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La
Philosophie transcendantale de
Salomon Maïmon THÈSE POUR LE DOCTORAT ÈS LETTRES par
M. GUEROULT Ancien élève de l'École normale supérieure Mattre de conférences à la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg
PA HIS LIBRAIRIE FÉLIX ALCAN 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
1929
DU M};:ME AUTEUR
L'évolution et la structul'e de la Doctrine de la Science, chee Fichte, 2 vol. grand in-8°, dans les Publications de la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg (1929).
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t..· construction n'exprime qu'approximativement le concept : l'intuition n'est que l'image dérivée d'un rapport pensé. On comprend ainsi qu'une foule de concepts puissent être considérés comme réels, alors que leur règle implique leur non réalisation dans l'intuition. Tels sont les nombres irrationnels : 1/2 a une signification (celle d'un nombre qui multiplié par lui-même donne2) et est par conséquent formellement possible, mais il est matériellement impossible, car si la règle de production de l'objet est concevable, l'obJet lui-même, faute de matière n'est pas possible. Ce nombre n'en est pas moins réel, comme Idée (de l'entendement) dans l'entendement infini; il en est de même de la différentielle, de l'asymptote, etc. La synthèse de l'entendement fini et celle de l'entendement infini sont formellement identiques ; elles ne sont que matériellement différentes, l'entendement fini ne pouvant rendre intuitive qu'une partie de celle-ci, (1) Tr. Phil., p. 63-65. (2) Ibid., p. 35.
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l'autre restant symbolique, tandis que l'entendement infini se représente le tout intuitivement (1). Mais, même les concepts mathématiques, dont la règle n'exprime pas, avec l'infini, l'impossibilité d'une réalisation objective dans l'intuition, sont, par rapport à leur réalisation matérielle dans l'intuition, toujours des Idées de l'entendement. Ainsi le cercle, comme figure dont toutes les lignes partant de son centre sont égales, peut être produit objectivement dans l'intuition par le mouvement d'une ligne autour d'un point; mais sa perfection matérielle ne peut être donnée dans l'intuition et reste une Idée, car nous ne pouvons toujours tirer qu'un nombre fini de lignes égales entre elles. De même la ligne droite, définie comme ligne dont toutes les parties sont identiques, ne peut, quant à ce caractère, être réalisée que partiellement dans l'intuition qui ne nous donne que l'identité d'un certain nombre de parties, non de toutes les parties. Le concept tient donc sa réalité de l'entendement seul, ce qui ne nous empêche pas d'ailleurs de comprendre comment l'intuition peut nous renseigner originairement sur cette réalité, car malgré l'inachèvement matériel du concept dans l'intuition, nous pouvons par là concevoir la règle toujours la même qui par sa simple répétition à l'infini produirait l'achèvement (2). La conception kantienne en enlevant aux mathématiques leur autonomie intellectuelle doit donc selon MAiMON conduire au scepticisme, puisque leur seul garant est un fait d'une part inconcevable, d'autre part en lui-même douteux. A la mathématique kantienne, qui repose sur l'intuition et la géométrie, MAiMON tend à opposer la mathématique leibnitienne qui repose sur le rapport intellectuel et l'analyse. La justification du jugement synthétique a priori mathématique repose tout d'abord sur une tentative de réduire le donné qui subsiste dans l'intuition a priori elle-même, à l'ignorance d'une productivité entièrement pure de l'entendement, et toute intellectuelle. Le donné mathématique, et le caractère assertorique et même douteux qui en résulte a sa source dans un manque de connaissance, dans l'inconscience sinon de la production, du moins du mode de la production ( Entstehungsart). (1) Tr. Phil., p. 58, 77, 100; 227-229. (2) Ibid., p. 75-79.
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Mais la solution leibnitienne qui s'impose en premier lieu à MAiMON n'est guère plus satisfaisante. Nous n'avons pas d'intuition intellectuelle, donc la notion d'entendement infini reste problématique. Notre finité nous condamne à l'inachèvement de nos concepts, et la suite de nos démonstrations devra toujours s'arrêter devant des jugements synthétiques a priori, irréductibles en fait à des jugements analytiques : les mathématiques devront garder un caractère assertorique. Enfin notre conception des rapports de l'intuition et du concept donne aux rapports qui se construisent dans l'intuition un aspect approximatif qui en atténue la rigueur. La vraisemblance huméenne semble devoir l'emporter de nouveau sur la eertitude véritablement a priori. Sans doute on dira : ou les concepts métaphysiques (entendement infini, Idées, etc.,) sont de simples fictions, et l'impossibilité de les réaliser les laisse sans force devant la réalité mathématique saisissable en nous ; ou l'on considère ces fictions comme ayant une valeur de réalité, malgré notre incapacité de les réaliser, et dans ce cas tout se passe comme si la résolution métaphysique qui va à l'infini, s'achevait effectivement : la nécessité objective et analytique des mathématiques doit être tenue, alors pour assurée. On ajoutera que l'aspect approximatif des rapports d'intuition ne peut se révéler que dans la mesure où l'on peut affirmer avec toute sa rigueur la réalité du rapport différentiel. Il n'en reste pas moins vrai que le scepticisme mathématique tend à s'imposer: la métaphysique Leibnizo-Wolffienne esquisse une réponse à la question quid juris, en transposant notre mathématique intuitive dans un plan analytique et divin. Mais alors la vérité objective est enlevée à la mathématique de notre intuition, celle que KANT justifiait, pour être conférée à cette mathématique supérieure. Inversement cette mathématique supérieure n'est qu'un idéal inaccessible purement hypothétique, sa vérité objective reste donc douteuse et l'on ne peut lui accorder Ja valeur que l'on refuse d'autre part à la mathématique de notre intuition. Encore moins peut-on en se servant d'un modèle insaisissable, réduire à une vraisemblance approximative la vérité des mathématiques immédiatement saisissable en nous. Mais cette mathématique purement analytiques ,est en même temps proposée comme fondement pour la mathématique de notre intuition ; le doute à l'égard
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d'un 'tel fondement ne saurait nous apporter la certitude en ce qui concerne ce qu'il devrait fonder, c'est-à-dire la mathématique de notre intuition. De là ce dilemme : ou les mathématiques sont fondées dans des rapports supérieur& à l'intuition, alo~s la vérité est dans le fondement (de l'apparence) ou un tel fondement métaphysique ne peut être posé à coup sûr, alors la vérité de nos mathématiques n'est pas réductible à un type plus élevé, mais elle reste néanmoins douteuse, puisqu'elle est sans fondement. Pour sortir de cette impasse, il faut donc évidemment renoncer à la méthode dogmatique de justification qui consiste en gros à fonder la nécessité objective des mathématiques sur des éléments transcendants. Il suffit de s'apercevoir que l'on ne saurait douter de l'évidence mathématique tandis qu'on peut douter de toutes les constructions métaphysiques. Par là s'explique chez MAIMoN, un ensemble d'affirmations et de principes qui tout en se mêlant à la première justification analytique et Wolffienne s'inspire en réalité d'un esprit opposé. Si l'évidence des mathématiques est indubitable, on ne saurait la mettre en doute, même si l'on ne parvient pas à répondre de façon suffisante en ce qui les concerne à la question : « Quid juris 'l •· Après avoir soumis simultanément à la même analyse les jugements synthétiques mathématiques et les jugements synthétiques physiques, MAiMoN utilisant la distinction leibnitienne des vérités nécessaires et des vérités de fait, tient maintenant à marquer avec soin l'opposition entre les jugements qui requièrent un donné a priori et ceux qui requièrent un donné a posteriori. Les premiers n'ont pas besoin de l'expérience que réclament les seconds, et l'on ne peut douter d'euxmêmes, si l'on ne peut rendre compte de leur légitimité, tandis qu'on doit rejeter les seconds, dès que leur légitimité paratt douteuse (1). MAiMON revient par là sur toutes ses affirmations concernant la « simple vraisemblance » des mathématiques. (1) • La signification de la question quid juris chez KANT est la suivante: l'expérience nous montre la liaison nécessaire de formes déterminées de la pensée a priori, avec des objets déterminés a posteriori ; tant que nous n'avons pas découvert dans les objets quelque chose d'a priori cette liaison est Impossible, donc illusoire. Quel est donc cet a priori qui nous autorise à la considérer comme réelle ? En ce qui me concerne je me fonde également sur un fait, mais non sur un fait qui se rapporte à des objets a posteriori (car celui-là je le révoque en doute), mals sur un fait qui se rapporte à des objets a priori (des Mathématique• pures) où nous voyons des formes (des rapports) liés à des Intuitions; comme ce fait est indubitable et se rapporte, à des objets a priori Il est certainement possible et réel à la fois. (Tr. Phil., p. 363.)- u Mon scepticisme reconnatt, contrairement
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C'est que, s'infléchissant de nouveau vers le kantisme, il tend moins alors à donner d'elles une justification métaphy-
sique qu'une justification transcendantale. En suivant la voie leibnitienne, on s'engage à justifier la vérité métaphysique des mathématiques : celles-ci tirent leur valeur de ce que leurs rapports expriment des liaisons analytiques dans l'entendement infini. Dans ce cas le rapport mathématique est une image déformée d'un rapport entre des éléments métaphysiques réels, et nous nous servons de cette image comme d'un substitut à défaut du véritable rapport que nous ne pouvons saisir.
§ IV. -
Recherche d'une solution moyenne, ni dogmatique, ni kantienne, et pourtant transcendantale.
Mais on peut conserver aux mathématiques une nécessité objective analogue à celle que KANT leur attribue, si cessant de les rapporter à des éléments transcendants, on les rapporte au seul sujet connaissant. La forme d'espace est sans doute conséquence de notre finité. Sur ce principe général KANT est d'ailleurs d'accord avec LEIBNITZ, mais elle est en même temps, pour KANT, condition pour nous de la connaissance. En se refusant à considérer l'espace comme une simple représentation confuse de rapports logiques, mais en voyant également en lui une condition a priori de la perception de la différence, MAIMON ajoute au Leibnitianisme un ingrédient kantien, qui le dispense alors de recourir à une résolution analytique pour justifier le jugement mathématique. Celui-ci récupère sur le champ sa valeur objective pour le sujet connaissant, puisque la détermination générale de l'espace conditionne immédiatement a priori la connaissance dans le sujet. Sans doute, comme leur genèse nous échappe, ces formes constituent un donné, mais c'est un donné a priori où nous à HUillE le concept de nécessité objective et doute seulement de son emploi réel pour les objets de p~ception. Si l'on me demande d'où je tiens ce concept de nécessité objective, je réponds ; je le trouve dans les objets des Mathématiques... Le criterium en est que cette nécessité ne requiert aucune condition dans le sujet... par ex. Je pense la ligne droite nécessairement comme la plus courte sans avoir besoin de me la représenter plusieurs fois. Dans le jugement • le feu fond la cire • il faut au contraire une répétition de cette perception, pour qu'il y ait nécessité, cette nécessité est simplement subjective, non objective (Streifereien, p. 122 sq). Ces textes contredisent en ce qui concerne les vérités mathématiques ceux des p. 171-173, 184, cités plus haut.
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pouvons a priori déterminer, comme en une matière, des objets (1), La question est de savoir sur quoi se fonde dans le sujet le caractère objectif de cette synthèse. Ce sont des objets qui sont immédiatement réels pour le sujet indépendamment de leur rapport à des existences distinctes auxquelles ces concepts d'objets peuvent s'appliquer, ou de réalités métaphysiques d'où ces concepts pourraient procéder. Dans ce cas le fondement de la vérité mathématique doit être, comme Kant le voulait, à la fois immanent au sujet et aux mathématiques, il est inutile de recourir à des éléments intelligibles et à un entendement infini. Ne sera-t-on pas contraint alors de revenir au fait de la construction immédiate possible et de dire : nous devons, par ces jugements, attribuer aux sujets (objets des mathématiques) des prédicats déterminés, parce qu'ils ne peuvent être représentés comme objets réels, sans ces prédicats ? Non pas, car on expliquerait seulement par là l'universalité a priori de ces jugements, par rapport aux objets empiriques qui doivent être subsumés - comme une conséquence de leur nécessité en soi par rapport aux objets purs de la mathématique - , mais non cette nécessité elle-même. Les objections contre le procédé de construction gardent toute leur force : la construction, par exemple, nous montr.e que la ligne droite est le plus court chemin entre deux points, non ce qui fait qu'elle est le plus court chemin. Il faut se demander quel est ce quelque chose qui en fait le plus court chemin; comment on parvient à cette proposition, et d'où elle tire sa nécessité intrinsèque. Avant de rechercher comment sont possibles les jugements synthétiques a priori dans les mathématiques, on devra rechercher comment sont possibles en général les propositions synthétiques a priori, et même comment sont possibles les jugements synthétiques comme jugements en soi (sans relation avec l'expérience qui doit être subsumée sous eux, et par rapport à laquelle ils sont a priori) (1). Aussi MAiMON tout en revenant à la méthode transcendantale, à cause de l'insuffisance de la justification leibnitienne, ne perd-il pas de vue l'idéal génétique qu'il aspire à réaliser. Puisque le simple recours à une justification analytique et métaphysique doit être tout aussi écarté que le simple recours (1) Tr. Phil., p. 335. (2) Tr. Phil., p. 51, 61-62 sq, 178 sq. ; Logik, p. 412-417.
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à la construction et à l'expérience possible, puisque la mathématique pure doit rester séparée de la mathématique appliquée, il faut rechercher son fondement dans un principe sui generis, situé ni au-dessus, ni au-dessous d'elle, mais exactement à son niveau.
§ V. -
Elimination des principes de contradiction et de détermination réciproque.
Dans le cas où la construction sert, non à révéler la possibilité d'une figure ou l'existence d'une propriété, mais à démontrer une propriété, le principe de contradiction suffit, et l'on peut dire que les propositions exprimant des propositions ainsi démontrables sont analytiques (1). Mais ce principe ne saurait valoir lorsqu'il s'agit d'axiomes ou d'objets points d.e départ des démonstrations. En effet, l'absence de contradiction entre ligne et droit, entre ligne et non droit, ne saurait fonder la possibilité objective des concepts de droite et de courbe. Il y a une égale absence de contradiction entre noire et ligne. Ligne noire peut être réalisée dans l'intuition comme ligne droite. Néanmoins nous apercevons immédiatement que ligne noire n'est pas un « vrai concept », que ligne droite est, au contraire, une synthèse objective dont les termes sont unis non par le hasard de la simultanéité dans le temps, mais par une sorte de nécessité logique. La première synthèse est en effet stérile, l'autre enveloppe des conséquences nécessaires qui confirment sa nature logique. Mais la nécessité de la synthèse, c'est l'impossibilité pour les termes d'être l'un sans l'autre : cette impossibilité marque le caractère non arbitraire, c'est-à-dire objectif de la liaison. Or nous connaissons un concept qui exprime cette impossibilité d'être l'un sans l'autre, c'est le concept de rapport. Tels sont : identité, différence, réalité, négation, cause, effet. La nécessité a priori de ces synthèses prouve qu'elles sont fondées dans l'entendement. Leur principe, c'est la détermination réciproque : les deux termes s'expliquent l'un par l'autre et constituent un cercle. Cette identité de la forme et de la matière (1) Tr. Phil., p. 358; Logik, p. 123-124.
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témoigne qu'ils sortent de l'entendement sans aucun mélange d'intuition ; ils sont non-seulement a priori, mais purs. Toutefois, simple principe formel, la détermination réciproque ne saurait d'une façon générale fonder a priori aucune synthèse déterminée d'objet, ni déterminer définitivement un sujet et un prédicat ; la différence par ex. ne peut être assignée à une terme plutôt qu'à l'autre, il en est de même pour la cause (1). De toute évidence, elle ne saurait fonder les synthèses a priori d'objets mathématiques : s'il ne peut pas y avoir de droites sans lignes, il peut y avoir en revanche des lignes sans droites. Ligne droite n'est qu'une synthèse possible, non une synthèse nécessaire; elle est une synthèse objective néanmoins, c'est-àdire non arbitraire, quoique non nécessaire. Il y a un milieu entre le nécessaire et le « factice • (l'arbitraire) et un principe doit correspondre à ce milieu. La détermination réciproque fonde la liaison nécessaire de deux termes distincts. La synthèse de l'objet mathématique requiert au contraire un fondement pour la possibilité a priori d'une liaison entre deux termes distincts.
§ VI. -
Le principe de délerminabilité.
Il n'en reste pas moins vrai que seule est objective et nécessaire toute synthèse dont les éléments ne peuvent être pensés séparément, et arbitraire et sans fondement, toute synthèse dont les termes peuvent être pensés séparément. Mais à côté du mode réciproque de la synthèse (wechselseitig), il y a le mode unilatéral (einseitig). Avec ce mode l'un des termes de la synthèse peut être pensé séparément. Si ligne peut subsister sans droit, droit ne peut subsister sans ligne, si triangle peut subsister sans isocèle, rectangle ou scalène, le contraire ne peut avoir lieu. La synthèse n'est pas nécessaire mais elle n'est pas arbitraire, car elle a un fondement : c'est un possible objectif, un « vrai concept ''· Le fondement de cette synthèse unilatérale est le principe cherché ; c'est celui de déterminabililé : pas de détermination, sans déterminable et non réciproquement. Le concept absolu, unilatéral (einseitig) (1) Voir plus bas, chap. IV, p. 123.
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(l'objet mathématique) est - comme le concept relatif réciproque (wechselseitig), lerapport - objectif et fondé dans l'entendement. Toute synthèse au contraire dont chaque terme peut être pensé en soi, indépendamment de l'autre, par ex., cercle et noir, est sans fondement, donc sans objectivité; elle est arbitraire; c'est une synhèse de l'imagination - (1). Puisqu'elle est seule à pouvoir fonder a priori une connaissance d'objet, la déterminabilité est, à la lettre, le principe de la philosophie transcendantale. Le développement de toutes les conséquences qu'elle implique nous fournit donc le fil conducteur de toutes les déductions ultérieures. 1° Il ne peut y avoir une détermination commune à plusieurs déterminables conçus comme éléments autonomes, car une telle détermination pourrait être pensée dans diverses synthèses et devrait donc être considérée en même temps comme déterminable, ce qui est contradictoire (2). - 2° Un même déterminable ne peut avoir à la fois qu'une seule détermination, si bien que les déterminations différentes d'un même déterminable s'excluent réciproquement. En e1Tet, supposons qu'un déterminable A ait deux déterminations b c qui ne s'excluraient pas chacune réciproquement, ces déterminations pourraient être pensées dans deux synthèses absolument indépendantes l'une de l'autre : Ab, Ac. Si b ne peut être pensé sans A, ni non plus c sans A, b et c ne doivent pas être pensés ensemble dans une même synthèse Abc, parce qu'ils ne sont pas des déterminations de l'un par rapport à l'autre. La synthèse A b c est donc arbitraire et A ne peut avoir en même temps deux déterminations b c (3).- go Mais un déterminable peut avoir en même temps plusieurs déterminations subordonnées les unes par rapport aux autres, par ex. figure, triangle, isocèle. On distingue en conséquence des déterminations immédiates et médiates (4). - 4° Le déterminable a plus de ràalité que la détermination. Le déterminable est un concept réel parce qu'il a en lui-même des conséquences ; la détermination n'est pas un concept réel parce que, si, en s'ajoutant au déterminable, elle produit un nouveau concept réel, qui a des conséquences nouvelles, elle n'a en elle-même aucune (1) (2) (3) (4)
Tr. Phil., p. 84, 99. 124-125, 145, etc. Tr. Phil., p. 88-91.
Ibid., p. 143-144. Ibid., p. 86, 144.
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conséquence. Le sujet contient donc plus de réalité que le prédicat, car outre la part qui lui revient dans les nouvelles conséquences issues de son union avec le prédicat, il a en plus et d'abord la réalité qui lui est propre et à laquelle ce dernier n'a aucune part ; en second lieu, il possède la possibilité de nouvelles conséquences ( 1). - 5° Comme dans la synthèse du déterminable et de la détermination, l'un des termes peut être pensé indépendamment de l'autre (soit en soi, soit uni à d'autres prédicats dans d'autres synthèses), tandis que cet autre ne peut être pensé qu'en relation avec le premier, le premier est appelé sujet, et le second prédicat. Ainsi triangle est sujet, absolument parlant, au contraire scalène, isocèle, etc. sont prédicats, absolument parlant, parce que triangle peut être pensé en lui-même, abstraction faite de ces prédicats, ou avec l'un ou l'autre de ces prédicats, dans des synthèses différentes, tandis qu'aucun de ces prédicats ne peut être pensé sans être rapporté immédiatement au triangle comme sujet (2). Cette fixation a priori du sujet et du prédicat fonde la distinction de la logique transcendantale et de la logique générale. Sujet et prédicat sont en effet conditions de la pensée en général, car la pensée requiert l'unité dans le divers (3). Mais la logique générale ne se rapportant qu'à l'objectum logicum, ne peut au moyen de son principe, l'identité et la non-contradiction, qui constitue simplement la règle de pensabilité de " l'objet en général », abstraction faite de tout contenu, attribuer a priori un prédicat déterminé à un sujet déterminé. Tout peut donc, chez elle, être, à volonté, sujet ou prédicat, puisqu'elle rapporte ces formes nécessaires de toute pensée à l'objet en général, en soi indéterminé. La philosophie transcendantale, au contraire, veut découvrir ce qui fonde la possibilité, non d'un objet en général, mais d'objets déterminés a priori ; elle ne cherche pas à fonder a priori le rapport en général du sujet au prédicat, mais le rapport de ces formes avec des objets déterminés a priori, bref elle veut déterminer a priori quel est le sujet, quel est le prédicat. Le principe de déterminabilité fournit la condition a priori qui permet de les distinguer, et fonde ainsi la possibilité d'une synthèse d'objet déterminé a priori (4). (1) Tr. Phil., p. 88. (2) Ibid., p. 85. (3) Ibid., p. 259. (4) Ibid., p. 60, 85 sq, 110, 151, 259, 345.
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§ VII. -
Conséquences du principe de déterminabilité.
En possession de ce principe, MAIMON pense avoir répondu de façon satisfaisante à la question quid juris relative aux synthèses objectives a priori, du moins mathématiques (1). D'une part, il se passe de toute notion de métaphysique transcendante, comme par ex. du concept leibnitien d'entendement infini. D'autre part, quoique recourant à un principe immanent à la réalité mathématique, il justifie le fait (de la construction) autrement que par un simple appel au fait : le principe est véritablement génétique, puisqu'il nous permet de saisir la condition, et même la raison de la constructibilité. KANT en effet se contentait de la réalité de la construction pour en prouver la possibilité. MAiMON au contraire donne avant la réalité de la construction, le critère de sa possibilité.Ce n'est pas la réalité mathématique, mais un principe véritablement antérieur à celle-ci, qui légitimerait en dernière instance la construction possible a priori (2). Reste la question des jugements synthétiques a priori dynamiques. Elle est plus compliquée que celle des jugements mathématiques. Après avoir confondu les deux problèmes, MAiMON, nous le savons, les a disjoints parce qu'ils portent selon lui sur deux faits difTérents, l'un le fait mathématique, certain, même s'il est inexplicable, l'autre, l'expérience, douteux s'il ne peut être justifié. Le tort de KANT est précisément de les avoir confondus après les avoir distingués, d'avoir usé à leur égard de la même formule et du même procédé de l'expérience possible (3). Or la méthode kantienne, destinée originairement à justifier surtout les jugements dynamiques, est encore plus malaisée à appliquer dans leur cas que dans celui des jugements mathématiques. Ici, comme en mathématique, la réalité du concept est fondée par rapport à une réalisation a priori possible dans (1) L'exemple du cube et du décaèdre régulier (Die Kalegorien des Aristoteles, (1774), p. 101 sq) .. emprunté à LEIBNIZ (Nouveaux Essais,liv. III,chap. III, p. 305) montre comment ce principe de déterminabilité est un principe de possibilité d'une pensée réelle distincte de la pensée formelle, car cube peut se construire, décaèdre régulier, ne le peut pas ; dans ce dernier cas la synthèse est impossible, bien que le concept ne soit pas contradictoire. (2) KuNTZE. Die Philosophie S. Maïmons, p. 280-284. (3) Logik, p. 417.
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l'intuition. Toutefois comme aucune réalisation ne peut en l'espèce s'opérer a priori, puisque le jugement concerne des éléments a posteriori, saisis par intuition, cette réalisation a posteJ'iori (dans les jugements d'expérience) est représentée a priori par le concept de la possibilité de ces jugements. De même que je ne trouve aucune contradiction dans une figure à deux côtés - tout en la jugeant néanmoins impossible, parce que je ne puis la construire dans l'intuitionde même il n'y a aucune contradiction à me représenter que le feu par exemple, n'est pas la cause de la chaleur. Néanmoins je dois me représenter le feu comme la cause de la chaleur, non pour cette raison que ces deux phénomènes sont immédiatement perçus par moi dans ce rapport (car la perception ne peut me donner aucune nécessité déterminée par ce rapport) mais parce que, sans ce rapport, je ne pourrais que les percevoir dans une succession contingente, non en avoir l'expérience suivant des lois nécessaires et universelles. Or c'est un fait que j'ai cette expérience (1). Mais à supposer qu'on admette comme un fait la liaison nécessaire des phénomènes et le principe de la possibilité de l'expérience, on n'aura pas là de quoi comprendre la nécessité ou la possibilité intrinsèque des jugements synthétiques dynamiques. Certes si l'expérience comme connaissance d'une liaison nécessaire des phénomènes est possible, cette liaison nécessaire d'après certaines formes logiques doit être pensée. C'est là une proposition analytique et même identique, mais nous ne pouvons savoir par là comment cette liaison nécessaire est elle-même possible et nécessaire (2). Bien mieux il faut convenir que ce fait parait inintelligible. Il suppose la synthèse du concept avec l'intuition, difficulté déjà rencontrée dans les mathématiques. De plus l'intuition a priori du temps ne nous permet nullement de concevoir l'application du concept de cause aux phénomènes, puisque ce concept doit concerner non seulement une liaison universelle selon la forme, mais des liens déterminés entre des éléments matériels déterminés. Que tout contingent donné ait nécessairement un autre contingent donné comme antécédent, est nécessaire en général, mais que ce soit tel et tel phénomène (1) Logik, Lettres de Philalèthe d Enésidème, p. 416-417. (2) Tr. Phil., p. 186. Comparez avec JACOBI, Uber die Lehre des Spino%a, 2• édit. 1789, Beilage, VII, p. 416.
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qui soient liés de la sorte n'est nullement déterminé a priori. On pourrait donc sans se contredire parler à la fois le langage de HuME et celui de KANT : tout phénomène a nécessairement a priori une cause, mais a priori n'importe quoi d'empirique pourra être la cause et n'importe quoi l'effet. Le caractère régulateur et non constitutif que KANT attribue aux principes dynamiques marque bien la difficulté. Il s'agit seulement, lorsqu'une perception nous est donnée en rapport avec une autre, de dire non pas quelle est cette autre perception, mais comment elle est liée à la première quant à l'existence dans ce mode du temps (1). Donc nous avons une règle pour rechercher dans l'expérience l'antécédent nécessaire, mais ce que l'expérience nous fournira n'a aucune nécessité, car il est nécessaire que le phénomène ait une cause, non cette cause ( 1). La Critique de la raison pure répond en disant que la faculté du jugement a précisément pour tâche de subsumer des objets déterminés de l'expérience, sous les concepts qui sont conditions de la possibilité de cette expérience. Mais le jugement, ne peut valoir que pour la comparaison d'un objet avec la règle qui le détermine, non pour la comparaison de l'objet avec une règle qui rend possible un objet de l'expérience en général. Quand, par exemple, je juge que cette assiette est ronde, je compare l'assiette avec la règle pensée a priori, par laquelle est déterminée comme objet la figure ronde, et par cette comparaison, ''figure ronde» devient un des caractères ( Merkmal) de l'assiette. Au contraire, le rapport de causalité ne constitue en rien l'un des caractères des objets empiriques particuliers auxquels il est rapporté, mais seulement la condition de possibilité d'une expérience ou d'une liaison entre des objets empiriques en général. Le jugement (Beurteilung) n'est pas la fonction d'une faculté spéciale, mais seulement un jugement ( Urteil) sur l'identité des caractères des objets avec des concepts déterminés. Cette identité n~ peut avoir lieu dans les jugements d'expérience (2). L'ensemble de toutes ces remarques montre combien, lorsqu'il s'agit des jugements dynamiques, il est difficile de justifier leur réalité. Néanmoins il n'exclut pas totalement (1) KANT, Krilik der reinen Vernunfl, Analytik, III, p. 167 (Hartenstein); cf. Remarq_ue n• 2 à la fin du volume. -S. MAÏMON, Tr. Phil., p. 109, 390, 393. (2) Logrk (Lettres de Philalèthe à Enésidéme,) p. 420 ; Tr. Phil., p. 389 : • à supposer que la forme a priori de cause soit possible, nous ne pourrions en faire usage dans l'intuition qu'au moyen d'un criterium. •
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celle-ci. Or, la solution apportée au problème mathématique, parait comporter une solution négative du problème dynamique. Le principe de déterminabilité qui fonde l'objectivité des jugements mathématiques, établit du même coup la subjectivité des jugements d'expérience. Il exerce sur eux une espèce de censure. En effet, si les parties d'une synthèse peuvent être conçues comme séparables, c'est qu'elles sont liées entre elles, non par une nécessité objective, mais par une simple coexistence dans le temps et dans l'espace. La synthèse est alors sans fondement, elle est arbitraire, elle a sa source non dans l'entendement, mais dans l'imagination. Elle ne nous fournit pas un « vrai objet., ( essentia realis) mais un lotum de caractères (Merkmal} où l'on ne peut distinguer ni un sujet, ni un prédicat proprement dit. En tout cas, le prédicat n'est qu'un caractère ( Merkmal) d'où l'on ne peut tirer aucune conséquence nouvelle : par ex., l'or est jaune. Lorsque le prédicat est véritablement un prédicat, il fournit par son addition avec le déterminable des conséquences que ce déterminable ne comportait pas auparavant. Ainsi dans le jugement: un triangle rectangle est un triangle, je reconnais que triangle est le sujet, c'est-à-dire quelque chose qui a des conséquences réelles même hors de la synthèse, j'attribue donc déjà ces conséquences a priori à la nouvelle synthèse avant de connaître ce qui doit résulter d'elle. Les modes de réalisation de notre figure au contraire (couleur noire, tel t.emps, tel lieu) ne sont pas des déterminations, car ils ne donnent aucun fondement pour de nouvelles conséquences ( 1). Or nous remarquons que toutes les synthèses de l'entendement sont les objets des mathématiques produits a priori par une construction ; tandis que toutes les synthèses de l'imagination sont des objets de l'expérience, et constituent la Wirklichkeit. On pourrait donc définir la Wirklichkeit par son opposition avec la Relilitlit: le réel (Wirklich} est ce en quoi je perçois une synthèse qui n'a pas lieu d'après les lois de l'entendement, (du déterminable et de la détermination), mais seulement une synthèse de l'imagination. Par ex. l'or est une synthèse perçue de la couleur jaune, du poids spécifique, de la dureté, etc., caractères qui peuvent être pensés l'un sans l'autre et qui sont réunis parce qu'ils s'accompagnent mutuelle(1) Tr. Phil. p. 101-102, 380-389.; Philosophtsche• W6rterbuch, p. 36, sq.
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ment dans le temps. Le possible (empirique) qui correspond à cette réalité (Wirklichkeit) est une synthèse non perçue, mais toute arbitraire, par ex. couleur verte, pesanteur spécifique, il se différencie du réel (Wirklich) noh par l'espèce (Art) mais par le degré; c'est-à-dire par la fréquence plus ou moins grande de la concomitance dans le temps et dans l'espace ou par le degré plus ou moins fort des représentations elles-mêmes (1). Que nous possédions ou non un concept pur de cause, il est évident que toutes les synthèses empiriques d'une cause particulière et d'un effet particulier sont pour nous sans fondement puisqu'elles ne peuvent se justifier immédiatement par la déterminabilité. Ce sont des synthèses d'imagination; ce ne sont pas des ''jugements d'expérience » exprimant la nécessité objective, mais simplement des jugements subjectifs devenus nécessaires par l'habitude, à vrai dire non point des jugements, mais des associations où la logique ne peut servir de fil conducteur (2). La forme des jugements hypothétiques n'appartiendrait pas à la pensée pure, elle aurait été importée en logique comme la forme abstraite de la nécessité conditionnée dans l'expérience, et comme cette nécessité est illusoire, elle serait elle-même une illusion (3). Si l'on s'en tient à l'usage du principe de déterminabilité dans l'entendement fini - sans poursuivre à un point de vue supérieur la déduction de ce principe, on est amené à bannir toute « logique » du monde de I'empirie, à opposer radicalement possibilité (au sens leibnitien) et réalité (Wirklichkeit) (4). Alors que pour LEIBNiz-WoLFF la Wirklichkeit est complète possibilité d'une chose (ens omnimodo determinatum) pour MAiMoN, au contraire la Wirklichkeit n'est que la représentation de cette chose dans l'espace et dans le temps. Possibilité et réalité sont tout à fait indépendantes: tout possible n'est pas réel, ni tout réel possible. Toutes les intuitions, dans la mesure où elles sont représentées dans l'espace et dans le temps sont réelles (wirklich) mais non possibles (au sens de 1 entendement), en ce (1) Tr.phïl., p. 101-102. -LEIBNIZ, Nouveau:x; Essais, Uv. III, chap. III p. 306. (2) Ibid., p. 184, sq. (3) Ibid., p. 71-72; p. 174, 184, etc. (4) Comparer avec JACOBI; notre entendement ne porte pas au delà d ses Jilropres productions. Une physique pure mathématique est possible, mais précisément parce ~·eue est l'œuvre de l'entendement, nous n'avons pas le droit de penser quelle soit adéquate à la réalité de la nature. JACOBI, S. W. IV, 2, p. 132.
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que nous n'apercevons pas leur mode de production ( Entst~ hungsarl). Tous les concepts même s'ils sont ens omni modo determinatum sont possibles, parce que nous apercevons le fondement de l'unité de leur divers, mais non réels (wirklich) parce que cette unité n'est pas pensée dans l'espace et dans le temps (1). Comme d'autre part la question quid facti (Y a-t-il en fait comme le prétend KANT des jugements objectifs d'expérience) ne peut être tranchée dans un sens affirmatif que si au moins la question quid juris est résolue favorablement, le point de vue de l'entendement fini, excluant par le principe de déterminabilité toute possibilité de fonder a priori le caractère logique (comme synthèses d'entendement) et objectif del jugements synthétiques d'expérience, doit nécessairemen\ conduire en ce qui concerne les vérités d'expérience, au scepticisme radical professé par HuME. Si l'on s'arrête à cet aspect de la doctrine, on trouve que MAIMoN est d'accord avec KANT, contre les dogmatiques (LEIBNIZ, WoLFF et SPINOZA) pour établir un hiatus entre la réalité en essence (concepts, possibles) et l'existence comme réalité empirique (Wirklichkeit) ; qu'il est d'accord avec HuuB contre KANT pour repousser toute synthèse a priori valable pour la connaissance empirique, au point de vue dynamique. Tout ce qui se trouve hors de la sphère de la déterminabilité doit être rejeté. Il est d'accord avec LEIBNIZ et avec KANT, contre l'esprit, sinon la lettre de BERKELEY et de HuME, pour donner à la science mathématique une certitude objective complète; d'accord avec LEIBNIZ et même SPINOZA pour justifier immédiatement la réalité des essences mathématiques, sans recours extrii1sèque au fait d'une réalisation dans un • construire »,par un principe qui fasse apparattre le caractère intellectuel des concepts mathématiques et de leur liaison. § VIII. - Insuffisance du principe de déterminabilité mathématique. - Le principe de diflérence
Reste à savoir si cette opposition du mathématique et du dynamique est aussi radicale qu'elle apparatt tout d'abord ; (1) Tr, PhiL, p. 247-251 ; p. 101-102.
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si la rationalisation des mathématiques, rationalisation qui tend à les élever du plan kantien de l'intuition pure sensible au plan leibnitien du rapport logique, n'a pas finalement pour efTet de les situer au-dessous du plan kantien de la nécessité objective? Sans doute le principe de déterminabilité permet de libérer les mathématiques du criterium extrinsèque de la construction, et confirme leur caractère logique en marquant leur caractère, au moins partiellement analytique. Le jugement est analytique du côté du prédicat et synthétique du côté de l'objet. La prédication est analytique parce qu'une certaine détermination ne peut être sans un autre objet de la conscience : ainsi dans la construction d'une ligne droite, le caractère de droit est une modification du déterminable ligne ; le jugement a là un fondement analytique. En revanche, dans le jugement qui exprime cette construction : « une ligne peut être droite », ou si l'on veut dans la conscience de la ligne, n'est pas nécessairement contenue la conscience du droit, le terme ligne est donc lié synthétiquement avec le terme droite (1). Mais cela prouve que dans la déterminabilité ne passe qu'une partie de la nécessité qui réside dans l'acte pur de l'entendement, dans l'identité. Il faut donc chercher en dehors de l'identité et de la simple pensée ce qui rend partielle cette nécessité du jugement, ce qui rend la synthèse unilatérale. Or ce qui est en dehors de l'identité ne peut être que qutilque chose de radicalement extrinsèque = x qui ne peut être posé immédiatement par l'intériorité de la pensée, mais hypothétiquement par rapport à un fait présent dans la pensée, mais non entièrement produit par elle. La formule du jugement hypothétique, que MAIMON expulse de la Logique, qui n'apparaît que dans cette forme inférieure du connaître qu'est la pensée empirique, qui n'a pas d'emploi là où règne le principe de déterminabilité, semble s'imposer au contraire pour exprimer cet élément contingent et extrinsèque enveloppé bon gré mal gré par le principe de déterminabilité : si (Wenn, Soll) la détermination est posée, alors (so muss) il faut présupposer nécessairement le déterminable et certaines conséquences s'ensuivent ; mais la position du déterminable n'implique nullement cette détermination. Le principe de déterminabilité (1) Tr. phil., p. 145. La synthèse est objective parce qu'elle a une raison; cette raison caractérise les vrais concepts, issus de la pensée réelle.
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est le vrai moyen terme entre deux pôles qui s'excluent : l'intériorité du jugement analytique, l'extériorité du jugement d'expérience, lequel, en vertu de cette extériorité n'est jamais un jugement- ce qui supposerait une intégration à l'espritmais une simple association. L'intériorité se manifeste en lui par la nécessité, et cette nécessité est au fond analytique. L'extériorité se manifeste par l'absence de nécessité, par la « facticité ». L'union des deux donne une nécessité incomplète ou partielle : unilatérale. En rattachant au principe d'identité ce qu'il y a de nécessaire dans les rapports mathématiques et dans leur fondement transcendantal, MAIMON a cru pouvoir les intellectualiser, mais dés que la réalité, enveloppée par eux dans sa plus haute expression, apparaît, il est obligé de constater que la nécessité issue de la pure identité disparaît partiellement, qu'un contenu doit être avoué dont l'origine est hors de la pensée, inintelligible. Il doit supposer en effet, outre l'objet en général, un objet déterminable, l'espace-temps. Et cet objet, qui est en nous avant toute expérience sans doute, ne peut être toutefois qu'un donné, non un a priori au sens absolu du terme (au sens de pur), puisqu'il implique un quelque chose, exclu absolument par la pensée pure ou identité (1). Ce donné de l'intuition a priori rend possible l'unilatéralité de la synthèse dans le rapport de déterminabilité. Lorsqu'en effet la synthèse est mélangée et non pure, une intuitiou est au fondement, et l'entendement la pense suivant une règle ; de là résulte un concept dans l'explication duquel l'intuition mise au fondement est sujet, et la règle pensée par l'entendement, prédicat. Les parties du jugement de la synthèse objective doivent précéder la synthèse, le jugement lui-même, par exemple : une ligne droite. Si au contraire aucune des parties n'était donnée, mais chacune également pensée, elles s'expliqueraient mutuellement, et seraient pensées ensemble par la pensée seule ; on aurait alors le pur concept de rapport ou synthèse réciproque, non· le concept absolu ou synthèse unilatérale (2). Elevées au-dessus de la vraisem(1) Tr. Phil., p. 96, 151 ; 345, etc. Logik, p. 125. (2) Tr. Phil., p. 56, 87, 112, 190. Logik, p. 122. Si d'ailleurs on veut considérer les concepts de déterminable et de détermination en eux-mêmes, comme les abtsraction d'un déterminable réel, on a là également des concepts de rapport, comme ceux de substance et d'accident. Et en etlet, ainsi envisagés, ils ne sont que des formes vides ne déterminant aucune réalité. Tr. phiL passl~.
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blanca huméenne, et par conséquent a priori, les synthèses mathématiques restent au-dessous de cette pureté apodictique que KANT leur conférait à tort, puisqu'elle ne revient qu'aux produits de l'entendement ne renfermant aucun élément emprunté à la sensibilité, c'est-à-dire n'impliquant rien d'exclu par la pensée (1). MAiMON reprend donc en la modifiant la distinction de la Logique transcendantale et de la Logique formelle. D'accord avec KANT pour distinguer celle-ci, qui fait abstraction de tout contenu, de l'autre qui retient les éléments rendant possible a priori une connaissance d'objet, il se sépare de lui lorsqu'il s'agit de déterminer ce qui les caractérise comme Logiques. La Logique transcendantale est Logique en ce qu'elle porte sur des liaisons nécessaires qui sont d'essence rationnelle, mais supposent une altération originaire exclue par la pensée pure, et non parce qu'elle enveloppe dans son contenu des éléments à la fois sensibles et purs. MAIMON tend à unifier, au point de vue de la genèse, le contenu de la pensée : tout contenu, a priori ou a posteriori, est également donné - assertorique ou arbitraire- étranger à l'essence de la pensée pure. Les formes de la pensée, qui sont a priori destinées à nous procurer la connaissance du donné, sont produites par la pensée, de là leur caractère rationnel et a priori, mais produites pour ainsi dire en vertu du choc de ce donné à penser, si bien que les formes tout en étant a priori ne sont pas pures (2). D'autre part, la pensée pure est absolument sans contenu et vide. Par là semble se trouver condamnée la réduction défi(1) • Pur, est ce qui est simplement un produit de l'entendement, non de la sensibilité. Tout pur est a priori, non réciproquement. Les concepts mathématiques sont a priori, mais non purs.•. car il faut à leur fondement une intuition quf quoique a priori n'est pas produite par nous-mêmes d'après une règle. • (Tr. PhiL, p. 56, 168.) • Les propositions mathématiques ne sont donc pas non plus apodictiques, mais assertoriques. Les axiomes eux-mêmes sont, à la vérité, catégoriques mais non apodictiques. Ce qui est déduit d'eux conformément au principe d'identité et de contradiction est certes apodictique, quant à sa liaison avec les sciences ; mais sa réalité eat, comme celle des axiomes, assertorique. • (Tr. Phil., p. 169, 175, 184.) (2) L'irréductibillté non seulement de fait mais de droit entre l'identité, principe de la pensée formelle, et la déterminabilité, principe de la pensée réelle, parait avoir sa source dans le Kantisme. Elle a pourtant quelques racines chez LEIBNIZ. Elle se réfère à l'opposition des définitions nominales et des définitions réelles, des vérités identiques et des vérités non identiques, du principe de contradiction et du principe de raison. Le principe de déterminabillté correspond au principe de raison comme principe régissant les vérités nécessaires. (Sur le rapport du donné mathématique avec l'identité et le donné empirique chez LEIBNIZ, cf. la remarque n • 1 à la iin du volume.). - MAÏMON Logik, p. 20.
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nitive du jugement synthétique au jugement analytique, que MAiMON propose par instant. En effet si les jugements synthétiques a priori peuvent être considérés comme des jugements analytiques virtuels, les jugements analytiques en retour n'ont de valeur que dans la mesure où ils développent un contenu de réalité en lui-même· étranger à la forme d'identité. Tout jugement strictement analytique est identique, par conséquent nul au point de vue de la connaissance ( l). Il est donc nécessaire d'avoir recours en dehors de la forme d'identité à quelque chose d'autre qui fournisse la réalité. En vertu de son caractère d'autre, cet élément ne saurait se déduire génétiquement de l'identité. Alors que le principe de déterminabilité semblait devoir être le premier principe au delà duquel toute investigation était impossible, on se trouve amené à en rechercher le fondement par rapport à l'identité, et l'on s'engage ainsi sur la voie qui doit conduire à un autre principe suprême. C'est que le principe de déterminabilité semble jouer un rôle quelque peu décevant. D'un côté est rendu plus étroit le rapport entre la Logique et les Mathématiques proprement dites, est affirmée la nature uniquement intellectuelle des rapports mathématiques, est génétiquement justifiée, sans recours au fait extrinsèque de la construction, la synthèse des objets mathématiques. D'un autre côté, l'hiatus qui sépare l'identité et la déterminabilité, la nécessité, pour poser ce dernier, de se référer à l'existence, inintelligible en soi, strictement assertorique, de la mathématique, semblent marquer l'échec de la genèse et le retour à peine déguisé à une condition extrinsèque. Cette objection ne pourrait être écartée que si la déterminabilité apparaissait comme reposant en fait, non sur ce qui est au-dessous d'elle (les formes mathématiques), mais sur un principe supérieur, qui, quoique exclu par l'identité, serait néanmoins aussi originaire que lui. Cet autre principe serait le concept de la différence, l'autre lui-même. De l'union de la différence et de l'identité résulteraient les choses ditTérentes, c'est-à-dire toutes les choses (1). C'est en etTet à la forme de la ditTérence que MAIMON ramène la déterminabilité. • La forme de l'identité se rapporte à fobjectum logicum, c'est-à-dire à un objet indéterminé ; celle (1) Tr. Phil., p. 180.
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de la différence ne se rapporte qu'à un objet réel, car elle suppose des objets déterminables (un objectum logicum ne peut être différent d'un objectum logicum, c'est-à-dire de lui-même). La première est donc forme de toute pensée en général, même de toute pensée logique ; la dernière est forme de toute pensée réelle, et par conséquent est l'objet de la · philosophie transcendantale (1). " Sans doute il faut distinguer l'identité et la différence, comme concepts de la réflexion, des choses elles-mêmes idelltiques et différentes, du fondement même de la différence. La différence (comme concept de réflexion) n'est pas en effet une nouvelle détermination qui étendrait synthétiquement le concept de l'objet, mais simplement un concept par lequel nous pensons un mode particulier de rapport (2). Mais ce mode particulier de rapport implique précisément une différenciation réelle, grâce à laquelle nous pouvons par les concepts de réflexion établir les comparaisons entre le même et l'autre. Pas de conscience de ces rapports, sans les comparaisons dues à ces concepts, mais point de réflexion ni de concepts de réflexion, sans les rapports originaires, sans l'union originaire dans le déterminable qui est objet de la pensée réelle (l'espacetemps) de l'unité et du divers, de l'identique et du différent. Le principe de déterminabilité ne reposerait plus sur un donné extrinsèque, mais résulterait de cette synthèse originaire, source de la réalité.
§IX.- Le principe de différence et la notion d'entendement infini
Or l'union originaire de l'identité et de la différence pose un problème métaphysique qui dépasse le cadre limité de notre entendement fini. Si d'une part, l'Idée d'entendement infini ne peut rendre compte en nous de l'objectivité immédiate des mathématiques, laquelle est assurée par le prh;teipe de déterminabilité, en revanche celui-ci ne peut fonder ni sa propre intelligibilité, ni celle des rapports qu'il fonde. Pris tel quel et sans autre justification, il peut servir de critère pragmatique de l'objectivité, non de principe explicatif. (1) Tr. Phil., p. 345. Voir aussi p. 151. (2) Ibid., p. 89
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L'Idée d'entendement infini doit donc être réintroduite. Toutefois il ne s'agira plus de réduire immédiatement le synthétique à l'analytique, d'enlever à la mathématique son principe propre, mais pour éclaircir le rapport de ce principe avec celui d'identité, de concevoir un rapport intelligible entre le formel et le réel, de poser un fondement de disjonction et d'union entre l'identité et la différence. De cette façon pourra être établi, et non plus seulement supposé, le caractère strictement conceptuel du rapport mathématique. Par la déduction de l'espace et du temps en fonction de la synthèse nécessaire de l'identité et de la différence pourra être en effet supprimé le caractère intuitif qui s'attache invinciblement à l'espace comme donnée première dans l'entendement fini. Ainsi se résoudrait la question kantienne de la subsomption des intuitions sous· les concepts, puisque les prétendues intuitions seraient en réalité des concepts. Ainsi pourrait se concevoir une déduction génétique des jugements synthétiques a priori, qui leur conserverait leur caractère spécifique, tout en leur assurant une réalité a priori indépendamment d'une réalisation quelconque dans l'expérience ou dans « l'intuition ». Mais si important qu'il soit pour les jugements mathématiques, cet effort de déduction, qui constitue en même temps une ontologie, l'est encore plus pour les jugements dynamiques. C'est de lui que dépendra la solution du problème de l'applicabilité des catégories en général aux objets, bref celui de leur réalité a priori. En effet comme cette déduction se fonde sur la différence des choses, elle doit expliquer du même coup l'applicabilité des formes aux choses sensibles (différentes) issues de la différence. La question quid juris serait donc résolue dans tous les cas. Par les concepts purs d'identité et de différence la déduction pourra au point de vue de l'entendement infini, rendre inassignable la différence entre la connaissance mathématique a priori, mais assertorique, et la pensée pure apodictique, - inassignable la différence entre la connaissance empirique et la pensée pure, par la résolution du divers sensible en Idées pures et a priori : l'a posteriori sera réduit à l'a priori comme l'intuition au concept. Il n'y aura plus que les représentations de toutes les choses possibles liées, dans une unité d'aperception, grâce aux concepts de l'entendement, et cette faculté de
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connaître elle-même sera représentée par les Idées de la raison, comme substance absolue, cause suprême, etc. (1). Grâce à cette « Idée sublime » devrait se concilier l'identit'é (principe de la pensée logique), la différence et la déterminabilité (principe de la pensée réelle, du possible), la détermination réciproque (principe de la nécessité), et la réalité (Wirklichkeit). On peut distinguer dans cette conciliation trois moments qui se conditionnent d'ailleurs réciproquement : 1° L'entendement infini (ou conscience originaire ou Moi absolu) et la détermination réciproque des différentielles ; 2° La déduction de l'espace et du temps à partir des difTérentielles ; 3° La déduction des catégories. La déduction des catégories conditionne celle de l'espace et du temps, celle de l'espace et du temps comme concepts conditionne la théorie des différentielles et réciproquement. Pas de simultanéité ni de succession sans les concepts de substance et d'accident, de cause et d'effet; pas de concepts d.e substance, d'accident, de cause, d'effet, sans ceux d'identité et de différence, etc. Après avoir aperçu l'opposition entre les vérités de fait et les vérités de raison, LEIBNIZ avait, à un point de vue supérieur, découvert le principe de leur conciliation. Après avoir radicalement séparé sensibilité et entendement, rompu toute continuité entre les deux facultés, pour ne laisser que la liberté xa't''èl;ox~~ comme fondement de rapport entre le fini et l'infini, KANT s'était de nouveau heurté à la question quid juris qu'il avait cru résoudre dans la Critique de la Raison pure ; il devait, dans la Critique du Jugement s'élever lui aussi à l'Idée d'un entendement infini pour combler l'hiatus entre « l'analogie universelle de la cause et les analogies particulières empiriques ». Pour combler la même lacune, c'est encore à l'Idée d'entendement infini que MAIMON a recours, mais d'une façon difTérente. La fusion du Leibnitianisme avec la doctrine de la Critique de la Raison pure, beaucoup plus intime chez lui que dans la Critique du Jugement, est considérée comme l'achèvement nécessaire de tout le système. Cet achèvement qui constitue une tentative pour concilier le dogmatisme et (1) Tr. Phil. p. 62 sq., 82, 183, 377.
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le criticisme, SPINOZA, LEIBNIZ et KANT, est l'Idée mattresse de la Transcendantalphilosophie, le maximum auquel elle doit tendre. «Tout homme s'efforce autant qu'ille peut d'accrottre son être ; ... l'être d'un être pensant, c'est la pensée ; toutes les tendances humaines se résolvent dans une seule tendance vers la pensée ; et puisque notre être, notre pensée est limité, cette tendance est limitée sans doute, sinon objectivement, du moins subjectivement. Le philosophe ne peut donc dépasser un certain maximum, mais il doit par la pensée atteindre à ce maximum (1) •· (1) Tr. Phil., p. 1-2.
CHAPITRE II
Entendement infini, différentielles. -Déduction de la matière
§ 1. -
La théorie de la ditférentielle de la conscience et la déduction de la matière
(( La raison exige que l'on considère le donné dans l'objet non comme quelque chose d'immuable par nature, mais comme une conséquence de la limitation de notre faculté de connaître qui disparaitrait dans un intellect supérieur infini. La raison recherche par là un progrès infini par lequel ce qui est pensé ( gedacht) est toujours accru, et ce qui est donné (gegeben) diminué jusqu'à l'infinitésimal (1). » Lorsque la pensée a atteint le maximum conforme à l'essence de l'êtra pensant, le donné comme tel est réduit à un minimum pratiquement égal à zéro, car il ne reste plus que la loi de la production des choses trouvées comme données, et si cette loi n'est pas elle-même l'acte de production de la pensée, mais son mode (c'est là le minimum de donné) elle est néanmoins non plus, une chose étrangère à la pensée, mais une règle consubstantielle à celle-ci. Le donné est donc ce que la conscience ne peut produire à volonté, mais ce qui est produit en elle sans qu'elle en pénètre la cause ni le mode de production : c'est une conscience imparfaite. Cette imperfection de la conscience peut être marquée par une série de degrés qui vont de la conscience nettement déterminée jusqu'au néant de conscience. Par conséquent le donné est la simple Idée de la limite de cette série dont nous pouvons nous approcher toujours comme d'une racine irrationnelle, mais sans pouvoir jamais l'atteindre {2). (1) Phtlosophtsches Wllrterbuch, p. 169. Voir aussi p. 119. (2) Tr. Phil., p. 203, 419-420.
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Cette limite, qui échappe à toute intuition, représente non les objets, mais leur mode de production, de même qu'en mathématique ou en physique l'infiniment petit ou la ditTérentielle représente l'élément générique d'une courbe, d'une figure, d'une vitesse. Il y a donc des différentielles de la conscience qui ne sont pas objets d'intuition ni de conscience, mais les éléments génériques (et génétiques) des intuitions de cette conscience. De même que l'élément infiniment petit de la courbe renferme la loi de toute la courbe ; de même cet élément, quoique irreprésentable en soi, signifie pourtant un individu qualitatif déterminé. Les ditTérentielles des choses réelles dans la sensibilité déterminent sans ambigoité la conscience, lors de la production de ces choses : les données de la sensibilité sont des règles de l'entendement. La conscience se produit lorsque l'imagination rassemble les représentations sensibles ditTérentielles de la même espèce, pour en constituer une unique intuition de la même espèce en les ordonnant suivant les formes de l'espace et du temps. Ensuite au moyen de ses catégories, l'entendement établit. entre ces intuitions des rapports issus des rapports de leurs ditTérentielles et constitue ainsi des objets réels ( l). N'étant pas le donné, mais sa loi de production, identique à tous les degrés d'intensité que celui-ci peut prendre, n'étant conçue dans sa pureté que par l'abstraction de toute intensité en général, c'est-à-dire quand on la pose = 0 ( dx, dy, etc~, sont pour l'intuition = o), la ditTérentielle est bien le noumène (ce qui est simplement pensé par l'intellect), source du phénomène (qui apparaît dans l'intuition). Les ditTérentielles méritent aussi le nom d'Idées puisqu'elles sont ce dont on peut s'approcher toujours sans y parvenir jamais et puisque le terme idéal de cette résolution est un ensemble de relations intelligibles (2). Il y a donc deux ordres : l'ordre objectif de la production réelle qui implique immédiatement : 1° les Idées de l'entendement, c'est-à-dire l'infiniment petit de toute intuition sensible et de ses formes, qui fournit la matière pour l'explication du mode de production ; 2° les concepts de l'entendement on catégories, qui ne sont que l'expression des rapports possibles entre les Idées de l'entendement ; 3° les Idées de la raison, (1) Ill Id., p. 27. 33. (2) Tr. Phil., p. 29, 349-352.
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totalité du concept de l'enten(iement où la pensabilité de chaque élément est aperçue comme conditionnée par la pensabilité de tous les autres, cette totalité embrassant l'infini. A cet ordre objectif et génétique s'oppose l'ordre subjectif, qui est celui de la connaissance commune où l'on retrouve après coup ce qui a été antérieurement produit : e'est 1o la sensibilité, qui n'est pas en vérité la conscience elle-même, mais qui lui fournit sa matière ; 2° l'intuition, ordre des représentations sensibles homogènes sous leurs formes a priori (espace temps), d'où ne naît point de pensée, mais néanmoins une conscience ; 3o les concepts de l'entendement (catégories) d'où naît une pensée c'est-à-dire une représentation d'une unité dans le divers; 4o les Idées de la raison (1). Selon qu'on se place au point de vue de l'entendement infini (objectif) ou au point de vue de l'entendement fini (subjectif) on découvre les choses, sous l'aspect fluent de leur production selon le mode de leur ditlérentielle, ou sous l'aspect statique et figé du produit mort dans l'intuition. Le mode de la production, ou si l'on veut la règle suivant laquelle l'entendement pense l'objet n'est évidemment pas elle-même pensée comme fluente, mais la détermination de l'objet suivant cette règle ne peut être conçue que comme fluente. La production du monde phénoménal selon les ditlérentielles et leur rapport se fait à la façon dont nous-mêmes déterminons les figures mathématiques dans l'intuition selon la règle qu'exprime le schéma de cette figure. L'entendement pense d'un coup ( auf einmal) et non de façon fluente le rapport constitutif des côtés d'un triangle, la grandeur des côtés restant indéterminée, et pour construire etlectivement ce triangle dans l'intuition, il faut ajouter une détermination de cette grandeur qui n'était pas comprise dans la règle, or comme cette détermination peut être ditlérente dans ditlérentes constructions, la même règle et le même rapport étant d'ailleurs maintenus, le triangle doit être pensé dans l'entendement, par rapport à toutes les constructions possibles, comme jamais réalisé, mais se réalisant. De même sont données d'un coup dans l'entendement infini, les lois suivant lesquelles le monde phénoménal (y) se produit en fonction de la conscience (x) (d'où y = f (x) ), lois suivant lesquelles s'établissent les rapports (1) Tr. Phil., p. 77, 182-183.
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limites donnés, rapports de différentielles (quotients différentiels ~. etc.) dont les éléments (les différentielles parti~ culières dx, dy) peuvent être aussi traités comme des unités dernières (petites perceptions, « points physiques "• etc.) (1). Les lois des choses singulières sont ainsi des manifestations concrètes de la loi de la conscience, de même que dans le calcul, les quotients différentiels sont des applications des lois universelles selon lesquelles ils sont formés. Mais au point de vue de l'entendement fini, de la sensibilité, de l'intuition, la représentation de ces rapports ne peut être considérée comme se produisant selon ces différentielles, mais comme produite; au surplus ces rapports ne sont jamais réalisés exactement dans l'intuition, et pour les retrouver dans leur exactitude, il faut revenir aux différentielles (2). Par là se résoud aisément le problème de la subsomption d'une matière a posteriori donnée dans l'intuition, sous les concepts purs de l'entendement. - Les différentielles n'acquièrent leur détermination objective, comme éléments des objets d'intuition, que par le rapport réel où elles se trouvent à l'égard des autres différentielles ; bref, la nature de la loi formelle exprimée par les Idées est déterminée par le rapport de fonction d'après lequel ces Idées dépendent d'autres Idées. Par les rapports réels des différentielles de qualité différente, l'entendement engendre d'une façon obscure les rapports réels de ces qualités elles-mêmes. Les rapports logiques qui se trouvent entre les différentielles et le mode de détermination réciproque de celles-ci inclus, en quelque sorte d'avance en elles, nous restent obscurs, mais si l'on suppose que ces grandeurs sont réciproquement entre elles dans le même rapport universel de fonction, alors si l'une est déterminée, l'autre est déterminée, si une troisième grandeur a un rapport déterminé avec les deux autres, elle se trouve à son tour déterminée, etc. Nos jugements, par ex. le feu fond la cire, ne se rapportent pas aux objets de l'intuition, mais à leurs éléments qui, dans l'exemple cité, sont pensés l'un à l'égard de l'autre dans le rapport de cause à effet. Par là on voit que l'entendement n'a pas simplement (1) Tr. phil. p. 351, 358. Une figure en général, c'est une figure dont la grandeur est déterminable et indéterminée ; elle se définit donc comme les dilJéren ielles : dire qu'elles sont des grandeurs les plus petites possibles, cela veut dire qu'elles n'ont pas de grandeurs déterminées (p. 352; p. 354). (2) Ibid., p. 35.
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le pouvoir de penser des rapports universels entre des objets déterminés de l'intuition, mais encore de déterminer des objets particuliers par des rapports. La question quid juris est ainsi tranchée car l'entendement ne soumet pas quelque chose de donné a posteriori à ses règles a priori, mais il produit ce quelque chose conformément à ses règles (2). Ses concepts purs ne se rapportent jamais aux intuitions d'une façon immédiate, mais seulement à leurs éléments qui sont des Idées rationnelles du mode de production de ces intuitions, et au moyen de celles-ci, aux intuitions elles-mêmes (1). L'abîme qui séparait la nature universelle a priori et la variété infini des lois empiriques particulières, contingentes par rapport à elle, se trouve comblé. L'unité de l'expérience est fondée non seulement comme système de lois rationnelles, mais comme système de lois empiriques. Le problème qui s'était posé dans la Critique de la Raison pure. (De l'usage des principes régulateurs) sous la forme du problème de la spécification, et qui devait donner naissance dans la Critique du Jugement aux théories sur le jugement réfléchissant, se trouve résolu par un retour délibéré aux conceptions leibnitiennes spinozistes : la vérité de fait pour être comprise et certaine doit se trouver transposée dans l'ordre intelligible où un faisceau de lois éternelles détermine les essences singulières et par elles le jeu du passage à l'existence. Si dans la Critique du Jugement, KANT ne peut pas trouver d'autre moyen pour résoudre la même difficulté que de recourir lui aussi à des concepts hérités de la métaphysique dogmatique, l'hiatus entre les facultés se trouve néanmoins maintenu parce que leur accord affirmé comme problématiquement possible et légitime, reste absolument mystérieux dans sa nature et dans son mode. La séparation subsistant en fait de par la qualité occulte de la chose en soi est sans doute supprimée en droit au point de vue de l'entendement infini: motif à tendance leibnitienne. Mais nous ne sommes en rien avancés par là, car cette qualité occulte implique une séparation de droit (1) Tr. Phil., p. 82 ; p. 355-356. - A priori et a posteriori, dira FICHTE sont une seule et même chose sous deux aspects différents. Fichte, S. W. 1., p. 447. (2) Tr. Phil., p. 355-356. Sur l'influence de KANT (anticipation de la perception), Cf. RIEBL, Der philosophische Kritizismus und seine Bedeutung für die positive Wissenschaft. 1 p. 542, sq. - Sur les fondements mathématiques de la théorie de la dillérentielle de la conscience. Cf. KuNTZE, op. cit., p. 329-334.
PHILOSOPHIE TRANSCENDANTALE comme de fait entre le fini et l'infini et la séparation entre les facultés demeure au point de vue du Moi fini, absolue en fait comme en droit : motif spécifiquement kantien. L'Idée d'entendement infini ne peut donc introduire que la notion d'un accord extrinsèque, non celle d'une unité intime. Si l'on suppose au contraire comme diminuant à l'infini le non-Havoir de la chose en soi, on rétablit h continuité et la fusion entre le fini et l'infini, on résorbe le motif spécifiquement kantien dans le motif leibnitien : l'accord entre les facultés ne sera plus seulement affirmé comme possible, par le recours à une téléologie extrinsèque, qui établit, comme du dehors, une harmonie mystérieuse entre l'intérieur et l'extérieur, mais réalisé comme du dedans par la différentielle de la conscience. Grâce à celle-ci est rendue visible la loi du passage du fini à l'infini, et conçu l'évanouissement au moyen duquel la différence entre les deux peut être considérée comme négligeable. La notion de différentielle n'est donc pas, comme on a pu le croire, au fondement du scepticisme empirique, mais est au contraire une notion destinée dans la pensée de MAi.uoN à le détruire. On s'explique ainsi que pour la solution du même problème au moyen de la même notion (d'entendement infini), KANT ait préféré l'aspect exotérique, l'harmonie préétablie et la téléologie, et MAiMON l'aspect ésotérique, les petites perceptions et l'algorithme différentiel. Mais la réponse de MAiMoN est plus satisfaisante que celle de KANT, parce qu'elle porte sur la véritable difficulté, celle du rapport entre les conditions de l'exercice de l'entendement et l'existence préalable de la différence (comme différence intrinsèque et non simplement numérique). KANT au contraire après avoir indiqué cette question comme essentielle, la néglige tout à fait : c'est que son approfondissement aurait mis en péril les fondements mêmes de la Critique, en particulier l'Esthétique transcendantale (1). En même temps cet idéalisme rend compte de la représentation, sans avoir recours à la chose en soi, provisoirement admise encore par REINHOLD. La différentielle n'étant telle que pour un intellect infini, la finité de notre esprit nous empêche d'une part d'arriver à la saisir effectivement, d'autre part d'achever la synthèse (1) Cf. remarque n• 2, à la tin du volume.
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dont elle est l'élément constitutif. Notre connaissance commence et finit au milieu de cette série qui d'un côté va vers l'infiniment petit et de l'autre vers la sommation de ces éléments infinitésimaux. Par là s'explique le phénomène dela représentation (Vorstellung). Au sens étroit, la représentation est la reproduction d'une partie d'une synthèse en relation avec cette synthèse. Avant que l'on ne parvienne à la conscience de cette synthèse, la conscience de chaque partie de celle-ci n'est qu'une présentation (Darstellung), non une représentation, parce qu'alors elle ne se rapporte à rien hors d'elle. De même, la conscience complète de toutes les parties de la synthèse et par conséquent aussi de la synthèse elle-même, n'est pas une représentation, mais une présentation (par l'entendement) de la chose elle-même La conscience primitive d'une partie constitutive d'une synthèse, sans relation avec la synthèse et la conscience de la synthèse complète ne sont que des Idées : ce sont les deux concepts limites d'une synthèse, car sans synthèse aucune conscience n'est possible. La représentation est ainsi comprise entre une limite inférieure, la difTérentielle supposée au commencement de toute conscience, et une limite supérieure qui ne peut jamais être atteinte, car la conscience de la synthèse complète embrasse en soi l'infini ( 1). Le rapport de la synthèse partielle, consciente, à la synthèse totale ou à l'élément générique, également inconscients, donne le rapport de la représentation à l'objet hors de nous, c'est-à-dire l'intuition. Le "hors de nous" exprime ce qui échappe à la conscience, et la représentation tout entière est rapportée à l'objet hors de nous comme l'efTet à sa cause, parce que la production et le mode de production de la synthèse consciente échappent elles-mêmes à notre conscience. Ainsi les intuitions sont simplement des modifications de notre moi qui sont produites par lui comme si elles étaient produites par des objets tout à fait différents de nous. On peut donc admettre avec KANT que l'objet transcendantal de tous les phénomènes (1) Tr. Phil., p. 340-350 ; Streifereien, notes de la p. 211 et des p. 228 11q Le caractère incomplet est la cause du caractère • représentatif» (Vorstellende). l'illusion consiste à prendre l'incomplet pour le complet ; les conséquences permettent de déceler l'illusion. On trouve des pensées analogues dans le Dft lntelleciUll Emendatione. Ces textes d'inspiration avant tout leibnitienne sont à rapprocher de § 73 de l'Erziehung des Menschengeschleehtes, de LESSING, où la réalité se distingue de la pure image par l'achèvement total de la représentation. GUÉROUL1'
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considérés en soi est pour nous = x, mais si l'on admet différents phénomènes, on est obligé d'admettre aussi des objets différents qui leur correspondent ; objets qui ne peuvent être déterminés en soi, mais par analogie avec les phénomènes correspondants. Ainsi l'aveugle-né ne peut certes penser une couleur en soi, mais il peut s'en former un objet déterminé en pensant la réfraction propre de celle-ci, au moyen de lignes qu'il construit dans son intuition. On peut donc concevoir que les images empiriques sont produites par la réflexion du Moi pur sur le miroir du Moi empirique : elles sembleraient alors venir de choses placées derrière le miroir, c'est-à-dire hors de nous (l). Mais comme l'espace est une forme en nous, cet « hors de nous » ne peut signifier un rapport d'espace, il exprime seulement que, dans ces représentations, nous n'avons conscience d'aucune spontanéité; elles constituent à l'égard de notre conscience un pur pâtir (blosses Lei den) et une négation de l'activité ( Keine Tiitigkeit) (2). La projection hors de nous de la synthèse entière comme cause de la représentation est donc la façon dont nous exprimons à nous-mêmes le sentiment de passivité résultant de l'ignorance où nous sommes de la synthèse originaire. La représentation, comme conscience d'un rapport entre une image et un objet dont elle est la copie, est l'expression confuse du rapport de différence entre la synthèse complète et la synthèse partielle. C'est parce que l'imagination laisse échapper toujours la richesse du détail de la synthèse complète, qu'elle fait de cette dernière l'objet auquel elle rapporte les détails qu'elle aperçoit et qu'elle devine liés à d'autres, non aperçus, dans cet objet. L'imagination n'a ainsi jamais conscience d'autres choses que des représentations ; elle a donc fatalement l'illusion que tous les objets de la conscience sont des représentations ; elle est amenée par là à considérer comme étant aussi une représentation l'objet originaire ou la synthèse complète. Poussée par l'habitude, elle transporte à celle-ci le procédé qu'elle emploie à l'égard de la synthèse incomplète, elle forge la fiction d'un objet absolument hors de la pensée et inconnaissable, pour pouvoir rapporter à lui comme à sa cause la cc Dars(1) Cf. KANT, Krlltk der retnen Vernunft, Ill, p. 436. (2) MAIMOTr, .N. PhiL, p201-203, 419.- KANT, lbtd., p. 600-601.
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tellung "complète : c'est la chose en soi. Le réalisme phénoménal, ou rapport de la représentation à une chose qui est à la fois
identique à l'image et différente d'elle, est fondé, et traduit immédiatement pour la conscience réelle, le nombre irrationnel v'2 qui symbolise notre connaissance sensible (la tendance toujours inadéquate à une synthèse complète). Le réalisme kantien de la chose en soi est sans fondement, c'est une figure philosophique fondée sur une illusion imaginative. Le nombre imaginaire v' - a en est le symbole ( 1). Si l'on peut encore admettre le concept d'objet transcendantal comme objet indéterminé projeté par le " je pense » en fonction de la synthèse incomplète réalisée par cette forme, on est amené à reconnaître la parfaite inutilité de la chose en soi comme fondement de la matière, antérieurement à toute synthèse opérée par la forme. Une telle chose ne saurait être conçue, puisqu'elle est hors de toute conscience (2). Nous ne pouvons non plus conclure à son existence en partant du donné qui est en nous, car le raisonnement qui conclut à une cause non perçue est incertain : l'effet peut résulter de plus d'une seule cause, et nous ne pouvons savoir si celle-ci est interne ou externe (3). Enfin cette chose ne pourrait faire l'office de cause, puisque le schème du temps fait défaut (4). La chose en soi comme principe de la matière vient du transfert au point de vue de l'entendement infini d'une illusion nécessaire au point de vue de l'entendement fini. La différence entre la synthèse partielle et la synthèse complète rend nécessaire l'intuition sensible, c'est-àdire la projection par nous de l'objet hors de nous comme substitut de la synthèse complète. Mais au point de vue de l'entendement infini, la synthèse cesse d'être partielle, la différence s'évanouit, et avec elle la projection de l'objet, l'intuition, le donné. La synthèse totale ou l'identité du divers (de toutes les choses) dans la pensée ne requiert en effet aucun objet hors de la pensée. Les seules conditions requises par la pensée sont pour sa possibilité externe, la pensée du sujet et son identité, et pour sa possibilité interne, l'objet (1) Streifereien; p. 204-207; Ibidem, Abhandlung über die plrilosophisclren und rhetorischen Figuren, p. 270; Logik, p. 241-242; Kritische Untersuchungen,
p. 188-191. (2) Uber die Progressen der Philosophie, p. 48. (3) Tr. Phil., p. 203. (4) Ibid., p. 419.
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intérieur à la pensée, le divers présent à elle et qui constitue son contenu. L'acte essentiel de la pensée, sa forme, c'est la création de l'unité objective ou réelle et si le divers lui était ôté cet acte serait impossible. La seule identité, réduite à elle-même et sans contenu, n'est pas une pensée réelle, mais formelle, une fiction utile simplement pour servir à la généralisation de la forme de la pensée (1). Puisque conformément à la quatrième signification de l'absolu dans la comparaison copernicienne, le recours transcendant et arbitraire à l'absolu de la Chose en soi n'est plus nécessaire pour que soient fondées dans le Moi (suivant la loi universelle de la conscience), les différentes déterminations du savoir, le Moi ne doit plus apparaître lui-même comme une forme vide où l'abstraction a priori du contenu suppose une réalité transcendante du Moi lui-même comme Moi en soi. La nature et le rôle du Moi se trouvent donc de la sorte modifiée dans un sens que KANT n'avait pas prévu.
§ 11. -
Le Moi et la conscience
Le Moi (déterminable) considéré comme fondement immédiat du moi empirique est une intuition qui accompagne toutes les représentations (déterminations). Si nous ne pouvons fournir d'elle aucune caractéristique, c'est qu'elle est simple. Cette intuition est pure et a priori, parce qu'elle est condition de toute pensée en général. Le Moi est substance. En effet, ce dont la représentation est le sujet absolu de nos jugements et ne peut être employé comme détermination d'une autre chose, est substance. Moi comme essence pensante suis le sujet absolu de tous mes jugements possibles et cette représentation de moi-même ne peut être employée comme prédicat d'une autre chose quelconque. KANT voit dans ce raisonnement un paralogisme parce qu'il conteste l'applicabilité de la catégorie de substance à cause du manque d'intuition permettant de la reconnaître. Cette objection tombe puisque le Moi est intuition pure a priori. A quoi reconnait-on que mon moi (1) Logilt> de FICHTE :l'identité sans différence voit par lui cette identité rompue. Sans cet acte inintelligible et extrinsèque par rapport au Moi, ou l'on doit concevoir que l'Infini originaire se limite soi-même ce qui est absurde (Idéalisme qualitatif), ou l'on doit se donner comme absolu un Moi déjà limité, l'individu substance de LEIBNIZ (Idéalisme quantitatif), ce qui est contraire à la notion d'Absolu laquelle exclut la limite (2). Ainsi ScHELLING pose le principe de la différence, enfin HEGEL la négativité. MAiMON en attribuant au principe d'identité une valeur uniquement formelle, et en recherchant pour la réalité un principe distinct, est conduit à conférer à la différence, la valeur de principe pour la réalité (à la fois comme Realitàt et W irklichkeil). (1) KANT, V ber die Fortschritte der Metaphysih 11efl Leibnitz u. Wolf (Hartenstein, VIII, p. 544).- Versuch den Begriff der negattven Grossen in die Wellweisheit ein%ujühren (AKB, II, p. 172 sq.). - Kr!Uk der reineu Vernun(t, AnaJytik (Hartenstein V., p. 228-253). (2) Fichte, Grundlage, S 4.
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PBILOSOPBIB
REMARQUE
WRANICBNDAN~ALB
NO
2 (cf. p. 64)
A. - La conception du temps calquée sur celle de l'espace forme pure offre les plus grandes difficultés, parce que tout ce qui constitue essentiellement le temps c'est-à-dire le changement, la succession opposée et liée à la simultanéité, est ainsi exclu du temps, qui « demeure et ne change pas ». Les rapports spatiaux, au contraire, peuvent aisément être connus a priori avec la seule forme de l'espace, et si le temps peut-être requis pour la détermination effective de figures (par le Linienziehen) dans l'intuition, ou pour la numération, les rapports spatiaux (droite, gauche, haut, bas, etc.), peuvent fort bien être conçus comme subsistant par eux-mêmes indépendamment du temps, indépendamment aussi d'ingrédients étrangers à la forme. Le temps, au contraire, dans son premier aspect selon KANT, celui du cadre du changement qui demeure et ne change pas, ne peut prendre de signification vraiment temporelle que par un changement quelconque qui requiert immédiatement la conscience d'un permanent. Ce permanent ne peut être que la matière sensible immédiatement objectivée dans l'espace (Cf. }re Analogie, et Réfutation de l'Idéalisme). Le simultané comme le successif ne peuvent absolument pas être conçus sans l'intervention des trois catégories de substance, de cause et d'action réciproque, sans le rapport mutuel des trois rapports intellectuels qui supposent, pour pouvoir j auer, une différenciation de la matière sensible (celle des existences), distincte des différenciations purement numériques que la forme spatiale, d'ailleurs, est seule capable de fournir. Le jugement de différenciation non simplement numérique,· mais intrinsèque, implique ces concepts de l'entendement, dits de « réflexion », qui, pour KANT, loin de rendre possible l'usage des catégories, n'ont d'usage légitime ou possible qu'après la constitution de l'expérience par celles-ci. Mais si tout ce qui fait le temps est conditionné par le jeu de certaines catégories, requérant lui-même à son tour des jugements de différenciation spécifique, le concept de réflexion doit regagner la première place dans la série des conditions de l'expérience possible et l' «intellcdualisme » de LEIBNIZ reprend toute sa valeur.
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Tant que nous demeurons dans la sphère du " mathé malique », l'assimilation du temps à l'espace comme " forme pure » ne rencontre aucun obstacle : l'addition de l'homogène avec lui-même dans le temps (schème de la quantité) semble indiquer qi.Ie pour le temps comme pour l'espace, on peut tout aussi bien se passer du principe des indiscernables. En vérité, la réfutation du principe des indiscernables, pour être complète, implique que le temps comme forme est par luimême la source de toute différenciation temp.orelle ; or le temps comme forme est précisément sans succession - comme sans simultanéité - un cadre vide pour un changement, pour des différences qu'il ne saurait jamais fournir. L'espace peut faire que deux gouttes d'eau soient deux, parce qu'elles occupent deux espaces différents ; deux pieds cubes d'espace sont en soi identiques, mais distincts par les lieux. Tous les exemples pris par KANT pour réfuter le principe des indiscernables sont en effet empruntés à l'espace. Mais le temps ne peut pas faire que deux phénomènes soient simultanés ou successifs : il faut auparavant que l'entendement se prononce sur le rapport de ces phénomènes préalablement distingués, et tout ce que le temps pourra faire, c'est d'exprimer ce rapport sous la forme de simultané et de successif. Mais alors, ou la simultanéité et la succession résultent effectivement du rapport intellectuel des phénomènes- en ce cas on revient fatalement à LEIBNIZ, ou la simultanéité et la succession n'en résultent pas; elles sont une forme étrangère que le temps jette sur ces rapports ; mais alors il n'y a aucun rapport entre les rapports temporels d'une part, et les rapports intellectuels de substance, cause, action réciproque, il est alors impossible que la simultanéité ou la succession soient attribuées aux phénomènes en vertu du rapport intellectuel établi entre eux : il manque le Bezichungsgrund pour le jugement. A vrai dire, KANT n'est pas sans avoir senti la difficulté, mais il semble l'avoir plutôt esquivée dans la Critique de la . Raison pure, pour ne la reconnaître et essayer de la résoudre en elle-même que dans la Critique du Jugement ( 1). Dans les analogies, KANT veut visiblement dépasser la prédéter(1) Qui paraît après la Trans%endanlalphilosophie de MAÏMON. Sans vouloir préjuger ici d'une influence possible de MAÏMON sur KANT, on ne peut s'empêcher d'être frappé du renforcement des concepts hérités de LEIBNIZ : intellectus archelypus, entendement intuitif. ete., qui jouent un si grand rôle chez MAÏMON dans la solution des mêmes problèmes. GUÉROULT
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mination formelle et établir a priori une prédétermination réelle, si bien qu'il soit établi, non seulement que tout changement (x) doit avoir une cause (y), mais que chaque phénomène déterminé a doit avoir une cause déterminée b et non une autre. Il est évident que si seule subsistait une nécessité formelle, aucune différenciation ne serait plus possible, en fait, entre la succession subjective de l'imagination, et la succession objective de la cause, car ce qui fait l'objectivité de cette dernière, c'est que je ne puis changer l'ordre des éléments eux-mêmes dans la succession, c'est la nécessité, issue de l'entendement, qui me contraint à affirmer que c'est a et non b, qui doit occuper la place de l'antécédent. Le temps, en effet, est irréversible par définition; aussi lorsque dans la succession imaginative, je crois pouvoir renverser l'ordre de la succession, je dois effectuer ce renversement dans un autre lemps, si bien que j'ai une autre succession, mais la même succession n'est en elle-même jamais réversible. Ce que l'entendement réclame exactement, c'est qu'à l'intérieur du temps, les éléments qui se succèdent soient conçus comme ne pouvant se succéder autrement dans un autre temps. Cette exigence comme on le voit dépasse de beaucoup les rapports des concepts et du temps purs saisissables a priori. Elle porte sur les rapports des existences avec le temps de telle façon que ces existences paraissent devoir déterminer le temps lui-même, beaucoup plus qu'elles ne sont déterminées par lui. Si dans les analogies, KANT s'en tenait à la synthèse du simple concept avec le temps intuition pure, forme a priori, principe de différenciation du successif comme tel, ce que déterminerait l'entendement avec sa règle serait simplement la succession nécessaire des places vides du temps a priori, en ce cas la matière resterait absolument indifférente à cette détermination, elle serait tout entière contingente par rapport à elle, car n'importe quel événement pourrait marquer n'importe quelle place. Aussi délaissant cette forme pure,« temps absolu qui ne 'peut être objet de perception », KANT lui substitue-t-il la succession des phénomènes eux-mêmes et se donne-t-il a priori un temps déterminé qui n'est concevable qu'a posteriori. Dans ce temps concept, les rapports de temps dérivent du rapport réciproque des phénomènes entre eux : « Les phénomènes se déterminent leurs places les uns aux autres dans le temps lui-même et les rendent nécessaires dans l'ordre du
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temps, de sorte qu'ils se succèdent de façon nécessaire suivant un ordre immuable et non d'une façon arbitraire sans règle. » Alors la différence du temps dépend de la différence des évènements, si bien qu'en prononçant la nécessité de la succession des phénomènes, on prononce du même coup la nécessité de l'ordre de la succession de ces phénomènes eux-mêmes considérés dans leur contenu. De cette façon, la causalité, c'est-à-dire un certain mode déterminé et nécessaire de la succession des phénomènes dans le temps, apparaît comme· pleinement justifiée. Mais nous avons dans le fond abandonné le temps forme pure, principe de différenciation du successif en tant que successif, pour revenir à une conception leibnitienne, où les rapports de temps ne semblent possibles que par l'enchaînement entre elles des déterminations des substances comme' principes et conséquences (1). Sans doute, on dira que pour KANT,. cet enchaînement ne crée pas le temps ; il se fait à l'intérieur du temps, et les éléments mis en rapport peuvent ainsi être des phénomènes et non des substances. Mais ce temps, abstraction faite des déterminations en question, est dépouillé à ce point de toute caractéristique temporelle, que KANT le considre comme inutilisable. D'autre part, il a fallu se donner le monde des phénomènes, le concevoir comme un système clos où s'effectue la détermination réciproque d'où résulte l'attribution des places : c'est réintroduire avec une terminologie nouvelle, toutes les illusions intellectualistes contenues dans les thèses de la troisième et de la quatrième antinomie, ou dans l'Idéal transcendantal. Quoiqu'il en soit, après cette déduction, la valeur objective des lois empiriques parait à KANT sur le moment entièrement justifié par là (2) : si je suis sû.r au cours de l'investigation scientifique de découvrir dans l'expérience, en me conformant à la règle de l'analogie, l'élément cherché que l'analogie ne pourrait par elle-même me fournir a priori, c'est que l'expérience sur laquelle nous travaillons a été constituée conformément à la causalité de telle sorte qu'avant notre réflexion tel évènement a soit effectivement placé de façon nécessaire avant tel évènement b. Dans ce cas on voit que le qualificatif de régulateur ne peut valoir en fait que pour l'usage du prin(1) Iüilik der •·einen Vernun/1, III, p. 228-229, 234. (2) Ibidem, Ill, p. 182 sq. GUÉROULT
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cipe dans la conscience réfléchie, mais qu'au point de vue transcendantal le principe lui-même est constitutif {1 ). Supposons au contraire que la prédétermination soit simplement formelle, et que l'on ne puisse déduire a priori que l'exigence d'une causalité dans un temps pur, alors il est évident qu'a priori n'est nullement déterminé que a doit être la cause d'un certain phénomène b, que a doit être cause d'une certaine manière , b effet d'une certaine manière. La déduction du principe de cause étant insuffisante, il faudra pour justifier les lois empiriques, recourir à des principe11 auxiliaires, afin d'expliquer pourquoi à l'intérieur de la loi universelle de la nature, c'est tel élément qui est la cause, et cause de telle façon. En dehors des lois universelles de la nature qui conditionnent la possibilité de l'expérience, et avec lesquelles le jugement est subsumant (par ex. tout changement a une cause), on peut dire a priori que les objets de l'expérience sont encore déterminables d'une foule de façons, et qu'à l'intérieur de la nature en général, se trouve une infinité de natures spécifiquement distinctes qui, chacune pour leur compte, peuvent être causes d'une infinité de façons différentes et qui chacune {conformément au concept général de cause) a une règle de sa causalité qui la rend nécessaire bien qu'en raison de la constitution et des limites de notre connaissance, nous ne puissions pénétrer cette nécessité (concession à HUME). Nous devons donc penser dans la nature une infinité de lois empiriques, qui sont contingentes pour notre connaissance, puisque celle-ci ne peut parvenir à elles a priori ; aussi l'unité de la nature, sous le rapport des lois empiriques apparaït-elle, ellemême comme contingente. Mais nous devons nécessairement admettre une telle unité, car un système de connaissances empiriques comme constituant un ·tout de l'expérience ne pourrait alors avoir lieu ; et puisque les lois universelles de la nature peuvent établir entre les choses une unité comme choses de la nature en général, mais non comme étant telles ou telles natures spécifiques particulières, le jugement doit (1) KANT déclare plus loin (De rusage régulateur des Idées de la Raison pure• III, p. 448) que malgré la distinction des principes mathématiques, constitutifs.
et des principes dynamiques régulateurs, les lois regardées comme dynamique~,
sont certainement constitutives par rapport à l'expérience, en rendant possible a priori les concepts sans lesquels aucune expérience n'a lieu. Remarquons que oette explication laisse aux principes dynamiques, leur caractère constitutif, même dans le cas où les rapports nécessaires qu'ils conditionnent, sont conçua comme absolument indéterDllnés (au point de vue empirique) a priori.
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admettre pour son propre usage, comme principe a priori, que le contingent pour la connaissance humaine dans les lois particulières de la nature, contient pourtant une unité (fondée sur une loi) de la liaison du divers en une expérience en soi possible, - unité que nous ne pouvons pas fonder, mais que nous pouvons penser. Et cette unité, posée conformément à une fin nécessaire, à un besoin de l'entendement, étant d'autre part contingente, doit être représentée comme finalité des objets (de la nature). En conséquence, le jugement qui par rapport à des choses sous des lois empiriques possibles encore à découvrir est simplement réfléchissant, doit, pour notre faculté de connaître, penser la nature, par rapport à, ces dernières, d'après un principe de finalité qui s'exprime dans des maximes de sagesse telles que la lex parsimoniae, la loi de spécification, celle de continuité des formes, etc. (1). Et si ces principes réussissent, c'est, sans aucun doute, parce que la nature a procédé elle aussi conformément à eux : d'où l'Idée d'une organisation de la nature en rapport avec nos facultés de connaître. Ainsi, il faut recourir à un entendement infini pour expliquer ce qui dépasse le point de vue transcendantal de la conscience finie : à savoir la disposition des éléments matériels à l'intérieur du cadre de la nature, disposition absolument contingente par rapport à l'analogie de l'expérience en général, et que celle-ci est incapable de fonder. Le point de vue de la Critique du jugement renferme donc implicitement une critique du procédé employé dans l'analytique pour déduire l'analogie. Comme nous ne disposons pas en fait de la totalité des phénomènes, ni par conséquent de la place déterminée qui revient à chacun d'eux, celle-ci reste effectivement contingente par rapport au principe général de causalité: • tout changement a une cause », seul principe que dans sa généralité peut justifier la déduction transcendantale ; toutes les lois empiriques particulières sont par rapport à lui absolument contingentes. La difficulté une fois constatée, il faudra pour la résoudre revenir à l'Idée de la détermination des parties par le tout, mais l'Idée expressément reconnue comme telle est rejetée, comme. réalisée ou réalisante, dans l'Intellect infini. Comme d'autre part le caractère contingent de la cau:Salité déterminée, a été expressément reconnu par rapport (1) Krttik der Urteilskraft, -
Einleitung, V.
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;l la nature universelle a priori, l'Idée est posée, conformément à cette contingence, et est, dans son contenu, entendement architectonique, c'est-à-dire intelligence qui agence les parties de la nature en fonction de l'Idée du Tout (finalité) et en rapport d'autre part avec nos facultés ; conception absolument contradictoire, car la finalité étant un concept qui caractérise l'entendement fini, devrait être bannie de l'entendement infini. Ce dernier devrait être conçu conformément à la substance spinoziste où l'ontologie se substitue à la finalité intelligente. Mais la suppression de la finalité intelligente ne s'accorderait pas avec l'unité finale de la nature, qui suppose à la fois intelligence et contingence (1). Dira-t-on que cette contingence n'apparatt qu'avec le jugement réfléchissant, c'est-à-dire avec l'investigation scientifique (point de vue de la connaissance de la nature), mais qu'au point de vue de la nature elle-même, une telle contingence n'existe pas, et que tout est mécaniquement déterminé 'l Mais la détermination de la nature est purement formelle, la répartition des phénomènes eux-mêmes à l'intérieur du cadre qu'elle constitue, ne dépend pas du schème de la causalité, mais d'une organisation dont le principe, hors de notre esprit fini, dépasse ces conditions a priori de notre expérience en général. C'est pourquoi à côté du déterminisme formel peut prendre place une finalité (liberté). La Critique de la Raison pure conçoit sans doute déjà, que le pouvoir régulateur enveloppe la notion de finalité de la raison, celle d'un système de lois empiriques, implicitement reliée au sublime, celle d'une totalité distincte de l'unité de l'entendement, conçue comme Idéal et justifiant l'usage des principes de sagesse bien connus (lois de spécification, de continuité des formes, etc.). Néanmoins elle pose le problème d'une toute autre façon que la Critique du Jugement. L'usage apodictique de la Raison correspond sans doute au jugement subsumant, l'usage hypothétique au jugement réfléchissant.
(1) ScHELLING dans les Ideen einer Philosophie des Natur, S. W. 1, II, p. 45 sq., FicHTE dans la Siltenlehre 1798 S. W., IV, p. 119 ont bien vu la contra-· diction. D'après la critique de SPINOZA (§ 73) KANT semble opter pour le réalisme de la finalité, mais d'après le § 77 il donne l'impression de ne pouvoir repousser la conception spinoziste au profit d'un entendement architectonique. KANT demande qu'on explique comment l'ontologie devient téléologie, et il est conduit à placer la téléologie hors de nous pour que nous puissions la concevoir en nous. SCHELLING explique la téléologie uniquement pour et par notre esprit fini. Il n'a plus besoin alors de recourir à un infini hors de nous, à l'hypothèse d'un entendement hors de moi, etc.
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Mais si l'usage hypothétique de la raison est nécessaire pour la découverte des lois empiriques, on ne voit pas du tout que ces lois empiriques puissent être considérées comme contingentes par rapport à la détermination universelle des phéno~ mènes suivant la causalité. Si l'usage des principes de sagesse est légitime, c'est que les Idées apparaissent elles-mêmes comme des conditions de possibilité de la subsomption des intuitions sous le concept, bref comme conditionnant la possibilité de l'entendement lui-même. En un mot, c'est la détermination universelle des phénomènes par l'entendement qui requiert ellemême l'intervention de ces Idées, tandis que pour la Critique du Jugement cette intervention n'est demandée que pour « le passage de l'analogie universelle à l'analogie empirique •· « L'entendement ne connaît rien que par des concepts; par conséquent, si loin qu'il aille dans la division, il ne connait jamais rien par simple intuition, mais il a toujours besoin de concepts inférieurs. La connaissance des phénomènes dans leur détermination universelle (laquelle n'est possible que par l'entendement) exige une spécification infiniment continuée de ces concepts (1). Il n'y a d'entendement possible pour nous, que si nous supposons des différences dans la nature, de même que l'entendement n'est encore possible que sous la condition que ses objets aient entre eux de l'homogénéité, puisque c'est précisément la diversité de ce qui peut être compris sous un concept qui constitue l'usage de ce concept et l'occupation de l'entendement (2). » L'Idée apparaît donc comme une des conditions a priori de l'expérience, et cette conception - plus près sans doute de MAiMON que celle de la Gritiquedu Jugement ouvre les plus graves difficultés : car d'une part l'Idée ne pourra jamais réaliser effectivement son objet dans la connaissance, par conséquent elle est régulatrice, et non constitutive, mais d'autre part nous devons la concevoir comme nécessairement achevée et réalisée originairement dans les profondeurs de la nature, parce qu'autrement la subsomption originaire d'où résulte pour nous la nature n'aurait jamais eu lieu. Ainsi au point de vue dynamique, la subsomption des intuitions sous les concepts implique la totalité de ce qui ne peut être (1) Krltik der reinen Vernunft, III, p. 443. (2) Ibid. p. 444.
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totalisé, et une continuité des formes qui doit être tenue pour réelle dans la nature, alors qu'une telle réalité est contradictoire avec le concept de continuité et que l'investigation ne pouvant jamais parvenir à cette totalité, on doit retuser à l'Idée tout caractère constitutif en lui laissant un seul pouvoir régulateur ( 1). Rien ne sera rappelé de ces thèses dans la Critique du Jugement. B. - Si l'on considère l'utilisation que KANT fait de la forme pure du temps dans le schématisme, le temps pur, l'appréhension successive de l'homogène, qui est le propre de l'imagination parait être une condition originaire par rapport au temps déterminé suivant les catégories. Alors le temps de l'imagination, le temps simplement subjectif paraît posséder une antériorité logique et transcendantale par rapport au temps objectif, c'est-à-dire à la succession réelle déterminée par la catégorie de causalité. Le temps de l'imagination ou l'ordre de la succession est absolument indéterminé, ou la succession est donc irréelle, est érigé en tant que forme pure de la sensibilité, en temps absolu sans succession - et il est la condition du temps ou la succession est réelle parce que son ordre est fondé dans l'entendement et sur les rapports des phénomènes intrinsèquement considérés. Les leibnitiens faisaient aussi cette distinction, mais pour eux, le temps absolu n'est qu'une illusion de l'imagination, et le temps de l'imagination, loin de jouer le rôle de condition est plutô,t considéré comme dérivé. Si la découverte de l'ordre réglé de la succession, permet de distinguer en nous, comme après coup, le réel de l'imaginaire, c'est qu'originairement (suivant l'ordre du Real-Grund), il y a une succession réglée, d'où la succession imaginative (rêve, folie, etc.) n'est que dérivée. Mais puisque pour KANT, le temps en lui-même, comme forme pure, est sans succession, puis que toute succession requiert un changement, pnis que tout changement requiert un substrat permanent qui ne peut être en nous, il est impossible de poser la succession subjective de l'imagination, sans poser préalablement comme condition, le concept du changement, qui représente des éléments empiriques, et les rapports intellectuels (substance, cause, action réciproque) entre ces éléments, qui (1) Contradiction analogue au point de vue mathématique où le concept implique la conciliation impossible du composé et du continu, la totalisation contradictoire de ce qui est infiniment divisible.
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conditionnent le concept du changement. En ce cas, le temps subjectif, le temps de l'imagination, de l'appréhension, le temps ou l'ordre des existences dans la succession peut être interverti, est lui-même, en tant qu'il présente une succession, conditionné par le temps objectif, où l'ordre des existences, réglé par la causabilité, est conçu comme irréversible. Alors, non seulement la causalité est, comme le proclame la troisième antinomie, le modus distinguendi realia ab imaginariis, mais immédiatement dans notre conscience, aucune succession, même imaginaire ou subjective n'est possible, sans la conscience immédiate du permanent matériel, par rapport auquel peut être perçue toute succession (causalité, succession réelle) ou toute simultanéité ·(action réciproque, succession imaginaire, rêve, folie, etc.). Dans sa Réfutation de l' 1déalisme, KANT rejoint donc LEIBNIZ et le rejoint plus qu'il ne le pense, puisque cette thèse enlève toute réalité et toute antériorité à ce temps de la sensibilité, pour restituer toute sa valeur aux rapports intellectuels d'où sort le temps sous tous ses aspects. Là encore, ce qui différencie KANT de LEIBNIZ c'est uniquement la conception d'espace forme pure, grâce à laquelle est substitué au réalisme des substances, le réalisme des phénomènes. Il suit de là que la distinction du réel et de l'imaginaire, pour KANT, ne s'effectue pas comme après coup dans notre conscience, mais immédiatement et originairement. Ce qui est primitif en nous, ce sont les phénomènes réellement objectivés par l'espace et ayant entre eux des rapports non illusoires de simultanéité ou de succession. KANT repousserait la thèse de l' « hallucination vraie », qu'admettrait LEIBNIZ, Et pourtant, qu'on y réfléchisse, la seule façon de sauver la réalité, l'antériorité logique et transcendantale de la forme pure du temps., ce serait d'admettre pleinement l'antériorité transcendantale du subjectif par rapport à l'objectif, de l'imaginatif et de l'imaginaire par rapport à l'entendement et au « réel », bref d'admettre la thèse de l'hallucination vraie. En réalité, KANT a professé, sans arriver à les concilier, deux théories différentes du temps et de l'objectivité. La preuve évidente en est qu'il admet pour l'objectivité, deux critères distincts, en soi suffisants: la spatialité (réfutation de l'Idéalisme) et la causalité {deuxième analogie et troisième antinomie). C. - La théorie de l'indétermination de la matière (par rapport au jugement subsumant) qui est en définitive celle
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à laquelle s'arrête KANT dans la Critique du Jugement, est
parfaitement en accord avec le formalisme de la philosophie morale. Grâce à cette indétermination de la matière à l'intérieur d'un déterminisme formel, pourra se concevoir aisément une action efficace de la liberté sur la nature. La nature comme simple loi universelle subsiste dans la République des fins. Ce qui se transforme, ce sont les éléments sur lesquels porte la loi. Dans les consciences, le subi devient le voulu, dans l'univers la rationalité de la forme pénètre complètement la matière. Dans les deux cas la liberté est l'agent. L'opposition réelle de la matiêre et de la forme apporte l'hiatus, le jeu nécessaire à la liberté. Grâce à lui la liberté peut réaliser par elle-même c'est-à-dire indépendamment de la loi, cette loi elle-même, en s'y conformant de par sa seule initiative. C'est par là que l'esprit du kantisme s'oppose à celui du spinozisme. Pour SPINOZA également, sous l'empire de l'action causale le subi se transforme en voulu, l'irrationnalité apparente s'évanouit devant la raison, mais c'est en vertu de la seule nécessité de la loi, de la norme, sans qu'une liberté xtn'Éoy,~v prenne l'initiative, et se pose comme principe distinct. Aucun jeu, aucun hiatus réel entre une matière et une forme ne peut laisser place à une liberté, et toutes ces illusions se dissipent avec la connaissance imaginative. Mais remarquons-le, c'est précisém{lnt parce qu'un tel hiatus n'existe pas chez SPINozA, qu'en revanche devient possible la détermination a priori du système total des rapports entre les choses singulières, c'est-à-dire pour opérer la transposition dans le mode kantien, la détermination précise des analogies particulières. Or cette détermination seule peut, comme nous le montre MAiMON, réfuter HuME, c'est-à-dire la prétention de la connaissance du premier genre. En s'élevant de la loi universelle de cause à la détermination a priori du système des causes, par la déterminabilité et la différentielle, MAIMON tente donc bien, comme il le prétend, une réfutation de HuME où se concilieraient SPINOZA et KANT. Mais son antidogmatisme qui l'empêche de rejoindre SPINOZA, le laisse finalement retomber à HUME. La solution de MAiMON retrouve d'ailleurs sous une autre forme les difficultés de la solution kantienne. En effet si le dynamisme intellectuel qui est au fond du monde empirique suppose un entendement infini, il n'a guère de sens à l'égard de celui-ci où tout est éternité
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et actualité ; il ne doit valoir que pour l'entendement fini. Pour lever cette objection, MAiMON pourra déclarer que l'entendement infini n'a pas de réalité en soi, mais est envisagé comme une simple fiction destinée à rendre claire notre conscience finie. Bref le concept d'entendement infini n'est posé que pour les besoins. d'une conscience finie qui cherche à s'expliquer à elle-même ce qu'elle est. De même chez KANT, la téléologie prêtée à l'entendement infini est exclue par le concept de cet entendement considéré en soi, et n'est posée qu'en vertu des besoins de notre entendement fini, dont elle constitue un caractère spécifique ( Eigentümlich ). C'est pourquoi KANT n'y voit qu'une Idée problématique, capable seulement de régler l'exercice de notre pensée en vue du plus complet achèvement possible de la connaissance. MAiMON est plus radical, puisque cette Idée n'est pour lui qu'une fiction; sa réalité n'est même pas problématique. Peu importe, par conséquent, ce que sa notion métaphysique peut présenter de contradictoire, l'essentiel, c'est qu'elle nous fournisse une méthode d'explication (1). Tel est le cas des difTérentielles, qui non seulement n'expriment pas dans la conscience des réalités extérieures à elle (monades), mais n'ont pas, comme moments de celle-ci, une réalité distincte. Elles ne sont qu'une méthode, et n'ont de valeur que dans la mesure où elles expliquent ce qu'il s'agit d'expliquer - tout comme la méthode de CAVALIERI et de WALLIS. Si parfois MAiMON peut traiter la différentielle comme un élément, comme un point physique, et lui attribuer comme terme particulier, une signification propre déterminée, indépendante du quotient qu'elle conditionne, c'est accidentellement; au fur et à mesure que le motif huméen ira en s'intensifiant, le caractère fictif de cette notion ira en s'accusant.
REMARQUE No 3 (Cf. p. 114) Ainsi que le montre ultérieurement la déduction des catégories, cette solution du problème de la simultanéité - identique à celui de la causalité - est plus apparente que réelle. Tout d'abord, il faut éviter de confondre deux simultanéités (1) MAiMoN : Uber die Progressen des Philosophie, p. 29-30.
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distinctes celle de la substance et de l'accident, et celle des accidents eux-mêmes qui n'est en réalité qu'une simultanéité de substances. La simultanéité de la substance et de l'accicent ne peut-être posée que par Ja succession des accidents qui rend possible la distinction de la substance et de l'accident. L'accident en effet étant donné en même temps que la substance ne se distinguerait pas d'elle, sans le changement de l'accident: Le changement de l'accident n'est lui-même possible que par l'identité permanente qui est unité des différences : le déterminable, l'espace. Celui-ci ne peut apparaitre comme substance que dans des intuitions différentes où la substance est liée à des déterminations différentes (par ex. triangle rectangle, isocèle, scalène, etc.). Et cela vaut tant pour la matière que pour la forme. L'espace n'est lui-même que l'expression de l'identité des déterminations matérielles, liées par la continuité, non par un suppôt hors des accidents ; mais l'identité qui est en eux est unité de la différence. Si l'on concevait la substance des phénomènes comme hors des phénomènes, on ne pourrait la concevoir comme simultanée par rapport à chacun des accidents successifs, car les rapports de temps qui concernent les phénomènes ne sauraient s'appliquer à la substance hors des phénomènes ; ou encore - en langage intellectualiste, les rapports entre les accidents que conditionne la notion de substance ne sauraient valoir pour caractériser le rapport entre l'accident et la substance, sàns quoi il faudrait une autre substance, etc. Mais si l'on conçoit, à la façon de KANT, la substance du phénomène comme n'étant pas la chose en soi, mais le permanent spatial, on peut concevoir la simultanéité entre l'accident et la' substance en l'exprimant conformément au rapport de l'espace et du temps (comme concepts), c'est-à-dire comme simple négation du rapport temporel, par la position de l'espace. Ainsi s'explique ce passage des Streifereien : « Une substance avec ses accidents déterminés chaque fois ne peut pas être représentée dans une succession temporelle, mais comme « l'un hors de l'autre » ; le sujet et le prédicat sont en même temps. La substance comme telle, en soi, ne peut pas être représentée l'un hors de l'autre, mais dans une succession temporelle (elle dure). De même que la succession temporelle est la condition de possibilité d'un jugement analytique sur la différence, de même la durée est la condition d'un jugement analytique
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tmr l'identité ; la simultanéité est la condition de possibilité d'un jugement synthétique et ces trois jugements s'unissent dans le concept de substance. La substance est pensée comme sujet et les accidents qui la déterminent chaque fois sont pensés comme prédicats d'un jugement synthétique. Les accidents qui changent les uns par rapport aux autres sont pensés comme différents les uns des autres, mais le substantiel est pensé comme identique à lui-même (en des temps différents). La succession temporelle peut être pensée comme objet, sans durée, mais la durée ne peut l'être sans succession temporelle ; en effet, le jugement • l'objet dure •, c'est-à-dire existe en des temps différents, suppose la succession temporelle. Le jugement analytique sur la différence repose donc sur le concept d'espace, le jugement analytique sur l'identité repose sur le concept de temps. Mais le jugement sur la simultanéité, qui implique à la fois l'espace et le temps, est un jugement synthétique qui implique l'intuition du temps et celle de l'espace (1). Le véritable jugement synthétique sur la simultanéité ne porte donc pas sur le rapport de l'accident à la substance, car la simultanéité, qui ici exclut radicalement le temps, n'est en réalité que le jugement analytique de différence, mais sur le rapport de divers accidents appartenant d des déterminables différents. Cette simultanéité est nécessaire pour rendre compte en nous de la distinction entre la succession objective et la succession subjective. Or en vertu du principe de dét.erminabilité, si les déterminations simultanées d'un même déterminable s'emboîtent les unes dans les autres (elles sont subordonnées: accident de l'accident, etc.) et incluses dans le déterminable, si les déterminations successives d'un même déterminable, quoique s'excluant les unes les autres, sont incluses dans le déterminable (de sorte que la continuité est assurée dans la succession des déterminations) ; en revanche les déterminations de d~terminables différents s'excluent réciproquement, comme s'excluent les déterminables euxmêmes. Les déterminations posées dans une substance, en vertu d'une autre substance, sont sans liaison logique avec les déterminations propres à la première substance. Ainsi, la chaleur est sans liaison logique avec les déterminations propres à la pierre, il est donc nécessaire de recourir au déterminable (1) Strei{ereien, p. 264-265.
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feu qui doit être pensé comme son fondement logique : le feu échauffe la pierre; Mais alors se pose la question du rapport possible entre des déterminables différents, car on ne peut concevoir qu'une substance reçoive d'une autre substance une détermination qui lui est radicalement hétérogène. Cette hétérogénéité avait conduit LEIBNIZ à l'autonomie de la monade, HuME au scepticisme, KANT au problème des jugements synthétiques. Cette hétérogénéité rend inconcevable la simultanéité du corps et de l'âme. LEIBNiz s'était tiré de la difficulté par le système de la monadologie, la continuité des substances et leur communication interne. MAiMON prend un biais analogue. D'abord la simultanéité du corps et de l'âme n'a pas lieu dans l'espace; mais surtout, il faut supprimer l'hétérogénéité par laquelle on en fait deux déterminables irréductibles à un seul. C'est ce que fait MAiMON, lorsque réduisant le problème de commercio animi et corporis à celui du rapport de la matière a posteriori aux formes a priori, il ramène la matière a posteriori à des différentielles qui sont des Idées originaires de l'entendement. Il n'y a plus qu'un seul déterminable : la conscience, l'entendement infini (1). Mais alors on doit convenir que l'opposition de la succession objective et de la succession subjective est tout aussi illusoire que celle de la simultanéité objective et de de la simultanéité subjective. Il y a au fond une liaison de toutes les déterminations entre elles suivant la continuité dans une éternité mathématique ·où tout est ensemble sans doute, mais d'où sont bannis les rapports de temps proprement dits : simultanéité et succession. La projection de déterminables différents, au fondement des déterminations posées comme s~multanées dans l'intuition, vient d'une illusion nécessaire de la conscience finie. Et cette illusion, remarquons-le, ne concerne en rien le lien des déterminations, qui est rationnel et réel, mais seulement leur forme temporelle. (1) Tr. Phil., p. 135.
TABLE DES MATIÈRES
PA.GBS
L'esprit de la philosophie maïmonienne ...............................•
INTRODUCTION. -
Le problème des jugements synthétiques a priori .............•......... § 1. La fiction copernicienne de la Critique, p. 15. - § II. Les questions quid facli et quid juris relatives aux jugements synthétiques a priori. Insuffisance de la solution kantienne, p. 21. - § III. Esquisse d'une solution leibnitienne, p~ 30. - § IV Recherche d'une solution moyenne ni dogmatique, ni kantienne et pourtant transcendantale, p. 38. - § V Elimination des principes de contradiction et de détermination réciproque, p. 40. - § VI Le principe de déterminabilité, p. 41. - § VII Conséquences du principe de déterminabilité, p. 44. § VIII Insuffisance du principe de déterminabilité mathématique ; le principe de difTérence, p. 49. - § IX Le principe de difTérence et la notion d'entendement infini, p. 54.
7-13
CHAPITRE PREMIER. -
II. - Entendement infini, différentielles. Déduction de la Ma ti ère . .........•••..... § 1 La théorie de la ditTérentielle de la conscience et la déduction de la matière, p. 59. - § II Le Moi et la conscience, p. 68. § III L'Entendement infini, p. 75.
15--57
C&.A.PITRE
-
59-86
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PHILOSOPHIE TRANSCENDANTALE PAGES
CHAPITRE III. - La déduction de l'Espace et du Temps ..............•.................•.
86-117
§ I Explication (Erurlerung) des concepts d'espace et de temps, p. 86. - § II Déduction de l'espace et du temps, p. 99.
CHAPITRE IV. -
La déduction des Catégories . ...
11 \J-146
§ I La déduction des catégories, p. 119. § II La réponse maïmonienne aux questions quid juris et quid facti, p. 130.- §III MAIMON et FICHTE, p. 141.
CoNCLUSION. - Les conséquences de la philosophie maïmonienne au point de vue de la philosophie pratique . ....................... .
147-155
APPENDICE.- (Remarque 1, p. 157-159.- Remarque 2, p. 160-171.- Remarque 3, 171-174).
157-175
p.
ERRATA P. 8, note 1 (et p. 23, etc.), lire : Transzendenlal. 11, 1. 21, lire : la W issenschaflslehre. 21, 1. 1 de la note, lire : E. Kuntze, Die Philosophie S. MaJmons (Heidelberg 1912). 23, 1. 22 de la note, lire : BerichUgung. 26, 1. 29, lire : des concepts dynamiques. 44, 1. 2 de la note 1, lire : 1794. 4 7, 1. 33, lire : Realitiit. 52, 1. 9 de la note 1, lire : avec les axiomes. 59, 1. 8, lire : être. 62, 1. 27, lire : celles-ci, inclus en quelque sorte, etc. 66, note 2, lire : MAiMoN, Tr. Phil., p. 201-203, etc. 74, note I, 1. 2, lire : et plus rapprochée de la W. L. 85, 1. 1, lire : • Quantitalsfahigkeit ». 103, 1. 27, lire : (2). 105, 1. 4 de la note 1, lire : Maurer. 123, 1. 21, lire : La cause et l'effet ne se rapportent pas, etc. 131, 1. 11 de la note 1, lire : faktisch. 135, note 2, lire : Leibniz, Werke (Erdm.), p. 83 ; Specimen inventorum (Ger., VII), p. 309.- S. Maïmon, Tr. Phil., pp. 77-79, 374-376. 136, 1. 4 de la note, lire : 78 sq., 121 sq. etc. ; unvernilnflig; part. 137, 1. 4 de la note, lire : MENDELSSOHN. 142, 1. 2, lire : tentée. 163, 1. 21, lire : considère. - Ligne 30, lire : justifiée. 168, 1. 33 : lire : puis. 169, 1. 6, lire : causalité. 173, 1. 18, lire : l'espace • (1 ).