Marche Nordique Et Santé (2020) [PDF]

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Marche nordique et santé

Chez le même éditeur Dans la même collection : Traumatologie en pratique sportive, par Y. Catonné, F. Khiami et F. Depiesse. 2021, 472 p. Suivi biologique du sportif, par G. Dine et P. Laure. 2018, 336 p. Nutrition du sportif, par X. Bigard et C.-Y. Guezennec. 2017, 3e édition, 304 p. Dopage - Comprendre et prévenir, par O. Coste, K. Noger, P. Liotard et A. Andrieu. 2017, 336 p. Les bases de la physiologie du sport - 64 concepts clés, par V. Kissouras, O. Kissouras et A. Kissouras, traduit par P. Jenoure. 2017, 208 p. Médecine de montagne - Alpinisme et sports de montagne, par J.-P. Richalet et J.-P. Herry. 2017, 5e édition, 384 p. Prescription des activités physiques - en prévention et en thérapeutique, par F. Depiesse et O. Coste. 2016, 2e édition, 544 p. Guide d’isocinétisme - L’évaluation isocinétique des concepts aux conditions sportives et pathologiques, par P. Edouard et F. Degache. 2016, 352 p. Musculation : épidémiologie et prévention des blessures, par I. Prothoy et S. Pelloux-Prayer. 2015, 264 p. Autres collections : Traumatologie du sport, par G. Danowski et J.-C. Chanussot. 2012, 8e édition, 592 p. Rééducation en traumatologie du sport. Membre supérieur. Muscles et tendons. Tome 1, par G. Danowski et J.-C. Chanussot. 2004, 630 p. Rééducation en traumatologie du sport. Membre inférieur et rachis. Tome 2, par G. Danowski et J.-C. Chanussot. 2004, 416 p.

Marche nordique et santé Frédéric Depiesse

Médecin du sport, spécialiste en médecine physique et réadaptation, Institut Mutualiste Montsouris – Paris et Clinalliance – Villliers-sur-Orge

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France Marche nordique et santé de Frédéric Depiesse. © 2021 Elsevier Masson SAS ISBN : 978-2-294-76791-3 e-ISBN : 978-2-294-77007-4 Tous droits réservés. Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature médicale et concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, différer des normes définies par les procédures d’AMM. De plus, les protocoles thérapeutiques pouvant évoluer dans le temps, il est recommandé au lecteur de se référer en cas de besoin aux notices des médicaments, aux publications les concernant et à l’Agence du médicament. L’auteur et l’éditeur ne sauraient être tenus pour responsables des prescriptions de chaque médecin. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).

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Table des matières L’auteur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii Remerciements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ix Préface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xi Abréviations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xiii Chapitre 1

Chapitre 2

Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1

La marche au fil des siècles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les enjeux de la marche au xxie siècle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2 3

Description, histoire et évolution de la marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Qu’est-ce que la marche ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Qu’est-ce que la marche nordique ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Origines et développement de la marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Modalités de pratique en France. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

Chapitre 3

Place de la marche et de la marche nordique dans nos vies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Constats. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Propositions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Chapitre 4

Acteurs du monde de la marche nordique et promotion de la santé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Structuration fédérale « Athlé Forme Santé » avec la marche nordique au sein de la Fédération française d’athlétisme. . . . . . . . . . . . 28 Autres acteurs de la pratique en marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Collectivités territoriales, fédérations sportives, réseaux sport-santé, monde de la santé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Acteurs institutionnels, financement et promotion des actions sport-santé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Monde de l’entreprise et marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 École et marche nordique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Médias et marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

Chapitre 5

Pratiques, techniques et conseils de spécialistes de marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Les différentes pratiques de marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Matériel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 Techniques de marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Où pratiquer la marche nordique ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 Comment pratiquer la marche nordique ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 Traumatologie : les problèmes causés par une pratique intense. . . . . 57

vi  Table des matières Existe-t-il des contre-indications médicales à la pratique de la marche nordique ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 Conseils de pratique pour les professionnels du sport et les entraîneurs bénévoles de marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 Erreurs d’entraînement du trio médecin–coach sportif–patient . . . . 67

Chapitre 6

La marche nordique au regard des connaissances scientifiques et médicales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 Effets cardiovasculaires, neurologiques et psychologiques. . . . . . . . . . 73 Aspects biomécaniques : comment marche-t-on avec des bâtons à la main ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 Pathologies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 Personnes avançant en âge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Femmes enceintes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 Intérêt de la marche nordique dans les pathologies du compétiteur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 Enfant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138

Chapitre 7

Précautions à prendre lors de la pratique de la marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 Règles de sécurité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148 Conditions environnementales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

Chapitre 8

Prescription médicale de la marche nordique. . . . . . . . . . . . 161 Cadre réglementaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162 Diffusion des connaissances sur le « sport-santé » et aide à la prescription . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 Modalités d’examen préalable et prescription de la marche nordique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 Comment se motiver ? Le choix de la pratique par counselling ou entretien motivationnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Outils connectés et marche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176

Chapitre 9

Conclusion et avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

Annexe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 Index. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185

L’auteur Frédéric Depiesse, passionné d’athlétisme, ancien coureur de 400 mètres, est médecin du sport depuis 1994, spécialiste en médecine physique et réadaptation, médecin des hôpitaux, ancien médecin du ministère chargé des Sports. Il est intervenu comme président de la commission médicale nationale au sein de sa fédération de cœur, la Fédération française d’athlétisme, de 2005 à 2019. Il y est licencié depuis 1992 comme médecin et depuis 1972 comme athlète. Aujourd’hui, il est, à titre bénévole, animateur de marche nordique. Il a entraîné jusqu’en 2020 le groupe de marche nordique du club d’athlétisme Aiglon du Lamentin en Martinique. Il a été plusieurs fois membre des commissions médicales internationale et européenne de son sport et de la commission médicale du Comité national olympique et sportif français. Il est membre de la Société française de médecine de l’exercice et du sport. Il a cofondé en Midi-Pyrénées efFORMip, le premier réseau « sport-santé » de France en 2004, avec le Pr D. Riviere du CHU de Toulouse et le soutien de l’État en région (DRJSCS et ARS). Il a cofondé la Société martiniquaise de médecine de l’exercice et du sport (SM2ES) avec ses collègues médecins du sport martiniquais en 2016. Il a développé, à partir de 2016, en tant que praticien hospitalier au CHU de Martinique dans le service de médecine physique et réadaptation, le projet de centre ressource « sport santé » en Martinique avec l’Institut martiniquais du sport (IMS), la Collectivité territoriale de Martinique et l’État. En 2020, il a aidé à la reconnaissance par le ministère chargé des Sports du label de maison « sport-santé » de l’IMS et il a participé au lancement de SportBoKay, un dispositif de télétransmission en direct de pratiques de sport et de conférences médico-sportives à domicile, initialement pour pallier les effets négatifs du confinement liés à la pandémie de COVID-19. Il a écrit et coordonné en 2009 chez Elsevier Masson un livre sur la prescription des activités physiques et sportives, réactualisé en 2015. Il est aussi conseiller éditorial pour les collections « Sport » et « Médecine des sports » chez Elsevier Masson.

Remerciements Depuis 26 ans, mon approche de la médecine du sport est centrée sur ses aspects compétitifs mais surtout préventifs. La découverte des courants de pensées et de pratiques des activités physiques ou sportives depuis le xixe  siècle, comme la pratique hygiéniste, m’a amené à transférer mes connaissances de médecin du sport « compétitif » vers la médecine de l’exercice et de l’homme en mouvement, surtout en direction des activités physiques ou sportives pour la santé. Ma connaissance du monde du sport de haut niveau s’est forgée auprès des sportifs qui m’ont fait confiance (en métropole comme en Martinique), de mes maîtres en médecine du sport, de mes collègues médecins et kinésithérapeutes des centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS) de Boulouris, de Toulouse, des fédérations sportives nationales et internationales où j’ai travaillé. J’ai appris énormément dans les bons et les mauvais moments avec mes collègues des commissions médicales nationales de l’athlétisme, du bobsleigh, du tennis, de l’athlétisme Handisport et en multisports avec le sport universitaire… J’ai côtoyé des dirigeants passionnés dans le monde des fédérations et dans l’athlétisme, en particulier B. Amsalem, ancien président de la Fédération française d’athlétisme (FFA) que je remercie de sa confiance et de son investissement dans l’Athlé-Santé, le Dr A. Calmat, président de la commission médicale du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), et des fonctionnaires du ministère chargé des Sports, que j’ai croisé dans ma carrière. Toutes ces rencontres m’ont permis d’aimer encore plus le sport et de grandir. Tout ce que j’ai appris comme médecin d’équipe nationale et de fédération m’est aujourd’hui très utile dans mon approche du « sport pour tous » et du « sport santé ». Initialement, ma formation et ma pratique de traumatologue et médecin du sport à l’hôpital m’ont ouvert les portes des fédérations, en retour, c’est en faisant la promotion et en prescrivant la mise à la pratique d’activités physiques pour les sédentaires et les malades chroniques au sein des fédérations que j’ai ramené à l’hôpital une pratique de prescription de l’activité physique, d’où mon intérêt croissant pour la marche nordique. Mon histoire avec la marche nordique est affective, elle m’a permis de reprendre le sport sans blessure, à une époque où je ne pouvais plus courir sans me blesser. J’ai ainsi pu me tenir en forme avec mon groupe d’entraînement de marche nordique si sympathique à l’Aiglon du Lamentin en Martinique. J’ai pu reprendre la course sans délaisser la marche nordique si complémentaires. J’ai participé à la formation de tous les coachs Athlé Santé (CAS) de la FFA depuis 2006, ils m’ont énormément appris sur la marche nordique pour la santé. Que toutes ces femmes et ces

x Remerciements hommes qui se reconnaîtront soient ici remerciés de nos échanges qui furent toujours enrichissants pour moi, au regard de nos diversités d’expériences et de métiers. Un remerciement spécial pour Arja Jalkanen-Meyer que j’ai connue grâce au projet des CAS de la FFA qui a introduit en pionnière la marche nordique en France, elle m’a permis d’écrire la partie santé de son livre Marche nordique – Tout le nordic walking du débutant au confirmé (éditions Nuumik, 2013), et elle m’a autorisé à utiliser pour rédiger cet ouvrage certains de ses écrits sur l’histoire et la technique de la marche nordique. Elle continue désormais loin de la FFA son aventure dans l’exploration des « marches nordiques » : je lui souhaite bonne marche et recommande vivement la lecture de son dernier livre Marche Nordique tous les conseils pour se lancer et progresser (éditions Solar, 2019). Je remercie aussi particulièrement le Pr M. Prevost de la faculté de médecine du Limoges et vice-présidente de la FFA en charge de l’Athlé Forme Santé pour toutes ces années de partage et d’échange sur notre sujet commun de passion « l’athlétisme et l’Athlé Santé ». Je remercie le Dr J.-M. Serra ancien directeur médical de la FFA pour sa participation à une ancienne version non aboutie de ce livre. Je n’oublie pas mon père, qui est mon relecteur principal à chaque livre que je commets. J’ai pu te faire connaître la marche nordique que tu pratiques aujourd’hui, toi, tu m’as fait aimer le sport et je n’oublie pas que je te dois ainsi qu’à maman la belle vie que j’ai aujourd’hui. Il y aura encore des livres à relire…

Préface Lorsque le docteur Frédéric Depiesse m’a demandé de réaliser la préface de ce très bel et utile ouvrage, il m’est revenu en mémoire cette journée, par ailleurs bien humide, d’août 2005 à Helsinki, capitale de la Finlande. En tant que président de la Fédération française d’athlétisme (FFA), j’étais venu assister aux championnats du monde et je m’étais octroyé une petite marche dans la ville, ma routine pour rester en forme ! En plein centre-ville, j’ai alors vu une étrange procession de dizaines de marcheurs en groupes, habillés comme nos athlètes de running, mais qui marchaient d’un très bon pas en direction des nombreux parcs de la ville. Ils usaient de bâtons pour se propulser et garder une posture qui me semblait très efficace. Les représentants finlandais qui m’accompagnaient me donnèrent alors l’explication sur cette pratique courante dans le pays : le nordic walking… – en français « marche nordique » – évidemment. En revenant en France, totalement séduit par cette discipline, pratiquée de manière exemplaire en Finlande par les plus hautes autorités de l’État, j’ai alors demandé une analyse de la situation sur les opportunités que cette discipline pouvait représenter, et sur le nombre de personnes que nous pouvions toucher pour contribuer à leur bien-être individuel. Nous avons ainsi lancé de nombreuses actions pour faire connaître et structurer la pratique sur le territoire national, à la fois en interne, en direction de nos clubs, et auprès du plus grand nombre, en organisant des événements impactant en partenariat avec les collectivités locales. Nous nous sommes appuyés sur de grandes expertises, comme celle, ô combien précieuse, de la pionnière Arja Jalkanen-Meyer, et avons développé des passerelles très innovantes pour l’époque entre les cadres techniques d’État, chargés de la performance et de la formation, la commission médicale de la FFA, sous la présidence du docteur Depiesse, et tous les bénévoles impliqués dans les clubs fédéraux. Le ministère de la Santé, à travers le bureau des maladies chroniques et de sa chef de service, le docteur Carole Cretin, a été le premier, en 2006, à nous faire confiance et à comprendre les enjeux de santé publique de cette pratique pour lutter notamment contre les maladies respiratoires, l’obésité, la sédentarité ou encore pour diminuer les récidives liées au cancer et aux accidents cardiaques. Nous avons ainsi créé le corps des coachs Athlé Santé, entraîneurs professionnels, dédiés, au sein des clubs de la FFA, aussi bien à l’amélioration de la santé des malades qu’aux démarches préventives. En ce sens, nous avons anticipé l’obtention de la délégation du ministère des Sports pour cette discipline, que nous avons finalement reçue en 2009.

xii Préface Depuis 11 ans, la FFA est donc chargée de la promotion, de la formation, de l’encadrement de cette activité et de l’écriture de la réglementation de la marche nordique en compétition. Grâce à ces actions, la marche nordique a déjà séduit plus de 25 000 personnes, pratiquant dans des clubs d’athlétisme partout en France. Je remercie vivement le docteur Depiesse pour son engagement sans faille au service de cette pratique de la marche nordique, dont le développement en France restera pour son impact social et de santé publique ma plus grande fierté d’ancien président de la FFA. Nous partageons, cher Frédéric, le même engagement pour toujours tenter d’améliorer la santé de nos concitoyens et leur donner des outils leur permettant de lutter contre le plus grand fléau de notre époque moderne : la sédentarité et son cortège de pathologies morbides. Les ravages de la Covid-19 dans le monde doivent en particulier nous pousser à faire toujours plus pour que ces pratiques de sport bien-être, telle la marche nordique, puissent être accessibles au plus grand nombre. C’est un enjeu majeur des sociétés modernes. Cet ouvrage y apporte une réelle contribution que je veux ici saluer. Bonne lecture à toutes et à tous ! Bernard Amsalem Ancien président de la FFA (2000–2016)

Abréviations 10mWT 10 meter walk test AIAA aromatase inhibitor-associated arthralgia ALD affection de longue durée ALS animateur de loisir sportif ANWA American Nordic Walk Association APA activité physique adaptée APS activité physique ou sportive APT activité physique pour tous ARPO activité de randonnées, de proximité et d’orientation ATP adénosine triphosphate AVC accident vasculaire cérébral BBS Berg balance scale BDI Beck depression inventory BEES brevet d’État d’éducateur sportif BPCO bronchopneumopathie chronique obstructive BPJEPS brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport BS back scratch CACI certificat d’absence de contre-indication CAS coachs Athlé Santé CIDI composite international diagnostic interview CMAP conseil minimal d’activités physiques CNOSF Comité national olympique et sportif français CQP certificat de qualification professionnelle DE dépense énergétique DEJEPS diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport DESJEPS diplôme d’État supérieur de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport DEXA dual energy X-ray absorptiometry DMO densité minérale osseuse DT2 diabète de type 2 EDSS expanded disability status scale EHPAD établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes EPS éducation physique et sportive ES éducateur sportif ETAPS éducateur territorial des activités physiques et sportives ETP éducation thérapeutique du patient

xiv Abréviations EVA échelle visuelle analogique FC fréquence cardiaque FFA Fédération française d’athlétisme FFAIR Fédération française des associations & amicales de malades, ­insuffisants ou handicapés respiratoires FFP Fédération française de pneumologie FITT frequency intensity time type GGT gamma-glutamyl transférase GPAQ global physical activity questionnaire HADS hospital anxiety and depression scale HAS Haute Autorité de santé HbA1c hémoglobine glyquée HDL high density lipoprotein HR hazard ratio HTA hypertension artérielle HTAR hypertension artérielle résistante IC intervalle de confiance IG index glycémique IMC indice de masse corporelle INCa Institut national du cancer INJEP Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire Inserm Institut national de la santé et de la recherche médicale INWA International Nordic Walk Association IRM imagerie par résonance magnétique IRMES Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport LDL low density lipoprotein MET metabolic equivalent of task MNT Marche Nordique Tour OMS Organisation mondiale de la santé PANDA Parkinson neuropsychometric dementia assessment PDQ-39 39-item Parkinson’s Disease Quotation PMA puissance maximale aérobie PNNS Programme national nutrition santé PSA pression sanguine artérielle QAAP questionnaire sur l’aptitude à l’activité physique RCV réadaptation cardiovasculaire REE réentraînement à l’effort RFR restauration fonctionnelle du rachis SEP sclérose en plaques SF-36 36-item short form survey SFMES Société française de médecine de l’exercice et du sport

Abréviations xv STAPS sciences et techniques des activités physiques et sportives STS sit-to-stand TC cholestérol total TG triglycérides TM6 test de marche de 6 minutes TMS troubles musculosquelettiques TUG timed up and go UPDRS unified Parkinson disease rating scale VO2max débit de consommation maximale d’oxygène WBGT wet bulb globe temperature WHOQL World Health Organization Quality of Life scale

CHAPITRE

1

Introduction PLAN DU CHAPITRE ■■ La marche au fil des siècles ■■ Les enjeux de la marche au xxie siècle

yy Lutter contre l’inactivité physique et la sédentarité yy Lutter contre l’obésité : une des principales pathologies en lien avec le manque d’activité physique yy Promouvoir le sport-santé

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2

Marche nordique et santé

La marche nordique, dont nous allons étudier les liens avec la santé, est une superbe activité qui est une des expressions modernes de la marche, ce geste le plus simple et le plus naturel depuis notre passage à la bipédie.

La marche au fil des siècles La marche est mentionnée dans de nombreux textes anciens. «  Lève-toi et marche » (Luc 5, 23) n’est pas qu’une parole biblique révélant le miracle, elle évoque également ce mouvement comme signe de bonne santé. Les philosophes et sociologues ont ainsi bien décrit l’aspect vital de la marche. « La marche est souvent guérison », dit Le Breton [1] pour qui elle est, sur le plan psychique, synonyme d’évasion et de stimulation de l’imagination. Les effets de la marche sur les performances cognitives du cerveau, mais aussi sur les pathologies dépressives comme thérapeutiques, ont bien été montrés par les neurosciences et nous verrons l’intérêt de la marche nordique à cet égard. Pour Picq, « les pieds et le cerveau sont indissociables », ajoutant que « c’est avec la marche que la pensée prend forme »  [2]. Socrate, Kant ou encore Serres en témoignent également [3]. En 1851, Thoreau décrit la marche « comme un chemin spirituel, un exercice salutaire et libérateur » pour affirmer sa liberté d’homme, fuir les villes et les clôtures et mieux penser le monde [4]. Déjà à l’Antiquité, les philosophes péripatéticiens (du grec peripatetikos  : «  qui aime se promener »), dont leur chef de file est Aristote, apprécient réfléchir et discuter entre eux en marchant. Remarque Actuellement, des réunions en marchant en équipe sont pratiquées dans certaines entreprises. On pourrait aussi suggérer aux médecins devant faire un entretien motivationnel préalable à la prescription d’activités physiques ou aux psychiatres de proposer à leurs patients des consultations marchées, par exemple dans un jardin public.

Galien (130–199 apr. J.-C.) place l’usage de mouvements physiques dont la marche comme faisant partie des exercices physiques qu’il juge bénéfiques pour la santé [5]. Médecin des gladiateurs à Pergame, Galien décrit la différence qu’il fait sur le plan du bénéfice en termes de santé entre la gymnastique (pratique répandue dans les classes sociales élevées dont l’hygiène par le mouvement faisait partie) et l’art de l’entraînement des gladiateurs. Galien rejette avec force les efforts violents de ces derniers qui « se fatiguent chaque jour avec excès aux exercices » et souhaite que ce soit le médecin qui indique quels sont les exercices les plus appropriés pour un individu donné. Fidèle aux idées d’Hippocrate (460–377 av. J.-C.), dont il s’affirme le disciple, et à l’aphorisme bien connu du poète Juvenal (65–128 apr. J.-C.), reprise ensuite par Rabelais (1494–1553) et Montaigne (1533–1592), « mens sana in corpore sano » («  un esprit sain dans un corps sain »), Galien inclut donc la promotion de la « gymnastique » dans le champ de la médecine préventive et curative [6].

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Galien est finalement très moderne et l’on ne peut qu’être d’accord avec son analyse sur la différence entre les mouvements pour la santé et ceux pour la compétition. Faire se rejoindre médecine et sport, comme le propose Galien, renforce la légitimité du médecin du xxie siècle « préventologue et curatologue » à inciter sa patientèle à bouger. Cette approche moderne est le fruit de l’évolution des activités physiques comme la marche à but de santé : ainsi, au xixe siècle, se développe une vision hygiéniste de la marche avec des finalités militaires, tandis qu’au xxie siècle, la marche devient plus utilitariste pour répondre à la pandémie de sédentarité. Le sociologue Le Breton formule très bien cette évolution : « Le statut du marcheur a changé. (…) La marche s’impose comme activité de loisir. L’imaginaire contemporain se réfère plutôt à l’idée de disponibilité et à la nécessité d’entretenir son corps. » [7] On sent qu’il regrette cette évolution moderne utilitariste, voire hygiéniste de notre approche de la marche, qui d’ailleurs n’est pas si moderne si on se réfère aux travaux des médecins grecs de l’Antiquité. Pour lui, la stimulation de l’imaginaire, le retour sur soi, le voyage et la découverte sont essentiels dans la marche, il précise que « marcher sur un tapis roulant inlassablement est un exorcisme de la marche et une manière utilitaire de se dépenser sans avoir à se confronter au risque de la rencontre ou de découvrir des paysages de toute beauté » [7]. Mais finalement, ces deux approches de la marche s’opposent-elles vraiment  ? Devant l’urgence sanitaire de la pandémie de sédentarité, la vision hygiéniste de la marche est importante, pour autant elle n’empêche pas la marche « découverte », introspective, altruiste, avec son incroyable pouvoir de liberté, de découverte de paysages magnifiques, de rencontre de nous-même, et parfois d’autrui au hasard des chemins, au cours des kilomètres parcourus.

Les enjeux de la marche au xxie siècle Lutter contre l’inactivité physique et la sédentarité Marcher redressé sur nos deux membres inférieurs est donc bien ce geste naturel inscrit dans notre ontogenèse et notre phylogenèse. Pour Homo sapiens et ses prédécesseurs ou cousins comme Homo neanderthalis, la marche est le mode de déplacement adopté depuis le passage à la bipédie. Picq en parle comme une fonction corporelle essentielle au même titre que la procréation ou l’alimentation [2]. De Baecque la décrit comme une activité constitutive de l’être humain [8]. Or, depuis le xixe siècle, la marche pour vivre et survivre étant de moins en moins nécessaire, elle tend à disparaître progressivement. Picq le résume ainsi  : «  La longue marche de l’homme s’est arrêtée avec l’apparition de l’agriculture et de la sédentarité avec ses maladies associées. » Pour lui, « le geste de la marche est menacé d’oubli » [2].

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Remarque Des études et le retour d’expérience de professeurs d’éducation physique et sportive montrent que les enfants occidentaux ont, à ce jour, une capacité aérobie inférieure d’environ 25 % à celle des enfants au XXe siècle.

Comprendre les concepts d’inactivité physique et de sédentarité et leurs impacts permet de voir l’intérêt de la marche nordique pour les humains du xxie siècle. L’inactivité physique est définie comme un niveau insuffisant d’activité physique d’intensité modérée à élevée (voir encadré Conseil ci-après), c’est-à-dire un niveau inférieur à un seuil d’activité physique recommandé par les sociétés savantes et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’inactivité physique, facteur de risque indépendant de la sédentarité, est considérée désormais comme la première cause de mortalité évitable, devant le tabagisme. L’inactivité physique serait responsable d’environ 10 % de la mortalité totale en Europe et de 6 à 9 % de la mortalité dans le monde ; par ailleurs, 6 % des maladies coronariennes, 7 % des diabètes de type 2, 10 % des cancers du sein, 10 % des cancers du côlon et 9 % des morts prématurées seraient attribuables au seul fait d’être physiquement inactif [9]. La sédentarité est définie par une situation d’éveil caractérisée par une faible dépense énergétique en position assise ou allongée ( 40 kg/m2, étaient en 2016 de 2 % des femmes (1,3 % en 2006) et 1 % des hommes (0,7 % en 2006) ; elles sont trois à six fois plus nombreuses aux États-Unis. Le taux d’obésité des enfants et des adolescents (entre 2 et 19 ans) est de 18 % aux États-Unis. Il est d’à peine 3 % chez les jeunes âgés de 3 à 17 ans en France (2,8 % dans l’enquête INCA 2). On note enfin 20 % de surpoids chez les jeunes Américains et 14 % chez les jeunes Français. Aux États-Unis, les garçons ont une tendance à l’excès de poids légèrement supérieure à celle des filles. En France, c’est l’inverseb. aHales CM, Fryar CD, Carroll MD, Freedman DS, Ogden CL. Trends in obesity and severe obesity prevalence in US youth and adults by sex and age, 2007-2008 to 2015-2016. JAMA 2018 ; 319(16) : 1723-5. bFlegal KM, Carroll MD, Ogden CL, Curtin LR. Prevalence and trends in obesity among US adults, 1999-2008. JAMA 2010 ; 303(3) : 235-49.

Promouvoir le sport-santé Définition Selon le Code du sport, le sport-santé recouvre la pratique d’activités physiques ou sportives (APS) qui contribuent au bien-être et à la santé du pratiquant conformément aux recommandations de l’OMS pour laquelle «  la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Il concerne à la fois les sédentaires débutant les APS et les malades chroniques devant bouger pour leur santé. Il se réalise seul en autonomie (il diffère de l’activité physique domestique ou professionnelle – comme aller au travail à pied, faire ses courses à pied, jardiner… – et la complète) ou en club. On parle alors d’activité physique de loisir et il s’oppose au sport intensif et/ou de compétition [17].

L’évolution du sport de compétition et de loisir a façonné une médecine à deux visages à la fois préventive (sport-santé, sport pour tous) et curative (voire parfois d’optimisation déviante de la performance). L’aspect « sport-santé » utilitariste est pratiqué aujourd’hui surtout en loisir dans de nombreuses fédérations sportives, certaines étant même spécialisées dans cette approche de l’effort  : Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire (FFEPGV), Sport pour tous (ex-EPMM), Fédération française de la randonnée pédestre, Fédération

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française de cyclotourisme… Elles proposent toutes une offre de marche active ou de marche nordique dans leurs activités (hormis bien sûr le cyclotourisme). On constate que la médecine du sport a quelque peu négligé le sport-santé jusqu’au début des années 2000 [17]. L’intérêt qu’il suscite depuis n’est que justice et urgence. En effet, il est bien temps de réhabiliter la médecine de l’homme en mouvement et la santé par l’exercice, comme le proposent Perié, Commandre et Barrault [18] pour qui le sport-santé doit relever de la santé publique. En santé publique et en éducation à la santé en direction du grand public sédentaire sans pathologie, on nomme le fait de recommander de bouger par la pratique des APS comme étant de la prévention primaire. Selon les recommandations pour lutter contre la sédentarité, il ne faut pas rester assis plus de 2 h d’affilée sans bouger et plus de 7 h par jour à son bureau ou devant des écrans (ordinateur, TV). Pour lutter contre l’inactivité, il faut au moins marcher rapidement 30 min par jour, 5 fois par semaine (rapidement veut dire à la limite de l’essoufflement ; en effet, savoir augmenter l’intensité est aussi un facteur de bienfaits). Dès les années 2000, il est devenu évident qu’il fallait promouvoir la marche en direction des publics spécifiques comme les porteurs de pathologies chroniques, dans ce que l’on nomme la prévention secondaire et tertiaire. On parle ainsi d’activités physiques adaptées (APA) dont fait partie la marche comme outil de thérapeutique non médicamenteuse [17]. La peur de faire bouger les malades a diminué chez les médecins depuis une vingtaine d’années et la prescription de la marche comme outil de thérapeutique non médicamenteuse s’est imposée. À coup sûr, la marche nordique va être un formidable outil pour tous les programmes de recherche à venir portant sur les activités physiques et la santé. Avant de se lancer dans un projet d’activité physique, une prise en charge individualisée permettant d’adapter l’activité aux capacités du patient est le meilleur moyen pour l’aider à progresser, à ce qu’il se fasse plaisir et à retirer des bénéfices pour sa santé en pratiquant quel que soit son niveau. Ce livre qui recueille les données scientifiques du moment, doit permettre aux professionnels de s’approprier la marche nordique. Ainsi s’ouvre un nouveau champ de la promotion de la santé par les APS, notamment grâce au mouvement actuel de diffusion des bonnes pratiques et recommandations d’activités physiques au sein des fédérations et dans le grand public. La Fédération française d’athlétisme (FFA) est en pointe dans le développement du « sport-santé », en particulier avec la promotion du running et de la marche nordique. Ainsi, elle a collaboré à la rédaction de l’ouvrage Médicosport-santé du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) piloté par le Dr A. Calmat et consultable sur le site Internet du Vidal. L’intérêt de la FFA pour la marche nordique, depuis 2005, témoigne des changements en cours. La marche nordique est l’outil pour faire bouger les sédentaires en toute sécurité, avec plaisir, simplement,

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sans risque, en jouant, avec un coût financier minimal et une large accessibilité. La FFA et les coachs Athlé Santé (CAS) s’en sont emparés rapidement (dès 2006) après son arrivée en France au début des années 2000. Coach Athlé Santé Un métier nouveau a vu le jour au sein de la FFA, celui de coach Athlé Santé (CAS), afin de promouvoir la pratique de bien-être et de santé par les APS. Les CAS sont des éducateurs sportifs salariés temps plein au sein d’un club d’athlétisme.

Ils proposent ainsi une pratique de la marche nordique allant de la marche de plein air de loisir aux compétitions, à la demande des pratiquants. Et les CAS font la synthèse du sport de compétition et du sport-santé, afin de faire profiter aux pratiquants de sports de loisir des vertus de la pratique sportive compétitive, et, inversement, de faire découvrir aux compétiteurs les bienfaits du sport de loisir. Dispositif de santé efFORMip Avec D. Rivière, ancien chef du service de médecine du sport du CHU de Toulouse, et son équipe nous avons créé en 2004 efFORMip en Midi-Pyrénées. Cette association a pour objectif de lutter contre la sédentarité des porteurs de pathologies chroniques en utilisant les APS et en rapprochant le monde du sport et celui de la santé. Le rôle des éducateurs sportifs et des clubs sportifs associatifs a été capital pour la mise à l’activité de nos patients et surtout leur maintien dans l’activité. Très rapidement, les encadrants utilisant la marche nordique ont été plébiscités par les patients et par l’équipe d’efFORMip.

En effet, il n’est pas nécessaire d’opposer systématiquement « sport de compétition » et « sport-santé », ni les termes « sport » et « activités physiques adaptées (APA) ». Il y a un continuum dans les deux directions : un compétiteur peut devenir un pratiquant d’APA après sa carrière et un sédentaire malade de cancer peut devenir un compétiteur engagé après avoir fait une APA de réadaptation. Toutefois, la tendance actuelle est de différencier à outrance ces deux pratiques pour des raisons diverses (reconnaissance universitaire, création de filière, défense corporatiste, etc.). Une complémentarité et un partage respectueux et intelligent des investissements sur les plans financiers, de recherche, des projets de terrain entre les différents acteurs (professionnels de santé, enseignants APA, éducateurs sportifs, animateurs bénévoles fédéraux…) seraient plus judicieux. La tâche de mettre la France « en mouvement », comme nous y invite le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’été de 2024, est immense et tous les acteurs doivent collaborer.

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L’accélération des pandémies (obésité, diabète, COVID-19, etc.) au xxie siècle est un autre élément de prise de conscience et donc toutes les énergies doivent être mobilisées pour faire bouger nos concitoyens. Sur le plan économique, les freins au développement du sport-santé sont principalement financiers. Quelques assurances santé, l’État et les collectivités financent un peu le sport-santé, mais on est encore dans un système balbutiant et de saupoudrage qui n’aide pas à la tranquillité de vie des acteurs et au développement des prises en charge. Par exemple, le «  sport sur ordonnance pour les patients en affection longue durée » n’est pas remboursé par l’assurance maladie (sauf cas particuliers d’expérimentations comme à Nice avec le projet « As du cœur » d’Odile et Stéphane Diagana) malgré les preuves d’un bénéfice économique à moyen terme. Il est donc bien temps pour nous tous de réapprendre à marcher (comme on l’a fait durant notre petite enfance) et pour les professionnels du sport et de la santé de conseiller et de prescrire la marche. L’ajout des bâtons à une pratique de la marche peut permettre de réconcilier la vision hygiéniste, utilitariste et la vision de la marche « découverte » en étant utile en termes de santé physique, psychique et de plaisir. En outre, la marche nordique pratiquée en club ou en autonomie est peut-être l’outil qui manquait pour nous faire bouger ! Ce livre est une modeste contribution au retour de ce geste naturel qu’est la marche (encore mieux avec des bâtons) comme outil de santé. Les données sur la marche nordique Dans ce livre, les aspects de prescription et les données des publications scientifiques sur la marche nordique et la santé seront décrits. Toutefois, on sera d’emblée critique sur la littérature sachant que malheureusement la puissance des études reste limitée pour les raisons suivantes : nombre de participants inclus souvent faible, absence de groupes contrôles, peu de randomisations, pas de double aveugle, technique de marche nordique souvent différente d’un pays à l’autre. On notera également le faible nombre de publications scientifiques, dont les revues de la littérature, sur le sujet de la marche nordique. On parlera donc toujours en tendance, plus qu’en vérité scientifique. Cela dit, en tant que clinicien et entraîneur, je reste ouvert à la réalité empirique de terrain et aux témoignages positifs que les patients et usagers de marche nordique, toujours plus nombreux, rapportent au quotidien, dans les revues et sur les sites Internet dédiés à cette pratique.

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Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18]

Le Breton D. Éloge de la marche Métailié ; 2000. Picq P. La marche. Sauver le nomade qui est en nous Autrement ; 2015. Serres M. Marcher avec les philosophes. Philosophie Magazine 2018 hors série. Thoreau H D. De la marche Mille et Une Nuits ; 2003. Felsenheld E. Galien et la gymnastique : science sans conscience n’est que ruine du corps. Bulletin de l’Association Guillaume Budé 2009 ; 2 : 131‒45. Rieu M. La santé par le sport : une longue histoire médicale. La revue pour l’histoire du CNRS 2010 ; 26 : 30‒5. Le Breton D. Marcher. Éloge des chemins et de la lenteur Métailié ; 2012. De Baecque A. Une histoire de la marche Perrin ; 2016. Lee I, Shiroma E, Lobelo F, Puska P, Blair S, Katzmarzyk P. Effect of physical inactivity on major non-communicable diseases worldwide : an analysis of burden of disease and life expectancy. Lancet 2012 ; 380(9838) : 219‒29. Chau J, Grunseit A, Midthjell K, Holmen J, Holmen T, Bauman A, et al. Cross-sectional associations of total sitting and leisure screen time with cardiometabolic risk in adults. Results from the HUNT Study, Norway. J Sci Med Sport 2014 ; 17(1) : 78‒84. Chau J, Grunseit A, Chey T, Stamatakis E, Brown W, Matthews C, et al. Daily sitting time and allcause mortality : a meta-analysis. PLoS One 2013 ; 8(11) : e80000. Ekelund U, Tarp J, Steene-Johannessen J, Hansen BH, Jefferis B, Fagerland MW, et al. Dose-response associations between accelerometry measured physical activity and sedentary time and all cause mortality : systematic review and harmonised meta-analysis. BMJ 2019 ; 366 : l4570. Rezende LFM, Sá TH, Mielke GI, Viscondi JYK, Rey-López JP, Garcia LMT. All-cause mortality attributable to sitting time : analysis of 54 countries worldwide. Am J Prev Med 2016 ; 51(2) : 253‒63. Anses. Avis et rapports relatifs à l’« Actualisation des repères du PNNS : révisions des repères relatifs à l’activité physique et à la sédentarité ». 2016. OMS Europe. Stratégie sur l’activité physique pour la région européenne de l OMS ; 2016 -2025. Kohl 3rd HW, Craig CL, Lambert EV, Inoue S, Alkandari JR, Leetongin G, et al. The pandemic of physical inactivity : global action for public health. Lancet 2012 ; 380(9838) : 294‒305. Depiesse F, Coste O. Prescription des activités physiques pour la santé : de la prévention à la thérapeutique, 2e éd Issy-les-Moulineaux Elsevier Masson ; 2015. Perié H, Commandre F, Barrault D. La médecine de l’homme en mouvement Frison-Roche ; 2008.

CHAPITRE

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Description, histoire et évolution de la marche nordique PLAN DU CHAPITRE ■■ Qu’est-ce que la marche ? ■■ Qu’est-ce que la marche nordique ? ■■ Origines et développement de la marche nordique

yy La Finlande, berceau de la marche nordique yy La marche nordique en France ■■ Modalités de pratique en France

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Qu’est-ce que la marche ? La marche est l’activité physique la plus pratiquée au monde (en France, environ 29 % de la population se déclare marcheurs réguliers) et pour cause, il s’agit d’un geste naturel essentiel à notre survie et à notre vie. C’est aussi et surtout l’activité naturelle la plus simple et la plus accessible pour bouger en l’absence de trouble chez un sujet valide. Ce mouvement n’a vu son utilisation régresser que récemment, sous la pression des transports à moteur. La marche est considérée comme un mode de déplacement «  doux », non polluant, tout comme la bicyclette dont on peut souhaiter qu’elle prenne toute sa place dans les modes de transport de nos sociétés. Dans les études anglo-saxonnes sur les usages des transports « doux », le vélo est plus utilisé que la marche, à partir de 1 mile (1609 m). Sur le plan biomécanique, la marche classique est une activité locomotrice complexe qui dépend de nombreux paramètres : l’âge, la taille, la force et la puissance musculaire, la condition physique, la vitesse choisie, l’équilibre, les handicaps psycho-neuro-moteurs et les déficiences physiques. Le cycle de marche se définit entre les poses successives du même membre inférieur au sol, et comprend une phase d’appui avec l’attaque du pied au sol, qui se fait le plus souvent par le talon, puis une phase oscillante où le pied est en l’air. On considère habituellement que la phase d’appui est de 60 %, et la phase oscillante de 40 % ; il existe une phase de double appui de 20 % qui est caractéristique de la marche et qui disparaît à la course. La définition écologique, selon Morris, expert des questions sur la santé et l’activité physique, fait de la marche une activité aérobie, rythmique, dynamique et bonne pour la santé [1]. La marche fait appel à une multitude de muscles, ce qui lui confère de nombreux bénéfices et présente peu d’effets négatifs du fait de ses caractéristiques de vitesse, de pression et d’impact au sol. Marcher souvent au quotidien au-dessus de la zone de 60  % de sa propre fréquence cardiaque maximale est, selon de nombreux auteurs, un moyen de développer sa condition physique et en particulier son endurance. Mais marcher est aussi utile pour entraîner et améliorer de nombreux métabolismes essentiels à notre organisme, comme sur le plan énergétique avec la contraction musculaire, avec et sans oxygène. Elle permet aussi une meilleure gestion des nutriments comme les protides, les glucides et les lipides. La marche comme tout exercice physique joue sur : la satiété post-exercice ; l’augmentation des besoins en calorie ; le rééquilibrage des filières et métabolismes afin d’éviter le stockage trop important des lipides sous forme de graisse abdominale et en particulier d’optimiser les effets de l’insuline qui joue un rôle essentiel dans le métabolisme des sucres et des graisses. Marcher permet de stimuler la croissance et la réparation des fibres musculaires. Marcher a aussi un effet sur le métabolisme osseux, en particulier sur l’amélioration de la densité minérale osseuse (même si les activités avec impact sont plus performantes en ce sens). Par l’apport de sang et d’oxygène et par la stimulation neuronale, marcher favorise le fonctionnement du cerveau avec l’amélioration des performances

Description, histoire et évolution de la marche nordique

cognitives comme la mémorisation, la vitesse de traitement des données, la capacité d’exécution et d’organisation. Sur le plan sociologique, la marche a plusieurs impacts : en effet, pratiquée à plusieurs, elle crée du lien social ; utilitariste, elle permet d’aller au travail, d’aller chercher notre nourriture au jardin ou au supermarché. Sur le plan psychologique, elle permet une meilleure estime de soi et de développer confiance en soi et créativité. Au final, elle offre une meilleure qualité de vie. Tous les bienfaits de la marche seront réels si, et seulement si, l’on s’y adonne régulièrement, à la fois en prévention mais aussi en thérapeutique [2]. On peut donc bien intégrer la marche comme la forme d’activité physique la plus accessible à ce jour. Ce mouvement naturel et si simple (sa vraie complexité n’apparaissant que lorsqu’un handicap ou un trouble de la marche la perturbent après un accident ou une maladie) est présent dans notre vie quotidienne, qu’il soit de loisir, sportif, domestique ou professionnel. C’est un moyen au service du développement durable et donc un outil écologiquement positif. Selon le baromètre national 2018 de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) sur les pratiques sportives, les pratiquants d’APS se retrouvent en premier lieu dans l’univers de la marche et de la course qui s’avère de loin le plus prisé. Quarante pour cent des Français déclarent avoir pratiqué l’une des activités suivantes : randonnée pédestre, marche nordique ou marche athlétique (seules caractérisations retenues concernant la marche), course à pied allant du footing de détente à l’ultratrail. L’univers de la course et de la marche est donc le plus fréquent chez les hommes comme chez les femmes, quel que soit l’âge chez les adultes et les seniors. En France, on marche 15 à 20 min/jour en moyenne, soit une distance de 1 à 1,3 km, avec des disparités régionales et entre les milieux urbain et rural : 50 % de la population marche moins de 4 min/jour, et 23 % de la population plus de 1,5 km dans la journée. La part de la marche a baissé des années 1980 au début des années 2000. Elle continue de baisser dans les zones périurbaines et les villes petites et moyennes, tandis qu’elle augmente depuis le milieu des années 2000 en zone dense des grandes villes (voir l’urban walking attitude au chapitre 3). Chaque année depuis 2012, Attitude Prévention, une association d’assureurs, avec l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport (IRMES), recueille auprès des Français des données comportementales (mesure du nombre de pas via un podomètre porté pendant 7 jours) et des données déclaratives sur leurs pratiques d’APS, leurs habitudes de vie, leur environnement… À l’issue de 5 ans d’observation sur des panels représentatifs de 1000 personnes environ, les résultats de 2016 ont montré, qu’avec une moyenne de  7889  pas/ jour, et même si ce nombre de pas progressait (+ 386 pas en 2016 versus 2015, par exemple), on n’avait pas atteint les 10 000 pas/jour. Ceci n’est peut-être pas si grave. En effet, ce fameux objectif des « 10 000 pas » n’est, aujourd’hui, plus un dogme chez les médecins de l’homme en mouvement. Toutefois, il reste un objectif qui peut être utile en termes de motivation. Au fil du temps, selon Attitude

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Marche nordique et santé

Prévention, les Français s’approprient cet objectif santé de  10  000  pas/jour  : en 2016, un Français sur deux le connaissait, contre un sur trois en 2015 et en 2014. L’origine marketing des « 10 000 pas » En 1965, une entreprise japonaise, Yamasa Clock, commercialise un podomètre « Manpo-Kei », littéralement la « jauge des 10 000 pas », un chercheur nippon Yoshiro Hatano ayant établi qu’il fallait atteindre au moins ce chiffre rond pour maintenir un poids de forme. Or, aucun essai clinique n’a confirmé cette mesure, mais l’industrie de l’électronique et de nombreux ministères de la Santé dans le monde l’ont repris par efficacité, tellement le chiffre est facile à se rappeler.

Le baromètre d’Attitude Prévention–IRMES révèle également que de nombreux facteurs influent sur le nombre de pas : météo, indice de masse corporelle (IMC), sexe, âge, pratique d’un sport, utilisation des écrans… Ainsi, en 2016, les Français avaient une activité plus importante la semaine (8024 pas/jour contre 7630 pas/ jour le week-end) et lorsqu’il faisait beau (8206  pas/jour contre 6846  pas/jour lorsqu’il pleut). Les hommes étaient plus actifs (8313 pas/jour en moyenne contre 7524 pas/jour pour les femmes), ainsi que les personnes avec enfants (8321 pas/ jour) ; 8 femmes sur 10 n’atteignaient pas la barre symbolique des 10 000 pas/jour (figure 2.1 et tableau 2.1). Dans la population avançant en âge : 37 % des 55 ans et plus pratiquent la marche sous toutes ses formes. La marche (de loisir, en randonnée ou marche nordique) 8 750 8 195

7 841 7 282

ÎLE-DE-FRANCE

9 000 8 236 NORD EST

NORD OUEST

8 094 7 817

7 592 7 156

SUD EST SUD OUEST

Moyenne nationale Semaine 8 337 Week-end 7 805

Semaine Week-end

Figure 2.1. Répartition de la moyenne du nombre de pas effectués par jour par les 18–64 ans. Source : dessin Carole Fumat.

Description, histoire et évolution de la marche nordique

Tableau 2.1. Activité des Français calculée sur le nombre de pas moyen quotidien Nombre de pas moyen quotidien

Nombre de Français

Sédentaires (−5000 pas/j)

25 %

Faiblement actifs (5000 à 7499 pas/j)

26 %

Moyennement actifs (7500 à 9999 pas/j)

23 %

Actifs (10 000 à 12 499 pas/j)

14 %

Très actifs (> 12 500 pas/j)

12 %

Source : d’après IRMES, 2016.

est l’activité préférée des Français : ils sont 29 % à la pratiquer, dont 37 % âgés de 55 à 64 ans. Chez les adultes jeunes, les 18–24 ans marchent significativement moins que les autres en moyenne et parcourent environ 2000  pas/jour de moins qu’ils ne le devraient. C’est dans cette tranche d’âge que l’on commence à voir de plus en plus une tendance à la sédentarité, probablement en lien avec les effets liés à la pratique des jeux vidéo et plus encore aux temps passés en communication (via les smartphones, tablettes et ordinateurs…). Les 18–24 ans sont aussi les moins actifs, moins même que les 55–64 ans, selon les enquêtes Attitude Prévention–IRMES. À partir de 4 heures/jour, le temps passé devant les écrans réduit significativement l’activité physique des adolescents. L’étude de Lee  [3] a montré que pour les femmes de plus de  70  ans, marcher 4400 pas/jour permet de diminuer le taux de mortalité de 41 % comparativement aux femmes de même âge ne réalisant que 1700 pas/jour. Augmenter le nombre de pas permet encore de faire diminuer le risque de mortalité : les bénéfices sont retrouvés jusqu’à 7500 pas/jour. Ensuite, le risque de mortalité reste constant, quel que soit le nombre de pas effectués.

Qu’est-ce que la marche nordique ? La marche nordique, qui s’effectue avec deux bâtons, est une activité physique se pratiquant en milieu naturel, souvent en plein air (on parle de sport outdoor). C’est une autre conception de la marche, beaucoup plus active et ludique. Elle est plus originale et plus intense que la marche active sans bâtons et moins rapide que la marche athlétique de compétition. Elle est surtout assez codifiée dans la forme, donc différente de la marche de randonnée ou du trail avec bâtons. Selon les écoles et les pays, il existe des styles différents de marche nordique (voir chapitre 5). Le principe de la marche nordique est très simple, il s’agit d’accentuer le mouvement naturel des bras pendant la marche et de propulser le corps vers l’avant à l’aide des deux bâtons qui permettent d’aller plus vite et plus loin. Ainsi, toute la partie supérieure du corps entre en action pendant la marche nordique, ce qui la

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différencie aussi de la marche classique. Le mouvement est très proche de celui du ski de fond pour les bras, ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on sait que c’est pour continuer à pratiquer leur condition physique à la belle saison que les skieurs finlandais ont entrepris de marcher avec leurs bâtons dès les années 1930. En marche nordique, la dépense d’énergie est accrue par rapport à la marche sans bâtons. En effet, le corps (dont la musculature) est globalement plus sollicité par le port des bâtons (en lien avec la sollicitation des membres supérieurs et de la ceinture scapulaire) et on fournit plus d’efforts qu’à la marche traditionnelle à distance et vitesse égales. La marche nordique fait dépenser en moyenne 350 kcal/h contre 280 kcal/h pour la marche à 5 km/h. La vitesse de marche observée va de 3 à 8 km/h. Le rythme de la marche est naturellement plus rapide avec que sans bâtons. Comme la technique est relativement simple, le plaisir de pratiquer est présent dès le début, sans phase fastidieuse d’apprentissage. L’impact de la marche nordique au même titre, voire mieux, que la marche sans bâtons est global sur l’état de santé des pratiquants. Elle agit à la fois sur les aspects biologiques et psychologiques de la santé du pratiquant. Seules quelques rares situations rendent la pratique de la marche nordique impossible ou déconseillée. Au-delà des bienfaits de santé physique et mentale, à la fois en prévention mais aussi en thérapeutique, il faut aussi souligner les avantages d’une pratique en groupe. Celui-ci est un élément fondamental de l’adhésion et du maintien dans l’activité et il est vecteur de lien social (partage d’instants agréables, rencontre de nouvelles personnes, élargissement de son cercle amical). En outre, le fait de pouvoir parler en marchant sous le seuil de dyspnée ou seuil « aérobie » et de pouvoir adapter le rythme de marche à tous les niveaux de condition physique favorise le plaisir d’échanger et participe au succès de la pratique. La marche nordique n’est pas à classer dans les activités physiques professionnelles, ni domestiques, mais plutôt dans les activités sportives en loisir et en compétition. Plus précisément, on peut la classer comme une activité plaisir de loisir à but de santé évident. Elle partage avec la marche sans bâtons ses nombreux bénéfices santé et elle apporte un petit plus, le côté ludique avec les bâtons, mais aussi une augmentation de la dépense énergétique, un renforcement musculaire de la ceinture scapulaire (épaule, nuque, bras, avant-bras), du tronc et des membres inférieurs. Et elle a peu de côtés négatifs connus (voir chapitre 5).

Origines et développement de la marche nordique La Finlande, berceau de la marche nordique La marche avec deux bâtons débute dans les années 1930 en Scandinavie et dans les pays de langue fennique où elle sert d’entraînement d’été aux skieurs de fond (on parle alors de ski-marche).

Description, histoire et évolution de la marche nordique

En Finlande, dans les années 1960, sous l’impulsion de Leena Jääskeläinen, alors professeur d’éducation physique, la « marche-bâtons » se développe à l’école. En 1966, Jääskeläinen publie un premier manifeste pour l’intérêt de cette pratique pour la santé. Dans les années 1970, des stages d’entraînement sont proposés dont le but est de maintenir la coordination du geste technique de ski de fond pendant la saison sans neige. À la fin des années 1990, cette pratique est devenue une forme d’entraînement très populaire et est considérée comme un « loisir » national. Remarque Cette pratique a connu plusieurs dénominations  : jogging-bâtons, coursebâtons, course avec des bâtons en été… Elle prend le nom de sauvakävely ou marche nordique avec la Fédération finlandaise de ski-loisirs Suomen Latu en 1980. Mais ce n’est qu’en 2000 que le terme nordic walking est retenu par tous. L’expression est déposée commercialement par la société EXEL, dont l’un des dirigeants créé, dans le même temps, la fédération internationale de la marche nordique, l’International Nordic Walk Association (INWA), implantée principalement en Allemagne et dans les pays nordiques.

Rapidement, les marcheurs finlandais utilisent les bâtons de ski de leurs enfants, d’une taille plus courte (le bâton de ski de fond doit arriver à hauteur de l’aisselle, alors que la marche nordique se pratique avec des bâtons arrivant à hauteur du nombril environ). Dès lors, des sociétés de matériel sportif, comme EXEL, lancent les premiers bâtons spécifiques à la marche nordique, tel le Nordic Walker de Marko Kantaneva, un des pionniers du développement de la marche nordique. À la fin des années 1990, la Fédération finlandaise de ski-loisirs Suomen Latu commence à former des animateurs. Ainsi, en 1998, on compte près de 2000 animateurs et l’Association des médecins généralistes de Finlande décerne à Suomen Latu leur premier prix annuel « Action-Santé ». Les années 2000 voient l’essor de la marche nordique dans le monde. Le cas américain Dans les années 1980, aux États-Unis, la marche nordique est pratiquée sous le nom de fitness pole walking. Tom Rutlin en est son promoteur. Avec sa méthode fitness walking with poles (marche fitness avec bâtons), il conquiert de plus en plus d’adeptes. En 1992, les premières études scientifiques sur la dépense énergétique en marche avec bâtons apparaissent aux États-Unis. En 2004, l’American Nordic Walk Association (ANWA), branche de l’International Nordic Walk Association, voit le jour.

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La marche nordique en France Des premières actions de découverte de la marche nordique ont lieu en France au début des années 2000, d’abord dans le milieu commercial privé. En 2005, la Fédération française d’athlétisme (FFA) s’y intéresse plus particulièrement et Arja Jalkanen-Meyer, une des premières à avoir implanté la marche nordique en France, devient ambassadrice de la marche nordique pour la FFA. En 2006, les coachs Athlé Santé, profession nouvellement créée par la FFA, mettent leurs compétences au service de cette nouvelle pratique. La marche nordique est reconnue par l’État en 2009 comme une nouvelle discipline sportive dont la gestion et le développement sont confiés, par délégation du ministère chargé des Sports, à la FFA. Celle-ci a ainsi pour rôle de former les entraîneurs (mais sans exclusivité) et d’organiser les compétitions (en exclusivité pour les titres de champion de France). Parallèlement, d’autres fédérations sportives que la FFA agréées par l’État, des associations, des enseignants en société individuelle, voire des sociétés d’activités physiques non agréées par l’État s’emparent également de cette pratique. La diffusion de la marche nordique devant être une priorité de santé publique, nous ne pouvons que nous réjouir que de nombreux partenaires s’en saisissent dans le respect d’une pratique de qualité et sécurisée pour tous et, en particulier, pour les malades chroniques. En septembre 2014, un tour national de compétitions, nommé Marche Nordique Tour (MNT), voit le jour avec des classements individuels et par équipes. Les deux premières années du MNT sont des années tests permettant de procéder à des ajustements, notamment des modifications des règlements et de la technique afin de lier belle gestuelle et performance. Un championnat de France de marche nordique est organisé également tous les ans. Au-delà de la compétition, ce sont surtout les dimensions de loisir, de santé, écologiques et économiques qui permettent le développement de cette pratique au plus près de la nature. Selon le baromètre Sports et loisirs de nature 2016 publié par le ministère des Sports d’après une enquête réalisée auprès de 4014 Français âgés de 15 à 70 ans, représentant un échantillon représentatif de la population française, 6 % des Français âgés de 15 à 70 ans déclaraient avoir pratiqué au moins une fois la marche nordique au cours des 12 derniers mois. Parmi ces marcheurs, 32 % déclaraient pratiquer régulièrement tout au long de l’année, représentant, en ordre de grandeur, presque 850 000 marcheurs avec bâtons réguliers, pratiquant au moins une fois par semaine. Remarque En 2016, 2,7 millions de Français pratiquaient la marche nordique : ■ 56 % sont des femmes ; ■ 51 % ont de 50 à 70 ans ; ■ 31 % sont retraités.

Description, histoire et évolution de la marche nordique

Modalités de pratique en France Les informations suivantes sont issues du baromètre Sports et loisirs de nature 2016 publié par le ministère des Sports [4]. Les adeptes de la marche nordique pratiquent majoritairement entre amis, ils sont également 32 % à avoir découvert l’activité dans ce cadre (31 % l’ont découvert avec des amis et 27 % seuls). Dans ce contexte, l’âge médian de début de pratique de la marche nordique se situe aux alentours de 40 ans. La marche nordique est surtout pratiquée en autonomie, 80  % des pratiquants déclarent s’adonner à la marche nordique en dehors de toute structure (qu’elle soit associative ou commerciale). Néanmoins, 18 % des adeptes de la marche nordique pratiquent dans un club sportif type associatif et seulement 5 % plébiscitent les structures à caractère commercial. Par ailleurs, près de 42 % des répondants ne font jamais appel à un encadrement, les conseils venant généralement directement d’autres pratiquants (18 %). Ainsi, 17 % des pratiquants vont faire appel à un encadrement de manière régulière, 14,6 % de manière occasionnelle et 7 % de manière très ponctuelle pour s’initier. Notons enfin que 53 % ne participent jamais à une manifestation ou à une compétition ; 24 % des pratiquants participent une fois par an à une manifestation ou à une compétition (et presque autant, au moins deux fois par an). La marche nordique est une activité pratiquée plutôt en groupe qui se partage : en effet, bien que 38 % des répondants déclarent s’y adonner de manière solitaire (ne serait-ce qu’occasionnellement), près de 34 % pratiquent avec des amis, 29 % en couple et 24 % en famille. Ceci confirme bien le poids du lien social sur la motivation et la régularité (voir chapitre 8). Les pratiquants estiment avoir un niveau « plutôt correct » : sur une échelle de 1 (niveau débutant) à 5 (niveau expert), 71 % d’entre eux se situent à 3 et plus et 32 % se situent à 4 et plus. Finalement, ce sont 10 % d’entre eux qui se considèrent comme étant d’excellents pratiquants. La marche nordique est pratiquée par des femmes et des hommes, plutôt seniors et retraités. Les femmes représentent un peu plus de la moitié (56 %) des pratiquants. La marche nordique est une activité plébiscitée par les seniors : 51 % de tous les pratiquants ont de 50 à 70 ans et 31 % d’entre eux sont retraités [4]. Sur une échelle sociale à trois niveaux (catégories populaires, moyennes et supérieures), le pratiquant de marche nordique est à 46 % issu des catégories populaires. Il est par ailleurs généralement peu diplômé dans la mesure où 51 % des pratiquants ont un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat (30 % sont diplômés de l’université ou équivalent). Les adeptes de la marche nordique sont également investis dans d’autres sports ou loisirs de nature. Ces pratiquants déclarent en moyenne 3,9 autres activités sportives pratiquées (par an) dans la nature, parmi lesquelles la randonnée pédestre (45 %), le vélo sur route et piste cyclable (30 %), le VTT sur piste et chemin (26 %) ou encore l’accrobranche (14 %).

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Enfin, 3 % des Français interrogés ne pratiquant pas cette activité ont déclaré souhaiter la découvrir [4]. Références [1] Morris JN, Hardman AE. Walking to health. Sports Med 1997 ; 23(5) : 306‒32. [2] Mathieson S, Lin CW. Health benefits of nordic walking ; a systematic review. Br J Sports Med 2014 ; 48(21) : 1577‒8. [3] Lee IM, Shiroma EJ, Kamada M, Bassett DR, Matthews CE, Buring JE. Association of step volume and intensity with all-cause mortality in older women. JAMA Intern Med 2019 ; 179(8) : 1105‒12. [4] Baromètre sports et loisirs de nature. PRNSN ; FPS ; Université Lyon 1; Université de Bretagne Occidentale. En ligne ; 2016. consultéle 15/09/2020: http://www.sportsdenature.gouv.fr/marchenordique/observation/pratiquants.

CHAPITRE

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Place de la marche et de la marche nordique dans nos vies PLAN DU CHAPITRE ■■ Constats ■■ Propositions

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Il est crucial de nous interroger sur la place de la marche et de la marche nordique dans nos vies, notamment suite à la pandémie de COVID-19, ayant débuté en 2020.

Constats Au-delà des chiffres de pratique en loisir, on constate que depuis une vingtaine d’années, la marche à pied du quotidien est devenue un nouvel enjeu des transports urbains : l’État, tout comme de nombreux décideurs politiques, des entreprises et des chercheurs de différents domaines (urbanisme, sociologie, médecine) se penchent sur la question de la marche en ville. Les constats sont donc posés depuis un certain temps, les idées et les expérimentations locales foisonnent, il reste à passer de l’idée à la réalisation. Pour cela, il faudrait une forte volonté politique, or actuellement en 2020, seul le vélo semble avoir le vent en poupe (plan vélo pour les trajets « domicile–travail », subventions pour acheter un vélo électrique ou faire réparer son vieux vélo, pistes cyclables provisoires qui voient le jour dans les grandes villes). Mais il faudrait aussi développer les zones piétonnes, faire des voies provisoires pour marcher puis les pérenniser en les sécurisant et les agrémentant (végétalisation, bancs…). Il existe bien sûr des obstacles à surmonter et un des sujets principaux concerne l’intermodalité entre les différents modes de transport. Même si l’on part de loin, l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs du transport semblent vouloir mieux valoriser le mode piéton dans leurs offres, probablement avec des motivations très différentes les uns des autres, mais soyons pragmatiques, seul le résultat pour les marcheurs compte. Ainsi et cela peut sembler paradoxal, et tant mieux, les entreprises de transport urbain s’efforcent aujourd’hui de réhabiliter la marche à pied. L’Union des transports publics (UTP), l’organisation patronale du secteur et le Groupement des autorités responsables de transport (GART), qui fédère les élus en charge de ce dossier, ont publié en 2013 une série de recommandations dans lesquelles ils préconisent notamment de «  réintégrer le mode “marche à pied” dans l’organisation des offres de transport public, et [de] travailler à une optimisation de cette pratique » [1]. Fort du constat que la marche doit être promue pour des raisons de santé publique, de bien-être, de savoir vivre ensemble, de productivité et d’efficacité des autres transports, mais aussi pour son intérêt culturel, touristique et sportif, on a pu avoir peur que la pandémie de COVID-19 mette un coup de frein aux envies de marche des Français : heureusement, il n’en est rien. L’urban walking attitude qui se développe depuis une vingtaine d’année voit même une accélération de son usage, au même titre que celui du vélo en post-déconfinement en mai–juin 2020. Un sondage réalisé pour les associations Prévention routière et Assurance Prévention par Opinionway en mai 2020, auprès de 1129 Français

Place de la marche et de la marche nordique dans nos vies

âgés de 18 ans et plus, va dans ce sens : il montre que 58 % des Français déclarent qu’ils vont changer leurs modes de déplacement, 24 % disent vouloir marcher davantage, vient ensuite un usage prioritaire de la voiture pour 15 %, puis du vélo pour 13 %. Cette envie de marche, devant se faire dans le respect de la distanciation physique et des gestes « barrières » établis depuis la pandémie de COVID-19, a été intégrée dans les consignes de reprise sportive élaborées par le ministère des Sports en mai 2020. En effet, suite au confinement en mars–avril 2020, il a été nécessaire de sécuriser la reprise de la marche et les experts médicaux ont bien rappelé l’importance de reprendre au plus tôt une activité physique en postdéconfinement afin de lutter contre le déconditionnement physique (ce qui est toujours vrai quelle que soit la cause du déconditionnement : blessure sportive, accident de la vie, maladie, quarantaine, confinement à la maison ou durant un voyage spatial…). La marche nordique est l’outil idéal de reprise d’activité physique et pour se dépenser physiquement et se promener en ville comme en milieu rural. De plus, au-delà des effets bénéfiques directs pour la santé du marcheur, la marche avec ou sans bâtons permet un déplacement « doux » sans pollution. Voilà pourquoi, en tant qu’outil de santé publique et individuelle, outil ludique de plaisir, outil de mobilité douce de base, outil écologique par excellence, la marche nordique urbaine (et rurale) a toute sa place en 2020.

Propositions Des éco-quartiers se développent avec, pour certains, le sport et la santé en thématique principale et un urbanisme facilitateur s’y met en place, il faut les encourager. Partout ailleurs, l’accessibilité des lieux de pratique de marche nordique comme les parcs, les forêts, les plages doit être simplifiée pour les marcheurs et des parcours doivent être créés rendus accueillants et propres. Il existe déjà les topoguides de la Fédération française de randonnée, mais chaque collectivité doit s’investir dans la sécurisation des parcours, dans sa signalisation et en assurer la desserte pour tous (motorisée ou non). Il reste, en ville et en campagne, les problèmes de l’intermodalité entre les différents moyens de transports en commun, entre les transports en commun et le vélo et bien sûr à résoudre les difficultés de l’intégration de la marche dans nos vies (faciliter l’accès à pied aux petits commerces de centre-ville, aux grands centres de commerce des périphéries, aller au travail à pied où que l’on vive, etc.). Il faut donc créer des trottoirs sur tous les parcours, mettre de la lumière, poser du mobilier urbain comme des bancs pour que les personnes fatiguées puissent faire une pause pendant la marche, ce qui permet d’allonger la distance de leurs sorties. Il faut demander aux collectivités territoriales le développement de lieux de

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pratique de la marche autorisant aussi la marche nordique sans risque. Ils doivent intégrer la sécurisation et la largeur des espaces de pratique, l’absence de voiture, le partage avec les autres piétons, les poussettes, les vélos, les trottinettes, et simplifier l’accessibilité en sus de l’agrément. Bien sûr au-delà de l’environnement, du rôle des collectivités et du politique, il y a la motivation individuelle à utiliser tel ou tel moyen de déplacement qui reste un choix délibéré du citoyen. Malheureusement, un changement de comportement vertueux pour sa santé, quel qu’il soit, est dur à obtenir, tous les experts de santé publique le savent (voir freins et moyens de motivation à notre disposition au chapitre 8). On sait aussi que les deux sont liés et qu’au-delà de ces facteurs intrinsèques, il y a les facteurs extrinsèques de la motivation dont font partie notre environnement et sa sécurité. L’un ne doit pas être développé sans tenir compte de l’autre, il s’agit là d’une approche intégrée obligatoire sous peine d’échec. Les données scientifiques, pour aller marcher en ville en marche nordique ou sans bâtons et modifier l’usage de sa voiture sont étudiées depuis longtemps. Les scientifiques écossais de l’équipe d’Ogilvie dès 2004 se posaient la question de savoir comment évaluer quelles interventions étaient efficaces pour promouvoir un changement de l’utilisation de la voiture vers la marche et le vélo et évaluer les effets sur la santé de telles interventions [2, 3]. Les éléments influençant notre choix au moment de nous déplacer sont bien décrits dans l’ouvrage co-écrit avec Olivier Coste [3]. À l’heure actuelle, des expériences et expérimentations locales ont montré des effets positifs, il est donc temps de passer aux réalisations sur le terrain. Peu d’études s’intéressent à la place de la marche nordique dans la ville, mais en pratique on peut très facilement rajouter à ce phénomène de développement de la marche des périodes d’utilisation des bâtons. Par exemple, des parcours de randonnée en ville soit à but culturel, soit touristique se développent comme à Biarritz, ville très investie en sport-santé, ils sont parfaits pour une balade en marche nordique. Ainsi en 2020, en pleine pandémie de COVID-19 et surtout en plein déconfinement, la question des aménagements de voies cyclables et de voies pour les piétons se pose de façon accrue dans nos villes et nos villages. L’écologie étant devenue un véritable sujet de société, on ne fera donc pas l’impasse sur une vraie réflexion en santé publique sur la place de l’activité physique donc de la marche nordique comme outil de santé. Toutes ces approches montrent un début d’intégration de la place des piétons dans la ville au quotidien, une volonté de profiter de la nature pour marcher en loisir. On ne peut qu’espérer que plus les personnes reprendront goût à la marche du quotidien, plus les groupes d’utilisateurs de la marche nordique en loisir vont s’accroître et meilleure sera la santé de nos concitoyens.

Place de la marche et de la marche nordique dans nos vies

Mesures à réaliser en urgence pour promouvoir la marche et la marche nordique en ville Créer des parcours de marche nordique en ville, ainsi que des parcours sportifs, éducatifs, touristiques. ■ Créer des trottoirs sur tous les parcours en ville. ■ Mettre de la signalétique, estimer les durées entre deux points cibles du parcours de marche. ■ Sécuriser les parcours : éclairer les parcours urbains, élargir l’espace, le partager avec d’autres en sécurité (cyclistes, usagers des trottinettes, piétons sans bâtons), interdire les animaux non tenus en laisse sur les parcours. ■ Poser du mobilier urbain comme des toilettes, des points d’eau potable, des bancs pour que les personnes fatiguées puissent faire une pause pendant la marche. ■ Agrémenter les parcours de fleurs, d’arbres. ■ Améliorer l’intermodalité entre tous les moyens de transport pour avantager vélo et marche. ■

Références [1] Steinmann L. La marche à pied, nouvel enjeu des transports urbains Les Échos  ; 2013. 27 décembreEn ligneconsulté le 15/09/2020 https://www.lesechos.fr/2013/12/la-marche-a-piednouvel-enjeu-des-transports-urbains-333777. [2] Ogilvie D, Egan M, Hamilton V, Petticrew M. Promoting walking and cycling as an alternative to using cars: systematic review. BMJ 2004 ; 329(7469) : 763. [3] Depiesse F, Coste O. Prescription des activités physiques pour la santé : de la prévention à la thérapeutique, 2e éd Issy-les-Moulineaux Elsevier Masson ; 2015.

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CHAPITRE

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Acteurs du monde de la marche nordique et promotion de la santé PLAN DU CHAPITRE ■■ Structuration fédérale « Athlé Forme Santé » avec la marche nordique au sein

de la Fédération française d’athlétisme yy Organisation sport-santé yy Formation des entraîneurs en marche nordique : l’exemple de la FFA ■■ Autres acteurs de la pratique en marche nordique ■■ Collectivités territoriales, fédérations sportives, réseaux sport-santé, monde de

la santé ■■ Acteurs institutionnels, financement et promotion des actions sport-santé ■■ Monde de l’entreprise et marche nordique ■■ École et marche nordique ■■ Médias et marche nordique

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Structuration fédérale « Athlé Forme Santé » avec la marche nordique au sein de la Fédération française d’athlétisme La Fédération française d’athlétisme (FFA) en chiffres en 2019 316 751 licenciés, dont : - 48 % de femmes ; - 110 000 licenciés âgés de plus de 40 ans ; - 23 000 licenciés Athlé Santé ; - 37 000 pratiquants de marche nordique. ■ Des créneaux santé dédiés aux maladies chroniques existent dans les clubs. ■ 2500 clubs, dont 677 proposant le dispositif Athlé Forme Santé. ■ 12  000  éducateurs, dont 1382  animateurs de marche nordique et 90 coachs Athlé Santé actifs en 2019. ■

Organisation sport-santé Au sein de la FFA, la commission nationale « Athlé Forme Santé » est constituée de 18 membres (médecins, techniciens et dirigeants) et accompagne le développement du « sport-santé ». La FFA est très impliquée au niveau national depuis 2006 dans le sport-santé et la filière « Athlé Forme Santé » est aujourd’hui bien structurée. La délégation pour la marche nordique sur la formation, la pratique, l’organisation des compétitions par le ministère chargé des Sports a eu lieu en 2009. Depuis lors, la marche nordique est une discipline de l’athlétisme à part entière en France. Quelques informations sur les activités physiques à but de santé, leurs bienfaits et les formations sont à découvrir sur le site Internet www.athle.fr/sante.

Formation des entraîneurs en marche nordique : l’exemple de la FFA LA FFA a la délégation ministérielle qui lui donne le monopole pour organiser les compétitions et délivrer des titres de champion de France. Mais attention, cela ne lui donne pas l’exclusivité quant à la formation, et encore moins la pratique. On trouvera donc, sur le marché de la marche nordique, d’autres offres. Concernant la FFA, les différentes activités proposées pour l’« Athlé Forme Santé » dont la marche nordique fait partie sont obligatoirement encadrées par soit : ■ des professionnels du sport : • des coachs Athlé Santé (CAS) : ils ont été les fers de lance du développement de la marche nordique au sein de la FFA en tant que professionnels

Acteurs du monde de la marche nordique et promotion de la santé

dans les clubs ou comités ou ligues déconcentrées (formation initiale BEES1 ou BPJEPS2 ou STAPS3  + formation spécifique 2 fois 11 jours avec de la théorique et de la pratique + une formation continue obligatoire 2 jours tous les 2 ans). Ils répondent aux critères fixés par l’État et peuvent faire de l’encadrement de patients en affection de longue durée (ALD) désirant faire de l’activité physique après prescription de leur médecin traitant (c’est ce qu’on appelle l’encadrement du « sport sur ordonnance », voir chapitre 8), • des CQP4 (certificat de qualification professionnelle) animateur d’athlétisme option « Athlé Forme et Santé », qui peuvent encadrer aussi contre rémunération mais limitée à 360 h/an ; ■ des non-professionnels dans la filière de diplômes fédéraux Forme Santé de la FFA (ils n’autorisent pas à enseigner contre rémunération). On distingue trois niveaux : • assistant : il aide les entraîneurs du club dans l’accueil et l’encadrement d’un groupe d’athlètes dans un programme Forme Santé. Grâce à son engagement, il découvre les fonctions de coach (figure 4.1), • animateur : il a pour principal objectif la fidélisation des pratiquants et la sécurisation de la pratique, tant sur le plan physique que moral, • coach : il favorise les progrès sur l’ensemble des facteurs de la performance pour emmener les pratiquants sur des programmes santé, forme, bien-être et au plus haut niveau de maîtrise et d’engagement possible pour chaque pratiquant.

Figure 4.1. Groupe de marche nordique supervisé par un animateur.

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brevet d’État d’éducateur sportif. Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport. Sciences et techniques des activités physiques et sportives. Certificat de qualification professionnelle.

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Trois spécialités sont proposées : running, marche nordique, Athlé Forme. Le niveau « coach » répond aux critères fixés par l’État et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) pour les diplômes autorisant l’encadrement du sport pour les porteurs d’ALD sur prescription médicale et donc en prévention secondaire et tertiaire (en tenant compte de certaines limitations de l’autonomie du patient, ils interviennent seuls sur les limitations dites minimes et dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire sur les modérées). Les CAS ont aussi obtenu cette reconnaissance sans la limite de l’équipe pluridisciplinaire. Leur niveau de diplôme requis et la formation fédérale reçue avaient déjà permis d’anticiper le fait de leur faire encadrer des patients. Ainsi, le socle commun de formation des CAS sur les aspects « santé » inclut certaines thématiques de prévention (notamment seniors, diabète, obésité, pathologies cardiovasculaires, arthrose, ostéoporose, BPCO, cancer, grossesse). Des modules complémentaires, spécifiques par pathologie (ex. : maladie de Parkinson, cancer…) sont proposés en formation continue tous les ans. Le label « Athlé Santé Loisirs » est attribué aux clubs de la FFA ayant un CAS et respectant un cahier des charges précis (temps de travail en face à face, formation continue, diversité des pratiques, respect des réglementations FFA). Les diplômes ou certifications Running Forme, Marche nordique Forme et Athlé Forme apportent des compétences mais pas de prérogatives professionnelles. En l’état de la réglementation, ils ne permettent donc pas d’encadrer contre rémunération. Pour rappel, en France, on peut encadrer contre rémunération l’athlétisme (et la marche nordique en fait partie), dans une perspective de performance sportive, uniquement avec les diplômes professionnels requis, c’est-à-dire inscrits à l’annexe II-1 de l’article L. 212-1 du Code du sport, soit le DEJEPS5 athlétisme, le DESJEPS6 athlétisme (mention 1/2 fond-marche-hors stade pour la marche nordique), le CQP athlétisme de technicien (option 1/2 fond-marche ou hors stade), la licence mention « STAPS : entraînement sportif-athlétisme (course-saut-lancer) ». On peut toutefois encadrer la marche nordique à un niveau d’initiation, d’entretien ou de loisir, et à l’exclusion des pratiques compétitives, avec d’autres diplômes professionnels (à compétence multi-activités) comme : ■ des diplômes STAPS qui donnent cette prérogative  : «  encadrement et animation auprès de tout public des activités physiques ou sportives à un niveau d’initiation, d’entretien ou de loisir. À l’exclusion des pratiques compétitives » et aussi avec l’option APA qui permet d’encadrer la marche nordique pour un public cible : « encadrement des activités physiques ou sportives à destination de différents publics dans une perspective de prévention-santé ou de réadaptation ou d’intégration de personnes présentant l’altération d’une fonction physique ou psychique » ; 5 Diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport. 6 Diplôme d’État supérieur de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport.

Acteurs du monde de la marche nordique et promotion de la santé

un BPJEPS activités physiques pour tous (APT) peut encadrer en professionnel la marche nordique et l’athlétisme en général ; ■ un CQP animateur de loisir sportif (ALS) option Activités de randonnées, de proximité et d’orientation (ARPO) ; ■ un CQP animateur d’athlétisme, option « athlé loisirs » : il s’agit d’un animateur professionnel (en emploi secondaire limité à 360 h/an) qui peut faire pratiquer du running, des séances « forme » et de la marche nordique en tant que disciplines de loisir, non compétitives ; il a également la possibilité d’encadrer les patients ALD avec des limitations minimes (voir ci-dessous et chapitre 8). ■

Autres acteurs de la pratique en marche nordique Au niveau international, il existe l’Association internationale de marche nordique (International Nordic Walk Association ou INWA) qui forme des instructeurs. Au niveau national, des fédérations agréées ont des éducateurs ou des bénévoles formés comme la Fédération française de randonnée (qui inclue la randonnée pédestre), la Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire (FFEPGV) ou EPGV sport-santé, mais aussi la Fédération nationale du sport en milieu rural (FNSMR), l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique (UFOLEP), le Sport pour tous (ex-FFEPMM), les brevets d’État accompagnateurs moyenne montagne, le Syndicat national des accompagnateurs en montagne, la Fédération française de la retraite sportive (FFRS), la Fédération française des clubs alpins et de montagne, le club Vosgien, la Fédération sportive et culturelle de France (FSCF), la Compagnie des moniteurs OTOP®, les représentants français de l’INWA. On trouve aussi sur ce marché de la forme et du bien-être par la marche nordique des associations non agréées par le ministère des Sports, ou des entreprises de coachs individuels (en nom propre unipersonnel, autoentreprise ou très petite entreprise) qui proposent des formations marche nordique et assurent des cours. À retenir Exerçant au sein d’une fédération sportive ou en indépendant, les encadrants de la marche nordique ont en commun une envie de liberté et de bien-être, tout en profitant pour eux et leurs adhérents des attraits santé de la marche nordique. Ils sont tous volontairement ou non des auxiliaires de santé publique en encadrant des populations souhaitant abandonner la sédentarité qu’elles soient porteuses de pathologies chroniques ou non. La loi leur a donné différentes prérogatives vis-à-vis des patients en ALD. Leur activité est vite gratifiante et utile à tous les pratiquants.

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Collectivités territoriales, fédérations sportives, réseaux sport-santé, monde de la santé Dans les collectivités, de plus en plus d’éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives (ETAPS) se forment à la marche nordique pour offrir, dans les écoles municipales, des cours et sorties de marche nordique. On en trouve en particulier, aux côtés de leurs collègues des associations du sport et/ou de santé, au sein des villes françaises « santé actives » appartenant au réseau européen Villes-Santé de l’OMS7, dont un des objectifs est bien de promouvoir une vie active et des activités physiques. Certaines de ces villes et d’autres ont aussi développé une offre « sport sur ordonnance ». Dans d’autres collectivités territoriales, des réseaux « sport-santé » par pathologie ou transversaux, des maisons « sport-santé » offrent de plus en plus des animations et des cours de marche nordique. Des associations de malades, des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) paient des prestations de marche nordique. Beaucoup d’associations para-hospitalières ont vu le jour pour assurer une offre de loisir aux patients dont la marche nordique (qui est à la fois un loisir et un « médicament ») [1].

Acteurs institutionnels, financement et promotion des actions sport-santé Le financement et la promotion des actions sport-santé se font par les mutuelles, les assurances santé à but lucratif et le monde de la prévention santé au sein du réseau de l’Assurance maladie, des agences régionales de santé ou des directions de la jeunesse et des sports sur le territoire. Les fondations de la santé et du sport y participent aussi. Ceux-ci soutiennent, grâce à différents dispositifs publics et privés, les acteurs de la marche nordique à visée de bien-être et de santé8. Il existe, tous les ans, des appels à projet qui peuvent aider les acteurs de terrain à trouver l’argent, celui-ci étant bien sûr le nerf de la guerre du développement de la marche nordique (et des activités physiques) pour la santé. Le modèle économique des différents acteurs – employeurs (clubs fédéraux, directions d’EPHAD…), salariés, prestataires – reste fragile et le « sport fédéral bénévole » malgré son envie et sa bonne volonté ne peut évidemment pas remplir tous les besoins de prise en charge du débutant sédentaire au porteur de pathologie chronique sévère. L’État et l’Assurance maladie n’ayant toujours pas décidé à ce jour de financer sur le « 100 % » ni la prescription 7 http://www.villes-sante.com/oms-europe/villes-sante-oms 8 Voir les plans « sport-santé bien-être » au sein de la stratégie nationale sport-santé 2019–2024 du ministère chargé des Sports : http://www.sports.gouv.fr/pratiques-sportives/sport-sante-bien-etre/ Plan-national-sport-sante-et-bien-etre

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(sauf dans des expérimentations et sous forme dérogatoire via l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2018), ni la dispensation de l’activité physique des patients en ALD (soit environ 10 millions de personnes), on comprend qu’ils ne vont pas se lancer prochainement dans le financement de l’activité physique des patients non ALD, même si la science et les quelques études médico-économiques sont en faveur d’un retour sur investissement, tant en prévention primaire sur la mortalité et la morbidité qu’en prévention secondaire : les potentiels bénéficiaires seraient assurément trop nombreux. Il va donc falloir que les ménages continuent encore longtemps à supporter une grande partie du poids du financement de leurs activités physiques pour leur santé et on comprendra, vu son faible coût, que la marche nordique en club fédéral est bien placée dans l’offre de choix.

Monde de l’entreprise et marche nordique Plusieurs fédérations ont des offres de mise à l’activité physique spécifiques pour les entreprises : ainsi, la FFA a développé le projet Work Athlé® qui utilise les CAS et notamment la marche nordique, la fédération Sport pour tous a lancé le projet Profeel Forme®, etc. On connaît le potentiel de développement pour le sport et les activités physiques que représente le monde de l’entreprise en France. Il y a environ 26,6 millions d’actifs (21 millions dans le secteur privé et 5,6 millions dans les trois fonctions publiques) répartis dans plus 3,8 millions d’entreprises. Les études existantes montrent que la pratique d’APS organisée par l’entreprise augmente la productivité en son sein entre 3 et 9 % ainsi que sa rentabilité entre 4 à 14 %. Ce gain est proportionnel au taux de pratique par les collaborateurs et au niveau de l’engagement de l’entreprise dans cette stratégie. En outre, une baisse de 25 % de rotation des salariés a pu être constatée ainsi qu’une amélioration de l’image de l’entreprise auprès de ses salariés. Comme les entreprises d’aujourd’hui cherchent davantage à être perçues comme un lieu de vie et d’épanouissement et non uniquement comme un lieu de production, les activités physiques sont un vrai outil de cohésion et de bien-être. Certaines entreprises, notamment dans le secteur numérique, intègrent des installations sportives au sein même de l’établissement, à proximité du poste du travail du salarié autorisé à tout moment de la journée à les utiliser (salle de fitness, de tennis de table). Le sport en entreprise devient donc de plus en plus un des vecteurs d’attractivité et de bien-être notamment pour le choix des jeunes salariés. Beaucoup de grandes entreprises ont un vrai secteur sportif avec des comités d’établissement très investis, en particulier avec des championnats interentreprises organisés en partenariat avec des fédérations sportives comme celles de football, de tennis, etc., mais aussi avec des fédérations multisports comme la Fédération française du sport en entreprise (FFSE) qui fédère beaucoup et organise des événements tels les Jeux nationaux multisports. La ligue de Martinique les a organisés déjà à deux reprises en 2015 et en 2019 : on a retrouvé aux côtés de compétitions plus classiques par sport des sessions dites « sport-santé » de marche nordique

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qui ont permis aux participants (compétiteurs ou accompagnants) de découvrir de très beaux parcours tropicaux. Un autre bénéfice pour le salarié et son employeur est l’impact sur l’absentéisme dû aux arrêts maladie. Selon l’Assurance maladie, le nombre de jours d’absence par an et par salarié était en moyenne de 17,2 jours en 2017 dans le secteur privé et était en forte augmentation pour la deuxième année consécutive (+ 4,72 % en 2017, + 4,59 % en 2016). Les secteurs les plus touchés par les arrêts maladie sont l’industrie, le BTP et la santé avec une moyenne de 40 jours annuels. Les autres effets connus d’une pratique sportive régulière dans le cadre professionnel sont l’augmentation de la productivité au travail, mais aussi l’augmentation du bienêtre et la diminution des troubles musculosquelettiques (TMS) et des troubles psycho-sociaux. Ces résultats sont importants dans un contexte d’allongement de la carrière professionnelle et de flexibilité de l’emploi [2]. Absentéisme Une publication de 2020 montre que l’activité physique pendant les loisirs réduit le risque d’arrêt de travail de longue durée. L’étude a été menée sur une cohorte de Danois, issus de la population active générale, dans le but de rechercher un lien éventuel entre différents niveaux d’activité physique de loisir et les arrêts de travail de longue durée (≥ 6 semaines) [3]. Au total, 10 427 personnes ont répondu à un questionnaire sur leurs habitudes d’activité physique, leur santé et leur environnement professionnel. Les arrêts de travail de plus de 6 semaines consécutives ont été comparés sur 2 ans en fonction de l’activité physique déclarée. L’analyse des données a confirmé le rôle de l’activité physique comme facteur protecteur contre les arrêts de travail prolongés. Cependant, il faut que cette dernière soit intense (activité modérée ou élevée pendant plus de 4 h/semaine ou une combinaison d’activité modérée et d’activité élevée 2 à 4 h/semaine). Elle réduit alors de 23 % le risque d’arrêt de travail de longue durée (hazard ratio ou HR = 0,77 ; intervalle de confiance ou IC 95 % : 0,59–1,01). Une activité physique modérée (plus de 4 h d’activité d’intensité faible ou moins de 4 h d’intensité modérée à élevée) réduit aussi le risque, mais de façon non statistiquement significative (HR = 0,89 ; IC 95 % = 0,72–1,09). Concernant les femmes de moins de 45 ans, une analyse en sous-groupes a montré qu’elles étaient les principales bénéficiaires de ce lien inverse entre une activité physique intense et le risque d’arrêt de travail prolongé (HR = 0,44 ; IC 95 % : 0,25–0,78). Pour les auteurs, une place de choix devrait être accordée par les institutions publiques et par les employeurs à la promotion d’une activité physique intense (> 6 MET) qui demande un effort entraînant un essoufflement marqué et une conversation difficile, comme la marche (> 6,5 km/h ou en pente sans bâtons) et la marche nordique (> 5 km/h avec bâtons), la course à pied (8 à 9 km/h), le vélo (20 km/h), monter rapidement les escaliers, déplacer des charges lourdes… [3].

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Une autre problématique est la sédentarité au travail qui n’aide évidemment pas à diminuer l’impact des maladies pour la santé. Et, malheureusement, la modernisation des outils de travail ne devrait faire qu’augmenter le temps passé devant un écran. Ainsi, la prévalence des métiers sédentaires a augmenté de 20 % aux États-Unis entre 1960 et 2008 aux dépens de métiers plus physiques tels que ceux liés à l’agriculture ou à la production [4]. Selon les données françaises de l’enquête Sumer, le pourcentage de salariés travaillant plus de 20 h/semaine devant un écran est passé de 12 % en 1994 à 23 % en 2010 avec une forte augmentation chez les cadres qui passent de 18 à 46 % au cours de la même période [5]. Ainsi, les travailleurs d’aujourd’hui passent un tiers de leur temps journalier à des comportements sédentaires, soit plus de la moitié du temps éveillé. Il est maintenant bien démontré que ce temps sédentaire est principalement d’origine professionnelle et caractérisé par des périodes prolongées et ininterrompues de temps passé assis [6]. L’offre de marche nordique est bien évidemment intéressante à visée de lutte contre cette sédentarité professionnelle : intégrer ce temps de marche nordique au sein de la journée des salariés serait positif pour les employeurs, les salariés bien sûr et les comptes publics de la Sécurité sociale. En plus d’un impact négatif pour la santé individuelle, la sédentarité a un coût financier pour la société qui n’est pas négligeable. Ainsi, en Europe, 80 milliards d’euros seraient dépensés annuellement à cause de la sédentarité que ce soit en soins, traitements, indemnités de travail, d’invalidité, de dépendance ou de perte de productivité. Malheureusement, bien qu’une étude portée en 2017 par le ministère des Sports, le CNOSF, le MEDEF et l’Union Sport et Cycle indique que les dirigeants sont favorables au sport en entreprise et malgré les enjeux, les bienfaits et l’attrait pour les APS, on constate que moins d’une entreprise sur cinq (18 %) en propose à ses collaborateurs et moins d’un salarié sur sept (13 %) déclare en pratiquer sur son lieu de travail. La bonne nouvelle pour la marche nordique, c’est que les trois activités sportives les plus pratiquées au sein de l’entreprise sont, par ordre décroissant, la marche, la course à pied et le fitness [7]. La place de la marche nordique reste donc à développer, mais le potentiel est là. Une idée, partagée avec P. Hertert médecin élu à la FFA et médecin du travail, serait de former les infirmiers de santé au travail à conseiller la marche nordique : leur mission de prévention santé lors des visites des salariés en serait renforcée. Work Athlé® Avec Work Athlé®, la FFA propose une offre complète et adaptée de pratiques au milieu du travail : marche nordique, remise en forme, renforcement musculaire, running et tests d’évaluation de la condition physique et de l’hygiène de vie. La plateforme Work Athlé® (figure 4.2) a été développée en partenariat avec TrainMe® pour : ■ favoriser la mise en relation entre les entreprises et les clubs (et les encadrants CAS) ; ■ garantir un niveau de services adaptés aux entreprises. a continué

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Figure 4.2. La plateforme Work Athlé®. Source : https://workathle.fr

Pistes à explorer pour développer le sport en entreprise ■ ■ ■

Co-construire le projet avec les salariés. Trouver des ambassadeurs dans l’entreprise. Proposer des temps forts dans l’année. Essayer le sport 2.0. Développer l’activité physique au sens large : venir au travail en vélo, marcher pendant ses pauses, pratiquer du yoga assis sur sa chaise de bureau, s’échauffer avant la prise de poste dans un entrepôt ou une usine… ■ Mutualiser les infrastructures : il n’est pas forcément nécessaire d’avoir une salle de sport dernier cri pour favoriser les APS en entreprise ; de plus en plus d’entreprises mutualisent leurs espaces (équipements, douches, etc.) pour permettre la pratique du plus grand nombre ; certaines mairies et collectivités autorisent également des entreprises à utiliser stades et gymnases le temps de la pause déjeuner. Ces initiatives sont une manière intéressante de réduire les coûts et les contraintes en termes de déplacements ou d’horaires. ■ Surfer sur les grandes compétitions sportives (bien sûr, on pense aux futurs Jeux olympiques de Paris 2024). ■ ■

Source : baromètre « Vitalité, Sport & Entreprise » 2018 réalisé par OpinionWay et Generali.

À retenir La sédentarité professionnelle est une réalité dans nos pays occidentaux. Malgré les bénéfices connus de l’activité physique – diminution de l’absentéisme pour raisons de santé (notamment la dépression) surtout sur des arrêts de longue durée, augmentation de la productivité au travail, augmentation du bien-être et diminution des TMS et des troubles psycho-sociaux –,

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il y a encore un grand potentiel de développement de la pratique sportive en entreprise (en France moins d’une entreprise sur cinq, soit 18 %, propose des APS à ses collaborateurs et moins d’un salarié sur sept, soit 13 %, déclare pratiquer une APS sur son lieu de travail) et bien sûr de la marche nordique. Les infirmiers de santé au travail, au même titre que les médecins, pourraient être des conseillers de marche nordique [7].

École et marche nordique Dans l’étude ESTEBAN de Santé publique France publiée en 2017, on retrouve chez les enfants de 6–17 ans, que seuls 28 % des garçons et 18 % des filles atteignaient les recommandations de l’OMS en matière d’activité physique en 2015. Il n’y a pas eu d’évolution significative de cet indicateur ces dix dernières années (en comparaison avec l’étude ENSS de 2006). Les enfants de 6–10 ans étaient les plus actifs bien que leur niveau global d’activité physique ait baissé depuis 2006. L’inactivité physique augmentait considérablement au-delà de 11 ans. Toutefois entre 2006 et 2015, une tendance à une augmentation de la pratique physique chez les 15–17 ans a été observée. Près de la moitié des enfants de 6–10 ans déclaraient passer 3 h ou plus devant un écran chaque jour, cette proportion atteignait 70 % chez les 11–14 ans, et 71 % des filles et 87 % des garçons âgés de 15–17 ans. En moyenne, entre 2006 et 2015, le temps quotidien passé devant un écran a augmenté de près de 30 min chez les 6–10 ans, de 1 h 15 chez les 11–14 ans et de près de 2 h chez les 15–17 ans [8]. Devant des constats aussi alarmants, la marche nordique est un outil facile à intégrer dans une séance d’éducation physique et sportive (EPS) en extérieur et devrait être proposée au même titre que d’autres activités aérobies et de renforcement musculaire. Espérons que la dynamique des Jeux olympiques de Paris 2024, en lien avec les projets du ministère de l’Éducation nationale d’expérimenter plus de sport à l’école, permettra aux jeunes d’en découvrir les bénéfices.

Médias et marche nordique La promotion de la marche nordique passe aussi par les outils d’information et de communication : ■ les sites Internet de vendeurs de matériels sportifs ont parfois des pages d’information non commerciale comme la société Décathlon9 ; ■ les quotidiens régionaux et nationaux, les magazines grand public féminins, de santé ou de « sport-bien-être » publient souvent des articles sur les bienfaits de la marche nordique sur la santé ; ■ le magazine spécialisé Marche nordique magazine10 va plus loin et se veut plus informatif sur l’ensemble de la vie du marcheur nordique et de son environnement. 9 https://www.newfeel.fr/conseils/marche-nordique-y-t-il-des-contre-indications-tp_29877 10 marchenordiquemagazine.fr

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Références [1] Depiesse F, Doha MC, Taiana B. Sport-santé Bien-être – Enjeux et pratiques pour les territoires. Voiron. Territorial Éditions 2018. [2] Lefevre B, Thierry P. ministère chargé des Sports. Les principales activités physiques et sportives en 2010 en France. Stat Info no 2011 : 11‒2 novembre. [3] Lopez-Bueno R, Sundstrup E, Vinstrup J, Casajus JA, Andersen LL. High leisure-time physical activity reduces the risk of long-term sickness absence. Scand J Med Sci Sports 2020 ; 30(5) : 939‒46. [4] Church TS, Thomas DM, Tudor-Locke C, Katzmarzyk PT, Earnest CP, et al. Trends over 5 decades in U.S. occupation-related physical activity and their associations with obesity. PLoS One 2011 ; 6 : e19657. [5] Arnaudo B, Léonard M, Sandret N, Cavet M, Coutrot T, Rivalin R. L’évolution des risques professionnels dans le secteur privé entre 1994 et 2010 : premiers résultats de l’enquête SUMER. Références en santé au travail 2012 ; 130 : 41‒54. [6] Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps), 3e édition ; 2017 Bulletin « Debout l’info ! ». [7] CNOSF. Guide pédagogique du sport en entreprise. [8] Santé publique France. Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (ESTEBAN). Chapitre Activité physique et sédentarité 2017 : 2014‒6.

CHAPITRE

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Pratiques, techniques et conseils de spécialistes de marche nordique PLAN DU CHAPITRE ■■ Les différentes pratiques de marche nordique

yy Marche nordique de « découverte » yy Marche nordique dynamique et sportive yy Marche nordique pour la santé et marche nordique thérapeutique en rééducation et en réadaptation ■■ Matériel

yy Bâtons yy Chaussures yy Vêtements ■■ Techniques de marche nordique

yy Différentes techniques yy Évaluation de la technique ■■ Où pratiquer la marche nordique ? ■■ Comment pratiquer la marche nordique ?

yy Durée, distance et vitesse des séances de marche nordique yy Échauffement du début de séance yy Étirements de récupération à la fin de la séance ■■ Traumatologie : les problèmes causés par une pratique intense ■■ Existe-t-il des contre-indications médicales à la pratique de la marche

nordique ?

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Marche nordique et santé

■■ Conseils de pratique pour les professionnels du sport et les entraîneurs

bénévoles de marche nordique yy Toujours proposer des entraînements variés en parcours et en intensité yy Renforcement musculaire ■■ Erreurs d’entraînement du trio médecin–coach sportif–patient

Remarque Vous trouverez plus d’explications sur les techniques et la pratique de la marche nordique auprès des éducateurs sportifs de la Fédération française d’athlétisme diplômés en marche nordique, ainsi que dans les deux ouvrages de Arja Jalkanen-Meyer : ■ Marche nordique – Tout le Nordic Walking du débutant au confirmé, éditions Nuumik, 2013 ; ■ Marche nordique tous les conseils pour se lancer et progresser, éditions Solar, 2019.

Les différentes pratiques de marche nordique Historiquement, les premiers marcheurs étaient des skieurs de fond bien entraînés et donc leurs sorties étaient forcément dynamiques, on parle donc de la marche nordique rapide sportive comme de l’ADN de la marche nordique. Utile pour ceux qui veulent s’entraîner plus, obtenir une amélioration de leur condition physique et se dépenser en sécurité, la marche nordique rapide est un bon complément à la course à pied. Selon certaines études scientifiques (voir chapitre 6), il y aurait moins d’impacts sur les articulations en pratiquant la marche nordique qu’en courant. Le mouvement s’apparente donc beaucoup à celui du ski nordique en parallèle (et non en skating) dont il dérive, certains parlent de marche glissée. La marche nordique la plus pratiquée en France, à savoir la simple randonnée de loisir sur tous les terrains, est devenue la base de la marche nordique, on l’appelle la marche nordique «  découverte ». Il existe aussi des approches différentes et complémentaires de la marche nordique plus « fitness » ou « cardio » avec de la musique, seul ou en groupe, à domicile ou en salle. Ces approches sont complémentaires à la marche nordique « découverte », aidant à améliorer la condition physique sur le plan cardiovasculaire, au niveau du capital osseux et du renforcement musculaire, et donc tout aussi utiles en prévention primaire pour la santé du pratiquant. Une autre pratique dynamique est la compétition encadrée par les règlements de la FFA, elle a débuté en 2014 (voir plus loin). En prévention secondaire et tertiaire, la marche nordique a aussi tout son intérêt en réhabilitation de l’athlète blessé pour un retour plus rapide sur le terrain, bien avant que la course soit autorisée. Bien sûr, la marche nordique est aussi utilisée

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avec des patients porteurs de maladies chroniques comme outil thérapeutique en prévention secondaire et tertiaire, et en curatif. On en parle aujourd’hui comme d’un médicament dans le cadre du « sport sur ordonnance » pour les patients porteurs d’affections chroniques (en ALD ou non). Définitions Prévention primaire : elle agit en amont de la maladie (ex. : rôle bénéfique de l’activité physique sur les facteurs de risque cardiovasculaires). ■ Prévention secondaire : elle agit à un stade précoce de l’évolution de la maladie (dépistages). ■ Prévention tertiaire : elle agit sur les complications et les risques de récidive de la maladie. ■

Plusieurs formes de pratique se développent, en répondant chacune à des objectifs et des besoins différents qui peuvent parfois se croiser et se compléter.

Marche nordique de « découverte » Celle-ci comprend autant la promenade et la reprise d’activité physique que la marche nordique longue durée ou marche nordique de randonnée (on la classe dans la marche nordique santé en prévention primaire et secondaire). La marche nordique est une des techniques « sportives » les mieux adaptées pour les inactifs et les sédentaires, c’est-à-dire les personnes qui n’ont pas une pratique physique régulière et passant beaucoup trop de temps sans bouger. En effet, marcher convient quasiment à tout le monde. C’est aussi l’activité loisir préférée du plus grand nombre, en particulier pour la promenade en extérieur. En marchant avec des bâtons, tout le corps se mobilise, même si l’on ne recherche pas de performance particulière. On peut simplement se balader, et les bâtons feront travailler le corps plus que la marche classique. Quoi de plus agréable pour trouver (ou retrouver) une expérience de plaisir dans l’activité physique. Pas de contrainte, une marche à son rythme assez courte doit être proposée à la première séance dite de « découverte » et toute l’année pour ceux qui le souhaitent en fonction de leurs capacités et envies. En club, la durée des séances de marche nordique est progressivement d’environ 30 min à 2 h (moyenne 1 h 30), durée qui évolue du débutant à l’expert. Pour ceux qui préfèrent marcher loin et longtemps comme les randonneurs, ils peuvent utiliser les bâtons de marche nordique, mais aussi les bâtons de traileur et il est préférable de ne pas utiliser les bâtons sur tout le trajet pour avoir une dépense énergétique moindre donc moins de fatigue. Les randonneurs sur terrain escarpé seront souvent amenés à utiliser des bâtons différents qu’en marche nordique : plus courts souvent télescopiques, ils serviront à s’aider sur les pentes escarpées et dans les descentes abruptes, on n’est alors plus tout à fait dans la marche nordique mais plutôt dans la marche « randonnée ».

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Dans cette approche « découverte », on peut parler de marche nordique pour la santé en prévention primaire pour tous et toutes, chacun à son niveau, mais aussi en prévention secondaire.

Marche nordique dynamique et sportive La marche nordique offre aussi des possibilités intéressantes d’effectuer un travail physique des plus intenses. Elle est utilisée comme une nouvelle technique (à l’instar du vélo pratiqué chez un coureur blessé ou qui veut diversifier ses activités) en complément à l’entraînement habituel des sportifs ou lors des reprises d’activité après blessure. Elle permet de construire des « séances cardio » variées, allant d’un travail de reprise d’entraînement aux séances fractionnées les plus complexes, en passant par du travail d’endurance fondamentale en aérobie pure en intersaison. La sollicitation de tout le corps, la coordination complexe et l’utilisation consciente des bras font de la marche nordique un outil éducatif intéressant pour des sportifs, quelle que soit la discipline pratiquée. En pratique, sur le terrain, un adepte de la marche nordique compétiteur ou non peut facilement monitorer et chronométrer ses séances avec les montres connectées d’aujourd’hui. Il constatera rapidement que sa vitesse de marche augmente naturellement, que sa fréquence cardiaque diminue pour le même effort avec l’entraînement, ce qui signifie que sa condition physique s’améliore et qu’il va sûrement devenir adepte régulier au regard de ses progrès ! De plus en plus, d’anciens coureurs pratiquent la marche nordique en recherchant des vitesses de marche élevées et une efficacité maximale du geste et de l’effet d’entraînement. L’intensité de la marche nordique rapide équivaut à un jogging léger, mais sans présenter les contraintes articulaires de la course à pied. Lors des compétitions de marche nordique, organisées sous l’égide de la FFA, il est interdit d’étendre complètement la jambe et d’avoir les deux pieds en suspension, ce qui signe une foulée de course et non de marche. Compétitions de marche nordique Extrait du règlement sportif La marche nordique consiste à propulser le corps à l’aide des quatre membres. ■ L’utilisation de deux bâtons spécifiques «  marche nordique » est obligatoire. ■ À chaque instant, on doit avoir un pied et un bâton en contact avec le sol, le bras et la jambe doivent toujours être en opposition. ■ La main et le coude du bras d’attaque doivent passer au niveau de la fesse en fin de poussée avant d’attaquer à nouveau devant le corps. ■

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Le pied qui avance doit attaquer le sol avec le talon. La jambe d’attaque ne doit pas être tendue lors de son passage à la verticale du bassin. ■ Le pas glissé en marche nordique est interdit. Définition du pas glissé : il consiste à allonger au maximum la foulée en attaquant par la plante du pied. ■ L’abaissement du centre de gravité est interdit : il sera maîtrisé et jugé à partir des deux règles suivantes, la fente et l’alignement. Comme toutes les postures en athlétisme, le bon alignement est primordial. ■ La fente glissée est interdite : avancée prolongée du genou au-delà du pied. ■ Alignement articulaire obligatoire : pied, genou, bassin, épaule, en fin de propulsion de la jambe arrière, avec la main opposée derrière la hanche. ■ Oscillation  : le marcheur oscillant les épaules de haut en bas sera pénalisé. ■ Ces règles sont édictées pour la marche nordique sur un sol plat. Il est évident que les juges se doivent de tenir compte des terrains accidentés (montée, descente, etc.) afin d’apprécier le respect de la réglementation. ■ La compétition peut se dérouler sur route bitumée (−10 %) et/ou sur terrain naturel. ■

Types de compétitions Marche nordique compétition nature : circuit point à point ou grandes boucles. ■ Marche nordique compétition « découverte » : distance  42 km. ■ Marche nordique compétition sur circuit (boucle de 2,5 km à 3,5 km) sur une distance de 9 à 15 km. Si le parcours comporte plus de 70 % de chemins, il faut utiliser les règles de sécurité applicables aux épreuves en milieu naturel de la FFA. Les organisateurs sont responsables des moyens de sécurité*. ■

*Pour en savoir plus : www.athle.fr

Au-delà de l’aspect compétitif, la marche nordique peut aussi être très dynamique sur des terrains avec une succession de dénivelés importants. Il existe aussi une pratique plus « fitness » ou « cardio », comme les programmes Nordic’Fit et Nordic’Fit Cardio développés par la FFA. Il s’agit d’enchaînements sur circuit-training d’exercices de renforcement musculaire au poids du corps et de stimulation à haute intensité sur le plan cardiovasculaire, avec de la musique, seul ou en groupe, à domicile ou en salle. Situé au croisement de la marche nordique, du circuit training et du fitness, le Nordic’Fit prend la forme d’un circuit, composé d’exercices variés à réaliser sur une musique dynamique. C’est un concept accessible

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Figure 5.1. Bâtons utilisés pour la rééducation. Source : BungyPump (bungypump.fr).

et évolutif, avec différents niveaux, permettant à toute personne de pouvoir en bénéficier et l’apprécier. D’une durée maximale de 1 h 30 et conseillé 1 fois par semaine, le Nordic’Fit alterne renforcement musculaire et séquences de marche à allure soutenue. Il existe aussi une forme ludique comme les relais en marche nordique de la FFA. Ces pratiques sont donc complémentaires aux séances de base de marche nordique d’endurance aidant à améliorer la condition physique sur les plans cardiovasculaire et musculaire. Il existe aussi des variantes plus exigeantes physiquement, liées au matériel, comme le « Bungy Pump of Sweden » qui présente un système de pompe dans le tube du bâton avec des résistances élastiques de différentes puissance pour s’obliger à forcer sur les bras. Ce type de bâton est conseillé par Arja Jalkanen-Meyer, il sert aussi pour les rééducateurs (voir plus loin figure 5.1). Bungy Pump Son apparition est récente : en 2013, pour rendre la marche nordique plus ludique, un fabricant suédois imagine des bâtons dotés d’un système de pompe de 20 cm qui peut offrir une résistance de 4, 6 ou 10 kg selon le modèle. Il y a des embouts en caoutchouc pour sol dur et des rondelles pour ne pas s’enfoncer dans le sable ou la neige, facilitant la pratique en terrain varié. La gestuelle du bungy pump s’apparente à celle de la marche nordique, à savoir propulsion du corps en avant et allongement des foulées, mais elle favorise davantage la coordination des membres supérieurs et inférieurs. L’élan, généré par la poussée du bâton et renforcé par le système de pompe, aide le pratiquant à amorcer aisément le mouvement suivant, sans choc au niveau des articulations selon le fabricant (pas d’études scientifiques à ma connaissance mais théorie séduisante).

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Une étude sur les dépenses énergétiques réalisée par la Modo Sports Academy d’Ornsköldsvik en Suède révèle qu’à 6 km/h un marcheur sans bâtons dépense entre 220 et 330 kcal/h. S’il effectue une marche nordique, il brûle entre 304 et 455 kcal/h. Avec des bâtons de bungy pump, il consomme entre 390 et 600 kcal/h. Non loin des 700 kcal/h estimées lors d’un jogging.

Marche nordique pour la santé et marche nordique thérapeutique en rééducation et en réadaptation La marche nordique pour la santé sert en prévention primaire et secondaire, tandis que la marche nordique thérapeutique en rééducation et en réadaptation sert en curatif et en prévention tertiaire. Dès que l’on est assez autonome pour mettre un pied devant l’autre sur une centaine de mètres, on peut pratiquer la marche nordique. Les bâtons apportent un soutien important, tant sur le plan physique (équilibre, sécurité) que psychologique (assurance, confiance en soi). Il existe ainsi de plus en plus de groupes de marche nordique destinés à des publics particuliers en prévention secondaire ou tertiaire ou en thérapeutique, en lien avec leur état de santé (seniors, porteurs de pathologies chroniques comme le diabète, la bronchite chronique obstructive…). Ils sont conduits par des entraîneurs spécialement formés (CAS), des diplômés de fédérations ou ayant des diplômes d’État ou des enseignants STAPS APA (voir chapitre 4). Ils pratiquent dans les EPHAD, les établissements de santé, les associations de malades, les clubs sportifs fédéraux, des établissements sportifs privés ou à titre indépendant. On verra plus loin que le terme « sport sur ordonnance » distingue de plus en plus ce type de dispositif. En pratique, les bâtons de marche nordique peuvent très bien être utilisés soit en rééducation (voir chapitre 6), soit comme outil de dépense aérobie, soit pour accompagner des exercices de «  résistance » tels que des exercices de renforcement musculaire mais aussi d’équilibre et de souplesse. Une particularité des bâtons de Bungy Pump est que les kinésithérapeutes peuvent les utiliser, du fait des résistances élastiques variables, pour une proprioception progressive du haut du corps très sollicitée lorsque le bâton est appuyé (par exemple, contre un mur dans différentes positions de l’espace : figure 5.1a et b), mais aussi pour une proprioception progressive de tous les membres inférieurs. On peut aussi rechercher un renforcement des fixateurs de l’omoplate, de l’épaule (y compris les rotateurs), du coude (biceps et triceps), du poignet (pronosupination) et des abdominaux aidant au gainage (en position debout pour limiter les contraintes de la charnière lombopelvienne ; figure 5.1c).

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Matériel Bâtons Les bâtons de marche nordique (figure 5.2a) sont composés d’un mélange de fibres de verre et de carbone. Ils doivent être solides tout en étant souples et confortables. Plus il y a de carbone, plus le bâton est solide et moins il y a de vibrations. À retenir ■ ■

Plus de carbone = poussée plus réactive au sol. Plus de fibre de verre = poussée plus molle plus d’amortissement.

Taille des bâtons Il y a deux façons d’ajuster les bâtons à sa taille lors de la pratique de la marche nordique : • on prend la taille personnelle (en cm) et on multiplie par 0,7 pour obtenir la taille idéale des bâtons ; • on se met debout coude à 90 ou 100° selon les écoles, avant-bras à l’horizontal (figure 5.2b). Si on est entre deux tailles, le débutant doit prendre les bâtons les plus courts, car il fera des petits pas. En chemins de montagne, on prendra également des bâtons un peu plus courts. Si on veut aller plus vite, il est préférable de prendre une taille de bâton au-dessus).

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Figure 5.2. Bâtons. a. Bâton avec dragonne. b. Choix de la taille du bâton : Bras fléchi le long du corps, coude à 90°, bâtons posés au sol à la verticale. c. Pointe et pad. Source : figure 5.2a de société TSL outdoor (https://www.tsloutdoor.fr/batons-marche-nordique/tactil-c50.html).

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Figure 5.3. Dragonne.

Source : société TSL outdoor (https://www.tsloutdoor.fr/batons-marche-nordique/tactil-c50.html).

Embout des bâtons La pointe des bâtons doit s’adapter à différents types de sol : terre, gazon, sable dur, mou, bitume… Le système d’embout de certaines marques est simple et efficace, il permet de changer d’embout à l’extrémité du bâton en fonction du type de terrain. Sur le gazon, la terre ou le sable, c’est la pointe de l’embout qui est utilisée. Sur le bitume, c’est un embout en caoutchouc qui est nécessaire (le pad : figure 5.2c).

Dragonne La dragonne (figure 5.3) est l’élastique ou la lanière qui permet de ramener le bâton vers la main plus rapidement. Une dragonne confortable permet de répartir le poids du corps sur le poignet et d’assurer un retour automatique du bâton dans la main. La dragonne supporte (transmet) intégralement la poussée du haut du corps sur les bâtons. Sans la dragonne, il n’y a pas de marche nordique. Une dragonne facile à enfiler et enlever doit être un critère de choix pour l’achat. On parle parfois de gantelet quand la dragonne est très enveloppante.

Chaussures Lors de la pratique de la marche nordique, on peut utiliser des chaussures de raid avec une semelle épaisse et antidérapante de préférence souple. On peut aussi utiliser des chaussures de randonnée souples non montantes. Sur terrain sec, on peut très bien avoir des chaussures de running.

Vêtements Par temps froid, on privilégiera une tenue absorbant la transpiration et qui, bien sûr, tient au chaud. Par temps chaud, on privilégiera une tenue de sport légère (pantalon léger, polo, coupe-vent). Les tenues sont adaptées aux conditions atmosphériques et permettent une bonne liberté de mouvement.

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Techniques de marche nordique Différentes techniques Il existe plusieurs variantes de marche nordique. La technique de marche nordique dite « diagonale », issue des experts de la FFA, est présentée ici. La technique ALFA, développée en Allemagne et pratiquée notamment en Suisse, et la technique japonaise seront évoquées plus loin. Il existe sûrement d’autres techniques. Le mouvement est très proche de celui du ski de fond en parallèle pour les bras. Comme la technique est relativement simple, le plaisir de pratiquer est présent dès le début, sans phase fastidieuse d’apprentissage. En effet, la marche nordique c’est tout simplement de la marche naturelle avec des bâtons. Quand le bras droit avance, il doit être accompagné de la jambe gauche et inversement. Très souvent, les novices, ne sachant pas trop comment utiliser les bâtons de manière efficace, marchent à l’amble, c’est-à-dire membre supérieur et inférieur homolatéraux ensemble vers l’avant et l’arrière. Heureusement, la technique est très vite assimilée avec les conseils avisés d’un entraîneur formé. Personnellement, en 4 ans de coaching, aucun de mes élèves n’a eu besoin de plus de deux séances pour acquérir le bon mouvement inversé. La gestuelle est naturelle et au pire ce n’est pas grave si elle n’est pas parfaite, l’important c’est de bouger. La marche nordique se réalise avec deux bâtons spécifiques équipés de gantelets ou dragonnes (voir plus haut). Techniquement, il y a une légère inclinaison du tronc, les bâtons facilitent la propulsion vers l’avant tout en recrutant plus de groupes musculaires que la marche traditionnelle et en évitant les phases de suspension. À chaque instant, un pied et le bâton controlatéral sont en contact avec le sol. La coordination entre les quatre membres suit le schéma naturel de la quadrupédie : le marcheur avance en même temps le bras et la jambe opposés. Et il pousse en même temps sur le bras et la jambe opposés. La technique de base selon les CAS de la FFA, que certains appellent la technique des diagonales, est la suivante (figure 5.4) : 1. double rotation bassin–buste créant des diagonales (figure 5.5)  : avancez le bras droit, le coude y compris, refermez votre main sur le bâton et plantez la pointe de ce dernier au sol légèrement à l’arrière du pied droit. Cette position permettra à votre épaule d’avancer et de provoquer une légère rotation de votre buste. La pointe du bâton se pose au sol juste derrière le pied avant ; 2. poussez en même temps sur le bâton gauche en allongeant votre bras, ouvrez la main. Une propulsion vers l’avant se fera sentir. Maintenez l’épaule basse ; 3. avancez la jambe droite en attaquant par le talon. Ne tendez pas le genou complètement ; 4. poussez sur la jambe gauche en arrière pour finir la propulsion ; 5. inclinez votre buste légèrement vers l’avant, dans le sens de la marche, en maintenant le dos droit. Ne pas casser la ligne au niveau des hanches, ne pas voûter le dos ni baisser la tête ;

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C Figure 5.4. Erreurs selon les coachs Athlé Santé de la FFA. Source : dessin Carole Fumat.

6. redressez la tête et regardez loin devant vous. Respirez amplement et profondément. Marchez d’un bon pas en surveillant les obstacles éventuels sur le chemin (figure 5.6). À retenir « La marche nordique est un mouvement naturel, veillez surtout à ce que vos sensations soient agréables et harmonieuses. Tout dans votre geste doit contribuer à avancer », conseillent les CAS de la FFA.

D’autres styles sont décrits dans la littérature. Dans la technique allemande ALFA, les bâtons font un angle plus prononcé à la pose au sol (voir encadré ci-dessous). Dans la technique japonaise, la marche se fait avec des bâtons verticaux (un peu comme les randonneurs du « dimanche » qui naturellement promènent leurs bâtons verticalement, on les reconnaît tout de suite sur le terrain), elle est plutôt dynamique mais la poussée des bras très verticale est moins efficace pour aller vers l’avant.

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Figure 5.5. Principe de la technique des diagonales. Source : dessin Carole Fumat.

Technique de marche nordique ALFA En 2000, naît la Deutsche Nordic Walking und Nordic inline skating Verband (DNV), première organisation de marche nordique en Allemagne. Sur la base d’études effectuées au sein de l’université du sport de Mainz, ses membres vont ajuster la technique de la marche nordique pour en faire un outil à la fois d’entraînement et de réadaptation. Un réseau « d’écoles de formation » se développe alors. En 2003, ces écoles se rassemblent dans une organisation commune l’International Nordic Fitness Organisation (INFO) qui met au point une technique d’apprentissage nommée ALFA et comprenant sept étapes* : ■ étape 1 : découverte, informations sur le matériel ; ■ étape 2  : mouvement simultané des deux bras, contrôle du bâton, balancement des bras, ouverture et fermeture de la main ; ■ étape 3  : apprentissage de différents rythmes de marche (marche à 4 temps, à 3 temps, à 2 temps) ; ■ étape 4 : travail de la posture ; ■ étape 5 : rotation inverse de la ceinture scapulaire et pelvienne ; ■ étape 6 : déroulement et activité du pied ; ■ étape 7  : consolidation de la technique et variantes (par variantes, on entend des techniques d’interval-training, à savoir variations dans la pression au niveau des dragonnes, dans les rythmes, les sauts, les courses, etc.). * Pour en savoir plus : Wilhelm A, Mittermaier R, Neureuther C. Nordic walking : selon la technique ALFA. Chanteclerc ; 2007.

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Figure 5.6. Le contrôle technique selon la FFA.

Évaluation de la technique La FFA s’est dotée d’un certain nombre d’outils de promotion et de suivi de la marche nordique. Le contrôle technique fait partie de cette boîte à outils des entraîneurs de marche nordique. Assez simple, fonctionnant par l’observation, il permet à l’enseignant une analyse assez juste de la technique sur plusieurs critères et habilités du marcheur qui vont permettre de le classer de façon pertinente sur la justesse de son mouvement de marche nordique. Les entraîneurs de marche nordique de la FFA ont acquis le droit de faire passer les contrôles techniques et peuvent délivrer un reçu de leur analyse aux licenciés (figure 5.6).

Où pratiquer la marche nordique ? La marche nordique est d’abord un sport d’extérieur et peut se pratiquer à peu près partout, en ville ou en milieu rural, dans les parcs et les forêts, sur la plage, et à la campagne. Depuis la pandémie de COVID-19, la pratique à la maison dans un espace clos et limité a même été plébiscitée avec des cours en musique type Nordic’Fit par des CAS de la FFA et, pour certains, des tours dans leurs jardins. La marche nordique urbaine se développe et permet aux habitants des villes de pratiquer régulièrement, de découvrir des espaces urbains parfois peu connus, de faire du tourisme tout en se faisant du bien. On cherchera un parcours loin des voitures, autant pour respirer de l’air pur (plutôt que des gaz d’échappement) que pour la sécurité. On sera donc vigilant par rapport aux informations sur la pollution atmosphérique (voir chapitre 7).

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Comment pratiquer la marche nordique ? Une séance de marche nordique commence par une marche douce d’échauffement progressif des muscles et des articulations (quelques mouvements sur place notamment pour préparer à l’effort des zones du corps non sollicitées en marche) et se poursuit par une marche dynamique dans un environnement agréable et varié, elle finit toujours par un temps d’étirements de récupération. Toujours prévoir une courte pause en mi-séance pour s’hydrater ou utiliser durant la séance un sac de transport avec sa poche d’hydratation et son tuyau.

Durée, distance et vitesse des séances de marche nordique La durée idéale globale d’une séance d’entraînement ou d’une sortie de marche nordique est d’environ 2 h. La durée de marche proprement dite se situe entre 1 h 30 et 1 h 45. Pour les débutants et les porteurs de pathologies chroniques en faible condition physique, la séance sera plus courte au début. Je recommande de ne pas dépasser 1 h durant les trois premiers mois. On peut commencer entre 10 et 20 min de marche à raison de deux à trois séances par semaine et augmenter ainsi progressivement sa durée, chaque semaine, de 10 min à chaque séance. Peu importe le kilométrage, c’est la qualité et le plaisir, pas la quantité, qui comptent en marche nordique pour la santé. Dans le cadre de la marche nordique en rééducation, les distances sont de l’ordre de quelques centaines de mètres au début. On commencera toujours par des parcours plats. On cherchera les dénivelés secondairement. La majorité des groupes entraînés par des CAS de la FFA réalisent classiquement un effort sur 9 km (1 h 30 à 6 km/h = 9 km). Comme nous le reverrons plus loin, en marche nordique l’utilisation intensive des bras augmente la dépense énergétique et le coût énergétique est modifié par l’utilisation des bâtons donc la fatigue périphérique augmente par rapport à la marche sans bâtons. Les sportifs entraînés en marche nordique vont jusqu’à 15–20 km ; au-delà, il s’agit plutôt de trail ou de randonnée avec bâtons que de marche nordique à proprement parler. En randonnée, mais bien évidemment pas en marche nordique, on peut, pour moins se fatiguer, accrocher, par moments, ses bâtons au sac1. La vitesse moyenne de marche est exprimée en km/h : au début, une vitesse de 3 km/h est accessible à tous, même aux porteurs de pathologies chroniques dès qu’ils sont assez autonomes pour aller dans un club ; 6 km/h est l’allure soutenue la plus courante observée parmi les adeptes de la marche nordique. L’allure de marche aisée correspond souvent à 5 km/h, mais elle dépend bien sûr de chacun 1 Pour en savoir plus sur les randonnées longue distance et les marches de régularité AUDAX® pouvant être parfois réalisées avec les bâtons de marche nordique, voir le site de la Fédération française de randonnée : https://www.ffrandonnee.fr/_262/marches-endurance-audax-pedestres.aspx

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et c’est le rôle de l’encadrant de repérer la vitesse de confort du pratiquant qui sera toujours celle où l’on peut marcher et parler avec ses partenaires de marche nordique, donc juste avant le seuil d’essoufflement (seuil aérobie ou de dyspnée). Dès que le pratiquant le plus bavard du groupe ne parle plus, l’encadrant sait qu’il a dépassé sa vitesse de confort et son seuil de dyspnée et donc qu’il faut adapter la séance selon les objectifs du jour (voir plus loin). Au-delà de 6 km/h, on est dans une pratique de marche nordique dynamique. À retenir Diversité des sols et des lieux de pratique, adaptation de la distance, de la durée et des exercices à l’état de santé et de forme du sujet sont les bases de la réussite en marche nordique.

Échauffement du début de séance Chaque séance sportive commence par un temps d’échauffement. L’organisme a besoin de temps pour se mettre en route et monter en puissance progressivement. On peut conseiller de marcher les 5 premières minutes à vitesse lente, puis 5 minutes à vitesse plus rapide et enfin les 5 minutes suivantes de faire un échauffement analytique sur place. Ce temps d’exercices sur place peut être individualisé. Il existe de nombreux exercices pour mobiliser les articulations, augmenter le débit sanguin musculaire et cardiaque et ainsi échauffer les muscles : par exemple, des talons aux fesses appuyés sur les bâtons afin d’échauffer les ischiojambiers qui sont peu stimulés à la marche et doivent donc être préparés spécifiquement à l’effort (figure 5.7), des quarts de squat avec les bâtons comme aide pour se redresser,

Figure 5.7. Échauffement talon–fesses.

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Figure 5.8. Exemple d’étirement balistique cuisses et membres supérieurs.

surtout s’il y a du dénivelé de prévu. L’échauffement doit toujours se terminer par des étirements dynamiques type contracté/relâché courts (6 secondes/6 secondes) sur les muscles les plus sollicités en marche nordique : triceps sural (voir figure 5.13 dans le tableau 5.1), muscles du rachis (voir figure 5.10 dans le tableau 5.1). On peut aussi faire des étirements de type balistique pour finir l’échauffement en privilégiant le mouvement spécifique du marcheur : par exemple, balancier avant–arrière des membres supérieurs tendus avec le bâton (figure 5.8) et quart de fente avant avec rebond maîtrisé pour les membres inférieurs (voir figure 5.11 dans le tableau 5.1). Les encadrants proposent beaucoup d’autres exercices d’échauffement, l’originalité et l’innovation sont les bienvenues en respectant les déficiences et les limitations physiques des pratiquants. Par exemple, un sujet ayant des antécédents d’entorse de cheville insistera plus sur la cheville en la mobilisant dans tous les plans de l’espace, tandis qu’un lombalgique fera des mouvements contrôlés de flexion–extension du tronc et étirera la face postérieure des membres inférieurs et du dos en s’appuyant sur les bâtons un peu plus longtemps. L’éducation du pratiquant doit le rendre autonome, donc après quelques séances, il doit être en mesure de faire son échauffement seul. À retenir Il existe plusieurs livres d’exercices spécialisés sur la marche nordique et de nombreuses variantes pour s’échauffer. On propose de débuter une séance de marche nordique par 5 minutes de marche douce, puis 5 minutes de marche plus rapide et 5 minutes d’exercices dynamiques sur place pouvant être individualisés pour le tronc (figure 5.9), les membres supérieurs, les cuisses (quadriceps et ischiojambiers (figure 5.7), les mollets, les chevilles et quelques étirements balistiques (figure 5.8) avant de partir en séance de marche nordique.

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Figure 5.9. Échauffement du tronc.

Étirements de récupération à la fin de la séance On finit les séances par quelques étirements de récupération sous la forme 6 secondes d’étirement/6 secondes de relâchement pour le rachis, les membres inférieurs (ischiojambiers, quadriceps (voir figure 5.12 dans le tableau 5.1), fessiers, triceps suraux (voir figure 5.13 dans le tableau 5.1) et les membres supérieurs (triceps brachiaux). On utilise au moins les 5 dernières minutes pour faire un retour au calme progressif. Dans le tableau 5.1, quelques positions d’étirements sont présentées. À retenir Étirements de récupération de fin de séance : ne jamais forcer ! Certains pensent que les lésions musculaires induites par l’exercice ne doivent pas être en plus accentuées par un étirement post-effort. L’étirement doit seulement permettre de redonner un peu de longueur à des fibres musculaires contractées durant l’effort sans plus  ; 5  minutes toujours en contracté/relâché (6 secondes/6 secondes) seront suffisantes sur les muscles les plus utilisés en marche nordique. ■ Étirements de gain d’amplitude  : pour s’assouplir, ce sera toujours à distance d’une séance de marche nordique ; on attendra le lendemain matin à froid pour des étirements doux de 30 secondes à la limite de la douleur, à répéter dix fois par muscles, tendons et structures conjonctives (ligaments, ■

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fascias, capsules articulaires…) que l’on veut allonger. Pour cela, certains pratiquent le ou plutôt les « yogas » ou des cours de stretching en fitness qui sont assez complémentaires à la marche nordique. On peut le faire seul ou à plusieurs, avec son entraîneur ou avec son kinésithérapeute. Tableau 5.1. Exemples d’étirements recommandés Position

Description

Exemple

Étirement global du dos

En appui, bras tendus ou demi-tendus, sur les deux bâtons, se pencher en avant en soufflant doucement dos plat puis en creusant le dos, on remonte en déroulant le rachis de bas en haut

Figure 5.10

Grand angle fente avant

Avancer un pied et descendre tronc Figure 5.11 droit (ce que le sujet ne fait pas sur la figure) ; en progressant, on avancera le pied de plus en plus

Quadriceps : la face antérieure de la cuisse

Prendre la cheville dans une main et ramener le pied à la fesse du même côté, puis avancer le bassin ; de l’autre côté, on « plante » les deux bâtons pour se stabiliser

Figure 5.12

Étirement des mollets et du tendon d’Achille (calcanéen)

Se mettre en avant-pied sur une marche ou un bord de trottoir et laisser tomber le talon vers le bas S’équilibrer avec les deux bâtons posés devant

Figure 5.13

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Traumatologie : les problèmes causés par une pratique intense Aucune activité physique ne se réalise (a fortiori à haute intensité) sans qu’il n’existe un risque de blessure soit par répétition et usure (microtraumatismes), soit par accident (macrotraumatismes). Ainsi, la marche nordique n’y échappe pas. Mais clairement, les études que l’on a classent la marche nordique comme une des activités physiques et sportives les moins traumatisantes. Pour un débutant, mal évaluer ses capacités aura pour conséquence de marcher trop vite et trop loin, d’où l’intérêt de débuter avec un éducateur sportif. Pour un pratiquant régulier -, ce sera souvent une hyperutilisation qui sera délétère et cause de lésions microtraumatiques. Pour tous les pratiquants, la chute est définie comme un macrotraumatisme. Ainsi, en consultation, on peut rencontrer les lésions suivantes : • aux membres supérieurs et aux épaules : - tendinopathies au coude ou à l’épaule à la marche et surtout après une sortie intense et de longue durée sur le bitume et le sol dur, avec des bâtons mal adaptés (trop longs ou trop lourds, avec des ressorts trop durs par exemple), - tendinopathies de poignet (bord ulnaire) en lien avec le mouvement de lâcher du bâton vers l’arrière, - une douleur des muscles trapèzes qui sont les fixateurs de la ceinture scapulaire lors du planter de bâton : ils se contractent trop si on n’arrive pas à relâcher les épaules et les mains à la fin de la poussée, • aux membres inférieurs, on peut trouver : - une atteinte douloureuse de l’articulation (métatarsophalangienne) du gros orteil qui se fléchit très fort quand on pousse puissamment avec le pied, - une tendinopathie des releveurs antérieurs du pied (tibial antérieur, extenseurs communs des orteils), - une tendinopathie du tendon calcanéen (tendon d’Achille), - une entorse de cheville (tous les ligaments peuvent être touchés : latéraux, médiaux, antérieurs), - des lésions musculaires des triceps suraux ; • sur le plan rachidien : - une douleur musculaire, surtout en zone lombaire contractée, si on a adopté une position trop droite et raide, - contracture des muscles du cou et de la nuque, si on n’arrive pas à abaisser les épaules et redresser la tête. Cette liste de traumatismes n’est pas exhaustive. Une étude de Knobloch (2006) a montré chez des spécialistes en marche nordique que la fréquence de blessure était estimée à 0,926/1000 h de pratique [1]. Pour comparaison, selon Ekstrand, au football, elle est de 6 à 9/1000 h chez les joueurs masculins professionnels (24 à 30/1000 h en compétition et 3 à 5/1000 h à l’entraînement) [2]. Au rugby à XV, Kaux et al. parle d’une incidence de 30 à 120/1000 h de match et de 2,2 à 6/1000 h d’entraînement [3]. Pour Bennell, en athlétisme sur piste, elle est de 3,9/1000 h de compétition [4].

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La fréquence des chutes en marche nordique est de 0,24/1000 h de pratique. Le membre supérieur est touché plus fréquemment (0,549/1000 h) que les membres inférieurs (0,344/1000 h). La lésion la plus fréquente est une lésion ligamentaire du bord ulnaire du poignet après des chutes sur le poignet (0,206/1000 h). Les lésions musculaires le plus souvent retrouvées sont celles du mollet (muscles gastrocnémiens ou jumeaux ; 0,137/1000 h). Ce qui est rassurant, c’est que seulement 5 % des incidents ont provoqué une interruption d’entraînement et que tous les pratiquants ont repris au même niveau en 4 semaines au plus [1]. Coutrel [5] a soumis un questionnaire à 503 pratiquants de marche nordique de 152  clubs ligériens affiliés à la FFA et recueilli ainsi des données médico-sociodémographiques et de qualité de vie. Il en ressort que l’accidentologie liée à la pratique révèle peu de traumatismes induits par la marche nordique (0,3  blessure/1000 h de pratique). Selon Coutrel, les lésions microtraumatiques d’overuse syndrome que l’on traduit souvent par « d’hypersollicitation » sont minoritaires (39 % de blessures) par rapport à ce qui a déjà été publié. En revanche, les blessures graves (15 % de fracture/luxation ou rupture tendineuse) sont non négligeables et n’avaient jamais été identifiées à ce niveau auparavant. Elles semblent selon lui consécutives aux chutes des pratiquants de marche nordique présentant une certaine fragilité (âge, maladie chronique). Au vu de cette étude, une enquête de suivi traumatologique de plus grande ampleur au sein de la FFA et des autres fédérations volontaires serait nécessaire pour affiner nos connaissances sur l’accidentologie en marche nordique. À retenir Faible prévalence des traumatismes induits par la marche nordique : 0,3 à 0,926 blessure/1000 h de pratique (blessures principalement microtraumatiques). ■ Risque de chute : 0,24/1000 h de pratique. C’est la chute qui provoque les lésions dites macrotraumatiques. ■ Les lésions sont rarement compliquées et les délais de retour sur le terrain sont relativement faibles par rapport à d’autres sports. ■

Existe-t-il des contre-indications médicales à la pratique de la marche nordique ? Les experts considèrent qu’il n’y a quasiment pas de contre-indications totales, absolues et définitives à la pratique de la marche nordique. Il y a très souvent la possibilité de faire marcher nos patients en proposant des adaptations de la technique, de la vitesse et de l’encadrement de la marche à leur état (c’est ce qu’on nomme de l’activité physique adaptée ou APA), d’où l’intérêt du bilan médical initial avant reprise ou au début d’une activité de marche nordique (ce qui sera le

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cas pour une reprise post-infection à la COVID-19, par exemple). Il faut que l’éducateur sportif en marche nordique sous contrôle de la prescription médicale (voir chapitre 8) adapte la pratique. Pour cela, il doit faire passer des tests de condition physique aux pratiquants comme le test de 6 minutes marche, les tests de force musculaire (voir chapitre 8). Au fond, pour toutes les personnes autonomes pour se rendre seules sur un parcours de marche nordique et capables de marcher sur un rayon d’au moins 150 mètres [6], les contre-indications absolues n’existent quasiment pas (voir encadré ci-après). En effet, les contre-indications, qui ne sont d’ailleurs pas spécifiques à la marche nordique, ne sont souvent que temporaires, voire partielles. Ainsi comme indiqué dans le dictionnaire Médicosport-santé©, toute pathologie chronique non stabilisée représente une contre-indication absolue mais temporaire jusqu’à stabilisation [7]. En pratique, en marche nordique, lorsque l’on a compris l’intérêt d’une APA à la situation de santé (déficiences, limitations du patient…), on ne décrit quasiment plus que des contre-indications temporaires ou partielles à la pratique de la marche nordique. Par exemple, on évitera de marcher avec les bâtons en cas de : maladie rhumatismale inflammatoire en période de poussée, crise de gonflement articulaire chez l’arthrosique, douleurs liées à un syndrome du canal carpien non traité, dégénérescence avancée des muscles et tendons de la coiffe des rotateurs aux épaules, capsulite rétractile en phase aiguë, tendinopathies aiguës non traitées, poussées infectieuses avec fièvre… On retiendra que les personnes ayant une maladie cardiaque grave et instable (certains troubles du rythme électrique, des cardiomyopathies hypertrophiques, des pathologies cardiaques congénitales non opérables, des maladies coronariennes instables… : voir encadré ci-dessous), une grossesse à risque, une infection en phase aiguë, une maladie inflammatoire aigüe ou une maladie chronique non équilibrée par un traitement doivent éviter les efforts trop importants du fait d’un risque de santé accru. Contre-indications cardiovasculaires absolues au réentraînement à l’effort [8] ■ ■ ■ ■ ■





■ ■ ■

Syndrome coronarien aigu non stabilisé. Insuffisance cardiaque décompensée. Troubles du rythme ventriculaire sévères, non maîtrisés. Présence d’un thrombus intracardiaque à haut risque embolique. Présence d’un épanchement péricardique de moyenne à grande importance. Antécédents récents de thrombophlébite avec ou sans embolie pulmonaire. Obstacle à l’éjection ventriculaire gauche sévère et/ou symptomatique. Toute affection inflammatoire et/ou infectieuse évolutive. Hypertension artérielle pulmonaire sévère.

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En revanche, on a de très bons résultats en rééducation (dans le respect des contre-indications) après un accident coronarien ou en cas d’insuffisance cardiaque même au niveau d’un patient en attente de greffe cardiaque (voir chapitre 6). Sur le plan cutané, on contre-indiquera à un diabétique avec une lésion ulcéreuse en zone portante, type mal perforant plantaire, de pratiquer la marche et/ou la marche nordique tant qu’il aura une lésion cutanée, même si on sait que l’utilisation des bâtons permet de diminuer les pressions sur la voûte plantaire comme l’étude d’Hudson l’a montré [9]. Pour les femmes enceintes, voir le chapitre  6 et les recommandations de la HAS [10]. Concernant l’information de l’encadrant sur les contre-indications et les adaptations santé pour un pratiquant de marche nordique, on en reparlera au chapitre 8. À retenir « Pour certaines pathologies, des contre-indications relatives peuvent exister et doivent être évaluées au cas par cas et en fonction du sport. Dans toutes ces situations, l’avis d’un médecin spécialiste peut être sollicité. » (Dictionnaire Médicosport-santé© [7].) En pratique, il y a très peu de contre-indications définitives, il y a plutôt des contre-indications temporaires ou partielles que l’on peut moduler avec des adaptations de la marche nordique (en intensité et en difficulté technique). Si le pratiquant est porteur d’une prothèse de hanche, de genou, s’il a des problèmes cardiaques, vasculaires ou pulmonaires sévères, des complications suite à une fracture, ou autre, il faut l’inciter à prendre des précautions particulières qu’il faut lui décrire et lui écrire ; s’il le souhaite, il peut prévenir seul l’éducateur qui l’encadre, dans le respect du secret médical. Il faut encourager le patient à en parler à son coach. La question du secret médical et professionnel dans ce cadre particulier du « sport-santé » reste à discuter (chapitre 8).

Conseils de pratique pour les professionnels du sport et les entraîneurs bénévoles de marche nordique Les propositions faites ici ont pour objectif de rendre le marcheur régulier, heureux et autonome. Ce que l’on peut saisir et qui fait la force du pratiquant intensif de « haut niveau », ce sont ses capacités d’adaptation, de critique et d’analyse de ses erreurs. Les grands champions qui durent sont souvent à la fois ouverts et « sûrs » d’eux, mélange

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de confiance en soi et d’humilité. Le pratiquant débutant lui doit être rassuré, cajolé, entraîné avec une progression douce et mesurable. Il faut le rendre acteur et autonome, donc lui expliquer le but et les objectifs des séances. Au début pour stimuler et entretenir sa motivation, il doit noter le contenu et les résultats de ses séances. Par la suite, certains devenus experts feront confiance à leurs sensations et d’autres continueront à tout noter. L’analyse de sa séance, comme pour les champions, se fait durant le retour au calme et/ou avant la sortie suivante. Les grands champions ont cette capacité à débriefer et lire leurs sensations physiques et psychiques seuls ou avec l’entraîneur et/ou le préparateur mental, certains comme Meriem Salmi (psychologue du sport) parlent d’hyprasensibilité. Nos débutants doivent essayer d’écouter leurs corps, surtout les malades qui doivent se le réapproprier comme outil de mouvement. L’analyse des douleurs, des sensations de difficulté, du plaisir est faite à chaque séance : on parle du ressenti du pratiquant et il sera comparé à celui du coach. L’avantage de noter ses sensations sur un plan d’entraînement sera aussi, dans le cadre du « sport sur ordonnance », de faire un retour au prescripteur de la marche nordique. C’est aussi un très bon outil d’entretien de la motivation. Le maintien du plaisir en sécurité et en régularité sera l’objectif principal de l’encadrant et sa responsabilité. Sur le plan technique, une séance de marche nordique ne comporte pas uniquement de la marche, elle répond à tous les besoins de l’organisme : travailler la force musculaire, l’endurance cardiovasculaire (système aérobie), la coordination, la « haute intensité » (système anaérobie) et la souplesse. Pour progresser, il existe deux écoles en marche nordique  : soit chacune des sorties sollicitera ces cinq composantes d’une bonne forme physique, soit la science de l’éducateur sera de faire des séances à thème et de les disposer dans la semaine. Dans tous les cas, les temps de récupération sont toujours à considérer comme une « séance » profitable et nécessaire et seront placés comme tel dans le programme. Et même si on n’entraîne pas pareillement (pratiquant faisant du biquotidien et pratiquant faisant deux séances par semaine), on placera toujours la récupération en premier sur le programme.

Toujours proposer des entraînements variés en parcours et en intensité Le pratiquant et l’encadrant doivent profiter pleinement de la nature et des nombreux chemins de randonnée bien signalés et entretenus pour pratiquer la marche nordique dans des lieux variés. On diversifie les profils des parcours, en alternant le plat avec les dénivelés, les trajets courts mais difficiles avec des chemins longs et plus faciles. Si possible, les parties les plus intenses des parcours (pentes importantes, accélérations…) sont placées à la fin des séances. Ainsi, le pratiquant ne se fatigue pas trop tôt. S’il est difficile de changer d’itinéraire, on fera le même

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parcours tantôt tranquillement, tantôt rapidement, ou encore en enchaînant des «  sprints » (de courtes accélérations) alternés avec des temps de marche tranquille. Ce travail « intermittent » est complémentaire à la marche en endurance de base, c’est-à-dire en pouvant toujours parler avec son ou ses accompagnateurs. On peut faire des séances en « plantant les bâtons » très fort, et d’autres avec un travail des bras plus léger. L’alternance des différents types de parcours, de la durée et de l’intensité de marche est bien sûr du domaine de l’expertise de l’encadrant, la personnalisation des sorties à chaque pratiquant est de l’ordre de la « science » du coach. Pour les marcheurs les plus chevronnés et en bonne condition physique, on peut accélérer la marche jusqu’à la course, maintenir une « course glissée » pendant quelques dizaines de mètres, puis revenir à une marche normale. On enchaîne l’alternance course–marche plusieurs fois de suite, « 30 secondes de marche nordique/30 secondes de course » reste la base que l’on fait varier (en durée et en répétition) selon les objectifs. Ce type d’entraînement fractionné, ou intervaltraining, est un moyen très efficace pour améliorer le débit de consommation maximale d’oxygène (VO2max) du compétiteur, du patient ou du pratiquant loisir sans pathologie chronique, ainsi que leur VO2max au seuil aérobie (seuil de dyspnée qui nous intéresse pour l’aisance respiratoire). C’est aussi un bon moyen pour ceux qui, au final, voudront courir de se préparer au running sans risque. Les blessés en retour sur le terrain l’utiliseront utilement.

Renforcement musculaire Il est recommandé par toutes les sociétés savantes.

Force musculaire en marche nordique La musculation stimule la fibre musculaire et ses constituants, elle utilise surtout les métabolismes anaérobie alactique et lactique. En marche nordique pour augmenter la force musculaire, il faut contracter les muscles des bras, du dos, des épaules et de la poitrine en poussant sur les bâtons. Le « planter » des bâtons s’exerce vers le bas et vers l’arrière à l’aide de tout le tronc, même les muscles de l’abdomen sont alors sollicités. Selon la technique de marche nordique, certains appuieront plus verticalement et d’autres plus en oblique et vers l’arrière ce qui travaillera les muscles des membres supérieurs différemment. On travaille aussi la force musculaire des jambes quand on marche avec les bâtons dans des pentes. Grimper ou descendre une pente demande un gros effort des cuisses et des bras, car on doit hisser le poids du corps contre la résistance de la pesanteur. Une autre façon d’augmenter le travail musculaire consiste à marcher sur du sable très mou (ou de la neige) où les pieds et les bâtons s’enfoncent. Le travail avec les bâtons bungy pump est aussi un moyen simple de faire de la musculation. Lors d’une séance de Nordic’Fit on fait de la musculation au poids du corps.

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Endurance cardiovasculaire La marche nordique développe l’endurance, c’est-à-dire la capacité à marcher en utilisant l’oxygène comme comburant énergétique (les glucides comme carburant principal, et les lipides comme carburant secondaire). On la quantifie soit par un test d’effort sur tapis roulant avec analyse des gaz ventilatoires en % du VO2max (débit de consommation maximale d’oxygène), soit par un test de terrain type Luc Léger ou demi-Cooper. À 100 %, on parle de la puissance maximale aérobie (PMA) ou VO2max. La PMA est définie comme la plus grande quantité d’oxygène absorbée par minute durant un effort maximal que l’on peut tenir environ 5 min. En sous-maximal, on s’intéresse surtout à la capacité maximale aérobie qui est le plus grand pourcentage de la VO2max qui peut être soutenu lors d’un effort supérieur à 30 min, ce qui correspond au seuil dit anaérobie ou seuil ventilatoire 2 (lieu de passage entre les systèmes énergétiques aérobie et anaérobie, c’est-à-dire quand le lactate sanguin commence à s’accumuler fortement, il se situe au-delà de 80 % de VO2max). Ce seuil est très intéressant pour les marcheurs qui cherchent la performance et qui vont essayer de retarder l’apparition du seuil anaérobie et tenter de dépasser plus de 90 % de VO2max pour les plus performants. Pour la marche nordique de santé on s’intéresse plutôt à l’aptitude à prolonger un exercice sous-maximal, c’est-à-dire sous la capacité maximale aérobie et en particulier au seuil ventilatoire 1 (ou seuil aérobie ou seuil d’apparition de la dyspnée ou seuil d’essoufflement), qui s’exprime sous la forme d’un exercice physique de longue durée (>  30  min) et d’intensité modérée pratiqué sans essoufflement, tout en élevant la fréquence cardiaque et la dépense énergétique. En pratique, les intensités varient et l’entraînement stimule l’organisme à différents niveaux, pour cela on définit des zones de travail. Sur le terrain, on utilise comme indicateur de ces zones la fréquence cardiaque (FC) ou la vitesse de marche. Par exemple, si on veut travailler sous le seuil d’essoufflement, on fait travailler l’endurance fondamentale du pratiquant avec un exercice qui dure suffisamment longtemps (variable selon la condition physique et l’objectif de l’entraînement), tout en restant d’intensité modérée pour une pratique visant à améliorer la santé. Pour faire simple, on propose de ne pas dépasser la FC correspondant à 70  % de la FCmax environ ou 60 % de la FC de réserve selon la formule de Karvonen (voir encadré ci-après) ou, si on a la chance d’avoir un test de consommation maximale d’oxygène avec un débit d’oxygène (VO2) mesuré, on travaille sous le seuil ventilatoire 1 (situé selon la condition physique aux alentours de 60 % de VO2max) pour être en endurance fondamentale et donc on marche sans être essoufflé. La marche nordique est idéale pour ça, avec un peu de pratique on peut prolonger des marches avec bâtons jusqu’à 2 h, bien sûr dès que la condition physique de base du pratiquant le permet. Pour la perte de poids chez les obèses, certains auteurs ont proposé de travailler sans risque au seuil de Lipoxmax vers 40 % de VO2max. Lipoxmax se situe où l’oxydation lipidique est la plus importante à partir de 45 min de marche nordique dans la séance [11].

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On développe également son endurance quand on s’entraîne souvent à intensité modérée, en multipliant les séances. Une séance tous les 3 jours au début puis tous les 2 jours, soit deux ou trois séances par semaine, est un rythme qui fera faire des progrès rapidement. Le travail à haute intensité (de plus de 60 % de VO2max à 100 %, voire 105 % de VO2max) comme évoqué plus haut avec des séances de fractionné est aussi un moyen de faire progresser son VO2max donc son endurance, il se fait sur des séances beaucoup plus courtes, l’éducateur saura les placer utilement dans la semaine. La formule de Karvonen ou comment fixer des niveaux d’intensité de travail physique Elle consiste en l’utilisation de la fréquence cardiaque (FC) de réserve. Ce calcul prend en compte la FC de repos : il est un peu plus précis que le simple pourcentage d’une FCmax théorique (FCmax théorique = 220 − âge), car la FC de repos est une donnée mesurée et non théorique et qu’en tenant compte d’une bradycardie (FC basse) ou au contraire d’une tachycardie (FC haute) de repos, elle modifie la FC cible. La formule est : FC réserve = FC max − FC repos La FC cible de travail se définit, en fonction de l’intensité désirée, par l’équation de Karvonen (1957) : FC repos + x % FC réserve = FC cible Cette formule est plus précise, car elle introduit un élément réel de la condition physique du jour du sujet, à savoir sa FC de repos. Exemple d’un homme de 50  ans qui débute la marche nordique  : sa FC repos prise au lit le matin avant de se lever, soit au niveau du pouls radial, soit par son cardiofréquencemètre, est de 63  battements par minute (bpm). Sa FCmax est de 170 bpm, soit 220 − 50, et sa FC de réserve est de 170 − 63 = 107. Il utilise à l’effort un cardiofréquencemètre et ne dépasse pas : 63 + 60 % de 107 = FC cible, soit 63 + 64,2 = 127,2 bpm ; à 60 %, on a une activité d’intensité dite modérée selon Haskell (tableau 5.2). On pourrait être plus précis dans notre calcul en prenant en compte la vraie FCmax, mais chez les débutants et les sédentaires, elle est rarement connue et on évitera de faire des efforts maximaux lors des premiers mois de pratique, donc la méthode maximale est à réserver aux sujets entraînés et celle de Karvonen à tous les débutants.

Haute intensité ou travail anaérobie lactique En travaillant par intermittence au-delà du seuil anaérobie ou seuil ventilatoire 2, voire en supra maximal au-delà de 100 % de VO2max, on travaille à la

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Tableau 5.2. Niveau d’intensité de travail déterminé selon les recommandations publiées en 1993 et revu en 2000 par Haskell (1993–2000) Intensité de travail

A*

B**

Très légère

< 25 %

< 30 %

Légère

25–44 %

30–49 %

Modérée

45–59 %

50–69 %

Intense

60–84 %

70–89 %

Très intense

85 % ou plus

90 % ou plus

Maximale

100 %

100 %

*A : fréquence cardiaque (FC) cible = X % de la FC réserve + FC repos. **B : FC cible = % de FC max (estimée ou calculée par test maximal). Source : Ainsworth BE, Haskell WL, Whitt MC, Irwin ML, Swartz AM, Strath SJ, et al. Compendium of physical activities : an update of activity codes and MET intensities. Med Sci Sports Exerc 2000 ; 32(9 Suppl) : S498-504.

fois l’endurance et la PMA. La marche nordique dynamique se prête très bien à ce type d’entraînement fractionné, ou interval-training ou encore entraînement intermittent. En alternant des phases de travail très intenses (marche à vitesse maximale, course glissée, jumping, dénivelé positif…) avec des phases de récupération (marche tranquille, descente, pause…), on obtient un effet d’entraînement très efficace, à l’image des pratiques des sportifs de haut niveau. Il existe beaucoup de types et de méthodes d’entraînements fractionnés variant intensité, fréquence et durée de l’effort. On peut facilement adapter à la marche nordique les méthodes qui sont couramment utilisées par les coureurs à pied et regarder les programmes et leurs périodicités (microcycles, macrocycles, récupération…) sur les sites Internet spécialisés, dans les revues et surtout avec les entraîneurs formés. Attention ce type de travail à haute intensité est réservé aux personnes initialement en bonne condition physique, car il peut être épuisant pour un organisme affaibli. Il faut donc inciter les pratiquants à interroger leur médecin traitant et le prescripteur de la marche nordique avant de se lancer dans ce type d’effort. Cela étant dit, le travail par intervalle à haute intensité commence à se développer pour les porteurs de pathologies chroniques, mais sous supervision médicale (médecin de médecine physique et de réadaptation, kinésithérapeute), en reconditionnement à l’effort par des alternances d’exercices à haute puis à basse intensité au sein de services spécialisés de réentraînement à l’effort, parfois avec l’enseignant en APA du service de soins de suite et de réadaptation (SSR). L’adaptation du travail à haute intensité sur le terrain se fera avec l’éducateur sportif, au mieux sur prescription médicale pour les patients, comme dans les réseaux sport-santé en France ou dans les dispositifs pratiquants le « sport sur ordonnance » et reconnus par les agences régionales de santé dans les plans « Sport-Santé Bien-être » en région

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(comme efFORMip en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ou SAPHYR dans le Grand Est et en Martinique…), ou dans les maisons ayant le label « sport-santé ».

Coordination Coordonner les mouvements des bras et des jambes, du côté droit et gauche du corps, en trouvant un rythme fluide est une excellente sollicitation psychomotrice. Il faut adapter l’équilibre aux environnements variés, aux sols changeants et aux divers obstacles naturels qui peuvent se présenter sur le parcours. On testera donc l’équilibre au repos sur deux jambes, puis en unipodal, puis en dynamique. Celui qui cherche à améliorer sa vitesse de marche à un haut niveau de performance constate que sa coordination entre les quatre membres demande à être affinée. On peut par moments utiliser les techniques de « course glissée » et du « jumping », qui ne sont pas à proprement parler des techniques de marche, mais des courses et sauts spécifiques à la marche nordique. Elles demandent un travail de coordination assez complexe. Il s’agit de rebonds plus ou moins longs en poussant sur les bâtons, y compris pendant une partie de la phase de suspension. Les rebonds ne sont pas dirigés vers le haut, mais vers l’avant, dans un mouvement linéaire. Ces techniques demandent beaucoup d’énergie. Elles se pratiquent sur de courtes distances, car l’intensité physique y est très élevée, elles aident à progresser en termes d’équilibre dynamique à haute vitesse. Elles sont interdites en compétition.

Récupération Dans la partie récupération, ne sont pas à oublier les étirements (voir plus haut), mais aussi le sommeil qui permet la restauration des métabolismes et la nutrition adaptée [12]. À retenir L’objectif principal est de rendre le marcheur régulier, heureux et autonome. On utilisera sur des terrains variés, dans un savant mélange, les six piliers de l’entraînement en marche nordique, à savoir : 1. récupération ; 2. renforcement musculaire ; 3. endurance cardiovasculaire (système aérobie) ; 4. coordination ; 5. travail à haute intensité (système anaérobie) ; 6. souplesse.

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Dans la récupération, ne seront pas oubliés les étirements, le sommeil et la nutrition adaptée. On conseillera aux marcheurs de tous les niveaux de : 1. noter le contenu de la séance, les douleurs, les sensations de difficulté, le plaisir à chaque séance sur son carnet de suivi ; 2. toujours suivre des entraînements variés en parcours et en intensité (c’est la science du coach) ; 3. travailler le renforcement musculaire qui est recommandé par toutes les sociétés savantes ; 4. toujours inscrire les temps de récupération en premier sur le programme d’entraînement.

Erreurs d’entraînement du trio médecin–coach sportif–patient Malheureusement, entraîner n’est pas une science exacte, comme la médecine d’ailleurs. On parle de l’art d’entraîner. Parfois l’éducateur n’est pas le genre d’artiste apprécié par le pratiquant (patient ou non) ou bien son « œuvre » ne convient pas (son plan d’entraînement sera trop dur ou pas assez ludique…), alors il faut les faire discuter entre eux, échanger pour s’accorder. Comme en médecine, entre le médecin et le patient, on cherche ici à établir un lien de confiance entre le pratiquant et le coach. Souvent pour les patients, le médecin établit le « tempo » par sa prescription (voir chapitre 8), mais c’est bien le coach qui met en musique la partition. Le cadre est fixé individuellement par le médecin, mais l’œuvre est écrite par le coach et joué par le patient : les trois doivent se trouver pour un résultat d’exception. Dans le sport de « haut niveau », les relations entre les professionnels entourant le sportif (médecins, kinésithérapeutes, psychologues du sport, diététiciens, podologues, entraîneurs, préparateurs physique et/ou mental) sont fréquentes et les échanges sur l’état de santé et de forme du sportif sont permanents (posant d’ailleurs des problèmes concernant le respect du secret médical et la vitesse de circulation des informations qui n’est pas la même pour les soignants et pour un entraîneur, voire un journaliste ou un spectateur). De même, pour la pratique de la marche nordique, la circulation d’informations entre le médecin prescripteur et l’encadrant de marche nordique doit absolument associer le pratiquant et respecter les règles du secret médical (voir chapitre 8). Dans tous les cas, c’est dans la communication maîtrisée et par l’échange triangulaire que le pratiquant en tirera profit pour sa santé, le médecin sera satisfait et l’encadrant rassuré. L’encadré ci-dessous et le tableau 5.3 listent les erreurs à éviter.

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Tableau 5.3. Erreurs récurrentes selon les CAS experts de la FFA Erreur

Correction

Amble Figure 5.14

La jambe et le bâton du même côté avancent en même temps, au lieu de l’opposition Pourquoi ? La coordination croisée et opposée entre les bras et les jambes est un geste compliqué. Ce n’est pas toujours naturel

- Décomposer le geste en marchant lentement - Accélérer, l’opposition peut se corriger - Faire des exercices de marche - Repérer le pied directeur de l’élève : debout, pieds joints, se laisser tomber en avant, et repérer quel pied avance naturellement en premier pour rétablir l’équilibre. Faire toujours démarrer l’élève avec son pied directeur - Faire démarrer l’élève avec son bras dominant

Arythmie Figure 5.15

Le rythme des bras ne correspond pas au rythme des jambes, mais est en général plus lent. Pourquoi ? Pousser avec les bras vers le bas et vers l’arrière ne semble pas toujours naturel. Quand on a quelque chose dans les mains nous avons tendance à plutôt les soulever

- Marcher lentement en effectuant de très grands pas - Marquer fortement le planter de bâtons

Marche en coude Figure 5.16

Les bras restent trop fléchis et trop près du corps en permanence, ils ne s’allongent pas

- Agrandir et allonger les pas et ralentir l’allure pour avoir le temps d’allonger les bras en avant et en arrière - Incliner le buste plus en avant - Essayer des bâtons plus longs ou plus courts

Bras raides Figure 5.17

Les bras s’allongent devant, mais ne se déplacent pas en arrière, les coudes restent trop tendus. Les bâtons restent trop en avant, la démarche est raide Pourquoi ? Il est naturel d’amener les bras en avant, mais l’espace postérieur est plus difficile à utiliser

Insister sur la poussé des bras en arrière, donner le temps pour ça en faisant de grands pas

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Piquer de tête Figure 5.18

Erreur

Correction

La tête se penche trop en avant et vers le bas, le dos se voûte Pourquoi ? Il y a des irrégularités et de petits obstacles sur les chemins dans la nature, qui peuvent inquiéter et inciter à surveiller constamment ses pieds

- Se redresser et porter le regard au loin, à environ 2 m devant soi - Observer la nature environnante, et pas seulement le chemin où on met les pieds

Erreurs les plus fréquentes Ne pas considérer la marche nordique pour la santé comme un jeu simple ! ■ Complexifier une gestuelle pour le moins naturelle ! ■ Choisir des bâtons trop longs ou trop courts par rapport à sa morphologie. ■ Mal régler son gantelet ou sa dragonne : trop ou pas assez serré. ■ Ne pas planter le bâton du même côté que le pied avant, ce qui signifie marcher à l’amble. ■ Planter le bâton trop en arrière ou trop en avant. ■ Serrer la poignée en permanence, avoir la main ouverte tout le temps. ■ Marcher tête baissée en regardant le sol, avoir le dos courbé en avant. ■ Mauvaise attaque du pied, marcher sur les talons sans passer vers l’avant-pied, ouvrir trop les pieds en rotation externe. ■ Chaussures de randonnée trop montantes (préférer les chaussures basses type trail ou running simple et pas chères). ■ Ne pas boire ou ne pas s’alimenter avant l’entraînement, oublier de boire pendant la sortie. ■ Négliger de s’échauffer ou s’échauffer trop rapidement. ■ Ne faire que marcher et délaisser le renforcement musculaire et le travail d’équilibre. ■ Ne pas s’étirer ou mal s’étirer. ■ S’entraîner irrégulièrement. ■ S’entraîner en solitaire tout le temps. ■ Augmenter brutalement son volume d’entraînement. ■ Ne pas varier le type, la durée et la longueur d’entraînement. ■ Faire des sorties trop longues et trop fréquentes ou trop courtes et une seule fois par semaine. ■ Ne pas respecter des temps de récupération. ■

Source  : liste établie à partir des sources suivantes  : https://www.running-addict.fr/conseil-running/5erreurs-classiques-de-lentrainement-en-course-a-pied/ et https://www.ecoledemarchenordiqueparis.com.

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Références [1] Knobloch K, Vogt PM. Nordic pole walking injuries - nordic walking thumb as novel injury entity. Sportverletzung-Sportschaden 2006 ; 20(3) : 137‒42. [2] Ekstrand J, Hägglund M, Walden M. Injury incidence and injury patterns in professionalfootball – the UEFA injury study. Br J Sports Med 2011 ; 45 : 553‒8. [3] Kaux JF, Julia M, Chupin M, Delvaux F, Croisier JL, Forthomma B, et al. Revue épidémiologique des blessures lors de la pratique du rugby à XV. Journal de traumatologie du sport 2014 ; 31(1) : 49‒53. [4] Bennell KL, Crossley K. Musculoskeletal injuries in track and field : incidence, distribution and risk factors. Aust J Sci Med Sport 1996 ; 28(3) : 69‒75. [5] Coutrel M. La marche nordique s’inscrit-elle déjà dans la démarche du sport-santé ? État des lieux dans les clubs des Pays de la Loire [thèse d’exercice de médecine]. Angers : université d’Angers 2019. [6] Bigard X. Activité physique et prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques. Quelles compétences pour quels patients ? Quelles formations ?. Rapport remis au directeur général de la santé 2016 Juin. [7] Dictionnaire Médicosport-santé©. En ligne (consulté le 18/09/2020) : https://www.vidal.fr/infossport-medicosport-sante/. [8] Monpère C. Les dernières recommandations françaises en réadaptation cardiaque : que faut-il en retenir ?. Réalités Cardiologiques 2013 ; 297(1). [9] Hudson D. The effect of walking with poles on the distribution of plantar pressures in normal subjects. PM R 2014 ; 6(2) : 146‒51. [10] . Parcours de santé : prescription d’activité physique et sportive pendant la grossesse et en postpartum. Juillet 2019. En ligne [consulté le 10/12/2020] https://www.has-sante.fr/upload/docs/ application/pdf/2019-07/app_329_ref_aps_grossesse_vf.pdf. [11] Brun JF, Romain AJ, Mercier J. Maximal lipidoxidation during exercise (Lipoxmax) : from physiological measurements to clinical applications. Facts and uncertainties. Sci Sports 2011 ; 26 : 57‒71. [12] Bigard X, Guezennec CY. La nutrition du sportif, 3e éd Issy-les-Moulineaux Elsevier Masson ; 2017.

CHAPITRE

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La marche nordique au regard des connaissances scientifiques et médicales PLAN DU CHAPITRE ■■ Effets cardiovasculaires, neurologiques et psychologiques

yy Dépense énergétique et débit de consommation maximale d’oxygène yy Dénivelé en marche nordique et débit de consommation maximale d’oxygène yy Influence de la technique de marche nordique utilisée sur la consommation d’oxygène yy Effet sur la pression sanguine artérielle yy Effet surface sur le coût énergétique yy Influence de la vitesse de marche yy Tests d’évaluation de la condition cardiovasculaire en marche nordique yy Absence d’effet sur les paramètres hémodynamiques yy Comment la marche nordique influence les paramètres lipidiques et la composition corporelle ? yy Effet de la marche sur le cerveau yy Effets psychologiques de la marche ■■ Aspects biomécaniques : comment marche-t-on avec des bâtons à la main ? ■■ Pathologies

yy Maladies cardiovasculaires (artérite, maladies coronaires aiguës et chroniques, insuffisance cardiaque) Marche nordique et santé © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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yy Diabète, surpoids, obésité yy Maladies neurologiques yy Atteintes de l’appareil locomoteur et troubles musculosquelettiques yy Arthropathie et hémophilie yy Cancer yy Syndrome de Sjögren yy Dépression yy Fibromyalgie yy Maladies respiratoires ■■ Personnes avançant en âge ■■ Femmes enceintes

yy La marche nordique fait partie des sports recommandés yy Intensité de l’exercice physique yy Durée de l’exercice yy Fréquence de l’exercice yy Conseils nutritionnels yy Après l’accouchement ■■ Intérêt de la marche nordique dans les pathologies du compétiteur ■■ Enfant

La littérature sur la marche nordique est présente principalement en Europe du Nord et en Europe centrale et orientale. On trouve quelques articles nord-américains, italiens, japonais et français. Une intéressante revue de la littérature polonaise a porté sur une recherche des bases de données informatiques (MEDLINE/PubMed, CINAHL et SPORTDISCUS) afin d’identifier des études sur la marche nordique publiées entre 1995 et 2009 et issues de recherches scientifiques [1]. Ainsi, 26 études respectaient les critères d’inclusion ; la majorité de ces études (12) discutait des aspects physiologiques ; 11 études étaient consacrées à la marche nordique comme une forme de pratique physique de réadaptation (incluant une étude de cas) et 3 études se concentraient sur la question de l’aspect biomécanique de la marche nordique. Les conclusions de cette analyse sont assez prudentes sur les preuves existantes à ce jour de tous les avantages largement promus par tous les auteurs de sites Internet consacrés à la marche nordique et par les fabricants de matériels. Les publications analysées n’ont pas souvent fourni d’explications suffisantes. Par exemple, les auteurs ont noté qu’il y avait une grande divergence dans les résultats de réponses physiologiques selon les différentes conditions d’analyse (sur un tapis de jogging, en montée/en descente) [1]. Le phénomène de la marche nordique reste ainsi encore peu étudié. En mai 2020, le nombre d’articles publiés dans des revues indexées ayant le terme « nordic walking » dans leur titre sur le site Internet ScienceDirect était de 42 articles depuis 2001, avec la parution de 3 articles en 1999 ; ensuite, on note une publication progressivement croissante jusqu’en 2017 (8 articles), puis baissant en 2018 et 2019 signant peut-être la fin de l’intérêt grandissant des scientifiques pour la discipline

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(la tendance sur PubMed est identique). Le milieu universitaire des mémoires et des thèses (voir Google scholar) suit le même rythme montrant un intérêt qui s’effrite comme si tout avait été dit sur la marche nordique, nous suivrons les tendances sur les prochaines années. Remarque Nombre d’articles comprenant le terme « nordic walking » sur le site Internet ScienceDirect en mai 2020 : ■ nordic walking and health : 9 articles ; ■ nordic walking and Parkinson : 5 articles et 6 conférences depuis les années 2008 dont 3 revues de la littérature ; ■ nordic walking and obesity : 7 articles ; ■ nordic walking and diabetes : 2 articles ; ■ nordic walking and cardiovascular (incluant les artériopathies oblitérantes des membres inférieurs) : 6 articles ; ■ nordic walking and stroke : 1 article. Nombre d’articles comprenant le terme « nordic walking » sur le site Internet Pubmed en mai 2020 : ■ nordic walking : 58 articles ; ■ nordic walking and health : 32 articles ; ■ nordic walking and Parkinson : 7 articles ; ■ nordic walking and obesity : 6 articles ; ■ nordic walking and diabetes : 7 articles ; ■ nordic walking and cardiovascular : 8 articles, dont 4 incluant les artériopathies oblitérantes des membres inférieurs ; ■ nordic walking and stroke : 3 articles.

Effets cardiovasculaires, neurologiques et psychologiques La marche nordique convient à tout le monde, elle permet de randonner plus vite et plus loin. Avec les bâtons, la marche est ressentie comme plus facile. Qu’en est-il vraiment sur la dépense énergétique (DE), le débit de consommation maximale d’oxygène (VO2max), le coût énergétique, la pression sanguine artérielle ?

Dépense énergétique et débit de consommation maximale d’oxygène La propulsion avec les bâtons fait travailler, en plus d’une marche classique, les muscles des membres supérieurs, des épaules et du tronc, d’où l’augmentation de la DE par rapport au même exercice sans bâtons. Ceci est décrit depuis les années

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1992–1995 [2]. Or la DE à l’effort est liée en grande partie aux variations du débit cardiaque pour apporter, via le sang, de l’énergie aux muscles : sous forme d’oxygène, de glycogène, de protéines, de lipides et de lactate qui métabolisés dans le muscle produisent les molécules énergétiques d’adénosine triphosphate (ATP). Grâce à la machinerie cellulaire des fibres musculaires, cette énergie se transforme en mouvement (d’où le nom d’énergie mécanique). Ainsi, plus il y a de la masse musculaire impliquée dans le mouvement, plus la DE est élevée : la marche nordique est donc plus « énergétivore » que la marche classique du fait de l’utilisation des membres supérieurs avec les bâtons. La revue de la littérature faite par Morgulec-Adamowicz et  al. est intéressante pour bien comprendre le bénéfice santé de la marche nordique sur le plan cardiovasculaire [1]. Church et al. [3] ont étudié la marche chez 11 femmes et 11 hommes de 27 et 33 ans de moyenne d’âge respectivement avec et sans bâtons dans des conditions de terrain variées. Ils ont trouvé une dépense énergétique significativement plus élevée (p