanditaire qui l’a accepté. Ce cinquième objectif se présente ainsi : Objectif 5 : La présence sociale Le travail de rue est assuré régulièrement sur le secteur à différents moments de la journée selon les lieux et les moments de regroupement des jeunes. Il consiste à ce que la prévention spécialisée soit connue et reconnue par les jeunes et les familles. Il a pour objectifs l’inscription des activités dans le tissu social des quartiers et le repérage des éducateurs en tant que personnes ressources. Il permet également par l’écoute et l’observation le repérage de situations problématiques. Enfin, il est l’espace temps dans lequel des rencontres se créent et des relations s’établissent entre les éducateurs, les jeunes, et les familles.

Un troisième volet est encore à approfondir, celui de la faisabilité du projet par objectif. L’étude de faisabilité

Supposons que l’on dispose d’un projet fondé sur une évaluation de situation fiable et d’une commande clairement exprimée selon les critères que nous avons identifiés. Il reste à apprécier les moyens disponibles afin d’en estimer la faisabilité. Les moyens à identifier sont de plusieurs ordres, les personnes, le matériel, les partenaires et les temporalités. Une fois ces aspects éclaircis, il reste à estimer la synergie ou l’inertie possibles entre eux.

67

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Types de moyens

Les personnes

Le matériel

Les partenaires

Les temporalités

Synergie et inertie

Précisions Quelles seront les personnes mobilisées ? État de leurs disponibilités. Ont-elles été associées ? Sont-elles d’accord ? Ont-elles des réserves ? Lesquelles ? Quels sont leurs enjeux personnels et professionnels ? Quelles seront leurs contributions ? Quel type de matériel ? (liste) Disponibilité du matériel. Locaux nécessaires. Disponibilité. Y a-t-il des problèmes de logistique ? Lesquels ? Qui sait se servir du matériel ? Devra-t-on le partager ? Quels sont les partenaires souhaités ? Quels sont les partenaires engagés ? Y a-t-il des conventions ? (oui/non, pourquoi ?) Problèmes prévisibles de coordination. Estimation des disponibilités. Enjeux des partenaires en regard du projet. Quelles sont les échéances ? (court, moyen, long terme) Y a-t-il des étapes intermédiaires ? Y a-t-il des écrits intermédiaires ? Un rapport final ? Certains acteurs ont-ils des contraintes spécifiques ? Croisement des temporalités multiples (commanditaire, partenaires, professionnels, usagers.....) Croisement des enjeux (compatibilités, risques de concurrence, points forts/points faibles)

L’ensemble de ces points doit être pris en considération pour établir un diagnostic de faisabilité du projet par objectifs. Bien sûr, il n’est pas indispensable que tous les points soient satisfaits, mais il est important de les questionner systématiquement afin de savoir le plus précisément possible où on en est dans l’élaboration du projet et quels seront les obstacles prévisibles. Mettre en évidence des points faibles est important mais ne constitue pas nécessairement un empêchement à agir. Fort des données obtenues et de leur appréciation, les acteurs professionnels demeurent maîtres de leurs choix et ont à estimer la prise de risque qu’ils peuvent ou acceptent de prendre en regard de leur situation contextualisée. Le travail par projet, qu’il s’agisse du projet personnalisé, du projet par objectifs ou du projet d’activités, implique de vivre et travailler avec une part importante d’incertitude que la méthodologie ne gomme pas mais permet de mieux repérer afin de « faire avec ».

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Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

En ce qui concerne le projet par objectifs de la prévention spécialisée, les conditions de faisabilité existent. Il y a une équipe professionnelle disposant des qualifications requises, un support associatif, des locaux adaptés et une commande suffisamment précise pour permettre une amorce de travail avec le commanditaire et sur le terrain. Cependant, des points restent largement aveugles, tels que les partenariats possibles, les populations jeunes et leur relation aux professionnels, l’évolution des problématiques d’emploi et de formation des jeunes, l’attitude des écoles et collèges, etc. L’évaluation préalable devra être réactualisée périodiquement en fonction de l’avancée des actions du projet et compte-tenu des effets observés. En conclusion de ce premier point, nous considérerons qu’un projet par objectifs, pour être valide, doit avoir exploré et synthétisé les trois dimensions suivantes : Dimensions

Évaluation préalable ou diagnostic de situation

Formulation de la commande

Faisabilité du projet

Documents qui attestent - Toutes les notes et rapports d’opportunité - Les données de contexte (populations, problématiques) - Études précédentes - Bibliographie pertinente - Lettre de mission - Contrat d’objectifs - Cahier des charges - Notes techniques point par point - Croisement des données - Note d’opportunité finale

2. LA CONSTRUCTION MÉTHODOLOGIQUE DU PROCESSUS DE TRAVAIL

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Après avoir défini le mieux possible les conditions d’existence et de réalisation du projet par objectifs, il convient de le construire sur un plan méthodologique. a Une méthodologie adaptée Nous avons vu qu’il nous fallait prendre en compte plusieurs données : • Les temporalités • Le processus • Le projet en tant qu’hypothèse sur le futur Ces trois aspects définissent le projet comme incertain, ce qui entraîne une conséquence incontournable, celle de devoir l’accompagner et l’étayer par une méthodologie précise, cohérente et structurée. Nous avons vu dans le chapitre précédent qu’un projet valide s’appréciait en regard des éléments qui le fondent, nous dirons qu’il doit continuer d’être validé par l’identification d’un processus de travail structuré. 69

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Ce processus s’organisera selon des étapes précises et autour de la progression suivante : Objectif ↓

Sous-objectifs ↓

Moyens/Organisation ↓

Étapes ↓

Supports écrits Les outils méthodologiques les plus adaptés pour suivre et rendre compte de la mise en place et de la réalisation des actions du projet sont les tableaux de bord. Un tableau de bord est un support écrit qui permet une visualisation simultanée des données qui sont à prendre en compte ensemble. De ce point de vue, les tableaux de bord rompent avec une ancienne tradition de l’éducation spécialisée qui valorisait l’oral comme seul capable de transmettre les informations nécessaires ou bien le rapport écrit, qui, une fois réalisé venait remplir les dossiers ou tiroirs de bureaux sans que jamais plus l’on y fasse référence. Ici, la perspective est toute autre, l’outil doit être utile pour les actions, un peu comme si, tout au long des interventions, nous pouvions être guidés par une carte qui nous renseigne sur le chemin à parcourir et, en même temps, conserve la trace de ce qui est effectué. Il faut insister tout particulièrement sur l’importance de la vision simultanée des données. Il est indispensable que les outils méthodologiques correspondent aux situations traitées et à leurs caractéristiques. Nous avons défini l’action sociale et médico-sociale comme des processus interactifs toujours susceptibles de réagir de façon inattendue à ce qui est entrepris. Dès lors, les méthodologies retenues ne peuvent être que souples et réactives. C’est pour cela que les tableaux de bord nous semblent être les outils à privilégier. Les textes écrits n’en perdent pas pour autant leur pertinence mais leur statut au sein du processus de travail change. Nous dirons que le texte écrit, le rapport, intermédiaire ou final, synthétise à un moment donné, les informations issues des tableaux de bord. Le projet et le processus de travail qui en découle sont inscrits dans une dimension du temps que nous nommerons « diachronique », c’est-à-dire se déroulant dans le flux continu du temps qui passe. Nous verrons comment les tableaux de bord permettent de rendre compte de cette diachronie. Par contre, les écrits qui ponctuent le processus de travail s’inscrivent dans un temps « synchronique », un temps qui arrête à un moment donné le temps diachronique et qui « fait le point ». 70

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Les deux perspectives sont également utiles. Il est important de laisser les actions se déployer dans le temps sans trop formaliser ce qui, de toute façon, ne se laissera pas formaliser (les relations, les communications, les interactions) mais il est essentiel aussi de pouvoir prendre du recul et fixer un certain état des choses à un moment donné. Ce qui est difficile à comprendre et surtout à pratiquer, c’est la non-opposition des deux temporalités. En effet, il est tout à fait possible de réinscrire les données fixées par un rapport intermédiaire dans le processus de travail et de ne pas opposer diachronie et synchronie, mais il faut pour cela disposer d’une intelligibilité globale du processus de travail. Et, pour cela, il est crucial d’être capable de resituer constamment les objectifs et actions du projet en regard des axes et finalités identifiés. D’où, encore une fois, l’importance des étapes préalables du projet par objectifs et de la rigueur de sa méthodologie. Afin de concrétiser notre propos, nous allons présenter la démarche méthodologique mise en place par l’équipe de prévention pour construire son processus de travail à partir des objectifs qui lui sont assignés par leur commanditaire, le Conseil Général. b Le dispositif méthodologique du projet de la prévention spécialisé FONDATION ACTES Pour chaque objectif, l’équipe de prévention a réalisé un tableau de bord de suivi des actions référées à l’objectif considéré. Ce tableau peut se lire horizontalement et verticalement. Horizontalement, il permet de visualiser simultanément : • • • • •

les actions entreprises, les lieux d’intervention, les sous-objectifs, les moyens, les critères d’évaluation.

Verticalement, les commentaires et perspectives étant écrits chronologiquement, le tableau permet de visualiser le processus selon lequel se déroulent les interventions. Il facilite une appréhension globale du processus d’action et rend plus fluide le passage d’informations et les communications entre les professionnels.

71

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Tableau 6.1. Modèle de tableau Rappel de l’objectif considéré Actions entreprises

Lieux

Sous-objectifs

Moyens employés

Critères d’évaluation

Action 1 Action 2 Résultats et commentaires

Perspectives

(dans l’ordre chronologique)

(réajustements selon les résultats et commentaires)

Les tableaux ci-après ont été concrètement réalisés par l’équipe de prévention. Par commodité, nous ne présentons que quatre exemples pris en référence pour quatre objectifs différents définis par le commanditaire dans le cahier des charges. Ces quatre tableaux permettent une illustration de la méthodologie par tableaux de bord. Il nous paraît intéressant et utile de commenter le dernier objectif, celui qui consiste à assurer une « Présence sociale ». Nous l’avons dit, c’est l’équipe de prévention qui a souhaité rajouter cet objectif qui n’était pas initialement prévu dans le cahier des charges donné par le Conseil Général. Nous avons dit également que la proposition de l’équipe a été acceptée par le commanditaire. Rappelons que dans le cas de ce type de projet, les équipes ne disposent pas de la possibilité de définir par elles-mêmes les objectifs, il est obligatoire d’en discuter avec l’instance, interne ou externe en position de décideur.

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73 Le 29/12/2009 :

- 4 familles, rencontrées lors de notre travail de rue, ont pu être accompagnées dans leur démarche (3 sur H.. et 1 sur G........).

Reposer la question à la responsable du Conseil Général ? sur le projet expérimental concernant les écoles G... dans lequel l’équipe doit être à terme impliquée.

Contacter les directeurs d’école fin avril 2009 pour relancer le projet en envisageant peut-être de modifier les modalités de mise en relation avec les familles. À long terme, nous envisageons d’impliquer à ce projet une association de quartier.

Par contre, nous avons rencontré des difficultés pour entrer en contact avec les familles des enfants repérés en difficultés par les écoles. En effet, ces mêmes familles, conviées par les directeurs d’école à une réunion afin de nous connaître, ne se sont pas présentées.

Le 19/12/2008 :

- Nombre de familles contactées. - Nombre de familles accompagnées

- Nombre de situations repérées par les écoles.

- Nombre de situations repérées par le travail de rue.

- Contacts réguliers avec les directeurs d’école : 4 rencontres formelles à H... (réunions avec notamment la présence des professeurs des écoles) et 3 rencontres formelles à G......... - Rencontres informelles hebdomadaires d’avril à juin lors de travail de rue aux heures de sorties des classes.

- Prise de contact dans un second temps par les éducateurs, si accord des familles.

- Premier contact établi par l’école ;

Critères pour l’évaluation

- Nombre de contacts pris avec les directeurs d’école et les instituteurs.

Perspectives :

Établir une relation avec les familles et les enfants concernés.

- Contacts avec les directeurs d’école et les instituteurs.

Repérer les élèves en difficultés avant leur entrée en 6e afin de prévenir la déscolarisation. - Le travail de rue.

Moyens employés

Sous objectifs

Le 19/12/2008 :

Écoles primaires 1, 2 et F........

Lieux

Résultats et commentaires :

Liaison CM2-6e

Projet :

Actions entreprises

Contrat d’objectifs : Accompagner l’entrée au collège des enfants dès le CM2. Prévenir la déscolarisation.

Objectif 1

Tableau 6.2. Les actions de l’équipe de prévention auprès des écoles et des collèges

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

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Critères pour l’évaluation

- Nombre de situations travaillées en commun.

- Nombre de situations évoquées.

- Réalisation des fiches liaison.

- Fréquence des contacts avec les assistantes sociales.

- Travail sur la cohérence des positions respectives.

- Nombre de contacts institutionnels.

- Validation des orientations de travail par la responsable CG.

- Participation aux réunions.

- Rédaction des rapports.

- 26 fiches de liaison réalisées.

- 36 situations évoquées avec les différentes assistantes sociales et éducateurs de circonscription.

- Contacts informels plusieurs fois par semaine avec les AS.

Le 19/12/2009 : Une réunion avec les AS de circonscription doit avoir lieu début [année] afin de faire un premier bilan sur notre coopération (suivi de situations, fiche de liaison) et afin de définir un temps mensuel de coordination des actions avec les AS.

- Concertation avec les assistantes sociales de secteur. - Fiches liaison.

- Relations institutionnelles.

- Réunion de coordination.

- Rapport d’étape.

Moyens employés

Perspectives :

Suivi des situations.

Vérification de la conformité des orientations de travail.

Sous objectifs

Le 19/12/2008 : - 10 réunions formelles avec la responsable CG ou les assistantes sociales de secteur.

Les locaux de l’antenne CG.

Lieux

Résultats et commentaires :

Travail avec l’équipe CG

Projet :

Actions entreprises

Contrat d’objectifs : Poursuivre les projets éducatifs en direction des filles et adolescentes avec la PMI. Accompagner les jeunes et les mettre en relation avec les partenaires locaux et organismes ressources. Travail sur l’insertion professionnelle des jeunes. Participation de l’équipe à la mise en œuvre de projets partenariaux porteurs de mixité et de développement local.

Objectif 3

Tableau 6.3. Les actions de l’équipe de prévention auprès des institutions

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

L’ensemble du secteur

Lieux

75 Le 19/12/2008 :

Continuer à s’associer et à s’impliquer dans l’organisation et la mise en place des diverses manifestations locales.

- la fête de la musique le 21juin,

Ces journées nous ont permis de maintenir et de renforcer nos liens avec les associations du quartier ainsi qu’avec les jeunes.

- le tournoi de foot aux G..., - la journée nationale des quartiers.

- cuisine sans frontière,

- le spectacle hip-hop,

Perspectives :

Nombre, qualité et variétés des engagements.

Critères pour l’évaluation

- la fête de la réussite scolaire,

- Présence et/ou participation aux manifestations locales.

- Participation à des réunions préparatoires avec les associations organisatrices.

Moyens employés

- la journée de la femme,

- le carnaval de quartier, - la démolition des tours rue ..........

Sous objectifs

Inscription de l’équipe de prévention dans le tissu social et associatif local.

Participation à 9 manifestations depuis février ......:

Le .............. :

Résultats et commentaires :

Participation à diverses manifestations

Action ponctuelle :

Actions entreprises

Contrat d’objectif : Participation aux manifestations locales, implication de l’équipe et actions de soutien auprès des partenaires associatifs, promotion des échanges interculturels dans les évènements significatifs de la vie de quartier.

Objectif 4

Tableau 6.4. Les actions collectives

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Commentaires périodiques : Depuis le début de notre implantation en février ......., nous assurons une présence sociale sur le secteur. Un premier temps, à travers un travail de rue régulier et à différents moments de la journée, nous a permis de reconnaître le territoire géographiquement et d’observer les différents lieux de regroupements des jeunes. Nous avons également rencontré l’ensemble des associations et institutions du secteur afin de nous faire connaître. Cette première étape : « l’approche » nous a ainsi permis de nous faire connaître des jeunes et des partenaires du secteur. À la suite de ce premier temps, grâce à nos observations de terrain, nous avons pu mieux cibler notre action, en étant plus particulièrement présents dans les lieux investis par les jeunes et aux moments de regroupements de ces derniers. Ainsi, nous avons privilégié les temps périscolaires et les samedis après-midi pour notre travail de rue. Nous avons alors adopté une posture d’« aller vers » le jeune, en se servant par moments (notamment pendant les vacances) d’activités mises en place à la journée pour consolider notre relation avec certains d’entre eux. Cette deuxième étape, le passage de « l’approche » à « l’accroche », nous a permis d’établir des relations basées sur la confiance et un respect mutuel, composante de toute relation éducative efficiente. Cette relation doit servir d’appui à un travail éducatif qui se fera ultérieurement tant auprès des jeunes que des groupes. Cette présence sur le terrain nous a également permis de consolider notre partenariat avec les différentes associations et institutions du secteur. En effet, loin de se réduire à des actions uniquement en direction des jeunes, la prévention spécialisée ne peut agir de manière isolée, elle a la nécessité de s’inscrire dans une dynamique où la collaboration avec l’ensemble des partenaires va conditionner l’efficience et la pertinence de son action. Cette présence sur le terrain se fait parfois dans un climat d’indifférence ou de méfiance du public avec lequel nous essayons d’établir une relation. Nous acceptons et respectons cette situation et notre action se développe à travers l’écoute et l’observation et se prolonge à travers d’autres types d’actions éducatives. S’implanter sur un lieu signifie dans les premiers temps « faire avec » l’indifférence ou la méfiance du public avec lequel les éducateurs cherchent à établir une relation. Mais accepter et respecter ce mode de fonctionnement, écouter et observer, trouve sa justification à travers son prolongement dans d’autres types d’actions éducatives. Notre démarche consiste souvent à « aller vers » afin de connaître personnellement les jeunes, de se familiariser avec leurs comportements et leur milieu, d’être reconnus par ce milieu. Ce travail de rue est aussi un moyen d’actualisation de la connaissance du quartier, de son ambiance, de ses réseaux de relations, et des lieux de regroupement.

76

La présence sociale nous inscrit dans le tissu social.

Le travail déjà réalisé doit nous permettre de consolider les liens établis et d’approfondir en les améliorant les relations de confiance avec les partenaires, les jeunes et tous les publics avec lesquels nous sommes en relation.

Perspectives : Continuer à assurer une présence sociale effective et développer en particulier la présence au sortir des écoles et des collèges.

Enfin, il est l’espace temps dans lequel des rencontres se créent et des relations s’établissent entre les éducateurs, les jeunes, et les familles.

Il a pour objectifs l’inscription des activités dans le tissu social des quartiers et le repérage des éducateurs en tant que personnes ressources. Il permet également par l’écoute et l’observation le repérage de situations problématiques.

Il consiste à ce que la prévention spécialisée soit connue et reconnue par les jeunes et les familles.

Le travail de rue est assuré régulièrement sur le secteur à différents moments de la journée selon les lieux et les moments de regroupement des jeunes.

Définition et objectifs :

Tableau 6.5. La présence sociale

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Cette initiative de l’équipe est tout à fait intéressante, elle montre bien qu’il existe des espaces importants de définition par les professionnels de la nature de leurs interventions. Au-delà des « marges de manœuvre » qui sont une expression très restrictive, il y a bien des possibilités d’action et de définition qui existent pour les professionnels. Or, l’objectif proposé par l’équipe et validé par le commanditaire n’est pas neutre du tout. À bien y regarder, l’équipe y développe la quintessence de son propre projet et précise les conditions de faisabilité et de réussite de ses interventions. Les points principaux méritent d’être relevés. Projet de l’équipe

Commentaires

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Un premier temps, à travers un travail de rue régulier et à différents moments de la journée, nous a permis de reconnaître le territoire géographiquement et d’observer les différents lieux de regroupements des jeunes. Nous avons également rencontré l’ensemble des associations et institutions du secteur afin de nous faire connaître. Cette première étape : « l’approche » nous a ainsi permis de nous faire connaître des jeunes et des partenaires du secteur. À la suite de ce premier temps, grâce à nos observations de terrain, nous avons pu mieux cibler notre action, en étant plus particulièrement présents dans les lieux investis par les jeunes et aux moments de regroupements de ces derniers. Ainsi, nous avons privilégié les temps périscolaires et les samedis après-midi pour notre travail de rue. Nous avons alors adopté une posture d’ « aller vers » le jeune. Cette deuxième étape, le passage de « l’approche » à « l’accroche », nous a permis d’établir des relations basées sur la confiance et un respect mutuel, composante de toute relation éducative efficiente. Cette relation doit servir d’appui à un travail éducatif qui se fera ultérieurement tant auprès des jeunes que des groupes. Cette présence sur le terrain nous a également permis de consolider notre partenariat avec les différentes associations et institutions du secteur. En effet, loin de se réduire à des actions uniquement en direction des jeunes, la prévention spécialisée ne peut agir de manière isolée, elle a la nécessité de s’inscrire dans une dynamique où la collaboration avec l’ensemble des partenaires va conditionner l’efficience et la pertinence de son action. Cette présence sur le terrain se fait parfois dans un climat d’indifférence ou de méfiance du public avec lequel nous essayons d’établir une relation. Nous acceptons et respectons cette situation et notre action se développe à travers l’écoute et l’observation se prolonge à travers d’autres types d’actions éducatives.

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L’ensemble des expressions indiquées en bleu montre bien l’importance pour les éducateurs de considérer l’action comme un processus inscrit dans des temporalités. Les professionnels distinguent plusieurs étapes, « L’approche », « L’accroche » et définissent des postures en fonction des situations dans lesquelles ils se trouvent placés.

Implicitement, les professionnels indiquent que les objectifs ne peuvent être atteints qu’à partir de relations suffisamment confiantes avec les jeunes et les partenaires.

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

Les tableaux réalisés par l’équipe de prévention témoignent de deux préoccupations centrales lorsque l’on parle de méthodologie de projet par objectifs, le respect de la commande et sa mise en tension avec l’expertise technique possédée par les professionnels. Les tableaux, de par leur exhaustivité car aucun objectif, aucune action, n’échappent à un repérage, témoignent que le prestataire « joue le jeu » et ne se défausse pas des responsabilités qu’il a accepté de prendre en répondant au cahier des charges. Mais pour autant, il ne renonce pas à ce qu’il est, un spécialiste des questions éducatives et sociales pour lesquelles il dispose d’une expertise ancienne et reconnue. La tension produite entre ces deux polarités nécessite que s’instaure un climat confiant de travail entre commanditaire et prestataire. L’abandon de l’objectif 1 du cahier des charges et l’adoption d’un objectif 5 non prévu initialement montrent que des espaces existent. Dès lors que les tableaux vont être remplis régulièrement, il sera nécessaire, ponctuellement, de réaliser des écrits synchroniques. Nous allons aborder maintenant cet aspect du projet par objectifs.

3. LES ÉCRITS RELATIFS AU PROJET PAR OBJECTIFS À propos des écrits, nous avons relevé deux aspects essentiels. Tout d’abord, l’importance de disposer de traces écrites régulièrement portées sur des supports adaptés (les tableaux de bord). Ensuite, nous avons indiqué que des textes de synthèse devraient être réalisés par périodes. Ces textes-là doivent être suffisamment fréquents pour soutenir le lien des actions du projet avec le projet lui-même et suffisamment espacés pour permettre les prises de recul nécessaires (il faut avoir quelque chose de nouveau à écrire). La fréquence et la longueur des écrits doivent être prévues lors de l’étude de faisabilité du projet et elles doivent être cohérentes en regard de ses caractéristiques, enjeux et échéances principales. a Les principes essentiels de la réalisation des écrits relatifs au projet par objectifs L’idée essentielle qui doit présider à ces écrits intermédiaires ou finaux est qu’il doit y avoir des correspondances nettes et effectives entre les finalités et objectifs du projet avec le contenu qui rend compte des actions entreprises et des résultats obtenus. Il n’y a rien de pire, à propos de ce type d’écrits, que d’avoir à lire des commentaires ou des rapports d’activités sans relations aucunes avec les objectifs posés dans la commande. Ce qui permet au rédacteur de « décoller » de la pratique et de se hisser à un niveau de conception et de problématisation intéressant pour un écrit intermédiaire ou final, c’est la possibilité de se positionner en regard des finalités et des questions problématiques qui ont fondé les objectifs. Si cette prise de hauteur n’est pas possible, si le texte se limite à rendre compte de 78

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

l’atteinte des objectifs, il consistera seulement en un rapport d’activités et ce n’est pas ce que nous travaillons ici. Nous suggérons un plan type pour ces écrits de synthèse relatifs au projet par objectifs : Plan du rapport

Commentaires Rappel général de l’objet et des enjeux du projet.

Introduction

Définition et repositionnement du projet par objectifs

Exploitation des observations, effets et résultats

Conclusions et perspectives

Rappel de la commande - La commande de départ - L’évaluation préalable - L’étude de faisabilité - Les conditions concrètes de démarrage Réactualisation de l’évaluation préalable - Écarts en regard du début - Problématiques principales - Données environnementales Synthèse des observations, des effets produits et des résultats obtenus - Objectif par objectif - Rapports entre objectifs, actions et effets Synthèse par type de problématiques - Relations entre effets, observations et finalités (problématiques) du projet par objectifs

Perspectives de travail (Dans le cas de rapport intermédiaire) Conclusions et préconisations (Dans le cas de rapport final)

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Rappel des fondements du projet faisant apparaître ses caractéristiques jusqu’aux éventuelles ambiguïtés ou imprécisions qui existaient à son début. Cette partie doit témoigner de l’appropriation de la commande et de sa nouvelle problématisation en regard des éléments venant de la pratique du projet et des environnements. Bilans des actions entreprises en regard des objectifs (telle action a été réalisée par rapport à tel ou tel objectif et on a observé cela). Bilan qualitatif en regard des problématiques (les objectifs du projet se problématisant en regard de thématiques plus larges, on établit ici l’évaluation de ce qui semble avoir bougé, en quoi ? pourquoi ? à cause de quoi ?). Le rapport intermédiaire se termine par des perspectives de travail confirmées, infirmées ou modifiées. Les choix sont argumentés et se déduisent de façon cohérente de l’ensemble du document. Un rapport final revient sur les attentes du projet et la commande et dresse le bilan de ce qui a été obtenu par les actions liées au projet. Il définit également des préconisations et des pistes pour l’amélioration de la qualité.

Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

b Le rapport intermédiaire de l’équipe de prévention L’équipe de prévention a réalisé son rapport intermédiaire selon le plan suivant : Plan du rapport INTRODUCTION 1. RÉACTUALISATION DU BILAN/DIAGNOSTIC 1.1 Les quartiers d’intervention H.............. G.............. 1.2 Les problématiques principales rencontrées - La déscolarisation - L’insertion professionnelle - Les questions identitaires et de socialisation - Familles et environnement 2. LE SUIVI ET L’EVALUATION DES ACTIONS 2.1 Analyse des temps en regard des types d’activités 2.2 Les tableaux de suivi des objectifs 2.3 Les fiches - projets 2.4 Les données statistiques CONCLUSION

Le texte qui suit est un résumé du rapport intermédiaire qui a été réalisé par l’équipe. Le document que nous présentons à titre d’exemple permet de se faire une opinion sur le type d’écrit envisageable. Le plan type ne respecte pas exactement le modèle que nous proposons mais l’essentiel de la démarche y est contenu. 1. Introduction et reformulation de la commande L’équipe de prévention spécialisée de l’association .................. est engagée, par convention avec le Conseil Général, à réaliser sur le secteur ............. des actions de prévention spécialisée dans le cadre des missions de l’Aide Sociale à l’Enfance et à la Famille. La permanence de l’équipe éducative se situe au ................... sur le secteur H........., au centre de notre territoire d’intervention. Ce local est un appartement aménagé pour répondre aux besoins de la prévention spécialisée : une pièce d’accueil pour recevoir le public (jeunes et familles) dans un cadre agréable et discret, un bureau pour les éducateurs, une cuisine et une salle de bain. L’objet des interventions de l’équipe de prévention spécialisée se réfère au mandat qui lui est confié et se trouve précisé dans le contrat d’objectifs 20...-20.... Après annulation de l’objectif 1, décidé par le CG le ........à la suite de nos observations et de nos questions, ils se définissent ainsi : 1. Accompagner l’entrée au collège des enfants dès le CM2. Prévenir la déscolarisation. 2. Favoriser la synergie globale de l’offre de loisirs faite aux adolescents, en contribuant à la diffusion des informations et en améliorant la mise en relation des jeunes avec les structures organisatrices.

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Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

3. Poursuivre les projets éducatifs en direction des filles et adolescentes avec la PMI. Accompagner les jeunes et les mettre en relation avec les partenaires locaux et organismes ressources. Travailler sur l’insertion professionnelle des jeunes. Assurer la participation de l’équipe à la mise en œuvre de projets partenariaux porteurs de mixité et de développement local. 4. Participation aux manifestations locales, implication de l’équipe et actions de soutien auprès des partenaires associatifs, promotion des échanges interculturels dans les événements significatifs de la vie du quartier. 5. Assurer une "PRESENCE SOCIALE" dans les quartiers. À partir de ce contrat d’objectifs, il s’agit d’établir des relations de confiance avec les jeunes, confiance sans laquelle aucune réelle prévention ne peut se penser, ni s’agir. Les éducateurs doivent donc être repérés dans les espaces plus ou moins formalisés que les jeunes occupent. Cette présence sociale permet de nouer des relations constitutives de lien social, facteur de régulation sociale et de désamorçage au quotidien de situations conflictuelles. L’équipe doit tendre aussi à créer des relations avec les partenaires publics et associatifs concernés par les problématiques qui intéressent la prévention spécialisée et qui interfèrent dans son champ d’action. Le présent document comporte trois parties, tout d’abord une réactualisation du bilan-diagnostic présenté dans le rapport d’étape 1 portant sur deux aspects, la connaissance des quartiers et les problématiques principales, puis une présentation de nos outils méthodologiques de suivi et d’évaluation des actions entreprises incluant les données statistiques et les résultats quantitatifs et qualitatifs, avant de conclure par une synthèse globale.

2. Réactualisation de l’évaluation préalable Après 12 mois de travail de terrain, nous poursuivons nos observations et nos constats. Nous pouvons préciser les données dont nous faisions état dans notre premier rapport d’étape de ...... :

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Les quartiers d’intervention : Pour avoir une vision large et complète du territoire H...../G...., l’équipe de prévention a procédé dans un premier temps à un repérage géographique. Celui-ci lui a permis de délimiter la zone d’intervention et de mieux appréhender les problématiques qui sont à l’œuvre. Une carte géographique de la ville a permis de situer notre terrain d’intervention en rapport aux autres territoires. Notre champ d’intervention s’étend sur une large superficie. On y trouve différents organismes, structures, centres commerciaux, petits commerces, cités H.L.M. et autres. La population (21 905 habitants en 1999, 24 000 habitants et un taux de chômage de 29,73% en 20..., selon les sources de l’I.N.S.E.E. et de la ville) est cosmopolite, vingt-six nationalités cohabitent sur le territoire et se fréquentent peu. L’équipe constate que les populations se regroupent par affinités ethnique et/ou culturelle. H........... : C’est un quartier étendu. Il comprend un boulevard principal, dénommé ........ Un centre hospitalier situé en haut et sur la droite de ce boulevard occupe une place importante. À gauche de cet hôpital se trouve l’avenue H....... dans laquelle est implantée l’école primaire......, un jardin public et plusieurs logements sociaux qui délimitent notre lieu d’intervention. Se juxtaposent à cette avenue, la rue........., où l’on trouve l’école primaire H....., le L.E.P. H....... et son gymnase. Sur la droite de ce boulevard, on trouve des logements sociaux « Le Boulogne », un discount, la circonscription et la P.M.I. Une association de quartier y est également présente.

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Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

G.. : C’est un secteur très étendu également. Le site de G.. comprend le collège......... Un centre d’animations loisirs situé dans le prolongement du collège et géré par la mairie a ouvert ses portes début mars 20.... En face du collège se trouve la place de la Mairie qui sert de lieu de regroupement à des jeunes collégiens et à des enfants jeunes. Le public est mixte, essentiellement maghrébin, gitan et cap verdien. On note une présence tardive des enfants allant jusqu’à 22 heures environ. Cette place est très fréquentée de par sa proximité avec le groupe d’immeubles qui l’entoure. Un marché a lieu sur ce secteur trois fois par semaine. Ce site continue vers la route de M..... et délimite notre intervention. Sur cette route, on trouve un centre commercial et au-dessus de ce centre, se trouve un stade. Ces deux endroits servent de lieux de regroupement aux jeunes, notamment pendant les temps extra-scolaires. Ils sont investis par des enfants, des adolescents filles et garçons, par le collège comme terrain de sport, mais également par des jeunes adultes le soir. Le stade est situé en contrebas, il n’est plus ouvert 24h sur 24. Nous avons pu noter la présence d’un maître chien la nuit et d’un gardien la journée depuis la rentrée scolaire, sécurisant un peu plus ce site. Il donne lieu à de multiples regroupements et activités diverses (jeux, musiques et autres). Ces dernières varient selon les temps et les moments. Ce secteur comprend deux écoles maternelles/primaires dénommées ............................. Respectivement au sud et à l’est du secteur d’intervention se trouvent deux sites limitrophes : la ..........et ............. De par nos observations sur le terrain et de par nos relations avec nos différents partenaires, notamment le CG et le collège, il nous paraît y avoir une problématique importante d’exclusion sociale de certains jeunes vivant sur ces territoires.

3. Les principales problématiques rencontrées Une des missions principales de la prévention spécialisée est la lutte contre la déscolarisation et le désoeuvrement des plus jeunes. La déscolarisation est considérée quasiment comme un problème relevant de l’ordre, sinon de la sécurité publique : sans encadrement, que deviennent les jeunes hors école ? Sont-ils en risque de délinquance, exposés à des trafics divers, errant dans les rues sans protection ? Et leurs parents seraient-ils complices et donc punissables de l’inassiduité ou du retrait scolaire de leurs enfants ? Ainsi la scène de la déscolarisation se déplace-t-elle de l’école vers la cité. Nous avons pu y associer trois autres grandes problématiques : l’insertion professionnelle, les questions identitaires et de socialisation, la famille et l’environnement. Nous allons à présent les expliciter. La déscolarisation Notre travail de rue nous amène à rencontrer régulièrement sur des temps scolaires certains jeunes adolescents présents sur le secteur. Après plusieurs échanges, nous avons pu les identifier comme déscolarisés. Pour certains jeunes rencontrés, la présence d’un groupe de pairs sur le quartier peut également jouer un rôle attractif ou compensatoire à l’inactivité liée à la déscolarisation. De surcroît, les résultats scolaires faibles ou qui se sont dégradés depuis plusieurs années rendent très aléatoires pour le jeune des projets professionnels ou d’avenir liés à l’école. L’insertion professionnelle Notre pratique de terrain, à travers nos accompagnements et la sollicitation de certains jeunes adultes, nous a permis de définir deux publics quant à la problématique de l’insertion professionnelle.

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Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

D’une part les jeunes âgés de 16 ans sortis du système scolaire sans qualification, et qui sont en demande d’une recherche de contrat d’apprentissage. D’autre part les jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans, eux aussi sans qualification, n’ayant pas trouvé de solution suite à l’accompagnement de la Mission Locale, et qui sont dans la demande immédiate d’un emploi. On retrouve plusieurs caractéristiques communes à ces deux publics : • Méconnaissance des structures d’accompagnement existantes ou de leur fonctionnement (Mission Locale, Pôle emploi, agences d’intérim). • Désir exprimé d’accéder à une autonomie financière. • Difficultés d’intégrer d’autres codes sociaux que ceux de leur « culture de quartier », qui amènent des difficultés à se présenter devant un employeur, à parler d’euxmêmes et de leurs attentes.

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L’insertion professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans a pour but de leur permettre une intégration sociale au sens plein du terme, « être partie intégrante d’un ensemble ». L’insertion professionnelle est devenue dans l’ensemble de la société un processus long et incertain. La nature des emplois offerts aux jeunes s’est transformée : le CDI est devenu une denrée rare sur le marché du travail. La durée même de ces éventuels premiers emplois se raccourcit, précarité et instabilité initiale alimentent un chômage récurrent ou de longue durée. Il y a donc un certain paradoxe à souhaiter une insertion professionnelle stable pour des jeunes qui de plus, présentent des difficultés spécifiques (scolaires, culturelles, sociales, de santé...). Les questions identitaires et de socialisation Lors de notre travail de rue, nous avons observé des adolescents et pré-adolescents livrés à eux-mêmes dans la rue parfois jusqu’à des heures tardives. Ils fréquentent rarement les structures de quartier et se regroupent souvent entre eux au bas des immeubles. Ainsi, nous avons pu constater un certain repli de ces jeunes adolescents sur leur quartier et leur cadre de vie. Le quartier est présenté et vécu par certains d’entre eux comme un espace communautaire de protection et de solidarité face à un environnement extérieur jugé oppressif. Il s’y développe ses propres codes, règles, rites et rituels. Le quartier est ainsi un support identitaire (on s’identifie au grand frère, au jeune qui est allé en prison, car ses images sont valorisés au sein des quartiers) qui s’oppose à l’intégration d’autres codes sociaux nécessaires pour toute insertion sociale et professionnelle. L’identité sociale réelle issue de la trajectoire personnelle ou de la génération antérieure n’est plus attractive et aucune identité n’apparaît accessible sauf la marginalisation. Ils ne veulent plus s’identifier à la génération de leurs parents en difficultés ou en échec. Ils se sentent étrangers dans leur propre pays, différents des autres, tiraillés entre leur culture d’origine et la culture française. Alors que cette double culture devrait être un avantage, elle devient un fardeau. Ce sentiment d’identité fragile chez ces jeunes entraîne un grand manque de confiance en soi et une grande difficulté à aller vers « l’autre ». Cet autre peut être un adulte, une institution ou la société française. Leur insertion sociale et professionnelle s’en trouve fortement perturbée. Famille et environnement Afin de comprendre pleinement la situation ou les difficultés d’un jeune, il est essentiel d’avoir une vision globale de celui-ci, dans son contexte. Pour cela, il nous semble indispensable de prendre en compte et analyser la situation familiale et ses conséquences dans la vie et l’environnement de l’enfant et de l’adolescent. Pour un jeune, le

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Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

cadre familial est le principal lien éducatif. En effet, il permet aux parents de transmettre aux enfants un ensemble de valeurs et des règles de vie sociale leur permettant de s’intégrer progressivement à la société. Beaucoup de problématiques repérées chez les jeunes sont liées aux difficultés propres à la famille. Pour pouvoir accompagner le jeune dans ses difficultés, il est souvent indispensable de rencontrer la famille, de travailler avec elle sur la compréhension du problème, de se mettre d’accord et de la faire adhérer à une démarche pour qu’elle s’y associe et en soit actrice. Les familles rencontrées sont en grande majorité immigrées (maghrébines, cap verdiennes, gitanes). On constate dans beaucoup de cas que les parents sont Rmistes ou demandeurs d’emploi. Le père est souvent physiquement et/ou moralement absent, la mère au foyer et isolée rendant l’exercice de l’autorité parentale difficile, favorisant ainsi un climat de tension et d’abandon à la maison et amenant les jeunes à exprimer au dehors angoisse et violence. On observe une neutralisation des rapports trans-générationnels, un non-échange, un non-désir de communication. Pour les parents, la mauvaise maîtrise de la langue française et leur statut social précaire sont autant de facteurs conduisant à un repli sur soi. L’isolement qui en découle fragilise bien souvent leur position et leur autorité parentale.

4. Le suivi et l’évaluation des actions Les activités de l’équipe de prévention spécialisée sont suivies et évaluées à l’aide de plusieurs outils qui sont à comprendre dans leurs articulations et complémentarités. Il ne suffirait pas de ne se référer qu’à un seul, chaque outil participe d’une démarche méthodologique globale. C’est de la prise en considération des différentes informations que le sens peut être dégagé et que des perspectives peuvent être tracées. Ces outils recueillent à la fois, des données quantitatives et des informations qualitatives. Certains d’entre eux sont établis une fois pour toutes (les fiches-projets : quand le projet est fini, la fiche n’est plus opérationnelle), tandis que d’autres incluent la temporalité et peuvent se lire horizontalement et verticalement (les tableaux de suivi des objectifs du contrat d’objectifs). Certains outils enfin, ne concernent pas directement les activités-projets, mais cherchent à préciser l’activité des éducateurs afin d’obtenir une bonne lisibilité des investissements réalisés sur tel ou tel aspect. L’outil « Fiche-projet » est référé à un objectif particulier. Chaque projet prend son sens en regard d’un objectif du contrat d’objectif. Un projet n’a pas de sens « en soi », il est nécessaire de le contextualiser, de le relier à des perspectives si l’on veut en comprendre le sens et l’évaluer. En annexe du rapport, l’équipe de prévention présente l’ensemble des tableaux de bord dont nous avons parlé précédemment.

5. Conclusions et perspectives Après une année de fonctionnement, les points principaux dégagés par l’équipe de prévention spécialisée sont les suivants : • Importance de la connaissance du terrain au travers de la présence sociale et des relations établies avec les populations (enfants, adolescents, jeunes, jeunes majeurs, adultes...) et les différents partenaires ; • Importance du travail de partenariat avec le CG, les écoles primaires, collèges, lycées, et les diverses associations et acteurs locaux ;

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Fiche 6 • Le projet par objectifs spécifiques

• Importance de la relation avec les jeunes faisant apparaître que l’inscription sociale, l’insertion professionnelle, la participation à la vie citoyenne, ne peuvent pas être réalisées en dehors d’un processus d’affiliation sociale auquel les éducateurs de prévention spécialisée participent par des échanges et par les activités développées ; • Importance de la formalisation des outils de travail, qui permettent une lisibilité des actions et servent de repères dans l’activité au quotidien. Les perspectives pour l’année 20.... sont essentiellement constituées par l’approfondissement du travail engagé dans les axes présentés dans ce deuxième rapport d’étape. Nous porterons une attention toute particulière à la mise en œuvre des objectifs du contrat d’objectifs et à la qualité de nos prestations et activités.

Nous l’avons vu tout au long de ce chapitre, le « projet par objectifs », est la deuxième forme possible de ce qu’il est convenu d’appeler « le projet éducatif spécialisé ». Il se caractérise par le fait qu’il est élaboré à partir d’une commande extérieure aux acteurs professionnels même si ces derniers sont souvent, mais pas toujours, consultés et associés à sa construction. Nous avons vu également que ce type de projets subissait des contraintes de temps et souvent de résultats difficilement compatibles avec les temporalités-durée de tout projet se définissant comme « éducatif ». À partir de ces données de départ, il est essentiel que les équipes professionnelles fassent valoir leur expertise formée dans la pratique au quotidien des problématiques traitées. Dans cette perspective, la question méthodologique sera cruciale. Pour ne pas être instrumentalisé mais, au contraire, pour représenter une force réelle d’acteurs et de partenaires des actions menées, il est indispensable que le travail des professionnels soit lisible, compréhensible et argumenté.

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Nous en avons tracé les étapes, nous avons donné des exemples mais il n’y a pas de modèle à proprement parler, il est nécessaire de tracer sa voie à chaque projet. D’où l’importance de la problématisation préalable puis constante tout au long du processus de travail. Rappelons-nous ce propos de Sénèque : « Les vents sont toujours contraires pour celui qui ne connaît pas son port. »

Les finalités du projet définissent son utilité sociale. Ce sont à elles que les acteurs doivent se référer s’ils veulent développer des pratiques chargées de sens et non pas d’assujettissement à des buts qui leur échappent.

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Le projet d’activités

Le « projet d’activités » dont nous allons parler maintenant se différencie nettement du projet « par objectifs » ; il se distingue mais s’articule avec le « projet personnalisé ». Selon les choix que nous avons cru bon de faire, il est, pour nous, la troisième forme de ce que les textes appellent « Le Projet Éducatif Spécialisé ». La méthodologie générale de projet reste d’actualité mais les formes de son élaboration, de sa construction et de sa mise en œuvre sont différentes. Tout au long de notre développement, nous allons soutenir notre propos par l’exemple concret venant du groupe « Jardin d’enfants » d’un Institut Médico-Éducatif (IME) recevant des enfants jeunes et atteints, dans l’ensemble, de déficiences intellectuelles et de troubles mentaux associés1.

1. QU’EST-CE QU’UN « PROJET D’ACTIVITÉS » ? Un « projet d’activités » est constitué à partir d’un objet commun, pertinent pour toutes les personnes du groupe auquel il s’adresse. L’objet commun est défini en référence à des problématiques suffisamment convergentes et le projet est toujours destiné à un ensemble de participants. a Les problématiques individuelles forment un objet commun et cohérent Ce premier aspect marque la caractéristique essentielle du projet d’activités. Pour envisager et réaliser un projet d’activités, il faut avoir de bonnes raisons pour rassembler des enfants différents au sein d’un groupe identifié par son projet. Car, en effet, bien que participant à un même groupe d’activités, il n’en reste pas moins vrai que chaque enfant ou personne concernés conserve sa propre identité et son projet personnalisé. Il faut pouvoir répondre à la question : « Pourquoi mettre ensemble ces personnes-là pour cette activité précise ? ». Encore une fois, la question peut surprendre. Peut-on supposer que des projets d’activités soient mis en place sans l’identification d’un objet commun ? L’expérience montre que oui, il existe de nombreuses situations dans lesquelles l’objet commun n’est pas repéré à partir des usagers mais des opportunités ou des contraintes institutionnelles. Nous ne traitons pas 1. Je remercie Carine C ICCOTI, éducatrice spécialisée, pour avoir mis à ma disposition les documents relatifs à son projet d’activités.

Fiche 7 • Le projet d’activités

ici de ces activités-là, nous réservons le terme de « projet d’activités » pour des projets portant sur un thème précis, le thème en question ayant été problématisé en regard des besoins et des attentes d’usagers présentant des convergences certaines. Récapitulons et synthétisons notre propos dans la définition suivante : Un projet d’activités propose, au travers d’une organisation et d’un programme, des actions adaptées et cohérentes à des personnes présentant des problématiques suffisamment convergentes pour les rassembler dans des activités communes ayant pour finalités et objectifs de traiter les difficultés ou les handicaps issus de ces problématiques.

De la même façon que le projet personnalisé ou le projet par objectif, le projet d’activités répond à la logique suivante : Finalités ↓

Objectifs ↓

Activités ↓

Évaluation/Réévaluation Dans l’exemple pratique qui va nous servir de fil conducteur et d’illustration concrète, la problématique commune, que nous avons aussi appelé « Objet commun » se définit ainsi :

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Présentation de la problématique

Commentaires

Le groupe jardin d’enfant Niveau 1 accueille 6 jeunes enfants âgés de 6 à 12 ans présentant un retard global, conséquence de multiples déficits cognitifs et troubles associés (langage, moteur, comportement) . Ce retard global est en outre lié à divers facteurs étiologiques ; cette année principalement la trisomie 21 (4 enfants sur 6). La mission globale de notre groupe est donc de mettre en œuvre des actions éducatives avec soutien thérapeutique et d’apprentissage permettant aux enfants de trouver un équilibre personnel et d’acquérir une plus grande autonomie. L’organisation de l’environnement et les activités adaptées proposées devront permettre aux enfants de trouver un bien-être physique et moral pour accéder au développement de leur personnalité. Notre champ d’application s’articulera autour de différents pôles qui sont les axes de notre travail et correspondent à la prise en charge globale de l’enfant : le pôle psychomoteur, le pôle psychoaffectif, le pôle de la socialisation, le pôle cognitif.

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Le groupe est présenté à partir d’un élément dominant : le retard global de développement. Ce retard à des causes multiples qui n’empêchent donc pas la constitution d’un groupe relativement homogène. L’objet central du projet est identifié : acquisition d’une plus grande autonomie et d’un équilibre personnel.

Est également identifié l’axe principal des réponses : les actions éducatives et les dimensions complémentaires : soutien thérapeutique et d’apprentissage. Enfin, un ordre logique est établi, le bienêtre physique et moral comme condition du développement de la personnalité.

Fiche 7 • Le projet d’activités

Les activités proposées s’organiseront autour d’habilités pour structurer les apprentissages : le langage ; vivre ensemble ; agir et s’exprimer avec son corps ; découvrir le monde ; expression, imagination et création. Cette prise en charge reposera bien entendu sur le principe d’un projet de groupe et d’un projet personnalisé (individuel). Chaque projet individuel de prise en charge est élaboré par l’équipe pluridisciplinaire: il comporte à la fois des actions individuelles (accompagnement éducatif, psychothérapie, rééducations spécifiques, entretiens...) et un travail d’apprentissage en petits groupes. Le projet personnalisé reposera également sur l’écoute, la compréhension constante de la famille, sur la coopération de celle-ci et son implantation dans le travail engagé. car le partenariat avec les familles (et donc l’adhésion au projet) reste le facteur principal pour toute prise en charge éducative. C’est dans le respect de toutes ces conditions que l’enfant pourra ainsi prendre sa place dans le groupe, y être reconnu comme sujet unique, progresser à son rythme et trouver un espace de créativité où il aura les moyens de s’exprimer.

Les activités sont, dès l’entrée de la présentation du projet, situées en regard des différentes dimensions du développement.

Dans la suite de cette introduction problématisée, les professionnels articulent le projet de groupe (d’activités) et les projets personnalisés. La dimension du travail avec la famille est mentionnée, permettant de la sorte une plus grande cohérence des actions mais aussi une référence explicite aux nouvelles orientations de politiques publiques. Enfin, dernier point mais pas le moindre, les professionnels indique le lien étroit entre les dimensions individuelle et collective de la socialisation qui forment les deux aspects d’un seul et même processus.

b Les références théoriques Le lecteur attentif a certainement déjà compris qu’un projet d’activités ne peut pas être construit sans de fortes et pertinentes références théoriques. En effet, si le choix des activités n’est pas réalisé en référence à des problématiques identifiées de façon rigoureuse, on se trouvera alors devant des activités sans autre projet que celui qu’elles existent et se déroulent. Il s’agirait, dans le meilleur des cas, d’activités occupationnelles ou de loisirs qui, certes, ont leur utilité mais ne constituent pas, au sens où nous l’entendons, des « projets d’activités ». Sans références théoriques, les projets ne peuvent pas « décoller » de situations concrètes qu’il est impossible de comprendre en prenant du recul ou de la hauteur. Cette question est difficile et les réformes récentes des diplômes en travail social ne sont pas rassurantes. En ce qui concerne le DEES, la logique modulaire est bien commode et très adaptée pour faciliter les passerelles, les équivalences et la VAE. La recherche d’opérationnalité, « être capable de », répétée de façon inlassable dans les différents référentiels traduit bien le souci que les éducateurs soient des professionnels d’action. Mais le risque est que cette opérationnalité et cette modularité portent atteinte à la formation théorique qui demande, elle, continuité dans le temps et approfondissement. La situation est d’ailleurs, à l’heure actuelle, assez paradoxale. D’un côté il y a les logiques dont nous venons de parler et de l’autre, il y a une autre logique qui se met en place, celle de la qualité et des réponses aux attentes et aux besoins. La seconde impliquant que les éducateurs comprennent ce qu’ils font et ce qu’ils ont à faire. Pour cela, il est incontestable que les références théoriques sont utiles. 88

Fiche 7 • Le projet d’activités

Ces références doivent être choisies en regard des problématiques posées. Il n’est pas possible de définir à l’avance lesquelles sont pertinentes. De plus, un véritable esprit scientifique est un esprit ouvert, il connaît les limites de chaque approche et se nourrit de regards différents, complémentaires ou même contradictoires. Les références seront confrontées aux situations concrètes à l’intérieur du processus de travail et l’éducateur, en lien avec l’équipe pluridisciplinaire, devra former son propre regard et son évaluation des situations sur la base de ces confrontations. Les éducatrices du jardin d’enfants ont établi les références suivantes pour leur projet d’activités :

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Références théoriques de la problématique Chaque année, nous accueillons dans nos effectifs de nouveaux enfants venant de différentes structures (école maternelle, Clis), certains ont pu bénéficier également d’une prise en charge ponctuelle par notre pôle SSESD (service de soins et d’éducation spécialisée à domicile). Malgré leur propre histoire, leurs parcours éducatifs différents et leurs étiologies diverses, nous pouvons observer chez tous de façon significative : - Un déficit majeur dans le traitement de l’information, la mémoire, les stratégies et méta-stratégies empêchant le transfert et la généralisation des savoirs et savoir-faire (Paour) ; - Un trouble majeur du développement psycho-moteur impliquant un trouble de l’image de soi et du schéma corporel ayant pour conséquence un trouble de la structuration spatiale et temporelle (Piaget,Wallon) ; - Un trouble majeur du langage empêchant l’accès au développement symbolique et donc à la pensée (Feuerstein, Vigotsky) ; - Une forte problématique d’échec aux apprentissages révélée par différents comportements (l’anxiété, l’inhibition, l’agressivité voire un refus catégorique de participation aux activités) dénotant une faible estime de soi et un manque de confiance en soi et en l’autre. Le non désir de réussite entravant la motivation intrinsèque, moteur des apprentissages (Haywood) ; - Peu ou pas de connaissance des règles de vie sociale ou non respect des règles sociales nécessaires à une bonne intégration et à un bon développement de l’autonomie sociale ; - Une faible connaissance du monde qui entoure ; - Une faible autonomie personnelle dans les actes de la vie quotidienne.

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Commentaires Le texte des éducatrices rappelle les caractéristiques communes des enfants qui légitiment le fait de les rassembler dans un groupe et de les inscrire dans un projet d’activités qui leur est commun. Les difficultés des enfants sont TOUTES reliées à un ou plusieurs champs théoriques représentés par des auteurs eux-mêmes inscrits dans des logiques de recherche.

Il ne s’agit donc pas de « théorie/discours » ressemblant davantage à de l’idéologie mais bien de théories fondées sur des recherches concrètes et des expérimentations beaucoup plus opératoires sur le terrain et utiles pour des professionnels.

Il est bien clair que lorsque les pratiques peuvent ainsi s’affilier à des recherches et à des concepts précis, le « projet d’activités » prend un sens tout à fait intéressant et les actions menées se trouvent situées clairement entre un amont qui les fonde (la problématique) et un aval qui les organise (les programmes).

Fiche 7 • Le projet d’activités

Précision de concept : Autonomie (auto : soi-même, nomos : loi) : qui peut se définir comme l’aptitude à faire soi-même le choix des lois auxquelles on se soumet, ce qui implique l’émergence d’une « morale » et des interdits, et donc de sentiments tels que la culpabilité, la honte, la pudeur. L’autonomie n’est pas seulement la capacité d’accomplir seul les actions nécessaires au maintien de la vie et à l’insertion sociale. C’est aussi, et surtout, l’intériorisation de cette nécessité, l’intégration de ces actions dans un système de valeurs et de règles de vie adopté par l’individu lui-même, et non imposé par l’intérêt d’autrui, parent ou maître.

Précision toujours intéressante, les éducatrices expliquent le sens qu’elles donnent aux mots utilisés. Les discussions et débats peuvent se développer de façon explicite et constructive.

c Le contexte de faisabilité Pour être valide, un « projet d’activités » doit être institué et institutionnalisé. C’est-à-dire reconnu pour son utilité et sa pertinence par l’établissement ou service qui le porte. Institué, cela signifie que le projet prend sens en regard des orientations et principes d’action du projet d’établissement. Le projet d’activité ne doit pas être isolé, méconnu ou élaboré dans l’indifférence voire l’opposition de l’institution. La lisibilité du projet, de ses attendus et de son contenu doit être facile et logique. Le projet d’établissement, en référence aux orientations des politiques publiques qui le légitiment, définit des axes, des finalités et des principes d’action. Tout ce qui en découle — et les projets d’activités en font partie — doit pouvoir aisément se comprendre en regard de ces perspectives. Institutionnalisé, cela signifie que le projet d’activités entre dans l’organisation, la planification et la programmation institutionnelles. Tout ce qu’il va demander en terme de moyens, de disponibilités, de temps et de locaux est prévu, reconnu et l’institutionnalisation sera concrétisée et établie par la réalisation effective du projet et des actions qu’il implique. L’articulation avec les projets personnalisés. Un dernier aspect est à relever, nous l’avons déjà évoqué, c’est celui des relations du projet d’activités avec le projet personnalisé. Pour faire vite et précis sur cette question, nous dirons que la personnalisation exige de la participation à des groupes au contraire de l’individualisation qui consiste à traiter les situations et les personnes une par une. Il n’y a donc aucune contradiction à ce qu’un projet personnalisé indique les projets d’activités dans lesquels la personne sera engagée. La question importante est celle de la convergence contributive de l’un vers l’autre et inversement. Elle ne peut être traitée que de façon pragmatique par une casuistique adaptée. Au fond, il suffit de se poser les questions suivantes dans un ordre qui peut tout à fait être changé : « Les axes et objectifs du projet personnalisé de ... sont-ils concernés, et en quoi, par les axes et objectifs du projet d’activité X ? » « Qu’attend-on du projet d’activité X pour le projet personnalisé de... ? » « Les axes et objectifs du projet personnalisé de... peuvent-ils être utiles et contributifs dans le projet d’activités X ? » 90

Fiche 7 • Le projet d’activités

Ce sont les réponses à ces questions qui permettent de guider les choix à effectuer. Les deux types de projets ne sont en rien contradictoires en eux-mêmes, ils peuvent au contraire se potentialiser réciproquement. Tout va dépendre de la réflexion qui précède les décisions, de la valeur des arguments en présence et de la qualité des débats. Dans tous les cas, les questions doivent être posées et débattues avant de démarrer les actions, celles du projet personnalisé comme celles du projet d’activités et le processus global de travail doit être conçu et pratiqué de façon à permettre le suivi, l’évaluation et les réajustements entre les deux. C’est à ces conditions que leur articulation pourra se concrétiser.

2. LA CONSTRUCTION MÉTHODOLOGIQUE DU PROCESSUS DE TRAVAIL Comme il convient de le faire pour n’importe quel type de projet, une fois ses bases posées, il est possible de passer aux étapes suivantes qui, progressivement, vont permettre l’élaboration et la concrétisation du projet. En effet, le projet est un « construit », il n’est pas donné et il n’est pas facile à réaliser. Beaucoup de paramètres sont à prendre en compte, qui conditionnent sa valeur, son intérêt et son évaluation. Dans l’exemple du groupe « Jardin d’enfants » de l’IME, les éducatrices ont distingué la méthodologie générale et la méthodologie d’action. Cette terminologie peut tout à fait être retenue mais il est possible de désigner les étapes autrement, par exemple : • axes et objectifs, • thèmes et activités, • objectifs généraux et objectifs spécifiques. Bien d’autres termes pourraient être utilisés. Ce qui est important, c’est que ce qu’ils recouvrent soit cohérent. Il s’agit d’abord de définir des principes plus globaux qui articulent le sens des actions avec les orientations principales découlant des problématiques repérées et des références théoriques puis de préciser les objectifs et activités qui vont assurer la concrétisation du projet. Ici donc, nous parlerons de « méthodologie générale » et de « méthodologie d’action ».

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Fiche 7 • Le projet d’activités

a La méthodologie générale Les éducatrices la présentent sous deux aspects, les finalités du projet liées aux dimensions de la problématique et les objectifs globaux.

Les finalités du projet liées aux dimensions de la problématique centrale du projet d’activités L’équipe les définit ainsi : Face aux problématiques énoncées ci dessus, les besoins et axes de travail vont se situer sur quatre pôles : le cognitif, moteur, affectif et social : Le pôle psychomoteur : les objectifs étant de développer chez l’enfant : l’équilibre, la coordination, la perception et la sensation de son corps, la latéralisation, la spatialisation et la structuration dans le temps. Le pôle psychoaffectif : tendant à favoriser l’épanouissement affectif et la régulation du comportement de l’enfant ; modifier les caractéristiques personnelles qui influencent le fonctionnement cognitif (image de soi, estime de soi, peur de l’échec ). Le pôle de la socialisation : tendant à développer l’autonomie personnelle de l’enfant, l’aider à entrer en relation avec les autres et à se situer dans l’environnement proche, dans sa famille. Ce pôle favorise également le langage et la communication et permet d’avoir un comportement adapté à la situation sociale rencontrée. Le pôle cognitif : cet axe cherchant à faire acquérir à l’enfant des stratégies cognitives, susciter le développement de savoirs et savoir faire nécessaires à un meilleur fonctionnement. Les multiples évaluations effectuées par notre équipe pluridisciplinaire (psychologue, orthophoniste, pédopsychiatre, psychomotricien, éducatrices) permettent d’estimer de manière globale le niveau de développement cognitif, social et psycho-affectif des enfants issus de notre groupe comme proche de celui de très jeunes enfants (environ 3 ans). La zone développementale sur laquelle nous nous devons donc d’intervenir se situe entre 2 et 4 ans et équivaut, si l’on se réfère à l’échelle développementale de Piaget, à deux stades primordiaux dans le développement de l’intelligence, qui sont : le stade sensori-moteur et le stade symbolique ou encore appelé pré-opératoire ou sémiotique. Nous proposerons donc des activités permettant aux enfants de mieux s’inscrire sur le plan sensori-moteur pour mieux évoluer vers un stade pré-opératoire.

Ce qui est indiqué ci-dessus est tout à fait essentiel. En relation avec les références théoriques choisies, le développement affectif, social et cognitif de l’enfant, les professionnelles ont pu repérer quatre axes de travail, chacun d’entre eux étant susceptible de se légitimer, de s’expliquer en regard de la théorie mais aussi en regard des observations concrètes venant des observations au quotidien. Ces axes majeurs permettent donc d’organiser l’action et de la structurer en domaines. Il y a plusieurs avantages à procéder ainsi : • Les représentations des troubles des enfants sont élaborées, elles sont moins dépendantes des émotions vécues, elles permettent une constitution des difficultés en tant qu’objets d’intervention susceptibles d’être traités en tant que tels. 92

Fiche 7 • Le projet d’activités

• Les actions et activités mises en place pourront être organisées de façon logique et cohérente, il y a rupture avec un certain amateurisme dans la construction des emplois du temps. • Les actions menées pourront être suivies et évaluées de façon plus effective afin d’être réajustées, il sera plus facile d’écrire les rapports ou notes de travail utiles pour le travail d’équipe et les réunions de bilans. • Enfin, le repérage de domaines permet de donner aux parents des explications plus précises et ordonnées. Les objectifs d’action ainsi que l’organisation des temps vont, dès lors, pouvoir se dégager de façon logique de ce qui précède.

Les objectifs globaux Les éducatrices les définissent ainsi : En termes d’actions nous nous devons de :

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• Proposer du contenu et développer des concepts et savoir-faire adaptés à cette tranche de développement (2-4 ans) ; • Identifier les fonctions cognitives déficientes chez les enfants ; • Aider à développer les fonctions cognitives nécessaires aux apprentissages des pré-requis correspondant à cette tranche d’âge ; • Permettre d’enseigner des concepts et savoirs adaptés nécessaires au développement intellectuel, affectif et social de la personne ; • Permettre d’enseigner des stratégies nécessaires au bon fonctionnement et à un apprentissage efficace ; • Permettre de développer des habitudes métacognitives ; • Travailler à atténuer le sentiment d’échec existant chez tous les enfants en difficulté d’apprentissage : – en les amenant à prendre confiance et conscience de leur potentiel et compétences, – en développant chez eux un désir d’apprendre et une motivation intrinsèque, moteur des apprentissages « restaurer son désir d’apprendre », – en retrouvant la confiance en ses propres capacités, en restaurant sa propre image et ses relations avec les autres. Il s’agira de travailler sur les besoins fondamentaux : • Un besoin de différenciation, d’identité, une conception de soi qui s’établit au fur et mesure qu’il expérimente, qu’il évolue ; • Un besoin d’exploration, d’élargissement de sa vision du monde, ceci lorsque les conditions de sécurité affective et de différenciation seront bien satisfaites ; • Un besoin de sécurité affective construite sur des élans d’autonomie et de dépendance liés étroitement aux états intérieurs. Les premiers « fabricants » de cette sécurité affective sont les parents.

Les objectifs présentés sont logiques en regard de ce qui précède : les dimensions de la problématique centrale. Ils sont de plusieurs ordres : • Sécurité affective 93

Fiche 7 • Le projet d’activités

• Apprentissage des connaissances de base • Élaboration de stratégies adaptées • Développement de l’identité propre Deux points sont particulièrement intéressants à relever dans ce projet d’activités, la conjugaison du singulier et du pluriel et la dialectique entre « dimension distincte » et « conduite globale ». Expliquons-nous. Singulier/pluriel

L’enfant, appréhendé pour lui-même, pour ce qu’il est en tant que personne singulière est également compris en tant que personne sociale intégrée à un ou plusieurs contextes. De ce point de vue, on observe une grande cohérence dans les objectifs qui, tous, relèvent de la généralité issue des références théoriques et pourtant s’adaptent très bien à la personnalité et à la situation de chaque enfant par le moyen de son projet personnalisé. Dimensions spécifiques/conduite globale

Les objectifs fixés sont d’ordres différents, les professionnelles distinguent bien les domaines social, affectif, cognitif et moteur. Cependant, les interdépendances entre eux sont constamment rappelées et même une sorte d’ordre logique est posé et, d’abord, la sécurité existentielle comme pré-requis prioritaire. Cette approche est très intéressante, elle montre qu’il est tout à fait possible d’articuler distinction et approche globale pour autant que l’esprit de précision reste ouvert aux autres perspectives.

Les méthodologies d’action Avant de présenter les activités concrètes qui vont constituer le « projet en actes », il est important de les situer en regard de deux données essentielles : les lieux et les temps selon lesquels elles vont s’organiser. Nous présentons ci-dessous ce qu’en dit le projet d’activités du jardin d’enfants. Les lieux

L’espace doit être sécurisant, stimulant, socialisant. Il est toujours organisé, esthétique, fonctionnel, évolutif au cours de l’année et au long des apprentissages. Certains espaces sont peu à peu aménagés avec les enfants. Il est important de faire prendre conscience aux enfants de l’utilité et du sens de chaque espace : ce qu’on y fait. Chaque espace doit être producteur de sens et d’organisation. Le matériel est choisi avec une véritable réflexion en termes d’apprentissages. Limiter la quantité de matériel et matériaux disponibles en veillant à conserver leur diversité.

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Espace bibliothèque

Espace graphisme et pré-graphisme

Espace peinture

Jeux d’imitation

Déguisement

Espace jeux

Espace regroupement accueil

Groupe N1 jardin d’enfant

Pourquoi faire ?

Développer son expression et sa créativité.

Communiquer, échanger, comparer. Découvrir et utiliser la matière, l’espace, les outils, les supports, les gestes.

Observer, imiter, imaginer, reproduire, jouer, trier, ranger, enrichir son lexique et sa syntaxe, enrichir son langage, s’exprimer à partir d’activités diverses (théâtre, mime, etc.)

Livres de bonne qualité, variés, en bon état.

peu de livre en début d’année complété peu à peu avec des livres lus.

Confort, calme, bon éclairage.

Retrouver des histoires connues, se les raconter, favoriser la lecture et les échanges.

Entrer en contact avec l’écrit : lire, échanger, communiquer.

Devenir autonome. Utilisation de gommettes, de pique, ardoise magique, papier de forme taille texture S’entraîner, enrichir, orienter, varier les gestes. varié, crayon, pastels feutres.

Matériel à proximité rangé fonctionnellement.

Plans horizontaux, verticaux, inclinés ; près d’un point d’eau.

Le matériel est ciblé et choisi pour son intérêt pédagogique.

Thèmes travaillés en cours d’année : travaux, écrits, affiches, musée du groupe.

Chaque enfant doit être assis confortablement avec un plan d’affichage visible par Se socialiser, parler, écouter, échanger, tous. apprendre, communiquer. Écrit fonctionnel : liste des enfants, inscription des présents, absents ; chronologie et déroulement de la journée (photos + écrits), anniversaires, prises en charge par les spécialistes ...

Bien délimité : table en rond + chaise individuelle. À chaque place est attribuée une photo pour que l’enfant puisse reconnaître et s’approprier son espace.

Comment ?

Tableau 7.1.

Fiche 7 • Le projet d’activités

Ordinateur, imprimante, logiciels et cd rom

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Espace salle de bain

Espace salle à manger

échanger, communiquer, manipuler, observer, essayer, apprendre

Plusieurs miroirs.

Chaque enfant passe au bain. Tous les jours après le repas brossage des dents.

Utilisé toute la semaine sur des temps prévus

Nursing pour les temps de bain.

Échanger, communiquer, manipuler, observer, essayer, apprendre.

Travailler autour du corps (image de soi, schéma corporel, estime de soi).

Développer l’autonomie.

Travail autour de l’hygiène.

Le reste du temps nous mangeons en salle à manger avec les autres enfants pour Travail autour de la tenue à table, des quantités, de la propreté travailler également l’intégration.

utilisées deux fois par semaine, mardi et mercredi.

Développer l’autonomie

2 groupes de tables de 4 places

Stimuler, manipuler, dessiner, déchirer découper, reproduire, classer, comparer, observer, trier, malaxer... Échanger, communiquer, manipuler, observer, essayer, apprendre.

Découverte de l’écrit, autonomie, oral et interactivité

Canalisation de l’attention

Travailler les concepts et les stratégies par l’abord d’autres supports

Travailler la coordination visio-motrice (manipulation souris)

1 adulte pour 3 enfants

tables/chaise permettant la mise en place des activités liées au projet de la classe : découpage, Groupe de tables et chaises pour les activités variées, liées au projet de la classe collage, modelage, puzzle, et apprentissage. encastrement, perles, pré-graphisme et graphisme orthophonie

Espace polyvalent :

Espace Tice (Technologie de l’information et de la communication pour l’éducation)

Tableau 7.1. (suite)

Fiche 7 • Le projet d’activités

Fiche 7 • Le projet d’activités

Les temps

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Le déroulement d’une journée doit être diversifié et bien identifié par les enfants. L’apprentissage de la vie passera par la régularité des événements où l’enfant apprendra à attendre sans se sentir oublié. Leurs rythmes lui permettent de s’orienter dans le temps. Grâce à des signaux les enfants s’approprient le rythme de la journée, savent ce qu’ils ont à faire ou ce qui se prépare. Il est nécessaire de penser à la façon dont on prévient les enfants du changement d’activité. Un tableau de planification de la journée est mis en place et exécuté tous les matins juste après le temps d’accueil, le soir un récapitulatif de la journée sera effectué en groupe afin de remémorer les temps forts de la journée. Chaque activité est représentée par le biais de photos prises avec les enfants afin que l’accès au sens soit à la portée de tous ; le petit bonhomme placé sur le fil défile sous chacune des activités tout au long de la journée, il souligne de façon concrète le temps qui passe, il indique à quel moment de la journée nous nous trouvons. C’est un repère qui rassure l’enfant. L’appel est une situation qui se répète quotidiennement le matin lors de l’accueil. Il fait partie de ces activités dites rituelles et s’inscrit dans le domaine du « Vivre ensemble », c’est une situation qui va permettre à l’enfant de s’affirmer comme une personne dotée d’une identité propre. C’est un moment qui doit être éducatif et ne pas devenir un rite.

La manière dont les éducatrices traitent la question de l’espace et du temps est intéressante à plus d’un titre. Ces deux données sont transversales aux activités, elles les précèdent, les accompagnent et existent également, en tant que telles, et produisent des effets de cohérence indépendants et liés aux activités elles-mêmes. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, les actions du projet ne se trouvent pas réduites aux seules activités programmées. Leur succession dans le temps est prévue selon un emploi du temps que l’on cherchera à réaliser de la façon la plus cohérente possible mais nous savons que des contingences institutionnelles (l’heure des repas, l’heure des raccompagnements par exemple) vont venir introduire des perturbations à l’intérieur des logiques issues des évaluations techniques. Nous savons également que les contraintes de personnel (heures de travail, moyens disponibles, gestion des obligations légales) vont aussi avoir un effet sur la mise en œuvre concrète des activités. En conséquence de ces aléas prévisibles, il est essentiel que le projet d’activités soit structuré par des données transversales qui lui donnent une cohérence qui dépasse les effets produits par les activités en les insérant dans des processus plus globaux. Cette articulation nécessaire entre activités précises, localisées dans le temps et l’espace et souci de cohérence des processus nous renseigne également sur l’évaluation. Si l’évaluation du projet d’activités était réalisée uniquement par l’évaluation cumulée des activités, l’essentiel des informations serait perdu. Les éducatrices, en valorisant des transversalités d’espace et de temps, indiquent la dépendance des effets des activités aux conditions de leurs environnements et de leurs contextualisations. Pour le dire de manière plus claire, nous dirons que l’accueil du matin ou bien la qualité de l’accompagnement durant les temps informels de vie commune (récréation, temps des repas...) créent 97

Fiche 7 • Le projet d’activités

les conditions d’un meilleur accrochage ou non aux activités elles-mêmes. Contester ces liens et ces interdépendances serait être très ignorant de la nature d’un processus éducatif qui s’inscrit et doit être inscrit constamment dans des temporalités-durée. Ici donc, ce souci est pris en compte de manière explicite et ce projet d’activités montre qu’il est absolument possible de coordonner un programme structuré d’activités dans un emploi du temps, avec une logique processuelle, ne rentrant pas dans une programmation et pourtant toujours présente de par les préoccupations transversales qu’elle introduit. Venons en maintenant aux activités proprement dites.

Les actions proposées Projet du jardin d’enfants Les activités qui concourent à l’acquisition de compétences spécifiques à chacun des domaines permettent également de développer des compétences transversales : attitudes face aux apprentissages, méthodes. La curiosité et l’envie de connaître, l’affirmation de soi, le respect des autres, l’autonomie sont autant de comportements qui sont sans cesse encouragés. L’attention, la patience, la concentration doivent régulièrement sous-tendre l’observation comme l’action. En s’habituant à mettre en jeu son activité de manière ordonnée (participation à l’élaboration du projet, aux tâches suggérées, à la réflexion sur l’action et son résultat ; repérage des informations pertinentes, organisation des données ; mémorisation des étapes de la séquence et des résultats obtenus...), l’enfant se dote d’une première méthodologie de l’apprentissage, et va ainsi améliorer le traitement des informations donc son fonctionnement cognitif.

Le projet d’activités du « Jardin d’enfants » est structuré en cinq grands domaines d’activités. Chacun est essentiel au développement de l’enfant et constitue un socle pour ses apprentissages futurs : • • • • •

langage, agir et s’exprimer, imagination et création, logique et apprentissages cognitifs, habiletés avec soi et les autres.

Ces cinq domaines représentent les axes majeurs selon lesquels le projet d’activités est pensé, écrit et se développe. En quelque sorte, ils constituent l’articulation entre les références théoriques et l’opérationnalité du projet. À titre d’exemples, nous indiquons synthétiquement dans les tableaux suivants les options retenues par les éducatrices.

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Fiche 7 • Le projet d’activités

Le langage Dans l’appropriation active du langage oral se développent des compétences décisives pour tous les apprentissages : comprendre la parole de l’autre et se faire comprendre, se construire (construire sa pensée) et se protéger, agir dans le monde physique et humain, explorer les univers imaginaires... En s’ouvrant ainsi aux usages et fonctions du langage, l’enfant acquiert une langue, le français, qui lui permet non seulement de communiquer avec ceux qui l’entourent, mais aussi d’apprendre et de comprendre le monde dans lequel il vit. Le langage s’exerce d’abord à travers l’expérience quotidienne, mais ses fonctions plus complexes se découvrent aussi dans des situations organisées qui permettent à chacun de découvrir, de structurer des manières neuves de comprendre la parole d’autrui ou de se faire comprendre. Les trois domaines de compétences travaillés en permanence sont : • Une compétence de communication Permettre à chaque enfant de participer aux échanges verbaux de la classe et inscrire les activités de langage dans de véritables situations de communication • Une compétence concernant le langage d’accompagnement de l’action (langage en situation) Faciliter l’acquisition des usages les plus immédiats du langage : comprendre les énoncés qu’on leur adresse pourvu qu’ils soient « en situation », c’est-à-dire directement articulés avec l’action ou l’événement en cours. • Une compétence concernant le langage d’évocation Apprendre à se servir du langage pour évoquer des évènements en leur absence : évènements passés, à venir, imaginaires.

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Agir et s’exprimer L’action motrice est un support important de construction des apprentissages. C’est à cette période de l’enfance que s’élabore le répertoire moteur de base composé d’actions fondamentales : des déplacements (marcher, courir, sauter...), des équilibres (se tenir sur un pied...), des manipulations (saisir, tirer, pousser...), des lancers, des réceptions d’objets.... Le groupe doit offrir à l’enfant l’occasion d’élargir le champ de ses expériences dans des milieux et des espaces qui l’aident à mieux se connaître et à développer ses capacités physiques, qui l’incitent à ajuster et diversifier ses actions, qui lui offrent une palette de sensations et d’émotions variées, lui procurent le plaisir d’évoluer et de jouer au sein d’un groupe. C’est dans cette perspective qu’il est amené à explorer et à se déplacer dans des espaces pensés et aménagés par l’éducateur et les spécialistes, à agir face aux obstacles rencontrés en comprenant progressivement ce qu’est prendre un risque calculé, à réaliser une performance que l’on peut mesurer, à manipuler des objets pour s’en approprier ou en inventer des usages. Il apprend aussi à partager avec ses camarades des moments de jeux collectifs, de jeux dansés et chantés. Toutes ces compétences sont construites à travers la pratique d’activités physiques qui contribuent à orienter les efforts des enfants et à leur donner sens : « sauter le plus loin possible » (activités athlétiques) est différent de « sauter d’un engin pour retomber sur ses pieds » (activités gymniques).

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Fiche 7 • Le projet d’activités

Ces expériences l’amènent à exprimer et à communiquer les impressions et les émotions ressenties. Les activités prévues sont les suivantes : • • • • • • •

Parcours psychomoteur et sport Danse Les Vêtements L’objet fantôme Les bulles Petits sachets Les cordes

Imagination et création Chez le jeune enfant, la sensibilité et la compréhension, l’imagination et l’intelligence rationnelle restent encore intimement liées. Elles ne se distinguent que progressivement. À l’âge où l’intelligence sensible joue un rôle central, les activités de création et les pratiques artistiques doivent être particulièrement développées. Elles ne sont pas seulement des moyens d’expression et de découverte, elles ouvrent des voies pour s’approprier les connaissances, explorer de nouveaux rapports avec les autres et avec le monde. Les activités de créativité encouragent et développent les langages d’expression qui mobilisent le corps, le regard et le geste. L’éducateur installe les conditions propices à des expériences à la fois ludiques et fonctionnelles et à des réalisations concrètes. L’enfant doit pouvoir chercher, inventer, transformer, exprimer, éprouver le plaisir de la création. Dans les réalisations, une part importante est laissée à la spontanéité et à l’imagination. Les échanges oraux autour des démarches et réalisations, qui sont valorisés, permettent la mise en mots de l’expérience et aident à établir les relations entre les sensations éprouvées et les effets produits. Pour aider l’enfant à progresser dans son expression et à préciser ses intentions, nous devons aussi lui proposer des situations qui le conduisent progressivement à l’acquisition de savoir-faire. Il peut ainsi découvrir et s’approprier de nouvelles manières de procéder, des moyens techniques qui élargissent sa manière personnelle de faire. Il peut réinvestir les techniques qu’il met au service de ses tentatives et de son projet. En construisant des réponses diversifiées, il apprend à affiner son regard et son jugement. Les activités proposées sont : • L’atelier créativité/arts plastiques • Les déguisements • Les activités pré-graphiques

Logique et apprentissage cognitif Les activités proposées dans ce domaine se centrent essentiellement sur les fonctions déficitaires nécessaires au traitement de l’information (attention, observation, concentration, prise d’information pertinente, mise en place de savoir et savoir-faire, stratégie et méta-stratégie, anticipation planification etc.) ainsi que l’enseignement de concepts de type pré-scolaire. Dans ces situations, grâce à des expériences faciles à mettre en œuvre présentées sous la forme de jeu, l’enfant apprend à formuler des interrogations plus rationnelles, à anticiper des situations, à prévoir des conséquences, à observer les effets de ses actes, à construire

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Fiche 7 • Le projet d’activités

des relations entre les phénomènes observés, à identifier des caractéristiques susceptibles d’être catégorisées. Il s’essaie à raisonner. Bref, il expérimente les instruments du travail intellectuel qui permettent de décrire la réalité, de la quantifier, de la classer ou de la mettre en ordre, en un mot de la comprendre. Les activités suivantes sont mises en place : • Les couleurs • Le puzzle • L’informatique

Autonomie et socialisation

Lorsqu’il entre en institution, l’enfant a souvent été le sujet privilégié d’attentions centrées sur sa personne. Il s’affronte maintenant à un monde nouveau dans lequel d’autres enfants réclament les mêmes soins, un monde dans lequel les adultes sont tout à la fois attentifs à ses attitudes ou ses actions et distants face aux exigences qu’il manifeste. Un parmi d’autres, il doit apprendre à vivre avec des enfants qui ont autant de difficultés que lui à trouver les repères leur permettant de comprendre les comportements des adultes, particulièrement lorsqu’ils manifestent leur autorité ou, au contraire, les laissent libres de leurs actes. C’est dans cet univers nouveau et contraignant que chaque enfant doit apprendre à éprouver sa liberté d’agir et à construire des relations nouvelles avec ses camarades comme avec les adultes. Il forge ainsi les points d’appui d’une personnalité qui, à cet âge, ne cesse de se chercher. Il découvre qu’on peut apprendre non seulement à vivre avec d’autres, mais aussi à échanger et coopérer avec eux, tout en construisant sa place au sein de la collectivité de la classe ou même de l’institution. Le passage d’une communication centrée sur des attitudes ou des comportements quelquefois agressifs ou, au contraire, résignés, à une communication inscrite dans un usage aisé du dialogue est certainement un des objectifs importants du domaine d’activités « Vivre ensemble ». La vie du groupe permet de créer toutes les occasions de faciliter le développement de compétences de communication verbale.

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Apprendre à « vivre ensemble » est l’un des principaux objectifs que notre groupe offre à chaque enfant. Grâce aux multiples relations qui s’y établissent, dans les situations de vie quotidienne comme dans les activités organisées, l’enfant découvre l’efficacité et le plaisir de la coopération avec ses camarades. Il apprend aussi que les apports et les contraintes du groupe peuvent être assumés. En trouvant la distance qu’il convient d’établir dans ses relations à autrui, il se fait reconnaître comme sujet et construit progressivement sa personnalité. Nous devons aider l’enfant à identifier et comparer les attitudes adaptées aux activités éducatives , aux déplacements et aux situations collectives, au jeu avec quelques camarades ou pratiqué individuellement. Nous le conduisons à prendre conscience des repères sur lesquels il peut s’appuyer et des règles à respecter dans chaque cas, mais aussi des façons d’agir et de s’exprimer qui lui permettront de mieux vivre ces diverses situations. Les activités développées seront : • Habile avec soi : le repas, la toilette, l’habillage ; • Habile avec les autres : vivre ensemble, les sorties extérieures.

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Fiche 7 • Le projet d’activités

Chaque activité proposée en fin de tableau obéit à la même logique. Un document écrit est réalisé qui précise le contenu de l’activité. Pour des raisons de place dans cet ouvrage, nous ne pouvons pas présenter tous ces « projets d’action » qui constituent le cœur du « projet d’activités » mais il nous est possible d’en mentionner le plan. Chaque action fait donc l’objet d’un écrit qui respecte le plan suivant : Description de l’activité ↓

Conditions de mise en œuvre ↓

Objectifs ↓

Variante ↓

Supports de formalisation écrite ↓

Critères et modalités d’évaluation Reprenons les caractéristiques de ce projet d’activités en essayant de bien mettre en évidence son organisation logique et cohérente qui doit absolument être le principe de sa réalisation. Nous avons vu que l’idée du projet s’est formée à partir de la mise en évidence d’une suffisante homogénéité de problématique pour qu’elle justifie que l’on regroupe les enfants au sein d’un ensemble qui permette une potentialisation réciproque des projets personnalisés. Le projet d’activités se fonde donc sur une communauté de problématique. Le second aspect à prendre en considération est celui des références théoriques. Il ne peut y avoir de projet d’activités sans elles. Ce sont ces références qui permettent de reconnaître les traits communs des problématiques des enfants et ce sont elles également qui vont faciliter l’identification des axes de travail. Ces axes représentent les articulations indispensables entre les références théoriques qui sont générales et le champ des actions, de l’opérationnalité qu’il faut investir avec des propositions d’actions et d’activités pertinentes. Ces axes de travail, une fois définis, ouvrent sur des objectifs globaux puis des activités spécifiques ayant elles-mêmes des objectifs plus précis utiles pour le suivi des actions et l’évaluation des effets produits. Le processus global du projet d’activités peut alors se schématiser ainsi :

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Fiche 7 • Le projet d’activités

Étapes du projet d’activités Problématiques suffisamment communes

Références théoriques

Axes de travail

Objectifs globaux

Activités spécifiques

Objectifs précis, opératoires

Suivi des actions

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Évaluation des effets produits

Commentaires Étape qui nécessite une grande qualité des observations recueillies de façon pluridisciplinaire et travaillées en équipe. Le lien avec les projets personnalisés est fait. Elles sont indispensables et viennent fonder l’évaluation des problématiques et fournir les orientations pour choisir les axes de travail. Ils constituent l’articulation, la charnière entre la théorie et la pratique. Les axes doivent pouvoir être compris et logiques en regard des références et des objectifs. Ils se définissent à partir des axes et précisent encore davantage les buts qui seront poursuivis dans l’opérationnalité des actions spécifiques du projet. Elles sont les moyens concrets employés pour atteindre les objectifs globaux. Les activités sont toujours des hypothèses, on pense qu’elles seront utiles. Ils définissent ce que l’on se propose d’atteindre au moyen des activités. Les objectifs spécifiques sont toujours actualisables dans les projets personnalisés. Les activités étant pensées comme des hypothèses, il est indispensable de suivre les réalisations de façon attentive pour procéder aux réajustements qui seraient nécessaires. L’évaluation exploite les données issues du suivi ainsi que de l’ensemble des supports écrits utilisés pour repérer les effets produits et permettre une appréciation des activités

Ce n’est qu’à la condition de remplir l’ensemble de ces étapes qu’un « projet d’activités » pourra mériter son nom et être considéré comme l’une des figures du « projet éducatif spécialisé ». Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, d’autres appellations peuvent être utilisées mais l’essentiel est que le contenu des étapes soit pris en compte et que l’on puisse absolument comprendre la logique de leurs enchaînements. C’est en procédant ainsi que le travail de projet se technicise et se professionnalise, en lieu et place de considérations souvent trop générales, passe-partout, rendant impossible toute cumulation des observations et tout processus de compréhension référé, ce qui irait complètement à l’encontre des préconisations contenues dans les textes législatifs et dans les recommandations de bonnes pratiques publiées par l’ANESM.

3. LES ASPECTS TRANSVERSAUX Deux aspects importants du projet d’activités restent à évoquer, le travail avec les familles et l’évaluation. 103

Fiche 7 • Le projet d’activités

a Le travail avec les familles ou le tuteur légal L’association des parents ou du représentant légal est devenue une obligation formelle depuis les lois du 2 janvier 2002 et celle du 11 février 2005. Au-delà de cette obligation, la compréhension des familles et leurs contributions sont essentielles pour la réussite du projet d’activités. Le projet du Jardin d’enfants envisage cette coopération sous les formes suivantes : visites au domicile de la famille en fonction des besoins, lecture du cahier de liaison tous les soirs et signature demandée du cahier, appels téléphoniques possibles réciproquement en fonction des besoins, visites des parents prévues pour rencontrer les spécialistes ou parler d’un problème précis, • réunion annuelle des parents, • réunions et comptes-rendus d’avant et d’après synthèse (présence des parents souhaitée). • • • •

Rappelons-nous que la sécurité existentielle des enfants est une condition incontournable de leurs progrès sur les autres aspects du développement, social, affectif et moteur. L’enfant lui-même est associé à son projet par les éducatrices qui s’assurent de sa compréhension de l’utilité des activités entreprises pour lui et avec lui. Il est tout aussi nécessaire, non seulement d’associer les parents mais bien de les intégrer, à leur place de parents, comme acteurs des projets dans lesquels leurs enfants se trouvent engagés. b L’évaluation des activités L’évaluation des activités doit être prévue par le projet. Le projet du Jardin d’enfants la conçoit ainsi. Des grilles d’évaluation regroupées sous formes de livrets permettront de vérifier si les compétences sont acquises pour chaque enfant. Ce livret est constitué pour chaque enfant. Il se présente sous forme d’indicateurs correspondant aux compétences et contenus nécessaires au bon développement psychologique de l’enfant. Ce livret, individuel, rassemble les bilans annuels des compétences évaluées, les observations relatives aux travaux fournis. Ce livret sera présenté aux familles, selon leur demande. Il reste un outil permettant d’évaluer les divers apprentissages cognitifs, le comportement et le développement affectif. Dans ce livret, pour tous les exercices proposés, il est fait référence à la compétence évaluée (rappel de l’item). Pour évaluer les compétences, il est nécessaire d’observer l’enfant dans plusieurs situations d’apprentissage ou d’évaluation tout au long de l’année. Ce livret renseigne sur le niveau des enfants, il guide et structure l’élaboration des projets personnalisés et projet de groupe ; il permet de recueillir toutes les données et progrès effectués depuis l’entrée dans l’établissement jusqu’à la sortie. En parallèle, dans le cadre des bilans, un logiciel d’évaluation appelé « contrôle des acquisitions » est utilisé. Ce logiciel informatique élaboré par un psychopédagogue a été créé pour notre institution. Utilisé systématiquement pour les bilans d’observation et avant chaque synthèse (une fois par an), cet outil me permet de retenir et quantifier les résultats pour 195 items. Chaque

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Fiche 7 • Le projet d’activités

réponse de l’enfant, est enregistrée et restituée de manière quantitative à travers des moyennes et des courbes de niveau. Nous pourrons ainsi suivre la progression d’un enfant au fil des années. C’est un outil qui permet de repérer par l’usage : • la maîtrise des concepts pré-scolaire (données spatiales, temporelles, construction du nombre) ; • l’organisation de la logique et des opérations mentales (observation, concentration, comparaison, discrimination visuelle, perception des couleurs, rythme, image complémentaire et intrus...) ; Cet outil n’est pas un test psychologique : il ne renseigne pas sur le niveau intellectuel d’un enfant mais donne des informations supplémentaires et des repères quant à ses compétences, apprentissages et à son évolution dans le domaine des connaissances. Cet outil ne prend en compte que la sphère cognitive. Il a l’avantage d’être présenté sous forme de jeux informatiques ce qui stimule l’intérêt de l’enfant, sa curiosité. Il canalise son attention et lui permet de rester attentif plus longtemps sur une tâche. De même, il permet « d’évaluer » sans que l’enfant ait le sentiment d’être « jugé » ; par le biais du jeu la problématique d’échec tend à disparaître et il arrive souvent que l’on constate par le biais de cet outil des progrès qu’on n’avait pas pu « évaluer » par le biais des autres grilles d’observation. Car l’enfant jouant laisse « tomber ses défenses » et libre de son anxiété et du désir de réussite ou de la peur de l’échec, montre alors souvent ses réelles compétences. Le passage à l’écrit dans la rédaction des synthèses ou des bilans est également un moyen de mesurer les actes de prise en charge et de vérifier s’ils ont été bénéfiques ou pas pour le sujet.

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La question de l’évaluation est importante. Il ne s’agit pas ici de l’évaluation au sens de la loi de 2002 et des recommandations de l’ANESM mais des questions semblables restent présentes. L’ensemble de notre propos, depuis le début de cet ouvrage et les exemples pratiques que nous avons présentés, montre que les projets les meilleurs sur le papier vont être activés, agis et mis en œuvre par des pratiques. En particulier, nous avons pu noter la co-existence quasi constante de deux ingrédients d’un projet : • sa structure, • sa dynamique. Les deux sont indispensables mais représentent pour l’évaluation une difficulté. En effet, les outils ne seront pas les mêmes pour apprécier l’existence et la pertinence d’une structure ou la qualité d’un processus dynamique. Il paraît clair qu’une structure se définit d’abord par son objectivité, par son existence en dehors des représentations que peuvent en avoir les acteurs. Si nous poursuivons notre raisonnement vers l’évaluation, nous dirons qu’une structure doit pouvoir être objectivée pour être appréciée en regard de sa conformité au projet tel qu’il a été défini, en particulier lors de l’étude de faisabilité. Les outils seront alors plutôt des outils de mesure, de contrôle que l’existant correspond bien au projet. Il en va tout autrement de l’aspect dynamique qui se caractérise davantage par un mouvement, par une incertitude constante sur ce qui va se passer 105

Fiche 7 • Le projet d’activités

puisque nous ne sommes jamais en mesure de décrire ou de quantifier à l’avance les forces qui vont se déployer ou non à l’intérieur d’un processus de projet. Les investissements réalisés par les acteurs, leurs motivations, celles des usagers, qu’il s’agisse des enfants ou de leurs familles, sont imprévisibles puisque tributaires essentiellement des interactions entre les personnes. Et cela, nous pouvons essayer de le comprendre mais certainement pas de le mesurer : ce serait aller au devant d’une impasse conceptuelle et pratique. Les outils seront nécessairement différents, ils feront appel au témoignage plutôt qu’à la preuve. Ils seront l’observation, le récit, les traces écrites reprises et comprises dans leur continuum et le discours des personnes concernées et impliquées dans les activités du projet. Réfléchissons-y bien : que vaudrait une évaluation très satisfaisante des progrès d’un enfant si celui-ci ou sa famille les contestent ou estiment qu’ils ont produits des conséquences négatives sur d’autres aspects de la vie de l’enfant ? Il apparaît évident que l’évaluation, ici — au contraire de celle de la structure du projet — devra prendre en compte les éléments subjectifs sous peine de se tromper lourdement sur les effets produits par le processus dynamique du projet et pas seulement par les aspects visibles et descriptibles. Tout dispositif d’évaluation devra donc comporter ces deux volets méthodologiques : • Appréciation de la structure du projet • Appréciation de sa dynamique Lorsque les deux perspectives auront été traitées pour ce qu’elles sont, avec leurs caractéristiques propres, il sera évidemment possible de rapprocher les données pour construire une évaluation globale et cohérente. Pour clore ce chapitre consacré au « projet d’activités », nous présentons ci-dessous un emploi du temps type du groupe « Jardin d’enfants » pour permettre au lecteur de voir comment, au final, les activités s’organisent concrètement en tenant compte de l’ensemble des données et contraintes présentes.

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107

15h40

14h50 à 15h40

14h45

14h10 à

13h30/14h

12 à 13h30

11h30/12h

10h50 à 11h30

10h à 10h40

9h à 10h

Mardi

Mercredi

Psychomotricité (parcours moteur) Danse

Repas en salle à manger

Repas sur le groupe

Repas en salle à manger

Orthophonie

(qu’y a-t-il dans le sac ?) + bain

Jeux sensori-moteurs

Atelier histoire / video

Jeux symboliques

Déguisement

Marionnettes

Récapitulation de la journée et préparation au départ

Chant/ comptines

Orthophonie

Passage aux toilettes - brossage des dents - Recréation

Repas sur le groupe

Recréation

Pâte à modeler ...

Peinture

Argile

+ bain Sortie

Atelier créativité

Objet fantôme / Bulles +bain

Jeudi

Accueil sur les groupes - Effectif-gouter - tableau de planification (emploi du temps du jour)

Corps : les vêtements

Lundi

Tableau 7.2. Emploi du temps groupe jardin d’enfant N1 2009- 20010

Sport

Repas en salle à manger

Motricité fine + bain

Prégraphisme

Je vois +bain

Jeux cognitifs : les couleurs

Vendredi

Fiche 7 • Le projet d’activités

LA CONDUITE DU PROJET

En début d’ouvrage, nous avons donné une définition de l’expression « Projet éducatif spécialisé » qui est la suivante :

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Un projet éducatif spécialisé est une construction multiréférencée de finalités, d’objectifs et de moyens qui, à partir d’une évaluation plurielle de situation, propose une organisation réfléchie des réponses éducatives aux attentes et besoins des personnes accueillies ou accompagnées dans la perspective de leur vie avec les autres.

Cette définition contient trois éléments indiquant un mouvement. Le projet est une « construction » donc, il n’existe pas et va être réalisé par un processus de travail. Il se construit « à partir », ce qui indique clairement qu’il a un point de départ. Et il s’élabore « dans la perspective », ce qui veut dire qu’il tend vers un but. L’idée de mouvement est consubstantielle de la notion de projet et entraîne une conséquence méthodologique et pratique incontournable : le projet devra être conduit, piloté tout au long du processus d’action et il devra également être évalué. Ce qui revient à dire que le projet ne détient pas de sa seule valeur intrinsèque le pouvoir de se prolonger en bonnes pratiques. Un « bon » projet n’entraîne pas nécessairement de « bonnes » pratiques. Encore lui faut-il être animé et conduit de manière adaptée. Or, il se trouve que la conduite ou le pilotage d’un projet éducatif spécialisé obéit à peu près aux mêmes règles que tous les autres projets. Il se développera au travers de procédures et de processus, termes qu’il faut définir et distinguer pour pouvoir, dans un deuxième temps, mettre en évidence leurs liens et interdépendances. Dans un ouvrage précédent, nous définissions ainsi les termes employés : « Une procédure, c’est une "manière de faire" codifiée, définie à l’avance et pour laquelle on connaît précisément les passages obligés. Les procédures sont donc beaucoup plus proches du contrôle que de l’évaluation. Une procédure doit être mise en place par l’établissement ou service lorsqu’il doit répondre à une obligation réglementaire ou administrative, ou bien à un impératif lié à la sécurité ou à l’hygiène. Il est clair que certaines pratiques relèvent de "bonnes 109

LA CONDUITE DU PROJET

procédures", il est possible de les identifier et de légitimer leur caractère de procédures. "Processus", en latin, veut dire "Progrès". Il y a donc dans ce terme une notion de mouvement, de progression, de développement qui n’est pas présente dans le terme "Procédure". Pourtant, un processus est un enchaînement de phénomènes, d’actions, qui ne se déroulent pas dans n’importe quel ordre. L’idée d’ordre est présente, mais sans la référence à des normes. En quelque sorte, un processus d’action doit être repérable à partir d’une logique d’action perceptible et compréhensible, tout en considérant les aléas liés aux personnes, aux différents vécus des situations, aux configurations toujours singulières des situations concrètes et à l’advenance "d’on ne sait où" de la surprise. Nous reconnaîtrons par le terme "processus", toutes ces actions qui, sous-tendues par un sens, une ou des significations, ne peuvent être réduites à des procédures1 . »

En ce qui concerne la conduite du projet personnalisé, il apparaît clairement que les deux concepts sont nécessaires pour l’envisager de façon concrète car, en effet, il est absolument indispensable que le procès de travail soit structuré par des procédures et entendu aussi comme processus, plus souple et donc capable d’absorber les aléas de ce qui adviendra du fait des interactions et rétroactions propres à toutes les pratiques humaines et sociales. Nous allons maintenant les étudier séparément mais sans oublier que ces deux aspects ont chacun leurs différences et leur utilité.

1. Jacques PAPAY, L’évaluation des pratiques dans le secteur social et médico-social, Vuibert, 2009, 2e édition

110

Les procédures de travail

8

Quatre types de procédures sont à mettre en évidence et à décrire : le programme, les écrits, les tableaux de bord et les logiciels de projet.

1. L’ORGANISATION DES ACTIONS EN TEMPORALITÉS : LE PROGRAMME

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Comme nous l’avons vu à propos du projet personnalisé, du projet d’activité et du projet d’action spécifique, tout projet doit se concrétiser dans un programme, sinon, il reste au rang des intentions généreuses mais générales et détachées du réel. S’il s’agit de cela, ça ne nous intéresse pas. La programmation dans le temps est une gageure. En effet, elle tente de faire entrer dans le temps chronologique, celui de l’horloge, des réalités d’un tout autre ordre, beaucoup plus affectives et subjectives, ces dernières se rattachant plutôt aux temporalités vécues. Pour autant, l’organisation est indispensable car, si les actions ne sont pas organisées, programmées, il n’y aura aucune possibilité de coordonner les interventions des uns et des autres. Ce seraient alors les caractéristiques personnelles et les rapports d’influence qui seraient au principe de l’organisation, ce qui n’est pas souhaitable pour des projets d’action cohérents que l’on souhaite centrés sur leur objet : la qualité des réponses données aux personnes en situation de difficulté. Il faut donc considérer le programme pour ce qu’il est, une tentative de rationalisation utile, indispensable mais insuffisante. Et, pour le programme comme pour d’autres aspects, c’est malgré tout dans ces conditions-là qu’il faut avancer. La régulation sera la forme selon laquelle les pratiques pourront être interrogées, elle permettra leur réajustement chaque fois que nécessaire en fonction des observations réalisées. Les documents qui porteront les indications du programme, les emplois du temps, par exemple, peuvent concerner des temporalités différentes et ne s’excluent pas réciproquement. Ils peuvent être : • • • •

journalier, hebdomadaire, mensuel, annuel.

Bien entendu, le choix des périodes de temps à programmer se fait en fonction des objectifs et de la problématisation de situation institutionnelle.

Fiche 8 • Les procédures de travail

Plus l’amplitude de temps est importante (un an) et plus il faut s’assurer du caractère réaliste de ce qui est envisagé en fonction de la disponibilité des moyens à l’intérieur de l’établissement ou service. Les exemples de projets que nous avons analysés en seconde partie — le projet personnalisé de Mélissa, le projet par objectifs spécifiques de l’équipe de Prévention spécialisée et le projet d’activité de l’IME de Montriant — sont organisés par un programme. Pour le projet personnalisé, deux types de temporalités sont à relever. Les premières sont fixées avec des échéances liées aux objectifs qui le demandent. Rappelons-nous bien que tous les objectifs ne relèvent pas d’échéances précises, cela dépend de leur nature. La seconde temporalité est celle qui fixe la périodicité de la réévaluation du projet. Dans le cas considéré, elle est annuelle et, d’une façon générale, on peut dire que l’annualité de la révision des projets personnalisés est une bonne temporalité, suffisamment longue pour pouvoir apprécier des effets et suffisamment rapprochée pour permettre un suivi attentif et régulier. Notons également que cette temporalité facilite le travail du référent qui sera mieux soutenu. Le programme apparaît donc comme une nécessité, il a une fonction d’organisation mais il ne faut jamais oublier que le sens du projet et son contenu vont sans cesse déborder du cadre prévu. Cette contradiction ne doit pas être vécue comme un obstacle à l’action (ce serait croire que les processus vivants sont entièrement rationalisables) mais au contraire reconnue comme constitutive des situations de travail. Dans le cas du projet par objectifs spécifiques, il est clair que le commanditaire fixe des temporalités. Le cahier des charges qui a été approuvé par l’association qui gère l’équipe prévoit un renouvellement d’habilitation au bout de cinq ans et des rapports intermédiaires annuels. Sans que cela soit dit très clairement, l’atteinte des objectifs fixés pourra conditionner le renouvellement de la convention. Or, les professionnels vont avoir à gérer les situations concrètes qui ne se laisseront pas réduire à un format abstrait et indifférencié. Il est donc tout à fait essentiel que les acteurs de terrain définissent des sous-objectifs et des temporalités qui leur seront adaptés. Ainsi, deux temporalités fonctionneront : la première, institutionnelle et formelle et la seconde plus technique et qualitative. Bien entendu, il doit y avoir des correspondances de sens entre les deux. Les échéances formelles doivent être alimentées par les données techniques et concrètes venant du terrain. Ce qui revient à dire que les rapports transmis au commanditaire devront faire le point sur les avancées des sous-objectifs et permettre d’établir des liens avec les objectifs de la commande initiale. Le programme consiste bien à repérer précisément toutes ces temporalités et à les situer de manière cohérente. Enfin, en ce qui concerne le projet d’activité, les temporalités sont de trois ordres : individuel, thématique et global. Chaque enfant est inscrit dans sa propre temporalité et son projet personnalisé en témoigne. Le programme d’activité est individualisé, c’est-à-dire que l’emploi du temps de chaque enfant est clairement repérable au sein du 112

Fiche 8 • Les procédures de travail

projet global. Il doit être possible de repérer les activités de chaque enfant par journée et par semaine. Le projet global contient des sous-thèmes spécifiques qui, eux aussi, se développent selon des chronologies différentes. Elles doivent être identifiables et leur cohérence doit toujours être établie avec le projet d’ensemble et les échéances des projets personnalisés. Évidemment, il apparaît clairement qu’il y aura des discordances puisque l’organisation en programme ne peut prétendre tout contrôler ni tout prévoir, mais il sera alors essentiel de repérer ces discordances, de les comprendre et de les apprécier dans un processus continu de questionnement ayant pour objectif l’amélioration constante de la qualité, ce que demande l’ANESM et qui constitue le cœur de l’évaluation sociale et médico-sociale1 . Les sous-thèmes seront organisés selon des programmes cohérents avec les objectifs et sous-objectifs définis. Quant au projet global d’activité, nous pouvons dire qu’il se réalisera sur la base de l’exploitation des données venant des projets personnalisés de tous les enfants et des évaluations régulières des sous-thèmes spécifiques. La périodicité de son évaluation et de sa réactualisation doit être annuelle et son organisation générale doit pouvoir être lisible sur cette période.

2. LES ÉCRITS LIÉS AU PROJET Chaque type de projet éducatif spécialisé doit être accompagné de documents écrits, et cela, avant la mise en œuvre des actions, pendant le processus pratique et après sa réalisation si une telle temporalité existe.

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a Avant l’action Il ne peut y avoir de projet valide sans qu’un document écrit ne soit réalisé avant la mise en œuvre des actions. Nous avons pu voir dans les chapitres précédents que ce premier document comportait nécessairement plusieurs parties clairement identifiées et devant avoir entre elles une cohérence perceptible par un lecteur extérieur et utile pour l’ensemble des professionnels impliqués. Les exemples que nous avons présentés sont des propositions permettant de situer le niveau d’exigence pertinent. De toute façon, il faut que les documents écrits soient validés selon une procédure qui sera définie dans le projet d’établissement. La question de savoir quelle est l’instance pertinente ne sera pas traitée dans cet ouvrage car nous estimons que c’est aux professionnels de choisir, choix qui devra être lui-même validé par le directeur de l’établissement ou service puisque, au final, c’est lui qui en endossera la responsabilité devant le conseil d’administration ou les autorités de contrôle.

1. La conduite de l’évaluation interne, in Recommandation de bonnes pratiques, ANESM, juillet 2009

113

Fiche 8 • Les procédures de travail

b Pendant le processus Les notes, documents ou traces écrites devant être réalisées durant le processus d’action sont décrites, prévues et leurs échéances fixées dans le texte du projet initial au chapitre des modalités de réévaluation et de réactualisation du projet. Ces écrits intermédiaires sont essentiels et nous pouvons dire que s’ils sont rares ou insuffisants sur le plan qualitatif, ce sera la qualité globale du projet qui en sera affectée. Il est utile de compléter le propos par certaines précisions. Il faut soigneusement distinguer ce qui relève des notes personnelles par rapport aux notes et documents de travail. Nous ne parlons ici que du second type d’écrit. En effet, les notes personnelles, par définition, restent des documents propres à chacun qui en reste complètement possesseur. Donc, nous n’envisageons pas d’organiser les « notes personnelles » mais les « notes de travail ». Ces notes, nous le disions, sont prédéfinies par le document initial du projet. La nature de l’écrit est connue, ainsi que son auteur, la fréquence de sa réalisation et les modalités de son utilisation. Le tableau 8.1 propose une mise en forme et permet à celui ou celle qui en sera responsable de rendre compte des conditions de réalisation des actions du projet et du rapport de synthèse final. c Après la réalisation Il peut s’agir de deux types de document écrit : un bilan ou une réactualisation. Tout projet valide, structuré sur le plan méthodologique a défini sa limite temporelle. Dans le cas d’un projet d’activité, la temporalité est généralement annuelle, dans le cas d’un projet thématique, elle est variable et se trouve définie dans le projet et dans le cas du projet personnalisé, il n’y a pas d’échéance finale, avec une butée, il ne peut s’agir que de réévaluation et réactualisation. Quel que soit le cas de figure, il doit y avoir un écrit. Un projet organisé et mis en œuvre ne peut rester sans traces, sans mémoire tangible de ce qu’il a été et de ce qui s’est passé lors de sa concrétisation. Ce qui semble essentiel, c’est que le bilan soit utile et pertinent en regard du projet. C’est toujours la cohérence des raisonnements qui doit être recherchée. Le projet initial est logique et cohérent entre ses différentes étapes, les écrits intermédiaires prennent sens et utilité en regard des finalités et objectifs et préparent les réévaluations plus globales. Enfin, les bilans de projet sont calés par rapport aux problématisations fondatrices, aux finalités choisies et aux objectifs retenus. Le bilan n’est pas un texte libre, c’est un écrit qui rend des comptes, qui explique et qui, éventuellement, présente des hypothèses de résultats. Mais tout cela, par rapport à ce qui était attendu.

3. LES TABLEAUX DE BORD Les tableaux de bord sont des outils extrêmement utiles pour disposer de visualisations globales permettant de saisir en même temps des données habituellement disparates. Ceci étant dit et selon un raisonnement maintenant 114

115 Selon les échéances du projet

Selon les échéances du projet

Sous la responsabilité d’un cadre, la personne désignée

Le responsable du projet aidé par les acteurs concernés

Rapport intermédiaire

Rapport final

Transmis au commanditaire et travaillé avec les professionnels engagés pour évaluer l’action

Transmis au commanditaire et travaillé avec les professionnels engagés pour évaluer l’action

Pour nourrir les contributions aux bilans qui serviront de base aux projets personnalisés

RAPPEL : Le texte du projet éducatif spécialisé doit mentionner explicitement toutes les formes de contributions nécessaires pour la qualité de la mise en œuvre du projet et des actions prévues. Il est clair qu’en l’absence de références écrites, c’est la validité de l’ensemble de l’élaboration qui serait mise à mal. D’autre part, si ces documents écrits sont insuffisants, les pratiques et les commentaires des uns et des autres ne peuvent se rattacher à un objet commun, l’écrit, qui constitue un médiateur des relations interpersonnelles et interprofessionnelles. Faute de ces médiations, une fois encore, ce seront les rapports de force et d’influence qui prendront le dessus au détriment de la technicité. De plus, ces écrits soutiennent les argumentations des professionnels lors des débats et confrontations.

D’autres types d’écrits seraient évidemment possibles, il ne s’agit pas d’établir une liste exhaustive mais de repérer quelques propositions.

Après chaque rencontre

Les professionnels engagés

Compte-rendu de rencontre avec la famille ou les tuteurs légaux

Pour préparer la réalisation des projets personnalisés et les réunions-projet

La personne en difficulté aidée éventuellement d’un professionnel

Projet de vie

Lors de l’admission et de l’accueil, réactualisé chaque fois que nécessaire et au minimum à chaque réactualisation du projet personnalisé

Le professionnel désigné

Rapport d’observation

Pour rédiger les évaluations intermédiaires des activités ou ateliers Pour la rédaction des contributions à la réunion projet et aux synthèses

Après chaque séance

Les animateurs d’ateliers ou d’activités

Compte-rendu de séance

Modalités d’utilisation Pour synthétiser hebdomadairement les observations sur le fonctionnement du groupe et à propos des enfants

Définie selon les objectifs poursuivis

Tous les soirs et chaque fois que nécessaire

Fréquence

Les éducateurs d’internat

Auteur

Cahier de liaison

Type d’écrit

Tableau 8.1.

Fiche 8 • Les procédures de travail

Fiche 8 • Les procédures de travail

bien connu, les tableaux de bord présentent une photographie, à un moment donné, de situations qui, par ailleurs, continuent de se développer dans des temporalités objectives (la chronologie) et subjectives (le temps vécu et éprouvé). C’est pour cela que nous proposons d’introduire une technique de réalisation des tableaux facilitant la double saisie, celle de l’instant et celle du « temps déroulé ». Nous distinguerons deux étapes, la première considère le tableau de bord de façon « horizontale » et la seconde de manière « verticale ». a La lecture horizontale Il s’agit de réaliser un tableau qui repère les rubriques essentielles à propos desquelles nous désirons obtenir des données. Il ne saurait s’agir de proposer des modèles-types car les tableaux de bord doivent être construits par les acteurs eux-mêmes et selon leurs projets et leurs choix, mais, à toutes fins utiles, nous présentons l’exemple suivant : Action

Objectifs

Moyens et temporalités

Observations et commentaires

Perspectives

Autres

Un simple tableau comme l’exemple présenté ci-dessus permet de resituer les conditions de mise en place du projet (colonnes 1, 2 et 3), de mentionner les observations et commentaires liés à sa réalisation concrète puis les perspectives pour la continuité et la cohérence des actions. La dernière colonne « Autres » est importante, elle permet de conserver la mémoire d’observations imprévues ou de mentionner des aléas intervenus durant la période considérée. En somme, cette colonne facilitera la compréhension globale du processus d’action. b La lecture verticale Nous proposons d’enrichir le tableau de bord d’une dimension supplémentaire de la façon suivante : Action

Objectifs

Moyens et temporalités

Observations et commentaires 21 janvier

Perspectives

Autres

10 février 15 mars 20 avril 12 mai 23 juin

Nous introduisons dans le tableau une nouvelle information, la chronologie. Ce qui nous permettra de rajouter au tableau horizontal des données plus 116

Fiche 8 • Les procédures de travail

processuelles. En procédant de la sorte, nous pouvons lire les informations et commentaires de deux façons, d’abord de manière instantanée, en considérant un moment spécifique et ensuite en prenant en compte l’enchaînement des observations de manière à les apprécier au sein du processus temporel qui les porte. Pour terminer sur ce point, il est important de dire que les tableaux de bord n’ont pas d’autres finalités que de permettre une visualisation synthétique des actions menées et des processus engagés. Ils ne dispensent pas de l’écrit. Au contraire, les tableaux doivent toujours être précédés d’un texte qui indique ce qui va suivre et le sens qu’on lui donne et suivis d’un autre texte qui exploite de façon plus conséquente et détaillée les données produites. Il est important de considérer les tableaux de bord comme des outils contributifs au raisonnement et au service de la qualité de l’exposé. L’écrit prime en regard des tableaux.

4. INFORMATIQUE ET LOGICIELS DE PROJET

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Il est important d’aborder la question de l’utilisation des outils informatiques à propos des projets sociaux ou médico-sociaux. En effet, l’informatisation se met en place et ne va cesser de se développer, ce qui comporte des risques tout à fait réels et importants mais également des opportunités très intéressantes dont on aurait tort de se priver. Resituons tout d’abord la question. L’informatique est présente dans le secteur social et médico-social depuis longtemps mais est restée de longues années cantonnée à l’espace strictement gestionnaire et comptable. Bien qu’il existe encore des institutions où le directeur continue de remettre les chèques de salaire « en mains propres », on a pu constater que, progressivement, le secteur SMS s’est modernisé dans ses procédures de gestion. Mais il n’était pas question d’informatiser l’action SMS elle-même et personne n’y songeait. Puis, par un processus lent mais inexorable, des logiciels d’action sociale et médico-sociale se sont créés et ont été utilisés. Bien sûr, au début, il ne s’agissait encore que de gestion, comptage des nuits, des repas, etc. Ensuite est arrivé celui des activités qui a permis de singulariser les informations et de repérer que tel éducateur développait plus d’activités dans tel domaine ou que tel enfant recevait telle quantité de soins et de prestations. Enfin, des logiciels de projet personnalisé ont fait leur apparition présentant souvent toutes les caractéristiques de ce que nous avons présenté en seconde partie de cet ouvrage. Alors que faire ? L’idée de l’utilisation de l’ordinateur pour des activités de services et de relations et communications humaines continue d’interpeller et de nourrir des débats idéologiques parfois très rudes entre les tenants de ces outils et ceux qui craignent une « mise en fiches » des personnes et une perte de la confidentialité et des atteintes aux droits et libertés. Le cas de la prévention spécialisé est tout à fait exemplaire, puisque, se référant aux arrêtés de 1972, les professionnels se réclament de la libre-adhésion et de l’anonymat alors que les nouvelles lois (5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance) 117

Fiche 8 • Les procédures de travail

demandent à ce que l’information sur les « situations préoccupantes » soit transmise par les travailleurs sociaux au maire de la commune. Il est bien certain, dans un tel contexte, que la méfiance à l’endroit de tout ce qui sera écrit et enregistré est importante et compréhensible. En fait, il faut considérer l’informatique pour ce qu’elle est : un outil créé par les hommes, neutre dans sa nature et immédiatement chargé de sens selon l’utilisation que l’on en fait. Ce n’est pas l’informatique ou les logiciels qui doivent poser problème mais bien plutôt l’usage que les hommes en font. Sur cette question comme sur beaucoup d’autres, c’est la pratique de la chose qui est essentielle pas la chose en elle-même qui ne produit d’effets que lorsqu’elle est activée par une pratique. Un feu rouge ne produit pas d’arrêt des véhicules par sa seule existence, il faut bien que les conducteurs le reconnaissent, lui donnent son importance et mettent leurs actes (s’arrêter) en conformité avec cette reconnaissance. Croire que la norme produit un résultat par son existence est une profonde erreur sur un plan scientifique. Seules les pratiques de la norme sont concrètes et constituent les situations réelles, voilà pourquoi l’évaluation de la qualité ne peut qu’être une évaluation des pratiques et non pas une simple énumération de déclarations d’intentions jamais interrogées. Les logiciels de projet peuvent tout à fait constituer des aides méthodologiques forts intéressantes mais il convient que les concepteurs du projet ne perdent jamais la main sur ce qu’ils initient. Le sens du projet doit guider les choix et les critères selon lesquels ils seront faits doivent toujours être liés à l’estimation de l’utilité en regard des besoins. Par exemple, il sera important, avant d’acheter ou de se former, de savoir si les professionnels peuvent intervenir sur le logiciel, si une personnalisation en est possible. Il faudra se méfier des programmes tout faits et préférer les produits et les fournisseurs qui accepteront de comprendre le projet pour adapter l’outil et non le contraire. Les tableaux réalisés par la prévention spécialisée et présentés plus haut ont été placés dans l’ordinateur de l’équipe et les éducateurs inscrivaient régulièrement leurs observations à la suite les uns des autres, de façon chronologique et « verticale » comme nous l’avons vu précédemment. Cette manière de faire s’est révélée très favorable sur plusieurs aspects. Tout d’abord, elle a permis de reconstituer la trame des processus d’action, objectif par objectif et, chronologiquement, le fil était constamment maintenu. D’autre part, les éducateurs étant souvent seuls ou à deux et dispersés sur le territoire, l’informatisation des informations a constitué un lien efficace entre eux. Enfin, un tel recueil de données et leur conservation dans l’ordinateur ont grandement facilité la rédaction des rapports intermédiaires et du rapport final. De bonnes procédures de travail sont essentielles pour la conduite du projet éducatif spécialisé mais il faut également que les processus d’action soient bien pilotés, c’est ce dont nous allons parler maintenant.

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Les processus de travail

9

Le dictionnaire Le Robert nous dit qu’un processus, c’est un : « ensemble de phénomènes conçu comme actif et organisé dans le temps ».

Dans la conduite des activités humaines, marquées par les interactions et les incertitudes sur ce qui advient, le concept de processus est utile et déterminant pour qui veut avoir une compréhension fine des situations. En effet, si nous nous limitions aux seules procédures, nous réduirions les évènements à du prévisible et du conforme. Le terme « processus » ne s’oppose pas à « procédures », simplement, il décrit autre chose. La conduite du projet éducatif spécialisé par ceux qui en ont la responsabilité relève donc de processus qui, tout en comportant un niveau certain d’organisation, se caractérisent par leur capacité de souplesse et d’intégration d’éléments nouveaux dans le déroulé même des actions. Quatre processus essentiels sont à identifier et à préciser : information et communication, les rapports et relations, l’animation du projet et sa régulation.

 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

1. L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION Il ne faut pas confondre les deux termes qui n’ont pas du tout le même sens. Une information est une donnée objective ou objectivée, elle est neutre et vient renseigner à propos d’un aspect du projet ou de sa mise en œuvre. Jacques Ardoino définit l’information de cette façon : « Ce terme désigne l’action d’informer, le contenu même d’une telle action, autrement dit les données qui seront transmises, véhiculées, à travers le procès de l’information au sens premier. L’ensemble de phénomènes désignés par le terme correspond donc à une dynamique ordonnée, même quand elle est naturelle (constatée dans la nature, sans dispositif artificiel construit ou organisé spécialement) permettant la transmission de données. Il correspond également à un ou des dispositifs plus systématiquement et délibérément élaborés, à partir de la mise en œuvre de procédures constituant, en tant qu’ensembles, une logique propre et se prêtant de ce fait assez bien à la quantification et à la mesure. Étymologiquement, informer c’est organiser, structurer, donner une forme à une matière. »1 1. Jacques A RDOINO, « La circulation de l’information et les stratégies de la communication dans les organisations », in Dictionnaire critique de la communication, L.SFEZ, PUF, 1993

Fiche 9 • Les processus de travail

La communication est autre chose, elle transporte les informations, les déforme, les appauvrit et les enrichit de par les affects qu’elle véhicule et, contrairement à l’information, la communication n’est jamais neutre car elle est immédiatement échange et interactivité avec l’autre. Écoutons à nouveau ce que nous en dit Jacques Ardoino : « La notion de communication vient étymologiquement du latin communicatio qui veut dire mettre en commun. Il s’agit d’une notion cardinale, d’une part au sein des sciences anthropo-sociales où elle revêt un caractère pluridisciplinaire si ce n’est transdisciplinaire, mais, d’autre part, dans les rapports de ces dites sciences avec les sciences de la nature, puisque les échanges thermiques, la diffusion de la lumière, de nombreux phénomènes biologiques et rapports écologiques peuvent également être pensés en termes d’information et parfois abusivement de communication. Il est clair qu’il n’est guère possible de parler de pratiques et de situations psychothérapiques, éducatives et plus généralement encore de management, d’animation, d’assistance technique, de coopération, de travail social, etc. sans se référer explicitement à la notion de communication[...] La communication, à partir de son étymologie, peut être considérée comme la mise en commun et l’échange d’informations. [...] Enfin, si la visée de toute communication est l’intention réciproque de signifier quelque chose à quelqu’un, il faut admettre que la transformation d’un message d’un interlocuteur à un autre est légitime sinon nécessaire. Sans cela, il n’y aurait pas de réappropriation du message, des contenus de l’information, ni de significations. »1

Il n’y a pas de méthodologie de projet ni de conduite de projet sans mise en place de processus d’information et de communication. Autant il sera le plus souvent possible de rationaliser la transmission des informations et de corriger les défauts, autant il ne sera pas possible de faire de même avec les communications. Il est important de le savoir pour ne pas croire que la question de la communication peut être traitée par une bonne circulation des informations. Certes, celle-ci est essentielle et elle peut contribuer à créer un environnement favorable mais le traitement de l’information ne résout pas les questions de communication qui ne se laisseront pas rationaliser. Il est possible de le dénier, de persister dans l’illusion de la « communication parfaite » mais rien n’y fera, les problèmes de communication continueront d’exister même si leurs formes changent.

1. Op. Cit.

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Fiche 9 • Les processus de travail

Il convient d’envisager cette question autrement et, en tout premier lieu de considérer comme normales les difficultés de communication. Quatre éléments-clés sont à considérer :

• Toute communication est interaction et comporte des aspects imprévisibles. • Les aléas de la communication sont normaux. • Tout travail sur les communications est un travail de compréhension de l’autre et non de normalisation. • Les problèmes de communication viennent, le plus souvent, de la volonté d’imposer une seule vision.

En somme, nous dirons que s’engager dans la réalisation de projets, c’est aller au-devant d’importants problèmes d’information et de communication car la nature même du projet le définit comme un processus structuré mais toujours ouvert à de l’inattendu. Ce que les acteurs pourront faire de mieux, ce sera de reconnaître le caractère complexe des processus à l’œuvre en les considérant, non pas comme des obstacles ou des entraves mais plutôt comme constitutifs des situations à traiter. Lorsque l’acteur professionnel se retrouve dans des difficultés d’ordre communicationnel, il doit savoir qu’il est vraiment dans la dynamique de projet. Ce qui n’empêche pas, bien sûr, de chercher des solutions ou, en tout cas, des voies de passage, mais en sachant que les remèdes trouvés à un moment donné ne seront pas nécessairement pertinents quelque temps plus tard même si les caractéristiques de la nouvelle situation ressemblent beaucoup à d’autres vécues précédemment. Il convient de ne jamais oublier que les situations sont toujours nouvelles, elles peuvent se ressembler, elles n’en sont pas moins différentes.

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2. RAPPORTS ET RELATIONS De la même façon que nous venons de le voir à propos de l’information et de la communication, il convient de définir et distinguer « rapports » et « relations » car les deux dimensions sont co-présentes dans la conduite du projet. Les rapports définissent des liens objectifs entre des choses ou entre des personnes tandis que les relations appréhendent ces mêmes liens de façon plus affective et subjective. Dans la conduite du projet, il est important de bien repérer les deux dimensions. Les rapports entre les personnes sont liés aux places objectives (statuts, responsabilités) occupées au sein de l’organisation consécutive au projet. Ils créent et précisent les obligations liées à ces places et définissent les types de rapports avec les autres personnes engagées dans le projet. Les problèmes éventuels de rapports entre les acteurs doivent être traités par des clarifications d’attributions et de responsabilités, bref par une objectivation de 121

Fiche 9 • Les processus de travail

la question posée, relativement indépendamment des personnes concernées. Quelles que soient ou auraient été ces personnes, les rapports sont à clarifier. Il en va tout autrement des relations. Le dictionnaire Le Robert de la langue française en donne la définition suivante : « Activité ou situation dans laquelle plusieurs personnes sont susceptibles d’agir mutuellement les unes sur les autres ; lien de dépendance ou d’influence réciproque. »

« Relation » suppose réciprocité et action en retour. Dans toute démarche et conduite de projet des relations vont se créer et souvent influer sur le cours du déroulement des actions liées au projet. Qu’il s’agisse des communications ou maintenant des relations, ce qu’il est important de conserver présent à l’esprit, c’est que la réussite d’un projet ne tient pas seulement à la valeur intrinsèque de ses attendus, de sa problématisation et de ses moyens mais aussi et souvent surtout à la valeur des communications et des relations entre les acteurs concernés. Et cela est vrai des professionnels comme des personnes accueillies. Que serait la valeur d’un projet s’il n’était porté par des relations et des modes communicationnels de qualité et attentionnés à l’autre ? Car enfin, il y a une illusion potentielle autour de la logique de projet, c’est celle d’une maîtrise du réel par une bonne rationalisation des besoins, des réponses et des moyens à mettre en œuvre à partir d’un projet qui, parce qu’il est bien conçu, peut prétendre résoudre les problèmes posés. C’est une illusion, aucun projet personnalisé ne produira d’effet sans que les acteurs n’y contribuent au travers de leurs actions propres (professionnels comme usagers), aucun projet par objectif ne se développera sans qu’il n’y ait appropriation des objectifs par les personnes concernées, enfin, aucun projet d’activité ne se fera sans que les personnes concernées n’y adhèrent suffisamment. Les observations qui précèdent sont souvent ignorées des publications nombreuses portant sur le projet. Pourtant, cet aspect nous semble essentiel. Il n’y a, dans la réalité concrète, que des personnes en train de faire et ce faire se développe au sein d’organisations (information et rapports) et de systèmes beaucoup moins formels de liens et d’interdépendances (les communications et les relations). Les organisations se rationalisent et leur contrôle est important, par contre, les systèmes informels se régulent, se comprennent dans une visée d’amélioration continue et non pas de fonctionnement optimal.

3. L’ANIMATION ET LA RÉGULATION DE LA DYNAMIQUE DE PROJET Nous venons de le rappeler, tout projet est constitué par des actions différentes mais cohérentes les unes en regard des autres et inscrites dans des temporalités-durée. Autant dire que tout projet est en mouvement, constamment et que, comme tout mouvement, il est indispensable de le 122

Fiche 9 • Les processus de travail

réactiver régulièrement, faute de quoi il deviendrait rapidement victime de forces d’inertie. Le mouvement dérange toujours l’ordre établi et dans toutes les organisations il y a des acteurs qui ont intérêt au changement et d’autres beaucoup moins parce qu’ils détiennent de bonnes places dans l’organisation telle qu’elle existe. Nous avons insisté sur la différence entre les rapports et les relations, ce n’est pas pour rien. Lorsque des acteurs occupent des places qui leur permettent d’obtenir des avantages, quelle qu’en soit la nature, ils vont avoir tendance à prendre des positions conservatrices pour les protéger. Au contraire, ceux qui postulent à de meilleures places vont avoir tendance à soutenir toutes les initiatives qui peuvent redistribuer les rôles et les contributions afin d’obtenir ce qu’ils cherchent1 . Ces processus et luttes d’influence pour définir l’objet de l’action sociale et médico-sociale qu’il convient de mener, sont au cœur de la mise en place, de la conception et de la conduite du projet éducatif spécialisé. Son animation et sa régulation représentent donc des enjeux considérables. Pour qu’elles soient efficaces, elles doivent reposer sur quatre éléments principaux, la définition des rôles, les instances formelles, les responsabilités et les solidarités.

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a Une claire définition des rôles et des responsabilités Pour pouvoir fonctionner et être animé et conduit de manière cohérente, le projet écrit doit définir précisément les rôles et les responsabilités de chacune des personnes qui s’y trouvent engagées. Dit autrement, on doit savoir précisément qui fait quoi et qui est responsable de quoi. Tout ce qui sera clarifié au départ fournira ensuite des repères essentiels au processus d’action et, au contraire, tout ce qui aura été trop imprécis contribuera à produire des questionnements et des interrogations sur les places et responsabilités, ce qui n’est pas du tout favorable à la réalisation des actions prévues. Dans ce dernier cas de figure, il faudra traiter les questions non résolues au départ dans le cours même des actions, ce qui pourra tout à fait porter préjudice à la cohérence d’ensemble, en particulier si les questions soulevées ne se règlent pas et ouvrent sur une conflictualité. Les exemples ne sont pas rares de projets extrêmement intéressants sur le papier mais qui vont se trouver paralysés par des conflits de positions ou d’intérêt de la part de certains participants qui n’avaient pas vu ni soulevé à l’avance des questions importantes. L‘animation et la conduite du projet éducatif seront grandement facilitées par les clarifications préalables de rôles et de responsabilités. Il ne faut pas hésiter à soulever des questions, à souligner des ambiguïtés durant la période d’élaboration afin de ne pas avoir à le faire plus tard. La question à se poser est simple : « Est-ce que, pour moi, les différents rôles et responsabilités sont établis avec suffisamment de clarté et de cohérence ? »

1. La référence utile pour approfondir cette question se trouve dans : Pierre B OURDIEU, « Quelques propriétés des champs » in Questions de sociologie, éd de Minuit, 1980

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Selon la réponse à cette question, l’engagement dans le projet va se faire ou être retardé. b Les instances formelles de régulation et les règles de fonctionnement Afin de limiter les risques de conflictualité inter-personnelle ou interprofessionnelle, le projet devra prévoir les types d’instances formelles de régulation, les procédures de saisine et les règles de leur fonctionnement. Parmi ces instances formelles, il peut s’agir : • • • • •

du chef de projet, ou cadre de référence ou référent du projet, du comité de pilotage ou groupe-ressource ou groupe-référent, des réunions définies et de leurs rythmes, des écrits obligatoires, des assemblées générales éventuelles.

Ces instances doivent être définies, leurs attributions très clairement établies et leurs modes de fonctionnement précisés. Sans tomber dans un formalisme qui serait inapproprié, il est important de comprendre que tout ce qui ne sera pas précisé avant le démarrage du projet le sera plus difficilement après. Il est, par contre, tout à fait envisageable de prévoir le traitement formel des questions informelles surgissant dans le cours des actions découlant du projet. Ainsi, le rôle du chef de projet, ou référent ou cadre affecté au projet peut être d’écouter les questions posées par les acteurs, de les traiter s’il dispose des références pertinentes ou bien de les rediriger vers une autre instance telle que le Comité de pilotage par exemple. Ce qui est essentiel pour la qualité de l’animation et de la conduite du projet, c’est que le dispositif puisse être interrogé à tout moment et que les questions à traiter le soient selon des procédures formelles connues à l’avance dans leurs attributions et leurs modes de fonctionnement. Nous avons pu constater, dans l’exemple de l’équipe de prévention spécialisée, que le trouble avait été généré à propos d’un objectif jugé incompréhensible par les professionnels. Il était indispensable de faire remonter cette question au commanditaire et à son représentant (la circonscription d’action sociale) mais, afin d’éviter les conflictualités inter-services et pour favoriser le travail de partenariat, les différents acteurs ont convenu de traiter la question lors d’un comité de pilotage. Le problème soulevé a fait l’objet d’une note écrite préalable à la réunion, celle-ci s’est tenue et la conclusion (annulation de l’objectif) a été satisfaisante parce que traitée selon des formes pacificatrices. Il n’y a pas de modèle-type d’instances ou de modes de fonctionnement. C’est aux équipes concernées et porteuses des projets de les construire. Le tout est d’être clair et pertinent et, pour cela, il faut y passer du temps et s’assurer de la compréhension et de l’adhésion de tous les acteurs concernés. Ce que nous venons de travailler ouvre sur deux derniers aspects, la responsabilité et la solidarité. 124

Fiche 9 • Les processus de travail

c Un exercice des responsabilités au quotidien L’animation et la conduite du projet éducatif spécialisé, telles que nous les définissons, engagent finalement la responsabilité de tous les acteurs engagés. En fait, le projet étant défini comme un processus, il n’est ni possible, ni souhaitable de ne le faire reposer que sur les procédures formelles. Celles-ci ont leur importance, nous l’avons vu, mais la responsabilité dont nous parlons ici est celle qui s’exerce au quotidien de la part de tous les participants au projet. D’une certaine façon, la dynamique de projet gomme les rôles hiérarchiques qui, certes, conservent toute leur importance, mais plus comme recours en cas de difficulté que comme animateurs. Ce qui n’enlève pas aux cadres leurs responsabilités techniques mais reconnaît que tous les acteurs engagés sont à même de produire de la connaissance, de l’analyse à propos des questions traitées. Nous pensons que c’est le management lui-même qui peut être enrichi et modifié par l’exercice des responsabilités de chacun, mais cela suppose un repositionnement qui, pour certains cadres, peut s’avérer difficile. Approfondissons cet aspect.

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Si chaque professionnel engagé dans le projet fait preuve de responsabilité et utilise de façon pertinente les procédures de traitement des questions, il est tout à fait possible qu’émergent, comme nous l’avons vu souvent, des « figures » de professionnels inattendues. Coopérant, engagés, responsables et producteurs de savoirs sur les situations à partir des pratiques, ils peuvent représenter pour les cadres des ressources ou des menaces. Des conflits de légitimité peuvent se poser entre celui ou celle qui détient le statut et la légitimité qui va avec et celui ou celle qui, au nom du travail technique, développera une autre légitimité fondée sur la réponse aux besoins. Il est clair que si le cadre prend ombrage des compétences avérées des professionnels dont il est le supérieur hiérarchique, il y aura une conflictualité très négative pour les processus de travail. Si, au contraire, le cadre est capable, non seulement de reconnaître mais de valoriser les compétences des professionnels, alors s’ouvre une période faste pour la qualité du travail collectif. Malheureusement, cette situation favorable est encore trop rare et beaucoup de progrès sont à réaliser pour faire comprendre aux cadres qu’ils assurent une fonction de service (créer les conditions du travail des autres) et ne se définissent pas comme « détenteurs de pouvoir » même si la détention d’un titre de qualification professionnelle leur en donne l’illusion. La démarche de projet implique, à notre sens, des responsabilités partagées et une reconnaissance et valorisation des professionnels engagés. Si cette condition n’est pas ou mal remplie, c’est tout le dispositif et la philosophie même du projet qui en seront affectés. d Les solidarités d’équipe et la prise d’initiatives Ce dernier point est la conséquence logique de tout ce qui précède. Les responsabilités de chacun entraînent une nécessaire solidarité entre les membres de l’équipe. Solidarité ne veut pas dire absence de débat voire de 125

Fiche 9 • Les processus de travail

conflictualité constructive, mais au contraire présence des interdépendances entre les professionnels à l’occasion de l’élaboration et de la conduite du projet éducatif spécialisé. Le Robert nous dit que la solidarité, c’est : « Une relation entre personnes ayant conscience d’une communauté d’intérêts qui entraîne pour un élément du groupe, l’obligation morale de ne pas desservir les autres et de leur porter assistance ».

La solidarité dont nous parlons est faite d’attention portée au travail de l’autre. Non pas dans un souci de le contrôler mais bien plutôt de le reconnaître et de reconnaître son travail comme utile et interdépendant avec le sien propre. Au fond, cette solidarité-là n’est aucunement une valeur morale, il s’agit davantage de considérer que la qualité du projet repose sur la qualité de prestations et d’actions coordonnées produites par un ensemble de professionnels dont les actions se potentialisent réciproquement. Se plaçant de ce point de vue, la solidarité ne fait que soutenir les initiatives prises et les actions sectorielles menées par les uns ou les autres en référence aux perspectives communes définies dans le projet. La conduite des équipes engagées dans des dynamiques de projet exige, on le voit clairement, des qualités évidentes de proximité avec les professionnels, de justes places à tenir et de références solides aux procédures formelles d’organisation et de fonctionnement indispensables à la bonne marche du projet.

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L’évaluation du projet

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Dès l’introduction de cet ouvrage, nous avons tenu à mettre en avant deux notions majeures concernant l’action sociale et médico-sociale, les interactions et les temporalités. Nous allons y revenir à propos de l’évaluation du projet éducatif spécialisé. En effet, quelle que soit sa forme, les principes de base, préalables à toute méthodologie ou technique, sont les mêmes. Nous nous pencherons tout d’abord sur la définition du mot « Évaluer », nous traiterons ensuite de la spécificité tout à fait particulière de l’évaluation sociale et médico-sociale avant d’aborder les questions plus méthodologiques, techniques et écrits.

1. QUE VEUT DIRE « ÉVALUER » ?

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Le plus souvent « évaluer » est utilisé de façon inexacte en lieu et place de « contrôler ». Or, ces deux mots ne recouvrent pas du tout les mêmes acceptions. Le contrôle1 a pour but de vérifier la conformité de quelque chose à un modèle pré-établi, tandis que l’évaluation cherche à comprendre les processus à l’œuvre au sein de situations dont on sait qu’il est impossible de les objectiver entièrement. Les deux définitions étant posées et distinctes, il est important de dire ensuite que les projets éducatifs relèvent pour partie du contrôle, nous le verrons, et, essentiellement d’une logique d’intelligibilité. Les deux dimensions sont à prendre en compte pour une évaluation globale. Approfondissons la question : « Évaluer, c’est « donner de la valeur » à quelque chose, à quelqu’un, à quelque manière de faire ou de se comporter. L’expression « donner de la valeur » sous-entend clairement une relation entre celui ou celle qui « donne » la valeur et l’objet ou la situation qui est à évaluer. En action sociale et médico-sociale, les résultats ou effets des actions entreprises sont toujours plus ou moins dépendants des interactions qui existent et qui se modifient constamment entre les professionnels et les destinataires des actions. Les professionnels peuvent être compétents et expérimentés, ils peuvent élaborer et développer les meilleurs projets, mais cela ne change rien au fait que leurs actions s’adressent à des êtres vivants qui réagiront à ce qui leur est proposé de façon personnalisée et souvent non prévisible. Il y a donc toujours des incertitudes en ce qui concerne l’appréciation des résultats et des effets des actions conduites. En action sociale 1. Jacques PAPAY , L’évaluation des pratiques dans le secteur social et médico-social , Vuibert 2e édition, 2009

Fiche 10 • L’évaluation du projet

et médico-sociale, comme dans toute pratique impliquant le relationnel, il est difficile d’établir des relations de causalité entre les phénomènes observés, c’està-dire d’établir des logiques entre des causes et des conséquences. Le très grand nombre d’éléments à prendre en compte et l’importance des facteurs subjectifs rend quasi impossible de prouver qu’une modification de comportement est produite par une activité précise. Des co-variations peuvent être observées (un élément bouge en même temps qu’un autre), mais, dans ce cas, il ne s’agit pas forcément de relations de cause à effet. Pour ne pas être aveugle et pour pouvoir développer la compréhension des processus pratiques, malgré leur nature profondément incertaine, l’action professionnelle doit être appréciée par rapport à des éléments stables (les références) pour qu’il existe une mesure ou une estimation des écarts selon les situations étudiées1 . »

Dans la vie ordinaire, nous passons notre temps à évaluer les situations. Afin de nous adapter, pour obtenir ce que nous cherchons, pour atteindre nos objectifs, nous ne cessons d’apprécier les différents aspects qui se présentent à nous, nous les recensons, nous en estimons l’importance réciproque, nous anticipons ce que produiront les interactions entre les éléments et nous apprécions nos moyens, nos possibilités et nos limites. Bref, nous problématisons les situations pour nous y adapter au mieux. Et nous nous trompons souvent. Pourtant, nous ne remettons pas en question le mode d’appréciation que nous avons utilisé, nous pouvons le critiquer (« il aurait fallu prendre en compte un aspect qui a été ignoré » ou bien « je ne pensais pas que telle personne réagirait ainsi ») et chercher à l’améliorer mais nous ne remettons pas en cause le fait d’avoir évalué par des tâtonnements parce que nous savons qu’il nous serait tout à fait impossible de nous référer à une grille préalablement constituée et permettant d’objectiver des comportements ou des relations qui ne se laisseront jamais réduire à des quantités ou à des instantanés d’observation. L’évaluation d’un projet est donc à considérer comme une opération complexe, multiréférencée et ouverte, relevant de l’utilisation de plusieurs outils dont les résultats seront à mettre en regard avec les finalités et les objectifs du projet considéré. Évaluer un projet éducatif spécialisé est à comprendre comme un processus d’intelligibilité portant sur les différentes étapes du projet et sur ses dimensions. Nous approfondirons cet aspect un peu plus loin, dans la partie « Méthodes d’évaluation ».

2. LES SPÉCIFICITÉS DE L’ÉVALUATION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE Il est absolument essentiel de bien comprendre ce qui constitue l’objet central de l’action sociale et médico-sociale. Compte-tenu de ce que sont, à l’heure actuelle, les lois et textes constituant la commande publique en matière d’action SMS, nous pouvons dire qu’il s’agit, dans le respect des personnes et 1. Jacques PAPAY Article « Évaluer », in Stéphane R ULLAC et Laurent OTT, Dictionnaire du travail social, Dunod, 2010

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Fiche 10 • L’évaluation du projet

de leurs droits et libertés, de contribuer, par des actions adaptées, à favoriser leur vie avec les autres. Cet énoncé est, certes, très synthétique, mais il définit de façon précise ce qui est attendu de l’action sociale et médico-sociale. La spécificité majeure de l’action SMS et qui la différencie radicalement d’autres secteurs d’activités, tel que le secteur sanitaire par exemple et le rapproche de l’enseignement et de l’apprentissage, c’est que les objectifs, les moyens et les pratiques développés sont tributaires du destinataire quant aux effets produits. Il convient d’insister sur le fait que les meilleures pratiques ne produisent des effets constructifs qu’à la condition que les personnes destinataires en fassent quelque chose. De plus, nous l’avons posé en introduction, les situations évoluent constamment. Prenons un exemple : la personne adulte handicapée, accueillie dans un foyer de vie ne veut pas être aidée pour sa toilette par un professionnel — qui a pourtant développé les meilleures pratiques à son endroit — mais va changer d’avis une demi heure après ou bien accepter de quelqu’un d’autre ce qu’elle a refusé du premier professionnel. Tout cela sans que l’on puisse comprendre vraiment les raisons de ce comportement. Il est clair, à travers ce type d’exemple que l’on pourrait multiplier à l’envie, que l’évaluation de la pratique, comme celle du projet, ne peut pas reposer seulement sur sa propre valeur mais doit être envisagée dans les interactions qui la constituent et les temporalités qui l’affectent. Sur le plan méthodologique, les conséquences sont énormes puisqu’il apparaît clairement que les outils et techniques de l’évaluation du projet devront être choisis pour les possibilités qu’ils offriront d’objectiver et de comprendre. Les deux perspectives ouvertes par l’évaluation du projet éducatif spécialisé sont les suivantes :

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• objectiver tout ce qui pourra l’être ; • comprendre les effets produits au cœur des interactions et temporalités. L’action sociale et médico-sociale n’est pas (encore ?) concernée par des notions telles que « Résultat » ou « Performance ». Cependant, il commence à en être question et il est important d’en dire quelques mots ici. La notion de « résultat » suppose une possibilité d’établir un lien de causalité entre une situation (A), une action (B) et une nouvelle situation (C). Nous dirons que B est intervenu sur A et que grâce à cette intervention, A est devenu C. Or, cette prétention à identifier des relations de causalité est totalement inadaptée pour l’action sociale et médico-sociale. Même s’il est évidemment possible de formuler des hypothèses considérées comme fiables, il est indispensable de conserver la compréhension des situations ouverte et non rabattue sur une fausse rationalité. Les aléas de l’inconscient, son importance, les fluctuations relationnelles liées aux affectivités, les perceptions différentes causées par des subjectivités irréductibles les unes aux autres, plaident en faveur de raisonnements construits mais respectueux des incertitudes. La notion de « résultat » se relie assez mal avec la notion de service. Nous 129

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préférons parler « d’effets observés et estimés » fondés sur des témoignages1 ou des traces plutôt que de résultats qui supposeraient l’existence de preuves. Le terme « Performance » fait son apparition avec la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » du 21 juillet 2009 qui prévoit la création de l’Agence Nationale d’Appui à la Performance (ANAP). Le dictionnaire2 définit le mot ainsi : « Résultat individuel dans l’accomplissement d’une tâche, dont les facteurs principaux sont l’aptitude et la motivation. | Besoin de performance de l’individu. | Niveau de performance : degré de réussite individuelle. | Index de performance, évaluant le besoin de performance et permettant un jugement sur l’ambition, la persévérance de quelqu’un. — Test de performance : épreuve d’intelligence non verbale. Rendement maximal (d’une machine, et, par ext., d’un être vivant, de l’homme). | Performance d’un système électronique, d’un ordinateur. Indications quantitatives sur les caractéristiques d’un véhicule, d’un système mécanique... | Les performances d’un avion (vitesse de croisière, de montée maximale ; autonomie ; rayon d’action, etc.), d’une automobile (accélération, vitesse d’accélération), d’une machine-outil (nombre de tours/minute, vitesse de coupe). »

Le sens du mot est assez précis et fondamentalement quantitatif et objectif. Si ce vocable est introduit dans l’action sociale et médico-sociale, les aspects processuels ne seront pas pris en compte. Ils continueront d’exister mais ils seront ignorés et nous régresserons en regard d’une appréhension complexe et plurielle des situations étudiées. Dans le champ des activités sociales et médico-sociales, la qualité et la performance n’ont pas grand-chose à voir. La qualité doit être envisagée comme un processus continu d’amélioration fondé sur le questionnement référé aux finalités de l’action publique tandis que la performance prétend objectiver des résultats définitifs, contrôlés et vérifiés, en dehors des interactions et des temporalités. Pour l’évaluation de la qualité, interactions et temporalités sont constitutives des faits et situations observées, pour la performance et le résultat, elles sont des obstacles à la rationalité. La responsabilité du choix des méthodes d’évaluation du projet éducatif spécialisé repose donc sur les professionnels et les chefs ou référents de projet, nous espérons que les propos qui précèdent les aideront à faire preuve de discernement. La neutralité technique n’est pas de mise, il est clair que les choix effectués renverront sur des conceptions de fond concernant l’action sociale et médico-sociale et la définition et le rôle du projet.

1. Jacques A RDOINO, « Vérité, preuves et témoignages », in Fragments, mars 2005 2. Le ROBERT de la langue française

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3. LES OUTILS POUR L’ÉVALUATION DU PROJET ÉDUCATIF SPÉCIALISÉ Le projet éducatif spécialisé, qu’il s’agisse du projet personnalisé, par objectifs spécifiques ou d’activités, se compose de deux dimensions qui le constituent : Son organisation et son programme Sa dynamique et son contenu

Les outils devront, en conséquence, permettre d’apprécier les deux dimensions, la première dans une perspective d’objectivation et la seconde pour mieux comprendre. Il conviendra donc de développer deux sortes de techniques, différentes puis complémentaires dans une perspective d’appréciation globale. De plus, il convient de repérer les différentes étapes propices à l’évaluation, la conception du projet, sa mise en œuvre et les effets produits. a Les outils pour objectiver

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« Objectiver » cela veut dire « Rendre objet », un objet est inerte, il est sans réaction, il est dénué de toute intentionnalité, il n’est en rien interactif. Pourtant, nous personnalisons les objets, nous dirons volontiers que notre ordinateur nous a « plantés » ou bien qu’il nous « joue des tours » ou enfin que nous apprécions « l’interactivité » de son programme. Rien de cela n’est vrai, l’ordinateur a dysfonctionné mais ne nous a en rien « plantés », il est dans l’incapacité totale de se jouer de nous et le programme n’a aucune interactivité, seulement une programmation de réponses types et il est absolument incapable de répondre à toute question non préalablement enregistrée. Il est important de bien identifier ce qui est à objectiver. Madeleine Grawitz1 nous indique que la marque du véritable esprit scientifique, c’est le sens de la question. Le sens précède la technique. Que peut-on objectiver ? Essentiellement des données chiffrées, des renseignements et des observations, mais sous certaines conditions. Les données chiffrées concernant un projet éducatif et que l’on cherche à identifier doivent prendre sens en regard des questions que l’on se pose et de l’utilité que l’on doit être capable de décrire : • • • • •

Combien de personnes concernées ? Quel budget ? Quel matériel ? Quel coût ? Combien de kilomètres ? Combien de réunions ?

1. Madeleine G RAWITZ, Méthodes des sciences sociales, Dalloz, 1972

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• Quelle surface ? • Combien de partenaires ? • Quelles tranches d’âge ? Les renseignements porteront sur des éléments indiscutables et vérifiables : • • • • • • • •

Caractéristiques administratives des personnes Difficultés principales des publics concernés Adresses utiles et personnes ressources Désignation des partenaires Liste des professionnels engagés Type de réunions Écrits disponibles Sources documentaires

Enfin, les observations peuvent être utiles pour objectiver mais à certaines conditions. En effet, une observation est toujours réalisée par quelqu’un et personne ne peut prétendre tout voir dans une situation observée. Nous parlerons alors d’objectivation plutôt que d’objectivité. Les observations peuvent aider à objectiver mais restent tributaires des personnes. Aussi, pour que les observations puissent contribuer à un processus d’objectivation, plusieurs conditions doivent être réunies : 1. Définir ce que l’on cherche avant l’observation. Elle a un but, il faut être capable de l’énoncer préalablement. Si je vais dans la rue et que j’observe, je ne vais retenir que ce qui m’intéresse moi-même, je serai alors en pleine subjectivité. Si par contre je vais dans la rue en sachant que je dois observer le nombre de voitures qui passent au rouge, ma subjectivité sera contenue du fait que mon attention sera centrée sur ce que je cherche. Définir ce que l’on cherche permet d’éviter d’être dépendant de ses impressions. 2. Disposer d’outils de recueil des données observées. Ce qui est constaté doit être enregistré rapidement afin de subir le moins de transformations possibles. Les supports retenus auront été validés par les instances formelles portant la responsabilité de la conduite du projet (référent, cadre ou comité de pilotage). 3. Faire reposer le recueil des données sur plusieurs sources. Il est toujours intéressant de comparer les données recueillies par l’observation venant de plusieurs observateurs. Cela permet évidemment d’établir des comparaisons et de faire apparaître des contradictions, des oublis ou des complémentarités. En tous cas, ce travail de mutualisation d’observations permet de diminuer la part subjective toujours présente dès lors que ce sont des hommes et des femmes qui traitent les questions d’objectivité. L’utilisation de tableaux est généralement pertinente pour mettre en valeur les données objectivées. Ils permettent une certaine exhaustivité et une visualisation simultanée d’informations d’ordres différents pouvant générer la formulation d’hypothèses de sens ou de pistes de travail. Bien entendu, le 132

Fiche 10 • L’évaluation du projet

tableau récapitulatif devra toujours être précédé d’un texte et suivi d’un autre texte. Ne perdons pas de vue que le chiffre n’a jamais de sens indépendamment des contextes dans lesquels il s’inscrit. Il est donc tout à fait essentiel d’expliquer ce que l’on fait, ce que l’on a fait et ce que l’on attend des données, puis d’en tirer des enseignements par une mise en relation des données avec les hypothèses de travail que l’on a. Présentation de ce que l’on attend des données recueillies Hypothèses, connaissances, comparaisons

↓ Tableaux récapitulatifs des données recueillies

↓ Exploitation des données, réponse aux questions préalables et formulation de nouvelles questions et hypothèses Prenons l’exemple d’un tableau réalisé par l’équipe de prévention et ayant pour but d’objectiver les temps consacrés à différentes activités.

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Avant la présentation du tableau Les activités de l’équipe de prévention spécialisée sont suivies et évaluées à l’aide de plusieurs outils qui sont à comprendre dans leurs articulations et complémentarités. Il ne suffirait pas de ne se référer qu’à un seul, chaque outil participe d’une démarche méthodologique globale. C’est de la prise en considération des différentes informations que le sens peut être dégagé et que des perspectives peuvent être tracées. Ces outils recueillent à la fois des données quantitatives et des informations qualitatives. Certains d’entre eux sont établis une fois pour toutes (les fiches-projets : quand le projet est fini, la fiche n’est plus opérationnelle), tandis que d’autres incluent la temporalité et peuvent se lire horizontalement et verticalement (les tableaux de suivi des objectifs du contrat d’objectifs). Certains outils enfin, ne concernent pas directement les activités-projets, mais cherchent à préciser l’activité des éducateurs afin d’obtenir une bonne lisibilité des investissements réalisés sur tel ou tel aspect. L’outil « Fiche-projet » est référé à un objectif particulier. Chaque projet prend son sens en regard d’un objectif du contrat d’objectif. Un projet n’a pas de sens « en soi », il est nécessaire de le contextualiser, de le relier à des perspectives si l’on veut en comprendre le sens et l’évaluer. Les tableaux et graphiques présentés ci-après montrent la répartition des temps de travail des membres de l’équipe selon les types d’activités. Nous présentons deux tableaux, un pour la période de l’été 2008, et l’autre pour le premier trimestre de l’année scolaire 2008/2009. Les tableaux présentant les données recueillies Équipe de prévention spécialisée 61 % 4,40 % 15,4 % 4% 15,2 %

Travail en contact avec les jeunes Partenariat Suivi et évaluation des actions Travail administratif Autres

133

Fiche 10 • L’évaluation du projet 15,20 % 4,00 % 15,40 % Travail en contact avec les jeunes; 61,00%

4,40 %

Exploitation des données recueillies La catégorie "Travail en contact avec les jeunes" comprend les temps de travail de rue, les accompagnements individuels, et les actions de groupe. La catégorie « Autres » englobe par exemple les temps d’aménagement du nouveau local, de formation ou de participation à des colloques relatifs à la prévention spécialisée. Sur la période de l’été, il apparaît clairement que l’activité des éducateurs a consisté essentiellement à travailler avec les jeunes au quotidien. Cette situation se comprend bien en regard de la période estivale considérée. Cependant, et compte-tenu par ailleurs des observations et commentaires qualitatifs réalisés à la suite des fiches-projet, quelques questions émergent pour les périodes scolaires de l’année. En effet, des habitudes d’activités ont été prises et des souhaits multiples de continuité se sont exprimés de la part des jeunes. D’autre part, de nouvelles relations se sont créées, riches et porteuses de nouveaux projets et de nouvelles perspectives. Il sera important de bien faire le point à la rentrée pour potentialiser au mieux les nombreux acquis de cette période.

En conclusion de cet aspect consacré au recueil de données objectives, il est essentiel de retenir que les informations recherchées prennent sens en regard des questions que l’on se pose et contribuent à une intelligibilité globale. Pour autant, il est important de comprendre les limites des données objectives, dès lors que nous chercherons à comprendre de manière fine les processus à l’œuvre chez les acteurs professionnels et les usagers, ce seront d’autres outils que nous devrons utiliser. b Les outils pour comprendre D’un point de vue scientifique, lorsque l’on cherche à comprendre plutôt que vérifier, les outils méthodologiques et techniques doivent correspondre à l’objectif poursuivi. Dès lors que ce sont les interactions et les temporalités qui sont reconnues comme constitutives des situations et prises en compte pour les comprendre, les outils sont de natures différentes. Si je cherche à savoir le vocabulaire employé par mon interlocuteur, je peux sans difficulté l’enregistrer, faire la liste des mots utilisés et les classer selon des catégories que je présente. Je serai, dans cette façon de faire, en recherche d’objectivité. Mais si, au-delà du vocabulaire, je m’intéresse à ce que la personne veut me dire et me signifier, je ne peux me contenter de lister les mots qu’elle utilise. Il va falloir que j’écoute, que je prenne du temps, 134

Fiche 10 • L’évaluation du projet

que je formule des hypothèses et que j’accepte de rester dans une certaine incertitude même si mon écoute a été la meilleure possible. Les outils pour comprendre font appel au témoignage plus qu’à la preuve, ils ne permettent pas d’atteindre l’objectivité mais ce n’est pas le but, il est clair que, dans l’écoute de l’autre, je cherche au contraire à comprendre la subjectivité de la personne. Trois familles d’outils peuvent être mises en avant.

Les observations mutualisées et croisées Nous procédons, au départ, de la même façon que lorsque l’on cherche à objectiver. Le recueil des données inaugure le travail, mais l’attention ne porte pas sur les chiffres et les quantités, elle se centre sur les données qualitatives. L’observation va chercher à saisir de l’implicite, elle portera sur les attitudes, les relations et les interactions. Si j’anime une activité avec plusieurs enfants et que les objectifs principaux sont de contribuer à améliorer leur socialisation, je ferais attention aux échanges et je n’hésiterais pas à intervenir pour faciliter leur établissement et leur stabilisation. Il n’est pas question pour l’observateur d’afficher la neutralité que demande l’objectivité. Il ne s’agit plus de la même recherche, ici, ce qui nous intéresse, ce sont les processus qui s’installent et se développent au travers d’interactions qui incluent l’éducateur. Bien entendu, les subjectivités existent et remplissent l’espace temporel des situations. Mais au lieu de les considérer comme des obstacles, elles sont au contraire reconnues comme fournissant la vraie information utile, celle qui renseigne sur l’état subjectif des personnes. Ce qui intéresse le projet éducatif spécialisé, ce n’est pas l’obtention d’un chiffre mais bien la progression des personnes concernées vers des objectifs et des finalités définies. Le chemin parcouru se décrit et se comprend au travers des observations cliniques assurées de façon régulière par les professionnels engagés dans le projet considéré.

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Supposons que l’équipe de prévention cherche à savoir si la « présence sociale » qu’elle développe arrive à toucher et intéresser les jeunes. Dans un premier temps les professionnels vont compter : • le temps passé dans la rue, • le nombre de « contacts » (qu’entend-on par « contact » ?), • le nombre de « relations » durables. Ces outils qui objectivent les données ne sont que de peu d’utilité pour répondre aux questions qualitatives qui précèdent. Il sera nécessaire de faire appel à : • des observations fines de la part des différents professionnels, • des mutualisations d’observations, • des croisements de données. La compréhension sera améliorée par cette manière de procéder même s’il est tout à fait possible que les mutualisations, échanges et confrontations 135

Fiche 10 • L’évaluation du projet

aboutissent aussi à produire de nouvelles questions traduisant la complexité des questions traitées.

Les récits et paroles des usagers Pour évaluer la pertinence d’un projet et en estimer les effets, la meilleure méthode est certainement celle qui consiste à écouter ce qu’en disent les personnes destinataires des actions des projets considérés. Et pourtant, c’est ce qui se fait le plus rarement, bien que, sous la poussée de l’évaluation sociale et médico-sociale et grâce aux recommandations publiées par l’ANESM, la situation soit, très lentement, en train de changer. Quel curieux paradoxe que ce secteur si friand de « respect de la personne » et « d’éthique » n’ait que très peu encore le réflexe puis l’habitude de demander aux destinataires des actions leurs propres appréciations. Lorsque cette question survient au cours de formations en établissement ou service, les réserves sont rapidement énoncées : « Si ils disent ce qu’ils veulent, on ne pourra les satisfaire. » (Foyer de vie) « Leurs handicaps les empêchent d’exprimer des idées cohérentes. » (EEAP) « Les familles sont la cause des difficultés de leurs enfants et n’ont pas la bonne distance. » (MECS) « Le champ thérapeutique fait de transfert et de contre-transfert ne peut introduire de telles interrogations dans le processus de soin. » (CMPP)

Autant le dire directement, toutes ces observations n’empêchent nullement de proposer aux personnes de donner leur avis. Bien sûr, des complications sont à prévoir, bien sûr les propos tenus seront à considérer avec prudence et demanderont à être mis en relations avec d’autres données, mais les exemples foisonnent de surprises tout à fait extraordinaires dès lors que l’on se donne la peine d’adapter des outils, de construire des pratiques réfléchies et de ne pas se contenter de déclarations superficielles. En fait, méthodologiquement, il faut partir d’un tout autre point de vue :

Les gens sont capables d’exprimer des points de vue valides sur ce qui les concerne.

À partir de cette conception nouvelle, toutes sortes d’outils pourront être créées : • des cahiers d’écriture, • des espaces/temps de parole formalisés, • des boîtes à idées,

136

Fiche 10 • L’évaluation du projet

• des questionnaires d’appréciation1 , • des entretiens individualisés ou en petits groupes, • des réunions sur thème. Et, bien entendu, tous ces moyens viennent en complément de ce que prévoit la loi (le conseil de la vie sociale). Le lecteur intéressé par cet aspect tirera profit de la lecture de la recommandation de l’ANESM portant sur le thème « Expression et participation des usagers ». L’ouvrage Penser la participation en économie sociale et en action sociale nous apporte quelques précisions :

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« La notion de participation est à nouveau au centre des préoccupations du secteur avec la création de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM)2 . Cette nouvelle structure résulte des dispositions prévues par la loi du 2 janvier 2002 qui a prévu une évaluation interne de l’activité des établissements et services tous les cinq ans et une évaluation externe sept ans après le début de leur autorisation et au moins deux ans avant son renouvellement3 . Elle a notamment pour rôle de valider ou, « en cas de carence », d’élaborer des « procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles ». Si cette agence n’a pas la fonction de produire des normes, les messages qu’elle adresse ont une portée incitative forte en vue, à la fois, de la construction des projets institutionnels, de leur évaluation et de la recherche d’une amélioration de la qualité des interventions. Mais dans un second temps, l’évaluation est en mesure de peser sur l’avenir des établissements et des services, puisque le renouvellement de leur autorisation est conditionné par la deuxième évaluation externe. C’est pourquoi le décret de 2007 qui définit les conditions de sa réalisation est d’une grande importance. Précisément, ce texte réglementaire insiste sur "l’effectivité des droits des usagers", et, à ce titre, met la notion de participation au cœur de l’évaluation. Il mentionne, d’une part, « les conditions de participation et implication des personnes bénéficiaires des prises en charge ou accompagnements », d’autre part, "la capacité de l’établissement ou du service à faciliter et valoriser l’expression et la participation des usagers"4 . »

L’ANESM s’inscrit dans cette logique, lorsqu’elle intègre la participation dans la notion plus large de « bientraitance » et lorsqu’elle commence la déclinaison des « recommandations de bonnes pratiques professionnelles » : l’une des premières traite de manière explicite de la participation, mais sous un angle particulier, qui vise à lui donner une traduction pratique. Tout projet éducatif spécialisé doit comporter une évaluation par les destinataires et cette évaluation qui peut très bien se constituer au fil du temps par 1. Nous préférons ce terme à « questionnaire de satisfaction » car ce que nous recherchons est bien plus large que « satisfaction », ce que nous attendons, c’est une véritable appréciation des prestations et des services rendus. 2. Loi n◦ 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007. 3. Article 22 de la loi n◦ 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, devenu l’article L. 312-8 du Code de l’action sociale et des familles. 4. B. B OUQUET, J.-F. D RAPERI, M. J AEGER , Penser la participation en économie sociale et en action sociale, Dunod, 2009

137

Fiche 10 • L’évaluation du projet

des interrogations répétées viendra prendre toute sa place parmi toutes les autres sources d’informations et de connaissances à propos de la réalisation du projet et de ses effets induits.

Les réunions et les régulations Prévues dans le processus de travail et de mise en œuvre du projet, les réunions et régulations doivent systématiquement faire l’objet de comptes rendus écrits qui permettront par la suite de retrouver la trace des questions traitées et des réponses apportées. L’existence de ces notes, la qualité de leur contenu et la régularité de leur réalisation fourniront de très utiles informations pour rendre compte des processus d’action. L’analyse des données contenues dans les comptes rendus, mises en lien avec les objectifs et finalités du projet, constituera un moyen précieux pour estimer la cohérence des actions et de la conduite du projet. Différentes formules peuvent être utilisées : • un secrétariat stable, • des prises de notes par chacun transmises à une personne chargée de la rédaction, • une personne (ou deux) volontaires à chaque réunion ou régulation, • une personne identifiée pour ses compétences spécifiques et son intérêt pour cette tâche. Le tableau 10.1 propose une vue synthétique de l’ensemble des moyens et outils méthodologiques utilisables selon l’étape considérée du projet éducatif spécialisé et selon la perspective que l’on travaille, « objectiver » ou « comprendre ». Il présente également les questions à se poser nécessitant des recherches d’informations. Les différents outils techniques ne sont pas contradictoires ou exclusifs les uns des autres. Pour disposer d’une évaluation fiable et compte tenu de la recherche de compréhension qui est la nôtre, il est essentiel qu’elle repose sur une multiréférentialité des données et permette leurs croisements.

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Étapes du projet

139

Réalisation

Texte du projet et organisation

Élaboration

Objet et conception

- Possibilité d’estimer l’implication des acteurs concernés - Compréhension du projet par les destinataires et toutes les personnes et instances concernées - Cohérence et clarté du texte - Organisation et programmation adaptées aux finalités et objectifs - Utilisation des procédures en cas de difficulté de compréhension

- Possibilité de repérer les engagements de chacun des acteurs

- Document écrit correspondant à tous les critères indispensables : . Attendus

. Problématisation

. Objectifs

- Réunions et régulations - Rôle des instances - Capacité à prendre en compte et à réagir à l’imprévu - Qualité de la conduite du projet et de l’animation des équipes - Recherche d’articulation de sens entre les procédures formelles et les processus informels

- Utilisation des outils prévus par le projet

- Recueil des informations

- Tenue des tableaux de bord

- Fonctionnement des instances

- Réalisation des documents écrits utiles

. Suivi et évaluation - Validation selon des procédures pré-établies

. Moyens de mise en œuvre

. Programme et organisation

. Finalités

- Vérification de la cohérence de l’élaboration du projet avec les problématiques concernées et les objectifs visés

Comprendre - Documents écrits présentant les problématiques justifiant l’intérêt du projet du point de vue des personnes, des institutions et des contextes spécifiques

- Documents et notes permettant de retracer le processus de travail mis en place

- Repérage des soutiens partenariaux

- Informations contextualisant les objectifs à atteindre

Objectiver - Données et informations permettant de repérer l’objet du projet et son utilité

Tableau 10.1. Synthèse des moyens d’évaluation

Fiche 10 • L’évaluation du projet

Évaluer les écrits

Évaluation finale

Évaluation intermédiaire

- Correspondance du contenu du texte avec les finalités et objectifs du projet

- Rapport écrit

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- Hypothèses jugées intéressantes - Qualité des liens et des contextualisations

- Informations justes et exhaustives

- Intérêt des lecteurs - Qualité de la problématisation

- Respect des échéances prévues

- Définition de perspectives nouvelles

- Intérêt des partenaires et institutions à propos de la réalisation du projet

- Mise en rapport des moyens avec les réalisations (bilan critique)

- Qualité formelle des documents

- Communication sur le projet réalisé

- Recueil des observations et commentaires des personnes concernées

- Souci des liens de cohérence et de sens entre les différents aspects du projet

- Écriture de documents de synthèse

- Réunion des instances

- Qualité des échanges lors des réunions et régulations - Recueil des observations et commentaires de tous les acteurs (professionnels et usagers)

- Définition des supports à utiliser

- Exploitation des données - Fonctionnement des instances

Tableau 10.1. (suite)

Fiche 10 • L’évaluation du projet

LES ÉPREUVES DE CERTIFICATION

Toutes les données présentées dans ce chapitre sont fondées sur le référentiel de certification du DEES.

La réglementation du diplôme prévoit deux épreuves de certification pour le DC2 : l’étude de situation et le mémoire. La première épreuve est une épreuve écrite d’une durée de 4 heures. Elle est organisée en cours de formation par l’établissement de formation et elle est affectée du coefficient 1. Sa correction est assurée par un correcteur, formateur ou professionnel.

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La seconde épreuve, le mémoire, est organisée en centre d’examen par le recteur d’académie, elle vaut coefficient 2 et elle est appréciée par deux interrogateurs n’ayant pas de lien avec le candidat notamment durant sa formation théorique ou pratique. L’écrit du mémoire est noté avant l’oral et le coefficient est de 1. L’oral vaudra coefficient 1. Nous attirons l’attention des candidats et des examinateurs potentiels sur certaines imprécisions liées à ces épreuves. La définition de ce qu’est une « situation » n’est pas donnée et la « problématique éducative » demandée pour le mémoire aurait mérité d’être davantage commentée. C’est donc avec ces imprécisions que nous allons traiter la préparation des épreuves. Au fur et à mesure que des épreuves de DC2 seront connues et en particulier l’étude de situation, nous invitons les lecteurs à s’y reporter afin de mieux cerner les différents types d’épreuves.

141

11

L’étude de situation

L’étude de situation est référée à la première partie du DC2 « Participation à l’élaboration et à la conduite du projet éducatif » et l’intitulé est le suivant : « À partir d’une situation (3 à 6 pages) fournie au candidat, le candidat synthétise la compréhension qu’il a de la situation. Il en analyse les différents paramètres au regard de ses connaissances et de sa pratique professionnelle. Il émet des hypothèses lui permettant d’élaborer des propositions. »

Les compétences attendues sont : « Observer, rendre compte et analyser les situations éducatives » et « Participer à la mise et œuvre d’un projet éducatif ».

Et les objectifs de l’épreuve sont : « Évaluer les capacités d’observation, d’analyse et de restitution des situations éducatives. » « Évaluer la capacité du candidat à émettre des hypothèses fondées sur ces observations et ses connaissances des publics. »

1. BIEN COMPRENDRE CE QUI VOUS EST DEMANDÉ Le premier souci à avoir est celui de bien comprendre ce qui est demandé et, pour cela, il faut procéder à une lecture attentive des intitulés qui sont très courts. Le tableau 11.1 reprend les termes officiels et repère les mots-clés. L’analyse des différents intitulés fait apparaître des attentes dans quatre directions essentielles : • • • •

être être être être

capable capable capable capable

de réaliser une compréhension synthétique de problématiser de formuler des hypothèses de proposer des actions

À ces attentes principales, il faut rajouter les qualités de restitution et de participation ainsi que les références souhaitées aux connaissances théoriques possédées et aux références à l’expérience pratique.

Fiche 11 • L’étude de situation

Tableau 11.1. Texte officiel

Mots-clés

Intitulé :

• compréhension synthétique

« À partir d’une situation (3 à 6 pages) fournie au candidat, le candidat synthétise la compréhension qu’il a de la situation. Il en analyse les différents paramètres au regard de ses connaissances et de sa pratique professionnelle. Il émet des hypothèses lui permettant d’élaborer des propositions. »

• repérage et analyse des paramètres • référence a des connaissances • référence/pratique professionnelle • formulation d’hypothèses • élaboration de propositions

Compétences attendues :

• observer

« Observer, rendre compte et analyser les situations éducatives. » « Participer à la mise en œuvre d’un projet éducatif. »

• rendre compte • analyser • restituer • participer

Objectifs de l’épreuve :

• évaluer les capacités à développer les

« Évaluer les capacités d’observation, d’analyse et de restitution des situations éducatives. »

compétences attendues

« Évaluer la capacité du candidat à émettre des hypothèses fondées sur ces observations et ses connaissances des publics. »

Reste à savoir ce que les formateurs qui prépareront les épreuves entendent par « situation ». Le dictionnaire Le Robert nous propose la définition suivante : « Ensemble des circonstances dans lesquelles une personne se trouve ; ensemble des relations qui unissent (qqn, une collectivité) à son milieu, à la société ; ensemble des données qui caractérisent une évolution, une action (à un moment donné). »

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Partant de là, nous constatons qu’une situation va présenter de multiples facettes, introduire de nombreux paramètres qu’il s’agira de repérer, de classer afin d’en dégager du sens. La compréhension étant définie, des hypothèses de travail pourront être formulées, préalables à des perspectives d’actions concrètes. En synthèse, nous pouvons proposer la définition suivante : Une étude de situation est un travail qui consiste, à partir d’éléments divers et de natures différentes, à rechercher une compréhension globale et synthétique afin d’élaborer des hypothèses de compréhension qui se prolongeront en perspectives et propositions d’action.

Contrairement à l’idée première que l’on peut se faire, il est essentiel d’aborder cette épreuve en étant doté d’outils méthodologiques précis.

2. DISPOSER D’UNE GRILLE MÉTHODOLOGIQUE PRÉALABLE À L’ÉPREUVE Le meilleur conseil méthodologique à donner est celui de disposer, avant l’épreuve, d’une grille de lecture déjà constituée. Ceci peut étonner. Ne vaudrait-il pas mieux lire la situation et déduire la grille de son contenu ? 143

Fiche 11 • L’étude de situation

Nous ne le pensons pas, même si, nous le verrons, la grille pré-établie doit pouvoir être modifiée en fonction de certaines particularités venant de la situation présentée. Essayons d’être logique : le référentiel de fond en regard duquel il va falloir choisir les éléments essentiels est connu, il s’agit des valeurs et principes contenus dans les textes définissant la commande publique, dans les recommandations de l’ANESM et de ce que nous apprennent les concepts puisés dans les références théoriques. Au fond, toutes les situations vont tourner autour des mêmes dimensions. Nous proposons de les mettre au jour et de nous en servir pour appréhender le contenu de la situation proposée. Tout en restant ouvert à la surprise, c’est-à-dire à des caractéristiques très spécifiques venant de tel ou tel aspect d’une situation. Alors quelle peut être cette grille préalable ? Les nouvelles orientations des politiques publiques sociales et médico-sociales se caractérisent par les aspects suivants : • • • • • • • •

droits et libertés des usagers, personnalisation des actions, travail d’équipe pluridisciplinaire, expression et participation, bientraitance, territorialisation, le projet de vie des usagers, la participation à l’évaluation des actions entreprises.

Ces différents registres sont à prendre en considération. L’éducation spécialisée, au quotidien, demande que l’attention soit portée sur : • • • • •

la vie quotidienne, la scolarité, la vie familiale, la vie sociale, les questions de santé.

Les références théoriques, dans les champs de la psychologie, de la sociologie, de la psychologie sociale et du droit attirent notre attention sur : • • • • • •

le développement affectif et cognitif, les questions de socialisation et d’interculturalité, les appartenances et identités sociales et culturelles, la dynamique des groupes, les systèmes familiaux, les critères de la bonne santé.

L’ensemble de ces points constituent des grilles de références utiles pour le recensement des paramètres d’une situation. Si la situation qui vous est 144

Fiche 11 • L’étude de situation

proposée comporte plusieurs documents, ce qui sera fréquent, vous pouvez utiliser un tableau (voir tableau 11.2). Le tableau 11.2 n’est qu’un exemple, vous pouvez le modifier et l’enrichir mais il nous paraît indispensable de disposer d’un tel outil « dans sa tête » avant une telle épreuve, de manière à pouvoir classer l’information en même temps que vous en prenez connaissance. Ainsi, vous gagnez du temps et vous mettez de meilleures chances de votre côté de ne pas ignorer des données importantes. De plus, ce type de tableau doit rester ouvert, c’est-à-dire susceptible d’être enrichi par des informations inclassables dans la grille pré-établie et attirant donc notre attention vers des aspects que nous n’avions pas envisagés. Préparer l’analyse des données par des grilles préconçues ne s’oppose nullement à l’ouverture d’esprit qui convient pour réaliser ce type d’exercice.

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Autres informations utiles

Territoires et contextes

Expression/Participation

Personnalisation

Droits et libertés

Vie familiale

Santé

Socialisation

Scolarité

Paramètres à prendre en compte

DOC 1

Informations utiles

DOC 3

Synthèse de la situation

DOC 2

Documents fournis pour présenter la situation

Tableau 11.2.

DOC 4 Synthèse partielle

Observations et synthèses

Fiche 11 • L’étude de situation

Fiche 11 • L’étude de situation

3. CONSEILS DE MÉTHODE POUR RÉALISER L’ÉPREUVE Pour réaliser cette épreuve, nous vous conseillons de suivre la progression en cinq étapes que nous présentons dans le tableau 11.3. Tableau 11.3. Étapes de la progression

1. Faire une lecture

attentive, lente et progressive.

Commentaires Démarrer tout de suite par une lecture minutieuse des documents. Se laisser envahir par des idées, des associations d’idées mais ne pas les fixer. Toujours partir de l’idée que d’autres informations vont venir et qu’elles vont sûrement modifier les impressions premières. Rester ouvert et attentif.

2. Repérer et classer

les informations selon une grille.

3. Analyser

les données et problématiser la situation.

Reprendre une seconde lecture et, cette fois-ci, identifier et classer selon la grille dont on dispose les informations qui nous semblent essentielles. Ne pas trop se remettre sans cesse en question, cette étape du travail comporte des risques, il n’est pas possible de ne pas en prendre. Être attentif aux liens qui se forment dans notre esprit avec des références théoriques et pratiques. Étape cruciale, c’est là que se construit l’intelligibilité de la situation. Rapprocher les données qui peuvent l’être et savoir dire pourquoi on les rapproche. Mettre en tension les données qui s’opposent et savoir dire pourquoi on les identifie comme telles. Arriver à exprimer la ou les problématique(s) de façon synthétique.

4. Formuler

des hypothèses de compréhension.

Écrire des énoncés courts avec un choix attentif des mots, des verbes et des qualificatifs pour exprimer les hypothèses de compréhension que l’on a pu élaborer compte tenu de ce qui précède. Veiller à ce que les différentes étapes montrent un enchaînement logique et cohérent quant au sens. Conséquence logique de tout ce qui précède.

5. Présenter

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des propositions d’actions.

Attention à la cohérence, proposer des actions pertinentes, réfléchies, méfiez-vous de l’effet « catalogue » ou du simplisme (par exemple faire un atelier esthétique pour l’image de soi, peut-être mais ce n’est généralement pas si simple).

Pour ce qui concerne les propositions finales, là aussi, vous pouvez disposer de grilles pré-établies. Il y a fort à parier que les registres suivants pourront être utiles : • • • • • • •

éducation/socialisation/vie quotidienne, pédagogie/apprentissages, soin et thérapie, confiance en soi et pédagogie de la réussite, travail autour du lien familial, expression et participation, relations avec l’extérieur. 147

Fiche 11 • L’étude de situation

Préparez-vous à mémoriser les rubriques essentielles selon lesquelles les perspectives et propositions pourront se développer, restez ouvert également à d’autres idées qui vous viendraient à l’esprit et recherchez toujours le bien fondé des choix effectués. Pour le dire très simplement, posez-vous continuellement la question suivante : « Pourquoi est-ce que je retiens ou propose cela ? ». Vous devez toujours pouvoir répondre à cette question de façon logique et réfléchie. Si vous ne le pouvez pas, c’est que votre choix n’est pas suffisamment sûr. Remettez alors le chantier de réflexion en route.

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Le mémoire

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Beaucoup d’ouvrages traitent des mémoires de fin d’étude pour les travailleurs sociaux, qu’il s’agisse des éducateurs, spécialisés ou de jeunes enfants, des assistants de service social, des candidats aux fonctions de cadres, Caferuis, Cafdes ou encore DEIS. Et toujours se posent les mêmes questions : qu’est-ce qu’une problématique ? est-ce un travail de recherche ? doit-on formuler des hypothèses ? etc. Ces questions se posaient il y a 50 ans, continuent d’exister et, chose très surprenante, continuent à être formulées par les mêmes personnes tout au long de leur carrière, par exemple : éducateur, puis Caferuis puis directeur. Nous allons tenter, dans le cadre de cet ouvrage, de donner des indications fiables, simples et claires pour aider les futurs éducateurs spécialisés à répondre aux objectifs de cette épreuve du DEES.

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1. BIEN COMPRENDRE CE QU’EST LE MÉMOIRE D’ÉDUCATEUR SPÉCIALISÉ Il nous faut commencer par une compréhension la plus précise possible de la commande. Nous ne pouvons la trouver que dans le référentiel de certification. Nous attirons l’attention des lecteurs « éducateurs en formation » sur le fait que de nombreuses sources de documentation vont beaucoup plus loin que ne le demande le référentiel de certification. Cela peut poser aux étudiants de très sérieux problèmes de compréhension et d’orientation. Pour notre part, nous allons rester résolument proches du référentiel, ce qui nous semble la meilleure conduite à tenir. a Ce que dit le référentiel de certification Le mémoire d’éducateur spécialisé est référé à la seconde partie du DC2 « Conception du projet éducatif » et le référentiel définit l’épreuve ainsi : Soutenance orale d’un mémoire sur une problématique éducative élaborée par le candidat. Le mémoire d’un volume d’environ 50 pages (annexes non comprises) est noté par les interrogateurs avant la soutenance. Oral coefficient 1 et écrit coefficient 1 (noté avant l’oral).

Le référentiel identifie trois aspects :

Fiche 12 • Le mémoire

• Il doit y avoir une problématique. • Elle doit être d’ordre éducatif. • Elle est élaborée par le candidat. Ces trois aspects sont eux-mêmes traversés par la question du « Projet éducatif ». La commande est celle-là, c’est elle qu’il convient de préciser et de bien comprendre. Reprenons donc ces trois énoncés et essayons de bien saisir ce qu’ils veulent dire. b La problématique du mémoire Proposition de définition générale : Une problématique de mémoire se réalise en considérant des éléments différents, venant du champ théorique ou des expériences pratiques, qui, mis en tension les uns par rapport aux autres, forment un nœud d’interrogations à propos duquel on recherche une compréhension meilleure afin de choisir des pratiques adaptées.

Si nous « considérons des éléments différents », c’est que nous avons déjà une idée. Si nous n’en avons pas, il ne peut y avoir de questionnement. C’est donc à partir de données existantes, d’ordre théorique et/ou pratique, qu’il est possible de constituer une mise en relation et en tension des éléments considérés. Ce qui revient à dire que la problématique du mémoire doit être recherchée à partir des centres d’intérêt et de questionnement que l’on a déjà. À la base de la problématique, il y a ce que M. Grawitz appelle « le sens de la question ». C’est au fond très simple, il suffit de s’interroger soi-même sur les questions qui nous intéressent jusqu’à un niveau de complexité qui mérite que l’on y consacre un mémoire. Prenons quelques exemples et comparons, sur les mêmes thématiques, ce qu’est un énoncé non problématisé et une problématique. Thèmes non problématisés L’éducateur et l’autorité L’autonomie de la personne adulte handicapée L’éthique et le respect des choix de la personne Le travail avec les familles

Formulations de problématiques « Faire autorité » plutôt « qu’avoir » de l’autorité : l’évolution nécessaire de la fonction éducative. Entre « droits et libertés » de la personne et les obligations liées à sa protection : quelles pratiques à développer ? Vie collective en institution et personnalisation des actions : un enjeu nouveau pour les pratiques. Quelles pratiques éducatives lorsque les attentes et besoins de l’adolescent viennent à l’encontre des politiques publiques de rapprochement ?

Il est probable, qu’au vu de ces exemples, quelques lecteurs ne s’y retrouvent pas et n’identifient pas comme « problématiques » ce que nous avons écrit. C’est normal et cela vient illustrer notre propos. Pour le dire de façon triviale, « il y aura toujours quelqu’un pour dire autre chose », une problématique peut continuellement être discutée car il n’y a pas de modèles et cela pour la bonne 150

Fiche 12 • Le mémoire

et simple raison que la problématisation est un processus jamais terminé et donc susceptible de compréhensions différentes selon les personnes qui n’en sont jamais aux mêmes points. Peu importe, il faut avancer et le critère majeur à retenir est le suivant : « Si on critique ma problématique, est-ce que je me sens apte à l’expliquer et à la défendre ? ». Dans l’affirmative, je garde, dans la négative, je continue à chercher. Il ne faut pas oublier que l’oral s’appelle une « soutenance ». Ce qui veut dire qu’il faudra « soutenir », « défendre » les idées que l’on avance. Dans notre tableau, nous avons essayé de montrer que les énoncés de la colonne de gauche étaient des thèmes qui n’ouvrent sur aucun questionnement explicite et que les énoncés de la colonne de droite mettaient en tension des éléments qui se réfèrent au thème considéré. Méthodologiquement, il est possible de partir d’un thème comme un premier repérage et, à partir de ce thème, il convient d’en identifier les éléments et de les mettre en tension. c La problématique est éducative

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Deuxième indication du référentiel de certification, la problématique est « éducative ». Ce qui veut dire qu’il est indispensable d’être capable de définir l’éducation. Sur cette question aussi des sources d’erreurs importantes existent, en particulier si l’on « tire » trop la problématique vers la psychologie ou la sociologie ou le droit, par exemple. Dire qu’une problématique est « éducative » signifie qu’elle doit traiter des questions en relation directe avec la participation réelle des personnes au monde concret qui les entoure. Ce qui ne veut pas dire que des éclairages théoriques spécialisés ne soient pas utiles, mais ils doivent être contributifs de la perspective éducative qui est l’axe principal du mémoire d’éducateur spécialisé. Rappelons que « éducation » vient de deux racines latines, « educare » qui veut dire « dresser » et « educere » qui veut dire « conduire en dehors ». C’est évidemment ce deuxième sens qui nous intéresse le plus, sans tout à fait ignorer le premier qui conserve souvent son utilité pour autant que les habitudes données puissent s’articuler avec la seconde perspective. d C’est le candidat qui l’élabore Ce point est important. Ce que nous avons dit un peu plus haut le sous-entend, c’est à chaque éducateur en formation de construire sa problématique de mémoire sur la base des questions qui sont les siennes et pour autant que sa recherche puisse aussi avoir une valeur collective et intéresser les autres. Pour cela, il faut faire appel à tout ce qui interpelle ou a interpellé durant le processus de formation, des concepts théoriques qui ont marqué jusqu’aux expériences pratiques dont certaines ont durablement questionné. Le choix du thème du mémoire, puis la problématique doivent toujours être logiques en regard du parcours de formation de chacun. Il ne faut pas choisir un sujet de mémoire parce qu’il serait « à la mode » ou parce que notre formateur préféré le souhaite. Non, il faut apprendre à penser par soi-même. Stéphane Rullac indique à ce sujet : 151

Fiche 12 • Le mémoire

« l’élaboration du mémoire requiert toutes les compétences éducatives pour les synthétiser dans le projet éducatif présenté. Le mémoire est un espace de liberté pour questionner librement son action. Cette prise de recul est rare, tant le rythme quotidien de l’exercice professionnel ne permet que très peu de sortir "la tête du guidon". Bien sûr, la perspective du diplôme angoisse et pousse au conformisme, pour ne pas s’attirer une éventuelle opposition du jury. Pourtant, le mémoire est un "objet" important dont il faut être fier, non pas pour sa note, mais parce qu’il est fidèle au processus de professionnalisation de son auteur1 . »

La cohérence entre le mémoire et son auteur est une condition essentielle pour garantir sa qualité. Il ne faut pas oublier que l’écrit sera noté sur 20 avec le coefficient 1 mais qu’il y aura ensuite une soutenance orale. e C’est aussi un oral Une épreuve orale comporte des aspects spécifiques sur lesquels nous n’allons pas nous attarder ici (bonne communication, se tenir droit, parler avec clarté etc.) Nous préférons insister sur un point déjà évoqué mais important à répéter : le meilleur oral est réalisé lorsque ce que nous avons à dire nous intéresse et nous a réellement mobilisés. En somme la clef du bon oral est dans le bon mémoire. Le choix du sujet, l’identification d’une problématique dont on a envie de connaître le traitement, la qualité de l’écrit préfigure l’oral. Prévoyez d’être pédagogue à l’oral, il n’est vraiment pas rare que des étudiants en sachent plus que les membres du jury sur la question traitée. Se pose alors une délicate question d’amour-propre pour certains examinateurs. Soyez donc explicatifs, soyez modestes tout en tenant vos positions, ne contrecarrez pas frontalement les correcteurs et utilisez des mots simples pour vous exprimer.

2. CONSEILS DE MÉTHODE D’une manière générale, le mémoire devra comporter cinq étapes qui représentent ce que nous croyons être des passages obligés. Mais ces étapes ne constituent pas nécessairement les cinq parties du mémoire : il est possible de l’organiser autrement mais il faudra tout de même être attentif à ce que les points indiqués soient tous traités.

1. Stéphane R ULLAC , Je prépare le DEES, Dunod, 2009

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Fiche 12 • Le mémoire

Les étapes sont les suivantes : Les cinq étapes

1. Les pré-requis du mémoire

2. Construire une problématique

3. Le recueil des données

4. L’écriture du texte rédigé

5. La mise en forme

Contenu des étapes - Qu’est-ce qui m’intéresse, me pose question ? (théorie/pratique) - Dans ce qui m’intéresse qu’est-ce qui est susceptible d’intéresser les autres ? - Choix du thème général - Identification des questions de départ - Validation de l’étape (avec le directeur de mémoire) - Mises en relations/tensions de certains éléments contenus dans les questions de départ - Écriture de ces mises en relations (ébauche de problématique) - Écriture de la problématique - Premier projet de plan - Validation de l’étape (avec le directeur de mémoire) - Identification des références théoriques utiles (je suis toujours capable d’expliquer mes choix) - Identification des références pratiques que je juge pertinentes (idem) - Enquête, observations, études de situation, entretiens, études de cas, analyse de territoire (choix des moyens méthodologiques en lien avec le directeur de mémoire) - Validation de l’étape (avec le directeur de mémoire) - Plan définitif - Écriture des chapitres - Lecture par le directeur de mémoire - Validation régulière - Respect des critères de forme - Corrections orthographe et syntaxe - Relecture attentive du texte - Reliure, duplication

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Deux points sont à souligner, le rôle du directeur de mémoire et le choix des méthodes. Pour ce qui est du directeur de mémoire, son rôle est très important. Il ne se substitue évidemment jamais à l’étudiant mais il est son premier lecteur et interlocuteur. Il doit absolument être disponible et accepter de lire régulièrement les écrits qui lui sont remis. Les règles du jeu doivent être clairement établies au travers du projet pédagogique de la filière et elles doivent être cohérentes avec le niveau de qualité attendu pour un tel travail. Les pédagogies dites « nouvelles », d’auto-formation, ne doivent pas venir gêner la nécessaire rencontre entre un auteur et un lecteur. Pour ce qui est des méthodes à utiliser, il convient de bien se rappeler que ce sont les questions qui permettent de choisir. C’est en fonction de ce que l’on cherche que l’on va utiliser plutôt telle ou telle technique. Il n’y a pas de dogme en la matière. Il faut, ici comme ailleurs, être capable de justifier ses choix par un argumentaire réfléchi, chacun pouvant tout à fait être juge pour soi-même.

153

Fiche 12 • Le mémoire

3. LA FORME EST ESSENTIELLE Enfin les questions de forme, nous donnons ci-dessous les indications habituellement données pour ce type d’exercice : POLICE : Times new roman Intervalles de 1,5 Caractères de 12 Alignement du texte à gauche et à droite N’aller à la ligne que lorsque l’on change d’idée Numérotation : 1. 1.1. 1.1.1. 2. 2.1. 2.1.1. 3. 3.1. 3.1.1. (ne pas dépasser trois niveaux de numérotation) Faire un plan du mémoire Mettre une bibliographie Rajouter (hors 50 pages, donc numérotation autre) les annexes strictement utiles Veiller à une reliure et une présentation graphique aérée et agréable Pour la couverture et ses indications, se référer au centre de formation

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Extrait du référentiel professionnel

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DÉFINITION DE LA PROFESSION ET DU CONTEXTE DE L’INTERVENTION L’éducateur spécialisé, dans le cadre des politiques partenariales de prévention, de protection et d’insertion, aide au développement de la personnalité et à l’épanouissement de la personne ainsi qu’à la mise en œuvre de pratiques d’action collective en direction des groupes et des territoires. Son intervention, dans le cadre d’équipes pluri-professionnelles, s’effectue conformément au projet institutionnel répondant à une commande sociale éducative exprimée par différents donneurs d’ordre et financeurs, en fonction des champs de compétences qui sont les leurs dans un contexte institutionnel ou un territoire.

L’éducateur spécialisé est impliqué dans une relation socio-éducative de proximité inscrite dans une temporalité. Il aide et accompagne des personnes, des groupes ou des familles en difficulté dans le développement de leurs capacités de socialisation, d’autonomie, d’intégration et d’insertion.

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Pour ce faire, il établit une relation de confiance avec la personne ou le groupe accompagné et élabore son intervention en fonction de son histoire et de ses potentialités psychologiques, physiques, affectives, cognitives, sociales et culturelles L’éducateur spécialisé a un degré d’autonomie et de responsabilité dans ses actes professionnels le mettant en capacité de concevoir, conduire, évaluer des projets personnalisés ou adaptés à des populations identifiées. Il est en mesure de participer à une coordination fonctionnelle dans une équipe et de contribuer à la formation professionnelle d’autres intervenants. L’éducateur spécialisé développe une fonction de veille et d’expertise qui le conduit à être interlocuteur et force de propositions pour l’analyse des besoins et la définition des orientations des politiques sociales ou éducatives des institutions qui l’emploient. Il est en capacité de s’engager dans des dynamiques institutionnelles, inter institutionnelles et partenariales. L’éducateur spécialisé intervient dans une démarche éthique qui contribue à créer les conditions pour que les enfants, adultes, familles et groupes avec lesquels il travaille soient considérés dans leurs droits, aient les moyens d’être

Fiche 13 • Extrait du référentiel professionnel

acteurs de leur développement et soient soutenus dans le renforcement des liens sociaux et des solidarités dans leur milieu de vie. L’éducateur spécialisé intervient principalement, mais sans exclusive, dans les secteurs du handicap, de la protection de l’enfance, de la santé et de l’insertion sociale. Il est employé par les collectivités territoriales, la fonction publique et des associations et structures privées.

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Extrait du référentiel de formation

14

DC2. CONCEPTION ET CONDUITE DE PROJET ÉDUCATIF PERSONNALISÉ a Participation à l’élaboration et à la conduite du projet éducatif Observer, rendre compte et analyser les situations éducatives Participer à la mise en œuvre d’un projet éducatif b Conception du projet éducatif Établir un diagnostic socio-éducatif Concevoir un projet éducatif Évaluer le projet éducatif

Indicateurs de compétences Savoir formaliser et restituer les éléments recueillis Savoir évaluer l’apport des activités au projet éducatif

Savoir collecter et analyser des données et des observations

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Évaluer le projet éducatif

Concevoir un projet éducatif

Savoir anticiper les difficultés, ajuster et réguler les actions

Savoir rechercher et prendre en compte les analyses des différents acteurs du projet personnalisé

Savoir présenter le bilan des actions menées et des objectifs atteints

Savoir faire le bilan des actions menées et des objectifs atteints

Savoir poser des hypothèses d’action éducative en fonction d’un diagnostic Savoir formaliser les étapes et objectifs d’un projet

Savoir identifier le cadre de sa mission et participer à l’élaboration d’une stratégie d’équipe

Savoir intégrer un diagnostic socio-éducatif à un projet personnalisé

Savoir réaliser la synthèse d’approches pluri-professionnelles permettant d’établir un diagnostic socio-éducatif

Savoir rendre compte de l’évolution du projet

Savoir prendre en compte la place et le rôle des familles

Établir un diagnostic socio-éducatif

Savoir mettre en lien des constats avec l’environnement social et économique Savoir mobiliser les ressources, projets et réseaux internes et externes à l’institution

Conception du projet éducatif

Participer à la mise en œuvre d’un projet éducatif

Savoir réajuster l’action éducative en fonction de cette évaluation Participation à l’élaboration et à la conduite du projet éducatif Savoir tenir compte des éléments qui caractérisent une situation individuelle, des Observer, rendre compte et analyser les situations éducatives groupes ou un territoire dans la réponse éducative

Compétences

Tableau 14.1. Domaine de compétences 2 : Conception et conduite de projet éducatif spécialisé

Fiche 14 • Extrait du référentiel de formation

Extrait du référentiel de certification

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Tableau 15.1. Référentiel professionnel 1.3 : Domaines de compétences Domaine de compétences DC2 : Conception et conduite de projet éducatif spécialisé

Intitulé de l’épreuve Épreuve : Étude de situation

1re partie : Participation à l’élaboration et à la conduite du projet éducatif

Objectifs de l’épreuve Évaluer les capacités d’observation, d’analyse et de restitution des situations éducatives. Évaluer la capacité du candidat à émettre des hypothèses fondées sur ses observations et ses connaissances des publics.

Compétences repérées Observer, rendre compte et analyser les situations éducatives Participer à la mise en œuvre d’un projet éducatif

Type d’épreuve Épreuve écrite : à partir d’une situation (3 à 6 pages) fournie au candidat. Le candidat synthétise la compréhension qu’il a de la situation. Il en analyse les différents paramètres au regard de ses connaissances et de sa pratique professionnelle. Il émet des hypothèses lui permettant d’élaborer des propositions. Durée de l’épreuve Épreuve écrite d’une durée de 4 heures

Cadre de l’épreuve et lieu de l’épreuve Épreuve organisée en cours de formation par l’établissement de formation Coefficient : 1

Interrogateurs ou correcteurs Un correcteur (formateur ou professionnel)

Fiche 15 • Extrait du référentiel de certification

Tableau 15.1. (suite) Domaine de compétences

Intitulé de l’épreuve

Type d’épreuve

DC2 : Conception et conduite de projet éducatif spécialisé

Épreuve : Présentation et soutenance d’un mémoire

Soutenance orale d’un mémoire sur une problématique éducative élaboré par le candidat Le mémoire d’un volume d’environ 50 pages (annexes non comprises) est noté par les interrogateurs avant la soutenance

2e partie : Conception du projet éducatif

Cadre de l’épreuve et lieu de l’épreuve Épreuve en centre d’examen organisée par le Recteur Coefficient 2

Oral : coefficient 1 Écrit : coefficient 1 (note attribuée avant l’audition du candidat) Objectifs de l’épreuve Évaluer la capacité du candidat à approfondir une problématique éducative synthétisant ses éléments de connaissance théorique et les acquis issus de sa pratique professionnelle

Compétences repérées

Durée de l’épreuve

Établir un diagnostic socio-éducatif Concevoir un projet éducatif Évaluer le projet éducatif

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Interrogateurs ou correcteurs

Épreuve orale d’une durée Deux interrogateurs de 30 minutes (n’ayant pas de lien avec le candidat notamment durant sa formation théorique ou pratique)

Conclusion

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La notion de « projet éducatif spécialisé » reste imprécise dans les textes qui ont réorganisé le diplôme d’état d’éducateur spécialisé. Nous avons essayé, dans cet ouvrage, de tracer des voies de compréhension et de définition. Nous avons également proposé des méthodologies pour penser le projet, l’élaborer et le conduire. Pour autant, nous voudrions, dans cette conclusion, insister sur le rôle et l’importance de l’équipe pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle dans laquelle l’éducateur est toujours inséré. Il n’y a pas d’éducateur solitaire, même si les modes d’intervention de son établissement ou service font qu’il intervient seul le plus souvent, il n’empêche que ses missions et contributions sont toujours un élément d’un ensemble plus vaste. Son travail mérite, certes, d’être précisé et enrichi, comme nous le propose le nouveau diplôme, car nous continuons d’entendre dans les établissements et services des interrogations sur leur métier de la part des éducateurs eux-mêmes (Spécialisés en quoi ? Quelles différences avec les AMP ?) mais il est tout autant important de souligner son appartenance à une équipe. En fait, le service rendu aux enfants, adolescents et adultes accueillis ainsi qu’à leurs familles, les prestations et activités qui sont délivrées, sont le produit de la conjugaison des rôles et des compétences. Faut-il le rappeler, l’éducation spécialisée n’est jamais la seule option possible en action sociale et médico-sociale ? C’est toujours une articulation des contributions diverses, la mise en synergie des complémentarités qui opèrent à propos des personnes vers qui elles sont dirigées. L’éducateur spécialisé peut alors apparaître comme un maillon central, une sorte de plaque-tournante de l’équipe, du fait de son niveau de formation qui lui demande de comprendre les stratégies sociales, de soins et d’éducation et du fait aussi de sa position centrale de par son engagement au quotidien auprès des personnes. Tout cela ne définit pas une position facile car la vie et le fonctionnement de l’équipe ne constituent pas un long fleuve tranquille. Le travail d’équipe consiste à faire avec des enjeux de toutes sortes, techniques, de préséance, relationnels ou encore communicationnels et hiérarchiques. C’est pour cela que le projet est essentiel. Il institue l’objet de ce qui est à entreprendre. C’est lui qui va fonder les finalités en procédant à l’évaluation des situations problématiques, c’est lui qui va donner corps aux objectifs et aux moyens nécessaires pour les atteindre, c’est lui encore qui va organiser les actions en programme et permettre donc la concrétisation des intentions. Les impératifs sont ceux du sens et de la cohérence. Une logique de projet est une logique de sens, le projet n’est pas une finalité de par lui-même, c’est 161

Conclusion

un moyen au service des finalités repérées pour les personnes accueillies. Tout projet et toute conduite de projet doivent pouvoir à chaque instant être expliqués et référés à un raisonnement qui en indique le bien-fondé. Enfin, la cohérence doit être au rendez-vous, les différentes phases d’un projet doivent représenter un enchaînement logique, la progression doit être perceptible et les places et rôles de chacune des personnes engagées doivent être compréhensibles pour tout le monde. C’est ainsi que l’éducateur spécialisé pourra réaliser « en actes » ce qui pourrait ressembler à une ubiquité, être lui-même et, dans le même temps, être « autre » que lui-même, membre d’un collectif qui œuvre de façon solidaire au service des personnes en difficulté et qui ont besoin d’aide pour assurer leur vie au milieu des autres.

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