Mathématiques pour les systèmes dynamiques
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Zitiervorschau

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

© LAVOISIER, 2002 LAVOISIER

11, rue Lavoisier 75008 Paris Serveur web : www.hermes-science.com ISBN 2-7462-0565-3 Catalogage Electre-Bibliographie Richard, Jean-Pierre (sous la direction de) Mathématiques pour les systèmes dynamiques Paris, Hermès Science Publications, 2002 ISBN 2-7462-0565-3 RAMEAU : communication, théorie mathématique de la systèmes dynamiques DEWEY : 519 : Probabilités et mathématiques appliquées

Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5, d'une part, que les "copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective" et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, "toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite" (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

sous la direction de

Jean-Pierre Richard

Mathématiques pour les systèmes dynamiques sous la direction de Jean-Pierre Richard fait partie de la série SYSTÈMES

TRAITÉ IC2

AUTOMATISÉS

dirigée par Claude Foulard

I NFORMATION – COMMANDE – COMMUNICATION

sous la direction scientifique de Bernard Dubuisson Le traité Information, Commande, Communication répond au besoin de disposer d'un ensemble complet des connaissances et méthodes nécessaires à la maîtrise des systèmes technologiques. Conçu volontairement dans un esprit d'échange disciplinaire, le traité IC2 est l'état de l'art dans les domaines suivants retenus par le comité scientifique : Réseaux et télécoms Traitement du signal et de l'image Informatique et systèmes d'information Systèmes automatisés Productique Chaque ouvrage présente aussi bien les aspects fondamentaux qu'expérimentaux. Une classification des différents articles contenus dans chacun, une bibliographie et un index détaillé orientent le lecteur vers ses points d'intérêt immédiats : celui-ci dispose ainsi d'un guide pour ses réflexions ou pour ses choix. Les savoirs, théories et méthodes rassemblés dans chaque ouvrage ont été choisis pour leur pertinence dans l'avancée des connaissances ou pour la qualité des résultats obtenus dans le cas d'expérimentations réelles.

Liste des auteurs

Brigitte D’ANDRÉA-NOVEL Ecole nationale supérieure des mines de Paris

Eric MOULINES Ecole nationale supérieure des télécommunications Paris

Jean-Pierre BABARY LAAS-CNRS

Toulouse Jean-Pierre BARBOT Ecole nationale supérieure de l’électronique et de ses applications Cergy-Pontoise Emmanuel DELALEAU Université Paris-Sud Orsay Vladimir B. KOLMANOVSKII CINVESTAV

Mexico, Mexique Laurent LEFÈVRE Ecole supérieure d’ingénieurs en systèmes industriels avancés Valence Salvatore MONACO Università La Sapienza Roma, Italie

Jamal NAJIM Ecole nationale supérieure des télécommunications Paris Dorothée NORMAND-CYROT L2S-CNRS

Gif-sur-Yvette Wilfrid PERRUQUETTI Ecole centrale de Lille Pierre PRIOURET Université Pierre et Marie Curie Paris Jean-Pierre RICHARD Ecole centrale de Lille Frédéric ROTELLA Ecole nationale d’ingénieurs de Tarbes Irène ZAMBETTAKIS IUT de Tarbes LAAS-CNRS, Toulouse

7DEOHGHVPDWLqUHV

$YDQWSURSRV -HDQ3LHUUH 5

                                      

,&+$5'

5(0,Ê5( 3$57,( 0$7+e0$7,48(6 3285 /(6 6,*1$8; (7 60 a>0

s a

e− s

a>0

3

s2

arctan

a s

a∈R

Tableau 1.1. Quelques transformées de Laplace unilatères Au vu de la proposition 6, le produit de convolution de deux signaux u et v transformables au sens de Laplace (transformée unilatère) est transformable

au sens de Laplace et son domaine de convergence contient l'intersection des domaines de convergence des deux signaux u et v. Comme celle de Fourier, la transformée de Laplace traduit le produit de convolution dans le domaine temporel en un simple produit de fonctions dans le domaine de Laplace et facilite ainsi grandement l'analyse des systèmes linéaires stationnaires décrits par leur réponse impulsionnelle. En eet, pour de tels systèmes, la réponse forcée à un signal d'entrée est le produit de convolution du signal et de sa réponse impulsionnelle (voir équation (1.6)). Ces considérations sont formalisées dans la proposition qui suit (voir une démonstration dans [DOE 74]).

Proposition 7. Soient u, v deux signaux dénis sur R+ et transformables au sens de Laplace. Alors, u ∗ v est transformable au sens de Laplace et : L(u ∗ v)(s) = L(u)(s)L(v)(s).

De plus, si s, p ∈ C sont tels que p et s − p appartiennent aux domaines de

34

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

convergence respectifs de L(v)(s) et de L(u)(s), alors : L(uv)(s) =

Z

1 2πi

σ+i∞

L(u)(s − p)L(v)(p)dp, σ−i∞

où σ est la partie réelle de la variable d'intégration. Notamment, si les conditions de convergence permettent d'annuler s, on a : Z



u(t)v(t)dt = 0

1 2πi

Z

σ+i∞

L(u)(−p)L(v)(p)dp,

(1.25)

σ−i∞

qui est un équivalent, pour la transformée de Laplace, de la relation de Parseval. Il semble donc qu'il y ait moyen, comme dans le cas de la transformée de Fourier, d'établir une isométrie entre les fonctions de L2 (R+ ) et leurs transformées. Ceci est eectivement le cas, mais nécessite la dénition préalable d'un espace  de Hardy que nous noterons H2 C+ . 0 Dénition 9. L'espace de Hardy H2 des fonctions d'une variable complexe à valeurs dans Cn est déni par : o  n 2 + n H2 C+ 0 , f : C0 → C : f est holomorphe et kf kH2 < ∞ ,

où :

2 kf kH2

 , sup

σ>0

1 2π

Z







kf (σ +

2 iω)kCn

 dω .

L'espace H2 C+ 0 ainsi déni est un espace de Banach (il est complet, muni de la norme k·kH2 , voir [KAW 72]). Cependant, il est nécessaire de pouvoir dé nir un produit scalaire dans H2 C+ pour établir une isométrie de cet espace 0 suivante [KAW 72] fait remarquer que avec L2 (R+ ). Pour cela, la proposition  les fonctions de l'espace H2 C+ peuvent être représentées par leurs valeurs 0 sur l'axe imaginaire.  Proposition 8. Pour chaque fonction f ∈ H2 C+0 , il existe une unique fonction fe ∈ L2 (−i∞, +i∞) telle que : Z lim+

σ→0

+∞

−∞

2

f (σ + iω) − fe(iω) n dω = 0. C

De plus, l'application f 7→ fe est linéaire, injective et préserve la norme.  En choisissant pour chaque fonction de H2 C+ 0 ce représentant unique dans L2 (−i∞, +i∞), nous pouvons donc dénir sans ambiguïté le produit scalaire de deux fonctions f et g de H2 C+ par : 0 hf, giH2

1 = 2π

Z

+∞

−∞

D

E fe(iω) , ge (iω)

Cn

dω.

(1.26)

Transformées intégrales et distributions

35

Comme  corollaire immédiat de la proposition 8, nous pouvons déduire que H2 C+ 0 muni de ce produit scalaire est un espace de Hilbert. Il est maintenant

possible de formaliser l'observation faite à partir de l'équation (1.25). C'est l'objet du théorème suivant. Théorème 4 (de Paley-Wiener). La transformée de Laplace est une isomé . Ainsi notamment, pour tout u, v de L2 (R+ ), trie entre L2 (R+ ) et H2 C+ 0  + on a : L(u), L(v) ∈ H2 C0 et hu, viL2 = hL(u), L(v)iH2 . Cette isométrie est fort utile, par exemple pour évaluer le gain L2 d'un système linéaire stationnaire représenté par une convolution. De même que celle de Fourier, la transformée de Laplace possède des propriétés intéressantes de transformation des opérateurs de translation et de dilatation (dénition 3). Proposition 9. Soient u une fonction transformable au sens de Laplace, a ∈ R, λ ∈ R0 et s0 ∈ C. On a alors : (i) L (τ a u) = e−sa L (u) ; (ii) L (∂λ u) = |λ| ∂1/λ L (u) ; (iii) L (e−s0 t u) = τ s0 L (u) . La première de ces propriétés permet de déterminer la fonction de transfert d'un système caractérisé par un retard de transmission. Elle est également fort utile pour la conversion de données échantillonnées à intervalles de temps réguliers. Les propriétés (ii ) et (iii ) aectent en général le domaine de convergence. Elles sont utilisées surtout pour élargir les dictionnaires de transformées. Il est possible de déterminer les valeurs initiale et nale d'une fonction u(t), dénie sur R+ et à valeur dans Rn , à partir de l'expression de sa transformée de Laplace. En eet, on a d'après la propriété 5 : sL(u)(s) = L(

du )(s) + u(0+ ). dt

(1.27)

Ceci suppose que u(t) soit diérentiable sur R+ et, en particulier, que : lim u(t) = u(0+ ),

t→0+

(1.28)

existe. On obtient alors, en considérant les limites Re (s) → ∞ et Re (s) → 0+ , pour autant que s = 0 appartienne au domaine de convergence : u(0+ ) = u(∞) =

lim

sL(u)(s),

(1.29)

lim

sL(u)(s).

(1.30)

Re(s)→∞ Re(s)→0+

Lorsque l'axe imaginaire est la frontière du domaine de convergence, la relation (1.30) peut être ou ne pas être vériée, comme le montrent les deux exemples qui suivent.

36

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Exemple 2. (i) La transformée de Laplace de l'échelon unité 1+(t) est la fonc-

tion

1 s

et son domaine de convergence est le demi-plan complexe ouvert droit

Re (s) > 0. En appliquant la formule (1.30), on trouve : lim

Re(s)→0+

s

1 = lim 1+ (t). s t→∞

ω (ii) La transformée de Laplace de sin (ωt) 1+ (t) est la fonction s2 +ω 2 et son domaine de convergence est le demi-plan complexe ouvert droit Re (s) > 0. En appliquant la formule (1.30), on trouve :

lim

Re(s)→0+

s

ω = 0, s2 + ω 2

alors que la fonction sin (ωt) 1+ (t) n'a pas de limite pour t → ∞.

1.4. Distributions 1.4.1. Motivations Nous avons été confrontés au problème de la généralisation de la notion de fonction en abordant la question de la réponse impulsionnelle d'un système linéaire stationnaire. Celle-ci nécessite le plus souvent de considérer l'impulsion de Dirac qui doit être vue plutôt comme une forme linéaire (faisant correspondre à une fonction u(ξ) la valeur de cette fonction en ξ = 0) que comme une fonction. Nous avons également été confronté au problème de la dérivation de certaines fonctions non diérentiables au sens usuel (fonctions non continues, par exemple), notamment à travers le prisme de la multiplication de leurs transformées de Fourier par des puissances du type (−2iπξ)α , α ∈ Nn . Les transformées de Fourier et de Laplace, quant à elles, posent des problèmes de convergence. Un grand nombre de fonctions intéressantes, telle la fonction constante 1, ne possèdent pas de transformées de Fourier, au sens usuel de la transformée d'une fonction.

1.4.2. Structures de convergence, espace dual et distributions La théorie des distributions apporte une solution élégante et précisément formulée à l'ensemble de ces problèmes. Les espaces de distributions sont, en général, des espaces duaux d'espaces de fonctions très étroits, notamment des

Transformées intégrales et distributions

37

espaces D (Rn ) et S (Rn ) que nous avons dénis plus haut. La première question qui se pose alors est de dénir une notion de convergence  raisonnable  sur ces espaces. Pour ce faire, nous avons recours à la notion de structure de convergence. Dénition 10. Soit X un espace vectoriel sur K (avec K = R ou C), χ ⊆ X N un sous-espace vectoriel de l'ensemble des suites de points de X . Alors, χ dénit une structure de convergence sur X s'il existe une application (appelée limite) de χ dans X qui, à toute suite {un }n≥1 , fait correspondre un point u de X (on notera {un }n≥1 7→ u), avec : (i) {u, . . . , u, . . .} 7→ u ; (ii) {un }n≥1 7→ u ⇒ ∀ sous-suite {unk }k≥1 7→ u ;

 {un }n≥1 7→ u  (iii) {vn }n≥1 7→ v ⇒ {λ(un + vn )}n≥1 7→ λu + λv .  λ∈K L'ensemble χ est donc le domaine de cette application  limite , ou encore

l'ensemble des suites qui convergent (au sens particulier déni par la structure de convergence). Dénition 11 (Convergence faible). Soit X un espace de Hilbert, muni du produit scalaire h·, ·iX à valeurs dans K (R ou C). Une suite {un }n≥1 ⊂ X converge faiblement vers u, dans X , si : ∀v ∈ X : hun , viX → hu, viX ,

(1.31)

au sens de la convergence usuelle dans K.

Dénition 12 (Convergence dans D (Rn )). Une suite de fonctions {un}n≥1

de l'espace des fonctions tempérées D (Rn ) converge vers u dans D (Rn ) si : (i) il existe un compact K ⊂ Rn telle que suppt (un ) ⊂ K, ∀n ≥ 1 (voir (1.10) pour la dénition du support suppt) ; (ii) ∀α ∈ Nn : k∂ α (un − u)k∞ → 0. D On note la convergence dans D (Rn ) : {un }n≥1 → u. Dénition 13 (Convergence dans S (Rn )). Une suite de fonctions {un}n≥1 de l'espace de Schwartz S (Rn ) converge vers u dans S (Rn ) si ∀α, β ∈ Nn :

β α

S

x ∂ (un − u) → 0. On note {un } n≥1 → u la convergence de cette suite ∞ dans S (Rn ). Remarquons que u ∈ D (Rn ) implique u ∈ S (Rn ) et que : D

{un }n≥1 → u



Dénition 14 (Convergence dans

S

{un }n≥1 → u.

(1.32)

K (Rn )). On dénit l' espace des fonc-

tions continues à support compact par :

K (Rn ) , {u ∈ C (Rn ) : suppt (u) est un compact de Rn } .

38

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Une suite de fonctions {un }n≥1 de K (Rn ) converge vers u dans K (Rn ) si : (i) il existe un compact K ⊂ Rn telle que suppt (un ) ⊂ K, ∀n ≥ 1 ; (ii) kun − uk∞ → 0. D On désigne la convergence de cette suite dans D (Rn ) par {un }n≥1 → u. Dénition 15 (Convergence ponctuelle dans X 0). Soit X un espace vectoriel sur K, à structure de convergence. On dénit X 0 , l' espace dual de X , par : X 0 , {f : X → K : f est linéaire et continue} , (1.33) et on désigne alors la valeur de f en u par (f, u). On dit qu'une suite de fonctions {fn }n≥1 de X 0 converge vers f dans X 0 lorsque : (1.34)

∀u ∈ X : (fn , u) → (f, u) .

Il s'agit donc de la convergence ponctuelle dans X 0 . D

Il est intéressant de constater que la convergence {un }n≥1 → u est l'une des plus exigentes rencontrées en analyse et qu'en conséquence, la convergence associée dans l'espace dual D0 (convergence ponctuelle dans D0 ) est l'une des plus faibles rencontrées en analyse. La construction d'espaces de distributions consiste précisément à prendre l'espace dual X 0 d'espaces de fonctions X susamment régulières, munis d'une structure de convergence. On parlera d'espace des distributions D0 (Rn ), d'espace des distributions tempérées S 0 (Rn ) et d'espace des mesures de Radon K0 (Rn ). Ensuite, les applications linéaires continues dans X sont transposées de manière à dénir les applications linéaires continues dans X 0 . Cette construction assez simple est susante pour répondre aux motivations que nous avons posées à la section précédente. Rappelons tout d'abord la dénition d'application linéaire continue. Dénition 16 (Application linéaire continue). Soient X et Y deux espaces vectoriels munis chacun d'une structure de convergence sur K et L : X → Y une application linéaire. L'application L est continue si : X

Y

∀ {un }n≥1 ⊂ X : un → 0 ⇒ Lun → 0.

Dans le cas d'espaces X et Y normés et si la structure de convergence choisie est la convergence en norme, c'est-à-dire : X

un → 0 ⇔ lim kun kX = 0, n→∞

(1.35)

Y

(L, un ) → 0 ⇔ lim kLun kX = 0, n→∞

alors il s'agit de la notion usuelle d'application linéaire continue entre deux espaces normés.

Transformées intégrales et distributions

39

La tansposition d'une application linéaire continue se dénit de manière très naturelle dans les espaces duaux. Dénition 17 (Transposition d'une application linéaire). Soient X et Y deux espaces vectoriels munis de leurs structures de convergence et soit une application linéaire continue L : X → Y . L'application linéaire transposée L0 : Y 0 → X 0 , notée L0 ou LT , est dénie de manière telle que : ∀f ∈ Y 0 : (L0 f, u) , (f, Lu) , ∀u ∈ X.

Le lecteur vériera facilement que l'application transposée L0 est ainsi bien dénie et elle-même linéaire et continue. Ce principe de transposition est le moteur de la généralisation aux espaces de distributions de type X 0 de toutes les applications linéaires continues de X dans lui-même. Il va nous permettre, par exemple, de dénir la dérivation ou la transformée de Fourier d'une distribution. Laurent Schwartz est à la source de la théorie simple et élégante des distributions présentée ici et formulée par lui à la n de la seconde guerre mondiale. Bien que les distributions aient été utilisées bien avant, notamment par Heaviside qui fait déjà largement usage de la dérivée de la fonction échelon unité vers 1890, la théorie des distributions de Schwartz fournit un cadre rigoureux (et donc les résultats correspondants) et renouvelé à l'étude de l'analyse de Fourier et des équations aux dérivées partielles. Ces deux domaines connaîtront dès lors un essor spectaculaire, renforcé dans le cas de la théorie des équations aux dérivées partielles, par l'introduction des espaces de Sobolev d'ordre entier (Sobolev, 1938), puis non entier. Les travaux de Schwartz sur les distributions sont présentés dans [SCH 66].

1.4.3. Distributions tempérées L'espace de Schwartz S (Rn ), plus large que D (Rn ), permet d'analyser des fonctions qui n'ont pas un support compact. Comme nous l'avons vu au début de ce chapitre, son utilisation simplie considérablement l'étude de la transformée de Fourier4 . Nous le privilégierons dans la suite de ce chapitre. Dénition 18 (Distributions tempérées). L' espace des distributions tempérées est déni par : S 0 (Rn ) , {f : S (Rn ) → C : f est linéaire et continue} .

C'est le dual de l'espace de Schwartz. Des formes à valeurs complexes ont été choisies pour plus de généralité. 4 La simplication provient du caractère isométrique de la transformée de Fourier dans cet espace et du fait que la propriété de dérivation F (∂ α u) = (−2iπξ)α F (u) rend fondamentale l'utilisation de la condition de décroissance rapide.

40

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Nous avons déjà étudié un certain nombre d'applications linéaires et continues de S (Rn ) dans lui-même. Elles sont reprises ci-après. Proposition 10. Avec les conventions associées aux multi-indices (voir dénition 2), les opérateurs qui suivent sont des opérateurs linéaires et continus de S (Rn ) dans lui-même : (i) l'opérateur de dérivation ∂ γ , pour γ ∈ Nn ; (ii) l'opérateur de translation τ a , pour a ∈ Rn ; (iii) l'opérateur de dilatation ∂λ , pour λ ∈ R\{0}. Démonstration : le caractère linéaire de ces opérateurs est évident. La continuité se montre à l'aide de la dénition de S (Rn ). Par exemple, pour la dérivation, S un → 0 implique : ∀α, β ∈ Nn , sup ξ α ∂ β (∂ γ un (ξ)) = sup ξ α ∂ β+γ un (ξ) < ∞. ξ∈Rn

ξ∈Rn

(1.36)

Le cas de la transformée de Fourier est plus subtil. Nous avons vu qu'il s'agit d'une bijection linéaire de S (Rn ) dans lui-même, qui est une isométrie lorsque S (Rn ) est muni du produit scalaire dans L2 (Rn ). La démonstration de la proposition suivante se trouve, par exemple, dans [WIL 95]. Proposition 11. La transformée de Fourier dans l'espace S (Rn ) muni de la structure de convergence dénie dans l'exemple 13 est une application continue. Dénir un opérateur de multiplication des fonctions u de S (Rn ) par une fonction g donnée est une idée qui paraît a priori intéressante. En eet, la transposition de cet opérateur permettrait de construire un grand nombre de distributions à partir d'une distribution f donnée, par simple application de la formule (gf, u) , (f, gu), c'est-à-dire à l'aide de la multiplication dans S (Rn ). La diculté réside ici dans la dénition d'une classe, la plus large possible, de fonctions g qui dénissent un opérateur de multiplication continu dans S (Rn ). On remarquera en particulier qu'il ne sut pas de prendre g ∈ C ∞ (Rn ) pour avoir : sup ξ α ∂ β (gu(ξ)) < ∞, ∀α, β ∈ Nn , ∀u ∈ S (Rn ) . (1.37) ξ∈Rn

Une solution apportée par Schwartz à ce problème est la dénition de l'espace des fonctions tempérées. Dénition 19 (Fonctions tempérées). L' espace des fonctions tempérées est déni par :  ∞ n OM (R ) , g ∈ C (R ) n

∀α ∈ Nn , ∃c ≥ 0, ∃m m∈ N : α |∂ g(ξ)| ≤ c 1 + kξk2Rn , ∀ξ ∈ Rn .



.

Les fonctions de OM (Rn ) et toutes leurs dérivées présentent donc une croissance polynomiale à l'inni, ce qui permet de capturer de nombreux exemples intéressants.

Transformées intégrales et distributions

41

Exemple 3. Les fonctions sin(t) et cos(t) sont des fonctions de OM (R) car, comme |∂ α sin(t)| ≤ 1, ∀α ∈ N, la condition de la dénition 19 est vériée pour c = 1 et m = 0. Exemple 4. Les polynômes de degré k de la forme : g(ξ) =

X

c α ξ α , c α ∈ Rn ,

(1.38)

|α|≤k α∈Nn

sont des fonctions de OM (Rn ) car pour γ ∈ Nn et |γ| = p, on a : m  |∂ γ g(ξ)| ≤ c 1 + |ξ|2 ,

(1.39)

avec 2m ≥ k − p et c susamment grande. Il en va d'ailleurs de même pour les polynômes d'ordre non entier α ∈ Rn et |α| ≤ k ∈ R+ . Exemple 5. Les fonctions de S (Rn ) sont des fonctions de OM (R) car : et donc :

∀α, β ∈ Nn , ξ α ∂ β (gu(ξ)) ≤ cα,β , ∀ξ ∈ Rn ,

(1.40)

∀β ∈ Nn , ∂ β (gu(ξ)) ≤ c0,β , ∀ξ ∈ Rn .

(1.41)

La condition de la dénition 19 est vériée pour c = c0,β et m = 0. La dénition de fonction tempérée assure que le produit d'une fonction u ∈ S (Rn ) par une fonction g ∈ OM (Rn ) est bien une fonction de S (Rn). La forme m particulière de la majoration a été choisie de manière à ce que c 1 + |ξ|2 soit de classe C ∞ (Rn ). Proposition 12. Soit g ∈ OM (Rn ). L'opérateur de multiplication déni par : Λg : S (Rn ) → S (Rn ) : u 7→ gu est continu. Démonstration : la démonstration repose sur la formule de Leibnitz qui donne le résultat de la dérivation d'un produit de fonctions. Elle est de nature essentiellement calculatoire et les développements complets peuvent être trouvés, par exemple, dans [SCH 66]. Proposition 13. Si v ∈ S (Rn ), alors l'opérateur de convolution par v, déni par : (v ∗ ·) : S (Rn ) → S (Rn ) : u 7→ v ∗ u,

est une application continue dans S (Rn ). Démonstration : la continuité de l'opérateur de convolution dans S (Rn ) est une conséquence directe de la continuité des opérateurs de transformation de Fourier, de multiplication, de dilatation. Il sut de constater que, d'après les propriétés de la transformée de Fourier dans S (Rn ), on a : v ∗ u = (F ◦ F ◦ F ◦ F) (v ∗ u) = (F ◦ F ◦ F) (b vu b) vu b) . = (∂−1 ◦ F ) (b

(1.42)

42

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Comme vb ∈ S (Rn ) ⊂ OM (Rn ), il s'ensuit que la convolution peut se décomposer en 4 applications linéaires continues. Elle est donc continue. Ayant constaté les propriétés de linéarité et de continuité d'une série d'opérateurs linéaires et continus dans S (Rn ), nous allons pouvoir les transposer dans S (Rn ), à l'aide de la dénition 17. Pour nous guider dans la dénition de ces opérations transposées, nous pouvons en particulier étudier les formes linéaires fϕ : S (Rn ) → C qui ont une représentation intégrale : Z (fϕ , u) ,

ϕ(ξ)u(ξ)dξ, Rn

(1.43)

où ϕ est une fonction susamment régulière pour que les intégrales dénies plus bas aient un sens (c'est le cas notamment si ϕ ∈ S (Rn )). Il est certain qu'il s'agit d'une famille de distributions pour lesquelles les dénitions d'opérateurs transposés doivent être valables. On a pour les distributions de cette famille : 1. Pour a ∈ Rn :

Z (fϕ , τ a u) ,

Rn

ϕ(ξ)u(ξ − a)dξ

Z =

(1.44)

ϕ(ξ + a)u(ξ)dξ ZR

n

= Rn

(τ −a ϕ) (ξ)u(ξ)dξ.

2. Pour λ ∈ R\{0} : Z

ξ ϕ(ξ)u( )dξ λ Z n = |λ| ϕ(λξ)u(ξ)dξ Rn Z   n |λ| ∂ λ1 ϕ (ξ)u(ξ)dξ. =

(fϕ , ∂λ u) ,

Rn

(1.45)

Rn

3. Pour γ ∈ Nn : Z (fϕ , ∂ u) , γ

ϕ(ξ)∂ γ u(ξ)dξ Z |γ| = (−1) ∂ γ ϕ(ξ)u(ξ)dξ Rn Z   |γ| (−1) ∂ γ ϕ (ξ)u(ξ)dξ. = Rn

Rn

(1.46)

Transformées intégrales et distributions

4. Pour g ∈ OM (Rn ) :

Z (fϕ , Λg u) ,

ϕ(ξ)g(ξ)u(ξ)dξ ZR

n

= Rn

5. Pour v ∈ S (Rn ) :

(1.47)

(Λg ϕ) (ξ)u(ξ)dξ.

Z

 u(ξ − η)v(η)dη dξ n Rn ZR  Z = ϕ(ξ) u(−θ)v(ξ + θ)dθ dξ Rn Rn  Z Z = v(ξ + θ)ϕ(ξ)dξ u(−θ)dθ Rn Rn  Z Z = v(ξ − θ)ϕ(ξ)dξ u(+θ)dθ n Rn ZR = (∂−1 v ∗ ϕ) (ξ)u(ξ)dξ. Z

(fϕ , u ∗ v) ,

43

ϕ(ξ)

(1.48)

Rn

6. Enn, on a également (voir propriété 4) : Z

(fϕ , F u) ,

ϕ(η) (F u) (η)dη ZR

n

=

(1.49)

(F ϕ) (η)u(η)dη. Rn

A l'aide des calculs qui précèdent, nous pouvons donc proposer les transpositions des opérateurs concernés dans S 0 (Rn ). Dénition 20. Par transposition, on dénit, pour tout f ∈ S 0 (Rn ) et pour tout u ∈ S (Rn ), les opérateurs : (i) τ a , a ∈ Rn tel que (τ a f, u) = (f, τ −a u),  (ii) ∂λ , λ ∈ R\{0} tel que (∂λ f, u) = |λ|n f, ∂1/λ u , (iii) ∂ γ , γ ∈ Nn tel que (∂ γ f, u) = (−1)|γ| (f, ∂ γ u), (iv) Λg , g ∈ OM (Rn ) tel que (Λg f, u) = (f, Λg u), (v) (· ∗ v), v ∈ S (Rn ) tel que (f ∗ v, u) = (f, (∂−1 v) ∗ u), (vi) F , tel que (Ff, u) = (f, F u). Ce sont des opérateurs linéaires et continus de S 0 (Rn ) dans lui-même. On remarquera en particulier que toute distribution tempérée f possède une transformée de Fourier et est inniment diérentiable au sens des distributions. Il s'agit là bien-sûr d'un avantage décisif de ce cadre théorique pour l'analyse fréquentielle et l'étude du comportement des systèmes linéaires dans le domaine temporel, ou dans le domaine des transformées de Fourier.

44

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Nous avons déni plus haut des distributions tempérées fϕ par des intégrales sur Rn (voir (1.43)), à l'aide de fonctions ϕ  susamment régulières . Ce caractère  susamment régulier  est précisé par la proposition suivante, dont une preuve se trouve par exemple dans [SCH 66]. Proposition 14. S'il existe 1 ≤ p < ∞ et 0 ≤ m entiers tels que : ϕ(ξ) 1 + kξk2Rn

−m

∈ Lp (Rn ) ,

alors la forme fϕ dénie par (1.43) est une distribution tempérée. Ce résultat peut être complété par un résultat d'unicité de la représentation intégrale des distributions dénies de cette manière [SCH 66]. Proposition 15. Si ϕ et ψ vérient toutes deux la condition de la proposition 14 et dénissent la même distribution tempérée, c'est-à-dire sont telles que : Z

∀u ∈ S (Rn ) :

Z

ϕ(ξ)u(ξ)dξ = Rn

ψ(ξ)u(ξ)dξ, Rn

alors ϕ = ψ presque partout dans Rn . Nous observons que, par le caractère très restreint de l'espace S (Rn ), la classe des fonctions qui permettent de dénir des distributions par représentation intégrale est très grande. Elle contient notamment tous les espaces Lp (Rn ), p ≥ 1, ainsi que OM (Rn ) et C (Rn ). Cependant, il existe des distributions tempérées qui ne sont pas dénies par des fonctions ϕ. Ainsi, l'impulsion de Dirac dénie par : δ : S (Rn ) → C : u 7→ (δ, u) = u(0) (1.50) est bien une forme linéaire et continue, c'est-à-dire une distribution tempérée. Cependant, il n'existe aucune fonction ϕ dans l'ensemble des fonctions vériant l'hypothèse de la proposition 14, telle que : Z

u(0) = Rn

ϕ(ξ)u(ξ)dξ, ∀u ∈ S (Rn ) .

(1.51)

1.4.4. Transformées de Fourier de distributions La dénition par transposition de la transformée de Fourier dans S 0 (Rn ) conduit naturellement à la généralisation des propriétés de cette transformée dans S (Rn ). Nous allons brièvement les passer en revue. Pour la suite, nous utiliserons la notation ξ pour désigner les arguments des fonctions et distributions et la notation η pour les arguments de leurs transformées de Fourier. Proposition 16. La transformée de Fourier est une bijection linéaire continue de S 0 (R) dans lui-même. Elle satisfait de plus la relation F ◦ F = ∂−1 .

Transformées intégrales et distributions

45

Démonstration : la bijectivité résulte du fait que F ◦ F ◦ F ◦ F = I. Par conséquent F ◦ F = (F ◦ F)−1 est une bijection et F aussi.

Proposition 17. Soit f une distribution tempérée. On a alors :

(i) (ii) (iii) (iv) (v)

F (τ a f ) = e−2iπaη F (f ), pour a ∈ Rn , n F (∂λ f ) = |λ| ∂1/λ F (f ), pour λ ∈ R\{0}, α F (∂ f ) = (2iπη)α F (f ), pour α ∈ Nn , F (v ∗ f ) = F (v) F (f ), pour v ∈ S (Rn ) , F (vf ) = F (v) ∗ F (f ), pour v ∈ S (Rn ) .

Démonstration : ces résultats se démontrent simplement en appliquant la formule de transposition. Il faut cependant noter que e−2iπaη et (−2iπη)α sont bien des fonctions de OM (Rn ) et que les multiplications ci-dessus ont donc un sens. La démonstration du point (v ) fait appel au caractère injectif de la transformée de Fourier : on a F (F (vf )) = ∂−1 (vf ) et F (F (v) ∗ F (f )) = ∂−1 (vf ). Le caractère injectif de F achève la démonstration. Il est intéressant de constater que le point (ii) de la proposition ci-dessus lie l'étalement d'une fonction et de sa transformée de Fourier : en eet, lorque λ diminue en se rapprochant de 0, la fonction ∂λ f est de plus en plus concentrée, n b alors que sa transformée de Fourier ∂d λ f = |λ| ∂1/λ f est de plus en plus étalée. A la limite, ∂λ f converge (au sens des distributions) vers l'impulsion δ , parfaitement concentrée, et sa transformée de Fourier ∂d λ f converge (au sens des distributions) vers la fonction constante 1 (voir proposition suivante), parfaitement étalée. Calculons à présent la transformée de Fourier de la distribution de Dirac et quelques formules dérivées.

Proposition 18. En notant R

1 la distribution dénie par 1 : S (Rn ) → C : u(ξ)dξ, on obtient : Rn (i) bδ = 1 et b1 = δ, α |α| α (ii) F (∂ α δ) = (−2iπη)α et F ((2iπξ) α ∈ Nn ,  ) = (−1) ∂ δ , pour −2iπaη +2iπaξ n = τ a δ , pour a ∈ R . (iii) F (τ a δ) = e et F e

u 7→

Démonstration : il sut de remarquer que (bδ, u) = (δ, ub) = ub(0) = puis d'appliquer les résultat de la proposition 17.

R Rn

u(ξ)dξ,

On peut notamment calculer à l'aide de cette propriété la transformée de Fourier d'un développement polynomial : 



X X  F cα ξ α   = |α|≥1 α∈Nn

|α|≥1 α∈Nn

cα (−1)|α| ∂ α δ, (2iπ)|α|

(1.52)

46

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

où cα ∈ Rn , ainsi que celle d'une série trigonométrique : 



X X  F cα e−2iπaα ξ  cα τ aα δ.  = |α|≥1 α∈Nn

(1.53)

|α|≥1 α∈Nn

Il est également possible de calculer la transformée de Fourier d'une série d'impulsions de Dirac. Un telle série est de la forme : X

(1.54)

τ k δ,

k∈Z

et est appelée peigne de Dirac. Pour calculer sa transformée de Fourier, nous avons besoin d'un résultat préliminaire (démontré dans [WIL 95], par exemple). Lemme 1 (Formule de Poisson). Soit u : R → C telle qu'il existe une constante c > 0 pour laquelle :

et

|u(ξ)| < c(1 + |ξ|)−2

Alors, on a :

X

u(ξ − k) =

X

|b u(η)| < c(1 + |η|)−2 .

u b(k)e2iπkξ ,

∀ξ ∈ R.

Proposition 19. Le peigne de Dirac est une distribution tempérée égale à sa k∈N

k∈N

transformée de Fourier. On a : X

F

!

τ kδ

=

k∈N

X

τ kδ =

k∈N

X

e2iπkη , η ∈ R.

(1.55)

k∈N

Démonstration : par dénition : X

!

τ k δ, u

=

k∈Z

X

u (k) ≤

k∈Z

X

1 + k2

−1 

1 + ξ 2 u(ξ) < ∞. ∞

(1.56)

k∈Z

La série est donc convergente et elle dénit une forme linéaire et continue dans C. Il s'agit donc bien d'une distribution tempérée. Par continuité de la transformation de Fourier et par la proposition précédente, il vient : F

X

!

τ kδ

=

k∈Z

X

F (τ k δ) =

k∈Z

X

e2iπkη .

(1.57)

k∈Z

Enn, pour conclure, nous avons recours à la formule de Poisson. Elle est applicable pour u dans S (Rn ) et montre que : X k∈Z

!

τ k δ, u

=

X k∈Z

!

τ k δ, u b

,

F

X k∈Z

!

τ kδ

!

,u .

(1.58)

Transformées intégrales et distributions

47

Le peigne est donc bien sa propre transformée.

P

Il est intéressant de remarquer que la série k∈Z e2iπkξ ne converge pas au sens de la convergence ponctuelle dans C, car chaque terme de la série est de module égal à un. Cependant, elle converge bien au sens des distributions vers le peigne de Dirac. Le noyau de Poisson déni par : Pr (ξ) =

X

r|k| e2iπkξ

pour r < 1,

(1.59)

k∈Z

est, lui, une série convergente (convergence absolue et uniforme). Il peut être utilisé pour approcher le peigne de Dirac. En eet, on a la convergence suivante au sens des distributions : S0

lim− Pr (ξ) =

r→1

X

e2iπkξ .

(1.60)

k∈Z

Cette approximation du peigne de Dirac est illustrée sur la gure 1.2.

3

2.5

2

1.5

1

-2

-1

0

1

2

Figure 1.2. Noyau de Poisson Pr (ξ) pour r = 0.5 et r = 0.7 Les distributions permettent également d'évaluer la transformée de Fourier des fonctions de la forme : fp (ξ) ,

1 , ξ ∈ Rn , 0 < p < n. kξkpRn

(1.61)

48

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

La fonction fp n'est jamais intégrable (au sens L1 ) dans Rn . En eet, en coordonnées polaires, on obtient : fp (ξ)dξ = rn−1 r−p dr = rn−p−1 dr,

(1.62)

et pour que cette fonction soit intégrable sur Rn , il est nécessaire d'avoir simultanément p > n (fonction mesurable pour r → ∞) et p < n (fonction mesurable au voisinage de r = 0). Dès lors, la dénition intégrale de la transformée de Fourier ne peut être appliquée. Cependant, le cas simple p = 0 donne f0 = 1 et fb0 = δ et nous montre qu'il peut être fondé de chercher la transformée de Fourier au sens des distributions de la fonction de type puissance fp (ξ), comme suit (démonstration dans [WIL 95]). Proposition 20. Pour 0 < p < n, la fonction fp : Rn → R+ : ξ 7→ |ξ|1p admet pour transformée de Fourier (au sens des distributions) une fonction du type : fbp (η) = cn,p

1

n−p ,

|η|

où cn,p > 0 est une constante réelle dépendant uniquement des paramètres n (dimension de l'espace Rn ) et p (puissance non entière, en général). En conséquence, on observe que la fonction |ξ|1n/2 est également un point xe de la transformée de Fourier, au sens des distributions, dans Rn .

1.4.5. Caractérisation des espaces de Sobolev Les espaces de Sobolev sont couramment utilisés dans la recherche de solutions aux problèmes diérentiels, qu'il s'agisse d'EDO ou d'EDP. Nous n'aborderons dans cette section que la caractérisation des espaces de Sobolev nécessaire au développement de la section suivante, qui concerne l'application de la théorie des distributions et de la transformée de Fourier à la résolution des problèmes diérentiels elliptiques. La dénition usuelle des espaces de Sobolev fait intervenir des dérivations d'ordre entier. Dénition 21 (Sobolev d'ordre entier). Soit m entier positif. L' espace de Sobolev d'ordre m sur Rn est déni par : Hm (Rn ) , {u ∈ L2 (Rn ) : ∀α ∈ Nn , |α| ≤ m ⇒ ∂ α u ∈ L2 (Rn )} .

L'espace de Sobolev Hm (Rn ) est en général muni du produit scalaire : hu, viHm ,

X Z

|α|≤m

Rn

∂ α u(ξ)∂ α v(ξ)dξ,

(1.63)

Transformées intégrales et distributions

et de la norme associée : kukHm ,

q hu, uiHm .

49

(1.64)

Dans ce cas, il s'agit d'un espace de Hilbert. Lorsqu'on cherche la solution d'un problème diérentiel d'ordre m (voir section suivante), il est naturel de la rechercher dans un tel espace, puisqu'il est déni de manière à ce que les dérivées présentes dans le problème diérentiel existent. De plus, sa structure d'espace de Hilbert facilite considérablement l'étude de ses propriétés (et donc d'éventuelles solutions recherchées dans cet espace). L'espace Hm comprend notamment des fonctions qui permettent de dénir des distributions tempérées par représentation intégrale (voir proposition 14) et qui peuvent être identiées à ces distributions. Cette observation incite à plonger l'espace de Sobolev dans l'espace des distributions tempérées. C'est le sens du théorème suivant. Théorème 5. L'espace Hm (Rn ) est caractérisé par la dénition équivalente : Hm

  m/2  2 0 = u ∈ S : 1 + |η| u b (η) ∈ L2 .

Démonstration : la démonstration fait appel à la propriété de la transformée de Fourier dans S 0 qui permute dérivation et multiplication. Pour des développements complets voir par exemple [WIL 95]. Cette caractérisation suggère à son tour d'élargir la dénition de Hm aux ordres non entiers. Dénition 22 (Sobolev d'ordre non entier). Soit s ∈ R. On dénit l' espace de Sobolev d'ordre s : 

Hs (Rn ) ,

 m/2  2 u ∈ S 0 (Rn ) : 1 + |η| u b (η) ∈ L2 (Rn ) ,

et on munit cet espace du produit scalaire et de la norme associée : Z

hu, viHs , kukHs ,

Rn



2

1 + |η|



u b (η) vb (η)dη,

q hu, uiHs .

Exemple 6. L'impulsion δ est une distribution tempérée de S 0 (R). Elle satis-

fait bδ = 1. En conséquence :

1 + η2

s

u b2 (η) = 1 + η 2

et on a donc δ ∈ Hs (R) pour s < − 21 .

s

,

(1.65)

50

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Remarque 1. Par application directe de la dénition, on a pour r < s : S (Rn ) ( Hs (Rn ) ( Hr (Rn ) ( S 0 (Rn ) .

(1.66)

Remarque 2. Dans la section suivante, nous utiliserons la notation Hsloc . Cet espace peut être construit à l'intérieur de D0 (Rn ) en observant que : f ∈ D0 (Rn ) , g ∈ D (Rn ) ⇒ f g ∈ S 0 (Rn ) ,

(1.67)

où la distribution tempérée f g est dénie par : (f g, u) , (f, gu) , ∀u ∈ S (Rn ) .

(1.68)

Hsloc (Ω) , {f ∈ D0 (Ω) : ∀g ∈ D (Ω) : f g ∈ Hs (Rn )} ,

(1.69)

On dénit alors :

où Ω est un ouvert de Rn (par exemple Rn tout entier).

1.4.6. Application aux problèmes aux limites elliptiques La théorie des distributions a produit des apports considérables à la théorie des équations aux dérivées partielles (EDP). Ce type d'applications semble en général peu connu des théoriciens des systèmes continus. Nous allons donc, dans cette section, illustrer cet apport par l'étude de quelques exemples. Considérons tout d'abord le problème diérentiel : 

−∆u + λu = f, λ > 0, f ∈ S 0 (Rn ) ,

(1.70)

où ∆u désigne le laplacien de u. Puisque f est une distribution, il semble naturel de chercher une solution u dans S 0 (Rn ). Ayant démontré le caractère bijectif de la transformée de Fourier dans S 0 (Rn ), nous pouvons sans diculté transposer ce problème diérentiel en un problème  algébrique . En eet, on obtient au sens des distributions : 

   2 b c + λb −∆u u (η) = 4π 2 |η| + λ u b(η) = f(η),

(1.71)

dont l'unique solution est : u b (η) =

fb(η) 2

4π 2 |η| + λ

∈ S 0 (Rn ) ,

(1.72)

Transformées intégrales et distributions 

51

−1

car 4π2 |η|2 + λ ∈ OM (Rn ). On déduit de la nature bijective de la transformée de Fourier que : u (ξ) = F

!

fb(η)

−1

∈ S 0 (Rn ) .

2

4π 2 |η| + λ

(1.73)

Une remarque importante et non triviale sur ce problème est que la condition

u ∈ S 0 (Rn ) constitue une condition aux limites. En eet, dans S 0 (Rn ), l'unique solution au problème homogène −∆u + λu = 0 est u = 0. Mais les fonctions : ui (ξ) = e±

√ λξi

(1.74)

,

pour i = 1, . . . , n , ainsi que leurs combinaisons linéaires, sont solutions du problème homogène. Les fonctions ui dénissent bien des distributions de D0 (Rn ) car les fonctions de D (Rn ) ont un support compact. Mais elles ne dénissent pas des distributions dans S 0 (Rn ). D'ailleurs, elles ne vérient pas la condition ui (ξ)(1 + kξk2Rn )−m ∈ Lp (Rn ) de la proposition 14. Ainsi, le problème (1.70) admet-il une innité de solution dans D0 (Rn ), mais une seule dans S 0 (Rn ). Ayant montré l'existence et l'unicité de la solution du problème diérentiel (1.70) dans D0 (Rn ) et ayant construit cette solution (voir équation (1.73)), il est naturel de s'interroger sur sa régularité. En eet, une solution au sens des distributions est un résultat élégant, mais une fonction susamment régulière serait une solution plus  praticable  du problème diérentiel. Avec la caractérisation des espaces de Sobolev formulée à la section précédente, nous disposons d'un outil remarquablement simple et puissant pour aborder ce problème. Proposition 21. Le problème diérentiel : 

−∆u + λu = f, λ > 0, f ∈ Hs (Rn ) ,

admet une seule solution u ∈ S 0 (Rn ), donnée par : u (ξ) = F −1

De plus, u ∈ Hs+2 (Rn ). Démonstration : on a :   s+2 2 1 + |η|2 |b u (η)| =



fb(η)

!

2

4π 2 |η| + λ

1 + |η|

2





1 + |η|2

.

 s2 b f (η) .

(1.75)

4π 2 |η|2 + λ   s2   −1 Or 1 + |η|2 fb(η) ∈ L2 car f ∈ Hs et 1 + |η|2 4π2 |η|2 + λ est bor-

née sur Rn . Dès lors, le membre de gauche de (1.75) est dans L2 , ce qui conclut la démonstration.

52

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

La démarche que nous avons suivie pour résoudre le problème (1.70) peut être généralisée au cas des équations elliptiques. Dénition 23. Pour α ∈ Nn , on dénit l'opérateur diérentiel Dα de S 0 (Rn ) dans lui-même par : −|α|

Dα = (2iπ)

∂α.

A tout polynôme d'ordre p ∈ N à coecients complexes dα ∈ Cn de la forme : X

P (η) ,

dα η α ,

|α|≤p α∈Nn

on associe l'opérateur diérentiel linéaire P (D) de S 0 (Rn ) dans lui-même, déni par : X P (D) ,

dα Dα .

|α|≤p α∈Nn

On appelle le polynôme P (η) le symbole de l'opérateur P (D). On dénit l' ordre de P (D) comme le plus grand entier p tel que : X

|dα | > 0.

|α|=p

On dénit le symbole principal d'un opérateur diérentiel P (D) d'ordre p, noté Pp (η), par : Pp (η) ,

X

dα η α .

|α|=p

L'opérateur diérentiel P (D) est alors dit elliptique si son symbole principal Pp (η) ne s'annule qu'en η = 0. Les dénitions de ces opérateurs diérentiels sont posées de manière à simplier l'écriture des transformées de Fourier. On a en eet, pour tout u ∈ S 0 (Rn ) : αu = ηαu d b(η), D

(1.76)

P\ (D)u = P (η)b u(η).

(1.77)

Passons en revue quelques exemples d'opérateurs diérentiels linéaires, de façon à déterminer s'ils sont elliptiques. Exemple 7. (1) L'opérateur laplacien déni par :   ∆ = ∂ (2,0,...,0) + ∂ (0,2,...,0) + · · · + ∂ (0,0,...,2)

(1.78)

Transformées intégrales et distributions

53

correspond au symbole : 2

P (η) = (2iπ)

η 21 + η 22 + · · · + η 2n



(1.79)

2

= −4π2 |η| .

Il s'agit donc d'un opérateur elliptique d'ordre 2. (2) L'opérateur de Cauchy-Riemann5 est déni par :   L = ∂ (1,0) + i∂ (0,1) ,

(1.80)

P (η) = (2iπ) (η 1 + iη 2 )

(1.81)

et correspond au symbole : = (2π) (iη 1 − η 2 ) .

Il s'agit donc d'un opérateur elliptique d'ordre 1.



(3) L'opérateur des ondes déni par Lu = (2iπ)−1 ∂ (2,0) − ∂ (0,2) u correspond au symbole P (η) = (2iπ) η21 − η22 et est un opérateur d'ordre 2 mais non elliptique car son symbole principal P2 (η) = P (η) s'annule pour η = 0 mais aussi pour η1 = η2 6= 0. Il est possible de généraliser la démarche que nous avons suivie pour résoudre l'EDP (1.70) à des opérateurs diérentiels linéaires plus généraux. L'existence, l'unicité et la construction de la solution dans S 0 (Rn ) s'obtiennent de la même manière. La question de la régularité de cette solution est plus délicate. Cependant, pour les problèmes diérentiels elliptiques, on peut faire usage du théorème ci-dessous (voir sa démonstration dans [WIL 95], par exemple). Théorème 6 (de régularité elliptique). Soit P (D) un opérateur diérentiel elliptique d'ordre m, Ω un ouvert de Rn et u ∈ D0 (Rn ). Si P (D)u ∈ Hsloc (Ω) loc alors u ∈ Hs+m (Ω). Si de plus P (D)u ∈ C ∞ (Ω) alors u ∈ C ∞ (Ω). Les applications de ce résultat à l'analyse numérique des problèmes diérentiels elliptiques sont très importantes. Supposons que un soit une suite de solutions approchées telles que P (D)un → 0 et un → u, mais dont on ne peut établir la convergence qu'en un sens très faible (convergence au sens de D0 ). Par continuité de l'opérateur P (D) dans D0 , on obtient P (D)u = 0. Si l'opérateur P (D) est elliptique, on pourra conclure du théorème précédent que u ∈ C ∞ (Ω) et que u est une solution au sens classique (solution forte) de P (D)u = 0. Examinons maintenant les exemples précédents d'opérateurs diérentiels. Exemple 8. (1) Comme le laplacien est un opérateur elliptique, toute fonction harmonique solution de ∆u = 0 est de classe C ∞ . De plus, si une suite de 5 Cet opérateur est utilisé pour caractériser les fonctions holomorphes d'une variable complexe. Si f (x + iy) = u(x, y) + iv(x, y), alors f est holomorphe si et seulement si Lf = 0.

54

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

fonctions harmoniques converge au sens des distributions, alors la limite ne peut être qu'une fonction harmonique. (2) Comme l'opérateur de Cauchy-Riemann est un opérateur elliptique, toute fonction holomorphe solution de l'équation de Cauchy-Riemman est de classe C ∞ . Si une suite de fonctions holomorphes converge au sens des distributions, alors la limite ne peut être qu'une fonction holomorphe. 2

2

(3) Les solutions de l'équation des ondes ∂∂tu2 = ∂∂zu2 sont de la forme u(t, z) = u1 (t + z) + u2 (t − z) , où les fonctions u1 et u2 ne sont en général que de classe C 2 . Le théorème de régularité ne s'applique pas dans ce cas puisque l'opérateur des ondes n'est pas elliptique.

1.5. Bibliographie [BOY 85] [DOE 74] [KAW 72] [RIC 01] [SCH 93] [SCH 66] [WIL 95] [ZAD 63]

Boyd S., Chua L.,

Fading memory and the problem of approximating nonlinear operators with Volterra series, IEEE Trans. on Circuits and ◦ Systems, vol. 32, n 11, p. 1150-1161, 1985. Doetsch G., Introduction to the theory and application of Laplace transform, Springer Verlag, 1974. Kawata T., Fourier analysis in probability theory, Academic Press, 1972. Richard J.P. (Dir.), Algèbre et analyse pour l'automatique, Hermès, Traité IC2, 2001. Schwartz L., Analyse - tome 4 : théorie de la mesure et applications, Hermann, 1993. Schwartz L., Théorie des distributions, Hermann, 1966. Willem M., Analyse harmonique réelle, Hermann, 1995. Zadeh L., Desoer C., Linear system theory, McGraw-Hill, 1963.

Chapitre 2

Calcul opérationnel de Mikusi«ski L'eet de la condition de compatibilité (...) contribue à la préservation de la théorie ancienne et familière, non pas en raison d'un quelconque avantage inhérent  parce qu'elle serait par exemple, mieux fondée dans l'observation que la nouvelle, ou qu'elle serait plus élégante  mais parce qu'elle est ancienne et familière. P. Feyerabend, Contre la méthode, Seuil, 1979. Pour traiter de façon simple et rapide les systèmes d'équations diérentielles, Heaviside, en 1893 [HEA 93], a introduit le calcul opérationnel basé sur la manipulation, semi-intuitive, de l'opérateur de dérivation p =d/dt. Pour combler le manque de rigueur de cette méthode qui pouvait conduire à des conclusions erronées, la transformation de Laplace a été utilisée comme justication théorique et base du calcul opérationel [HLA 69]. Cependant, comme le souligne Kailath [KAI 80], la transformation de Laplace réserve quelques skeletons-in-the-closet. Sans entrer dans les détails, on peut formuler quelques remarques :  le calcul de la transformée de Laplace d'une fonction demande la connaissance de cette fonction pour toutes les valeurs réelles de son argument ;  certaines fonctions, comme par exemple exp(t2 ), n'admettent pas de transformée de Laplace (remarquons au passage que, pour des raisons purement typographiques, nous noterons indiéremment la fonction exponentielle exp(t) ou et ) ;  on ne peut manipuler, dans une même relation, l'argument d'une fonction et la variable complexe de Laplace ;  cette variable complexe ne peut servir d'opérateur de dérivation que dans certaines conditions et par analogie ;  le calcul opérationnel qui en découle ne peut être utilisé, sauf cas particuliers, que sur des équations diérentielles à coecients constants. Le calcul opérationnel de Mikusi«ski [MIK 59], dont on peut trouver un exposé détaillé dans [ERD 71, YOS 84] avec des présentations légèrement différentes, constitue une alternative élégante à la transformation de Laplace sans en présenter les inconvénients. Ce calcul est basé sur une opération naturelle Chapitre rédigé par Frédéric

Rotella.

56

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

propre aux systèmes linéaires : la convolution. Cela permet d'ores et déjà de discerner la raison essentielle pour laquelle ce calcul, qui rejoint et consolide le point de vue de Heaviside, constitue un outil fondamental dans la modélisation par transfert d'un système linéaire : plutôt que de partir d'une transformation (Laplace, Carson, Mellin ou autres) et de s'apercevoir a posteriori de propriétés jouant un rôle similaire à celui d'une dérivation, le calcul de Mikusi«ski part d'une propriété caractérisant une certaine classe de comportements linéaires.

2.1. L'anneau de convolution des signaux à temps continu L'importance de l'opération de convolution (voir chapitre 1) pour traduire le comportement linéaire d'un phénomène a été soulignée par bien des auteurs : on pourra, sans être limitatif, consulter [DAU 88, DES 75, GOH 70, KAI 80]. Cette particularité, qui a été initialement utilisée par Poisson puis par Dirichlet ou Volterra [LAC 93], vient essentiellement du théorème de Riesz ([RIC 01] chapitre 2) ou de la particularisation des fonctions de Green [ZWI 98] pour certains systèmes. Elle a même été étendue au cas des systèmes non linéaires [SCH 89]. Considérons l'ensemble C des fonctions f = {f (t)} à valeurs réelles dénies sur [0, ∞) et intégrables sur tout sous-intervalle borné de [0, ∞). Cet ensemble comprend les fonctions continues par morceaux et, sauf cas particuliers que nous mentionnerons, il n'y aura pas lieu de distinguer le cas des fonctions continues. Les développements suivants pourraient être envisagés dans le cas des fonctions à valeurs complexes. D'autre part, les intégrales qui seront considérées devraient l'être, en toute généralité, au sens de Lebesgue. Cependant, pour ne pas alourdir le texte, la présentation adoptée sera celle d'intégrales de Riemann et les fonctions seront à valeurs réelles. En résumé, on peut considérer C comme l'ensemble des signaux réels à temps continu. En ce qui concerne la notation adoptée, {f (t)} désigne la fonction f alors que f (t) désigne la valeur réelle prise par f à l'instant t. Par exemple, il y aura lieu de distinguer le réel α de {α} qui est la fonction constante de valeur α pour tout t. Ainsi nous emploierons les écritures équivalentes : (∀t ≥ 0, a(t) = b(t)) ⇔ ({a(t)} = {b(t)}) ⇔ (a = b) ,

(2.1)

que nous remplacerons par a(t) = b(t) lorsqu'aucune confusion n'est à craindre, car en toute rigueur cette égalité n'est valable qu'à l'instant t. La fonction constante particulière h = {1} présentera pour nous une certaine importance, la notation h rappelant la fonction de Heaviside.

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

57

Lorsque l'on munit l'ensemble C des lois :  somme : f + g = {f (t) + g(t)} ,  produit de convolution : Z

t

fg = 0

 Z t  f (x)g(t − x)dx = f (t − x)g(x)dx , 0

(2.2)

on obtient l'anneau commutatif de convolution . Si l'on ajoute la multiplication par un scalaire : αf = {αf (t)} , cela conduit à la structure d'algèbre puisque C muni de la somme et de cette mutiplication externe est un espace vectoriel (chapitre 5 de [RIC 01]). Cependant le calcul opérationnel de Mikusi«ski sera essentiellement basé sur la structure d'anneau et ses propriétés. Comme le produit de convolution est associatif, nous pouvons noter : ∀n ∈ N, n > 1, f n = f n−1 f = f f n−1 .

2.1.1. L'opérateur d'intégration A partir de la dénition du signal h, on a : 

∀n ∈ N, n ≥ 1, h = n

tn−1 (n − 1)!

 ,

(2.3)

ce qui, compte tenu des propriétés de la fonction eulérienne Γ (chapitre 2 de [RIC 01]), peut être généralisé sous la forme : 

∀α, Re(α) > 0, hα =

tα−1 Γ(α)



.

(2.4)

Théorème 1.

∀α, β, Re(α) > 0, Re(β) > 0, hα hβ = hα+β . Pour tout f de C, on a : Z t  hf = f (x)dx , 0

(2.5)

et h apparaît ainsi comme l'opérateur d'intégration du signal {f (t)} . De façon plus générale, pour tout α tel que Re(α) > 0, on a : 

α

h f=  =

1 Γ(α) 1 Γ(α)

 x f (t − x)dx , 0  Z t α−1 (t − x) f (x)dx , Z

t

α−1

(2.6)

0

qui est l'intégrale de Riemann-Liouville d'ordre α pour f. Ainsi, hα correspondt-il à l'opérateur d'intégration fractionnaire d'ordre α [RIC 01].

58

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

2.1.2. Diviseurs de zéro Le signal nul 0 = {0} est l'élément neutre de l'anneau de convolution. Le théorème de Titchmarsh, ci-après, montre que l'anneau de convolution est intègre, c'est-à-dire qu'il ne possède pas de diviseurs de zéro.

Théorème 2 (de Titchmarsh).

f g = 0 =⇒ f = 0 ou g = 0.

∀f, g ∈ C,

Ce résultat est une forme faible du théorème suivant (appelé également théorème de Titchmarsh [GOH 70]).

Théorème 3. Soient f et g deux fonctions absolument intégrables sur [0, 1]. Si f g = 0 pour tout t dans (0, 1), alors il existe α dans [0, 1] tel que f et g soient nulles presque partout respectivement sur [0, α] et [0, 1 − α].

Cela montre que l'intégrité ne peut être assurée si l'on s'intéresse à un domaine ni.

2.2. Le corps des opérateurs L'anneau de convolution étant intègre, on peut l'étendre sous la forme d'un corps algébrique : le corps O des quotients de convolution ou opérateurs. D'après le théorème de Titchmarsh, l'équation de convolution : af = b,

où a 6= 0 et b sont dans C, admet au plus une solution, notée f = ab , qui est le quotient de convolution de b par a. Mais, dans certains cas, par exemple lorsque b(0) 6= 0, cette solution ne peut appartenir à C. Par le procédé algébrique usuel (chapitre 5 de [RIC 01]), on construit le corps des quotients de convolution de C, dans lequel l'équation de convolution précédente a toujours une solution ab , avec b et a dans C et a 6= 0. Cet ensemble, noté O, est composé des classes d'équivalence par rapport à la relation d'équivalence : d b = ⇔ ad = bc. a c

On peut munir cet ensemble, dont les éléments seront appelés opérateurs, fonctions généralisées [ERD 71] ou hyperfonctions [YOS 84], des lois :  addition : ab + dc = ad+bc ; ac  multiplication par un scalaire α : α ab = bd  produit (de convolution) : ab dc = ac ;

αb a

;

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

59

qui lui confèrent une structure d'algèbre dont l'élement neutre est 0 = {0} b et l'élément unité, u = bb , avec dans les deux cas b 6= 0. On peut alors poser :  a −1 b

,

b a

(si ab 6= 0).

(2.7)

De plus, comme on peut écrire hf = hf, on obtient l'identication f = qui indique que C O.

hf h

Remarque 1. On peut étendre l'équation de convolution af

= b au cas où a et b sont dans O (a = nd et b = xy , n, d, x, y dans C et ndy 6= 0). On est alors ramené par équivalence à l'équation de convolution : nyf = dx, où ny et dx sont dans C.

2.2.1. Multiplication par un scalaire Jusqu'à présent la notation retenue pour la multiplication par un scalaire laissait planer une confusion possible sur le sens de αf, qui ne devait pas être assimilé à {α} f. Il est maintenant temps de dénir plus proprement cette opération. L'opérateur de multiplication par un scalaire α, que nous noterons [α] , doit réaliser l'opération f 7→ {αf (t)} . En particulier, il doit satisfaire l'équation [α] h = {α} , ce qui donne : [α] =

Théorème 4.

{α} . h

∀α, β ∈ C, ∀f ∈ O :   [α] + [β] = [α + β] ; [α] [β] = [αβ] ;  [α] f = {αf (t)} .

(2.8)

La dernière relation indique bien que [α] est l'opérateur cherché et la deuxième, que u = [1] . Comme toute ambiguïté est levée, lorsque aucune confusion ne sera possible et de façon à simplier les formules, nous écrirons la plupart du temps α,  y(0), y (k) (T ) à la place de [α] , [y(0)] , y (k) (T ) . D'autre part, comme on peut identier α à [α], on a C ⊂ O.

60

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

2.2.2. L'opérateur de dérivation, p Soit p l'opérateur1 déni comme solution de l'équation de convolution : h2 f = h,

c'est-à-dire p = hh2 . De cette équation, on déduit également ph = hh = [1] . On peut donc écrire p = h−1 et le résultat suivant nous indique que p peut être considéré comme l'opérateur de dérivation. Théorème 5. Si f, continue sur [0, ∞), possède une dérivée localement intégrable, alors : n o pf = f (1) (t) + [f (0)] .

Ce résultat se généralise, si f (n) est localement intégrable, sous la forme : pn f = f (n) +

n−1 X

f (i) (0)pn−i−1 ,

i=0

où f (n)

   = f (n) (t) et, en toute rigueur, f (i) (0) désigne f (i) (0) .

En présence d'une discontinuité de première espèce, le théorème précédent doit légèrement être modié. Soit f une fonction présentant une discontinuité de première espèce en x et soit s(x) le saut en cette discontinuité : s(x) = lim f (x + ) − lim f (x − ε); &0

on a alors :

ε&0

pf = f (1) + [f (0)] + s(x)phx ,

où hx représente l'échelon de Heaviside retardé de x (voir paragraphe 2.3.1). A partir de l'opérateur hα d'intégration fractionnaire d'ordre α, déni précédemment, on peut construire l'opérateur de dérivation fractionnaire, pα , Re(α) > 0, comme la solution de l'équation de convolution : hn+α f = hn ,

où n est un entier tel que Re(α) + n > 0, ce qui donne : pα =

hn . hn+α

(2.9)

1 Habituellement, l'opérateur de dérivation est noté s, mais pour ne pas le confondre avec la variable complexe de Laplace, nous utilisons p comme Heaviside l'avait initialement proposé.

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

61

Cette construction rejoint celle proposée pour la dérivée fractionnaire à partir de l'intégrale de Riemann-Liouville (chapitre 2 de [RIC 01]). Cela permet également de montrer facilement que : ∀α, β, Re(α) > 0, Re(β) > 0, pα pβ = pα+β ,

l'extension au cas Re(α) < 0 étant fournie par : p

−α

 α

=h =

tα−1 Γ(α)



(2.10)

.

2.3. Fonctions d'opérateurs Nous nous limitons ici à des fonctions d'opérateurs dépendant d'une seule variable réelle x ∈ I ⊂ R. Une fonction d'opérateur, ou fonction opérationnelle, f (x), est une application qui à tout x de I fait correspondre l'opérateur f (x), c'est-à-dire qu'il existe deux fonctions a(x) et b(x) de C telles que a(x)f (x) = b(x). Lorsque f (x) est elle-même dans C, on pourra noter f (x) = {f (x, t)} . Cette notion est particulièrement importante lorsque l'on utilise le calcul opérationnel dans le traitement des équations aux dérivées partielles (paragraphe 2.5.4). On peut dénir une notion de convergence sur les fonctions d'opérateurs, qui bien-sûr ici ne pourra être qu'une convergence au sens faible vis-à-vis de la convergence uniforme dans C, puisque f (x) ne peut être dénie que par l'intermédiaire du produit de convolution. Par exemple, en considérant α réel, nous avons déjà rencontré l'opérateur d'intégration hα , déni pour α > 0 par (2.10) et qui a été étendu à α < 0 par : ∀α ∈ R, n ∈ N, n + α > 0, hα =

hn+α . hn

(2.11)

On peut montrer que hα est continue pour tout α au sens de la convergence des fonctions d'opérateurs et que hn h0 = hn . Par continuité, on pose donc : h0 = p0 = [1] .

(2.12)

La notion de continuité et de convergence permet également de dénir, lorsque x évolue sur N, la notion de suite ou de série de fonctions d'opérateurs. Nous n'allons pas détailler ici cet aspect, mais regarder d'autres conséquences des fonctions d'opérateurs tout aussi importantes pour le calcul opérationnel.

62

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

2.3.1. L'opérateur de retard Soit hx l'échelon de Heaviside retardé de x, x > 0. On a h0 = h et on peut dénir, pout tout α dans C : α−1 hα hx , x = h

qui lorsque Re(α) > 0, s'écrit comme le signal hα décalé de x : (

hα x

Théorème 6.

=

)

0 si 0 ≤ t < x, (t−x)α−1 si x ≤ t. Γ(α)

(2.13)

.

α+β β ∀α, β ∈ C, ∀x, y > 0, hα x hy = hx+y .

D'après la dénition précédente, on peut dénir l'opérateur h0x = h−1 hx = phx . Il vérie les propriétés suivantes :   

h00 = [1] ; h0x+y = h0x h0y ;  0 −1 = h0−x ; hx



 pour f dans C, h0x f =

0 si 0 ≤ t < x f (t − x) si x ≤ t

 .

Cette dernière propriété montre que h0x est l'opérateur de retard de x.

2.3.2. Dérivation et intégration Soit f (x) une fonction d'opérateur et a une fonction de C telle que af (x) soit dans C. Alors, on dénit :  la dérivée de f (x) :



dn f (x) ∂ n af (x, t) −1 = a dxn ∂xn  l'intégrale de f (x) : Z

β

α

f (x)ϕ(x)dx = a

−1

(Z

β



(2.14)

; )

af (x, t)ϕ(x)dx ,

(2.15)

α

où ϕ(x) est une fonction de [α, β] dans R absolument intégrable. Ces opérations vérient toutes les règles usuelles de dérivation et d'intégration et sont indépendantes du choix de a. A titre d'exemple, pour tout α de C, pour tout x ≥ 0 et en notant ()0 la dérivée par rapport à x, on a : 0 α−1 (hα . x ) = −hx

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

63

Or, on peut écrire que hα−1 = hα−1 hx = h−1 hα hx = h−1 hα x x . On obtient donc l'équation diérentielle vériée par l'opérateur hαx : 0

α (hα x ) = −phx ,

dont la condition initiale est hα0 = hα . La solution s'écrit sous la forme : α −px hα . x = h e

Nous verrons dans le paragraphe suivant d'autres équations diérentielles opérationnelles qui seront utiles pour la résolution d'équations aux dérivées partielles. Auparavant, regardons une conséquence de ce résultat. P Théorème 7. Pour tout x ≥ 0, (1 − e−xp)−1 = n≥0 e−nxp. En notant .c la partie entière, ce théorème permet d'écrire que, pour toute fonction f de C, on a : (1 − e−xp )−1 f =

k t x X

{f (t − nx)} .

(2.16)

n=0

Comme pour les intégrales usuelles, on peut dénir les intégrales impropres Rβ R R +∞ de fonctions d'opérateurs α+∞ , −∞ et −∞ lorsque les limites ont un sens.

Théorème 8. Pour toute f dans C telle que Z



R∞ 0

h0x f (x)dx existe, on a :

h0x f (x)dx = f.

0

Comme on peut écrire h0x = e−px , on obtient la relation : Z

f= 0



e−px f (x)dx,

(2.17)

qui permet d'écrire la forme opérationnelle d'une fonction (transformable au sens de Laplace) en tant que transformée de Laplace. Ce résultat réalise le lien du calcul opérationnel de Mikusi«ski avec la transformée de Laplace : on peut ainsi utiliser directement les tables de transformées (tableau 1.1, chapitre 1) et bénécier de tous ses avantages sans en avoir les inconvénients.

2.3.3. Equations diérentielles d'opérateurs Considérons l'équation diérentielle : y 0 (x) = wy(x),

(2.18)

64

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

où y(x) est une fonction d'opérateurs et w un opérateur. Si cette équation possède une solution non identiquement nulle, w est un logarithme et la solution satisfaisant à la condition initiale y(0) = 1 est la fonction exponentielle exp(wx). Cette fonction vérie la propriété : exp(wx) exp(wz) = exp(w(x + z)),

et on peut donc écrire : [exp(wx)]−1 = exp(−wx),

dont e−px est un cas particulier déjà rencontré, tout comme logarithme conduisant, pour x > 0, à : e−

√ px



=

√ p qui est un

 2  x x √ . exp − 3 4t 2 πt

(2.19)

Dans le cas de l'équation diérentielle avec second membre : y 0 (x) = wy(x) + f (x),

(2.20)

où f (x) est dans C, la solution opérationnelle satisfaisant à la condition initiale y(x0 ) = y0 , s'écrit de manière habituelle : Z x y(x) = y0 exp(w(x − x0 )) + exp(w(x − z))f (z)dz. (2.21) x0

Ces quelques points indiquent que les équations diérentielles de fonctions opérationnelles peuvent être traitées comme des équations diérentielles ordinaires usuelles.

2.4. Processus générateur d'un signal Chercher un processus générateur associé à une fonction donnée consiste à écrire cette fonction à l'aide des opérateurs h ou p. Comme h = p−1 , ils peuvent être écrits indiéremment en h, ou en p.

2.4.1. Signaux transformables au sens de Laplace Nous avons mentionné précédemment que si un signal f admet une transformée de Laplace (monolatère) F (s), alors on peut prendre directement : f = F (p),

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

65

et il sut d'utiliser les tables de transformées de Laplace (tableau 1.1 ou [HLA 69, SPI 78]), pour obtenir, sans aucun calcul, le processus générateur correspondant.

2.4.2. Fractions rationnelles en

p

Toute fraction rationnelle en p, F (p), peut être décomposée en éléments simples sous la forme : F (p) = E(p) +

mi n X X i=0 j=1

cij , (p − αi )j

(2.22)

où E(p) représente la partie entière (polynomiale) de F (p). P

Si E(p) = rk=0 ek pk = {e(t)} = e, alors pour tout l > r, on a h−l (hl e) = {0} , indiquant que pour tout t > 0, e(t) = 0. En ce qui concerne les autres termes, on a : p {eαt } = {αeαt } + 1 = [α] {eαt } + 1, de sorte que l'on peut écrire : 

eαt =

1 . p−α

De façon plus générale, on peut montrer, par exemple par récurrence, que l'on a pour tout n entier : 

tn−1 eαt (n − 1)!



=

1 , (p − α)n

(2.23)

et on peut ainsi associer un signal à tout processus générateur qui s'écrit sous la forme d'une fraction rationelle en p (ou h).

2.4.3. Fonctions analytiques Lorsque le signal f est analytique, on peut l'écrire sous la forme : {f (t)} =

et l'utilisation de hn = sus générateur :

n

tn−1 (n−1)!

o

 X 

i≥0

 i t f (i) (0) , i! 

(2.24)

, pour n > 0, permet de lui associer le proces-

f=

X i≥0

f (i) (0)hi+1 .

(2.25)

66

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

A titre d'exemple, si l'on considère exp(t2 ), on a : exp(t2 ) = h(1 + 2h2 + 12h4 + 120h6 + · · · ). P

Réciproquement, on peut utiliser le résultat suivant : si la série i≥0 xi z i P converge pour une valeur z0 de z, alors la série i≥0 xi hi dénit l'opérateur : [x0 ] +

X

 xi

i≥1

ti−1 (i − 1)!

 .

(2.26)

2.5. Calcul opérationnel Comme cela a été expliqué dans le chapitre précédent, le calcul opérationnel consiste à remplacer des équations diérentielles par des équations plus simples à résoudre, analyser ou manipuler. Dans cette section, nous noterons y (i) =  (i) y (t) la i-ième dérivée de y = {y(t)} par rapport au temps.

2.5.1. Equations diérentielles ordinaires à coecients constants Considérons l'équation diérentielle : (

n X

)

(i)

ai y (t)

= {f (t)} ,

(2.27)

i=0

P

que l'on peut noter ni=0 ai y (i) = f, avec an 6= 0 et les conditions initiales y (i) (0) = yi pour i = 0, . . . , n − 1. Comme on a : k = 1, . . . , n, y (k) = pk y −

k−1 X

yi pk−i−1 ,

i=0

on peut donc écrire l'équation diérentielle sous la forme opérationnelle d'une équation de convolution : D(p)y = f + NCI (p), Pn

où D(p) = i=0 ai pi et NCI (p) est un polynôme de degré inférieur à n qui dépend des conditions initiales. La solution de cette équation s'écrit donc : y=

NCI (p) f + . D(p) D(p)

(2.28)

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

67

Pour obtenir l'expression analytique {y(t)} de cette solution, deux cas sont à envisager :  soit on connaît le processus générateur associé à f, alors on obtient le processus générateur de y qu'il sut d'exprimer ;  soit on part de f (t) et, par décomposition en éléments simples de D(p) : D(p) =

mi r X X i=0 j=1

dij , (p − αi )j

r X

mi = n,

i=0

on obtient : i XX f = dij D(p) i=0 j=1

r

m

Z 0

t

τ j−1 eαi τ f (t − τ ) dτ . (j − 1)!

(2.29)

Exemple 1. Soit l'équation diérentielle : ∀t ≥ 0, y (2) (t) − 4y(t) = e2t , avec y(0) = 1, y (1) (0) = 1/4.  Comme e2t = (p − 2)−1 , on peut écrire :

(2.30)

1 1 + + p, p−2 4 1 p 1 , y= + 2 2 4 (p − 2) (p − 4)

(p2 − 4)y =

et, d'après la forme des processus générateurs, on obtient pour (2.30) :  {y(t)} =

 1 2t te + cosh 2t . 4

(2.31)

Exemple 2. Soit l'équation diérentielle : 2

∀t ≥ 0, y (1) (t) − y(t) = (2t − 1)et , avec y(0) = 2.

(2.32)

Notons au passage que l'on ne peut ici utiliser le formalisme de Laplace du fait 2 de la fonction et . L'utilisation du calcul opérationnel conduit à : o i 2 1 hn (2t − 1)et + 2 p−1  n Z t o 2 2 e(t−x) (2x − 1)ex dx + 2et = et + et . =

y=

0

(2.33)

Exemple 3. Soit l'équation diérentielle : ∀t ≥ 0, y (2) (t) + y(t) = f (t), avec y(0) = y(T ) = 0,

(2.34)

68

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

pour laquelle on pose provisoirement y (1) (0) = α. On obtient : α f + = {sin t} f + {α sin t} p2 + 1 p2 + 1  Z t sin(t − x)f (x)dx + α sin t . =

y=

0

Pour satisfaire à la condition terminale y(T ) = 0, α doit vérier : Z

T

0

sin(T − x)f (x)dx + α sin T = 0.

Lorsque sin T 6= 0, la valeur de α est déterminée de façon unique ; par contre, lorsque sin T = 0, la solution précédente ne résoud l'équation diérentielle RT (2.34), indépendamment de la valeur de α, que si 0 f (x) sin xdx = 0.

2.5.2. Equations intégrales de convolution Considèrons les équations intégrales de première espèce : Z

∀t ≥ 0,

t

0

et de deuxième espèce :

h(t − x)y(x)dx = f (t),

Z

∀t ≥ 0, y(t) +

0

t

h(t − x)y(x)dx = f (t),

(2.35)

(2.36)

qui sont des cas particuliers d'équations intégrales de Volterra. Le calcul opérationnel permet une écriture sous les formes respectives ky = f (pour (2.35)) et (1 + k)y = f (pour (2.36)). f Cela conduit aux solutions : y = fk (pour (2.35)) et y = 1+k (pour (2.36)), qui peuvent être des fonctions ou des opérateurs, mais qui dans tous les cas sont uniques. Exemple 4. Soit l'équation intégrale :

Z

∀t ≥ 0,

0

t

sin(t − x)y(x)dx = αt + t2 ,

pour laquelle on utilise {sin t} =

1 p2 +1



(2.37)



et αt + t2 = αh2 + 2h3 . On obtient :

 y = (p2 + 1)(αh2 + 2h3 ) = α + 2 + αt + t2 .

Si α = 0, y est dans C, par contre si α 6= 0, y est un opérateur.

(2.38)

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

69

2.5.3. Equations à retard L'utilisation de l'opérateur de retard permet de traiter les équations diérentielles linéaires où apparaissent des termes retardés. Exemple 5. Considérons l'équation diérentielle (avec w > 0) : ∀t ≥ 0,

y (1) (t) − y(t − w) = f (t),

(2.39)

avec la condition initiale, pour 0 ≤ t ≤ w, y(t − w) = g(t). En considérant g dénie par :   g(t) si t ≤ w, g= 0 si t > w, on peut écrire : 

y(t − w) − g(t) =

0 si t ≤ w, y(t − w) si t > w,

soit {y(t − w)} − g = e−wp y. Comme d'autre part, y (1) = py − y(0), avec y(0) = g(w), l'équation (2.39) se met sous la forme : (p − e−wp )y = f + g + g(w),

soit : et, en utilisant :

y = (1 − e−wp h)−1 h(f + g + g(w)), (1 − e−wp h)−1 =

X

e−wpn hn ,

n≥0

on obtient la solution de (2.39) : y=

X

e−wpn hn+1 (f + g + g(w)).

(2.40)

n≥0

2.5.4. Equations aux dérivées partielles Nous ne verrons le principe du calcul opérationnel que sur l'équation des ondes, mais un traitement analogue peut être appliqué aux autres types d'équations aux dérivées partielles (en abrégé, EDP) linéaires, comme par exemple l'équation de la chaleur ou celle des télégraphistes. Notons que, dans ce cadre, le calcul opérationnel de Mikusi«ski a été utilisé dans [FLI 97, FLI 99], pour résoudre de façon élégante des problèmes de platitude. Nous ne considérons ici que le cas où le domaine spatial du problème est borné. Dans le cas contraire (domaine pouvant être considéré comme inni) on peut envisager, sur les mêmes principes, de construire un calcul  doublement  opérationnel par rapport à la variable temporelle et par rapport à la variable spatiale [ROT 96].

70

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Exemple 6. Soit l'équation des ondes unidimensionnelle : yxx (x, t) = ytt (x, t),

x ∈ [α, β] ,

(2.41)

munie des conditions initiales, y(x, 0) = ϕ(x), yt (x, 0) = φ(x) et des conditions limites y(α) = {y(α, t)} = a, y(β) = {y(β, t)} = b. L'utilisation du calcul opérationnel conduit à écrire que la solution y(x) = {y(x, t)} est une fonction d'opérateur solution de l'équation diérentielle : y 00 (x) = p2 y(x) − pϕ(x) − φ(x),

avec les conditions terminales : y(α) = a, y(β) = b. Plaçons-nous dans le cas (i) où α = 0, β = L, a = 0, ϕ(x) = φ(x) = 0. On obtient alors l'équation diérentielle : y 00 (x) − p2 y(x) = 0, avec y(0) = 0, y(L) = b,

dont la solution s'écrit : y(x) =

Comme on a la relation :

exp − e−xp b. eLp − e−Lp

X exp − e−xp = e−((2k+1)L−x)p − e−((2k+1)L+x)p , Lp −Lp e −e k≥0

la solution devient : y(x) =

X

e−((2k+1)L−x)p b − e−((2k+1)L+x)p b,

k≥0

soit : y(x, t) =

X

(b(t − (2k + 1)L + x) + b(t − (2k + 1)L − x)) .

(2.42)

k≥0

Cette expression traduit la superposition de deux signaux : un signal direct et un signal rééchi. Les autres cas : (ii) b = 0, ϕ(x) = φ(x) = 0 ; (iii) φ(x) = 0, a = b = 0 ; et (iv) ϕ(x) = 0, a = b = 0 pourraient être traités de façon similaire et la solution générale construite par superposition des solutions élémentaires obtenues dans chaque cas.

2.6. Systèmes et transferts 2.6.1. Opérateur de transfert Lorsque le comportement d'un système linéaire peut être décrit par une équation de convolution : s = σe,

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

71

où s et e, e 6= 0, représentent respectivement les signaux de sortie et d'entrée du système (que nous prendrons pour le moment dans C) et où σ est l'opérateur solution de l'équation précédente, soit σ = se . Par hypothèse, cet opérateur σ est indépendant du couple (s, e) : ainsi, pour tout autre couple sortie-entrée (y, u), nous aurons la relation : su = ey et σ = es = uy est l'opérateur de transfert du système. Contrairement à l'usage, nous n'appelons pas σ fonction de transfert, car suivant les développements précédents, cet opérateur peut très bien ne pas être dans C. Il sut, pour s'en convaincre de penser à la multiplication scalaire qui traduit l'eet d'un gain. Considérons les processus générateurs des signaux d'un couple entrée-sortie particulier non trivial (s, e) d'un système : s=

Ns (p) , Ds (p)

e=

Ne (p) . De (p)

(2.43)

Notons que ceci est toujours possible puisque les entrées et sorties d'un système, en tant que signaux, sont nécéssairement solutions d'une équation de convolution. D'autre part, nous avons pris le parti de les exprimer à l'aide de l'opérateur p, mais on aurait tout aussi bien pu choisir h. On obtient alors :

Ne (p) Ns (p) =σ , Ds (p) De (p)

(2.44)

qui conduit, en posant N (p) = Ns (p)De (p) et D(p) = Ne (p)Ds (p), à l'équation de convolution N (p) = D(p)σ, correspondant à l'opérateur de transfert du système : σ=

N (p) . D(p)

Remarquons que cette dernière expression n'est qu'une écriture. En eet, pour un couple entrée-sortie (y, u) du système, l'écriture : y=

N (p) u, D(p)

ou bien

{y(t)} =

N (p) {u(t)} , D(p)

que l'on peut représenter par le schéma fonctionnel suivant (où les parenthèses sont omises mais elles devraient y être en toute rigueur) :

u(t)

-

N (p) D(p)

-

y(t)

72

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

correspond en fait à la relation : D(p)y = N (p)u.

Si l'on note cette relation de convolution sous la forme : 

D(p)

−N (p)





y u

 = 0,

cela relie l'opérateur de transfert d'un système à la notion de générateur d'un système de Blomberg et Yrilen [BLO 83] ou à celle de représentation AR de Willems [WIL 86], propre à tout système linéaire, invariant temporellement et complet. Nous ne nous étendrons pas sur ce point, mais en utilisant les opérations dénies sur le corps des quotients de convolution, l'ensemble des opérateurs de transferts scalaires est fermé pour les opérations de somme, produit et multiplication par un scalaire. Ces opérations correspondent aux opérations usuelles de mise en parallèle, mise en série et multiplication par un gain sur les systèmes. Le calcul opérationnel ainsi déni conserve toute sa cohérence. On peut alors utiliser toutes les propriétés algébriques pour la commande des systèmes linéaires et même envisager, comme il a été proposé dans [DES 80], d'utiliser un sous-corps de O, le corps des opérateurs stables. De façon plus précise, l'opérateur de transfert d'un système est déni sous la forme : N (p) σ= ∆(p)



D(p) ∆(p)

−1 ,

(2.45)

où ∆(p) est un polynôme dont les zéros sont à partie réelle négative.

2.6.2. Quelques cas particuliers (p) A partir de l'opérateur de transfert d'un système, N D(p) , la sortie en réponse à une entrée e est obtenue par le produit de convolution :

s=

N (p) e, D(p)

qui peut être traité comme dans le cas des équations diérentielles. On peut cependant distinguer plusieurs cas particulièrement importants.

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

73

Transmittance isochrone La transmittance isochrone ou réponse fréquentielle est obtenue lorsque : e=

ce qui donne : s=

 1 = ejωt , p − jω

X(p) [α(ω)] N (p) 1 = + , D(p) p − jω D(p) p − jω

(2.46)

où X(p) est un processus générateur issu de la décomposition en éléments (jω) simples de s et dont l'expression n'a pas à être précisée ici, et α(ω) = N D(jω) . Lorsque le signal associé au processus générateur X(p) D(p) tend vers 0 (on peut parler de stabilité asymptotique du système) alors, lorsque t → ∞, s(t) tend asymptotiquement vers le signal associé au processus générateur [α(ω)] p−jω , soit : n

o ρ(ω)ej(ωt+ϕ(ω)) ,

où ρ(ω) = |α(ω)| et ϕ(ω) = arg(α(ω)). La transmittance isochrone, obtenue en posant p = jω dans l'opérateur de transfert permet, par les quantités ρ(ω) et ϕ(ω), de construire des représentations fréquentielles des systèmes.

Gain statique Pour e = h (ce qui correspond à poser ω = 0 dans le paragraphe précédent) on obtient la réponse indicielle : Y (p) N (p) h= + [α] h, D(p) D(p)

s=

(2.47)

où Y (p) est un processus générateur dont l'expression n'a pas à être précisée (0) Y (p) ici, et α = N D(0) . Lorsque le signal associé au processus générateur D(p) tend vers 0, alors, lorsque t → ∞, s(t) tend asymptotiquement vers le signal associé au processus générateur [α] h, soit : 

N (0) D(0)



,

(0) où la quantité N D(0) représente le gain statique du système et peut être directement obtenue par :



α=

N (p) D(p)



p=0

  N (p) = ph = (ps)p=0 . D(p) p=0

74

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

On vient donc de montrer le résultat suivant, bien connu : si s correspond à un processus générateur asymptotiquement stable, alors : s(∞) = lim ps = lim p→0

h→∞

s . h

(2.48)

2.6.3. Systèmes multi-entrées multisorties Pour traiter le cas des systèmes à plusieurs entrées et plusieurs sorties, on peut considérer les signaux à valeurs sur Cn , f = [f1 , . . . , fn ]T , avec pour i = 1, . . . , n, fi ∈ C. Pour ne pas alourdir les notations, on considèrera que la sortie s et l'entrée e du système linéaire sont dans Cn . Par superposition et linéarité, il existe une matrice M de On×n telle que : s = M e,

où M = [mij ] et les mij = ndijij sont les opérateurs de transferts élémentaires dénis par les n2 relations : dij si = nij ej , (i, j) ∈ {1, . . . , n}2 . Nous ne détaillerons pas non plus cet aspect du calcul opérationnel, mais comme les numérateurs et dénominateurs de M appartiennent à l'anneau C, on peut appliquer à M toutes les opérations utilisables sur les matrices rationnelles [RIC 01, ROT 95]. On peut donc construire, par des opérations algébriques, des factorisations droite et gauche de l'opérateur matriciel M :  factorisation droite : M = Nd Dd−1 ;  factorisation gauche : M = Dg−1 Ng ; où Nd , Ng , Dd , Dg sont dans On×n . Ces factorisations sont irréductibles si (Nd , Dd ) et (Ng , Dg ) sont premières entre elles. Ces factorisations correspondent en fait aux relations de convolution :  Dg s = Ng e, pour la factorisation gauche ;  s = Nd z, Dd z = e, pour la factorisation droite.

2.7. Cas des signaux à temps discret En utilisant l'opérateur de retard déni dans le cadre des signaux à temps continu, Mikusi«ski a traité la résolution des équations de récurrence en les transformant en équations à temps continu. Dans ce qui suit, nous allons voir brièvement que la construction utilisée pour le temps continu peut être adaptée lorsque le temps est discret, c'est-à-dire lorsqu'il évolue sur N et non plus sur [0, ∞).

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

75

2.7.1. Anneau et quotients de convolution On considère maintenant l'ensemble D des signaux à temps discret, c'est-àdire des suites, a = {ak } , à valeurs réelles et dénies pour k entier. Encore une fois, on pourrait raisonner sans restriction sur les suites complexes. Parmi ces suites on peut distinguer les signaux particuliers :  ri = rki = (1 si k = i et 0 sinon) ,

qui forment une base de D : ∀a ∈ D,

a=

X

(2.49)

(2.50)

ai r i .

i∈N

Remarque 2. Si l'on remplace formellement ri par z −i , on retrouve la notion

de transformée en z de la suite a [JUR 64], avec de légères mais importantes diérences : c'est qu'ici, nous avons une égalité et non un isomorphisme et qu'aucune condition de convergence n'est exigée. D de lao somme, a + b = {ak + bk } et du produit de convolution, Munissons nP k : nous obtenons une structure d'anneau commutatif. ab = j=0 aj bk−j Comme le théorème de Tichmarsch est également valable, ab = 0 ⇒ a = 0 ou b = 0, on peut construire le corps des quotients de convolution ou corps des opérateurs discrets OD . Les éléments de OD sont les solutions des équations de convolution af = b où a 6= 0 et b sont dans D, soit f = ab . En particulier, en posant r = r1 , on obtient : 

ar = b =

b0 = 0, bk = ak−1 , pour k > 0,



(2.51)

c'est-à-dire que r représente l'opérateur de retard [KUƒ 79] et la notation précédente ri , pour i > 0, est compatible avec le produit de convolution : ri+1 = ri r pour i ≥ 0. Nous verrons dans quelques lignes qu'elle l'est également pour i = 0. P

En conséquence de cette remarque, l'écriture a = i∈N ai ri constitue la notion de processus générateur des signaux discrets et, compte tenu de la relation établie avec la transformée en z , ces processus générateurs peuvent être obtenus, dans le cas de signaux admettant une transformée en z , en utilisant directement les tables de transformées en z [JUR 64] et en posant z −1 = r.

2.7.2. Quelques opérateurs La multiplication par un scalaire α conduit à l'opérateur correspondant [α] et on a [1] = u, élément neutre de la convolution discrète. Si l'on procède à

76

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

la convolution r0 a, on obtient bien sûr a, ce qui implique que l'on peut poser r0 = [1].

En prenant la solution de l'équation de convolution : r2 f = r,

on dénit l'opérateur d'avance q =

(2.52)

et l'on a qr = u.

r r2

Soit b le signal de D construit à partir du signal a par b = {a1 , a2 , . . .} . Dans ces conditions, on a : rb = a − [a0 ],

dont on déduit que pour tout a de D, on a la relation : (2.53)

qa = {ak+1 } + [a0 ]q.

On pourrait également dénir d'autres opérateurs, comme par exemple :  l'opérateur de sommation numérique, I : Ia =

 k X 

ak

j=0

  

,

(2.54)

que l'on peut relier à r par l'identité : Ia − rIa = a, soit I = (1 − r)−1 . On peut montrer que I est dans D et est égal au signal constant égal à 1 ;  l'opérateur aux diérences, δ , solution de l'équation de convolution : I 2 δ = I,

(2.55)

soit δ = I −1 = 1 − r. Cet opérateur est aussi dans D et est égal au signal {1, −1, 0, 0, . . .}.

2.7.3. Calcul opérationnel Le calcul opérationnel est utilisé à deux niveaux : la résolution des équations de récurrence et la manipulation des opérateurs de transferts. Comme ce dernier point est strictement identique à ce que nous avons vu pour le temps continu, nous ne le développerons pas. Nous allons juste regarder rapidement un exemple simple de traitement d'équation de récurrence. Exemple 7. Considérons l'équation de récurrence : k ∈ N,

yk+1 − αyk = ak,

avec α ∈ R, y0 = β.

(2.56)

Calcul opérationnel de Mikusi«ski

77

L'utilisation du calcul opérationnel conduit à écrire cette équation sous la forme : (q − α)y = βq + a,

et à la solution :

y = (1 − αr)−1 (β + ar).  Comme on peut montrer que (1 − αr)−1 = αk , on obtient : 

k

y = βα



 +

0 pour k = 0 Pk j j=0 α ak−j−1 pour k > 0

 .

De même que dans le cas des signaux à temps continu, le calcul opérationnel de Mikusi«ski constitue une base rigoureuse permettant l'emploi des propriétés algébriques pour la commande des systèmes linéaires à temps discret [KUƒ 79, KUƒ 91].

2.8. Bibliographie [BLO 83] [DAU 88] [DES 75] [DES 80] [ERD 71] [FLI 97] [FLI 99] [GOH 70] [HEA 93] [HLA 69] [JUR 64] [KAI 80]

Blomberg H., Ylinen R.,

Algebraic theory for multivariable linear systems, Academic Press, 1983. Dautray R., Lions J.L., Analyse mathématique et calcul numérique, t. 6, Masson, 1988. Desoer C.A., Vidyasagar M., Feedback systems : input-output properties, Academic Press, 1975. Desoer C.A., Liu R.W., Murray J., Saeks R., Feedback system design : the fractional representation approach to analysis and synthesis, IEEE Trans. on Aut. Control, vol. 25, n◦ 3, p. 399-412, 1980. Erdélyi A., Calcul opérationnel et fonctions généralisées, Dunod, 1971 (trad. de Operational calculus and generalized functions, Holt, Rinehard and Winston, 1962). Fliess M., Mounier H., Rouchon P., Rudolph, J., Systèmes linéaires sur les opérateurs de Mikusi«ski et commande d'une poutre exible, ESAIM Proc., vol. 2, p. 183-193, 1997. Fliess M., Mounier H., Tracking control and π -freeness of innite dimensional linear systems, in Dynamical systems, control, coding and computer vision, Picci G., Gilliam D.S., Eds, p. 45-68, Birkhaüser, 1999. Gohberg M.G., Kren, Theory and applications of Volterra operators in Hilbert space, American Mathematical Society, 1970. Heaviside O., Electromagnetic theory, I-III, London, 1893. Hladik J., La transformation de Laplace, Masson, 1969. Jury E.I., Theory and application of the z -transform method, John Wiley, 1964. Kailath, Linear systems, Prentice Hall, 1980.

78

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

[KUƒ 79] [KUƒ 91] [LAC 93] [MIK 59] [RIC 01] [ROT 96] [ROT 95] [SCH 89] [SPI 78] [WIL 86] [YOS 84] [ZWI 98]

Ku£era V.,

Discrete linear control : a polynomial approach, Wiley Intersciences, 1979. Ku£era V., Analysis and design of discrete linear control systems, Prentice Hall, 1991. Lachand-Robert T., Analyse harmonique, distributions, convolution, Techniques de l'ingénieur, T. AF1, A142, Dunod, 1993. Mikusi«ski J., Operational calculus, Pergamon Press, 1959. Richard J.P. (Dir.), Algèbre et analyse pour l'automatique, Hermès, Traité IC2, 2001. Rotella F., Zambettakis I., Mikusi«ski operational calculus for distributed parameter systems, IEEE-SMC Conf. CESA'96, p. 975-979, 1996. Rotella F., Borne P., Théorie et pratique du calcul matriciel, Technip, 1995. Schetzen M., The Volterra and Wiener theories of nonlinear systems, Krieger Publisihng Company, 1989. Spiegel M.R., Formules et tables de mathématiques, Mac Graw-Hill, 1978. Willems J.C., From time series to linear systems, Automatica, part I : vol. 22, n◦ 5, p. 560-580, 1986, part II : vol. 22, n◦ 6, p. 675-694, 1986, part III, vol. 23, n◦ 1, p. 87-115, 1987. Yosida K., Operational calculus : a theory of hyperfunctions, Springer Verlag, 1984. Zwillinger D., Handbook of dierential equations, Academic Press, 1998.

Chapitre 3

Probabilités et éléments de calcul stochastique 3.1. Dénitions générales Nous donnons dans cette section quelques éléments succincts de la théorie des probabilités : celle-ci est fondée sur la théorie de la mesure et le lecteur se reportera avec prot aux livres [RIC 01, SCH 93]. Cette section introductive contient essentiellement des dénitions ; nous présenterons des illustrations de ces diérentes notions dans la suite du chapitre.

3.1.1. Espace de probabilité Soit un espace abstrait Ω, appelé space des épreuves. Un élément ω de Ω est appelé une épreuve ou réalisation : ω correspond au résultat d'une expérience aléatoire. L'ensemble Ω est souvent appelé l'ensemble des épreuves ou des réalisations. L'espace Ω dépend bien entendu de l'expérience aléatoire que l'on cherche à modéliser. Nous verrons des exemples dans la suite. Nous considérons sur cet ensemble d'épreuves un ensemble de parties F , muni d'une structure de tribu. Dénition 1 (Tribu). Une tribu F est un ensemble de parties de Ω vériant les propriétés suivantes :

1. Ω ∈ F , 2. si A ∈ F , alors Ac ∈ F , où Ac est le complémentaire de A, Ac , Ω \ A = {x ∈ Ω, x 6∈ A} (stabilité par passage au complémentaire), S 3. si (An , n ∈ N) est une suite de parties de Ω, alors, n∈N An ∈ F (stabilité par réunion dénombrable). Un élément d'une tribu s'appelle un événement (en théorie de la mesure, de tels éléments sont appelés ensembles mesurables). Deux événements A et B sont dits incompatibles si A ∩ B = ∅. L'ensemble vide ∅ est appelé l'événement impossible . A l'inverse, Ω est l'événement certain. Chapitre rédigé par Eric

, Jamal Najim et Pierre

Moulines

.

Priouret

80

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Le couple (Ω, F), constitué d'un ensemble d'épreuves et d'une tribu d'événements, est un espace probabilisable. L'ensemble P(Ω) des parties de Ω est une tribu (tribu discrète ) sur Ω qui contient n'importe quelle tribu F de Ω. De même, l'ensemble {∅, Ω} est aussi une tribu (tribu grossière ) contenue cette fois dans toutes les tribus dénies sur Ω. Remarquons que l'intersection d'une famille quelconque de tribus est une tribu et que toute classe de parties A de Ω est contenue dans la tribu discrète P(Ω). Cela nous permet de dénir la notion suivante.

Dénition 2 (Tribu engendrée, σ(A)). La tribu engendrée par une classe de parties A de Ω, notée σ(A) est la plus petite tribu contenant A. La tribu engendrée σ(A) est aussi l'intersection de toutes les tribus contenant A. La notion de tribu borélienne est liée à la structure  topologique  de l'ensemble de base : c'est la tribu engendrée par l'ensemble des ouverts de la topologie. Nous considérerons dans ce chapitre uniquement la tribu borélienne de Rd , en commençant par le cas le plus simple de la droite réelle R.

Dénition 3 (Tribu borélienne). La tribu borélienne ou tribu de Borel de

R est la tribu engendrée par la classe des intervalles ouverts de R. On la note B(R). Un élément de cette tribu est appelé une partie borélienne ou un borélien.

Tout intervalle ouvert, fermé, semi-ouvert, appartient à B(R). Il en est de même de toute réunion nie ou dénombrable d'intervalles (ouverts, fermés, ou semi-ouverts). La tribu B(R) est aussi la tribu engendrée par l'une des quatre classes suivantes d'ensembles : I = {] − ∞, x], x ∈ R},

I 0 = {] − ∞, x]; x ∈ Q},

J = {] − ∞, x[, x ∈ R},

J 0 = {] − ∞, x[; x ∈ Q},

et, de façon similaire, la tribu borélienne B(Rd ) de Rd est la tribu engendrée Q par les rectangles ouverts di=1 ]ai , bi [. Le théorème suivant sera d'un usage constant dans la suite.

Théorème 1 (Classe monotone). Soient C ⊂ M ⊂ P(Ω). On suppose que :  C est stable par intersection nie,  Ω ∈ M et pour A, B ∈ M, A ⊂ B implique que B \ A ∈ M,  M est stable par limite croissante. Alors, σ(C) ⊂ M.

Probabilités et calcul stochastique

81

3.1.2. Probabilité Dénition 4 (Probabilité). On appelle probabilité sur (Ω, F ), une application P : F → [0, 1], qui vérie les propriétés suivantes : 1. P(Ω) = 1, 2. (σ-additivité) si (An , n ∈ N) est une suite d'éléments de F deux à deux disjoints (c'est-à-dire : Ai ∩ Aj = ∅ pour i 6= j ), alors : P

[

! Ai

=

n∈N

∞ X

P(Ai ).

(3.1)

i=0

On vérie les propriétés suivantes, An , A et B étant des événements : 1. 2. 3. 4. 5. 6.

si A ⊂ B , alors P(A) ≤ P(B), P(Ac ) = 1 − P(A), P(A ∪ B) = P(A) + P(B) − P(A ∩ B),

si An % B, alors P(An ) % P(A),1 si An & A, alors P(An ) & P(A), S P P( n An ) ≤ n P(An ).

Dénition 5 (Ensemble négligeable, propriété P-p.s.). On dit qu'un ensemble A ⊂ Ω est P-négligeable (ou plus simplement négligeable, s'il n'y a pas d'ambiguïté sur la mesure de probabilité) s'il existe un ensemble B ∈ F tel que A ⊂ B et P(B) = 0. Une propriété est dite P-presque sûre (en abrégé, P-p.s.), si la propriété est vériée sur un ensemble dont le complémentaire est P-négligeable. Remarquons que les ensembles négligeables ne sont pas nécessairement des éléments de la tribu F . Dénition 6 (Espace de probabilité). Le triplet (Ω, F , P) dénit un space de probabilité. Dénition 7 (Tribu complète). On dira que la tribu F est c omplète si tous les ensembles négligeables de Ω sont éléments de F . Il est facile de construire une tribu F 0 qui contient F et d'étendre P à F 0 de telle sorte que F 0 soit complète pour l'extension de P. Pour éviter des complications techniques inutiles, nous supposerons désormais que toutes les tribus que nous manipulerons sont complètes. 1 Dans tout ce chapitre, la notation % désigne la limite par valeurs inférieures, c'est-àdire : lim , lim ou, pour des ensembles : lim , lim . La notation & est

xn %x

xn → x xn ≤ x

dénie similairement, avec xn ≥ x ou An ⊇ A.

An %A

An → A An ⊆ A

82

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Rappelons pour conclure ce paragraphe deux résultats techniques d'usage constant. Dénition 8 (π−système). On appelle π−système une famille d'ensembles stable par intersection nie. Théorème 2 (π−système). Soient µ et ν deux probabilités sur (Ω, F ) et soit C ⊂ F un π−système contenant Ω. On suppose que pour tout C ∈ C , µ(C) = ν(C). Alors µ(A) = ν(A) pour tout A ∈ σ(C). Dénition 9 (Algèbre). Soit E un ensemble. Une famille E0 de sousensembles de E est appelée algèbre si (i) E ∈ E0 , (ii) F ∈ E0 ⇒ F c ∈ E0 et (iii) F, G ∈ E0 ⇒ F ∪ G ∈ E0 . A la diérence des tribus, nous ne supposons pour les algèbres que la stabilité par union nie (et non innie dénombrable). Une fonction d'ensembles µ dénie sur E0 est dite σ−additive si, pourStoute union dénombrable d'éléments Fn ∈ E0 , S P Fn ∩ Fm = ∅ si n 6= m telle que n Fn ∈ E0 , on a µ ( n Fn ) = n µ(Fn ). Théorème 3 (d'extension de Carathéodory). Soit E0 une algèbre sur un ensemble E et µ0 : E0 → R+ une fonction σ−additive telle que µ0 (E) < ∞. Alors, il existe une unique mesure µ sur E , σ(E0 ) telle que µ = µ0 sur E0 . Exemple 1. Pour illustrer ce théorème, rappelons la construction de la mesure de Lebesgue sur l'intervalle [0, 1] (voir [RIC 01] pages 53-55). Soit C l'ensemble des parties de [0, 1] pouvant s'écrire sous la forme d'une union nie d'intervalles ouverts à gauche et fermés à droite : F ∈C



F =]a1 , b1 ] ∪ · · · ∪]ar , br ].

On vérie facilement que C est une algèbre. La tribu engendrée par C , σ(C) = B([0, 1]), est la tribu borélienne sur [0, 1]. Pour F ∈ F0 considérons : X λ0 (F ) = (bi − ai ). i

On vérie que λ0 est une fonction positive et additive. On peut démontrer que λ0 est σ−additive, c'est-à-dire que S pour toute union dénombrable P d'ensembles Fi ∈ F0 disjoints 2 à 2 et tels que i Fi ∈ F0 , on a λ0 (F ) = i λ0 (Fi ) (cette partie de la preuve n'est pas immédiate). Le théorème de Carathéodory permet de montrer que λ0 a une extension unique λ sur B([0, 1]), appelée mesure de Lebesgue sur [0, 1].

3.1.3. Variables aléatoires Dénitions Soient (Ω, F) et (E, E) deux espaces probabilisables et f une application de Ω dans E . L'image réciproque d'une partie A de E par f est la partie de Ω

Probabilités et calcul stochastique

83

notée f −1 (A) dénie par : f −1 (A) = {ω ∈ Ω : f (x) ∈ A} .

(3.2)

Les propriétés suivantes, où A et les ensembles Ai sont des parties quelconques de F et I est un ensemble ni, dénombrable, ou inni non dénombrable, se vérient immédiatement : c f −1 (E) = Ω, f −1 (∅) = ∅, f −1 (Ac ) = f −1 (A) , ! ! [ \ [ \ f −1 Ai = f −1 (Ai ), f −1 Ai = f −1 (Ai ). i∈I

i∈I

i∈I

(3.3)

i∈I

Si A est une classe quelconque de parties de E , on note f −1 (A) la classe de parties de Ω dénie par : f −1 (A) = f −1 (A) : A ∈ A . Il découle immédiatement des propriétés précédentes que si E est une tribu de E , alors f −1 (E) est une tribu de Ω. Dénition 10 (Variable aléatoire, v.a.). Soient (Ω, F ) et (E, E) deux espaces probabilisables et X une application de Ω dans E . On notera R+ l'ensemble des¯ réels positifs et R = R ∪ {∞}. On dit que X est une v.a. (variable aléatoire) à valeurs dans (E, E) si la tribu X −1 (E) est contenue dans F , ce qui revient à dire que X −1 (A) ∈ F pour tout ensemble A ∈ E . On dit que X est une v.a. : ¯ et E = B(R) ¯ (la tribu borélienne de R ¯) ;  réelle lorsque E = R ¯ + et E = B(R ¯ + ) (l'ensemble des v.a. positives sera  positive lorsque E = R noté F + ) ; ¯ d et E = B(R ¯ d) ;  vectorielle (ou un vecteur aléatoire) lorsque E = R  discrète lorsque le cardinal de l'ensemble E est ni ou dénombrable, la tribu E étant choisie comme l'ensemble des parties de E (soit : E = P(E)). Dénition 11 (Tribu engendrée par une famille de v.a.). Soit (Xi , i ∈ I) une famille de v.a. à valeurs dans (E, E), I étant un ensemble quelconque, non nécessairement dénombrable.On appelle tribu engendrée par (Xi , i ∈ I) la plus petite tribu X de Ω qui soit telle que toutes les v.a. Xi soient X -mesurables. A titre d'illustration, soit Y : Ω → (R, B(R)) une v.a. Alors σ(Y ), la tribu engendrée par la v.a. Y, est la tribu engendrée par la famille des ensembles Y −1 (B), où B ∈ B(R) est un ensemble borélien, soit :  σ(Y ) , Y −1 (B), B ∈ B(R) .

Une v.a. Z : Ω → R est σ(Y )−mesurable si et seulement s'il existe une fonction borélienne f : R → R telle que Z = f (Y ) (voir, par exemple, [WIL 91] page 36). De même, si Y1 , · · · , Yn : Ω → R sont des v.a., nous avons :  σ(Y1 , . . . , Yn ) = σ Yk−1 (Bk ), Bk ∈ B(R), k = 1, . . . , n ,

84

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

et Z : Ω → R est σ(Y1 , · · · , Yn ) mesurable si et seulement s'il existe une fonction borélienne f : Rn → R telle que Z = f (Y1 , · · · , Yn ). Dénition 12 (Limites inférieure et supérieure). Soit {Xn} une suite de ¯ B(R)). On appelle limite supérieure et limite inférieure v.a. de (Ω, F) → (R, de la suite de v.a. {Xn }n≥1 les applications suivantes : limsupn Xn (ω) , lim & sup Xm (ω) = inf sup Xm (ω),

(3.4)

liminf n Xn (ω) , lim % inf Xm (ω) = sup inf Xm (ω).

(3.5)

n

n m≥n

m≥n

n

m≥n

n m≥n

Notons que les applications limsupn Xn et lim inf n Xn dénies ci-dessus sont ¯ , même si les v.a. Xn sont à valeurs dans R. a priori à valeurs dans R Proposition 1. Soit {Xn}n∈N une suite de v.a. sur (Ω, F ) à valeurs dans (R, B(R)). On a les propriétés suivantes :

(a) supn Xn et inf n Xn sont des v.a., (b) limsupn Xn et liminf n Xn sont des v.a., (c) l'ensemble {ω ∈ Ω : limsupn Xn (ω) = liminf n Xn (ω)} ∈ F . T Démonstration : pour S (a), on utilise le fait que {supn Xn ≤ x} = n {Xn ≤ x} et {inf n Xn < x} = n {Xn < x}. (b) s'obtient par application répétée de (a). Pour (c), notons Y = limsupn Xn et Z = liminf n Xn . Comme Y et Z sont des v.a., Y − Z est une v.a., ce qui conclut la preuve. Espérance d'une variable aléatoire Nous rappelons succinctement dans le paragraphe suivant quelques éléments de théorie de l'intégration. Le lecteur trouvera plus de développement dans le livre [RIC 01], chapitre 2. Dénition 13 (v.a. étagée). On dit qu'une v.a. X dénie sur (Ω, F ) et à ¯ B(R)) ¯ est étagée si elle ne prend qu'un nombre ni de valeurs valeurs dans (R, dans R. On notera eF + l'ensemble des v.a. étagées positives. Cet ensemble eF + n'est pas un espace vectoriel, mais il est stable par addition et par multiplication par les réels positifs (eF + est un cône). Etant donnés des nombres a1 , . . . , an de R+ et des ensembles A1 , . . . , An ∈ F , on obtient une v.a. positive X ∈ eF + en posant : X=

n X

a k IA ,

Ak ∈ F ,

(3.6)

k=1

où IA est la fonction indicatrice de A : 

IA (α) =

1 α ∈ A, 0 α∈ 6 A.

(3.7)

Probabilités et calcul stochastique

85

Il est clair que cette fonction ne peut prendre qu'un nombre ni de valeurs, qui sont les sommes d'un nombre quelconque de ai . Il y a évidemment de multiples façons d'écrire (3.6). Inversement, toute v.a. X ∈ eF + s'écrit sous la forme (3.6) et admet même une écriture (3.6) canonique qui est unique. Soit X l'ensemble des valeurs prises par X , et soit pour a ∈ X , Aa = X −1 ({a}). Les ensembles Aa ∈ F constituent une partition nie de Ω et on a : X=

X

aIA .

(3.8)

a∈X

Dénition 14 (Espérance d'une v.a. étagée positive). Soit P une probabilité sur (Ω, F). On appelle espérance par rapport à la probabilité P de la v.a. étagée X ∈ eF + admettant la décomposition canonique (3.8), le nombre de R+ suivant, noté E[X] : X E[X] =

aP[Aa ].

a∈X

Par exemple, l'intégrale de la v.a. constante X = a ≥ 0 vaut a. Si A ∈ F , l'espérance de la v.a. X = IA vaut P(A). La proposition suivante découle de façon immédiate de la construction précédente. Proposition 2. Soient X , Y deux éléments de eF + et deux constantes a, b ≥ 0. Alors, on a : aX + bY ∈ eF + ;

∀a, b



0,

∀a, b X

≥ ≤

0, E[aX + bY ] = aE[X] + bE[Y ]; Y ⇒ E[X] ≤ E[Y ].

(3.9) (3.10) (3.11)

Les deux lemmes suivants sont à la base de la théorie de l'intégration. Lemme 1. Soient Xn, Yn ∈ eF + deux suites croissantes telles que lim % Xn = lim % Yn . Alors, lim % E[Xn ] = lim % E[Yn ]. Lemme 2. Toute v.a. positive X ∈ F + est limite d'une suite croissante de fonctions étagées Xn ∈ eF + . Démonstration : il sut de considérer la suite : Xn (ω) =

Pn2n −1 k=0

k n n 2n I{k/2 ≤X(ω) 0, on dit que X admet un moment d'ordre p, noté E|X|p , si |X|p admet un moment d'ordre 1. Nous notons Lp l'espace des variables aléatoires admettant un moment d'ordre p et, pour X ∈ Lp , kXkp = (E[|X|p ])1/p . Il est facile de voir que k · kp est positive et vérie l'inégalité triangulaire. Ce n'est toutefois pas une norme, car la relation kXkp = 0 entraîne seulement que X = 0 P-p.s. On dit que k · kp est une semi-norme. Comme nous le verrons, il est possible (mais pas toujours utile ni pratique), de  quotienter  l'espace par la relation d'équivalence X ≡ Y ⇐⇒ X = Y P-p.s. Les semi-normes Lp sont monotones dans le sens suivant. Proposition 6. Soit 1 ≤ p ≤ r < ∞ et Y ∈ Lr . Alors, Y ∈ Lp et kY kp ≤ kY kr . Cette dernière inégalité découle directement de l'inégalité de Jensen appliquée avec c(x) = xr/p . Soit X une v.a. à valeurs réelles. La borne essentielle de X est dénie par : kXk∞ = sup {a; P{ω : |X(ω)| > a} > 0} .

Proposition 7. Soit p ≥ 1. Nous avons (inégalité de Minkovski) : kX + Y kp ≤ kXkp + kY kp .

(3.21)

Soient p, q ≥ 1 tels que p−1 + q −1 = 1. Nous avons (inégalité de Hölder) : kXY k1 ≤ kXkp kY kq .

(3.22)

90

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

La proposition suivante joue un rôle clef, en particulier lorsque p = 2. p ∈ [1, ∞) et soit (Xn ) une suite de Cauchy dans Lp , c'est-à-dire :

Proposition 8. Soit

lim sup kXr − Xs kp = 0.

k→∞ r,s≥k

Alors, il existe une variable aléatoire X ∈ Lp telle que Xr → X dans Lp , c'est-à-dire : kXr − Xkp → 0. De plus, on peut extraire de Xn une sous-suite Yk = Xnk qui converge vers X P-p.s. Démonstration : soit kn % ∞ une suite telle que : ∀(r, s) ≥ kn , kXr − Xs kp ≤ 2−n .

Nous avons, par monotonicité des semi-normes k · kp :

  E |Xkn+1 − Xkn | ≤ kXkn+1 − Xkn kp ≤ 2−n , P  ce qui implique que E n |Xkn+1 − Xkn | < ∞. Donc, la série de terme général Un = (Xkn+1 − Xkn ) converge absolument P-p.s. et limn→∞ Xkn existe P-p.s. Dénissons, pour tout ω ∈ Ω : X(ω) , lim sup Xkn (ω). X est une v.a. (en tant que limite supérieure d'une suite de v.a.) et Xkn → X P-p.s. Soient r et n ∈ N tels que r ≥ kn ; pour tout m ≥ n, on a : kXr − Xkm kp ≤ 2−n ,

et l'application du lemme de Fatou (3.13) montre que : kXr − Xkp ≤ lim inf kXr − Xkm kp ≤ 2−n , m

ce qui prouve que (Xr − X) ∈ Lp et donc que X ∈ Lp ; de plus, cette relation montre que Xr → X dans Lp . Le résultat précédent montre que Lp peut être muni d'une structure d'espace vectoriel normé complet par passage au quotient. Deux variables aléatoires X et Y sont égales presque sûrement si P{ω : X(ω) = Y (ω)} = 1. L'égalité presque sûre sur (Ω, F, P) dénit une relation d'équivalence sur l'ensemble des v.a. à valeurs dans (E, E). Si X et Y sont deux éléments de la même classe d'équivalence et si X admet un moment d'ordre p, alors E [|X|p ] = E [|Y |p ]. Lorsque l'on choisit un élément d'une classe d'équivalence, on dit que l'on choisit une version de X . Dans la suite, nous utiliserons la même notation X pour la v.a., la classe d'équivalence de X (l'ensemble des v.a. égales à X P-p.s.) et n'importe quel autre élément de la classe d'équivalence de X (ou version de la classe de X ). On appelle Lp (Ω, F , P) l'espace des classes d'équivalence des variables admettant un moment d'ordre p. La proposition 8 montre que Lp (Ω, F, P) est un espace vectoriel normé complet (ou encore, un espace de Banach), lorsqu'on le munit de la norme kXkp = (E [|X|p ]])1/p .

Probabilités et calcul stochastique

91

3.1.6. Variance, covariance Soit X une variable aléatoire admettant un moment d'ordre 2; alors X admet un moment d'ordre 1 (l'inégalité de Hölder (3.22) entraîne que E [|X|] = kXk1 ≤ kXk2). On pose alors : var(X) , E[(X − E[X])2 ) = E[X 2 ] − E2 [X],

(3.23)

quantité que l'on appelle la variance de X . De même, lorsque X, Y ∈ L2 , nous pouvons dénir : cov(X, Y ) , E [(X − E[X])(Y − E[Y ])] ,

(3.24)

quantité que l'on appelle la covariance de X et de Y . Les variables aléatoires sont dites décorrélées si le coecient de covariance cov(X, Y ) est nul. Lorsque X = (X1 , · · · , Xd ), d ∈ N, la matrice de covariance Γ(X) (ou matrice de variance/covariance) est dénie comme la matrice d × d :   Γ(X) = E (X − E [X])(X − E [X])T , soit Γ(X)i,j = cov(Xi , Xj ).

(3.25)

Les éléments diagonaux sont égaux à la variance des variables Xi ; les éléments hors-diagonaux sont les coecients de covariance. La matrice de covariance est une matrice symétrique (Γ(X) = Γ(X)T ) et semi-dénie positive. En eet, pour tout d-uplets (a1 , a2 , · · · , ad ), nous avons :  E

d X i=1

!2  ai (Xi − E[Xi ])

=

X

ai aj Γ(X)i,j ≥ 0.

i,j

Notons que, pour tout vecteur a (déterministe) : Γ(X + a) = Γ(X),

et que, pour M une matrice (déterministe) p × d : Γ(M X) = M Γ(X)M T .

Nous munissons l'espace L2 du produit scalaire : < X, Y >, E[XY ].

(3.26)

Comme précédemment toutefois, ce produit scalaire n'induit pas une norme, mais une semi-norme. Dénissons L2 l'espace quotient de L2 par la relation

92

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

d'équivalence d'égalité P-p.s. Le produit scalaire déni ci-dessus s'étend directement à l'espace quotient, car pour toutes variables X˜ (resp. Y˜ ) de la classe de X (resp. Y ), nous avons : ˜ Y˜ >=< X, Y > . < X,

On vérie aisément que L2 muni de ce produit scalaire est un espace hilbertien. Cette propriété a un grand nombre de conséquences. Nous l'utiliserons en particulier pour construire l'espérance conditionnelle.

3.1.7. Indépendance, mesures produits Soient A et B deux événements. On dit que A et B sont indépendants si : P(A ∩ B) = P(A)P(B).

Les propriétés élémentaires des probabilités montrent que les événements A et B c , Ac et B , et Ac et B c sont aussi indépendants. En eet : P(Ac ∩ B) = P(Ω ∩ B) − P(A ∩ B) = P(B) − P(A)P(B) = (1 − P(A))P(B).

Les tribus A = {∅, A, Ac , Ω} et B = {∅, B, B c, Ω} sont donc indépendantes, au sens de la dénition suivante. Dénition 19 (Indépendance de tribus). Soit (Bi , i ∈ I) une famille de tribus. On dit que cette famille est indépendante si, pour tout sous-ensemble J ni de I :   P

\

j∈J

Bj  =

Y

P(Bj ), ∀ Bj ∈ Bj .

(3.27)

j∈J

Le lemme technique qui suit donne un critère plus  pratique  pour vérier l'indépendance de tribus. Lemme 3. Soient G et H deux sous-tribus de F et soit I et J deux π−systèmes tels que G , σ(I) et H , σ(J ). Alors, les tribus G et H sont indépendantes si et seulement si I et J sont indépendantes, c'est-à-dire : P(I ∩ J) = P(I)P(J),

∀I ∈ I, J ∈ J .

Démonstration : supposons les familles I et J indépendantes et, pour I ∈ I donné, considérons les mesures : H → P(I ∩H) et H → P(I)P(H). Ces mesures sont dénies (Ω, H) et coïncident sur J . Le théorème 2 montre que ces deux mesures coïncident sur H : P(I ∩ H) = P(I)P(H),

I ∈ I, H ∈ H.

Probabilités et calcul stochastique

93

Pour H donné dans H, les mesures G → P(G ∩ H) et G → P(G)P(H) sont dénies sur G et coïncident sur I . Par le théorème 2, elles coïncident sur G et donc P(G ∩ H) = P(G)P(H) pour tout G ∈ G et H ∈ H. Proposition 9. Soit (Ci , i ∈ I) une famille de π−systèmes indépendants. Alors, les tribus (σ(Ci ), i ∈ I) sont indépendantes. Il résulte immédiatement de la dénition 19 que, si Bi0 est une sous-tribu de Bi , la famille (Bi0 , i ∈ I) est une famille indépendante si (Bi , i ∈ I) l'est. Proposition 10. Si la famille (Bi , i ∈ I) est indépendante et si (Ij , j ∈ J) est une partition de I , alors la famille (σ(Bi ), i ∈ Ij , j ∈ J) est indépendante. De cette dénition découlent toutes les notions d'indépendance dont nous aurons besoin dans la suite. Dénition 20 (Indépendance). Une famille d'événements (Ai , i ∈ I) est indépendante si la famille de tribus (σ(Ai ), i ∈ I) l'est. Une famille de v.a. (Xi , i ∈ I) est indépendante si la famille de tribus (σ(Xi ), i ∈ I) l'est. Une v.a. X et une tribu G sont indépendantes si les tribus σ(X) et G le sont. Enn, (Xi , i ∈ I) et (Yj , j ∈ J) sont indépendantes si les tribus (σ(Xi ), i ∈ I) et (σ(Yj ), j ∈ J) le sont. Exemple 3. Soient (X1 , X2 , X3 , X4 ) quatre v.a. indépendantes. Alors, les couples (X1 , X2 ) et (X3 , X4 ) sont indépendants, puisque les tribus σ(X1 , X2 ) et σ(X3 , X4 ) le sont. Alors Y1 , f (X1 , X2 ) et Y2 = g(X3 , X4 ) (avec f, g boréliennes) sont indépendantes car σ(Y1 ) ⊂ σ(X1 , X2 ) et σ(Y2 ) ⊂ σ(X3 , X4 ). Avant d'aller plus loin, rappelons quelques résultats sur les mesures produits. Soient (E1 , B1 , ν 1 ) et (E2 , B2 , ν 2 ) deux espaces mesurés et ν 1 , ν 2 deux mesures σ−nies [SCH 93]. Alors : B1 ⊗ B2 , σ(A1 × A2 , A1 ∈ B1 , A2 ∈ B2 ),

(3.28)

est une tribu sur E1 × E2 appelée tribu produit de B1 et de B2 et il existe une unique mesure, notée ν 1 ⊗ ν 2 et dénie sur B1 ⊗ B2 , telle que : ν 1 ⊗ ν 2 (A1 × A2 ) = ν 1 (A1 )ν 2 (A2 ), A1 ∈ B1 , A2 ∈ B2 .

Soit f une fonction borélienne positive ou bornée. La formule de Fubini [RIC 01] implique : Z

Z Z

 f (x1 , x2 ) dν 1 (x1 ) dν 2 (x2 )  Z Z = f (x1 , x2 ) dν 2 (x2 ) dν 1 (x1 ),

f d(ν 1 ⊗ ν 2 ) =

et ces résultats s'étendent directement pour le produit de n espaces. Le résultat suivant résulte de ces rappels et du théorème de classe monotone.

94

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Théorème 6. Soient (X1 , . . . , Xn ) des v.a. à valeurs dans (Ei , Ei ), i ∈ {1, . . . , n}. Il y a équivalence entre les propositions suivantes : 1. les v.a X1 , · · · , Xn sont indépendantes ; 2. pour tout Ak ∈ Ek , on a : P[X1 ∈ A1 , · · · , Xn ∈ An ] =

n Y

P[Xk ∈ Ak ] ;

1

3. pour tout Ak ∈ Ck , avec Ck π−système tel que σ(Ck ) = Ek , on a : P[X1 ∈ A1 , · · · , Xn ∈ An ] =

n Y

P[Xk ∈ Ak ] ;

1

4. la loi du vecteur aléatoire (X1 , . . . , Xn ), notée P(X1 ,··· ,Xn ) , est égale au produit des lois des v.a Xk : P(X1 ,··· ,Xn ) = PX1 ⊗ · · · ⊗ PXn ;

5. pour toutes fonctions fk boréliennes positives (resp. bornées), on a : E [f1 (X1 ) . . . fn (Xn )] =

n Y

E [fk (Xk )]]].

1

Exemple 4. Soient X, Y deux v.a. Alors, puisque σ([a, b[, a < b ∈ R) = B(R), il résulte du théorème précédent que X et Y sont indépendantes si et seulement si, pour tout a, b, c, d, on a : P(a ≤ X < b, c ≤ Y < d) = P(a ≤ X < b)P(c ≤ Y < d),

et, dans ce cas, si E [|X|] < ∞, E [|Y |] < ∞, on a E[XY ] = E[X]E[Y ], résultat que l'on utilise sans cesse en probabilité.

3.1.8. Fonction caractéristique, transformée de Fourier Dans tout ce paragraphe, X désigne une variable aléatoire à valeurs dans Rd . On note PX sa loi. L'application ΦX : Rd → C donnée par : Z ΦX (λ) = E[exp(i(λ, X))] = exp(i(λ, x))PX (dx), Rd

où (u, v) désigne le produit scalaire usuel, s'appelle la fonction caractéristique de X . La fonction caractéristique est la transformée de Fourier de la loi PX . Donnons quelques propriétés élémentaires de la fonction caractéristique :

Probabilités et calcul stochastique

95

 ΦX (0) = 1 et |ΦX (λ)| ≤ 1 ;  la fonction caractéristique est continue sur Rd (cette propriété est une conséquence immédiate de la continuité de l'application λ 7→ exp(i(λ, X) et du théorème de convergence dominée 3) ;  lorsque la loi PX admet une densité g par rapport à la mesure de Lebesgue, alors ΦX est la transformée de g (au sens usuel). Le théorème de RiemanLebesgue implique que ΦX (λ) tend vers 0 lorsque λ → ∞. Comme son nom l'indique, la fonction caractéristique  caractérise  la loi, dans le sens suivant.

Théorème 7. Deux variables aléatoires à valeurs dans Rd ont même loi si et seulement si ΦX = ΦY . Corollaire 1. Les n variables aléatoires X = (X1 , · · · , Xn ) sont indépendantes si et seulement si : ∀λ1 , · · · , λn ,

ΦX (λ1 , · · · , λn ) =

n Y

ΦXi (λi ).

i=1

3.1.9. Variables aléatoires gaussiennes Dénition 21 (v.a. gaussienne standard). Une variable X est gaussienne standard (ou standardisée) si la loi de X admet la densité (par rapport à la mesure de Lebesgue) :  2 x 1 . f (x) = √ exp − 2 2π

(3.29)

Une variable aléatoire X est gaussienne de moyenne m et de variance σ2 , s'il existe une variable gaussienne standard Z telle que X = m + σZ . Lorsque σ > 0, X admet une densité par rapport à la mesure de Lebesgue sur R, densité donnée par :   (x − m)2 1 , N (m, σ 2 ). exp − fm,σ2 (x) = √ 2σ 2 2πσ

(3.30)

On note donc cette densité N (m, σ 2 ). Par abus de langage, nous appellerons variable gaussienne de variance nulle une constante X = m P-p.s. Un calcul élémentaire montre que, pour tout u ∈ R : Z

∞ −∞

x2 1 √ exp(− ) exp(ux) dx = exp 2 2π



u2 2

 ,

96

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

et donc, par prolongement analytique, la fonction caractéristique d'une variable gaussienne standard est donnée par : ΦX (u) = exp(−u2 /2).

(3.31)

Notons que, si X est une variable aléatoire de fonction caractéristique ΦX (u), la fonction caractéristique de la variable aléatoire Y = a + bX est donnée par : ΦY (u) = exp(iua)φX (bu),

et par conséquent, la fonction caractéristique de la loi normale de moyenne m et de variance σ 2 est donnée par : ΦX (λ) = exp(iλm − λ2 σ 2 /2).

(3.32)

On en déduit la proposition suivante. Proposition 11. Soient d v.a. gaussiennes indépendantes {Xi , 1 ≤ i ≤ d}, de moyenne mi et de variance σ 2i et soient ai ∈ R, i ∈ {1, · · · , d}. Alors la v.a. Pd Y = a1 X1 + · · · + ad Xd est gaussienne, de moyenne i=1 ai mi et de variance Pd 2 2 i=1 ai σ i . Démonstration : en utilisant le théorème 6, la fonction caractéristique de Y est donnée par : φY (λ) =

d Y k=1

" φXk (ak λ) = exp iλ

d X k=1

ak m k −

d X

# a2k σ 2k λ2 /2

,

(3.33)

k=1

et on conclut en utilisant la proposition 7. Dénition 22 (Vecteur gaussien). Un vecteur aléatoire X = (X1 , . . . , Xd ) est dit gaussien si, pour tout vecteur a = (a1 , . . . , ad ) ∈ Rd , aX T = a1 X1 + · · · + ad Xd est une v.a. gaussienne. Cette dénition implique en particulier que chaque composante Xk est une v.a. gaussienne. A l'inverse, le fait que toutes les variables Xk soient gaussiennes ne sut pas pour assurer que le vecteur X est gaussien. Par construction, la famille de lois gaussiennes est stable par transformation linéaire. Plus précisément, on a le lemme suivant. Lemme 4. Soit X un vecteur gaussien à valeurs dans Rd de moyenne m = [m1 , . . . , md ]T et de matrice de covariance K = (Ki,j )i∈{1,...,r}, j∈{1,...,d} . Pour tout b = [b1 , . . . , br ]T ∈ Rd et toute (r × d)−matrice M = (mi,j ), le vecteur aléatoire Y = b + M (X − m) est un vecteur gaussien à valeurs dans Rr , de moyenne b et de matrice de covariance M KM T . En eet, pour tout vecteur a = [a1 , . . . , ar ]T ∈ Rr , (a, Y ) = (a, b) + (M ∗ a, (X − m)) (où M ∗ est la matrice adjointe de M ) est une v.a. gaussienne.

Probabilités et calcul stochastique

97

Théorème 8. Soit X = [X1 , . . . , Xd ]T un vecteur aléatoire de moyenne m =

[m1 , . . . , md ]T et de matrice de covariance K = [Ki,j ]i∈{1,...,r}, j∈{1,...,d}. Le vecteur X est gaussien si et seulement si sa fonction caractéristique s'écrit :   d d X X 1 φX (λ1 , . . . , λd ) = exp i λ i mi − λi λj Ki,j  . (3.34) 2 i,j=1 i=1

Ce théorème montre que la loi d'une v.a. gaussienne est entièrement déterminée par la donnée de sa moyenne et de sa matrice de covariance. Lorsque la matrice de covariance K est inversible, la loi d'un vecteur aléatoire gaussien de moyenne m et de covariance K a une densité par rapport à la mesure de Lebesgue sur Rd et cette densité est donnée par :   1 1 p(x; m, K) = √ d exp − (x − m)T K −1 (x − m) . 2 2π (det(K))1/2

La loi d'un vecteur gaussien étant entièrement spéciée par la donnée de sa moyenne et de sa matrice de covariance, les notions d'indépendance et de décorrélation sont confondues (propriété qui n'est pas vériée de façon générale), ce qui s'exprime comme suit. Théorème 9 (Décorrélation). Soit Y = [Y1T , . . . , YnT ]T un vecteur gaussien ((d1 + · · · + dn ) × 1). Les vecteurs Yi (di × 1, i ∈ {1, · · · , n}) sont indépendants si et seulement si, pour tous vecteurs ai (di × 1, i ∈ {1, · · · , n}), on a cov[aTi Yi , aTj Yj ] = 0, pour tous i 6= j ∈ {1, . . . , n}.

3.2. Théorèmes limites Les théorèmes limites sont au c÷ur même de la théorie des probabilités. Nous ne donnons ici que quelques dénitions et énoncés essentiels, en nous limitant aux notions que nous utiliserons dans la suite. Le lecteur se reportera à [RES 98] ou [WIL 91] pour plus de détails. Introduisons tout d'abord les diérents modes de convergence. Soit (Xn , n ∈ N) une famille de v.a. dénies sur un espace de probabilité

1/2 P d 2 (Ω, F, P) et à valeurs dans (Rd , B(Rd)). On note |x| = x la norme k=1 k euclidienne. Soit nalement X une v.a. dénie sur (Ω, F , P) et à valeurs dans (Rd , B(Rd )). Dénition 23 (Convergence p.s.). La suite. Xn converge presque sûrement vers X (on note : Xn →p.s. X ) si : n o P ω : lim Xn (ω) = X(ω) = 1. n→∞

98

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

De façon équivalente, Xn →p.s. X si et seulement si : lim P

n→∞

 [ 

{|Xk − X| ≥ δ}

k≥n

  

=0

pour tout δ > 0.

Dénition 24 (Convergence dans Lr ). Soient Xn et X des v.a. appartenant

à Lr . La suite Xn converge dans Lr vers X (on note : Xn →Lr X ) si : lim E [|Xn − X|r ] = 0.

n→∞

Dénition 25 (Convergence en probabilité). On dit que la suite de v.a. Xn converge en probabilité vers X (on note Xn →P X ) si :

pour tout δ > 0. Dénition 26 (Convergence en loi). On dit que la suite de v.a. Xn à valeurs dans Rd converge en loi (ou en distribution) vers X (on note Xn →d X ) si l'une des trois conditions équivalentes est satisfaite : lim P{|Xn − X| ≥ δ} = 0

n→∞

1. pour toute fonction f continue bornée Rd → R : lim E [f (Xn )] = E [f (X)] ;

n→∞

2. pour tout λ , [λ1 , . . . , λd ] : lim E [exp (i λ · Xn )] = E [exp (i λ · X)] ;

n→∞

3. pour tout pavé A = [a1 , b1 ] × · · · × [ad , bd ] tel que P(X ∈ ∂A) = 0 (où ∂A désigne la frontière de A) : lim P(Xn ∈ A) = P(X ∈ A).

n→∞

Le théorème suivant hiérarchise les diérents modes de convergence. Théorème 10. 1. Si Xn →p.s. X , alors Xn →P X . 2. Si Xn →Lr X , alors Xn →P X . 3. Si Xn →P X , alors Xn →d X . 4. Si Xn →P X , alors on peut extraire une sous-suite (Xnk , k ∈ N), telle que Xnk →p.s. X . Les théorèmes suivants sont à la base des statistiques. Théorème 11 (Loi forte des grands nombres). Soit (Xn , n ∈ N) une suite de v.a. indépendantes et identiquement distribuées (i.i.d.)2 telles que E [|X1 |] < ∞. Alors : n 1X Xi →p.s. E[X1 ]. n i=1

2

c'est-à-dire ayant la même loi (dénition 17).

Probabilités et calcul stochastique

99

P

Ce théorème montre que la moyenne empirique n−1 ni=1 Xi d'une suite de v.a. i.i.d. intégrables converge P-p.s. vers la moyenne théorique (espérance) de ces variables. Théorème 12 (Théorème de la limite centrale). Soit (Xn , n ∈ N) une suite réelle de v.a. i.i.d. appartenant à L2 et telles que E[Xi ] = µ et E[(Xi − µ)2 ] = σ 2 < ∞. Alors : 1 X √ (Xi − µ) →d N (0, σ 2 ). n i=1 n

Ce permet d'évaluer la  vitesse  à laquelle la moyenne empirique Pthéorème n X converge vers la moyenne E[X1 ] = µ. Ceci permet en particulier de i 1 déterminer, en statistique, des intervalles de conance. n−1

3.3. Espérance conditionnelle 3.3.1. Construction élémentaire Dénition 27 (Probabilité et espérance conditionnelles). Soit (Ω, F , P) un espace de probabilité. Soit B un événement tel que P(B) > 0. Pour A ∈ F , la probabilité conditionnelle de A sachant B est dénie par la quantité : P(A|B) =

P(A ∩ B) , P(B)

(3.35)

et, pour une v.a. X ∈ L1 (intégrable), l' espérance conditionnelle de X sachant B est dénie par : Z 1 E[X|B] = XdP. (3.36) P(B)

B

On remarque que la probabilité conditionnelle P(A|B) est l'espérance conditionnelle de la fonction indicatrice d'ensemble IA . Il sut donc de considérer l'espérance conditionnelle. L'espérance conditionnelle E[X|B] représente l'espérance de la variable aléatoire X sachant que l'événement B est réalisé. Exemple 5. Soit X une variable aléatoire à valeurs dans l'ensemble des entiers naturels N. La loi de X est spéciée par la donnée des probabilités pi = P(X = P E[X] = i∈N ipi . Considérons i), pour i ∈ N. La moyenne de X est donnée par P l'événement B = {X ≥ i0 }. Nous avons P(B) = i≥i0 pi que nous supposerons non nul. L'espérance conditionnelle de X sachant B est donnée par : P

i≥i E[X|B] = P 0 i≥i0

ipi pi

,

100

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

qui correspond à la moyenne de X conditionnellement au fait que l'événement B est réalisé. Considérons maintenant la tribu B = {∅, Ω, B, B c } qui est la plus petite tribu contenant B et supposons que X est intégrable. On appelle espérance conditionnelle de X ∈ L1 sachant la tribu B la v.a. Y dénie par : Y = E[X|B] = E[X|B]IB + E[X|B c ]IB c ,

qui est donc égale à l'espérance conditionnelle de X sachant B ou de X sachant B c , suivant le résultat de l'expérience courante. De façon générale, soit (Bk , k ≥ 0) une partition de Ω, telle que pour tout k ≥ 0, Bk ∈ F et P(Bk ) > 0 et soit B la tribu engendrée par ces événements. On appelle espérance conditionnelle de X sachant B la variable aléatoire : X Y = E[X|Bk ]IBk . (3.37) k≥0

On remarque que Rla variable aléatoire Y est B -mesurable et que, pour tout R B ∈ B, B Y dP = B XdP . On a donc la caractérisation suivante. Proposition 12. La variable aléatoire Y dénie par (3.37) est l'unique variable aléatoire B -mesurable telle que : Z

Z

Y dP = B

XdP

pour tout B ∈ B.

(3.38)

B

3.3.2. Généralisation Nous avons construit précédemment l'espérance conditionnelle par rapport à des événements de probabilité strictement positive. Notre objectif est maintenant conditionner par rapport aux valeurs prises par une v.a. Y , c'est-à-dire de conditionner par rapport à des événements du type {Y = y} qui peuvent être de probabilité nulle. Nous allons pour cela utiliser la caractérisation qui nous est donnée par la proposition 12. L'espace L2 , L2 (Ω, F, P), muni du produit scalaire < X, Y >, E[XY ], est un espace hilbertien. Dans les espaces hilbertiens, il est possible de dénir la projection d'un  vecteur  (ici, une variable aléatoire X ∈ L2 (Ω, F , P)) sur les sous-espaces vectoriels fermés. Par sous-espace vectoriel fermé de L2 , nous entendons un sous-espace vectoriel H tel que toute suite convergente d'éléments de H a une limite dans H. Soit B une sous-tribu de F et dénissons :  HB , Z ∈ L2 (Ω, F, P),

Z a un représentant B -mesurable .

HB est un sous-espace vectoriel fermé (pour preuve, HB est isomorphe à L2 (Ω, B, P) et on applique la proposition 8). On a le résultat suivant.

Probabilités et calcul stochastique

101

Théorème 13. Soient (Ω, F, P) un espace de probabilité, B ⊂ F une sous-tribu

de F et X une v.a., X ∈ L2 (Ω, F , P). Il existe une unique (à une équivalence près) variable aléatoire Y ∈ HB telle que :     E (X − Y )2 = inf E (X − Z)2 . Z∈HB

Cette variable vérie, pour toute v.a. Z B -mesurable, E[XZ] = E[Y Z]. On note E[X|B] cette variable aléatoire (en gardant à l'esprit qu'elle est dénie à une équivalence près : E[X|B] est une  version  de l'espérance conditionnelle). Si Y est une v.a., alors l'espérance de X par rapport à Y , notée E[X|Y ], est simplement l'espérance de X par rapport à la tribu engendrée par Y. La dénition précédente s'applique aux v.a X de L2 (Ω, F , P) : elle s'étend aux v.a. positives et/ou intégrables, grâce au lemme suivant. Lemme 5 (élémentaire d'unicité). Soient X et Y deux v.a. B -mesurables toutes deux positives ou toutes deux intégrables, vériant : Z

Z

∀B ∈ B,

XdP ≥

Y dP

B

(respectivement =).

B

Alors, X ≥ Y P-p.s. (respectivement X = Y P-p.s.). Démonstration S : pour a < b, dénissons Fa,b , {X ≤ a < b ≤ Y } ∈ B . Puisque {X < Y } = a,b∈Q Fa,b , il sut de prouver que ∀a, b ∈ Q, P(Fa,b ) = 0. Mais, si P(Fa,b ) > 0, nous avons : Z

Z XdP ≤ aP(Fa,b ) < bP(Fa,b ) ≤

Fa,b

Y dP, Fa,b

et nous aboutissons à une contradiction. Théorème 14. Soit X une v.a. intégrable (respectivement positive). Il existe une v.a. Y intégrable (respectivement positive) B -mesurable, telle que : Z ∀B ∈ B,

Z XdP =

B

Y dP. B

Cette variable est unique à une équivalence près. Démonstration : l'unicité découle du lemme 5. Montrons l'existence. On suppose tout d'abord que X ≥ 0. Pour n ∈ N, dénissons Xn = min(X, n). On a Xn ∈ L2 (Ω, F, P) et il existe donc une v.a. Yn ≥ 0, B -mesurable telle que : Z ∀B ∈ B,

Z Xn dP =

B

Yn dP. B

102

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Par application de 5, Yn est P-p.s. une suite positive et croissante. En eet, pour tout B ∈ B : Z

Z

Z

B

Z

Xn+1 dP ≥

Yn+1 dP = B

Xn dP = B

Yn dP. B

Dénissons Y = lim % Yn . Y est B -mesurable et, par application du théorème de convergence monotone, pour tout B ∈ B , nous avons : Z

Z

Y dP = lim % B

Z

Yn dP = lim % B

Z

Xn dP = B

XdP. B

Notons que si X est intégrable, alors Y l'est aussi (prendre B = Ω). Pour étendre le résultat au cas intégrable, nous allons prouver que, pour X, Y deux v.a. positives intégrables, et pour a, b ∈ R, nous avons (linéarité de l'espérance conditionnelle) : E[aX + bY |F ] = aE[X|F ] + bE[Y |F ].

Il sut en eet de remarquer que, pour tout B ∈ B : Z

Z Z Z E[aX + bY |F ]dP = (aX + bY )dP = a XdP + b Y dP B B B Z Z Z E[X|B]dP + b E[Y |B]dP = (aE[X|B] + bE[Y |B])dP, =a B

B

B

et on conclut en utilisant le lemme 5. Pour X ∈ L1 (Ω, F , P), nous posons X = X + − X − et concluons en utilisant l'existence et la linéarité de l'espérance conditionnelle pour les v.a. positives. Proposition 13. 1. Soient X, Y ≥ 0 et a, b ≥ 0 (ou X, Y intégrables et a, b ∈ R). Alors, E[aX + bY |B] = aE[X|B] + bE[Y |B]. 2. Soient X, Y ≥ 0 (ou X, Y intégrables). Alors l'inégalité X ≤ Y P-p.s. implique E[X|B] ≤ E[Y |B] P-p.s. 3. Soit X ≥ 0. Alors Y = E[X|B] vérie, pour toute v.a. Z positive B mesurable, E[XZ] = E[Y Z]. 4. Soit X intégrable. Alors Y = E[X|B] vérie, pour toute v.a. Z bornée B -mesurable, E[XZ] = E[Y Z]. Ces propriétés découlent de la dénition de l'espérance conditionnelle. La proposition 14 rassemble quelques propriétés essentielles de cette espérance. Proposition 14. Soit X ∈ L1 (Ω, F , P).

1. Soit G la tribu grossière : G = {Ω, ∅}. Alors, E[X|G] = E[X]. 2. Soit X ≥ 0 (ou X intégrable) et soient G ⊂ B deux sous-tribus de F . Alors, E[E[X|B]|G] = E[X|G].

Probabilités et calcul stochastique

103

3. Soit X indépendant de B. Alors E[X|B] = E[X]. 4. Soient X ≥ 0 B -mesurable et Y une v.a. positive. Alors E[XY |B] = XE[Y |B]. Ce résultat reste vrai si X est B -mesurable et Y et XY appartiennent à L1 (Ω, F, P). Démonstration : les fonctions mesurables par rapport à la tribu grossière sont les fonctions constantes. Donc, G étant la tribu grossière, E[X|G] = c. R Par dénition de l'espérance conditionnelle, nous avons E[X|G]dP = c = Ω R XdP = E[X], ce qui prouve la relation (1). Prouvons maintenant (2) dans Ω le cas où X ≥ 0 (le cas X intégrable se traitant de manière similaire). Soit Z une v.a. G -mesurable bornée. Notons que Z est aussi B -mesurable. Par dénition de l'espérance conditionnelle, on a : E [ E[ E[X|B]|G ]Z ] = E [ E[X|B]Z ] = E [XZ] = E [ E[X|G]Z ] . Donc, pour toute v.a. Z B -mesurable bornée, E [ E[ E[X|B]|G ]Z ] = E [ E[X|G]Z ], ce qui prouve la relation (2). Soit maintenant X une v.a. indépendante de B . Alors, pour toute v.a. Z B mesurable bornée, on a : E [ E[X|B]Z ] = E [XZ] = E [X] E [Z] = E [ E[X]Z ] , ce qui prouve la relation (3). Considérons nalement la relation (4) dans le cas où X et Y sont des v.a. positives (l'autre cas se traitant de manière similaire). Notons que E[Y |B]X est B -mesurable. Pour Z v.a. bornée B -mesurable, on a : E [ E[XY |B]Z ] = E{Y XZ} = E [ E[Y |B]XZ ] , ce qui prouve la relation (4). Enn, citons quelques propriétés importantes de l'espérance conditionnelle.

Proposition 15.

1.

(Convergence monotone conditionnelle)

(Xn )n≥0 une suite de v.a., 0 ≤ Xn % X ; alors E[Xn |G] % E[X|G].

Soit

2.

(Lemme de Fatou conditionnel) Soit (Xn )n≥0 une suite de v.a. positives ; alors E[lim inf Xn |G] ≤ lim inf E[Xn |G].

3.

(Inégalité de Jensen conditionnelle) Soit c : R → R convexe telle que E [|c(X)|] < ∞. Alors, E[c(X)|G] ≤ c(E[X|G]).

4.

(Convergence dominée conditionnelle) Soit (Xn )n≥0 une suite de v.a. telle que |Xn | ≤ V P-p.s., avec E[V ] < ∞ et Xn → X P-p.s. Alors, E[Xn |G] → E[X|G] P-p.s.

5.

(Contraction des normes) Pour p ≥ 1, kE[X|G]kp ≤ kXkp, en dé-

nissant kY kp , (E [|Y |p ])1/p .

6. Soient X une v.a. indépendante de la tribu B, Y une v.a. B -mesurable et f (X, Y ) une fonction intégrable. Alors, on a : E[f (X, Y )|B] = φ(Y ), où φ est la fonction déterministe dénie par φ(y) = E[f (X, y)]. En particulier, E[f (X)|B] = E[f (X)] et E[f (Y )|B] = f (Y ).

104

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

3.4. Processus aléatoires 3.4.1. Premières dénitions Soient (Ω, F, P) un espace de probabilité et T un ensemble d'indices. Dénition 28 (Processus aléatoire). On appelle processus aléatoire à valeurs (E, B) une famille (Xt , t ∈ T ) de v.a. à valeurs (E, B) indexées par t ∈ T. Dans la suite de ce chapitre, nous prendrons presque toujours T = R+ et, en quelques occasions, T = N. Dans le premier cas, on parlera de processus à temps continu et, dans l'autre cas, de processus à temps discret. Quant à (E, B), ce sera en général (R, B(R)) (processus réel) ou (Rd , B(Rd )) (processus vectoriel). Notons qu'en fait un processus est une application X : Ω × T → E, telle que, pour tout t ∈ T, X(t, ·) soit une v.a. L'application t 7→ X(t, ω) s'appelle la trajectoire associée à la réalisation ω. Pour les processus dénis sur T = R ou R+ , il est intéressant d'étendre les notions fonctionnelles de continuité et de limite à droite et à gauche, comme suit. Dénition 29 (Processus à trajectoires continues). Soit T = R+ . On dit que le processus X est à trajectoires continues (respectivement, continue à droite, à gauche) P-p.s. si, pour tout ω 6∈ N , P(N ) = 0, t 7→ X(t, ω) est continue sur T (respectivement, continue à droite, à gauche).

3.4.2. Répartitions nies Soit (Xt , t ∈ T ) un processus. On note I l'ensemble des parties nies ordonnées de T : si I ∈ I , I = {t1 < t2 < · · · < tn }. On note |I| le cardinal de I et PI la loi du vecteur aléatoire (Xt1 , Xt2 , · · · , Xtn ). PI est une probabilité sur (E |I| , E ⊗|I| ) caractérisée par : PI (A1 × A2 × · · · × An ) = P(Xt1 ∈ A1 , Xt2 ∈ A2 , · · · , Xtn ∈ An ), Ak ∈ E.

Dénition 30 (Répartition nie).

(3.39) (PI , I ∈ I) est appelée la famille des

répartitions nies du processus X . Soient J ⊂ I et ΠI,J la projection canonique de E |I| sur E |J| , ou encore : ΠI,J ((tk , k ∈ I)) = (tk , k ∈ J).

(3.40)

L'équation (3.39) implique que : PI ◦ Π−1 I,J = PJ ,

(3.41)

Probabilités et calcul stochastique

105

c'est-à-dire que, pour tout ensemble A ∈ E ⊗|J| , PJ (A) = PI (Π−1 I,J (A)). Réciproquement, si l'on se donne une famille de probabilité (ν I , I ∈ I), la question se pose de savoir si ce sont les répartitions nies d'un processus. Il est clair que, pour cela, elles doivent a minima vérier les conditions de compatibilité (3.41). En fait, cette condition est aussi susante. Nous introduisons à cette n l'espace canonique. On pose : Ω = E T , Xt (ω) = ωt , F = σ(Xt , t ∈ T ),

(3.42)

FI = σ(Xt , t ∈ I), I ∈ I.

Soit ΠI la projection canonique de T sur I, ΠI (xt , t ∈ T ) = (x  t , t ∈ I). On dénit une probabilité PI sur (Ω, FI ) par PI (A) = ν I Π−1 (A) . La condition I (3.41) implique que si J ⊂ I , on a FJ ⊂ FI et PI |FJ = PJ . Le problème est de prolonger les probabilités PI sur (Ω, FI ) en une probabilité sur (Ω, F ) où F = σ(FI , I ∈ I). Notons que ce prolongement est nécessairement unique (voir le théorème 2). On dispose à ce sujet du théorème suivant.

Théorème 15 (de Kolmogorov). En temps discret (T = N), on suppose que (E, E) est un espace mesurable quelconque et, en continu (T = R+ ), que (E, E) est un espace polonais3 muni de sa tribu borélienne. Soit (ν I , I ∈ I) une famille de probabilités vériant (3.41). Alors, il existe une probabilité unique P sur (Ω, F) dénie par (3.42) telle que le processus (Xt , t ∈ T ) soit un processus de répartitions nies (ν I , I ∈ I). On appellera ce processus le processus canonique de répartitions nies

(ν I , I ∈ I) et la probabilité P ainsi construite, la loi du processus X . Cette loi

est donc entièrement déterminée par la donnée des répartitions nies.

Dénition 31 (Processus équivalents). Deux processus Xt et Yt sont dits équivalents s'ils ont même loi (ou de façon équivalente, mêmes répartitions nies).

Exemple 6 (Suite de v.a. indépendantes). Soit (ν n , n ∈ N) une suite de probabilités sur (E, E). Pour I = {n1 < n2 < · · · < np ) on pose : ν I = ν n1 ⊗ · · · ⊗ ν np .

(3.43)

Il est clair que l'on dénit ainsi une famille (ν I , I ∈ I) compatible (c'est-à-dire vériant la condition (3.41)). Donc, si Ω = E N , Xn (ω) = ω n et F = σ(Xn , n ∈ N), il existe une unique probabilité P sur (Ω, F ) telle que (Xn , n ∈ N) soit une suite de v.a. indépendantes de loi ν n . 3

Espace métrique complet séparable.

106

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

3.4.3. Processus gaussien Dénition 32 (Processus gaussien). Un processus réel X = (Xt , t ∈ R) est gaussien si, pour tout t1 < t2 < · · · < tn , (Xt1 , Xt2 , · · · , Xtn ) est un vecteur gaussien. Soit X un processus gaussien réel. Posons : et Γ(s, t) = E[(Xs − m(s))(Xt − m(t))].

m(t) = E[X(t)]

(3.44)

Par dénition, pour tout u = [u1 , . . . , un ]T ∈ Rn et tout t1 < . . . < tn , Yn = P n i=1 ui Xti est une v.a. gaussienne et : E[Yn ] =

n X

ui E[Xti ],

n X

var(Yn ) =

i=1

uj uk Γ(tj , tk ),

j,k=1

et donc :

  n n  X  X E[exp(iYn )] = exp i uk m(tk ) − 1/2 uj uk Γ(tj , tk ) .   k=1

j,k=1

La loi N (m, Γ) du processus X est entièrement déterminée par la donnée de m(t) (la moyenne) et Γ(s, t), que l'on appelle la fonction de covariance (ou auto-covariance ). Remarquons que : Γ(s, t) = Γ(t, s).

(3.45)

Puisque var(Yn ) > 0, on a aussi : ∀uk , ∀tk ,

n X

uj uk Γ(tj , tk ) ≥ 0.

(3.46)

j,k=1

Réciproquement, donnons-nous une fonction réelle m(t) et une fonction Γ(s, t) vériant (3.45) et (3.46). A chaque n-uplet ordonné I = {t1 < · · · < tn }, on associe la probabilité ν I , Nn (mI , KI ), où mI est le vecteur (m × 1), mI , (m(t1 ), · · · , m(tn )) et KI est la matrice (semi-dénie) positive (KI )j,k = Γ(tj , tk ) (1 ≤ j, k ≤ n). La famille (ν I , I ∈ I) ainsi dénie est compatible et l'on a établi le résultat qui suit. Théorème 16. Soient m(t) et Γ(s, t) vériant (3.45), (3.46). Il existe un processus gaussien réel (Xt , t ∈ R), unique à une équivalence près, tel que : m(t) = E[Xt ], Γ(s, t) = E[(Xs − m(s))(Xt − m(t))].

Probabilités et calcul stochastique

107

3.5. Le mouvement brownien 3.5.1. Dénition Pour modéliser le mouvement d'un grain de pollen dans un liquide, le botaniste écossais Brown (vers 1820) a introduit un processus aléatoire Xt à valeurs dans R2 ayant des trajectoires  irrégulières , caractérisé de la façon suivante : (i) les accroissements Xt2 − Xt1 , · · · , Xtn − Xtn−1 sont indépendants (le processus n'a pas de  mémoire ), (ii) pour tout h ∈ R et tout 0 ≤ s < t, les v.a. Xt+h − Xs+h et Xt − Xs ont les mêmes lois, (iii) les trajectoires sont continues. Un tel processus est appelé un mouvement brownien. Au début du XXe siècle, Louis Bachelier (1900) a observé qu'un tel processus à valeurs dans R permettait de modéliser le cours d'un actif, après une transformation élémentaire. Albert Einstein (1905), Norbert Wiener (1923) et Paul Levy (1925) ont été les premiers à développer une théorie mathématique du mouvement brownien. Ses utilisations sont multiples et touchent aujourd'hui l'ensemble des domaines des sciences de l'ingénieur, de l'économétrie et de la nance. On traitera dans la suite le mouvement brownien d-dimensionnel et, tout d'abord, le cas d = 1. Observons tout d'abord que pour un tel processus nous avons, pour 0 ≤ t < s : 2 X n

Xt − Xs =

 Xs+2−n i(t−s) − Xs+2−n (i−1)(t−s) ,

(3.47)

i=1

et l'accroissement Xt − Xs est donc la somme d'un grand nombre de v.a indépendantes de même loi (stationnarité des incréments) et de variance tendant vers 0 lorsque n → ∞. Le théorème 12 montre que Xt − Xs suit une loi gaussienne, c'est pourquoi on introduit la dénition suivante.

Dénition 33 (Mouvement brownien). Un processus réel (Xt , un mouvement brownien issu de 0 si :

t ∈ R+ ) est

1. pour tous t1 < · · · < tn , les v.a. Xt2 − Xt1 , · · · , Xtn − Xtn−1 sont indépendantes ; 2. X0 = 0 et, pour t ≥ s ≥ 0, Xt −Xs est distribué suivant une loi gaussienne Nd (0, (t − s)) (moyenne nulle, variance (t − s)) ; 3. Xt est P-p.s. à trajectoires continues.

108

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Supposons qu'un tel objet existe. Alors, pour tout t1 < · · · < tn : Xt1 = Xt1 , Xt2 = Xt1 + (Xt2 − Xt1 ),

.. . Xtn = Xt1 + (Xt2 − Xt1 ) + · · · + (Xtn − Xtn−1 ),

et donc le vecteur (Xt1 , · · · , Xtn ) est gaussien, c'est-à-dire que X est un processus gaussien. On a alors m(t) = E[Xt ] = 0 et, pour 0 ≤ s < t : Γ(s, t) = E[Xs Xt ] = E[Xs (Xs + (Xt − Xs ))] = E[Xs2 ] = s,

d'où Γ(s, t) = min(t, s). On notera dans la suite s ∧ t , min(t, s). Notons que la fonction s ∧ t vérie (3.45) et (3.46) puisque, posant t0 = 0 : n X j,k=1

u j u k tj ∧ t k =

n X j,k=1

uj uk

j∧k X l=0

(tl − tl−1 ) =

n X

 (tl − tl−1 ) 

l=0

n X

 u2l  ≥ 0.

j=l

(3.48) Ceci nous assure l'existence d'un processus gaussien réel (Xt , t ≥ 0) tel que E[Xt ] = 0 et E[Xs Xt ] = s ∧ t. Pour 0 < s < t, la v.a. Xt − Xs est distribuée suivant une loi gaussienne de moyenne nulle et de variance t − s. Pour t1 < t2 < t3 < t4 , E [(Xt2 − Xt1 )(Xt4 − Xt3 )] = 0. Vu les propriétés des vecteurs gaussiens, un tel processus vérie les conditions (1) et (2) de la dénition 33. Dénition 34 (Modication d'un processus). Un processus (Yt , t ∈ R+ ) est une modication du processus (Xt , t ∈ R+ ) si P[Xt = Yt ] = 1, ∀t ∈ R+ . Il est clair que la condition précédente implique que les deux processus ont même loi. On s'intéresse tout particulièrement aux modications continues X , c'est-à-dire à l'existence de processus Y qui soient des modications du processus X et dont les trajectoires soient presque sûrement continues. Kolmogorov a donné un critère simple permettant de montrer qu'un processus admet une modication continue (voir [REY 91] pour la démonstration). Théorème 17 (de Kolmogorov). Soit X = (Xt , t ∈ R+ ) un processus à valeurs dans (Rd , B(Rd)). Supposons que pour tout s, t : E [|Xt − Xs |α ] ≤ C|t − s|1+β ,

avec α, β > 0. Alors X admet une modication continue. Soit X = (Xt , t ∈ R+ ) un processus gaussien réel centré de covariance Γ(s, t) = s ∧ t. Pour 0 ≤ s < t l'accroissement (Xt − Xs ) est distribué suivant une loi gaussienne de moyenne nulle et de variance (t−s) et donc l'accroissement

Probabilités et calcul stochastique

109



renormalisé (Xt − Xs )/ t − s est distribué suivant une loi gaussienne centrée de variance unité. Ceci implique que : 

4

E |Xt − Xs |



"

2

= (t − s) E

Xt − Xs √ t−s

4 #

= 3(t − s)2 ,

(3.49)

car E[U 4 ] = 3 si U est une gaussienne centrée réduite. En appliquant le théorème 17, on voit que le processus X admet une version continue. Ceci montre l'existence du mouvement brownien réel, processus vériant la dénition 33. On a établi au passage le résultat suivant. Proposition 16. Soit X = (Xt , t ∈ R+ ) un processus réel à trajectoires continues. Alors X est un mouvement brownien si et seulement si X est un processus gaussien réel centré de covariance Γ(s, t) = s ∧ t. Cette proposition, conséquence élémentaire de la discussion précédente, peut être très utile, comme l'illustre la proposition suivante. Proposition 17. Soit (Bt , t ∈ R+ ) un mouvement brownien issu de 0. Posons Xt = Bt+s − Bs (pour s ≥ 0), Yt = cBt/c2 (c 6= 0) et Zt = tB1/t , t > 0, Z0 = 0. Alors, Xt , Yt et Zt sont des mouvements browniens réels issus de 0. Démonstration : pour Xt et Yt la vérication est immédiate. Quant à Zt c'est un processus gaussien centré et sa fonction de covariance est donnée par : E[Zt Zs ] = tsE[B1/s B1/t ] = ts(1/s ∧ 1/t) = s ∧ t.

Evidemment, Zt est continue sur ]0, ∞[. Il reste à montrer la continuité en 0 : "

0 =

#

E lim sup |Bt | = lim & E t&0

t&0

 =



lim & E

t&0

 sup |Bs |

0 0 et on peut donc dénir : Z

Xt =

0

Z

t

φs dBs =

0



I[0,t] (s)φs dBs .

(3.79)

Probabilités et calcul stochastique

123

Il est important de remarquer que, pour chaque t, Xt est une classe de L2 , c'est-à-dire que Xt n'est dénie qu'à une équivalence près. Il se pose donc le problème de choisir harmonieusement un représentant de cette classe. C'est l'objectif du théorème qui suit. Théorème 22. Soit φR ∈ L2(P). Il existe une martingale continue Mt telle que, pour tout t, Mt = 0t φs dBs P-p.s. R  Démonstration : on choisit φn ∈ E telle que E 0n (φs − φns )2 ds ≤ 2−n , ce qui implique, pour tout t ≤ n : Z E

t

0

 2 (φns − φn+1 ) ds ≤ 21−n . s

(3.80)

R

t On pose Mtn = 0 φs dBs qui est, par construction, une martingale continue. En appliquant l'inégalité de Doob, on a alors :



2 E sup |Msn+1 s≤t



Msn |

 ≤E

sup |Msn+1 s≤t



Msn |2

  ≤ 4E |Mtn+1 − Mtn |2 = 4E P

Z 0



t

 n 2 (φn+1 − φ ) ds ≤ 23−n . s s 

Ceci implique que, pour tout t, on a : E n sups≤t |Msn+1 − Msn | < ∞. On en déduit que, pour tout t ≥ 0, Msn converge uniformément sur [0, t] P-p.s. Il existe donc un processus continu Mt tel que Mtn converge P-p.s. vers Mt Rt R n lorsque n → ∞ et, vu que Mt → 0 φs dBs dans L2 , on a Mt = 0t φs dBs P-p.s. Enn, puisque Mtn → Mt dans L2 , Mt est une martingale. Rt

Dorénavant, pour φ ∈ L2 (P), 0 φs dBs désigne la version continue de l'intégrale stochastique. Le lemme 8 et la proposition 26 conduisent à la proposition suivante. R R Proposition 28. Soient φ, ψ ∈ L2 (P), Mt = 0t φs dBs , Nt = 0t ψs dBs . Alors : Z t Xt = M t Nt −

0

φs ψ s ds,

est une martingale. Si τ est un temps d'arrêt borné : Z

E[Mτ Nτ ] = E

0

τ

 φs ψ s ds .

Exemple 14. Pour illustrer la construction ci-dessus, nous allons démontrer que tout mouvement brownien (Bt , t ∈ R+ ) issu de 0 (B0 = 0) vérie : Z 0

t

Bs dBs =

1 2 1 B − t. 2 t 2

(3.81)

124

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Nous allons tout d'abord chercher à déterminer un processus élémentaire dont la limite soit précisément le processus Bs . L'idée naturelle consiste bien entendu à  discrétiser  le processus, c'est-à-dire à découper l'intervalle [0, t] suivant une grille régulière et à approcher Bs par un processus constant sur tous les (n) tk = k2−n pour 0 ≤ k ≤ 2n t, et tk = t intervalles de cette grille. Posons tk =P n pour k > 2 t. En dénissant φn (s) = k≥0 Btk 1[tk ,tk+1 [ (s), on voit que : Z E

t

0

"



2

(φn (s) − Bs ) ds = E

XZ

tk+1

# 2

(Btk − Bt ) dt =

tk

k

1X (tk+1 −tk ) → 0, 2 k

et donc, que la suite de processus φn converge dans L2 (P) vers B . Par dénition de l'intégrale stochastique, nous avons : Z 0

t

Bs dBs = lim

n→∞

X

Btk (Btk+1 − Btk ).

k

Notons que : Bt2j+1 − Bt2j = (Btj+1 − Btj )2 + 2Btj (Btj+1 − Btj ) et donc, que : X

Btk (Btk+1 − Btk ) =

k

1 2 1X B − (Btk+1 − Btk )2 . 2 t 2 k

P

On conclut en montrant que k (Btk+1 − Btk )2 → t dans L2 . Remarquons que, par dénition, les variables {Btk+1 − Btk } sont des variables gaussiennes indépendantes de moyenne nulle et de variance 2−n . Par suite : 

X   E (Btk+1 − Btk )2 − E (Btk+1 − Btk )2 k

" E

X

E

h

2

!2  =



2

(Btk+1 − Btk ) − E (Btk+1 − Btk )

# 2 i

≤ 2−n+1 .

k

Ce calcul explicite est assez fastidieux et on imagine mal comment il pourrait s'étendre à des situations plus compliquées. Nous verrons dans la suite des techniques de calcul systématiques (formule d'Itô) permettant d'évaluer plus facilement les intégrales stochastiques.

3.8.3. Martingales locales Dénition 44 (Martingales locales). Un processus

(Xt , t ∈ R+ ) est une martingale locale s'il existe une suite croissante de temps d'arrêt τ n % ∞ telle que Ztn = Xτ n ∧t − X0 soit une martingale.

Probabilités et calcul stochastique

125

Remarque 3. Supposons de plus que Xt soit continue et que X0 = 0. Posons : σ n = inf{t ≥ 0, |Xt | ≥ n}.

Il est clair que σ n % ∞ (une fonction continue est bornée sur tout intervalle [0, T ], T < ∞) et que Xt∧σn ≤ n. Xt∧τ n ∧σn est donc une martingale bornée et σ n ∧ τ n % ∞. Ainsi, dans ce cas, on peut toujours choisir la suite τ n de telle sorte que la suite Mtτ n soit bornée. On note M0c,loc l'ensemble des martingales locales continues nulles en 0. Proposition 29. Si X ∈ M0c,loc est à variations nies, alors X = 0 P-p.s. Démonstration : rappelons que Vt = supπ sumπ={t1 0, E |φs | ds < ∞ , 0

(3.85)

  Z t 0 d 2 Ld (P) = φ progressif à valeurs dans R , ∀t > 0, |φs | ds < ∞ , (3.86) 0

et L2d (P) et L0d (P) les classes d'équivalence correspondantes. Evidemment, si φ = (φ1 , · · · , φd ) ∈ L2d (P) (respectivement L0d (P)), chaque composante φi ∈ L2 (P) (respectivement L0 (P)). On pose donc, pour chaque φ ∈ L0d (P) : Z Mt =

t

0

< φs , dBs >=

d Z X k=1

t

0

(3.87)

φks dBsk .

Mt est une martingale locale vectorielle et, si φ ∈ L2d (P), Mt est une martingale

de carré intégrable. R R Proposition 31. Soient φ, ψ ∈ L0 (P), Mt = 0t φs dBsi , Nt = 0t ψs dBsj , i 6= j . Alors Mt Nt ∈ M0c,loc . Si φ, ψ ∈ L2 (P), Mt Nt est une martingale continue. Démonstration : on se ramène au cas où φ, ψ sont des processus étagés et on conclut en appliquant le lemme 9. La proposition précédente montre de plus que, pour φ ∈ L2d ( P) : "Z

E

0

2 #

t

< φs , dBs >

=

d X k=1

"Z

E

0

2 #

t

φks dBsk

Z =E

0

t

 |φs |2 ds .

3.9. Espaces gaussiens Dénition 46 (Espace gaussien). Un espace gaussien (centré) est un sousespace fermé de L2 (Ω, F, P) constitué de v.a. gaussiennes centrées.

128

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Proposition 32. Soit X = (Xt , t ∈ T ) un processus aléatoire gaussien. Le sous-espace vectoriel de L2 (Ω, F , P) engendré par les variables (Xt , t ∈ T ) est un espace gaussien, noté H(X). La démonstration découle immédiatement du lemme suivant. Lemme 10. Soit (Xn , n ∈ N) une suite de v.a. réelles gaussiennes centrées. Si Xn converge vers X dans L2 (Ω, F , P), alors X est une v.a. gaussienne centrée. Démonstration : puisque Xn converge vers X dans L2 , alors σ 2n = E[Xn2 ] → σ 2 = E[X 2 ]. Par conséquent, φXn (t) = exp(−σ 2n t2 /2) → exp(−σ 2 t2 /2) et Xn converge en loi vers une loi gaussienne centrée de variance σ 2 . Comme Xn converge vers X dans L2 , X a pour distribution N1 (0, σ2 ). Soit (Bt , t ∈ R+ ) un mouvement brownien à valeurs dans Rd issu de 0. On note H(B) l'espace gaussien engendré par les variables (Bti , 1 ≤ i ≤ d, t ≥ 0) et on pose :   Z L2d =

Proposition 33.



|f (t)|2 dt < ∞ . (3.88) 0 R L'application Φ : L2d → H(B), f 7→ 0∞ < f (t), dBt > est f borélienne,

un isomorphisme. Démonstration : pour toute fonction f ∈ L2d , il existe une suite de fonctions P de la forme : fn (t) = ki=1 ank I[tnk ,tnk+1 [ (t), telle que kfn − f k2 → 0. On a Φ(fn ) ∈ H(B) et il sut d'appliquer le lemme 10 pour avoir Φ(f ) ∈ H(B). 2 Réciproquement, soit X ∈ H(B). On a X = lim Xn dans , où Xn est R ∞ L (Ω, F , P) i i une combinaison linéaire des Bt . Du fait que Bt = 0 I[0,t[ (s)dBsi , Xn admet la représentation Xn = Φ(fn ), où fn est une fonction étagée appartenant à L2d . De ce fait, et parce que fn et fm sont déterministes, on a : 

2

E |Xn − Xm |



Z =E

0

+∞

2



(fn (t) − fm (t)) dt =

Z 0

+∞

(fn (t) − fm (t))2 dt,

soit encore : kfn − fm kL2 (R+ ) = kΦ(fn ) − Φ(fm )kL2 (Ω,F ,P) .

La convergence de Xn − φ(fn ) entraîne que la suite fn est une suite de Cauchy et, donc, qu'elle converge vers f dans L2d . Par identication de la limite, il vient Rt X = 0 < f (t), dBt >, ce qui termine la preuve.

3.10. Processus d'Itô Dénition 47 (Processus d'Itô). Soit B = (Ω, Ft , F , Bt , P) un mouvement brownien à valeurs Rd issu de 0. On appelle processus d'Itô d-dimensionnel

Probabilités et calcul stochastique

tout processus X de la forme :

Z

Xt = X0 +

Z

t

< φs , dBs > +

0

t

(3.89)

αs ds,

0

129

où X0 est FR0 -mesurable, φ ∈ L0d (P) et αs est un processus progressif tel que, pour tout t, 0t |αs |ds < ∞ P-p.s. Nous utiliserons de façon équivalente la notation diérentielle : dXt =< φt , dBt > +αt dt =

d X

φkt dBtk + αt dt.

(3.90)

k=1

Remarque 4. La décomposition (3.89) est unique. En eet, si l'on considère une seconde décomposition :

Z

Xt = X0 +

Z

t

0

< ψ s , dBs > +

alors, en vertu de la proposition 30, on a : Z

0

Z

t

< φs , dBs > −

0

Exemple 15.

Z

t

< ψ s , dBs >=

0

t

β s ds, Z

t

0

β s ds −

0

t

αs ds = 0.

 Le processus Xt = |Bt |2 , où Bt est un mouvement brownien d-dimensionnel issu de 0 est un processus d'Itô. En eet, en utilisant les résultats obtenus pour l'exemple 14, nous avons : 2

|Bt | =

d X

2(Btk )2

k=1

=

d Z X k=1

0

t

Bsk dBsk + dt.

(3.91)

Par suite, |Bt |2 est un processus d'Itô avec : φs = (φ1s , · · · , φds ) = (Bs1 , · · · , Bsd ), αs = d.

 Le processus Xt = Bt1 Bt2 , où Bt = (Bt1 , Bt2 ) est un mouvement brownien dans R2 , est un processus d'Itô. Remarquons en eet que : Xt =

 1 (Bt1 + Bt2 )2 − (Bt1 − Bt2 )2 . 4

D'autre part, √12 (Bt1 + Bt2 ) et √12 (Bt1 − Bt2 ) sont deux mouvements browniens réels indépendants (on remarque en eet que : E[(Bt1 + Bt2 )(Bs1 − Bs2 )] = t ∧ s − t ∧ s = 0). Par conséquent, en utilisant (3.91), nous avons : (Bt1 (Bt1

+ −

Bt2 ) Bt2 )

Z

t

= 0

Z =

0

t

(Bs1 + Bs2 )(dBs1 + dBs2 ), (Bs1 − Bs2 )(dBs1 − dBs2 ),

130

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

et donc :

1 Xt = 2

Z

t 0

Bs2 dBs1

+

Bs1 dBs2

 .

Soit Ut un processus adapté à trajectoires continues et Xt un processus d'Itô donné par (3.90). On dénit la notation intégrale : Z

t

0

Us dXs =

d Z X k=1

t

Yt = Y0 + 0 < ψ s , dBs > + de X et Y par :

t 0

φks Us dBsk +

0

Dénition 48 (Crochet).R Soient R

Z

t

0

Rt

t

(3.92)

αs Us ds. Rt

α ds et 0 s β s ds, deux processus d'Itô. On dénit le crochet Xt = X0 +

≺ X, Y t =

d Z X k=0

0

0

< φs , dBs > +

t

φks ψ ks ds.

Soient Bti et Btj , 1 ≤ i, j ≤ d les composantes d'un mouvement brownien d-dimensionnel. Notons que Bti est un processus d'Itô, avec φis = ei le i-ième vecteur coordonnée et αis = 0. Par conséquent : ≺ B i , B j t = δ i,j t,

(3.93)

où δ i,j est le symbole de Kronecker. On note simplement : ≺ X t ,≺ X, X t . On voit facilement que l'application (X, Y ) 7→≺ X, Y t est bilinéaire. De plus, dès que X (ou Y ) est à variations nies, ≺ X, Y t = 0. On peut montrer que :  si X, Y sont des martingales locales, ≺ X, Y t est l'unique processus à variations nies tel que Xt Yt − ≺ X, Y t soit une martingale locale ;  P si 0 = t0 < t1 < · · · < tn = t est un partage de [0, t] de pas |π|, alors n i=1 (Xti+1 − Xti )(Yti+1 − Yti ) converge en probabilité vers ≺ X, Y t lorsque le pas |π| du partage tend vers 0. Théorème 24 (Formule d'Itô). Soit Xt = (Xt1 , · · · , Xtd ) un processus d'Itô d-dimensionnel et soit f ∈ C 2 (Rd ). Alors, f (Xt ) est un processus d'Itô et : f (Xt )−f (X0 ) =

d Z X k=1

t 0

d Z 1 X t ∂2f ∂f (Xs )dXsk + (Xs )d ≺ X j , X k s . ∂xk 2 0 ∂xj ∂xk j,k=1

(3.94) Démonstration : commençons par quelques remarques permettant de simplier la preuve. On peut en eet supposer que : 1. |X0 | ≤ M (en utilisant la proposition 30) ; 2. pour tout t ≥ 0, |Xt | ≤ M (en introduisant un temps d'arrêt τ p = inf{t, |Xt | ≥ p} et en travaillant sur le processus arrêté) ;

Probabilités et calcul stochastique

131

3. la fonction f est deux fois continûment diérentiable à support compact (f ∈ Ck2 ), car |Xt | ≤ M ; 4. f (x1 , · · · , xn ) = P (x1 , · · · , xn ) où P est un polynôme : en eet, pour toute fonction f ∈ C 2 , il existe une suite de polynômes convergeant vers f uniformément et dont les dérivées d'ordre 1 et 2 convergent uniformément vers les dérivées correspondantes de f . Il sut donc de montrer (3.94) pour f (x1 , x2 ) = x1 x2 , grâce au lemme 11. Lemme 11. Soient X et Y deux processus d'Itô, alors : Z

Xt Yt − X0 Y0 =

0

Z

t

Xs dYs +

t 0

Ys dXs + ≺ X, Y t ,

(3.95)

et, en particulier : Xt2 − X02 = 2

Z 0

t

Xs dXs + ≺ X t .

(3.96)

Démonstration : on remarque que (3.96) implique (3.95), en écrivant : Xt Yt =

 1 (Xt + Yt )2 − (Xt − Yt )2 , 4

et il sut donc de montrer (3.96). On a Xt = X0 + Mt + Vt , avec : Z t Z t Mt = < φs , dBs >, At , |φs |2 ds, 0 0 Z t Z t αs ds, |V |t , |αs |ds. Vt = 0

0

On peut supposer que X0 = 0 et |Mt | + At + |V |t ≤ K . Notons que Mt2 − At est une martingale. Soit π un partage générique de l'intervalle [0, t], π = {0 = t0 < t1 < t2 < · · · < tn = t}, de pas |π| = sup |ti+1 − ti |. On a (x2 − x1 )2 = x22 − x21 − 2x1 (x2 − x1 ), d'où : X

(∆X(ti ))2 = Xt2 − X02 − 2

X

X(ti )∆X(ti ).

P (∆X(ti ))2 tend vers At (lemme 13) ci-dessous et le terme X(ti )∆X(ti ) tend vers ≺ X t (lemme 12), d'où le résultat.

Le P terme

Établissons maintenant les résultats techniques qui viennent d'être évoqués. Lemme 12. Soit Kt un processus adapté continu borné, alors : X

Z

Kti ∆X(ti ) →

|π|→0

0

t

Ks dXs dans L2 ,

où ∆X(ti ) = X(ti+1 ) − X(ti ).

132

Mathématiques pour les systèmes dynamiques P

Démonstration : en notant Ktπ = X

i

Kti I[ti ,ti+1 [ (t), nous avons : Z

Kti ∆X(ti ) =

t

Ksπ dXs .

0

Les processus Ksπ , αs et Ks étant continus et bornés, nous avons : Z

Z

t

Ksπ αs ds →

|π|→0

0

t

0

Par ailleurs : "Z

E

2 #

t

0

P-p.s. et dans L2 .

Ks αs ds

(Ksπ

Z =E

− Ks ) < φs , dBs >

0

t

(Ksπ

2



2

− Ks ) |φs | ds ,

et, comme ci-dessus, le second terme tend vers 0 lorsque |π| → 0.

Lemme 13.

X

(∆X(ti ))2 →

|π|→0

Z At =

t

0

|φs |2 ds dans L2 .

(3.97)

Démonstration : par dénition, Xt = X0 + Mt + Vt . Donc : X

(∆Xti )2 =

X

(∆Mti )2 + 2

X

∆Mti ∆Vti +

X

(∆Vti )2 .

Les deux derniers termes de cette somme tendent vers 0 dans L2 . En eet, le processus t 7→ Vt étant continu : X

2

(∆Vti ) ≤ sup |∆Vti |

X

Z |∆Vti | ≤ sup |∆Vti |

0

t

|αs | ds



|π|→0

0.

De même, la continuité de M implique : Z t X X ∆Vti ∆Mti ≤ sup |∆Mti | |∆Vti | ≤ sup |∆Mti | |αs |ds 0



|π|→0

0.

2 Ces variables étant bornées, elles convergent aussi dans P L . Il reste à montrer P 2 2 que : (∆M (ti )) → At dans L . Comme At = ∆A(ti ), on doit montrer

que δ π → 0, où : δπ = E

 X

|π|→0

2 2  X

= (∆M (ti ))2 − At . [(∆M (ti )) − ∆A(ti )] 2

2

(3.98)

Remarquons que t 7→ Mt2 −At est une martingale par construction, impliquant : δπ , E

hX

i [(∆M (ti ))2 − ∆A(ti )]2 ,

Probabilités et calcul stochastique 

133



et, en utilisant les relations (a+ b)2 ≤ 2a2 + 2b2 et E (∆M (ti ))2 = E [∆A(ti )] : i hX i (∆A(ti ))2 (∆M (ti ))4 + 2E i hX hX i ≤ 2K 2 E ∆A(ti ) (∆M (ti ))2 + 2KE hX i hX i ≤ 2K 2 E ∆A(ti ) + 2KE ∆A(ti ) ≤ 2(K 2 + K)E[At ],

δ π ≤ 2E

hX

¯ (At étant borné). On en déduit : et donc δ π ≤ K E

X

2

(∆M (ti ))

2 

(3.99)

¯ ≤ 2K.

Par suite, en utilisant l'inégalité de Cauchy-Schwartz :

i h h i X X δ π ≤ 2E sup(∆M (ti ))2 ∆A(ti ) (∆M (ti ))2 + 2E sup ∆A(ti )  X 2    4 2 ≤ 2E sup(∆M (ti )) E + 2KE [sup ∆A(ti )] . (∆M (ti ))

Mt et At étant continues et bornées, on a :   E sup(∆M (ti ))4 →|π|→0 0 et E [sup ∆A(ti )] →|π|→0 0,

et l'on conclut en appliquant (3.99). En notation diérentielle, la formule d'Itô (3.94) s'écrit, avec Yt = f (Xt ) : dYt =

d d X 1 X ∂2f ∂f (Xt ) + (Xt )d ≺ X j , X k t . ∂xk 2 ∂xj ∂xk

k=1

(3.100)

j,k=1

Exemple 16 (Carré du brownien). Considérons l'intégrale It =

Rt

Bs dBs . 0 Nous avons déjà montré par un calcul direct (voir exemple 14) que It = Bt2 /2 + t/2. Posons Xt = Bt et g(x) = x2 /2. Notons que It = g(Xt ). En appliquant la formule d'Itô (sous sa forme diérentielle (3.100)), nous obtenons : dYt =

∂g 1 ∂2g 1 dBt + d ≺ B t = Bt dBt + dt, 2 ∂x 2 ∂x 2

ce que l'on peut écrire de façon plus suggestive en notation diérentielle : 

d

1 2 B 2 t



1 = Bt dBt + dt. 2

On voit apparaître ici la diérence entre le calcul diérentiel usuel et le calcul diérentiel stochastique.

134

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Exemple 17 (Martingale exponentielle). Soit φs ∈ L0d (P) et posons : Z

Zt = exp

t

0

Z

1 < φs , dBs > − 2

t

0

2



|φs | ds .

On a donc : Zt = f (Xt ), avec f (x) = ex et Xt déni par : Z

Xt =

0

t

< φs , dBs > −

1 2

Z

0

t

|φs |2 ds.

Une application directe de la formule d'Itô (3.94) montre que : 1 dZt = f 0 (Xt )dXt + f 00 (Xt )d ≺ X t 2 1 1 = Zt < φt , dBt > − Zt |φt |2 dt + Zt |φt |2 dt = Zt < φt , dBt >, 2 2

ce que l'on peut écrire, de façon équivalente : Z

Zt = 1 +

0

t

Zs < φs , dBs > .

Enh particulier, (Zt )i est une martingale locale. Si de plus, pour tout t ∈ [0, T ],  R 1 t 2 E exp 2 0 |φs | ds < ∞, alors on peut montrer (théorème de Novikov) que (Zt ) est une martingale sur [0, T ].

3.11. Equations diérentielles stochastiques (EDS) Dans toute cette section, B = (Ω, Ft , F , Bt , P) désigne un mouvement brownien à valeurs dans Rd issu de 0.

3.11.1. Introduction L'évolution de nombreux systèmes physiques est décrite par une équation diérentielle ordinaire (EDO, voir chapitre 5) de la forme : dx(t) = b(x(t))dt,

(3.101)

mais, dans certaines circonstances, ces systèmes physiques sont perturbés par un bruit aléatoire. Une façon de prendre en compte ces perturbations consiste à rajouter à (3.101) un terme perturbateur de la forme σdBt , où σ caractérise la  puissance  du bruit. Ceci conduit à une équation d'évolution de la forme : dx(t) = b(x(t))dt + σdBt .

(3.102)

Probabilités et calcul stochastique

135

La puissance du bruit peut elle-même dépendre de l'état à l'instant t : (3.103)

dx(t) = b(x(t))dt + σ(x(t))dBt .

Cependant, le mouvement brownien n'étant pas diérentiable, il faut prendre garde que cette équation n'est pas dénie au sens du calcul diérentiel classique : il faut donner un sens à (3.103). Au vu de la discussion précédente, il est naturel de dénir x(t) comme la solution de : Z

Z

t

x(t) = x(0) +

t

b(x(s))ds + 0

0

σ(x(s))dBs .

(3.104)

Une équation de la forme (3.103) ou (3.104) s'appelle une équation diérentielle stochastique (en abrégé, EDS ). Ce sont ces équations que nous étudierons dans la suite de ce chapitre. Comme nous traitons les EDS vectorielles, nous aurons besoin de quelques notations et dénitions complémentaires. On munit Rm × Rd (espace des matrices réelles m × d) de la norme euclidienne : 

|M | = 

X

1/2

m2i,j 

M = (mi,j ) ∈ Rm × Rd .

,

i,j

Si Rσs est un processus progressif à Rvaleurs dans Rm × Rd et tel que, pour tout t t t, 0 |σ s |2 ds < ∞ P-p.s., on dénit 0 σ s dBs composante par composante par : Z

0



t

σ s dBs

= i

d Z X

t j σ i,j s dBs , i ∈ {1, · · · , m}.

0

j=1

C'est un processus à valeurs (R , B(Rm )). Notons que l'on a encore : m

" Z 2 # Z t  t E σ s dBs = E |σ s |2 ds . 0

(3.105)

0

Dénition 49 (Solution d'une EDS). On considère un champ de matrices (t, x) 7→ σ(t, x) et un champ de vecteurs (t, x) 7→ b(t, x) que l'on suppose B(R+ ) × B(Rd )−mesurable. On appelle solution de l'EDS : dXt = b(t, Xt )dt + σ(t, Xt )dBt , X0 = η ∈ Rm , η F0 -mesurable,

(3.106)

tout processus Xt à valeurs dans R tel que, pour tout t : m

Z

et vériant :

0

t

2

Z

|σ(s, Xs )| ds < ∞, Z

Xt = η +

0

t

0

|b(s, Xs )|ds < ∞ Z

t

b(s, Xs )ds +

0

t

σ(s, Xs )dBs

P-p.s.,

P-p.s.

(3.107)

Il nous reste maintenant à trouver des conditions réalistes sous lesquelles des EDS de la forme (3.106) admettent des solutions au sens de (3.107).

136

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

3.11.2. Solution des EDS : cas lipshitzien Théorème 25. Supposons que, pour tous x, y ∈ Rd et tout t ≤ T, on ait : |b(t, x) − b(t, y)| + |σ(t, x) − σ(t, y)| ≤ A(T )|x − y|, |b(t, x)| + |σ(t, x)| ≤ A(T )(1 + |x|).

(3.108) (3.109)

Alors, pour tout η ∈ L2 (F0 ), l'équation (3.106) a une solution unique L2m (P). Cette solution a une version presque sûrement continue en t, qu'on notera Xtη . Démonstration : on xe T > 0 et on note : (

H=

φ progressif à valeurs Rm , E

"Z

#

T

)

|φs |2 ds < ∞ .

0

(3.110)

H = L2 (Ω × [0, T ], P, P ⊗ λ), H est donc un espace de Banach pour la norme  hR i1/2 T kφkH = E 0 |φs |2 ds . On pose, pour φ ∈ H : Z (U φ)t = η +

0

Z

t

b(s, φs )ds +

t

0

σ(s, φs )dBs . 

(3.111)



En utilisant (3.109), on montre que sup0≤t≤T E |U (φ)t |2 < ∞ : 2 Z Z Z   t   t E σ(s, φs )dBs = E |σ(s, φs )|2 ds ]A2 (T ) 0

0

T

0

  (1 + E |φs |2 )ds < ∞.

Nous avons de même :

 2  Z T Z T   E  b(s, φs )ds  ≤ A(T )2 (1 + E |φs |2 )ds < ∞, 0 0

et donc φ 7→ U φ dénit une application de H → H . On a alors, pour φ, ψ ∈ H , pour t ≤ T et sous la condition (3.108) : i h E |(U φ)t − (U ψ)t |2  Z t  Z t 2 2 |b(s, φs ) − b(s, ψs )| ds + 2E |σ(s, φs ) − σ(s, φs )| ds ≤ 2t E 0

0

Z

≤ K(T )

On dénit, pour φ ∈ H :

"Z kφkc = E

  E |φs − ψ s |2 ds.

#

T

e 0

0

t

−ct

2

|φs | ds .

(3.112)

Probabilités et calcul stochastique

137

k.kc est évidemment une norme équivalente à k.k et on a, pour φ, ψ ∈ H : Z T   k(U φ) − (U ψ)k2c = E |U φt − U ψ t |2 e−ct dt, 0

Z

≤ K(T )

0

Z ≤ K(T )



T

Z

t

0 T e−cs

  E |φs − ψ s |2 e−cs e−c(t−s) ds dt,

0

  E |φs − ψ s |2

Z |s

T

e−c(t−s) dt {z }



≤ 1c

K(T ) kφ − ψk2c . c

En choisissant c assez grand, on a K(T )/c < 1. U : H → H est alors une application contractante et on conclut grâce au théorème du point xe. Lemme 14 (Point xe). Soit B un espace de Banach, U : B → B une application contractante, c'est-à-dire telle que kU (x) − U (y)k ≤ ρkx − yk avec ρ < 1. Alors il existe un unique x tel que U (x) = x. Il faut noter que Xtη , la solution continue de (3.106) de donnée initiale η, n'est pas une solution  trajectoire par trajectoire , mais une solution globale. Nous avons toutefois le résultat suivant, conséquence de (3.111). 0 Corollaire 3. Sous les hypothèses du théorème 25, Xtη = Xtη P-p.s. sur η = η0 . Exemple 18 (EDS linéaires). Nous développerons au paragraphe 3.11.5 une théorie générale des EDS linéaires. Nous présentons ici le cas simple suivant : b(s, x) = dXt

=

b1 x + b0 ,

σ(s, x) = σ 0 + σ 1 x,

(b1 Xt + b0 )dt + (σ 0 + σ 1 Xt )dBt ,

X0 = η ∈ L2 (F0 ).

On vérie aisément que b(s, x) et σ(s, x) satisfont les hypothèses du théorème 25 pour tout T . Cette EDS admet donc une solution  globale  sur tout intervalle [0, T ], T > 0 et pour tout choix des constantes bi et σ i . Le choix particulier b0 = 0 et σ 0 = 0 correspond à l' équation de Langevin (1908), utilisée pour modéliser la  vélocité  d'une particule brownienne. En notation diérentielle, cette équation est de la forme : dXt = bXt + σdBt

et peut être donc interprétée comme la perturbation de l'équation diérentielle linéaire x˙ = bx intervenant, par exemple, dans les équations du mouvement en mécanique classique. Sa solution, pour une condition initiale η, est donnée par : Z t

Xt = ebt η +

0

e(t−s)b σdBs .

On se reportera au théorème 28 pour la démonstration.

138

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Exemple 19 (Mouvement brownien géométrique). On considère l'équation diérentielle stochastique suivante sur R (γ et ρ ∈ R) : Z

Xt = η + γ

0

Z

t

Xs ds + σ

0

t

(3.113)

Xs dBs .

Les hypothèses du théorème 25 sont vériées (b(t, x) = γx, σ(t, x) = σx) et l'EDS (3.113) a une solution. Considérons tout d'abord le cas où γ = 0 : dXt = σXt dBt ,

(3.114)

X0 = η. 2

Nous avons déjà démontré (voir l'exemple 17) que Zt = exp(λBt − λ2 t) vérie : dZt = λZt dBt , Z0 = 1. L'unicité des solutions des EDS montre que (3.114) a pour solution : Xt = η exp(σBt −

Considérons maintenant le cas σ = 0 :

λ2 t). 2

(3.115)

dXt = γXt dt, X0 = η.

Il s'agit ici d'une équation diérentielle ordinaire (seule la condition initiale est aléatoire). Cette équation admet comme solution explicite : (3.116)

Xt = η eγt .

Cherchons maintenant la solution de (3.113) dans le cas général. Le procédé que nous allons utiliser est assez général. Remarquons que les deux solutions particulières que nous avons trouvées sont de la forme Xt = f (t, Bt ), où (t, x) 7→ f (t, x) est une fonction C ∞ → R2 . Supposons maintenant que les solutions de l'équation (3.113) sont de cette forme et cherchons alors à identier la fonction f . On note : ∂ f (x1 , x2 ) (x1 ,x2 )=(t,x) , i = 1, 2, ∂xi ∂2 fij (t, x) = f (x1 , x2 ) ((x1 ,x2 )=(t,x) , i, j = 1, 2. ∂xi ∂xj fi (t, x) =

La formule d'Itô montre que : Z

Xt = η +

0

t

1 (f1 (s, Bs ) + f22 (s, Bs ))ds + 2

Z 0

t

f2 (s, Bs )dBs .

(3.117)

En identiant les termes de ce développement avec (3.113), nous aboutissons au système d'équations : 1 γf (t, x) = f1 (t, x) + f22 (t, x), 2 σf (t, x) = f2 (t, x).

(3.118) (3.119)

Probabilités et calcul stochastique

139

En dérivant l'équation (3.119) par rapport à x, on a : σ 2 f (t, x) = f22 (t, x) et le système (3.118)-(3.119) peut se réécrire de façon plus simple : (c − σ 2 /2)f (t, x) = f1 (t, x),

σf (t, x) = f2 (t, x).

Nous allons chercher à résoudre ce système sous la forme f (t, x) = g(t)h(x). Les équations précédentes se réécrivent alors : (c − σ 2 /2)g(t) = g 0 (t),

σh(x) = h0 (x).

Ces deux équations diérentielles admettent des solutions explicites : g(t) = g(0) exp((c − σ 2 /2)t),

h(x) = h(0) exp(σx).

La solution de (3.113) est donc donnée par : Xt = f (t, Bt ) = η exp[(c − σ 2 /2)t + σBt ].

Ce processus est appelé le mouvement brownien géométrique. Il est utilisé en mathématique nancière pour modéliser le prix d'un actif risqué (risky asset). De façon intuitive, dXt /Xt = cdt + σdBt est le retour relatif (relative return) de l'actif risqué sur une période élémentaire dt. Ce retour relatif est fonction d'une tendance cdt perturbée par un terme de bruit σdBt . c > 0 est appelé le taux d'intérêt (mean rate of return), et σ la volatilité. Il est possible de généraliser ce modèle et de considérer le processus : Z

Xt = η +

Z

t

0

c(s)Xs ds +

0

t

σ(s)Xs dBs ,

t ∈ [0, T ].

On montre, par des arguments similaires, que la solution de cette EDS est : Z

Xt = η exp

t

0

2

(c(s) − 1/2σ (s)]ds +

Z

0



t

σ(s)dBs ,

t ∈ [0, T ].

3.11.3. Dépendance en fonction des conditions initiales Nous commençons par deux résultats techniques. 1. Soit (bt ) un processus à valeurs dans Rm . On a, pour p ≥ 1 :

Lemme 15.

Z E sup s≤t 

0

s

p  Z t  p−1 p ≤t E bu du |bu | du . 0

(3.120)

2. Soit (σt ) un processus progressif à valeurs Rm × Rd . On a, pour p ≥ 2 : Z  E sup s≤t

0

s

p  Z t  ≤ Kp (t)E σ u dBu |σ u |p du . 0

(3.121)

140

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Démonstration : (1) on a, en appliquant l'inégalité de Jensen : Z E sup s≤t 

s

0

"Z p  p # Z t  t ≤ tp−1 E ≤E bu du |bu | du |bu |p du . 0

0

(2) En travaillant composante par composante, on peut se ramener au cas Rt d = 1. On pose Mt = 0 σ s dBs . On peut supposer que Mt est bornée (en introduisant un temps d'arrêt). Mt est une martingale  et l'inégalité maximale de Doob (théorème 19) montre que : E sups≤t |Ms |p ≤ cp E [|Mt |p ] . Appliquons maintenant la formule d'Itô à la fonction f (x) = |x|p : Z

|Mt |p =

t

f 0 (Ms )σ s dBs +

0

Ceci implique :



p(p − 1) 2 Z

E [|Mt | ] ≤ Ap E sup |Ms | p

t

s≤t

0

|Ms |p−2 sign(Ms )σ 2 (s) ds.

" Z p #! p2 t 2 2 E σ s ds 0

s≤t p−2 p

0

ds ,

   p−2 p p ≤ Ap E sup |Ms | ≤ A¯p (t) (E [|Mt |p ])

t



σ 2s

p−2

Z

(Hölder)

 Z t  p2 p E |σ s | ds , 0

p−2

d'où le résultat, en divisant par (E [|Mt | ]) p . Lemme 16 (de Gronwall). Si f ≥ 0 est intégrable sur [0, T ], alors on a : p



Z

∀t ∈ [0, T ], f (t) ≤ a + b



t

f (s) ds 0

  ⇒ f (t) ≤ aebt .

Démonstration : on a, par substitutions successives : Z

f (t) ≤ a + b n X (bt)k

0

Z

t

f (s) ds ≤ a + bat + b Z

Z

t

s

ds 0

f (u) du

0 n X

(t − v)n (bt)k tn +b dv ≤ a + bn+1 f (u) ≤a k! n! k! n! 0 0 0 n R d'où le résultat, du fait que : bn+1 tn! 0t f (u) dv −−−−→ 0. t

n+1

Z

t

f (u) dv, 0

n→∞

Proposition 34. Sous les hypothèses du théorème 25, on a, pour p ≥ 2 : 



E 

sup |Xsη s≤t

≤ C1 (p, t)(1 + E[|η|p ]),

− η|

p

0



E sup |Xsη − Xsη |p ≤ C2 (p, t)E [|η − η 0 |p ] , s≤t

∀η ∈ Lp ,

(3.122)

∀η, η 0 ∈ Lp .

(3.123)

La première inégalité entraîne que si η ∈ Lp , il en va de même pour Xtη .

Probabilités et calcul stochastique

141

0

Démonstration : posons X = X η et X 0 = X η :  |Xs − η|p ≤ 2p−1 |

Z

Z

s

σ u (Xu ) dBu |p + |

0

s

0

bu (Xu ) du|p .

En appliquant le lemme 15, nous avons donc : 



 Z t  Z t  p p ≤ C1 E |σ s (Xs )| ds + E |bs (Xs )| ds ,

E sup |Xs − η|

p

0

s≤t

0

et, en utilisant l'équation (3.109), il vient :   E sup |Xs − η|p

Z

≤ C2

s≤t

E [|Xt |p ]

0

t

(3.124)

(1 + E [|Xs |p ]) ds,

= E [|η + Xt − η|p ] ≤ C3 (E [|η|p ] + E [|Xt − η|p ]) Z t ≤ C4 (1 + E [|η|p ]) + C5 E [|Xs |p ] ds, 0

d'où, en appliquant le lemme de Gronwall : E [|Xt |] ≤ C6 (1 + E [|η|p ]), que l'on reporte dans (3.124). La première inégalité (3.122) est ainsi démontrée. Pour (3.123), on utilise (a+ b + c)p ≤ 3p−1 (ap + bp + cp ). Soit 4b = b(s, Xs )− b(s, Xs0 ) et soit 4σ = σ(s, Xs ) − σ(s, Xs0 ). Alors, en appliquant le lemme 15 :  E sup |Xs − s≤t

Xs0 |p

 ≤3

p−1

  Z 0 p E [|η − η | ] + E sup | s≤t

0



s

4b ds|

p

 Z +E sup |

0

s≤t



s

4σ dBs |

p

 Z t  Z t  |4b|p ds + E |4σ|p ds , ≤ C1 E [|η − η 0 |p ] + E 0

≤ C2 E [|η − η 0 |p ] + C3

Z

0

t

E [|Xs − Xs0 |p ] ds,  Z t  0 p 0 p E sup |Xu − Xu | ds. ≤ C2 E [|η − η | ] + C3 0

0



u≤s

 Vu (3.123), f (t) = E sups≤t |Xs − Xs0 |p est nie et, en lui appliquant le lemme de Gronwall, on obtient : E sups≤t |Xs − Xs0 |p ≤ C ∗ E [η − η0 |p ] . La seconde

inégalité, (3.123), est ainsi démontrée.

Si l'on applique la proposition 34 à η = x et η0 = x0 , on obtient pour p ≥ 2 : 

E

sup |Xsx s≤t



0 Xsx |p



≤ C(p, t)|x − x0 |p .

(3.125)

Le théorème de Kolmogorov (théorème 17) admet la généralisation suivante.

142

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Théorème 26 (de Kolmogorov généralisé). Soit (Ztx ,

t ≥ 0, x ∈ Rm ) une famille de v.a. continues en t pour tout x, vériant pour tous x, y ∈ Rm :   x y q E sup |Zs − Zs | ≤ a(t, q)|x − y|m+ , q > 1,  > 0. s≤t

Alors, il existe un processus Z(t, x) continu en (t, x) tel que, pour tout x, Z(t, x) = Ztx P-p.s. Ce théorème et (3.125) impliquent qu'il existe un processus Xt (x) continu en (t, x) et solution, pour tout x, de (3.106) avec η = x comme condition initiale. C'est cette solution que nous choisirons dorénavant. Proposition 35. Pour tout η ∈ L2 (F0 ), on a Xtη = Xt (η) P-p.s. pour tout t (on pourra se reporter à la page 137 pour la dénition précise de Xtη ). Démonstration : si η est étagée, ceci résulte directement du corollaire 3. Si η ∈ L2 (F0 ), on choisit η étagée telle que η n → η dans L2 et P-p.s. ; alors, d'après la proposition 34, Xtηn → Xtη dans L2 et, d'après la continuité en x, on a Xt (η n ) → Xt (η), donc Xtη = Xt (η) P-p.s. La continuité en t montre que cette égalité est vraie P-p.s. pour tout t.

3.11.4. Caractère markovien des solutions On sait que, pour s xé, (Bt+s − Bs , t ≥ 0) est encore un mouvement brownien issu de 0. On peut donc considérer, pour t ≥ s, la solution de l'équation diérentielle stochastique : Z Xt = η +

Z

t

b(u, Xu )du + s

t

σ(u, Xu )dBu .

(3.126)

s

Notons que si η = x, cette solution ne dépend que de σ(Bu − Bs , s < u ≤ t). Théorème 27. Pour s ≥ 0 et b, σ des fonctions vériant (3.108)-(3.109), il existe Xt (x, s) processus continu en (t, x) et σ(Bu − Bs , s < u ≤ t)-mesurable, tels que pour tout η ∈ L2 (F0 ), Yt = Xt (η, s) soit l'unique solution de : Z Yt = η +

Proposition 36.

Z

t

s

t

σ(u, Yu )dBu , t ≥ s.

b(u, Yu )du +

(3.127)

s

s ≤ t ≤ t + h ⇒ Xt+h (η, s) = Xt+h (Xt (η, s), t) P-p.s.

Cette proposition montre que, pour prédire Xt+h (η, s) connaissant Xu (η, s) pour u ≤ t, il sut de connaître Xt (η, s). Autrement dit, le processus aux instants postérieurs à t ne dépend du processus aux instants antérieurs à t que par la valeur du processus à l'instant t. Cette propriété remarquable est la propriété de Markov.

Probabilités et calcul stochastique

143

Démonstration : soit ξ u = Xu (η, s). On a, pour u ≥ t : Z

Z

u

ξu = η +

u

b(v, ξ v ) dv + s

Z

σ(v, ξ v ) dBv s Z t

Z u Z v b(v, ξ v ) dv + σ(v, ξ v ) dBv + b(v, ξ v ) dv + σ(v, ξ v ) dBv , s s t t Z u Z u = Xt (η, s) + b(v, ξ v ) dv + σ(v, ξ v ) dBv , t

=η+

t

t

et l'unicité des solutions implique que ξ u = Xu (Xt (η, s), t), u ≥ t.

3.11.5. Equations diérentielles stochastiques linéaires Nous étudions dans cette partie les EDS linéaires, dénies par : dXt = (F (t)Xt + f (t)) dt + G(t) dBt ,

X0 = η,

(3.128)

où t 7→ F (t) et t 7→ G(t) sont des fonctions continues à valeurs dans Rd×d , t 7→ f (t) est une fonction continue à valeurs dans Rd , Bt est un brownien d-dimensionnel et η est F 0 -mesurable. On vérie facilement que les hypothèses du théorème 25 sont satisfaites. Il y a donc existence et unicité de la solution. Intéressons-nous d'abord à la solution de l'équation déterministe matricielle associée, qui est linéaire non autonome4 : ˙ Φ(t) = F (t)Φ(t).

(3.129)

Pour toute condition initiale (t0 , Φ0 ), elle admet une solution unique non singulière Φ(t; t0 , Φ0 ) dénie sur tout intervalle [t0 , t0 + T ]. Les solutions de (3.129) sur [t0 , t0 + T ] forment un espace vectoriel. Dans le cas autonome F (t) = F , elles sont données par : Φ(t; t0 , Φ0 ) = Φ0 eF (t−t0 ) . Considérons maintenant la solution Φ(t) , bΦ(t; 0, Id ) de (3.129) pour la condition initiale t0 = 0 et Φ0 = Id . Cherchons une solution de (3.128) sous la forme Xt = Φ(t)Ct , où Ct est un processus d'Itô. On doit avoir : ˙ dXt = Φ(t)C t dt + Φ(t) dCt = F (t)Xt dt + f (t) dt + G(t) dBt . ˙ En identiant ces représentations et puisque Φ(t)C t = Ft Ct , nous obtenons : Φ(t) dCt = f (t) dt + G(t) dBt , dCt = Φ−1 (t)f (t) dt + Φ−1 (t)G(t) dBt , 4 Le lecteur se référera au chapitre 5 pour les notions relatives aux EDO déterministes et à leur stabilité.

144

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

et, nalement :   Z t Z t Xt = Φ(t) η + Φ−1 (s)f (s) ds + Φ−1 (s)G(s) dBs . 0

0

(3.130)

On vérie a posteriori, grâce à la formule d'Itô, que (3.130) satisfait (3.128). De même qu'en dimension 1, on dit qu'un processus (Xt , t ≥ 0) à valeurs dans Rd est gaussien si, pour tout 0 ≤ t1 ≤ t2 ≤ · · · ≤ tn , le vecteur (Xt1 , · · · , Xtn ) est gaussien. Ceci implique que, pour tout uk ∈ Rd : Yn =

n X

(3.131)

uTk Xtk ,

k=1

est une v.a. gaussienne. Posons alors : m(t) = E[Xt ],

K(s, t) = Γ(Xs , Xt ) = E[(Xs − m(s))(Xt − m(t))T ]. (3.132)

On a évidemment K(s, t) = K T (t, s) et la v.a. Y n vérie : E[Y n ] =

n X

uTk m(tk ), var(Y n ) =

k=1

E exp i

n X



!# uTk Xtk

uTj K(tj , tk )uk .

j,k=1

On a donc : "

m X

= E i

k=1

n X k=1

 n X 1 uTk m(tk ) − uTj K(tj , tk )uk  , 2 j,k=1

(3.133) ce qui montre que la loi du processus (Xt , t ≥ 0) est entièrement déterminée par la donnée de la moyenne t 7→ m(t) et de la fonction de covariance (s, t) 7→ K(s, t). Proposition 37. Si η suit une loi gaussienne, le processus Xt déni par (3.130) est gaussien. Démonstration : considérons l'espace H(B) (voir section 3.9). Les composantes R t −1 de Φ(t) 0 Φ (s)G(s) dBs sont dans H(B). De plus, elles sont indépendantes Rt de F0 . Comme η est F0 -mesurable gaussienne et Φ(t) 0 Φ−1 (s)f (s) ds est déterministe, ceci implique que Xt est un processus gaussien. On considère le processus Xt déni par (3.130). Calculons la moyenne m(t) et la fonction de covariance K(s, t), dénis par (3.134). On a : 

Z

m(t) = Φ(t) m(0) +

t

Φ 0

−1

 (s)f (s) ds ,

(3.134)

Probabilités et calcul stochastique

et si l'on pose V (t) = K(t, t), il vient : 

Z

s

K(s, t) = Φ(s) V (0) +

Φ

−1

T

(u)G(u)G(u) Φ

0

Z tZ V (t) = Φ(t)V (0)Φ(t)T + Φ(t) 0

−T

145

 (u) du Φ(u), s ≤ t,

(3.135) s

Φ−1 (u)G(u)G(u)T Φ−T (u) du Φ(t)T .

0

(3.136)

On en déduit facilement des systèmes d'équations diérentielles vériées par les fonctions t 7→ m(t), t 7→ V (t) et t 7→ K(s, t) : m(t) ˙ = F (t)m(t) + f (t), m(0) = E[η], ˙ V (t) = F (t)V (t) + V (t)F T (t) + G(t)GT (t),

(3.137) V (0) = E[ηη ], T

(3.138)

∂K (s, t) = K(s, t)F T (t), t > s, K(s, s) = V (s), K(s, t) = K T (t, s). (3.139) ∂t

Ces équations n'admettent en général pas de solution explicite. Si l'on suppose maintenant que l'équation linéaire est à coecients constants : F (t) ≡ F,

G(t) ≡ G,

f ≡ 0,

(3.140)

on a alors Φ(t) = etF et :

Z t Xt = etF η + e(t−s)F GdBs , 0   Z t V (t) = etF V (0) + e−sF GGT (e−sF )T ds et F, 0

V˙ (t) = F V (t) + V (t)F T + GGT , V (0) = E[ηη T ].

(3.141) (3.142) (3.143)

Supposons de plus que F est une matrice de Hurwitz : alors il existe M < ∞ et λ > 0 tels que |etF | ≤ M e−λt pour tout t > 0. On cherche à savoir sous quelle condition le processus Xt est stationnaire, c'est-à-dire que pour tout h > 0 et tout 0 ≤ t1 ≤ t2 ≤ · · · ≤ tn : (Xt1 +h , · · · , Xtn +h ) et (Xt1 , · · · , Xtn ) ont même loi.

On doit alors avoir V (t) = V (0) = V et V˙ (t) = 0 pour tout t. La condition (3.144) implique l'équation de Liapounov suivante : F V + V F T = −GGT ,

(3.144)

qui, dans ce cas, a une solution unique dénie positive (voir pages 214 ou 335). On conclut que la solution de condition initiale η qui a pour distribution Nd (0, V ) est stationnaire. Il est possible d'expliciter cette solution puisque R∞ T (3.142) montre que : V = 0 esF GGT esF ds. On a donc établi le théorème qui suit.

146

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Théorème 28 (de Langevin).

1. L'équation : dXt = F Xt dt + GdBt , X0 = η a pour solution : Z tF

Xt = e η +

0

t

e(t−s)F GdBs .

(3.145)

2. Si la matrice F est de Hurwitz et si η est RF0 -mesurable et distribuée suiT vant une loi gaussienne Nd (0, V ), où V = 0∞ esF GGT esF ds est l'unique solution de l'équation de Liapounov (3.144), alors le processus (Xt ) est gaussien centré de covariance K(s, t) = V e(t−s)F . Exemple 20 (Modèle de Vasicek). Considérons l'équation diérentielle : dXt = c[µ − Xt ]dt + σdBt .

où c, µ et σ sont des constantes positives. Cette équation est utilisée pour modéliser un processus qui uctue autour d'une moyenne µ. Lorsque Xt s'écarte de µ, le terme de dérive (µ − Xt )dt  rappelle  le processus Xt vers sa valeur moyenne. L'intensité de cette force de rappel est ajustée par la constante c. Le troisième paramètre σ mesure l'ordre de grandeur des uctuations autour de la moyenne µ. Ce processus est un cas particulier d'EDS linéaire homogène. La solution est donnée explicitement par (3.145) : Xt = ηe−ct + µ(1 − e−ct ) + σe−ct

Z 0

t

ecs dBs .

Si η est une variable gaussienne F0 -mesurable, alors Xt est un processus gaussien. Lorsque µ = 0, le processus Xt est appelé processus de OrnsteinUhlenbeck. On calcule aisément sa moyenne et sa variance : E[Xt ] = E[η 0 ]e−ct + µ(1 − e−ct ), var(Xt ) =

σ2 (1 − e−2ct ). 2c

Lorsque t → ∞, la v.a. Xt converge en loi vers une v.a. gaussienne N (µ, σ 2 /(2c)).

3.12. Bibliographie [BIL 95]

Billingsley P.,

[BIL 99]

Billingsley P.,

1995.

Probability and measure, 3e édition, John Wiley and Sons,

Convergence of probability measure, Wiley series in Probability and Statistics, 2e édition, 1999. [DUR 91] Durett R., Probability : theory and examples, Brookscole, 1991.

Probabilités et calcul stochastique [DUR 96]

147

Durret R., Pinsky M., Stochastic calculus : a practical introduction, Probability and Stochastic Series, CRC, 1996. [FEL 68] Feller W., An introduction to probability theory and its application, John Wiley & Sons, 1968. [HOR 91] Horn R., Johnson C., Topics in matrix analysis, Cambridge University Press, 1991. [KAR 97] Karatzas I., Shreve S., Brownian motion and stochastic calculus, Graduate texts in mathematics, Springer-Verlag, 2e édition, 1997. [OKS 98] Oksendal B., Stochastic dierential equations, Universitext, Springer, 1998. [RES 98] Resnick S., Probability path, Springer-Verlag, 1998. [REV 97] Revuz D., Probabilité, Herman, Paris, 1997. [REY 91] Revuz D., Yor M., Continuous martingales and Brownian motion, Springer, 1991. [RIC 01] Richard J.P. (Dir.), Algèbre et analyse pour l'automatique, Hermès, Traité IC2, 2001. [SCH 93] Schwartz L., Analyse - tome 4 : théorie de la mesure et applications, Hermann, 1993. [WIL 91] Williams D., Probability with martingales, Cambridge Mathematical Textbooks, 1991.

'(8;,Ê0( 3$57,(

6\VWqPHVG\QDPLTXHV

Chapitre 4

Outils de géométrie diérentielle Ce chapitre est consacré à l'étude des concepts et outils de base de la géométrie diérentielle, introduits en théorie de l'automatique non linéaire depuis les années 1970 (voir par exemple [ISI 89, NIJ 90]). La géométrie diérentielle repose sur l'étude des variétés diérentielles. Dans son principe, une variété diérentielle V de dimension n est un espace dans lequel chaque point peut être repéré par n réels au moyen d'un système de coordonnées locales, système qui n'est en général pas valable sur toute la variété.

4.1. Notion de variété diérentielle La surface de la terre est en bonne approximation une sphère S 2 , surface de l'espace R3 : S 2 = {(x, y, z) ∈ R3 tels que x2 + y 2 + z 2 = r2 }. On représente naturellement la terre par un ensemble de cartes qui dénissent un atlas géographique. Chaque carte peut alors être vue comme un homéomorphisme (c'est-à-dire une bijection bicontinue) d'une certaine région de la terre sur une partie de R2 . Nous pouvons généraliser ces notions : si V est un espace topologique de dimension n, on introduit les dénitions suivantes. Dénition 1 (Carte locale). On appelle carte locale sur V , tout homéomorphisme u déni par : u : U ⊂ V → Ω ∈ Rn , où U est un ouvert de V , appelé domaine de la carte locale. Les composantes ui de u constituent ce que l'on appelle un système de coordonnées locales, c'est-à-dire un moyen de lire dans les cartes. Cette carte locale est notée (U, u). Dénition 2 (Atlas). On appelle atlas sur V , toute famille (Ui , ui , Ωi )i∈I , telle que V = ∪i∈I Ui . L'atlas est de dimension n si les ui (Ui ∩ Uj ) sont des ouverts de Rn . Si Ui ∩ Uj 6= ∅, alors se pose le problème des changements de cartes et du recollement de celles-ci (voir gure 4.1). Dénition 3. Si Ui ∩ Uj 6= ∅, on appelle changements de cartes les homéomorphismes uji : ui (Ui ∩ Uj ) → uj (Ui ∩ Uj ), uji = uj ◦ (ui )−1 . Il est clair (voir sur la gure 4.1) que uij = (uji )−1 . Chapitre rédigé par Brigitte

.

d'Andréa-Novel

152

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

U

j

U

i

V

u

u

j

i

u



ji



j

i

Figure 4.1. Atlas et changements de cartes. Ces changements de cartes sont des applications entre des ouverts de Rn : on peut donc parler de leur diérentielle. On dira qu'un atlas est de classe C r si les changements de cartes sont des diéomorphismes de classe C r . Dénition 4 (Variété diérentielle). Une variété diérentielle V de dimension n et de classe C r , notée V (n, r), est la donnée d'un atlas de dimension n et de classe C r . Exemple 1. Rn est trivialement une variété diérentielle de dimension n et de classe C ∞ . Il n'y a dans ce cas qu'une carte, qui est globale et donnée par les coordonnées habituelles de Rn .

N p

y

0

qN qS

1

x

S

Figure 4.2. Le cercle et les projections stéréographiques

Exemple 2. Le cercle unité S 1 d'équation

x2 + y 2 = 1 est une variété diérentielle de dimension 1 et de classe C . Soient N le pôle nord et S le pôle ∞

sud (voir la gure 4.2). On peut considérer comme cartes les deux projections

Géométrie Diérentielle

153

stéréographiques : PN dénie sur S 1 − {N } et PS sur S 1 − {S}, respectivement par PN (p) = qN et PS (p) = qS . L'intersection des domaines des deux cartes est S 1 − {N, S} et le changement de cartes est donné par : PS ◦ PN−1

:

R ? → R? , qN 7→ qS = q1N .

(4.1)

On peut généraliser cette construction à la sphère S n−1 : S n−1 = {(x1 , · · · , xn ) ∈ Rn tels que x21 + · · · + x2n = 1}.

Exemple 3. Le cylindre de révolution p dans R3 d'équation x2 + y 2 = 1 (gure

4.3) et le tore T 2 = S 1 × S 1 d'équation ( x2 + y 2 − r)2 + z 2 = ρ2 , ρ < r (gure 4.4) sont des variétés diérentielles de dimension 2 et de classe C ∞ . z

y x

Figure 4.3. Le cylindre de révolution dans R3 z y

x

Figure 4.4. Le tore dans R3 La notion de coordonnées locales permet de parler d'application diérentiable entre deux variétés, comme précisé dans la dénition suivante. Dénition 5. Soit V1 (n, k) et V2 (m, k) deux variétés de classe C k . Une application f : V1 → V2 . est de classe C r (r ≤ k) si, pour tout x dans V1 , il existe une carte locale (U1 , u1 ) telle que x ∈ U1 , une carte locale (U2 , u2 ) telle que f (x) ∈ U2 , ces deux cartes étant telles que u2 ◦ f ◦ (u1 )−1 soit de classe C r .

154

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Montrons que cette dénition est indépendante du choix des cartes. Soient deux autres cartes : en x, (Uˆ1 , uˆ1 ) et en f (x), (Uˆ2 , uˆ2 ). On a : u ˆ2 ◦ f ◦ (ˆ u1 )−1 = u ˆ2 ◦ (u2 )−1 ◦ u2 ◦ f ◦ (u1 )−1 ◦ u1 ◦ (ˆ u1 )−1 .

Or, u1 ◦ (ˆ u1 )−1 et u ˆ2 ◦ (u2 )−1 sont de classe C r , donc u ˆ2 ◦ f ◦ (ˆ u1 )−1 aussi.

4.2. Espace tangent Dans la suite de ce chapitre, nous supposerons que les variétés sont de classe

C ∞ . On notera Fx l'ensemble des fonctions numériques de classe C ∞ dénies sur un voisinage de x inclus dans V . On notera Cx l'ensemble des courbes paramétrées de classe C ∞ passant par x. On rappelle que σ ∈ Cx est une application C ∞ d'un intervalle I ⊂ R dans V , telle que σ(t0 ) = x, où t0 désigne

la variable initiale, en général le temps (et c'est ce qui sera considéré dans la suite). Soit alors une courbe paramétrée σ ∈ Cx , on introduit la notion de vecteur tangent comme suit. Dénition 6 (Vecteur tangent). On appelle vecteur tangent à la courbe paramétrée σ au point x, une application notée Xx : Xx : Fx → R telle que Xx f =

d (f ◦ σ)(t) |t0 . dt

(4.2)

Xx f est donc la dérivée de f dans la direction de la courbe σ en t = t0 . Proposition 1. Xx satisfait les propriétés suivantes :

i) Xx est une application linéaire de Fx dans R ; ii) Xx (f.g) = (Xx f ).g(x) + f (x).(Xx g), ∀ f, g ∈ Fx . La preuve est immédiate et résulte des propriétés de l'opérateur de dérivad tion dt . On peut montrer de manière tout aussi simple le théorème suivant. Théorème 1. L'ensemble des applications Xx de Fx dans R est un espace vectoriel pour les lois : i) (Xx + Yx )f = (Xx f ) + (Yx f ), ∀f ∈ Fx ; ii) (λXx )f = λ(Xx f ), ∀λ ∈ R. Remarque 1. Ceci justie l'emploi du terme de  vecteur  tangent. Explicitons à présent Xx f en coordonnées locales. Soit (U, u1 , u2 , · · · , un ) un système de coordonnées locales et x un point de U . Soit σ une courbe paramétrée de Cx et f un élément de Fx . On a le schéma de la gure 4.5. Plus précisément, on peut écrire : X ∂(f ◦ u−1 ) d d(ui ◦ σ) d (f ◦ σ)(t) = ((f ◦ u−1 ) ◦ (u ◦ σ))(t) = (t). (u ◦ σ(t)) dt dt ∂ui dt i=1 n

Géométrie Diérentielle1 Rn

u−1

-

¾

f

U

u

-

155

R

6 σ

I⊂R

Figure 4.5. Coordonnées locales omises par abus de notation On commet le plus souvent l'abus de notation suivant, consistant à  oublier  les cartes : ∂f ∂(f ◦ u−1 ) = , ∂ui ∂ui

σ j (t) = uj ◦ σ(t),

ce qui permet d'écrire : X ∂f dσ i d (f ◦ σ)(t) |t0 = (t0 ). (x) dt ∂ui dt i=1 n

Avec ces notations, soit σ ui la courbe de V dénie en termes de coordonnées locales par :  i σ ui (t) = ui (x) + t, σ jui (t) = uj (x) si i 6= j.

Notons que les ui sont des éléments de Fx . On constate que vecteur tangent à σ ui au point x, pour tout i. En eet : X ∂f dσ kui ∂f d (f ◦ σ ui )(t) |t0 = (t0 ) = |x (x) = dt ∂uk dt ∂ui n

k=1





∂ ∂ui

∂ ∂ui

 x

est un

 f. x

De même, on a le théorème fondamental qui suit. Théorème 2. L'espace vectoriel des vecteurs tangents au point x à la variété V a pour base :       ∂ ∂u1

, x

∂ ∂u2

,··· x

∂ ∂un

.

(4.3)

x

Démonstration : soit σ une courbe telle que σ(t0 ) = x et soit Xx un vecteur tangent au point x à σ. Alors :     n n j j X X d ∂f dσ dσ ∂  f, )(t0 ) =  ( )(t0 ) Xx f = (f ◦ σ)(t) |tO = ( )(x)( dt ∂u dt dt ∂u j j x j=1 j=1

156

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

et, donc, la famille des P

Soit nj=1 αj dénie par :



∂ ∂uj



 x

∂ ∂ui

 x

, i = 1, · · · , n est génératrice.

une combinaison linéaire nulle et soit σ la courbe

σ j (t) = uj (x) + αj t , j = 1, · · · , n.   P On montre facilement que le vecteur nj=1 αj ∂u∂ j est tangent à σ en x. On x

a alors :

    n n X X ∂ui ∂   αj αj (x) = αi = 0 ∀i = 1, · · · , n. ui = ∂u ∂u j x j j=1 j=1

La famille des



∂ ∂ui

 x

, i = 1, · · · , n est libre et constitue donc une base.

Nous sommes en mesure à présent de dénir l'espace tangent en x. Dénition 7 (Espace tangent). L'ensemble des vecteurs tangents en x à la variété diérentielle V , noté Tx V , se nomme l'espace tangent en x à V . Les P nombres αj sont appelés les composantes du vecteur nj=1 αj ∂u∂ j relativex ment au système de coordonnées locales (u1 , · · · , un ). Remarque 2. Tx V peut donc être vu comme l'espace des dérivations, c'est un espace vectoriel isomorphe à Rn . Dénition 8 (Fibré tangent). L'union disjointe des espaces tangents constitue ce que l'on appelle le bré tangent de V : T V = ∪x∈V Tx V.

(4.4)

On peut montrer que T V a une structure de variété diérentielle de classe C r−1 et de dimension 2n [SPI 79].

Remarque 3. On peut se faire une image simple du bré tangent. Considérons

un point de la sphère S 2 . Les vecteurs tangents à toutes les courbes paramétrées passant par x engendrent le plan R2 . En chaque point on reconstruit l'espace vectoriel R2 et la réunion disjointe de ces  vectorialisés , ∪x∈V {x} × R2 , est le bré tangent de la sphère. Chaque {x} × R2 constitue une bre.

4.3. Champ de vecteurs et crochet de Lie Nous sommes en mesure à présent d'introduire la notion importante de champ de vecteurs sur une variété.

Géométrie Diérentielle

157

Dénition 9. Soit X une application

X : V → T V qui, à x ∈ V , associe un vecteur Xx de Tx V . Pour toute fonction f ∈ C ∞(V ), notons X.f : V → R la fonction qui à x ∈ V associe Xx f . On dira que X est un champ de vecteurs diérentiable, si pour tout f ∈ C ∞ (V ), X.f ∈ C ∞ (V ). L'ensemble Ξ(V ) des champs de vecteurs sur V possède une structure de C ∞ (V )-module [RIC 01] pour les lois dénies par : (X + Y )x = Xx + Yx ,

∀X, Y ∈ Ξ(V ),

∀X ∈ Ξ(V ) ∀f ∈ C ∞ (V ).

(f X)x = f (x)Xx ,

En termes de coordonnées locales (U, u1 , · · · , un ), on peut écrire : X=

n X

 Xi

i=1

∂ ∂ui



(4.5)

,

où les Xi sont des fonctions dénies sur U et sont appelées les composantes de X relativement à (U, u1 , · · · , un ). X est de classe C r si ses composantes sont de classe C r .

Remarque 4. Cette formulation (4.5) du champ de vecteurs X à l'aide de ses composantes dans la base des dérivées directionnelles du premier ordre fait de X un opérateur de dérivation du premier ordre. Introduisons à présent un nouveau champ de vecteurs, obtenu par le crochet de Lie de deux champs de vecteurs. Proposition 2. Soient X et Y deux éléments de Ξ(V ). Il existe un unique champ de vecteurs Z tel que : ∀f ∈ C ∞ (V ), Zf = X(Y f ) − Y (Xf ).

(4.6) Dénition 10 (Crochet de Lie). Le champ de vecteurs Z déni par (4.6) est appelé crochet de Lie des champs de vecteurs X et Y . Il est noté [X, Y ]. En utilisant (4.5) et la proposition 2, on obtient aisément l'expression en coordonnées locales du crochet [X, Y ], comme l'indique la proposition suivante.

Proposition 3. Si X =



Pn



P





et Y = ni=1 Yi ∂u∂ i et si l'on note Z le crochet Z = [X, Y ], alors les composantes Zj de Z sont données par : i=1

Zj =

Xi

∂ ∂ui

n  X ∂Yj k=1

 ∂Xj Xk − Yk . ∂uk ∂uk

(4.7)

On peut aussi montrer facilement les propriétés suivantes du crochet de Lie. Proposition 4. Soient X , Y et Z trois champs de vecteurs. Les égalités suivantes sont satisfaites :

158

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

i) (antisymétrie du crochet de Lie) [X, X] = 0 et [X, Y ] = −[Y, X], ii) [X + Y, Z] = [X, Z] + [Y, Z], iii) (identité de Jacobi) [X, [Y, Z]] + [Y, [Z, X]] + [Z, [X, Y ]] = 0.

Remarque 5 (Algèbre de Lie). Ξ(V ) muni du crochet de Lie comme  multiplication interne  est une algèbre de Lie, c'est-à-dire une algèbre antisymétrique vériant l'identité de Jacobi. [X, Y ] est aussi appelé le commutant des deux champs de vecteurs X et Y . Dénition 11 (Crochet itéré). Les crochets de Lie itérés sont dénis et notés comme suit :

ad0X Y = Y, adiX Y = [X, adi−1 X Y ].

Introduisons à présent deux notions importantes, dérivées de celle de champ de vecteurs : la notion de ot et celle de courbe intégrale.

Dénition 12 (Flot). On appelle ot associé au champ de vecteurs X , l'ap-

plication :

ϕt

:

V → V, x 7→ ϕt (x) = Φ(t, x),

(4.8)

où Φ : R × V → V satisfait : 

Φ(0, x) = x, ∂Φ ∂t (t, x) = X(Φ(t, x)).

Remarque 6. En fait, ϕt (x) = Φ(t, x) est le point de V atteint par le système au bout du temps t, en partant de x à l'instant initial t = 0. On a ainsi les relations : 

ϕ0 = Id, ϕt+s = ϕt ◦ ϕs .

(4.9)

Dénition 13 (Courbe intégrale). Les courbes intégrales du champ de vecteurs X sur V sont les solutions de l'équation diérentielle : x˙ = X(x),

c'est-à-dire les applications ψ : I → R, où I ⊂ R est un intervalle non vide, telles que : dψ (t) = X(ψ(t)) dt

∀t ∈ I.

Géométrie Diérentielle

x

159

Xx vecteur tangent en x courbe integrale du champ de vecteurs X

Figure 4.6. Courbes intégrales et vecteurs tangents d'un champ sur le cylindre

4.4. Espace cotangent, 1-formes diérentielles et distributions Par dualité avec les notions d'espace tangent et de champ de vecteurs, on introduit à présent les notions d'espace cotangent et de 1-forme diérentielle. Dénition 14 (Espace, bré cotangent). On appelle espace cotangent en x à V l'espace noté Tx∗ V , dual de l'espace tangent en x à V , Tx V . On pose T ∗ V = ∪x∈V Tx∗ V , T ∗ V est le bré cotangent à la variété V . Dénition 15 (Covecteur, 1-forme). Un covecteur en x à V est un élément de l'espace cotangent Tx∗ V : c'est aussi la donnée d'une 1-forme diérentielle, ou forme diérentielle de degré 1. Pour toute fonction h sur V , la diérentielle de h en x, notée (dh)x est une 1-forme diérentielle dénie par : < (dh)x , Xx >= Xx h , avec Xx ∈ Tx V.

(4.10)

On introduit de même la base duale de l'espace tangent. Proposition 5. Les diérentielles (du1 )x , · · · , (dun )x forment  une base de ∂ ∗ Tx V , la base duale de Tx V , c'est-à-dire la base duale de ∂u1 , · · · , ∂u∂ n . x

x

Démonstration : soit (U, u1 , · · · , un ) un système de coordonnées locales et un point x de U . On a :  < (dui )x ,

∂ ∂uj



 >=

x

∂ ∂uj



 ui =

x

∂ui ∂uj

 = δ ij , x

où δ ij désigne le symbole de Kronecker, ce qui termine la preuve. Par conséquent, toute 1-forme diérentielle s'écrit de manière unique sous la forme : n ω=

X

ω i (u1 , · · · , un )dui ,

(4.11)

i=1

où les ω i sont des fonctions dénies sur U et sont appelées les composantes de ω relativement au système de coordonnées locales.

160

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

ω sera dite de classe C r si ses composantes sont de classe C r . Si h est une fonction C ∞ sur V, on a :     ∂ ∂h (x). < (dh)x , >= (4.12) ∂ui x ∂ui

On retrouve donc la formule, bien connue, de la diérentielle exacte de h : dh =

n X ∂h dui . ∂ui i=1

(4.13)

Remarque 7. Pour plus de détails sur ces notions de formes diérentielles, on pourra consulter [CAR 82].

Dénition 16 (Dérivée de Lie). Soit X un élément de Ξ(V ), h un élément de F (V ). On appelle dérivée de Lie de h par rapport au champ X , la fonction notée LX h : V → R et dénie par : Proposition 6.

n X

∂h (x). (4.14) ∂ui i=1 Si ψ : I → V est une courbe intégrale de X et si h est une

x 7→ LX h(x) =< (dh)x , Xx >=

Xi (x)

fonction C 1 sur V on a :

LX h(ψ(t)) =

d h(ψ(t)). dt

(4.15)

La dérivation de Lie apparaît donc comme la dérivation le long des courbes intégrales du champ de vecteurs. Démonstration : dψ = dh(ψ(t)) X(ψ(t)) dt = < (dh)ψ(t) , Xψ(t) >= LX h(ψ(t)). Dénition 17 (Intégrale première). On dit que h est une intégrale première de X si LX h = 0, c'est-à-dire si h est constante le long des courbes intégrales de X . d (h ◦ ψ)(t) dt

=

d(h ◦ ψ)(t).1 = dh(ψ(t))

Introduisons à présent la notion de distribution de champs de vecteurs sur une variété diérentielle V de dimension n. Dénition 18 (Distribution). Un moyen simple de dénir une distribution ∆ de champs de vecteurs sur V , est de dire que ∆ est une application qui assigne de manière régulière à tout x de V un sous-espace ∆(x) de l'espace tangent Tx V , engendré par un ensemble ni de champs de vecteurs {τ i , i = 1, · · · , m}, ce que l'on note ∆(x) = span{τ i (x) , i = 1, · · · , m}. La dimension de ∆ au point x est la dimension dans Tx V du sous-espace vectoriel engendré par l'application ∆ prise au point x. La distribution ∆ sera dite non singulière sur un ouvert U de V si sa dimension est constante pour tout x dans U .

Géométrie Diérentielle

161

Dénition 19 (Involutivité). La distribution ∆ sera dite involutive si elle est stable par le crochet de Lie, c'est-à-dire si, pour tous champs de vecteurs X et Y dans ∆, le crochet [X, Y ] est encore un élément de ∆. Une autre propriété intéressante d'une distribution est celle d'intégrabilité. Dénition 20 (Intégrabilité). La distribution ∆ engendrée par les champs de vecteurs {τ i , i = 1, · · · , m} est intégrable, s'il existe n − m fonctions αj qui soient des intégrales premières des τ i , c'est-à-dire telles que : Lτ i αj (x) = 0,

i = 1, · · · , m et j = 1, · · · , n − m.

L'intégrabilité signie, entre autres, que le noyau de ∆ est engendré par les covecteurs de degré 1 ou 1-formes diérentielles : dαj , j = 1, · · · , n − m qui sont des diérentielles exactes (voir la dénition 16). Le théorème suivant relie les concepts d'involutivité et d'intégrabilité. On pourra consulter [ISI 89] pour une preuve. Théorème 3 (de Frobenius). Une distribution ∆ est intégrable si et seulement si elle est involutive.

4.5. Application à l'étude de la commandabilité Nous allons à présent illustrer l'utilisation de ces notions et, en particulier, celle du crochet de Lie pour l'étude de la commandabilité des systèmes dynamiques non linéaires commandés de la forme : x˙ = f (x) +

m X

gi (x)ui ,

(4.16)

i=1

où l'état x appartient à une variété V de dimension n, u de taille m ≤ n désigne le vecteur des commandes, f est le champ de vecteurs décrivant la dynamique autonome du système et gi , i = 1, · · · , m sont les champs de commande. Avant d'introduire le concept de commandabilité, nous allons considérer l'exemple suivant, qui met en évidence les diérentes directions dans lesquelles peut évoluer un système non linéaire. Exemple 4. Soit le système suivant, dans Rn : x˙ = g1 (x)u1 + g2 (x)u2 ,

(4.17)

où u1 et u2 sont deux commandes scalaires. Remarquons que le champ de la dynamique autonome (u1 = u2 ≡ 0) est nul. Appliquons au système (4.17) la

162

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

suite de commandes en boucle ouverte suivante : u1

=

1, u2 = 0 pour t ∈ [0, T [,

u1 u1

= =

0, u2 = 1 pour t ∈ [T, 2T [, −1, u2 = 0 pour t ∈ [2T, 3T [,

u1

=

0, u2 = −1 pour t ∈ [3T, 4T [.

Si le système (4.17) était linéaire (c'est-à-dire si g1 et g2 étaient constants), on aurait clairement : x(4T ; x0 ) = x0 ,

autrement dit, l'état du système au temps 4T en partant de x0 à l'instant initial serait égal à x0 . Or, dans le cas de champs de commande non linéaires, un développement limité permet d'écrire (voir par exemple [NIJ 90]) : x(4T ; x0 ) = x0 + T 2 [g1 , g2 ](x0 ) + o(T 3 ), [g1 , g2 ](x0 ) désignant le crochet des champs de commande en x0 et o() étant la notation classique d'un terme négligeable devant  : lim −1 o() = 0.

→0

Ce petit exemple met donc en évidence le fait qu'un système non linéaire peut évoluer selon les directions des champs de commande, mais aussi dans les directions données par les crochets de Lie de ces champs. On comprend donc que l' opérateur crochet de Lie  joue un rôle important dans l'étude de la commandabilité des systèmes non linéaires. Donnons à présent les dénitions de commandabilité. Dénition 21 (Commandabilité locale). Le système (4.16) est localement commandable en x0 si, pour tout voisinage U de x0 , l'espace accessible AU (x0 ) est aussi un voisinage de x0 : AU (x0 ) = {y ∈ V / ∃ T ∈ R+ , ∃ u sur [0, T ] / y = ϕT (x0 ) et ϕt (x0 ) ∈ U , ∀ t ∈ [0, T ]}, P où ϕt désigne le ot du champ de vecteurs f + m i=1 gi ui .

Dénition 22 (Commandabilité faible). Le système (4.16) est localement faiblement commandable en x0 si, pour tout voisinage U de x0 , l'espace accessible AU (x0 ) contient un ouvert de V , ouvert qui ne contient pas nécessairement x0 . Remarque 8. Un système localement commandable est localement faiblement commandable mais la réciproque est fausse, comme le montrera l'exemple 5. Enonçons à présent le théorème suivant, qui donne un critère algébrique de commandabilité locale faible (voir [ISI 89, NIJ 90] pour une preuve).

Géométrie Diérentielle

163

Théorème 4. Dans le cas où les champs de vecteurs sont analytiques, le sys-

tème (4.16) est localement faiblement commandable en x0 si et seulement si le rang de l' idéal de Lie I(g1 , · · · , gm )(x0 ) engendré par les champs de commande est égal à n. I est vu comme idéal de l'algèbre de Lie A(f, g1 , · · · , gm )(x0 ) engendrée par le champ f de la dynamique autonome et les champs de commande gi , i = 1, · · · , m. Dans le cas de champs de vecteurs seulement C ∞ , cette condition de rang est susante mais pas nécessaire.

Remarque 9.

 L'idéal de Lie I(g1 , · · · , gm )(x0 ) s'obtient en considérant les champs de commande, les crochets de ces champs avec le champ f , les crochets de tous ces champs obtenus entre eux, à nouveau recrochetés par f , etc.  Le rang de I(x0 ) est inférieur ou égal à n puisque les éléments de I(x0 ) appartiennent à Tx0 V , espace vectoriel tangent à V en x0 , de dimension n.  L'élément de l'algèbre de Lie A(f, g1 , · · · , gm )(x0 ) qui ne soit pas élément de I(x0 ) est précisément le champ f de la dynamique autonome du système.

Prouver qu'un système non linéaire ane en la commande de la forme (4.16) est localement faiblement commandable s'avère assez simple, puisque l'on est ramené à vérier un critère algébrique donné par le théorème 4. Par contre, tester la commandabilité locale au sens de la dénition 21 est plus complexe. Une condition susante existe par exemple dans [SUS 87]. Les conditions de commandabilité et commandabilité faible sont confondues pour les systèmes linéaires, mais aussi pour les systèmes non linéaires dont le champ f de la dynamique autonome est nul (comme dans le cas de (4.17)). Cela provient essentiellement du fait que ces systèmes sont symétriques par rapport ˙ −u) = −x(x, ˙ u). à la commande, c'est-à-dire x(x, Pour clore ce chapitre, nous allons considérer trois exemples. - Le premier illustre le fait qu'un système non linéaire peut être faiblement localement commandable sans être localement commandable (voir remarque 8). - Le second, pouvant décrire les équations en rotation d'un corps rigide, met en évidence qu'un système non linéaire peut être faiblement commandable alors que son linéarisé tangent (système approximé au premier ordre) n'est pas commandable et donc, en particulier, qu'il ne vérie pas le critère de Kalman de commandabilité des systèmes linéaires [AND 00]. - Enn, le troisième montre que le critère du rang de l'idéal de Lie donné par le théorème (4) appliqué à un système linéaire, n'est autre précisément que le critère de commandabilité de Kalman.

164

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Exemple 5. On considère, sur R2 , le système non linéaire suivant : 

x˙ 1 x˙ 2





=

x22 0





+

0 1



(4.18)

u.

Si l'on applique le théorème 4, on vérie aisément que ce système est localement faiblement commandable en tout point x, l'idéal I(x) étant de rang 2, engendré par les champs de vecteurs : 

g=

0 1



Notons pour l'exercice que [f, g] =

et [[f, g], g] = 

−2x2 0



2 0



.

 .

Par contre, (4.18) n'est pas commandable, puisque le sous-espace atteignable depuis l'état (x1,0 , x2,0 )T est le demi-plan {(x1 , x2 ) / x1 ≥ x1,0 }, qui ne constitue pas un voisinage de x0 . Exemple 6. On considère sur R3 les équations d'Euler d'un corps rigide en rotation, qui peuvent représenter de manière simpliée l'évolution d'un satellite :       x˙ 1 a1 x2 x3 b1  x˙ 2  =  a2 x1 x3  +  b2  u, x˙ 3 a3 x1 x2 0

(4.19)

où u est une commande scalaire, les ai , i = 1, · · · , 3 et b1 , b2 sont des constantes non nulles qui dépendent des moments d'inertie principaux du corps rigide. On pourra supposer sans restriction : a1 b22 6= a2 b21 .

(4.20)

En appliquant une nouvelle fois le théorème 4 on vérie que (4.19) est localement faiblement commandable en tout point x, l'idéal I(x) étant de rang 3, engendré par les champs de vecteurs : 

     b1 0 2a1 a3 b1 b22  et [[f, g1 ], g] =  2a2 a3 b21 b2  , 0 g =  b2  , g1 = [[f, g], g] =  0 0 2a3 b1 b2

qui constituent trois champs de vecteurs indépendants compte tenu de l'hypothèse (4.20). Par contre, le linéarisé tangent du système au point d'équilibre (x, u) = (0, 0) s'écrit : 

0 0 x˙ = Ax + Bu , avec A =  0 0 0 0

   0 b1 0  et B =  b2  . 0 0

Géométrie Diérentielle

165

Ce système linéaire est clairement non commandable d'après le critère de Kalman, puisque le rang de la matrice de commandabilité [B; AB; A2 B] vaut 1. Exemple 7. Soit le système dynamique linéaire sur Rn en représentation d'état : x˙ = Ax + Bu, (4.21) où le vecteur de commande est de dimension m ≤ n. On notera Bi , i = 1, · · · , m les colonnes de la matrice B . Appliquons le théorème 4 à (4.21). Le champ f et les champs de commande gi s'écrivent ici : f = Ax , gi = Bi , i = 1, · · · , m.

On a clairement les égalités suivantes : [f, gi ] = [Ax, Bi ] = −ABi , [f, [f, gi ]] = [Ax, −ABi ] = A2 Bi , adnf Bi = (−1)n An Bi .

Or, d'après le théorème de Cayley-Hamilton, on sait que An est combinaison linéaire des Ai , i = 1, · · · , n − 1. Par conséquent, le système linéaire est commandable si et seulement si le rang de [B; AB; · · · ; An−1 B] est égal à n, ce qui constitue bien le critère de commandabilité de Kalman pour les systèmes linéaires.

4.6. Bibliographie [AND 00]

d'Andréa-Novel B., Cohen de Lara M., Cours d'automatique. Commande linéaire des systèmes dynamiques, Presses de l'École des Mines, 2000. [CAR 82] Cartan H., Cours de calcul diérentiel, Hermann Paris, Collection Méthodes, 1982. [ISI 89] Isidori A., Nonlinear control systems, Springer-Verlag, Second Edition, 1989. [NIJ 90] Nijmeijer H., Van der Schaft A.J., Nonlinear dynamical control systems, Springer-Verlag, 1990. [RIC 01] Richard J.P. (Dir.), Algèbre et analyse pour l'automatique, Hermès, Traité IC2, 2001. [SPI 79] Spivak M., A comprehensive introduction to dierential geometry, Second Edition, vol. 1, Publish or Perish, Inc. Houston, Texas, 1979. [SUS 87] Sussmann H.J., A general theorem on local controllability, SIAM Journal of Control and Optimization, vol. 25, n◦ 1, p. 158-194, janvier 1987.

Chapitre 5

Equations diérentielles ordinaires 5.1. Introduction Le calcul innitésimal (diérentiel) a tout naturellement conduit les scientiques à énoncer certaines lois de la physique en termes de relations entre, d'une part, des variables dépendantes d'une autre variable indépendante (en général le temps) et, d'autre part, leurs dérivées : il s'agit là d'équations diérentielles ordinaires (en abrégé, EDO ). L'un des précurseurs dans ce domaine fut Isaac Newton (1642-1727) qui, dans son mémoire de 1687 intitulé Philosophiae naturalis principiae mathematica (les lois mathématiques de la physique) écrit :  Data aequatione quotcunque uentes quantitae involvente uxiones invenire et vice versa  (en langage moderne, il parle d'équations diérentielles). Dès lors, de nombreux modèles de la physique ont étés énoncés par l'intermédiaire d'EDO (dont, au XVIIe siècle, les équations d'Euler-Lagrange pour les systèmes mécaniques). Nous donnerons tout d'abord quelques exemples issus de divers domaines des sciences pour l'ingénieur.

5.1.1. Biologie Une boîte de Petri contient des bactéries qui se développent sur un substrat nutritif. En notant x le nombre de bactéries, un modèle simplié, dit modèle logistique, est donné par : dx = ax(xmax − x), dt

(5.1)

où a est une constante strictement positive et xmax est le nombre maximal de bactéries pouvant survivre dans la boîte de dimension donnée. En eet, lorsqu'il y a peu de bactéries : x˙ ∼ ax (croissance exponentielle) et, lorsque x est proche de xmax , la croissance est fortement ralentie puisque x˙ ∼ 0. Un autre exemple célèbre, le modèle proie-prédateur de Volterra-Lotka, sera évoqué dans le paragraphe 5.4.1. Chapitre rédigé par Wilfrid Perruquetti.

168

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

5.1.2. Chimie Les diérents bilans (de matière, thermodynamique) peuvent, sous leur forme simpliée, s'exprimer par des EDO. On considère par exemple une cuve alimentée en produits chimiques A et B de concentrations respectives cA et cB par l'intermédiaire de deux pompes de débits volumiques respectifs u1 et u2 . Dans cette cuve, un mélangeur homogénéise les deux produits, qui réagissent selon la réaction : k1

nA A + nB B  nC C, k2

où nA , nB et nC sont les coecients stochiométriques de chacun des composants. Le mélange est sous-tiré par un orice de section s à la base de cette cuve de section S = 1 m2 . Le bilan de matière conduit, en utilisant la relation de Bernouilli, à :

p dh = u1 + u2 − 2sgh, dt où h est la hauteur du mélange dans la cuve et g, l'accélération de la pesanteur (9.81 ms−2 ). Les lois de la cinétique donnent la relation (sous l'hypothèse d'une S

cinétique de second ordre) :

vcin = −k1 cA cB + k2 c2C .

Ainsi, les conservations de chacun des composants donnent : p d(hcA ) = u1 cA0 − 2sghcA − nA vcin h, dt p d(hcB ) = u2 cB0 − 2sghcB − nB vcin h, dt p d(hcC ) = − 2sghcC + nC vcin h, dt = cA (entrant) et cB0 = cB (entrant) . En notant x = (h, hcA , hcB , hcC )T

avec cA0 le vecteur d'état, on obtient le modèle :

 √ √ x˙ 1 = u1 + u2 − 2sg x1 ,   q   (−k1 x2 x3 +k2 x24 ) 2sg  ,  x˙ 2 = u1 cA0 − x1 x2 − nA x1 q (−k1 x2 x3 +k2 x24 ) 2sg , x˙ 3 = u2 cB0 −   x1 x3 − nB x1  q  2   x˙ 4 = − 2sg x4 + nC (−k1 x2 x3 +k2 x4 ) . x1

(5.2)

x1

5.1.3. Electricité On considère un système électrique constitué d'une résistance R, d'une inductance L et d'une capacité C montées en triangle. On note respectivement

Equations diérentielles ordinaires

169

iX et vX le courant et la tension dans la branche comportant l'élément X . On suppose que les éléments L et C sont parfaitement linéaires et que l'élément résistif R obéit à la loi d'Ohm généralisée (vR = f (iR )). Les lois de Kircho permettent d'obtenir : 

L didtL = vL = vC − f (iL ), C dvdtC = iC = −iL.

(5.3)

Si dans cette EDO, dite équation de Liénard, on considère le cas particulier où f (x) = (x3 − 2µx), on abouti à l'équation de Van der Pol.

5.1.4. Electronique

Figure 5.1. Montage PI avec amplicateurs opérationnels Le montage  PI  (proportionnel-plus-intégral) de la gure 5.1 a pour modèle, sous des hypothèses simplicatrices de linéarité : Ti

dus due = k(ue + Ti ), dt dt

Ti =

R4 R3 R1 C , R5 R2

k=

R6 . R4 R1 C

5.1.5. Electrotechnique Pour un moteur pas à pas ayant au rotor n dents de polarité Nord et autant de polarité Sud, les diérents bilans électromagnétiques (dans le repère dq , dit

170

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

de Park) donnent : did = vd − Rid + nLq ωiq , dt diq = vq − Riq − nLd ωid − nmir ω, Lq dt Cem = n(Ld − Lq )id iq + nmir iq + Kd sin(nθ),

Ld

où m et ir sont l'inductance et le courant ctif du rotor, générant le ux (constant) mir dû à l'aimantation permanente ; id , iq , vd , vq sont les courants et tensions du stator [COR 99]. Le bilan mécanique s'écrit : dθ = ω, dt dω J = Cem − Ccharge . dt

5.1.6. Mécanique Si un système mécanique est constitué de n éléments reliés entre eux par des liaisons parfaites (sans frottement), on aura la position du système qui dépendra de n paramètres indépendants (coordonnées généralisées notées q1 , . . . , qn ). Pour écrire les équations d'Euler-Lagrange, il faut déterminer le lagrangien (différence entre l'énergie cinétique et l'énergie potentielle) : L = Ec − Ep ,

(5.4)

le travail élémentaire de chaque force interne et externe Di , ainsi que le travail des forces de frottement : −

∂D dqi , ∂ q˙i

donnant lieu à l'énergie dissipée D. On obtient alors le système d'équations d'Euler-Lagrange : ∂L ∂D d ∂L ( )− + = Di . dt ∂ q˙i ∂qi ∂ q˙i

(5.5)

Notons que l'énergie cinétique Ec = 12 q˙T M (q)q˙, où M (q) est une matrice n × n symétrique dénie positive (voir dénition 34), dépend des qi et de leurs dérivées q˙i , alors que l'energie potentielle Ep ne dépend que des qi . Pour un 2 pendule pesant d'angle θ avec la verticale, on a L = 12 ml2 θ˙ − mgl(1 − cos(θ)). Si l'on néglige les frottements, ceci conduit à : ¨θ = − g sin(θ). l

(5.6)

Equations diérentielles ordinaires

171

Si de plus on tient compte d'un frottement sec, on peut voir apparaître une discontinuité sur ¨θ (qui peut ne pas être dénie à vitesse nulle). Aussi, pour ce type de modèle, on est amené à préciser la notion de solution et à donner des conditions susantes d'existence et/ou d'unicité de solution : ceci sera l'objet de la section 5.3, qui développera plus particulièrement les EDO du premier ordre. Les EDO sous forme implicite seront abordées à la section 5.2. Au-delà des conditions d'existence, il est important pour l'automaticien de pouvoir caractériser les comportements asymptotiques de ces solutions (la section 5.4 concernera les points d'équilibre, attracteurs étranges, etc. ; la section 5.5 traitera du cas particulier des systèmes linéaires) et de disposer d'outils d'analyse permettant de les localiser et de caractériser l'évolution temporelle des solutions vers ces ensembles (sections 5.6, 5.7 et 5.8). Enn, de nombreux systèmes physiques font intervenir, dans la description de leurs dynamiques au moyen des EDO, des paramètres dont les variations peuvent conduire à des modications qualitatives des solutions (bifurcations et, parfois,  catastrophes ) : ceci fera l'objet de la section 5.9.

5.2. Equations diérentielles ordinaires sous forme implicite 5.2.1. Dénitions Une EDO sous forme implicite est une relation : F

  dk y dy t, y, , . . . , k = 0, dt dt

y ∈ Rm ,

(5.7)

où la fonction F est dénie sur un ouvert de R × Rm(k+1) à valeur dans Rm . L'ordre de l'EDO est l'entier k correspondant à la dérivée d'ordre le plus élevé apparaissant dans (5.7). Notons que (5.1), (5.2) et (5.6) sont des EDO d'ordres respectifs 1, 1 et 2. Le théorème de la fonction implicite garantit que ce système (5.7) de m équations peut se mettre (localement) sous forme explicite :   dk−1 y dy dk y , . . . , , = G t, y, dtk dt dtk−1

à condition que :

(5.8)

det (JF ) 6= 0,

où JF est la matrice jacobienne de F c'est-à-dire la matrice constituée des i  éléments aij =  ∂F , (i, j) ∈ {1, . . . , m}2 . d k xj ∂

dtk

En particulier, soit F est une fonction de classe C 1 par rapport à chacune de ses variables, telle que F (t, x, z) = 0 admette p racines en la variable z .

172

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Si det( ∂F ∂z (t0 ,x0 ) ) 6= 0, alors il existera p solutions locales dites régulières, solutions de F (t, x, x) ˙ = 0, x(t0 ) = x0 . Par contre, si det( ∂F ∂z (t0 ,x0 ) ) = 0, alors on ne peut rien armer sans faire une étude approfondie et toute solution sera dite singulière. Par exemple y : t 7→ t2 /4, est une solution singulière . de l'équation y˙ 2 − ty˙ + y = 0 au voisinage de (y, y) = (0, 0). Par ailleurs, y : t 7→ sin(arcsinh(t)) est une solution régulière de (1 + t2 )y˙ 2 + (−1 + y 2 ) = 0 au voisinage de (0, 0).

5.2.2. Quelques équations particulières Equations de Lagrange et de Clairaut Une EDO de la forme :



x + tf

dx dt



 +g

dx dt



(5.9)

= 0,

est dite de Lagrange. Lorsque f = Id, elle sera dite de Clairaut. De façon à résoudre ce type d'équations, on cherche une représentation paramétrée des solutions : pour cela, on pose dx dt = m et x = x(m), t = t(m), ce qui ramène la résolution de (5.9) à celle de : (m + f (m))

dt + f 0 (m)t = −g 0 (m), dm

qui est linéaire du premier ordre en t. Exemple 1. La résolution de l'équation x + 2tx˙ + x˙ 3 =√ 0 se ramène à celle de dt 3m dm + 2t = −3m2 , qui a pour solution t (m) =

paramétrées de la première équation sont donc : √ 1 x(m) = − m3 − 2 3 mC1 , 4

t (m) =

8

3 1 −3( m) +8C1 √ 2 8 ( 3 m)

. Les solutions

√ 8 1 −3 ( 3 m) + 8C1 . √ 2 8 ( 3 m)

Equation de Bernouilli Une EDO de la forme : dx + f (t)x + g(t)xr = 0, dt

(5.10)

est dite de Bernouilli. Les cas r = 0 ou r = 1 sont triviaux. Dans le cas général, on utilise le changement de variable y = x1−r , conduisant à la résolution de

Equations diérentielles ordinaires

173

l'EDO :

1 dy + f (t)y + g(t) = 0, 1 − r dt qui est linéaire du premier ordre en y . 4 Exemple 2. La résolution de l'équation dx dt + sin(t)x + sin(t)x = 0, en posant 1 dy −3 y = x , se ramène à celle de  − 3 dt + sin(t)y + sin(t) = 0, qui admet pour solution y (t) = −e3 cos t + C1 e−3 cos t .

Equation de Riccati Certaines équations ne sont pas intégrables (c'est-à-dire que l'on ne peut exprimer les solutions de façon explicite avec des fonctions de l'analyse). Par exemple l'équation de Riccati : dx + f (t)x + g(t)x2 + h(t) = 0, dt n'est pas intégrable si f, g, h (fonctions continues) ne satisfont pas certaines

relations particulières.

5.3. Equations diérentielles du premier ordre Notons que, lorsque la variable y de l'équation implicite (5.7) appartient à un ensemble plus général qu'un produit cartésien d'ouvert de R, alors en 

k−1

d y posant x = y, dy dt , . . . , dtk−1 la forme :

T

, l'équation explicite (5.8) peut se mettre sous

dx = f (t, x), t ∈ I, x ∈ X . (5.11) dt Dans cette équation : t ∈ I ⊂ R représente la variable temporelle, X est l'espace

d'état 1 . En pratique, l'espace d'état peut être borné : il reète les caractéristiques physiques du système (bornitude des performances). De façon générale, l'espace d'état est une variété diérentiable. Lorsque le vecteur x s'exprime à l'aide d'une variable et de ses dérivées successives, X est aussi appelé espace de phase. Cependant, certains auteurs ([ARN 88] p. 11) emploient indiéremment les deux dénominations. Le vecteur x ∈ X correspondant est le vecteur d'état de (5.11) (ou de phase par abus de langage). En pratique, il est construit à partir des variables dont l'évolution régit celle du processus physique. x(t) est l'état instantané à l'instant t. f : I × X → T X (espace tangent ), (t, x) 7→ f (t, x), représente le champ de vecteurs. An de simplier la suite de l'exposé, on se placera dans le cas où I × X est un ouvert de Rn+1 et T X est Rn . 1

Vocabulaire de l'automatique.

174

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

5.3.1. Notion de solution Lorsqu'on parle de solution, il faut préciser le problème associé : ici, pour les EDO, il existe le problème aux conditions limites ou frontières2 et le problème aux conditions initiales, (dit de Cauchy, en abrégé PC) : 

(PC) :

 existe-t-il une fonction φ : I ⊂ R → X ⊂ Rn , t 7→ φ(t), satisfaisant (5.11) avec la condition initiale suivante : φ(t0 ) = x0 ? 

On cherche une fonction du temps φ : t 7→ φ(t), qui soit susamment régulière et dont la dérivée soit égale à presque tout instant3 à la valeur du champ à cet instant et en ce point x = φ(t). Si f (u, φ(u)) est mesurable4 , alors on peut exprimer φ(t) sous la forme : Z

t

φ(t) = φ(t0 ) +

f (v, φ(v))dv,

(5.13)

t0

l'intégration étant prise au sens de Lebesgue [RIC 01] et ce, même si t 7→ f (t, .) n'est pas continue en t (cas intéressant en automatique, car pour x˙ = g(t, x, u) un retour u = u(t) discontinu peut être envisagé). Ainsi, on cherchera des fonctions au moins absolument continues5 par rapport au temps.

Solutions, portrait de phase

Dénition 1. On appelle solution de (5.11) passant par x0 à t0 , toute fonction

φ absolument continue dénie sur un intervalle non vide I(t0 , x0 ) ⊂ I ⊂ R contenant t0 : φ : I(t0 , x0 ) ⊂ I ⊂ R → X ⊂ Rn , t 7→ φ(t; t0 , x0 ),

notée plus simplement φ(t), satisfaisant (5.13) pour tout t ∈ I(t0 , x0 ) (ou, de façon équivalente : φ˙ = f (t, φ(t)) presque partout sur I(t0 , x0 )) et telle que φ(t0 ) = x0 . 2 Enoncé similaire au problème de Cauchy, mais pour lequel la condition initiale est remplacée par la donnée de n valeurs φσ(i) (ti ) aux instants ti donnés, i ∈ N = {1, . . . , n}, σ : N → N. 3 C'est-à-dire pour tous les temps t ∈ T \ M, M étant un ensemble de mesure nulle, avec la notation ensembliste T \ M = {x ∈ T : x ∈ / M}. 4 Cette condition est vériée si, pour x xé, t 7→ f (t, x) est mesurable et pour t xé, x 7→ f (t, x) est continue [RIC 01]. 5 φ : [α, β] 7→ Rn est absolument continue si ∀εP > 0, ∃δ(ε) > 0 : P

n ∀ {]αi , β i [}i∈{1..n} , ]αi , β i [⊂ [α, β], n i=1 (β i − αi ) ≤ δ(ε) ⇒ i=1 kφ(β i ) − φ(αi )k ≤ ε. φ est absolument continue si et seulement s'il existe une fonction (Lebesgue intégrable) qui soit presque partout égale à la dérivée de φ.

Equations diérentielles ordinaires

175

Exemple 3. En séparant ses variables, l'équation du modèle logistique (5.1) devient :

dx ax(xmax − x)

= dt,

qui permet de construire la solution au PC (5.1), x(0) = x0 : φ : R → R, t 7→ φ(t; 0, x0 ) =

x0 xmax . x0 + e−axmax t (xmax − x0 )

(5.14)

Dénition 2. La solution de (5.11) peut être représentée dans deux espaces :  soit dans l'espace d'état étendu I × X ou espace du mouvement, dans ce cas, on parle de mouvement ou de trajectoire,  soit dans l'espace d'état X , dans ce cas, on parle d' orbite. On appelle portrait de phase l'ensemble de toutes les orbites munies de leurs sens de parcours temporel. Bien souvent, par commodité on ne représente que les ensembles de points d'accumulation vers lesquels les orbites convergent pour des temps très grands (positifs ou négatifs). Par exemple, pour le système : dx = dt



1 − x21 − x22 1

−1 1 − x21 − x22

 x,

t ∈ R, x ∈ R2 ,

(5.15)

les éléments importants du portrait de phase sont l'origine et le cercle unité C1 : si la condition initiale est diérente de l'origine, les orbites convergent vers C1 ; sinon, l'état reste gé à l'origine (voir gure 5.2).

Figure 5.2. Cercle unité : simulation de (5.15)

176

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Existence Le problème de Cauchy (PC) n'a pas forcément de solution et, parfois, peut en avoir plusieurs. En eet, le système : 1 dx = |x| 2 , dt x(0) = 0,

x ∈ R,

(5.16)

admet une innité de solutions dénies par : ε ∈ R+ ,

φε : R → R,  0   (t−t0 −ε)2 t 7→ φε (t) = 4  2  − (t−t04+ε)

si si si

t0 − ε ≤ t ≤ t0 + ε, t0 + ε ≤ t, t ≤ t0 − ε.

(5.17)

Figure 5.3. Innité de solutions au PC (5.16) Ainsi, il se pose le problème de donner des conditions assurant l'existence d'une ou de plusieurs solutions au problème de Cauchy. Selon la régularité de la fonction f on distingue les cinq cas A, B, C, D, E qui suivent.

Cas A) Si la fonction f est continue en x et éventuellement discontinue en t (mais mesurable), alors il y a existence de solutions absolument continues. Théorème 1 (de Carathéodory, 1918). [FIL 88] Supposons que : A1) f soit dénie pour presque tout t sur un tonneau : T = {(t, x) ∈ I × X : |t − t0 | ≤ a, kx − x0 k ≤ b} ,

(5.18)

Equations diérentielles ordinaires

177

A2) f soit mesurable en t pour tout x xé, continue en x pour t xé et telle que, sur T , on ait kf (t, x)k ≤ m(t), où m est une fonction positive Lebesgueintégrable sur |t − t0 | ≤ a. Alors, il existe au moins une solution (absolument continue) au problème de Cauchy dénie sur au moins un intervalle [t0 − α, t0 + α], α ≤ a. On peut même montrer l'existence de deux solutions, l'une dite supérieure et l'autre, inférieure, telles que tout autre solution soit comprise entre ces deux solutions [FIL 88, LAK 69].

Cas B) Si la fonction f est continue en (t, x), alors il y a existence de solutions de classe C 1 .

Théorème 2 (de Peano, v.1886). [COD 55] Supposons que : B1) f soit dénie pour tout t sur un tonneau T déni par (5.18), B2) f soit continue sur T déni par (5.18). Alors il existe au moins une solution au problème de Cauchy de classe C 1 dénie sur au moins un intervalle [t0 − α, t0 + α], α = min(a, maxT kfb (t,x)k ).

Figure 5.4. Approximation d'Euler La preuve est basée sur les approximations d'Euler. Ce sont les lignes polygonales (voir la gure 5.4) dénies par :   φ0 = x0 , φ (t) = φn (ti−1 ) + f (ti−1 , φn (ti−1 ))(t − ti−1 ), ti−1 < t ≤ ti ,  n ti = t0 + ni α, i = {0, . . . , n},

dont on montre qu'elles constituent une famille équicontinue de fonctions dénies sur [t0 − α, t0 + α], convergente, dont on peut extraire une sous-suite φ0n uniformément convergente vers une fonction continue φ (lemme d'Ascoli-Arzela

178

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

[RIC 01]) qui vérie : φ(t) = lim φ0n (t) = x0 + n→+∞

Z

t

lim f (v, φ0n (v))dv

t0 n→+∞

Z

t

+ lim

n→+∞

t0

dφ0n (v) − f (v, φ0n (v))dv. dt

φ est donc solution de (5.13) puisque limn→+∞

dφ0n dt (v)

− f (v, φ0n (v)) = 0.

Prolongement de solution, unicité, solution globale p Evidement, pour l'exemple (5.16), il y a existence de solution (f : x 7→ |x| est continue) mais pas unicité. Pour garantir l'unicité, il faut donc que la fonction f soit  plus que continue  : par exemple il sut qu'elle soit localement lipschitzienne en la seconde variable x, comme suit.

Dénition 3.

f est dite localement lipschitzienne sur X si : ∀x0 ∈ X ,

∃δ > 0 et k(t) intégrable :

∀(x, y) ∈ Bδ (x0 ) ⇒ kf (t, x) − f (t, y)k ≤ k(t) kx − yk . f est dite globalement lipschitzienne sur X si : ∃k(t) intégrable : ∀(x, y) ∈ X 2 , kf (t, x) − f (t, y)k ≤ k(t) kx − yk .

Ces propriétés sont dites uniformes si k ne dépend pas de t. Proposition 1. Toute fonction C 1 (I × X ) dont la norme de la jacobienne est bornée par une fonction intégrable, est localement lipschitzienne. De plus, si X est compact (fermé, borné), elle est globalement lipschitzienne. Sous l'hypothèse f localement lipschitzienne en x, il se peut qu'une solution φ dénie sur I1 puisse être prolongée sur un intervalle I2 ⊃ I1 , dénissant ainsi e dénie sur I2 ⊃ I1 et telle que φ e | I1 = φ. Aussi, an de ne pas une fonction φ alourdir les notations, I(t0 , x0 ) =]α(t0 , x0 ), ω(t0 , x0 )[ désignera par la suite le plus grand intervalle sur lequel on peut dénir une solution passant à t0 par x0 et qui ne puisse être prolongée : la solution sera dite maximale.

Cas C) Si la fonction f est localement lipschitzienne en x et éventuellement discontinue en t (mais mesurable), alors il y a existence et unicité de solution (maximale) absolument continue. Théorème 3. Si, dans le théorème 1, l'hypothèse de continuité dans A2) est remplacée par  f localement lipschitzienne sur kx − x0 k ≤ b , alors il existe

Equations diérentielles ordinaires

179

une unique solution (absolument continue) au problème de Cauchy dénie sur I(t0 , x0 ) ⊃ {t ∈ I : |t − t0 | ≤ α}.

De même, si f est continue en (t, x) et localement lipschitzienne en x, alors il existe une unique solution au problème de Cauchy de classe C 1 . Les preuves de ces résultats sont basées sur les approximations de PicardLindelöf :    φ0 = x0 , Rt φn+1 (t) = x0 + t0 f (v, φn (v))dv,  b  t ∈ [t0 − α, t0 + α], α = min(a, maxT kf (t,x)k ),

dont on montre qu'elles convergent uniformément vers une solution. L'unicité de la solution se démontre ensuite par contradiction.

Cas D) Si la fonction

f est bornée en norme par une fonction ane, c'està-dire que ∀(t, x) ∈ (I × X ) : kf (t, x)k ≤ c1 kxk + c2 (éventuellement presque partout), alors en utilisant le lemme de Gronwall [RIC 01], on peut conclure que toute solution au PC est dénie sur I .

Cas E) Si le système possède une propriété de  dissipativité  et si

f est localement lipschitzienne, alors le PC admet une solution maximale unique dénie pour tout t ≥ t0 (I = R, X = Rn ).

La propriété de dissipativité peut être exprimée sous la forme :  il existe

α ≥ 0, β ≥ 0, v ∈ Rn tels que pour tout t ∈ R et tout x ∈ Rn : < x − v, f (t, x) >≤ α − β kxk2  ou bien, à l'aide de fonctions de Liapounov6 (voir paragraphe 5.7.2), sous la forme  il existe V et W : Rn 7→ R+ continues, dénies positives sur un compact A (c'est-à-dire : V (x) = 0 ⇔ x ∈ A), telles que pour tout t ∈ R et tout x ∈ Rn \A 7 : < ∂V ∂x , f (t, x) >≤ −W (x).

Dépendance des conditions initiales

Théorème 4. Sous les hypothèses du théorème 3, la solution au problème de

Cauchy t 7→ φ(t; t0 , x0 ) dénie sur I(t0 , x0 ) est continue par rapport à chacun de ses arguments. En particulier, si t est susamment proche de t0 , alors φ(t; t0 , x0 ) est proche de x0 . Cette proximité peut être étudiée pour des instants très grands : c'est la question de la stabilité (voir paragraphe 5.4.2). 6 Alexander Mikhaïlovich Liapounov, mathématicien et physicien russe. Après des études à l'université de Saint-Pétersbourg (où il est élève de P.L. Tchebychev), il est assistant puis professeur à l'université de Kharkov. En 1902, il est nommé professeur à l'université de SaintPétersbourg. 7 On notera A\B la diérence ensembliste de A et B : A\B = {x ∈ A : x ∈ / B}.

180

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

5.3.2. Classication Dénition 4. L'équation (5.11) est dite autonome si la variable temporelle n'apparaît pas explicitement dans l'EDO : dx = g(x), dt

t ∈ I,

x ∈ X.

Dans le cas contraire, elle est dite non autonome. Si l'on connaît les solutions d'une EDO autonome passant à un instant t donné par un point x donné, alors on obtient toutes les solutions passant par ce même point à d'autres instants par simple translation temporelle des premières. Donc, une EDO autonome ne peut servir qu'à modéliser des phénomènes physiques indépendants du temps initial (chute d'un corps, etc.). Notons au passage que la longueur de I(t0 , x0 ) ne dépend pas de l'instant initial. Dénition 5. On dit qu'un champ de vecteurs non linéaire non autonome f (t, x) est T −périodique s'il existe un réel T > 0 tel que pour tout t et pour tout x : f (t + T, x) = f (t, x). Dans ce cas, si l'on connaît les solutions pour un intervalle de longueur T , on aura toutes les autres par translation temporelle. Cas linéaire autonome Lorsque (5.11) est de la forme : dx = Ax + b, dt

on dit qu'il s'agit d'une EDO linéaire autonome. Il existe alors une solution unique au PC (puisque Ax + b est globalement uniformément lipschitzienne) de la forme : Z  x(t) = eA(t−t0 ) x0 + eAt

P

t

e−Av dv b,

t0

ou encore x(t) = ri=1 eλi t pi (t) + c, avec λi les valeurs propres de A et pi (t) des vecteurs de polynômes de degrés plus petits que l'ordre de multiplicité de la valeur propre correspondante λi . La section 5.5 donne des résultats plus précis lorsque b = 0. Ce type de modèle caractérise des phénomènes pour lesquels : 1. l'instant initial n'a pas d'inuence sur l'évolution temporelle du vecteur état (EDO autonome) ;

Equations diérentielles ordinaires

181

2. si b = 0 (respectivement, b 6= 0), alors une combinaison linéaire (respectivement, convexe) d'évolutions est encore une évolution possible : ceci traduit la linéarité du système. Pour de tels systèmes, on peut noter que, au bout d'un temps inni, les diérentes variables dénissant le vecteur x : 1. soit convergent vers un vecteur (le vecteur x évoluant vers un vecteur xe dit  point d'équilibre ), 2. soit divergent (la norme de x devient inniment grande), 3. soit ont un comportement oscillatoire : lorsqu'on observe leurs évolutions les unes en fonction des autres, elles évoluent sur une courbe fermée (comme le cercle) : c'est ce qu'on appelle un cycle fermé (exemples : cycle économique, population cyclique, masse attachée à un ressort, etc.). Enn, si A et b dépendent du temps, le système est dit linéaire non autonome (ou non stationnaire ) : en plus des comportements précités on retrouve la dépendance des solutions à l'instant initial . Notons que lorsque A(t) est une fonction T −périodique continue sur R, on peut étudier formellement les solutions grace à la théorie de Floquet [HAH 67] : il existe alors une transformation bijective P (t) T −périodique et continue, z(t) = P (t)x(t), telle que z˙ = M z + c(t), avec M une matrice constante vériant M = P˙ (t) + P (t)A(t)P (t)−1 et c(t) = P (t)b(t).

Cas non linéaire autonome Lorsque (5.11) est de la forme : dx = g(x), dt

(5.19)

on dit qu'il s'agit d'une EDO non linéaire autonome. On ne peut lui donner de solution explicite, sauf dans des cas très particuliers. Outre les comportements précités dans le cas linéaire autonome, on peut mentionner : 1. cycles limites : il s'agit de courbes fermées de X vers ou à partir desquelles les trajectoires du système se dirigent ; 2. phénomène de chaos : ces comportements, régis par des EDO (déterministes), sont en apparence aléatoires. Une des caractéristiques est la sensibilité aux conditions initiales : deux conditions initiales très proches donneront naissance à deux évolutions complètement diérentes (voir section 5.9) ;

182

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

3. attracteur étrange : il s'agit en général d'un ensemble de dimension non entière, ce qui traduit une certaine  rugosité  de l'objet. Par exemple, une surface est de dimension 2, un volume est de dimension 3, alors qu'un ocon de neige ayant une innité de ramications est de dimension non entière comprise entre 2 et 3. Lorsque les trajectoires se dirigent vers (respectivement s'éloignent de) cet ensemble, il est dit  attracteur (respectivement répulseur) étrange . Souvent la présence d'attracteurs ou répulseurs étranges est un signe du chaos, cependant dans certains cas le phénomène chaotique n'est que transitoire et disparaît au bout d'un temps susamment long (voir paragraphe 5.9.3).

5.3.3. Notion de ot Dans cette partie, on suppose l'existence et l'unicité de la solution (maximale) au PC associé à (5.19), que l'on notera φ(t; t0 , x0 ). Si le champ est complet, c'est-à-dire I(x0 ) = R, et si l'on connaît une solution pour un couple (t0 , x0 ), alors on aura toutes les autres (pour x0 xé) par translation temporelle. Considérons l'application qui, à toute condition initiale, associe sa solution maximale à l'instant t : Φtg : X → X , x0 7→ φ(t; 0, x0 ).

Dénition 6. Si le champ de vecteurs g de l'EDO (5.19) permet de générer une solution maximale unique pour tout (t0 , x0 ) de R × X , dénie sur I(x0 ) = R (respectivement sur [α, ∞[, sur [α, ω] avec α et ω nis), alors l'application génératrice Φtg est appelée un ot (respectivement un semi-ot, un ot local). D'après les hypothèses, Φtg est bijective, donc on a au moins un ot local. La justication du choix de la notation Φtg devient évidente lorsqu'on calcule le ot d'une EDO linéaire autonome homogène : x˙ = Ax, Φtg = eAt . Dans le cas où g est de classe C k (respectivement C ∞ , analytique), le ot associé Φtg est un diéomorphisme local de classe C k (respectivement C ∞ , analytique) pour tout instant t où il est déni. En particulier, si le ot Φtg est déni pour tout t ∈ R, alors il dénit un groupe à un paramètre de diéomorphismes locaux de classe C k (respectivement C ∞ , analytique) (voir [ARN 88] p. 55 à 63) : Φtg : x0 7→ Φtg (x0 ) est de classe C ∞ , Φtg



Φsg Φ0g

=

Φt+s g ,

= Id.

(5.20) (5.21) (5.22)

Equations diérentielles ordinaires

183

On en déduit, ∀t ∈ R, ∀x0 ∈ X : Φtg (x0 ) = Φ−t −g (x0 ), ◦ Φ−t g t −1 (Φg )

Φtg

= =

Φt−t = Id, g −t Φg = Φt−g .

(5.23) (5.24) (5.25)

La dualité caractérisée par (5.25) est importante puisque, si l'on connaît le portrait de phase du système dynamique (5.19) pour les temps positifs, son dual pour les temps négatifs s'obtient tout simplement en renversant le sens de parcours des orbites : cette propriété est utilisée dans la méthode du renversement des trajectoires (en anglais, trajectory reversing method ) permettant, en dimension deux (et parfois trois), de déterminer précisément la plupart des portraits de phase en alliant l'étude qualitative du champ de vecteurs non linéaire à des simulations (pour plus de détails, voir [CHI 88, CHI 89, GEN 84, GEN 85, PER 94]). Le crochet de Lie (ou commutateur, voir chapitre 4) déni par : 

[g1 , g2 ] =

 ∂g1 ∂g2 g1 − g2 , ∂x ∂x

permet de calculer la condition de commutativité de deux ots Φtg1 et Φsg2 . Théorème 5. Soient g1 et g2 des champs de vecteurs C ∞ complets, dénis sur X (par exemple Rn ). Alors : ∀t, ∀s,

Φtg1 ◦ Φsg2 = Φsg2 ◦ Φtg1 ⇔ [g1 , g2 ] = 0.

Démonstration : soient x0 ∈ Rn et t, s > 0 donnés. Pour un champ de vecteurs analytique X , on a ΦtX (y) = y + tX(y) + R(t, y), où R(t, y) représente un reste s'annulant pour t → 0. On obtient donc : ∂g1 g2 (x0 ) + R1 (t, s, x0 ), ∂x ∂g2 g1 (x0 ) + R2 (t, s, x0 ), ◦ Φtg1 (x0 ) = x0 + (sg2 (x0 ) + tg1 (x0 )) + st ∂x

Φtg1 ◦ Φsg2 (x0 ) = x0 + (sg2 (x0 ) + tg1 (x0 )) + st Φsg2

et donc : Φtg1 ◦ Φsg2 (x0 ) − Φsg2 ◦ Φtg1 (x0 ) = st[g2 , g1 ](x0 ) + R3 (t, s, x0 ).

Prenons t = s, alors l'implication est immédiate. Pour la réciproque, [g1 , g2 ] = Φ−t ◦Φs ◦Φt (x0 )−Φsg1 (x0 ) 0 ⇒ ∀x0 ∈ Rn : limt→0 ( g2 g1 g2t ) = 0. Soit la trajectoire x(t) = s t s t s Φ−t ˙ = 0, donc Φ−t g2 ◦ Φg1 ◦ Φg2 (x0 ), alors x(t) g2 ◦ Φg1 ◦ Φg2 = Φg1 . En automatique, la non-commutativité des champs a une application très importante puisqu'elle permet de caractériser l'atteignabilité (version locale de la commandabilité) d'un système commandé du type x˙ = g1 (x) + g2 (x)u (voir chapitre 4 et [ISI 89]).

184

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

5.3.4. Comparaison de solutions, inégalités diérentielles Dans cette partie, les inégalités vectorielles seront à comprendre composante à composante et D est un opérateur de dérivation (dit de Dini ) : Dx(t) = (Dx1 (t), . . . , Dxn (t)), où les dérivées Dxi (t) sont toutes dénies par l'une des quatre limites suivantes : D+ xi (t) = lim inf θ→0+

xi (t + θ) − xi (t) xi (t + θ) − xi (t) , D+ xi (t) = lim sup , θ θ θ→0+

D− xi (t) et D− xi (t) dénies de façon similaire pour les limites par valeurs inférieures (θ → 0− ).

Soit S ⊂ I un ensemble de mesure nulle. On considère les relations diérentielles suivantes : Dx(t) ≤ f (t, x), dz = f (t, z), dt

t ∈ I\S, x ∈ X ,

(5.26)

t ∈ I\S, z ∈ X .

(5.27)

On se pose le problème de savoir sous quelles conditions les solutions de (5.27) majorent celles de (5.26). Dans ce cas, (5.27) constituera un système majorant de (5.26), dont l'utilisation est intéressante pour l'analyse des comportements des solutions d'une EDO (voir paragraphe 5.7.8). La contribution de Waºewski [WAZ 50] (précédée de [KAM 32] et complétée par celle de Lakshmikantham et Leela [LAK 69]) est certainement l'une des plus importantes puisqu'elle donne des conditions nécessaires et susantes pour que les solutions du problème de Cauchy associé à (5.26) avec x0 donné à t0 , soient majorées par la solution supérieure de (5.27) démarrant de z0 ≥ x0 à l'instant t0 . Dénition 7. La fonction f : I × X → X ⊂ Rn , (t, x) 7→ f (t, x) est quasi monotone non-décroissante en x si : ∀t ∈ I, ∀(x, x0 ) ∈ X 2 , ∀i ∈ {1, . . . , n}, [(xi = x0i ) et (x ≤ x0 )] ⇒ fi (t, x) ≤ fi (t, x0 ).

Théorème 6. Supposons que :

(5.28)

1) f (t, x) vérie les hypothèses A1-A2 du théorème 1 d'existence de solution, 2) f (t, x) est quasi monotone non-décroissante en x presque partout en t (∀t ∈ I\S ). Alors, pour tout x0 ∈ X , les solutions du problème de Cauchy associé à (5.27) vérient : x(t) ≤ zsup (t), (5.29) pour tout instant où les quantités x(t) et zsup (t) ont un sens, avec zsup (t) la solution supérieure de (5.26) démarrant de z0 ∈ X , avec x0 ≤ z0 .

Equations diérentielles ordinaires

185

5.4. Quelques caractérisations de comportements Sauf mention explicite, l'EDO considérée est (5.11), pour rappel : dx = f (t, x), dt

t ∈ I,

x ∈ X.

5.4.1. Ensembles remarquables Points d'équilibre Pour certaines conditions initiales, le système reste  gelé , c'est-à-dire que l'état n'évolue plus : on parlera alors de points d'équilibre. Dénition 8. xe ∈ X est un point d'équilibre pour le système (5.19) si les solutions φ(t; 0, xe ) de (5.19) sont dénies sur [0, +∞[ et vérient : φ(t; 0, xe ) = xe ,

∀t ∈ [0, +∞[.

Exemple 4. La solution au problème de Cauchy (5.1), x(0) = x0 , est donnée par (5.14). Il est facile de vérier que x = 0 et x = xmax sont des points d'équilibre. On peut donner une dénition similaire pour (5.11) en tenant compte du fait que les solutions dépendent alors de l'instant initial. Ainsi, un point peut n'être d'équilibre que pour certains instants initiaux. Si xe est un point d'équilibre, alors pour que le système reste en ce point il faut que la vitesse soit nulle, pas susante c'est-à-dire que g(xe ) = 0. Cependant, cette condition seule n'est √ comme le montre l'étude de (5.16) : on a bien xe = 0 solution de x = 0, mais il existe une innité de solutions qui quittent ce point (voir paragraphe 5.3.1). Théorème 7. [GRU 87] xe est un point d'équilibre pour le système (5.19) si et seulement si : 1. (5.19) admet une unique solution dénie sur [t0 , +∞[ au problème de Cauchy, 2. g(xe ) = 0. Par la suite, on considèrera que le point d'équilibre est l'origine : en eet, l'étude de (5.19) au voisinage d'un point d'équilibre xe se ramène, par le changement de coordonnées y = x − xe , à l'étude de y˙ = g(y + xe ), ayant pour équilibre (y = 0). Exemple 5. Le système de Volterra-Lotka est un modèle simple de lutte de deux espèces. En 1917, donc pendant la guerre, le biologiste Umberto d'Ancona constata une augmentation du nombre de sélaciens (requins) dans la partie nord

186

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

de la mer Adriatique. An d'expliquer ce phénomène, il t appel à son beaupère, le mathématicien Vito Volterra, qui expliqua ce phénomène de la façon suivante. Soit un volume d'eau inni (mer Adriatique par exemple), peuplé par deux espèces : l'une, carnivore (C : sélaciens), dévorant l'autre, herbivore (H : crevettes). Notons x et y les nombres respectifs d'individus des espèces (H) et (C). Si l'espèce (H ) peuplait seule la mer, elle se développerait de façon exponentielle8 et la vitesse de croissance de l'espèce (H) serait : dx dt = αx, avec α > 0. Par contre, l'espèce (C) ne peut assurer seule son développement, ni même sa survie, donc sa vitesse de variation serait : dy dt = −βy , avec β > 0. Lorsque les deux espèces cohabitent, les carnivores (C) dévorent les herbivores (H). En faisant l'hypothèse qu'à chaque rencontre d'un carnivore avec un herbivore, ce dernier est dévoré et que le nombre de rencontres est proportionnel au produit des densités volumiques des deux espèces (donc, aussi à xy ), on peut conclure que l'évolution des deux espèces est régie par le système diérentiel : 

dx dt = αx − γxy dy dt = −βy + δxy

(herbivores), (carnivores),

(5.30)

avec α, β, γ, δ des réels positifs. Dans ce cas, les variables d'état s'introduisent de façon naturelle : x, y . On peut a priori supposer que l'espace d'état est le quart de plan R2+ . Le théorème 3 permet de garantir l'existence et l'unicité des solutions et le théorème 7, l'existence de deux équilibres : (0, 0) et ( βδ , αγ ). dy dx En séparant les variables selon : x(α−γy) = y(−β+δx) , on peut montrer que H(x, y) = [α ln(y) − γy] + [β ln(x) − δx] est une fonction constante le long des solutions de (5.30). On montre ainsi que, pour toute condition initiale strictement incluse dans le quart de plan strictement positif, les orbites du système sont fermées. De plus les solutions sont dénies sur R : on obtient un ot dont le portrait de phase est représenté sur la gure 5.5 (simulation pour α = β = γ = δ = 1). Les orbites sont centrées autour du point d'équilibre ( βδ , αγ ). Avant la guerre, l'activité de la pêche était plus importante (on tient compte des prélèvements de la pêche  −qx x  et  −qy y  dans (5.30), avec qx , qy positifs) : c'est-à-dire que le couple de paramètres (α, −β) est remplacé par (α − qx , −β − qy ), donc α−qx y le point d'equilibre ( βδ , αγ ) est remplacé par ( β+q δ , γ ). Ce qui explique un déplacement du cycle vers le haut pendant la guerre, donc une augmentation du nombre de célaciens.

Dénition 9. On classe les points d'équilibre xe de (5.19) en deux catégories : 1. les points hyperboliques (ou non dégénérés) : ce sont ceux pour lesquels 8 On fait ici l'hypothèse que son développement n'est limité ni par l'espace ni par la quantité de nourriture.

Equations diérentielles ordinaires

187

Figure 5.5. Cycles pour l'équation de Volterra (5.30) la jacobienne9 correspondante Jg (xe ) ne comporte aucune valeur propre à partie réelle nulle (Jg (xe ) est aussi dite hyperbolique) ; 2. les points non hyperboliques (ou dégénérés) : ce sont ceux pour lesquels la jacobienne Jg (xe ) possède au moins une valeur propre à partie réelle nulle (Jg (xe ) est dite dégénérée). Comme nous le verrons dans le paragraphe 5.6.2, cette distinction est importante puisque, pour tout point hyperbolique, on peut connaître localement le comportement des solutions, alors que ce n'est pas forcément le cas pour les points non hyperboliques.

Orbites : périodiques, fermées, homocliniques et hétérocliniques L'étude des systèmes non linéaires met en évidence des orbites particulières : 1. les orbites fermées qui sont une extension des points xes puisque, si on laisse évoluer un système à partir d'une condition initiale appartenant à cette orbite, alors il continuera à évoluer sur cette orbite ; 

9

Si g est un champ de vecteur sur Rn , alors sa jacobienne au point x est la matrice

∂gi ∂xj

(x) .

188

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

2. les orbites homocliniques et hétérocliniques qui relient des points d'équilibre. Les dénitions suivantes sont inspirées de [ROU 73] (tome 1, pages 87-88, tome 2, page 8), [HAL 91] (pages 113-117) et de [GUC 83]. Dénition 10. La solution φ(t; t0 , x0 ) est T -périodique (périodique de période T ), si I(t0 , x0 ) = R et s'il existe un réel positif λ, tel que pour tout réel t on ait φ(t + λ; t0 , x0 ) = φ(t; t0 , x0 ). Le plus petit réel positif λ noté T s'appelle la période de la solution. Dans ce cas, l'orbite correspondante est une orbite périodique de période T (ou orbite T -périodique). Dénition 11. γ est une orbite fermée si γ est une orbite et une courbe de Jordan, c'est-à-dire homéomorphe10 à un cercle. Toute orbite correspondant à une solution T -périodique non triviale (non identique à un point d'équilibre) est une orbite fermée. La réciproque est vraie dans le cas de systèmes autonomes. Exemple 6. Si l'on reprend l'équation de Van der Pol, c'est-à-dire l'équation (5.3) avec f (x) = (x3 − 2µx), alors en posant iL = −x2 , vC = x1 , L = C = 1, (5.3) devient : dx1 = x2 , dt dx2 = 2µx2 − x32 − x1 . (5.31) dt Ainsi, pour µ > 0, on peut montrer ([HIR 74] p. 211-227) l'existence d'une orbite périodique γ représentée sur la gure suivante.

Dénition 12. Une orbite homoclinique est une orbite qui relie un point d'équilibre à lui-même. Si une orbite relie deux points d'équilibre distincts, elle est dite hétéroclinique. Ensembles limites

Des notions plus précises ont étés introduites pour cerner les informations pertinentes et rémanentes après dissipation d'un éventuel transitoire. C'est le rôle des ensembles limites. Rappelons que I(t0 , x0 ) =]α(t0 , x0 ), ω(t0 , x0 )[ est l'intervalle de dénition de la solution maximale associée à (t0 , x0 ). Dénition 13. L' ensemble ω-limite par rapport à une condition initiale (t0 , x0 ), noté Ωf (t0 , x0 ), est déni par : Ωf (t0 , x0 ) = {y ∈ X : il existe une suite {ti } dans I(t0 , x0 ) : lim ti = ω(t0 , x0 ) et lim φ(ti ; t0 , x0 ) = y}. i →+∞

i →+∞

Un homéomorphisme est un morphisme continu. Ainsi, une courbe de Jordan est une courbe obtenue par transformation continue à partir du cercle. 10

Equations diérentielles ordinaires

189

Figure 5.6. Orbite fermée périodique pour l'oscillateur de Van der Pol (5.31)

Figure 5.7. (a) orbite homoclinique,

(b) orbite hétéroclinique

L' ensemble α-limite par rapport à une condition initiale (t0 , x0 ), noté Af (t0 , x0 ), est déni par : Af (t0 , x0 ) = {y ∈ X : il existe une suite {ti } dans I(t0 , x0 ) : lim ti = α(t0 , x0 ) et

i →+∞

lim φ(ti ; t0 , x0 ) = y}.

i →+∞

Ces notions Ωf (t0 , x0 ) et Af (t0 , x0 ) ont tout d'abord été introduites par G.D. Birkho ([BIR 27] p. 197, 198). Lorsque ω = +∞ (respectivement, α = −∞), l'ensemble ω -limite (respectivement, α-limite) est aussi appelé l'ensemble limite positif (respectivement, négatif ), parfois noté Λ+ f (t0 , x0 ) (respectivement, Λ− (t , x ) ) (voir par exemple [BHA 70] p. 19 ). Pour un champ de 0 0 f vecteurs non linéaire autonome g associé à (5.19) et générant un ot global, on

190

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

a la relation suivante : − + + Λ− −g (t0 , x0 ) = Λ−g (x0 ) = Λg (x0 ) = Λg (t0 , x0 ).

Cette propriété permet de relier les notions d'attracteur et de répulseur. De plus, on peut noter que les ensembles ω ou α-limite sont, dans ce cas, indépendants de l'instant initial. L'ensemble ω-limite par rapport à la condition initiale x0 est déni par : Ωg (x0 ) = {x ∈ Ω : ∃{ti }i∈N ⊂ I(x0 ) : lim ti = ω(x0 ) et lim Φtgi (x0 ) = x}. i→∞

i→∞

(5.32)

Dans le cas général (5.11), on a le résultat qui suit.

Théorème 8. Si, pour x0 ∈ X et t0 ∈ I donnés, il existe une solution au problème de Cauchy et si l'orbite issue de x0 à t0 (ni) est contenue dans un ensemble compact de X , alors Ωf (t0 , x0 ) et Af (t0 , x0 ) sont des sous-ensembles compacts, non vides, connexes de X . Ensembles non-errants La notion de point non-errant, plus ne que celle d'ensemble limite, fut également introduite par G.D. Birkho [BIR 27] pour décrire les comportements asymptotique plus complexes (attracteur étrange par exemple). Elle concerne principalement les systèmes autonomes régis par (5.19) pour lesquels I(x0 ) =]α(x0 ), +∞[ contient l'instant initial.

Dénition 14. Un point x ∈ X est dit non-errant pour le système (5.19) si,

pour tout voisinage V(x) de ce point et tout T > 0, il existe un temps t > T tel que : φ(t; 0, x) ∩ V(x) 6= ∅. L'ensemble constitué de tels points est dit ensemble non-errant.

Figure 5.8. Point non errant

Equations diérentielles ordinaires

191

5.4.2. Propriétés Dans cette partie, on considère le système (5.11) en supposant qu'il y a au moins une solution au problème de Cauchy.

Invariance Les systèmes physiques ont souvent tendance, dans certaines congurations, à satisfaire un principe de moindre eort :  j'y suis, j'y reste  (équilibres, orbites périodiques, etc.). Cette propriété d'invariance peut être étendue pour des ensembles géométriques plus complexes, comme suit. Dénition 15. Soit J ⊂ I . Un ensemble non vide compact A ⊂ X est dit J −invariant si : ∀t0 ∈ J , ∀x0 ∈ A, ∀t ∈ I(t0 , x0 ) : φ(t; t0 , x0 ) ∈ A.

Figure 5.9. Invariance de A Pour un champ de vecteurs non linéaire autonome g associé à (5.19), on obtient le résultat suivant. Lemme 1. [BHA 70] Soit (5.19), alors Ωg (x0 ) déni en (5.32) est un sousensemble fermé de Ω. Si de plus φ(t; x0 ) est bornée alors Ωg (x0 ) est non vide, compact, connexe et invariant. Démonstration : (fermé) soit x ∈ Ωg (x0 ), alors ∃{xn }n∈N ⊂ Ωg (x0 ) : ∀ε > 0, ∃N1 > 0 tels que ∀n > N1 , ρ(x, xn ) < ε2 . De plus, xn ⊂ Ωg (x0 ), donc ∃{tni }i∈N ⊂ I(x0 ) : ∀ε > 0, ∃N2 > 0 tels que limi→∞ tni = ω(x0 ) et ∀n > tn N2 , ρ(xn , Φg i (x0 )) < 2ε . Si l'on prend tn = tnn : limn→∞ tn = ω(x0 ), alors ∀n > N = max(N1 , N2 ) : ρ(x, Φtgn (x0 )) ≤ ρ(x, xn ) + ρ(xn , Φtgn (x0 )) < ε, donc x ∈ Ωg (x0 ) et Ωg (x0 ) est donc fermé.

192

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Supposons que φ(t; x0 ) soit bornée. Alors C = Φtg (x0 ) est compact et on prend une suite d'instants {ti }i∈N : limi→∞ ti = ω(x0 ). On a donc une suite de points Φtgi (x0 ) ∈ C, d'où, d'après le théorème de Bolzano-Weierstrass 0 [RIC 01], on peut extraire une sous-suite convergente vers x : limi Φtgi (x0 ) = x. 0 Or Φtgi (x0 ) ∈ Φtgi (x0 ), donc x ∈ Ωg (x0 ). De plus, Ωg (x0 ) est fermé borné, donc compact. Montrons qu'il est connexe : si Ωg (x0 ) n'est pas connexe, ∃(A, A0 ) disjoints fermés : Ωg (x0 ) = A ∪ A0 (donc A, A0 compacts). Soit x ∈ A : ∃{ti }i∈N ⊂ I(x0 ), limi→∞ ti = ω(x0 ) et limi→∞ Φtgi (x0 ) = x. Soit t0 x0 ∈ A0 : ∃{t0i }i∈N ⊂ I(x0 ), limi→∞ t0i = ω(x0 ) et limi→∞ Φgi (x0 ) = x0 . Mais alors, pour tout i, [ti , t0i ] est (compact) connexe et, Φtg (x0 ) étant continue, on 0 00 / A (ni a Φ[tg i ,ti ] (x0 ) connexe : d'après [SCH 95] (p. 256), ∃t00i ∈ [ti , t0i ] : Φtgi (x0 ) ∈ 00 à A0 ) mais limi→∞ t00i = ω(x0 ) et limi→∞ Φtgi (x0 ) ∈ Ωg (x0 ). Enn, il est invariant : x ∈ Ωg (x0 ), ∃{ti }i∈N ⊂ I(x0 ), limi→∞ ti = ω(x0 ) et limi→∞ Φtgi (x0 ) = x, i donc limi→∞ Φt+t (x0 ) = Φtg (x) : Φtg (x) ∈ Ωg (x0 ). g

Stabilité au sens de Liapounov Les ensembles remarquables (équilibres, orbites périodiques, etc.) peuvent caractériser des congurations à énergie minimale pour un système physique. Ces systèmes peuvent avoir tendance à rechercher une de ces congurations plutôt qu'une autre : c'est ce que les concepts de stabilité traduisent d'une certaine façon. Par exemple, le pendule pesant (5.6) possède. deux équilibres en position verticale : l'un au-dessus de l'horizontale, θ = π, θ = 0, l'autre en . dessous θ = 0, θ = 0. Il est bien connu que la masse a naturellement tendance à se positionner vers le bas plutôt que vers le haut. La position d'équilibre basse est stable, l'autre instable. D'un autre point de vue, les solutions maximales x(t; t0 , x0 ) d'une EDO sont continues par rapport aux trois variables t, t0 , x0 (sous certaines conditions, voir paragraphe 5.3.1). Donc, si l'on prend deux solutions x(t; t0 , x01 ) et x(t; t0 , x02 ) avec x01 et x02 proches, la continuité implique que ces deux solutions sont proches sur un certain intervalle de temps [t0 , t], sans aucune indication sur la taille de cet intervalle. On peut souhaiter obtenir une proximité de ces deux solutions sur un intervalle de temps assez grand : c'est ce que pose de façon plus générale le problème de la stabilité au sens de Liapounov pour une solution particulière (équilibre, orbite périodique, ensemble ou bien une trajectoire donnée). Par la suite, A est un ensemble non vide compact (par exemple, un point d'équilibre) de X muni d'une distance d. ρ(x, A) = inf y∈A d(x, y) est une distance du point x à l'ensemble A [RIC 01]. Enn, I(t0 , x0 ) =]α(t0 , x0 ), +∞[.

Equations diérentielles ordinaires

Dénition 16.

(5.11) si :

193

A est stable au sens de Liapounov par rapport à J ⊂ I pour

∀t0 ∈ J , ∀ε > 0, ∃δ(t0 , ε) > 0 tel que : ∀x0 ∈ X : ρ(x0 , A) ≤ δ(t0 , ε) ⇒ ρ(φ(t; t0 , x0 ), A) ≤ ε, ∀t ≥ t0 .

Lorsque J = I = R, A est dit stable au sens de Liapounov. Lorsque δ(t0 , ε) = δ(ε) est indépendant de t0 la propriété de stabilité est dite uniforme. Dans le cas particulier des systèmes non linéaires autonomes (5.19), cela revient à dire que, pour tout voisinage de A, il existe un voisinage de A (inclus dans le premier) positivement invariant (voir [BHA 70] p. 58). Ces dénitions peuvent s'exprimer en termes topologiques plus généraux : par exemple, un point d'équilibre xe est stable au sens de Liapounov pour (5.19) si, pour tout voisinage V(xe ) de xe , il existe un voisinage W(xe ) de xe tel que : x0 ∈ W(xe ) ⇒ φ(t; t0 , x0 ) ∈ V(xe ), ∀t ≥ t0 . De façon générale, pour (5.11), cette dénition s'exprime par :  pour tout

t0 ∈ J et pour tout voisinage V(A) de A, il existe un voisinage W(t0 , V) de A tel que toute trajectoire issue de ce voisinage W(t0 , V) à l'instant t0 évolue dans le premier voisinage V(A) sans en sortir (voir gure 5.10). Cependant, si l'on se xe t0 , pour chaque voisinage V(A), il est utile de connaître le plus grand de ces voisinages W(t0 , V) que l'on notera Ds (t0 , V, A) : ceci correspond à la notion de domaine de stabilité (l'intersection des Ds (t0 , V, A)).

Figure 5.10. Stabilité d'un ensemble A, de domaine de stabilité Ds (A)

Dénition 17. Pour (5.11), Ds (t0 , A) est le domaine de stabilité au sens de Liapounov par rapport à t0 de A si :

194

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

1. ∀ε > 0, Ds (t0 , ε, A) ⊂ X est un voisinage de A ; 2. pour ε > 0, x0 ∈ Ds (t0 , ε, A) si et seulement si : ρ(φ(t; t0 , x0 ), A) ≤ ε, ∀t ≥ t0 ; 3. Ds (t0 , A) = ∪ε>0 Ds (t0 , ε, A). Ds (J , A) est le domaine de stabilité au sens de Liapounov par rapport à J

de A si :

1. ∀t0 ∈ J , Ds (t0 , A) existe ; 2. Ds (J , A) = ∪t0 ∈J Ds (t0 , A). Ds (A) est le domaine de stabilité au sens de Liapounov de A si : Ds (A) = Ds (J = R, A).

Dénition 18. Pour (5.11),

Dsu (J , A) est le domaine de stabilité uniforme au sens de Liapounov par rapport à J de A si :

1. Dsu (J , A) est un voisinage de A ; 2. x0 ∈ Dsu (J , A) si et seulement si : ∀t0 ∈ J , ∀ε > 0, ρ(φ(t; t0 , x0 ), A) ≤ ε, ∀t ≥ t0 .

Dsu (A) est le domaine de stabilité uniforme au sens de Liapounov de A si : Dsu (A) = Dsu (J = R, A).

Dénition 19. Symbolisons schématiquement par (κ) l'un des quatre qualicatifs suivants : stable au sens de Liapounov par rapport à J , stable au sens de Liapounov, uniformément stable au sens de Liapounov par rapport à J , uniformément stable au sens de Liapounov. Si D(κ) (J , A) = X (l'espace d'état), alors A est globalement (κ), dans le cas contraire A est localement (κ). Remarque 1. Les dénitions de stabilité 16 peuvent être remplacées par : l'ensemble A est (κ) si le domaine D(κ) est non vide. Remarque 2. Ces dénitions peuvent, ici encore, être énoncées en termes de voisinages. La construction précédente nous conduit à procéder comme suit : si, pour chaque V(A), on construit l'union des Ds (t0 , V(A), A) (qui sont les équivalents des Ds (t0 , ε, A)), alors on obtient le domaine de stabilité au sens de Liapounov par rapport à t0 de A noté : Ds (t0 , A) = ∪V(A) Ds (t0 , ε, A). Si l'on fait varier t0 dans l'intervalle J , on obtient le domaine de stabilité de A au sens de Liapounov par rapport à J , noté Ds (J , A). Attractivité La propriété d'attractivité d'un ensemble traduit le rapprochement asymptotique des solutions vers cet ensemble.

Equations diérentielles ordinaires

Dénition 20.

195

A est attractif par rapport à J ⊂ I pour (5.11) si :

∀t0 ∈ J , ∃δ(t0 ) > 0, ∀x0 ∈ X : ρ(x0 , A) ≤ δ(t0 ) ⇒ lim ρ(φ(t; t0 , x0 ), A) = 0, t→∞

c'est-à-dire : ∀ε > 0, ∃T (t0 , x0 , ε) > 0 : ∀t ≥ t0 + T (t0 , x0 , ε), ρ(φ(t; t0 , x0 ), A) ≤ ε.

Lorsque J = I = R, A sera dit attractif. Lorsque δ(t0 ) = δ est indépendant de t0 et T (t0 , ε, x0 ) = T (ε) est indépendant de t0 et x0 alors la propriété d'attractivité sera dite uniforme.

Figure 5.11. Attractivité d'un ensemble A, de domaine d'attraction Da (A) Cette notion peut être formulée en termes de voisinages. Par exemple, pour tout t0 ∈ J et tout V(A) voisinage de A, il existe W(t0 , V) un voisinage de A tel que, pour toute trajectoire issue de ce voisinage W(t0 , V) à l'instant t0 , il existe un temps T (t0 , x0 , V) > 0 tel que la trajectoire évolue dans W(t0 , V) sans en sortir à partir de l'instant t0 + T (t0 , x0 , V) (voir gure 5.11). Cependant, pour t0 et V(A) un voisinage de A donnés, il est utile de connaître le plus grand de ces voisinages W(t0 , V) que l'on notera Da (t0 , V, A) : ceci conduit à la notion de domaine d'attractivité, intersection des Da (t0 , V, A) (sur les V ). Dénition 21. Pour (5.11), Da (t0 , A) est le domaine d'attractivité de A par rapport à t0 pour (5.11) si :

1. Da (t0 , A) ⊂ X est un voisinage de A ; 2. pour ε > 0, x0 ∈ Da (t0 , ε, A) si et seulement si : ∃T (t0 , ε) > 0 tel que ∀t ≥ t0 + T (t0 , ε), ρ(φ(t; t0 , x0 ), A) ≤ ε.

196

Mathématiques pour les systèmes dynamiques Da (J , A) est le domaine d'attractivité de A par rapport à J si :

1. ∀t0 ∈ J , Da (t0 , A) existe ; 2. Da (J , A) = ∪t0 ∈J Da (t0 , A). Da (A) est le domaine d'attractivité de A si : Da (A) = Da (J = R, A).

Dénition 22. Pour (5.11), Dau (J , A) est le domaine d'attractivité uniforme de A par rapport à J pour (5.11) si :

1. Dau (J , A) est un voisinage de A ; 2. pour ε > 0, x0 ∈ Dau (J , A) si et seulement si : ∃T (ε) > 0, ∀t0 ∈ J ,, tel que l'on ait ρ(φ(t; t0 , x0 ), A) ≤ ε, ∀t ≥ t0 + T (ε). Dau (A) est le domaine d'attractivité uniforme de A si : Dau (A) = Dau (J = R, A).

Dénition 23. Symbolisons schématiquement par (κ) l'un des quatre qualicatifs suivants : attractif par rapport à J , attractif, uniformément attractif par rapport à J , uniformément attractif. Si D(κ) (J , A) = X (l'espace d'état), alors A est globalement (κ) ; dans le cas contraire, A est localement (κ). Remarque 3. Les dénitions d'attractivité 20 peuvent être remplacées par : l'ensemble A est (κ) si le domaine D(κ) est non vide. Stabilité asymptotique

La propriété d'attractivité d'un ensemble traduit la convergence des solutions vers cet ensemble au bout d'un temps inni et ce, indépendamment d'éventuelles excursions pendant le régime transitoire. La stabilité, elle, traduit la proximité de solutions tout au long de l'évolution, mais sans garantir la convergence. Ces deux propriétés sont donc distinctes et complémentaires. Leur combinaison correspond à la notion de stabilité asymptotique. Dénition 24. A est asymptotiquement stable par rapport à J ⊂ I s'il est stable au sens de Liapounov par rapport à J et attractif par rapport à J . Lorsque J = I = R, A sera dit asymptotiquement stable. Si les propriétés de stabilité et d'attractivité sont uniformes, alors la propriété de stabilité asymptotique résultante est dite uniforme. Les divers domaines de stabilité asymptotique associés aux propriétés ci-dessus sont dénis comme étant les intersections des domaines de stabilité et d'attractivité. Il est important de noter qu'en non-linéaire, un ensemble peut être attractif sans être stable, et vice versa. L'exemple suivant illustre cette indépendance des deux propriétés.

Equations diérentielles ordinaires

Exemple 7. Soit l'EDO :   y p dx = x 1 − x2 + y 2 − dt 2   x p dy = y 1 − x2 + y 2 + dt 2

x

1− p x2 + y 2 x

197

! , !

1− p x2 + y 2

.

L'origine (0, 0) est un équilibre instable (pour le monter, on pourra utiliser les résultats du paragraphe 5.7.7) et l'équilibre (1, 0) est attractif mais instable : le portrait de phase est donné gure 5.12.

Figure 5.12. Equilibre (1, 0) attractif et instable

Exemple 8. La solution au problème de Cauchy (5.1) x(0) = x0 est donnée par (5.14). Il est donc facile de vérier que l'équilibre x = 0 n'est 0 xmax pas attractif (limt→∞ φ(t; 0, x0 ) = limt→∞ x0 +e−axxmax = xmax ) t (x max −x0 ) et que l'équilibre x = xmax est asymptotiquement stable. En eet, il est attractif (limt→∞ φ(t; 0, x0 ) = xmax ) et stable puisque φ(t; 0, x0 ) − (xmax −x0 )e−axmax t xmax = xxmax donc pour ε > 0, si |x0 − xmax | < −axmax t , +(x 0 max −x0 )e max −x0 ) ε, |φ(t; 0, x0 ) − xmax | < xmax x0(x +(xmax −x0 ) < ε.

Pour cet exemple, nous avons pu étudier la stabilité asymptotique à partir de l'expression analytique des solutions. Cependant, pour une EDO (5.11) dont en général on ne peut exprimer les solutions de façon explicite, il est important de disposer de critères permettant d'étudier la question de la stabilité sans avoir à calculer les solutions : ce sont les résultats des paragraphes 5.5 (première méthode de Liapounov) et 5.7.3, 5.7.4, 5.7.5, 5.7.7 (seconde méthode de Liapounov) qui le permettent.

198

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Stabilité exponentielle Le concept de stabilité exponentielle contient une information supplémentaire : la rapidité de la convergence vers l'ensemble A. Dénition 25. A est exponentiellement stable par rapport à J ⊂ I si : ∀t0 ∈ J , ∃δ(t0 ) > 0, ∃α(δ) > 0, ∃β(δ) ≥ 1 tels que ∀x0 ∈ X , ρ(x0 , A) ≤ δ(t0 ) implique : ρ(φ(t; t0 , x0 ), A) ≤ βρ(x0 , A) exp(−α(t − t0 )), ∀t ≥ t0 .

(5.33)

Lorsque J = I = R, A est dit exponentiellement stable. Lorsque δ(t0 ) = δ est indépendant de t0 et α(δ) = α, β(δ) = β sont indépendants de δ, alors la propriété de stabilité est dite uniforme. α est alors appelé le taux de convergence exponentielle. De même que pour les précédentes notions, on peut dénir les domaines de stabilité exponentielle correspondants. La dénition des ces domaines tient compte de la paire (α, β) retenue : par exemple, Deu (A, α, β) est le plus grand voisinage de A dans lequel la majoration (5.33) est vériée. Stabilité pratique En pratique, A étant un compact à atteindre (cible) et étant donnés un instant initial t0 ∈ J , un instant nal Tf > 0 et un  temps de réponse  Ts > 0, il est intéressant de savoir si, pour toute condition initiale dans un domaine Dini ⊂ X , les solutions : 1. sont au moins dénies sur [t0 , t0 + Tf ], 2. restent dans un domaine admissible Dadm ⊂ X pendant cet intervalle de temps, 3. rejoignent A à partir de l'instant t0 + Ts et y restent pour t ∈ [t0 + Ts, t0 + Tf ]. C'est ce que traduit la notion de stabilité pratique avec temps d'établissement [GRU 73a, GRU 73b, LAS 61, PER 95b, WEI 67b, WEI 67a]. Dénition 26. Un ensemble compact A est stable pratiquement avec temps d'établissement par rapport à {J , Ts , Tf , Dini , Dadm } si : ∀x0 ∈ Di , ∀t0 ∈ T0 , toute solution φ(t; t0 , x0 ) est dénie sur [t0 , t0 + Tf ] (c'est-à-dire [t0 , t0 + Tf ] ⊂ I(t0 , x0 )) et vérie : φ(t; t0 , x0 ) ∈ Dadm , ∀t ∈ [t0 , t0 + Tf ], φ(t; t0 , x0 ) ∈ A, ∀t ∈ [t0 + Ts , t0 + Tf ].

La propriété est globale si Dini = X (l'espace d'état).

(5.34)

Equations diérentielles ordinaires

199

Figure 5.13. Stabilité pratique Estimation des domaines La plupart du temps, les domaines dénis ci-dessus ne peuvent être calculés de façon exacte : ceci nécessiterait de résoudre formellement l'EDO. Il est donc intéressant d'en connaître un sous-ensemble, qui en constitue une estimation. Dénition 27. [PER 94] Le domaine D est une estimation du domaine Dsa (respectivement Ds , Dsu , Da , Dau , Dse ,Dseu ) de l'ensemble A si : D ⊂ Dsa (respectivement Ds , Dsu , Da , Dau , Dse , Dseu ), A ⊂ D.

5.5. Cas linéaire autonome 5.5.1. Calcul des solutions Considérons le modèle linéaire autonome suivant : x˙ = Ax,

x ∈ Rn .

(5.35)

Les solutions au problème de Cauchy associé à (5.35), x(t0 ) = x0 , sont connues explicitement : x(t) = exp(A(t − t0 ))x0 . (5.36) De même, pour le modèle linéaire non-homogène : x˙ = Ax + b(t),

x ∈ Rn ,

(5.37)

200

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

les solutions sont :

  Z t x(t) = exp(A(t − t0 )) x0 + exp(−A(v − t0 ))b(v)dv ,

(5.38)

t0

avec, dans le cas particulier où b est constant : Z

t

x(t) = exp(A(t − t0 ))x0 +

 exp A(t − v)dv b,

(5.39)

t0

qui lorsque A est non singulière devient : x(t) = exp(A(t − t0 ))x0 + (exp A(t − t0 ) − Id) A−1 b.

(5.40)

Ainsi, le comportement des solutions de (5.35) et de (5.37) est entièrement conditionné par les  contractions  et  dilatations 11 de l'exponentielle exp(At). Rappelons (voir [RIC 01] chapitre 3) que : exp(At) =

∞ X (At)i i=0

i!

=

n−1 X

(5.41)

αi (t)Ai ,

i=0

puisque, d'après le théorème de Cayley-Hamilton, An est une combinaison linéaire des Ai , 0 ≤ i ≤ (n − 1). Il existe plusieurs méthodes pour calculer l'exponentielle, rappelées ci-dessous. 1. En exprimant A sous forme de Jordan : A = P JP −1 , J = diag(J(λi )),   λi 1 0 0    0 ... ... 0  , J(λi ) =   . . .. ... 1   ..  0 ··· 0 λi

d'où exp(At) = P exp(Jt)P −1 avec exp(Jt) = diag(exp(J(λi )t)) et : 

   exp(J(λi )t) = exp(λi t)   

1

t

0

..

.. .

..

t2 2!

. .

0 ···

.. ..

. .

0

t(k−1) (k−1)! t2 2!

t 1



   .  

11 Contractions dans les directions propres associées aux valeurs propres de A à parties réelles négatives et dilatations dans les directions associées aux valeurs propres de A à parties réelles positives.

Equations diérentielles ordinaires

201

2. En utilisant la décomposition de Dunford de A = N + D, avec N nilpotente (N n = 0) et D diagonalisable dans C, puisque exp(At) = P P∞ ((N +D)t)i et (N + D)i = ik=0 Cki N i−k Dk . Le calcul de l'exponeni=0 i! tielle s'en trouve simplié puisque N n = 0 : c'est une méthode similaire à celle du point 1, qui dans certains cas s'avère plus rapide. 3. En utilisant la méthode des matrices constituantes, la matrice f (A) pouvant s'exprimer sous la forme : f (A) =

r nX i −1 X

f (j) (λi )Zij ,

i=1 j=0

où r est le nombre de λi (valeurs propres de A distinctes) et ni leur multiplicité. Ainsi, f (A) s'écrit comme une combinaison linéaire de matrices Zij indépendantes de la fonction f (qui ne dépend que de A) ; les coefcients de cette combinaison dépendent, eux, de la fonction f . Aussi, on détermine les Zij à l'aide de fonctions-test simples (par exemple x 7→ xk ). Pour (5.37), dans le cas particulier de b constant : x˙ = Ax + b,

(5.42)

les points d'équilibre vérient Ax + b = 0. Si A est régulière, alors il n'en existe qu'un donné par xe = −A−1 b. Si A est singulière, alors deux cas se présentent :  il y a une innité de points d'équilibre si rang(A, b) = rang(b), c'est-à-dire si b ∈ image(A) ou encore, si ∃c ∈ Rn : b = Ac. Ils sont alors dénis par : xe = c + u0 , où u0 ∈ ker(A) (u0 est n'importe quel vecteur propre de A associé à la valeur propre nulle) ;  il n'y a aucun équilibre si b ∈ / image(A).

5.5.2. Conditions de stabilité Théorème 9. Soient A ∈ Mn (R), de spectre σ(A) = {λi ∈ C, i = 1, . . . , r ≤ n : det(λi Id − A) = 0 et λi 6= λj pour i 6= j}, et Eλi (i = 1, . . . , r) les espaces propres généralisés associés aux valeurs propres λi . Soit b constant vériant b ∈ image(A) et xe : Axe + b = 0. 1. Si ∃λi ∈ σ(A) : Re(λi ) > 0, alors limt→+∞ kexp(At)k = +∞ et xe est instable pour (5.42). 2. Si ∃λi ∈ σ(A) : Re(λi ) = 0 et dim Eλi > 1, alors limt→+∞ kexp(At)k = +∞ et xe est instable pour (5.42).

202

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

3. Si Re(λi ) < 0, i = 1, . . . , (r − 1) et Re(λr ) = 0, avec dim Eλr = 1, alors kexp(At)k < +∞ et xe est stable mais non attractif pour (5.42). 4. Si ∀λi ∈ σ(A) : Re(λi ) < 0, alors limt→+∞ kexp(At)k = 0 et xe est exponentiellement (donc asymptotiquement) stable pour (5.42). Remarque 4. Puisqu'il n'y a pas de confusion possible car le ou les équilibres de (5.42) ont tous les mêmes propriétés de stabilité, on parle aussi de la  stabilité du système (5.42) , ou encore,  de la matrice A .

  −1 0 xe = 0 de (5.35) est instable pour A =    0 1 0 1 0 0 (cas 1), instable pour A = (cas 2), stable pour A = (cas 3) 0 0 0 0   −1 1 et exponentiellement stable pour A = (cas 4). Remarquons que, 0 −1 dans les deuxième et troisième cas, A présente deux valeurs propres nulles. La

Exemple 9. L'équilibre

distinction se fait sur la dimension des espaces propres généralisés : un espace Eλ=0 , dim Eλ=0 = 2 dans le deuxième cas, deux espaces Eλi =0 , dim Eλi =0 = 1 dans le troisième. On en déduit la condition suivante nécessaire et susante pour que l'origine soit asymptotiquement stable pour un système linéaire autonome. Corollaire 1. xe est asymptotiquement stable pour (5.42) ⇔ ∀λi ∈ σ(A) : Re(λi ) < 0. Dans ce cas, xe = −A−1 b et la stabilité est également exponentielle. Corollaire 2. Si le polynôme caractéristique de A est de la forme π A (x) = Pn−1 n x + i=0 ai xi , alors une condition nécessaire de stabilité de xe pour (5.42) est que les ai soient tous positifs. Notons qu'une condition nécessaire et susante de stabilité asymptotique est que πA (x) soit de Hurwitz, ou encore que les ai satisfassent le critère de Routh (voir [BDR 93, HAH 67]). D'autres conditions nécessaires et susantes sont disponibles dans le cas linéaire autonome : certaines sont basées sur les équations de Liapounov (théorème 21), d'autres ne concernent que des formes particulières de la matrice A : si A = (aij ) avec aij ≥ 0 pour tout i 6= j, alors A est asymptotiquement stable si et seulement si les mineurs principaux les n dé  de −A (c'est-à-dire terminants emboîtés des matrices (−a11 ) , det sont tous positifs (critère de Kotelianskii).

−a11 −a21

−a12 −a22

, ..., det(−A))

5.5.3. Discrétisation d'une équation d'état linéaire autonome La discrétisation peut intervenir an d'intégrer numériquement une équation diérentielle ou bien an d'obtenir un modèle en vue d'une analyse ou

Equations diérentielles ordinaires

203

d'une synthèse de commande discrète. Pour une équation linéaire autonome (5.35), la solution est (5.36) et la récurrence liant deux états successifs ( distant  d'une période constante T ) est donc : xn+1 = A =

A xn , exp(AT ).

Pour une équation linéaire autonome non-homogène (5.42) dont on suppose que A est non singulière, la solution pour b constant (égal à bn ) entre deux instants d'échantillonnage est (5.40). La récurrence liant deux états successifs ( distants  d'une période constante T ) est donc, dans ce cas : xn+1

=

A xn + B bn ,

A = B =

exp(AT ), (A − Id)A−1 ,

b(nT ). RT P Pour le cas où A est singulière, on a : B = 0 eA(T −θ) dθ = ∞ i=0 bn

=

T i+1 i (i+1)! A .

5.6. Etude de comportements : résultats locaux Dans cette section, on s'intéresse au système non linéaire autonome (5.19), pour lequel on suppose l'existence et l'unicité d'une solution au problème de Cauchy avec I(x0 ) = I = R.

5.6.1. Stabilité structurelle On sait que le réel ne se laisse pas réduire à un modèle mathématique : toute modélisation laisse apparaître des imprécisions. C'est pourquoi il est naturel de rechercher des classes de fonctions p(x) pour lesquelles les solutions de (5.19) et celles de : dx = gp (x, p(x)), x ∈ X , (5.43) dt

se ressemblent. Pour étudier cette propriété, dite de stabilité structurelle, il a été introduit la notion de distance au sens C 1 , permettant de caractériser la proximité de deux champs de vecteurs, ainsi que la notion d'équivalence topologique permettant de caractériser la  ressemblance  des solutions. Cette propriété de stabilité structurelle intéresse l'automaticien car elle caractérise une forme de robustesse. Les dénitions suivantes sont inspirées de [ARN 80] (p. 91-140), [GUC 83] (p.

38-42), [HIR 74] p. 305-318), [REI 82] (p. 93-101).

204

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Distance de Whitney

Dénition 28. Pour deux champs de vecteurs

g1 et g2 de classe C 1 (X ), on dénit la distance au sens C sur S ⊂ X séparant g1 et g2 , par :

    j

∂ g1i (x) ∂ j g2i (x)

: i = 1, ..., n : j = 0, 1 . ρ1S (g1 ; g2 ) = max sup −

∂xj ∂xj x∈S 1

Pour un champ de vecteurs g de classe C 1 (X ), on dénit un ε−voisinage de g au sens C 1 sur S ⊂ X comme étant l'ensemble des champs de vecteurs g 0 de classe C 1 (X ) vériant ρ1S (g 0 ; g) ≤ ε. Équivalence

Dénition 29. La fonction

h établit une correspondance dans S ⊂ X entre les solutions de (5.19) et de (5.43) si : ∀x0 ∈ S , on a h[Φtgp (x0 )] = Φtg [h(x0 )] aux instants t ∈ R pour lesquels Φtgp (x0 ) et Φtg [h(x0 )] sont dans S . Cette relation signie que la fonction h envoie les orbites du système perturbé (5.43) sur celles du système non perturbé (5.19). Dénition 30. Les systèmes (5.19) et (5.43) sont topologiquement (respectivement diérentiablement, linéairement) équivalents dans S s'il existe h continue (respectivement diérentiable, linéaire) d'inverse continue (respectivement diérentiable, linéaire) qui établit une correspondance dans S entre les solutions de (5.19) et celles de (5.43). On sait que : [h linéaire] ⇒ [h diérentiable] ⇒ [h continue],

ainsi la notion d'équivalence topologique est-elle la plus  faible  : [équivalence linéaire] ⇒ [équiv. diérentielle] ⇒ [équiv. topologique].

Stabilité structurelle

Dénition 31. Le système (5.19) est structurellement stable dans S s'il existe un

ε−voisinage de g au sens C 1 sur S ⊂ X , tel que, pour tout champ gp de ce voisinage, les systèmes (5.43) associés à gp et (5.19) sont topologiquement équivalents.

Stabilité structurelle en dimension deux Il existe, comme nous allons le voir, un lien entre la stabilité structurelle et les ensembles non errants.

Equations diérentielles ordinaires

205

Dans le plan, les ensembles non errants qui peuvent exister sont : les points d'équilibre, les orbites fermées, les orbites homocliniques ou hétérocliniques. Par contre, sur le tore (C1 × C1 , C1 étant le cercle unité), cela n'est plus le cas ; il sut de remarquer que pour le système :  dθ dt dψ dt

= a, = b,

(θ, ψ) ∈ C1 × C1 ,

(5.44)

lorsque ab est irrationnel on obtient des orbites non périodiques denses dans le tore : le tore est donc à lui seul un ensemble non-errant. De plus, lorsque ab est rationnel, on obtient des orbites périodiques. Or, tout irrationnel pouvant être approché par un rationnel avec une précision arbitraire, on en conclut que le système (5.44) est structurellement instable pour toutes les valeurs de a et de b. En évitant cette pathologie (voir point 3 du théorème suivant), on obtient une caractérisation des systèmes structurellement stables sur une variété de dimension deux. Théorème 10 (de Peixoto). Soit g un champ de vecteurs de classe C r (X ), où X est une variété de dimension 2. Le système (5.19) est structurellement stable si et seulement si : 1. le nombre d'éléments critiques (points d'équilibre et orbites fermées) est ni et chacun d'eux est de type hyperbolique ; 2. il n'y a pas d'orbite reliant les points-selles12 ; 3. l'ensemble des points non-errants est réduit aux éléments critiques seuls. De plus, si la variété X est orientable, alors l'ensemble des champs de vecteurs de classe C r (X ) structurellement stables est dense dans l'ensemble des champs de vecteurs de classe C r (X ). Ceci signie que tout champ peut être approché, de façon aussi précise que l'on veut (au sens C r (X )), par un champ structurellement stable.

5.6.2. Du modèle linéaire au modèle non linéaire Cette section a pour but d'établir les relations liant les comportements locaux d'une EDO non linéaire autonome (5.19) à ceux de l'EDO linéaire autonome suivante : dx = Ax, dt

x ∈ X,

(5.45)

sous l'hypothèse :   (H)

X = Rn

et

∀x0 condition initiale, (5.19) a une et une seule  solution maximale dénie sur I(x0 ) = I = R.

12 En dimension deux, un point-selle est un point d'équilibre instable dont la jacobienne possède une valeur propre à partie réelle strictement négative et l'autre à partie réelle strictement positive.

206

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Les méthodes d'étude locales sont basées sur un résultat fondamental de stabilité structurelle (voir paragraphe 5.6.2) qui permet de ramener l'étude locale de (5.19) à celle d'un système du type (5.45). Cette étude locale se fait au voisinage d'éléments dits  critiques  : points d'équilibres, orbites fermées. Théorème de stabilité structurelle et conséquences En étudiant (5.45), on partitionne le spectre de A (noté σ(A)) en trois parties :   σs (A) = {λ ∈ σ(A) : Re(λ) < 0}, σ c (A) = {λ ∈ σ(A) : Re(λ) = 0},  σ i (A) = {λ ∈ σ(A) : Re(λ) > 0},

où les indices s, c, i sont les abréviations respectives pour  stable ,  centre  et  instable . Ainsi les vecteurs propres généralisés associés aux trois parties du spectre de A permettent de dénir les sous-espaces propres généralisés, notés Es (A), Ec (A), Ei (A), de dimensions respectives ns , nc , ni avec : ns + nc + ni = n, Es (A) ⊕ Ec (A) ⊕ Ei (A) = Rn .

On peut noter qu'une partition similaire est possible si X est une variété de dimension n, puisqu'alors X est localement diéomorphe à Rn . Lorsque σ c (A) = ∅, A est hyperbolique, conformément à la dénition 9. De même, (5.45) est asymptotiquement stable si et seulement si σ(A) = σ s (A), σc (A) = σi (A) = ∅ ; dans ce cas, A est dite asymptotiquement stable ou hurwitzienne.

Théorème 11 (Première méthode de Liapounov). Soit (5.19), auquel est associé le linéarisé (5.45).

xe un équilibre de

1. σi (A) = σ c (A) = ∅ ⇒ xe est asymptotiquement stable pour (5.19), 2. σi (A) 6= ∅ ⇒ xe est instable pour (5.19). Ainsi, si l'origine est asymptotiquement stable pour le linéarisé, alors elle est localement asymptotiquement stable pour le système non linéaire.

Corollaire 3. Sous l'hypothèse (H) et si A est hyperbolique, alors (5.45) est structurellement stable.

Dans ce cas, on dit aussi que A est structurellement stable et on a : [A est hyperbolique] ⇔ [A est structurellement stable]. Notons que l'hypothèse (H) est fondamentale, comme le montre l'exemple (5.16). Une conséquence immédiate est la suivante ([REI 82] p. 99).

Théorème 12. Sous l'hypothèse (H), si (5.19) possède un point d'équilibre hyperbo-

lique xe , alors il existe un voisinage V(xe ) de xe tel que (5.19) soit structurellement stable dans V(xe ).

Equations diérentielles ordinaires

207

Structure locale des solutions au voisinage d'un point d'équilibre Pour les points d'équilibre hyperboliques, les résultats suivants permettent d'éclaircir le comportement local des solutions de (5.19). Théorème 13 (de Hartman-Grobman, 1964). Si la jacobienne Jg (xe ) = A au point d'équilibre xe n'a pas de valeur propre purement imaginaire ou nulle (σ c (A) = ∅), alors il existe un homéomorphisme h déni dans un voisinage V(xe ) de xe , envoyant localement les orbites du ot linéaire de (5.45) vers celles du ot non linéaire Φtg de (5.19). De plus, h préserve le sens de parcours des orbites et peut être choisi de façon à préserver la paramétrisation du temps. A partir du voisinage V(xe ) où h est déni, on construit les variétés locales stable et instable : Wloc s (xe ) = {x ∈ V(xe ) : lim Φtg (x) = xe et Φtg (x) ∈ V(xe ), ∀t > 0}, t→+∞

Wloc i (xe ) = {x ∈ V(xe ) : lim Φtg (x) = xe et Φtg (x) ∈ V(xe ), ∀t > 0}, t→−∞

à partir desquelles on dénit les variétés stable et instable (relatives à xe ) : Ws (xe ) = ∪t≥0 Φtg (Wloc s (xe )), Wi (xe ) = ∪t≤0 Φtg (Wloc i (xe )).

Ces notions de variétés stable et instable exhibent donc des solutions de (5.19) qui sont respectivement  contractantes  et  dilatantes . Les variétés Ws (xe ), Wi (xe ) sont les images par h des sous-espaces correspondants sur le linéarisé : Ws (xe ) = h[Es (Jg (xe ))], Wi (xe ) = h[Ei (Jg (xe ))]. Théorème 14 (de la variété stable). Si (5.19) a un point d'équilibre hyperbolique xe , alors il existe Ws (xe ) et Wi (xe ) : 1. de dimension ns et ni identiques à celles des espaces Es (Jg (xe )) et Ei (Jg (xe )) du système linéarisé (5.45) (avec A = Jg (xe )), 2. tangentes à Es (Jg (xe )) et à Ei (Jg (xe )) en xe , 3. invariantes par le ot Φtg . De plus, Ws (xe ) et Wi (xe ) sont des variétés aussi régulières que g (de même classe r que g ∈ C r (Rn )). Dans le cas, dit critique, de points non hyperboliques (dégénérés), il a été montré le résultat suivant (voir [GUC 83] p. 127). Théorème 15 (de la variété centre, Kalley 1967). Soit g un champ de vecteurs de classe C r (Rn ), admettant un point d'équilibre dégénéré xe . Soit A = Jg (xe ). Alors, il existe : 1. Ws (xe ) et Wi (xe ) des variétés invariantes dites respectivement stable et instable de classe C r , tangentes à Es (Jg (xe )) et à Ei (Jg (xe )) en xe ; 2. Wc (xe ) une variété centre de classe C (r−1) tangente à Ec (Jg (xe )) en xe . Les variétés Ws (xe ), Wi (xe ) et Wc (xe ) sont toutes invariantes par le ot Φtg et de même dimension que les sous-espaces correspondants du système linéarisé (5.45) (Es (Jg (xe )), Ei (Jg (xe )) et Ec (Jg (xe ))). Les variétés stable Ws (xe ) et instable Wi (xe ) sont uniques, alors que Wc (xe ) ne l'est pas forcément.

208

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Cependant, de façon pratique, il est délicat d'obtenir ces variétés, même de façon numérique : souvent, le seul recours pour la détermination d'une variété centre est de faire un développement en série de Taylor de Wc (xe ) au voisinage du point dégénéré xe : cette méthode est connue depuis longtemps puisque A.M. Liapounov l'a utilisée en 1892 pour étudier les  cas critiques  [LIA 92]. Pour des raisons de simplication, on eectue un changement de coordonnées sur le système initial (5.19) pour se ramener au cas où le point d'équilibre est l'origine. On va regarder ce qui se passe dans le cas le plus intéressant en pratique, c'est-à-dire Wi (0) vide. Le théorème de la variété centre nous dit que le système initial (5.19) est topologiquement équivalent à : 

dxc dt dxs dt

= Ac xc + g1 (x), = As xs + g2 (x),

avec Ac de dimension nc correspondant à Ec (Jg (0)) et qui a donc toutes ses valeurs propres à partie réelle nulle. As est de dimension ns correspondant à Es (Jg (0)), donc asymptotiquement stable. On peut exprimer Wc (0) sous la forme d'une hypersurface : Wc (0) = {(xc , xs ) ∈ Rnc × Rns : xs = k(xc )}.

De plus, on sait que Wc (0) contient 0 (donc k(0) = 0) et, en ce point, est tangent à Ec (Jg (0)) (donc Jk (0) = 0). On a : xs = k(xc ) ⇒

dxs dxc = Jk (xc ) , dt dt

donc : As xs + g2 (xc , k(xc )) = Jk (xc ) (Ac xc + g1 (xc , k(xc ))) , k(0) = 0,

Jk (0) = 0.

(5.46) (5.47)

On étudie la projection du champ de vecteurs de xs = k(xc ) sur Ec (Jg (0)) : dxc = Ac xc + g1 (xc , k(xc )), dt

(5.48)

en tenant compte de (5.46) et de (5.47). Ce qui nous conduit au théorème suivant (voir [GUC 83] p. 131). Théorème 16 (de Henry et Carr, 1981). Si : 1. Wi (0) est vide, 2. l'équilibre xec = 0 de (5.48) est localement asymptotiquement stable (respectivement instable), alors l'équilibre xe de (5.19) est asymptotiquement stable (respectivement instable). La résolution de (5.48) étant en général impossible, le théorème suivant [GUC 83] permet d'étudier la stabilité locale de l'équilibre xec = 0 par approximation de k. Théorème 17 (de Henry et Carr, 1981). S'il existe ψ : Rnc → Rns avec ψ(0) = 0 et Jψ (0) = 0, telle que, lorsque x → 0 : Jψ (xc )[Ac xc + g1 (xc , ψ(xc ))] − As ψ(xc ) − g2 (xc , ψ(xc )) = o(xr ), r > 1,

alors h(xc ) = ψ(xc ) + o(x ), lorsque x → 0. r

(5.49)

Equations diérentielles ordinaires

209

Cette technique permet, dans beaucoup de cas, de conclure sur la stabilité asymptotique d'un équilibre dégénéré. Exemple 10. Soit le système diérentiel (x, y) ∈ R2 : dx = −x2 + xy, dt dy = −y + x2 . dt

On a :

 Jg (x, y) =

−2x + y 2x

(5.50)

x −1

 ,

et le système présente deux points d'équilibre : 

  0 0 , dégénéré, Jg (ze1 ) = , 0 −1     1 −1 1 = , instable, Jg (ze2 ) = . 1 2 −1

ze1 = ze2

0 0



Pour l'origine, les valeurs propres associées à la jacobienne sont 0 et −1 (on a Ac = 0, As = −1). On cherche alors la variété centre associée à ce point d'équilibre par son développement à l'ordre 3 : k(x) = ax2 + bx3 + o(x3 ), puisque k(0) = Jk (0) = 0. Ce développement doit vérier (5.49), donc : [2ax + 3bx2 + o(x2 )][−x2 + (ax3 + bx4 + o(x4 ))] = [(1 − a)x2 − bx3 + o(x3 )],

et, en égalant les termes de même degré, on obtient a = 1, b = 2, soit : k(x) = x2 + 2x3 + o(x3 ). Donc (5.48) devient x˙ = −x2 + x3 + o(x3 ) et le théorème 16 permet de conclure à l'instabilité l'origine. Remarquons que le même résultat peut être obtenu plus intuitivement et sans trop de calcul, en notant que la seconde ligne (en y ) de (5.50) converge beaucoup plus vite (exponentiellement) que la première (en x) : on peut donc considérer qu'après un transitoire, dy = 0 = −y + x2 , soit y = x2 : on dt 2 2 retrouve la variété centre k(x) = x + o(x ). Ceci est justié par le théorème 33. Exemple 11. Soit le système diérentiel : dx = xy, dt dy = −y − x2 , dt

avec (x, y) ∈ R2 . L'origine est le seul point d'équilibre. Les valeurs propres associées à la jacobienne sont 0 et −1. Un développement à l'ordre 3 de k(x) est −x2 + o(x3 ). Le théorème 16 nous permet de conclure que l'origine est asymptotiquement stable (mais non exponentiellement stable). Remarque 5. Il existe une façon rapide de traiter ces deux exemples : au voisinage de l'origine, y converge exponentiellement, donc  inniment plus rapidement  que x ne le ferait. On en déduit que dy s'annule  inniment  plus vite que dx soit, pour dt dt 2 2 l'exemple 10, y = x , qui reporté dans dx = −x + y donne bien l'équation approchée dt dx = −x2 + x3 . De même, l'exemple 11 conduit, quand t → ∞, à avoir y → −x2 , dt 3 dx donc dt = −x .

210

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Structure locale des solutions au voisinage d'une orbite fermée Pour étudier la structure locale d'une orbite fermée, on introduit la notion de section de Poincaré13 qui permet de dénir une application dite de Poincaré. Cette dernière ramène alors l'étude locale d'une orbite fermée, pour un système dynamique continu, à l'étude locale d'un point xe pour un système dynamique discret14 . Cet outil théorique n'est utilisable de façon pratique qu'à l'aide d'algorithmes numériques. Nous allons dénir rapidement ce procédé en nous inspirant des ouvrages [HIR 74] (p. 243, 281-285) et [GUC 83] (p. 23-27). Supposons que le système dynamique (5.19) possède une orbite fermée γ (voir dénition 11) et soit xγ un point de cette orbite. Dénition 32. Sγ est une section locale de Poincaré en xγ de (5.19) si : 1. Sγ est un ouvert d'une sous-variété V de X de dimension (n − 1) contenant xγ , 2. T V(xγ ) l'espace tangent à V en xγ et g(xγ ) ∈ Rn sont en somme directe : Rn = T V(xγ ) ⊕ g(xγ )R.

Figure 5.14. Section de Poincaré Cette dernière condition exprime la transversalité (non tangence) de Sγ et du champ de vecteurs g(x) de (5.19) en xγ . Soit Sγ une section locale de Poincaré en xγ de (5.19) : puisque xγ ∈ γ , on a ΦTg (xγ ) = xγ , en notant Tγ la période de γ . Si on considère un point x0 susamment proche de xγ , il existe un instant T (x0 ) proche de Tγ au bout duquel ΦTg (x0 ) (x0 ) ∈ Sγ . Considérons maintenant V(xγ ) un voisinage 13 Henri Poincaré (1854-1912), mathématicien et physicien français. Entré premier à l'Ecole Polytechnique en 1873, ingénieur au corps des Mines en 1877, il enseigne à la faculté des sciences de Caen puis à la Sorbonne en 1881. 14 Les résultats que nous venons de voir concernant les points d'équilibre pour une EDO (5.19) peuvent être transposés aux points xes pour une équation de récurrence du type

xk+1 = g(xk ).

Equations diérentielles ordinaires

211

de xγ et construisons l'application dite de Poincaré ou du premier retour : P : V(xγ ) ∩ Sγ → Sγ , x0 7→ P (x0 ) = ΦTg (x0 ) (x0 ).

Cette construction est justiée puisque sous certaines conditions (par exemple g de classe C 1 (Rn )) il existe V(xγ ) et une application unique T : V(xγ ) → R, x0 7→ T (x0 ), tels que ∀x0 ∈ V(xγ ) : ΦTg (x0 ) (x0 ) ∈ Sγ et T (xγ ) = Tγ . Notons que P ne dépend ni de xγ , ni de Sγ . P engendre un système dynamique discret et possède un point xe xγ (P (xγ ) = xγ ). Ainsi, cette application ramène l'étude des solutions au voisinage d'une orbite fermée d'un système dynamique continu déni sur une variété X de dimension n, à l'étude des solutions au voisinage d'un point xe d'un système dynamique discret déni sur une variété de dimension n − 1 : xk+1 = P (xk ) = P k (x0). Le comportement local des solutions du système dynamique discret au voisinage du point xe xγ permet de déduire le comportement des solutions du système dynamique continu (5.19) au voisinage de γ . Notons qu'il existe une grande similitude entre l'étude du comportement local des solutions d'un système dynamique discret au voisinage du point xe et celui des solutions du système dynamique continu au voisinage du point d'équilibre. En particulier, pour étudier le système discret xk+1 = Axk , on partitionne σ(A) en trois parties σs (A) = {λ ∈ σ(A) : |λ| < 1}, σ c (A) = {λ ∈ σ(A) : |λ| = 1}, σ i (A) = {λ ∈ σ(A) : |λ| > 1}. On obtient alors des résultats similaires à ceux développés précédemment, permettant d'en déduire la structure locale du ot au voisinage d'une orbite fermée γ . Cependant, l'application P ne peut être obtenue de façon explicite que si les solutions de (5.19) peuvent être explicitées : ceci limite l'intérêt pratique de l'application P qui bien souvent doit être évaluée numériquement.

Exemple 12. En utilisant les coordonnées polaires (x1 = r cos(θ), x2 = r sin(θ)), le modèle (5.15) se met sous la forme : dr = r(1 − r 2 ), dt θ˙ = 1. 0 Les solutions sont r(t) = √r2 (1−er−2t , θ(t) = θ0 + t et une étude directe montre )+e−2t 0 que toute solution initialisée dans le plan privé de l'origine converge vers une solution périodique x1 (t) = cos(t + φ), x2 (t) = sin(t + φ). Au lieu de cette analyse directe, utilisons la section de Poincaré x2 = 0, au voisinage du point (1, 0). On se ramène xk 1 à l'étude de xk+1 = √ k2 qui a pour linéarisé y1k+1 = e−4π y1k . On en 1 (x1 ) (1−e−4π )+e−4π conclut que l'orbite périodique est localement asymptotiquement stable.

212

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

5.7. Stabilité : seconde méthode de Liapounov et résultats globaux Les premiers travaux sur la stabilité ne retenaient des EDO que leur approximation linéaire du premier ordre [Routh 1877, Thomson 1879, Joukovsky 1882]. Il fallut attendre encore quelques années pour que Poincaré et Liapounov justient et étendent les propriétés locales déduites du modèle linéarisé. L'un des résultats principaux est la première méthode de Liapounov (voir théorème 11). Cependant elle ne donne aucun renseignement quantitatif sur le domaine de stabilité asymptotique. Cette lacune fut contournée, avec la seconde méthode de Liapounov (dite aussi méthode directe), par l'introduction des  fonctions de Liapounov . D'une part, ces fonctions sont analogues à des distances entre l'état du système le long de sa trajectoire et l'ensemble d'équilibre étudié (point d'équilibre, trajectoire, etc.). D'autre part, ces fonctions ont une relation directe avec la physique des systèmes, puisque très souvent elles correspondent à l'expression de l'énergie totale qui, si le système est dissipatif, décroît au cours du temps an que le système rejoigne une conguration à énergie minimale (s'il n'y a pas d'apport d'énergie). Par exemple, le pendule pesant dont un modèle est donné par : δ g ¨ θ = − 2 θ˙ − sin(θ), ml l

(5.51)

(l, m, g, δ positifs), présente deux équilibres (voir paragraphes 5.4.1 et 5.4.2). Seule la position basse est stable : elle correspond à une conguration à énergie minimale. En eet, l'énergie totale du système est : ˙ = 1 ml2 θ˙ 2 + mgl(1 − cos(θ)), V (θ, θ) (5.52) 2 ˙ > 0 pour (θ, θ) ˙ 6= (0, 0). Ceci conduit (notons que V (θ = 0, θ˙ = 0) = 0 et que V (θ, θ)

à:

2 dV δ g = ml2 (− 2 θ˙ − sin(θ))θ˙ + mgl sin(θ)θ˙ = −δ θ˙ ≤ 0, dt ml l

(5.53)

ce qui montre que l'énergie du système décroît au cours du temps : le système tend bien à rejoindre une conguration à énergie minimale. Ces fonctions de Liapounov trouvent leur utilité dans le problème de l'estimation du domaine de stabilité asymptotique d'un ensemble A. Ce problème revient à trouver une fonction de Liapounov V (x) s'annulant sur A et dont la dérivée le long des solutions est négative à l'intérieur d'un certain voisinage de A (voir gure 5.15). On peut donc l'aborder de deux façons :  soit on se donne une fonction de Liapounov s'annulant sur A et on cherche dans quel domaine elle décroît,  soit on se donne une expression de la dérivée et on cherche alors la fonction de Liapounov correspondante. La première approche est parfois utilisée conjointement avec le principe d'invariance de J.P. La Salle (voir paragraphe 5.7.5), alors que la seconde correspond plus à l'état d'esprit des méthodes de V.I. Zubov (voir paragraphe 5.7.4). Dans tout les cas, l'idée remarquable est que l'équation du mouvement de l'état x(t) n'a pas à être résolue pour caractériser l'évolution de V (x) : la connaissance du modèle de l'EDO (donc de la vitesse x˙ ) doit sure.

Equations diérentielles ordinaires

213

Figure 5.15. Seconde méthode de Liapounov 5.7.1. Fonctions de comparaison Les résultats de cette section sont tirés de [HAH 63, HAH 67, KHA 96]. α : R+ → R+ est dite de classe K (ou K−fonction) si elle est continue, strictement croissante et si α(0) = 0 ; de classe K∞ (ou K∞ −fonction) si c'est une K−fonction et si limr→∞ α(r) = ∞. Une fonction β : R+ × R+ → R+ , (t, r) 7→ β(t, r) est dite de classe KL (ou KL−fonction) si β(., r) est une K−fonction, si β(t, .) est strictement décroissante et si limt→∞ β(t, r) = 0. ar Exemple 13. Pour a, b, c strictement positifs, r 7→ 1+br et r 7→ arctan(r) sont des a ar b K−fonctions ; r 7→ arcsinh(r) et r 7→ r sont des K∞ −fonctions ; r 7→ (ctr+1) et −at r 7→ e br sont des KL−fonctions. Lemme 2. [KHA 96] Soient α1 , α2 des K−fonctions, α3 , α4 des K∞ −fonctions et β une KL−fonction. On a les propriétés de composition :

Dénition 33. Une fonction

1. 2. 3. 4.

α−1 1 , α1 ◦ α2 sont des K−fonctions ; α−1 3 , α3 ◦ α4 sont des K∞ −fonctions ; α1 (β(., α2 (.))) est une KL−fonction ; Pour β une KL−fonction donnée, il existe α5 et α6 deux K∞ −fonctions telles que β(t, r) ≤ α5 (exp(−t)α6 (r)), ∀(t, r) ∈ R+ × R+ .

Ces fonctions permettent de comparer les solutions d'une inégalité diérentielle scalaire (voir paragraphe 5.3.4), en particulier comme suit. Lemme 3. Soit l'inégalité diérentielle : x˙ ≤ −α(x),

x ∈ R+ ,

(5.54)

avec α une K∞ −fonction localement lipschitzienne. Alors, la solution z(t) = z(t, z0 ) de z˙ = −α(z), z ∈ R+ , z(0) = z0 ∈ R+ est unique. Dès lors que x0 ≤ z0 , z(t, z0 ) est une KL−fonction majorant toute solution de (5.54), x(0) = x0 ∈ R+ , soit : x0 ≤ z0 ⇒ x(t, x0 ) ≤ z(t, z0 ), ∀t.

214

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

5.7.2. Fonctions de Liapounov Dénition 34. Soit O un ouvert de Rn et A ⊂ O. Une fonction continue V

:O⊂ Rn 7→ R+ sera dite dénie positive par rapport à A si : V (O) ⊂ R+ et V (x) = 0 ⇔ x ∈ A. Elle est dénie positive dans le cas A = {0}.15

V : O ⊂ Rn 7→ R+ est dite fonction de Liapounov pour A si elle est continue, si elle est dénie positive par rapport à un A et si elle possède une dérivée classique ou au

sens de Dini.16

Une fonction de Liapounov est dite propre si l'image réciproque d'un compact est un compact. Lemme 4. Soit C un compact. Si V : C ⊂ Rn → R est de classe C 0 , alors Vα,β = {x ∈ C : α ≤ V (x) ≤ β} est compact. Démonstration : Vα,β est l'image réciproque d'un fermé par une fonction continue ; c'est donc un fermé inclus dans un borné. Dénition 35. Une fonction de Liapounov est dite radialement non bornée (ou non bornée en rayon) si limkxk→+∞ V (x) = +∞. Par exemple, pour le pendule pesant (5.51), la fonction dénie par (5.52) est une fonction de Liapounov radialement non bornée pour l'origine. Lemme 5. Une fonction de Liapounov radialement non bornée est propre. Il est concevable d'en conclure que, si V décroît le long des trajectoires, alors V rejoindra un minimum correspondant à ce que l'état rejoigne A : c'est ce que traduisent les résultats de la partie suivante.

5.7.3. Théorèmes associés à la seconde méthode de Liapounov Théorème 18. Soit l'EDO (5.19) et

O un ouvert de Rn contenant l'origine. S'il existe V : O → R+ de classe C telle que V (x) = 0 ⇔ x = 0 et dV = Lg V (x) = dt (5.19) 1

g(x) soit dénie négative sur O, alors, l'origine est asymptotiquement stable pour (5.19). Si O = Rn , alors l'origine de (5.19) est globalement asymptotiquement stable. Démonstration : soit o ⊂ O un ouvert de l'origine et C un compact tel que o ⊂ C ⊂ O. Alors, C ∩ (O\o) est compact et, V étant continue, elle y atteint un minimum εmin : Vεmin ⊂ o, Vε = {x ∈ O : V (x) ≤ ε}. De plus, dV (x(t)) ≤ 0, donc si x0 ∈ Vε , alors dt φtf (x0 ) ∈ Vε . L'origine est donc stable. Sur Vεmin ⊂ O compact, V (t) est décroissante, minorée par 0, donc elle admet une limite l ≤ εmin , lorsque t → ∞. Si l > 0 et pour un ∂V ∂x

15 Lorsque {0} $ A, V est aussi dite semi-dénie positive. Ces dénitions sont compatibles avec celle d'une matrice carrée dénie positive (page 335), c'est-à-dire dont les valeurs propres λi sont réelles strictement positives, ou semi-dénie positive lorsque λi ≥ 0. 16 Certains auteurs nomment fonction candidate une telle fonction, celle-ci ne devenant une fonction de Liapounov que lorsque des conditions permettant de conclure à la stabilité de l'ensemble A  conditions (5.55), (5.56) par exemple  sont vériées. La dénition adoptée ici est également classique et conduit à des énoncés plus simples.

Equations diérentielles ordinaires

215

quelconque ε, εmin ≥ ε > 0, Vε+l est compact et donc, V˙ étant continue, elle admet sur Vε+l un maximum noté −m. Soit x0 ∈ Vε+l , φtf (x0 ) ∈ Vε+l , il vient : Z

lim V (φtf (x0 )) = l = V (x0 ) +

t→∞

∞ 0

V˙ (t)dt ≤ V (x0 ) − m lim (t) < 0. t→∞

Cette contradiction prouve que l = 0, d'où la stabilité asymptotique. Exemple 14. Considérons le système : dx = dt



x21 + x22 − 1 −1

x21

1 + x22 − 1



x,

t ∈ R,

x ∈ R2 .

En prenant V (x) = 12 (x21 + x22 ), on obtient V˙ = (x21 + x22 − 1)(x21 + x22 ). On en conclut que l'origine est localement asymptotiquement stable. Théorème 19. Soient l'EDO (5.19), E un voisinage de A et V une fonction de Liapounov pour A continûment diérentiable. On introduit les conditions suivantes : (C1) (C2)

dV ∂V g(x) ≤ 0, ∀x ∈ E, = Lg V (x) = dt (5.19) ∂x ∂V g(x) = 0 ⇔ x ∈ A. ∂x

(5.55) (5.56)

1. Si (C1) est vraie pour un voisinage E de A, alors A est localement stable. 2. Si V est radialement non bornée et si (C1) est vraie pour E = X l'espace d'état, alors A est globalement stable. 3. Si (C1) et (C2) sont vraies dans un voisinage E de A, alors A est localement asymptotiquement stable et une estimation de son domaine de stabilité asymptotique est le plus grand Vc = {x ∈ X : V (x) < c} inclus dans E . 4. Si V est radialement non bornée et si (C1) et (C2) sont vraies pour E = X l'espace d'état, alors A est globalement asymptotiquement stable. Exemple 15. Si l'on considère (5.15) et A = {x ∈ R2 : (x21 + x22 ) ≤ 1} (le disque unité), alors en prenant V (x) = x21 + x22 − 1 pour x ∈ R2 \A et V (x) = 0 pour x ∈ A, on obtient V˙ = (1 − x21 + x22 )(x21 + x22 ) si x ∈ R2 \A et V˙ = 0 si x ∈ A. On en conclut que A est globalement asymptotiquement stable. D'après le paragraphe 5.7.1, on peut reformuler ce résultat à l'aide de fonctions de comparaison, comme suit. Théorème 20. Soient l'EDO (5.19), E un voisinage de A, V une fonction continûment diérentiable et α1 , α2 , α3 trois fonctions telles que, ∀x ∈ E : α1 (ρ(x, A)) ≤ V (x) ≤ α2 (ρ(x, A)), dV = Lg V (x) ≤ −α3 (ρ(x, A)), dt (5.19)

avec ρ(x, A) = inf (kx − yk). y∈A

1. Si, sur un voisinage E de A, α1 , α2 sont des K−fonctions et α3 : R+ 7→ R+ est continue, strictement croissante, alors A est localement stable.

216

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

2. Si α1 est une K∞ −fonction, α2 une K−fonction et α3 : R+ 7→ R+ est continue et strictement croissante sur E = X (l'espace d'état), alors A est globalement stable. 3. Si, sur un voisinage E de A, α1 , α2 et α3 sont des K−fonctions, alors A est localement asymptotiquement stable. Une estimation de son domaine de stabilité asymptotique est donnée par le plus grand Vc = {x ∈ X : V (x) < c} inclus dans E . 4. Si, sur E = X (l'espace d'état), α1 est une K∞ −fonction, α2 et α3 sont des K−fonctions, alors A est globalement asymptotiquement stable. 5. S'il existe c > 0 et ki > 0 (i ∈ {1, 2, 3}) tels que αi (r) = ki rc , alors l'origine est localement exponentiellement stable. Une estimation de son domaine de stabilité exponentielle est le plus grand Vc = {x ∈ X : V (x) < c} inclus dans E . Si de plus E = X , alors l'origine est globalement exponentiellement stable. Démonstration (pour le seul point 1) : il existe un voisinage de A sur lequel V est continûment diérentiable, à valeur dans R+ , V (x) = 0 ⇔ x ∈ A et tel que dV ≤ −α3 (α−1 2 (V (x)) ≤ 0 (lemme 2). Le théorème 19 permet de conclure. Les dt (5.19) autres points se démontrent de façon similaire. Pour un système linéaire (5.45), on en déduit le résultat suivant. Théorème 21. L'origine est globalement asymptotiquement stable pour x˙ = Ax ∈ Rn si et seulement s'il existe P une matrice symétrique dénie positive, solution de l'équation de Liapounov : P A + AT P = −Q, (5.57) où Q est une matrice symétrique dénie positive quelconque. Dans ce cas, V = xT P x est une fonction de Liapounov radialement non bornée pour laquelle les conditions (C1) et (C2) sont vraies pour E = Rn l'espace d'état et A = {0} (l'origine). Théorème 22. Soit le système non linéaire (5.19) tel que g(0) = 0, sa jacobienne étant notée A = Jg (0). S'il existe une matrice symétrique dénie positive P solution de (5.57) pour une matrice Q symétrique dénie positive donnée, alors l'origine de (5.19) est localement asymptotiquement stable. g(x) = Démonstration : soit V = xT P x. Puisque g(x) = Ax+o(kxk), on en déduit ∂V ∂x −xT Qx + o(kxk2 ). Pour ε < λmin (Q) donné, on peut trouver une boule de centre 0 telle que o(kxk2 ) ≤ ε kxk2 . Sur cette boule, ∂V g(x) ≤ (ε − λmin (Q)) kxk2 ≤ 0. Le ∂x théorème 18 permet alors de conclure. En ce qui concerne les systèmes non linéaires non autonomes régis par (5.11), on a le résultat suivant (à comparer avec le théorème 20). Théorème 23. Supposons que l'origine soit un équilibre de (5.11). Soient O un ouvert de Rn contenant l'origine, V : [t0 , ∞[×O → R+ de classe C 1 et W1 , W2 , W3 trois fonctions continues telles que pour tout (t, x) ∈ [t0 , ∞[×O : W1 (x) ≤ V (t, x) ≤ W2 (x), dV ∂V ∂V f (t, x) + ≤ −W3 (x). = dt ∂x ∂t (5.19)

Equations diérentielles ordinaires

217

1. Si, sur un voisinage E de A, W1 , W2 sont dénies positives et W3 est positive, alors A est localement stable. 2. Si, sur E = X (l'espace d'état), W1 est une fonction dénie positive radialement non bornée, W2 est dénie positive et W3 est positive, alors A est globalement stable. 3. Si, sur un voisinage E de A, W1 , W2 et W3 sont des fonctions dénies positives, alors A est localement asymptotiquement stable. Si de plus il existe c > 0 et ki > 0 (i ∈ {1, 2, 3}) tels que : W1 (x) ≥ k1 kxkc , W2 (x) ≤ k2 kxkc , W3 (x) ≥ k3 kxkc ,

(5.58)

alors l'origine est localement exponentiellement stable. Une estimation de son domaine de stabilité exponentielle est le plus grand Vc = {x ∈ X : V (x) < c} inclus dans E . 4. Si, sur E = X (l'espace d'état), W1 est une fonction dénie positive radialement non bornée, W2 et W3 sont des fonctions dénies positives, alors A est globalement asymptotiquement stable. Si de plus il existe c > 0 et ki > 0 vériant (5.58), alors l'origine est globalement exponentiellement stable.

5.7.4. Théorèmes de Zubov et Gruji¢ Dans les années soixante, les travaux de V.I. Zubov [ZUB 61] (voir [HAH 63, HAH 67]) mirent en évidence des conditions nécessaires et susantes pour qu'un certain domaine D soit le domaine de stabilité asymptotique (DSA) d'un point d'équilibre de (5.19). Dans un premier temps on rappellera succinctement ces résultats puis ceux de L.T. Gruji¢, enn on les comparera. Bien entendu, ces résultats peuvent s'étendre à l'évaluation du domaine de stabilité asymptotique d'un ensemble A compact. Théorème 24 (de Zubov, 1957). Soit l'EDO (5.19), admettant l'origine x = 0 pour équilibre. Pour qu'un domaine D inclus dans X (l'espace d'état) et contenant un voisinage de l'origine soit son domaine de stabilité asymptotique Dsa (0), il faut et il sut qu'il existe deux fonctions Ψ(x) et V (x) vériant les propriétés suivantes : 1. Ψ est continue et dénie positive sur X , V est continue et dénie positive sur D, limkxk→0 V (x) = 0, limkxk→0 Ψ(x) = 0 et : dV = Lg V (x) = −Ψ(x)(1 − V (x)), dt

(5.59)

2. si y ∈ ∂D et y 6= 0, ou si kyk → +∞, alors : limx→y V (x) = 1. Il est important de noter que si l'on pose W (x) = − ln(1 − V (x)), alors (5.59) devient : dW (5.60) = Lg W (x) = −Ψ(x), dt

et, dans ce cas, la frontière du DSA Dsa (0) est déterminée par la famille de courbes dénies par W (x) = +∞. Cette méthode peut aussi permettre de déterminer un

218

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

ensemble asymptotiquement stable et le DSA associé (voir l'exemple 16 qui suit et [ZUB 61] p. 49). Il est à noter que l'on peut aussi utiliser ces résultats pour déterminer les ensembles invariants de systèmes dynamiques plus généraux (voir [HAH 63] p. 7578, [ZUB 61]).On peut, pour des cas simples et un choix astucieux de Ψ(x), déterminer de façon exacte le DSA d'un point d'équilibre (voir l'exemple 17). Exemple 16. Pour le système (5.15), on choisit Ψ(x) = 2(x21 + x22 ). On peut alors montrer, par une forme adaptée du théorème 24, que le cercle unité C1 est un attracteur globalement asymptotiquement stable. Exemple 17. ([HAH 63] p. 79) Soit le système déni par : dx = dt



−1 + 2x1 x2 0

0 −1



x. 2

Pour Ψ(x) = 2(x21 + x22 ), (5.60) peut être résolue et on trouve : W (x) = x22 + (1−xx11 x2 ) . Ainsi la frontière du DSA de l'origine est déterminée par la famille de courbes dénies par W (x) = +∞, soit x1 x2 = 1. Les dicultés majeures de cette méthode résident, d'une part, dans la résolution de l'équation aux dérivées partielles (5.59) et, d'autre part, dans le choix de Ψ(x). La première est souvent irrémédiable. La seconde peut être contournée par des résultats de Gruji¢ [GRU 91a, GRU 91b], donnant des conditions nécessaires et susantes pour qu'un domaine D soit le DSA de l'origine (Dsa (0)). La démonstration de ce résultat met en évidence une construction originale et directe, sous forme d'algorithme, d'une fonction candidate à Liapounov. Pour cela on introduit la famille P(r, g) de toutes les fonctions Ψ(x) : Rn 7→ R vériant les propriétés suivantes : P1 : Ψ(x) est diérentiable et dénie positive sur BF r = {x ∈ Rn : |x| ≤ r}. P2 : il existe m(r, g) > 0 garantissant une solution W (x) de l'équation aux dérivées partielles (5.61)-(5.62) dénie sur BF m(r,g) = {x ∈ Rn : |x| ≤ m(r, g)}, avec (5.61) prise le long des trajectoires de (5.19) : dW (x) = Lg W (x) = −Ψ(x), dt W (0) = 0.

(5.61) (5.62)

Théorème 25 (de Gruji¢, 1990). Pour qu'un domaine D soit le DSA de l'origine (Dsa (0)) relativement à (5.19) avec X = Rn , il faut et il sut que :

1. D soit un voisinage connexe ouvert de l'origine ; 2. g(x) = 0 pour x ∈ D si et seulement si x = 0 ; 3. pour un r > 0 arbitraire tel que BF r ⊂ D et pour une fonction arbitraire Ψloc ∈ P(r, g), les équations (5.61) (5.62) avec (5.61) déterminée le long des trajectoires du système (5.19) et Ψ dénie comme : (

Ψ(x) =

Ψloc (x),  si x ∈ BF r , r x |x| , si x ∈ (Rn − Br ),

|x| Ψloc r

admettent une unique solution W (x) vériant les propriétés suivantes :

Equations diérentielles ordinaires

219

P3 : W (x) est dénie positive sur D et diérentiable sur (D − Fr(Br )), P4 : si Fr(D) 6= ∅ alors : limx→Fr(D) W (x) = +∞. x∈D

Remarque 6. La grande diérence avec les résultats précédents est que, dans la

méthode de Zubov, si une fonction Ψ(x) ne donne pas de résultat, on doit en essayer une autre. Par contre, avec le théorème 25, si une fonction Ψloc ne convient pas, aucune autre ne conviendra. Ceci est vrai d'un point de vue mathématique, par contre la résolution de (5.61)-(5.62) sera peut être facilitée, d'un point de vue calculatoire, par un choix particulier de Ψloc . Le problème théorique de la stabilité est donc ramené au traitement mathématique de (5.61)-(5.62), indépendamment du choix de Ψloc .

5.7.5. Principe d'invariance La Salle Pour un pendule pesant amorti (5.51), nous avons vu (paragraphe 5.7) que la fonction (5.52) avait pour dérivée (5.53), permettant seulement de conclure que l'origine est globalement stable (théorème 19). Cependant, nous savons que la position basse est aussi attractive : le pendule tend à rejoindre cette position sous l'eet d'une dissipation d'énergie par frottement. Pour le prouver mathématiquement, il nous faut soit une nouvelle fonction de Liapounov, soit un résultat plus précis que le théorème 19 : c'est le principe d'invariance de La Salle qui nous permettra (sans changer de fonction de Liapounov) d'aboutir au résultat. Avant de donner ce résultat, examinons ˙ T, de plus près l'exemple du pendule pesant amorti. En posant x = (x1 , x2 )T = (θ, θ) (5.51) devient :  x˙ 1 = x2 , x˙ 2 = − mlδ 2 x2 −

g l

sin(x1 ),

et (5.52) donne dV = −δx22 . Or, nous savons que V décroît sauf lorsque x2 reste dt identiquement nulle (car V˙ ≡ 0). Mais, dans ce cas, x˙ 2 (t) reste identiquement nulle, ce qui implique que sin(x1 ) aussi. Ainsi V (t) ne peut rejoindre sa valeur de repos (lorsque V˙ ≡ 0) que si le pendule est au repos en position basse x = 0 (si l'on démarre d'une position dans l'ensemble C = {x : V (x) ≤ 2mgl} qui est positivement invariant et qui contient le segment {x2 = 0, |x1 | < π}). Ce raisonnement, qui consiste à ne retenir, parmi les états annulant V˙ , que ceux qui sont invariants, est formalisé dans le théorème suivant. Théorème 26 (Principe d'invariance de La Salle). Soit l'EDO (5.19), C ⊂ Rn un ensemble compact positivement invariant et V : C ⊂ Rn → R (non nécessairement dénie positive) de classe C 1 telle que ∀x ∈ C : V˙ (x) ≤ 0 (négative mais non nécessairement dénie). Alors toute solution initialisée dans C converge asymptotiquement vers I le plus grand ensemble invariant inclus dans {x ∈ Ω : V˙ (x) = 0}. Démonstration : soit x0 ∈ C. Il faut montrer que Ωg (x0 ) ⊂ I (I ⊂ {x ∈ C : V˙ (x) = 0} ⊂ C). C étant invariant, Ωg (x0 ) ⊂ C (car ∀t : Φtg (x) ∈ C). V˙ (x) ≤ 0 sur C donc V décroissante minorée (V étant continue et C compact elle admet un maximum et un minimum voir [RIC 01] chapitre 1) donc convergente vers une limite l : limt→∞ V (Φtg (x0 )) = l, d'où ∀x ∈ Ωg (x0 ) : V (x) = l, donc V (Φtg (x)) = i (x )) = l. On a ainsi V ˙ = 0, d'où Ωg (x0 ) ⊂ {x ∈ C : V˙ (x) = 0}. Cet limti →∞ V (Φt+t 0 g

220

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

ensemble est invariant (lemme 1), donc Ωg (x0 ) ⊂ I. Pour nir, Φtg (x0 ) étant bornée, Φtg (x0 ) converge vers Ωg (x0 ) ⊂ I (lemme 1). Corollaire 4. Si, dans (5.19), g est analytique, alors I = {0} ⇔ {Lkg V (x) = 0, k ∈ N} = {0} (I étant déni dans le théorème 26).

5.7.6. Théorèmes réciproques Nous venons de donner des conditions susantes de stabilité (asymptotique ou non, globale ou locale) : il reste à savoir s'il existe des conditions nécessaires. Les théorèmes réciproques suivants donnent des réponses partielles. Théorème 27. [KHA 96] Soit l'EDO (5.11), avec f de classe C 1 et de jacobienne bornée uniformement en t sur un compact contenant l'origine. Si l'origine est un point d'équilibre localement (respectivement globalement) exponentiellement stable, alors il existe un ouvert O de Rn contenant l'origine (respectivement O = Rn ), une fonction V : [t0 , ∞[×O → R+ de classe C 1 et quatre constantes wi > 0 (i ∈ {1, ..., 4}) telles que pour tout (t, x) ∈ [t0 , ∞[×O : w1 kxk2 ≤ V (t, x) ≤ w2 kxk2 , ∂V ∂V dV f (t, x) + ≤ −w3 kxk2 , = dt (5.19) ∂x ∂t

∂V

∂x ≤ w4 kxk .

De même, il existe αi quatre K−fonctions telles que pour tout (t, x) ∈ [t0 , ∞[×O : α1 (kxk) ≤ V (t, x) ≤ α2 (kxk) , dV ∂V ∂V f (t, x) + ≤ −α3 (kxk) , = dt (5.19) ∂x ∂t

∂V

∂x ≤ α4 (kxk) .

Si f est autonome (c'est-à-dire si l'on considère une EDO du type (5.19)), alors V peut être choisie indépendante du temps (V = V (x)). Théorème 28. [HAH 63, HAH 67] Soit l'EDO (5.11), avec f de classe C 1 . Si l'origine est un point d'équilibre uniformément asymptotiquement stable, alors il existe un ouvert O de Rn contenant l'origine et une fonction V : [t0 , ∞[×O → R+ de classe C 1 , dénie positive, convergeant uniformément en t vers zéro avec la norme de x et telle que sa dérivée soit dénie négative. Si f est autonome (c'est-à-dire si l'on considère une EDO du type (5.19)), alors V peut être choisie indépendante du temps (V = V (x)). Pour clore cette partie sur les théorèmes réciproques, on notera que les résultats des théorèmes 24 et 25 donnent des conditions nécessaires et susantes.

Equations diérentielles ordinaires

221

5.7.7. Théorèmes d'instabilité Il existe de nombreux résultats donant des conditions susantes d'instabilité [HAH 63, HAH 67]. Théorème 29 (de Liapounov). Soit l'EDO (5.11), admettant l'origine pour équilibre. S'il existe un ouvert O de Rn contenant l'origine et une fonction V : [t0 , ∞[×O → R, (t, x) 7→ V (t, x), continue et convergeant uniformément en t vers zéro avec la norme de x et s'il existe un domaine non vide D contenant l'origine et sur lequel on a V (t, x) < 0 et V˙ (t, x) ≤ 0, alors l'origine est instable. Exemple 18. Reprenons le modèle de Van der Pol (5.31) : l'équilibre x = 0 est instable pour µ > 0. En eet, en prenant V (x) = − 21 (x21 + x22 ), on obtient V˙ = −2x22 (µ − x22 ) et le théorème 29 permet de conclure. Corollaire 5 (de Liapounov). Soit l'EDO (5.19), admettant l'origine pour équilibre. S'il existe une fonction V continue dont la dérivée est dénie négative et si V (x) est dénie négative ou indénie en signe, alors l'origine est instable. Exemple 19. Reprenons (5.1) : l'équilibre x = 0 est instable. En eet, en prenant V (x) = −x2 , on obtient V˙ = −2ax2 (xmax − x) < 0 si x 6= 0. Le corollaire 5 permet de conclure. Un résultat plus général est dû à N.G. Chetaev. Théorème 30 (de Chetaev). Soit l'EDO (5.11), admettant l'origine pour équilibre. S'il existe un ouvert O de Rn contenant l'origine et une fonction V : [t0 , ∞[×O → R, (t, x) 7→ V (t, x) de classe C 1 telle que : 1. ∀ε > 0, ∃x ∈ Bε (0) : V (t, x) ≤ 0, ∀t ≥ t0 (on note U l'ensemble des points x pour lesquels V (t, x) ≤ 0, ∀t ≥ t0 ), 2. V (t, x) est minorée sur U 0 un sous-domaine de U, 3. sur U 0 ,

dV (t,x) dt



dV (t,x) dt

(5.11)

(5.11)

< 0 (en particulier, il existe une K−fonction α telle que

≤ −α(|V (t, x)|) < 0),

alors l'origine est instable. Exemple 20. Soit l'EDO : x˙ = x3 + y 3 , y˙ = xy 2 + y 3 .

L'origine est un point d'équilbre instable. En eet, prenons V (x, y) = 12 (x2 − y 2 ) et le domaine U déni par U = {(x, y) ∈ R2 : −y ≤ x ≤ y ou y ≤ x ≤ −y} (V (x) ≤ 0). 2 En dénissant U 0 = U ∩ Bε (0), V est minorée par − ε2 et V˙ = (x4 − y 4 ) < 0 sur U 0 . Le théorème 30 permet de conclure à l'instabilité de 0. Notons enn qu'en ce point, la jacobienne est nulle, ainsi les théorèmes 14 et 15 ne nous permettent pas de conclure. Remarque 7. Ces résultats peuvent être facilement adaptés à la stabilité d'un ensemble A. Enn, on peut énoncer ces résultats de façon duale en remplaçant  dénie négative  par  dénie positive  et réciproquement.

222

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

5.7.8. Extensions vectorielles Plus le système est complexe et de grande dimension et plus la construction de fonctions de Liapounov devient  délicate . Il est alors d'usage :  R1) d'accepter de perdre un peu d'information pour se ramener à un problème connexe plus simple (c'est sur ce principe qu'est basé la première méthode de Liapounov, dite du linéarisé local) ;  R2) de décomposer le problème pour en comprendre plus facilement les parties constituantes, puis le recomposer (préceptes de Descartes). Pour analyser un modèle de grande dimension, on peut ainsi tenter de le décomposer en plusieurs sous-systèmes de complexité et de dimension moindres. Les procédés R1 et R2 sont illustrés respectivement par les exemples 21 et 22.

Exemple 21. Soit le modèle : dx = 2x(−2 + sin(t) + x), dt

t ∈ R,

x ∈ R.

(5.63)

En introduisant la variable z = sign(x)x, on obtient17 : dz = 2z(−2 + sin(t) + x), si x 6= 0, dt dz ≤ 2z(−1 + z), dt z0 , 0 ≤ z(t) ≤ z0 + (1 − z0 ) exp(2(t − t0 ))

(5.64) (5.65) (5.66)

et il est alors évident que l'équilibre x = 0 de (5.63) est exponentiellement stable. Une estimation de Dse (0) est ] − ∞, 1[. Par ailleurs, (5.66) reste valable pour x = 0. Dans cet exemple 21, nous avons utilisé de façon implicite la notion de système majorant (SM) : en eet, les solutions de (5.65) sont majorées par celles de l'EDO : dy = 2y(−1+y) (pour des conditions initiales identiques). De tels systèmes majorants dt présentent les propriétés suivantes :  leurs solutions permettent d'obtenir une estimation des comportements du système initial ;  ils peuvent inférer une propriété qualitative P pour le système initial et, dans ce cas, le SM sera dit système de comparaison (SC) pour la propriété P : c'est = 2y(−1 + y) est un SC pour la propriété P de le cas dans l'exemple 21 où dy dt stabilité exponentielle pour le système (5.65) ;  ils peuvent ne plus dépendre du temps ni d'éventuelles perturbations aectant le système initial, ce qui permet de simplier l'étude de leurs solutions ;  ils peuvent être de dimension réduite par rapport à celle du système initial (voir exemple 22). 17 Etant donné que la dérivée de la fonction signe au point x = 0 n'est pas dénie au sens classique, nous exclurons ce cas pour la suite (x 6= 0). En fait, en utilisant une notion plus générale du gradient ou de la dérivée (voir [CLA 83, RIC 01]), nous pourrions obtenir directement un résultat similaire à celui qui suit.

Equations diérentielles ordinaires

223

An de formuler les concepts de SM et de SC, considérons les systèmes : x˙ = f (t, x),

x ∈ Rn ,

z˙ = g(t, z),

z ∈ Rn ,

(5.67) (5.68)

nous avons alors les dénitions suivantes. Dénition 36. On dira que (5.68) est un système majorant (SM) de (5.67) sur O ⊂ Rn si : ∀(x01 , x02 ) ∈ O2

:

I = I(5.67) (t0 , x01 ) ∩ I(5.68) (t0 , x02 ) 6= {t0 },

x02 ≥ x01 =⇒ z(t; t0 , x02 ) ≥ x(t; t0 , x01 ), ∀t ∈ I.

De ce concept, nous pouvons déduire certaines propriétés qualitatives pour les solutions positives. Par exemple si z(t; t0 , x02 ) ≥ x(t; t0 , x01 ) ≥ 0 et si les solutions z(t; t0 , x02 ) (pas forcément uniques) convergent vers l'origine, alors il en est de même pour les solutions x(t; t0 , x01 ). Dénition 37. (5.68) est un système de comparaison (SC) de (5.67) pour la propriété P si [P vraie pour (5.68) ⇒ P vraie pour (5.67)]. Exemple 22. Pour le système : dx = dt



−2 + sin t + 14 (x21 + x22 ) sin t

− sin t −2 + sin t + 14 (x21 + x22 )



la variable v = 14 (x21 + x22 ), est solution de : dv = 2v(−2 + sin t + v), dt

x, t ∈ R, x ∈ R2 ,

(5.69)

t ∈ R, v ∈ R+ .

Ainsi, à l'aide de l'exemple 21, nous pouvons conclure que l'origine de (5.69) est exponentiellement stable et qu'une estimation de son domaine de stabilité exponentielle est {x ∈ R2 : (x21 + x22 ) < 4}. L'analyse de l'exemple 22 nous permet de constater que l'utilisation de la fonction de Liapounov v permet de réduire la dimension de l'EDO étudiée, tout en conduisant à des conclusions signicatives quant aux comportements des solutions de l'EDO initiale. Cette réduction de dimension entraîne une perte d'information sur les comportements liés au système initial. Il semble donc intéressant de réduire cette perte en utilisant non pas une seule fonction candidate à Liapounov, mais plusieurs fonctions regroupées dans un vecteur qui conduira à une fonction vectorielle de Liapounov (FVL), en espérant que chacune d'elle apportera des informations provenant de différentes parties du système initial. Dénition 38. V est une fonction vectorielle de Liapounov (FVL) si : V : R n → Rk , x 7→ V (x) = [v1 (x), . . . , vk (x)]T ,

où les fonctions vi (x) sont continues, semi-dénies positives et telles que [V (x) = 0 ⇔ x = 0].

224

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Exemple 23.

V : R3 → R2+ , x 7→ V (x) = [x21 + x22 , (x2 − x3 )2 + x23 ]T est une FVL, alors que V : x 7→ [(x1 + x2 )2 , (x2 − x3 )2 ]T n'en est pas une.

Les normes vectorielles [BEL 62, BOR 76, GRU 77, PER 94, PER 95a, BRD 02] constituent un cas particulier de FVL, présentant l'avantage de permettre une construction systématique du système majorant. En particulier, en décomposant Rn en une somme directe : Rn =

k M

(5.70)

Ei ,

i=1

avec Ei sous-espace de Rn , dim(Ei ) = ni (isomorphe à Rni ), on construit des normes  au sens usuel  pi (x[i] ) sur Ei avec x[i] = Pri (x) la projection de x sur Ei . Ces diérentes normes, regroupées dans un vecteur, permettent de dénir une norme vectorielle régulière18 : P : Rn → Rk+ , x 7→ P (x) = [p1 (x[i] ), . . . , pk (x[k] )]T .

Ainsi, en décomposant (de façon non unique) le champ de vecteurs f suivant : f (t, x, d) = A(t, x, d)x + b(t, x, d),

avec d un vecteur traduisant des incertitudes de modèle ou des perturbations, on obtient : D+ P (x) ≤ M (.)P (x) + q(.), (5.71) avec (.) = (t, x, d), M (.) = {mij (.)} une matrice (k × k) et q(.) = [q1 (.), . . . , qk (.)]T un k-vecteur, dénis par : (

grad pi (u[i] )T Pri A(.) Prj u[j] pj (u[j] ) u∈Rn qi (.) = (grad pi (x[i] ))T Pri b(.) .

mij (.) = sup

)

,

(5.72) (5.73)

Pour certaines normes de Hölder, les expressions formelles de (5.72) et (5.73) peuvent aisément être obtenues [BOR 76, GRU 77, PER 94, PER 95a]. Par exemple, si P (x) = [|x1 | , . . . , |xn |]T , alors M est la matrice A dont les éléments hors-diagonaux sont remplacés par leur valeur absolue (soit mij (.) = |aij | si i 6= j et mii (.) = aii ) et q = [|b1 | , . . . , |bn |]T . La fonction M (.)z + q(.)19 est quasi monotone non décroissante en z . De plus, on peut toujours trouver g(z) = M (z)z + q(z) ≥ M (.)z + q(.), qui soit quasi monotone non décroissante en z (au moins localement). Ainsi, le théorème 6 permet de conclure que : z˙ = M (z)z + q(z), (5.74) est un SM de (5.71). Ce qui conduit à divers résultats [PER 94, PER 95a], en particulier le suivant. Si la somme dans (5.70) n'est pas directe, alors P est une norme vectorielle non régulière. Ainsi que M z +q, avec la matrice M (respectivement le vecteur q ) constituée des suprema sur (t, x, d) des coecients de la matrice M (.) dénie par (5.72) (respectivement du vecteur q(.) déni par (5.73)). 18 19

Equations diérentielles ordinaires

225

Théorème 31. Considérons une des propriétés

P dénies aux paragraphes 5.4.2, 5.4.2, 5.4.2, par exemple : stabilité, attractivité, stabilité asymptotique, etc. Sous les hypothèses conduisant à la construction de (5.74), pour lequel ze est un point d'équilibre positif de propriété P et ayant un domaine non vide associé DP (ze ), alors A = {x ∈ Rn : P (x) ≤ ze } a la propriété P , de domaine DP (A) = {x ∈ Rn : P (x) ∈ DP (ze )}. Exemple 24. Soit le modèle :   x˙ 1 = (1 − x21 − x22 )x1 + d12 (t)x2 , x˙ 2 = (1 − x21 − x22 )x2 + d21 (t)x1 ,  |dij (t)| ≤ 1, ∀t ∈ R,

(5.75)

où les fonctions dij sont continues par morceaux. Pour la norme vectorielle régulière P (x) = [|x1 | , |x2 |]T , on obtient :   1 (1 − p21 (x) − p22 (x)) Dt P (x) ≤ P (x), 1 (1 − p21 (x) − p22 (x)) auquel on associe le SM suivant : z(t) ˙ = g(z) =



1 − z12 1

1 1 − z22

 z(t),

(g est  quasi  pour point d'équilibre  positif  monotone non décroissante) ayant  : ze = √ 2

1 1

, permettant de conclure que A =

x ∈ Rn : P (x) ≤



2

1 1

est glo-

balement asymptotiquement stable. Enn, notons que cette démarche peut être étendue au cas de matrices de fonctions de Liapounov [DJO 86].

5.8. Théories des perturbations et de moyennisation 5.8.1. Introduction Il s'agit ici de simplier l'étude qualitative des solutions d'une EDO (équation diérentielle ordinaire) du type : x˙ = f (t, x, ε),

x(t0 ) = a(ε),

x ∈ Rn

(5.76)

où ε est un petit paramètre. Il est de prime abord naturel de comparer les solutions de (5.76) à celles de : x˙ = f0 (t, x) = f (t, x, ε = 0),

x(t0 ) = a(0).

(5.77)

Nous avons vu quelques éléments de réponse au paragraphe 5.6.1 concernant la stabilité structurelle. Sous des hypothèses de régularité de la fonction f (en particulier, f au moins C 1 en ε) nous verrons comment comparer les solutions de ces deux EDO

226

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

sur un horizon temporel ni ou inni (paragraphe 5.8.2  perturbations régulières . Ceci peut se faire à l'aide d'un développement en série des solutions. Si la série ne converge pas uniformément, on parle de perturbations singulières (un cas particulier étant lorsque ∂f est singulière en zéro). Nous verrons (paragraphe 5.8.3) qu'elles ∂ε peuvent traduire une inuence faible d'une dynamique stable mais très rapide vis-à-vis d'une autre dynamique. Enn, une dernière classe de simplication concerne la moyennisation (paragraphe 5.8.4) : c'est-à-dire l'étude d'une dynamique moyenne résultant d'un comportement superposé à un autre de type oscillatoire. Le lecteur pourra consulter les ouvrages de base [KOK 86, OMA 74], ainsi que les chapitres 8 et 9 de [KHA 96] et le chapitre 4 de [GUC 83]. Rapellons qu'une fonction g : R → Rn est dominée par h : R → Rn au kgk voisinage d'un point b si, dans un voisinage de ce point, khk est borné. En particulier k la notation g(ε) = O(ε ), k ∈ N signie que les composantes du vecteur g(ε) sont dominées au voisinage de zéro par εk : donc qu'il existe une constante positive M > 0 telle que maxi∈{1,...,n} (|gi (ε)|) < M |ε|k sur un voisinage de zéro.

5.8.2. Perturbations régulières Nous avons vu que, sous certaines conditions, on pouvait comparer les solutions de (5.76) et de (5.77) sur un intervalle de temps petit (théorème 4 concernant la dépendance des conditions initiales) ou plus large (théorème 10 concernant la stabilité structurelle). Dans ce paragraphe, on se pose les même questions pour des approximations d'ordre plus élevé à savoir : sous quelles conditions les solutions du système perturbé (5.76) et celles de son approximation sont-elles proches, de quelle façon peut-on caractériser cette proximité des solutions et sur quel intervalle de temps cette comparaison est-elle valide ? Pour ce faire, on écrit un développement en série de f (t, x, ε) en la variable ε, de x(t; t0 , a(ε), ε) , x(t, ε) (la solution de (5.76)) et de a(ε) : f (t, x, ε)

=

i=k X

εi fi,x (t, x) + ε(k+1) Rf (t, x),

i=0

x(t, ε)

=

i=k X

εi xi (t) + ε(k+1) Rx (t, x)),

a(ε) =

i=0

i=k X

εi ai + ε(k+1) Ra (t, x).

i=0

On doit donc avoir, pour les conditions initiales : a0 = a(0) = x0 (0),

ai =

∂ i a = xi (0), ∂εi ε=0

et, pour la dynamique : x(t, ˙ ε)

=

i=k X

εi x˙ i (t) + ε(k+1) R˙ x (t, x)) = f (t, x(t, ε), ε)

i=0

=

i=k X i=0

εi fi (t, x0 (t), x1 (t), . . . , xi (t)) + ε(k+1) R(t).

Equations diérentielles ordinaires

227

En égalant les coecients des puissances de ε, on déduit x˙ i (t) = A(t)xi + fei−1 (t, x0 (t), x1 (t), . . . , xi−1 (t)), A(t) = ∂f . Ainsi, on doit résoudre le sys∂x (t,x0 (t),0) tème d'équations (pour i ∈ {1, . . . , k}) : x˙ 0

=

f (t, x0 , 0), x0 (0) = a(0),

.. . x˙ i

=

(5.78)

A(t)xi + fei−1 (t, x0 (t), x1 (t), . . . , xi−1 (t)), xi (0) = ai .

Les solutions exacte et approchée sont alors distantes d'un O(εk ) comme précisé dans le théorème suivant (voir chapitre 8 [KHA 96] et [KOK 86, OMA 74]). Théorème 32. Considérons (5.76), (5.78). Si les conditions suivantes sont vériées : 1. f est de classe C k+2 par rapport à (x, ε), pour tout (t, x, ε) ∈ [t0 , t1 ] × D × [−ε0 , ε0 ],

2. a(ε) est de classe C k+1 par rapport à ε, pour tout ε ∈ [−ε0 , ε0 ], 3. (5.76) admet une solution unique dénie sur [t0 , t1 ], alors, il existe ε∗ > 0 tel que, pour tout ε ∈ [−ε∗ , ε∗ ], (5.76) ait une solution unique dénie sur [t0 , t1 ] et vériant : x(t, ε) −

i=k X

εi xi (t) = O(εk+1 ).

(5.79)

i=0

Si de plus, dans les points 1 et 3, t1 = ∞, si f ainsi que ses dérivées partielles jusqu'à l'ordre k + 2 sont bornées sur [t0 , ∞[×D × [−ε0 , ε0 ] et si xeq ∈ D est un point d'équilibre exponentiellement stable, alors il existe ε∗ > 0 et δ > 0 tels que pour tout ε ∈ [−ε∗ , ε∗ ] et tout ka(ε) − xeq k < δ, (5.76) ait une solution unique dénie sur [t0 , ∞[, uniformément bornée et vériant : x(t, ε) −

i=k X

εi xi (t) = O(εk+1 ),

(5.80)

i=0

et ce uniformément en t pour tout t > t0. Exemple 25. On considère le système : dx = ωy, dt

dy = −ωx + εy 2 , dt

(5.81)

x ∈ R, y ∈ R, ω = cte et ε ∈ R petit. Les hypothèses du théorème sont vériées pour tout k. Nous allons l'appliquer pour k = 1. Sur l'intervalle t = [0, 1], calculons une approximation à l'ordre 1 (i = 0) : dx0 = ωy0 , dt

dy0 = −ωx0 , dt

(5.82)

avec x0 (0) = 1, y0 (0) = 0. On trouve x0 (t) = cos(ωt), y0 (t) = − sin(ωt). Puis, pour i = 1, on a : dx1 = ωy1 , dt

dy1 = −ωx1 + y02 = −ωx1 + sin2 (ωt), dt

(5.83)

228

Mathématiques pour les systèmes dynamiques 2

avec x1 (0) = 0, y1 (0) = 0. On trouve x1 (t) = 13 cos ωt−2ω cos ωt+1 , y1 (t) = 2 . On en déduit que x(t, ε) = cos(ωt) + ε3 cos ωt−2ω cos ωt+1 + O(ε2 ), − 23 (sin ωt) cos ωt−1 ω 2 2ε cos ωt−1 + O(ε ), ce que l'on peut vérier sur la gure y(t, ε) = − sin(ωt) − 3 (sin ωt) ω 5.16 pour ω = 2, ω = 0.1.

Figure 5.16.

ω = 2, ω = 0.1

Les courbes se superposent et on note que : max t∈[0,1]

max

t∈[0,1]

x(t, ε) −

i=1 X

! i

ε xi (t)

i=0

y(t, ε) −

i=1 X

=

1.27 × 10−3 ,

=

2.5 × 10−3 .

! i

ε yi (t)

i=0

5.8.3. Perturbations singulières Avant de formuler le problème, commençons par l'exemple d'un moteur à courant continu (à ux constant), sans couple de charge, modélisé par : e(t)

=

Γm (t)

=

Γm (t)

=

di(t) + ef cem (t), dt dωm (t) , bm ω m (t) + Jm dt Ki i(t), ef cem = Kb ω m (t), Ri(t) + L

avec e et i la tension et le courant d'induit, R la résistance (10 Ω) et L l'inductance de l'induit (0, 001 H), ωm la vitesse de rotation, Jm l'inertie (0, 01 kg m2), bm le coecient de frottement visqueux (0, 0001 kg m2 s−1 ), ef cem la force contre-éléctromagnétique, Γm le couple moteur, Ki = Kb les constantes respectivement de couple et de vitesse,

Equations diérentielles ordinaires

229

1 Nm A−1 . S'il n'y a pas de charge : di(t) dt dωm (t) Jm dt L

=

−Ri(t) − Kb ω m (t) + e(t),

=

−bm ω m (t) + Ki i(t).

(5.84)

Si l'inductance L est faible (ce qui est le cas en général), le courant converge rapide1 = 0, c'est-à-dire i(t) = − KRb ω m (t) + R e(t). Ainsi, en ment vers la solution de L di(t) dt reportant i dans la deuxième équation, la dynamique mécanique (plus lente que la dynamique électrique) devient : Jm

  Ki Kb Ki dωm (t) = − bm + ω m (t) + e(t). dt R R

(5.85)

Pour les valeurs numérique données, on peut noter que la constante de temps électrique LRi = 10−4 est négligeable devant la constante de temps mécanique bm i Kb + K = 0, 11. Il est facile de vérier que la réponse à un échelon contant Jm Jm R de la vitesse est en eet extrêmement proche de celle obtenue pour le modèle (5.85) qui est communément retenu pour modéliser un moteur à courant continu de ce type. En se replaçant dans un contexte plus général, nous venons de voir que le comportement résultant est assez proche de la dynamique lente pour laquelle la variable rapide, associée à la dynamique rapide, est remplacée par sa valeur  d'équilibre  : c'est ce phénomène que nous allons développer ici. On s'intéresse ici à un cas particulier de (5.76) appellé modèle standard de perturbations singulières : x˙

=

fl (t, x, z, ε),

x ∈ Rn ,

εz˙

=

fr (t, x, z, ε),

z ∈ Rm ,

(5.86) (5.87)

où les champs de vecteurs fl ( dynamique lente ) et fr ( dynamique rapide ) sont supposés au moins de classe C 1 par rapport à tous leurs arguments. Notons que si la dynamique rapide est exponentiellement stable (donc converge rapidement vers 0), le système se ramène à une équation diérentielle algébrique (EDA), la seconde équation dégénérant en une contrainte algébrique : (5.88)

fr (t, x, z, 0) = 0.

Dans ce cas d'une EDO d'ordre (n + m), on passe alors à une EDO d'ordre n avec une contrainte algébrique d'ordre m. S'il existe un quadruplet (ts , xs , zs , 0) tel que (5.88) soit satisfaite, alors, d'après le théorème de la fonction implicite (fr est de classe C 1 ), on peut au voisinage de ce quadruplet expliciter (5.88) : (5.89)

z = h(t, x).

Par la suite, on supposera qu'il existe un nombre ni de racines de (5.88) : on dira alors que (5.86) (5.87) est sous forme standard. En faisant le même raisonnement que pour le moteur, à condition que la dynamique rapide soit exponentiellement stable, la dynamique lente résultante est : x˙ = fl (t, x, h(t, x), 0),

x ∈ Rn .

(5.90)

230

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

En ce qui concerne la dynamique rapide (5.87), intuitivement tout se passe comme si les variables lentes étaient gées, c'est-à-dire que pendant un intervalle de temps court, on est amené à étudier le système  autonome  (on a posé t = t0 + ετ , y = z − h(t, x)) dit modèle de la couche limite : dy = fr (t, x, y + h(t, x), 0), dτ

y ∈ Rm ,

(5.91)

avec (t, x) des paramètre xes. Le théorème suivant [KHA 96, KOK 86, OMA 74] précise les comportements relatifs de (5.86), (5.87) et (5.90). Théorème 33 (de Tikhonov, des perturbations singulières). Considérons (5.86), (5.87) auxquelles on associe les conditions initiales : x(t0 ) = x0 (ε),

z(t0 ) = z0 (ε).

(5.92)

Supposons que dans un voisinage compact de (ts , xs , zs , 0) (une racine isolée de (5.88)), [t0 , t1 ] × Brx × Brz × [0, ε0 ], les conditions suivantes soient vériées : 1. fl , fr , h(t, x) et ∂fr (t,x,z,0) sont de classe C 1 par rapport à leurs arguments ∂z respectifs, 2. x0 et z0 sont de classe C 1 par rapport à ε, 3. le système réduit (5.90) a une solution unique sur le compact, notée x(t), 4. 0 est uniformément exponentiellement stable pour (5.91) sur le compact. Alors, il existe deux constantes positives ε∗ et δ telles que pour toute condition initiale (x0 (ε), z0 (ε)) : kz0 (0) − h(t0 , x0 (0))k < δ et 0 < ε < ε∗ , le problème de Cauchy (5.86) (5.87) (5.92) admet une unique solution (x(t, ε), z(t, ε)) dénie sur [t0 , t1 ] telle que : x(t, ε) − x(t)

=

O(ε),

z(t, ε) − h(t, x(t)) − y(τ)

=

O(ε),

(5.93) (5.94)

sont vériées uniformément en t ∈ [t0 , t1 ], y(τ ) étant la solution du modèle de la couche limite (5.91). De plus, il existe t00 > t0 et 0 < ε∗∗ < ε∗ tels que : z(t, ε) − h(t, x(t)) = O(ε),

(5.95)

est vériée uniformément en t ∈ [t00 , t1 ] et ce pour tout 0 < ε < ε∗∗ .

5.8.4. Moyennisation Ici on s'intéresse à des systèmes perturbés pouvant être modélisés par : x˙ = εf (t, x, ε),

(5.96)

avec ε un petit paramètre et f un champ de vecteur T −périodique (voir dénition 5 au paragraphe 5.3.2). Du fait de cette périodicité, on peut calculer le champ moyen (lorsque ε est nul) : Z fmoy =

1 T

T

f (v, x, 0)dv, 0

Equations diérentielles ordinaires

231

et se demander sous quelles conditions les solutions du système non autonome (5.96) et celles du système autonome : y˙ = εfmoy (y),

(5.97)

sont proches. Considérons le changement de variable suivant : Z

t

x(t) = y(t) + ε 0

 f (v, y, 0)dv − tfmoy (y) .

Un calcul direct permet de montrer que : 

Z

t

Id + ε 0

 ∂f (v, y, 0) ∂fmoy (y) dv − tε y˙ = εfmoy (y) + εp(t, y, ε), ∂y ∂y

où le terme p(t, y, ε) est une perturbation T − périodique qui est en O(ε). Pour ε petit, la matrice prémultipliant y˙ est non singulière, ce qui conduit à : y˙ = εfmoy (y) + ε2 q(t, y, ε),

où le terme q(t, y, ε) est une perturbation T −périodique. Ce changement permet d'en déduire le résultat suivant. Théorème 34. Supposons que, pour tout (t, x, ε) ∈ [t0 , ∞[×D × [0, ε0 ], le champ de vecteurs de (5.96) soit C 2 par rapport à (x, ε), C 0 en la variable t, borné et T −périodique en la variable t. Notons x(t; t0 , x0 , ε) et xmoy (t; t0 , x0 , ε) les solutions respectives de (5.96) et de (5.97). 1. Si xmoy (t; t0 , x02 , ε) ∈ D, ∀t ∈ [t0 , t0 + εb ] et kx10 − x20 k = O(ε), alors : b kx(t; t0 , x01 , ε) − xmoy (t; t0 , x02 , ε)k = O(ε), ∀t ∈ [t0 , t0 + ]. ε

2. Si xeq ∈ D est un point d'équilibre exponentiellement stable pour (5.97), alors il existe δ > 0 tel que si kxeq − x20 k < δ et kx10 − x20 k = O(ε), alors kx(t; t0 , x01 , ε) − xmoy (t; t0 , x02 , ε)k = O(ε), ∀t ∈ [t0 , ∞[.

3. Si xeq ∈ D est un point d'équilibre hyperbolique (en particulier, exponentiellement stable) pour (5.97), alors il existe ε∗ > 0 tel que, ∀ε ∈]0, ε∗ [, (5.96) admet une unique orbite T −périodique hyperbolique de même stabilité que xeq et située dans un O(ε)−voisinage de xeq .

Exemple 26. Soit le modèle :

x˙ = ε sin(t)x. (5.98) R 2π sin(v)dv = 0. En restreignant x ∈ [−1, 1], le 0

Le champ moyen est fmoy (x) = théorème précédent nous permet de conclure : toute solution de (5.98) démarrant de x(0) = x0 ∈ ]−1, 1[ est x(t) h = x0 +O(ε), ∀t > i0. En eet, (5.98) s'intègre directement,  la solution étant x (t) = e−ε cos(t) + 1 − e−ε x0 = x0 + (1 − cos t) εx0 + O ε2 . La gure 5.17 illustre les solutions partant de x0 = 0, 5 pour deux valeurs de ε. x 2π

232

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Figure 5.17. Solution de (5.98) pour ε = 0, 1 (trait plein) et ε = 0, 01 (pointillé) Exemple 27. Soit le modèle :  x˙ = ε 20 sin2 (t)x − cos2 (t)x3 . R

3

(5.99)

R

π π Le champ moyen est fmoy (x) = 20x sin2 (v)dv − xπ 0 cos2 (v)dv = 10x − 12 x3 , π 0 √ pour lequel √ on a les équilibres x = 0 (instable), x = 2 5 (exponentiellement stable), x = −2 5 (exponentiellement stable). Le théorème 34 permet de conclure que, pour √ε susament petit, il y aura une orbite T −périodique stable au voisinage de x = 2 5. Pour ε = 0.01, les simulations de (5.99) et du système moyen associé donnent la gure 5.18.

Figure 5.18. Solutions de (5.99) et du système moyen associé (pour x0 = 3)

Equations diérentielles ordinaires

233

Exemple 28. Une application de cette méthode est l'étude d'oscillateur du second ordre faiblement non linéaire :

y¨ + ω 2 y = εg(y, y), ˙

qui en posant r sin θ = y, ωr cos θ = y˙ devient : r˙

=

θ˙

=

Ainsi, en posant f (θ, r, ε) =

ε g(r sin θ, ωr cos θ) cos θ, ω ε g(r sin θ, ωr cos θ) sin θ. ω− rω g(r sin θ,ωr cos θ) cos θ , ω2 − ε g(r sin θ,ωr cos θ) sin θ r

on a :

dr = εf (θ, r, ε). dθ

Si |g| < k min(y, y), ˙ alors θ˙ est minorée pour ε susament petit, donc f est bornée 2π−périodique. Si elle est susament dérivable (par exemple, g de classe C 2 ), alors on peut appliquer le théorème 34. Par exemple, pour l'oscillateur de Van der Pol (5.31), on trouve : g(y, y) ˙

=

dr dθ

=

dr dθ

=

y(1 ˙ − y 2 ), r cos2 θ(1 − r2 sin2 θ) , εf (θ, r, ε) ; f (θ, r, ε) = 1 − ε sin θ cos θ(1 − r 2 sin2 θ)   1 1 εfmoy (r) = ε r − r3 . 2 8

Le système moyen possède trois points d'équilibre : r = 0 (instable), r = 2 (exponentiellement stable), r = −2 (pas de signication). En utilisant le théorème 34, on déduit que, pour ε susament petit, l'oscillateur de Van der Pol possède un cycle limite stable proche de r = 2. Enn, on peut montrer que cette orbite est T −périodique de période T = 2π + O(ε).

5.9. Bifurcation et chaos Les modèles non linéaires peuvent présenter des changements radicaux de comportement lorsqu'un paramètre change : c'est un phénomène de bifurcation. Par exemple, le déplacement d'un ressort de raideur k attaché à une masse m et à un bâti excité par x + µx˙ + kx = 0, µ√= (δ − α), avec δ le coecient un retour en αx˙ est modélisé par m¨ (4mk−µ2 ) de frottement. Les modes, pour µ petit, sont λ = −µ±i 2m . Evidement, si µ est positif (respectivement négatif), alors l'équilibre est instable (respectivement stable) alors que, pour µ0 = 0, un mode oscillatoire apparaît. Clairement, µ0 est une valeur de bifurcation. Sur des exemples d'équations de récurrence simples20 , on peut vérier qu'une innité de telles bifurcations peut conduire à un comportement imprévisible car très 20

Par exemple du premier ordre xn+1 = µxn (1 − xn ) (voir [BER 84, GUC 83]).

234

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

sensible aux conditions initiales : c'est un phénomène de chaos. Ce même type de phénomène se manifeste pour les EDO non linéaires autonomes, mais seulement pour des dynamiques d'ordre intrinsèque supérieur ou égal à trois.

5.9.1. Dépendance d'un paramètre On suppose que k paramètres, regroupés dans un vecteur µ ∈ Rk , interviennent dans l'EDO : dx = g(x, µ), x ∈ Rn , µ ∈ Rk . (5.100) dt

Lorsque le champ de vecteurs g est de classe C 1 sur un ouvert de Rn+k , outre  l'existence, la continuité et l'unicité des solutions , on peut noter (voir théorème 4) que pour un triplet (t0 , x0 , µ0 ) donné, il existe deux voisinages ouverts de x0 et de µ0 notés respectivement V(x0 ) et V(µ0 ), tels que pour tout couple  (x01 , µ01 ) de V(x0 ) × V(µ0 ), le problème de Cauchy : dx = g(x, µ ), x(t ) = x ait une et une 0 01 01 dt seule solution maximale φ(t; t0 , x01 , µ01 ) de classe C 1 par rapport à t, x01 et µ01 . D'autre part, en vertu du théorème 7 (puisqu'il y a bien unicité des solutions), les points d'équilibres de (5.100) sont donnés par les solutions de : g(x, µ) = 0,

x ∈ R n , µ ∈ Rk .

Ainsi, lorsque le paramètre vectoriel µ varie, le théorème de la fonction implicite montre que ces équilibres xe (µ) sont des fonctions de µ de même classe que g, à condition qu'il existe un point d'équilibre (xe , µe ) et qu'en ce point la jacobienne ∂g ∂g Jg (xe , µe ) = ∂x (xe , µe ) soit non singulière : det( ∂x (xe , µe )) 6= 0. Sous ces conditions, il existe un voisinage ouvert de µe , noté V(µe ), et une application h : V(µe ) ⊂ Rk → Rn , µ 7→ h(µ) de même classe que g, tels que : g(h(µ), µ) = 0,

∀µ ∈ V(µe ).

Dénition 39. Le graphe de la fonction h constitue les branches d'équilibres. Exemple 29. Soit le système : dx = µ3 − x3 , x ∈ R, µ ∈ R. La branche d'équilibres dt

est la droite x = µ. Notons que, pour tout équilibre (x, µ) 6= (0, 0), la jacobienne de g est non singulière : dans cet exemple, l'application h est l'identité ou son opposée selon le signe de xe µe . Exemple 30. Pour le système dx = µ − x2 , x ∈ R, µ ∈ R, les branches d'équilibres dt √ correspondent au graphe de la parabole x = ± µ, µ ≥ 0, représenté gure 5.19. ∂g Lorsque ∂x (xe , µe ) est non singulière, les points d'équilibre (dans un voisinage de (xe , µe )) sont hyperboliques : le théorème 14 nous donne la structure locale des solutions au voisinage de ces points (système structurellement stable). Par contre, ∂g dans le cas où ∂x (xe , µe ) est singulière, on est en présence d'un point dégénéré (non hyperbolique), ce qui se traduit par la présence possible d'un changement de comportement (bifurcation). On peut noter qu'alors, ce point peut être la jonction de ∂g plusieurs branches d'équilibres (voir exemple 29). La condition  ∂x (xe , µe ) est singulière  traduit une bifurcation locale.

Equations diérentielles ordinaires

Figure 5.19. Branches d'équilibres du système

dx dt

235

= µ − x2

Dénition 40. Une valeur de bifurcation est une valeur du paramètre vectoriel

µ

intervenant dans (5.100) pour laquelle (5.100) n'est pas structurellement stable. De façon générale, on distingue deux types de bifurcations :

1. les bifurcations locales : les changements qualitatifs du portrait de phase se font au voisinage d'un élément critique ; 2. les bifurcations globales : les changements s'opèrent sur une région de l'espace, par exemple lorsqu'il y a création d'attracteurs étranges, ou lorsqu'une orbite homoclinique se transforme en orbite périodique ou point d'équilibre. Exemple 31. µ0 = 0 est une valeur de bifurcation pour le système de l'exemple 30, mais pas pour celui de l'exemple 29 car l'équilibre x = µ est toujours asymptotiquement stable quelle que soit la valeur du paramètre µ. Dénition 41. Le graphe, dans l'espace (x, µ), de l'évolution des ensembles invariants (points d'équilibres, orbites fermés, etc.) en fonction du paramètre µ constitue un diagramme de bifurcation. Le terme  évolution  est pris ici au sens qualitatif, c'est-à-dire qu'il peut s'agir de création ou de changement qualitatif (par exemple : stable → instable). Par la suite, on adoptera la convention suivante : les éléments stables seront représentés en traits pleins et ceux instables, en traits discontinus. Exemple 32. Reprenons le système de Van der Pol (voir équation (5.3)). L'origine est un point d'équilibre et la jacobienne en ce point vaut : 

Jg (0) =

0 −1

1 2µ



. p

Ainsi, pour µ proche de zéro, les valeurs propres sont µ ± i 1 − µ2 . Ce qui signie que µ0 = 0 est une valeur de bifurcation pour laquelle l'origine, tout en restant un point d'équilibre, change qualitativement de  asymptotiquement stable  (µ < 0) à  instable  (µ > 0). Nous verrons par la suite qu'il s'agit d'une bifurcation de Hopf qui, lorsque µ devient positif, donne naissance à des cycles limites asymptotiquement stables entourant l'origine. Le diagramme de bifurcation est donné sur la gure 5.20.

236

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Figure 5.20. Bifurcation de Hopf pour (5.3) 5.9.2. Bifurcation locale de codimension

1

A l'heure actuelle, il est impossible de faire une classication exhaustive des phénomènes de bifurcations locales ou globales. En eet une complexité d'étude apparaît avec l'augmentation : - de la dimension eective de (5.100) : n, - du nombre de paramètres qui interviennent dans (5.100) : k. Cependant, un grand nombre de phénomènes peuvent être étudiés à l'aide de bifurcations  élémentaires  que l'on retrouve régulièrement. En particulier, pour les points d'équilibre, lorsque les paramètres varient, les valeurs propres de la jacobienne peuvent traverser l'axe imaginaire : il y a bifurcation. Parmi ces paramètres, un nombre minimal peut être utilisé pour reproduire ce type de bifurcation : c'est la codimension de la bifurcation. Pour une bifurcation decodimension 1, Jg (0) est    semblable soit à



0 0

0 X



, soit à 

0 ω

−ω 0 0

0  , avec X et Y de tailles Y

respectives (n−1)×(n−1) et (n−2)×(n−2). Génériquement, toute bifurcation (locale au voisinage d'équilibre) de codimension 1 peut se ramener à l'une des bifurcations suivantes21 . Sous-critique ou selle-n÷ud Cette bifurcation est modélisée par : dx = µ − x2 , dt

x ∈ R, µ ∈ R.

(5.101)

21 On pourra pour cela utiliser le théorème de la variété centre (théorème 15) : voir [GUC 83] pour plus de détails.

Equations diérentielles ordinaires √

Les points d'équilibres sont xe1 = − µ et xe2 = √ √ respectives 2 µ et −2 µ.



237

µ pour µ ≥ 0, de jacobiennes

Figure 5.21. Bifurcation selle-n÷ud de (5.101) µ0 = 0 est une valeur de bifurcation, avec création de deux points d'équilibres :  xe1 n'existe pas  (µ < 0) →  existe et est instable  (µ > 0) et  xe2 n'existe pas  (µ < 0) →  existe et est asymptotiquement stable  (µ > 0). Lorsque µ = µ0 = 0, x0 = −x2 , qui admet pour solutions x(t) = 1+(t−t , ce qui montre (5.101) devient dx dt 0 )x0 que, lorsque x0 est positif, x(t) converge vers zéro et que, dans le cas contraire, il existe un temps ni (t0 − x10 ) pour lequel il y a  explosion  (x(t) = ∞).

Le diagramme de bifurcation est représenté sur la gure 5.21. On peut noter que les points d'équilibre ne sont pas de vrais points  selles  (ou  col ) et  n÷ud , puisqu'il faudrait être en dimension 2. Pour cela, il sut d'adjoindre à (5.101) l'équation dy = −y, y ∈ R, ce qui donne le diagramme de bifurcation de la gure 5.22. dt Cette bifurcation prend bien son appellation  selle-n÷ud .

Figure 5.22. Bifurcation selle-n÷ud : (5.101) avec y˙ = −y

238

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Transcritique Cette bifurcation est modélisée par : dx = µx − x2 , dt

x ∈ R, µ ∈ R.

(5.102)

Figure 5.23. Bifurcation transcritique de (5.102) Les points d'équilibres sont xe1 = 0 et xe2 = µ, de jacobiennes respectives µ et −µ. µ0 = 0 est une valeur de bifurcation. Il y a échange de stabilité entre les deux points d'équilibres :  xe1 asymptotiquement stable  (µ < 0) →  instable  (µ > 0) et  xe2 instable  (µ < 0) →  asymptotiquement stable  (µ > 0). Lorsque µ = µ0 = 0, (5.102) devient dx = −x2 (voir ci-dessus pour les conclusions). Le dt diagramme de bifurcation est donné gure 5.23. Super-critique On distingue les bifurcations de type fourche et de type Hopf. La bifurcation fourche est modélisée par : dx = µx − x3 , dt

x ∈ R, µ ∈ R.

(5.103)

Une étude rapide montre que µ0 = 0 est une valeur de bifurcation, pour laquelle il y a création de deux points d'équilibre asymptotiquement stables et perte de stabilité pour l'origine :  xe1 = 0 asymptotiquement stable  (µ < 0) →  instable  (µ > 0) ; √  xe2 = − µ n'existe pas  (µ < 0) →  existe et est asymptotiquement stable  √ (µ > 0) et  xe3 = µ n'existe pas  (µ < 0) →  existe et est asymptotiquement stable  (µ > 0). Lorsque µ0 = 0, (5.103) devient dx = −x3 , qui admet pour solution dt

Equations diérentielles ordinaires

239

, ce qui montre que x(t) converge vers zéro (l'origine est asymptotiquement stable, non exponentiellement). Le diagramme de bifurcation est donné gure 5.24.

x(t) = √

x0

1+2(t−t0 )x2 0

Figure 5.24. Bifurcation fourche de (5.103) La bifurcation de Hopf correspond à la présence de deux valeurs propres complexes conjuguées ; elle est modélisée par : dx = −ωy + x(µ − (x2 + y 2 )), dt dy = +ωx + y(µ − (x2 + y 2 )), dt

x ∈ R, µ ∈ R, y ∈ R, ω = cste.

Cette équation, en coordonnées polaires, devient dr = r(µ − r 2 ), dθ = ω . Ces deux dt dt équations sont découplées, la première correspondant à une bifurcation fourche (valable seulement pour r positif). On en déduit que µ0 = 0 est une valeur de bifurcation et qu'il y a création d'une orbite fermée asymptotiquement stable et perte de stabilité pour l'origine lorsque µ devient positif. Origine :  asymptotiquement stable  (µ < 0) √ →  instable  (µ > 0). Orbite (r = µ) :  n'existe pas  (µ < 0) →  existe et est asymptotiquement stable  (µ > 0). Le diagramme de bifurcation de Hopf a été donné précédemment (gure 5.20). Il ne faut pas se er aux apparences : la présence d'un paramètre dans une EDO ne signie pas l'existence systématique d'une bifurcation. Par exemple, l'EDO dx = dt µ − x3 , x ∈ R, µ ∈ R n'a qu'un équilibre qui est asymptotiquement stable pour toute valeur de µ : il n'y a pas de bifurcation.

5.9.3. Chaos Un phénomène chaotique (comportement aléatoire en apparence) peut être obtenu à partir de plusieurs phénomènes de bifurcation : doublement de période

240

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

[BER 84, GUC 83, PEI 92], bifurcation sur le tore (innité de bifurcations de Hopf), intermittence (phénomènes périodiques alternant avec des phénomènes apériodiques), etc. La présence d'attracteurs étranges est un indicateur du chaos : en eet, cela implique une grande sensibilité des solutions aux conditions initiales (deux solutions démarrant de conditions initiales voisines donnent naissance à des trajectoires de natures et/ou de formes diérentes). Aussi, un phénomène chaotique peut être détecté en mettant en évidence soit un ensemble invariant de dimension non entière (attracteur étrange), soit une sensibilité aux conditions initiales (notamment à l'aide des exposants de Liapounov). Dans ce qui suit, on ne considèrera que des EDO non linéaires autonomes du type (5.19). Dénition 42. Un ensemble A est un attracteur étrange si A est un ensemble attractif invariant par le ot Φtg et si toute trajectoire initialisée dans A est dense dans A. Exemple 33. Soit le modèle de Rösler :  

x˙ = −(y + z), y˙ = x + ay,  z˙ = b − cz + xz,

(5.104)

pour a = b = 0.2, c = 5.8, on obtient l'attracteur de Rösler de la gure 5.25.

Figure 5.25. Attracteur de Rösler D'un point de vue pratique, il est rare de pouvoir démontrer qu'un ensemble A est un attracteur étrange, en particulier de montrer que toute trajectoire initialisée dans A est dense dans A. Aussi, il est naturel d'avoir recours à des méthodes numériques permettant de calculer la dimension de l'attracteur qui est un indicateur probant de son  étrangeté . Considérons un cube C contenant un attracteur A dont on souhaite déterminer la dimension. En notant n(ε) le nombre de cubes d'arête ε nécessaires au recouvrement des points constituant l'attracteur A, on dénit la dimension fractale (ou capacité) par : df (A) = lim

ε→0

ln(n(ε)) . ln( 1ε )

(5.105)

Equations diérentielles ordinaires

241

Il existe de nombreuses autres notions de dimension : dimension de Hausdor (voir [GUC 83] p. 285), l'entropie relative à une mesure ([GUC 83] p. 286), la dimension d'information ([SEY 94] p. 345, [PEI 92] p. 735), la dimension de corrélation ([SEY 94] p. 345), la dimension de Liapounov ([PEI 92] p. 739), etc.22 Cependant, en pratique, on utilise la dimension fractale qui d'un point de vue numérique s'obtient plus facilement. En eet, en tenant compte de la précision de résolution de l'EDO (voir [PEI 92] p. 722-726), il sut de tracer la courbe ln(n(ε)) = f (ln( 1ε )) pour obtenir df (A). Pour l'attracteur de Rösler, par exemple, on obtient df (A) = 2, 015 ± 0, 005. On peut noter qu'un attracteur étrange (voir la construction du fer à cheval de Smale [GUC 83] p. 102-116 et 230-235 et [SEY 94] p. 328-334) résulte bien souvent d'un processus de feuilletage : un ensemble est contracté dans certaines directions, dilaté dans d'autres et replié sur lui-même de façon à ce qu'il soit invariant. Ainsi pour détecter un attracteur étrange (donc un phénomène chaotique), on peut utiliser les exposants de Liapounov qui permettent de mesurer les contractions (si l'exposant est négatif) et expansions (si l'exposant est positif). Notons que cette caractéristique se traduit par une sensibilité aux conditions initiales. Considérons une boule de rayon ε centrée en un point x0 : l'évolution des axes du repère ({ei }i=1,...,n ) lié à ce point est donnée par Φtg (x0 + εei ) i=1,...,n , permettant de dénir le i-ème exposant de Liapounov : Li = lim lim

t→∞ ε→0

  t Φg (x0 + εei ) 1 . ln t ε

(5.106)

Considérons une trajectoire particulière Φtg (x0 ) et notons µi (t) les valeurs propres de la matrice de monodromie23 associée au linéarisé de x˙ = g(x). Alors autour de cette trajectoire (c'est-à-dire z˙ = Jg (Φtg (x0 ))z = A(t)z ), les exposants de Liapounov sont donnés par : Li = lim

t→∞

1 ln (|µi (t)|) . t

En particulier, si x0 est un point d'équilibre, alors z˙ = Jg (x0 )z = Az. La matrice de monodromie est Φ(t) = exp(At), donc en notant λi les valeurs propres de A (toutes supposées réelles), on obtient Li = limt→∞ 1t ln (exp(λi t)) = λi . En général ces exposants sont P réordonnés en L1 ≥ L2 ≥ . . . ≥ Ln . Dans ce cas, on a pour un système dissipatif ni=1 Li < 0 et une condition nécessaire d'apparition de phénomène du chaos est L1 > 0. Pour une EDO en dimension 3, une condition nécessaire et susante d'existence d'attracteur étrange est : L1 < 0, L2 = 0, L3 > 0. 22

Toutes ces dimensions peuvent être dénies à partir d'un famille paramétrée de dimenln

P n(ε) q p

i=1 i 1 sions (dites de Rényi), dénies par dq (A) = 1−q limε→0 , q ≥ 0, où pi est la ln( 1 ) ε probabilité pour qu'un point de l'attracteur se retrouve dans la i−ème boîte dont il faut n(ε) unités pour recouvrir l'attracteur tout entier. Donc si N est le nombre de points (obtenus par simulation) constituant l'attracteur et Ni le nombre de points contenus dans la i−ème boîte, on a pi = NNi . 23 Cette matrice est périodique dans le cas d'une trajectoire périodique.

242

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

5.10. Bibliographie [ARN 80] Arnold V.I., Chapitres supplémentaires à la théorie des équations diérentielles ordinaires, MIR, Moscou, 1980. [ARN 88] Arnold V.I., Equations diérentielles ordinaires, 4e édition, traduit du russe, MIR, Moscou, 1988. [BEL 62] Bellman R.,  Vector Lyapunov functions , SIAM J. Control, series A, vol. 1, n◦ 1, p. 31-34, 1962. [BER 84] Berge P., Pomeau Y., Vidal C., L'ordre dans le chaos (vers une approche déterministe de la turbulence), Hermann, 1984. [BHA 70] Bhatia N.P., Szegö G.P., Stability theory of dynamical systems, Springer Verlag, Berlin, 1970. [BIR 27] Birkhoff G.D., Dynamical systems, Amer. Math. Soc. Colloq. IX, 1927. [BOR 76] Borne P., Contribution à l'étude des systèmes discrets non linéaires de grande dimension, Thèse de doctorat ès Sc., université de Lille, 1976. [BDR 93] Borne P., Dauphin-Tanguy G., Richard J.P., Rotella F., Zambettakis I., Analyse et régulation des processus industriels : Tome 1, régulation continue, Ed. Technip, 1993. [BRD 02] Borne P., Richard J.P., Dambrine M., Perruquetti W.,  Vector Lyapunov functions : Nonlinear, time-varying, ordinary and functional dierential equations , in Stability theory at the end of the XXth century, Taylor & Francis, London, p. 49-73, 2002. [CHI 88] Chiang H.D., Hirsch M.W., Wu F.F.,  Stability regions of nonlinear autonomous dynamical systems , IEEE Trans. Aut. Control, vol. 33, n◦ 1, p. 16-27, 1988. [CHI 89] Chiang H.D., Thorp J.S.,  Stability regions of nonlinear dynamical systems : A constructive methodology , IEEE Trans. Aut. Control, vol. 34, n◦ 12, p. 1229-1241, 1989. [CLA 83] Clarke F.H., Optimization and nonsmooth analysis, Wiley, 1983. [COD 55] Coddington E., Levinson N., Theory of Ordinary Dirential Equations, Mc Graw-Hill, 1955. [COR 99] Corrieu, P.L., Commande en boucle fermée d'un actionneur pas-à-pas, Rapport de DEA d'Automatique, Univ. Sc. & Technologies de Lille, 1999. [DJO 86] Djordjevic M.Z.,  Stability analysis of nonlinear systems by matrix lyapunov method , IMACS-IFACS, Modelling & Simulation for Control of Lumped & Distrib. Parameter Systems, p. 209-212, Villeneuve d'Ascq (France), 1986. [FIL 88] Filippov A.F., Dierential Equations with Discontinuous Righthand Sides, Kluwer Academic Publishers, 1988. [GEN 84] Genesio R., Vicino A., New techniques for constructing asymptotic stability regions for nonlinear systems, IEEE Trans. Circuits and Sys., vol. 31, n◦ 6, p. 574-581, juin 1984. [GEN 85] Genesion R., Tartaglia M., Vicino A.,  On estimation of asymptotic stability regions : State of art and new proposals , IEEE Trans. Aut. Control, vol. 30, n◦ 8, p. 747-755, août 1985. [GRU 73a] Gruji¢ Lj.T.,  On practical stability , Int. J. Control, vol. 17, n◦ 4, p. 881-887, 1973.

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Mathématiques pour les systèmes dynamiques

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Chapitre 6

Algèbre diérentielle 6.1. Introduction L'algèbre diérentielle a été développée aux Etats-Unis à partir de 1920 pour traiter et comprendre les équations diérentielles algébriques, de la même manière que l'algèbre linéaire permet de formaliser les problèmes relevant du  théorème de superposition  et s'écrivant à l'aide d'équations linéaires. Il existe une très vaste bibliographie sur l'algèbre diérentielle et nous nous contenterons de citer les livres des deux principaux protagonistes de ce sujet : celui de Joseph F. Ritt [RIT 50] et celui de Ellis R. Kolchin [KOL 73]. L'algèbre diérentielle a été introduite en automatique en France en 1985 par Michel Fliess [FLI 86a, FLI 86b] à propos du problème de l'inversion entrée-sortie des systèmes non linéaires. Cette nouvelle approche s'est ensuite révélée très féconde sur de nombreux aspects de la théorie du contrôle comme la réalisation, la synthèse par bouclage  notamment le découplage, le rejet de perturbations, la poursuite de modèle et la linéarisation  la dénition et la classication des bouclages. C'est dans ce cadre qu'a pu être dégagée plus récemment la notion de système  diérentiellement plat , très utile pour la pratique [FLI 92b, FLI 95]. L'application de l'algèbre diérentielle s'est ensuite développée au cours de plusieurs thèses [AIT 94, BOU 94, DEL 93, DIO 89, ELA 92, MES 92, MOU 95, OLL 90, RUD 91, SED 01] et a donné lieu à de nombreuses publications, dont certaines concernent des applications. Nous n'en retenons que les principales par souci de concision : [DEL 98a, DEL 98b, DIO 91a, DIO 92, DIO 93, FLI 89a, FLI 90b, FLI 93a, GLA 88, GLA 90, PER 01, RUD 94, SIR 91b, SIR 91a, SIR 92, WEY 95]. L'algèbre diérentielle a aussi permis de renouveler la vision des systèmes linéaires grâce à la théorie des modules [FLI 89b, FLI 90c]. Les systèmes en temps discret ont, quant à eux, été abordés par l'algèbre aux diérences [FLI 90a, FLI 92a]. La section 6.2 est consacrée à un bref rappel de certaines notions d'algèbre commutative nécessaires à la suite du développement. La section 6.3 expose les principales notions d'algèbre diérentielle utilisées en théorie du contrôle : principalement, les corps diérentiels et leurs extensions, le degré de transcendance diérentielle et la notion de base de transcendance diérentielle. Ceci se termine par la construction détaillée d'une extension de corps à partir d'un système d'équations diérentielles algébriques. Dans la section 6.4, sont présentées les dénitions des notions classiques d'automatique  système, entrée, sortie, variable d'état  dans le cadre de l'algèbre diérentielle. Les quatre sections suivantes concernent quelques notions importantes de la théorie du contrôle : l'inversion entrée-sortie (section 6.5), les principales proChapitre rédigé par Emmanuel Delaleau.

246

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

priétés structurelles des systèmes (6.6), les notions de bouclages (6.7) et la synthèse par bouclage (6.8). La dernière partie (6.9) est dévolue à un exemple qui permet d'illustrer les principales notions exposées dans ce chapitre. Cet exemple est intéressant à plusieurs titres : il est tiré de la pratique et montre que l'algèbre diérentielle permet aussi de traiter des systèmes dont les équations ne sont pas algébriques.

6.2. Théorie des corps Contrairement à l'algèbre linéaire qui est universellement utilisée et très largement enseignée, la théorie des anneaux et des corps (ou algèbre non linéaire) est relativement méconnue. Il paraît donc opportun d'en brosser ici un bref aperçu, non seulement pour l'aspect pédagogique mais aussi pour son utilité dans la suite de notre propos. On renvoie à [WAE 91] pour plus de détails ou bien, pour une présentation résumée, au chapitre 5 de [RIC 01]. Une extension de corps est la donnée de deux corps E et F tels que E ⊆ F . Une extension est notée F/E ; le corps E est un sous-corps de F ; le corps F est un surcorps de E . Dans la suite I désignera un ensemble quelconque d'indices. Soit ξ = (ξ i )i∈I une famille quelconque d'éléments de F ; on note E(ξ i )i∈I ou E(ξ) le souscorps de F engendré par E et la famille ξ , c'est-à-dire le plus petit corps contenant E et (ξ i )i∈I . La famille ξ est un système de générateurs de E(ξ) sur E . Il est aussi possible de caractériser E(ξ) comme étant l'ensemble des fractions rationnelles en (ξ i )i∈I à coecients dans E . L'extension F/E est dite niment engendrée ou, plus simplement, de type ni, s'il existe une famille nie {ξ 1 , . . . , ξ s } de F telle que F = E(ξ1 , . . . , ξ s ). Si R est un anneau, on note par R[ξ i ]i∈I ou R[ξ] l'anneau engendré par R et la famille ξ = (ξi )i∈I . En particulier, l'anneau des polynômes à coecients dans R en les indéterminées X = (Xi )i∈I est noté R[Xi ]i∈I ou R[X] ; si le nombre d'indéterminées est ni, on écrit simplement R[X1 , . . . , Xs ]. Un élément a de F est algébrique sur E s'il satisfait une équation algébrique à coecients dans E . Cela signie qu'il existe un polynôme irréductible P (X) 6= 0 à coecients dans E tel que P (a) = 0. Un élément qui n'est pas algébrique est dit transcendant sur E . Si tout élément du corps F est algébrique sur E , l'extension F/E est dite algébrique ; autrement, elle est qualiée de transcendante. Une extension transcendante pour laquelle il n'existe aucun élément de F algébrique sur E est qualiée d'extension transcendante pure. Une famille ξ = (ξ i )i∈I d'éléments de F est algébriquement dépendante  ou algébriquement liée  sur E s'il existe un entier ν ∈ N et un polynôme irréductible P (X1 , . . . , Xν ) 6= 0 à coecients dans E , tels que P (ξ 1 , . . . , ξ ν ) = 0 (on dit parfois E -algébriquement indépendante  ou libre). Dans le cas contraire, la famille ξ est dite algébriquement indépendante sur E ou algébriquement libre sur E (on dit aussi E -algébriquement dépendante  ou liée). Une famille de F algébriquement indépendante sur E et maximale par rapport à

Algèbre diérentielle

247

l'inclusion est appelée base de transcendance de l'extension F/E . Cette notion généralise la notion de base d'un espace vectoriel.

Dénition 1 (Degré de transcendance d◦ tr F/E ). Toutes les bases de transcen-

dance d'une extension F/E ont même cardinal ; on l'appelle degré de transcendance de l'extension F/E et on le note d◦ tr F/E .

Cet entier généralise aux extensions de corps la notion de dimension des espaces vectoriels. Naturellement, d◦ tr E(a1 , . . . , aα )/E ≤ α et on a l'égalité lorsque que la famille {a1 , . . . , aα } est E -algébriquement libre. Pour une tour d'extensions G/F/E (c'est-à-dire que G est un surcorps de F , lui-même sur-corps de E ), le degré de transcendance vérie l'égalité : d◦ tr G/E = d◦ tr G/F + d◦ tr F/E.

(6.1)

Soient F1 , . . . , Fs des corps intermédiaires de l'extension F/E , c'est-à-dire E ⊆ Fi ⊆ E . Ils sont dits algébriquement disjoints sur E ou E -algébriquement disjoints si, quelles que soient les parties Ai , E ⊂ Ai ⊂ Fi , l'ensemble A1 ∪ · · · ∪ As est E algébriquement libre et si , pour tout i 6= j , Ai ∩ Aj = ∅. Cette notion généralise le concept de somme directe de sous-espaces vectoriels. Enn, soit R un anneau. Un sous-ensemble I de R est appelé un idéal si, pour tout ı,  ∈ I et tout x ∈ R, on a ı +  ∈ I et xı ∈ I. Cet idéal est qualié de premier si pour tout a, b ∈ R, la condition ab ∈ I entraîne a ∈ I ou b ∈ I.

6.3. Algèbre diérentielle 6.3.1. Corps diérentiel Un corps diérentiel (ordinaire) K est un corps équipé d'une dérivation, notée d , c'est-à-dire d'une application dt : K → K , qui vérie : pour tout a, b ∈ K , d d d d d + b) = dt (a) + dt (b) et dt (ab) = dt (a)b + a dt (b). On précise ordinaire s'il n'y a qu'une seule dérivation : sinon, le corps diérentiel est dit partiel. On notera souvent (ν) d dν (a) sous la forme a ˙ et (a) simplement par a . Un élément c est dit constant ν dt dt d si dt (c) = 0. L'ensemble des éléments constants d'un corps diérentiel K est un sous-corps (diérentiel) non vide de K , appelé corps de constantes. d dt d (a dt

On dénit de la même manière la notion d'anneau diérentiel : il s'agit d'un anneau muni d'une dérivation. L'anneau diérentiel engendré par l'anneau diérentiel R et les éléments ξ = (ξ i )i∈I est noté R{ξ i }i∈I ou simplement R{ξ}. En particulier, l'anneau diérentiel des polynômes diérentiels en les indéterminées diérentielles X = (Xi )i∈I à coecients dans R est noté R{Xi }i∈I , ou simplement R{X} ; lorsqu'il y a un nombre ni d'indéterminées, on le note R{X1 , . . . , Xs }. Enn, un sous-ensemble d'un anneau diérentiel est appelé un idéal diérentiel si c'est un idéal au sens usuel et s'il est stable par la dérivation. Un idéal diérentiel est qualié de premier s'il l'est en tant qu'idéal non diérentiel.

248

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

6.3.2. Extension de corps diérentiels Une extension diérentielle ou extension de corps diérentiels L/K est la donnée de deux corps diérentiels K et L tels que K est un sous-corps de L et la restriction de la dérivation de L à K coïncide avec la dérivation de K . Dénition 2 (Corps Khξi). Soit ξ = (ξ i )i∈I une famille d'éléments de L. On note par Khξ i ii∈I ou Khξi le corps diérentiel engendré par K et la famille ξ , c'est-à-dire le plus petit corps diérentiel de L contenant K et la famille ξ. Dans ce cas, ξ est un système de générateurs de Khξi sur K . Une extension L/K est engendrée par la famille ξ si L = Khξi. Une extension diérentielle est niment engendrée ou de type ni si elle admet un système ni de générateurs. Soit L/K une extension diérentielle. Un élément a de L est diérentiellement algébrique sur K (ou diérentiellement K -algébrique) s'il satisfait une équation diérentielle algébrique à coecients dans K , c'est-à-dire s'il existe un polynôme diérentiel irréductible P (X, . . . , X (α) ) 6= 0 tel que P (a, . . . , a(α) ) = 0. Si a ∈ L ne satisfait aucune équation diérentielle algébrique à coecients dans K , a est diérentiellement transcendant sur K . Une extension diérentielle L/K est diérentiellement algébrique si tout élément de L est algébrique sur K . Si l'un au moins des éléments de L est diérentiellement transcendant sur K , l'extension diérentielle L/K est dite diérentiellement transcendante. Si tous les éléments de L sont diérentiellement transcendants sur K , L/K est dite diérentiellement transcendante pure.

6.3.3. Base de transcendance diérentielle Une famille ξ = (ξ i )i∈I est diérentiellement algébriquement dépendante sur K (ou diérentiellement K -algébriquement dépendante) s'il existe des entiers α et β et un polynôme diérentiel irréductible : (β)

P (X1 , . . . , Xα , . . . , X1 , . . . , Xα(β) ) 6= 0, (β) à coecients dans K , tels que P (ξ1 , . . . , ξα , . . . , ξ (β) 1 , . . . , ξ α ) = 0. Sinon, la famille ξ est diérentiellement algébriquement libre  ou indépendante  sur K . Il existe des familles de L diérentiellement algébriquement indépendantes sur K qui sont maximales par rapport à l'inclusion. De telles familles sont appelées des bases de transcendance diérentielles. Si ξ = (ξi )i∈I est une base de transcendance diérentielle de l'extension diérentielle L/K , tout élément de L est diérentiellement algébrique sur Khξi.

6.3.4. Degré de transcendance diérentiel Toutes les bases de transcendance diérentielle d'une extension diérentielle L/K ont même cardinal, qu'on appelle le degré de transcendance diérentiel de l'extension L/K . Il est noté d◦ tr diff L/K . Il est clair que d◦ tr diff Khξ 1 , . . . , ξ ν i/K ≤ ν

Algèbre diérentielle

249

et que l'égalité a lieu lorsque que ξ = (ξ 1 , . . . , ξ ν ) est une famille diérentiellement algébriquement indépendante. Pour une extension diérentiellement algébrique, d◦ tr diff L/K = 0. Pour une tour d'extensions diérentielles M/L/K (c'est-à-dire, M/L et L/K sont deux extensions diérentielles ou encore, K ⊆ L ⊆ M ), on a l'égalité : d◦ tr diff M/K = d◦ tr diff M/L + d◦ tr diff L/K.

Une propriété intéressante des extensions diérentielles de type ni, qui joue un rôle fondamental pour la réalisation par variables d'état, est la suivante. Proposition 1. Soit L/K une extension diérentielle niment engendrée. Les deux propriétés suivantes sont équivalentes : (i) l'extension L/K est diérentiellement algébrique : d◦ tr diff L/K = 0 ; (ii) le degré de transcendance (non diérentiel) de l'extension L/K est ni. Une notion importante pour les aspects algorithmiques et la détermination des degrés de transcendance (diérentiels ou non) est la possibilité de linéarisation des équations grâce aux diérentielles de Kähler [JOH 69]. Etant donnée une extension d diérentielle L/K niment engendrée, il est possible de dénir un L[ dt ]-module à gauche, noté ΩL/K , et une K -dérivation dL/K : L → ΩL/K qui vérient : ∀a, b ∈ L, dL/K (a + b)

=

dL/K (a) + dL/K (b),

dL/K (a b)

=

b dL/K (a) + a dL/K (b),

=

dL/K (a), ˙

=

0.

d (dL/K (a)) dt ∀c ∈ K, dL/K (c)

∀a ∈ L,

Le module ΩL/K est appelé module des diérentielles de Kähler associé à l'extension diérentielle L/K . L'idée sous-jacente à la notion de diérentielle de Kähler est celle d'accroissement innitésimal, comme pour le concept d'espace tangent en géométrie diérentielle. Proposition 2. [JOH 69] Soit L/K une extension diérentielle niment engendrée. Un sous-ensemble S de L est diérentiellement algébriquement indépendant (respectivement, algébriquement indépendant) sur K si et seulement si l'ensemble dL/K (S) est diérentiellement L-linéairement indépendant (respectivement, L-linéairement indépendant). On a en particulier : d◦ tr diff L/K = rgΩL/K ΩL/K .

6.3.5. Construction de l'extension diérentielle associée à un système

d'équations diérentielles

Considérons un système ni d'équations algébro-diérentielles ordinaires polynomiales Ri , i = 1, . . . , r, reliant un nombre ni de variables wj , j = 1, . . . , s : (ν i1 )

Ri (w1 , . . . , w1

, . . . , ws , . . . , ws(ν is ) ) = 0, i = 1, . . . , r,

(6.2)

250

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

où les ν ij sont des entiers naturels. Les entiers r et s vérient r < s car (6.2) est un système sous-déterminé d'équations algébro-diérentielles, c'est-à-dire qu'il y a plus de variables que d'équations. On note par k le (plus petit) corps diérentiel contenant tous les coecients des polynômes du système d'équations (6.2). Il s'agira d'un corps de constantes (Q, R ou C) si (6.2) est un système stationnaire. Par contre, si les coecients dépendent du temps, on choisira un corps diérentiel de fonctions du temps (comme R(t) ou Rhti ou un corps de fonctions méromorphes). A chaque variable wi apparaissant dans (6.2), on associe une indéterminée diérentielle Wi . Dans l'anneau diérentiel k{W1 , . . . , Ws }, engendré par k et W1 , . . . , Ws , on considère les polynômes diérentiels : (ν i1 )

Ri (W1 , . . . , W1

, . . . , Ws , . . . , Ws(νis ) ), i = 1, . . . , r,

correspondant formellement aux équations (6.2). On désigne par I l'idéal diérentiel de k {R1 , . . . , Rr } engendré par les polynômes diérentiels R1 , . . . , Rr . Si I est un idéal premier, l'anneau diérentiel quotient k{W1 , . . . , Ws }/I est un anneau intègre dont on peut construire le corps de fractions. Notons par K le corps diérentiel de fractions de k{W1 , . . . , Ws }/I. Ce corps est une extension diérentielle de k. Notons ı l'application canonique ı : k{W1 , . . . , Ws } → K dénie1 par : ∀P ∈ k{W1 , . . . , Ws }, ı(P ) = p ∈ K avec p = P

(mod I).

(6.3)

Il est loisible de noter par wi , c'est-à-dire comme les variables qui apparaissent dans (6.2), les images dans K des indéterminées Wi par l'application ı. On arrive ainsi à la conclusion que K est le corps diérentiel khw1 , . . . , ws i dans lequel les équations (6.2) sont satisfaites. L'extension diérentielle K/k est appelée extension diérentielle associée au système d'équations (6.2). C'est un objet intrinsèque, de même que l'idéal diérentiel I, associé aux équations (6.2). En eet, toute autre famille de polynômes diérentiels génératrice de l'idéal I conduit à la même extension diérentielle K/k. A partir de tout système d'équations diérentielles algébriques, engendrant un idéal diérentiel premier, on peut construire une extension de corps diérentiels. Pour cette raison on appelle système l'extension diérentielle qui est associée à un système d'équations diérentielles. Si l'idéal I n'est pas premier (cas toutefois rare en pratique), il est nécessaire de le décomposer à l'aide du théorème de Ritt-Raudenbusch [KOL 73, RIT 50]. On peut alors eectuer la construction précédente pour chacune des composantes de la décomposition et aboutir à une famille d'extensions diérentielles K1 /k, . . ., Kq /k, correspondant chacune à une composante de la variété algébrique de (6.2). On renvoie à [KOL 73, RIT 50] pour tous les détails et les compléments sur ces constructions. On pourra aussi consulter [BOU 94, BOU 95] en ce qui concerne les aspects algorithmiques. Remarque 1. Contrairement aux apparences, la construction de l'extension diérentielle associée à un système d'équations diérentielles n'est pas limitée aux seules 1

On note par P (mod I) l'image du polynôme diérentiel P dans l'anneau quotient

k{W1 , . . . , Ws }/I.

Algèbre diérentielle

251

équations algébriques, comme on le verra dans l'exemple traité en section 6.9. La plupart des fonctions usuelles (cos, sin, exp, log. . .) satisfont des équations diérentielles algébriques et la construction de l'extension diérentielle reste possible moyennant un enrichissement de l'idéal I. On peut aussi traiter les équations diérentielles contenant des fonctions analytiques non polynomiales à l'aide de l'approche présentée dans [CON 93, CON 99].

6.4. Systèmes et dynamiques 6.4.1. Système non linéaire Comme déni précédemment, un système (non linéaire) est une extension de corps

K/k niment engendrée. Le corps k est appelé corps de base associé au système, il

contient les coecients de n'importe quel système d'équations correspondant au système K/k. Le corps K est appelé corps du système ou corps systémique ; il contient les variables et toutes les expressions algébriques qui peuvent être construites à partir des variables du système. De manière sous-jacente à l'extension, on sait qu'il y a un système d'équations algébro-diérentielles polynomiales, par exemple du type (6.2), qui sont les équations satisfaites par les variables du système. On renvoie au paragraphe 6.3.5 pour la construction. Tout sous-corps diérentiel K de K tel que k ⊂ K ⊂ K déni un sous-système

K/k de K/k.

d ]-module ΩK/k associé au système K/k est appelé système linéarisé tangent Le K[ dt de K/k [FLI 95], c'est un système linéaire au sens de la théorie des modules [FLI 90c].

6.4.2. Entrée Une entrée du système K/k est un ensemble ni e = (e1 , . . . , es ) de K tel que l'extension K/khei est diérentiellement algébrique. Cela signie que le système est inuencé par l'entrée, puisque que tout élément de K satisfait une équation diérentielle qui dépend (éventuellement) de l'entrée. On dit aussi que l'entrée est la  cause  du système, puisqu'elle inuence ses autres variables. Une entrée est dite indépendante si c'est un ensemble diérentiellement algébriquement indépendant sur k. Dans ce cas : d◦ tr diff K/k = d◦ tr diff khei/k = card e = s,

(6.4)

puisque d tr diff K/khei = 0 par dénition de la notion d'entrée ; e est donc une base de transcendance diérentielle de K/k. Une entrée qui ne serait pas indépendante  cas cependant rare en pratique  est dite dépendante et ses composantes sont reliées par des équations diérentielles. De plus, puisque l'extension K/khei est diérentiellement algébrique, toute entrée de K/k doit comporter au moins µ = d◦ tr diff K/k composantes et toute famille de K à µ éléments diérentiellement algébriquement ◦

252

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

indépendants peut être considérée comme une entrée indépendante de K/k. Il s'agit donc d'une notion très générale d'entrée. Du point de vue de la théorie du contrôle, l'entrée peut être divisée en deux parties e = (u, $) où u = (u1 , . . . , um ) est la commande et $ = ($1 , . . . , $q ) la perturbation. La commande comprend les composantes de l'entrée par lesquelles il est possible d'agir sur le système tandis que la perturbation est formée des variables représentant les inuences non maîtrisables aectant le système.

6.4.3. Dynamique Une dynamique est un système K/k dont on a distingué, en général pour des raisons liées au fonctionnement du système lui-même, une entrée e particulière. On note une dynamique sous la forme K/khei.  La dynamique K/khei  signie que l'on considère le système K/k ayant pour entrée e = (e1 , . . . , es ).

6.4.4. Sortie Une sortie d'un système K/k ou d'une dynamique K/khei est un ensemble ni y = (y1 , . . . , yp ) de K. Comme la notion d'entrée présentée plus haut, la notion de sortie est très générale puisque toute famille nie de K peut être considérée comme sortie.

En pratique, ce sont des raisons liées au fonctionnement du système ou au problème de contrôle qui déterminent le choix de la sortie. On parle aussi d' eet  pour désigner la sortie car elle comporte les variables que l'on observe ou que l'on commande. Lorsque, pour un système K/k, une entrée e et une sortie y sont distinguées, la sousextension khe, yi/k de l'extension diérentielle K/k peut elle-même être considérée comme un système. Elle est appelée sous-système entrée-sortie de K/k. Dans le cas où K = khe, yi, le système K/k peut être qualié de système entrée-sortie.

6.4.5. Etat et réalisation Comme l'extension K/k est niment engendrée et comme pour tout choix d'entrée e de K/k, l'extension K/khei est diérentiellement algébrique, l'extension diérentielle K/khei possède un degré de transcendance (non diérentiel) ni (voir la proposition 1). Cela conduit à la dénition de la notion d'état : un état de la dynamique K/khei est une base de transcendance x = (x1 , . . . , xn ) de l'extension K/khei. La dimension d'un état correspondant à l'entrée e est n = d◦ tr K/khei. On a vu précédemment que l'on pouvait considérer plusieurs entrées : pour chacune d'entre elles, la dimension de l'état peut être diérente. L'entier d◦ tr diff K/k représente le nombre de fonctions du temps qu'il faut choisir pour  déterminer  un système d'équations diérentielles sous-déterminé. Pour une entrée donnée e, l'entier d◦ tr K/khei correspond au nombre de conditions initiales nécessaires pour  intégrer 

Algèbre diérentielle

253

le système d'équations diérentielles sous-jacent lorsque que la fonction t 7→ e(t) est connue ou imposée. L'état correspond donc à la  mémoire du système . La dénition qui vient d'être donnée dénit un état comme un être mathématique, mais rien n'empêche de le choisir parmi les variables physiques du système ; d'ailleurs, même en linéaire, on obtient des états  mathématiques  par changements de base à partir d'un état ayant une signication physique. Puisque x est une base de transcendance de l'extension K/khei, tout élément w de K est algébrique sur khe1 , . . . , eq i(x1 , . . . , xn ) et satisfait donc une équation algébrique à coecients dans khe1 , . . . , es i(x1 , . . . , xn ), de la forme : (κ)

P (w, x1 , . . . , xn , e1 , . . . , es , . . . , e1 , . . . , e(κ) s ) = 0,

(6.5)

où P est un polynôme irréductible à coecients dans k et où κ ∈ N. Cela donne la forme générale des équations des réalisations d'état ou des changements d'état. La relation (6.5) appliquée aux composantes de x˙ conduit à des équations diérentielles de la forme :  (α1 ) )   F1 (x˙ 1 , x, e, . . . , e

 

Fn (x˙ n , x, e, . . . , e

(αn )

)

=

.. .

=

0,

(6.6) 0,

où les Fi sont des polynômes irréductibles à coecients dans k et αi ∈ N. Les équations (6.6) sont appelées une représentation d'état de la dynamique K/khei. Pour une sortie y = (y1 , . . . , yp ) du système K/k, on obtient les équations :  (β 1 ) )   H1 (y1 , x, e, . . . , e  

Hp (yp , x, e, . . . , e

(β p )

)

=

.. .

=

0,

(6.7) 0,

avec, similairement, des polynômes Hi irréductibles à coecients dans k et β i ∈ N. Les équations (6.7) sont appelées équations de sortie. Si ξ = (ξ 1 , . . . , ξ n ) désigne un autre état de la dynamique K/khei, le changement d'état de x à ξ s'écrit :  (γ 1 ) )   T1 (ξ 1 , x, e, . . . , e  

Tn (ξ n , x, e, . . . , e

(γ n )

)

=

.. .

=

0,

(6.8) 0,

où les Ti sont des polynômes irréductibles à coecients dans k et les γ i , des entiers naturels. Les équations (6.8) sont les équations de changement d'état. Les représentations d'état d'un système non linéaire sont, en général, implicites et dépendent des dérivées de l'entrée. Il en est de même des expressions des sorties ou des changements d'état. Cela se rencontre eectivement en pratique (voir par exemple [FLI 93b]). L'apparition des dérivées de l'entrée s'explique en analysant le processus aboutissant à l'écriture des équations d'état (6.6)  avec éventuellement une sortie (6.7) 

254

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

à partir d'un système algébro-diérentiel (6.2) issu d'une modélisation physique. Il faut tenir compte de deux faits : premièrement, le système (6.2) peut comporter un certain nombre de variables  qualiées de latentes  qui ne seront pas retenues dans une représentation d'état ; il sera donc nécessaire de les  éliminer . Deuxièmement, le système (6.2) peut posséder un certain nombre d'équations purement algébriques, comme les équations des liaisons des diérentes parties d'un système mécanique, les lois de Kirchho pour un circuit électrique ou les équations de conservation de la matière pour un processus chimique. L'élimination des variables latentes se fait par dérivations des équations algébriques, d'où l'apparition des dérivées de l'entrée dans (6.6) et (6.7). L'aspect implicite des équations peut se produire, par exemple, lors d'une modélisation lagrangienne de systèmes mécaniques couplés. On peut consulter [FLI 90d, FLI 90e] pour une plus ample discussion de ces aspects. Un état de la dynamique K/khui est qualié de classique s'il conduit à une réalisation (6.6) sans dérivée de l'entrée (αi = 0), autrement il est généralisé. Contrairement au cas des systèmes linéaires, il existe des dynamiques non linéaires qui n'admettent pas d'état classique (voir [DEL 98c] pour une étude approfondie). Une dynamique qui admet des états classiques est dite classique, sinon, elle est généralisée. De même, pour un changement d'état, on précise généralisé ou classique suivant qu'il dépend ou non des dérivées de l'entrée. Il est clair que deux états classiques sont reliés par un changement d'état classique.

6.5. Inversion entrée-sortie C'est précisément pour résoudre le problème de l'inversion entrée-sortie que l'algèbre diérentielle a été introduite en automatique [FLI 86a, FLI 86b]. On trouve dans [RES 90] une synthèse très complète sur ce problème et les diverses approches utilisées pour le traiter. L'élégance de la solution proposée dans le cadre de l'algèbre diérentielle est que, comme en linéaire, elle repose sur un concept intrinsèque de rang. Les solutions obtenues précédemment en non-linéaire étaient, quant à elles, de nature algorithmique. Bien entendu, le calcul d'un rang est algorithmique, mais ce concept permet d'élaborer des raisonnements ou de donner des conditions indépendamment de son calcul.

6.5.1. Rang diérentiel de sortie Dénition 3 (Rang diérentiel de sortie %(y)). Soit le système non linéaire K/k de sortie y = (y1 , . . . , yp ). Le rang diérentiel de sortie (relatif à y ) est l'entier d◦ tr diff khyi/k. Il est noté %(y) et correspond au nombre de composantes de y diérentiellement k-algébriquement indépendantes.

Algèbre diérentielle

255

6.5.2. Inversion à gauche, inversion à droite La notion d'inversibilité à gauche d'un système (entrée-sortie) reète la possibilité de pouvoir déterminer l'entrée à partir de la sortie. Le qualicatif  à gauche  provient du linéaire où l'inversion à gauche d'un système équivaut à l'existence d'une inverse à gauche de la matrice transfert.

Proposition 3. [FLI 86b, FLI 89a] Le système gauche si et seulement si %(y) = d◦ tr diff K/k.

K/k, de sortie y , est inversible à

Pour un système inversible à gauche, la sortie peut être considérée comme une entrée. Comme dans le cas linéaire, l'inversibilité à gauche ne dépend pas de l'entrée. L'inversibilité à droite, quant à elle, signie l'indépendance diérentielle des composantes de la sortie. Comme dans le cas de l'inversion à gauche, la terminologie provient du cas linéaire pour lequel l'inversion à droite est équivalente à l'existence d'une inverse à droite de la matrice de transfert.

Proposition 4. [FLI 86b, FLI 89a] Le système droite si et seulement si %(y) = p = card y .

K/k, de sortie y , est inversible à

6.6. Principales propriétés structurelles On présente ici deux propriétés structurelles des systèmes importantes en théorie du contrôle : la platitude  qui est une extension naturelle en non-linéaire de la notion de commandabilité  et l'observabilité.

6.6.1. Platitude Un système non linéaire K/k est (diérentiellement) plat s'il existe une famille nie y = (y1 , . . . , ym ) d'éléments diérentiellement k-algébriquement indépendants d'un corps diérentiel K, extension algébrique de K, telle que l'extension diérentielle K/khyi soit (non diérentiellement) algébrique. La famille y est appelée une sortie plate ou sortie linéarisante du système K/k. On renvoie à [FLI 95] pour de plus amples détails. Remarquons que K/k est une extension diérentielle transcendante pure. D'après cette dénition, la sortie y possède la propriété que tout élément de K, donc de K, est khyi-algébrique. Toute variable du système satisfait une équation algébrique qui dépend de y et d'un nombre ni de ses dérivées. En d'autres termes, y donne une  paramétrisation  nie du système qui ne nécessite pas d'intégration d'équation diérentielle. Tout élément w de K (toute variable du système) satisfait une équation de la forme suivante, où Q est un polynôme diérentiel irréductible et

256

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

γ un entier naturel :

Q(w, y, . . . , y (γ) ) = 0.

(6.9)

En linéaire, la propriété de platitude est équivalente à la commandabilité ; la platitude peut donc être considérée comme une extension possible de la notion de commandabilité. On a d'autre part le résultat suivant : si un système non linéaire est plat, alors son système linéarisé tangent ΩK/k est commandable (ce qui s'exprime par d la liberté du K[ dt ]-module dans le cadre de la théorie des modules). Outre le rapport à la commandabilité, la platitude a des liens avec le problème de la linéarisation par bouclage. L'intérêt de la notion de platitude par rapport à d'autres notions de commandabilité introduites en non-linéaire est qu'elle permet de calculer la commande à appliquer au système par planication de trajectoires, grâce aux formules (6.9) appliquées aux composantes de la commande. Cela a permis d'obtenir des commandes performantes pour de nombreux exemples industriels. Pour un système qui n'est pas plat est dénie une notion de défaut : parmi tous les choix possibles d'ensembles y = (y1 , . . . , ym ) de K, on retient ceux pour lesquels δ = d◦ trK/yk/y est minimum. Cet entier est appelé défaut du système K/k et représente l'ordre de la dynamique non plate du système. Bien entendu, un système plat est de défaut 0.

6.6.2. Observabilité Une autre propriété structurelle importante pour l'implantation pratique de lois de commande est l'observabilité. Proposition 5. [DIO 91b] Le système K/k d'entrée u et de sortie y est observable si l'extension K/khu, yi est (non diérentiellement) algébrique. Ainsi, toute variable d'un système non linéaire observable satisfait une équation algébrique liant la sortie, l'entrée et un nombre ni de leurs dérivées.

6.7. Bouclages Le bouclage est une des notions essentielles de la théorie du contrôle. Les bouclages sont habituellement dénis par leurs équations ; comme c'est le cas pour les notions vues précédemment, l'algèbre diérentielle permet d'en donner des dénitions intrinsèques, c'est-à-dire par une propriété d'une structure algébrique associée aux équations du système considéré. Avant d'aborder ce sujet, il est opportun d'eectuer plusieurs remarques sur les bouclages habituellement considérés. Soit un système non linéaire, déni par une représentation d'état classique : x˙ = f (x, u), (6.10) où u désigne la commande à valeurs dans Rm , et x, l'état à valeurs dans Rn .

Algèbre diérentielle

257

Examinons premièrement le cas d'un bouclage statique : u = α(x, v),

(6.11)

où v est la nouvelle commande. On remarque que x est aussi un état du système en boucle fermée puisque la substitution de u dans (6.10) conduit à une dynamique de la forme : x˙ = f˜(x, v).

Dans le cas d'un bouclage régulier, c'est-à-dire qu'il existe β tel que v = β(x, u), on remarque v est aussi une variable du système puisqu'elle s'exprime en fonction de x et u. Le bouclage dynamique : u ξ˙

=

α(x, ξ, v),

=

β(x, ξ, v),

(6.12a) (6.12b)

a la particularité d'ajouter une dynamique, représentée par les variables d'état ξ , à la boucle fermée. On constate que l'état de la boucle fermée est (x, ξ) et que l'état x de la boucle ouverte fait partie de l'état de la boucle fermée. Dans le cas d'un bouclage régulier, v peut être exprimée à l'aide de x, ξ , u ; on aboutit ainsi aux équations : x˙ ξ˙

=

f (x, u),

=

β(x, ξ, u, u, ˙ . . . , u(ro ) ),

v

=

ψ(x, ξ, u, u, ˙ . . . , u(ro ) ),

(6.13a) (6.13b) (6.13c)

qui montrent que u est aussi une entrée de la boucle fermée. La formalisation de ces réexions conduit aux concepts de bouclages intrinsèques dénis dans les paragraphes qui suivent.

6.7.1. Notions générales de bouclage Un bouclage (dynamique) de K/k où K/khui est une paire (L, v), où :  L est une extension diérentielle de K niment engendrée et diérentiellement algébrique sur K ;  v est une entrée du système L/k. Le bouclage est qualié d'endogène ou d'exogène suivant que l'extension diérentielle L/K est (non diérentiellement) algébrique ou pas. Le corps L contient la nouvelle entrée v et les éventuelles nouvelles variables qui interviennent dans le bouclage. Le bouclage est déni lorsque que l'on a précisé la nouvelle entrée v . Selon la terminologie usuelle, la dynamique K/khui est appelée dynamique en boucle ouverte et L/khvi la dynamique en boucle fermée.

258

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

6.7.2. Bouclage d'état Un bouclage d'état de la dynamique K/khui ayant pour état x est un bouclage (L, v) tel que les corps k(x) et khvi sont k-algébriquement disjoints. Cette dénition signie que le bouclage ne  détruit  pas l'état x du système ; de plus, x peut toujours

faire partie de l'état de la boucle fermée. Comme précédemment, un bouclage d'état est qualié d'endogène ou d'exogène suivant la nature de l'extension L/K.

6.7.3. Bouclage quasi statique d'état Un autre apport de l'algèbre diérentielle à la théorie du contrôle est d'avoir dégagé la notion de bouclage quasi statique d'état et montré que cette classe est susamment riche pour résoudre la plupart des problèmes de synthèse par bouclage [DEL 92, DEL 94, DEL 98b]. Cette nouvelle classe de bouclage contient les bouclages statiques mais est moins générale que les bouclages dynamiques. Soit K/khui une dynamique d'état x. Un bouclage (L, v) est un bouclage quasi statique d'état si (L, v) est un bouclage endogène d'état et si x est aussi un état de la dynamique en boucle fermée L/khvi. Les équations d'un bouclage quasi statique d'état sont de la forme (avec r, s ∈ N) : (r)

φi,r (ui , x, v, . . . , v (s+r) ) (r) ψ j,r (vj , x, u, . . . , u(s+r) )

= =

0, 0,

i = 1, . . . , m ( = card u), j = 1, . . . , µ ( = card v).

(6.14)

Lorsque s = 0, on retrouve le bouclage statique2 d'état. Il est possible de montrer que les bouclages dynamiques réguliers classiquement utilisés en synthèse par bouclages en non-linéaire sont des bouclages dynamiques exogènes, donc beaucoup plus complexes que les bouclages endogènes et quasi statiques.

6.8. Synthèse par bouclages Dans cette partie, on résume deux problèmes de synthèse par bouclage, à savoir le découplage et le rejet de perturbations. L'algèbre diérentielle permet d'en donner des dénitions simples, d'exprimer leurs conditions nécessaires et susantes sous forme de conditions de rang et de montrer que le bouclage dynamique endogène est susamment riche pour les résoudre. De plus, dans le cas des systèmes classiques, le bouclage quasi statique sut. 2 On renvoie à [DEL 98a] pour une dénition intrinsèque du bouclage statique basé sur la notion algébrique de ltration.

Algèbre diérentielle

259

6.8.1. Découplage Un système K/k d'entrée u (commande) et de sortie y est dit découplé (par rapport à u et y ) si le sous-système entrée-sortie khu, yi/k vérie : (i) les corps khu1 , y1 i,. . ., khup , yp i et éventuellement3 khup+1 , . . . , um i sont kalgébriquement disjoints, à une renumérotation près des composantes de l'entrée u; (ii) les composantes de y sont diérentiellement transcendantes sur k. La condition (i) exprime le fait que dans un système découplé, chaque composante de la sortie n'est inuencée que par une entrée au maximum ; la condition (ii) assure que chaque composante de la sortie est eectivement inuencée par une composante de l'entrée. En d'autres termes, un système découplé possède la structure de plusieurs systèmes mono-entrée, mono-sortie en parallèle. Le problème du découplage consiste à déterminer un bouclage tel qu'en boucle fermée, le système soit découplé. Proposition 6. Un système K/k de sortie y est découplable si et seulement s'il est inversible à droite [FLI 89a]. Le bouclage qui découple peut toujours être choisi parmi les bouclages endogènes ou même quasi statiques si le système est classique [DEL 98b].

6.8.2. Rejet de perturbations Soit K/khu, $i une dynamique de commande u et de perturbation $. La sortie y du système K/k n'est pas inuencée par la perturbation $ si les corps kh$i et khu, yi sont k-algébriquement disjoints. Le problème du rejet de perturbations consiste à déterminer un bouclage qui rend la sortie indépendante de la perturbation dans la boucle fermée. Proposition 7. [DEL 98b] Soit la dynamique K/khu, $i de commande u, de perturbation $ et de sortie y . Il est possible de rejeter l'inuence sur la sortie de la perturbation si et seulement si les conditions équivalentes suivantes sont satisfaites : (i) d◦ tr diff khy, $i/khyi = %(y) ; (ii) les corps khyi et kh$i sont k-algébriquement disjoints. Le bouclage qui résout le problème peut toujours être choisi endogène, voire même quasi statique si le système est classique.

6.8.3. Linéarisation La linéarisation par bouclage est un problème de synthèse qui a été très étudié. Outre les aspects pratiques et son rapport avec la commandabilité, la platitude permet de considérer ce problème sous un autre angle. Proposition 8. [DEL 98d] Un système non linéaire est linéarisable par bouclage quasi statique d'état si et seulement s'il est plat. 3

Dans le cas où il y a plus de composantes d'entrée que de sortie.

260

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

6.9. Exemple 6.9.1. Modèle Considérons le moteur synchrone4 dont le modèle s'écrit : θ˙

=

ω,

J ω˙ dia L dt dib L dt

=

np Km (−ia sin np θ + ib cos np θ) − f ω − τ r ,

(6.15a) (6.15b)

=

−Ria + np Km ω cos np θ + va ,

(6.15c)

=

−Rib − np Km ω sin np θ + vb ,

(6.15d)

où θ et ω désignent respectivement la position et la vitesse angulaire de l'arbre du moteur ; ia et ib les courants dans chacune des phases ; va et vb les tensions d'alimentation de chacune des phases ; τ r le couple résistant que subit l'arbre du moteur. L'ensemble mécanique en rotation présente un moment d'inertie J ; f est le coecient de frottements visqueux ; np est le nombre de paires de pôles ; Km , la constante de couple et de force contre-électromotrice ; L et R, le coecient d'auto-induction et la résistance des bobinages de chaque phase.

6.9.2. Construction de l'extension diérentielle Le modèle (6.15) ne relève pas a priori du cadre de l'algèbre diérentielle, puisque ses équations s'écrivent à l'aide des fonctions trigonométriques. Cette diculté peut être facilement contournée. Pour cela, on eectue le changement de variables usuel (transformation de Park) donné par : 

id iq



 = R(np θ)

ia ib



 ,

vd vq



 = R(np θ)

va vb

 ,

où R(np θ) désigne la matrice de rotation d'angle np θ. On obtient alors le modèle dans le  repère dq  : θ˙

=

ω,

J ω˙ did L dt diq L dt

=

np Km iq − f ω − τ r ,

(6.16a) (6.16b)

=

−Rid + np Lωiq + vd ,

(6.16c)

=

−Riq − np Lωid − np Km ω + vq ,

(6.16d)

où id et iq sont respectivement les courants direct et en quadrature, vd et vq les tensions directe et en quadrature. 4 Il s'agit d'un modèle d'un moteur à deux phases à aimants permanents et pôles lisses. On renvoie à [BOD 98] pour plus de détails sur le modèle.

Algèbre diérentielle

261

Ce deuxième modèle est bien constitué d'équations polynomiales. Pour construire l'extension de corps qui lui est associée, on considère k = R car les coecients sont des réels supposés constants. On considère l'anneau diérentiel R[Θ, Ω, Id , Iq , Vd , Vq , Tr ], c'est-à -dire l'ensemble des polynômes diérentiels en les indéterminées diérentielles Θ, Ω, Id , Iq , Vd , Vq , Tr . Dans cet anneau, on dénit l'idéal diérentiel I engendré par les polynômes diérentiels : Θ(1) − Ω, ˙ − np Km Iq + f Ω + Tr , JΩ (1)

L Id + RId − np LΩIq − Vd , L Iq(1) + RIq + np LΩId + np Km Ω − Vq .

(6.17a) (6.17b) (6.17c) (6.17d)

Cet idéal est premier puisque le système diérentiel (6.16) est explicite en les dérivées premières des variables (voir par exemple [CON 93]). Il est donc possible de construire le corps diérentiel K = hθ, ω, id , iq , vd , vq , τ r i comme le corps de fractions de l'anneau quotient R[Θ, Ω, Id , Iq , Vd , Vq , Tr ]/I. Examinons maintenant la possibilité de traiter le modèle original (qui n'a pas subi la transformation dq) à l'aide d'une extension de corps diérentiels. Pour pouvoir considérer les équations (6.15), il est nécessaire de connaître c = cos np θ et s = sin np θ . Ces deux quantités sont diérentiellement algébriques sur le corps différentiel Rhθ, ω, id , iq , vd , vq , τ r i puisqu'elles sont toutes deux solutions de l'équation diérentielle algébrique : z¨ + n2p ω 2 z = 0. (6.18) En pratique, il faudra aussi être vigilant à choisir les bonnes conditions initiales pour intégrer (6.18) : c(t) = z(t), s(t) = −z(t) ˙ avec z(0) = 1 et z(0) ˙ = 0. On prend donc L = Khc, si. L'extension diérentielle : Rhθ, ω, id , iq , vd , vq , τ r , c, si/k,

correspond au système constitué des équations (6.16) et (6.18). Elle permet cependant de traiter le système d'équations (6.15), puisque toutes les variables qui apparaissent dans l'écriture de (6.15) sont des éléments du corps L ; ceci est clair pour θ , ω et τ r qui sont éléments de K ⊂ L ; pour ia , ib , va et vb , il faut utiliser les relations : ia

=

id c − iq s,

ib

=

id s + iq c,

va

=

vd c − vq s,

vb

=

vd s + vq c,

(6.19a) (6.19b) (6.19c) (6.19d)

où les variables apparaissant dans les membres de droite sont toutes incluses dans

L. La construction du corps diérentiel L s'eectue à partir de l'anneau diérentiel5 R[Θ, Ω, Id , Iq , Vd , Vq , Tr , Z] et de l'idéal diérentiel J ⊃ I engendré par les polynômes diérentiels (6.17) et Z¨ + n2p Ω2 Z . 5 Il n'est pas nécessaire d'ajouter deux indéterminées diérentielles supplémentaires, correspondant à c et s, par rapport à la construction de K/R. En eet, à un facteur ±np ω près, c et s sont dérivées l'une de l'autre.

262

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

On remarque cependant que d◦ tr L/Rhvd , vq , τ r i = 6, ce qui signie que toute réalisation de la dynamique L/Rhva , vb , τ r i nécessite 6 variables d'état : 4 pour les équations (6.16) et (6.19) et 2 pour l'équation (6.18) qui est du second ordre. Le système d'équations (6.15) ne nécessite que 4 conditions initiales pour être intégré, par contre il n'est pas sous forme algébrique. Il faut noter qu'il est plus avantageux d'eectuer des simulations6 avec les équations (6.16), (6.18), (6.19) qui ne nécessitent pas l'évaluation de fonction transcendante contrairement à (6.15). Par contre, il faut un peu plus de mémoire pour stocker les deux variables d'état supplémentaires correspondant à une réalisation de (6.18).

6.9.3. Choix de l'entrée et réalisation par variables d'état Illustrons maintenant la possibilité du choix de l'entrée. Par souci de simplicité, on se limite au système K/R d'équations (6.16). L'entrée (vd , vq , τ r ) considérée jusqu'à présent correspond au choix physique naturel, puisque ce moteur est commandé par l'intermédiaire des tensions appliquées à chacune des phases. L'extension diérentielle K/R est de degré de transcendance diérentiel 3. En eet, en posant w1 = θ, w2 = id , w3 = iq , w4 = vd , w5 = vq et w6 = τ r an d' oublier  la signication des variables, on peut réécrire le système d'équations (6.16) sous la forme : Jw ¨1 dw2 L dt dw3 L dt

=

np Km w3 − f w˙ 1 − w6 ,

(6.20a)

=

−Rw2 + np Lw˙ 1 w3 + w4 ,

(6.20b)

=

−Rw3 − np Lw˙ 1 w2 − np Km w˙ 1 + w5 .

(6.20c)

On se rend ainsi compte qu'il s'agit d'un système de trois équations différentielles algébriques indépendantes en six variables. Par conséquent7 , d◦ tr diff K/R = d◦ tr diff Rhw1 , . . . , w6 i/R = 3. Le système d'équations (6.16) ou (6.20) est donc un système à trois entrées (indépendamment de la dénomination des variables). Le choix naturel pour le fonctionnement en moteur de cette machine électrique est de prendre deux commandes : les tensions vd et vq , et une perturbation : le couple de charge τ r . La dynamique K/Rhvd , vq , τ r i vérie d◦ tr K/Rhvd , vq , τ r i = 4, c'est-à-dire qu'il y a 4 variables d'état, comme on le voit sur les équations (6.16) ou (6.20). On constate, en eet, que si l'entrée est déterminée, il faut donner 4 conditions initiales pour intégrer (6.15) ou (6.20). 6 En pratique, il n'est pas bon, du point de vue numérique, de simuler (6.18) et il vaut mieux utiliser une table pour la détermination des fonctions sinus et cosinus qui apparaissent dans [6.19]. 7 On peut utiliser la proposition 2 ou tirer de [DEL 98a] les aspects algorithmiques en termes de ltrations.

Algèbre diérentielle

263

Avec ce choix la représentation d'état s'écrit : θ˙

=

ω˙

=

did dt diq dt

= =

ω, 1 np Km f iq − ω − τ r , J J J R 1 − id + np ωiq + vd , L L R 1 np Km − iq − np ωid − ω + vq . L L L

(6.21a) (6.21b) (6.21c) (6.21d)

On peut cependant considérer d'autres choix d'entrée, par exemple (id , iq , τ r ). Comme id , iq et τ r sont diérentiellement algébriquement indépendantes sur R, d◦ tr diff Rhθ, ω, id , iq , vd , vq , τ r i/Rhid , iq , τ r i = 0 et il s'agit bien d'une entrée. Avec ce choix, d◦ tr Rhθ, ω, id , iq , vd , vq , τ r i/Rhid , iq , τ r i = 2 puisqu'il subsiste 2 équations diérentielles du premier ordre, (6.16a) et (6.16b), qui permettent de déterminer θ et ω à partir de l'entrée. Les équations (6.16c) et (6.16d) permettent, quant à elles, de calculer, sans intégration, vd et vq à partir de l'entrée et de la vitesse ω. Toute réalisation de K/Rhid , iq , τ r i ne nécessite donc que 2 variables d'état. Avec ce choix, la représentation d'état s'écrit : θ˙ ω˙

=

ω,

(6.22a)

=

np Km f 1 iq − τ r . − ω+ J J J

(6.22b)

En pratique, puisqu'il n'est pas possible de commander directement par les courants, ce deuxième choix d'entrée suggérera plutôt de regarder le système K/R comme la  cascade  de deux sous-systèmes8 couplés : d'une part, une dynamique rapide Rhid , iq , ω, vd , vq i/Rhω, vd , vq i d'entrée (ω, vd , vq ) et de sortie (id , iq ), dont une réalisation d'état naturelle est par exemple : did dt diq dt

= =

1 R id + np ωiq + vd , L L np Km R 1 − iq − np ωid − ω + vq ; L L L



(6.23a) (6.23b)

et d'autre part, une dynamique lente Rhθ, id , iq , τ r i/Rhid , iq , τ r i, d'entrée id , iq , τ r et de sortie θ (ou ω ), dont une représentation d'état est (6.22). Un autre choix possible de l'entrée consiste à prendre9 (−τ r ) comme commande et (−id , −iq ) comme perturbation. Ce choix correspond au fonctionnement en génératrice et la sortie est (−vd , −vq ). Dans ce cas, il s'agit d'une dynamique d'ordre 2 : d◦ tr K/Rh−τ r , −id , −iq i = 2, car les deux équations diérentielles du premier ordre (6.16a) et (6.16b) permettent de déterminer les variables θ et ω, considérées ici comme 8 Les qualicatifs  lente  et  rapide  font référence à la vitesse relative des deux dynamiques considérées pour des choix de paramètres correspondants à des machines réelles. 9 Les signes  −  apparaissent parce que le modèle initial a été écrit en  convention récepteur  pour la machine, alors qu'elle est considérée ici comme générateur.

264

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

état. Les deux autres équations du modèle (6.16c) et (6.16d) donnent les expressions des sorties en fonction des variables d'état, de l'entrée et de ses dérivées. La représentation d'état obtenue avec ce choix naturel de variables fait apparaître des dérivées de l'entrée dans les équations des sorties : θ˙

=

ω˙

=

−vd

=

−vq

=

ω,

(6.24a)

1 f np Km (−iq ), − ω + (−τ r ) − J J J d(−id ) , R(−id ) − np Lω(−iq ) + L dt

(6.24b)

R(−iq ) + np Lω(−id ) − np Km ω + L

(6.24c) d(−iq ) . dt

(6.24d)

6.9.4. Platitude Le système (6.16) est plat et il existe plusieurs sorties linéarisantes ayant une signication physique. Celle qui correspond au fonctionnement en moteur est (θ, id , τ r ). On vérie que θ, id , τ r sont R-diérentiellement indépendantes. De plus, avec l'équation (6.16a), on obtient l'expression de ω en fonction de la sortie plate, puis, à l'aide de (6.16b), celle de iq : 1 iq = (J ¨ θ + f θ˙ + τ r ) np Km Enn, les équations (6.16c) et (6.16d) permettent d'exprimer les entrées : vd

=

vq

=

did L ˙ ¨ + Rid − θ(J θ + f θ˙ + τ r ), dt Km L R ˙ ˙ d + np Km θ. (Jθ(3) + f ¨ θ + τ˙ r ) + (J ¨ θ + f θ˙ + τ r ) + np Lθi np Km np Km

L

Pour la génération de trajectoires à faire suivre au moteur, le choix de θ est souvent évident en fonction du problème de commande à traiter (par exemple, contrôle de la position ou de la vitesse). Pour id , le choix n'est pas évident a priori. Cependant, le choix id (t) = 0 permet de minimiser la puissance dissipée par eet Joule, P = Ri2q + Ri2d , sur n'importe quel régime de fonctionnement. La variable τ r est une perturbation et il n'est pas possible de lui assigner une trajectoire ; par contre, il est possible de considérer sa valeur moyenne ou d'en obtenir une estimation τˆr par un observateur, sous certaines hypothèses. En conclusion, pour faire suivre la trajectoire de référence t 7→ θ∗ (t) il faut appliquer les commandes : vd∗

=

vq∗

=

L ˙ ∗ ¨∗ ∗ θ (J θ + f θ˙ + τˆr ), Km ∗ ∗ ∗ ∗ L R (Jθ∗(3) + f ¨ θ )+ (J ¨ θ + f θ˙ + τˆ r ) + np Km θ˙ . np Km np Km



Algèbre diérentielle

265

On constate que ce suivi de trajectoire n'est possible que si θ∗ admet partout une dérivée troisième à droite et à gauche. La sortie plate correspondant au fonctionnement en génératrice est (θ, −id , −iq ). Les calculs pour le vérier et établir les commandes nominales pour suivre des trajectoires sont laissés au lecteur.

6.9.5. Découplage et linéarisation Prenons comme sortie y = (θ, id ), c'est-à-dire les composantes (à l'exception de τ r qui est une perturbation) de la sortie plate correspondant au fonctionnement en moteur. On a %(y) = d◦ tr diff K/khτ r i = 2 car θ et iq sont diérentiellement indé-

pendants. D'après la proposition 6, le découplage est possible. Le bouclage statique : vd

=

Rid − np Lωiq + ud ,

vq

=

Riq + np Lωid + np Km ω + ud ,

eectue le découplage et la linéarisation.

6.9.6. Rejet de perturbations Prenons comme sortie y = (θ). Les équations (6.16a) et (6.16b) entraînent que les corps khθi et khτ r i ne sont pas k-algébriquements disjoints. Le rejet de la perturbation n'est donc pas possible pour ce modèle.

6.10. Bibliographie [AIT 94] [BOD 98] [BOU 94] [BOU 95] [CON 93] [CON 99]

Aït-Amirat Y.,

Contribution à la théorie de la structure des systèmes en automatique : application au découplage et au rejet de perturbations, Thèse de doctorat, université Claude Bernard-Lyon I, 1994. Bodson M., Chiasson J., Dierential-geometric methods for control of electrical motors, Int. J. Robust Nonlinear Control, vol. 8, p. 923-954, 1998. Boulier F., Etude et implantation de quelques algorithmes en algèbre diérentielle, Thèse de doctorat, Université des sciences et technologies de Lille, 1994. Boulier F., Petitot M., Complete computation of the relations for implicit dynamical systems, Preprints of the IFAC Conference on System Structure and Control, p. 635-639, Nantes, 5-7 juillet 1995. Conte G., Perdon A.M., Moog C.H., The dierential eld associated to a general analytic nonlinear dynamical system, IEEE Trans. Automat. Control, vol. 38, p. 1120-1124, 1993. Conte G., Moog C.H., Perdon A.M., Nonlinear Control Systems : An Algebraic Setting, Lecture Notes in Control and Inform. Sci., vol. 243, Springer-Verlag, Londres, 1999.

266

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

[DEL 92] [DEL 93] [DEL 94] [DEL 98a] [DEL 98b] [DEL 98c] [DEL 98d] [DIO 89] [DIO 91a] [DIO 91b] [DIO 92] [DIO 93] [ELA 92] [FLI 86a] [FLI 86b]

[FLI 89a] [FLI 89b] [FLI 90a] [FLI 90b]

Delaleau E., Fliess M.,

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[FLI 93b] [FLI 95] [GLA 88]

[GLA 90] [JOH 69] [KOL 73] [MES 92] [MOU 95] [OLL 90] [PER 01] [RES 90]

Fliess M.,

267

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268

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

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Chapitre 7

Equations diérentielles à second membre discontinu 7.1. Introduction En se plaçant dans le cadre des sciences relevant de l'électronique, de l'électrotechnique et de l'automatique, il apparaît de prime abord naturel à un automaticien d'étudier les systèmes continus linéaires. En eet, ceux-ci se retrouvent sans trop d'approximation en électronique linéaire analogique (il est en eet justié de considérer les résistances, condensateurs, inductances et amplicateurs opérationnels hors saturation comme des éléments linéaires) et, avec des approximations au linéaire tangent, les systèmes actifs et les systèmes électrotechniques peuvent aussi être représentés par des systèmes linéaires. Ainsi par exemple, il faut se souvenir qu'un transformateur admet une représentation linéaire, mais ceci généralement uniquement au voisinage de sa tension nominale (courbes de magnétisation) et de sa fréquence nominale (pertes fer et courants de Foucault). Néanmoins, si l'on veut aborder des systèmes plus généraux et/ou des comportements dynamiques plus éloignés des points de fonctionnements nominaux, on est obligé d'utiliser une représentation non linéaire analytique, comme cela a été présenté dans les deux chapitres précédents. C'est le cas, par exemple, de la machine asynchrone (équation du couple électrique). Cependant, ce passage au non-linéaire analytique est encore souvent insusant pour traduire les propriétés physiques de nombreux systèmes relevant des équations diérentielles ordinaires (ce chapitre n'abordera pas le cas des systèmes aux dérivées partielles). C'est le cas pour les convertisseurs statiques, où les nombreuses commutations des composants à semi-conducteurs produisent des discontinuités dans les équations diérentielles représentant le système. Il est évident que la commutation d'un interrupteur n'est pas le seul type de discontinuité qui peut apparaître dans les circuits électriques, électromagnétiques et électromécaniques : nous pouvons ainsi citer, sans souci d'exhaustivité, les frottements secs, les triggers, les redresseurs, les saturations des amplicateurs opérationnels, etc. Pour l'étude de tels systèmes, de nombreuses méthodes ont été employées : parmi les plus connues, nous pouvons citer la méthode du premier harmonique. Mais celle-ci, comme beaucoup d'autres, ne s'applique que dans des conditions très particulières. C'est pour cette raison que ce chapitre présente une formulation générale, bien que simpliée, de la résolution des équations non linéaires discontinues. Il est aussi à notre avis très important de souligner l'importance des commandes discontinues dans la recherche de commandes  robustes  : ceci sera abordé dans la section dédiée à la commande par modes glissants. Notre présentation de la résolution des équations diérentielles discontinues étant Chapitre rédigé par Wilfrid Perruquetti et Jean-Pierre

.

Barbot

270

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

plus méthodologique qu'historique, nous citons quelques contributions (sous forme de livres) marquantes dans le domaine et dans lesquelles le lecteur pourra trouver des compléments nécessaires à une bonne maîtrise des outils. Ainsi, nous avons choisi : le livre de A.F. Filippov [FIL 88] sur le vecteur équivalent et la résolution des équations diérentielles discontinues, le livre de V.I. Utkin [UTK 92] sur les modes glissants, les livres de J.-P. Aubin et co-auteurs [AUB 84, AUB 90] sur les inclusions diérentielles et les multifonctions, enn le livre de F.H. Clarke et co-auteurs [CLA 98] sur l'analyse des dynamiques discontinues.

7.2. Rappels d'analyse convexe Par la suite, E désignera un espace de Banach (espace vectoriel complet). Les notions de topologie utiles dans cette partie sont développées dans [RIC 01].

7.2.1. Ensembles convexes Dénition 1. Un ensemble

A ⊂ E est convexe si le segment joignant deux points quelconques de A appartient à A. Dans le plan, l'intérieur d'une ellipse est convexe et la réunion de deux disques disjoints ne l'est pas. Si E est un espace vectoriel normé, toute boule y est convexe. P Lemme 1. Si les Ai sont des ensembles convexes de E , alors ∩ni=1 Ai, ni=1 Ai , Q i∈I Ai sont convexes (I est un ensemble d'indices de cardinalité quelconque). Dénition 2. L'intersection de tous les ensembles convexes (respectivement, convexes fermés) contenant A est le plus petit convexe (respectivement, convexe fermé) contenant A : on le note conv(A) (respectivement, conv(A)).

7.2.2. Multifonctions L'être mathématique appelé  multifonction  (en anglais set-valued map) est une application qui, à un point, associe un ensemble de points. Dénition 3 (Multifonction). Soient E1 et E2 deux ensembles. Une multifonction F est dénie par une relation entre les éléments de E1 et ceux de P(E2 ). On la note F : E1 ⇒ E2 . Elle associe à un point x de E1 un sous-ensemble F (x) de E2 . On dénit le domaine de F : dom(F ) , {x ∈ E1 : F (x) 6= ∅}, son graphe1 : graph(F ) , {(x, y) ∈ E1 × E2 : x ∈ dom(F ) et y ∈ F (x)}, son image : image(F ) , {y ∈ E2 : ∃x ∈ dom(F ) tel que y ∈ F (x)} = ∪x∈E1 F (x) ⊂ E2 . Par exemple, le graphe de la multifonction G : x 7→ {x2 } est une parabole. Ce graphe est non vide (on dit que F est non triviale) ; de plus, c'est une fonction au sens classique du terme : elle est dite fonction stricte (G(x) est un singleton). Notons 1

Le graphe peut donc dénir la multifonction F .

Equations diérentielles à discontinuités

271

que : image(G) = R+ , dom(G) = R. Mais le plus intéressant pour cette fonction G est de dénir une multifonction inverse, comme suit. Dénition 4 (Inverse). La multifonction inverse de F , notée F −1 , est dénie par son graphe : graph(F −1 ) = {(y, x) ∈ E2 × E1 : y ∈ F (x)}. Cette dénition de l'inverse d'une multifonction correspond donc à la permutation des abscisses et des ordonnées, sans se préoccuper du caractère bijectif ou non de la fonction. De ce que nous venons de voir, nous déduisons que les propriétés des multifonctions sont celles des graphes qui leurs sont associés. Ainsi, une multifonction est convexe si son graphe associé est convexe. De même, nous pouvons dénir des propriétés uniquement sur l'image de la multifonction. Dénition 5 (Convexité). Une multifonction F est convexe (respectivement, fermée, compacte bornée) si son image l'est. Les opérations sur les ensembles peuvent être étendues aux multifonctions à travers leur graphe associé. Dénition 6. Soient deux multifonctions F1 et F2 . On dénit, respectivement, l' intersection et l' union comme : F1 ∩ F2



graph(F1 ) ∩ graph(F2 ),

F1 ∪ F2



graph(F1 ) ∪ graph(F2 ),

F1 ⊂ F2



graph(F1 ) ⊂ graph(F2 ).

L' image inverse d'une multifonction F sur l'ensemble E2 , notée F −1 (E2 ), est : F −1 (E2 ) , {x ∈ E1 : F (x) ∩ E2 6= ∅}.

Le noyau d'une multifonction F sur l'ensemble E2 , noté F +1 (E2 ), est égal à : F +1 (E2 ) , {x ∈ E1 : F (x) ⊂ E2 }.

Notons, par exemple, que la multifonction H dénie par le graphe graph(H)  = + −1 + H sur R (R ) = R qui {(x, y) ∈ R × R : y ∈ {+ |x| , − |x|}} a une image inverse  est diérente de son noyau sur R+ H +1 (R+ ) = ∅ . Il y a concordance des solutions de l'image inverse et du noyau quand la multifonction associe à tout élément de E1 au plus un point de E2 . Nous allons maintenant donner des notions de continuité pour les multifonctions, qui prolongent celles vues au chapitre  Topologie  de [RIC 01]. Dénition 7 (Semi-continuité). Soient E1 et E2 des espaces topologiques de Hausdor. Une multifonction F : E1 ⇒ E2 est semi-continue supérieurement en x ∈ dom(F ) si, pour tout voisinage V ⊂ E2 de F (x), il existe un voisinage W de x tel que F (W ) ⊂ V . F est semi-continue supérieurement si elle est semi-continue supérieurement en tout point de son domaine dom(F ). F est semi-continue inférieurement en x ∈ dom(F ) si, pour tout y ∈ F (x) et toute suite xn ∈ dom(F ) convergeant vers x, il existe une suite yn ∈ F (xn ) convergeant vers y . F est semi-continue inférieurement si elle l'est en tout point de son domaine dom(F ).

272

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Dans le cas particulier des multifonctions associant à tout élément de E1 au plus un point de E2 , ces dénitions sont équivalentes : elles sont des ré-écritures directes de la dénition classique de continuité d'une fonction. Pour des multifonctions n'associant pas un seul y à chaque x, nous remarquons, par exemple, que la multifonction dénie par le graphe {(x, y) ∈ R × R : |y| ≤ |x|} (gure 7.1) est semi-continue inférieurement et supérieurement. Par contre, la multifonction de graphe {(x, y) ∈ R×R : |y| ≤ 1 pour x 6= 0 et y = 0 pour x = 0} (gure 7.2) est semi-continue inférieurement mais pas supérieurement en 0. Enn, la multifonction dénie par le graphe {(x, y) ∈ R × R : y = 0 pour x 6= 0 et |y| ≤ 1 pour x = 0} (gure 7.3) est semi-continue supérieurement mais pas inférieurement en 0.

Figure 7.1. Graphe {(x, y) ∈ R × R : |y| ≤ |x|}

Figure 7.2. Graphe {(x, y) ∈ R × R : |y| ≤ 1 pour x 6= 0 et y = 0 pour x = 0}

Figure 7.3. Graphe {(x, y) ∈ R × R : y = 0 pour x 6= 0 et |y| ≤ 1 pour x = 0} Ceci permet une dénition de la continuité pour les multifonctions.

Equations diérentielles à discontinuités

273

Dénition 8 (Continuité). Soient E1 et E2 des espaces topologiques de Hausdor. Une multifonction F : E1 ⇒ E2 est continue en x ∈ dom(F ) si elle est semi-continue inférieurement et supérieurement en x. Elle est dite continue si elle est continue en tout point de son domaine dom(F ). Des dénitions précédentes, nous obtenons les propositions suivantes. Proposition 1. La multifonction F : E1 ⇒ E2 est semi-continue supérieurement en x ∈ dom(F ) si le noyau de tout voisinage de F (x) est un voisinage de x. Elle est semi-continue inférieurement en x ∈ dom(F ) si l'image inverse de tout voisinage d'intersection non vide avec F (x) est un voisinage de x. Dénition 9. La multifonction F : R × E1 ⇒ E2 est localement lipschitzienne en x s'il existe une fonction positive intégrable ζ et un voisinage V de x tels que : ∀(y, z) ∈ V : dH (F (t, z), F (t, y)) ≤ ζ(t) kz − yk ,

(7.1)

où dH est la distance de Hausdor de deux ensembles, dénie par : (7.2)

dH (A, B) = max(sup (a, B), sup(A, b)). a∈A

b∈B

Il resterait un bon nombre de notions, théorèmes, propositions et exemples à présenter, mais ceci dépasse largement le cadre de ce chapitre : nous renvoyons le lecteur à des ouvrages plus spécialisés [AUB 84, AUB 90] pour poursuivre dans le domaine. Toutefois, an de faire un lien avec les paragraphes suivants, nous donnons ci-dessous la dénition d'intégrale de multifonctions. Dénition 10. L' intégrale de la multifonction F : E1 ⇒ E2 sur l'ensemble mesurable M est l'ensemble des intégrales de F , déni comme suit : Z

Z

 f dσ : f ∈ F˜ ,

F dσ = M

(7.3)

M

avec F˜ , {f ∈ L1 (M, E2 ) : f (x) ∈ F (x) presque partout sur M }. Remarque 1.  Presque partout sur M  signie  sauf sur un sous-ensemble de mesure nulle . Nous le noterons quelquefois  p.p. , ainsi f ∈ F signie que p.p.

f (x) ∈ F (x) presque partout sur M . De même, f = g signie que f (x) = g(x) p.p.

presque partout sur M .

7.3. Inclusions diérentielles, problème de Cauchy Le problème de Cauchy (PC) suivant : x˙

=



x(0)

=

0,

x si x 6= 0, |x|

(7.4)

n'admet pas de solution au sens classique puisque x(0) ˙ n'est pas dénie. Cependant, o n x en remplaçant le membre de droite par la multifonction F (x) = − |x| si x 6= 0,

274

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

F (0) = [−1, 1] , on vérie que x(t) = 0 satisfait la relation

∈ F (x) pour tout t. De la même façon, le problème de Cauchy associé à la condition initiale x(0) = x0 (quelconque) admet une solution. dx dt

Dans un cadre plus général, pour étudier une équation diérentielle ordinaire à second membre discontinu (systèmes à structure variable, commande adaptative, hacheur, phénomène de friction, etc.) de la forme : dx = f (t, x), dt

(7.5)

x ∈ X,

où f (t, x) est dénie et continue sur I × (Xp \M) (Xp une partition de X , M un ensemble de mesure nulle2 )), il apparaît intéressant de la remplacer par l'inclusion diérentielle suivante : dx ∈ F (t, x), dt

(7.6)

où F (t, x) est un ensemble, dont nous verrons une construction, qui pour (t, x) ∈ I × Xp \M est déni par F (t, x) = {f (t, x)}. Cette inclusion doit permettre de  capturer  les comportements de (7.5). De même, pour un système commandé, on peut remplacer dx = f (t, x, u), x ∈ dt ∈ F (t, x, U) : c'est une approche souvent utilisée pour les problèmes X , u ∈ U, par dx dt de commande en temps optimal, où l'on cherche une trajectoire de l'inclusion qui rejoigne une cible en un temps minimum.

7.3.1. Notion de solution On s'intéresse au problème de Cauchy (PC) suivant :  Existe-t-il une fonction φ telle que dφ ∈ F (t, φ(t)) presque partout et φ(t0 ) = x0 ?  dt Dénition 11 (Solution). On appelle solution de (7.6) passant par x0 à t0 , toute fonction φ absolument continue3 dénie sur un intervalle non vide (I(t0 , x0 ) ⊂ I ⊂ R) contenant t0 : φ

:

t

7→

I ⊂ R → X ⊂ Rn , φ(t; t0 , x0 ),

notée plus simplement φ(t), vériant dφ ∈ F (t, φ(t)) presque partout sur I(t0 , x0 ) et dt telle que φ(t0 ) = x0 . Si φ(t) est une fonction absolument continue, alors il existe χ(u) une fonction Lebesgue-intégrable qui soit presque partout égale à la dérivée de φ : φ(t) = φ(t0 ) + 2 Il s'agit de la mesure au sens de Lebesgue : voir l'exemple de la page 82 et [RIC 01], chapitre 2. On peut aussi lire  continue sur Xp \M  comme  continue p.p. , au sens de la remarque 1. 3φ : [α, β] 7→ Rn est P absolument continue siP ∀ε > 0, ∃δ(ε) > 0 :

∀ {]αi , β i [}i∈{1..n} , ]αi , β i [⊂ [α, β]

n i=1 (β i

− αi ) ≤ δ(ε) ⇒

n i=1

kφ(β i ) − φ(αi )k ≤ ε.

Equations diérentielles à discontinuités Rt t0

χ(u)du. Si, de plus, on a

dφ ∈ dt p.p.

275

F (t, φ(t)), alors χ(u) ∈ F (u, φ(u)) et on obtient p.p.

donc la représentation intégrale suivante : Z φ(t) ∈ φ(t0 ) +

t

F (u, φ(u))du. t0

La réciproque n'est vraie que si la multifonction vérie certaines hypothèses de régularité (par exemple, F compacte, convexe, semi-continue supérieurement).

7.3.2. Existence des solutions Dans le cas où F (t, x) = {f (t, x)} et Xp = X (le membre de droite de (7.5) pouvant ne pas être déni pour des instants appartenant à un ensemble de mesure nulle), on retrouve les résultats classiques sur les EDO (résultats de Carathéodory et Péano, voir chapitre 5, pages 177 et 176). Notamment, l'existence de solution est garantie par la continuité de la fonction. Pour les multifonctions, une notion de substitution est la semi-continuité supérieure. Théorème 1. Supposons que F soit dénie, convexe, semi-continue supérieurement sur le tonneau : T = {(t, x) ∈ I × X : |t − t0 | ≤ a, kx − x0 k ≤ b} ,

(7.7)

avec T ⊂ dom(F ). Si, ∀(t, x) ∈ T et ∀y ∈ F (t, x) 6= ∅, on a kyk ≤ K , alors, il existe au moins une solution au PC dénie sur au moins un intervalle [t0 − α, t0 + α], avec b α = min(a, K ). Théorème 2. Soit F : R × Rn ⇒ Rn semi-continue supérieurement :  si F est compacte et convexe, alors il existe une solution au PC dénie sur un ouvert de l'instant initial ;  s'il existe deux constantes positives c1 et c2 telles que ∀(t, x) ∈ R × Rn et ∀y ∈ F (t, x) 6= ∅, on ait kyk ≤ c1 kxk + c2 , alors il existe une solution au PC dénie sur R. Remarque 2. On peut remplacer la deuxième condition par l'existence de deux fonctions localement intégrables c1 (t) et c2 (t) vériant la même inégalité. Une des conditions précédentes d'existence de solution repose sur la convexité de F , mais le théorème de relaxation donné ci-après montre que si F est lipschitzienne, alors l'ensemble des solutions de l'inclusion diférentielle (7.6) est dense dans l'ensemble de celles de l'inclusion diérentielle  convexiée  : dx ∈ conv(F (t, x)), dt

(7.8)

c'est-à-dire que toute solution de (7.6) peut être approchée de façon aussi précise qu'on le désire par des solutions de (7.8). Théorème 3. Soit F dénie, semi-continue supérieurement, lipschitzienne en x sur le tonneau T ⊂ dom(F ) déni par (7.7). Si ∀(t, x) ∈ T , ∀y ∈ F (t, x) 6= ∅, on a kyk ≤ K , alors toute solution x(t) de (7.8) telle que x(t0) = x0 est dénie sur

276

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

I(t0 , x0 ) = [t0 − α, t0 + α], α = min(a, Kb ) et, pour tout ε > 0 donné, il existe une solution y(t) de (7.6) dénie sur I(t0 , x0 ) vériant y(t0) = x0 et ky(t) − x(t)k ≤ ε, ∀t ∈ I(t0 , x0 ).

Cela signie que remplacer (7.6) par (7.8) n'introduit pas de  nouvelle solution . Problème de régularisation : solution au sens de Filippov Dans de nombreux cas, f (t, x) (second membre de (7.5)) est dénie sur une partition Xp de l'espace d'état privée de points d'un ensemble de mesure nulle M. Si f (t, x) est continue sur Xp \M, il est intéressant de considérer la multifonction : F (t, x) =

\

conv(f (t, Bε (x) − M)),

(7.9)

ε>0

qui est convexe et semi-continue supérieurement et vérie, pour tout t et tout x ∈ Xp \M : F (t, x) = {f (t, x)}. Une alternative à (7.9) est : F (t, x) =

\

\

conv(f (t, Bε (x) − N )).

ε>0 mes(N )=0

Ainsi, dans le cadre des systèmes à structure variable (par exemple, commandés par modes glissants), la fonction f n'est pas dénie sur une variété S = {x ∈ X : s(x) = 0} :  + f (t, x), si s(x) > 0, f (t, x) = (7.10) f − (t, x), si s(x) < 0. Ainsi est-on amené à considérer (7.9), qui se construit en utilisant :    f (t, x), si s(x) 6= 0,

F (t, x) =

   conv(limx→x∗∈S f (t, x)) = conv f + (t, x), f − (t, x) , si s(x) = 0. x∈S

(7.11)

Dans ce cadre, en notant Prnormale la projection sur la normale à la surface s(x) = 0 orientée de X − vers X + , on dénit les projections des champs de vecteurs f + (t, x) et f − (t, x) :

fn+ (t, x)

=

Prnormale lim f + (t, x),

(7.12)

fn− (t, x)

=

Prnormale lim f − (t, x),

(7.13)

s→0+

s→0−

et on obtient le résultat suivant d'existence de solution, dû à A.F. Filippov. Théorème 4 (de Filippov). Soit le système décrit par (7.5), avec X = X + ∪X − ∪S et M = S . Supposons qu'il satisfasse : ∂fi ≤ k, ∃k ∈ R+ , ∀x ∈ X + ∪ X − , ∂xj

(i, j = 1 . . . n).

Equations diérentielles à discontinuités

277

Soit une fonction s deux fois diérentiable, telle que fn+ et fn− soient continues par rapport à x et t, pour x solution de s(x) = 0. Soit enn h = fn+ − fn− , supposée continûment diérentiable. Si, en chaque point de la surface s(x) = 0, une au moins des deux inégalités fn+ < 0 ou fn− > 0 est vériée, alors, dans le domaine X , il existe une solution unique (à droite) x(t) du système (7.5), qui dépend des conditions initiales de façon unique. De façon générale, pour les inclusions diérentielles, l'unicité des solutions n'a pas de sens : dans le théorème précédent,  solution unique (à droite)  signie alors que si, à t0 , deux solutions coïncident, alors elles coïncideront pour tout t ≥ t0 où elles sont dénies. Ce résultat (similaire aux théorèmes précédents) a un intérêt pratique immédiat : en eet, lorsqu'on a simultanément fn+ < 0 et fn− > 0, la solution du problème (7.5) pour x ∈ S est dénie par : 

x ∈ S, (7.14) x˙ = f0 (t, x),  avec f0 (t, x) ∈ conv f + (t, x), f − (t, x) ∩ Tx S . Ainsi, la dynamique de glissement est

donnée par :

    dx hds, f − i hds, f + i + = f f −, − dt hds, f − − f + i hds, f − − f + i

(7.15)

puisque dans ce cas, la  convexication  du champ de vecteurs s'exprime par

f0 (x, t) = αf + (t, x) + (1 − α)f − (t, x) et :

f0 ∈ Tx S ⇐⇒ hds, f0 i = 0,

ce qui nous conduit à α =

h

hds,f − (t,x)i hds,(f − (t,x)−f + (t,x))i

i

.

Figure 7.4. Convexication par la méthode de Filippov

(7.16)

278

Mathématiques pour les systèmes dynamiques Enn, notons que, au voisinage de la surface s = 0, on a l'équivalence : fn+ (t, x) < 0 fn− (t, x) > 0

 ⇔ ss˙ < 0.

(7.17)

Cette dernière condition est connue sous le nom de condition de glissement. Commande équivalente au sens d'Utkin Pour un champ de vecteurs ane en la commande, donc pour une équation de la forme : dx(t) (7.18) = f (t, x) + g(t, x)u, dt

si l'on considère une variable de commande qui commute selon la loi : ( u=

u+ (t, x) si s(x) > 0, u− (t, x) si s(x) < 0,

(7.19)

alors la méthode de Filippov décrite au paragraphe ci-dessus est équivalente à la méthode dite de la commande équivalente (due à V.I. Utkin [UTK 92]) : la dynamique sur la surface S (en glissement) est obtenue en écrivant l'invariance de la surface S : ( s(x) = 0, s(x) ˙ = 0 = hds, f (t, x)i + hds, g(t, x)iu,

(7.20)

que l'on résoud en u si hds, g(t, x)i 6= 0, ce qui est équivalent à g(t, s) ∈/ Tx S . La solution est : hds, f (t, x)i . ueq = − (7.21) hds, g(t, x)i

Ainsi, lorsque la loi de commande (7.19) vérie, pout tout t et tout x : min(u− (t, x), u+ (t, x)) < ueq (t, x) < max(u− (t, x), u+ (t, x)),

il y a bien existence d'une solution au sens de Filippov sur la surface de glissement et la dynamique de glissement (sur cette surface) est donnée par : dx

= Idn − g(t, x)(hds, gi)−1 ds, f (t, x) . dt

(7.22)

Ceci s'étend au cas multi-entrées (u ∈ Rm ). Distinction des deux approches Le résultat assurant l'équivalence entre la méthode de Filippov et celle d'Utkin pour (7.18) se déduit du résultat suivant.

Equations diérentielles à discontinuités

279

Théorème 5. Soit le système et les hypothèses : dx dt u

=

h(t, x, u),

(7.23)



U ⊂R ,

(7.24)

m

 U compact ;  h dénie sur un ouvert Ω ⊂ Rn privé de S = {x ∈ X : s(x) = 0}, avec s ∈ C 1 (X ) ;  h(t, x, u) continue en x pour t et u xés, continue en t pour x et u xés ;  h(t, x, U) convexe pour tout t ∈ R et tout x ∈ Ω ;  il existe deux constantes positives a et b : kh(t, x, u)k ≤ a kxk + b, pour tout x ∈ Ω et tout u ∈ U . Alors, les propositions suivantes sont équivalentes :  il existe une solution du PC suivant dx = h(t, x, u), x(t0 ) ∈ S , dénie sur dt [t0 , +∞[ ;  h(t, x, U) ∩ Tx S 6= ∅, tout t et tout x ∈ S. La variable u ∈ U solution de h(t, x, u) ∩ Tx S 6= ∅ ⇔ hds, h(t, x, u)i = 0 est la commande équivalente : cette solution est unique si u 7→ hds, h(t, x, u)i est bijective, ce qui est le cas lorsque h(t, x, u) = f (t, x) + g(t, x)u et hds, g(t, x)i est de rang plein. Par contre, pour des systèmes plus généraux que (7.18), les notions dues à Filippov et à Utkin ne sont pas équivalentes, comme le montre l'exemple : x˙ 1

=

−2.1x2 + 4ux1 ,

x˙ 2

=

−1.1x1 + 4u2 x1 ,

s(x)

=

u

=

x1 + x2 , ( −1 si s(x) > 0, 1 si s(x) < 0.

La méthode de la commande équivalente donnerait : s˙ = 0 = (1 + 4u + 4u2 )x1 , soit ueq = −1/2, donc la dynamique de glissement serait x˙ 1 = 0.1x1 et x1 + x2 = 0. La méthode de Filippov donne par contre : x˙ 1 = −2.9x1 et x1 + x2 = 0, résultat issu de : x˙

=

α

=

αf + (x) + (1 − α)f − (x),   1 hds, f − (x)i = . hds, (f − (x) − f + (x))i 4x1

Un autre résultat concernant l'équivalence des deux méthodes est le suivant. Théorème 6 (de Bartolini-Zolezzi, 1986). Soit le système (7.23) et soit S = {x ∈ Rn : s(x) = 0} une surface de glissement, s ∈ C 1 (Rn , Rm ). Si les conditions suivantes sont vériées : 1. pour tout (t, x), la fonction G(x)f (t, x, .) est globalement inversible sur U (domaine des commandes admissibles), avec G(x) la matrice jacobienne de s, G(x) = (∂si /∂xj )i=1,...,m, j=1,...,n ;

280

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

2. les surfaces Sj dénies par sj (x) = 0 partitionnent l'espace Rn en des ouverts connexes deux à deux disjoints ; 3. la commande u = u(t, x) ∈ U ⊂ Rm , donnée, est mesurable en t et continue en x excepté sur les surfaces Sj ; 4. U est un ensemble fermé et f (t, x, U) est convexe pour (t, x) ; 5. f est mesurable en t, continue en x et u, et elle satisfait localement |f (t, x, u)| < m(t), où m est une fonction intégrable. Alors, si y(t) est la solution de (7.23) donnée par la méthode de résolution de Filippov telle que s(y(t)) = 0 pour 0 ≤ t ≤ T , y(t) est aussi la solution donnée par la méthode du vecteur équivalent.

7.3.3. Analyse des solutions An d'assurer au moins l'existence de solutions pour l'inclusion diérentielle (7.6), nous supposerons par la suite que la multifonction F vérie les hypothèses du théorème 1 ou 2 : F est semi-continue supérieurement, compact, convexe. Puisqu'un PC peut avoir une ou plusieurs solutions, les notions que nous allons présenter sont dite fortes (respectivement, faibles) si leurs dénitions sont vraies pour toute les solutions (respectivement, pour au moins une solution) issues d'une condition initiale donnée. Equilibre Les dénitions d'équilibre faible ou fort sont directement issues de celles des équations diérentielles ordinaires (chapitre 5) en tenant compte de la distinction précédente. Proposition 2. Une condition susante pour que xe soit un équilibre au sens faible est que 0 ∈ F (t, xe ) pour tout t. Ensemble viable et invariant Soit une inclusion diérentielle autonome : dx ∈ F (x). dt

(7.25)

Dénition 12. Un compact convexe K ⊂ dom(F ) est dit viable ou faiblement invariant (respectivement, fortement invariant) si au moins une trajectoire (respectivement, toute trajectoire) issue d'une condition initiale appartenant à K évolue dans K : ∀x0 ∈ K, ∃x(t) dénie sur R+ solution de (7.25) avec x(0) = x0 , telle que x(t) ∈ K, ∀t ∈ R+ (respectivement, ∀x0 ∈ K, ∀x(t) solution de (7.25) avec x(0) = x0 est dénie sur R+ et vérie x(t) ∈ K, ∀t ∈ R+ .

Equations diérentielles à discontinuités

281

Une condition nécessaire et susante d'invariance faible (viabilité) est : B F (x) ∩ TK (x) 6= ∅,

∀x ∈ K,

(7.26)

où TKB (x) est le cône contingent (dit de Bouligand, ou tangent à K ) déni par :  B TK (x) ,

 xi − x : lim xi ∈ K = x et ti & 0 . i→∞ i→∞ ti lim

Dans ce cas, la condition (7.26), dite aussi condition de tangence, est susante pour l'existence un point d'équilibre faible dans K : (7.26) ⇒ ∃xe ∈ K : 0 ∈ F (xe ). Notons que lorsque K est une variété diérentiable (c'est-à-dire lorsque la frontière de K est susamment lisse, voir chapitre 4, page 151), TKB (x) est l'espace tangent à K au point x. Exemple 1. F dénie par graph(F ) = {(x, y) ∈ R × R : |x| + 3 ≥ |y| ≥ |x| − 3} est continue et, pour tout x, l'ensemble F (x) est un compact, convexe non vide : donc, pour tout x0 , il y a existence de trajectoires issues de ce point. Si K est la boule unité fermée centrée en l'origine, la condition de viabilité est vériée et, dans cette boule, on a bien l'existence d'au moins un équilibre faible 0 ∈ F (0) (il y en a d'autres : tout point de [−3, 3]). Notons que les fonctions : x(t) ≡ 0

et

 0    −(t + 1) x(t) =  t   −(t − 1)

si |t| ≥ 1, si − 1 < t < − 12 , si − 12 ≤ t ≤ 12 , si 12 < t < 1,

sont deux solutions du PC : x˙ ∈ F (x), x(0) = 0. L'origine n'est donc pas un équilibre fort. Naturellement, pour qu'un ensemble soit fortement invariant, il faut des conditions supplémentaires : la multifonction F doit être localement lipschitzienne et, pour tout B x ∈ K, F (x) ⊂ TK (x).

Stabilité et fonctions de Liapounov Avant tout, notons que si K ⊂ dom(F ) est un compact et si F vérie les hypothèses du théorème 1, alors toute trajectoire issue d'un point intérieur à K vérie les propriétés topologiques suivantes : elle atteint la frontière de K ou diverge, l'ensemble limite positif (respectivement, négatif) associé vérie les propriétés cités au théorème 8 du chapitre 5. Les propriétés de stabilité dénies dans ce même chapitre sur les EDO, peuvent être adaptées en tenant compte de la note faite en introduction. A titre d'exemple, la stabilité exponentielle faible d'un point d'équilibre se dénit comme suit.

282

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Dénition 13. xe est faiblement exponentiellement stable pour l'inclusion diérentielle (7.25) si : ∀t0 ∈ R, ∃δ > 0, ∃α ≥ 1, ∃β > 0 tels que ∀x0 ∈ X avec ρ(x0 , xe ) ≤ δ, il existe au moins une solution φ(t; t0 , x0 ) au PC (7.25), x(t0 ) = x0 , solution dénie sur [t0 , +∞[ et telle que : ρ(φ(t; t0 , x0 ), xe ) ≤ αρ(x0 , xe )e−β(t−t0 ) , ∀t ≥ t0 . Exemple 2. [FIL 88] Soit le système x˙ compris entre les deux droites passant par l'origine et de pente k et m : si k, m < 0 alors l'origine est globalement exponentiellement stable ; si k < 0 < m alors l'origine est globalement faiblement asymptotiquement stable ; etc. Exemple 3. L'origine est globalement asymptotiquement stable pour l'inclusion différentielle x˙ ∈ conv({−x3 }, {−x5 }). Pour traiter de la stabilité d'un système, on peut utiliser des fonctions de Liapounov, vues au chapitre 5, comme suit. Théorème 7. [FIL 88] Soit F (t, x) vériant les hypothèses du théorème 1 d'existence de solutions dans le domaine R×K , avec K un fermé borné. Si : 0



F (t, 0)

∃v(t, x)



v˙ ∗

,

C 1 (R×K, R+ ), v(t, 0) = 0, ∂v ∂v sup ( + y) ≤ 0 sur R×K, ∂x y∈F (t,x) ∂t

(7.27)

alors, l'origine est stable pour (7.6). Si de plus : ∃(v0 , v1 , w)



C 0 (K, R+ )3 dénies positives sur K ,

v0 (x)



v(t, x) ≤ v1 (x) sur R×K ,





−w(x) sur R×K ,



(7.28)

alors l'origine est asymptotiquement stable pour (7.6). Si, dans (7.27) ou dans (7.28), on remplace v˙ ∗ par : v˙ ∗ ,

inf

(

y∈F (t,x)

∂v ∂v + y), ∂t ∂x

(7.29)

alors les conclusions restent valables pour les notions faibles. Pour une inclusion diérentielle autonome (7.25), le principe d'invariance de La Salle et les principaux résulats utilisant des fonctions de Liapounov restent utilisables, à condition que v(t, x) soit de plus continûment diérentiable et que v˙ soit remplacée par v˙ ∗ . Exemple 4. Soit le système : 

x˙ 1 = − |x1 |α sign(x1 ) + x2 , x˙ 2 = − |x2 |β sign(x2 ) − x1 ,

(7.30)

avec sign(y) la fonction signe non dénie en y = 0. On transforme cette équation à second membre discontinu par l'inclusion obtenue en remplaçant dans (7.30) la

Equations diérentielles à discontinuités

283

fonction signe par la multifonction signe sign(y) = −1 si y < 0, 1 si y > 0, [−1, 1] si y = 0. En choisissant v = 12 (x21 + x22 ) comme fonction de Liapounov, on obtient : x1 x2 x1

6= =

0 : v˙ ∗ = v˙ = −(|x1 |α+1 + |x2 |β+1 ) ≤ 0, ∗

0 : v˙ =

sup

(x1 x˙ 1 − |x2 |

β+1

sign(x1 )∈[−1,1]

x2

=

0 : v˙ ∗ =

sup

+ x1 x2 ) = − |x2 |

β+1

,

(7.31) (7.32)

(− |x1 |α+1 + x1 x2 + x2 x˙ 2 ) = − |x1 |α+1 . (7.33)

sign(x2 )∈[−1,1]

On a donc v˙ ∗ ≤ 0 sur R2 : on en conclut que l'origine est globalement asymptotiquement stable pour (7.30). Comme le montre l'exemple suivant, il faut faire attention à ce que v(x) soit continûment diérentiable. Exemple 5. Soit le système : 

x˙ 1 ∈ −4 sign(x1 ) − sign(x2 ), x˙ 2 ∈ − sign(x1 ) + sign(x2 ),

(7.34)

où sign est dénie dans l'exemple précédent. En calculant sans aucune précaution la dérivée de v = |x1 | + |x2 | le long des trajectoires de (7.34), on trouve v˙ = −3 − 2 sign(x1 x2 ) < 0 ! Cependant la méthode de Filippov pour x1 = 0 donne la dynamique équivalente suivante : x˙ 2 = 34 sign(x2 ), donc x2 diverge. Théorème 8. [FIL 88] Si, dans le théorème 7, on remplace la condition de diérentiabilité de v(t, x) par une condition de Lipschitz (en x) et si l'on remplace v˙ ∗ par :   v˙ ∗∗ =

sup y∈F (t,x)

d(v(t + h, x(t) + hy)) , dh h=0

(7.35)

alors les conclusions du théorème 7 restent valables. Exemple 6. Pour l'exemple précédent (7.34), avec la même fonction de Liapounov, on trouve en x1 = 0 : v˙

∗∗

d(v(x2 + h 14 sign(x2 ))) 1 = = . dh 4 h=0

(7.36)

Théorème 9. [FIL 88] Pour que x = 0 soit asymptotiquement stable pour : x˙ Sgn(x)

= =

−A(t, x) Sgn(x), T

(sign(x1 ), . . . , sign(xn )) ,

(7.37) (7.38)

avec A(t, x) matrice continue, il est susant que xT A(t, 0)x ≥ 0. Enn, notons que la condition de décroissance v˙ ∗∗ ≤ −w(x) peut être remplacée par une inclusion diérentielle lorsque v(t, x) admet un gradient généralisé au sens de Clarke (voir [CLA 98] chapitre 2). Par exemple, si v(t, x) est lipschitzienne en x, alors : ∂v(t, x) , conv (

lim

(ti ,xi )→(t,x) (ti ,xi )∈M /

5v(ti , xi )),

284

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

où M est un ensemble de mesure nulle sur lequel 5v(t, x) (le gradient au sens classique) n'est pas déni. Ainsi, pour (7.5) et en considérant l'inclusion (7.6) avec F (t, x) donnée par (7.9), on obtient : v˙ ∈

p.p.

*

\ ξ∈∂v(t,x)

!+

F (t, x) ξ, 1

,

et il sut alors de remplacer v˙ ∗∗ ≤ −w(x) par : *

\ ξ∈∂v(t,x)

!+ conv(F (t, x)) ξ, ≤ −w(x). 1

Exemple 7 (Preuve du théorème 9). [FIL 88] Soit v(x) =

Pn

i=1 |xi | , ∂v(x) = {ξ = (ξ 1 , . . . , ξ n )T : ξ i = sign(xi ) si xT i 6= 0, ξ i = [−1, 1] si xi = 0 pour i = 1, . . . , n}. Un calcul direct donne : v˙ ∈ ξ∈∂v(x) −ξ T A(t, x)∂v(x). Soit ϕ(t, x) = p.p.

minξ∈∂v(x) ξ T A(t, x)ξ ≥ 0. La fonction ϕ(t, x) est continue (puisque A(t, x) continue) et ϕ(t, 0) > 0. Par conséquent, ∃ε > 0, v(x) ≤ ε ⇒ ϕ(t, x) ≥ h > 0. Si on note ξ min (t, x) le ξ de la dénition de ϕ(t, x) (c'est-à-dire l'arg minξ T A(t, x)ξ), ξ∈∂v(x)

on en déduit que, pour tout ξ ∈ ∂v(x), on a : ξTmin A(t, x)(ξ − ξ min ) ≥ 0. En eet, ξ T A(t, x)ξ = ξ Tmin A(t, x)ξmin + 2ξ Tmin A(t, x)(ξ − ξmin ) + (reste positif) ≥ T T ξ Tmin A(t, x)ξ T min . Donc, puisque ξ min A(t, x)ξ ≥ ϕ(t, x) = ξ min A(t, x)ξ min ≥ h > 0, on en déduit ξ∈∂v(x) −ξ T A(t, x)∂v(x) ≤ −h. Ceci montre que, pour v(x) ≤ ε, v˙ ≤ −h p.p.

et la stabilité asymptotique de l'origine s'en suit. Des résultats basés sur cette idée sont applicables pour le principe d'invariance de La Salle. Sans en énoncer le résultat complet (voir [SHE 94] et, pour le résultat standard, chapitre 5 page 219), nous illustrerons son usage sur l'exemple qui suit. Exemple 8. (voir [SHE 94]) Soit l'oscillateur mécanique avec friction de Coulomb modélisé par : m¨ x + b sign(x) ˙ + kx = 0.

En prenant comme fonction de Liapounov l'énergie totale du système v(x) , 12 mx˙ 2 + 1 kx2 , v est diérentiable et on obtient : 2 

v˙ ∈

p..p

kx mx˙



x, ˙

b sign(x) ˙ − −m

k x m



,

(7.39)

b ˙ x˙ = − m |x| ˙ . La version modiée du théorème de La Salle c'est-à-dire v˙ ∈ − mb sign(x) p.p. indique que tout trajectoire converge vers le plus grand ensemble invariant inclus dans la fermeture de :  

b ˙ , (x, x) ˙ ∈ R2 : 0 ∈ − |x| m  c'est-à-dire S = (x, 0) ∈ R2 . D'après la condition de viabilité (7.26), il faut  0 B que F (p) ∩ TS (p) 6= ∅, ∀p ∈ S. Or, F (p) = et TSB (p) = b k [−1, 1] − m x −m   1 , ce qui implique que F (p) doit être nulle. Finalement, − kb ≤ x ≤ kb . span 0 S=

Equations diérentielles à discontinuités

285

7.3.4. Intégration numérique Nous allons rappeler quelques principes de base de la théorie de l'intégration numérique (voir par exemple [CLA 98, CRO 89] et le chapitre 5), en soulignant les dicultés engendrées par le caractère discontinu. Soit le système suivant : x˙

=

f (x, u),

y

=

h(x),

(7.40)

où x ∈ Rn est le vecteur d'état, u ∈ Rp est le vecteur de commande (supposé, dans un premier temps, constant sur la période d'intégration δ ) et f et h sont des vecteurs de fonctions analytiques. Alors, la solution du système (7.40) au temps t + δ en fonction des conditions initiales au temps t, s'écrit formellement : x(t + δ) y(t + δ)

=

eδLf (

=

eδLf ( . , u(t)) h|x(t) ,

. , u(t))

I|x(t) ,

(7.41)

P

où Lf , ni=1 fi ∂x∂ i est la dérivée de Lie usuelle (voir pages 160 et 302), |x(t) signie que toutes les fonctions sont évaluées en x(t), I est la fonction identité et P∞ δj j δ0 0 eδLf ( . , u(t)) , j=0 j! Lf ( . , u(t)) avec 0! Lf ( . , u(t)) = 0 est l'exponentielle de dérivée de Lie usuelle (pour plus de détail, voir chapitre 8, ou [MON 95]). La démonstration de ce résultat est immédiate en dérivant (7.41) et en se rappelant que, pour δ = 0, nous obtenons eδLf (.,u(t)) = I . A partir de la solution formelle (7.41), deux cas de gure peuvent survenir : soit eδLf (.,u(t)) I admet un développement ni4 , soit il faut calculer tout les termes de l'exponentielle. Cette dernière éventualité n'est pas possible en pratique et c'est pour cela que l'on a recours à des approximations. La plus connue d'entre elles est l'approximation au premier ordre en δ , dite schéma d'Euler (nous parlerons de la solution approchée issue de ce schéma comme de la  solution d'Euler ) : x(t0 + δ)

=

x(t0 ) + δf (x(t), u(t0 )) + O(δ 2 ),

y(t0 + δ)

=

y(t0 ) + δLf (.,u(t0 )) h|x(t0 ) + O(δ 2 ),

(7.42)

où O(δ 2 ) signie que tous les termes négligés sont au moins d'ordre 2 en δ . Remarque 3. La sortie y(t0 + δ) est souvent calculée en fonction de x(t0 + δ). Néanmoins, comme h est analytique, x(t0 + δ) approché à l'ordre 2 en δ implique que y(t0 + δ) soit aussi approchée au même ordre. Etudions maintenant ce qu'il advient si l'entrée u est une commande discontinue (par modes glissants [CLA 98, PER 02] ou de tout autre type, non nécessairement dénie de façon univoque). Ceci conduit à un système régi par une EDO à second membre discontinu :

4



=

f (x, u),

y

=

h(x).

u discontinue,

On dit alors que le système est discrétisable de façon nie.

(7.43)

286

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

f (x, u) étant discontinue, il est alors impossible d'utiliser l'exponentielle de dérivée de Lie5 , mais son approximation d'Euler itérée k fois peut-elle approcher une solution exacte du système d'inclusions diérentielles, quand δ tend vers zéro ? Considérons l'intervalle de temps [t0 , t0 + a] avec a > 0 et choisissons, pour simplier (mais sans perte de généralité, d'après [CLA 98]), un pas d'échantillonnage δ constant, tel que a soit un multiple entier de δ . On a alors un arc temporel régulier {t0 , t0 + δ, . . . , t0 + mδ, . . . , t0 + a} et un arc de solutions dont les termes {x(t0 ), x(t0 + δ), . . . , x(t0 + mδ), . . . , x(t0 + a)} sont calculés comme suit : x(t0 + mδ) = x(t0 + (m − 1)δ) + δf (t0 + (m − 1)δ, u(x(t0 + (m − 1)δ)),

avec x(t + (m − 1)δ) solution du pas précédent. La question est alors de savoir si, pour δ → 0, la solution d'Euler approche, au moins aux instants d'échantillonnage, une solution exacte du système d'inclusions diérentielles. Pour ceci, nous prendrons deux exemples. Exemple 9. On considère le système suivant : x˙ = −x + u,   0 u(t) = 1  −1

t ∈ [t0 = 0, a],

si si si

(7.44)

x(t) = e−t , x(t) > e−t , x(t) < e−t .

Pour la condition initiale x(0) = 1 et a = 1, la solution exacte est x(t) = e−t , alors que la solution d'Euler tend vers x(t) = 2e−t − 1. Ici, la diculté provient du fait que la solution exacte n'est pas une solution stable, au sens où, pour toute autre condition initiale, la solution exacte s'écarte fortement de x(t) = e−t . Exemple 10. Soit le système (7.44), mais avec :   0 −1 u(t) =  +1

si si si

x(t) = e−t , x(t) > e−t , x(t) < e−t .

Pour la condition initiale x(0) = 1 et a = 1, la solution exacte est x(t) = e−t et la solution d'Euler tend, elle aussi, vers x(t) = e−t . D'autres exemples sont donnés dans [CLA 98], notamment un cas où la solution d'Euler avec un arc temporel régulier dière des solutions obtenues avec des arcs temporels irréguliers. La première question qui vient à propos des solutions issues du schéma d'Euler concerne leur existence et leurs propriétés, sans regarder pour l'instant leur proximité des solutions exactes. On dénit alors la notion de sélection. Dénition 14 (Sélection). [CLA 98] Une fonction f est une sélection de l'inclusion diérentielle (7.6) si on a f (t, x) ∈ F (t, x) pour tout (t, x). Remarquons que, dans le cas de (7.43), la discontinuité vient de l'entrée u et c'est donc sur elle que porte la sélection. Si on note celle-ci us , on a, pour tout (t, x) : us ∈ u(t, x) ∀ et f (x(t, us )) ∈ F (x(t), u(t, x)). 5

Nous verrons qu'un développement à l'ordre 2 en δ peut se révéler fort utile.

Equations diérentielles à discontinuités

287

Théorème 10. Soit une fonction vectorielle

f (x, u), sélection de (7.43), dont on suppose qu'elle vérie la condition de croissance linéaire suivante : ||f (x(t), u(t)|| ≤ k||x|| + c,

∀(t, x) ∈ [t0 , t0 + δ] × Rn .

(7.45)

Alors, il existe au moins une solution d'Euler sur l'intervalle [t0 , t0 + δ]. De plus, toutes les solutions d'Euler sont lipschitziennes et satisfont : 6

||x(t) − x(t0 )|| ≤ (t − t0 ) ek(t−t0 ) (k||x(t0 )|| + c),

∀t ∈ [t0 , t0 + δ].

(7.46)

La preuve de ce théorème se fait par de simples relations d'inégalité. Considérons maintenant le système (7.40). Proposition 3. Soit le système à entrée analytique (7.40), avec f vériant la condition (7.45). Soit x(.) une solution d'Euler sur l'intervalle [t0 , t0 + δ] et soit T un ensemble ouvert7 contenant x(t) pour tout t ∈ [t0 , t0 + δ]. Alors, toute solution d'Euler issue d'une approximation susamment ne (β > δ > 0) reste dans le voisinage de la solution de x(.) (c'est-à-dire dans T ) si : < f (z, u(z)), (z − p) >≤ 0,

∀z ∈ T,

(7.47)

où p est la projection de z sur la trajectoire x(.). On dit alors que la solution est stable. La preuve de ce théorème se fait par majoration (le pire cas) des distances par rapport à la trajectoire x(.). Remarque 4. Il ne faut pas confondre la stabilité d'un équilibre ou d'un système avec celle d'une solution. La stabilité d'une solution signie que toute erreur de calcul susamment faible tend à être oubliée ou, tout du moins, non ampliée. Pour terminer ce paragraphe, nous donnons simplement la condition de stabilité de la solution pour le cas du système (7.43), mais nous avons auparavant besoin de l'hypothèse suivante.

Hypothèse A : pour la multifonction f (x, u) dénie en (7.43), on a : • ∀(t, x), f (x, u(t, x)) est un ensemble convexe compact non vide ; • f (x, u(t, x)) est semi-continue supérieurement ; • il existe des constantes k et c bornées telles que, pour tout (t, x) et toute entrée us univoque : [f (x, us ) ∈ F (x, u)] ⇒ [f (x, us ) ≤ k||x|| + c]. Proposition 4. Soit le système (7.43) avec f vériant l'hypothèse A, soient x(.) une solution d'Euler sur l'intervalle [t0 , t0 + δ] et T un ensemble ouvert contenant x(t) pour tout t ∈ [t0 , t0 + δ]. Alors, la trajectoire x(.) est une solution stable sur T si : ∀z ∈ T, < f (z, u(z)), (z − p) > ≤ 0,

(7.48)

où p est la projection de z sur la trajectoire x(.). De plus, x est une solution au sens de Filippov du système (7.43). La preuve est identique à la précédente, en utilisant les dénitions et résultats sur les multifonctions et en vériant que x(.) satisfait bien les conditions du théorème de Filippov. Elle peut ne pas être unique et dépendre de l'arc temporel choisi. On prend généralement un tube. De plus, on considère ici des ensembles ouverts T tels que la projection pour chaque point soit unique, ce qui implique qu'il n'y ait pas de point singulier sur la trajectoire. 6 7

288

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

7.4. Exemples 7.4.1. Modes glissants classiques Considérons le système représenté gure 7.5, constitué d'une diode D, d'un interrupteur S , d'une charge R = 1 Ω (résistance), L = 1 H (inductance) et d'une alimentation continue E = 100 V (ces valeurs étant choisies pour simplier la présentation et les calculs). L'interrupteur S vérie l'équation suivante : S

=

1

S

=

0

pour I < 3 A, pour I ≥ 3 A,

et, en négligeant la chute tension aux bornes de la diode D, la dynamique du système peut s'écrire : dI SE = RI + L , (7.49) dt soit encore : dI 1 = (−RI + SE) , f (I), (7.50) dt

L

avec f (I) discontinue en I = 3 (ensemble de mesure nulle).

Figure 7.5. Mode glissant d'ordre 1



= Les hypothèses du théorème de Filippov (théorème 4) sont bien vériées : ∂f ∂x − + R 1, ∀x ∈ R\{3} et fn+ = −3 R = −3 < 0 , f = −3 + E = 97 > 0 . Notons qu'ici, X n L L − est égal à ]3, +∞[ et X est égal à [0, 3[.

Pour les simulations, la condition initiale sur le courant est choisie égale à zéro. Nous voyons, sur la gure 7.6, l'évolution du courant I pour une période d'échantillonnage δ égale à 10−4 s. L'épaisseur du trait correspond à ce que l'on nomme la réticence (en anglais, chattering). Ainsi, le courant atteint en temps ni (' 0, 03 s) la valeur désirée, puis oscille autour de celle-ci. Ceci est dû à la commutation de l'entrée (gure 7.7). Pour un mode glissant d'ordre 1 (c'est-à-dire s = 0 au sens usuel et s˙ au sens de Filippov), la réticence est proportionnelle à O(δ) ; ceci est illustré en comparant, d'une part, des résultats de la gure 7.8 où la réticence a augmenté, la période δ valant alors 10−3 s ; d'autre part, ceux de la gure 7.9 où la réticence a diminué, avec δ = 10−5 s.

Equations diérentielles à discontinuités 3.5

3

2.5

2

1.5

1

0.5

0

Figure 7.6.

0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

y pour une période d'échantillonnage égale à 10−4 s 100

80

60

40

20

0

−20

−40

−60

−80

−100

Figure 7.7.

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

1.2

1.4

1.6

1.8

2

u pour une période d'échantillonnage égale à 10−4 s 3.5

3

2.5

2

1.5

1

0.5

0

Figure 7.8.

0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

y pour une période d'échantillonnage égale à 10−3 s

289

290

Mathématiques pour les systèmes dynamiques 3.5

3

2.5

2

1.5

1

0.5

0

Figure 7.9.

0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

y pour une période d'échantillonnage égale à 10−5 s

7.4.2. Modes glissants d'ordre supérieur Les modes glissants d'ordre supérieur ont été introduits dans les années 1970 par l'école russe [FRID 96, LEV 93], dans le but de s'aranchir des problèmes engendrés par la discontinuité de la commande et de minimiser les eets dûs à une commutation non immédiate des actionneurs (la réticence est alors, comme on l'a vu dans l'exemple précédent, en O(δ 2 )). De plus, les contraintes sur les actionneurs deviennent analogues à celles produites par des commandes classiques (retour d'état, placement de pôle) : ce dernier point ne sera pas illustré dans l'exemple ci-dessous et nous renvoyons à [PER 02] pour plus de détails. Ici, dans un souci de brièveté, nous ne donnerons qu'un exemple simple et assez éloigné des réalités pratiques.

,   Figure 7.10. Modes glissants d'ordre 2 en électronique analogique

Equations diérentielles à discontinuités

291

Le type de commande par modes glissants représenté ci-dessus est appelé twisting algorithm [LEV 93]. L'interrupteur a commute comme suit : si Vs V˙ s < 0, si Vs V˙ s ≥ 0,

a=1 a=0

et, de façon à assigner Vs à la valeur 3V en temps ni, l'interrupteur b commute selon la loi : si Vs − 3 > 0, si Vs − 3 ≤ 0.

b=1 b=0

En prenant comme valeurs numériques Emin = 20 V , Emax = 100 V et LC = 1, on obtient : −1 Vdis . V¨s = (7.51) LC

La gure 7.11 montre la tension Vs pour δ = 104 s ; la gure 7.12 montre cette même tension de sortie pour δ = 103 s. Nous constatons que la réticence est alors très peu visible (elle est en O(δ 2 )). Il faut alors regarder le courant I qui est proportionnel à la dérivée de la sortie pour obtenir une réticence en O(δ) (gures 7.13 et 7.14). Ici, nous ne présenterons pas la théorie générale des modes glissants d'ordre supérieur [LEV 93, PER 02] : nous nous contenterons simplement de prouver qu'il y a bien convergence en temps ni de Vs vers 3 et que la dérivée de Vs tend elle aussi vers zéro, également en temps ni (autrement dit, ici c'est V¨s qui est nulle au sens de Filippov). 4

3.5

3

2.5

2

1.5

1

0.5

0

Figure 7.11.

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

1.2

1.4

1.6

1.8

2

Vs pour une période d'échantillonnage égale à 10−4 s

Démonstration : en notant Vs − 3 = x1 et V˙ s = x2 , (7.51) se réécrit : x˙ 1

=

x2 ,

x˙ 2

=

−Vdis ,

292

Mathématiques pour les systèmes dynamiques 4

3.5

3

2.5

2

1.5

1

0.5

0

0

Figure 7.12.

0.2

0.4

0.6

0.8

1

1.2

1.4

1.6

1.8

2

Vs pour une période d'échantillonnage égale à 10−3 s 12

10

8

6

4

2

0

−2

−4

−6

Figure 7.13.

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

1.2

1.4

1.6

1.8

2

−I (V˙ s ) pour une période d'échantillonnage égale à 10−4 s 12

10

8

6

4

2

0

−2

−4

−6

Figure 7.14.

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

1.2

1.4

1.6

1.8

2

−I (V˙ s ) pour une période d'échantillonnage égale à 10−3 s

Equations diérentielles à discontinuités R

293

R

et nous obtenons alors : x1 (t) = x1 (0) + 0t x2 (τ )dτ et x2 (t) = 0t −Vdis (τ )dτ + x2 (0). Comme les surfaces x1 = 0 (x2 ∈ R) et x2 = 0 (x1 ∈ R) sont coupées périodiquement8 , nous prenons comme conditions initiales x1 (0) = 0+ et x2 (0) = x2 (0) et nous nous plaçons juste après la traversée de la variété (Vs = 3+ ). Ainsi, tant que la commande Vdis n'a pas changé, nous obtenons : x1 (t)

=

x2 (t)

=

t2 + x2 (0)t, 2 −100t + x2 (0). −100

(7.52)

L'équation (7.52) reste inchangée tant que la surface x2 = 0 n'est pas atteinte, c'est(0)2 2 (0) à-dire jusqu'au temps t2 = x100 et x1 (t2 ) = x2200 . Alors, la surface est coupée et pour t ≥ t2 nous avons x2 ≤ 0 et x1 > 0, ce qui donne : x˙ 1

=

x2 ,

x˙ 2

=

−20 sign(x1 ).

Nous en déduisons que le système rejoint la surface de contrainte s = 0 en un temps t3 vériant les équations : x1 (t3 + t2 )

=

x2 (t3 + t2 )

=

t23 + x1 (t2 ) = 0, 2 −20t3 , −20

(7.53)

2

2 (0) . La dérivée de x1 à l'instant t3 + t2 , c'est-à-dire sur la surface x1 = 0, d'où t23 = x2000 q est égale à x2 (t2 + t3 ) = − 51 x2 (0). Nous avons donc |x2 (t2 + t3 )| < |x2 (0)|. Cela génère une suite décroissante, qui commute de plus en plus vite. Mais atteint-on la surface x1 = x2 = 0 en temps (noté) ni ? En notant t∞ ce temps, nous avons par récurrence : !

t∞ =

Comme 0
τ 1 ≥ · · · ≥ τ p ≥ 0), on dénit ainsi les noyaux successifs d'ordre p ≥ 0 par les fonctions : γ p (k, τ 1 , . . . , τ p ; .) : Rn → Rn pour la réponse entrée-état et, respectivement : wp (k, τ 1 , . . . , τ p ; .) : Rn → Rp pour la réponse entrée-sortie. Les évolutions libres en l'état et en la sortie sont décrites, respectivement, par

γ 0 (k; x(0)) et w0 (k; x(0)). Les noyaux d'ordre 1, γ 1 (k, τ 1 ; x(0)), (respectivement, w1 (k, τ 1 ; x(0)) représentent la partie qui dépend linéairement de l'entrée, alors que les noyaux successifs d'ordre p > 1 représentent la contribution d'ordre p de la com-

mande.

Dans le cas des systèmes linéaires et bilinéaires, à cause de la linéarité par rapport au vecteur d'état x, l'opération de substitution d'une fonction dans une autre se réduit à la simple composition d'opérateurs linéaires et donc à un produit matriciel. L'expression du développement en puissances des entrées successives des fonctionnelles entrée-état et entrée-sortie est donc grandement simpliée et son calcul, possible. Par contre, dans le cas de dynamiques analytiques, il n'est en général pas facile de donner une expression formelle simple du développement en puissances des entrées successives de ces fonctionnelles. Les développements qui suivent introduisent des outils issus de la géométrie diérentielle mais aux fortes propriétés combinatoires, permettant une expression formelle récurrente des noyaux et simpliant le calcul.

8.3. Quelques outils mathématiques 8.3.1. Dérivée de Lie Etant donnée une fonction analytique f : Rn → Rn , on rappelle la notion de dérivée directionnelle, ou dérivée de Lie, associée à f et notée Lf , outil constamment utilisé dans le contexte continu pour caractériser les développements de Volterra associés aux systèmes diérentiels [BRO 76, HER 89, ISI 89, NIJ 90]. Dans un choix approprié de coordonnées, cet opérateur diérentiel du premier ordre s'écrit [SPI 79] : Lf =

n X i=1

fi

∂ , ∂xi

où fi : Rn → R représente la i−ième composante de f .

Systèmes non linéaires en temps discret

303

Etant donnée une fonction h : Rn → R, supposée admettre des dérivées à tout ordre k ≥ 1, l'opérateur Lf agit sur h comme suit par dénition :   f1 (x)   ∂h ∂h ∂h  ..  , Lf (h)|x = fi (x) = ∂xi , . . . , ∂xn  .  ∂x i x x i=1 fn (x) n X

soit, de façon vectorielle : Lf (h)|x =

∂h f (x), ∂x x

où (·)|x indique l'évaluation de la fonction entre parenthèses au point x. Quand h(x) = I , on obtient simplement Lf (I)|x = f (x). Exemple 1. Pour illustrer les détails du calcul, on prend n = 2 et : f : (x1 , x2 ) 7→ (2x1 , x1 + x2 ), Lf = 2x1

Lf (h)|x(0) = 2x1

h : (x1 , x2 ) 7→ x1 x2 .

∂ ∂ + (x1 + x2 ) , ∂x1 ∂x2

∂ ∂ (x1 x2 ) + (x1 + x2 ) (x1 x2 ) ∂x1 ∂x2 x(0) x(0) = 2 x1 x2 |x(0) + (x1 + x2 ) x1 |x(0) = x1 (0)2 + 3x1 (0)x2 (0).

Ainsi, pour x(0) = (1, 2), on a : Lf (h)|x(0) = 1 + 6 = 7. On déduit de ces dénitions les propriétés et dénitions suivantes : 1. Lf est un opérateur formel linéaire : étant données deux fonctions dérivables h1 et h2 et deux nombres réels α1 et α2 ∈ R, on a : Lf (α1 h1 + α2 h2 ) = α1 Lf (h1 ) + α2 Lf (h2 );

2. compositions itérées de Lf : étant données deux fonctions analytiques f et g deRn → Rn , on note Lg ◦ Lf la composition,  ◦  des opérateurs associés dénie par : Lg ◦ Lf (h)|x = Lg (Lf (h)(x))|x =

∂Lf (h)(x) g(x) ∂x x

=

=

! n n n X X X ∂Lf (h)(x) ∂ ∂h(x) gi (x) = fj (x) gi (x), ∂x ∂x ∂x i i j x x i=1 i=1 j=1 x n n X ∂ 2 h(x) X ∂h(x) ∂fj (x) fj (x)gi (x) + gi (x); ∂xi ∂xj x ∂xj x ∂xi x i,j=1 i,j=1

3. non-commutativité de l'opération  ◦  : Lg ◦ Lf 6= Lf ◦ Lg . Itérativement, on dénit : ∂Lf (h)(x) |x f (x), ∂x ∂Lkf (h)(x) Lk+1 (h) , Lf ◦ Lkf (h) = k ≥ 0; f (x), f ∂x x x L2f (h)|x , Lf ◦ Lf (h)|x =

x

304

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

4. crochet de Lie [Lf , Lg ] : la composition ◦ n'est pas une opération interne dans l'ensemble des opérateurs diérentiels du premier ordre. On dénit donc le crochet de Lie de deux opérateurs, noté [Lf , Lg ], qui correspond au produit antisymétrique de Lf et Lg par rapport à l'opération ◦ et qui, lui, est un opérateur du premier ordre : [Lf , Lg ]

,

L[f,g] (h)

=

[f, g]i

=

Lf ◦ Lg − Lg ◦ Lf , L[f,g] , n n X X ∂h ∂h ∂gi ∂h ∂fi fj − gj = [f, g], ∂x ∂x ∂x i ∂xj i ∂xj i,j=1 i,j=1

(8.13)

n n X X ∂gi ∂fi fj − gj . ∂x ∂x j j j j=1

Il en résulte que : L[f,g] = −L[g,f ] . D'autres propriétés du crochet de Lie sont décrites au chapitre 4, section 3.

Exemple 2. f

:

(x1 , x2 ) 7→ f (x) = (2x1 , x1 + x2 ),

h

:

(x1 , x2 ) 7→ h(x) = x1 x2 ,

Lf (h)|x L2f (h)

= =

x

=

x21 + 3x1 x2 , ∂ ∂ 2x1 (x2 + 3x1 x2 ) + (x1 + x2 ) (x2 + 3x1 x2 ), ∂x1 1 ∂x2 1 2x1 (2x1 + 3x2 ) + (x1 + x2 )(3x1 ) = 7(x1 )2 + 9x1 x2 .

Pour x(0) = (1, 2), on a : L2f (h)|x(0) = 7 + 18 = 25.

8.3.2. Série de Lie En notant, par convention, I l'opérateur identité (puissance 0 de l'opérateur Lf , c'est-à-dire : L0f (h) x = h(x)), on considère le développement en série formelle suivant [GRO 73] : eLf , I + Lf +

1 2 1 L + · · · + Lkf + . . . , 2! f k!

(8.14)

de telle sorte que : eLf (h)

= x

avec e (x) = Lf

1 k Lf (h) + · · · = h|eLf (x) , (8.15) h|x + Lf (h)|x + · · · + k! x Lf e (I) . x

Systèmes non linéaires en temps discret

305

Le développement (8.14) est appelé série de Lie associée à Lf . A titre d'exemple, si f et h sont linéaires sur R (f (x) = Ax, h(x) = Cx), on obtient : Lf (x)

=

Lf (h)|x

=

L2f (h) x

=

Lkf (h)

∂ , ∂x ∂Cx Ax = CAx, ∂x x ∂CAx Ax = CA2 x, ∂x

Ax

x

.. . =

CAk x,

x

et l'on retrouve l'exponentielle d'une matrice :

X CAk x eLf (h) = = CeA x, k! x

eLf (I) = eA x. x

k≥0

8.3.3. Exponentielle tensorielle Dénissons le produit tensoriel de deux opérateurs diérentiels du premier ordre

Lf et Lg , noté Lf ⊗ Lg par analogie avec le produit tensoriel des matrices, comme

l'opérateur diérentiel du deuxième ordre donné, dans un choix approprié de coordonnées, par : Lf ⊗ Lg

=

n X

fi1 gi2

i1 ,i2 =1

Lf ⊗ Lg (h)|x

=

n X

∂2 , ∂xi1 ∂xi2

fi1 (x)gi2 (x)

i1 ,i2 =1

(8.16)

∂ 2 h(x) , ∂xi1 ∂xi2 x

que l'on écrira de façon compacte : ∂ ⊗2 h(x) f (x)⊗g(x), ∂x⊗2 avec f (x)⊗g(x) le produit tensoriel des vecteurs f (x) et g(x) d'ordre n [RIC 01]. Lf ⊗ Lg (h)|x =

Ce produit tensoriel est commutatif : Lf ⊗ Lg (h) = Lg ⊗ Lf (h). Il est aussi associatif par rapport à l'addition : étant données deux fonctions analytiques, g1 et g2 : Rn → Rn , on a : Lf ⊗ (Lg1 + Lg2 ) = Lf ⊗ Lg1 + Lf ⊗ Lg2 . Comme précédemment pour la série de Lie, on peut construire le développement exponentiel formel associé à Lf et déni par rapport au produit tensoriel, obtenant ainsi l'exponentielle tensorielle de la dérivée de Lie, notée exp⊗ Lf , introduite en [MON 86]. On pose : exp⊗ Lf

,

I + Lf + · · · +

avec L⊗k f

,

Lf ⊗ L⊗k−1 , f

1 ⊗k L + ..., k! f L⊗0 f = I,

(8.17)

306

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

et, pour simplier les notations, on écrira aussi de façon compacte : exp⊗ Lf = ∆f .

Le lemme suivant doit être comparé à l'égalité (8.15), qui fait référence à la série de Lie usuelle. Lemme 1. Etant données deux fonctions analytiques f : Rn → Rn et h : Rn → R, l'égalité suivante est vériée : ∆f (h)|x = h ◦ (I + f )(x) = h(x + f (x)).

(8.18)

Démonstration : la preuve est une conséquence immédiate du développement de Taylor de h(x + f (x)) en puissances de f (x) au voisinage de x : h(x + f (x))

=

h(x) + Lf (h)|x +

=

∆f (h)|x .

1 ⊗2 1 ⊗p Lf (h) x + · · · + L (h) x + . . . 2! p! f

On déduit de ces dénitions les propriétés suivantes.

Proposition 1. (∆f et la composition de fonctions) Etant données k fonctions analytiques f1 , . . . , fk : Rn → Rn , on a (par application de la dénition) : h ◦ (I + fk ) ◦ · · · ◦ (I + f1 )(x) = ∆f1 ◦ · · · ◦ ∆fk (h)|x

(8.19)

(il faut remarquer l'ordre inversé des compositions dans les membres de droite et de gauche). (Linéarité de l'opérateur ∆f ) Etant données deux fonctions λ1 , λ2 : Rn → R et deux nombres réels α1 et α2 , on a : ∆f (α1 λ1 + α2 λ2 ) = α1 ∆f (λ1 ) + α2 ∆f (λ2 ). On vérie, pour α ∈ R : ∆f +g = ∆f ⊗ ∆g , (8.20)

∆f +ug = ∆f ⊗ ∆ug

αk ⊗k L + ..., ∆αf = I + αLf + · · · + k! f   X uk X uk ⊗k Lg  = ∆f + ∆f ⊗ L⊗k = ∆f ⊗  I + g . k! k! k≥1

(8.21)

k≥1

agit sur h, toute fonction dérivable à tout ordre, comme suit : Enn, ∆f ⊗ L⊗k g ∆f ⊗ Lg (h)|x =

n X i=1

∆f ⊗ L⊗2 g (h) x

=

i1 ,i2 =1

=

avec :

∂ ⊗2 h ∂x⊗2

n X

=

gi (x)

∂h(x) ∂h(x) = g(x), ∂xi x+f (x) ∂x x+f (x)

gi1 (x)gi2 (x)

∂ 2 h(x) ∂xi1 ∂xi2 x+f (x)

∂ ⊗2 h(x) g ⊗2 (x), (8.22) ∂x⊗2 x+f (x) ⊗2  T ∂h ∂h ,..., , g ⊗2 (x) = [g1 (x), . . . , gn (x)]⊗2 . ∂x1 ∂xn

Systèmes non linéaires en temps discret ∂ ⊗k h(x) ∆f ⊗ L⊗k g ⊗k (x). g (h) = ∂x⊗k x+f (x) x

307 (8.23)

Notons que l'égalité (8.21) est très utile pour les développements qui vont suivre, car elle permet d'exprimer les coecients du développement en puissances des entrées des fonctionnelles entrée-état et entrée-sortie en termes des fonctions (f, g ) qui dénissent la dynamique elle-même. Exemple 3. Pour illustrer la technicité des calculs, on considère des fonctions polynomiales f, g : R2 → R2 et h : R2 → R dénies par : f : (x1 , x2 ) 7→ (x21 , x1 + x2 ),

g : (x1 , x2 ) 7→ (x1 , x22 ),

h : (x1 , x2 ) 7→ x1 x2 ,

pour lesquelles on obtient : ∆f (h)|x = h(x + f (x))

∆f ⊗ Lg (h)|x

∆f (h)|x

= =

=

(x1 + x21 )(x1 + 2x2 )

=

2x1 x2 + 2x21 x2 + x21 + x31 ,

=

∂h ∂h g (x) + g2 (x) 1 ∂x1 x+f (x) ∂x2 x+f (x)

=

(2x2 + x1 )x1 + (x1 + x21 )x22

=

2x1 x2 + x21 + x1 x22 + x21 x22 ,

1 h|x + Lf (h)|x + L⊗2 (h)|x 2 f ∂h ∂h ∂ 2 h x1 x2 + f (x) + f (x) + f1 (x)f2 (x) 1 2 ∂x1 x ∂x2 x ∂x1 ∂x2 x

=

x1 x2 + x2 x21 + x21 + x1 x2 + x31 + x21 x2

=

2x1 x2 + 2x21 x2 + x21 + x31 .

8.4. Séries de Volterra et calcul des noyaux 8.4.1. Expression des noyaux de Volterra Grâce au formalisme précédemment introduit, les développements fonctionnels (8.9) et (8.10) peuvent être écrits comme suit [MON 89] : x(k) = ∆f +g(. ;u(0)) ◦ · · · ◦ ∆f +g(. ;u(k−1)) (I)|x(0) ,

(8.24)

y(k) = ∆f +g(. ;u(0)) ◦ · · · ◦ ∆f +g(. ;u(k−1)) (h)|x(0) .

(8.25)

Les développements en puissances des entrées u(i), dont les coecients caractérisent exactement les noyaux de Volterra discrets des séries (8.11) et (8.12) respectivement, peuvent maintenant être exprimés en fonction des opérateurs diérentiels

308

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

formels précédemment introduits. Pour cela, soit de façon préliminaire le développeP i ment en puissances de u de g(. ; u) : g(. ; u) = i≥1 ui! gi (.), où les gi (.) : Rn → Rn sont analytiques, permettant d'écrire (8.7)-(8.8) comme : x(k + 1)

=

x(k) + f (x(k)) +

y(k)

=

h(x(k)).

X ui (k) gi (x(k), i! i≥1

Dans ce cas, à cause de (8.20), on trouve : ∆ f + P

ui i≥1 i!

 gi

= ∆f ⊗ ∆ug1 ⊗ . . . ⊗ ∆ ui g ⊗ . . . , i!

avec, par dénition : ∆ ui g i!



=I+

X

i

k≥1

uki L⊗k , k!(i!)k gi

de telle sorte que (8.25) peut s'écrire : y(k) = ∆

f+

P

i0 ≥1

ui0 (0) gi0 i0 !



◦ · · · ◦ ∆"

f+

P

i

ik−1 ≥1

(8.26)

# (h) i u k−1 (k−1) g ik−1 ik−1 !

,

(8.27)

x(0)

en faisant attention à l'ordre inversé de la composition des opérateurs. En substituant le développement (8.26) à ∆" uij (j) # , i ≥ 1, j = 0, . . . , k − 1, puis en égalant les ij !

gij

coecients terme à terme, on obtient les expressions qui suivent :  évolution libre, u(j) = 0 pour (j = 0, . . . , k − 1) : w0 (k; x(0)) = ∆kf (h)

. x(0)

 noyaux de Volterra d'ordre 1, coecient de u(τ 1 ) :

w1 (k, τ 1 ; x(0)) = ∆τf 1 ◦ ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆fk−τ 1 −1 (h)

. x(0)

Pour les noyaux d'ordre supérieur à 1, on doit distinguer les produits d'entrées au même instant et les produits d'entrées à des instants strictement croissants. Ceci représente une des dicultés spéciques du temps discret.  Noyaux de Volterra d'ordre 2 :  pour τ 1 > τ 2 , coecient de u(τ 1 )u(τ 2 ) :

w2 (k, τ 1 , τ 2 ; x(0)) = ∆τf 2 ◦ ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆τf 1 −τ 2 −1 ◦ ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆fk−τ 1 −1 (h)

 pour τ 1 = τ 2 , coecient de u(τ 1 )2 : w2 (k, τ 1 , τ 1 ; x(0)) =

1 τ1 k−τ 1 −1 ∆f ◦ ∆f ⊗ (L⊗2 (h) ; g1 + Lg2 ) ◦ ∆f 2 x(0)

; x(0)

Systèmes non linéaires en temps discret

309

 Noyaux de Volterra d'ordre 3 :  pour τ 1 > τ 2 > τ 3 , coecient de u(τ 1 )u(τ 2 )u(τ 3 ) : w3 (k, τ 1 , τ 2 , τ 3 ; x(0)) = ∆τf 3 ◦ ∆f ⊗ Lg1

◦ ∆τf 2 −τ 3 −1 ◦ ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆τf 1 −τ 2 −1 ◦ ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆fk−τ 1 −1 (h)

; x(0)

 pour τ 1 > τ 2 = τ 3 , coecient de u(τ 1 )u(τ 2 )2 : w3 (k, τ 1 , τ 2 , τ 2 ; x(0)) = 1 τ2 τ 1 −τ 2 −1 ◦ ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆fk−τ 1 −1 (h) ; ∆f ◦ ∆f ⊗ (L⊗2 g1 + Lg2 ) ◦ ∆f 2 x(0)

 pour τ 1 = τ 2 > τ 3 , coecient de u(τ 2 )2 u(τ 3 ) : w3 (k, τ 2 , τ 2 , τ 3 ; x(0)) = 1 τ3 k−τ 2 −1 (h) ; ∆f ◦ ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆τf 3 −τ 2 −1 ◦ ∆f ⊗ (L⊗2 g1 + Lg2 ) ◦ ∆f 2 x(0)

 pour τ 1 = τ 2 = τ 3 , coecient de u(τ 1 )3 : w3 (k, τ 1 , τ 1 , τ 1 ; x(0)) = 1 τ1 k−τ 1 −1 ∆f ◦ ∆f ⊗ (L⊗3 (h) . g1 + 3Lg1 ⊗ Lg2 + Lg3 ) ◦ ∆f 3! x(0)

 On procède ainsi de suite pour les noyaux wp (k, . . . , x0 ) d'ordre p > 3. Les mêmes développements restent valables dans le cas des fonctionnelles entréeétat pour lesquelles il sut de poser h(x) = x. On obtient : γ 0 (k; x0 )

=

γ 1 (k, τ 1 ; x0 )

=

∆kf (I)

, x(0)

∆τf 1 ◦ ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆fk−τ 1 −1 (I)

... x(0)

et ainsi de suite pour les noyaux d'ordre supérieur. Remarque 1. Sous l'hypothèse d'inversibilité du terme x + f (x), il est possible [MON 86] de réécrire ces noyaux en termes de compositions d'opérateurs diérentiels du premier ordre (∆f ⊗ Lgi ◦ ∆−1 f (I))i≥1 . Ceci est à la base de l'approche géométrique proposée pour l'étude des systèmes discrets [MON 97] et des systèmes échantillonnés qui vérient par dénition cette propriété d'inversibilité [MON 95]. Une étude comparative avec le cas continu qui met en jeu des opérateurs diérentiels du premier ordre [MON 89] est ainsi possible. Pour le passage de la forme explicite à la forme implicite, on déduit de ce qui précède : x + f (x) = γ 0 (1; x), g1 (x) = γ 1 (1, 0; x) = ∆f ⊗ Lg1 (I)|x , g2 (x) =

2γ 2 (1, 0, 0; x) = ∆f ⊗ Lg2 (I)|x , . . . gp (x) = p!γ p (1, 0, . . . , 0; x) = ∆f ⊗ Lgp (I) x , h(x) = w0 (0, x).

310

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

8.4.2. Cas des systèmes linéaires Dans le cas linéaire, le système (8.7, 8.8) avec x + f (x) = x + Ax, g(x, u) = Bu,

h(x) = Cx, s'écrit :

x(k + 1)

=

x(k) + Axk + Bu(k),

y(k)

=

Cx(k),

et on calcule facilement : ∆f (h)|x = h|x + Lf (h)|x + · · · +

1 ⊗h Lf (h) + . . . k! x



f (x) = CAx, puisque L⊗2 (h)|x = 0. On obde telle sorte que Lf (h)|x = ∂h f ∂x x tient ∆ f (h)|x = C(I + A)x et, itérativement, w0 (k; x) = C(I + A)k x = w0 (k)x, car ∆kf (I) x = (I +A)k x = γ 0 (k; x) = γ 0 (k)x. Les noyaux d'ordre zéro sont donc linéaires en x. De la même façon : ∆f ⊗ Lg (h)|x =

∂h g(x) = CB, ∂x x+f (x)



et, pour p > 1 : ∆f ⊗ L⊗p g (h) x = 0, d'où l'on déduit : γ 1 (k, τ 1 ; x(0)) w1 (k, τ 1 ; x(0))

=

1 ∆τf 1 ◦ ∆f ⊗ Lg ◦ ∆k−1−τ (I)|x(0) f

=

(I + A)k−1−τ 1 B = γ 1 (k, τ 1 ) = Γ1 (k − τ 1 − 1),

=

1 ∆τf 1 ◦ ∆f ⊗ Lg ◦ ∆k−1−τ (h)|x(0) f

=

C(I + A)k−τ 1 −1 B = w1 (k, τ 1 ) = W1 (k − τ 1 − 1).

On retrouve le fait que les noyaux d'ordre 1 sont constants et ne dépendent que de la diérence k − τ − 1.

8.4.3. Cas des systèmes bilinéaires Le cas bilinéaire correspond à : x + f (x) = x + A0 x,

h(x) = Cx, de telle sorte que :

g(x) = A1 x + B, et

x(k + 1)

=

x(k) + A0 xk + u(k)A1 xk + Bu(k),

y(k)

=

Cx(k) ;

on obtient alors : ∆f (h)|x

=

∆f ⊗ Lg (h)|x

=

C(I + A0 )x, ∂h g(x) = CA1 x + CB, ∂x x+f (x)

Systèmes non linéaires en temps discret

311

et, pour p > 1, ∆f ⊗ L⊗p (h)|x = 0. On en déduit : g γ 1 (k, τ 1 ; x(0)) w1 (k, τ 1 ; x(0))

=

1 ∆τf 1 ◦ ∆f ⊗ Lg ◦ ∆k−1−τ (I)|x(0) f

=

(I + A0 )k−1−τ 1 A1 (I + A0 )τ 1 x(0) + (I + A0 )k−1−τ 1 B,

=

∆τf 1 ◦ ∆f ⊗ Lg ◦ ∆fk−τ 1 −1 (h)|x(0)

=

C(I + A0 )k−τ 1 −1 A1 (I + A0 )τ 1 x(0) + C(I + A0 )k−τ 1 −1 B,

et ainsi de suite pour les ordres supérieurs. Remarquons que, dans le cas des systèmes bilinéaires, il faut rapprocher ces développements de Volterra des développements sous forme de séries génératrices en plusieurs variables non commutatives [FLI 80, MON 83].

8.4.4. Cas des systèmes anes ou linéaires analytiques On considère maintenant l'équation aux diérences linéaire analytique (8.6) avec, dans le cas mono-entrée, gi = 0 pour i ≥ 2 et g1 = g . On constate que, partant d'une équation aux diérences linéaire en u, cette linéarité n'est pas préservée par la composition de fonctions non linéaires nécessaire au calcul des comportements entréeétat et entrée-sortie au cours du temps. Dans ce cas linéaire analytique, la formule P k (8.21) : ∆f +ug = ∆f + k≥1 uk! ∆f ⊗ L⊗k g , permet d'écrire :  X ui0 (0) ⊗i 0  ∆f + ∆f ⊗ Lg  ◦ . . . i0 ! i0 ≥1   X uik−1 (k − 1) ⊗ik−1  (h) ◦  ∆f + ∆f ⊗ Lg ik−1 ! 

y(k)

=

ik−1 ≥1

, x(0)

dénissant ainsi un développement de type Volterra. En égalant terme à terme les coecients des développements en puissances des entrées des deux membres de l'égalité, on calcule les noyaux successifs comme suit.  Evolution libre :

w0 (k; x(0)) = ∆kf (h)|x(0) .

 Noyau d'ordre 1 : 1 −1 w1 (k, τ 1 ; x(0)) = ∆τf 1 ◦ ∆f ⊗ Lg ◦ ∆k−τ (h)|x(0) . f

 Noyaux d'ordre 2 :  pour τ 1 > τ 2 , coecient de u(τ 1 )u(τ 2 ) : 1 −1 w2 (k, τ 1 , τ 2 ; x(0)) = ∆τf 2 ◦ ∆f ⊗ Lg ◦ ∆τf 1 −τ 2 −1 ◦ ∆f ⊗ Lg ◦ ∆k−τ (h)|x(0) ; f

 pour τ 1 = τ 2 , coecient de u(τ 1 )2 : w2 (k, τ 1 , τ 1 ; x(0)) =

1 τ1 k−τ 1 −1 (h)|x(0) . ∆ ◦ ∆f ⊗ L⊗2 g ◦ ∆f 2 f

312

Mathématiques pour les systèmes dynamiques  Noyaux d'ordre 3 :  pour τ 1 > τ 2 > τ 3 , coecient de u(τ 1 )u(τ 2 )u(τ 3 ) : w3 (k, τ 1 , τ 2 , τ 3 ; x(0)) = ∆τf 3 ◦∆f

⊗Lg ◦∆τf 2 −τ 3 −1 ◦∆f ⊗Lg ◦∆τf 1 −τ 2 −1 ◦∆f ⊗Lg ◦∆fk−τ 1 −1 (h)|x(0) ;

 pour τ 1 > τ 2 = τ 3 , coecient de u(τ 1 )u(τ 2 )2 : w3 (k, τ 1 , τ 2 , τ 2 ; x(0)) = 1 τ2 τ 1 −τ 2 −1 ∆ ◦ ∆f ⊗ L⊗2 ◦ ∆f ⊗ Lg ◦ ∆fk−τ 1 −1 (h)|x(0) ; g ◦ ∆f 2 f  pour τ 1 = τ 2 > τ 3 , coecient de u(τ 2 )2 u(τ 3 ) : w3 (k, τ 2 , τ 2 , τ 3 ; x(0)) = 1 τ3 k−τ 2 −1 ∆ ◦ ∆f ⊗ Lg ◦ ∆τf 2 −τ 3 −1 ◦ ∆f ⊗ L⊗2 (h)|x(0) ; g ◦ ∆f 2 f  pour τ 1 = τ 2 = τ 3 , coecient of u(τ 1 )3 : 1 τ1 k−τ 1 −1 ∆ ◦ ∆f ⊗ L⊗3 (h)|x(0) . g ◦ ∆f 3! f On procède ainsi de suite pour wp (k, . . . , x0 ), p > 3.  Noyaux de Volterra d'ordre p : en notant r ≤ p le nombre de valeurs possibles et diérentes des τ i , (i = 1, · · · p), ainsi que σ i le nombre de τ i égaux, on obtient w3 (k, τ 1 , τ 1 , τ 1 ; x(0)) =

l'expression récurrente :

wp (k, τ 1 , · · · , τ 1 , τ 2 , · · · , τ 2 , · · · τ r , · · · , τ r ; x) = ∆τf r ◦

r ∆f ⊗ L⊗σ ∆f ⊗ Lg⊗σ r −1 τ −τ −1 g ◦ ∆f r−1 r ◦ ◦ σr ! σ r−1 ! 1 ∆f ⊗ L⊗σ g ··· ◦ ◦ ∆fk−τ 1 −1 (h) . σ1! x

Les mêmes développements restent valables dans le cas des développements fonctionnels entrée-état en posant h(x) = x. On obtient : γ (k; x0 ) = ∆kf (I)|x(0) , 1 γ 1 (k, τ 1 ; x(0)) = ∆τf 1 ◦ ∆f ⊗ Lg ◦ ∆k−1−τ (I)|x(0) et ainsi de suite pour les noyaux f d'ordre supérieur. On remarque, comme précédemment, que ces expressions doivent être comparées à celles obtenues en temps continu dans le cas d'équations diérentielles analytiques en l'état et linéaires en la commande [ISI 89].

8.5. Quelques résultats de réalisation 8.5.1. Cas des systèmes linéaires Etant donnés les noyaux d'ordre 0 d'un système linéaire : w0 (k; x) = C(I + A)k x, γ 0 (k; x) = (I + A)k x et ses noyaux d'ordre 1 : γ 1 (k, τ ; x) = (I +

Systèmes non linéaires en temps discret

313

A)k−τ −1 B, w1 (k, τ ; x) = C(I + A)k−τ −1 B, on vérie immédiatement les décompositions suivantes [WON 79] pour tout σ tel que k > σ ≥ τ : ∂w0 (k − τ − 1; x) ∂x x

= = =

w1 (k, τ ; x)

= =

∂w0 (k − 1 − σ; x) ∂γ 0 (σ − τ ; x) ∂x ∂x γ 0 (σ−τ ;x) x ∂(I + A)σ−τ x ∂C(I + A)k−1−σ x ∂x ∂x (I+A)σ−τ x x C(I + A)k−τ −1 = C(I + A)k−1−σ (I + A)σ−τ , ∂w0 (k − τ − 1; x) B ∂x x C(I + A)k−1−σ (I + A)σ−τ B = P (k − 1 − σ)Q(σ − τ ).

On énonce facilement les propriétés suivantes :  les noyaux peuvent être calculés à partir de γ 0 (.; x), w0 (.; x) et B ;  les noyaux d'ordre 1 sont stationnaires, w1 (k, τ ; x) = W1 (k − τ − 1) ;  les noyaux d'ordre 1 sont factorisables, w1 (k, τ ; x) = P (k − 1 − σ)Q(σ − τ ), k − 1 ≥ σ ≥ τ , P et Q matrices réelles de dimensions appropriées.

Dénition 1. Un noyau w(k, τ ) est dit séparable s'il existe des matrices P (.) et Q(.) telles que pour k > τ ≥ 0, w(k, τ ) = P (k)Q(τ ).

Lemme 2. Toute fonctionnelle entrée-sortie

Pk−1

τ =0 w(k, τ )u(τ ), décrite par un seul noyau non nul, séparable, a une représentation linéaire de la forme :

y(k) =

x(k + 1)

=

x(k) + Q(k)u(k),

y(k)

=

P (k)x(k).

Démonstration : la preuve est constructive : y(k)

=

P (k)Q(k − 1)u(k − 1) + P (k)x(k − 1)

=

w(k, k − 1)u(k − 1) + P (k)Q(k − 2)u(k − 2) + P (k)x(k − 2)

=

w(k, k − 1)u(k − 1) + w(k, k − 2)u(k − 2) + P (k)x(k − 2)

=

k−1 X

w(k, τ )u(τ ).

τ =0

Si le noyau est stationnaire, on peut montrer l'existence de trois matrices A, B , C telles que w(k, τ ) = W (k − τ − 1) = CAk−τ −1 B. On peut ainsi conclure que la

propriété de stationnarité et séparabilité est une condition nécessaire et susante de réalisation par un système linéaire stationnaire. Ces conclusions vont être généralisées au contexte non linéaire.

314

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

8.5.2. Un résultat de réalisation non linéaire Quelques propriétés des noyaux non linéaires On introduit les noyaux w˜p (k, τ 1 , . . . , τ p ; x), de telle sorte que [MON 87] : w ˜p (k, τ 1 , . . . , τ p ; γ 0 (τ p ; x)) = wp (k, τ 1 , . . . , τ p ; x).

(8.28)

Le lemme suivant est énoncé pour les systèmes non linéaires (8.7)-(8.8), les gi (.) représentant les coecients du développement de g(., u) en puissances de u. Lemme 3. Pour le système (8.7)-(8.8), tout noyau d'ordre p ≥ 1 peut être calculé à partir des évolutions libres γ 0 (k; x) et w0 (k; x) et des fonctions gi . Pour les premiers noyaux on obtient : γ 0 (k; x) = ∆kf (I)|x , w1 (k, τ 1 ; x)

=

w0 (k; x) = ∆kf (h)|x ,

w ˜1 (k, τ 1 ; γ 0 (τ 1 ; x)),

avec : w˜1 (k, τ 1 ; x) = ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆fk−τ 1 −1 (h)|x =

∂w0 (k − τ 1 − 1; x) g1 (x), ∂x x+f (x)

de telle sorte que w˜1 (k, τ 1 ; x) et donc w1 (k, τ 1 ; x) se déduisent de la connaissance de w0 (k; x), γ 0 (k; x) et g1 (x). De la même façon, à l'ordre 2 :  pour τ 1 > τ 2 : w2 (k, τ 1 , τ 2 ; x)

=

w ˜2 (k, τ 1 , τ 2 ; γ 0 (τ 2 ; x))),

w ˜2 (k, τ 1 > τ 2 ; x)

=

∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆τf 1 −τ 2 −1 ◦ ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆fk−τ 1 −1 (h)|x   ∂w ˜1 k, τ 1 , ∆τf 1 −τ 2 −1 (h) g1 (x) ∂x x+f (x) ∂w ˜1 (k, τ 1 , w0 (τ 1 − τ 2 − 1; x)) g1 (x); ∂x x+f (x)

=

=

 pour τ 1 = τ 2 : 1 k−τ 1 −1 ∆f ⊗ (L⊗2 (h)|x = g1 + Lg2 ) ◦ ∆f 2 1 ∂ ⊗2 w0 (k − τ 1 − 1; x) ∂w0 (k − τ 1 − 1; x) ⊗2 g (x) + g2 (x)), 1 2 ∂x⊗2 ∂x x+f (x) x+f (x)

w ˜2 (k, τ 1 = τ 2 ; x) =

de telle sorte que w˜2 (k, τ 1 > τ 2 ; x) et w2 (k, τ 1 , τ 2 ; x) se déduisent de w0 (k; x), γ 0 (k; x), g1 (x) et g2 (x). Le raisonnement reste valable pour les noyaux d'ordre supérieur.

Systèmes non linéaires en temps discret

315

Propriétés des noyaux quand l'état initial est un état d'équilibre Si x(0) = xe est un état d'équilibre, c'est-à-dire si xe +f (xe ) = xe , des propriétés de séparabilité des noyaux peuvent être établies et conduire à des conditions susantes de réalisation par des dynamiques à état ane. En remarquant qu'en xe , les noyaux w ˜p (.) et wp (.) coïncident : w ˜p (k, τ 1 , . . . , τ p ; xe ) = wp (k, τ 1 , . . . , τ p ; xe ),

il résulte en particulier que : w1 (k, τ 1 ; xe ) = ∆f ⊗ Lg1 ◦ ∆fk−τ 1 −1 (h)|xe =

∂w0 (k − τ 1 − 1; x) g1 (xe ), ∂x xe

(8.29)

et, ainsi, w1 (k, τ 1 ; xe ) ne dépend que de la diérence k − τ 1 − 1, c'est-à-dire : w1 (k, τ 1 ; xe ) = W11 (k − τ 1 − 1),

avec W11 (.) une matrice de dimension appropriée. Par rapport aux noyaux d'ordre deux, on obtient : w2 (k, τ 1 , τ 2 ; xe )

= =

w2 (k, τ 1 , τ 1 ; xe )

=

+

1 2

∂γ 0 (τ 1 − τ 2 − 1, x) ∂w1 (k, τ 1 , ς) g1 (xe ) ∂ς ∂x ς=xe xe 1 1 W21 (k − τ 1 − 1)W22 (τ 1 − τ 2 − 1), ⊗2 1 ∂ w0 (k − τ 1 − 1; x) g1⊗2 (xe ) 2 ∂x⊗2 x=xe ∂w0 (k − τ 1 − 1; x) 2 g2 (xe ) = W21 (k − τ 1 − 1), ∂x xe

2 1 1 où W21 (.), W21 (.) et W22 (.) sont des matrices de dimensions appropriées.

Réalisation par système à état ane

Proposition 2. Soit la représentation non linéaire (8.7)-(8.8), avec (I +f ) inversible

et partant d'un état d'équilibre x(0) = xe . Alors, les q premiers noyaux admettent une réalisation à état ane. Le comportement entrée-sortie de ce modèle est caractérisé par ces q noyaux et uniquement ceux-là, q ≥ 1. Démonstration : la preuve est constructive. Sous l'hypothèse d'inversibilité de (I +f ) : Rn → Rn et grâce aux décompositions précédentes, on déduit pour k > τ 1 ≥ 0 la décomposition suivante : ∂w0 (k − τ 1 − 1, x) g1 (xe ) ∂x xe

=

∂γ 0 (−τ 1 , x) ∂w0 (k − 1, ς) g1 (xe ) ∂ς ∂x ς=xe x=xe

=

P11 (k)Q11 (τ 1 ) = C11 (A11 )k−τ 1 −1 B11 .

316

Mathématiques pour les systèmes dynamiques De la même façon, pour k > τ 1 ≥ 0 et τ 1 > τ 2 :

w2 (k, τ 1 > τ 2 ; x(0)) w2 (k, τ 1 , τ 1 ; x(0))

=

1 1 P21 (k-1-σ 1 )Q121 (σ1 − τ 1 )P22 (τ 1 -1-σ 2 )Q122 (σ2 − τ 2 )

=

1 1 1 1 C21 (A121 )k−τ 1 −1 B21 C22 (A122 )τ 1 −τ 2 −1 B22 ,

=

2 2 2 P21 (k − 1 − σ 1 )Q221 (σ1 − τ 1 ) = C21 (A221 )k−1−τ 1 B21 ,

1 1 et ainsi de suite pour les noyaux d'ordre supérieur, avec P21 (.), Q121 (.), P22 (.), Q122 (.), 2 2 P21 (.) et Q21 (.) des matrices de dimensions appropriées.

Réalisation linéaire du noyau d'ordre 1 Le noyau d'ordre 1, w1 (k, τ 1 ; xe ) peut ainsi être réalisé par le système linéaire ci-dessous avec pour état initial la condition z10 = 0, on pose :

On vérie que y1 (k) =

z1 (k + 1)

=

A11 z1 (k) + B11 u(k),

y1 (k)

=

C11 z1 (k).

Pk−1 τ 1 =0

k−τ 1 −1 C11 A11 B11 u(τ 1 ).

Réalisation bilinéaire du noyau d'ordre 2 pour τ 1 > τ 2 Le noyau w2 (k, τ 1 , τ 2 ; xe ) peut être réalisé par le système bilinéaire ci-dessous avec pour état initial la condition z20 = 0, on pose :  z2 (k + 1)

=

A121 0

y2 (k)

=

1 C21

On a : y2 (k) =

Pk−1 τ 1 >τ 2 =0

  0 0 z2 (k) + 1 0 A22  0 z2 (k).

   1 1 C22 B21 0 u(k), z2 (k)u(k) + 1 0 B22

1 1 1 1 C21 (A121 )k−τ 1 −1 B21 C21 (A122 )τ 1 −τ 2 −1 B22 u(τ 1 )u(τ 2 ).

Réalisation à état ane du noyau d'orde 2 pour τ 1 = τ 2 Le noyau w2 (k, τ 1 = τ 2 ; xe ) peut être réalisé par le système bilinéaire ci-dessous avec pour état initial la condition z30 = 0, on pose : z2 (k + 1)

=

A221 z3 (k) +

y3 (k)

=

2 C21 z3 (k).

1 2 2 B21 u (k), 2

et on vérie que y3 (k) = w3 (k, τ 1 = τ 2 ; xe ). En posant y(k) = y1 (k) + y2 (k) + y3 (k), les trois systèmes ci-dessus constituent le modèle qui réalise les trois noyaux w1 (k, τ 1 ; xe ), w2 (k, τ 1 > τ 2 ; xe ), w3 (k, τ 1 = τ 2 ; xe ), et uniquement ces trois noyaux (q = 3). Une analyse plus approfondie montre que l'on peut réduire le nombre de

Systèmes non linéaires en temps discret

317

systèmes nécessaires pour réaliser un nombre ni de noyaux. Ainsi, dans le cas présent, 2 en notant : A11 = A221 , C11 = C21 et en posant : z4 (k + 1)

=

2 2 A11 z4 (k) + B11 u(k) + B21 u (k),

y4 (k)

=

C11 z4 (k),

on obtient y4 (k) = y1 (k) + y3 (k), soit, en conclusion : y(k) = y2 (k) + y4 (k). Ce résultat doit être comparé à son analogue en temps continu, obtenu en termes de systèmes bilinéaires et non à état ane (ces derniers sont nécessaires en discret pour représenter les contributions des produits d'entrées simultanées.

8.6. Un point de vue géométrique 8.6.1. Systèmes linéaires et invariance Le concept d'invariance est le point de départ de deux propriétés fondamentales pour l'étude des systèmes dynamiques. La première fait référence au lien état-sortie et concerne l'absence d'états diérents correspondant à des sorties égales (observabilité). La seconde fait référence au comportement entrée-état et concerne la possibilité d'agir sur les entrées pour atteindre des états prédénis (commandabilité). Un concept fondamental de la théorie des opérateurs linéaires est celui de sous-espace invariant. Du point de vue du comportement dynamique, cette propriété en induit une autre, plus signicative encore, exposée ci-dessous et ayant trait à la notion de feuilletage. Considérons en introduction le système linéaire de dimension n : x(k + 1)

=

Ax(k) + Bu(k),

y(k)

=

Cx(k),

où A : x 7→ Ax est aussi considérée comme un opérateur linéaire. Soit V un sousespace de dimension m, invariant par rapport à A (c'est-à-dire : AV ⊂ V ) et soit V une matrice de vecteurs de base de V . Si T −1 est une matrice n × n, régulière dont les m premières colonnes sont celles de la matrice V , alors T dénit un changement de coordonnées (z = T (x)) conduisant à : T AT

−1

 =

˜11 A 0

z1 (k + 1)

=

z2 (k + 1)

=

 ˜12 A ˜22 , A

 ˜11 ∈ Rm , A

TB =

 ˜1 B ˜2 , B

˜11 z1 (k) + A˜12 z2 (k) + B ˜1 u(k), A ˜ ˜ A22 z2 (k) + B2 u(k).

(8.30) (8.31)

En d'autres termes et d'un point de vue dynamique, les évolutions libres (u = 0) du système initialisé dans V (z2 (0) = 0) restent dans V . Ceci reste vrai si u(k) 6= 0 avec B˜2 = 0, c'est-à-dire avec une perte de commandabilité de z2 s'écrivant aussi ImB ⊂ V , où ImB est l'espace engendré par les colonnes de B .

318

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

De plus, si l'on considère deux conditions initiales z(0) et z 0 (0) dont la diérence est un vecteur de V , alors les évolutions z(k) et z 0 (k) qui en sont issues par (8.30)(8.31) maintiennent cette propriété pour u = 0 ou pour ImB ⊂ V : [z(0) − z 0 (0)] ∈ V ⇒ [z(k) − z 0 (k)] ∈ V.

En d'autres termes, des variétés translatées de V se transforment en variétés translatées ou, de façon équivalente, le feuilletage (structure induite par translation de V ) est invariant par la dynamique libre de (8.30)-(8.31) et, dans le cas où Im B ⊂ V , par ses dynamiques forcées. Si l'on suppose maintenant que le sous-espace invariant V est contenu dans le noyau de C (V ⊂ ker C ), alors, dans les coordonnées z , le système s'écrit : z1 (k + 1)

=

z2 (k + 1)

=

˜11 z1 (k) + A ˜12 z2 + B ˜1 u(k), A ˜22 z2 (k) + B ˜2 u(k), A

y

=

˜2 z2 (k), C

et les évolutions partant d'un état initial dans V (z2 (0) = 0) donnent donc des sorties identiquement nulles. Ainsi, la propriété V ⊂ ker C exprime l'impossiblité de distinguer, par les sorties, des états appartenant à une même feuille. En conclusion, si AV ⊂ V ⊂ ker C et u = 0 (ou Im B ⊂ V ), alors on a l'implication : [z(0) − z 0 (0)] ∈ V ⇒ [z(k) − z 0 (k)] ∈ V ⇒ y(k) = y 0 (k) = y(0). Dans ce cas,

les évolutions de l'état partant de conditions initiales appartenant à une même feuille appartiennent à tout instant à cette feuille, à laquelle est associée une sortie constante.

8.6.2. Systèmes non linéaires, invariance et décompositions locales Un exemple d'extension de certains résultats de la théorie linéaire à la classe des systèmes anes, au moins d'un point de vue local, fait référence à cette propriété d'invariance et aux décompositions qu'elle induit. Les techniques issues de la géométrie diérentielle sont utiles dans ce cadre et les instruments de base sont les notions de distribution et de feuilletage induit [ISI 89, SPI 79]. Le feuilletage peut être compris comme une partition de l'espace d'état en surfaces de dimension constante, les feuilles, correspondant à des surfaces de niveau d'une certaine fonction. La notion de surface de niveau généralise celle de variétés translatées caractéristiques du contexte linéaire. Une distribution (voir chapitre 4) est une loi qui associe à chaque point d'une variété diérentiable M , un sous-espace de l'espace tangent en ce point à la variété, c'est-à-dire, si l'on prend M = Rn : x 7→ ∆(x) ⊂ T × Rn .

En tout point x ∈ Rn , la distribution ∆ dénit l'espace tangent en x à la feuille passant par x. Dans un contexte linéaire, les notions de feuille et d'espace tangent

Systèmes non linéaires en temps discret

319

coïncident avec les variétés anes translatées. L'hypothèse de régularité ci-dessous est centrale pour les développements qui suivent : ∆(x) est une distribution régulière c'est-à-dire de dimension constante et involutive en un voisinage Ix0 de x0 : elle induit un feuilletage de Ix0 . Sur ces bases, en se rappelant la formulation adoptée pour l'invariance dans le cas linéaire  passage d'une feuille à une autre sous l'évolution dynamique du système  on peut dénir dans ce cas non linéaire particulier appelé  régulier  le concept d'invariance. On considère la dynamique en temps discret : x(k + 1)

=

F (x(k), u(k)),

y(k)

=

H(x(k).

Dénition 2 (Invariance). Un feuilletage est invariant par rapport à

F (x, u) si, étant donnés deux états d'une même feuille, les évolutions associées se maintiennent à chaque instant sur une même feuille : sous l'action de F (x, u), les feuilles se transforment en feuilles. Notons Jx (f ) la jacobienne de la fonction f . Une distribution ∆ est invariante par rapport à F (x, u) si : Jx (F (·, u))∆ ⊂ ∆(F (·, u)),

ou, de façon équivalente, si : ∂F (x, u) ∆ ⊂ ∆(F (x, u)). ∂u

Soit z = Φ(x) un changement non linéaire de coordonnées, transformant le système initial en : z(k + 1)

=

y(k)

=

F˜ (z(k), u(k)) , Φ ◦ F (Φ−1 (z(k)), u(k)), ˜ H(z(k)) = H(Φ−1 (z(k)).

On vérie les propriétés géométriques suivantes. Propriété 1. (P1) Etant donnée une distribution ∆ invariante par rapport F (x, u), il existe un changement de coordonnées z = Φ(x) = (Φ1 (x), Φ2 (x))T tel qu'en choisissant pour z1 = Φ1 (x) les coordonnées curvilignes de la distribution, on vérie la décomposition : −1

F (z, u) = Φ ◦ F (Φ

(z), u) =

! Fe1 (z1 , z2 , u) . Fe2 (z2 , u)

(P2) La condition supplémentaire : ∆ ⊂ ker dH , qui exprime que les feuilles sont contenues dans les surfaces de niveau associées à la fonction de sortie H , implique, ˜ ∂H d'après le choix de coordonnées : ∂z = 0, c'est-à-dire : 1 ˜ ˜ 2 ). H(z) , H ◦ Φ−1 (z) = H(z

Les sorties associées à des états appartenant à une même feuille sont égales (ceci généralise la condition linéaire V ⊂ ker C ).

320

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

(P3) La condition supplémentaire : ∂F ⊂ ∆(F (x, u)), qui exprime que les variations ∂u par rapport à l'entrée se produisent dans une direction tangente aux feuilles (puisque ∆(x) représente le plan tangent à la feuille passant par x), implique la décomposition : z1 (k + 1)

=

z2 (k + 1)

=

Fe1 (z1 (k), z2 (k), u(k)), Fe2 (z2 (k)).

L'invariance de la structure est maintenue malgré la présence de l'entrée (ceci généralise la condition linéaire Im B ⊂ V ). L'exemple du rejet de perturbation Supposons l'existence d'une distribution ∆ invariante par rapport à : x(k + 1)

=

F (x(k), u(k), w(k)),

y(k)

=

H(x(k)),

dans laquelle w(k) représente une entrée de perturbation. Les conditions supplémentaires : ∂F ⊂ ∆(F (·, u, w)) et ∆ ⊂ ker dH , entraînent l'existence d'un changement de ∂w coordonnées transformant le système initial en le système : z1 (k + 1)

=

z2 (k + 1)

=

Fe1 (z1 (k), z2 (k), u(k), w(k)), Fe2 (z2 (k), u(k)),

y(k)

=

e 2 (k)). H(z

On constate, sur la structure des équations, que la sortie ne dépend plus de la variable w et assure ainsi un rejet de la perturbation. On trouve des approches complètes sur le sujet dans [GRI 85, MON 86] et dans les références contenues dans ces articles.

8.7. Bibliographie [AGR 78] [ALB 93] [BRO 76] [CAL 99] [CRO 81] [FLI 80]

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322

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

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Chapitre 9

Equations diérentielles à retard 9.1. Introduction De nombreux systèmes réels, dits héréditaires, présentent des phénomènes de retard (ou post-eet) : contrairement aux systèmes  ordinaires , leur évolution temporelle n'est pas dénie à partir d'un simple vecteur d'état (exprimé au présent), mais dépend irréductiblement de leur histoire. Par exemple, cette situation se rencontre dans les nombreux cas où un transport de matière, d'énergie ou d'information engendre un  temps mort  dans la réaction : en télécommunications (transfert hertzien, optique ou électrique), en écologie (interaction proies-prédateurs), en dynamique des populations et en épidémiologie (temps de gestation ou d'incubation), en mécanique (visco-élasticité)... Même si le processus ne contient pas intrinsèquement de post-eet, sa chaîne de commande peut introduire des retards (par exemple si les capteurs demandent un temps d'acquisition non négligeable). Pour ces raisons, il semble raisonnable de considérer le retard comme une caractéristique universelle de l'interaction entre l'homme et la nature (donc, des sciences pour l'ingénieur), au même titre que la non-linéarité, par exemple. Les équations diérentielles fonctionnelles (EDF) constituent un outil mathématique approprié à l'étude du phénomène d'hérédité, généralisant les équations diérentielles ordinaires (EDO). Comme pour tous les systèmes dynamiques, leur investigation théorique inclue des sujets comme l'existence et l'unicité des solutions, leur périodicité, l'analyse des bifurcations, les problèmes aux limites, la commande et l'estimation, la caractérisation des comportements asymptotiques (stabilité, bornitude, moyennage, etc.), pour n'en citer que quelques-unes. L'étude des systèmes à retards a rencontré un intense intérêt depuis quelques décennies. Les premières EDF ont été considérées par J. Bernoulli, L. Euler, J.L. Lagrange, P. Laplace, S. Poisson et d'autres, en lien avec certains problèmes géométriques posés au XVIIIe siècle. Au début du XXe siècle, d'importantes applications en furent faites par V. Volterra [VOL 09]. La situation changea dans les années 30, avec l'apparition d'un grand nombre de problèmes techniques et scientiques. La régulation sur base de modèles linéaires et stationnaires avec retard fut considérée par Y. Zypkin en 1941. Les bases de la théorie moderne des EDF furent posées par A.D. Myshkis [MYS 49, MYS 51]. En particulier, il fut le premier à formuler l'énoncé du problème de Cauchy pour des équations à retard arbitraire (ponctuel ou distribué, ni ou inni). Les années suivantes ont vu une explosion de la théorie des EDF et de leurs applications (voir Chapitre rédigé par Vladimir B.

Kolmanovskii

et Jean-Pierre

.

Richard

324

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

par exemple [DUG 97, KOL 99, KON 86, KOS 96, LOR 97, NIC 97, NIC 01, RIC 98, RIK 98] et les nombreuses références incluses). Dans ce chapitre, l'accent sera mis sur les grandes lignes de la théorie des équations diérentielles à retards, permettant ainsi l'accès aux méthodes et résultats concrets qui en découlent.

9.2. Classes d'équations dierentielles fonctionnelles Les équations dierentielles fonctionnelles (également appelées héréditaires ou à argument diéré 1 ) peuvent être considérées comme une combinaison d'équations diérentielles ordinaires et d'équations fonctionnelles. Les valeurs de l'argument peuvent y être discrètes, continues ou mixtes : en correspondance, on dénira les notions d'équations diérentielles aux diérences, d'équations intégrodiérentielles, ou mixtes2 . Une EDF est dite autonome (ou stationnaire) si elle est invariante vis-à-vis de tout changement de variable t 7→ t + T (pour tout T ∈ R). L'ordre d'une EDF est celui de la plus haute dérivée de la fonction inconnue régie par l'équation. Ainsi, les équations fonctionnelles peuvent être considérées comme des EDF d'ordre zéro et la notion d'EDF généralise les équations de l'analyse mathématique des fonctions d'un argument continu.

9.2.1. Equations à retards ponctuels Considérons une EDF à retards ponctuels, de la forme :

  z (m) (t) = f0 t, z (m1 ) (t − h1 (t)) , ..., z (mk ) (t − hk (t)) ,

(9.1)

+ d dans laquelle z (t) ∈ Rq , z (m) (t) = dt m z (t) , k et mi ∈ N, hi (t) ∈ R . Le membre de droite f0 et les retards hi sont donnés et z est une fonction inconnue de t. La propriété hi (t) ∈ R+ (signiant que toutes les déviations d'argument sont positives ou nulles) est cruciale pour la causalité de (9.1). Cette équation (9.1) est dite : m

 équation diérentielle fonctionnelle de type retardé, ou EDF retardée (en abrégé, EDR) , si : m > max {m1 , ..., mk } ; (9.2)  équation diérentielle fonctionnelle de type neutre, ou EDF neutre (en abrégé, EDN ), si : m = max {m1 , ..., mk } ; (9.3)  équation diérentielle fonctionnelle de type avancé, ou EDF avancée (en abrégé, EDFA), si : m < max {m1 , ..., mk } . (9.4) 1

Traduction de l'anglais deviating argument en lien avec l'appellation dierential-

dierence equation

2 Plus particulièrement, dans le cas des équations diérentielles retardées (EDR) qui sera développé par la suite, on parlera de retards ponctuels, distribués ou mixtes.

Equations diérentielles à retard

325

Une EDR est ainsi caractérisée par le fait que la valeur de la dérivée d'ordre le plus élevé est dénie, pour chaque valeur de l'argument t, par les valeurs des dérivées d'ordre plus faible prises en des arguments inférieurs ou égaux à t. La pratique de la modélisation montre qu'à la quasi-unanimité, seules les équations de type retardé (9.2) ou neutre (9.3) sont utilisées pour représenter des processus réels. Comme dans le cas des équations diérentielles ordinaires, l'équation (9.1) peut être réécrite sous la forme d'une équation diérentielle du premier ordre (impli. quant la dérivée x = dx ) portant sur un vecteur x ∈ Rn de dimension plus grande dt (n = (m − 1) q) en prenant comme nouvelles inconnues les dérivées successives de y . On aboutit ainsi aux EDR et EDN suivantes : .

x(t) = f (t, x (t − h1 (t)) , ..., x (t − hk (t))) , .

.

.



x(t) = f t, x (t − h1 (t)) , ..., x (t − hk (t)) , x (t − gk (t)) , ..., x (t − gl (t)) .

(9.5) (9.6)

Comme nous l'avons remarqué, toute EDF est une combinaison d'équations ordinaires et fonctionnelles et l'équation de type neutre (9.6) est équivalente au système hybride suivant : 

.

x(t) = y(t), y(t) = f (t, x (t − h1 (t)) , ..., x (t − hk (t)) , y (t − gk (t)) , ..., y (t − gl (t))) .

Dans certains phénomènes, le retard peut dépendre d'une solution inconnue, c'està-dire avoir la forme hi (t, x (t)) . De tels retards sont quelquefois dits autoréglants.

9.2.2. Equations retardées générales, retards distribués Une équation diérentielle retardée générale (à retards non nécessairement ponctuels) se représente sous la forme : .

x(t) = f (t, xt ) ,

(9.7)

où, pour un certain t, x (t) ∈ Rn et l'état xt est une fonction dénie par : 

xt : Jt → Rn , xt (θ) , x (t + θ) , Jt ⊂ ]−∞, 0] , θ ∈ Jt .

Dans ce cas, Jt peut être un intervalle donné [−h(t), −g(t)] ou ]−∞, −g(t)]. La fonction xt peut être interprétée comme un fragment de la solution x à droite du point t, observé depuis ce point. Le membre de droite de (9.7) est une fonction de t et xt : ainsi, à toute fonction ψ : Jt → Rn d'une certaine famille de fonctions, correspond un vecteur f (t, ψ) ∈ Rn . Remarquons que l'équation à retards ponctuels (9.5) est un cas particulier de (9.7)3 . Si un des intervalles Jt n'est pas de mesure nulle, l'équation diérentielle fonctionnelle (9.7) est dite retardée, à retards distribués. 3

Dans (9.5), l'ensemble Jt est de mesure nulle [RIC 01], réduit à un nombre ni de points.

326

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

On peut dénir de la même façon une équation diérentielle fonctionnelle neutre, à retards distribués comme suit : . .  x(t) = f t, xt , xt ,

(9.8)

où la notation xt correspond de façon similaire à xt : Jt → Rn , avec Jt de mesure . . non nulle et xt (θ) , x (t + θ) . Cependant, la suite de ce chapitre se limitera au cas retardé (voir par exemple [KON 86] pour ce qui concerne les systèmes de type neutre). .

.

9.2.3. Notations complémentaires On utilisera par la suite les notations suivantes : Jt = [−h(t), −g(t)] ⊂ ]−∞, 0] , J = [α, β] ⊂ R ; C (Jt ) (resp. C 1 (Jt )) ensemble des fonctions continues (resp. dérivables) de Jt → Rn ; xt ∈ C (Jt ) : Jt → Rn ,

θ 7→ xt (θ) , x (t + θ) ;

D = [t0 , +∞[ × C [−h, 0] , (t, ψ) ∈ D ; k.k norme scalaire de vecteur : Rn → R+ , x 7→ kxk ; k.kC norme de fonction, C [−h, 0] → R+ , ψ 7→ kψkC , supθ∈[−h,0] {kψ (θ)k} ; Bδ ⊂ C [−h, 0] boule fonctionnelle, Bδ , {ψ ∈ C [−h, 0] ; kψkC < δ} ; λmax (Q) la plus grande valeur propre d'une matrice Q symétrique ;

pour toute matrice réelle M (t) = [mij (t)] , on dénit |M (t)| = [|mij (t)|] et   |mij (t)| si i 6= j, + M (t) = m+ ij (t) , mij (t) = mii (t) si i = j. +

9.3. Le problème de Cauchy pour les EDR Le problème de Cauchy consiste à montrer l'existence (et, si possible, l'unicité) de la solution de l'équation (9.7) correspondant à une certaine fonction initiale et à une certaine valeur initiale. Considérons l'équation diérentielle retardée (9.7) et supposons que pour un certain t0 ∈ R, la fonction f : (t, x) 7→ f (t, x) est dénie pour tout t ∈ [t0 , +∞[ et x ∈ C (Jt ) , Jt = [−h(t), −g(t)] . Le point t0 est appelé point initial 4 pour la solution. Nous supposerons également que t0 , inf t≥t0 {t − h (t)} > −∞.

La fonction initiale ψ   de l'équation (9.7) pour un point initial t0 est prescrite sur l'intervalle initial t0 , t0 . Si t0 = t0 , alors cet intervalle initial est vide et on retrouve 4

Ou instant initial si t représente le temps.

Equations diérentielles à retard

327

le problème de Cauchy classique pour les EDO (sans hérédité, sans fonction initiale). Cependant, dans tous les cas, la valeur initiale x (t0 ) de la solution doit être prescrite. Généralement (bien que cela ne soit pas nécessaire) la valeur initiale de la solution x (t0 ) fait partie de initiale, c'est-à-dire que cette dernière est prescrite sur  la fonction  l'intervalle fermé t0 , t0 avec ψ (t0 ) = x (t0 ) . Soulignons que la solution x (t) doit être construite dans le sens des t croissants, c'est-à-dire sur un intervalle J ayant comme extrémité gauche le point t0 ∈ J. Ceci implique que x est à interpréter comme étant le prolongement de la fonction initiale, x (t + θ) , ψ (t + θ) pour t + θ > t0 . Nous considérerons ici le problème de Cauchy pour des EDR à retard ni, et supposons que la solution appartient à C 1 (c'est-à-dire, est une fonction continûment diérentiable de t). Le problème étudié est donc : .

x(t) = f (t, xt ) ,

xt (θ) = x (t + θ) ∀θ ∈ [−h, 0] ,

xt0 = ψ.

(9.9) (9.10)

Ici, h ≥ 0 est une constante (nie), x (t) ∈ Rn , t0 ∈ R, et ψ : [−h, 0] → Rn . La solution t 7→ x (t) (t ≥ 0) du problème (9.9) (9.10) est le prolongement de la fonction intiale t 7→ x (t) (t0 − h ≤ t ≤ t0 ).

Dénition 1. Soit un intervalle

J ayant t0 comme borne gauche (incluse). Une fonction x ∈ C 1 (J) est une solution du problème de Cauchy (9.9) (9.10) sur cet intervalle J si elle vérie l'équation (9.9) avec les conditions initiales x (t0 ) = ψ (t0 ) et (9.10) en tous les points de J (c'est-à-dire, xt (t + θ) = ψ (t + θ − t0 ) ∀t − θ < t0 ). Théorème 1. Soient ψ ∈ C [−h, 0] et une fonction vectorielle f : D → Rn , continue et vériant dans le voisinage de tout couple (t, ψ) ∈ D une condition de Lipschitz par rapport à son deuxième argument ψ (la constante de Lispchitz correspondante dépendant, en général, de ce couple). Alors il existe un point tψ , t0 < tψ ≤ +∞ dépendant de ψ, t0 , f, tel que : (a) il existe une solution x du problème (9.9)(9.10) sur J = [t0 , tψ [ ; (b) sur tout intervalle [t0 , t1 ] ⊂ [t0 , tψ [ , cette solution est unique ; (c) si tψ < +∞ alors x (t) n'a pas de limite nie quand t → tψ ; (d) la solution x dépend continûment de f et ψ.

La dernière proposition (d) signie que : ∀t1 ∈ [t0 , tψ ] et ∀ε > 0, ∃δ > 0 tel que si, dans (9.9) (9.10), f et ψ sont remplacées par f et ψ vériant les mêmes propriétés et avec :



ψ − ψ < δ et f (t, ψ) − f (t, ψ) < δ pour t ∈ [t0 , t1 ] , (9.11) C alors la solution x du problème transformé vérie : kx (t) − x (t)k < ε pour t ∈ [t0 , t1 ] .

(9.12)

Par ailleurs, en prenant t − t0 comme nouvelle variable indépendante, il est possible d'étudier de la même façon la dépendance de la solution envers le point initial t0 de la même façon que sa dépendance envers f .

328

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Démonstration : [points (a) et (b)] en intégrant les deux membres de l'équation (9.9), on constate que le problème (9.9)(9.10) est équivalent à l'existence d'une solution continue pour l'équation intégro-diérentielle : Zt x (t) = ψ (0) +

f (τ , xτ ) dτ ,

t ∈ Jx .

(9.13)

t0

Considérons le membre de droite de cette équation en tant qu'opérateur dans l'espace métrique {x ∈ C ([t0 , t0 + α] , [ψ (0) − β, ψ (0) + β]) , x (t0 ) = ψ (0)}, où α, β > 0 sont des constantes susamment petites. Le theorème de Banach (principe d'application contractante [RIC 01]) garantit l'existence et l'unicité de la solution pour tout intervalle [t0 , t0 + α] susamment petit. On en déduit l'unicité de la solution pour tout intervalle d'existence : en eet, s'il existe deux solutions x1 et x2 , alors en décalant le point initial de t0 à inf t > t0 : x1 (t) 6= x2 (t) , nous obtenons une contradiction. En eectuant l'union de tous les intervalles [t0 , t1 ] , {t0 < t1 < +∞} sur lesquels la solution existe, nous obtenons l'intervalle maximal d'existence. Cet intervalle, de type [t0 , tψ [, est ouvert à droite (t0 < tψ ≤ +∞). Ainsi, (a) et (b) sont démontrées. [point (c)] Supposons que tψ < +∞ et qu'il existe x (tψ ) = limt→t− [x (t)]. Alors, ψ la fonction x complétée par x (tψ ) est continue sur [t0 , tψ ] . Puisque f est continue, l'équation (9.13) est également valable pour t = tψ , et la solution existe donc sur [t0 , tψ ] . Or ceci contredit la dénition de tψ . La limite nie x (tψ ) ne peut donc exister, ce qui prouve (c). [point (d)] Supposons que t ∈ ]t0 , tψ [ et ε > 0 sont xés, avec ε assez petit pour que la fonction (t, ψ) 7→ f (t, ψ) soit bornée et lipschitzienne en ψ dans la bande t0 < t < t1 , kψ − xt kC < ε (un tel ε existe d'après les hypothèses sur f ). Nous constatons alors que si l'équation (9.11) est vériée pour un δ > 0 susamment faible alors l'égalité kx (t) − x (t)k = ε est impossible pour t ∈ [t0 , t1 ] . Il s'en suit que x (t) est borné et, d'après (c), que l'équation (9.12) est vériée. Inversement, supposons qu'il n'existe pas δ > 0 vériant (9.11). Alors, il doit exister des suites δ k → 0 (δ k ∈ (0, ε)), f k et ψ k vériant pour chaque k la propriété correspondante (9.11) et telles que pour des points tk ∈ ]t0 , t1 ] les solutions xk du problème correspondant (9.9) (9.10) satisfassent : kx (t) − xk (t)k < ε (t0 ≤ t < tk ) , kx (tk ) − xk (tk )k = ε.

(9.14)

L'ensemble des fonctions xk : [t0 , tk ] → Rn étant uniformément borné et équicontinu, le lemme d'Ascoli-Arzela [RIC 01] permet   le passage   à des sous-suites (uniformément convergentes sur chaque intervalle t0 , t ⊂ t0 , t ), tk → t > t0 , xk → x pour k → +∞. La fonction x est uniformément continue sur t0 , t et peut donc être   prolongée sur t0 , t avec x t − x t = lim kx (tk ) − xk (tk )k = ε. La fonction xk est la solution du problème : Zt xk (t) = ψ k (0) +

f k (τ , xkτ ) dτ ,

t ∈ [t0 , tk ] ,

t0

xk (t) = ψ k (t − t0 ) ,

t ∈ [t0 − h, t0 ] .

Equations diérentielles à retard 

329 

Eectuons le passage à la limite k → +∞ sur tout intervalle ci-dessus t0 , et en utilisant la majoration suivante :

t

Z Zt

f k (τ , xkτ ) dτ − f (τ , xτ ) dτ



t0

t0

Z te ≤



f (τ , xkτ ) − f (τ , xτ ) dτ − k

t0

Z et kf (τ , xkτ ) − f (τ , xτ )k dτ . t0

Les deux termes du membre de droite tendent vers 0 pour k → +∞ : le premier par la convergence uniforme de f k vers f dans la bande t0 < t < t1 , kψ − xt k < ε ; le second à cause des propriétés de Lipschitz de f en ψ (dans la même bande). Donc, x vérie   (9.13) sur t0 , et avec la condition initiale (9.10). D'après (c), x (t) = x (t) , ∀t ∈ t0 , e t .     Ceci étant vrai pour tout et ∈ t0 , t , il vient x t = x t , ce qui est impossible. Il doit donc exister δ > 0 vériant (9.11), ce qui termine la preuve du point (d).

9.4. Méthode pas à pas Il est rare de pouvoir obtenir l'expression analytique de la solution d'une équation diérentielle fonctionnelle générale. Cependant, dans le cas d'équations retardées à retards ponctuels, il est quelquefois possible d'utiliser la méthode dite pas à pas. Nous la présenterons ici dans le cas scalaire : .

x(t) = f (t, x (t) , x (t − h)) , t > t0 ,

(9.15)

h > 0 constant.

La fonction f : [t0 − h, +∞[ × R2 → R est continue, lipschitzienne en son second argument. La fonction initiale ψ (t) de l'équation (9.15) est continue, donnée sur l'intervalle [t0 − h, t0 ] . Le  premier pas  correspond à l'intervalle t ∈ [t0 , t0 + h]. Pour ces valeurs de t, l'équation (9.15) devient une équation diérentielle ordinaire : .

x(t) = f (t, x (t) , ψ (t − h)) ,

t ∈ [t0 , t0 + h] ,

qui peut généralement être résolue pour la condition initiale x (t0 ) = ψ (t0 ), puisque nous sommes dans le cas scalaire. Le résultat donne la solution sur [t0 , t0 + h], qui à son tour conduit au  deuxième pas  de résolution pour t ∈ [t0 + h, t0 + 2h] , dans lequel la fonction x (t − h) est connue, issue du pas précédent. Cette EDO est à son tour résolue pour la condition initiale x (t0 + h) , et ainsi de suite. Considérons par exemple le système suivant, où α est une constante : .

x(t) = αx (t − h) , ψ (t) ≡ ψ 0 (constante) ∀t ∈ [t0 − h, t0 ] ,

(9.16)

330

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

pour lequel la méthode pas à pas nous donne la solution, pour t ∈ [t0 , +∞[ : x (t) = ψ 0

+∞ k X α [t − t0 − (k − 1) h]k ω (t − t0 − (k − 1) h) , k!

(9.17)

k=0



avec la notation ω (θ) , 1 +

signe(θ) 2

 .

La régularité de la solution croît donc avec le temps. Cette propriété est par ailleurs une caractéristique générale des équations diérentielles retardées.

9.5. Stabilité des systèmes à retards Le problème de la stabilité des EDR se pose très concrètement lors de la synthèse des asservissements, puisque la présence d'un retard dans un système bouclé conduit le plus souvent à des oscillations, voire des instabilités. Si la nature mathématique du phénomène de retard n'est pas prise en compte, la seule alternative de synthèse est de prévoir des marges de robustesse excessives, réduisant dénitivement les performances dynamiques. Il est donc important de disposer d'outils spéciques. Diverses méthodes sont disponibles (voir des bilans dans [DAM 93, DUG 97, KON 86, NIC 97]) : approches fréquentielles [BEL 63, GOR 89, STE 89], méthodes de type Liapounov [BUR 85, KOL 92, KON 86, KOS 96] ou Popov [HAL 66], théorèmes de comparaison [LAK 69, RIG 97], approches métriques [DRI 77, ELS 73, HAL 91], théorie des opérateurs [DIE 95], faisceaux matriciels [NIC 97], systèmes stochastiques [KOL 99, KOS 96], etc. Nous ne présenterons ici que quelques uns de ces résultats : ils servent en général de base commune à toutes les méthodes d'investigation de la stabilité.

9.5.1. Notion d'équilibre pour une EDR Considérons à nouveau le système (9.9)-(9.10), soit : .

x(t) = f (t, xt ) , xt0 = ψ,

(9.18)

ψ ∈ C [−h, 0] .

Nous supposerons que f (t, ϕ) est continue, bornée pour ϕ bornée, localement lipschitzienne en ϕ. La solution de (9.18) est notée x (t, t0 , ψ) . Dénition 2. La fonction ϕe ∈ C [−h, 0] est un état d'équilibre de (9.18) si pour tout t0 ∈ R, la solution x (t, t0 , ϕe ) existe et vérie x (t, t0 , ϕe ) = ϕe . Théorème 2. [DAM 93] La fonction ϕe ∈ C [−h, 0] est un état d'équilibre de (9.18) si et seulement si les trois conditions suivantes sont vériées : (i) ∀t0 ∈ R, x (t, t0 , ϕe ) existe et est unique ; (ii) ∀t ∈ R, f (t, ϕe ) = 0 ;

Equations diérentielles à retard

331

(iii) ϕe est une fonction constante de C [−h, 0] : ∀θ ∈ [−h, 0] , ϕe (θ) = xe .

On parlera donc indiéremment d'état d'équilibre (ϕe ) ou de point d'équilibre

(xe ).

9.5.2. Dénitions relatives à la stabilité des EDR Nous faisons ici l'hypothèse que le système (9.18) possède un équilibre, placé à l'origine sans réduction de généralité, et donc que f (t, 0) ≡ 0.

Dénition 3. L'équilibre x = 0 du problème (9.18) (avec ψ = 0) est dit : 1. stable si ∀ε > 0, ∀t0 , ∃δ = δ (t0 , ε) > 0, ψ ∈ Bδ ⇒ x (t, t0 , ψ) ∈ Bε ; 2. uniformément stable par rapport à t0 si la propriété précédente est vériée avec δ = δ (ε) (donc δ indépendant de t0 ) ; 3. asymptotiquement stable s'il est stable et s'il existe η = η (t0 ) > 0 tel que [ψ ∈ Bη ] ⇒ [limt→∞ x (t, t0 , ψ) = 0] ; 4. uniformément asymptotiquement stable s'il est uniformément stable et si la limite de la propriété précédente est uniforme, c'est-à-dire si ∃η > 0 : ∀γ > 0, ∃T (γ) > 0 : [ψ ∈ Bη et t ≥ T (γ)] ⇒ [x (t, t0 , ψ) ∈ Bγ ] ∀t0 ; 5. globalement (uniformément) asymptotiquement stable s'il est (uniformément) asymptotiquement stable avec η = +∞.

9.5.3. Stabilité des systèmes linéaires stationnaires Dans cette section, on parlera indiéremment de la stabilité asymptotique de l'équilibre ou du système : en eet dans le cas linéaire stationnaire, un point d'équilibre, s'il est asymptotiquement stable, est forcément unique (la propriété est globale et uniforme). La stabilité d'un système linéaire stationnaire retardé est déterminée par la position des racines de son équation caractéristique par rapport à l'axe imaginaire. Le système est globalement asymptotiquement stable si et seulement si toutes les racines sont dans le demi-plan complexe gauche (l'axe imaginaire étant exclu). On retrouve ici la même propriété que dans le cas des équations ordinaires : par contre, l'équation caractéristique étant ici un quasi-polynôme [RIC 01], des tests simples de cette propriété (comme le critère de Routh-Hurwitz) ne sont plus disponibles.

332

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Considérons l'équation générale5 suivante à retard quelconque (ni ou inni, ponctuel ou distribué) : .

Z0

x (t) =

[dK (θ)] x (t + θ) ,

x (t) ∈ Rn , t ≥ 0,

(9.19)

−∞

∀θ ∈ ]−∞, 0] ,

x (θ) = ψ (θ)

où l'intégrale est dénie au sens de Stieljes [RIC 01], avec K (θ) une matrice n × n dont les coecients kij sont des fonctions de θ ∈ ]−∞, 0] et à variations bornées. La transformation de Laplace appliquée à (9.19) conduit à : 

 sI − K (s) x (s) = ψ (0) + F (s) ,

avec F (t) =

s ∈ C,

Z−t

Z0 [dK (θ)] ψ (t + θ) ,

F (s) =

−∞

−∞

Z0

Z0 esθ dK (θ) ,

K (s) =

e−sθ F (θ) dθ,

x (s) =

−∞

e−sθ x (θ) dθ.

−∞

L'équation caractéristique correspondante est :   ∆ (s) = det sI − K (s) = 0.

(9.20)

Elle a généralement un nombre inni de solutions dans le plan complexe : dans le cas contraire (nombre ni de racines) on parle d'EDR dégénérée. Théorème 3. Le système (9.19) est asymptotiquement stable si les racines de (9.20) sont dans le demi-plan gauche strict ( Réel(s) < 0) et si toutes les fonctions kij (i,j=1,...,n) vérient : Z0

|θ| |dkij (θ)| < +∞. −∞

De nombreuses méthodes ont été élaborées pour localiser les racines de (9.20) (voir par exemple [DAM 93, KON 86] ainsi que le Chapitre 10 de [RIC 01]). Le problème n'est pas simple dès l'instant où l'ordre n grandit, ou bien lorsque quelques paramètres de réglage (notamment le retard) sont conservés formellement. Exemple 1. Considérons l'équation x. (t) = −x (t − 1) . Son équation caractéristique est s + e−s = 0, dont les solutions s = α ± jβ sont en nombre inni. Le système n'est donc pas dégénéré. Ici, s = −0.318 ± 1.337j est une estimation de la paire de racines de plus grande partie réelle : il y a donc stabilité asymptotique6 . Par contre, le cas 5 Le théorème de Riesz [RIC 01] assure l'existence de la fonction (dite canonique) K impliquée dans (9.19) pour toute fonctionnelle linéaire continue g(xt ). 6 On a en fait α ∈ ]−0.3181, −0.3182[ . Les racines sont situées à l'intersection des courbes p β = ±e−α (1 − α2 e2α ) et β = arccos (−αeα ) .

Equations diérentielles à retard suivant est dégénéré et instable : 

0 x (t) =  − 21 0

1 0 − 12  ∆ (s) = s s2 − 1 . .

  0 0 1  x (t) +  0 0 0

1 0 0

333

 0 −1  x (t − h) , 0

Exemple 2. Considérons le système (9.19) dans sa forme scalaire : Z0

.

x (t) =

x (t + θ) dk (θ) , −∞

et supposons que le noyau k(s) est une fonction non croissante (dk (θ) ≤ 0), constante sur l'intervalle θ ≤ −h < 0 (par conséquent, l'eet de retard à l'instant t est limité aux instants [t − h, t]) : .

Z0

x (t) =

(9.21)

x (t + θ) dk (θ) . −h

Alors, (9.21) est asymptotiquement stable si : Z0 γ0 =

dk (θ) < 0 et γ 1 =

−h

Z0 |dk (θ)| < −h

π . 2h

Démonstration : pour s = α + jβ , l'équation (9.20) s'écrit : Z0 Im ∆ (s) = β −

eαθ sin βθ dk (θ) = 0,

(9.22)

eαθ cos βθ dk (θ) = 0.

(9.23)

−h

Z0 Re ∆ (s) = α − −h

Or, ces deux équations ne peuvent être simultanément vériées pour α ≥ 0 : si |β|
0 pour r > 0, et ω (0) = 0. Une matrice carrée réelle Q est dénie positive si ω (x) = xT Qx l'est (donc si et seulement si ses valeurs propres λi vérientλi > 0). Dénition 5. Soit V une fonctionnelle vériant les propriétés suivantes : (a) V : R × Bh → R (h > 0) est continue, avec V (t, 0) = 0 pour tout t. (b) il existe des fonctions scalaires ω 1 , ω 2 dénies positives, non décroissantes, telles

que :

ω 1 (ϕ (0)) ≤ V (t, ϕ) ≤ ω 2 kϕkC



∀t.

(9.30)

La dérivée totale de la fonctionnelle V (t, ϕ) le long des solutions de (9.18) est alors dénie par : .

1 [V (t + ε, x (t + ε, t, ϕ)) − V (t, ϕ)] . ε Théorème 7. S'il existe une fonctionnelle V (t, ϕ) vériant les propriétés (a) et (b) ci-dessus et, pour tout t0 et tout t ≥ t0 : V (t, ϕ) ,

lim sup

ε→0+

.

V (t, ϕ) ≤ −ω 3 (ϕ (0)) ,

(9.31)

où ω3 est dénie positive, non décroissante, alors l'équilibre x = 0 de l'EDR (9.18) est uniformément asymptotiquement stable. Démonstration : soient ε > 0 et δ ≤ h choisi tel que ω2 (δ) ≤ ω 1 (ε). Alors, pour toute fonction initiale ϕ ∈ Bδ , on a ω1 (kx (t, t0 , ϕ)k) ≤ V (t, xt ) ≤ V (t, ϕ) ≤  ω 2 kϕkC ≤ ω 1 (ε). Ainsi, kx (t, t0 , ϕ)k ≤ ε ∀t ≥ t0 , prouvant la stabilité uniforme. Montrons maintenant que limt→+∞ x (t) = 0 pour toute fonction initiale ϕ ∈ Bη où η vérie 0 < η ≤ h et ω2 (η) ≤ ω 1 (h). Comme pour

la preuve de stabilité, on . déduit kx (t, t0 , ϕ)k ≤ h ∀ϕ ∈ Bη . Donc x (t, t0 , ϕ) ≤ c < ∞. Supposons que pour une condition initiale ϕ ∈ Bη la solution x (t, t0 , ϕ) ne tende pas vers 0 quand t → +∞. Alors, il doit exister ε > 0 et une suite {ti } , limi→+∞ ti → +∞ tels que

336

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

. ε kx (ti , t0 , ϕ)k ≥ ε. Or, x (t, t0 , ϕ) ≤ c < ∞ et donc ti+1 − ti ≥ 2∆, ∆ = 2c , ε et kx (ti + τ , t0 , ϕ)k ≥ 2 pour tout τ tel que |τ | ≤ ∆. Pour ces instants τ , (9.31) .

implique que pour un α > 0, V (ti + τ , xti +τ ) ≤ −α. Notons V (t) = V (t, xt ) et N P (t) le nombre de points ti tels que t0 + ∆ ≤ ti ≤ t − ∆. Alors, V (t) − V (t0 ) ≤ t0 +∆≤ti ≤t−∆ [V (ti + ∆) − V (ti − ∆)] ≤ −2∆αN (t) . Comme N (t) → +∞ pour t → +∞, on en déduit que V (t) → −∞ pour t → +∞, ce qui est impossible car V (t) ≥ 0. Exemple 3. Considérons l'équation scalaire Z

.

x (t) = −ax (t) +

+∞ 0

x (t − θ) dk (θ) ,

t ≥ 0,

(9.32)

où a est une constante positive et k (t) est une fonction à variation bornée sur [0, +∞[ . Considérons la fonctionnelle de Liapounov suivante : V (t, xt ) = x2 (t) +

Z

Z

+∞

|dk (θ)|

0

t

x2 (τ ) dτ .

(9.33)

t−θ

La dérivée de (9.33) le long de (9.32) est :  Z . V (t, xt ) = 2x (t) −ax (t) + + x2 (t)

Z

+∞ 0

+∞ 0

 x (t − θ) dk (θ)

Z

|dk (θ)| −

+∞ 0

x2 (t − θ) |dk (θ)| .

Remarquons que : Z 2 x (t)

+∞ 0

Z x (t-θ) dk (θ) ≤ x2 (t)

+∞ 0

Z |dk (θ)| +

+∞ 0

x2 (t-θ) |dk (θ)| .

L'équilibre x = 0 est donc asymptotiquement stable pour (9.32) si : Z

+∞

a> 0

Z |dk (θ)| ,

+∞ 0

θ |dk (θ)| < +∞,

puisque sous ces deux conditions les hypothèses (9.30) (9.31) sont validées. Exemple 4. La démonstration du théorème 6 utilise dei Liapouh la fonctionnelle Rt A1 z(θ)dθ , V2 = nov V = V1 + V2 , V1 = αy(t)T P y(t), y(t) = z(t) + t−τ Rt

t−τ

hR

t θ

i . z T (v)QT Qz(v)dv dθ. En remarquant que y(t) = (A0 + A1 ) z(t), on vériera .

que la dérivée V est négative sous la condition (9.29).

9.5.7. Stabilité et équations de Riccati Depuis une vingtaine d'années, diverses méthodes de construction de fonctionnelles de Liapounov pour des équations particulières ont été proposées (voir par

Equations diérentielles à retard

337

exemple [DUG 97, KOL 92, KON 86, NIC 97] et les références incluses). Les théorèmes qui suivent sont une application du théorème 7 aux systèmes linéaires, permettant de formuler des conditions de stabilité en terme d'existence d'une solution positive dénie à certaines équations de Riccati (voir le chapitre 9 de [RIC 01]) auxiliaires. Pour ne pas alourdir la présentation, nous traiterons ici les seuls systèmes à retards ponctuels : x(t) ˙ =

m X

(9.34)

Ai x(t − hi ).

i=1

Un cas plus général, incluant les modèles à retards distribués, est traité dans [KOR 99]. De même, les conditions peuvent plus généralement concerner la stabilité dépendante de certains retards et indépendante des autres [KNR 99]. Notons que les équations de Riccati obtenues conduisent, à leur tour, à des conditions de type LMIs (voir [RIC 01] chapitre 12). Nous utiliserons les notations suivantes : A=

m X

Ai ,

Aij = Ai Aj ,

hij = hi + hj ,

i=1

h=

m X

hi .

i=1

Théorème 8. Le système (9.34) est asymptotiquement stable si, pour deux matrices

symétriques et dénies positives R, Q, il existe une matrice dénie positive P solution de l'équation de Riccati : AT P + P A + mRh + P

m X

hi Aij R−1 ATij P = −Q.

(9.35)

i,j=1

Démonstration : on choisit la fonctionnelle V = V1 + .V2 , V1 = xT (t)P x(t), Rt Pm R hij T V2 = = −xT (t) Qx (t) − i,j=1 hj ds t−s x (τ )Rx(τ)dτ , conduisant à V Pm R t−hij T −1 [Rx (θ) + ATij P x (t)]T dθ. i,j=1 t−hj [Rx (θ) + Aij P x (t)]R

Théorème R t 9. Le système (9.34) est asymptotiquement stable si l'équation P

x(t) + x(s)ds = 0 l'est et si, pour des matrices symétriques et dénies positives t−hi Ri [i∈{1,...,m}] , Q, il existe une matrice dénie positive P solution de l'équation de m i=1

Ai

Riccati :

AT P + P A +

m X

Ri hi +

i=1

m X

AT P Ai Ri−1 ATi P Ahi = −Q.

(9.36)

i,j=1

= V1 + V2 , Démonstration : Pbasée R sur la fonctionnelle PV (t, xtR) t t m m T V1 = [x(t) + A x(s)ds] P [x(t) + A x(s)ds] , V2 = i i i=1 i=1 t−hi t−hi Pm R hi R t T i=1 0 ds t−s x (τ )Ri x(τ )dτ .

Théorème 10. Le système (9.34) est asymptotiquement stable si, pour deux matrices

symétriques et dénies positives R, Q, il existe une matrice dénie positive P solution de l'équation de Riccati : AT P + P A +

m X i=1

(hi P Ai R−1 BiT P + mhATi RAi ) = −Q.

(9.37)

338

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Démonstration : basée sur la fonctionnelle V (t, xt ) =RV1 + V2 + V3 , V1 = xT (t)P x(t), Pm R hi R t P t T T V2 = i=1 0 ds t−s x˙ T (τ )Rx(τ ˙ )dτ , V3 = mh m i=1 t−hi x (s)Ai RAi x(s)ds. Remarque 1. Si dans les trois théorèmes précédents, les retards hi sont tous nuls, les trois équations de Riccati coïncident avec l'équation de Liapounov du système linéaire ordinaire x˙ = Ax et les conditions susantes présentées sont également nécessaires. Ceci donne à penser que ces conditions sont peu conservatives pour des retards faibles. Exemple 5. Considérons le système du second ordre avec un nombre quelconque m de retards hi ≥ 0 (et α, β deux constantes) : x(t) ˙ =B

m X

 x(t − hi ),

B=

i=1

−α −β



β −α

.

Les trois théorèmes donnent la même condition (susante) : 0 ≤ h < Exemple 6. Considérons le système (9.34) avec m = 2 : 

x(t) ˙ =

−α1 −β 1

En posant µ2i = α2i + β 2i

β1 −α1 (i=1,2) ,





x(t − h1 ) +

−α2 −β 2

α . α2 +β 2



β2 −α2

x(t − h2 ).

les équations (9.35) et (9.37) conduisent à :

 (α1 + α2 )2 , (h1 + h2 ) h1 µ21 + h2 µ22 < 2 (µ21 + µ22 )

alors que (9.36) donne une condition moins contraignante, obtenue en choisissant R1 = |µ1 | I, R2 = |µ2 | I :

 (α1 + α2 )2 (h1 + h2 ) h1 µ21 + h2 µ22 < . 2 (µ21 + µ22 )

Ce dernier exemple montre que les conditions issues des trois équations de Riccati (9.35), (9.36) et (9.37) ne sont pas équivalentes.

9.5.8. Principe de comparaison Le principe général de cette approche (déjà rencontrée au chapitre 5 dans le cas des EDO, voir dénition page 223) est de comparer les solutions des équations d'origine avec celles d'un système auxiliaire (sensé être plus simple) appelé système de comparaison. Celui-ci est en général obtenu à partir d'inégalités diérentielles [LAK 69] vériées par le système d'origine. Le principe de comparaison s'applique à une classe très large de systèmes7 , ordinaires comme fonctionnels, et dans cette partie nous l'illustrerons principalement dans le cas linéaire non stationnaire : x(t) ˙ = A (t) x (t) + B (t) x (t − h (t)) , x (t0 + θ) = ϕ (θ) ,

∀θ ≤ 0.

t ≥ t0 ,

(9.38) (9.39)

7 Voir des articles de synthèse comme [BOR 02, RIG 97] qui concernent des cas présentant des non-linéarités, discontinuités, retards multiples, systèmes neutres, etc.

Equations diérentielles à retard

339

Les coecients des matrices A (t) = (aij (t)) et B (t) = (bij (t)) , ainsi que le retard h (t) ≥ 0, sont supposés continus. Nous emploierons les notations A+ (t) et |B (t)| , |x (t)| dénies dans la section  Notations complémentaires . Considérons une fonction de comparaison z (t) ∈ Rn vériant l'inégalité diérentielle : z(t) ≥ A+ (t) z (t) + |B (t)| z (t − h (t)) , .

∀t ≥ t0 ,

|z (t0 + θ)| ≥ |ϕ (θ)| ,

Théorème 11.

∀θ ≤ 0. Pour toute fonction z (t) satisfaisant (9.40) (9.41), on a : z (t) ≥ |x (t)| ≥ 0

(9.40) (9.41)

∀t ∈ R,

où x (t) est la solution du système (9.38) (9.39). Démonstration : montrons tout d'abord que si ϕ 6= 0, alors z (t) ≥ 0, ∀t ≥ t0 8 . D'après (9.41), ceci est vrai pour t = t0 . Par contradiction, notons τ > t0 le premier point où . une composante de z s'annule, zj (τ ) = 0. En ce point, d'après (9.40), z j (τ ) ≥ 0 et zj (t) ne peut donc devenir négative. Soit maintenant ε ∈ ]0, 1] , et xε (t) la solution du problème de Cauchy : x (t) = [A (t) − εI] xε (t) + B (t) xε (t-h (t)) , ∀t ≥ t0 , .ε

x (t0 + θ) = (1 − ε) ϕ (θ) , ε

Montrons que :

∀θ ≤ 0.

(9.42) (9.43)

∀t ≥ t0 . (9.44) D'après (9.41) (9.43), (9.44) est vraie pour t = t0 . Par contradiction, notons τ > où t0 le premier point l'inégalité stricte (9.44) devient une égalité pour une de ses composantes, xεj (τ ) = zj (τ ) . Considérons tout d'abord le cas xεj (τ ) > 0. D'après (9.42) (9.41), |xε (t)| < z (t) ,

xj (τ ) − z j (τ ) ≤ −εxεj (τ ) + A (τ ) xε (τ ) − A+ (τ ) z (τ ) .ε

.

+ B (τ ) xε (τ − h (τ )) − |B (τ )| z (τ − h (τ )) ≤ −εxεj (τ ) + A+ (τ ) [|xε (τ )| − z (τ )] + |B (τ )| [|xε (τ − h (τ ))| − z (τ − h (τ ))] ≤ −εxεj (τ ) < 0.

Ceci contredit la dénition de τ . Le cas xεj (τ ) < 0 se traite de même, conduisant à .ε . −xj (τ )− z j (τ ) ≤ εxεj (τ ) < 0. La preuve est obtenue en passant à la limite, en notant que limε→0 xε (t) = x (t). Plusieurs résultats ont été obtenus à partir de l'utilisation du système de comparaison correspondant à l'égalité dans (9.40) et (9.41), soit :   . z(t) = sup A+ (t) z (t) + sup [|B (t)|] z (t − h (t)) , t

t

∀t ≥ t0 ,

ainsi que du lemme suivant permettant de conclure à la stabilité des systèmes linéaires stationnaires obtenus par majoration. 8 on peut plus strictement montrer kz (t)k > 0 en utilisant un passage à la limite analogue à celui de la deuxième partie de cette démonstration.

340

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Lemme 1. [GOU 97] Soient A, B1 et B2 des matrices n × n réelles, h1 et h2 des constantes positives ou nulles, et soit le système (t ≥ 0) : z(t) = A+ z(t) + |B1 | sup z(t − θ) + |B2 | sup z(t − θ). .

0≤θ≤h1

0≤θ≤h2

(9.45)

Si (A+ + |B1 | + |B2 |) est de Hurwitz9 , alors la solution z = 0 est asymptotiquement stable pour (9.45). Théorème 12. [GOU 97] L'équilibre x = 0 du système linéaire perturbé : x(t) ˙ = Ax(t) + Bx(t − h(t)) + f (x(t), t) + g(x(t − h(t), t) |f (x, t)| ≤ F |x| ,

|g(x, t)| ≤ G |x| ,

0 ≤ h(t) ≤ hmax ,

B = B 0 + B 00 ,

est asymptotiquement stable si la matrice (A + B 0 )+ + |B 00 | + F + G + hmax [|B 0 A| + |B 0 B| + |B 0 | (F + G)] est de Hurwitz. Si B 0 est choisie nulle, on obtient le corollaire suivant. Corollaire 1. L'équilibre x = 0 de (9.38) est asymptotiquement stable si A+ + |B|  + + est une matrice de Hurwitz, avec A = supt A (t) < ∞ et |B| = supt [|B (t)|] < ∞. Cette deuxième condition est indépendante du retard, mais nécessite que A+ soit une matrice de Hurwitz. Elle ne permet donc pas d'étudier un éventuel eet stabilisant de la partie retardée B (t). Par contre, la précédente, qui dépend de la valeur maximale du retard hmax , nécessite la stabilité asymptotique de (A + B 0 )+ mais non celle de A.

9.5.9. Exemple d'application Les modèles retardés sont souvent proposés en biologie pour décrire la lutte des espèces et leur dynamique de croissance. Considérons le modèle logistique suivant, correspondant au cas où une ressource en nourriture est limitée mais se renouvelle de façon autonome :   x(t − h) x(t). x(t) ˙ =γ 1− (9.46) k

x(t) est le nombre d'individus dans la population, le retard h est le temps de repro-

duction de la nourriture (le retard est quelquefois interprété comme l'âge moyen des reproducteurs). La constante γ est le coecient de Malthus de croissance linéaire. La constante k est la population moyenne (d'équilibre) et est liée à la capacité de l'environnement à nourrir la population.

Le système (9.46) a deux points d'équilbre : x = 0 (mort de l'espèce) et x = k (population moyenne). Pour étudier ce second équilibre, on introduit le changement de variable x (t) = k [1 + y (t)] , qui conduit au système d'équilibre y = 0 suivant : .

y (t) = −γ y (t − h) [1 + y (t)] . 9

Elle est alors l'opposée d'une M-matrice (voir [RIC 01], chapitre 8).

(9.47)

Equations diérentielles à retard

341

Nous étudierons la stabilité de y = 0 sur le système linéarisé y (t) = −γ y (t − h) (théorème 4), qui est un cas particulier de l'intégrale de Stieljes (9.21) avec : .

 k (θ) =

0 si θ < −h, γ si θ ≥ −h.

D'après l'exemple 2, la stabilité asymptotique (locale) de x = k pour (9.47) est π garantie si 0 < γ < 2h .

9.6. Compléments bibliographiques Comme l'attestent les très nombreux travaux paraissant aujourd'hui au niveau international, les systèmes à retards constituent un champ d'étude important pour l'automaticien. En complément aux références déjà citées dans l'introduction, citons pour ce qui concerne les aspects fondamentaux de l'automatique (voir un bilan récent dans [RIC 98] et les numéros spéciaux [LOR 97, RIK 98]) : modélisation [LOR 97], outils pour la stabilité (cf. introduction du paragraphe 5), propriétés structurelles [LOR 97, SEN 94], commande (placement de spectre [LOR 97, WAT 96], optimale [KOL 99, KOS 96], suivi de modèle [LOI 97, PIC 98], platitude [MOU 98], modes glissants [GOU 02], linéarisation [MOO 00]). Parmi les ouvrages incluant des domaines d'application spéciques, citons l'écologie [GOP 92], la biologie [MCD 78], la robotique [STE 89]. De nombreux exemples sont également présentés dans [KOL 99, LOR 97, NIC 01, RIK 98].

9.7. Bibliographie [BEL 63] [BOR 02]

Bellman R., Cooke K.L.,

Press, New York, 1963.

Dierential dierence equations, Academic

Borne P., Richard J.P., Dambrine M., Perruquetti W.,  Vector Lyapunov functions : Nonlinear, time-varying, ordinary and functional differential equations , in Stability theory at the end of the XXth century, Taylor & Francis, London, p. 49-73, 2002. [BUR 85] Burton T.A., Stability and periodic solutions of ordinary and functional dierential equations, Academic Press, Orlando, vol. 178, 1985. [COR 80] Corduneanu C., Lakshmikantham V., Dierential-dierence equations, Academic Press, 1963. [CRY 72] Cryer C.W.,  Numerical methods for functional dierential equations , in Delay and functional dierential equations and their applications , Academic Press, New York, 1972. [DAM 93] Dambrine M., Contribution à l'étude de la stabilité des systèmes à retards, Thèse de l'Université des sciences et technologies de Lille, n◦ 1386, 21 octobre 1993. [DAM 93] Dambrine M., Richard J.P.  Stability analysis of time-delay systems , Dynamic Syst. & Applications, n◦ 2, p. 405-414, 1993.

342

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

[DAM 94]

Dambrine M., Richard J.P.,  Stability and stability domains analysis for nonlinear, dierential-dierence equations , Dynamic Syst. & Applications, n◦ 3, p. 369-378, 1994. [DIE 95] Diekmann O., von Gils S.A., Verduyn Lunel S.M., Walther H.O.,  Delay equations, functional, complex and nonlinear analysis , Applied Math. Sciences, 110, Springer, 1995. [DRI 77] Driver R.D.,  Ordinary and delay dierential equations , Applied Math. Sciences, Springer, 1977. [DUG 97] Dugard L., Verriest E.I. (Eds.), Stability and control of time-delay systems, Lecture Notes in Control and Inform. Sc., n◦ 228, Springer Verlag, 1997. [ELS 73] El'sgol'ts L. E., Norkin S.B., Introduction to the theory and application of dierential equations with deviating arguments, Academic Press, New York, 1973. [GOP 92] Gopalsamy K., Stability and oscillations in delay dierential equations of population dynamics, Kluwer Academic Publ., 1992. [GOR 89] Gorecki H., Fuksa S., Grabowski P., Korytowski A.,  Analysis and synthesis of time delay systems , John Wiley & Sons, 1989. [GOU 02] Gouaisbaut F., Perruquetti W., Richard J.P.,  Sliding mode control for systems with time delay , Chapitre 11 de Sliding mode control in engineering, Control Eng. Series, vol. 11, Marcel Dekker, 2002. [GOU 97] Goubet-Bartholoméüs A., Dambrine M., Richard J.P.,  Stability of perturbed systems with time-varying delay , Syst. & Control Letters, n◦ 31, p. 155-163, 1997. [HAL 66] Halanay A., Dierential equations : stability, oscillations, time lags, Academic Press, New York, 1966. [HAL 91] Hale J.K., Verduyn Lunel S.M., Introduction to functional dierential equations, Applied Math. Sciences, 99, Springer Verlag, 1991. [KOL 92] Kolmanovskii V.B., Myshkis A.D., Applied theory of functional dierential equations, Kluwer Acad. Publ., 1992. [KOL 99] Kolmanovskii V.B., Myshkis A.D., Introduction to the theory and applications of functional dierential equations, Kluwer Acad. Publ., 1999. [KNR 99] Kolmanovskii V.B., Niculescu S.I., Richard J.P.,  On the Lyapunov-Krasovskii functionals for stability analysis of linear delay systems , Int. J. Control, 72, p. 374-384, 1999. [KON 86] Kolmanovskii V.B., Nosov V.R., Stability of functional dierential equations, Academic Press, Londres, 1986. [KOR 99] Kolmanovskii V.B., Richard J.P.,  Stability of some linear systems with delays , IEEE Trans. Automat. Contr., vol. 44, n◦ 5, p. 984-989, 1999. [KOS 96] Kolmanovskii V.B., Shaikhet L.E., Control of systems with after eect, American Math. Society, RI, vol. 157, 1996. [KUA 93] Kuang Y., Delay dierential equations with applications in population dynamics, Academic Press, 1993. [LAK 69] Lakshmikantham V., Leela S., Dierential and integral inequalities, vol. II, Academic Press, New York, 1969. [LOI 97] Loiseau J.J., Brethé D.,  2D exact model matching with stability, the structural approach , Bulletin of the Polish Acad. of Sc., Technical Sciences, vol. 45, n◦ 2, p. 309-317, 1997.

Equations diérentielles à retard [LOR 97]

343

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Chapitre 10

Systèmes à paramètres distribués 10.1.

Introduction

De nombreuses applications industrielles se modélisent naturellement sous forme de systèmes à paramètres distribués (SPD). Leur comportement dynamique est décrit, le plus souvent, par une ou plusieurs équations aux dérivées partielles (EDP), les variables étant alors des fonctions du temps et de la variable spatiale, donc distribuées sur un domaine spatial : elles appartiennent à un espace de dimension innie. La distinction entre le temps t ∈ R+ ou ]0, tf [ et la variable spatiale x ∈ Ω, avec Ω un ouvert de Rn (domaine géométrique où est étudié le phénomène), correspond à la réalité physique de la grande majorité des problèmes rencontrés en automatique ; elle permet également d'envisager certaines classications des SPD. Ainsi, lorsqu'il n'y a ∂ pas de dérivée partielle ∂t dans les équations, le SPD constitue un problème stationnaire, dans le cas contraire il s'agit d'un problème d'évolution [DAU 88]. Lorsque, dans un problème d'évolution, le temps n'apparaît pas explicitement dans les termes aux dérivées partielles spatiales, le SPD constitue un problème d'évolution stationnaire, par analogie avec les systèmes à paramètres localisés (régis par des équations diérentielles ordinaires) où le temps n'apparaît pas dans les coecients qui caractérisent le régime libre. D'autre part, la modélisation conduit souvent naturellement à des opérateurs où les dérivées par rapport à t et celles par rapport à x sont bien séparées et, si des dérivées croisées existent, un changement de variables simple permet en général de les supprimer ; de plus, l'ordre de dérivation par rapport à t est rarement supérieur à 2. En conséquence, on a coutume, en automatique des SPD, de distinguer parmi les problèmes d'évolution :  ceux du premier ordre gouvernés par des EDP paraboliques : ∂y + Px,t (Dx )y = f ∂t

dans Ω × ]0, tf [ ,

 ceux du deuxième ordre gouvernés par des EDP hyperboliques : ∂2y + Px,t (Dx )y = f ∂t2

dans Ω × ]0, tf [ ,

où l'opérateur Px,t (Dx ) est un opérateur diérentiel linéaire ne comportant que des dérivations par rapport à x, associé à des conditions de bord convenables et des conditions initiales en nombre susant pour assurer l'existence d'une solution (le problème est alors bien posé, au sens de Hadamard [HAD 32]) et f = f (x, t) est une Chapitre rédigé par Jean-Pierre

Babary et Irène Zambettakis.

346

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

distribution donnée qui contient la commande dans le cas des problèmes à commande interne.

Remarque 1. En toute rigueur, les propriétés de parabolicité et d'hyperbolicité ne sont acquises que pour des EDP (et pas des systèmes d'EDP) et pour des opérateurs Px,t (Dx ) elliptiques, c'est-à-dire dont le polynôme caractéristique relatif aux termes dérivés d'ordre le plus élevé n'a pas de racine réelle en (x, t) non nulle [DAU 88].

Par exemple, le modèle parabolique de la diusion de la chaleur concerne tous les problèmes de conduction thermique (échangeurs thermiques, fours à combustion, processus de séchage, climatisation, etc.) pour lesquels la température constitue une variable distribuée à asservir. Les problèmes de contrôle des vibrations dans les structures mécaniques exibles (robotique, applications spatiales) [BAL 82] correspondent, eux, à des modèles hyperboliques du type de l'équation des ondes où la variable distribuée est un déplacement. Les problèmes relevant de la mécanique des uides, qui interviennent entre autres en aérodynamique, dans les turbo-machines, les échangeurs de chaleur ou les réacteurs nucléaires, sont également modélisés par des SPD. La plupart des réacteurs chimiques correspondent aussi à une modélisation sous forme SPD puisqu'ils sont généralement le siège de phénomènes de diusion à la fois de chaleur et de matière, les variables distribuées étant la température et les concentrations des réactants. Les processus dont l'espace d'état est de dimension innie peuvent être régis par d'autres types d'équations comme les équations intégrales, les équations intégrodiérentielles ou les équations à retards. Pour simplier, nous limitons ce chapitre au cas des SPD de type EDP, les outils mathématiques présentés pouvant s'appliquer de façon analogue aux autres modèles, moyennant une dénition adaptée des espaces fonctionnels. Le chapitre est composé de quatre parties. Les trois premières regroupent les notions d'analyse fonctionnelle fort utiles pour aborder les concepts classiques de l'automatique linéaire généralisés au cas de la dimension innie. Les principales dénitions et caractérisations des opérateurs sont données dans les parties 10.2 et 10.3 ; la théorie des semi-groupes, qui constitue la base de la théorie dans l'espace d'état des systèmes linéaires de dimension innie, fait l'objet de la partie 10.4. Les résultats et les théorèmes sont donnés sans démonstration et tirés des ouvrages d'analyse fonctionnelle [KAT 66, YOS 66], mais également d'ouvrages relatifs à l'analyse et à la synthèse de commandes de SPD comme [BAN 83, CUR 95, LIO 68]. L'étude des propriétés spectrales d'un opérateur (présentée dans la partie 10.3) trouve une application importante en automatique dans l'approche fréquentielle des SPD. Nous n'abordons pas cette approche ici, mais les résultats récents concernant ce sujet sont largement développés dans [CUR 95]. L'étude théorique des systèmes non linéaires de dimension innie restant souvent, du moins dans le cas de modèles non académiques, un problème ouvert, nous présentons, dans la dernière partie (10.5), diérentes méthodes d'approximation permettant d'obtenir une modélisation en dimension nie des SPD linéaires et non linéaires, adaptée au problème d'observation et de commande posé. Le lecteur trouvera également des développements sur ce sujet ainsi que sur l'identiabilité et l'estimation de para-

Systèmes à paramètres distribués

347

mètres dans [BOU 98, ZAM 97].

10.2. Le cadre fonctionnel Les principales dénitions de l'analyse fonctionnelle relatives aux espaces de dimension innie et aux opérateurs sur ces espaces sont rappelées dans cette partie, en ne détaillant que les notions propres à la dimension innie. Seules les propriétés essentielles qui seront utilisées en automatique des systèmes à paramètres distribués linéaires sont dénies ici, ainsi que les moyens de les caractériser simplement. Les notions usuelles de topologie peuvent être trouvées dans [RIC 01].

10.2.1. Espaces vectoriels normés de dimension innie Espaces de Banach Un espace vectoriel V de dimension innie est un espace vectoriel engendré par un nombre inni de vecteurs de base. Lorsqu'une norme k.kV est dénie sur cet espace, V est un espace vectoriel normé noté (V, k.kV ) . Un sous-ensemble W de (V, k.kV ) est dit :  fermé si la limite de toute suite convergente de W est dans W, soit : ∀ {xn } ∈ W,

∃x ∈ V,

lim kxn − xkV = 0 =⇒ x ∈ V,

et la fermeture W d'un sous-ensemble W de V est l'union de W et de toutes les limites des suites convergentes de W : c'est le plus petit ensemble fermé contenant W ;  ouvert si son complémentaire est fermé ;  borné si sup kxkV < ∞ ; x∈V

 compact si toute suite de W contient une sous-suite convergente dans W ;  relativement compact si sa fermeture est compacte ;  dense dans V si W = V (tout vecteur de V peut alors être approché d'aussi près que l'on veut par un vecteur de W ) ; tous les espaces vectoriels normés possèdent des sous-ensembles denses mais ceux-ci peuvent ne pas être dénombrables. L'espace vectoriel normé (V, k.kV ) est séparable s'il contient un sous-ensemble dense dénombrable.

Dénition 1 (Espace de Banach). Un espace de Banach B est un espace vectoriel normé complet, c'est-à-dire où toute suite de Cauchy1 est convergente. 1

Rappelons qu'une suite {xn } d'éléments de (V, k.kV ) est dite de Cauchy si : lim kxn − xm kV = 0.

n→∞, m→∞

348

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Exemple 1. L'espace

C [0, 1] des fonctions continues sur [0, 1] , muni de la norme kxk∞ = sup |x (t)| , est un espace de Banach car toute suite uniformément convert∈[0,1]

gente de fonctions continues converge vers une fonction continue ; par contre, C [0, 1] muni de la norme kxk =

1 R 0

|x (t)|2 dt

1/2

n'est pas complet, puisque la suite de

Cauchy des fonctions {xn } de C [0, 1] dénies par :   0 nt/2 − n/4 + 1/2 xn (t) =  1 

si 0 ≤ t ≤ 1/2 − 1/n, si 1/2 − 1/n ≤ t ≤ 1/2 + 1/n, si 1/2 + 1/n ≤ t ≤ 1,

si 0 ≤ t < 1/2 ∈ / C [0, 1] . s i 1/2 ≤ t < 1 Cependant, l'obtention d'un espace de Banach à partir d'un espace vectoriel normé (V, k.kV ) est assurée par le théorème suivant [YOS 66]. Théorème 1. Pour tout espace (V, k.kV ), il existe un espace de Banach VB et une application linéaire injective f : V → VB telle que f (V ) soit dense dans VB et kf (x)kVB = kxkV pour tout x de V . L'espace (VB , k.kVB ) est la complétude de (V, k.kV ). converge vers x (t) =

0 1

Ainsi, la complétude de C [0, 1] muni de la norme kxk = l'espace L2 (0, 1) (voir [RIC 01] page 98).

1 R 0

|x (t)|2 dt

1/2

est

Espaces de Hilbert L'intérêt des espaces de Hilbert réside essentiellement dans la notion d'orthogonalité, basée sur l'existence d'un produit scalaire. Dénition 2 (Espace de Hilbert). Un espace de Hilbert H est un espace vectoriel :  muni d'un produit scalaire h., .iH sur un corps K (C ou R) ;  complet p (donc de Banach) pour la norme induite par ce produit scalaire : kxkH =

hx, xiH .

Exemple 2. L'espace L2 (Ω) des fonctions mesurables sur un ouvert Ω de Rn , ou plus

précisément l'ensemble desR classes équivalentes des fonctions égales presque partout à x et telles que, kxkL2 = Ω |x|2 dΩ < ∞ pour tout x (|x| représentant la norme sur le corps K)R, est un espace de Hilbert pour la norme L2 induite par le produit scalaire hx, yiL2 =



xydΩ.

Une classe d'espaces de Hilbert importante pour les applications est celle des espaces de Sobolev, dénis, pour m ∈ N et en notant Dα la dérivation multi-indices (dérivation partielle par rapport aux n variables de Ω, voir page 24) d'ordre |α| = α1 + · · · + αn , par :  S m (Ω) =

x ∈ L2 (Ω) , Dα x =

 ∂x|α| n ∈ L (Ω) , ∀α ∈ N , |α| ≤ m , 2 n ∂x1 · · · ∂xα n α1

Systèmes à paramètres distribués

349

muni du produit scalaire hx, yim,Ω et de la norme kxkm,Ω : hx, yim,Ω =

P |α|≤m

hD x, D yiL2 (Ω) , α

kxkm,Ω =

α

Remarque 2. 1 On montre que

P R |α|≤m Ω

!1/2 2

|D x| dΩ α

.

S m (Ω) est une complétude de C m (Ω) comme de

C (Ω), pour la norme induite associée [YOS 66]. ∞

2 L'espace F (Ω) désignant l'espace vectoriel des fonctions C m (Ω) à support com-

pact inclus dans Ω, on note S0m (Ω) la fermeture de F (Ω) dans S m (Ω) et on montre que S0m (Ω) = S m (Ω) pour m = 0 ou si Ω = Rn . L'existence d'un produit scalaire permet de dénir :

 la notion d'orthogonalité : deux vecteurs x et y de H sont orthogonaux si hx, yi = 0;

 le sous-espace orthogonal d'un Hilbert V : V ⊥ = {x ∈ H, hx, yi = 0 ∀y ∈ V } ; V ⊥ est un sous-espace vectoriel fermé de H et H peut être décomposé de manière unique en la somme directe H = V ⊕ V ⊥ ; une condition nécessaire et susante pour qu'un sous-espace V soit dense dans H est que V ⊥ = {0} ;  la base orthonormée d'un Hilbert H séparable est un sous-ensemble non vide {φn , n ≥ 1} de H, orthonormé, c'est-à-dire dont les vecteurs sont mutuellement

orthogonaux et de norme unité soit :

hφn , φm i = δ nm ,



1 si n = m, 0 si n 6= m ;

(10.1)

et maximal, c'est-à-dire tel que span φn = H. Par exemple, pour L2 (0, 1), la base orthonormée la plus connue est : o n √ √ 1, 2 sin (2πnt) , 2 cos (2πnt) , n ≥ 1 .

La décomposition en série de Fourier des vecteurs de H sur la base {φn , n ≥ 1} de H est donnée par : ∀x ∈ H, x =

∞ X

hx, φn i φn ,

n=1

où hx, φn i sont les coecients de Fourier de x dans la base {φn }. Le produit scalaire et la norme s'écrivent alors : hx, yi = kxkH

∞ P

hx, φn i hy, φn i, n=1 1/2  ∞ P = |hx, φn i|2 . n=1

Cette décomposition fournit en particulier une réponse au problème de l'approximation en dimension nie (voir section 10.5). En eet, si {φn , n ≥ 1} est une base

350

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

orthonormée d'un Hilbert H , la projection orthogonale

N P n=1

hx, φn i φn de x sur le

sous-espace vectoriel de dimension nie N engendré par les {φn , 1 ≤ n ≤ N } est la meilleure estimation à l'ordre N de x, c'est-à-dire que seule une augmentation de l'ordre N peut améliorer cette approximation.

10.2.2. Opérateurs sur des espaces vectoriels de dimension innie Les principaux résultats de la théorie des opérateurs linéaires font l'objet de cette partie, d'abord dans le cas général d'opérateurs dénis sur des espaces vectoriels, puis lorsque ces espaces sont hilbertiens. Dénition 3 (Opérateur linéaire). Un opérateur linéaire T de V1 dans V2 , où V1 et V2 sont deux espaces vectoriels dénis sur un même corps K , est une application de D (T ) ⊂ V1 → V2 telle que : ∀x1 , x2 ∈ D (T ) , ∀α ∈ K, T (x1 + x2 ) = T (x1 ) + T (x2 ) , T (αx) = αT (x) . D (T ) est le domaine de dénition de T , la paire (T, D (T )) constituant la dénition complète d'un opérateur. L'image Im (T ) = T (D (T )) de D (T ) par T est un sous-espace de V2 . Lorsqu'il est de dimension nie, T est un opérateur de rang ni. On appelle graphe de l'opérateur T le sous-espace G (T ) = {(x, T x) , x ∈ D (T )} de V1 × V2 .

Lorsqu'il existe une bijection entre le domaine de dénition D (T ) et son image  T (D (T )) l'opérateur T est inversible. L'inverse T −1 est un opérateur de D T −1 = T (D (T )) ⊂ V2 dans V1 , tel que : T −1 T x1 = x1 , ∀x1 ∈ D (T ) , T T −1 x2 = x2 , ∀x2 ∈ T (D (T )) .

Théorème 2. L'inverse d'un opérateur linéaire est un opérateur linéaire. Dénition 4 (Opérateur borné). Un opérateur linéaire T de D (T ) ⊂ V1 est borné si :

→ V2

∃c ∈ R tel que ∀x ∈ D (T ) , kT xkV2 ≤ c kxkV1 ,

et sa norme kT k est alors dénie par : kT k =

sup x∈D(T ), x6=0

kT xkV2 kxkV1

=

sup x∈D(T ), kxkV =1

kT xkV2 .

(10.2)

1

Les conséquences de cette dénition sont les suivantes : 1. si D (T ) est borné, l'image T (D (T )) par un opérateur T borné est un sousensemble borné de V2 ;

Systèmes à paramètres distribués

351

2. si T est borné de D (T ) ⊂ V dans un Banach

B , alors T possède une extension bornée unique Te de D (T ) dans B, avec

Te

= kT k [KAT 66] ; 3. un résultat souvent utile dans les démonstrations de convergence est : kT xkV2 ≤ kT k kxkV1 .

Remarque 3. La propriété de bornitude est équivalente à celle de continuité pour les opérateurs linéaires [KAT 66], [KRE 78].

Dénition 5 (Espace

B (V1 , V2 )). B (V1 , V2 ) est l'espace vectoriel des opérateurs linéaires bornés dont le domaine de dénition, D (T ), est un espace vectoriel V1 , B (V1 , V2 ) étant muni de la norme dénie en (10.2). On notera B (V ) cet espace lorsque V1 = V2 = V. Théorème 3.  Si V1 est un Banach, B (V1 , V2 ) l'est aussi.  Si T1 ∈ B (V1 , V2 ) et T2 ∈ B (V2 , V3 ) , alors T3 = T2 ◦ T1 vérie : T3 ∈ B (V2 , V3 ) , kT3 k ≤ kT2 k kT1 k .

 B (V ) est une algèbre et ∀T1 ∈ B (V ) , ∀T2 ∈ B (V ) , kT1 T2 k ≤ kT1 k kT2 k .  B, k.kB un  Banach et W un sous-espace de B muni d'une autre norme telle que W, k.kW soit également un Banach. L'opérateur I de B(W, B) déni par Iw = w est appelé prolongement par continuité et l'on a :

Dénition 6 (Injection dense continue). Soit

kwkB ≤ c kwkW , ∀c ≥ 0.

Si W est un sous-espace dense de B pour la norme k.kB , I est une injection dense. Lorsque I est une injection dense continue (c'est-à-dire bornée) on la notera : W ,→ B.

Diérentes notions de convergence peuvent être introduites dans B (V1 , V2 ) . Dénition 7 (Convergence et continuité uniformes). La suite {Tn , n ≥ 1} d0 opérateurs bornés de B (V1 , V2 ) converge uniformément vers T ∈ B (V1 , V2 ) si : lim kTn − T kB(V1 ,V2 ) = 0.

n→∞

Cette propriété sera surtout utilisée dans le cas d'un opérateur T (t) fonction de la variable de temps t ∈ [0, tf ] ⊂ R, sous la forme suivante : T (t) ∈ B (V1 , V2 ) est uniformément continu à t0 si : lim kT (t) − T (t0 )kB(V1 ,V2 ) = 0.

t→t0

Cette convergence naturelle, basée sur la norme de B (V1 , V2 ), constitue cependant une propriété très contraignante, souvent dicile à prouver. On lui préfère donc souvent le concept suivant.

352

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Dénition 8 (Convergence forte). La suite

{Tn , n ≥ 1} d'opérateurs bornés de B (V1 , V2 ) converge fortement vers T ∈ B (V1 , V2 ) si : lim kTn x − T xkV2 = 0, ∀x ∈ V1 .

n→∞

Un opérateur T (t) ∈ B (V1 , V2 ) converge fortement à t0 si : lim kT (t) x − T (t0 ) xkB(V1 ,V2 ) = 0, ∀x ∈ V1 .

t→t0

Théorème 4. Si T (t) ∈ B (V ) , alors T (t) converge fortement sur [a, b] si et seulement si :

{T (t) x ∈ C ([a, b] , V ) , ∀x ∈ V } ,

où C ([a, b] , V ) est l'espace des fonctions continues de [a, b] dans V.

Théorème 5 (de Banach-Steinhaus, de bornitude uniforme). [KAT 66] Soient B un Banach, V un espace vectoriel et {Tn } une famille bornée de B (B, V ) telle que, pour chaque x ∈ B, la famille {Tn x} soit bornée dans V , c'est-à-dire : ∀x ∈ B, ∃M (x)/ kTn xkV ≤ M (x).

Alors, kTn k est uniformément bornée relativement à n, c'est-à-dire :

Théorème 6. [YOS 66] Si T

sup kTn kB(B,V ) < ∞. n

∈ B (B1 , B2 ), où B1 , B2 sont deux espaces de Banach, l'image par T de tout ouvert de B1 est un ouvert de B2 .

Dénition 9 (Opérateur compact). Un opérateur borné T de B (V1 , V2 ) est compact si l'image par T de tout sous-ensemble borné de V1 est un sous-ensemble relativement compact de V2 . Les opérateurs compacts constituent une classe d'opérateurs bornés particulièrement intéressante parce qu'ils ont des propriétés similaires à celles des opérateurs en dimension nie. Les propriétés suivantes permettent de caractériser les opérateurs compacts T de D (T ) ⊂ V1 → V2 :    

si T est borné et dim (T (D (T ))) < ∞, alors T est compact ; si dim (V1 ) < ∞, alors T est compact ; si T est compact, alors l'image T (D (T )) est séparable ; si T est un opérateur compact de B (V1 , V2 ) tel que T (D (T )) soit un sous-espace fermé de V2 , alors T (D (T )) est de dimension nie ;  si S ∈ B (V1 , V2 ) , U ∈ B (V3 , V4 ) et T ∈ B (V2 , V3 ) est compact, alors U T S ∈ B (V1 , V4 ) est compact ;  si {Tn } est une suite d'opérateurs compacts de V dans un Banach B, convergeant uniformément vers T, alors T est compact. Exemple 3. Une classe importante d'opérateurs compacts sur l'espace L2 (a, b) est celle des opérateurs intégraux, dénis par : Z

b

(T x)(z) =

θ(z, ς)x(ς)dς, a

où θ(z, ς) ∈ L2 ([a, b] × [a, b]) est le noyau de T.

(10.3)

Systèmes à paramètres distribués

353

Les opérateurs fermés constituent une classe importante d'opérateurs, non nécessairement bornés, auxquels peuvent être étendues de nombreuses propriétés relatives aux opérateurs bornés. Dénition 10 (Opérateur fermé). Un opérateur linéaire T de V1 → V2 est fermé si son graphe G (T ) = {(x, T x) , x ∈ D (T )} est un sous-espace fermé de V1 × V2 , c'est-à-dire si :  ∀xn ∈ D (T ) , n ∈ N   lim xn = x =⇒ x ∈ D (T ) et T x = y. n→∞   lim T xn = y

(10.4)

n→∞

Le choix d'un bon domaine de dénition D (T ) peut donc permettre d'obtenir un opérateur T fermé. Les opérateurs bornés T ∈ B (B1 , B2 ) sont des opérateurs fermés, l'inverse étant en général faux. On peut cependant caractériser la propriété de bornitude d'un opérateur à l'aide du théorème suivant. Théorème 7 (du graphe fermé). Si T est un opérateur fermé de B1 dans B2 déni sur tout B1 , c'est-à-dire D (T ) = B1 , alors T est un opérateur borné. Il existe de nombreux opérateurs fermés non bornés, mais la fermeture n'est alors souvent pas simple à montrer. Le résultat suivant permet de résoudre de nombreux cas pratiques. Théorème 8. Si T est un opérateur linéaire de B1 dans B2 , inversible, tel que T (D (T )) = B2 et T −1 ∈ B (B2 , B1 ) , alors T est fermé. Dénition 11 (Forme linéaire). Une forme linéaire f est un opérateur linéaire déni sur un espace vectoriel V et à valeurs dans le corps K associé à V . D'après la deuxième conséquence de la dénition des opérateurs bornés, on sait que tout opérateur borné peut être étendu à la fermeture de son domaine sans changement de sa norme. Dans le cas des formes linéaires, le théorème de Hahn-Banach donne un résultat plus fort. Théorème 9 (de Hahn-Banach). Toute forme linéaire bornée f : D(f ) → K dénie sur un sous-espace D(f ) d'un espace vectoriel normé V peut être étendue à une forme linéaire bornée F sur tout V avec kf k = kF k . Cet ensemble des formes linéaires bornées F dénies sur tout l'espace vectoriel V est l'espace dual topologique de V , noté V 0 . Mentionnons quelques propriétés, où |·| représente la norme sur le corps K :  V 0 est un Banach pour la norme kF kV 0 = sup |F (x)| ; x∈V kxkV =1

 la dualité se traduit entre k.kV et k.kV 0 par : kxkV 0 = sup |F (x)| . 0

F ∈V kF kV =1

Un espace V est réexif s'il est en bijection isométrique avec son bidual V 00 ,

0 0

(V ) .

Exemple 4.

1. Si

1 p

+

1 q

= 1 et 1 < p < ∞, alors (Lp (a, b))0 = Lq (a, b) .

354

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

2. L'ensemble des distributions sur un ouvert Ω de R est le dual topologique D0 (Ω) de l'espace D (Ω) des fonctions à valeurs dans C, dénies et continues dans Ω, à support

compact, indéniment dérivables : c'est l'ensemble des formes linéaires continues sur D (Ω) .

Dénition 12 (Opérateur dual). L' opérateur dual T 0 d'un opérateur fermé T : B1 → B2 de domaine D (T ) dense dans B1 est déni par :

D (T 0 ) = {f2 ∈ B20 / ∃f1 ∈ B10 , f2 (T x) = f1 (x) , ∀x ∈ D (T )} , (10.5) T 0 : B20 → B10 tel que T 0 f2 = f1 , ∀f2 ∈ D (T 0 ) . Dénition 13 (Convergence faible). Une suite {xn } d'un espace vectoriel V converge faiblement vers x si : ∀f ∈ V 0 , lim f (xn ) = f (x) . n→∞

De cette propriété, moins restrictive que celle de convergence forte et donc plus facile à vérier dans les applications, on retiendra les conséquences :  toute suite faiblement convergente est bornée ;  un espace de Banach B est réexif si et seulement si toute suite bornée de B contient une sous-suite faiblement convergente [YOS 66] ;  B1 étant un Banach séparable et B2 un Banach réexif, si {Tn } ⊂ B (B1 , B2 ) est une suite d'opérateurs uniformément bornés, alors il existe T ∈ B (B1 , B2 ) et une sous-suite α (n) ⊂ N tels que :  lim f Tα(n) x = f (T x) , ∀x ∈ B1 , ∀f ∈ B20 .

n→∞

(10.6)

10.2.3. Opérateurs sur des espaces de Hilbert Un espace de Hilbert étant un Banach, tous les résultats précédents sont applicables, mais l'existence d'un produit scalaire et le théorème de représentation de Riesz permettent de remplacer la notion d'opérateur dual par celle d'opérateur adjoint. En eet, une propriété fondamentale d'un espace de Hilbert H est d'être en bijection avec son espace dual H 0 . Ce résultat est connu sous la forme du théorème suivant [KAT 66]. Théorème 10 (de la représentation de Riesz). Tout vecteur x d'un Hilbert H induit une forme linéaire bornée f dénie par f (y) = hy, xiH . Réciproquement, pour toute forme linéaire bornée f sur H , il existe un vecteur x0 ∈ H unique tel que : f (y) = hy, x0 iH , ∀y ∈ H,

et, de plus, kf k = kx0 k . Il sera donc possible (et, souvent, utile) d'identier un espace de Hilbert H à son dual H 0 . Remarque 4. [AUB 79] H1 et H2 étant deux espaces de Hilbert, s'il existe une injection dense continue H1 ,→ H2 , alors H20 ,→ H10 . Si, de plus, H1 et H2 peuvent être simultanément identiés à leurs duaux, alors H1 = H2 . Dans tous les cas, H2 est l'espace pivot tel que : H1 ,→ H2 ,→ H10 .

Systèmes à paramètres distribués

355

Dénition 14 (Opérateur adjoint d'un opérateur borné). Pour tout opérateur

borné T ∈ B (H1 , H2 ), le théorème 10 assure l'existence d'un opérateur unique T ∗ dans B (H2 , H1 ), dit opérateur adjoint de T et déni par : hT x1 , x2 iH2 = hx1 , T ∗ x2 iH1 , ∀x1 ∈ H1 , ∀x2 ∈ H2 .

On dit que T ∈ B (H) est un opérateur normal si T T ∗ = T ∗ T , unitaire si T T ∗ = T ∗ T = IH .

Exemple 5. L'opérateur T ∗ , adjoint de l'opérateur intégral (10.3), vérie : Z

b

hT x, yi =

Z

Z

b

a

a

Z

b

θ(z, ς)x(ς)dς y (z)dz = a

donc : T ∗ y (.) =

Z

b

x(ς)

θ(z, ς)y (z) dz dς, a

b

θ(z, .)y (z) dz.

(10.7)

a

Théorème 11. Si T est compact, alors son adjoint est aussi un opérateur compact.

La possibilité d'identier un Hilbert à son dual induit un isomorphisme entre l'adjoint T ∗ et le dual T 0 d'un opérateur T . Plus précisément, si :  T 0 : H20 → H10 avec T 0 x02 (x1 ) = x02 (T x1 ) ,

T ∗ : H2 → H1 avec hx1 , T ∗ x2 iH1 = hT x1 , x2 iH2 ,

alors, d'après le théorème de Riesz, il existe deux opérateurs bijectifs bornés (linéaires uniquement dans le cas d'espaces de Hilbert dénis sur R) :

J1 : H1 → H10 tel que x01 (x) = x, J1 x01 ,

et J2 : H2 → H20 tel que x02 (x) = x, J2 x02 ,

donc :

T ∗ = J1 T 0 J2−1 .

(10.8)

Cet isomorphisme entre T 0 et T ∗ a pour conséquence : Im (T )⊥ = ker (T ∗ ) , ⊥

Im (T ) = ker (T ∗ ) , ⊥

Im (T ∗ ) = ker (T ) , Im (T ∗ ) = ker (T )⊥ .

L'isomorphisme (10.8) permet également de déduire de (10.5) les propriétés suivantes, pour T, S ∈ B (H1 , H2 ) , R ∈ B (H2 , H3 ) et α ∈ C : I ∗ = I, (αT )∗ = αT ∗ , kT ∗ k = kT k , (T + S)∗ = T ∗ + S ∗ , (RT )∗ = T ∗ R∗ , kT T ∗ k = kT k2 .

(10.9)

356

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Dénition 15 (Opérateur adjoint d'un opérateur non borné). Soit

T un opérateur sur H de domaine D (T ) dense dans H ; l' opérateur adjoint T ∗ de T est déni par :

T ∗ : D (T ∗ ) → H, D (T ∗ ) = {x2 ∈ H, ∃x∗2 ∈ H hT x1 , x2 i = hx1 , x∗2 i , ∀x1 ∈ D (T )} ∀x2 ∈ D (T ∗ ) , T ∗ x2 = x∗2 . Remarque 5. Si T est un opérateur fermé sur H, de domaine D (T ) dense dans H, alors D (T ∗ ) est dense dans H et T ∗ est fermé. De plus, l'isomorphisme (10.8) existe également entre T ∗ et T 0 . La recherche de l'adjoint d'un opérateur T, de domaine D (T ) dense dans H, peut

être facilitée en utilisant les propriétés suivantes. Théorème 12. 1. (αT )∗ = αT ∗ ; D ((αT )∗ ) = D (T ∗ ) si α 6= 0 (pour α = 0, D ((αT )∗ ) = H ) [RUD 73] ; 2. A étant un opérateur borné déni sur tout H , on a [CUR 95] : (A + T )∗ = A∗ + T ∗ et D ((A + T )∗ ) = D (T ∗ ) ;

3. si T a un inverse borné (c'est-à-dire s'il existe T −1 ∈ B(H) tel que T T −1 = IH ∗ et T −1 T = ID(T ) ), alors T ∗ est aussi d'inverse borné et (T ∗ )−1 = T −1 [KAT 66]. Exemple 6. H étant l'espace de Hilbert L2 (0, 1), on se propose de déterminer l'add de domaine : joint de l'opérateur T = dz 

D (T ) =

x ∈ H, x absolument continue, x (0) = 0 et

dx ∈H dz



.

Son inverse est l'opérateur borné déni sur H par :  T −1 x (z) =

Z

z

x(ς)dς. 0



T −1 x1 , x2 =

Z

1

Z  −1 ∗



Z

z

1

Z

1

x1 (ς)dςx2 (z)dz = 0

0 1

= 

Z

0

Z

1

x1 (ς) 0

R1

x1 (ς)x2 (z)dzdς, 2

ς

D ∗ E x2 (z)dzdς = x1 , T −1 x2 ,

ς

avec T x2 (ς) = ς x2 (z)dz. On en déduit (propriété 3 du théorème 1) que d l'adjoint de l'opérateur T = dz de domaine D (T ) est déni par : T ∗ x = − dx , dz

∈ H}. D (T ) = {x ∈ H, x absolument continue, x (1) = 0 et dx dz Exemple 7. H étant l'espace de Hilbert L2 (0, 1), les propriétés ci-dessus permettent d2 également de montrer que l'opérateur T = dz 2 de domaine :   absolument continues, x ∈ H, x et dx dz , D (T ) = 2 avec dx (0) = dx (1) = 0 et ddzx2 ∈ H dz dz ∗

est son propre adjoint.

Systèmes à paramètres distribués

357

Dénition 16 (Opérateur symétrique, auto-adjoint, non négatif). Un opérateur T de domaine D (T ) dense dans H est symétrique si : ∀x, y ∈ D (T ) , hT x, yi = hx, T yi .

Un opérateur T est auto-adjoint s'il est symétrique et si D (T ∗ ) = D (T ) ; c'est donc un opérateur normal. Un opérateur T auto-adjoint déni sur H est :  non négatif (T ≥ 0) si hT x, xi ≥ 0, ∀x ∈ D (T ) ;  positif (T > 0) si hT x, xi > 0, ∀x ∈ D (T ) ;  coercif (T > I ) si ∃ > 0, hT x, xi ≥  kxk2 , ∀x ∈ D (T ) . Théorème 13. 1. Tout opérateur symétrique borné est auto-adjoint. 2. Tout opérateur auto-adjoint est fermé (puisque l'adjoint est fermé). 3. Un opérateur inversible T est auto-adjoint si et seulement si son inverse T −1 l'est. 4. T est auto-adjoint si et seulement si : ∀x ∈ D (T ) , hT x, xi ∈ R. 5. T ∈ B (H) est auto-adjoint si et seulement si : ∀x ∈ H, hT x, xi ∈ R [KRE 78]. 6. Si T ∈ B (H) est auto-adjoint, alors : kT k = sup |hT x, xi| . kx=1k

(10.10)

7. Soit Tn une suite d'opérateurs sur H, bornés, auto-adjoints, non négatifs, tels que : Tn+1 ≥ Tn et ∃α ∈ R+∗ , αI ≥ Tn . Alors, {Tn } converge fortement vers un opérateur T auto-adjoint non négatif et αI ≥ T ≥ Tn pour tout n [KRE 78]. 8. Un opérateur T auto-adjoint non négatif possède une racine carrée non négative unique T 1/2 telle que :   D T 1/2 ⊃ D (T ) ,

T 1/2 x ∈ D(T 1/2 ), ∀x ∈ D (T ) , T 1/2 T 1/2 x = T x, ∀x ∈ D (T ) .

De plus, si T est positif, T 1/2 l'est aussi [KAT 66]. 9. Dans le cas particulier des opérateurs bornés de B(H) (propriétés déduites de (10.9) et de (10.10)), on a :

1/2 1/2

T = kT k ,

|hT x, yi|1/2 ≤ hT x, xi hT y, yi , kT xk2 ≤ kT k hx, T xi .

Les projections orthogonales constituent une classe importante d'opérateurs autoadjoints non négatifs : P ∈ B (H) est une projection si P 2 = P , orthogonale si P ∗ = P. Un tel opérateur est naturellement associé à une décomposition orthogonale de H. Ceci permet de résoudre le problème de l'approximation en dimension nie (voir section 10.5) par le biais du lemme suivant. Lemme 1 (de projection orthogonale). V étant un sous-space fermé d'un Hilbert H , on a : ∀x ∈ H, ∃!v0 ∈ V, kx − v0 k = minv∈V kx − vk . On note v0 = PV x, où PV est la projection orthogonale de x sur V , et x − v0 = PV ⊥ x.

358

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

10.3. Théorie spectrale La théorie spectrale d'un opérateur linéaire T concerne l'analyse de la distribution des valeurs de λ pour lesquelles l'opérateur λI − T est inversible, ainsi que l'étude des propriétés de cet inverse, lorsqu'il existe. Les dénitions et les résultats principaux sont présentés dans le cas général des opérateurs fermés, puis dans le cas particulièrement intéressant des opérateurs compacts, compte tenu de la similitude des propriétés de ces opérateurs avec celles des opérateurs en dimension nie.

10.3.1. Cas général : les opérateurs fermés Dans toute cette partie, T est un opérateur fermé sur un Banach B, de domaine de dénition D (T ) , x, y ∈ B et λ ∈ C. Le problème consiste à déterminer sous quelles conditions l'équation : (λI − T ) x = y,

possède une solution x pour tout y de B. Lorsque B est de dimension nie, il sut que λ ne soit pas valeur propre de T ; il s'agit de généraliser ce concept de valeur propre au cas des opérateurs de dimension innie.

Dénition 17 (Opérateur résolvant, équation résolvante). Si λI − T est in-

versible et d'inverse borné sur un domaine dense de B , on appelle opérateur résolvant (ou résolvante) de T l'opérateur (λI − T )−1 . C'est un opérateur fermé et borné de domaine fermé et dense ; donc, d'après le théorème 7 du graphe fermé, (λI − T )−1 ∈ B (B). L' ensemble résolvant ρ (T ) de T est l'ensemble des valeurs de λ ∈ C telles que (λI − T )−1 ∈ B (B) . On peut montrer que ρ (T ) est un ouvert de C. Une propriété importante de l'opérateur résolvant est qu'il satisfait l' équation résolvante, ∀λ, µ ∈ ρ (T ) : (λI − T )−1 − (µI − T )−1 = (λ − µ)(λI − T )−1 (µI − T )−1 . 

Ceci indique que : (λI − T )−1 = I − (λ − µ)(µI − T )−1 (λI − T )−1 =

∞ X

−1

(10.11)

(µI − T )−1 , soit :

(λ − µ)n (µI − T )−n−1 , ∀λ, µ ∈ ρ (T ) .

(10.12)

n=0

Cette série est uniformément convergente si :

(λ − µ)(µI − T )−1 −1 < 1,

(10.13)

et, réciproquement, si µ ∈ ρ (T ) et λ ∈ C vérient (10.13), alors λ ∈ ρ (T ) et (λI − T )−1 est déni par (10.12).

Systèmes à paramètres distribués

359

L'opérateur résolvant (λI − T )−1 est une fonction faiblement holomorphe3 sur ρ (T ) et sa dérivée est : d (λI − T )−1 = −(λI − T )−2 . dλ

Théorème 14 (Résolvant d'un opérateur borné). Si

T ∈ B (B) est tel que kT k < 1, I − T est inversible et (I − T )−1 ∈ B (B) est déni par :

(I − T )−1 = I + T + T 2 + · · · + T n + · · · , avec : (I − T )−1 ≤ (1 − kT k)−1 . Corollaire 1. Si T ∈ B (B) et |λ| > kT k , alors λ ∈ ρ (T ) et : (λI − T )−1 =

∞ X

λ−n−1 T n , avec : (λI − T )−1 ≤ (|λ| − kT k)−1 .

n=0

En dimension nie, le spectre d'un opérateur est constitué d'un nombre ni de points : les valeurs propres. En dimension innie le spectre peut être vide, inni, ou même couvrir tout le plan complexe. Dénition 18 (Spectre). Le spectre σ (T ) d'un opérateur fermé T est le complément dans C de l'ensemble résolvant ρ (T ) de T. La  séparation du spectre  distingue trois parties, telles que σ (T ) = σ p (T ) ∪ σ c (T ) ∪ σ r (T ) : 1. Le spectre ponctuel de T est l'ensemble des valeurs propres, soit : σ p (T ) = {λ ∈ C, (λI − T ) non injectif} .

(10.14)

Les concepts de la dimension nie relatifs aux valeurs propres (vecteurs propres, sousespaces propres, ordre et multiplicité) se généralisent de façon naturelle en dimension innie. On a en particulier :  λ0 valeur propre isolée4 est d'ordre ν 0 si, pour tout x ∈ B : lim (λ − λ0 )ν 0 (λI − T )−1 x

λ→λ0

existe, mais pas lim (λ − λ0 )ν 0 −1 (λI − T )−1 x0 pour un certain x0 ; λ→λ0  λ0 valeur propre isolée est d'ordre inni si, pour tout ν ∈ N, il existe un xν ∈ B tel que lim (λ − λ0 )ν (λI − T )−1 xν n'existe pas ; λ→λ0  la multiplicité d'une valeur propre d'ordre ni ν 0 est : dim(ker(λ0 I − T )ν0 ). 2. Le spectre continu de T est l'ensemble des λ ∈ C pour lesquels λI − T possède un inverse non borné de domaine dense dans B : n o σc (T ) = λ ∈ C, (λI − T ) injectif, Im (λI − T ) = B, Im (λI − T ) 6= B . (10.15)

3. Le spectre résiduel de T est l'ensemble des λ ∈ C pour lesquels λI − T possède un inverse de domaine non dense dans B . 3 La fonction F : C → B(H , H ) est faiblement holomorphe en t s'il existe un opé1 2 0 rateur noté

dF (t ) ∈ B(H1 , H2 ) tel que, pour tout x1 ∈ H1 et tout dt 0 1 lim (t )x i = 0. hx2 , F (t0 + h)x1 i − hx2 , F (t0 )x1 i − hhx2 , dF dt 0 1 C h→0 |h| 4 Il s'agit d'un point isolé du spectre, pas seulement un point isolé de

x2 ∈ H2 , on ait :

σp .

360

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Exemple 8. Soit l'opérateur diérentiel T déni par T x (z) =

de domaine de dénition D (T ) = C(a, b). Son spectre est C tout entier, puisque l'équation dx(z) − dz λx = 0 a toujours une solution non triviale x(z) = eλz qui est dans C(a, b). dx(z) , dz

Par contre, la restriction T1 de T au domaine D (T1 ) = {x ∈ C(a, b), x (a) = 0} a un spectre vide car l'opérateur résolvant (λI − T )−1 existe quelque soit λ ∈ C et est déni par : Z z

(λI − T )−1 x(z) = eλz

e−λς x(ς)dς ∈ C(a, b).

a

La restriction T2 de T au domaine D (T2 ) = {x ∈ C(a, b), x (b) = kx (a)} a uniquement un spectre ponctuel déni par :  σ c (T ) =

 1 (log k + 2nπi) , n = 0, ±1, ±2, · · · λn = b−a

Cas des opérateurs bornés Pour les opérateurs bornés dénis sur un Banach B, ni l'ensemble résolvant ρ (T ), ni le spectre σ (T ) ne sont vides. Plus précisément, on montre, comme en dimension nie, que le spectre de T ∈ B (B) est un sous-ensemble compact non vide de C contenu dans le disque fermé |λ| < kT k . Le rayon spectral d'un opérateur borné T ∈ B (B) est déni par : rσ (T ) = sup |λ| , λ∈σ(T )

et l'on montre le résultat suivant [KAT 66] : rσ (T ) = lim

n→∞

p n

(10.16)

kT n k,

d'où l'on déduit que si T et S ∈ B (B) , alors rσ (T S) = rσ (ST ). Le rayon spectral d'un opérateur normal est rσ (T ) = kT k. Cas des opérateurs auto-adjoints Si T est un opérateur auto-adjoint déni sur un Hilbert H, son spectre est réel : σ (T ) ⊂ R. Si, de plus, T ∈ B (H) , alors on a les propriétés suivantes : σ (T ) ⊂ [m, M ] , où m = inf hT x, xi et M = sup hT x, xi ; kxk=1

m, M ∈ σ (T ) ; kT k = max {|m| , |M |} ; rσ (T ) = kT k .

Remarque 6. Dans le cas plus général d'un opérateur

kxk=1

T fermé de domaine dense dans un Banach B, le spectre de l'adjoint de T est σ (T ∗ ) = σ (T ).

Systèmes à paramètres distribués

361

10.3.2. Cas des opérateurs compacts Nous avons vu, dans le paragraphe précédent, que les propriétés spectrales des opérateurs en dimension innie sont beaucoup plus complexes qu'en dimension nie. Cependant, le spectre d'un opérateur compact a une structure simple, ce qui conduit à une théorie des systèmes à opérateurs compacts analogue à celle des systèmes de dimension nie. Il en est de même lorsque l'opérateur résolvant est compact. Enn, dans le cas des opérateurs normaux compacts, l'analyse du spectre conduit à une décomposition spectrale de l'opérateur. Théorème 15 (Propriétés spectrales). Si T est un opérateur compact déni sur un Banach B :  λ 6= 0 est soit dans le spectre ponctuel σp (T ), soit dans l'ensemble résolvant ρ (T ) ;

 σ p (T ) est dénombrable et sans point d'accumulation non nul ;  l'ordre de toutes les valeurs propres non nulles est ni, donc leur multiplicité aussi. Une autre classe d'opérateurs ayant un spectre analogue à celui des opérateurs en dimension nie est celle des opérateurs à résolvante compacte, fréquents dans la modélisation des systèmes dynamiques. La plupart des opérateurs diérentiels relatifs aux problèmes aux limites sont de ce type. Théorème 16 (Opérateur à résolvante compacte). Soit T un opérateur fermé, tel que sa résolvante (λI − T )−1 existe et soit compacte pour un certain λ. Alors, le spectre de T est discret, c'est-à-dire constitué uniquement de valeurs propres isolées de multiplicité nie. De plus, la résolvante (λI − T )−1 est compacte pour tout λ ∈ ρ (T ). Exemple 9. Les opérateurs T1 et T2 de l'exemple 8 sont des opérateurs à résolvante compacte. En eet, on montre que leurs résolvantes sont des opérateurs intégraux de noyau continu. Soit T ∈ B (H) un opérateur normal compact sur un Hilbert H . Dans ce cas, non seulement le spectre est constitué uniquement de valeurs propres de multiplicité nie, mais les projections associées aux valeurs propres sont orthogonales. On en déduit le résultat suivant. Théorème 17 (Opérateur normal compact). [KAT 66] Si T ∈ B (H) est un opérateur normal compact sur un espace de Hilbert H , alors il existe une base orthonormée de vecteurs propres {φi ≥ 1} , correspondant aux valeurs propres {λi ≥ 1} , telle que : Tx =

∞ X

λi hx, φi i φi ,

∀x ∈ H.

(10.17)

i=1

Cela signie que tout opérateur normal compact sur un Hilbert induit une base orthonormée sur cet espace. L'extension de ce résultat au cas d'opérateurs compacts non nécessairement bornés est donnée dans le théorème suivant. Théorème 18. [CUR 95] Si T ∈ B (H1 , H2 ) est compact, il admet la décomposition de Schmidt : ∞ T x1 =

X i=1

σi hx1 , ψi i φi ,

∀x1 ∈ H1,

(10.18)

362

Mathématiques pour les systèmes dynamiques  {ψ i } et {φi } étant les vecteurs propres de T ∗ T et de T T ∗ respectivement, constituant des bases orthonormales pour les espaces de Hilbert H1 et H2 respectivement √ ;  σ i = λi ≥ 0 étant les valeurs singulières de T .

De plus, on a kT k = maxi σ i . Un opérateur T déni sur un Hilbert H est à résolvante normale compacte s'il existe un λ0 ∈ ρ (T ) pour lequel (λ0 I − T )−1 est normal et compact. L'équation de la résolvante (10.11) montre qu'alors, cette propriété est vraie pour tout λ ∈ ρ (T ) . Théorème 19 (Opérateur à résolvante normale compacte). Soit T un opérateur dedomaine D (T ) ⊂ H, avec 0 ∈ ρ (T ) et T −1 compact et normal. Si D (T ) =

x ∈ H,

∞ P

i=1

position :

|λi |2 |hx, φi i|2 < ∞ , alors T est fermé et admet la décom-

Tx =

∞ X

λi hx, φi i φi , ∀x ∈ D (T ) .

(10.19)

i=1

Exemple 10. Soit T déni par : 2

x T x = − ddz 2 pour x ∈ D (T ) , D (T ) = x ∈ L2 (0, 1) , x et

absolument continues o 2 avec x (0) = x (1) = 0 et ddzx2 ∈ L2 (0, 1) .

 T −1 x (z)

Il vient :

Z

dx dz

1

=

g (z, ς) x (ς) dς, 0

 g (z, ς)

=

(1 − ς) z pour 0 ≤ z ≤ ς ≤ 1, (1 − z) ς pour 0 ≤ ς ≤ z ≤ 1.

Puisque g (z, ς) = g (ς, z) , T −1 est auto-adjoint d'après (10.7) (voir exemple 5) ; il est compact car c'est un opérateur intégral (10.3). Donc, on peut calculer ses valeurs et vecteurs propres. Soit λ ∈ C tel que T −1 x = λx ; alors on peut écrire, pour z ∈ [0, 1] :  T −1 x (z) =

Z Z

z 0

Z 1

ςx (ς) dς + 0

(1 − ς) zx (ς) dς

z

Z

z

=

1

(1 − z) ςx (ς) dς +

zx (ς) dς −

z

Z

1

zςx (ς) dς = λx (z) . 0

En diérentiant deux fois (T −1 x est absolument continu), on obtient : −x(z) = λ

d2 x , dz 2

donc λ = 0 n'est pas valeur propre de T −1 . La solution générale de (10.20) : x(z) = a sin(λ−1/2 z) + b cos(λ−1/2 z),

(10.20)

Systèmes à paramètres distribués

363

et les conditions aux limites x (0) = 0 et x (1) = 0 permettent d'obtenir les valeurs  propres n21π2 , n ≥ 1 et les vecteurs propres {sin (nπz) , n ≥ 1} . D'après le théorème précédent, T est fermé et sa décomposition spectrale est : (T x)(z)

=

∞ X

E√ D √ n2 π 2 x, 2 sin (nπz) 2 sin (nπz) ,

n=1

(

avec D (T ) =

x ∈ L2 (0, 1) ,

∞ X

) D √ E 2 n π x, 2 sin (nπ.) < ∞ . 4

4

n=1

10.4. Théorie des semi-groupes L'approche par semi-groupes des systèmes linéaires de dimension innie consiste à rechercher pour ces systèmes une formulation abstraite, analogue à celle des systèmes en dimension nie, de la forme : dx dt x(0) y

=

Ax(t) + Bu(t), t ≥ 0,

=

0,

=

Cx.

(10.21)

Il s'agit donc de généraliser le concept de matrice de transition eAt pour des opérateurs non bornés et dénis sur des espaces abstraits (Hilbert ou simplement Banach). Les propriétés obtenues permettront ensuite d'étendre aux systèmes linéaires de dimension innie [CUR 95] les résultats de stabilité asymptotique, de contrôlabilité et d'observabilité, de stabilisabilité et de détectabilité, ainsi que ceux relatifs à la commande optimale linéaire quadratique. Les exemples présentés dans cette partie sont ceux de systèmes régis par des équations aux dérivées partielles, mais une analyse identique peut être menée pour les systèmes à retard [CUR 95].

10.4.1. Notion de semi-groupe Considérons, à titre d'exemple introductif, le processus de chauage d'une barre métallique de longueur 1, modélisé par : ∂x(z,t) ∂t

=

∂ 2 x(z,t) ∂z 2

+ u (z, t) , x (z, 0) = x0 (z),

∂x(0,t) ∂z

=0=

(10.22)

∂x(1,t) , ∂z

où x(z, t) représente la température en z et à l'instant t, x0 (z) le prol initial (t = 0) de température le long de la barre et u (z, t) la commande de chauage répartie sur toute la longueur.

364

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

On voit aisément qu'une formulation du type (10.21) peut être obtenue en choid2 sissant x (z, t) ∈ L2 (0, 1), A = dz 2 l'opérateur T déni dans l'exemple 7 et B = I. La fonction x0 (.) ∈ L2 (0, 1) joue le rôle de condition initiale mais les conditions de bord sont incluses dans la dénition de l'espace fonctionnel L2 (0, 1) de l'état x (z, t) . Pour une commande et des conditions initiales susamment dérivables, la superposition des eets de x0 (z) et de u(z, t) conduit à la solution de (10.22) : Z

Z

1

x(z, t) =

t

Z

1

g(t, z, ς)x0 (ς)dς + 0

0

0

g(t − τ , z, ς)u(ς, τ )dςdτ ,

où g(t, z, ς) est la fonction de Green : g(t, z, ς) = 1 +

∞ X

2

2e−n

π2 t

cos(nπz) cos(nπζ).

(10.23)

n=1

Remarque 7. Cette fonction s'obtient explicitement ici à partir des fonctions propres  √ φn (z) = 1, 2 cos(nπz), n ≥ 1 associées aux valeurs propres −n2 π 2 , mais en géné-

ral, il n'existe aucune méthode pour trouver une fonction de Green [CAR 88, REI 91]. Une formulation abstraite de ce problème peut être obtenue en dénissant, pour t ≥ 0, l'opérateur T (t) ∈ B(L2 (0, 1)) : Z T (t)x0 (z)

=

1

g(t, z, ς)x0 (ς)dς, (t ≥ 0), Z t T (t − τ )u(τ )dτ . T (t)z0 + 0



x(t)

=

0

Formulation abstraite La formulation générale d'un système dynamique linéaire régi par des équations aux dérivées partielles peut s'écrire sous la forme :  ∂x(z,t)  = A(t)x(z, t) + B(t)uΩ (z, t),  ∂t    conditions initiales : x(z, 0) = x (z), z ∈ Ω, 0 Γ  conditions aux limites : Q(t, u )x(ξ, t) = 0, (ξ, t) ∈ Γ × ]0, tf [ ,     observation : y(z, t) = C(t)x(z, t).

(10.24)

Dans cette formulation, l'état x(z, t) est un vecteur de fonctions xi (z, t) à valeurs réelles dénies sur un ouvert Ω de Rn de frontière Γ. z = (z1 , · · · , zn ) ∈ Ω est le vecteur de coordonnées spatiales et t ∈ ]0, tf [ la variable temps. A est un opérateur linéaire matriciel aux dérivées partielles spatiales uniquement, B un opérateur linéaire matriciel. La commande interne uΩ (z, t) est constituée d'un ensemble de fonctions d'entrée dénies sur tout Ω (commande interne distribuée) ou des parties de Ω (commande interne localisée ou bien ponctuelle). Q est un opérateur matriciel linéaire diérentiel sur Γ×]0, tf [ , fonction de la commande frontière uΓ (ξ, t).

Systèmes à paramètres distribués

365

C est un opérateur matriciel linéaire diérentiel sur Ω dans le cas d'une observation interne, sur Γ dans le cas d'une observation frontière.

Lorsque A, Q, C sont indépendants du temps, le système est stationnaire. La plupart des problèmes linéaires d'évolution [LIO 68] conduisent naturellement à ce type de modélisation (10.24), où l'équation aux dérivées partielles est résolue ∂ en ∂t . Dans le cas de dérivées partielles par rapport à t d'ordre supérieur à 1, on se ramène à la formulation (10.24) en utilisant un espace fonctionnel produit. Par exemple, le problème d'ordre 2 en t déni par : ∂ 2 x(z,t) ∂t2

= A(t)x(z, t) + B(t)uΩ (z, t),

x(z, 0) = x0 (z), z ∈ Ω, ∂x(z,0) ∂t

= x1 (z), z ∈ Ω,

peut être mis sous la forme (10.24) en posant : n oT x e(z, t) = x(z, t), ∂x(z,t) , ∂t x e0 (z) = {x0 (z), x1 (z)}T ,     0 I 0 e e A(t) = , B(t) = . A(t) 0 B(t)

L'espace fonctionnel est généralement un Hilbert H réel, séparable, de dimension innie. La formulation dans cet espace s'obtient par la dénition d'un espace d'état X ⊂ H et dense dans H qui absorbe, en quelque sorte, les conditions de bord, c'est-à-dire que les conditions aux limites dans (10.24) se ramènent formellement à x(., t) ∈ X . Si l'on adopte la notation x pour la fonction t 7→ x(., t) de ]0, tf [ → X , il convient de prendre x ∈ L2 (]0, tf [ , X). La dérivée partielle ∂x peut alors être notée ∂t dx , la dérivation de x par rapport à t étant prise au sens des distributions avec dt dx dt

∈ D0 (]0, tf [ , X 0 ) .

Il faut également dénir l'espace des commandes U ⊂ H tel que : u = (uΩ , uΓ ) ∈ L2 (]0, tf [ , U ),

et l'espace des observations Y ⊂ H tel que : y(t) ∈ L2 (]0, tf [ , Y ).

Par exemple :  U = H dans le cas d'une commande distribuée agissant sur tout ou partie de Ω (respectivement, Y = H pour une observation répartie sur tout Ω) ;  U = Rp dans le cas d'une commande ponctuelle par p actionneurs sur Ω ou plus fréquemment sur Γ (respectivement, Y = Rq pour une observation ponctuelle par q capteurs) ;  U = L2 (Γ) (respectivement, Y = L2 (Γ)) dans le cas d'une commande (respectivement, observation) localisée sur la frontière Γ.

366

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Dans ce cadre fonctionnel précis, la formulation dans l'espace d'état (10.21) du système modélisé par (10.24) s'écrit :     

dx dt

= A(t)x + B(t)uΩ , t ∈ ]0, tf [ ,

x(0) = x0, x0 ∈ H,  y = C(t)x,    x ∈ L2 (0, tf , X), dx ∈ L2 (0, tf , X 0 ). dt

(10.25)

Le problème ainsi déni admet une solution x(z, t) dite solution faible, la condition x ∈ L2 (0, tf , X) assurant les conditions de bord et une régularité susante pour que l'opérateur A puisse agir (au sens des distributions). Une plus grande régularité de la solution peut être obtenue en imposant x0 ∈ D(A), ce qui induit x ∈ D(A), c'est-àdire que x vérie les conditions de bord en étant susamment diérentiable au sens classique des fonctions : la solution ainsi dénie est une solution forte.

Remarque 8. Les commandes (respectivement, les observations) internes et répar-

ties ou localisées conduisent à des opérateurs B (respectivement, C ) bornés. Le cas où la commande (respectivement, l'observation) est ponctuelle ou frontière, donne nécessairement lieu à des opérateurs B (respectivement, C ) non bornés.

Remarque 9. Si l'opérateur A est coercif, on montre que la solution dépend continûment des données, c'est-à-dire qu'il y a existence et unicité de la solution x ∈ ∈ L2 (0, tf , X 0 ) : le problème est bien posé au sens de HadaL2 (0, tf , X), telle que dx dt mard [HAD 32]. Ces notions seront détaillées dans le cas stationnaire dans la partie 10.4.2. C 0 -semi-groupes, ou semi-groupes fortement continus

Le concept de semi-groupe fortement continu est étroitement lié à celui d'un système dynamique sans entrée. En eet, si le système est linéaire à coecients constants et autonome, son état x(t) peut être relié à l'état initial x0 = x(0, z), quelque soit t, par : x(t) = T (t)x, (10.26) où T (t) est un opérateur linéaire, paramétré en t, de H dans H et tel que T (0) = I (l'identité dans H). Si de plus le problème est bien posé au sens de Hadamard, l'état du système est unique et varie continûment en fonction de l'état initial x0 . De l'unicité, on déduit que, quelque soit l'état initial x0 : x(t + τ ) = T (t + τ )x0 = T (t)x(τ) = T (t)T (τ)x0 .

La variation continue de l'état en fonction de x0 confère à T (t) la propriété d'être borné sur H.

Systèmes à paramètres distribués

367

Un semi-groupe fortement continu (ou C0 -semi-groupe) T (t) est une fonction de R+ dans B(H) qui possède les propriétés suivantes : T (t + τ ) = T (t)T (τ), t, τ ≥ 0 ; T (0) = I ; ∀x0 ∈ H, kT (t)x0 − x0 kt→0+ → 0 .

(10.27)

Un semi-groupe fortement continu T (t) sur un Hilbert H possède les propriétés élémentaires suivantes :  kT (t)k est borné sur tout sous-intervalle ni de [0, +∞[ ;  T (t) est fortement continu pour tout t ∈ [0, +∞[ ;  ∀x ∈ H,

1 t

Rt 0

T (τ)xdτ → x quand t → 0+ ;

 si ω 0 = inf ( 1t log kT (t)k), alors ω0 = lim ( 1t log kT (t)k) < ∞ ; t>0

t→+∞

 ∀ω > ω 0 , il existe une constante Mω telle que ∀t ≥ 0, kT (t)k ≤ Mω eωt . Cette dernière propriété montre que T (t) est exponentiellement borné, la constante ω 0 étant parfois appelée la borne de croissance du semi-groupe.

Exemple 11. Reprenons le système modélisé par (10.22). L'opérateur T (t) déni en (10.26) s'écrit, compte tenu de l'expression (10.23) : T (t) =

∞ X

(10.28)

eλn t hz, φn i φn ,

n=0







avec λn = −n2 π2 pour n ≥ 1 et λ0 = 0, φn (z) = 1, 2 cos(nπz), n ≥ 1 . La base φn (z) est orthonormée et les valeurs propres λn vérient : sup(λn ) < ∞. n≥1

(10.29)

T (t) est donc un opérateur borné vériant (10.27) : c'est un C0 -semi-groupe et on peut montrer que sa borne de croissance est ω0 = 0.

Générateur innitésimal d'un C0 -semi-groupe Le générateur innitésimal A d'un C0 -semi-groupe T (t) sur un espace de Hilbert

H est déni par :

A = lim

t→0+

1 (T (t) − I) x. t

(10.30)

Lorsque cette limite existe, le domaine de dénition D (A) est alors l'ensemble des éléments de H pour lesquels la limite existe. L'opérateur résolvant (λI − A)−1 joue un rôle important dans les applications. On a en particulier les résultats suivants. Théorème 20. Si ω0 est la borne de croissance du semi-groupe et pour λ ∈ C et ω ∈ R tels que Re(λ) > ω > ω 0 , alors :

368

Mathématiques pour les systèmes dynamiques    

λ ∈ ρ(A) ; R∞ ∀x ∈ H, (λI − A)−1 x = 0 e−λt T (t)xdt ;

(λI − A)−1 ≤ M , σ = Re(λ) ; λ−ω ∀x ∈ H, α→∞ lim α (I − A)−1 x = x. α∈R

L'opérateur résolvant d'un générateur innitésimal d'un C0 -semi-groupe est donc la transformée de Laplace du semi-groupe. Théorème 21. T (t) étant un semi-groupe fortement continu sur un espace de Hilbert H, de générateur innitésimal A, T (t) et A vérient [CUR 95] :  ∀xn0 ∈ D(A), T (t)x0 ∈ D(A), ∀t ≥ 0 ; n n n d  dt n (T (t)x0 ) = A T (t)x0 = T (t)A x0 , ∀x0 ∈ D(A ), t > 0, n ∈ N ;  T (t)x0 − x0 = 

Zt

Zt

T (τ )Ax0 dτ , ∀x0 ∈ D(A) ;

0

T (τ)xdτ ∈ D(A) et A

Zt

0

T (τ )xdτ = T (t)x − x, ∀x ∈ H ; 0

 A est un opérateur fermé et

∞ T n=1

D(An ) est dense dans H ;

 T ∗ (t) est un C0 -semi-groupe de générateur innitésimal A∗ sur H. Ces propriétés traduisent l'existence d'une solution x(t) = T (t)x0 au système dynamique (10.25), stationnaire (A(t) = A), autonome (uΩ = 0), qui constitue un problème de Cauchy homogène ; la dernière propriété assure l'équivalence de l'existence d'une solution au problème dual. La dénition (10.30) ci-dessus est cependant rarement utilisée pour calculer le générateur innitésimal d'un semi-groupe, parce qu'elle est souvent dicile à appliquer. On lui préfère l'utilisation du théorème suivant, qui constitue un résultat très important sur la caractérisation des générateurs innitésimaux. Théorème 22 (de Hille-Yosida). Une condition nécessaire et susante pour qu'un opérateur linéaire A fermé et de domaine dense sur un espace de Hilbert H soit le générateur innitésimal d'un C0 -semi-groupe est qu'il existe des réels M et ω tels que :

∀α > ω, tel que α ∈ ρ (A) , (αI − A)−r ≤

M , ∀r ≥ 1, (α − ω)r

et on a alors kT (t)k ≤ M eωt . Exemple 12. Le générateur innitésimal du semi-groupe T (t) de l'exemple 11 est l'opérateur auto-adjoint A déni sur H par : Ax =

∞ X

λn hx, φn i φn ,

n=1

(

D (A) =

x ∈ H,

∞ X n=1

) 2

|λn hx, φn i| < ∞

.

Systèmes à paramètres distribués

369

Le théorème de Hille-Yosida permet de montrer ce résultat, sachant que supn≥1 (λn ) < ∞. On peut vérier ensuite que cet opérateur A s'identie à l'opérateur diérentiel déni dans l'exemple 7. Le théorème de Hille-Yosida donne une condition nécessaire et susante pour qu'un opérateur soit le générateur innitésimal d'un C0 -semi-groupe. Le théorème suivant fournit des conditions susantes mais plus simples à vérier. Théorème 23. Pour qu'un opérateur A fermé, de domaine dense sur un espace de Hilbert, soit le générateur innitésimal d'un C0 -semi-groupe vériant kT (t)k ≤ eωt , il sut qu'il vérie : Re (hAx, xi) ≤ ω kxk2 , ∀x ∈ D(A) ; Re (hA∗ x, xi) ≤ ω kxk2 , ∀x ∈ D(A∗ ).

On retrouve ici l'équivalence des conditions sur l'opérateur dual A∗ . Les opérateurs à spectre de Riesz Nous envisageons ici une classe d'opérateurs caractérisée par des propriétés spectrales qui permettent une représentation particulièrement agréable pour un grand nombre de systèmes décrits par des équations aux dérivées partielles de type hyperbolique ou parabolique. Dénition 19 (Base de Riesz). Un sous-ensemble non vide {φn , n ≥ 1} d'un Hilbert H est une base de Riesz pour H s'il est maximal (c'est-à-dire tel que span {φn } = H ) et si : ∃m > 0, ∃M > 0, et ∀N ∈ N, ∃ {αn ∈ C, n = 1, · · · , N } tels que :

2

N N N

P P P

m |αn |2 ≤ α φ |αn |2 . n n ≤ M

n=1

n=1

(10.31)

n=1

D'après la condition (10.31), on vérie que les bases orthonormées sont des bases de Riesz. Inversement, on peut montrer que toute base de Riesz est l'image, par un opérateur borné inversible, d'une base orthonormée. Dénition 20 (Opérateur à spectre de Riesz). Un opérateur à spectre de Riesz est un opérateur fermé sur un espace de Hilbert H, de valeurs propres simples {λn , n ≥ 1} dont les vecteurs propres associés constituent une base de Riesz sur H et telles que {λn , n ≥ 1} soit un sous-ensemble convexe de H. Autrement dit, deux points quelconques de {λn , n ≥ 1} ne pourront jamais être joints par un segment entièrement contenu dans {λn , n ≥ 1}. Cette hypothèse d'un spectre convexe inclut donc les opérateurs dont le spectre possède un nombre ni de points d'accumulation. Il s'agit là d'une hypothèse technique importante, utile en particulier pour démontrer les conditions de commandabilité approchée [CUR 95]. Théorème 24. Soit A un opérateur à spectre de Riesz de valeurs propres simples {λn , n ≥ 1} associées aux vecteurs propres {φn , n ≥ 1} . Soient {ψ n , n ≥ 1} les vecteurs propres de A∗ tels que hφn , ψ n i = δnm (dénis en (10.1)). Alors, A vérie les propriétés suivantes :

370

Mathématiques pour les systèmes dynamiques 



 ρ(A) = λ ∈ C, inf |λ − λn | > 0 , σ (A) = {λn , n ≥ 1} et : n≥1

∞ X

1 h., ψn i φn ; λ − λn n=1   ∞ P λ2n |hx, ψ i|2 < ∞ :  pour x ∈ D(A) = x ∈ H, n ∀λ ∈ A,

(λI − A)−1 =

n=1

Ax =

∞ X

λn hx, ψ n i φn ;

n=1

 A est générateur innitésimal d'un semi-groupe fortement continu si et seulement si sup Re (λn ) < ∞. Le semi-groupe est alors déni par : n≥1

T (t) =

∞ X

eλn t h., ψn i φn ,

n=1

et sa borne de croissance est : ω0 = inf t>0

Exemple 13. L'opérateur A =

déni par :

Ax =

∞ X

d2 dz 2

1 t

 log kT (t)k = sup Re (λn ) . n≥1

de l'exemple 7 est un opérateur à spectre de Riesz

−n2 π 2 hx, ψ n i φn pour x ∈ D(A),

n=1

( D(A) =

x ∈ L2 (0, 1),

∞ X

) 4

4

2

n π |hx, ψn i| < ∞ .

n=1

Le théorème 24 conrme l'existence du semi-groupe T (t) déjà obtenu dans l'exemple 11. L'approche spectrale peut paraître plus lourde que l'étude de l'ensemble résolvant (théorème de Hille-Yosida) pour prouver l'existence d'un semi-groupe, mais l'étude des valeurs propres et des vecteurs propres est essentielle pour l'analyse des propriétés de commandabilité et d'observabilité des systèmes linéaires [CUR 95].

10.4.2. Le problème de Cauchy Cas général des problèmes non homogènes Les problèmes de commande des systèmes dynamiques (10.25) (restreints ici au cas stationnaire A(t) = A) constituent, dans le cas général, des problèmes de Cauchy non homogènes : dx = Ax(t) + B(t)uΩ , t ∈ ]0, tf [ , dt

x(0) = x0 ∈ H.

(10.32)

L'existence et l'unicité d'une solution forte (analogue à la solution classique en dimension nie) sont assurées par le théorème suivant.

Systèmes à paramètres distribués

371

Théorème 25. Si

A est le générateur innitésimal d'un semi-groupe fortement continu T (t) sur un espace de Hilbert H, B(t)uΩ ∈ C 1 ([0, tf ], H) et x0 ∈ D(A), alors : Zt

x(t) = T (t)x0 +

T (t − τ )B(τ )uΩ (τ )dτ ,

(10.33)

0

est l'unique solution de (10.32) et elle est continubment diérentiable sur [0, tf ]. Cependant, la condition B(t)uΩ ∈ C 1 ([0, tf ], H) est généralement dicile à obtenir. On peut alors utiliser le résultat de solution faible suivant. Théorème 26. Soient x0 ∈ H et B(t)uΩ ∈ Lp ([0, tf ]; H)p≥1 . Alors, (10.33) est l'unique solution faible de (10.32) sur [0, tf ]. Elle est continue sur [0, tf ]. Exemple 14. Reprenons le système modélisé par (10.22). La formulation abstraite d2 dans l'espace d'état L2 (0, 1) s'obtient à l'aide de l'opérateur A = dz 2 de l'exemple 7. Si la commande est telle qu'il existe p ≥ 1 tel que u(z, t) ∈ Lp ([0, tf ]; L2 (0, 1)), alors la solution (10.33) s'écrit, compte tenu de la dénition du semi-groupe (exemple 11) : x(z, t) =

∞ X

Z eλn t hx0 , φn i φn (z) +

n=0

Z

1

=

x0 (z)dz + 0

∞ X

Z Z +

0 n=0

eλn (t−τ ) hu(τ ), φn i φn (z) dτ Z

1

2eλn t

n=1

∞ tX

t

Z

1

x0 (z) cos(nπz)dz cos(nπζ) + 0 ∞ tX

0 n=0

2

e−n

π 2 (t−τ )

u(z, τ )dzdτ 0

Z

0

1

2

u(z, τ ) cos(nπz)dz cos(nπζ)dτ . 0

En pratique, il est souvent impossible de calculer explicitement le semi-groupe : les problèmes d'automatique ne nécessitent d'ailleurs pas ce calcul, mais simplement l'assurance de l'existence du semi-groupe qui prouvera que le problème est bien posé. Les deux paragraphes suivants développent ce point de vue dans des cas particulièrement fréquents. Le retour d'état : un problème de Cauchy homogène Lorsque le terme de commande B(t)uΩ correspond à un retour d'état : B(t)uΩ = Rx(t),

où R est un opérateur borné, le problème (10.25) se ramène au problème de Cauchy suivant :  dx dt

= (A + R)x(t), t > 0, x(0) = x0 .

(10.34)

On montre alors, en considérant R comme une perturbation de l'opérateur A, le résultat suivant [CUR 95], très utile dans les applications.

372

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

Théorème 27. Si

A est le générateur innitésimal d'un semi-groupe fortement continu T (t) sur un Hilbert H et si R ∈ B(H), alors A + R est le générateur innitésimal de l'unique semi-groupe fortement continu TR (t) vériant : Z

t

TR (t)x0 = T (t)x0 + 0

T (t − τ )RTR (τ )x0 dτ .

(10.35)

Si, de plus, kT (t)k ≤ M eωt , alors : kTR (t)k ≤ M e(ω+M kRk)t . Remarque 10. En utilisant le fait que A est le résultat de la perturbation de A + R par −R, on déduit de (10.35) : Zt TR (t − τ )RT (τ)x0 dτ .

TR (t)x0 = T (t)x0 + 0

Lorsque le retour R est un opérateur non stationnaire R(t) tel que, ∀ t ∈ [0, tf ] , R(t) ∈ B(H) et tel que hx1 , R(.)x2 i soit mesurable pour tout x1 de H et pour tout x2 de H, alors : ess sup kR(t)kB(H) < ∞, (10.36) 0≤t≤tf

où ess sup est la borne supérieure essentielle (c'est-à-dire au sens de Lebesgue, sans tenir compte des valeurs isolées). Le théorème 27 se généralise comme suit. A est le générateur innitésimal d'un semi-groupe fortement continu T (t) sur un Hilbert H et si R(t) vérie (10.36), alors A + R(.) est le générateur innitésimal de l'unique semi-groupe fortement continu TR (t, τ ) vériant :

Théorème 28. Si

TR (t, τ ) : {(t, τ ) ; 0 ≤ R tτ ≤ t ≤ tf } → B(H), TR (t, τ )x0 = T (t − τ )x0 + τ TR (t − θ)R(θ)T (θ, τ )x0 dθ.

L'opérateur TR (t, τ ) caractérise la solution faible de (10.34) sur [0, tf ] si x0 (t) ∈ H , la solution forte si x0 (t) ∈ D(A). TR (t, τ ) possède les propriétés suivantes : 1. TR (t, t) = I, ∀t ∈ [0, tf ] ; 2. TR (t, θ)TR (θ, τ ) = TR (t, τ ), 0 ≤ τ ≤ θ ≤ t ≤ tf ; 3. TR (., τ ) est fortement continu sur [τ , tf ] et TR (t, .) est fortement continu sur [0, t] ;

4. ∀x0 ∈ D(A) : Rt

τ ∂ ∂τ

TR (t, θ) (A + R(θ)) x0 dθ = TR (t, τ )x0 − x0 ; TR (t, τ )x0 = −TR (t, τ ) (A + R(τ )) x0 presque partout sur [0, t[ .

Le cas des systèmes interconnectés Lorsque le système (10.25) peut être décomposé en sous-systèmes interconnectés, où l'interconnexion peut être vue comme une perturbation, on peut utiliser le théorème suivant pour montrer l'existence d'un C0 -semi-groupe, donc de la solution.

Systèmes à paramètres distribués

373

Théorème 29 (Systèmes interconnectés). Soient T1 (t) et T2 (t) des semi-groupes

fortement continus sur leurs espaces de Hilbert respectifs H1 et H2 , de générateurs ωi t innitésimaux   respectifs A1 et A2 , et tels que kTi k ≤ Mi e , i = 1, 2. Si A = A1 C

0 A2

, avec D(A) = D(A1 ) ⊕ D(A2 ) et C ∈ B (H1 , H2 ), alors A est le géné-

rateur innitésimal du C0 -semi-groupe T (t) déni sur H = H1 ⊕ H2 par : 

 0 T1 (t) , K(t) T2 (t) Rt où K(t)x1 = 0 T2 (t − τ )CT1 (t)x1 dτ . T (t) =

De plus, il existe M > 0 tel que kT (t)k ≤ M eωt , avec ω = max(ω1 , ω 2 ) si ω1 6= ω 2 et kT (t)k ≤ M teωt si ω 1 = ω 2 = ω.

10.5. Méthodes d'approximation 10.5.1. Systèmes linéaires : la méthode des fonctions propres Considérons la classe de systèmes linéaires dénis sur un domaine spatial Ω ⊂ R et un domaine temporel ]0, tf [⊂ R, par l'équation d'état : ∂x(z, t) = M [x(z, t)] + g(z, t), ∂t

(10.37)

les conditions aux limites sur la frontière Γ de Ω : L[x(z 0 , t)] = 0,

z 0 ∈ Γ (Ω) ,

et la condition initiale : x(z, 0) = x0 (z),

(10.38) (10.39)

où M et L représentent des opérateurs matriciels diérentiels sur le vecteur d'état x. Une solution du système (10.37)-(10.39) peut être obtenue s'il est possible de déterminer analytiquement les valeurs et fonctions propres de l'opérateur M . Ce problème aux valeurs propres associées consiste à résoudre le système : 

M [Φ(z)] = λT Φ(z), L[Φ(z 0 )] = 0.

(10.40)

S'il existe une solution non nulle de (10.40), alors λ et Φ(z) sont respectivement les valeurs propres et les fonctions propres. Dans le cas où il existe un ensemble dénombrable de solutions λi , Φi (z) et où les Φi (z) forment une base, la solution de (10.37) peut s'écrire sous la forme séparable : x(z, t) =

∞ X i=1

ai (t)Φi (z),

(10.41)

374

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

et ainsi l'équation (10.37) s'écrit : ∞ X

a˙ i (t)Φi (z) =

i=1

∞ X

ai (t)λi Φi (z) + g(z, t).

(10.42)

i=1

Dans le cas général d'un problème linéaire non auto-adjoint (où M et son adjoint M ∗ n'admettent pas le même ensemble de fonctions propres), on utilise la propriété d'orthogonalité des deux ensembles de fonctions propres Φ et Φ∗ : Z

Φi (z), Φ∗j (z) Ω = Φi (z)Φ∗j (z)dz = δ ij , (10.43) Ω

où δ ij est le symbole de Kronecker déni en 10.1. A partir de l'équation (10.42), on peut alors écrire : ∞ X i=1

∞ X





a˙ i (t) Φi (z), Φ∗j (z) Ω = ai (t)λi Φi (z), Φ∗j (z) Ω + g(z, t), Φ∗j (z) Ω ; i=1

d'où, en tenant compte de (10.43) : a˙ i (t) = λi ai (t) + hg(z, t), Φ∗i (z)iΩ ,

i = 1, 2, ..., ∞.

(10.44)

Ce système diérentiel de dimension innie est entièrement découplé et on peut l'écrire sous la forme : a(t) ˙ = Aa(t) + B(t), (10.45) où A est la matrice diagonale formée des valeurs propres λi . La condition initiale est déterminée par : ai (0) = hx0 (z), Φ∗i (z)iΩ

i = 1, 2, ..., ∞,

(10.46)

et la solution (10.41) de l'équation (10.37) est donc égale à : x(z, t) = C(z)T a(t),

(10.47)

où C est le vecteur de dimension innie, formé des fonctions propres de M . Dans le cas particulier d'un problème linéaire auto-adjoint, il sut de remplacer

Φ∗ par Φ dans l'équation (10.44) et dans la condition initiale (10.46).

Le système diérentiel (10.45) étant de dimension innie, on procède en pratique à une troncature d'ordre N dans l'expression de la solution (10.41), N dépendant de la précision souhaitée sur la solution approchée de x(z, t). Le calcul de B(t) dépend de g(z, t), donc du type de commande envisagé.

10.5.2. Systèmes non linéaires : la méthode des résidus pondérés On considère la classe de systèmes dénie par l'équation d'état (10.37) dans laquelle la commande interne u(z, t) apparaît explicitement :

Systèmes à paramètres distribués

∂x(z, t) = M [x(z, t)] + H(z)u(z, t). ∂t

375

(10.48)

Soit x0 = x(z, t0 ) l'état initial. Les conditions aux limites (10.38) s'écrivent, dans le cas où il existe une commande frontière ul (z 0 , t) : L[x(z 0 , t)] = ul (z 0 , t),

z 0 ∈ Γ(Ω).

(10.49)

La méthode des résidus pondérés [FIN 72] consiste à déterminer pour l'équation (10.48) une solution modale approchée de la forme : x ˜(z, t) =

N X

ai (t)fi (z) + ϕ(z, t),

(10.50)

i=1

où les fonctions de base fi (z) sont xées a priori. La fonction ϕ(z, t) satisfait les conditions aux limites (10.49). La précision de l'approximation dépend de l'ordre de troncature N . En reportant la solution x∗ dans l'équation (10.48), les conditions (10.49) et la condition initiale, on dénit les résidus suivants :  résidu sur l'équation : R(˜ x) =

∂x ˜ − M [˜ x] − Hu, ∂t

(10.51)

 résidu sur les conditions aux limites :

(10.52)

Rl (˜ x) = L[˜ x] − ul ,

 résidu sur la condition initiale : (10.53)

R0 (˜ x) = x0 − x ˜0 .

En faisant un choix approprié de x˜ tel que les conditions aux limites soient toujours satisfaites (Rl = 0), la méthode  intérieure  des résidus pondérés consiste à minimiser le résidu R(˜ x), ce qui revient à projeter ce résidu, déni en (10.51), sur N fonctions de pondération ω i (z) et à écrire que ces projections sont nulles. En raison de la nature répartie du résidu sur Ω, ces projections sont dénies par les produits intérieurs suivants : Z

hR(˜ x), ω i (z)iΩ =

R(˜ x)ω i (z)dΩ = 0,

i = 1, 2, ..., N.



(10.54)

On obtient ainsi un système de N équations permettant de calculer les coecients inconnus ai (t) de l'expression (10.50). Selon le choix des fonctions de pondération ω i (z), on obtient plusieurs classes de méthodes des résidus pondérés, comme suit. 1. La méthode des moindres carrés : la minimisation du produit scalaire hR(˜ x), R(˜ x)iΩ par rapport aux inconnues ai (t) revient à choisir : ω i (z) =

∂R(˜ x) , ∂ai

i = 1, 2, ..., N,

(10.55)

376

Mathématiques pour les systèmes dynamiques car de la condition de minimisation : R ∂ R2 (˜ x)dΩ = 0 et, donc : ∂ai Ω h R(˜ x),

∂ ∂ai

hR(˜ x), R(˜ x)iΩ = 0, on déduit :

∂R(˜ x) iΩ = 0. ∂ai

2. La méthode de Galerkin : la minimisation du produit scalaire hR(˜ x), R(˜ x)iΩ par rapport aux a˙ i (t) revient à choisir : ω i (z) =

∂R(˜ x) = fi (z), ∂ a˙ i

i = 1, 2, ..., N.

En eet, de la condition de minimisation :

Or, R(˜ x) =

PN i=1

∂ ∂ a˙ i

Z

R2 (˜ x)dΩ = Ω

Z

∂ ∂a ˙i

R(˜ x) Ω

(10.56)

hR(˜ x), R(˜ x)iΩ = 0, on déduit :

∂R(˜ x) dΩ = 0. ∂ a˙ i

P a˙ i (t)fi (z) − M [ N i=1 ai (t)fi (z)] − Hu, donc : ∂R(˜ x) = fi (z), ∂ a˙ i

i = 1, 2, ..., N.

3. La méthode des moments : dans ce cas, les fonctions ω i (z) sont des fonctions linéairement indépendantes, orthogonales sur Ω : Z

ω i (z)ω j (z)dΩ = δ ij , Ω

(10.57)

où δ ij est le symbole de Kronecker. 4. La méthode de collocation par sous-domaines (ou méthode des sous-domaines) : en partitionnant le domaine Ω en N sous-domaines Ωi (i = 1, 2, ..., N ) non nécessairement disjoints, les fonctions de pondération ωi (z) sont xées comme suit :  constante sur Ωi , ωi = 0 ailleurs, ce qui rend nulle l'intégrale du résidu sur chacun des sous-domaines : Z

R(˜ x)dΩ = 0,

i = 1, 2, ..., N.

Ωi

5. La méthode de collocation par points : lorsque chaque sous-domaine Ωi , déni ci-dessus, se réduit à un point, les fonctions de pondération ω i (z) sont identiées à des fonctions de Dirac : ω i (z) = δ(z − zi ), i = 1, 2, ..., N, (10.58) R et, dans ce cas, le produit (10.54) s'écrit : Ω R[˜ x(z, t)] δ(z − zi ) dΩ = 0, soit : R[˜ x(zi , t)] = 0. (10.59) En annulant les résidus aux diérents points de collocation zi (i = 1, 2, ..., N ) choisis sur Ω, la solution x˜ est obtenue exactement en ces points. Si cette dernière méthode est très simple à mettre en ÷uvre, elle nécessite un certain nombre de précautions dans le choix des fonctions de base fi (z), du nombre et de la position des points de collocation. C'est ce qui est présenté plus en détails dans le paragraphe suivant.

Systèmes à paramètres distribués

377

10.5.3. Mise en ÷uvre de la méthode de collocation par points Les méthodes des résidus pondérés sont assez largement utilisées dans les domaines physique, chimique ou biochimique : parmi elles, la méthode de collocation par points est souvent préférée (un certain nombre de publications dans les années 80 sont citées en références). Il y a à cela deux raisons principales : la première est que l'établissement du système diérentiel ordinaire s'eectue sans calcul d'intégrales (grâce au choix des fonctions de Dirac) ; la seconde est que la nature des variables d'état est conservée dans la transformation. De plus, il a été montré [CHO 83] que les bilans de masse et de chaleur sont conservés dans l'approximation. Par contre, cette méthode peut conduire à de mauvais résultats, comparés à ceux obtenus par les autres méthodes [VIL 78], si certaines règles quantitatives ou qualitatives ne sont pas respectées. En eet, la mise en ÷uvre de la méthode nécessite le choix de trois paramètres : 1. les fonctions de base fi (z), 2. la position zi des points de collocation, 3. le nombre N de points de collocation. Choix des fonctions de base Il est possible de choisir les fi (z) selon une structure polynomiale ; an d'éviter l'obtention de systèmes numériquement mal conditionnés, il est préférable que ces polynômes soient orthogonaux sur Ω [MOL 90, RIC 01] : Z



fi (z)fj (z)dΩ = ri2 δij .

(10.60)

Une représentation intéressante de la solution approchée est obtenue avec les polynômes d'interpolation de Lagrange dénis par : fi (z)

=

avec PN+2

=

PN+2 (z) , 0 (z − zi )PN+2 (zi ) N+1 Y

(z − zi ),

0 PN+2 =

i=0

(10.61) dPN+2 . dz

Les zi sont les abscisses des points d'interpolation ; z0 et zN+1 sont les limites de Ω. Si les points de collocation sont confondus avec les points d'interpolation, la méthode est dite de collocation orthogonale [VIL 78]. On peut vérier qu'en chaque point d'interpolation zj : fi (zj ) = δ ij ,

i, j = 0, 1, ..., N + 1.

Sachant que la solution approchée est de la forme : x ˜(z, t) =

N+1 X i=0

ai (t)fi (z),

(10.62)

378

Mathématiques pour les systèmes dynamiques

et en tenant compte de la propriété (10.60), on obtient : x ˜(zi , t) = ai (t),

i = 0, 1, ..., N + 1.

(10.63)

Autrement dit, les fonctions ai (t) représentent les valeurs de la solution approchée aux points d'interpolation. Détermination de la position des points de collocation Il a été montré que, pour un nombre N xé de points de collocation, il existe une solution optimale de l'approximation [VIL 78], à savoir :  Les positions optimales des points de collocation sont les zéros de polynômes orthogonaux sur Ω.  Les polynômes les plus souvent utilisés sont ceux de Jacobi PN(α,β) [RIC 01], où N est le degré du polynôme. Ces polynômes vérient la relation d'orthogonalité (10.64), dans laquelle zL ≡ zN+1 : Z

zL

(α,β)

z k PN

(z − zL )α (z − z0 )β dz = 0,

k = 0, 1, ..., N − 1.

(10.64)

z0

On trouvera dans [MIC 72] une méthode de calcul numérique des zéros du polynôme de Jacobi. Les paramètres α et β peuvent être considérés comme des paramètres de réglage en vue d'obtenir la meilleure solution ou, tout au moins, une solution admissible ; pour cela, il n'existe pas de règles quantitatives précises mais des études théoriques et expérimentales ont montré qu'il est préférable de placer les points de collocation dans les zones où les non-linéarités sont les plus inuentes. Le tableau suivant fournit quelques points de repère. α

0 1 1 petit >1

β

0 1 -0.5 >1 petit

Propriétés Distribution uniforme des zéros (polynômes de Legendre) Positions symétriques des zéros Cas de variables symétriques en espace Davantage de zéros près de z = zL Davantage de zéros près de z = z0

D'autres polynômes peuvent aussi être utilisés, tels ceux de Hahn [STE 83]. Détermination du nombre de points de collocation D'une façon générale, le problème du choix de N est plus dicile à résoudre que celui du choix des zi . Il dépend de la structure du modèle (c'est-à-dire non-linéarités, dynamique, dimensions du domaine Ω) et des capteurs (structure de l'équation de sortie). Une corrélation qualitative a été établie [SRI 85] entre le nombre N nécessaire pour une précision désirée et un paramètre de réduction d'ordre (PRO) obtenu à partir d'un

Systèmes à paramètres distribués

379

développement en série de la solution en régime permanent. Le PRO correspond au N -ième terme de la série ; si la série converge rapidement, N peut être relativement faible. Par conséquent, plus la valeur absolue du PRO est grande, plus le nombre de points de collocation est élevé. Des modications à cette méthode ont été proposées [SRI 85] dans le cas de systèmes complexes.

10.6. Bibliographie [AUB 79] [BAB 96] [BAL 82] [BAN 89] [BAN 83] [BER 90] [BOU 98] [CAR 88] [CAR 87] [CHO 83] [CUR 95] [DAU 88] [FIN 72] [HAD 32] [HIL 57] [KAT 66] [KRE 78]

Aubin J.P.,

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,QGH[

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GH 3LFDUG/LQGHO|I 

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